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Monsieur le Président, je tiens à souligner d'entrée de jeu la profondeur, la qualité et le sérieux du travail qu'a accompli l'autre endroit dans son étude du projet de loi .
Le nombre d'amendements présentés et longuement débattus en dit long, tant sur la complexité de la question que sur le zèle déployé par les sénateurs pour améliorer le projet de loi.
Le projet de loi , tel qu'adopté par la Chambre des communes, représente le choix du gouvernement sur le plan de la politique à établir à l'égard de l'aide médicale à mourir. Il s'agit d'un choix fondé sur des principes, circonspect et délibéré. Le texte a été rédigé avec soin. Le projet de loi établit l'équilibre le plus approprié entre, d'une part, l'autonomie des patients par rapport à leur propre mort et, d'autre part, la protection des personnes vulnérables et d'autres intérêts sociaux plus généraux, comme la valorisation de la vie de tous, la prévention du suicide et la non-banalisation du recours à la mort comme solution à la souffrance. Plusieurs amendements au projet de loi C-14 ont été adoptés à l'autre endroit.
Le plus important d'entre eux consiste à supprimer la définition de « problèmes de santé graves et irrémédiables », ce qui a essentiellement pour effet de ne plus limiter l'accès à l'aide médicale à mourir à ceux dont « la mort est devenue raisonnablement prévisible. » Il semble qu'on ait jugé ce critère inconstitutionnel parce qu'il n'apparaît pas explicitement dans la décision de la Cour suprême, ce qui aurait motivé cet amendement.
De nombreux juristes ont témoigné devant le Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles de l'autre endroit. Certains ont fait valoir que le projet de loi , tel qu'il a été adopté initialement par la Chambre des communes, serait jugé inconstitutionnel au terme d'une contestation judiciaire.
D'autres affirmaient le contraire, en revanche, faisant valoir que le projet de loi tel qu'il a été adopté par la Chambre, assorti de l'exigence selon laquelle la mort naturelle doit être raisonnablement prévisible, est conforme à la Constitution. La Cour suprême a clairement affirmé dans l'arrêt Carter que le rôle du Parlement est de dresser un régime réglementaire complexe sur l'aide médicale à mourir et que la magistrature montrerait beaucoup de retenue à son égard.
Chers collègues, en ma qualité de ministre de la Justice et de procureure générale du Canada, je suis convaincue que le projet de loi tel qu'il a été adopté par la Chambre est constitutionnel. Tel que le précise l'addenda au résumé législatif que j'ai distribué à tous les parlementaires plus tôt dans la semaine et que j'ai le plaisir de déposer à la Chambre aujourd'hui, il s'agit de déterminer si le régime réglementaire complexe établi aux termes du projet de loi C-14 est conforme à la Charte et non si le libellé employé est calqué sur celui de la Cour suprême dans l'arrêt Carter. En réponse à la demande de la magistrature, le Parlement a présenté un projet de loi mûrement réfléchi, prudent et fondé sur des principes.
Il s'agit d'une discussion porteuse de changements et d'un premier pas important pour notre pays. Il importe de souligner que le projet de loi est très différent des anciennes dispositions législatives qui ont été contestées devant la Cour suprême dans l'affaire Carter. Le projet de loi proposé par le gouvernement autoriserait l'aide médicale à mourir dans le cas de la grande majorité des Canadiens qui souhaiteraient y avoir accès et il vise de nouveaux objectifs ayant une portée plus vaste que les anciennes dispositions législatives.
Le projet de loi est une nouvelle mesure législative qui présente de nouvelles caractéristiques, et l'analyse de sa constitutionnalité doit en tenir compte. L'arrêt Carter ne marque pas à lui seul la fin de l'histoire ni la fin de notre discussion nationale. La conclusion qui s'impose en l'occurrence, c'est qu'il existe des points de vue diamétralement opposés, mais raisonnables, au sujet de la constitutionnalité du projet de loi C-14.
La situation n'est pas inédite. Dans le cadre d'un débat sain, il est normal que des juristes divergent d'opinion sur les avantages d'une mesure législative qui n'a pas encore été examinée par les tribunaux. Cependant, je suis d'avis qu'il serait mal avisé de modifier fondamentalement l'équilibre délicat qui a été délibérément atteint dans le projet de loi simplement en raison d'opinions divergentes.
Comme l'a déclaré la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Carter, « un système de garanties soigneusement conçu et surveillé peut limiter les risques associés à l’aide médicale à mourir ». Les orientations du gouvernement, que reflète le projet de loi , ont été soigneusement mûries afin de protéger les Canadiens vulnérables contre les divers types de risques.
Tout d'abord, il faut protéger les personnes qui présenteront une demande d'aide médicale à mourir. Le projet de loi , tel qu'il a été adopté par la Chambre des communes, limiterait l'accessibilité à l'aide médicale à mourir aux personnes dont la mort est devenue raisonnablement prévisible, à condition que les solides mécanismes de protection qui figurent dans le projet de loi permettent de réduire adéquatement les risques à leur égard. Cela dit, si on élargissait énormément les critères d'admissibilité pour que tous les Canadiens qui sont aux prises avec des souffrances intolérables puissent avoir accès à l'aide médicale à mourir, que leur mort soit raisonnablement prévisible ou non, comme le prévoient les amendements proposés à l'autre endroit, on créerait plus de risques de toutes sortes, qui seraient beaucoup plus difficiles à détecter.
Parmi ces risques, il y a la possibilité, bien réelle, que des personnes demandent l'aide médicale à mourir pour diverses raisons d'ordre psychosocial, émotionnel ou systémique qui ne sont pas liées à leur condition médicale, mais qui exacerbent leurs souffrances. Des gens pourraient mourir inutilement ou prématurément, alors que d'autres options s'offrent à eux, des options qui pourraient leur permettre d'améliorer leur qualité de vie. Certaines situations qui sont survenues dans des pays qui autorisent l'aide médicale à mourir montrent que ces préoccupations sont bien réelles. Nous ne pensons pas que c'est ce que les Canadiens veulent.
Ce qui est encore plus important, c'est que même si les gens qui siègent à l'autre endroit ont élargi les critères d'admissibilité énoncés dans le projet de loi, ils n'ont pas proposé de nouvelles mesures de protection qui s'appliqueraient dans les cas mêmes où il faut faire preuve d'une extrême prudence. Cela veut donc dire que quiconque a de graves problèmes de santé, qu'il s'agisse d'un soldat atteint d'un trouble de stress post-traumatique, d'un jeune qui a subi des lésions médullaires à la suite d'un accident ou d'une personne qui a survécu à des agressions sexuelles et qui est hantée par ce souvenir, pourrait être admissible à l'aide médicale à mourir. Si je mentionne ces exemples, qui viennent d'autres pays, ce n'est pas pour faire du sensationnalisme, mais plutôt pour faire ressortir les véritables risques en cause.
Par ailleurs, au-delà des risques pour les personnes qui présentent une demande, offrir l'aide médicale à mourir à tous les Canadiens qui souffrent aurait aussi des répercussions à très grande échelle. Une telle mesure modifierait les valeurs de notre société et elle enverrait un bien mauvais message aux Canadiens les plus vulnérables, qui n'auraient peut-être jamais demandé l'aide médicale à mourir. Or, face à de tels risques, il n'existe aucune mesure de protection apparente.
Si on élargit les critères d’admissibilité à l’aide médicale à mourir pour inclure les personnes dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible, on renforce les préjugés qui peuvent exister quant à la qualité de vie et à la dignité des personnes ayant un handicap. Des organismes de défense des personnes handicapées, comme l’Association canadienne pour l’intégration communautaire et le Conseil des Canadiens avec déficiences, nous ont mis en garde contre la dévalorisation de la vie des Canadiens ayant un handicap que risque d'engendrer l’élargissement des critères d’admissibilité. Ils nous ont dit qu’une telle dévalorisation se produit lorsque la loi suppose que vivre avec un handicap peut être tellement insupportable que la mort doit être une option sanctionnée par l’État.
En élargissant les critères d’admissibilité, nous risquons aussi d’envoyer le message que la société juge approprié de traiter la souffrance par la mort volontaire. Un tel message risque d’encourager des personnes qui traversent une crise et qui songent déjà à se suicider à passer aux actes, même sans aide. Des garanties procédurales seront inutiles pour ces personnes-là. La relation existant entre l’aide médicale à mourir et le suicide n’a pas été suffisamment étudiée; pour prendre la meilleure décision possible, nous devons nous informer davantage. Je tiens à saluer la qualité et la sensibilité des débats qui se sont déroulés à l'autre endroit sur ce sujet terriblement important.
Nous prenons acte des amendements substantiels que l'autre endroit a apportés au projet de loi , notamment le fait qu’une personne qui signe la demande d’aide au nom du patient ne doit ni savoir ni croire qu'elle sera bénéficiaire du patient à la mort de celui-ci. C’est un amendement que nous sommes prêts à appuyer, car il est tout à fait judicieux, il améliore le projet de loi et il constitue une balise appréciable. Il importe aussi bien sûr de s’assurer que le patient est au courant de tous les moyens disponibles pour alléger ses souffrances, y compris les soins palliatifs.
Un autre amendement relatif au système de surveillance oblige le à adopter des règlements et des lignes directrices. Le gouvernement salue la volonté de l'autre endroit de s’assurer que des règlements seront en place pour encadrer le régime de surveillance. Les Canadiens veulent eux aussi être sûrs que ce système sera assorti des mécanismes de surveillance appropriés, et nous appuyons cet amendement bien formulé que l'autre endroit a adopté.
Un autre amendement exige que les examens indépendants dont il est question dans le projet de loi, qui concernent les demandes faites par les mineurs matures, les demandes anticipées et les demandes où la maladie mentale est la seule condition médicale invoquée, soient réalisés d’ici deux ans. Cet amendement proposé par l'autre endroit traduit l’intérêt que les Canadiens portent à ces questions extrêmement complexes et la volonté du gouvernement de rendre des comptes par rapport à chacune d'entre elles. Pour cette raison, nous l'appuyons.
Je tiens également à saluer le travail exhaustif qu'a accompli le Comité permanent de la justice et des droits de la personne, dont l’examen minutieux du projet de loi a abouti à l’adoption de 16 amendements issus de tous les partis.
J’exhorte tous les députés à garder à l’esprit qu’il est urgent de mettre en place un cadre législatif fédéral en ce qui concerne l’aide médicale à mourir. Étant donné la force et la clarté du droit pénal, l’absence d’un tel cadre exposerait tous les Canadiens à beaucoup d'incertitude.
Il ne faut absolument pas oublier que le projet de loi a été rédigé avec le plus grand soin dans le but de mettre en place un régime cohérent et équilibré. Or, sans les balises appropriées, l’élargissement des critères d’admissibilité aux personnes dont la mort n’est pas proche compromettrait cet équilibre.
Depuis que nous avons formé le gouvernement, nous avons passé d'innombrables heures à consulter les Canadiens et les parties intéressées, considérant attentivement tous les témoignages et les divers points de vue à l'égard de cette question incroyablement difficile. Nous avons confiance en l'orientation exprimée dans le projet de loi . Le projet de loi représente la bonne approche pour le Canada en ce moment important de l'histoire de notre pays. J'invite tous les députés à appuyer la motion du gouvernement, laquelle respecte la contribution de l'autre endroit à ce débat important et maintient l'équilibre le plus approprié pour tous les Canadiens.
Je suis heureuse de déposer, dans les deux langues officielles, un document intitulé « Contexte législatif: aide médicale à mourir (projet de loi C-14) — Addendum ».
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de
Je serai bref. Je me pencherai sur quelques-uns des amendements que le gouvernement a acceptés et je ferai également certaines mises en garde.
Je remercie la ministre d'avoir conservé un libellé aussi rigoureux que possible. Il est nettement préférable de dire « raisonnablement prévisible » plutôt que « graves et irrémédiables ». Comme le suicide assisté constitue un changement fondamental dans notre société, nous ne souhaitons pas libéraliser cette pratique au point d'inciter un grand nombre de personnes souffrant de maladies physiques ou mentales à y avoir recours.
Je comprends le changement de libellé mineur qu'apporte l'amendement sur les soins palliatifs. S'il est vrai que les patients doivent prendre des décisions éclairées à l'égard de simples procédures médicales normales, il est encore plus important de le faire dans une situation comme celle dont nous sommes saisis qui a des conséquences graves. Essentiellement, comme il s'agit vraisemblablement de la dernière décision que prendront la plupart des gens, il est crucial qu'elle soit éclairée. Par conséquent, il faut connaître les autres options qui s'offrent pour soulager la douleur et ne pas oublier les soins palliatifs.
J’espère que le gouvernement travaillera avec les provinces dans les mois et les années à venir pour mettre en place un régime de soins palliatifs solide, afin que ce genre de décision ne soit pas prise sans qu’il y ait vraiment d’options concrètes pour prolonger la vie de façon aussi confortable que possible, tout en comprenant les problèmes difficiles auxquels sont souvent confrontés les membres de la famille.
