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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 004 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 7 juillet 2020

[Enregistrement électronique]

(1205)

[Traduction]

     Bienvenue à la quatrième réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes. Pour commencer, je souhaite remercier tous les membres d'être ici aujourd'hui. Afin d'assurer le bon déroulement de la réunion, voici quelques règles à suivre.
    Le personnel chargé de la santé et de la sécurité au travail nous a demandé de limiter les déplacements dans la pièce et de porter des masques si nous ne sommes pas assis. Toute personne qui porte un masque en ce moment peut l'enlever si elle le souhaite. Il fait un peu chaud.
     Le marquage au sol indique qu'il faut se déplacer autour de la table dans le sens contraire des aiguilles d'une montre. Les personnes doivent respecter la distanciation physique et rester à deux mètres les unes des autres, en particulier lorsqu'elles ne portent pas de masque. Je sais que pour les membres du Comité, c'est très difficile, car nous sommes véritablement heureux de nous retrouver. Essayez de rester loin les uns des autres aujourd'hui.
     Les sièges et les microphones ont été placés de manière à respecter la distanciation physique. Par conséquent, je vous demande de les laisser au même endroit pendant toute la durée de la réunion.
    Afin de minimiser les risques pour la santé, vous remarquerez que le personnel présent aujourd'hui est limité. Les employés ont reçu un numéro de téléphone et ils peuvent écouter les travaux en temps réel. Vous constaterez qu'aucun document papier n'a été distribué. Tous les documents ont été distribués aux membres par voie électronique. Si vous souhaitez obtenir une copie d'un document, veuillez en informer la greffière du Comité en lui envoyant un courriel à fewo@parl.gc.ca.
    Aujourd'hui, nous allons passer à la motion de Jag Sahota visant à étudier les répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes.
     Je vais passer la parole à Mme Sahota pour qu'elle lise sa motion.
    La motion se lit comme suit:
Que le Comité entreprenne une étude des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes le mardi 7 juillet 2020, pour un total de six heures, qu’il commence par les éléments suivants : a) la mesure dans laquelle les femmes sont particulièrement touchées par la pandémie de COVID-19; b) les mesures de soutien dont les femmes ont besoin pour se préparer à une éventuelle deuxième vague de la pandémie de COVID-19; c) les défis particuliers auxquels les femmes du Canada sont confrontées, y compris : (i) la santé et la sécurité des femmes, puisqu’on assiste à une hausse marquée de la violence conjugale, de la traite de personnes et des sources de préoccupation quant à la santé en général des groupes démographiques vulnérables, comme les aînés; (ii) la stabilité économique des femmes en raison de la fermeture de milieux de travail partout au pays, de la baisse des revenus des familles, et de l’incapacité pour de nombreuses petites entreprises appartenant à des femmes et exploitées par celles-ci de poursuivre leurs activités comme à l’habitude; (iii) les pressions ou obstacles sociaux associés à la pandémie de COVID-19, incluant la nécessité de prendre soin d’enfants, de parents âgés ou d’autres membres de la famille; que, dans le cadre de cette étude, la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres, la ministre de l’Emploi, du Développement de la main-d'œuvre et de l’Inclusion des personnes handicapées, et d’autres témoins soient invités à comparaître devant le Comité le 7 juillet 2020 pour discuter de la réponse du gouvernement à la COVID-19 et de la façon dont sa réponse touche les femmes.
    Merci beaucoup, madame Sahota.
    Y en a-t-il qui souhaitent intervenir au sujet de la motion? Comme il n'y a pas d'intervention, les membres sont-ils tous d'accord pour l'adopter?
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: Il y a consentement unanime. Je vous remercie.
    À partir de 12 h 30, le Comité va entreprendre une étude des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes pendant une durée totale de six heures. Nous entendrons les ministres demain de 10 h 30 à midi. À la suite de l'étude, un rapport sera produit aux fins d'examen par le Comité. Si le Comité est d'accord, nous discuterons rapidement des directives de rédaction avec les analystes avant d'adopter le budget de l'étude.
    Êtes-vous d'accord de poursuivre la discussion à huis clos?
    (La motion est adoptée.)
    La présidente: C'est formidable. Nous allons donc poursuivre à huis clos. Merci.
    [La séance se poursuit à huis clos.]
(1205)

(1235)
    [La séance publique reprend.]
    Nous allons reprendre nos travaux. Bonjour tout le monde.
    Bienvenue à l'étude des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes. Nous sommes réunis aujourd'hui jusqu'à 18 heures pour entendre les témoignages sur ce sujet important.
    Nous commencerons par les déclarations préliminaires de 10 minutes des témoins, suivies des rondes de questions. Au cours de l'interrogation des témoins, le premier intervenant de chaque parti disposera de six minutes. Pour la première ronde, ce sera le Parti conservateur, le Parti libéral, le Bloc Québécois et le Nouveau Parti démocratique. Pour la deuxième ronde, nous continuerons à travailler ensemble sur ces questions.
    Je demanderais aux membres de lever la main pour poser des questions lorsque nous ne sommes pas en mesure de procéder de façon ordonnée.
    Nous allons commencer par le premier groupe de témoins. J'ai le très grand plaisir d'accueillir Megan Walker, la directrice générale du London Abused Women's Centre, ainsi que Marcie Hawranik, présidente-fondatrice de Canadian Equality Consulting.
    Nous allons commencer avec Mme Hawranik.
    Madame Hawranik, vous disposez de 10 minutes.
    Je vous remercie. J'aimerais tout d'abord vous remercier de l'invitation et de l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui au sujet des répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes ou, comme j'aime le dire, des répercussions intersectionnelles sexospécifiques de la COVID-19.
    Pour commencer, je suis sûre que nous sommes tous d'accord pour dire que nous vivons dans un pays qui n'offre pas les mêmes chances à tous et où l'inégalité entre les sexes persiste. On s'en rend compte en observant les nombreux obstacles auxquels se heurtent les femmes et les autres populations marginalisées ou sous-représentées en milieu de travail. Je le constate tous les jours dans mon travail. On peut également observer l'inégalité des sexes dans la faible proportion de femmes occupant des rôles de premier plan, dans les taux de violence familiale au pays, en analysant les préjugés et les stéréotypes que nous avons tous assimilés et qui sont profondément ancrés en nous ou en étudiant les secteurs genrés et la valeur que la société leur accorde.
    Par exemple, les secteurs à forte prédominance masculine sont davantage valorisés que ceux à forte prédominance féminine, et les secteurs majoritairement féminins ont encore tendance à être dirigés par des hommes. Il y a aussi l'écart salarial persistant entre les hommes et les femmes. Il suffit de scruter n'importe quel secteur au Canada pour trouver des preuves de l'inégalité entre les sexes, et c'était aussi le cas avant la COVID-19.
    Nous avions également commencé à nous enfoncer dans un marasme économique avant la COVID-19, surtout en Alberta, d'où je travaille. Comme on le voit généralement en période de ralentissement économique, la violence contre les femmes a augmenté, les responsabilités familiales des femmes se sont accrues et beaucoup d'autres indicateurs d'inégalité entre les sexes sont montés en flèche.
    Lorsque la COVID-19 a frappé, elle a accéléré et exacerbé toutes les inégalités. L'emploi a chuté en raison des mesures de distanciation sociale, ce qui a eu de grandes répercussions sur les secteurs à prédominance féminine. Le virus lui-même ne fait pas de discrimination fondée sur le sexe ou le genre, mais les systèmes et les secteurs que nous avons créés sont discriminatoires. La COVID-19 a mis en lumière toutes les faiblesses du système sur le plan de l'inégalité.
    Les travailleurs qui sont les plus touchés par la COVID-19, ceux sur lesquels nous comptons pour nous garder en sécurité et nous informer, sont, de par la nature même de leur travail, les plus susceptibles de contracter cette maladie, et ce sont majoritairement des femmes. Au Canada, le secteur des soins de santé est majoritairement féminin. Les infirmiers sont à 92 % des infirmières, les techniciens de laboratoire sont à 80 % des techniciennes, 75 % des inhalothérapeutes — qui jouent un rôle crucial dans le contexte de la COVID-19 — sont des femmes, et 90 % des travailleurs de soins à domicile et de soutien personnel sont des travailleuses. Tous ces travailleurs de première ligne dans la lutte contre la COVID-19 sont majoritairement des femmes, et pas seulement dans le secteur des soins de santé. Cette réalité s'étend à d'autres emplois de première ligne dans la lutte contre la COVID-19. Les femmes représentent 84 % des employés d'épicerie, 72 % des employés de la restauration et 71 % du personnel d'entretien.
    Le secteur à but non lucratif, qui comprend les banques alimentaires, les refuges, les refuges pour femmes, l'aide aux sans-abri et le soutien aux personnes handicapées, compte quant à lui 75 % de femmes. Il emploie à lui seul plus de deux millions de Canadiens, mais il dépend fortement d'une main-d'œuvre bénévole de plus de 13 millions de personnes, dont la majorité est constituée — ce qui est incroyablement important — de travailleurs non rémunérés qui contribuent à soutenir les personnes les plus vulnérables dans le contexte de la COVID-19. Là encore, il s'agit principalement de femmes. Ce secteur en particulier a par ailleurs été paralysé par un manque de soutien financier et par l'obligation de retarder ou d'annuler les activités de collecte de fonds.
    Les travailleurs de la santé des organismes à but non lucratif, qui sont majoritairement des femmes, ont également besoin d'équipement de protection individuelle pour faire leur travail et rester en sécurité. Nous avons observé une grave pénurie d'équipement de protection individuelle de taille adéquate pour des femmes. Nous savons qu'une grande partie de l'équipement, même s'il se veut unisexe, a été conçu pour les hommes de taille moyenne. Par conséquent, les travailleuses de première ligne ne sont pas protégées adéquatement.
    Le système d'éducation a un effectif majoritairement féminin. En effet, 77 % des enseignants sont des enseignantes, et les assistants d'enseignement et les assistants en éducation sont à 96 % des assistantes. La COVID-19 a eu des répercussions significatives pour tous ces travailleurs. La fermeture des écoles a pour conséquence que ce sont surtout des femmes qui se retrouvent à faire l'école à la maison, s'occuper des enfants, jouer le rôle de la garderie ou s'occuper de parents âgés, de voisins ou de collègues de travail tout en nettoyant et en désinfectant méticuleusement la maison, en plus de faire leurs tâches habituelles, comme l'épicerie, la planification et le lavage. Tout cela s'ajoute à leur emploi régulier. Nous le savons parce que 75 % des femmes qui s'occupent de personnes âgées au Canada ont également un emploi à temps plein. Nous savons que, par rapport aux hommes, les femmes sont plus susceptibles de travailler plus de 20 heures par semaine en tant qu'aidantes et deux fois plus susceptibles de prodiguer des soins personnels. Ces statistiques datent d'avant la COVID-19.
(1240)
    Lorsque nous examinons la situation d'un point de vue intersectionnel, nous découvrons que les femmes racialisées ont plus de responsabilités familiales et domestiques que les femmes blanches. Par ailleurs, comme on le sait, la COVID-19 a également amené des femmes à quitter complètement le marché du travail en raison des lourdes responsabilités sur le plan familial, mais aussi en ce qui concerne le suivi scolaire. Une étude a récemment été menée pour vérifier ce fait et elle a révélé que la majorité des femmes qui envisageaient sérieusement de quitter leur emploi pendant la pandémie en raison de ces responsabilités étaient d'abord des mères chefs de famille, puis des femmes racialisées, suivies par des femmes asiatiques, et enfin des femmes blanches.
    Nous savons également que, pour le mois de mars seulement, les données sur le travail ont révélé que les deux tiers des pertes d'emploi touchaient des femmes, alors que celles-ci représentent moins de la moitié de la main-d'œuvre. Celles qui n'ont pas perdu leur emploi ont perdu 50 % plus d'heures de travail que les hommes. Toujours en mars, les femmes âgées de 25 à 54 ans — le principal groupe d'âge actif — ont perdu plus du double d'emplois que les hommes de la même tranche d'âge. Près de la moitié des pertes d'emploi touchait des femmes occupant des emplois à temps partiel souvent mal rémunérés dans le secteur des services ou des soins.
    Dans d'autres cas, il semblerait que les femmes choisissent de quitter le marché du travail. De février à mars, le nombre de femmes appartenant au principal groupe d'âge actif qui n'étaient pas sur le marché du travail canadien a augmenté de manière substantielle, soit de plus de 10 %. Cependant, ce n'était pas par choix, c'était par nécessité. En effet, dans les couples hétérosexuels par exemple, les femmes sont généralement moins bien payées que leur partenaire masculin et on s'attend à ce qu'elles aient davantage de responsabilités domestiques et familiales. Comme tout le monde est à la maison, quelqu'un doit s'acquitter de ces tâches, s'occuper des enfants et assurer le suivi scolaire. La Prestation d'urgence canadienne peut aider ces femmes à court terme, mais elle aura malheureusement aussi des effets négatifs à plus long terme sur leur carrière et leur capacité de gain future. Il faut en tenir compte.
    La pandémie a également entraîné une augmentation de la violence familiale. Les refuges, les organisations de soutien comme le YWCA, les organismes qui fournissent un soutien informel aux survivantes comme Sagesse à Calgary, ainsi que les services de police, ont tous signalé une augmentation des taux de violence familiale. Plusieurs d'entre eux ont indiqué que les taux étaient plus faibles au début de la pandémie en raison du strict isolement social. Pendant cette période, les femmes étaient coincées à la maison avec leur agresseur, par exemple, mais ensuite, une fois que les restrictions ont commencé à être assouplies, les taux ont tout simplement grimpé en flèche.
    Nous savons également que les femmes sont plus susceptibles de vivre en situation de pauvreté et d'avoir des revenus plus faibles. Elles occupent les deux tiers des emplois au salaire minimum, ce qui les expose davantage au risque d'être au chômage et de vivre dans la pauvreté.
    Toutes les répercussions qui ont été relevées jusqu'à présent contribuent à une plus grande inégalité entre les sexes au Canada. Afin d'atténuer ces répercussions disproportionnées et de nous préparer à une deuxième vague de COVID-19, nous devons voir à ce que toutes les décisions soient prises en tenant compte d'un point de vue intersectionnel par rapport aux sexes afin de ne pas répéter les mêmes formes d'inégalité et de discrimination et de pouvoir commencer à apporter des changements progressifs et durables pour le bien de tous.
    Je suis une partisane de l'Analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+, et il est incroyablement important de l'appliquer à toutes les décisions prises en matière de prévention, de gestion et d'intervention dans le contexte de la COVID-19. Il est temps de doubler la mise sur le plan de l'ACS+. Une bonne ACS+ tient compte non seulement du sexe et du genre, mais aussi de la race, de l'origine ethnique, de la culture, de la langue, des capacités, de l'âge, de l'orientation sexuelle et d'autres facteurs tels que l'emplacement géographique. Le processus éclairé qu'est l'ACS+ du gouvernement serait alors plus adapté à des régions précises du Canada et efficace pour éliminer les obstacles que peuvent rencontrer certaines populations.
    La Commission canadienne des droits de la personne, le Conseil consultatif sur l'égalité des sexes du G7 et les Nations unies, ainsi qu'une multitude d'intervenants dans le domaine de l'égalité entre les sexes au Canada et dans le monde, préconisent que les pays adoptent une approche féministe à l'égard de la COVID-19. Si nous ne redoublons pas d'efforts et ne veillons pas à ce qu'un point de vue féministe intersectionnel comme l'ACS+ soit efficacement utilisé dans l'ensemble des décisions et des interventions, nous manquerons à notre devoir envers les Canadiens, et les femmes continueront de faire les frais de la pandémie.
(1245)
    Merci beaucoup, madame Hawranik.
    Nous allons maintenant passer à Megan Walker, la directrice du London Abused Women's Centre.
    Madame Walker, vous disposez de 10 minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Bonjour à vous et aux membres du Comité.
    Le London Abused Women's Centre n'est pas un centre de crise et n'offre pas d'hébergement. C'est un organisme féministe qui offre aux femmes et aux jeunes filles de plus de 12 ans victimes de violence masculine un accès immédiat à des services à long terme pour les femmes dans un milieu sensible aux traumatismes. Le service s'adresse à des femmes et des jeunes filles qui sont victimes d'abus dans leurs relations intimes, de traite de personnes ou d'exploitation sexuelle qui alimente le commerce du sexe, y compris la pornographie, d'agressions sexuelles par des étrangers, des connaissances ou des personnes rencontrées lors d'un rendez-vous, ou de harcèlement sexuel et de torture.
    Le London Abused Women's Centre fournit également un soutien et des conseils aux membres de la famille des femmes et des filles qui ont été victimes de traite de personnes ou d'exploitation sexuelle ou qui ont disparu. De nombreux parents sont venus de villes de tout le pays jusqu'à London, en Ontario, pour nous rencontrer au centre et nous aider à retrouver leur fille. Sans l'aide du London Abused Women's Centre, plus de 200 membres de famille continueraient de vérifier quotidiennement les annonces en ligne pour voir si on fait encore violence à leur fille en la faisant paraître dans des publicités offrant des services sexuels aux hommes. Ils le font parce qu'ils ont besoin de savoir si leur fille est vivante ou morte. Au cours de l'exercice 2019-2020, le centre a fourni des services à 8 100 femmes et filles, soit une augmentation de 107 % par rapport aux années précédentes.
    La COVID a eu de grandes répercussions sur la vie des femmes, des jeunes filles et de tous les enfants. Les femmes ont été contraintes de s'isoler à la maison avec leur agresseur. Imaginez un instant à quel point votre vie serait chamboulée si vous étiez forcés de rester chez vous tout en sachant que vous seriez agressés, violés, torturés, dévalorisés à répétition, et peut-être même tués. Imaginez maintenant que vos jeunes enfants n'aient d'autres choix que d'être témoins ou exposés quotidiennement à la violence dont est victime leur mère. Il arrive que ces enfants soient blessés en tentant d'aider leur mère. D'autres se font parfois tuer en même temps qu'elles. Les plus vieux amènent parfois leurs frères et sœurs plus jeunes dans leur chambre où ils placent des tiroirs ou une commode devant la porte pour empêcher leur père d'entrer.
    Pendant la COVID, de nombreux organismes, dont le London Abused Women's Centre, ont dû fermer leur bureau physique et travailler de la maison, en offrant des groupes en ligne et des conseils par téléphone. Les femmes piégées chez elles qui avaient besoin d'aide ne pouvaient pas nous appeler pour avoir des conseils par téléphone. Elles ne pouvaient pas appeler la police. Elles ne pouvaient pas se réfugier chez une amie. Même dans des conditions idéales, il est extrêmement difficile de quitter son agresseur. Pendant la COVID, c'était presque impossible. Si ces femmes avaient trouvé un moyen de fuir, elles ne l'auraient pas fait si cela signifiait de laisser leurs enfants derrière. La plupart des femmes dans ce genre de situation vivent sous la menace constante de la mort, autant la leur que celle de leurs enfants. Si la police se présente, grâce à la grande vigilance et à l'intervention d'un voisin qui décide de faire quelque chose, où la victime emmènera-t-elle ses enfants? Les refuges sont pleins. Les femmes et les enfants n'ont nulle part où aller.
     Pendant la COVID, nous avons communiqué avec le service de police de London parce que nous avons déterminé que le fait de ne pas avoir d'endroit où se réfugier constituait une énorme faille. La police doit avoir un endroit où elle peut immédiatement emmener les femmes et les enfants. Voilà pourquoi le London Abused Women's Centre, en collaboration avec le service de police de London, a élaboré un protocole: le centre réservait des chambres dans un hôtel sûr et la police y emmenait immédiatement les femmes et leurs enfants. Le centre négociait avec l'hôtel pour que la police puisse y amener des femmes à n'importe quel moment du jour ou de la nuit et intervenait rapidement pour apporter aux victimes des cartes de nourriture, des vêtements, des couches et tout autre chose dont elles avaient besoin. Nous fournissions immédiatement des conseils et un plan de sécurité, et nous aidions les femmes à aller dans un refuge dès que des places se libéraient. Nous les aidions à trouver un logement à long terme.
    C'était un coût initial énorme à absorber pour le London Abused Women's Centre, mais nous avons ensuite reçu une aide financière de Centraide, et récemment de Femmes et Égalité des genres Canada par l'intermédiaire de la Fondation canadienne des femmes pour couvrir les coûts. Ce n'était certainement pas une solution parfaite, mais c'était un peu d'espoir pour des victimes qui n'en avaient parfois plus.
    Exception faite des deux dernières semaines d'avril et des deux premières semaines de mai, lorsqu'il y a eu le féminicide en Nouvelle-Écosse et que les demandes de service auprès du London Abused Women's Centre ont augmenté de près de 50 %, les demandes de service en général pendant la COVID ont diminué de 18 %, tout comme celles du service de police de London. La situation a été attribuée aux neuf semaines au cours desquelles nous avons travaillé à la maison. Le bureau physique était fermé aux clientes sans rendez-vous et nous n'étions pas en mesure de fournir des services aux femmes et aux filles dans les services de détention pour jeunes ou adultes. Les groupes de conversation Zoom et par téléphone n'étaient tout simplement pas accessibles aux femmes piégées à la maison avec leur agresseur. La COVID gardait les victimes en otage chez elles avec leur agresseur. Comment les femmes pouvaient-elles demander de l'aide alors qu'elles ne pouvaient même pas aller aux toilettes sans demander la permission?
    Cependant, le programme de lutte contre la traite de personnes du London Abused Women's Centre a connu une augmentation de 37 % des demandes de service pendant la COVID, malgré la décision du gouvernement fédéral de cesser de le financer en plein milieu de la pandémie. La population de London nous a aidés en nous versant des fonds qui permettront au programme d'être maintenu jusqu'au 31 juillet. Si la collectivité n'avait pas financé temporairement le programme, 650 femmes et filles victimes de la traite de personnes et de l'exploitation sexuelle, auxquelles nous avons fourni un service à long terme, n'auraient eu aucun autre endroit où se réfugier que chez les trafiquants, où elles auraient peut-être trouvé la mort.
    Ce n'est évidemment pas de bon augure pour un gouvernement qui se vante d'être féministe. Le fait que le gouvernement Trudeau ait cru judicieux de cesser de financer tous les programmes de lutte contre la traite de personnes au Canada au beau milieu d'une pandémie mortelle pose de graves questions quant à l'engagement du gouvernement envers les femmes et les filles. Nous trouvons cette décision absolument épouvantable.
    La traite de personnes et l'exploitation sexuelle n'ont pas disparu ou ralenti soudainement pendant la COVID. La situation s'est aggravée. Il y a une plus forte demande de jeunes femmes et de filles mineures chez les hommes qui pensent avoir le droit de violer des femmes et des jeunes filles en échange d'argent. Les clients du commerce du sexe ont alimenté la demande de jeunes filles et de femmes, et les trafiquants sont toujours prêts à avoir les femmes et les jeunes filles nécessaires pour répondre à la demande accrue. Il n'y a pas eu d'amenuisement pendant la COVID. Les trafiquants continuent de faire la traite de jeunes femmes et de filles mineures vulnérables de ville en ville et d'hôtel en hôtel le long des autoroutes de la série 400.
    Il n'y a évidemment aucune distanciation sociale et aucun équipement de protection individuelle dans le commerce du sexe. Si ces précautions sont obligatoires pour les professionnels de la santé exposés à des fluides corporels, elles sont contraires à l'objectif même de l'industrie du sexe, qui est de donner aux hommes un accès sans contrainte à des femmes et des jeunes filles pour les violer.
(1255)
    Les hommes paient plus pour avoir des rapports sexuels non protégés et ils paient plus pour pouvoir éjaculer sur le visage d'une femme lors du climax. Non seulement aucun responsable de la santé publique ni aucun politicien n'ont abordé ce sujet, mais en plus un bien trop grand nombre d'entre eux croient que le rôle des femmes est de satisfaire les hommes, leurs manies et leurs fantasmes sexuels.
    Les écoles étant fermées, les enfants étant à la maison et les parents travaillant de chez eux, le nombre d'enfants ayant été entraînés dans des pièges en ligne a augmenté. Des filles se sont vues forcées de se dénuder et de se masturber pour des trafiquants. Jeunes et naïves, elles croyaient que le garçon ou l'homme en ligne s'intéressait à elles. Elles ne s'attendaient vraiment pas à être filmées à différents stades de nudité ou de masturbation.
     Les vidéos sont téléchargées sur des sites étrangers comme Pornhub, qui est géré par MindGeek à Montréal. Des parents horrifiés et anéantis ont appelé le LAWC pour qu'il les aide à faire retirer ces vidéos. Nous avons essayé de le faire, en y mettant tous nos efforts, mais le fait est que, une fois que ces vidéos sont publiées en ligne, elles sont faciles à télécharger et, même lorsqu'elles sont retirées des sites pornographiques, elles restent à jamais intégrées au fichier de téléchargement de quelqu'un.
     Il est important que vous sachiez que le financement du programme anti-trafic du LAWC que le gouvernement Trudeau a supprimé au nom... Nous offrions ce service au nom du gouvernement, et il a été éliminé. Il ne coûtait que 164 000 $ par an.
    Il ne vous reste que quelques secondes, Megan.
    Entendu. Merci.
    Je voulais juste ajouter qu'en ce qui concerne les femmes et les filles, nous vivons à une époque vraiment difficile. Les gouvernements font beaucoup de promesses aux populations vulnérables et marginalisées, et quand et s’ils prennent des mesures, ils le font à pas de tortue.
     Nous demandons au gouvernement de retirer ses œillères et d'investir dans tous les Canadiens, et pas seulement dans ceux qui sont capables de se faire entendre et sont en mesure de faire des dons aux campagnes.
    Merci.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à notre série de questions. La parole est à Raquel.
    Raquel, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous, mesdames Walker et Hawranik, d'être là aujourd'hui. J'ai grandement apprécié vos témoignages.
    Je représente le Manitoba au Parlement, et nous savons que la pandémie de COVID-19 a eu des répercussions sur les femmes de manière disproportionnée, comme vous l'avez toutes les deux souligné. Au Manitoba, la situation est vraiment terrible.
    Madame Hawranik, comme vous l'avez dit, avant que la pandémie COVID-19 ne frappe, nous étions confrontés à des taux de violence domestique contre les femmes parmi les plus élevés au pays. Selon mon dernier décompte, les services à l'enfance et à la famille accueillent plus de 12 000 enfants, ce qui est le plus grand nombre par habitant au monde. Pour ces raisons et bien d'autres, j'ai demandé aux responsables de Femmes et Égalité des genres Canada et à la ministre l'ouverture d'un bureau au Manitoba — il n'y en a pas actuellement —, et un certain nombre de choses alarmantes ont été rapportées récemment dans les médias.
     Selon un rapport de Shared Health Manitoba, plus de 90 cas d'agressions sexuelles impliquant la drogue du viol ont été signalés en 2018 et bien sûr, très peu de cas d'agressions sexuelles sont signalés.
     Il s'agit, manifestement, d'un problème courant au Manitoba, et je tiens à dire que j'apprécie vraiment le travail que vous faites toutes les deux. En tant que députés, nous prenons cette question très au sérieux.
    Madame Hawranik, c'est à vous que j'aimerais parler en premier au sujet du travail en matière d'analyse comparative entre les sexes que vous faites. J'aimerais avoir votre avis sur certains des programmes que le gouvernement a annoncés ces derniers mois. Nous savons qu'il a agi très rapidement pour mettre en place ces programmes. Ce qui me préoccupe, c'est qu'aucune ACS+, à notre connaissance, n'ait été mise en place dans le cadre de certains de ces programmes. Par ailleurs, je me demandais si vous pouviez nous dire ce que vous pensez de l'AUCLC, le programme d'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial. J'ai peut-être mal compris l'acronyme, mais il s'agit d'un programme dans le cadre duquel le gouvernement paie 50 %, le locataire 25 %, et le propriétaire a une baisse de 25 %.
     Ce programme a très peu pris, et j'ai entendu dire, fait intéressant, que les femmes entrepreneurs ont beaucoup plus de difficultés à bénéficier de ce programme. Je me demande si vous avez eu l'expérience d'une telle situation et ce qu'on aurait pu apprendre sur ce programme sous un angle ACS+, s'il y en avait eu une.
(1300)
    Bien sûr.
    Merci de nous avoir fourni ces statistiques concernant le Manitoba. On a à peu près la même chose en Alberta.
    Je suis au courant de la situation relative à l'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial destinée aux petites entreprises et j'ai parlé avec de nombreuses organisations d'aide aux femmes, en particulier des organisations qui travaillent pour faire avancer la cause de l'entrepreneuriat féminin au Canada. J'ai vu et entendu des choses très similaires de la part de femmes entrepreneures dans tout le pays, au Manitoba, en Alberta, et même au centre-ville de Toronto.
     Ce que nous savons, c'est que les femmes entrepreneures se heurtent à de nombreux obstacles uniques. L'un d'eux est l'accès au capital et au financement. Les femmes entrepreneures ont déjà à faire face à d'incroyables difficultés pour faire croître et développer leurs entreprises et pour obtenir le capital et les revenus nécessaires afin de passer à travers des pandémies comme celle de la COVID-19. En outre, selon des femmes entrepreneures partout au pays, le programme d'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial — pour lequel je n'ai pas encore vu de données quantitatives, et j'encourage le gouvernement à les faire connaître s'il en a — les a, en quelque sorte, laissées tomber.
     Par exemple, au centre-ville de Toronto vit une entrepreneure incroyable appelée Caleigh, qui est à la tête d'une entreprise surprenante de fitness à grande échelle, laquelle héberge aussi un café et propose des espaces de travail pour d'autres femmes entrepreneures. Caleigh a été presque obligée de fermer ses portes définitivement. C'est parce que les restrictions en matière de santé publique ont commencé à être assouplies et c'est pour cette raison seulement qu'elle n'a pas dû mettre la clé sous la porte. Elle a pu lentement rouvrir et reprendre ses activités, mais il est certain que le programme en soi ne l'a pas aidée.
    Merci, madame Hawranik.
    J'ai des questions à poser à Mme Walker maintenant.
     J'ai une question concernant une partie du financement annoncé par le gouvernement, quelque 75 millions de dollars de financement ciblé, dont une grande partie est liée à la traite des personnes à des fins sexuelles. Je sais, madame Walker, que votre organisation, le London Abused Women's Centre, n'a pas reçu un sou de cette subvention dans le cadre de ce cycle. Je sais que PACE, à Vancouver, a une approche différente de celle de votre organisation, puisqu'elle préconise de légitimer le travail du sexe plutôt que de lutter contre la traite des êtres humains à des fins sexuelles, comme le London Abused Women's Centre...
     J'aimerais juste savoir ce que vous pensez de l'approche de ce gouvernement en ce qui concerne la lutte contre la prostitution par rapport à son approche en matière de traite des êtres humains et des priorités que le gouvernement met ainsi de l'avant.
    Nous n'appellerions jamais cela du travail du sexe parce que nous ne croyons pas que l'exploitation des femmes et des filles soit réellement un travail. Ce qui est vraiment préoccupant, c'est que le gouvernement du Canada n'a prévenu aucune des organisations financées antérieurement grâce aux mesures pour lutter contre la prostitution qu'elles ne seraient plus subventionnées. En fait, il nous a fallu appeler plusieurs fois, et ce n'est qu'une fois la période de financement terminée que nous avons été informés qu'il n'y en aurait pas d'autre.
     Le gouvernement a maintenant adopté une approche selon laquelle, au lieu d'allouer les fonds équitablement partout au pays comme il l'a fait à une certaine époque, il a lancé un appel de propositions ciblé à neuf organisations, dans le cadre duquel chacune d'entre elles peut demander jusqu'à 750 000 $ par an, et ce, pendant quatre ans. Trois d'entre elles seront sélectionnées.
     Si l'on compare les 750 000 $ par an pendant quatre ans pour trois organisations à 164 000 $ — le coût du travail effectué par le London Abused Women's Centre, une organisation reconnue au niveau international, au niveau national —, rien de tout cela n'a de sens.
    Merci, madame Walker.
    Merci à vous aussi, madame Hawranik. J'apprécie vos commentaires à toutes les deux à leur juste valeur.
(1305)
    Madame Hutchings.
    Merci, madame la présidente.
     Mesdames, je vous remercie toutes les deux d'être là, aujourd'hui, en cette époque extraordinaire. Mais surtout, merci pour le travail que vous faites pour aider les Canadiens, les femmes, les jeunes filles et tout le monde. Vous faites un travail phénoménal.
    Madame Walker, je vous lève mon chapeau. C'est aux premiers jours de la pandémie, je crois, que vous vous êtes rendu compte que la ligne d'assistance téléphonique pour la traite des êtres humains avait cessé de fonctionner et que vous avez attiré l'attention du gouvernement là-dessus. Je vous en remercie. Il est intéressant de constater que vous avez demandé de l'aide un jour et que, dès le lendemain, heureusement, grâce au ministre de la Sécurité publique, elle fonctionnait de nouveau. Depuis lors, elle a reçu plus de 340 appels. Je vous en remercie donc. Sans cela, ces dames et leurs amis auraient encore une fois glissé entre les mailles du filet.
    Mme Hawranik, j'ai vraiment aimé ce que vous avez dit, que la COVID est comme une lampe-torche. Nous savons tous que beaucoup de ces problèmes existent depuis très longtemps, et la COVID a effectivement contribué à les mettre en lumière. Que faisons-nous et que pouvons-nous faire mieux pour nous assurer que lorsque la deuxième vague arrivera, nous aurons réglé ce problème particulier et, plus important encore, que nous aurons fait des changements fructueux pour ces organisations, ces femmes, ces enfants et ces jeunes garçons à l'avenir?
    J'ai juste quelques points à aborder avec vous. Premièrement, on savait que le financement annoncé en 2015 allait expirer en 2020. Nous reconnaissons l'importance du problème qu'est la traite des êtres humains. C'est pourquoi la stratégie de lutte contre la traite des êtres humains sera lancée à la fin de ce mois, je crois. Cela va être fantastique. Nous allons investir 75 millions de dollars, dans tous les ministères et agences du gouvernement. Le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres du Canada recevra ainsi 10 millions de dollars, et les demandes de financement dans ce cadre pourront bientôt être faites.
     Nous savons qu'il est urgent d'agir. C'est pourquoi nous mettons en place certaines mesures dès maintenant. Nous savons que nous devons nous attaquer à la violence sexiste sous toutes ses formes. C'est pourquoi nous soutenons le plan d'action national et ses plus de 200 millions de dollars d'investissements supplémentaires. Les femmes sont au cœur de notre toute première stratégie nationale en matière de logement. Il s'agit de notre plan décennal de 55 milliards de dollars qui vise à donner à un plus grand nombre de Canadiens un endroit qu'ils puissent appeler leur chez-eux. Et 30 % de ces fonds doivent être consacrés à des projets qui profitent aux femmes et aux filles.
    En outre, nous avons promis de créer au moins 7 000 places dans des refuges d'ici 2027. Nous avons atteint cet objectif bien avant le début de la pandémie de COVID-19. Nous avons quand même doublé les fonds alloués aux femmes vulnérables et à leurs familles depuis le début de la pandémie. L'une des premières choses que nous avons annoncées, ce sont des fonds de 50 millions de dollars destinés à ce groupe, dont 30 millions de dollars pour les refuges et les centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles, 10 millions de dollars pour les refuges autochtones par l'intermédiaire de Services aux Autochtones Canada et un fonds d'urgence de 10 millions de dollars pour des organisations comme le London Abused Women's Centre, afin de fournir les services essentiels non liés aux refuges à toutes ces femmes.
     Par l'intermédiaire de Women's Shelters Canada, nous avons fourni plus de 20 millions de dollars à plus de 420 refuges pour femmes dans tout le Canada, d'un océan à l'autre. Par l'intermédiaire de la Fondation canadienne des femmes, nous avons fourni plus de 2 millions de dollars à plus de 90 centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles. Nous avons également collaboré avec la province de Québec pour lui fournir une aide financière aussi, de 6,46 millions de dollars. Selon le tout dernier rapport, ces fonds ont été alloués à plus de 120 refuges pour femmes et 50 centres d'aide aux victimes d'agressions sexuelles dans la province de Québec. Au moment où nous nous parlons, la Fondation canadienne des femmes est en train de distribuer l'argent du fonds d'urgence.
    Nous ne savons pas exactement combien d'organisations ont reçu de l'argent à ce jour, mais nous savons et pouvons confirmer que l'un des bénéficiaires était votre centre, madame Walker, le London Abused Women's Centre.
    J'aimerais aborder la question de la garde d'enfants un bref instant. Je veux juste m'assurer... Encore une fois, d'après toutes les discussions qu'il a pu y avoir, il est ressorti que le volet de la garde d'enfants est très important en ce qui concerne le retour au travail des femmes. Nous sommes fiers d'avoir signé la toute première entente multilatérale avec les provinces et les territoires sur l'apprentissage et la garde des jeunes enfants, car nous savons qu'investir dans nos enfants, c'est investir dans notre avenir. Nous avons prévu 7,5 milliards de dollars, entre 2017 et 2028, pour donner aux enfants le meilleur départ possible dans la vie. Depuis 2017, nous avons créé plus de 40 000 places de garde d'enfants, offrant aux enfants qui en ont le plus besoin des services de garde de qualité, abordables et culturellement adaptés. Nous avons mis beaucoup d'argent dans les poches de neuf familles sur 10 grâce à l'Allocation canadienne pour enfants. Nous sommes actuellement en train de renouveler chacune des ententes bilatérales passées avec les provinces et les territoires. Nous espérons pouvoir annoncer ces ententes prochainement. Nous savons tous que la garde d'enfants relève essentiellement de la responsabilité de la province, comme c'est le cas pour beaucoup de choses, mais parce que nous voulons aider, nous entrons en scène.
    Nous savons qu'il reste encore beaucoup à faire. Il est important de reconnaître le chemin parcouru: ainsi, entre 2015 et 2019, le gouvernement a augmenté les fonds destinés aux organisations de femmes et de défense de l'égalité des sexes. Ils sont passés de moins de 20 millions de dollars, pendant la dernière année du gouvernement Harper, en 2014, à plus de 65 millions de dollars par an depuis lors.
(1310)
    Cette année, par l'intermédiaire du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres, FEGC, qui n'était auparavant qu'une sous-section d'un autre ministère, le gouvernement a approuvé un financement total de plus de 110 millions de dollars. C'est plus que le financement total combiné des cinq dernières années du gouvernement conservateur. C'est donc merveilleux que ce sujet soit passé sur le devant de la scène. Nos investissements représentent un financement essentiel pour plus de 1 200 organisations.
    Madame Hawranik, puisque le sujet de la COVID-19 est sur le tapis, je serais curieuse de vous entendre parler de votre expérience en Alberta lors du ralentissement des industries pétrolière et gazière, ce que ma province connaît en ce moment aussi. Quels sont les programmes que vous avez mis en place et qui vous ont vraiment aidés? Quelles leçons pouvons-nous tirer de ce que vous avez fait en Alberta et de vos tribulations là-bas? Que pouvons-nous en apprendre et mettre à profit dans notre traitement en ce moment de la crise liée à la COVID et ce que nous devrons faire à l'avenir, quand la deuxième vague de COVID surviendra?
    Je suis désolée. Votre temps de parole est écoulé. Il vous reste juste 10 secondes. Faites vite, je vous prie.
    Je pensais que j'avais sept minutes. Excusez-moi.
    Nous sommes encore en plein dedans, en Alberta, dans la phase d'intervention d'urgence. Il est probablement encore trop tôt pour partager tout ce que nous avons fait de bien et qui pourrait être reproduit dans tout le pays, parce que les Albertains souffrent encore beaucoup, surtout les femmes. J'ai quand même quelques recommandations plus générales qui, je pense, seraient applicables dans tout le pays, comme veiller à ce que la collecte de données sur la diversité et sur le sexe soit faite, quel que soit le domaine concerné.
     J'ai communiqué avec les organismes de gestion des urgences de tout le pays. Elles m'ont toutes fait savoir qu'elles ne faisaient pas d'analyse comparative entre les sexes plus et ne prenaient pas en compte cet aspect des choses dans leur travail, parce qu'elles estimaient être dans une situation de crise, et c'est la première chose qui est laissée de côté, ce qui est inacceptable à mon avis. J'aimerais que le gouvernement fédéral prenne l'initiative et fasse pression pour que l'ACS+ soit prise en compte ou plaide en sa faveur, en particulier parce que l'ACS+ n'est pas censée ralentir en aucune manière leur travail ou leurs processus. L'ACS+ existe depuis 1995. Elle a été revivifiée — merci beaucoup — en 2016. Au cours des dernières années, elle aurait déjà dû être parfaitement intégrée à la gestion des activités du gouvernement.
     Je vous félicite pour vos investissements dans les garderies. De plus, je pense que ce serait fantastique d'avoir une approche vraiment ciblée pour financer des services de garde d'enfants d'urgence accessibles à tous et au fonctionnement souple, voire même de donner des hausses de salaires permanentes aux professionnels qui travaillent avec des personnes handicapées, des personnes âgées, des personnes victimes de violence domestique ou des sans-abri.
    Je pense aussi que tout ce que nous pouvons faire pour changer les normes sociales qui perpétuent les inégalités et faire avancer la cause de l'égalité des sexes — sous la forme peut-être d'une sorte de campagne pour faire bouger les normes dans la société afin d'empêcher que...
    Merci, madame Hawranik.
    La prochaine intervenante sera un membre du Bloc.
    Excusez-moi, madame la vice-présidente. Avant, la présidente, Mme Hutchings, a parlé du London Abused Women's Centre deux fois. Je tiens juste à souligner que cette occasion qui nous est donnée de comparaître est importante parce qu'elle vous permet d'apprendre ce qui se passe dans la collectivité.
    Madame Walker, vous pourrez répondre à la question suivante.
    C'est au tour du Bloc maintenant.
    C'est à vous.
    Je m'inquiète juste des discours politiques qui sont tenus ici alors que nous comparaissons pour être consultés essentiellement.
    Madame Larouche, vous avez la parole.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup.
    Ces témoignages étaient très intéressants. J'espère avoir le temps de m'adresser aux deux témoins, Mme Walker et Mme Hawranik.
    Madame Hawranik, votre groupe semble très intéressant. Vous offrez notamment de la formation sur l'inclusion et la sexospécificité.
    Je vais vous donner des exemples de mesures non appropriées qui ont été prises dans le contexte de la pandémie.
    Selon une médecin qui dirige une clinique de santé et à qui j'ai parlé récemment, beaucoup de femmes de sa communauté qui exercent des métiers davantage occupés par des femmes, comme la coiffure ou la prestation de soins dans des centres de soins de santé, n'ont pas encore accès à la mesure du compte d'urgence. En effet, il s'agit souvent de petites entreprises qui n'ont pas besoin d'un compte d'affaires et qui utilisent un compte personnel. Elles n'ont donc pas accès au prêt de 40 000 $. Tout à l'heure, on a aussi parlé du prêt pour le paiement du loyer.
    Ce sont des mesures qui ne sont peut-être pas adaptées aux femmes. Qu'en pensez-vous?
    Avez-vous d'autres exemples brefs et vulgarisés de la prise en compte de la sexospécificité dans les mesures politiques en ces temps de crise?
(1315)