J’aurais aimé que le gouvernement inclue l’amendement indiquant que les bénéficiaires de successions ou de polices d’assurance ne peuvent pas participer directement à l’aide au suicide. Il s’agit d’un amendement qu’il est important de garder. L’aide médicale à mourir sera nouvelle au Canada et nous ne savons pas comment se dérouleront les choses. Il est donc important de prévoir des mesures de protection pour éviter que des pressions soient exercées pour inciter des personnes à prendre cette décision.
Bien des députés auront entendu parler de l’affaire Terri Schiavo en Floride. Un différend pénible opposait les parties et les allégations fusaient de part et d’autre. Il s’est avéré, entre autres, qu’un des membres de la famille qui demandaient l’arrêt des soins de fin de vie faisait partie des bénéficiaires d’une police d’assurance. On ne peut s’empêcher de penser à ce qui pourrait arriver à des personnes qui ne souhaitent pas mettre fin à leurs jours et qui sont dans l’incapacité de donner leur consentement ou de s’opposer à la fin des soins et pour qui les décisions sont prises par des tiers.
J’aimerais revenir sur quelques commentaires qui m’inquiètent. J’ai entendu des membres du gouvernement et la ministre dire qu’il s’agit d’une première étape et que la loi pourrait être élargie par la suite. Je trouve cela très préoccupant. La Chambre prend cette décision à cause d’un arrêt de la cour. La Cour suprême du Canada a infirmé sa décision initiale qui confirmait les lois contre l’aide au suicide et elle s’est déchargée du problème sur le Parlement.
Je comprends qu’il fallait que le gouvernement comble ce vide juridique et je le félicite d’utiliser les termes « raisonnablement prévisible » plutôt que « graves et irrémédiables ». Cependant, je me méfie de ce qui pourrait pointer à l’horizon. Je trouve vraiment inquiétant d’entendre dire que ce projet de loi est une première étape. Je tremble à l’idée de ce à quoi cela pourrait nous mener. Si on ouvre davantage ce type de régime, des gens qui traversent des difficultés, peut-être temporaires, physiques et mentales, y recourront.
J’espère que nous avons créé un cadre rigoureux qui ne sera pas élargi. Je vais en suivre l'évolution et je ferai tout ce qui est en mon pouvoir pour qu'il ne soit pas élargi, et j’espère que beaucoup de mes collègues en feront de même. Je ne veux pas suivre le chemin qu’ont suivi certains pays européens où cette mesure est utilisée de manière bien plus active et élargie. Bien souvent, il est question de personnes vulnérables ou souffrant de graves handicaps qui sont incapables de communiquer leurs souhaits et ce sont d’autres membres de la famille ou d’autres soignants qui décident pour elles.
Le Canada pourrait se préparer à des jours sombres si ce projet de loi est une première étape. Maintenant que celui-ci comble le vide juridique et que nous avons créé un cadre assez strict et rigoureux, j’espère que nous nous arrêterons là. Je ferai tout mon possible pour que ce soit le cas.
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Monsieur le Président, c’est un plaisir de prendre la parole probablement pour la dernière fois au sujet de ce projet de loi, mais certainement pas sur cette question en général.
Je vais parler de différentes questions qui ont été soulevées et de détails qui restent à régler.
Tout d’abord, il est important de souligner que nous n’existons pas dans un vide législatif à l’heure actuelle. Le gouvernement a, selon moi, créé cette sorte de sentiment artificiel de peur, cet échéancier artificiel qui dit que nous devons adopter ce mauvais projet de loi, selon moi, juste parce que si nous ne l’adoptons pas, il n’y aura pas de loi.
Le 6 juin est passé. Des lignes directrices provinciales sont en place. Je ne conteste pas le fait qu'une version améliorée d'un cadre fédéral serait souhaitable. Je ne me suis certainement pas opposé au principe voulant que le gouvernement fédéral légifère dans ce domaine. Après tout, nous parlons des grandes lignes d'une exception au Code criminel. Toutefois, en l'absence d'un travail minutieux à cet égard de la part du gouvernement, qui n'a pas réussi à établir un mécanisme de contrôle, un système de protection, il se peut — et c'est le cas à mon avis pour le présent projet de loi — qu'il vaille mieux rejeter le projet de loi, en vue d'en présenter un meilleur plus tard. Je vais expliquer pourquoi c'est le cas et à quoi pourrait ressembler un projet de loi amélioré.
Toutefois, je crois qu'il est essentiel de reconnaître qu'il n'y a pas de vide juridique. Ce n'est pas comme si on tuait des gens sans une forme de système, de mécanisme de contrôle et de mesures de sauvegarde. Les provinces étaient prêtes alors que le gouvernement fédéral ne l'était tout simplement pas.
Je crois que nous sommes témoins de l'échec d'un processus. Je vais expliquer brièvement en quoi consistait ce processus.
La Cour suprême a rendu sa décision lorsque les conservateurs étaient au pouvoir. Nous avons créé un groupe d'experts chargé d'étudier la question et de présenter un rapport après les élections. Il aurait été difficile pour les politiciens de prendre part à un processus de consultation immédiatement avant et pendant les élections. Toutefois, le groupe d'experts était en place, a consulté les Canadiens et était prêt à présenter les résultats de ses consultations de même qu'à soumettre ses recommandations en matière de politique.
Lorsque le nouveau gouvernement est arrivé au pouvoir, il a supprimé le pouvoir du groupe d'experts de soumettre des recommandations en matière de politique. Son rapport portait uniquement sur les consultations. Lorsque le gouvernement parle de cette période, il dit à tort que le gouvernement précédent n'a rien fait pour avancer le dossier, alors que c'était sa décision de retirer le pouvoir essentiel du groupe d'experts de soumettre des recommandations en matière de politique.
La Chambre a ensuite été saisie, en décembre, d'une motion créant un comité mixte spécial de la Chambre et du Sénat chargé d'étudier la question. Ce comité aurait pu siéger pendant le congé des Fêtes, mais il ne l'a pas fait. Il a été pressé par le temps lorsqu'il a repris ses travaux. Il s'est ensuite écoulé plusieurs mois avant que le gouvernement fédéral ne présente une mesure législative. Dans la mesure où un an et quatre mois est une assez courte période, le comité, la Chambre et, il va sans dire, le Sénat ont fini par être pressés par le temps, parce que nous n'avons pas tiré parti autant que nous l'aurions pu du groupe d'experts créé par l'ancien gouvernement. Les consultations de ce groupe d'experts étaient beaucoup plus vastes que celles du comité spécial et du comité de la justice — même si, dans le cas du comité de la justice, je suis convaincu que ce n'était pas du tout par mauvaise foi. Le processus de sélection des témoins entendus par le comité mixte spécial m'a laissé perplexe. Bien des gens, dont certains intervenants dans l'affaire Carter, n'ont pas pu participer aux audiences du comité. Quoi qu'il en soit, nous avons fini par être artificiellement pressés par le temps, et nous voyons ce qui se produit aujourd'hui.
Le gouvernement essaie encore une fois de créer une situation d'urgence artificielle au lieu d'approfondir le débat. Le Québec a mis six ans pour étudier cette question. Je ne suis pas en train de dire que nous pourrions ou que nous devrions l'étudier pendant six ans, mais il aurait été beaucoup plus prudent de présenter plus tôt un projet de loi et de se fier davantage aux travaux du groupe d'experts, car nous sommes maintenant pressés par le temps. J'estime toutefois qu'il faut refuser d'agir dans la précipitation, comme le veut le gouvernement, et choisir plutôt de régler comme il se doit les grandes failles du projet de loi.
Nous constatons du laisser-aller dans ce projet de loi, surtout en ce qui a trait à la question de prévisibilité raisonnable. La ministre de la Justice vient de parler, et je partage les préoccupations qu’elle a soulevées sur le fait de laisser la porte grande ouverte, mais je crois que ce qu’elle néglige, c’est que la prévisibilité raisonnable n’est en aucune manière assez claire pour être une véritable garantie.
J’ai entendu la ministre parler à maintes reprises de la prévisibilité raisonnable et je comprends qu’en réponse à ma courte question, elle n’a pas eu le temps de la définir complètement, même si elle le voulait. Cependant, l’ayant entendue parler à plusieurs reprises de ce sujet, je trouve que ce n’est pas du tout clair. Peut-être que des intervententions ultérieures nous éclaireront davantage.
De toute évidence, la mort est raisonnablement prévisible pour nous tous. Cela fait partie de la condition humaine. Nous naissons et nous mourons. Il n’y a certainement personne d’un côté ou de l’autre du débat qui a suggéré que la mort naturelle est anormale, mauvaise ou quelque chose dont il faut avoir peur. Cela fait partie de la vie et elle est raisonnablement prévisible pour nous tous. Cependant, cela ne signifie pas que nous ne devrions pas nous inquiéter des politiques qui écourteraient artificiellement le processus de vie et de mort naturelles.
Toutefois, si la prévisibilité raisonnable est si importante, nous devons alors avoir une définition. Il faudrait être clair sur ce que cela signifie. Les libéraux ont dit qu’ils ne parlent pas de mort naturelle imminente, mais éventuelle. J’ai déjà évoqué, en plaisantant, l’époque où j’apprenais à conduire et où ma mère pensait que la mort était raisonnablement prévisible chaque fois que nous montions dans la voiture. L'élément essentiel demeure: la mort est raisonnablement prévisible pour nous tous. Cela fait partie de la condition humaine.
Voilà pourquoi je dis qu'il y a du laisser-aller. Cela ne constitue pas une mesure de sauvegarde. Or, nous avons besoin de véritables sauvegardes. Je crois que le gouvernement fédéral devrait envisager des garanties qui s’inspirent de celles que le gouvernement du Manitoba a présentées, selon lesquelles une autorité juridique compétente examine les cas pour s’assurer que des critères d’ordre juridique sont respectés. Il ne s'agit pas d'un examen judiciaire. Des avocats du gouvernement sont désignés à cette fin.
Dans d’autres provinces, on a mis en place un système qui inclut automatiquement un médecin traitant. Si le médecin traitant se prévaut du droit à l’objection de conscience, un autre médecin traitant peut évaluer la situation. Cependant, le système ne permet pas à une personne de trouver n’importe quel médecin qui convient que le malade répond aux critères; il prévoit que le médecin ou une personne qui dispense des soins au malade fasse l’évaluation. Si on examine ce que les provinces ont déjà fait en matière de garanties, on constate que ce sont des choses que le gouvernement fédéral pourrait adopter.
Je suis déçu, franchement, en tant que député fédéral, de voir le gouvernement ne pas faire preuve de diligence raisonnable comme certaines provinces l’ont fait lorsqu’il s’agit de trouver de véritables garanties dans un délai relativement serré. Le gouvernement a adopté une approche qui consiste à créer une sorte d’urgence artificielle, au lieu d’effectuer un minutieux travail préliminaire. Il a créé cette contrainte de temps en remettant la question à la dernière minute, puis en disant qu’il faut l’adopter, sous peine de laisser un vide législatif. Il n’y a pas de vide législatif, et encore une fois, le travail important n’a pas été fait, à savoir de clarifier les garanties.
Je ferai un commentaire général. J’ai demandé à maintes reprises au gouvernement de nous donner des définitions. Sur cette question et sur toute une série d’autres questions, le gouvernement utilise des mots sans établir clairement ce qu’ils signifient. C’est le cas des dispositions de ce projet de loi, mais de façon plus générale, c’est le cas des principes qui le sous-tendent. Une bonne partie des arguments en faveur de ce projet de loi viennent du concept de la dignité humaine, des droits de la personne fondés sur la notion de dignité humaine. Je pense que nous sommes tous d’accord pour dire que les droits de la personne ont pour fondement la dignité humaine. On donne des droits aux gens sur la base de ce qu’ils sont foncièrement. Pourtant, en ce qui a trait à la notion de mourir dans la dignité, le gouvernement ne nous a pas dit ce qu’il entend par « dignité ».
Je crois à la notion de dignité humaine intrinsèque. La dignité est présente en nous tous. Je sais qu’un sénateur qui me critiquait dans les médias a suggéré que les jeunes ne peuvent pas comprendre cette question parce qu’ils ne passent pas assez de temps dans les foyers de soins infirmiers. Depuis très longtemps, je fais régulièrement du bénévolat dans des foyers de soins infirmiers et, récemment, mon grand-père est décédé dans un établissement de soins. Il est important pour moi de croire, mais plus que cela, de savoir, qu’il a conservé sa dignité en dépit de ses souffrances.
Bon nombre d’entre nous ici ont vu ou ont côtoyé des personnes qui ont souffert et qui sont décédées. Il est important que nous sachions et que nous croyions que les gens, peu importe leurs circonstances, peu importe leurs souffrances, conservent leur dignité.
La dignité ne dépend pas des circonstances. La dignité est intrinsèque. Si le gouvernement n’est pas d’accord avec cela, s’il a un concept différent de la dignité humaine, il devrait à tout le moins définir le terme.