[Traduction]

    Je vais aussi parler un peu de la Prestation canadienne d'urgence. C'est en partie une bonne chose, car la prestation aide les femmes à gagner un peu d'argent tout en assumant la charge des soins. Toutefois, la PCU ne fait pas avancer ou ne soutient pas l'égalité des sexes, ce qui est l'objectif de l'ACS+, car elle facilite la tâche aux familles qui passent le fardeau des soins aux femmes et poussent les femmes à quitter le marché du travail. Après la COVID-19, il sera vraiment important de se pencher sur cette situation et d'aider les femmes à réintégrer le marché du travail sans qu'elles aient à faire face à des obstacles salariaux ou à la discrimination pour leur absence.
    J'ai également entendu des choses très similaires à ce que vous avez mentionné sur le fait que la Prestation canadienne d'urgence est inaccessible aux petites entreprises appartenant à des femmes.
    J'espère que ma réponse vous est utile.

[Français]

     Je crois aussi que l'éducation — la sensibilisation — est l'outil le plus puissant pour tenter d'enrayer des problèmes sociaux importants comme le sexisme, le racisme ou toute autre forme de discrimination. Vous y travaillez avec votre groupe.
    Lors des formations ou des conférences que vous avez organisées, quel préjugé à l'endroit des politiques publiques relatives aux femmes vous a-t-il semblé le plus difficile à briser?
    La conciliation travail-famille est-elle toujours la pierre angulaire de la participation des femmes dans les sphères publique, politique ou autre?
    Comment pouvons-nous travailler sur l'enjeu que constitue l'éducation?

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je pense que l'un des préjugés les plus difficiles à combattre pour faire progresser l'égalité des sexes et la cause des femmes est peut-être la croyance selon laquelle cet enjeu n'est pas un problème ou l'égalité des sexes existe au Canada. Ou encore, les gens sont mal informés sur ce que signifie réellement l'égalité des sexes et ils pensent que cela signifie que tout le monde reçoit exactement le même traitement. Toutefois, ce n'est pas l'objectif de cette cause. Je pense qu'il s'agit en partie de sensibiliser et d'éduquer les gens sur l'objectif réel de ce mouvement et sur la façon dont il profite à tout le monde.
    De plus, il existe des préjugés subtils que nous avons tous et que nous appelons parfois des préjugés inconscients. Nous observons une montée importante de ces préjugés liés au racisme dans la foulée du mouvement Black Lives Matter. Il en va de même pour les préjugés sexistes, qui sont souvent subtils et plus difficiles à détecter. Nous proposons des formations qui peuvent aider les gens à prendre conscience de ces préjugés. Il existe également des processus spécifiques semblables au processus d'ACS+ qu'on peut adopter et intégrer de façon transparente dans le travail quotidien, afin de secouer ces préjugés.

[Français]

    Comme on le sait, les femmes doivent aussi gérer une importante charge mentale. Outre le rôle traditionnel qu'elles doivent jouer, elles assument aussi tout le travail invisible, c'est-à-dire le travail qui se fait bénévolement et qui n'est pas assez reconnu. Il ne faut pas oublier l'ensemble des responsabilités et l'engagement social à la maison. Lorsqu'elles s'engagent, les femmes ont parfois le sentiment de négliger leur famille. Cette perception est difficile à changer.
    Comment pouvons-nous faciliter la participation des femmes? Quelles mesures le gouvernement peut-il prendre pour les aider?

[Traduction]

    Certainement.
    Je crois que le gouvernement peut jouer un rôle de catalyseur dans l'atteinte de l'égalité entre les sexes. Mais je ne crois pas que le gouvernement soit nécessairement le meilleur instrument pour apporter tous ces changements, car il a aussi une portée limitée.
    Toutefois, je crois que le gouvernement peut certainement donner l'exemple. J'aime le fait qu'il existe un ministère distinct, à savoir Femmes et Égalité des genres Canada, ou FEGC. Il est extrêmement important de veiller à ce que ce ministère reçoive les ressources dont il a besoin, car il s'agit d'un très petit ministère responsable de mettre en œuvre l'ACS+ à l'échelle du gouvernement fédéral. Comme vous pouvez le voir, l'ACS+ n'est pas appliquée partout. C'est un gros problème sur lequel il faudrait aussi se pencher, selon moi. En effet, ce ministère a besoin de soutien et d'aide supplémentaires.
    De plus, nous examinons les différences entre les régions d'un bout à l'autre du Canada et la condition des femmes dans chaque province et territoire et nous tentons de mettre en œuvre des solutions ciblées qui visent à appuyer les femmes dans tous ces endroits. L'un des exemples que j'ai mentionnés — et que je recommande — consiste à tenter de secouer les normes sociales et les préjugés contre l'égalité en menant des campagnes de sensibilisation du public et en influençant les jeunes par l'entremise du programme d'études dès les premières années de leur scolarité.
(1320)
    Je vous remercie.

[Français]

    C'est parfait.
    Est-ce qu'il me reste une autre minute? Puis-je poser une dernière question?

[Traduction]

    Votre temps est écoulé.
    La parole est à Mme Mathyssen.
    Je remercie beaucoup les témoins de comparaître aujourd'hui. Vos témoignages sont extrêmement précieux, et nous vous en remercions.
    J'aimerais m'adresser surtout à Mme Walker. Vous avez exprimé, de façon claire et convaincante, les effets de la COVID-19 sur notre communauté locale, ainsi que certains des choix qui ont été faits. Je ne me serais pas attendue à ce niveau de rhétorique avant demain, mais nous l'avons entendu aujourd'hui. J'aimerais explorer un peu tout cela.
    Manifestement, nous savons que la traite des personnes est un problème sérieux à London. En effet, la proximité de l'autoroute 401, cette voie de transport importante, représente un énorme problème. Vous avez déjà reçu des fonds pour la durée de l'Initiative de mesures non législatives de lutte contre la prostitution et maintenant, l'écart que vous observez entre la mise en œuvre des nouveaux programmes par le ministère de la Sécurité publique est énorme.
    Je comprends. Je remercie chaleureusement la collectivité de London d'être venue en aide à notre collectivité pour aider à réduire cet écart. Toutefois, pourriez-vous nous dire si vous avez réussi à recevoir un financement continu? J'aimerais entendre parler des problèmes qu'entraînera l'interruption du financement. Vous pourrez continuer jusqu'à la fin juillet, mais relancer un programme qui ne recevra probablement ce financement que beaucoup plus tard... Quels sont les coûts liés au redémarrage de ce programme? Quelles lacunes observerez-vous?
    De plus, pourriez-vous commencer à remédier à cela? Je sais que vous devez tenir compte du fait que le financement que vous pourriez recevoir à l'avenir, que ce soit par l'entremise de Sécurité publique ou de Femmes et Égalité des genres Canada, sera beaucoup moins important que celui que vous avez reçu auparavant. Qu'envisagez-vous pour l'avenir de ce programme compte tenu de ces lacunes et de la réduction du financement?
    Tout d'abord, je tiens à préciser qu'il y a des lacunes importantes. Je dois mettre en doute l'intégrité de tout gouvernement qui interrompt un financement qui vise à aider les femmes et les filles victimes de la traite des personnes au beau milieu de la plus grande pandémie jamais vue sur la planète jusqu'à présent.
    Je veux que vous sachiez que nous sommes très chanceux à London, en Ontario. En effet, les habitants de notre ville sont consternés par la décision prise par le gouvernement. En fait, des résidants nous téléphonent souvent pour exprimer leur soutien à l'égard de notre programme et de ce qu'il fait pour notre collectivité et notre pays, et ils sont prêts à nous verser directement des dons en argent au lieu de les verser dans les coffres du gouvernement Trudeau.
    Je tiens également à mentionner une autre lacune. Depuis le début de la pandémie de COVID-19, les intervenants du Abused Women's Centre préconisent fortement l'utilisation d'une partie du financement annoncé chaque jour pour la pandémie pour aider les femmes qui se prostituent, ainsi que les victimes de la traite et de l'exploitation. En effet, ces femmes n'ont pas d'antécédents professionnels et ne sont donc pas admissibles au financement. Nous avons proposé un certain nombre de solutions, mais cette population la plus vulnérable n'a toujours pas reçu du financement pour lui permettre de s'en sortir. Encore une fois, je trouve cela dévastateur.
    En ce qui concerne les mesures que nous allons prendre, le gouvernement a visiblement tourné le dos aux femmes et aux filles dont nous nous occupons à London. Il les a trahies. Nous savons que London est une plaque tournante du trafic sexuel en raison de son accès à l'autoroute 401, mais aussi en raison de son emplacement entre Détroit, où la prostitution est interdite, et la ville de Toronto.
    Notre collectivité continuera de se manifester pour nous. En fait, nous ne permettrons pas la fermeture de ce programme. Justin Trudeau se présente peut-être comme un féministe, mais il ne démolira pas les organisations féministes par ses décisions mal avisées, comme celle qu'il vient de prendre. Dans les prochains jours, nous ferons une grande annonce avec l'appui de notre collectivité. Je peux assurer à chacune des 650 femmes et filles victimes de la traite qui continuent d'avoir accès à nos services quotidiennement qu'elles ne seront pas laissées pour compte à London.
(1325)
    Madame Mathyssen, vous avez environ 20 secondes pour poser une question et entendre la réponse.
    En ce qui concerne les deux organismes, j'ai essayé d'encourager la fin du financement de projets à court terme pour revenir à un financement de base fiable et durable à long terme. Très rapidement, pourriez-vous nous parler de l'importance de cela pour vos deux organismes?
    Si vous pouviez...
    Oui. Très brièvement, le gouvernement propose actuellement de verser un financement de 750 000 $ par année sur quatre ans à trois organismes du Canada, avec l'engagement de maintenir ce financement à l'avenir. C'est tout simplement irréaliste et cela n'arrivera pas.
    D'accord.
    Madame Hawranik, pourriez-vous répondre en 10 ou 15 secondes?
    J'ai également vu l'annonce selon laquelle 350 millions de dollars sont prévus pour aider le secteur des organismes de bienfaisance du pays, mais encore une fois, ce n'est pas à long terme. De plus, le YWCA affirme qu'il faudrait 8 milliards de dollars pour que ces mesures soient efficaces dans ce secteur. C'est un écart important.
    C'est ce qui termine notre série de questions avec notre premier groupe de témoins. Nous avons tous eu l'occasion de prendre la parole.
    Je tiens à remercier chaleureusement Marcie Hawranik, fondatrice et présidente de Canadian Equality Counsulting, ainsi que Megan Walker, directrice générale du London Abused Women's Centre.
    Je vous remercie d'avoir contribué à cette étude extrêmement importante.
    Nous allons suspendre la séance pendant une demi-heure, et nous reprendrons ensuite les travaux. Je vous remercie beaucoup.
(1325)