Le travail est bâclé, les principes sous-jacents sont bâclés, le projet de loi est bâclé, j’encourage donc les députés à rejeter ce projet de loi par tous les moyens.
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Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole au sujet de la motion du gouvernement concernant les amendements apportés par le Sénat au projet de loi . Comme j'ai eu l'honneur de faire partie du comité mixte multipartite, ma participation au processus a commencé en janvier. Ma collègue, la députée de , également membre du comité, a énormément contribué au travail qui s'y est fait. Nous avions pour mandat de conseiller le gouvernement sur une réponse qui respecterait la décision de la Cour suprême dans l'affaire Carter, la Charte des droits et libertés et les priorités des Canadiens.
J'ai déjà fait savoir à la Chambre combien je suis fier du travail que nous avons accompli ensemble et de l'esprit dans lequel nous avons travaillé au comité. Nous savions que le gouvernement n'accepterait pas toutes nos recommandations, mais chacune reposait sur des données probantes et respectait fidèlement les témoignages que nous avons entendus de la part de spécialistes de tous les coins du pays qui se sont présentés devant nous et, du même coup, se sont ouverts aux autres.
Depuis que le projet de loi a été présenté à la Chambre, je me suis, comme bien d'autres, concentré sur ce qu'il a de plus étonnant, soit la décision du gouvernement de restreindre considérablement les paramètres fixés par la Cour suprême quant aux critères d'admissibilité, ce qui aurait pu se révéler une erreur fatale.
Après tout, c'est ce que nous ont dit, dans leur témoignage, l'Association du Barreau canadien, le Barreau du Québec, Jean-Pierre Ménard, Joseph Arvay et, subséquemment, le plus éminent constitutionnaliste canadien, le professeur Peter Hogg. C'est également ce qu'ont conclu les tribunaux de l'Ontario et de l'Alberta. Ce problème était important non seulement parce que le projet de loi prêtait flanc à des contestations judiciaires en vertu de la Charte, mais également parce qu'il allait obliger des Canadiens qui souffrent à entreprendre une bataille devant les tribunaux. Comme il était grave et flagrant, le problème nous a fait oublier les bons côtés du projet de loi . Les députés qui sont fatigués de mes mises en garde au sujet du risque de contestations judiciaires et d'atteinte aux droits seront heureux de constater que je n'en parle pratiquement plus aujourd'hui, puisque ce problème fondamental a été corrigé dans la version du projet de loi dont la Chambre débat présentement.
Tel qu'il a été amendé, le projet de loi donne suite clairement et fidèlement à l'arrêt de la Cour suprême tout en prévoyant un système rigoureux de critères médicaux à la lumière desquels chaque demande d'aide médicale à mourir sera évaluée. Ces critères reposent sur les données recueillies par le comité multipartite. Ils s'inspirent des pratiques exemplaires à l'étranger et sont au coeur des nouvelles dispositions juridiques canadiennes, que les députés de tous les partis ont contribué à façonner au cours du débat sur ce projet de loi.
Comme l’a témoigné Peter Hogg, sans cet amendement qui nous est parvenu de l'autre endroit, le projet de loi ne serait pas cohérent avec l’arrêt Carter. Il l’a affirmé on ne peut plus clairement. Cet amendement aurait aussi pour effet de rendre admissibles tous ceux qui, au Canada, étaient incapables de se conformer à la très étroite — et franchement inexplicable — restriction de « mort raisonnablement prévisible ». À partir d’aujourd’hui et jusqu’à ce que le projet de loi soit promulgué, ces personnes disposent de ce droit, un droit qui leur sera enlevé si la motion présentée par le gouvernement est adoptée.
Je suis cependant heureux de dire que le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui, qui contient le libellé de la décision de la Cour suprême, serait bien entendu conforme à cette décision et à la Charte canadienne des droits et libertés. Comme l'a dit le professeur Hogg en des termes les plus clairs possible, si le projet de loi n’est pas corrigé conformément à l’amendement proposé aujourd'hui, il sera invalidé par la Cour suprême.
Lorsque je parle de M. Hogg et que j’entends le gouvernement dire que nous avons différents experts ailleurs, je me dois de rappeler à la Chambre tout ce que cet homme a accompli. Ses décisions, de même que son livre, ont été cités à plus de 200 reprises à la Cour suprême du Canada. Si je ne m'abuse, il a été cité 1 627 fois dans les différents tribunaux canadiens. Insinuer que ce professeur est quelqu’un qui exprime une opinion parmi tant d’autres est très troublant, parce que le gouvernement lui-même, le ministère de la Justice, a retenu ses services en d’innombrables occasions.
Je trouve tout simplement fallacieux que lorsque le professeur affirme, comme il l’a fait à l'autre endroit, que le projet de loi, sans l’amendement dont nous sommes saisis aujourd’hui pour corriger le problème, va à l’encontre de la Constitution, le gouvernement rétorque qu’il s’agit d’un avis d’expert parmi d’autres, que les avocats et les économistes ne sont pas d’accord avec lui, et je ne sais quoi encore.
Le constitutionnaliste le plus respecté au Canada a déclaré en des termes les plus clairs possible que cet amendement dont nous avons la chance de pouvoir débattre aujourd’hui est la seule façon de corriger ce projet de loi. Ce témoignage change la donne, parce que je me demande comment diable un gouvernement qui a retenu les services de ce monsieur des dizaines de fois peut aujourd’hui changer son fusil d’épaule et dire, comme la ministre l’a fait dans son discours de ce matin, que les constitutionnalistes voient les choses différemment et que c’est ainsi que ça fonctionne.
Heureusement, nous avons sous les yeux un projet de loi tel qu’il a été amendé à l'autre endroit. La bonne nouvelle pour les Canadiens, c’est que nous pouvons l’appuyer. Un des amendements qui nous sont présentés porte sur les soins palliatifs, un amendement selon lequel les patients qui envisagent de demander l’aide médicale à mourir doivent recevoir l’information la plus complète possible sur les différentes options de traitements palliatifs.
D’autres amendements visent à restreindre le nombre de personnes autorisées à fournir l’aide médicale à mourir et à resserrer les règles quant au rôle que peut jouer une personne susceptible d’avoir un intérêt matériel dans la mort du patient.
Un autre amendement du Sénat obligerait le à prendre des règlements au sujet des certificats de décès et à préciser le type d’informations que les médecins doivent consigner.
Un autre amendement prévoit la présentation de rapports au Parlement dans les deux années qui suivent, sur des questions qui découlent de la mise en oeuvre de l’aide médicale à mourir. Enfin, plusieurs amendements portent sur des questions terminologiques mineures.
Les mesures de sauvegarde prévues par ce projet de loi reflètent un certain nombre de choses. Elles garantissent le niveau élevé de soin, de prudence et de surveillance dont il faut faire preuve pour satisfaire une décision du tribunal qui fait une large place à la liberté de choisir des Canadiens qui souffrent. Ces mesures reflètent également la confiance que les Canadiens ont dans les capacités et le jugement de nos professionnels de la santé, et elles reflètent la diversité de notre pays ainsi que le principe d’équité qui est la pierre angulaire de notre système de soins de santé et dont les Canadiens sont fiers.
On a beaucoup parlé à la Chambre de la nécessité de trouver un juste milieu entre le respect de l’autonomie et la protection de la personne. On en a parlé à de nombreuses reprises. Dans son analyse de la Charte, la Cour suprême du Canada a déterminé, de façon unanime et catégorique, de qui il fallait respecter l’autonomie pour une décision aussi profondément personnelle.
C’était donc à nous, en qualité de législateurs, qu’il incombait de choisir la panoplie de balises que nous jugions bon de mettre en place pour écarter les personnes qui, parce qu’elles souffrent d’incapacités ou pour des raisons de pressions externes, ne doivent pas être admissibles à cette option, pour leur propre sécurité. Nous avons examiné cette question avec soin, sachant qu’une prudence excessive aurait un coût. En effet, des obstacles excessifs ne protègent pas les personnes vulnérables, mais en revanche, ils condamnent des Canadiens autonomes, adultes et ayant toutes leurs capacités à des souffrances intolérables en les privant de la liberté de choix.
La solution ne consistait pas non plus à nier par principe l’autonomie de toute une catégorie de personnes auxquelles la Cour suprême venait de reconnaître son droit. Quoi qu’il en soit, le fait de nier par principe l’autonomie d’un groupe de personnes, de les considérer, non pas comme des personnes uniques mais comme un groupe qu’on écarte aveuglément, pour moi, c’est une attitude à la fois paternaliste et insultante, sans compter qu’elle n’est pas nécessaire.
La Cour suprême a fait confiance aux législateurs pour élaborer ce qu’elle a appelé « un système de garanties soigneusement conçu et surveillé » capable de pallier les risques liés à la prestation de l’aide médicale à mourir. Personnellement, j’estime que la Cour a eu raison de nous faire confiance.
Nous ne devons pas oublier ce que la Cour suprême du Canada a statué dans l’affaire Carter:
Nous sommes arrivés à la conclusion que les dispositions prohibant l’aide médicale à mourir [...] portaient atteinte aux droits à la vie, à la liberté et à la sécurité de la personne que l’art. 7 garantit à Mme Taylor, et ce d’une manière non conforme aux principes de justice fondamentale, et que cette atteinte n’était pas justifiée au regard de l’article premier de la Charte. Dans la mesure où les dispositions législatives contestées nient les droits que l’art. 7 reconnaît aux personnes comme Mme Taylor, elles sont nulles par application de l’art. 52 de la Loi constitutionnelle de 1982.
La cour a ajouté ceci:
Il appartient au Parlement et aux législatures provinciales de répondre, si elles choisissent de le faire, en adoptant une loi compatible avec les paramètres constitutionnels énoncés dans les présents motifs.
Il y a deux aspects importants qui ressortent de la décision de la Cour suprême. Le premier, c'est que nous n'étions pas du tout obligés d'intervenir. La décision de la cour aurait pu suffire, et c'est d'ailleurs le cas, tout comme les mesures de sauvegarde mises en place par les organes de réglementation des provinces et des territoires. Nous n'avions pas à faire ce que nous avons fait, mais, pour reprendre les mots de la cour, nous avons choisi de le faire.
Le deuxième aspect, tout aussi important, c'est que nous pouvons répondre seulement « en adoptant une loi compatible avec les paramètres constitutionnels énoncés dans [nos] motifs ».
Voici ce que le professeur Hogg a dit lors de son témoignage à l'autre endroit: « À mon avis, [le projet de loi] n'est pas conforme aux paramètres constitutionnels énoncés dans [les motifs de l'arrêt Carter]. »
Le projet de loi amendé dont nous sommes saisis corrigerait ce problème et nous permettrait à tous de travailler dans un esprit de collaboration, comme nous l’avons fait si efficacement au sein du Comité mixte spécial sur l’aide médicale à mourir et du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous avons façonné quelque chose dont les Canadiens seraient fiers, qui exprimerait la même compassion que celle démontrée par la Cour suprême du Canada dans sa décision Carter, au lieu de nous diviser selon les lignes de parti ou autres.
Tout ce que ferait cet amendement que le gouvernement dit vouloir rejeter aujourd’hui, c’est de faire en sorte que le projet de loi soit compatible avec la décision de la Cour suprême du Canada et la Charte. On a beaucoup parlé du fait que nous ne sommes pas obligés de nous conformer au jugement de la Cour et d’enchâsser ses termes exacts dans loi. Cela est évidemment vrai. La solution simple était de reprendre le libellé de la décision et de l’enchâsser dans la loi parce qu’il était clair et évident; certes, personne ne peut dire que cela serait inconstitutionnel. Le gouvernement souhaite plutôt utiliser les termes mort naturelle « raisonnablement prévisible », alors que des députés de tous les partis ont démontré que cela était insensé.
Le docteur Douglas Grant, chef de l’organisme de réglementation de toutes les autorités de santé du pays, a fait observer que ces termes sont vagues et impossibles à appliquer d’un point de vue médical. Le gouvernement a proposé de ne pas reprendre les termes de la Cour suprême du Canada — rien ne l’y obligeait, mais au moins personne ne peut dire que ces termes ne sont pas judicieux — et de les remplacer par des termes qui sont incompréhensibles pour les gens, les médecins et les professionnels de la santé qui, eux, sont tenus de les appliquer.
Je n’arrive pas à comprendre cela. Cela dépasse mon entendement parce qu’en faisant cela, le gouvernement retirerait aux Canadiens les droits pour lesquels ils se sont battus et qui ont été reconnus par la Cour suprême du Canada. Pourquoi? Que dois-je répondre aux personnes qui m’appellent pour me dire qu’elles doivent décider, maintenant, de mettre fin à leurs jours, parce qu’après l’entrée en vigueur de ce projet de loi, elles ne pourront plus le faire? Elles ont gagné ce droit devant la Cour suprême du Canada. Leur mort n’est pas du tout imminente. Elles ont encore peut-être une trentaine d’années à vivre dans des souffrances et des douleurs atroces. Comment osons-nous leur répondre qu’elles n’ont plus l’autonomie de décider en tant que citoyens canadiens? Quoi qu’il en soit, le gouvernement veut maintenant leur retirer ce droit.