(1400)
    Nous reprenons la séance et notre étude sur les effets de la COVID-19 sur les femmes.
    Nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins pour aujourd'hui. Nous avons trois excellents témoins dans ce groupe. Tout d'abord, Ann Decter est directrice principale de la Fondation canadienne des femmes. Ensuite, Morna Ballantyne est directrice générale de l'organisme Un Enfant, Une Place. Enfin, Hélène Cornellier est responsable des dossiers et des communications à l'Association féminine d'éducation et d'action sociale.
    Vous avez chacune 10 minutes pour faire un exposé. La parole est à Ann Decter.
    Vous avez 10 minutes.
    Bonjour. Je m'appelle Ann Decter, et je représente la Fondation canadienne des femmes, la seule fondation publique nationale pour les femmes et les filles au Canada et l'une des 10 plus grandes fondations au monde. Depuis trois décennies, notre travail d'attribution de subventions vise à sortir les femmes de la pauvreté et de la violence et à les amener dans un environnement sécuritaire et fiable.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui pour parler de cette question urgente, car les femmes du Canada ont été touchées par la pandémie à un point tel que les progrès en matière d'égalité qui avaient été réalisés risquent de reculer grandement. La sécurité, les moyens de subsistance et le bien-être des femmes ont tous été mis en péril, surtout pour les femmes issues de communautés marginalisées par la discrimination systémique. La pandémie a attiré l'attention sur la violence fondée sur le sexe, la sécurité économique des femmes, la prestation des soins et le rôle économique central joué par les services de garde d'enfants.
    Les femmes ont subi de lourdes pertes économiques, et c'est encore plus prononcé pour les femmes à faible revenu qui subissent des inégalités croisées et fondées sur la race, un handicap, l'éducation, le colonialisme, le statut migratoire et le statut d'immigration. Un ralentissement historique de l'emploi des femmes, aggravé par l'incertitude quant à la capacité de notre fragile secteur des services de garde d'enfants à rouvrir pleinement, pourrait nuire grandement à la sécurité économique des femmes. On peut s'attendre à ce que les femmes des communautés diverses et marginalisées aient le plus de difficulté à sortir de cette crise.
    L'ampleur des pertes d'emplois subies par les femmes est énorme. À la fin du mois de mai, 1,5 million de femmes avaient perdu leur emploi et 1,2 million d'autres avaient perdu la majorité de leurs heures de travail, ce qui touche plus du quart de l'ensemble des travailleuses. Ce sont les salariées les moins bien payées qui ont été les plus durement touchées. En effet, 58 % des femmes qui gagnaient 14 $ de l'heure ou moins ont été mises à pied ou ont perdu la majeure partie de leurs heures de travail en avril. Dans l'ensemble, les femmes dont le salaire se situe parmi les 10 % les moins élevés ont subi des pertes d'emplois 50 fois plus élevées que les femmes qui gagnent les salaires les plus élevés. Ce sont les types de données granulaires révélées par l'analyse intersectionnelle fondée sur le sexe qui sont nécessaires pour soutenir les décisions liées aux prochaines mesures qui seront prises.
    Les mères perdent leur emploi de façon disproportionnée. En effet, elles représentent 57 % des parents qui avaient perdu leur emploi ou la plupart de leurs heures de travail à la fin du mois de mai et seulement 41 % des gains d'emploi. Plus d'un quart des mères d'enfants de moins de 12 ans qui travaillaient en février étaient au chômage ou travaillaient moins qu'à mi-temps à la fin du mois d'avril. Les mères qui élevaient seules leurs enfants étaient plus susceptibles de perdre leur emploi que celles des familles biparentales.
    Les femmes quittent le marché du travail et assument une plus grande partie des responsabilités familiales à la maison. Le nombre de femmes dans la force de l'âge à l'extérieur du marché du travail a augmenté de 34 % entre le mois de février et la fin d'avril. Cela inclut les femmes qui ont cessé de chercher du travail en raison de la montée en flèche du chômage ou pour assumer des responsabilités familiales. La sécurité économique des femmes est donc menacée.
    L'accès aux services de garde d'enfants sous-tend l'accès des mères au marché du travail, et sans l'intervention du gouvernement, les services de garde d'enfants seront plus rares et plus coûteux. Un centre de garde d'enfants sur trois n'a pas confirmé sa réouverture. Les exigences en matière d'éloignement physique réduisent le nombre de places. L'équipement de protection individuelle et la désinfection des lieux feront augmenter les coûts, ce qui entraînera une hausse des frais pour les parents et mettra les services de garde d'enfants hors de la portée financière d'un plus grand nombre de familles. Les parents de tous les sexes ont besoin des services de garde d'enfants pour travailler, mais pour les femmes, qui assument toujours une part disproportionnée des responsabilités familiales, c'est essentiel. La fermeture d'urgence des garderies et des écoles a fait peser un triple fardeau sur les mères qui travaillent à temps plein à domicile et qui s'occupent à la fois des enfants et des tâches ménagères.
    La prestation de soins s'est retrouvée au cœur de la réponse à la pandémie. Le personnel de nos systèmes de soins primaires et de soins de longue durée est en grande partie composé de femmes. Plus d'une travailleuse sur trois occupe un emploi à risque élevé et est plus exposée à la COVID-19. Les femmes représentent plus des deux tiers des personnes qui nettoient et désinfectent les édifices et près de 90 % des préposés aux services de soutien à la personne. Après deux décennies d'austérité dans les soins de santé et les services communautaires, les travailleurs les plus mal payés — une main-d’œuvre à forte majorité féminine et racialisée — constituent la première ligne de défense contre les maladies catastrophiques et la dépression économique. L'économie canadienne des soins est fracturée, et les femmes, surtout celles qui sont racialisées, noires, migrantes et sans papiers, en font les frais.
    Le retrait du gouvernement a ouvert la voie à la prolifération de chaînes à but lucratif dans le secteur des soins, ce qui a réduit la qualité des soins, les niveaux de personnel et les avantages et les protections en matière d'emploi, avec des conséquences négatives pour les bénéficiaires de soins, la main-d’œuvre racialisée et sexospécifique et la réponse du Canada à la pandémie.
(1405)
    Au Canada, le travail de prestation des soins repose également sur des travailleurs migrants hautement qualifiés, mais peu rémunérés, qui occupent désormais des postes dans des maisons privées et des établissements de soins de santé, mais qui ont de moins en moins la chance d'obtenir le statut de résident permanent et la protection de leurs droits. Les conséquences de la pandémie sur les travailleurs migrants sont notamment la mise à pied par les employeurs qui travaillent désormais à domicile ou qui ont été mis à pied, le confinement 24 heures sur 24, sept jours sur sept dans les maisons privées des employeurs et la perte du statut d'immigrant en raison des délais de traitement au sein du gouvernement.
    L'obligation de rester à la maison augmente le risque de violence familiale et réduit la capacité des femmes de quitter un foyer violent pour la sécurité des refuges, ce qui souligne l'importance du secteur de la prévention de la violence, tout en exerçant une pression supplémentaire sur les services de lutte contre la violence déjà surchargés. La fermeture d'espaces physiques et le passage à des services à distance ont créé des obstacles uniques à l'accès aux centres d'aide pour les victimes d'agression sexuelle.
    Dans le meilleur des cas, les services de lutte contre la violence fondée sur le sexe sont sous-financés et n'arrivent pas à répondre à la demande. En effet, la demande d'accès aux refuges pour femmes dépasse constamment la capacité d'accueil. Des lacunes importantes persistent dans les services d'hébergement pour les femmes handicapées, les femmes sourdes, les femmes des régions rurales et isolées et les femmes qui ont besoin de services adaptés à leur culture. Les femmes des Premières Nations, les Métisses ou les Inuites ont accès à quatre refuges pour femmes sur cinq au pays, mais seulement un refuge sur cinq peut souvent offrir des programmes adaptés à la culture, et 70 % des membres des communautés inuites n'ont pas accès à un refuge.
    Avec l'essor du mouvement « Me Too », les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ont reçu un nombre beaucoup plus élevé d'appels sans que le financement augmente en conséquence. Au déclenchement de la pandémie, d'un bout à l'autre du Canada, des victimes d'agression sexuelle, dont certaines présentaient un risque élevé de suicide, étaient bloquées sur une liste d'attente pour obtenir des services de counseling. La responsable d'un centre d'aide aux victimes d'agression sexuelle a parlé de la transition vers le travail à distance en disant que le centre avait dû investir dans un système téléphonique, car le système existant était un don qui datait de 1980. Le centre n'avait pas non plus de fonds pour l'équipement de protection individuelle pour le personnel et les bénévoles qui accompagnent les femmes dans les hôpitaux, dans les services de police et chez le médecin. Même si cette responsable était reconnaissante du financement de 25 000 $ reçu par le centre, elle a été obligée d'admettre que ce n'était pas suffisant, car le centre a commencé à manquer d'équipement de protection individuelle, les bénévoles ont commencé à montrer des signes d'épuisement et le centre reçoit en moyenne de 60 à 80 appels urgents par jour.
    Comme vous le savez sans doute, le secteur des services aux femmes désigne des organismes à but non lucratif et des organismes de bienfaisance qui fournissent des services expressément destinés aux femmes, afin de faire progresser l'égalité des femmes par l'entremise de politiques, de la défense des droits et de la mobilisation du public. Cela comprend les refuges pour femmes, les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle et les centres pour femmes qui offrent un filet de sécurité aux femmes et à leur famille. Ces services sont essentiels pour maintenir un système d'État-providence sain et pour atteindre l'égalité des sexes.
    Le confinement lié à la pandémie a mis en évidence et exacerbé les problèmes existants dans le modèle de financement du secteur des services aux femmes. Ce secteur est financé partiellement et irrégulièrement par une combinaison imprévisible de dons individuels, de dons d'entreprises et de subventions de fondations et de l'État. Ces processus sont lents et inefficaces, et il faut constamment les renouveler en communiquant avec les intervenants. Les organismes recherchent, sollicitent et renouvellent constamment des financements qui sont en grande partie fondés sur des projets et qui sont souvent temporaires. Les rapports produits par le secteur des services aux femmes indiquent une crise imminente.
    Tout comme la meilleure réponse d'urgence à la pandémie élaborée par les responsables de la santé publique, dont beaucoup sont des femmes, la planification de la relance en tenant compte des femmes et de l'égalité des sexes nécessite une analyse approfondie, des résultats cibles précis et fondés sur des preuves, des approches méthodiques pour la mise en œuvre et un leadership responsable avec une vision et du cœur.
    Si de vastes mesures d'urgence devaient être remises en œuvre pour une autre période indéterminée, la Fondation canadienne des femmes recommande d'adopter les mesures suivantes, en rappelant qu'une analyse inclusive fondée sur le sexe et comprenant une optique intersectionnelle est essentielle à la planification de tous les investissements du gouvernement visant la relance à court ou à long terme. En ce qui concerne la sécurité économique des femmes, nous recommandons de rétablir la Prestation canadienne d'urgence pendant toute période de ralentissement économique, de rétablir la Subvention salariale d'urgence du Canada avec un mécanisme administratif plus simple pendant toute période de ralentissement économique, d'élargir l'accès à l'assurance-emploi, afin que toutes les femmes qui cotisent puissent avoir accès aux prestations, de collaborer avec les provinces et les territoires pour offrir 10 jours de congé de maladie payés comme il a été annoncé, de mettre en œuvre un financement qui permettra de rouvrir en toute sécurité les services de garde d'enfants et de les ramener au niveau de services antérieurs à la pandémie et de continuer d'élargir l'accès jusqu'à atteindre l'accès universel.
    En ce qui concerne les femmes et le travail de prestation des soins, il faut collaborer avec les provinces et les territoires pour veiller...
(1410)
    Madame Decter, vos 10 minutes sont écoulées, mais je vais vous donner environ 15 secondes pour conclure.
    ... à ce que dans le secteur des soins à long terme, le personnel travaille dans un seul établissement avec un emploi à temps plein et un salaire décent, et que les employés aient la possibilité d'avoir des jours de congé de maladie, de refuser de faire un travail dangereux et d'avoir accès à de l'équipement de protection, à des soins et à des tests appropriés. Nous recommandons également d'accorder à tous les travailleurs migrants qui se trouvent actuellement au Canada la résidence permanente...
    Madame Decter, nous aurons peut-être l'occasion d'entendre le reste, mais malheureusement, le temps est écoulé.
    Il n'y a pas de problème.
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Morna Ballantyne, de l'organisme Un Enfant, Une Place.
    Madame Ballantyne, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente et membres du Comité, de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui.
    L'organisme Un Enfant, Une Place, aussi connu sous le nom d'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, a été créé en 1982 pour agir au nom d'organismes et de particuliers qui souhaitent que des services d'éducation précoce et de garde d'enfants abordables, inclusifs et de grande qualité soient offerts à toutes les familles et à tous les enfants, quels que soient leur lieu de résidence et leur situation.
    Nous tenons à féliciter le Comité permanent de la condition féminine d'avoir entrepris un examen des effets de la COVID-19 sur les femmes et d'avoir reconnu qu'un tel examen serait incomplet s'il ne portait pas également sur les effets de la COVID-19 sur l'accès des femmes aux services de garde d'enfants.
    J'ai comparu devant votre comité il y a trois ans dans le cadre de votre étude sur la sécurité économique des femmes. Comme beaucoup d'autres témoins, j'ai alors déclaré que les Canadiennes n'atteindraient pas et ne pourraient pas atteindre la sécurité économique sans un accès complet à la main-d’œuvre rémunérée et à un travail adéquatement rémunéré. Cela ne se fera pas et ne peut pas se faire sans un système de garde d'enfants financé et géré par l'État. Il a fallu une crise de santé publique pour prouver une fois de plus notre argument. Aujourd'hui, les multiples rôles essentiels joués par les services de garde d'enfants sont enfin reconnus, notamment par notre premier ministre. La COVID-19 a également exposé la fragilité de l'offre de services de garde d'enfants au Canada. Toutefois, il reste à voir ce que les gouvernements feront, le cas échéant, pour y remédier.
    L'Enquête sur la population active de Statistique Canada confirme les effets dévastateurs de la pandémie sur l'emploi des femmes, et en particulier sur l'emploi des mères qui ont des enfants de moins de 12 ans. Si le Rapport sur l'emploi du mois de mai révèle une certaine reprise de l'emploi dans l'ensemble, les femmes ne représentent que 29 % de cette reprise. Le retour des femmes sur le marché du travail rémunéré est essentiel pour leur sécurité économique, mais leur participation en plus grand nombre est également essentielle pour une reprise économique durable pour tout le monde. La mise sur pied d'un système de garde d'enfants accessible, abordable, inclusif et de qualité est essentielle si le Canada veut se forger un avenir résilient et équitable et devenir le meilleur endroit possible pour les enfants.
    Les services de garde d'enfants au Canada étaient fragiles avant même que la pandémie ne se déclenche, car ils sont fondés sur le marché, ils sont fragmentés et ils sont nettement sous-financés.
    Les parents canadiens sont donc obligés d'acheter des services sur un marché de services de garde d'enfants où certains services sont réglementés, mais la plupart ne le sont pas, et où certains services sont à but non lucratif, mais d'autres sont une source de profits. C'est un marché qui offre un éventail déroutant de services rares, dont un trop grand nombre sont de mauvaise qualité. De plus, ces services sont presque tous inabordables pour la plupart des familles. Cette situation contribue à l'inégalité économique et sociale et aggrave ces problèmes. Les familles autochtones, les familles racialisées et les ménages à faible revenu sont exclus de façon disproportionnée.
    Le marché des services de garde d'enfants est également particulièrement inadéquat pour répondre aux besoins des enfants handicapés, des enfants dont les parents travaillent selon des horaires atypiques ou irréguliers et des enfants qui vivent dans des collectivités rurales et éloignées.
    Cette approche de marché ne fonctionne pas mieux pour les fournisseurs de services de garde d'enfants. En effet, presque tous les programmes à l'extérieur du Québec dépendent principalement des frais payés par les parents pour rester en activité. La main-d’œuvre, composée majoritairement de femmes, gagne de faibles salaires. Toute augmentation de la rémunération se traduit par des frais de garde plus élevés pour les parents. En raison de la rémunération inadéquate, le recrutement et la rétention d'éducatrices de la petite enfance qualifiées représentent perpétuellement une grave préoccupation.
    Par conséquent, l'approche consistant à confier la prestation de services de garde au marché ne fonctionne pas mieux pour les garderies qu'elle ne fonctionnerait pour les soins de santé, l'enseignement primaire ou secondaire ou d'innombrables autres secteurs dans lesquels les gouvernements sont intervenus dans l'intérêt de tous les Canadiens et parce qu'il est économiquement judicieux de le faire.
    La COVID-19 a exposé tous les problèmes liés aux services de garde d'enfants fondés sur le marché et l'absence d'un système de garde d'enfants entièrement financé et géré par l'État. Lorsque les provinces et les territoires ont ordonné la fermeture des services de garde d'enfants pendant la phase d'intervention d'urgence de la pandémie, avec des services limités pour les travailleurs essentiels, ce secteur a été perturbé plus profondément que l'a été celui de l'éducation publique ou d'autres parties du secteur public. Le niveau de perturbation dépendait de l'approche adoptée par chaque gouvernement provincial et territorial.
(1415)
    Dans les endroits où le soutien nécessaire a été fourni, les programmes de garde d'enfants sont en bien meilleure position pour rouvrir et répondre aux besoins des enfants et des parents, mais une enquête sur les garderies agréées au Canada réalisée en mai dernier a révélé que plus d'un tiers des centres sont incertains quant à leur réouverture.
    Il est maintenant temps que le gouvernement intervienne de manière significative dans le secteur de l'éducation précoce et de la garde d'enfants. L'organisme Un Enfant, Une Place a proposé une stratégie fédérale pour y arriver. Bien entendu, nous reconnaissons que le rétablissement des services de garde d'enfants ne peut être laissé au seul gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral devra travailler avec les provinces, les territoires et les gouvernements et les communautés autochtones, mais il devra aussi assurer un leadership politique, soutenu par son pouvoir de dépenser, pour répondre aux répercussions économiques et sociales immédiates de la COVID-19 et établir les fondements de l'établissement d'un système à plus long terme.
    Notre stratégie préconise une approche en deux phases. Dans la première phase, nous voulons que le gouvernement fédéral dépense 2,5 milliards de dollars pour soutenir le rétablissement sécuritaire et complet des services d'éducation préscolaire et de garde d'enfants réglementés et pour répondre aux besoins immédiats en matière de soins des enfants d'âge scolaire. Dans la deuxième phase, nous proposons que le gouvernement fédéral augmente ses dépenses en matière de garde d'enfants à 2 milliards de dollars en 2021-2022 et que cette base soit augmentée de 2 milliards de dollars par année par la suite.
    Ces fonds fédéraux seraient utilisés pour faire évoluer le Canada vers un système entièrement financé par l'État, en partenariat avec les provinces, les territoires et les gouvernements autochtones. Il faudrait affecter 20 % de ces fonds au soutien du Cadre d'apprentissage et de garde des jeunes enfants autochtones. Selon notre plan, le gouvernement fédéral exigerait que les provinces et les territoires utilisent les fonds fédéraux pour améliorer de façon mesurable l'accessibilité, l'abordabilité, la qualité et l'inclusion. En outre, le gouvernement fédéral établirait et financerait un secrétariat fédéral pour l'éducation précoce et la garde d'enfants, et ce secrétariat serait responsable de diriger et de coordonner les travaux du gouvernement fédéral. Enfin, le gouvernement proposerait des mesures législatives qui enchâsseraient l'engagement du Canada à donner à tous les enfants le droit à des services d'éducation précoce et de garde d'enfants de qualité.
    Permettez-moi d'expliquer très brièvement ce que nous voulons retrouver dans la première phase, qui commencerait maintenant et se poursuivrait jusqu'à la fin de l'exercice financier en cours.
    Le gouvernement fédéral a promis 14 milliards de dollars en nouveaux transferts fédéraux aux provinces et aux territoires, et ces fonds seront versés au cours des derniers mois de 2020. Ces transferts doivent aider à financer la relance sécuritaire de l'économie. Nous proposons que le gouvernement fédéral alloue 2,5 milliards de dollars de ces transferts promis aux dépenses en matière de garde d'enfants. Des ententes avec chaque province et territoire garantiraient que les fonds du gouvernement fédéral seraient utilisés pour, tout d'abord, la réouverture sécuritaire des programmes de garde d'enfants, deuxièmement, le rétablissement et l'augmentation du nombre de places en garderies agréées qui existaient avant la pandémie, et troisièmement, la création et l'exécution de programmes de garde d'enfants d'âge scolaire jusqu'à 12 ans pendant les mois d'été, ainsi qu'à l'automne et à l'hiver. Les parents doivent avoir accès à des programmes de qualité avant et après les heures de classe et pendant les heures normales de classe si les écoles ne sont pas ouvertes en raison de préoccupations de santé publique.
    En outre, nous voulons que les fonds fédéraux soient utilisés pour améliorer le salaire des personnes qui travaillent dans le secteur de l'éducation précoce et de la garde d'enfants, afin d'assurer le retour et la rétention du personnel qualifié dans ce secteur.
    Le secrétariat fédéral mandaté par le premier ministre du Canada serait mis en place dans la première phase. Il aurait pour mandat de conseiller, de suivre et d'évaluer la mise en œuvre de la phase 1 et de planifier la phase 2, y compris l'élaboration de stratégies complètes liées à la main-d’œuvre et à l'élargissement de la portée.
    Encore une fois, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je vous encourage à lire le texte intégral de notre stratégie; vous le trouverez sur notre site Web, à l'adresse timeforchildcare.ca.
    Bien entendu, je serai heureuse de répondre à vos questions.
(1420)
    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à Hélène Cornellier, responsable des dossiers et des communications à l'Association féminine d'éducation et d'action sociale.
    Vous avez 10 minutes. Merci beaucoup.