Il faut comprendre que, depuis le 6 juin, la décision de la Cour s'applique en tant que telle et elle est rigoureusement encadrée par des règles qui s’appliquent aux professionnels de la santé d’un bout à l’autre du pays. Ce n’est pas la jungle, comme l’ont prétendu certains collègues. Nous avons des règles qui ont été adoptées consciencieusement et qui sont respectées. Si cette motion est acceptée, dès que le gouvernement actuel retirera ces droits en disant que la mort naturelle doit être raisonnablement prévisible, ces personnes auront perdu leur droit.
Comment les libéraux peuvent-ils prétendre que ce projet de loi ne prive pas les Canadiens de certains droits reconnus par le tribunal? Nous parlons de personnes réelles. Leurs souffrances sont réelles. Le gouvernement dit non, nous avons atteint un équilibre délicat, et il appelle cela un choix de politique publique. Certains Canadiens disent que le gouvernement va trop loin, d’autres qu’il ne va pas assez loin, il a donc décidé de se positionner au milieu. Ce cadre n’est pas bon. Nous sommes ici parce que nous avons choisi de mettre en oeuvre la décision unanime de la Cour suprême du Canada.
Nous ne sommes pas ici pour choisir les éléments qui nous plaisent dans ce projet de loi.
Pouvons-nous ajouter d’autres mesures de sauvegarde? Évidemment, et je suis fier de ce que nous avons accompli. Pouvons-nous traiter des soins palliatifs? Oui. Pouvons-nous traiter du droit de conscience? Bien sûr, et nous l’avons fait, et je répète que je suis fier de ce que nous avons accompli.
Le gros problème ici, c’est que tout un groupe de personnes ont gagné leur cause devant le tribunal pour se faire ensuite retirer leurs droits ici même.
La bonne nouvelle, c’est que nous pouvons rectifier le tir. Il suffit de suivre la voie qui nous a été dictée par l’autre Chambre. Ce sont des dispositions que nous avons déjà essayé de faire adopter à la Chambre. Peu m’importe d’où elles viennent. Je suis du côté des Canadiens qui souffrent et qui souhaitent retrouver les droits qu’ils avaient avant.
Nous devons nous rappeler une chose très simple. On ne nous demande pas de légaliser l’aide médicale à mourir. Cela a déjà été fait par la Cour suprême du Canada et c’est maintenant une loi du pays. Nous avons plutôt été invités, si le gouvernement décide d’aller de l’avant, à proposer un cadre plus large, indispensable pour donner aux Canadiens la transparence et des garanties.
Je pense qu’un équilibre a été atteint dans le projet de loi amendé dont nous sommes saisis. Il reprend les mots de la Cour suprême afin de garantir le respect de l’autonomie, et le travail de l’ensemble des parlementaires est pris en compte dans le système de sauvegardes qui nous a été présenté. Il incombe maintenant au gouvernement d’expliquer pourquoi il a l’intention de supprimer du projet de loi que vient de nous renvoyer l’autre Chambre le libellé de la décision de la Cour suprême.
Bon nombre d’entre nous sont convaincus que personne ne peut faire le choix difficile de demander l’aide médicale à mourir à la place d’une autre personne. En rejetant l’arrêt de la Cour suprême et en supprimant du projet de loi les termes qu’elle a employés, le gouvernement donne à penser que c’est exactement ce que nous sommes en train de faire. Je ne peux pas accepter cela, et il revient aux députés de décider s’ils acceptent cela lors de la tenue d’un vote libre.
Je demanderais à tous les députés ici présents de réfléchir à la solution proposée, c’est-à-dire de reconnaître que nous avons devant nous un projet de loi équilibré qui porte le sceau d’approbation de la Cour suprême, du Parlement et des milliers de Canadiens qui ont pris part aux consultations et aux assemblées publiques tout au long du processus.
Ce que nous avons devant nous aujourd’hui, c’est le résultat de ce que le comité spécial mixte a entrepris de produire en janvier dernier; c’est un projet de loi qui respecte la décision de la Cour suprême, la Charte des droits et libertés ainsi que la priorité des Canadiens.
Nous n'avons pas à rouvrir le débat ni à supprimer les mots provenant de la Cour suprême. Nous n'avons pas à rejeter le changement qui vient corriger une entorse à la Charte après avoir été proposé à la Chambre des communes, adopté par le Sénat et jugé constitutionnel par un éminent spécialiste de la Charte.
Je propose:
Que la motion soit modifiée:
a) par suppression du paragraphe qui commence par les mots « rejette respectueusement les amendements nos 2b), 2c)(ii) et 2c)(iii) »;
b) par substitution, aux mots « accepte les amendements nos 1, 2d), 2e), 4 et 5 », des mots « accepte les amendements nos 1, 2b), 2c)(ii), 2c)(iii), 2d), 2e), 4 et 5 ».
:
Madame la Présidente, je voudrais d’abord vous dire que je vais partager mon temps avec le député de .
Je suis heureuse de participer aujourd’hui à la suite de notre important débat sur le projet de loi qui traite de l’aide médicale à mourir.
[Français]
Au cours des dernières semaines, nous avons été témoins des réflexions et des délibérations sérieuses sur le projet de loi au Sénat. Nous sommes maintenant responsables d'étudier attentivement les modifications présentées par les honorables sénateurs.
[Traduction]
L’aide médicale à mourir n’est offerte que dans quelques pays, et c’est un concept tout nouveau au Canada. Le projet de loi propose d’apporter un changement fondamental à la politique sociale de notre pays. Non seulement nous effectuons une transformation, mais nous devons adopter une loi en faisant face à de sévères contraintes de temps. Il est donc crucial que nous procédions avec beaucoup de soin.
Nous pouvons choisir parmi plusieurs processus pour mettre en œuvre l’aide médicale à mourir dans notre pays. Je suis convaincue que la voie que nous avons choisie dans le projet de loi représente l’approche la plus adéquate et responsable pour le Canada, et je vais vous expliquer pourquoi. Cette approche établit un équilibre prudent entre le respect de l’autonomie des patients qui demandent l’aide médicale à mourir et la protection des patients vulnérables. Elle protégerait la liberté de conscience des fournisseurs de soins et appuierait ceux qui décident d’y participer. Elle établirait des processus visant à étudier la loi au fil du temps et à recueillir d’autres données pour aborder les enjeux.
Je voudrais d’abord attirer l’attention de mes collègues sur le respect que le projet de loi accorde à l’autonomie des patients. En vertu de celui-ci, les patients en fin de vie qui y sont admissibles pourraient demander de mourir en paix avec l’aide d’un médecin. Il s'agit d'un important virage dans la manière d’aborder la souffrance en fin de vie au pays. Le projet de loi accorde aux patients une plus grande autonomie sur leur prise de décisions.
[Français]
Le projet de loi améliore également l'accès des patients. En permettant à des infirmières praticiennes d'administrer l'aide médicale à mourir, on reconnaît les réalités de la géographie et de la démographie uniques du Canada. Ces professionnelles travaillent souvent seules à offrir des services de soins de santé vitaux dans des régions non desservies.
[Traduction]
Outre l’accès et l’autonomie, le projet de loi protège les patients qui pourraient s’avérer vulnérables. En transformant la politique sociale, nous devons user de la plus grande prudence pour ne pas causer de tort aux personnes les plus vulnérables. Si nous ne prévoyons pas de mesures de protection adéquates, l’aide médicale à mourir risque de menacer la sécurité des personnes marginalisées et de celles qui ne jouissent pas d'un soutien familial, social ou financier adéquat. Le projet de loi prévoirait des mesures de protection solides et des procédures visant à protéger les personnes vulnérables afin qu'on ne puisse les encourager ou les forcer à demander une aide médicale à mourir.
Soulignons que le projet de loi a reçu un appui considérable du secteur des soins de santé, dont l’Association canadienne pour l’intégration communautaire, qui regroupe 40 avocats et 50 organismes. Le secteur de la santé comprend diverses associations médicales autant provinciales que fédérales, l’Association des infirmières et infirmiers du Canada, l’Association canadienne des infirmières et infirmiers en pratique avancée, l’Association des pharmaciens du Canada, l’Association des psychiatres du Canada, l’Association canadienne des travailleuses et travailleurs sociaux du Canada, et bien d’autres encore.
Ce projet de loi respecte aussi la Norme sur la protection des personnes vulnérables qui, je crois, confirme fermement à tous les Canadiens notre intention de soutenir les personnes qui ont le plus besoin de protection.
[Français]
Le projet de loi reconnaît que les fournisseurs ont le droit de choisir s'ils participent ou non à l'aide médicale à mourir, selon leur conscience. Pour ceux qui choisissent de participer, le projet de loi fait en sorte que les médecins et les infirmières praticiennes qui administrent cette aide ne feront pas face à des poursuites pénales. De plus, il exonère les personnes qui peuvent fournir de l'aide, comme les pharmaciens et les infirmières autorisées.
[Traduction]
Enfin, le projet de loi propose des critères qui aideront les fournisseurs de soins à évaluer les patients. Soulignons que les fournisseurs de soins de santé doivent évaluer l’état de leurs patients régulièrement, sinon quotidiennement. L’évaluation du degré et du type de souffrance fait déjà partie de l’exercice de la profession médicale; elle est fort courante dans la prestation des soins de fin de vie. Par exemple, elle est cruciale pour déterminer les meilleures façons d’alléger la douleur des patients en soins palliatifs.
Nos critères d’admissibilité et les mesures de protection que nous avons établies orientent les fournisseurs de soins et leur accordent la latitude nécessaire, dans leur domaine d’expertise et dans leur champ de pratique, pour évaluer au cas par cas l’état des patients et les circonstances dans lesquelles ils demandent l’aide médicale à mourir.
Comme cette question est extrêmement complexe et souvent personnelle, de nombreux points de vue alimentent le débat sur l’approche à adopter. Le projet de loi propose d’établir un cadre prudent d’aide médicale à mourir que nous pourrons modifier lorsque nous acquerrons une meilleure compréhension des enjeux les plus délicats. Ce projet de loi prévoit l’étude indépendante des enjeux controversés à examiner plus en profondeur avant de déterminer quelles devraient être les considérations générales prises en compte par le gouvernement.
Une chose est certaine, certains enjeux présentent de graves risques pour les personnes qui sont dans une situation de vulnérabilité et montrent la difficulté d’établir un équilibre entre l’autonomie et la protection des patients vulnérables. Le projet de loi exige également un examen parlementaire de la loi tous les cinq ans.
Je m’en voudrais de ne pas souligner à nouveau aujourd’hui l'importance d’améliorer l’accès à des soins palliatifs de grande qualité pour tous les Canadiens. Notre gouvernement s’est engagé à réserver des fonds pour cela. Je continue à collaborer avec les provinces et les territoires pour soutenir l’accès des patients à toutes les options de soins de fin de vie.
La motion présentée aujourd’hui découle d’un examen approfondi des travaux de la Chambre haute. J'ai beaucoup apprécié la possibilité de répondre aux questions du comité plénier pendant deux heures, ainsi que ma comparution lors de l'étude préliminaire du comité.
Nous rejetons respectueusement deux amendements de la Chambre haute. Comme le montre la motion d’aujourd’hui, le gouvernement a examiné les amendements du Sénat et s'est efforcé d’aller de l’avant en les intégrant autant que possible. Nous acceptons donc les cinq autres amendements. Nous présentons une nouvelle version du texte qui reflète le désir qu’a la Chambre haute de reconnaître l’importance cruciale de laisser aux patients le choix de recevoir des soins palliatifs. Comme je l’ai dit maintes fois, nous serons très heureux que le projet de loi contribue à améliorer considérablement l’accès aux soins palliatifs au Canada.
Nous avons également la responsabilité de rédiger la loi dans une langue que les professionnels de la santé peuvent comprendre afin de donner accès à l’aide médicale à mourir. Comme il est indiqué dans le message que nous proposons d'envoyer au Sénat, le retrait du critère de la prévisibilité raisonnable de la mort naturelle compromettrait les objectifs du projet de loi , qui sont de reconnaître le problème de santé publique important et continu qu’est le suicide, d’empêcher que la mort soit considérée comme une solution à toutes les formes de souffrance et de contrer les perceptions négatives sur la qualité de vie des personnes âgées, malades ou handicapées. Le projet de loi C-14 établit un juste équilibre pour les Canadiens entre la protection des personnes vulnérables et le choix pour ceux dont les conditions médicales causent des souffrances persistantes et intolérables.
En conclusion, je voudrais souligner pour mes collègues parlementaires que l'approche adoptée dans le projet de loi C-14 est le résultat d'une réflexion et de délibérations approfondies pendant plusieurs mois. De nombreuses consultations ont été organisées cette dernière année sur la question de l'aide médicale à mourir auprès des Canadiens, des intervenants et des experts concernés. Les conclusions ont été attentivement examinées pour éclairer le texte de loi.
J’espère que la Chambre et le Sénat peuvent appuyer la motion. Je tiens à remercier du fond du coeur tous les parlementaires de la Chambre basse et de la Chambre haute qui ont débattu de cette question de façon professionnelle et approfondie. Il s’agit d’une politique sociale transformatrice dont les gouvernements débattent une fois par génération, et ce projet de loi est l’un de ces débats remarquables. Que l'on ne se méprenne pas, ce sera un changement radical pour le Canada.
Dans la décision Carter, la Cour Suprême a reconnu qu’il appartenait au Parlement d’établir un régime approprié. Je pense que nous avons adopté la meilleure approche pour notre pays.
:
Madame la Présidente, j'aimerais d'abord remercier la de partager son temps de parole avec moi. Cela démontre un fair-play manifeste et évident ainsi qu'un esprit démocrate, puisqu'elle sait que je suis un opposant de la motion et du projet de loi.
Cela étant dit, je me demande comment j'arriverai à dire tout ce que j'ai à dire en 10 minutes.
Je commencerai par le fond des choses. La prémisse du débat de fond concerne notre compréhension du principe de l'autodétermination. Voici les principales questions que le ministère de la Justice et les deux ministres auraient dû se poser. Pourquoi et au nom de quoi enlèverions-nous le droit qui consacre l'autodétermination d'une personne tout au long de sa vie? Pourquoi et au nom de quoi enlèverions-nous le droit qui consacre, notamment en situation d'urgence médicale, le principe de l'autodétermination en ce qu'aucun geste médical ne peut être posé sans le consentement libre et éclairé d'un patient? Pourquoi et au nom de quoi, au moment de souffrances intolérables, au moment de sa mort, au moment où il est le plus vulnérable, enlèverions-nous ce droit à l'être humain?
On nous répond que c'est au nom d'un équilibre, que l'on n'a jamais pu démontrer et que la Cour suprême a considéré tout à fait futile. Le projet de loi, s'il devait être déposé devant la Cour suprême, aurait été modifié et considéré inconstitutionnel. J'imagine d'ailleurs que c'est la raison pour laquelle on ne l'y a pas déposé. En effet, la Cour suprême a considéré que trois droits avaient été violés par la prohibition totale.
Si on fait un examen attentif de l'arrêt dans la cause Morgentaler, on constate que la Cour, de façon consensuelle et sur la base d'un seul droit — la sécurité de la personne de la femme enceinte —, a rejeté la loi qui permettait l'avortement dans certaines conditions. Comment peut-on sérieusement penser que la sécurité de la personne souffrante, atteinte d'une maladie grave, d'une affection ou d'un handicap grave et irrémédiable lui faisant subir des souffrances intolérables, serait sauvegardée par l'article 1 de la Charte, selon lequel cette atteinte doit être raisonnable dans le cadre d'une société libre et démocratique?
Il est tout à fait déraisonnable, en vertu critère de mort naturelle raisonnablement prévisible, de faire porter à une personne parmi les plus vulnérables de notre société, celle qui est en train de souffrir, le fardeau de la démonstration devant les tribunaux qu'elle satisfait à ce critère, ou encore celui de faire la grève de la faim pour se rapprocher du critère, ce à quoi nous avons assisté récemment.
Je rappelle que ledit critère est discriminatoire parce qu'il induit un préjugé quant à l'âge. En effet, dans la motion, il est indiqué « empêcher que la mort soit considérée comme une solution à toutes les formes de souffrances, et à contrer les perceptions négatives quant à la qualité de vie des personnes âgées, malades ou handicapées ». Des perceptions négatives de qui parlons-nous? De qui parle-t-on au juste? À ce que je sache, lorsqu'une personne est atteinte d'une maladie dégénérative — je ne l'apprendrai pas à la —, une histoire de cas s'établit entre les pratiquants de la santé et leurs patients.
Présuppose-t-elle que les pratiquants, les médecins, les infirmières et les intervenants en santé ont un préjugé négatif quant à l'âge des patients ou quant à leur condition sociale? Présuppose-t-elle que les intervenants en santé sont malfaisants?
S'ils sont malfaisants, mettons-les à la porte. Cette rationalité découle d'un préjugé défavorable envers les travailleurs de la santé, à moins qu'elle prétende devoir protéger les personnes âgées des personnes qui les soignent. Ce projet de loi est un mauvais copier-coller de la loi québécoise.
On pouvait procéder à une certaine vitesse ici parce qu'on avait déjà l'expérience québécoise, laquelle s'est concentrée dans son domaine, à savoir les soins palliatifs, et a réussi à faire un tour de force en n'opposant plus l'euthanasie aux soins palliatifs, et en faisant en sorte qu'il y ait un éventail de soins à la portée des patients pour ce qui est des soins palliatifs.
Pourquoi le projet de loi voudrait-il se limiter à ce seul volet, ou encore peut-être à une maladie dégénérative telle que la sclérose latérale amyotrophique? C'est que la mort est vraisemblablement prévisible dans ce cas, et c'est là où il y a une discrimination entre les maladies dégénératives.
Qui sommes-nous pour décider de la qualité de vie de la personne? Il ne revient pas du tout au médecin de décider de la qualité de vie de son patient ni de comparer une vie par rapport à une autre. Ce sont des principes de base en éthique.
Dans la mesure où on a confiance aux travailleurs de la santé, soit à ceux qui interviennent, il est clair que ces derniers vont observer la qualité de vie de leur patient changer au cours d'une année, et si le patient dit qu'il n'en peut plus, c'est là qu'il y aura une demande.
Or la loi québécoise ne répond pas à la commande de la Cour suprême. Pourquoi n'y répond-elle pas? Parce que l'arrêt dans la cause Carter est arrivé plus tard. De plus, la loi québécoise a voulu se conformer au Code criminel et respecter les prérogatives de chacun dans son terrain de jeu.
Aujourd'hui, il y a l'arrêt dans la cause Carter et il y a ce mauvais projet de loi. Le ministre de la Santé et des Services sociaux du Québec a raison quand il dit à ses médecins qu'ils sont devant une notion impraticable et qu'il leur demande d'être prudents, parce qu'on n'a pas eu le courage d'affronter la commande de la Cour suprême qui nous disait d'encadrer le suicide assisté.
J'ai lu la motion et j'ai posé une question à la ministre aujourd'hui. On refuse les amendements du sénateur Serge Joyal, qui sont aussi ceux du Bloc québécois, du Parti vert et du NPD, qui demande notamment de supprimer ce critère totalement flou pour revenir aux termes de l'arrêt dans la cause Carter, soit à l'essentiel, pour les personnes aux prises avec des problèmes de santé graves et irrémédiables qui leur causent des souffrances persistantes et intolérables.
Or on nous dit ici avoir atteint l'équilibre et vouloir rejeter ces amendements « [...] parce qu'ils [...] visent à reconnaître l'important enjeu de santé publique que représente le suicide ». C'est quoi cette affaire-là? Personne ayant à intervenir en matière de suicide ne va mêler les deux états.
Que je sache, un état suicidaire, c'est réversible. Ce n'est pas irrémédiable, mais améliorable. Il existe des traitements pour cela. Par contre, quand on est atteint d'Alzheimer, que je sache, c'est irrémédiable. Voilà la confusion créée ici ce matin, et c'est le plaidoyer qu'on vient faire ici.
C'est le seul argument que le ministère de la Justice va faire valoir en Cour suprême, et des patients auront à porter le fardeau d'aller en cour pour avoir accès à l'aide médicale à mourir. Je vais peser mes mots et dire que je trouve cela indécent.
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Madame la Présidente, j’ai l’intention de partager mon temps de parole avec le député de .
J’ai eu l’occasion de suivre, à distance, les délibérations du Sénat au cours des derniers jours. Je suis déçu qu’il n’ait pas retenu un certain nombre d’options que nous lui avions proposées.
L’amendement proposé par le sénateur Plett d’ériger en infraction criminelle le fait d’obliger une personne, une organisation ou un médecin à fournir de l’aide médicale à mourir ou à aiguiller le patient vers un autre médecin a été rejeté par le Sénat.
J’aimerais bien partager l’optimisme de notre , quand elle m’a affirmé il y a quelques minutes que personne ne serait obligé de participer à cela. Je ne suis pas aussi optimiste qu’elle, mais j’espère que je me trompe. J’espère qu’il ne se produira jamais de situation où un médecin, du personnel soignant ou un établissement de soins sera obligé de participer à cette procédure ou d’aiguiller le patient vers un autre médecin, s’il s’oppose moralement à cette procédure.
L’autre amendement que le sénateur Plett a proposé a été adopté par le Sénat, mais il a en revanche été rejeté par le gouvernement aujourd’hui. Il s’agit de l’amendement qui visait à empêcher une personne susceptible d’être bénéficiaire de la personne qui fait la demande, d’aider celle-ci à mourir.
Il me paraît évident que, si nous voulions protéger les personnes vulnérables, il fallait adopter cet amendement. En le rejetant, alors qu’il avait été adopté par le Sénat, nous ne faisons que renforcer cette vulnérabilité. C’est malheureusement le résultat que va avoir le rejet de cet amendement.
Il va sans dire que cette journée est extrêmement décevante pour moi, car des choix vont être faits qui vont avoir des répercussions sur les générations futures, et c’est sans aucun doute le choix le plus important que moi et la plupart de mes collègues allons devoir faire dans toute notre carrière parlementaire.
C’est décevant à deux points de vue. Premièrement, c’est décevant de constater l’activisme de la Cour suprême. J’ai déjà eu l’occasion de dire, à ce propos, qu’il était regrettable que la Cour suprême ait pris l’initiative de nous obliger à adopter une mesure législative qui bouleverse radicalement l’idée que nous nous faisons depuis des siècles de la valeur et de la dignité intrinsèques de chaque vie humaine. La Cour suprême en a décidé autrement, sans tenir compte du fait que nous avons, à titre de députés, rejeté, à au moins 15 reprises depuis 1991, des initiatives visant à légaliser le suicide médicalement assisté. La dernière fois, c’était en 2010, et l’initiative a été rejetée par 226 voix contre 59.
L'autre raison pour laquelle je suis déçu de ce qui se passe est que je me consacre à la prévention du suicide depuis de nombreuses années. J'ai travaillé avec des gens ayant souffert à cause du suicide d'un être cher, notamment des parents ayant perdu un enfant et des enfants ayant perdu un parent. Il est décevant de savoir qu'il y a des groupes à l'échelle du pays qui déploient actuellement d'énormes efforts pour prévenir le suicide et sauver des vies, alors que nous sommes en train, d'une certaine manière, de normaliser les comportements suicidaires.
Le projet de loi , qui réclame que le gouvernement fédéral établisse un cadre fédéral de prévention du suicide, a été adopté presque à l'unanimité par la Chambre. Il y a quelques semaines à peine, la a indiqué que le projet de loi était presque prêt à être entièrement mis en oeuvre par l'Agence de la santé publique du Canada.
D'une part, nous travaillons extrêmement fort pour prévenir le suicide, ce qui est une initiative que j'approuve et à laquelle je continuerai de me consacrer. D'autre part, il semble que nous abandonnions la bataille et que nous permettions à ceux ayant perdu espoir d'avoir recours au suicide assisté.
Chaque jour, 10 Canadiens se suicident. Au Canada, il y a des groupes qui travaillent fort sur le terrain pour prévenir le suicide. Les travailleurs en santé mentale et les experts offrent une formation safeTALK afin que les travailleurs de première ligne, comme les enseignants et les bénévoles des programmes de sports mineurs, puissent détecter les signes avant-coureurs de pensées suicidaires et intervenir afin de redonner espoir à cette personne désespérée. Leur motivation a toujours été de sauver des vies.
Il est tragique que nous effectuions maintenant un virage à 180 degrés et que nous nous dirigions vers la normalisation du suicide. C'est une décision tragique pour tout le Canada.
J'aimerais encore une fois citer un expert dans le domaine. Aaron Kheriaty, professeur agrégé de psychiatrie et directeur du programme d'éthique médicale de la faculté de médecine de l'Université de Californie à Irvine, a dit:
Le débat sur l'aide médicale à mourir est souvent présenté comme une question personnelle de respect de l'autonomie et de la vie privée. Ceux qui font la promotion de l'aide médicale à mourir soutiennent qu'elle devrait être légalisée parce qu'elle ne cible que les personnes qui prennent la décision rationnelle et délibérée — si on suppose qu'elles sont saines d'esprit — de mettre fin à leurs jours. Or, cette façon de présenter la question fait fi des conséquences sociales plus graves.
Ceux qui prennent cette décision pourraient-ils ensuite influencer le comportement d'autres personnes?