[Français]

    Je vous remercie de votre invitation aux audiences d'aujourd'hui.
    La question posée par votre mandat touche directement un des enjeux fondamentaux pour atteindre l'égalité entre les Canadiennes et les Canadiens, soit la reconnaissance et la valorisation du travail invisible. C'est sous cet angle particulier que l'Afeas aborde cette consultation aujourd'hui.
    Déjà, en 1968, dans le cadre de la commission Bird, l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, communément appelée l'Afeas, soulignait l'importance de reconnaître le travail non rémunéré des femmes au sein de la famille et de la société. Elle faisait valoir que ce travail considéré comme le rôle social des femmes appauvrit celles-ci tout au long de leur vie. Cette situation perdure encore aujourd'hui, comme l'a révélé la pandémie de la COVID-19.
    Personne n'avait, semble-t-il, anticipé une crise sanitaire de cette ampleur. Dès son début, elle a fait ressortir des inégalités flagrantes entre les femmes et les hommes, surtout pour les femmes racisées et immigrantes.
    Parallèlement, la pandémie a mis en lumière le travail des personnes restées en poste pour que l'essentiel de la société continue à tourner et que les personnes malades puissent être soignées. Dans le milieu de la santé, 80 % du personnel est féminin, les proches aidantes sont généralement des femmes et le milieu de l'éducation compte aussi sur de nombreuses travailleuses.
    Depuis le début de la pandémie, ce sont en majorité les femmes qui sont au front. Pourtant, les femmes, les principales intéressées, sont exclues des cellules décisionnelles, et ce, même si les décisions prises au jour le jour les concernent directement. Pour se préparer à une deuxième vague de la pandémie, de même qu'à la relance ou au retour à une normalité à définir, l'Afeas propose diverses mesures à court et à moyen terme.
    D'entrée de jeu, l'Afeas propose deux balises incontournables pour s'assurer que les lois, politiques, programmes et mesures prévoient la participation des femmes, principales intéressées. Pour cela, il faut non seulement impliquer les femmes députées, mais aussi les organisations de femmes et communautaires, tout comme les chercheurs qui, année après année, travaillent pour et avec les femmes. La sortie de crise, qui sera sociale, économique et environnementale, ne peut se faire sans les femmes.
    L'Afeas demande que le gouvernement du Canada instaure une obligation de parité pour toutes les instances concernées mises en place pour gérer cette crise et ses suivis et utilise de l'analyse comparative selon les sexes, ou ACS+, pour s'assurer que le point de vue et les besoins des femmes sont entendus et pris en compte.
    Pour obtenir une réelle reconnaissance de leur travail, pour rendre visible la contribution des Canadiennes et Canadiens qui effectuent du travail invisible, l'Afeas demande au gouvernement fédéral de décréter que soit instituée la journée nationale du travail invisible le premier mardi d'avril de chaque année et, surtout, d'évaluer et d'intégrer la valeur économique du travail non rémunéré dit « invisible » au produit intérieur brut, ou PIB. À titre d'information, en 1992, Statitisque Canada a estimé que ce travail égalait entre 34 et 54 % du PIB, soit entre 235 milliards et 374 milliards de dollars canadiens.
    En lien avec certains défis particuliers pour les femmes durant la pandémie de la COVID-19 et après, l'Afeas propose certaines mesures. Sur la question de la santé et la sécurité des femmes, la gestion de cette crise n'est pas sans créer du stress, de l'anxiété et de l'angoisse pour les femmes qui gèrent le quotidien, mais aussi pour les personnes dont elles ont la charge, les enfants comme les personnes âgées ou handicapées. De plus, pour de nombreuses femmes, la perte de leur emploi, même remplacé temporairement par la PCU, ajoute encore un stress. Parlons aussi de la recrudescence de la violence conjugale et familiale dont sont victimes un nombre plus important de femmes et d'enfants en cette période d'isolement.
(1425)
    Afin de pallier cette situation, le gouvernement du Canada et les instances provinciales et locales concernées doivent, en cas de retour au confinement, mettre en place des services pour les enfants et les personnes aînées ou autrement dans le besoin; assurer un suivi régulier des personnes fragilisées pouvant être victimes de violence, femmes et enfants, afin de briser leur isolement; et consolider le réseau des maisons d'hébergement pour les personnes en situation de violence.
    Pour ce qui est des répercussions économiques, le Conseil du statut de la femme estime que 120 000 femmes ont perdu leur emploi, comparativement à 55 100 hommes, et que deux fois plus de femmes travaillent à temps partiel, ce qui n'est pas sans conséquence pour elles. Ces données concernent évidemment le Québec.
     Au Canada, il en coûterait entre 4 milliards et 10 milliards de dollars pour embaucher 1,2 million de professionnels à temps complet pour remplacer les heures effectuées par les proches aidants, dont 54 % sont des femmes.
     Selon le Regroupement des aidants naturels du Québec, seulement 3,2 % des proches aidants ont obtenu un crédit d'impôt en 2017, dont le montant moyen était de 559 $. De plus, les critères d'admissibilité étant restrictifs, nombreux sont les proches aidants qui n'ont pu obtenir le crédit d'impôt.
    Par ailleurs, les recherches démontrent que, au Canada, les proches aidants dépensent en moyenne 7 600 $ par année pour la personne aidée, peu importe leur niveau de revenu initial, et que 20 % des proches aidants vivent de l'insécurité financière.
    Pour soutenir et valoriser la contribution des parents, des proches aidants et de toutes les personnes qui font du travail invisible, l'Afeas demande au gouvernement fédéral de convertir les crédits d'impôt non remboursables existants en crédits d'impôt remboursables pour les parents et les personnes proches aidantes et de créer de nouvelles mesures fiscales réellement adaptées à leur réalité.
    De plus, l'Afeas demande au gouvernement de modifier les prestations de compassion, d'aide aux proches adultes et d'aide aux proches enfants du régime d'assurance-emploi en supprimant la semaine de carence obligatoire, en octroyant 35 semaines de prestations pour chacune des trois prestations et en remplaçant la définition actuelle d'un enfant ou d'un adulte gravement malade par une définition qui autorise l'accès aux prestations dans le cas d'une maladie chronique.
    Plus que tout, l'Afeas demande que l'on crée l'obligation d'instaurer des programmes d'équité salariale à tous les niveaux, tant dans les institutions gouvernementales que dans les entreprises relevant du fédéral, et dans les entreprises qui se prévalent de contrats, de subventions ou de prêts du gouvernement.
    On le sait, les femmes subissent des pressions et font face à des obstacles sociaux. Comme on l'a vu avec tous les intervenants précédents, la pandémie liée au coronavirus a obligé le gouvernement à confiner à la maison les personnes de 70 ans et plus ainsi que les écoliers et à fermer les commerces non essentiels. Du jour au lendemain, il a fallu trouver des façons différentes de faire les courses, d'occuper les enfants à la maison, de les scolariser, de prendre soin des proches en perte d'autonomie ou confinés, tout en poursuivant un travail rémunéré en télétravail ou dans les services essentiels, si cette crise n'avait pas eu pour effet de vous faire perdre votre emploi. Il fallait aussi, et surtout, éviter de se faire contaminer et de contaminer d'autres personnes. Toute une charge supplémentaire, à laquelle personne n'était préparé, est tombée sur les épaules des femmes.
    Pour soutenir les femmes au cours des mois à venir, le gouvernement du Canada et ses partenaires provinciaux doivent mettre en place des mesures pour assurer un partage égalitaire des tâches et des responsabilités familiales; consolider les organismes et les services à la famille; et développer des ententes avec les employeurs, entre autres pour diminuer les exigences de productivité, même en télétravail, tout en maintenant le salaire hebdomadaire complet.
    En terminant, pour alimenter la boîte à idées du Comité, l'Afeas demande au gouvernement fédéral de développer, d'un océan à l'autre, un réseau public de garderies; de mettre en place 10 jours de congés payés; et de mettre en place rapidement des programmes de logement abordable, des services de santé et des services sociaux à domicile complets et cohérents de qualité et en quantité suffisante.
(1430)
    Plus que tout, l’Afeas demande au gouvernement fédéral de résister à instaurer des mesures d’austérité lors de la reprise des activités, ce qui ne ferait qu’appauvrir les personnes déjà dans le besoin et détruire les services publics et le système de sécurité sociale. Nous avons déjà vu ce scénario.
    Enfin, l'Afeas demande aussi d'apporter une attention particulière aux communautés autochtones dans les réserves et à l'extérieur des réserves. Comment peut-on s'isoler si on est contagieux quand les familles vivent dans des conditions de surpopulation, faute de logements adéquats? Comment peut-on respecter les mesures d’hygiène...

[Traduction]

    Il faut conclure, madame Cornellier. Je vous ai donné quelques secondes supplémentaires. Je vais vous donner 10 autres secondes.

[Français]

    Je termine.
    Comment peut-on respecter les mesures d’hygiène quand l’eau n’est pas accessible? Les décisions et la définition des besoins doivent venir de ces communautés et des femmes qui gèrent cette crise.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous entamons maintenant les séries de questions. Nous entendrons d'abord Mme Jag Sahota.
    Madame Sahota, vous avez six minutes.
    Je vous remercie, mesdames, de votre temps et de vos exposés.
    J'ai quelques questions pour vous, madame Decter. Les témoins du groupe précédent ont parlé de la grande nécessité d'offrir du soutien aux femmes qui sont victimes de mauvais traitements, surtout dans le domaine de la traite des personnes et de l'exploitation. Le financement des mesures visant à lutter contre les initiatives de prostitution a récemment expiré, sans qu'aucun financement provisoire n'ait été accordé pour aider les organismes à poursuivre leurs programmes. Nous savons que la violence faite aux femmes a augmenté au cours de cette pandémie et que les femmes victimes de la traite des personnes sont maintenant encore plus à risque qu'en temps normal. Dans ce contexte, pensez-vous que le gouvernement devrait fournir une sorte de soutien intérimaire immédiat à ces organismes?
    Je suis désolée, mais je n'ai pas une connaissance approfondie du programme de lutte contre la traite des personnes. Je ne connais pas la situation exacte dans ce cas-ci. Je serai heureuse de vérifier auprès des femmes de la Fondation qui travaillent dans le domaine de la lutte contre la traite des personnes, mais en général, nous sommes certainement d'avis qu'il faut augmenter le financement de tous les efforts liés à la lutte contre la violence.
    Comme je le disais, les programmes n'arrivent pas à répondre à la demande et ils sont sous-financés, et il existe un amalgame de divers programmes de financement provinciaux à l'échelle du pays. Je pense que la pandémie a clairement démontré que nous devons nous doter d'un système national. Nous avons besoin d'un plan d'action national contre la violence faite aux femmes et aux filles. Il faut également mettre en œuvre le plan d'action national contre la violence faite aux femmes et aux filles autochtones. Ces initiatives doivent être mises en œuvre et recevoir un financement adéquat le plus rapidement possible.
(1435)
    D'accord. Je vous remercie de votre réponse.
    Madame Decter, nous savons que votre organisme a distribué du financement à des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle au début de la pandémie. Pouvez-vous énumérer les critères utilisés pour déterminer les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle qui ont reçu du financement?
    Je n'ai pas travaillé directement sur ces critères, mais ils ont été élaborés en collaboration avec le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres. Les centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle auxquels nous avons transmis du financement gouvernemental étaient tous situés à l'extérieur du Québec. Nous n'avons travaillé avec aucun centre du Québec. Ce financement est allé directement au gouvernement du Québec.
    De plus, nous avons travaillé avec Femmes et Égalité des genres Canada, encore une fois, de façon indirecte. J'ai téléphoné à quelques centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle pour veiller à ce que nous ayons les renseignements d'inscription exacts, mais je n'ai pas travaillé à ce niveau. Il fallait aussi qu'ils ne reçoivent pas de fonds destinés aux refuges pour femmes, et certains organismes avaient les deux. L'objectif était de veiller à ce que tous les organismes reçoivent des fonds.
    C'est ce que je peux vous dire au sujet du financement des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle. En ce sens, je crois qu'il devait s'agir de programmes hors établissement, car les programmes en établissement étaient considérés comme relevant de la catégorie des refuges, mais il faudrait que je vérifie et que je vous revienne là-dessus, si vous le souhaitez.
    Seriez-vous en mesure de fournir une liste des critères au Comité?
    Je pense que oui. Je vais tenter de trouver cette liste, mais je ne l'ai personnellement pas vue. On m'a seulement donné une liste d'appels téléphoniques à effectuer.
    D'accord.
    J'aimerais poser une autre question. D'autres organismes qui ne sont pas dans la catégorie des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle, par exemple les YWCA ou d'autres établissements multifonctionnels, ont-ils été choisis pour recevoir du financement?
    Il faudrait que je vérifie. Vous voulez savoir si des organismes multiservices ont reçu des fonds.
    Oui. Je parle des établissements polyvalents comme les YWCA.
    Étant donné que j'ai travaillé pour le YWCA pendant des décennies, je crois qu'on l'appelle une association multiservice.
    Demandez-vous expressément quels sont les critères qui ont permis aux centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle d'obtenir des fonds et quels centres en ont obtenu?
    Oui. Il y a des organismes qui... Des organismes qui ne sont pas classés comme des centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle ont-ils reçu des fonds?
    Ont-ils reçu des fonds destinés aux centres d'aide aux victimes d'agression sexuelle?
    Mme Jag Sahota: Oui.
    Fantastique. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Sonia Sidhu.
    Madame Sidhu, vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je vous remercie toutes du travail que vous accomplissez dans votre collectivité. Nous vous en sommes très reconnaissants.
     Ma question s'adresse à Mme Ann Decter, et je tiens simplement à dire que je suis très fière du travail accompli par le gouvernement pour appuyer les femmes, notamment la façon dont l'analyse comparative entre les sexes guide chaque ministère. Chaque ministère est responsable d'effectuer sa propre analyse comparative entre les sexes, ce qui constitue un immense progrès. J'en suis très fière.
    Ma question porte sur la réponse à la pandémie de COVID-19. Le gouvernement fédéral a instauré la Prestation canadienne d'urgence. Ce programme a aidé plus de huit millions de Canadiens qui ont perdu leur emploi au cours de la pandémie de COVID-19. Plus de 60 % des emplois perdus au début de la pandémie étaient des emplois occupés par des femmes. Selon vous, comment ce programme a-t-il aidé les femmes, qui doivent faire face à de nombreux problèmes uniques au cours de la pandémie de COVID-19? Pouvez-vous nous l'expliquer?
(1440)
    Eh bien, je n'ai pas de données sur le nombre de femmes qui ont perdu leur emploi et qui ont demandé la Prestation canadienne d'urgence, mais je crois que celle-ci a été très efficace. À mon avis, il a été très judicieux de l'instaurer aussi rapidement.
    On parle de récession, mais il ne s'agissait pas tant d'une récession: c'était plutôt un arrêt temporaire de l'économie. Les facteurs sous-jacents de l'économie n'ont pas fait perdre aux gens leur emploi. Ce qui a fait perdre aux gens leur emploi, c'est le choix qu'on a fait pour lutter contre la pandémie. Je n'y vois aucun inconvénient. C'était un choix judicieux. Toutefois, il était très important que les gens qui se sont retrouvés sur le pavé continuent d'avoir un revenu au cours de cette période.
     Comme nous le savons, les pertes d'emploi chez les femmes, surtout au cours du premier mois, ont été environ deux fois plus élevées que chez les hommes. Nous savons aussi que les femmes occupent des emplois plus précaires. Elles ont des revenus plus faibles. Elles sont plus nombreuses à avoir un emploi à temps partiel qui offre peu ou pas d'avantages sociaux comme les congés de maladie et ce genre de choses. Par conséquent, il a probablement été fort utile de pouvoir toucher une prestation qui dépassait le montant minimal qu'elles recevraient en étant prestataires de l'assurance-emploi.
    Merci.
    J'ai eu une réunion avec des gens de quelques organismes de femmes, et on m'a dit que la violence familiale est en hausse à cause de la pandémie de COVID-19. Votre organisme a lancé la campagne Appel à l'aide pour aider les femmes qui sont coincées avec leur agresseur au cours de la pandémie de COVID-19 et qui ont du mal à demander de l'aide. Pouvez-vous expliquer comment fonctionne cette campagne et comment d'autres organismes peuvent prendre des mesures semblables pour aider d'autres femmes dans la collectivité?
    En réalité, la campagne Appel à l'aide nous a été présentée par une agence de publicité qui voulait faire quelque chose pour donner un coup de main. L'agence a eu l'idée de créer une sorte de signe que les femmes pourraient utiliser au cours d'un appel comme celui-là pour indiquer qu'elles sont en détresse. Elle souhaitait donner un outil supplémentaire aux femmes coincées chez elles et incapables de communiquer leur détresse ou de partir. Nous avons collaboré avec l'agence pour créer un geste de la main, appelé Appel à l'aide, qui indique qu'une personne a besoin d'aide. Nous avons indiqué à l'agence qu'il fallait dire aux gens qu'appeler la police pour qu'elle intervienne chez quelqu'un n'est pas nécessairement la meilleure solution. C'est la démarche que nous avons suivie. L'agence a créé la campagne en anglais, en français et en espagnol et elle l'a lancée vraiment partout dans le monde. Des gens du Brésil et d'autres pays ont fait des publications à son sujet.
    De toute évidence, la campagne ne fonctionne pas pour tout le monde, mais beaucoup de gens sont chez eux et travaillent sur des appels comme celui-là. Si une personne vous indique qu'elle est en détresse, l'affiche Appel à l'aide qui circule actuellement indique comment communiquer avec les diverses ressources ainsi que les étapes que l'on peut prendre au lieu d'appeler la police sur-le-champ en cas d'urgence. L'affiche est gratuite pour tout le monde, et les organismes sont libres de l'adapter et de la diffuser à leur guise.
    L'autre question que je veux poser porte sur les maisons de soins de longue durée. Elles ont été durement touchées par la COVID-19 partout au Canada. Dans ma région, Peel, on dénombre beaucoup de cas. Les femmes ont été durement touchées par la COVID-19.
    Selon vous, quels problèmes touchent expressément les femmes qui travaillent ou qui vivent dans des maisons de soins de longue durée au cours de la pandémie de COVID-19? Comment pouvons-nous les protéger? Nous savons que les maisons de soins de longue durée relèvent de la compétence provinciale, à l'instar de la garde d'enfants, mais comment le gouvernement fédéral peut-il aider à ce chapitre? Comment les provinces peuvent-elles intervenir et protéger ces femmes? Que doit-on faire dans ce cas-ci?
    Tout d'abord, je ne suis pas une experte en soins de longue durée, loin de là, mais nous avons constaté de très grandes différences dans la façon dont certaines provinces ont abordé le problème et ont obtenu de bons résultats comparativement à d'autres provinces.
    L'un des principaux facteurs est le fait que beaucoup de ces maisons relèvent du secteur privé. La privatisation façonne le type d'emplois. Les employés qui travaillaient dans de nombreuses maisons de santé ont vraiment été problématiques. C'est la Colombie-Britannique qui s'en est le mieux tiré au Canada relativement aux maisons de soins de longue durée. Elle a immédiatement mis fin à cette pratique en mars. La province a aussi introduit une rémunération pour garantir que toutes les personnes qui occupent le même poste dans les maisons de soins de longue durée gagnent la même somme d'argent. Selon moi, il s'agissait de mesures très efficaces.
    À mon avis, le gouvernement fédéral peut adopter un rôle de chef de file de la même façon qu'il le fait dans le dossier de la garde d'enfants en collaborant avec toutes les provinces afin de relever leurs normes. En fait, le Canada a le pire bilan du monde industrialisé en ce qui concerne les décès liés à la COVID-19 dans les maisons de soins de longue durée. Nous avons vraiment raté le coche dans ce dossier-là.
(1445)
    Excellent. Merci beaucoup de vos observations.
    Madame Larouche, vous avez la parole.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Mes questions s'adressent à Mme Cornellier.
     Je veux d'abord vous remercier de participer à notre réunion d'aujourd'hui. Dans votre exposé, vous proposez plusieurs solutions, surtout pour ce qui est de rémunérer et de reconnaître davantage le travail invisible des femmes. Comme on le sait, ce n'est pas suffisamment reconnu. Vous suggérez notamment qu'on augmente les prestations du Régime de rentes du Québec et de la Sécurité de la vieillesse et le soutien aux femmes qui ont des enfants, qu'on accorde des crédits d'impôt remboursables aux proches aidantes et qu'on établisse une assurance familiale. On parle donc ici d'un bon nombre de solutions pour faire en sorte que les femmes reçoivent une compensation en échange de leur travail invisible.
    Par ailleurs, j'aimerais savoir comment ce travail invisible peut avoir un impact. À ce sujet, j'aimerais que vous nous parliez de la qualité de vie des femmes sur le plan économique.
     L'Afeas est un groupe d'éducation et d'action sociale qui se consacre à la promotion de l'égalité entre les femmes et les hommes au Québec et au Canada. Elle ne travaille pas directement avec des clientèles comme les services de garde et les femmes violentées, notamment. Elle est de nature un peu plus généraliste. Son dossier de fond, depuis plus de 50 ans, soit depuis sa fondation, en 1966, est vraiment le travail non rémunéré des femmes. Dès cette époque, les femmes se sont aperçues qu'elles et leurs filles resteraient pauvres toute leur vie si ce travail n'était pas reconnu, compensé et, à l'occasion, rémunéré.
    Vous avez mentionné le Régime de rentes du Québec. Je n'en ai pas parlé dans mon allocution, faute de temps. Pour l'Afeas, le fait qu'au Québec on retire du total des années travaillées les années où l'on est resté à la maison auprès des enfants, sans revenu, n'est pas suffisant. Il faut que, pour ces années, on compense par un pourcentage du salaire canadien moyen. Je n'ai pas la formule exacte. Qu'il s'agisse des mères auprès des enfants, des personnes proches aidantes auprès des aînés, des personnes handicapées, mineures ou adultes, ou des personnes malades, atteintes d'un cancer par exemple, tout le temps où ces personnes ont dû se retirer du marché du travail doit être compensé pour que leurs revenus de retraite reflètent le travail qu'elles ont accompli dans la société et non pas seulement celui qu'elles ont accompli sur le marché du travail, pour un employeur, en échange d'une rémunération.
     C'est un type de mesure. Les crédits d'impôt en sont un autre. Quand ils sont non remboursables, qui y a droit? Vous avez vu les chiffres du Regroupement des aidants naturels du Québec. Certaines personnes font de très bons salaires. Pour celles dont le salaire est peu élevé, il n'y a rien à faire. Si la personne aînée a un revenu un tant soit peu substantiel, soit environ 20 000 $ ou plus, elle perd tout le crédit d'impôt. Il faut donc que ce soit remboursable, de façon à ce que même les proches aidantes ou les parents sans revenu y aient droit, comme on a droit au crédit pour la TPS ou au crédit d'impôt pour solidarité du Québec.
    Il en va de même pour les prestations destinées aux aidants. Dans le cas des prestations de compassion, par exemple, on a droit à un certain nombre de semaines — il me semble que c'est cinq ou six — si un membre de sa famille présente un risque élevé de décès à l'intérieur d'une période de 26 semaines. Or une semaine de carence est imposée à la première personne qui touche ces prestations. Elle peut partager les prestations avec sa sœur, par exemple, et cette deuxième personne n'aura pas à subir une semaine de carence. Il y a donc toujours une personne qui perd au moins une semaine de revenus représentant 55 % de son salaire, ce qui n'est pas élevé. On ne fait pas de miracle avec cela. Pourtant, cette personne se dévoue entièrement à celle qui est en fin de vie.
    Ce sont des mesures nécessaires et essentielles pour que les femmes atteignent une certaine égalité. En l'absence de telles mesures, il n'y aura jamais d'égalité. Si la question de l'équité salariale était soulevée, on pourrait passer des heures à en débattre.
(1450)
    Cette loi est donc très importante pour vous.
    Je vais vous poser quelques questions en rafale, étant donné que le temps file.
    Vous avez parlé des femmes aînées. Croyez-vous qu'il y a un problème générationnel et que cette génération est vraiment moins autonome financièrement que les nouvelles générations? On pourrait aussi faire valoir à quel point les initiatives visant à aider les femmes doivent être imbriquées dans un système de santé et de services sociaux cohérent.
    Qu'est-ce que cela apporterait de plus lors d'une crise comme celle que nous avons connue récemment?
    Jusqu'à quel point les mesures d'austérité établies au nom d'un principe économique pourraient-elles nuire au système de santé?
    Le fait de favoriser l'accès des femmes à l'assurance-emploi pourrait-il être une mesure positive?
    Enfin, l'ACS+ est une façon de mesurer les répercussions sexospécifiques dans les ministères et dans chaque mesure de la reprise. En quoi tout cela est-il important pour vous?

[Traduction]

     Vous avez 30 secondes.

[Français]

    Je vais donc me concentrer sur ce qui est le plus important pour nous.
    L'ACS+, comme la parité dans tous les comités déjà établis et dans ceux qui devront l'être pour la fin de la pandémie, la deuxième vague, et ainsi de suite, est essentielle. Sans cela, on ne saura jamais ce qu'il en est. À l'heure actuelle, des femmes sont brimées parce qu'elles ont plus detravail que les hommes. Elles ont un emploi moins bien payé ou ont perdu leur emploi. Ces femmes ne s'en sortiront pas si elles prennent soin d'aînés. Il ne faut pas oublier tout le stress que génère présentement cette situation et que vivent les femmes en entretenant la maison, en s'occupant des enfants et des personnes...
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Votre temps de parole est écoulé, et nous devons passer à Mme Mathyssen.
    Madame Mathyssen, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci.
    Je crois que tout le monde a indiqué qu'il n'y aura pas de reprise économique au Canada sans les femmes et que celles-ci ne peuvent pas s'en remettre sans les services de garde d'enfants. De nombreuses femmes, ou des parents en général, de ma ville, London, me disent qu'elles sont dépassées par le coût élevé des services de garde d'enfants.
    Je tiens à demander aux témoins si elles peuvent parler de l'importance de l'abordabilité de ces services et nous dire quelle est la différence entre des services de garde d'enfants financés par l'État et le programme national de garderies que le gouvernement actuel a proposé.
    Au cas où je manquerais de temps, je tiens aussi à revenir sur le point de Mme Ballantyne, qui portait sur l'élaboration de mesures législatives visant à inscrire dans la loi le droit d'avoir accès à des services de garde d'enfants de qualité et abordables, pour demander ce que cela entraînerait globalement et pour établir un lien avec quelque chose comme la Loi canadienne sur la santé, qui assure l'égalité et l'accessibilité partout au Canada.

[Français]

     Je serai brève, car cela ne fait pas partie de nos spécialisations.
     Ce qui est essentiel pour que les femmes puissent être au travail — ce l'est pour les hommes aussi —, ce sont des services de garde de qualité et éducatifs, plutôt que des services où on laisse les enfants jouer dans un coin. C'est ce qui a été créé au Québec, sous la forme des centres de la petite enfance, ou CPE. Nous demandons nous-mêmes au gouvernement du Québec qu'il y en ait davantage pour répondre à la demande de toutes les femmes et de toutes les familles. C'est également ce que nous souhaitons pour toutes les Canadiennes.
    Cela veut aussi dire que le gouvernement doit subventionner ces services afin que le coût pour les familles soit minimal. Sinon, elles ne pourront pas s'en prévaloir. Accessoirement, il peut aussi y avoir des garderies privées subventionnées, toutefois, les mêmes critères devraient s'appliquer en ce qui concerne l'éducation, la qualité des services et le salaire des éducatrices, comme dans le réseau public.
(1455)

[Traduction]

    Merci.
    Les deux autres témoins peuvent-elles également intervenir?
    Bien sûr. Je serai brève. Nous appuyons le travail accompli par l'organisme de Mme Ballantyne, et c'est vraiment elle l'experte dans ce domaine.
    Je tiens simplement à dire que nous estimons que tous les parents devraient avoir accès à des services de garde d'enfants et que ceux-ci sont essentiels pour que les femmes aient une sécurité financière et qu'elles soient indépendantes et protégées contre la violence. Il faut avoir accès à des services de garde d'enfants pour bénéficier de tous ces éléments. Le reste du pays devrait avoir un programme semblable à celui du Québec, soit un service de garde d'enfants à faible tarif, à grande échelle et abordable.
    À ce stade-ci, je vais passer la parole à Mme Ballantyne pour les détails, mais faites comme si nous appuyions tout ce qu'elle dit.
     Merci. Je crois que vous avez demandé précisément quelle est la différence entre les services proposés actuellement et les services de garde d'enfants financés par l'État. Essentiellement, il n'y a actuellement aucun système en place. Ce que j'ai tenté d'expliquer dans ma présentation, c'est que les gouvernements ont essentiellement cédé la responsabilité de la garde d'enfants aux marchés. La seule exception, c'est le Québec. Parler uniquement du Québec nécessiterait une longue réponse, et Mme Cornellier en a parlé un peu.
    Il incombe à la plupart des parents d'obtenir des services de garde d'enfants, et non à l'État. Fournir des services de garde d'enfants revient aussi aux particuliers, donc, dans la plupart des cas, les services offerts à l'extérieur du Québec existent parce qu'un groupe de personnes a décidé de les offrir. Il s'agit peut-être d'organismes sans but lucratif ou d'organismes privés, mais il ne s'agit pas vraiment d'un système public. Ce qu'on a constaté au cours de la pandémie de COVID-19, c'est que, quand on laisse des éléments aussi essentiels que la sécurité et la prestation des services de garde d'enfants entre les mains du marché, ils finissent par s'effondrer.
    Par exemple, beaucoup de parents doivent se tourner vers des services de garde informels et non réglementés, notamment des proches. Cette option n'était simplement plus possible avec la pandémie de COVID-19. À mon avis, c'est pourquoi il a fallu la pandémie de COVID-19 pour que tout le monde comprenne que nous avions réellement un problème parce qu'il n'y avait vraiment aucun recours pour la garde d'enfants. Selon nous, la crise sanitaire offre une véritable occasion de repenser à nos pratiques afin qu'on arrête de compter sur des solutions individuelles pour la prestation de services de garde d'enfants et qu'on examine les solutions collectives, à savoir les solutions gouvernementales. Seul le gouvernement a le pouvoir de financer adéquatement ou d'organiser des services pour que nous ne nous retrouvions pas dans une situation où on offre des services de garde d'enfants où ils ne sont pas vraiment nécessaires ou qu'on n'en offre pas du tout ailleurs, ce qu'on appelle des déserts de garderie.
    La seule façon d'y arriver est que le gouvernement intervienne. Oui, constitutionnellement, la garde d'enfants relève de la compétence des provinces et des territoires. Néanmoins, comme nous l'avons vu au cours de la pandémie de COVID-19, quand le gouvernement fédéral veut intervenir et faire avancer les choses, il le peut. Il n'a qu'à le faire. Pour ce faire, il doit débloquer des fonds et dire aux provinces et aux territoires: « Discutons un peu. Nous sommes prêts à vous aider en vous accordant de l'argent, mais examinons aussi les mesures qui ont du sens. Inspirons-nous des éléments qui constituent un bon programme, arrêtons de reproduire les mêmes erreurs et commençons à reproduire les réussites. »
    Voilà ce que nous souhaitons.
    Merci.
    Au nom du Comité, je tiens à remercier mesdames Decter, Ballantyne et Cornellier d'avoir participé à la réunion d'aujourd'hui. Nous allons suspendre la réunion afin de vérifier le son pour notre prochain groupe de témoins, puis nous rependrons la réunion le plus rapidement possible.
(1500)

(1510)
    Bonjour tout le monde.
    Nous commençons maintenant la troisième heure de l'étude d'aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue à Sara Wolfe, directrice des initiatives d’Innovation autochtone chez Grands Défis Canada; Vicki Saunders, fondatrice de SheEO; et Kaitlin Geiger-Bardswich, gestionnaire de la communication et du développement chez Hébergement femmes Canada.
    Je donne la parole à Mme Wolfe pour 10 minutes.
    Aaniin et bonjour, madame la présidente et membres du Comité. Bonjour à tous.
    Je m'appelle Sara Wolfe et je suis directrice des initiatives d'Innovation autochtone chez Grand Défis Canada. Merci de nous avoir invités aujourd'hui à parler des répercussions sexospécifiques de la pandémie de COVID-19 au Canada. C'est la première fois que je m'adresse au comité permanent. J'espère qu'on m'invitera de nouveau à témoigner un jour, peut-être en personne.
    Je tiens d'abord à souligner que les Autochtones, y compris les Premières Nations, les Métis et les Inuits, sont présents de façon constante aux quatre coins de l'île de la Tortue, et ce, depuis très longtemps.
    En tant qu'anishinaabekwe qui a des liens étroits avec la Première Nation de Brunswick House, qui est située dans le Nord de l'Ontario, je tiens à souligner...
    J'entends deux pistes audio en même temps.
    D'accord. Je vais demander qu'on fasse une vérification.
    Madame Wolfe, je regrette de devoir vous interrompre, mais, pendant qu'on effectue la vérification, je vais passer à la prochaine personne. Nous reviendrons à vous, et vous disposerez encore de 10 minutes.
    Je demande à Vicki Saunders, fondatrice de SheEO, de prendre la parole pour les 10 prochaines minutes.
    Merci beaucoup.
    Je m'appelle Vicki Saunders et je suis la fondatrice de SheEO. Bonjour.
    J'ai fondé SheEO. Je vais donner un aperçu de SheEO, de la façon dont nous réagissons à ce qui se passe avec la COVID-19 et des possibilités qui s'offriront à nous après la crise.
    Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent peut-être pas bien notre organisme, il a été lancé au Canada il y a cinq ans et propose une refonte complète du capital de risque. Si on recommençait à zéro et que les systèmes étaient conçus par des femmes, ils seraient complètement différents des systèmes actuellement en place dans le monde.
    Nous avons conçu et mis sur pied cet organisme pour régler l'un des gros problèmes de la planète, soit que 51 % de la population obtient 2,2 % des capitaux disponibles dans le monde. C'est un problème mondial: nous vivons dans un monde conçu principalement par des hommes, pour les hommes. Beaucoup d'éléments manquent au monde dans lequel nous vivons actuellement. Les structures et les systèmes manquent profondément d'objectivité, et ce n'est pas un avenir dans lequel je veux vivre. Ainsi, avec SheEO, nous nous attaquons à ce gros problème.
    Nous sommes des femmes qui se réunissent d'une façon assez unique. Nous proposons un modèle de sociofinancement et d'externalisation ouverte. Des centaines de femmes de chaque pays unissent leurs efforts, et chacune d'elles verse une contribution de 1 100 $. Cet argent est mis en commun, puis il est prêté à un taux d'intérêt de 0 % à des entrepreneures qui s'efforcent d'atteindre les objectifs de développement durable avec leur entreprise. Chaque entreprise que nous finançons appartient en majorité à des femmes, est dirigée par des femmes, s'efforce d'atteindre les objectifs de développement durable, a un potentiel d'exportation et génère des recettes.
    À ce jour, nous avons appliqué ce modèle dans cinq pays. Nous l'avons exporté du Canada aux États-Unis, en Nouvelle-Zélande, en Australie et au Royaume-Uni, et 70 autres pays ont communiqué avec nous pour reproduire ce modèle. Nous accordons des prêts à 0 % d'intérêt aux entrepreneures, qui doivent le rembourser sur cinq ans, puis nous prêtons cet argent de nouveau. Au lieu du modèle économique en place dans le monde actuellement, qui incite les gens à investir pour obtenir un rendement 10 fois plus important, soit un énorme rendement, puis à conserver ce capital et à l'accumuler, ce qui entraîne de plus en plus d'inégalité dans le monde, nous proposons un modèle où les femmes offrent leur capital en cadeau, mais où elles apportent d'autres formes de capital — leur capital social, leur pouvoir d'achat, leurs réseaux, leur expertise et leur influence — pour contribuer à la croissance des entreprises.
    C'est un modèle assez amusant à suivre. Les activatrices de notre réseau, c'est ainsi que nous appelons les femmes qui investissent du capital, votent pour les entreprises qui les intéressent. Ainsi, notre processus de sélection est entièrement démocratique. Nous ne disposons ni d'un quelconque groupe d'experts, qui s'accompagne d'un ensemble de préjugés, ni d'un quelconque comité d'investissement, qui décide quelles sont les dernières tendances à la mode. Nous faisons appel à l'intuition de centaines de femmes, qui choisissent les entreprises qui apportent des innovations incroyables afin de régler les gros problèmes qui nous touchent. Ensuite, nous appuyons ces entreprises par tous les moyens possibles pour contribuer à leur croissance.
    Cette approche écosystémique a permis à notre réseau de développer une incroyable capacité de résilience au cours de la pandémie de COVID-19. Aucune de nos entreprises n'a dû fermer ses portes. Nous avons financé 68 entreprises, nous avons prêté 5 millions de dollars et nous avons un taux de remboursement de 97 %. Aussitôt que la pandémie de COVID-19 a frappé, l'une des premières choses que nous avons faites a été d'appeler toutes nos entreprises dans le monde afin d'examiner rapidement comment elles se portaient en leur attribuant la couleur rouge, jaune, ou verte, puis nous avons immédiatement investi nos ressources dans celles qui étaient classées rouge afin de les aider.
    Il s'agit d'entreprises comme celle à Calgary qui embauche des sans-abri pour faire la lessive des restaurants de toute la ville et qui leur paie un salaire suffisant, ce qui est un modèle incroyable appelé CMNGD. À cause de la pandémie, l'entreprise a perdu 95 % de ses recettes dès le premier jour parce que tous les restaurants ont dû fermer leurs portes. L'entrepreneure, qui était en larmes, je dois avouer, car c'était un moment chargé d'émotion, s'est jointe à l'appel et a dit: « Que vais-je faire? Je ne peux pas mettre à pied des sans-abri à ce moment-ci. C'est terrible. » Puis, les entreprises de notre réseau se sont mobilisées et ont dit: « De quoi as-tu besoin? Combien d'argent dois-tu verser en salaires ce mois-ci? », et elles lui ont prêté de l'argent afin qu'elle puisse traverser la crise et trouver une façon de réorienter son entreprise.
    Notre réseau regorge d'histoires comme celle-là, des histoires de femmes qui unissent leurs efforts — ce que nous appelons la générosité profonde —, parce que nous sommes là pour nous entraider, et, ce jour-là, nous devions trouver une solution pour que personne ne perde son emploi et qu'aucune entreprise ne ferme ses portes. C'est l'engagement que la communauté avait pris. Par conséquent, ce qui s'est passé est probablement une bonne nouvelle. Néanmoins, une partie du problème est que...
(1515)
    J'y pense, il y a quelques semaines, j'ai fait un exposé au Comité permanent des finances. J'ai tenté de trouver la façon la plus simple, la plus facile... Je sais que vous avez un million de choses à faire. Je suis vraiment ravie que vous soyez présents aujourd'hui et non endormis comme le reste des fonctionnaires que je connais. Je sais que vous avez accompli un travail exceptionnel au cours de la pandémie de COVID-19.
    Si on examine toutes les choses que vous pouvez faire, j'aimerais inviter tous les députés ici présents aujourd'hui à bien vouloir faire ce qu'ils peuvent pour mettre fin au cauchemar entourant la garde d'enfants qui continue à nous hanter année après année. C'est l'un des problèmes les plus faciles à régler au monde. Si des femmes et des hommes avaient participé aux négociations entourant la conception de nos structures, nous aurions réglé ce problème dès le départ parce qu'il n'est pas difficile à régler.
    Les femmes qui ont des enfants et qui restent chez elles souffrent énormément. Les entrepreneures dans cette situation souffrent énormément. Ce qui se passe au cours de la pandémie de COVID-19 nuira aux femmes de nombreuses façons parce que les gens doivent choisir entre garder leur entreprise ou prendre soin de leurs enfants.
    Comment règle-t-on ces problèmes?
    La demande pour ces services est très forte. Nous avons remarqué que nos entreprises éprouvent vraiment des difficultés à ce chapitre. Avec le nombre de mécanismes d'allègement que le gouvernement a mis en place... Par exemple, sur la côte Est, nous avons une incroyable innovatrice agricole. Elle est capable d'obtenir une subvention salariale pour embaucher quelqu'un ou garder un membre de son personnel, mais ce dont elle a vraiment besoin, c'est d'être capable d'utiliser cet argent pour des services de garde d'enfants. Or, elle n'a pas le droit de le faire.
    Elle peut embaucher quelqu'un pour accomplir le travail qu'elle veut faire, mais elle ne peut pas embaucher quelqu'un pour garder ses enfants. Les structures d'allègement comportent de nombreux préjugés parce que nous ne valorisons pas les soins non rémunérés. On a monnayé tous ces différents éléments des marchés. Je crois que c'est l'un des éléments sur lequel j'aimerais vraiment me concentrer.
    Qui plus est, pour la suite des choses, j'aimerais que le gouvernement accorde plus d'importance à l'innovation qui ne réside pas dans les technologies. L'approche novatrice que nous avons créée avec SheEO, où nous n'utilisons pas seulement les capitaux financiers pour créer des emplois et de la prospérité économique, mais où nous avons aussi recours à toutes les autres ressources à notre disposition — notre influence, nos réseaux et notre expertise —, donne des résultats incroyables.
     Je tiens à dire quelque chose très rapidement. Au cours de la dernière année, nous avons reçu des fonds destinés aux femmes en entrepreneuriat du ministère de la ministre Ng pour nous aider à mettre ce modèle à l'échelle. Au cours de la dernière année, nous avons créé 276,4 emplois au Canada dans nos 27 entreprises et par l'entremise de SheEO. Nous avons obtenu 750 000 $ du gouvernement fédéral, soit l'équivalent de 2 164 $ par emploi créé. J'aimerais que quelqu'un tente de trouver un organisme qui en fait autant que nous.
     Les femmes utilisent extrêmement efficacement les capitaux. C'est incroyable. C'est insensé ce que nous pouvons faire avec un petit montant d'argent. Quand vous examinerez les nouveaux modèles économiques et les processus novateurs, j'espère que, à l'avenir, vous porterez attention à SheEO.
    Je vous transmettrai un petit dossier de présentation une fois qu'il aura été traduit en français.
    Merci beaucoup.
(1520)
    Excellent.
    Merci beaucoup.
    Madame Wolfe, nous revenons à vous. Essayons de nouveau. Vous avez la parole pour 10 minutes.
    Merci. J'ai compris quel était le problème, alors tout devrait fonctionner maintenant.
    Je m'appelle Sara Wolfe, et je suis directrice de l'Initiative d’innovation autochtone chez Grands Défis Canada. Je vous remercie sincèrement de nous avoir invitées aujourd'hui à parler des répercussions sexospécifiques de la pandémie de COVID-19 au Canada. Comme je l'ai mentionné, c'est la première fois que je m'adresse au comité permanent, alors j'espère qu'on m'invitera de nouveau à témoigner un jour en personne.
    Je tiens à reconnaître la longue histoire et la présence durable des Autochtones, notamment les Premières Nations, les Métis et les Inuits, sur l'île de la Tortue. En tant qu'Anishinaabekwe qui a des liens étroits avec la Première Nation de Brunswick House, située dans le Nord de l'Ontario, je tiens aussi à reconnaître le territoire du peuple algonquin anishinabe de la Première Nation Shabot Obaadjiwan, où je suis actuellement en visite. Nous connaissons actuellement une période très chaude de la lune framboise, qui, selon les enseignements anishinabes, coïncide avec le début de grands changements. J'attends donc avec un intérêt particulier les questions que vous aurez au sujet de ma déclaration.
    Au cours des 10 dernières années, Grands Défis Canada s’est engagé à soutenir des idées audacieuses ayant un grand impact. Grâce à l’apport financier du gouvernement du Canada et d’autres partenaires, nous appuyons les innovateurs qui s'attaquent avec vigueur à certains des problèmes les plus urgents du monde. Les idées audacieuses dans lesquelles investit Grands Défis Canada reposent sur des connaissances scientifiques, technologiques, sociales et commerciales ainsi que, maintenant, le savoir autochtone dans le but de sauver et d’améliorer la vie des gens au Canada et dans les pays à faible et moyen revenu.
    Notre organisme a appuyé plus de 1 300 innovations dans 106 pays, et nous estimons que ces innovations pourraient sauver jusqu’à 1,8 million de vies et améliorer la vie de jusqu’à 64 millions de personnes d’ici 2030.
    Au cours des quatre derniers mois, nous avons écouté nos innovateurs, nos partenaires et les membres de la collectivité pour découvrir l'incidence que la COVID-19 a eue sur leur vie. Partout dans le monde, la pandémie aggrave les inégalités qui existent déjà, surtout pour les personnes pauvres et racialisées, et elle révèle les vulnérabilités des systèmes sociaux, politiques et économiques, qui, à leur tour, augmentent l'incidence de la pandémie. Qui plus est, des données décourageantes commencent à indiquer que les personnes aux prises avec de nombreuses vulnérabilités, comme les femmes vivant dans la pauvreté, subissent des répercussions encore plus importantes.
    Par conséquent, il est nécessaire de comprendre cette intersectionnalité pour nous remettre de la pandémie de COVID-19 de la bonne façon au Canada et partout dans le monde. Selon la note de synthèse intitulée L'impact de la COVID-19 sur les femmes et les filles que les Nations unies ont publiée le 9 avril, les répercussions de la COVID-19 sont plus graves pour les femmes et les filles uniquement en raison de leur sexe, et ce, dans tous les domaines, de la santé à l'économie, en passant par la sécurité et la protection sociale. Nous avons déjà entendu parler de l'augmentation du travail non rémunéré. De plus, on a réaffecté des ressources et on s'en est pris directement aux services de santé sexuelle et reproductive. Par ailleurs, il y a eu une augmentation de la violence faite aux femmes. Plus une personne était pauvre au début de la pandémie, plus il est probable que sa situation se soit envenimée.
    Au Canada, on a tendance à penser que les choses sont pires dans le reste du monde, mais, en réalité, la situation pour certains Canadiens n’est pas très différente.
    Par conséquent, je comparais devant le Comité aujourd'hui pour parler des répercussions sexospécifiques de la pandémie sur les Autochtones au Canada. Je tiens aussi à parler de ce que fait l’Initiative d’innovation autochtone à ce chapitre et de tout ce qu'on pourrait faire de plus.
    Historiquement, quand on parle de pauvreté, de discrimination, de criminalisation et de violence, mes sœurs ont dû porter un fardeau plus lourd que moi. Il existe une pléthore de rapports sur les répercussions sexospécifiques liées au fait d’être une femme, une fille ou une personne de diverses identités de genre d’origine autochtone au Canada, notamment les conclusions cruciales du rapport Réclamer notre pouvoir et notre place: le rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Le rapport final a confirmé que la violence familiale, la traite des personnes et les préoccupations en matière de santé comptaient déjà parmi les autres problèmes importants que ces groupes avaient, et ce, avant même que ne survienne la COVID-19. J’espère sincèrement que tous les membres du Comité connaissent déjà bien le rapport et ses appels à la justice connexes.
    Les communautés autochtones attendent le plan d’action du gouvernement. Toutefois, de nouveaux rapports ont également été publiés récemment sur les répercussions sexospécifiques de la COVID-19 sur les Autochtones. Le mois dernier, l’Association des femmes autochtones du Canada a publié une enquête en ligne menée auprès de 750 femmes et personnes de diverses identités de genre d’origine autochtone et elle a noté une hausse préoccupante du nombre de femmes autochtones victimes de violence au cours de la période de confinement. Près d'une femme sur cinq a signalé un incident violent au cours des trois derniers mois.
(1525)
    En fait, parmi les femmes autochtones interrogées, un plus grand nombre étaient préoccupées davantage par la violence que par le virus lui-même. Une forte corrélation entre les répercussions financières de la COVID-19 et la violence contre les femmes autochtones est une autre constatation importante du sondage.
    Par ailleurs, en juin dernier, Pam Palmater, présidente de la gouvernance autochtone à l'Université Ryerson, a publié un article intitulé « Des mesures sexospécifiques de lutte contre la pandémie sont nécessaires pour répondre aux besoins particuliers des femmes autochtones ». On peut y lire ceci:
Le Canada, dans son incapacité à appliquer une optique des genres à la mise en œuvre de ses mesures de lutte contre la pandémie, ignore les nombreux effets que la pandémie de la COVID-19 a plus particulièrement sur les femmes.
    Plus loin, l'auteure ajoute:
Considérons maintenant le double désavantage subi par les femmes autochtones, elles qui sont en plus forcées de composer avec une « infrastructure de violence » [...]
    L'article présente ensuite plusieurs façons dont les femmes et les personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone ont été frappées de manière disproportionnée. Il explique qu'un plan de lutte contre la pandémie propre à ce groupe démographique doit être établi de toute urgence.
    Dans une vie antérieure, j'ai été sage-femme auprès de familles autochtones en milieu urbain pendant près de 20 ans. Mes amis et anciens collègues des soins de santé me rapportent que, sur le terrain, les surdoses d'opioïdes, les infections transmissibles sexuellement non traitées, les agressions, la traite de personnes, la prostitution de rue, l'itinérance, les problèmes de santé mentale et les grossesses non planifiées sont tous à la hausse, en particulier pour les Autochtones.
    Le maintien du statu quo signifie que les écarts continueront de se creuser et que la situation des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone continuera de s'aggraver. Cela dit, il pourrait en être autrement. Les causes profondes des inégalités genrées et racialisées liées à la pandémie actuelle vont bien au-delà du manque de masques et de désinfectant pour les mains. Il faut se concentrer sur l'élaboration de solutions durables à long terme. Le Canada a l'occasion de s'engager sur la voie d'une réponse sexospécifique, une réponse qui inclut une approche adaptée aux besoins des femmes et des personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone et qui tient compte du contexte de violence à caractère racial et de pauvreté.
    Comme nous le savons tous, les petites et moyennes entreprises jouent un rôle prépondérant dans l'économie canadienne. Les femmes — autochtones et non autochtones — sont le fondement des familles et des communautés. De 2013 à 2017, les petites et moyennes entreprises ont représenté 85 % de la création nette d'emplois dans le secteur privé. En 2017, elles employaient près de 90 % de la main-d'œuvre du secteur privé au Canada. Toutefois, seulement 1,4 % de ces entreprises appartenaient à des Autochtones, en dépit du fait qu'ils représentent 5 % de la population du pays, et seulement 25 % de ce 1,4 % appartenaient majoritairement à des femmes autochtones. Il y a beaucoup de travail à faire.
    Pour les femmes et les personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone, la réconciliation économique est une étape critique de leur épanouissement. Des investissements durables dans des efforts ciblés de relance économique seront nécessaires. Imaginez ce qui se passerait si, dans le cadre du plan de relance économique à la suite de la COVID-19, nous investissions dans les femmes et les personnes de diverses identités de genre d'origine autochtone afin qu'elles puissent se positionner pour prospérer lorsque l'activité économique, au Canada et dans le monde, reprendra.
    Grâce à des fonds de contrepartie de 10 millions de dollars provenant du ministère des Femmes et de l'Égalité des genres du gouvernement du Canada, nous avons déjà commencé ce travail à Grands Défis Canada. Nous avons été submergés par les réponses à notre récent appel de propositions visant à accélérer l'égalité des genres au moyen de l'innovation autochtone et l'entrepreneuriat social. Nous avons reçu 238 demandes englobant l'innovation commerciale, sanitaire, sociale, technologique, environnementale et culturelle. Malheureusement, nous ne pourrons financer que les 3 % les plus prometteurs au cours de cette ronde, c'est-à-dire de cinq à sept projets.
    Pensez aux retombées pour les femmes et les filles autochtones une fois que les meilleurs projets seront opérationnels. Pensez aux effets potentiels pour les femmes et les filles autochtones si nous pouvions financer ne serait-ce que les 10 % les plus prometteurs. Que se passerait-il si nous investissions encore plus dans l'innovation autochtone en tenant compte de l'équité entre les sexes pour donner à ces femmes et à ces filles, ainsi qu'à la génération suivante, une chance encore meilleure d'atteindre leur plein potentiel? Après tout, cette approche les aiderait aussi à prendre soin de leur famille.
(1530)
     Pourquoi ne pas commencer par bonifier les fonds de secours d'urgence et par compenser les dépenses liées au chômage à long terme pour les Autochtones qui ont perdu leur emploi en raison du ralentissement de l'économie? Je connais un groupe d'innovateurs autochtones qui ont d'excellentes idées, beaucoup de soutien de leur communauté et des tonnes de courage.
    Il est essentiel que tout plan de relance après la crise de la COVID-19, à l'échelle mondiale et au Canada, place les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre — leur inclusion, leur représentation, leurs droits, leur situation socioéconomique, leur égalité et leur protection — au centre des préoccupations si nous voulons qu'il ait les effets souhaités. Ce plan de relance est aussi l'occasion d'investir dans l'égalité en adoptant une perspective sexospécifique et anti-oppression. Donnons au monde une plus grande part du Canada auquel nous aspirons tous, un pays où chacun a la possibilité d'atteindre son plein potentiel.
    Meegwetch.
    Excellent. Merci beaucoup, madame Wolfe.
    Nous passons maintenant à Mme Kaitlin Geiger-Bardswich, qui travaille à Hébergement femmes Canada.
    Vous avez 10 minutes, madame Geiger-Bardswich.
    Bonjour et merci de l'invitation. Je m'appelle Kaitlin Geiger-Bardswich et je suis gestionnaire de la communication et du développement à Hébergement femmes Canada.
    L'organisme national Hébergement femmes Canada représente plus de 550 refuges et maisons de transition pour les femmes et leurs enfants qui fuient la violence faite aux femmes et la violence contre un partenaire intime. Il a été créé par des associations provinciales et territoriales de refuges, qui voulaient avoir une voix sur la scène nationale. Aujourd'hui, ces 14 associations sont des membres à part entière de l'organisme et forment son conseil consultatif.
    Au plus fort de la pandémie de COVID-19, nous avons organisé des rencontres hebdomadaires sur Zoom avec notre conseil consultatif dans deux objectifs: permettre aux membres d'apprendre les uns des autres et avoir une idée de la situation à l'échelle du pays. Mon exposé s'appuie sur leurs expériences.
    Je précise d'abord que, même si l'objectif global d'Hébergement femmes Canada est de mettre fin à toutes les formes de violence faite aux femmes, mon exposé est axé sur la violence conjugale, qui inclut la violence familiale et la violence contre un partenaire intime. Je ne doute pas que d'autres témoins parleront d'autres répercussions de la pandémie de COVID-19 sur les femmes, comme les restrictions imposées aux choix et à la liberté en matière de reproduction, la perte disproportionnée d'emplois, les responsabilités accrues en ce qui concerne les soins aux enfants et la violence policière contre les personnes autochtones et racialisées.
    Avant l'arrivée de la pandémie de COVID-19 au Canada, la réalité des femmes qui fuyaient la violence était déjà bien sombre. En fait, beaucoup ont qualifié la violence faite aux femmes de pandémie au sein de la pandémie. Les données statistiques sont révélatrices: tous les six jours, une femme est tuée par son partenaire intime actuel ou un ancien partenaire. Les femmes autochtones sont 2,7 fois plus susceptibles d'être victimes de violence que les femmes non autochtones. Pire encore, les taux de féminicide pour les femmes autochtones sont six fois plus élevés que pour les femmes non autochtones. Nous savons également que certains groupes, comme les femmes âgées de 15 à 24 ans, les femmes racialisées, les femmes ayant un handicap et les personnes LGBTQ+, sont victimes de violence à des taux disproportionnés.
    Pendant la pandémie de COVID-19, cette violence n'a pas disparu. Elle s'est plutôt aggravée. À l'échelle du pays, on signale des hausses de 20 à 30 % des taux de violence conjugale. Dans certaines régions, les services de police ont également remarqué une augmentation du nombre d'appels pour violence conjugale. En Ontario, l'Assaulted Women's Helpline offre un service de consultation d'urgence tous les jours, 24 heures sur 24. Cet organisme a constaté une hausse totale de seulement 5 % du volume d'appels, mais il reçoit maintenant quatre fois plus d'appels de femmes à la recherche d'un refuge. Plusieurs refuges nous ont dit qu'ils ont remarqué une hausse des appels, mais aussi le signalement de cas plus graves.
    Le site web d'Hébergement femmes Canada, hebergementfemmes.ca, offre une carte cliquable pour aider les femmes, ou des amis et des proches, à trouver le refuge le plus près et sa ligne d'urgence disponible en tout temps. En avril 2020, le site hebergementfemmes.ca a enregistré le double de visites par rapport à mars 2020 et avril 2019. Les visites en mai 2020 ont triplé par rapport à celles de mai 2019. Des refuges de partout au pays nous ont dit qu'ils reçoivent plus d'appels de proches et d'amis qui veulent aider leurs êtres chers.
    En revanche, le nombre d'appels a chuté à certains endroits comme les Territoires du Nord-Ouest et l'Île-du-Prince-Édouard, les collectivités autochtones du Manitoba et d'autres régions rurales et nordiques. Pour certains refuges, le téléphone ne sonnait plus, et les installations étaient presque vides. Cette situation pouvait se révéler encore plus terrifiante qu'une augmentation du nombre de cas signalés de violence conjugale: les femmes, qui restaient à la maison selon les recommandations, étaient potentiellement coincées avec leur agresseur et incapables de demander de l'aide.
    D'ailleurs, nos membres nous ont dit que les agresseurs avaient ajouté la pandémie de COVID-19 à leur coffre à outils. Certains refuges nous ont raconté que des femmes leur téléphonaient à partir de la salle de bain et qu'elles n'avaient que quelques minutes. D'autres ont indiqué que les agresseurs disaient à leur victime qu'elle attraperait la COVID-19 si elle sortait de la maison ou menaçaient de dire à leurs proches et amis qu'ils avaient cette maladie.
    Divers facteurs liés à la COVID-19 ont probablement influé sur l'augmentation des taux de violence faite aux femmes. Diverses études ont démontré que le stress, la perte d'emploi, la consommation d'alcool et les problèmes de santé mentale peuvent tous exacerber la violence. Nous tenons cependant à insister sur le fait que la COVID-19 ne transforme pas les gens en agresseurs. S'il est vrai que la pandémie peut accentuer le stress et la violence, on ne peut pas attribuer la faute à la pandémie en elle-même.
    Parfois, les mesures imposées par les différents ordres de gouvernement ont eu des conséquences imprévues. La distanciation physique crée des conditions idéales pour les agresseurs. Comme cette distanciation est maintenant sanctionnée par le gouvernement, la situation des femmes victimes de violence s'est aggravée. Les fermetures de frontières ont également entraîné des problèmes pour certaines femmes. Par exemple, une femme qui fuyait son agresseur en Alberta a tenté de se rendre dans les Territoires du Nord-Ouest pour vivre avec sa mère, à Yellowknife. On lui a refusé le passage en lui disant de trouver un refuge en Alberta.
    Trop souvent, la violence conjugale peut mener à un homicide au sein de la famille ou à un féminicide. Au cours du premier mois de confinement à la suite de la pandémie au Canada, au moins neuf femmes et filles ont été tuées dans des cas présumés d'homicide au sein de la famille. Ce chiffre n'inclut pas les fusillades en Nouvelle-Écosse à la mi-avril, qui ont fauché la vie à 9 hommes et 13 femmes. Le meurtrier a d'abord attaqué sa partenaire dans un cas de violence conjugale.
(1535)
    Pour les refuges pour femmes à l'échelle du pays, la COVID-19 a mis en évidence un point qu'Hébergement femmes Canada fait valoir depuis quelques années: le lieu de résidence d'une femme fuyant la violence ne devrait pas définir les services qui lui sont accessibles. Pendant la pandémie, nous avons demandé aux associations membres de nous expliquer ce qui se passait dans leur province ou territoire en répondant à cinq questions. Les résultats ont été mis à jour à la fin de juin.
    Premièrement, dans votre province ou territoire, les refuges et les maisons de transition pour les femmes victimes de violence reçoivent-ils des fonds provinciaux ou territoriaux réservés à la réponse à la COVID-19? Sept associations ont répondu non, et deux ont répondu oui. Trois ont indiqué que la situation était compliquée, par exemple, que seulement certains refuges recevaient des fonds.
    Deuxièmement, votre gouvernement provincial ou territorial veille-t-il à ce que les refuges aient de l'équipement de protection individuelle et du nettoyant respectant la norme de l'Agence de protection de l'environnement? Quatre ont répondu non, deux ont répondu oui et six ont indiqué que la situation était compliquée.
    Troisièmement, les refuges pour femmes victimes de violence sont-ils considérés comme un service essentiel dans votre province ou territoire? Deux ont répondu non, six ont répondu oui et quatre ont indiqué que la situation était compliquée.
    Quatrièmement, dans votre province ou territoire, les refuges pour femmes victimes de violence ont-ils un accès prioritaire aux tests de dépistage de la COVID-19? Cinq ont répondu non, y compris l'Île-du-Prince-Édouard, qui a affirmé que ce n'était pas nécessaire. Deux ont dit oui, et cinq ont indiqué que la situation était compliquée.
    Cinquièmement, le premier ministre de votre province ou territoire ou son gouvernement a-t-il déclaré publiquement qu'il ne faut pas rester à la maison si on n'y est pas en sécurité? Trois ont répondu non, cinq ont répondu oui et quatre ont indiqué que la situation était compliquée.
    Même si le gouvernement fédéral ne finance en général que les refuges dans les réserves — les autres reçoivent des fonds des provinces ou des territoires —, il a alloué 26 millions de dollars aux refuges et aux maisons de transition partout au pays à la suite de la COVID-19. Le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres a demandé à Hébergement femmes Canada de distribuer 20,5 millions de dollars de ces fonds. Nous avons accepté comme nous savions à quel point il était important pour les refuges de recevoir l'argent rapidement.
    Les fonds d'urgence visant la COVID-19 ont été distribués à plus de 400 refuges partout au pays. Cela dit, les organismes au Québec ont dû attendre des semaines supplémentaires, voire des mois, pour recevoir l'argent de leur gouvernement provincial. Par ailleurs, plusieurs refuges s'inquiètent que leur gouvernement provincial prenne éventuellement des mesures de récupération à partir de leurs fonds de fonctionnement parce qu'ils ont reçu une partie de ces fonds d'urgence fédéraux.
    Bien sûr, il n'y a pas que de mauvaises nouvelles. Hébergement femmes Canada a constaté une hausse des dons provenant de particuliers et d'organismes. Le mois dernier, la famille Rogers nous a remis le plus gros don de notre histoire. Nous recevons constamment des courriels ou des messages sur les médias sociaux de personnes qui veulent aider les refuges à l'échelle du pays. Les journaux ont parlé davantage de la violence conjugale pendant la pandémie. Nous avons aussi accueilli favorablement l'engagement du gouvernement fédéral à construire 10 refuges dans les réserves et deux dans les territoires. Nous espérons que cet enjeu occupe maintenant une place de choix dans la vision d'avenir des gouvernements et des particuliers partout au pays.
    Je passe maintenant aux recommandations en cas d'une possible deuxième vague de COVID-19. Nous en avons cinq.
    Premièrement, les refuges ont besoin d'un financement de base accru. Avant la pandémie, ils étaient déjà nettement sous-financés. Selon le rapport Plus qu'un lit que nous avons publié l'an dernier, 56 % des refuges ont dit ne pas pouvoir couvrir leurs coûts de fonctionnement sans organiser des collectes de fonds, et 11 % n'étaient pas en mesure de le faire même avec de telles activités. Même si les 26 millions de dollars du gouvernement fédéral répondent à un besoin criant et qu'ils sont acceptés avec gratitude, ils sont bien loin d'être suffisants. Nous faisons aussi écho à l'appel lancé par l'organisme Pauktuutit Inuit Women of Canada qui demande au gouvernement fédéral de prévoir 20 millions de dollars dans son prochain budget pour les refuges et les maisons de transition dans l'Inuit Nunangat et à Ottawa pour les Inuites et leurs enfants qui fuient la violence.
    Deuxièmement, tous les ordres de gouvernement doivent insister sur le fait qu'il faut rester à la maison seulement si on y est en sécurité. Pendant la pandémie, notre secteur n'a ménagé aucun effort, en utilisant les médias sociaux, la publicité traditionnelle et de multiples entrevues aux médias, pour marteler le message que les refuges étaient ouverts et que les femmes ne devaient pas rester à la maison si elles n'y étaient pas en sécurité. Dans le cas d'une deuxième vague, tous les ordres de gouvernement devraient transmettre ce message.
    Troisièmement, le Canada doit étudier les pratiques prometteuses des quatre coins du monde en ce qui concerne la violence conjugale et la COVID-19. Par exemple, en Tunisie, on a établi un centre de quarantaine pour les femmes fuyant la violence conjugale. En Inde, les services de police ont vérifié comment allaient les femmes qui avaient signalé des cas de violence conjugale avant le confinement. En France, on a prévu le financement de 20 000 nuitées à l'hôtel pour les survivantes de violence conjugale. La Nouvelle-Zélande a inclus des mesures ciblant la violence conjugale dans ses plans de confinement dès le début.
    Quatrièmement, il faut lancer l'élaboration et la mise en œuvre d'un plan d'action national pluriannuel sur la violence faite aux femmes et la violence fondée sur le sexe. Nous le réclamons depuis plus de cinq ans avec une coalition d'organismes de partout au pays. Comme on vous l'a déjà dit, les situations vécues par les femmes fuyant la violence et les refuges ont différé selon les régions du pays pendant la pandémie. Nous nous réjouissons de l'engagement du gouvernement actuel d'établir un plan d'action national et l'exhortons à lancer son élaboration sans délai. Ce plan doit être robuste et disposer des ressources nécessaires.
    Cinquièmement, nous appuyons également les recommandations de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées et la mise en œuvre d'un plan d'action national pour y donner suite.
(1540)
    Merci.
    Excellent. Merci beaucoup, madame Geiger-Bardswich.
    Nous passons maintenant aux séries de questions de six minutes, en commençant avec Nelly Shin.
    Madame Shin, vous avez la parole.
    Je veux d'abord remercier toutes les témoins d'avoir partagé ce qu'elles ont sur le cœur et une préoccupation qui est fondamentale au bien-être de la nation, car le bien-être trouve sa source à la maison. Naturellement, comme les femmes sont mères et responsables de subvenir aux besoins des autres dans bien des cas, et qu'elles ont beaucoup de potentiel et de capacité à faire preuve de dynamisme, je suis ravie d'entendre toutes vos recommandations et vos réflexions aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Geiger-Bardswich et porte sur la violence familiale. Vous affirmez que nous assistons à une « pandémie parallèle à la pandémie ». Je comprends que cela existe depuis toujours, mais, comme la chose a été portée à l'attention du public d'une certaine façon, je crois que nous sommes à une époque où nous pouvons intervenir davantage. Je me réjouis d'entendre que le gouvernement a pris des mesures pour commencer à s'attaquer au problème.
    Selon vous, quel est le problème principal, la source du problème, que tous les ordres de gouvernement devraient s'employer à résoudre? Puisque nous sommes au fédéral, que pouvons-nous faire pour régler les causes de la violence familiale?
    C'est une très bonne question.
    Selon moi, il faut que tous les ordres de gouvernement offrent un financement de base aux refuges, car les femmes sont victimes de mauvais traitement peu importe ce qui se passe et nous avons besoin de refuges pour venir en aide à ces femmes.
    Il faut aussi tenter de prévenir la violence. J'estime qu'il faut offrir plus de programmes destinés aux agresseurs et de la sensibilisation, en commençant par les enfants âgés de quatre ans. Nous devons également tenir les gens responsables lorsqu'ils blâment les victimes ou laissent entendre qu'une femme mérite d'être traitée avec violence ou que la violence dont elle est victime n'est pas aussi grave qu'elle le prétend.
    Merci. Il y aurait sans doute lieu de discuter plus amplement de tous ces points, mais, comme notre temps est limité, je vais passer à ma prochaine question.
    Nous ignorons s'il y aura une deuxième vague. C'est fort possible. Je me réjouis d'entendre vos recommandations visant à simplifier nos interventions avant que cela se produise, mais vous avez aussi parlé de prévention.
    Comment est-il possible de faire de la prévention dans le temps que nous avons? Nous espérons qu'il n'y aura pas de deuxième vague, mais, le cas échéant, il y aura les complications liées à la distanciation sociale et au concept de counselling par Zoom ou par téléphone, ce qui enlève l'élément humain que comporte le fait d'avoir une conversation en personne et qui fait partie du processus de guérison. Que pouvons-nous faire différemment d'ici à une deuxième vague éventuelle afin de créer un milieu plus propice à la résolution de problèmes, de prévenir les tensions que provoque l'isolation sociale dans les foyers familiaux et prévoir des stratégies de sortie et des interventions policières? Comment le fédéral peut-il venir en aide à cet égard avant une prochaine vague éventuelle?
(1545)
    Pour ce qui est des refuges, j'estime très important qu'ils aient accès en priorité aux tests de dépistage de la COVID-19. Nous avons appris que les femmes qui téléphonaient à un refuge pour échapper à une situation violente devaient s'isoler pendant deux semaines une fois arrivées au refuge. Il est très pénible pour une femme qui vient de fuir une situation de violence d'être mise en isolement. Si elles avaient accès en priorité à un test de dépistage, on pourrait les obliger à s'isoler pendant quelques jours seulement. Voilà une chose que nous recommandons vivement.
    En ce qui a trait à la prévention, nous avons mis à jour notre site Web hebergementfemmes.ca, où l'on trouve désormais des adresses courriel en plus des services offerts par le biais de messages textes et de clavardage, car il est parfois plus sécuritaire pour les femmes d'entrer en contact avec un refuge par courriel. Je crois qu'il faut aussi se pencher sur des questions comme un salaire de subsistance, la pauvreté, le racisme et tous les points que j'ai soulevés, qui sont susceptibles d'exacerber la violence, comme le stress, la perte d'emploi, etc. En s'attaquant à ces questions sociales et économiques, on contribue aussi à régler le problème de stress.
    La question suivante s'adresse à Mme Wolfe et concerne les femmes autochtones.
    Comment pouvons-nous améliorer nos interventions visant à briser le cycle de violence, d'oppression et de mauvais traitement dans lequel sont prises des femmes autochtones? Je vous pose aussi la même question qu'à Mme Geiger-Bardswich: quel est le problème principal auquel nous pourrions nous attaquer durant la pandémie et après la pandémie?
    J'abonde dans le sens de Mme Geiger-Bardswich. La question comporte de multiples volets, tous interreliés. Si nous bâtissons la résilience économique des femmes et leur offrons les outils pour devenir autonomes, elles seront en mesure de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Si les femmes ont les moyens d'assurer leur propre subsistance, elles seront moins nombreuses à dépendre de leur agresseur pour avoir un lieu où vivre. En leur donnant les moyens et le pouvoir de fonder de nouvelles entreprises, d'innover et de collaborer — comme dans le modèle de SheEO —, on les aidera à guérir et à acquérir l'assurance pour aller de l'avant.
    Excellent, merci beaucoup, madame Wolfe.
    C'est maintenant au tour d'Anju Dhillon.
    Vous avez six minutes, madame Dhillon.
    Merci, madame la présidente. Je remercie les témoins de leur présence aujourd'hui.
    J'aimerais m'adresser d'abord à Mme Geiger-Bardswich.
    Vous avez parlé brièvement de l'argent qu'a versé l'actuel gouvernement aux refuges. Nous avons versé 10 millions de dollars aux refuges pour les femmes autochtones et 30 millions de dollars aux refuges et aux centres d'aide pour victimes d'agression sexuelle.
    Pouvez-vous nous dire à quel point cet argent a été utile durant la pandémie? À quoi a-t-il servi? Comment peut-il contribuer à aider davantage les femmes en situation de violence familiale?
    Bien sûr. Je précise que les 10 millions de dollars versés aux refuges pour femmes autochtones étaient réservés aux refuges situés dans les réserves. Le montant n'était pas destiné aux refuges autochtones en milieux urbains et aux refuges pour femmes inuites. Ces refuges ont reçu une partie de l'autre montant que nous avons réparti.
    Nous avons entendu dire que divers refuges ont été en mesure d'offrir une « prime d'héroïsme » à leur personnel. Ils ont pu embaucher des effectifs supplémentaires ou suppléants pour remplacer les employés qui ont dû être mis en quarantaine, parce qu'ils revenaient de vacances en mars, parce qu'ils étaient malades eux-mêmes ou qu'ils devaient prendre soin d'un membre de leur famille.
    Ils ont eu droit à des chambres d'hôtel payées. Certains ont eu droit à un tarif réduit, mais ce fut rarement le cas. Ils ont dû acheter de l'équipement de protection individuelle et des masques. Parfois, il a été nécessaire de réaménager le refuge pour que les femmes puissent se déplacer dans des espaces plus grands ou pour limiter l'accès à certains endroits pour assurer un certain niveau de distanciation sociale. L'argent reçu nous a énormément aidés, mais cela ne remplace pas un financement de base.
(1550)
    D'accord.
    Il est fort probable qu'une deuxième éclosion ait lieu. Selon vous, quelle devrait être la priorité en ce qui concerne les refuges pour femmes? En matière de violence contre un partenaire intime, à quoi devrait-on accorder la priorité durant la deuxième vague?
    Ce qui est prioritaire, c'est d'obtenir du financement et trouver d'autres endroits pour accueillir les femmes — que ce soit dans des hôtels, des campus universitaires ou ailleurs — afin de répondre à la demande croissante.
    Comme nous l'avons déjà dit, il faut un plan d'action national pour que les choses soient équitables partout au pays, et que toutes les femmes aient droit à des soins répondant aux mêmes normes élevées, qu'elles se trouvent à l'Île-du-Prince-Édouard ou en Alberta.
    Parfait. Merci beaucoup.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Saunders.
    Vous avez expliqué votre modèle d'affaires, que je trouve fascinant. Vous mentionnez qu'aucune entreprise n'a périclité au cours de la pandémie. Malheureusement, on ne peut pas en dire autant de toutes les entreprises.
    Comment expliquez-vous votre réussite? Comment peut-on utiliser ce modèle d'affaires pour aider d'autres entreprises?
    En effet. Notre approche est axée sur les relations et c'est ce qui la distingue. C'est une des raisons. Le monde dans lequel nous vivons est tellement transactionnel. Il en va ainsi: « Je vous paie et vous devez m'en donner pour mon argent. » On cherche à accumuler les richesses et on s'y accroche comme s'il n'y en avait pas suffisamment pour tout le monde, ce qui est insensé, car on a versé de 10 à 30 millions de dollars à des centres d'aide pour victimes d'agression et on s'apprêtait à donner 912 millions de dollars aux jeunes pour faire du bénévolat. Seigneur, je ne comprends tout simplement pas comment on arrive à ces décisions. Selon moi, il va de soi qu'il faut établir des relations entre les gens et partager les ressources dont nous disposons afin de répondre aux priorités que nous avons sur cette planète.
    Je suis d'avis que l'on n'a pas à investir dans ce qui ne figure pas sur la liste des choses à faire pour le monde. C'est ainsi que nous désignons les objectifs de développement durable des Nations unies — les choses qui créent des sociétés inclusives où l'on s'entraide mutuellement. Il y a un net déséquilibre entre le féminin et le masculin dans le monde. On constate que, lorsque les femmes fondent une entreprise, elles établissent d'emblée des conditions de travail souples et un milieu différent, exempt de harcèlement, où l'on comprend comment les femmes travaillent et ce dont elles ont besoin.
    Plus il y aura de modèles conçus dans cette perspective, plus on tissera des liens sociaux serrés et plus les sociétés seront résilientes. Il s'agit de prendre soin les uns des autres et nous avons trouvé un moyen d'appliquer le modèle à plus grande échelle. Il ne s'agit d'une approche sans rigueur, « oh, vous autres, les femmes », la la la, peu importe... L'approche a véritablement du poids et de l'ampleur.
    Vous avez aussi mentionné les services de garde. Vous avez dit qu'un groupe diversifié de femmes se trouve autour de la table. Pouvez-vous nous dire précisément quelles solutions peuvent régler le problème de la garde d'enfants?
    Le rétablissement n'aura pas lieu sans garde d'enfants. Il n'y aura pas de reprise économique. Les femmes ne pourront pas retourner au travail. Si nous ne trouvons pas de solutions ou de moyens pour payer les services de garde, les femmes seront particulièrement désavantagées. Des femmes se font dire de faire taire leurs enfants durant des appels téléphoniques faits depuis leur domicile. Des enfants âgés de un an et de quatre ans sont en train de s'épivarder et vous me demandez de les faire taire? J'habite dans un appartement d'une pièce. C'est impossible.
    Il est absolument crucial que l'on détermine une manière d'utiliser les fonds d'aide pour payer les services de garde et d'assouplir les choses à cet égard pour les propriétaires d'entreprises. Évidemment, il sera aussi extrêmement important pour la reprise de trouver un moyen de rouvrir les garderies de manière sécuritaire.
    Excellent. Merci.
    Madame Larouche, vous avez la parole pour six minutes.
(1555)