M. Kheriaty révèle ensuite que, dans les États où l'aide médicale à mourir a été légalisée, on a observé une hausse générale du nombre de suicides de 6,3 %, mais que ce pourcentage grimpe à 14,5 % chez les personnes âgées de plus de 65 ans. Il ajoute ceci:
[Ces] résultats ne devraient pas surprendre quiconque connaît les études sur les effets contagieux du comportement suicidaire dans la société. Ce n'est pas en donnant de l'aide au suicide que l'on dissuadera les gens de se suicider. [...]
Si l'on fait abstraction des cas médiatisés, il est prouvé que le comportement suicidaire tend à se transmettre de personne à personne sur les réseaux sociaux, et ce, jusqu'à trois degrés de séparation. La décision de mettre fin à ma vie n'aura pas seulement une incidence sur la volonté de mes amis de faire la même chose, mais aussi sur celle des amis des amis de mes amis. Personne n'est une île.
Enfin, il est généralement admis que la loi a valeur d'enseignement: elle façonne les moeurs d'une société en influant sur les attitudes culturelles envers certains comportements et sur les normes morales. Les lois qui autorisent l'aide médicale à mourir laissent entendre que, dans certaines circonstances particulièrement difficiles, certaines vies ne valent pas la peine d'être vécues et que le suicide est une solution raisonnable et acceptable. Ce message sera compris non seulement par ceux qui souffrent d'une maladie en phase terminale, mais aussi par ceux qui sont tentés de croire qu'ils ne peuvent plus continuer à vivre.
Les débats sur l'aide médicale à mourir soulèvent de grandes questions sur les attitudes sociétales envers le suicide. Les résultats des études récentes sur les taux de suicide nous amènent à nous poser la question suivante: quel genre de société veut-on devenir? Le suicide est déjà un grave problème de santé publique. Voulons-nous légaliser une pratique qui fera s'aggraver la situation?
Je crois qu’entre la vie et ce que l’on pourrait appeler la « mort dans la dignité », il faut choisir la vie. Il n'y a rien de digne dans le fait de décider qu’une vie ne vaut pas la peine d’être vécue. Occupons-nous des besoins du malade. Notre but est d’éliminer le problème et non pas le malade.
Je suis fermement convaincu que la Chambre et le gouvernement actuel devraient invoquer la disposition de dérogation pour protéger les Canadiens. Depuis des milliers d’années, toutes les sociétés compatissantes conviennent qu’il n’est pas normal de tuer un être humain. Nous pouvons trouver des euphémismes et appeler cela aide médicale à mourir. Mais quel que soit l’euphémisme, cela ne change rien à la réalité.
Nous nous débarrassons aujourd’hui de la sagesse qui a été transmise par les religions et qui découle de siècles de civilisation. Ma crainte est que d’ici quelques années nous, nos enfants et nos petits-enfants vivent la folie du suicide médicalement assisté.
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Madame la Présidente, je suis heureux de pouvoir m’exprimer sur l’amendement proposé par le NPD et sur les questions connexes soulevées par le projet de loi . J’aimerais aussi aborder certaines questions en suspens.
En tout premier lieu, je voudrais donner suite à une question que ma collègue néo-démocrate vient de poser au sujet du choix. Bon nombre des arguments qui plaident en faveur de ce projet de loi ont gravité autour de cette notion de choix. Nous devons cependant reconnaître que ce projet de loi est aussi conçu pour imposer d’importantes limites en matière de choix. Ce n’est pas une légalisation aveugle du suicide. Je pense qu’il laisse clairement entendre qu’il doit continuer d’exister des limites à ce choix. Et c’est une bonne chose. Toutefois, ces limites ne protègent pas du tout les personnes vulnérables. Elles ne vont pas assez loin. Nous comprendrions qu’on veuille imposer des limites au choix si celui-ci était façonné par des valeurs et des normes sociales. Ma collègue a également abordé ce point. La stigmatisation et l’acceptabilité sociale qui entourent une idée façonnent les types de choix qui sont exercés.
À la lumière de la décision de la Cour suprême à laquelle nous sommes tenus de donner suite, ce qui me préoccupe et qui, je crois, préoccupe un grand nombre de mes collègues de ce côté et, qui sait, d’autres coins de la Chambre, c’est que même si le suicide demeure un choix socialement inacceptable — qui deviendra peut-être permis dans certaines circonstances très précises —, il ne faut pas se laisser aller à la dérive vers l’élimination de la stigmatisation fondamentale qui entoure toute interruption de la vie humaine; il faut veiller à maintenir le respect fondamental pour la valeur et la dignité intrinsèques de toute vie humaine. Je suis convaincu qu’il est difficile, voire impossible, de s’engager « juste un peu » sur cette voie. Le débat sur la question nous a bien montré qu’aussitôt qu’on entrouvre la boîte de Pandore, on voit apparaître des pressions majeures pour l'élargir à une panoplie d’autres situations.
Le libellé utilisé, ainsi que les termes auxquels certains députés — et l’amendement proposé par le NPD — veulent voir le libellé se limiter, est « grave et irrémédiable ». Les personnes qui souhaitent mettre fin à leurs jours le font parce qu’elles considèrent éprouver des souffrances graves et irrémédiables. De toute évidence, personne ne songe à mourir quand cette pensée n’est pas présente. Par conséquent, ce n’est pas une mince affaire, comme l’ont suggéré certains députés, que de délimiter clairement le suicide. Mais d’un autre côté, de quoi traite cette question si ce n’est de suicide? Tout choix a ses limites. Il doit y avoir des limites, surtout lorsque le choix peut avoir une incidence sur l’architecture sociale plus large des choix en fonction desquels les gens fonctionnent. Voilà, à mon avis, un point important à souligner ici: nous devons faire tout notre possible pour préserver le concept sous-jacent à toute cette question, soit la valeur de la vie humaine. Je ne pense pas que le projet de loi prévoie les mesures de protection nécessaires pour assurer cela. Ce que nous aurions dû avoir, et que nous devons au minimum avoir, ce sont des critères juridiques clairs.
C’était intéressant, pendant le débat d’aujourd’hui, d’entendre la ministre souligner avec véhémence l’importance du critère du « raisonnablement prévisible ». Je n’appuie pas l’amendement du NPD. Tout bien considéré, je préférerais que le « raisonnablement prévisible » reste dans le projet de loi, même si je pense comme le NPD que cette expression manque de clarté. La ministre a parlé de l’importance de ce critère et de la façon dont le projet de loi, avec toutes les mesures de sauvegarde, s’articule autour de ce critère. Elle a dit très clairement que, si l’on supprime cet élément, il faudra prévoir de nouvelles balises. Elle accorde donc beaucoup d’importance à ces deux termes qui ne sont pas définis. Elle a dit que les libéraux ne veulent pas que « raisonnablement prévisible » s’applique à une jeune personne qui a eu un accident et qui est handicapée pour le restant de ses jours. Ils ne veulent pas non plus que cela s’applique à une personne qui ne souffre que d’une maladie mentale. Pourtant, si l’on ne définit pas mieux ces deux termes, je ne suis même pas sûr que les cas que la ministre a cités soient exclus de ce projet de loi. Par conséquent, d’une certaine façon, elle contredit son propre argument en disant que ce projet de loi contient un nombre limité de balises parce que le critère est précis, par exemple une période d’attente de 10 jours seulement, puisqu’elle reconnaît qu’en fait, étant donné que le critère n’est pas bien défini, les balises prévues dans ce projet de loi sont inadéquates.
Si le projet de loi avait été rédigé dans le but d’avoir un critère bien précis, il aurait alors fallu définir ce critère. Il aurait fallu en donner une définition. Les conservateurs ont proposé un amendement visant à ajouter le mot « imminente ». En effet, on peut dire que la mort est raisonnablement prévisible pour chacun d’entre nous, mais elle n’est pas imminente pour chacun d’entre nous. Cela aurait au moins permis de fixer des paramètres pour faire une distinction entre certains cas et d’autres. L’absence de critères est un gros problème.
Vu l’absence de critères bien définis, il va falloir envisager à nouveau des mécanismes d’examen. Les provinces ont déjà adopté des mesures dans ce domaine. La raison pour laquelle je dis qu’il n’y a pas de vide juridique, c’est parce que, même s’il n’y a pas de loi fédérale, il y a des règlements provinciaux qui sont en place, et nous n’avons donc pas, à strictement parler, de vide juridique. Les provinces ont mis en oeuvre des politiques et des procédures, ainsi que des balises très efficaces qu’on ne retrouve pas dans le projet de loi fédéral. Il faut dire qu’un grand nombre de ces balises ne s’appliqueront plus une fois que le projet de loi fédéral aura été adopté.
La plupart des lignes directrices provinciales que j'ai lues font mention de la participation du médecin traitant. Elles ne mentionnent pas n'importe quels deux médecins. Elles affirment qu'il existe un certain rôle pour un médecin traitant et un médecin examinateur, suggérant par là que la personne qui prend part à la détermination du cas devrait être, de quelque façon, engagée dans les soins au patient et non un quelconque médecin d'ailleurs qui accepte de signer tous les formulaires pour à peu près n'importe qui. La participation du médecin traitant est importante. Elle aurait pu être prévue dans le projet de loi fédéral, mais si ce projet de loi, qui ne fait état que de deux médecins, quels qu'ils soient, est adopté dans sa version actuelle, cela signifiera que l'exigence d'une participation du médecin traitant ne s'appliquera plus, puisqu'elle ne sera pas énoncée dans le Code criminel.
J'inviterais le gouvernement à s'inspirer de l'expérience des provinces et de la sagesse dont elles ont fait preuve à cet égard et à reconnaître que les seuls critères d'ordre juridique prévus dans le projet de loi reposent sur une notion non définie. Nous devrions donc ajouter dans celui-ci certains des mécanismes d'examen réellement efficaces mis en oeuvre par les provinces pour s'assurer que les critères d'ordre juridique, tout ambigus qu'ils soient, sont effectivement respectés.
J'ai préconisé d'intégrer dans le modèle fédéral le modèle manitobain ou certains de ses éléments. Celui-ci prévoit que des avocats du gouvernement doivent passer en revue chaque cas. J'ai demandé à mon ami de ce qu'il en pensait, et il était d'avis qu'une telle exigence pourrait constituer un obstacle inutile, s'il n'y avait pas d'avocats disponibles, par exemple. Le modèle mis en place par le gouvernement du Manitoba prévoit que des avocats du gouvernement seront disponibles pour revoir chaque cas. Ce n'est pas comme s'il fallait que les patients se lancent à la recherche d'un avocat et ce n'est pas non plus un processus dans lequel il faudrait s'adresser aux tribunaux, quoiqu'il y ait, bien franchement, beaucoup de cas dans le monde où quelqu'un pourrait avoir à présenter une requête urgente aux tribunaux, et il y a justement des dispositions qui le permettent.
Par conséquent, il n'est pas du tout vrai qu'il s'agit d'une sorte d'obstacle invraisemblablement contraignant. Ce que le gouvernement du Manitoba a fait, c'est simplement d'établir quelque chose de beaucoup plus léger qu'un examen judiciaire, à savoir un système où des avocats du gouvernement procèdent à un examen préalable du respect des critères d'ordre juridique. Reconnaissant la valeur de ce modèle, de ce processus d'examen, le gouvernement devrait envisager de l'intégrer au projet de loi fédéral ou, à tout le moins, de s'assurer que celui-ci n'aura pas pour effet d'entraver ou de détruire ce système provincial.
En conclusion, je me penche brièvement sur la protection des personnes vulnérables. Nous avons discuté dans cette enceinte de la notion de vulnérabilité, notamment pour en circonscrire la signification et savoir qui peut être considéré vulnérable. On peut appliquer le qualificatif « vulnérable » à toute personne qui vraisemblablement, en situation idéale, ne choisirait pas la mort mais qui se retrouve dans une situation où ses options sont limitées et où elle est poussée à faire un choix qu'elle ne ferait pas autrement. Ce genre de situation peut se produire fréquemment: une personne peut ne pas avoir de perspective d'avenir à cause de sa situation, être dans une certaine mesure influencée par une vague de suicides ou réagir à certaines circonstances personnelles. Une personne vulnérable peut être davantage influencée par les circonstances sociales que physiques. Nous devons être à l'affût de ce genre de cas qui témoignent de l'importance de mesures de protection robustes.
J'ose espérer que la Chambre peut, encore à cette dernière étape, s'employer à ajouter des définitions claires et des mesures de protection substantielles pour protéger les personnes vulnérables et l'ensemble de la société canadienne.
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Madame la Présidente, c'est pour moi un privilège de me lever de nouveau à la Chambre pour parler de la délicate et complexe question de l'aide médicale à mourir.
Ce matin, j'ai eu l'honneur d'appuyer la motion de mon collègue le député de . D'ailleurs, je réitère toute l'admiration et le respect que j'ai pour l'engagement et le sens des responsabilités dont il a fait preuve tout au long du processus qui nous amène ici aujourd'hui.