[Français]

     Je vous remercie.
    Nos trois intervenantes sont absolument fascinantes.
    Je vais commencer par m'adresser à Mme Geiger-Bardswich, qui représente Hébergement femmes Canada.
    On comprend évidemment le lien entre l'augmentation de la violence conjugale et la pandémie. Par ailleurs, l'isolement empire les conditions des travailleuses du sexe et augmente les risques de trafic humain. Quel est le lien entre les deux?
    Il ne faut pas oublier que certaines travailleuses n'ont pas fait de demande d'admission à certains programmes, comme la PCU, parce que leurs revenus ne sont pas déclarés. Les mesures mises en place durant la pandémie n'ont peut-être pas aidé suffisamment les travailleuses du sexe. Cela a peut-être eu comme conséquence l'augmentation des risques de trafic humain.

[Traduction]

    La traite des personnes ne fait pas partie de notre mandat. Je crois que la section canadienne d'Amnistie internationale vient de publier un document au sujet des travailleuses du sexe et le fait qu'elles n'ont pas accès à la Prestation canadienne d'urgence. Je vous recommande de lire ce document.
    Je ne serais pas étonnée d'apprendre que l'isolation sociale facilite la traite des femmes. Une des témoins a mentionné tout à l'heure la hausse du risque de cyberprédation à l'endroit des jeunes enfants à la maison. Je ne serais donc pas étonnée qu'il y ait une incidence.

[Français]

    Dans quelle mesure les organisations comme la vôtre devraient-elles plutôt être appuyées par des politiques sociales et des politiques de santé plus cohérentes?
    C'est aussi le cas relativement au logement. En effet, améliorer l'accessibilité à des logements communautaires et sociaux abordables aurait pu permettre qu'une personne traverse la crise plus facilement ou pourra permettre qu'elle la traverse plus facilement lors de la deuxième vague.

[Traduction]

    Assurément, cela aiderait. Nous avons constaté que les femmes sont réticentes à s'établir dans un espace communautaire comme un refuge en raison de la COVID. Les refuges qui sont déjà emménagés en unités séparées de style appartement n'ont pas enregistré une baisse du nombre femmes accueillies. Ces refuges ont opéré à pleine capacité et même plus.
    Nous préconisons également cela dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Nous avons besoin de logements sécuritaires et abordables pour les femmes, faute de quoi il y a engorgement dans les refuges. Les femmes ne peuvent pas quitter les refuges parce qu'il n'y a pas de logements et, partant, un nombre croissant de femmes ne peuvent pas entrer dans les refuges. Il serait extrêmement bénéfique d'avoir accès à des logements sécuritaires et abordables.

[Français]

     Je vais maintenant poursuivre avec Mme Saunders, de SheEO.
    On sait qu'il est difficile de faire la promotion de la santé quand les femmes sont plus ou moins attirées par la politique ou, encore, qu'elles hésitent à occuper des postes plus élevés. Nous parlons avec de nombreuses femmes.
    Quels sont les principaux obstacles observés?

[Traduction]

    Si vous entendez par là le fait de grimper les échelons au sein d'une organisation, ce n'est pas un point sur lequel nous nous concentrons. Ce qui nous intéresse, c'est de financer des innovatrices et des entrepreneures et de les aider à prospérer. Dans cette optique, SheEO finance les femmes et les aide à réussir comme elles l'entendent au lieu d'essayer de les changer pour qu'elles se conforment aux systèmes en place. Nous concevons de nouveaux modèles d'affaires, nous créons de nouvelles façons d'être en affaires qui répondent aux besoins des femmes. Quand on procède ainsi, grimper les échelons n'est plus un enjeu. Les femmes s'en tirent très bien quand elles peuvent créer leurs propres règles.
    Quand on est coincé et qu'il faut composer avec les règles imposées par quelqu'un d'autre, par exemple s'il faut travailler de 9 heures à 17 heures et que cette règle nous empêche d'aller chercher les enfants à l'école... Bref, quand on modifie les règles de ce genre, les femmes s'en tirent bien. Il n'est pas nécessaire de changer les femmes pour qu'elles correspondent aux modèles prévus. Il faut plutôt changer nos systèmes pour qu'ils conviennent aux femmes.

[Français]

    En parlant de changer le système, on sait que le télétravail pendant la pandémie a fait prendre conscience à plusieurs employeurs que cela pouvait être une option intéressante. Le télétravail peut aussi être une option pour les femmes entrepreneures. Cependant, je pense qu'il faudrait fixer des limites claires parce que les femmes peuvent être vraiment pénalisées et se pénaliser elles-mêmes dans tout cela.
    Qu'est-ce que la pandémie nous a enseigné sur les femmes, le télétravail et l'entrepreneuriat?
    Cela a-t-il un impact sur la façon de concevoir leur rôle sur le marché du travail et dans l'économie pour la relance?
(1600)

[Traduction]

    Je vous remercie de votre question. Notre équipe comprend une variété intéressante de personnes, dont des jeunes mères. Nous nous posons toujours ces questions, pour toutes nos activités. Il n'existe pas de réponse unique, qui convienne à toutes les femmes, car chacune a des expériences et des besoins différents.
    Comme je le disais, trouver des façons de... Les femmes qui sont entourées d'un réseau et d'aînés qui peuvent les aider et prendre soin de leurs enfants reçoivent ainsi un bon coup de main. Cela dit, il sera absolument essentiel de trouver une façon de soutenir les garderies et de les rendre accessibles pour que les femmes qui ont des enfants puissent travailler et séparer leur vie professionnelle de leur vie familiale. C'est absolument essentiel pour que tout cela puisse réussir.
    Madame Larouche, vous disposez de 10 secondes. Ce n'est probablement pas suffisant pour une question et une réponse. Auriez-vous un dernier commentaire à ajouter?

[Français]

    Oui, je vais poser rapidement une question à Mme Sara Wolfe, de Grands Défis Canada.
    Le problème de logement chez les communautés autochtones est criant. Comment la question du logement dans ces communautés aura-t-elle pu les aider après la crise?

[Traduction]

    Je suis désolée. Je regarde l'horaire, et votre question dépassait le temps qu'il reste.
     Madame Wolfe, peut-être pourriez-vous nous donner une réponse très brève. Comme j'essaie vraiment de respecter l'horaire, je vous prie de vous en tenir à une réponse très courte, peut-être de 10 à 15 secondes. Nous pourrons ensuite passer à Mme Mathyssen.
    Nous devons considérer ce défi comme une occasion à saisir. De manière générale, les personnes autochtones sont confrontées à des problèmes de logement, qu'elles soient dans les zones urbaines ou rurales, dans les communautés des Premières Nations éloignées et isolées, ou même à Toronto. Le logement est un enjeu considérable pour tous les Autochtones, mais particulièrement pour les femmes et les personnes de genre non binaire. Les investissements sont donc les bienvenus.
    Excellent. Merci beaucoup. Je suis désolée de vous avoir pressée, mais je surveille l'heure, et il faut continuer d'avancer.
    Madame Mathyssen, vous avez maintenant la parole pour six minutes.
    J'adresserai ma première question à Hébergement femmes Canada. Elle porte sur Imagine Canada et sur le rapport que cet organisme a publié dernièrement, dont vous avez sûrement entendu parler. Ce rapport dit que les ministères du gouvernement fédéral « n'administrent pas ces subventions et contributions de manière uniforme », que dans de nombreux cas « un financement pluriannuel n'est pas disponible », et que « les coûts financiers et administratifs légitimes sont exclus et l'évaluation des programmes n'est pas financée », bien que l'entente puisse l'exiger. Il ajoute: « Le résultat net, c'est que, dans la pratique, les organismes caritatifs, les organismes sans but lucratif et leurs donneurs subventionnent le gouvernement fédéral. »
    Je suis heureuse que vous ayez souligné qu'il est absolument crucial d'avoir un financement de base, et que ce point soit rappelé régulièrement. Pourriez-vous nous expliquer davantage comment le fait de passer d'un financement à court terme axé sur des projets à un financement de base stable pourra être un atout s'il survient une deuxième vague ou pour toute crise future?
    La COVID-19 et les mesures de distanciation sociale ont porté un coup très dur aux activités de financement des centres d'hébergement. Comme je l'ai dit pendant mon allocution, la majorité des centres d'hébergement doivent avoir recours à des activités de financement puisque le financement qu'ils reçoivent du gouvernement, généralement à l'échelon provincial ou territorial, est axé sur des projets précis. À titre d'exemple, les fonds peuvent servir à bâtir une maison ou à ajouter de nouvelles chambres, mais ils ne peuvent pas servir à payer le personnel ni les services de soutien et d'intervention en cas d'urgence qui sont nécessaires. Voilà pourquoi il faut faire des activités de financement.
    Notre rapport de l'an dernier a révélé que la majorité des centres d'hébergement n'ont pas d'employé responsable des activités de financement. Résultat: ce sont les directeurs généraux des centres qui s'en occupent sur le coin de leur bureau, tout en faisant leur possible pour régler les situations de crise, pelleter la neige et s'occuper de tout ce qui nécessite leur intervention. Si les centres d'hébergement avaient un financement de base plutôt qu'un financement axé sur des projets, ils auraient davantage de temps pour accomplir le travail qu'ils sont censés accomplir.
    Pour faire suite aux questions sur le logement posées par ma collègue du Bloc québécois, j'ajouterais que les néo-démocrates militent depuis longtemps en faveur d'une stratégie nationale sur le logement abordable. Comme les responsabilités en la matière ont malheureusement été repoussées dans la cour des provinces et des municipalités, cela laisse un grand vide du côté des besoins d'envergure nationale, qu'on pense par exemple aux femmes des zones urbaines qui cherchent à fuir la violence ou, clairement, aux femmes et aux jeunes filles autochtones.
    J'aimerais qu'Hébergement femmes Canada et Mme Wolfe nous parlent de ces défis et de l'importance de les placer au coeur d'une stratégie nationale sur le logement.
(1605)
    Je crois, de toute évidence, qu'on aurait grandement besoin d'une stratégie nationale sur le logement axée sur les Autochtones, et surtout sur les femmes et les personnes non binaires autochtones, mais il existe beaucoup de possibilités. Nous pourrions investir dans l'innovation.
    Si on revient au contexte de la COVID et de la relance, il faut adopter une perspective plus vaste et ne pas se borner à penser aux besoins immédiats associés à une deuxième vague. Il faut se demander comment nous pouvons nous rétablir et commencer à poser dès maintenant des pierres sur lesquelles nous pourrons bâtir, ce qui suppose d'investir dans l'innovation et dans des solutions à long terme et, comme l'a dit Mme Saunders, de changer certaines trames narratives autour des méthodes que nous pouvons utiliser pour nous soutenir et nous renforcer les uns les autres, tisser des liens au sein des communautés et nous entraider pour bien réussir pendant la relance post-COVID.
    En donnant aux femmes autochtones, et à toutes les femmes, les outils dont elles ont besoin pour s'aider elles-mêmes et pour s'entraider, on contribuera aussi à régler certains des enjeux liés au logement, à la violence, à la traite des personnes, à la pauvreté et à la garde des enfants. Il faut que les femmes soient en mesure de prendre elles-mêmes des décisions dans ces domaines.
    J'ajouterais que l'enjeu ne touche pas seulement les logements pour les femmes, mais aussi les logements pour les centres d'hébergement, c'est-à-dire des maisons de deuxième étape dans lesquelles les femmes doivent se réfugier si leur vie est en danger ou qu'elles risquent fort d'être victimes de violence après une séparation. Dans beaucoup d'endroits ruraux et éloignés, il n'y a pas de refuges de deuxième étape parce qu'il n'y a pas d'habitation qu'un organisme pourrait acheter pour en créer un. C'est un autre enjeu crucial.
    J'aimerais revenir aux garderies. Fait intéressant, je siégeais au comité des finances quand Mme Saunders y a parlé de la nécessité des services de garderie. J'avais l'intention de citer vos propos et de vous demander des précisions, madame Saunders, mais je constate avec plaisir que vous en avez parlé de nouveau aujourd'hui.
    Pendant la discussion précédente, il a été question de la nécessité d'avoir des normes nationales et des garderies financées par les fonds publics. Je sais que les femmes ne peuvent pas reprendre leur place dans l'économie s'il n'y a pas de garderies. Pourriez-vous nous en dire davantage sur l'importance de ce point?
    J'ai aussi entendu aujourd'hui, à la CBC, les propos d'un témoin que nous entendrons bientôt. Elle a dit que, si les services de garde nécessaires ne sont pas en place, le Canada ne vivra pas seulement une récession, mais bien une dépression, puisque les femmes ne retourneront pas sur le marché du travail. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
    J'espère qu'elle aura des données économiques à vous communiquer. Je n'en ai pas, car je ne suis pas économiste.
    Je crois que la pandémie nous offre une occasion fantastique de réexaminer ce à quoi nous attachons de l'importance dans la société, de regarder ce qui arrive quand on n'attache pas d'importance à certaines choses, et de réexaminer la priorité que nous accordons à la croissance, plutôt qu'au fait de prendre soin les uns des autres.
    Il suffit de regarder ce qui se passe dans les foyers pour aînés, où on prend soin, ou non, de personnes âgées, pour constater le peu de valeur que nous accordons au fait de prendre soin les uns des autres. C'est pourtant une composante fondamentale d'une société solide, résiliente et extraordinaire, tissée d'un excellent réseau de liens.
    J'ai vraiment beaucoup d'espoir. La crise a mis en évidence tout ce qui ne fonctionne pas, des choses que nous avions pourtant sous les yeux chaque jour et dont nous voyons maintenant les répercussions sur la société. Selon moi, l'idée d'attacher de l'importance à l'entraide, l'idée d'une économie altruiste, aura d'immenses retombées si nous en faisons notre moteur, notre façon d'accroître la résilience du Canada et sa croissance économique et de soutenir les Canadiens.
    C'est l'évidence même, selon moi. La personne qui en a parlé au comité des finances a dit qu'il en était question depuis 1980.
    Excellent.
    Voilà qui met fin à ce groupe de témoins.
    Mesdames Wolfe, Saunders et Geiger-Bardswich, merci beaucoup pour vos excellents témoignages.
    Nous allons suspendre la séance, faire quelques tests de son et reprendre dès que possible.
(1605)

(1620)
    Nous reprenons maintenant notre étude sur les répercussions de la pandémie de COVID sur les femmes. Nous passons au groupe de témoins suivant. C'est un grand honneur d'accueillir Lorraine Whitman, présidente de l'Association des femmes autochtones; Jill Earthy, directrice générale par intérim du Women's Enterprise Centre; et Linda Gavsie, première vice-présidente, Universal Learning Institute.
    Nous commencerons par Mme Whitman. Vous aurez la parole pendant 10 minutes. J'interromprai tout le monde après 10 minutes. Je vous ferai signe quand il restera 15 secondes.
    Madame Whitman, vous avez la parole.
    Bonjour, je suis l'aînée Lorraine Whitman, ou grand-mère White Sea Turtle, et je souhaite reconnaître le territoire de Mi'kma'ki et du peuple L'nu Mi'kmaq.
    Je suis aussi présidente de l'Association des femmes autochtones du Canada, ce qui veut dire que je représente les femmes des Premières Nations, métisses et inuites de partout au Canada et que je défends leurs droits...
    Pourriez-vous parler un peu plus fort, madame Whitman?
    D'accord. Je me rapproche du micro.
    Vous m'avez tous demandé d'être avec vous aujourd'hui pour parler des effets de la pandémie de COVID-19 sur les femmes autochtones. Je suis heureuse d'avoir cette occasion de vous transmettre quelques observations de l'Association des femmes autochtones du Canada ainsi que nos préoccupations.
    Je suis ici aujourd'hui pour parler de la pandémie, mais aussi de la violence, car ces deux enjeux sont liés.
    Je n'ai pas besoin de vous dire que lorsque la pandémie de COVID-19 est devenue une réalité pour les femmes autochtones, leurs enfants formaient l'une des populations les plus vulnérables du Canada. Je n'ai pas besoin de vous dire que, bien que les femmes et les filles des Premières Nations, métisses ou inuites soient particulièrement nombreuses à disparaître ou à être assassinées, le gouvernement fédéral n'a pas encore élaboré le plan d'action national qu'il a promis d'élaborer pour concrétiser les appels à la justice de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues ou assassinées.
    Ce plan d'action doit être un document évolutif, qui sera bonifié au fil du temps. Il n'a pas besoin d'être parfait dès sa première version. Il doit simplement marquer le début de la fin de cette violence qui, selon l'enquête nationale, constitue un génocide. Alors que la COVID-19 a malheureusement pour effet d'accroître le niveau de risque auquel les femmes autochtones sont exposées, le gouvernement prend la pandémie comme prétexte pour ne pas communiquer de plan d'action. Nous exhortons donc les membres de ce comité à faire pression sur le gouvernement afin qu'il nous écoute et qu'il tienne promesse. Cela dit, regardons les effets de la pandémie.
    Lorsque la menace de la pandémie s'est intensifiée, l'AFAC a mené une évaluation des besoins auprès de ses membres affiliés provinciaux et territoriaux. Tous ont répondu sauf deux d'entre eux, et leurs réponses ont tracé un portrait effrayant de la situation. À titre d'exemple, l'Association des femmes inuites du Nunavut, un organisme auquel nous sommes affiliés, s'est dite extrêmement inquiète de voir la violence augmenter à cause de la pandémie. Ailleurs au Canada, certaines Premières Nations n'avaient pas de ressources médicales pour tester les personnes en apparence symptomatiques. Les services de soutien tels que le counselling communautaire ont pris fin, tout comme les mécanismes établis pour répondre aux besoins spéciaux de nos gens.
    Du 1er au 29 mai, nous avons fait un sondage auprès de 750 femmes et personnes non binaires autochtones, sondage qui a été vérifié par Nanos Research. Les réponses indiquent que la violence familiale inquiète beaucoup plus les femmes autochtones que la pandémie de COVID, qu'elles subissent davantage de violence depuis le début de la pandémie, que les plus vulnérables d'entre elles ont moins de 35 ans ou vivent dans le Nord, que les partenaires intimes sont considérés comme la principale source de violence, et que les conséquences financières de la pandémie font grimper les risques.
    Oui, la COVID préoccupe grandement l'AFAC et les femmes autochtones du Canada. Quand nous avons soumis nos conseils au gouvernement à propos de la création d'un plan d'action, nous lui avons fait des recommandations. Ainsi, nous avons demandé que la ministre des Relations Couronne-Autochtones soit l'hôte d'un sommet international virtuel sur les pratiques exemplaires, qui viserait à discuter des effets de la COVID sur les peuples autochtones du Canada et d'ailleurs et à proposer des solutions pratiques. Nous n'avons pas eu de réponse, mais nous continuons de faire des suivis auprès de la Couronne au sujet de ces discussions et de ces négociations.
    Dans son document sur les effets de la COVID-19 sur les femmes, l'Organisation des Nations unies dit que les États membres devraient s'assurer d'avoir une représentation paritaire entre les femmes et les hommes lorsqu'ils prennent des décisions et planifient des interventions relatives à la COVID-19. Par ailleurs, dans son document sur les effets de la COVID-19 sur les peuples autochtones, l'ONU dit notamment que les États membres devraient soutenir les communautés autochtones qui ont imposé des restrictions ou un confinement pour éviter la propagation de la maladie.
    Nous demandons ce soutien, nous aussi. Nous demandons au gouvernement de tendre une main secourable aux femmes autochtones qui sont exposées à des risques accrus en raison de la COVID et des problèmes financiers qu'elle entraîne.
(1625)
    Nous demandons au comité d'insister auprès du gouvernement afin qu'il prenne son engagement au sérieux et mette fin à la violence qui écourte la vie de trop de nos femmes, une violence qui s'est aggravée pendant la pandémie.
    Wela'lin. Thank you. Merci beaucoup.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Jill Earthy, du Women's Enterprise Centre.
    Vous avez la parole.
    Je vous remercie. Bon après-midi à tous. Je suis ravie d'être ici.
    Je suis ici à titre de directrice générale par intérim du Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique, pour représenter les femmes entrepreneures qui jouent un rôle primordial dans la relance économique du pays. Avant de parler des effets de la COVID-19 sur les femmes entrepreneures, il faut comprendre les avancées que nous avons réalisées jusqu'ici.
    D'après une étude menée en 2019 par la Banque de développement du Canada, 28 % des entrepreneurs canadiens sont des femmes. Selon les projections faites avant la pandémie, l'augmentation du pouvoir économique des femmes pourrait ajouter 150 milliards de dollars au PIB du Canada d'ici 2026, la participation accrue des femmes à l'entrepreneuriat étant évidemment considérée comme une stratégie cruciale.
    L'entrepreneuriat permet aussi de corriger des inégalités et de favoriser la participation des femmes au marché du travail, notamment la participation des femmes immigrantes, des femmes autochtones, de celles qui vivent en région rurale ou éloignée, et de celles qui ont besoin d'une structure de travail plus souple. Malgré cela, les femmes entrepreneures sont sous-représentées au Canada, et elles doivent relever de multiples défis de nature financière, systémique et personnelle. Elles gagnent en moyenne 58 % de moins que les entrepreneurs masculins, ont accès à moins de 3 % du capital de risque, reçoivent 14 % des prêts et détiennent seulement 0,48 $ de capital pour chaque dollar que détiennent les hommes qui ont fondé une entreprise.
    Les raisons de ces écarts sont multiples, et vous en connaissez probablement plusieurs. Elles découlent principalement du fait que les systèmes en place n'ont pas été conçus pour être accessibles à tout le monde et ne tiennent pas compte des besoins particuliers des femmes entrepreneures.
    Dans le but de combler ces écarts, Diversification de l'économie de l'Ouest a lancé, il y a 25 ans, l'Initiative pour les femmes entrepreneurs dans les quatre provinces de l'Ouest. Cette initiative se concentre sur quatre volets; elle offre des prêts pouvant atteindre 150 000 $, des services-conseils, du perfectionnement et du mentorat. Si on les compare aux femmes entrepreneures qui ne participent pas à cette initiative, les femmes qui en ont bénéficié affichent une meilleure croissance en matière d'emplois et de ventes, restent en affaires plus longtemps et obtiennent une productivité supérieure. Nous savons que ce programme holistique fonctionne et qu'il produit des retombées considérables.
    Depuis 1995, le Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique a versé plus de 72,8 millions de dollars de financement direct et de financement à effet de levier et créé plus de 2,18 milliards de dollars d'activité économique seulement en Colombie-Britannique, ce qui a permis de créer ou de conserver plus de 3 000 emplois. Il ne faudrait pas perdre ce dynamisme.
    La collaboration est évidemment au cœur de cette réussite. Ainsi, en 2010, on a mis sur pied le regroupement Organisations d'entreprises de femmes du Canada, ou OEFC. Il rassemble des organismes de partout au pays qui soutiennent l'entrepreneuriat au féminin afin d'échanger des pratiques exemplaires et de défendre d'une même voix les intérêts des femmes entrepreneures. Ajoutons que, comme le savent plusieurs d'entre vous, le gouvernement du Canada a lancé en 2018 la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat, qui vise à doubler le nombre d'entreprises appartenant à des femmes d'ici 2025. Le Women's Enterprise Centre et OEFC ont tous deux reçu du financement dans le cadre de cette stratégie.
    Ces efforts combinés produisent beaucoup de changements prometteurs. Ainsi, le niveau de littératie financière des femmes s'améliore, tout comme leur accès aux capitaux, qui a augmenté de 20 % entre 2007 et 2017. Plus de femmes exportent: le pourcentage de femmes entrepreneures qui exportent a presque doublé, passant de 5,9 % à 11,2 %. Près de 40 % des femmes entrepreneures s'adonnent à au moins un type d'innovation, et on peut constater une évolution générale de leur croissance. De tels résultats sont possibles, je le rappelle, grâce à une sensibilisation accrue, à un soutien constant, à de meilleures ressources et à une meilleure collaboration entre les organismes d'un océan à l'autre.
    Nous sommes maintenant confrontés à de nouveaux défis en raison de la COVID-19. Je suis devenue directrice générale par intérim à la fin mars — un moment décidément hors de l'ordinaire —, alors qu'on commençait à comprendre les effets de la pandémie. Je connais bien l'écosystème canadien. J'ai siégé au conseil d'administration du Women's Enterprise Centre pendant huit ans et je suis active dans le domaine depuis 20 ans. J'y ai occupé divers postes de gestion, et j'ai vu toutes sortes de choses. Je suis aussi cofondatrice et coprésidente du congrès annuel We For She, qui regroupe des chefs d'entreprise de tous les sexes, de même que des jeunes femmes de la prochaine génération, actuellement élèves de la 10e à la 12e année, dans le but de promouvoir le progrès économique des femmes. Je siège également au conseil d'administration de Technologies du développement durable du Canada, du Forum for Women Entrepreneurs et d'Organisations d'entreprises de femmes du Canada. Je le mentionne simplement pour montrer que je travaille depuis longtemps à promouvoir l'équité entre les genres, avec un accent particulier sur les femmes entrepreneures et la création de nouveaux modèles. C'est un grand honneur d'occuper mon poste actuel en cette période déterminante.
(1630)
    Depuis le début de la pandémie, beaucoup de gens d'affaires ont dû interrompre leurs activités en raison des mesures sanitaires mises en place ou d'une absence de clients. Les femmes entrepreneures ont été particulièrement touchées, puisque leurs entreprises œuvrent souvent dans le secteur des services, par exemple dans la vente au détail, l'hébergement, le tourisme et les services alimentaires. Certaines ont pu s'adapter rapidement au contexte changeant et plusieurs ont commencé à travailler de la maison, bien entendu. Au Canada, 24 % des femmes propriétaires de petites entreprises ont des enfants de moins de 18 ans. On peut donc craindre que leurs responsabilités familiales se soient alourdies, notamment en matière de soin des enfants et des aînés, et que les écarts mentionnés plus tôt se creusent davantage.
    Au cours des trois derniers mois, le Women's Enterprise Centre a relevé le défi. Il a même profité de l'occasion, en quelque sorte, pour fournir un soutien accru aux femmes entrepreneures de la Colombie-Britannique en se fondant sur son modèle en place, qui a déjà fait ses preuves. Nous avons donc offert davantage de webinaires et de services-conseils. Les rendez-vous individuels pour des services-conseils en affaires ont augmenté de 39 %, tandis que la participation aux formations a grimpé de 202 %.
    Pour ce qui est des prêts de développement que nous consentons, nous avons pu offrir un report des paiements et l'annulation des intérêts, une offre acceptée par 90 % des emprunteurs. Comme nous travaillons de façon proactive avec les emprunteurs pour tenir compte de leurs circonstances personnelles, notre taux de remboursement s'établit depuis plusieurs années à 94 %. Notre modèle répond bien aux besoins des femmes entrepreneures, et il sera plus essentiel que jamais à l'avenir.
    Nous aidons les entrepreneures à comprendre leurs options, à créer un plan de rétablissement solide et, à l'heure actuelle, à naviguer parmi les nombreux programmes gouvernementaux, dont le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes, qui prévoit des prêts de 40 000 $. À noter que seulement 50 % de nos emprunteuses y sont admissibles, et ce, pour trois raisons.
    La première raison concerne la structure des entreprises. Comme on le sait, comparativement à leurs collègues masculins, les femmes entrepreneures sont plus susceptibles d'en être à leur première entreprise, d'être l'unique propriétaire ou d'être une travailleuse autonome sans employés.
    La deuxième raison concerne les prêts. Bon nombre des programmes de soutien gouvernementaux prennent la forme de prêts. Cela présente des défis étant donné la structure d'entreprise que je viens de mentionner, qui fait que les entreprises détenues par des femmes sont généralement dans une situation financière plus fragile et n'ont pas les moyens de s'endetter davantage.
    La troisième raison concerne le risque. Devant les risques, les femmes entrepreneures ne sont pas frileuses, mais plutôt astucieuses. Elles préfèrent obtenir un autre genre de soutien et de conseils. Comme elles ont peu d'exemples à suivre, elles ont avantage à obtenir un soutien holistique individuel lorsqu'elles cherchent du financement, puisqu'elles souhaitent comprendre et évaluer toutes les conséquences d'une décision.
    C'est pourquoi les programmes de l'Initiative pour les femmes entrepreneurs sont absolument essentiels. Ce moment que nous vivons nous donne l'occasion de repenser et de réimaginer des systèmes et des modèles plus inclusifs et plus holistiques. Nous savons que les diverses étapes de la relance prendront un certain temps. Nous continuons donc d'être proactifs et d'offrir aux emprunteurs de payer seulement l'intérêt sur leurs prêts pendant les six prochains mois, histoire de leur laisser plus de liquidités, de réduire leur stress financier et de donner aux propriétaires d'entreprise le temps de s'adapter, de planifier et d'être en mode proactif plutôt que réactif.
    Du côté des nouveaux modèles, je tiens à mentionner le partenariat lancé le mois dernier entre le Women's Enterprise Centre et Vancity, l'une des principales coopératives de crédit du Canada, qui est établie en Colombie-Britannique. En consultation avec le Women's Enterprise Centre, Vancity a lancé un nouveau type de prêt conçu spécialement pour les femmes entrepreneures et adapté à leurs besoins particuliers. Ce programme combine un prêt de Vancity et les services du Women's Enterprise Centre, qui fournit un soutien global.
    Nous avons reçu une multitude de demandes depuis le lancement de ce programme à la fin juin, ce qui montre qu'il reste des besoins à combler. Rappelons que selon un sondage mené l'an dernier, moins de 30 % des femmes propriétaires d'entreprise sont d'avis que les banques, les coopératives de crédit et les prêteurs financés par le gouvernement connaissent leurs objectifs, leurs souhaits et leurs besoins et savent y répondre. Nous voulons que cela change, une coopérative de crédit et une institution financière à la fois.
    Notre équipe dédiée cherche avant tout à aider les entrepreneures afin qu'elles puissent naviguer parmi tous les programmes et les ressources, adapter des modèles d'affaires et gérer le flux de trésorerie tout en conservant un état d'esprit positif et en jonglant avec des responsabilités familiales accrues. C'est aussi ce que font nos collègues partout au pays. Dans cette optique, nous souhaitons porter les recommandations que voici à votre attention.
    La première recommandation porte sur la collecte de données, car nous sommes conscients de son importance. Nous demandons que les institutions financières et les investisseurs ajoutent des critères relatifs à la diversité et à l'inclusion aux principaux indicateurs de rendement des secteurs et divisions de leur entreprise qui travaillent avec des femmes entrepreneures ou pour elles. Nous souhaitons que le gouvernement tienne compte des considérations liées au genre et à la diversité quand il est question de développement économique, de recherche et d'innovation, et du soutien des petites entreprises, y compris pour les programmes de relance liés à la COVID-19. À titre d'exemple, connaître le pourcentage de femmes entrepreneures qui se prévalent des prêts du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes permettrait de mieux comprendre la situation et de repérer des besoins à combler.
    La deuxième recommandation, que le Comité a souvent entendue, j'en suis consciente, serait d'instaurer une politique nationale sur les garderies. Ainsi, les femmes auraient le temps et l'énergie requis pour se concentrer sur la croissance de leur entreprise pendant les années où elles peuvent avoir des enfants.
(1635)
     On pourrait aussi envisager comme solution à court terme la création d'une allocation aux aidants: elle procurerait une allocation aux femmes entrepreneures qui ont dû assumer davantage de responsabilités familiales et ont vu leur productivité chuter...
    Je suis désolée, madame Earthy. Je sais que vous avez...
    J'ai presque terminé.
     Parfait. Il nous reste seulement quelques secondes. Je vous remercie.
    Très bien.
    Nous recommandons aussi d'envisager la mise en place de subventions de contrepartie ou de microsubventions, une façon de débloquer de nouveaux capitaux en offrant des avantages fiscaux à des investisseurs privés pour les encourager à investir d'une façon qui favorise l'égalité des genres et la viabilité, tout en continuant bien sûr de renforcer le soutien et la formation offerts partout au pays.
    Les femmes entrepreneures ont un rôle clé à jouer dans la reprise économique et la sortie de cette crise. Il faut donc faire le nécessaire pour favoriser leur réussite.
    Merci.
    Excellent. Vous avez fait un excellent travail, surtout quand on pense que vous n'occupez votre poste que depuis trois mois. J'espère que vos employeurs sont satisfaits de vos 90 premiers jours. Sinon, nous vous donnerons une lettre qui dit que vous êtes fantastique!
    Je ne me suis décidément pas ennuyée. Merci beaucoup.
    On peut parler de 90 jours bien remplis!
    Nous passons maintenant à Linda Gavsie, du Universal Learning Institute.
    Madame Gavsie, vous avez 10 minutes.
     Je vous remercie. C'est un honneur de témoigner devant le Comité.
    J'ai occupé différents postes au Universal Learning Institute, où je travaille depuis maintenant 25 ans. À titre de femme, d'aînée, d'employée dans le secteur privé de l'éducation postsecondaire et de personne ayant un grave trouble de l'audition, la COVID-19 a eu un impact significatif sur mon bien-être et mon sentiment de sécurité. On peut dire qu'il en a été de même à la grandeur de l'école.
    Les femmes au Universal Learning Institute sont des membres de l'équipe, du personnel enseignant et administratif ou des étudiantes d'ici et de l'étranger. L'équipe de direction du Universal Learning Institute est féminine. J'occupe le poste de première vice-présidente et j'ai déjà eu ma propre école, je comprends donc les besoins des entreprises sur le marché du travail. Aujourd'hui, je vais parler de la façon dont les choses se sont passées pour la population féminine de notre institution.
    En raison de la COVID-19, de nombreuses femmes ont perdu leur emploi à temps partiel ou ont vu une réduction dans leurs heures de travail. Elles ont été privées de leurs liens sociaux et elles n'ont pas toujours réussi à se doter des moyens technologiques nécessaires pour étudier ou travailler de la maison, ce qui a mené à tout un casse-tête, tant pour ces femmes que pour les entreprises. Le Universal Learning Institute a perdu des recettes attendues, et le personnel et les étudiantes ont dû faire preuve de résilience face à tous les changements et toutes les préoccupations qui sont arrivés en même temps. Je vais vous faire part de certaines réflexions inspirées de vos lignes directrices.
    Je me trouve dans la situation unique d'avoir eu à planifier, gérer et vivre la difficile transition de l'enseignement en classe à l'enseignement en ligne. Comme l'école devait se transposer à la maison par mesure de précaution pendant que nous luttions ensemble contre la pandémie, j'ai déplacé toutes les activités de l'école — la totalité d'entre-elles — pour qu'elles se fassent de la maison. Les plus gros freins pour les étudiantes et le personnel ont été le savoir-faire technologique, la disponibilité de matériel adéquat et la responsabilité des enfants. La courbe d'apprentissage a été très abrupte pour les employées, qui n'ont pas été embauchées pour enseigner ou travailler en ligne, mais aussi pour les étudiantes, qui ne s'étaient pas inscrites à des cours en ligne.
    Les classes et la diffusion en continu se sont déroulées parfois avec et parfois sans la bonne largeur de bande, le bon matériel ou les ressources appropriées. Les difficultés d'utilisation de la technologie et de nouvelles plateformes ont causé beaucoup de stress aux étudiantes et aux enseignantes, de même que la perte soudaine des interactions sociales.
    Pour bien des femmes, étudier et travailler à la maison est source de conflits et de tensions. Par exemple, s'acquitter des exigences liées aux classes était difficile puisque les enfants avaient eux aussi besoin d'un ordinateur pour faire leurs devoirs et leurs leçons. Les enfants et leur mère qui travaille, mais qui s'occupe aussi d'eux avaient tous besoin de ressources informatiques limitées au même moment.
    Il y a des logis surpeuplés où des colocataires demandent sans crier gare d'utiliser un espace ou du matériel. La recherche d'un équilibre entre les dynamiques domestiques et les exigences professionnelles et scolaires, sans compter le surcroît de travail ménager non rémunéré, a fait en sorte qu'il est devenu encore plus difficile de mener à terme les programmes. La quantité de travail non rémunéré ainsi que les obligations familiales ont augmenté puisque les enfants ne sont pas à l'école et les personnes âgées ont des besoins accrus. Les personnes qui habitent avec des personnes âgées ne veulent pas leur transmettre la COVID-19. Les parents s'inquiètent du développement personnel et cognitif de leurs enfants en l'absence des stimuli dont ceux-ci ont besoin. Ajoutons à cela la perte des interactions sociales et l'on constate que la capacité de résilience diminue alors que le risque de frustration augmente.
    Les étudiantes étrangères ont semblé porter un très lourd fardeau, car leur réseau au Canada n'est pas très développé et leurs familles sont séparées. Bien des personnes à l'école, d'ici ou d'ailleurs, sont monoparentales, ont un conjoint à distance, vivent dans un logement surpeuplé ou habitent seules ou, dans le cas des étudiantes étrangères qui cherchent à se perfectionner, ont des enfants ou d'autres membres de leur famille restés dans leur pays d'origine, où la COVID-19 sévit davantage qu'au Canada.
    Heureusement, en Colombie-Britannique et au Canada, il y a de nombreuses ressources. Grâce à des publications et des annonces, nous avons été en mesure de rendre facilement accessible l'information sur la santé mentale et de créer des cercles d'études et des cercles sociaux sur Zoom et sur des sites de médias sociaux qui ont semblé utiles pour atténuer certaines pressions, mais, surtout, pour rapprocher les étudiantes et le personnel et créer de nouvelles communautés.
    Il nous a fallu répondre aux besoins de femmes pour qui le fait d'avoir, ou de ne pas avoir, du pouvoir à la maison a exacerbé le défi d'étudier avec une enseignante qui doit, de son côté, répondre aux exigences d'un programme, rendre compte des présences à des organismes de réglementation et faire avancer le curriculum.
(1640)
    Bien des étudiantes ont pris du retard en raison d'interruptions à la maison. Cette situation a coûté cher aux écoles, car il a fallu organiser des cours et des classes supplémentaires pour assurer la réussite des étudiantes. Il s'agit là d'une dépense additionnelle en période de pénurie de recettes, car au faible taux d'inscription s'ajoutent des annulations. Cette situation n'est pas idéale pour avoir des assises financières solides.
    Nous nous réjouissons de la très grande efficacité que certains programmes du gouvernement fédéral ont eue, et ont encore, comme la Prestation canadienne d'urgence et la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants, l'aide pour le loyer, la subvention salariale et d'autres programmes pour assurer la viabilité des entreprises ainsi que pour la subsistance de nos étudiantes qui ont perdu leur emploi, leur stabilité financière, leur filet de sécurité sociale et leurs réseaux de soutien.
    Il y a une mesure qui nous a beaucoup aidés, soit l'ajustement fait par Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada qui nous permet d'enseigner en ligne aux étudiants étrangers ayant un visa étudiant. Les étudiantes étrangères ont ainsi la possibilité de poursuivre leurs études afin d'obtenir un diplôme, même si la formule d'enseignement a dû être modifiée rapidement. Il est à espérer que cet ajustement continuera de s'appliquer au besoin pour offrir des services aux étudiantes d'ici et d'outre-mer pendant la durée de la pandémie.
    La valeur ajoutée de cette politique tient à la possibilité de conserver des recettes dans une industrie qui, sur le plan de l'enseignement et au Universal Learning Institute, est majoritairement féminine dans le domaine des soins de santé et de la gestion. Pour la deuxième vague, on pourrait faciliter la facette technologique en offrant de l'aide pour l'acquisition du bon nombre d'ordinateurs dans les foyers ainsi que dans les écoles, mais aussi pour l'obtention de la bonne largeur de bande Internet pour la diffusion en continu des classes, et d'ordinateurs, de caméras et de microphones.
    Le gouvernement du Canada s'est montré fort généreux dans l'aide accordée aux étudiants canadiens cet été. Je pense que cela facilitera la gestion du ménage et permettra de libérer des ressources que la famille pourra utiliser afin de se procurer le matériel dont elle a besoin. Un bon moyen d'atténuer le stress et l'anxiété de la deuxième vague serait d'offrir du soutien supplémentaire aux gens et aux entreprises en matière de technologie.
    Avec la réouverture de l'économie, de nombreux étudiants reprennent leur travail à temps partiel. Nous savons maintenant qu'il est possible de faire face au poids des pressions financières et de l'isolement social et que la situation sera moins effrayante advenant un nouveau confinement puisque nous savons tous maintenant que c'est temporaire.
    La difficulté de travailler et d'étudier à la maison pour une femme est énorme. Quand viendra la deuxième vague, il y a des aspects de la transition qui seront plus faciles, mais à certains égards, ce sera un plus gros défi, car les gens commencent à ressentir une certaine fatigue par rapport à la pandémie.
    Je vois que le gouvernement offre des programmes d'aide, comme des crédits d'impôt pour du matériel, de l'information sur la pandémie pour que les gens conservent la volonté de rester en sécurité à la maison. Il continue aussi d'insister sur la distanciation sanitaire, le port du masque et les comportements à adopter en temps de pandémie, y compris l'équilibre entre le maintien du cap et tous les aspects de la vie des femmes.
    Rendre les règles du jeu plus équitables entre les institutions postsecondaires publiques et privées est un aspect stratégique de l'expérience qui pourrait aider nos étudiantes à poursuivre leur parcours. On pourrait, par exemple, permettre aux nombreuses étudiantes admissibles de venir au Canada si elles choisissent de fréquenter une école de formation professionnelle. Il faudra aussi se pencher sur la question du permis de travail après l'obtention d'un diplôme et celle des visas pour le conjoint ou la famille. Les étudiantes qui ont des visas d'études seront motivées de terminer leurs études si leurs familles ont la possibilité de venir au Canada elles aussi.
    Nous venons de diplômer 8 soignantes et 35 infirmières auxiliaires, qui ont toutes surmonté certaines des difficultés que j'ai évoquées. La majorité des infirmières auxiliaires travaillent toujours, soit comme stagiaire du programme alternance travail-étude, soit à titre d'employée parrainée dans le domaine de la santé. Témoins des ravages de la COVID-19 dans leur pays d'origine, nous ne savons pas encore quel chemin elles suivront ni ce qu'elles accompliront.
(1645)
    Madame Gavsie, il faudrait conclure, car nous devons passer aux questions.
    Pardon, je ne vous ai pas entendue.
    Nous devons passer aux questions. Si vous voulez conclure, nous passerons aux questions.
    D'accord. Je termine.
    La réduction des effectifs a été stupéfiante. Il faut trouver un moyen d'aider les étudiantes inscrites dans des programmes d'alternance travail-études qui doivent être retardés, car elles doivent gagner leur vie pour payer leur loyer. Je remercie le gouvernement fédéral du soutien qu'il nous a donné jusqu'ici, mais il nous faut plus et à nos étudiantes aussi.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir pu faire cette présentation et je suis prête à répondre aux questions.
     C'est parfait, merci beaucoup.
    Nous allons maintenant avoir des périodes de questions de cinq minutes. Il y aura quatre périodes de cinq minutes avant que nous ne passions à notre prochain groupe. Monsieur Serré, je suis désolée, vous aurez à réviser tout cela.
    Je commence avec Mme Jag Sahota qui dispose de cinq minutes.
    Merci, mesdames, du temps que vous nous accordez, de vos présentations et du travail que vous faites auprès des femmes en ces temps difficiles. Ma question s'adresse à Mme Whitman.
    Dans votre préambule, vous avez parlé de l'annonce du gouvernement en mai indiquant qu'il ne réussirait pas à mettre en œuvre un plan d'action fondé sur la conclusion de l'enquête nationale comme il s'en était fixé l'objectif. Comment avez-vous réagi à cette annonce? Les gouvernements doivent faire preuve de leadership et agir en temps de crise, surtout si celle-ci perdure. Il faut savoir la gérer quand on forme le gouvernement. Je serais curieuse de vous entendre à ce sujet.
(1650)
    Merci beaucoup de la question.
    Je dirai d'abord que j'ai été fort déçue. L'annonce au sujet du plan d'action a été très blessante pour les membres des familles qui avaient ouvert leurs cœurs et exposé leurs blessures en racontant l'histoire de leurs proches. Ce qui a fait mal, c'est que les familles présentes pensaient qu'il y avait lieu d'espérer que le gouvernement pourrait les aider. Il voyait la lumière au bout de l'arc-en-ciel, mais ils ont été déçus en voyant qu'il n'y avait pas de plan d'action. Ils ont perdu foi dans le gouvernement parce qu'il n'a pas mis en place un plan d'action alors qu'il avait dit qu'un an plus tard, il en aurait un. Cela dit, nous poursuivons du mieux que nous pouvons notre travail avec les familles pour leur remonter le moral et leur dire que nous travaillons toujours avec l'honorable Carolyn Bennett pour y arriver. Cela a été difficile.
    Par ailleurs, je ne dis pas que la violence en place prendrait fin aujourd'hui si nous avions un plan d'action, car ce ne serait sûrement pas le cas. Elle a des origines multiples et lointaines. Nous avions donné à la Couronne quelques recommandations lors d'une table ronde que nous avons organisée avec toutes les associations membres provinciales et territoriales du Canada et les territoires. Il suffirait d'un morceau de papier. Le gouvernement pourrait l'utiliser comme point de départ, une base, afin que nous puissions commencer à faire avancer les choses.
    Je vous remercie.
    Je passe maintenant à Mme Earthy.
    Nous savons que beaucoup d'entreprises dirigées par des femmes, comme les services de traiteurs, les salons de coiffure et de manucure, mais aussi les services d'enseignement individuel et ceux de soins de santé à domicile ont été frappées de plein fouet par la COVID-19. Bon nombre de ces entreprises utilisent des comptes de chèques personnels, et elles ne peuvent se prévaloir du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes. Le gouvernement devrait-il permettre à certaines entreprises qui ont un compte de chèques personnels attitré à leur entreprise de faire une demande au titre du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes?
    Je vous remercie de votre question.
    Je dois d'abord vous dire qu'il y a aussi le Fonds d'aide et de relance régionale, auquel les propriétaires uniques sont désormais admissibles. Cette mesure a sans contredit aidé, et la troisième phase des prêts du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes aussi. Je pense que c'est un aspect à considérer. Il est vrai que toutes les entrepreneures ne choisissent pas toutes de se constituer en personne morale et elles ne devraient pas avoir l'obligation de le faire.
    Un rôle important du Women's Enterprise Centre et de l'Initiative pour les femmes entrepreneurs est d'informer les entrepreneures, de leur fournir du soutien et de leur poser ce genre de questions afin de comprendre leurs objectifs, pour pouvoir les orienter vers les bonnes ressources. Cela dit, j'estime que le mode de fonctionnement avec un compte de chèques personnels devrait être pris en considération.
    Ma prochaine question s'apparente à celle que je viens de poser. De nombreuses petites entreprises ne peuvent participer au programme d'Aide d'urgence du Canada pour le loyer commercial parce que le propriétaire refuse de faire une demande. Ce problème a-t-il des répercussions disproportionnées sur les femmes qui ont de petites entreprises?
    Nous n'avons pas de données pour confirmer ce point, mais je peux vous donner en exemple un cas que j'ai eu aujourd'hui. Il s'agit d'une de nos clientes qui a un prêt. Pendant notre conversation, elle m'a dit qu'elle a des gymnases équipés pour les enfants à deux emplacements différents. L'un des propriétaires collabore étroitement avec elle afin de l'aider et ils présenteront une demande dans le cadre du programme, ce qui est formidable. L'autre s'y refuse. Son loyer mensuel est très élevé, et il n'y a évidemment pas de recettes pour le payer.
    Il y a encore des lacunes à cet égard. Nous serions aux anges si les propriétaires étaient un peu plus encouragés à se prévaloir de ce programme. Nous aimerions voir un plus grand nombre de propriétaires utiliser ce programme pour offrir un meilleur soutien aux entrepreneurs. Nous voyons beaucoup de femmes entrepreneures qui ont des problèmes à cet égard.
(1655)
     Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Marc Serré. Vous disposez de cinq minutes.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'avoir présenté leurs idées aujourd'hui. C'est un sujet très important pour la relance économique dans le cadre de la pandémie actuelle.
    Ma première question s'adresse à Mme Jill Earthy.