À plusieurs reprises, j'ai eu l'occasion de bénéficier de sa grande expertise en matière de droit constitutionnel. Je suis une nouvelle députée, élue le 19 octobre dernier. Le tout premier comité auquel j'ai siégé a été le Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir. Cela a été pour moi un grand privilège, parce que tous les députés de la Chambre des communes et les membres du Sénat qui ont participé à ce comité l'ont fait dans un esprit de collaboration et en vue d'en arriver au meilleur résultat possible. Nous n'étions pas toujours d'accord, mais nous avions beaucoup de respect et d'écoute les uns pour les autres. Ainsi, nos 21 recommandations découlaient de notre désir de nous assurer que nous prenions les meilleures décisions et que nous proposions les meilleures recommandations, pour le bénéfice de l'ensemble des citoyens et des citoyennes, tout cela dans le respect de leurs droits. Ce qui nous a animés, tout au long des discussions, c'était de nous assurer que nous ne faisions preuve de discrimination envers personne.
Bien sûr, le projet de loi ne pouvait pas inclure l'ensemble de nos 21 recommandations. D'ailleurs, à la suite de la production de notre rapport, j'ai dit que, à mon avis, ce rapport serait pertinent pendant de nombreuses années à venir.
Dans le cadre des travaux du comité, mon collègue de et moi-même trouvions important de donner une opinion complémentaire. Pour nous, la constante des différentes interventions que nous avons entendues était la façon dont la question portant sur l'aide médicale à mourir est liée à la question des soins palliatifs.
Nous avons aussi trouvé important de produire une opinion complémentaire pour lier cette question à l'ensemble des différents déterminants sociaux. C'est important de dire que nous sommes tous égaux devant les droits. Par contre, certaines contraintes sociales nous amènent à faire en sorte que, dans l'application de l'aide médicale à mourir, elles doivent être prises en compte.
Lorsque je siégeais au comité, j'ai été étonnée de l'expertise que nous avons acquise au pays sur cette question. Nous avons entendu plus de 60 témoins, et nous avons lu des milliers de pages avant d'en venir au rapport et aux recommandations. J'ai eu beaucoup d'admiration pour plusieurs témoins qui se sont présentés devant nous, parce qu'ils ont réfléchi à cette délicate question avec beaucoup d'attention.
Au pays, nous avons évolué sur la question de l'aide médicale à mourir. La Cour suprême l'a démontré au moyen de l'arrêt dans la cause Carter. Les témoins nous ont justement parlé de cette évolution qui est apparue dans la société. Si on se réfère au jugement dans l'affaire Rodriguez, rendu il y a 20 ans, on constate l'évolution de notre société par rapport à la fin de la vie.
Je crois que notre rapport et nos recommandations en témoignent, et c'est pourquoi je tiens autant à ce que le projet de loi que nous adopterons à la Chambre tienne compte d'où en sont rendus nos concitoyens et nos concitoyennes. Les témoins, notamment les groupes représentant les personnes handicapées, ont réfléchi à la question avec beaucoup de sérieux et sont venus nous faire part de leur réflexion.
J'ai été particulièrement touchée, quand ils nous ont dit que certains de leurs membres ont été témoins d'amis ou de proches qui se sont suicidés prématurément. En effet, nous n'avons pas présentement de mesure en place qui leur permet d'avoir l'espoir de choisir en toute liberté le moment où ils voudront faire une demande d'aide médicale à mourir. C'est une des préoccupations qui m'ont touchée.
J'ai aussi été interpellée par le témoignage de médecins qui sont venus nous dire que pour eux, le 6 février 2015, jour de l'arrêt Carter, leur profession a radicalement changé. Ces médecins, tout comme ceux que j'ai rencontrés dans ma circonscription, sont venus nous dire que pendant toute leur formation et toute leur carrière, ils ont été formés pour guérir ou, à la limite, pour prolonger la vie. On leur dit maintenant que ce que la population souhaite, ce que le droit permet et ce que le respect de leurs droits permet, c'est qu'aujourd'hui, dans notre pays, on peut faire une demande d'aide médicale à mourir.
J'ai écouté attentivement beaucoup de discours depuis que nous avons commencé à discuter de cette question. Lors de mes nombreuses rencontres dans la circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot que je représente, j'ai eu l'occasion de dire que nous n'avions pas à décider à la Chambre, si oui ou non il y aura de l'aide médicale à mourir. La Cour suprême a déjà tranché sur cette question. Ici, nous avons à amender le Code criminel.
Je viens du Québec. Depuis décembre, nous avons au Québec la Loi concernant les soins de fin de vie qui a fait, comme on l'a souvent dit à la Chambre, l'objet de six ans de travaux pour arriver à un large consensus. Bien sûr, au Québec, pour arriver à ce large consensus, il y avait la contrainte de respecter le Code criminel fédéral. On ne pouvait pas aller si loin, sur la base des compétences provinciales. Aujourd'hui, nous pouvons adopter un projet de loi qui nous permet d'aller plus loin.
Le consensus qui s'est dégagé au Québec, et que j'ai retrouvé dans mes discussions avec les citoyens de ma circonscription, c'est qu'aujourd'hui nous acceptons d'être à un moment de notre civilisation où nous voulons, comme citoyens et citoyennes, pouvoir avoir le choix. Ce que la Cour suprême est venue nous dire, c'est que la Charte canadienne des droits et libertés nous donne cette liberté de pouvoir faire une demande d'aide médicale à mourir.
Au Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, pour alimenter mes réflexions tout au long de nos travaux, j'ai senti la responsabilité d'aller à la rencontre des personnes et des groupes de la circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot, qui vivent la situation au quotidien et rencontrent des personnes qui sont en fin de vie ou malades. Ce sont, par exemple, les intervenants ou les bénévoles de l'organisme Les Amis du crépuscule, un organisme communautaire qui vient en aide aux personnes aux soins palliatifs et, par la suite, à leur entourage endeuillé. Il y a les comités d'usagers des institutions de santé et une fondation de l'institution de santé qu'est l'Hôtel-Dieu-de-Saint-Hyacinthe, un des plus grands centres d'hébergement et de soins de longue durée au Québec. À l'Hôtel-Dieu-de-Saint-Hyacinthe, plusieurs centaines de personnes — c'est autour de 500 si je me souviens bien — vont y finir leurs jours. Cet hôpital de plusieurs centaines de lits ne compte que 12 lits en soins palliatifs.
C'est pourquoi, depuis le début de ce débat sur l'aide médicale à mourir, il est important de parler du développement et de la mise en place d'une véritable stratégie nationale en matière de soins palliatifs. Pour que l'aide médicale à mourir soit un véritable choix, il faut que nous ayons aussi le choix d'obtenir des soins palliatifs. Malheureusement, l'accès de plusieurs citoyens aux soins palliatifs est limité.
Dans la circonscription de Saint-Hyacinthe—Bagot, les citoyens ont accès à une maison qui offre des soins de fin de vie à des personnes atteintes de cancer, la Maison Victor-Gadbois. Cette maison reçoit 800 demandes par année, mais ne peut héberger que 200 personnes.
Les médecins nous ont dit qu'on a développé un système de santé axé sur l'hôpital et la guérison. Quand j'ai rencontré Mgr Lapierre, l'évêque du diocèse de Saint-Hyacinthe, pour parler de cette question, il m'a fait un commentaire empreint de sagesse. Il m'a dit que nous devrions nous préoccuper autant de l'aide médicale à mourir que de l'acharnement thérapeutique. Il est parfois appelé à aller au chevet de personnes qui lui disent qu'elles en ont assez.
En votant sur cette question de l'aide médicale à mourir, ici, à la Chambre, nous devons sentir que nous avons la responsabilité de représenter nos concitoyens et concitoyennes qui vivent avec une maladie grave et irrémédiable et des douleurs qu'elles jugent insupportables.
Chaque fois que je me lève à la Chambre pour parler de cette question, et lors de chaque réunion du comité mixte et du Comité permanent de la justice et des droits de la personne, qui se sont penchés sur ce projet de loi, j'ai en tête ces personnes qui souffrent. C'est cela qui est au coeur de notre discussion sur le projet de loi . Il y a des personnes qui souffrent aujourd'hui et qui ont de grandes attentes par rapport au projet de loi que nous allons adopter. À la suite de l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Carter, ces personnes qui souffrent avaient l'espoir que leur droit de demander l'aide médicale à mourir serait respecté.
Les amendements apportés par la motion de mon collègue de disent que nous ne devons pas décevoir ces personnes qui souffrent et qui attendent notre décision. Elles espèrent qu'on leur permettra de faire cette demande d'aide médicale à mourir bientôt et que leurs droits seront respectés.
Ces personnes qui souffrent n'ont pas à aller devant les tribunaux. J'ai été touchée par le témoignage des membres de la famille Carter, qui ont dû le faire pendant de nombreuses années en accompagnant leur mère. À la suite du dépôt du projet de loi , ils sont venus nous dire que celui-ci ne donnerait même pas le droit à leur mère de demander l'aide médicale à mourir. Je ne suis pas capable de me lever à la Chambre pour voter en sachant que je laisse des personnes qui souffrent dans leur situation, puisqu'elles ne sont pas dans la bonne catégorie pour avoir droit à l'aide médicale à mourir.
Cette semaine, la nous dit qu'il ne faut pas penser seulement aux droits des citoyens, mais aussi au travail des médecins. Depuis le début de ma réflexion sur cette question, j'ai énormément de respect pour tous les professionnels de la santé. J'ai aussi une grande confiance en leur jugement.
Ces médecins sont venus témoigner pour nous dire que, bien que les demandes d'aide médicale à mourir soient une nouveauté dans leur réalité, depuis le début de leur carrière, ils reçoivent chaque jour des demandes difficiles de la part de leurs patients qui font appel à leur jugement.
La différence, depuis l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Carter, c'est que maintenant, ils doivent faire face à des demandes d'aide médicale à mourir. Effectivement, ces choix seront difficiles pour certains. Heureusement, le projet de loi leur permet de faire appel à leur objection de conscience et de dire à un patient qu'ils ne se sentent pas à l'aise de répondre à leur demande. Nous croyons important que le système de santé fasse en sorte que les patients ne se retrouvent pas à chercher un nouveau médecin dans les pages jaunes. Ils doivent être accompagnés pour faire valoir leurs droits de faire une demande d'aide médicale à mourir.
Nous croyons aussi que les mesures de sauvegarde mises en place sont suffisantes. J'ai été vraiment interpellée par les représentants des organismes de personnes handicapées qui nous ont demandé de ne pas faire preuve de paternalisme à leur égard et de ne pas les infantiliser. Ce n'est pas parce qu'ils ont une maladie incurable, parce qu'ils vivent avec une maladie dégénérative et parce qu'ils souffrent énormément qu'il faut qu'on les traite comme des enfants. Ils ont leur autonomie et sont en mesure de donner un consentement éclairé.
La Cour suprême a bien parlé de la douleur qu'une personne juge insupportable. On ne peut pas juger de la douleur d'une autre personne. Devant la maladie, nous sommes tous différents. Ce qu'il faut voir dans la loi que nous devons mettre en place pour l'aide médicale à mourir, c'est le respect de cette individualité. Il faut s'assurer de donner l'espace nécessaire pour que chaque individu, chaque citoyen et citoyenne de ce pays, soit en mesure de faire un choix le jour où cela se présentera.
Personne au pays n'a hâte de se retrouver dans la situation où il devra faire cette demande. Personne ne souhaite être devant le choix de faire une demande d'aide médicale à mourir. Personne ne souhaite avoir à accompagner un de ses proches dans le choix de faire une demande d'aide médicale à mourir. Par contre, nous souhaitons tous que, le jour où cela arrivera, chaque personne ait toute la place nécessaire pour donner un consentement libre et éclairé, et que chaque personne sente que son droit est respecté et qu'on ne lui répondra pas qu'elle fait malheureusement partie de cette petite catégorie de personnes qui sont exclues parce qu'on juge que leur mort n'est pas raisonnablement prévisible.
D'ailleurs, plusieurs, que ce soit le Barreau du Québec, le Collège des médecins du Québec ou le ministre de la Santé du Québec, sont venus nous dire qu'une « mort naturelle raisonnablement prévisible », cela ne veut rien dire et c'est inapplicable. À mon avis, en voulant donner cette latitude aux médecins, on les met dans une situation où ils ne pourront pas raisonnablement l'appliquer de façon juste et équitable, parce que cela ne veut rien dire de façon claire pour un médecin.
Il faut faire en sorte que la loi que nous adoptons soit conforme à l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Carter et à la Charte canadienne des droits et libertés. Cette loi doit s'assurer que les personnes qui souffrent n'auront pas, au lendemain son adoption, à demander à un avocat d'aller devant les tribunaux pour faire respecter leur droit de faire une demande d'aide médicale à mourir. Nous l'avons entendu lors du Comité mixte spécial sur l'aide médicale à mourir, les provinces sont prêtes à continuer leurs travaux pour adopter une loi à leur niveau. Le ministre de la Santé du Québec l'a dit, il a été agréablement surpris du travail de ses collègues des autres provinces.
Nous devons aujourd'hui adopter une loi qui est conforme à l'arrêt de la Cour suprême dans l'affaire Carter, qui est conforme à la Charte canadienne des droits et libertés et qui permet à chaque citoyen et citoyenne de faire une demande d'aide médicale à mourir.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue de .
Je me lève — pour la dernière fois, je l'espère — pour me prononcer sur le projet de loi à la Chambre.
Même s'il y avait des éléments très contentieux, je crois que le débat sur le projet de loi a démontré le meilleur de nous-mêmes en tant que parlementaires. Tous les parlementaires ont manifesté un grand respect, même si nous avons des perspectives différentes sur une question très délicate et très émotive.
Aujourd'hui, je vais parler des amendements qui nous ont été proposés par l'autre Chambre. J'appuie la motion de la visant à accepter certains amendements et à en refuser d'autres.
[Traduction]
L'amendement présenté au Sénat qui porte sur les soins palliatifs est un bon amendement. Nous avons beaucoup discuté, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne et ici même, à la Chambre, de l'équilibre entre l'accès à l'aide médicale à mourir et l'importance d'assurer la prestation de soins palliatifs de qualité. Le fait que le Sénat renforce une fois de plus l'obligation de veiller à ce que la personne reçoive de l'information au sujet des soins palliatifs avant de recourir à l'aide médicale à mourir est une chose que nous devrions accepter; c'est ce que nous allons faire, avec l'amendement de la , et j'en suis heureux.
La sera tenue d'établir, d'ici un an, des lignes directrices au sujet des certificats de décès, et j'en suis également heureux. Nous avons apporté des amendements, au Comité permanent de la justice et des droits de la personne, pour exiger que la ministre de la Santé collabore avec ses homologues provinciaux et territoriaux afin d'établir des normes pour inclure les coroners. Cet amendement concorde tout à fait avec ce que la Chambre a déjà accepté.
Par ailleurs, il est tout à fait légitime que le Sénat demande à ce qu'un délai soit fixé pour les études qui seront réalisées au sujet des directives anticipées, des mineurs matures et des maladies psychologiques, et qu'il exige que rapport en soit fait au Parlement dans les deux ans suivant la date à laquelle elles auront été entreprises. Au comité, nous avons amendé cela pour préciser que ces études doivent être entreprises dans les six mois suivant l'entrée en vigueur de la loi, ce qui est également une exigence raisonnable.
Ce qui est aussi éminemment raisonnable et tout à fait respectueux de la volonté de la Chambre des communes, c'est le rejet par la ministre de l'amendement visant à supprimer le critère de la mort « raisonnablement prévisible ». La suppression de cette exigence change totalement la portée du projet de loi, qui ne s'appliquerait non plus seulement aux personnes qui approchent la fin de leur vie naturelle, mais aussi à des personnes qui auraient encore 30 ou 40 années à vivre, englobant éventuellement des personnes atteintes uniquement d'une maladie psychologique. Tel n'était pas l'objectif du projet de loi, puisque nous avons affirmé explicitement que nous menons une étude sur les personnes atteintes d'une maladie psychologique.
Or, considérant la définition de « grave et irrémédiable », si nous supprimons l'alinéa d) qui énonce le critère de « raisonnablement prévisible », nous nous retrouvons alors dans une situation où une personne atteinte d'une maladie psychologique pourrait satisfaire aux critères des alinéas a), b) et c) et demander une aide médicale à mourir, ce qui serait complètement à contre-sens de l'objectif du projet de loi quant à l'accès des personnes atteintes uniquement d'une maladie psychologique à cette aide.
Je veux insister sur le fait que, du point de vue des politiques publiques, c'est une approche prudente qui a présidé à la rédaction de ce texte législatif. Nous pouvons discuter longuement des arguments avancés par les médecins, les avocats et les professeurs de droit. J'ai siégé au comité et entendu plus de 40 témoins. J'ai aussi eu le plaisir de suivre épisodiquement les travaux du Comité sénatorial permanent des Affaires juridiques et constitutionnelles et d'entendre ses témoins.
Médecins, avocats, professeurs et autres personnes distinguées ont exprimé des vues qui couvraient tout le spectre des opinions sur la question. Il y a ceux qui disent que le projet de loi n'est pas conforme à l'arrêt Carter ou à la Charte et ceux, tout aussi nombreux, sinon plus, qui disent qu'il est conforme à l'arrêt Carter et à la Charte. À mes yeux, le Parlement a pour rôle de décider ce qui lui paraît conforme à la Charte. Il appartient au Parlement de déterminer la meilleure politique dans le cadre d'un régime de droit conforme à la Charte.
À mon sens, l'aide médicale à mourir est destinée aux personnes en proie à des souffrances intolérables, mais aussi atteintes d'une maladie qui causera leur mort à une date future.
Dans l'arrêt Carter, la Cour s'est penchée sur la situation de Gloria Taylor et de gens comme elle. Gloria Taylor souffrait de SLA, et il ne faisait aucun doute qu'elle allait mourir de cette maladie.
Je crois que le fait de s'assurer que la mort est raisonnablement prévisible respecte tout à fait les lignes directrices de politique publique auxquelles nous nous attendons. Médecins et infirmières ont comparu nombreux devant nous pour nous dire qu'ils n'avaient pas étudié tant d'années pour mettre fin à la vie des gens, mais bien pour apprendre comment aider ceux qui souffrent, à prolonger leur vie autant que possible dans le cadre régissant actuellement leur profession. Ils ne sont pas là pour s'entendre dire qu'il faudrait mettre fin à la vie de telle personne, ayant éventuellement de nombreuses années à vivre, qui est atteinte d'une maladie qui sera peut-être traitable quatre ou cinq années plus tard.
C'est pourquoi je pense que la ministre a pris la bonne décision en rejetant l'amendement du Sénat. Je suis également d'avis que le gouvernement a étudié avec soin ce qui se faisait ailleurs. Il n'y a au monde que neuf gouvernements qui ont établi un cadre juridique pour l'aide médicale à mourir. Dans tous les cas sauf trois, il est exigé que la personne qui y a recours approche la fin de sa vie.
Qu'il s'agisse de la Colombie, des quatre États des États-Unis dotés de telles règles ou du Québec, qui a adopté son propre cadre juridique sur les patients en fin de vie — un cadre différent et antérieur à l'arrêt Carter, si je ne m'abuse —, à tous ces endroits, la loi exige que le patient soit mourant et que, d'un point de vue médical, on soit à peu près certain qu'il n'en a pas pour plus de six mois à vivre.
Il n'y a qu'aux Pays-Bas, en Belgique et au Luxembourg que l'on permet aux gens d'obtenir de l'aide médicale à mourir même si leur mort naturelle n'est pas proche. Or, quelles situations a-t-on pu observer dans ces pays? Des gens ont reçu de l'aide médicale à mourir alors qu'ils n'auraient pas dû la recevoir, à mes yeux et aux yeux de beaucoup d'autres députés sans doute.
Nous avons pu voir, par exemple, le cas des jumeaux dans la quarantaine qui étaient atteints de cécité et en passe de devenir sourds, mais qui n'avaient aucun autre problème de santé susceptible d'entraîner leur décès. Ces hommes avaient besoin d'aide, d'une aide véritable, d'une aide psychologique, d'une aide pour pouvoir vivre. Ils n'avaient pas besoin de se faire dire qu'ils faisaient bien de mourir ensemble tout de suite. Nous avons pu voir les cas de personnes atteintes de troubles purement psychologiques, qui n'arrivaient pas à surmonter leurs traumatismes résultant d'une agression sexuelle. Une telle expérience peut être extrêmement traumatisante psychologiquement, mais il y a moyen d'aider les gens à surmonter leurs difficultés plutôt que de leur offrir de l'aide médicale à mourir.
On peut bien nous citer des sondages selon lesquels plus de 70 % des Canadiens seraient favorables à l'aide médicale à mourir, mais je ne pense pas que les personnes interrogées répondent en ayant à l'esprit des situations de ce genre. Elles songent au cas d'une personne mourante dont les souffrances sont intolérables.
Selon moi, si nous enlevons le critère de la mort raisonnablement prévisible, nous serons en train de demander aux médecins, au personnel infirmier et aux autres professionnels de la santé du Canada de participer à l'aide médicale à mourir au-delà de ce qu'ils ont consenti à faire. Surtout, nous ferons disparaître ce critère sans ajouter les mesures de protection qui auraient été prévues dans le projet de loi si nous avions eu l'intention d'inclure cette catégorie de personnes. Un délai d'attente de 10 jours n'est aucunement suffisant lorsqu'une personne pourrait avoir encore 40 ans à vivre.
Pour terminer, je tiens à dire que j'appuie la motion de la et que je voterai pour aujourd'hui.
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Madame la Présidente, nous avons eu droit à un débat exceptionnel. Le projet de loi a parfois suscité des discussions chargées d'émotions, que ce soit à la Chambre, au comité ou ailleurs. J'ai beaucoup appris de cette expérience. Que ce soit à l'étape de la deuxième lecture, de la troisième lecture ou de l'étude au comité, et quelle que soit la position défendue au sujet du projet de loi C-14, j'ai été ravi de voir les nombreux députés des deux côtés de la Chambre raconter des histoires vécues en toute honnêteté. Plusieurs députés ont participé à ce débat, et je tiens à souligner leur contribution.
Le processus a suscité l'intérêt depuis le début. On peut penser à l'arrêt de la Cour suprême, suivi, en décembre, de vives discussions sur la façon de faire rapport sur la question. Nous avons mis sur pied un comité mixte de la Chambre et du Sénat où nous avons vu des membres des deux Chambres travailler en collaboration et mener des consultations afin de clarifier la question de manière à pouvoir présenter des recommandations, des idées et des observations qui nous ont permis d'arriver là où nous en sommes maintenant. Nous avons vu des ministres, en particulier la ministre de la Justice et la ministre de la Santé, réunir toutes ces idées afin d'élaborer un cadre juridique solide et convenable qui pourra résister à une contestation fondée sur la Charte. Je crois vraiment que c'est ce que nous avons réussi à faire.
Des ministres jusqu'aux membres du comité, en passant par les personnes qui en ont parlé aux différentes étapes et les personnes à l'extérieur de la Chambre, partout dans notre grand pays, des gens se sont exprimés autant qu'on aurait pu s'y attendre sur une mesure législative qui est très importante pour chacun d'entre nous. J'ai souvent présenté des pétitions sur cette question. Je sais que d'autres députés en ont fait autant. Je sais que tous les députés ont consulté les électeurs de leur circonscription et ont reçu des lettres et des appels téléphoniques à ce sujet.
J'ai pu relater une expérience très personnelle avec mon père et raconter comme cela s'était passé lorsqu'il est décédé. Bien d'autres députés ont aussi pu raconter leurs histoires. J'ai pensé que je donnerais un aperçu de notre rôle ici. Comme les députés le savent, c'était une décision unanime. Les neuf juges de la Cour suprême ont déterminé que nous devions adopter de nouvelles dispositions législatives. C'est ce que fait le projet de loi . Il propose de nouvelles dispositions sur l'aide médicale à mourir.
La Cour suprême du Canada a rendu cette décision et elle a fixé un délai. Le délai est expiré, mais de peu. J'aurais aimé que nous puissions le respecter, mais c'est là où nous en sommes aujourd'hui. Ce que je peux dire, c'est que l'aide médicale à mourir ne serait accessible qu'aux personnes qui répondent à certaines conditions: les adultes mentalement capables qui sont dans un état avancé de déclin irréversible de leurs capacités, qui souffrent d'une maladie ou d'un handicap grave et incurable, qui éprouvent des souffrances constantes et intolérables à cause de leur état de santé, et dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, compte tenu de l'ensemble de leur situation médicale.
Il y a une chose qui n'a pas été soulignée très souvent, et c'est le fait qu'après quatre ans, tout le processus fera l'objet d'un examen. Il est très important de le souligner.
Plus tôt aujourd'hui, au début du débat, une personne a fait une observation qui résumait l'essentiel du projet de loi et qui, espérons-le, apaisera les esprits en ce qui concerne la question dont nous débattons. Voici ce qu'a dit la ce matin: « Le projet de loi établit l'équilibre le plus approprié entre, d'une part, l'autonomie des patients par rapport à leur propre mort et, d'autre part, la protection des personnes vulnérables et d'autres intérêts sociaux plus généraux [...] »
Je souscris totalement à cette déclaration faite par la ministre plus tôt aujourd'hui.
Pour conclure, j'ajoute que le a quant à lui indiqué que la discussion nationale sur le sujet se poursuivra après l'adoption du projet de loi .
Le budget qui a été déposé fait état du nouvel accord sur les soins de santé. Nous sommes d'avis qu'il est important pour les Canadiens de partout au pays, parce que ceux-ci nous l'ont dit. Nous allons poursuivre nos travaux et nous pencher sur les soins palliatifs durant cette discussion.
C'est un véritable honneur de prendre la parole et de partager quelques réflexions avant l'adoption du projet de loi.