[Traduction]

    Madame Earthy, vous avez parlé des femmes entrepreneures. Je veux simplement parler au Comité d'une entreprise. Avec Covergalls Workwear, Alicia Woods, qui vient de Sudbury, dans le Nord de l'Ontario, a d'abord cherché à fabriquer des vêtements adaptés aux femmes qui travaillent dans le secteur minier. Maintenant, elle cherche à se faire une place dans l'industrie des sables bitumineux. Elle a adapté beaucoup d'équipement de protection individuelle pour les femmes. Je vous invite à jeter un coup d'œil au travail que fait Covergalls Workwear un peu partout au pays.
    Vous avez parlé de financement. C'est vraiment important. Vous avez parlé des agences de développement régional, de Diversification de l'économie de l'Ouest, et du programme de 2018 qui a octroyé des fonds pour développer l'entrepreneuriat féminin. Je ne connais pas votre opinion de la Banque de développement du Canada, mais selon moi, elle a fait peu de cas des entreprises en milieu rural, de celles qui ont une femme à leur tête ou de celles qui œuvrent dans le secteur des ressources. Elle ne leur a pas vraiment offert de soutien. J'aimerais donc avoir votre opinion à ce sujet.
    Pendant la pandémie, le gouvernement fédéral devrait-il étendre le programme pour l'entrepreneuriat féminin établi en 2018? Serait-ce une bonne idée? Nous cherchons des recommandations à faire pour l'automne.
    Vous avez aussi indiqué que de nombreuses entreprises ayant une femme à leur tête n'ont pas accès aux programmes actuels. Le fonds d'aide de l'agence de développement régional a été mis en place il y a quelques semaines pour régler ce problème. Croyez-vous qu'il faudrait l'élargir à l'automne?
    Je vous remercie. Je crois qu'il y a là trois questions.
    Tout d'abord, la question de la Banque de développement du Canada, pour vous répondre, est complexe. Je vais parler de mon expérience au Women's Enterprise Centre de la Colombie-Britannique. Nous avons des partenariats avec la Banque de développement du Canada. Par exemple, nous disposons de 150 000 $ par année dans le cadre de notre programme de prêts auxquels s'ajoutent 100 000 $ grâce à notre partenariat avec la Banque de développement du Canada. Y a-t-il des lacunes? Oui. Pourrait-il y avoir des améliorations? Toujours. Cela dit, ce n'est pas le sujet qui nous occupe aujourd'hui.
    Vous avez parlé de soutien additionnel dans des programmes. Il est parfaitement possible d'améliorer le soutien offert dans le cadre de la Stratégie pour les femmes en entrepreneuriat et du financement de l'écosystème, d'offrir davantage de formation et de soutien. Pensons à la littératie financière et aux conseils financiers, qui, avec le financement, sont fondamentaux. Je crois que c'est le plus important. Le financement n'est pas tout, le soutien plein et entier est crucial. Nous espérons qu'il y aura du financement supplémentaire sous peu.
    L'autre élément majeur qu'il faut mentionner, c'est la collaboration entre les organismes qui appuient les femmes entrepreneures partout au pays. Nous communiquons entre nous. Nous cherchons des moyens de tirer parti du financement et des ressources, de transmettre les pratiques exemplaires. Tout financement supplémentaire aurait des répercussions majeures.
    Fort bien.
    Vous avez aussi parlé de cueillette de données. Pourriez-vous indiquer au Comité des éléments précis au sujet desquels vous croyez que Statistique Canada ou d'autres ministères fédéraux gagneraient à recueillir des données et à publier des rapports un peu plus détaillés?
     Oui, j'ai de nouveau un exemple. Le récent partenariat avec Vancity est le fruit d'une conversation que nous avons eu à l'interne. Nous étions curieux de connaître le pourcentage de femmes entrepreneures qui demandaient des fonds du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes; il s'agit du fonds d'emprunt de 40 000 $. Nous avions des idées à ce sujet, et celles-ci ont été évoquées dans l'échange d'aujourd'hui. Nous avons posé des questions à quelques institutions financières, et elles ne colligent pas ce genre de données. Il y a manifestement le sexe, le stade où en est l'entreprise, le type d'entreprise, etc. Certaines de ces données sont recueillies, mais il y a beaucoup plus à faire avec les données démographiques.
    Vous avez aussi parlé de soutien pour les entrepreneurs et les communautés en milieu rural. C'est aussi un élément capital.
    J'ai une liste que je serais heureuse de vous faire suivre. Nous présenterons un mémoire qui inclut les recommandations et davantage de précisions.
    Il me reste 30 secondes avant que la présidence m'arrête. Je vous remercie, madame la présidente, de me permettre de continuer.
    Madame Earthy, pourriez-vous simplement nous en dire plus sur le crédit pour aidant dont vous avez parlé? C'est fort important pour les aidants.
    Comme je l'ai dit, un aidant a des enfants ou s'occupe de membres de la famille qui sont âgés. J'ai donné le pourcentage: 24 % des femmes entrepreneures au Canada ont des enfants de moins de 18 ans à la maison, ce qui demande encore plus de conciliation. Il y a des femmes qui n'ont d'autres choix que de s'occuper de leur famille plutôt que de créer ou continuer de faire croître et prospérer leur entreprise.
    L'allocation aux aidants offrirait un soutien essentiel, pour prendre soin tant des enfants que des personnes âgées, ou pour embaucher de l'aide pour l'entreprise. Il s'agirait d'une mesure souple, offrant différentes options visant à accroître la productivité.
(1700)
     C'est parfait. Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Larouche, qui dispose de cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie.
    Je vais d'abord adresser mes questions à Mme Whitman.
    Le 3 juin dernier a marqué le premier anniversaire du dépôt du rapport final de l’Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Vous avez manifesté votre déception, un sentiment que l'on peut comprendre.
    J'aimerais que vous nous parliez de quelques idées concrètes qui, à votre avis, auraient pu être mises en œuvre au cours de la dernière année pour répondre au rapport et prévoir l'aide à apporter aux femmes et aux filles autochtones. J'ajoute ici l'éventuelle deuxième vague de la pandémie, dont il faut tenir compte.

[Traduction]

    Tout d'abord, si nous avions le plan d'action national, qui devait être présenté... Pendant neuf mois, le gouvernement aurait pu s'adresser à notre organisme. Nous avons envoyé quelques idées et suggestions sur des façons de travailler ensemble et la situation de violence que vivent les femmes de nos communautés, ainsi que sur certains des 231 appels à la justice.
    Nous avons abordé un autre point, la santé et le bien-être, qui figure sous l'appel à la justice 7.1. Nous ouvrirons bientôt un centre de résilience. Ce centre sera mis sur pied par des aînés [Difficultés techniques] afin d'aider les femmes qui ont été victimes de violence par le passé ou qui le sont encore. Ce centre facilitera leur travail et leur capacité d'action.
    Nous devrions soutenir les centres de résilience. Nous aimerions qu'il y en ait dans chaque province et territoire. Il devrait y avoir des fonds pour que nous puissions mettre les choses en marche. Il y en a un qui ouvrira bientôt au Québec, et nous avons reçu des fonds pour un autre au Nouveau-Brunswick. Il y en a un sur lequel on travaille en Nouvelle-Écosse et un autre en Saskatchewan. Si nous pouvions avoir du soutien et du financement de la part du gouvernement pour continuer, ce serait un pas dans la bonne direction [Difficultés techniques] femmes.

[Français]

    Vous avez aussi abordé la question de la violence. On s'est penché sur l'aide à apporter aux femmes victimes de violence, mais on en a peut-être moins parlé pour ce qui est des femmes autochtones durant cette pandémie. Toute la question du référencement est en cause, ici.
    Comment peut-on inciter ou aider les femmes à trouver des ressources pour qu'elles obtiennent de l'aide en période de pandémie? En raison du confinement, beaucoup de ressources destinées à les aider ont été coupées.
    Comment peut-on favoriser ce référencement en prévision d'une deuxième vague?

[Traduction]

    Tout d'abord, le pavillon de résilience permet à quatre aînées de répondre à un numéro sans frais que les gens peuvent signaler ne serait-ce que pour savoir qu'il y a quelqu'un à l'autre bout du fil. À mesure que les aînées obtiennent plus d'information, une navigatrice s'occupe, à partir des renseignements fournis par les aînées, d'obtenir un meilleur soutien pour les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre qui appellent afin qu'elles puissent rencontrer des personnes-ressources dans leur région qui pourront les aider. S'il y a une maison d'hébergement où elles peuvent se rendre, nous pouvons réserver [Difficultés techniques]. C'est simplement une voix à l'autre bout du fil, au lieu d'un message enregistré. Elle offre la possibilité de s'ouvrir [Difficultés techniques] de l'élément culturel qui nous manque en raison de la COVID et de l'isolement.

[Français]

    Ma prochaine question s'adresse à vous, madame Earthy.
    Comme vous l'avez mentionné, il faut vraiment que des programmes soient adaptés aux femmes entrepreneures. En résumé, pour les aider davantage, il faut des incitatifs fiscaux adaptés à leur situation. Vous avez parlé du crédit. Il faudrait peut-être que ce soit plus adapté au travail à temps partiel. Il y a aussi toute la question du réseautage et d'un meilleur accompagnement financier. En bref, c'est vraiment de cette façon qu'on peut créer un véritable programme d'entrepreneuriat féminin.
(1705)

[Traduction]

    Je dirais qu'il y a aussi le réseautage, l'accès à des capitaux et, sans l'ombre d'un doute, l'éducation, la formation et le soutien continus. Nous voyons que le modèle holistique de l'Initiative pour femmes entrepreneures est un succès, parce que nous offrons du soutien individualisé sous forme de services consultatifs aux entreprises, du soutien par les pairs et un accès à des formations et de l'éducation, au besoin. Cette initiative est multidimensionnelle, et c'est la somme des parties qui aident le plus les femmes entrepreneures.
     C'est parfait. Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Mathyssen.
    Je vous remercie.
    Madame Whitman, j'ai moi aussi été extrêmement déçue par la lenteur de la réponse au rapport sur les femmes et filles autochtones disparues et assassinées. Je crois qu'il est primordial de mettre immédiatement à exécution les 231 appels à la justice. L'Association des femmes autochtones a récemment publié un bulletin sur la réponse du gouvernement au rapport. Dans ce bulletin, vous n'accordez pas la note de passage au gouvernement, entre autres en ce qui a trait au droit à la culture, au droit à la santé, au droit à la sécurité et au droit à la justice. Pourriez-vous expliquer plus en détail au Comité les éléments du bulletin?
    Tout d'abord, il y a le volet culturel, car nous défendons et représentons les femmes inuites, métisses et issues des Premières Nations, nous nous assurons que ce volet est présent afin qu'elles se sentent à l'aise là où elles obtiendront de l'aide. Cela s'applique aussi aux maisons d'hébergement. Il n'y a que quelques maisons d'hébergement autochtones au Canada. Bien des femmes refusent d'aller dans une maison d'hébergement qui ne l'est pas, car les gens sur place ne connaissent pas leur culture ou leur histoire. Elles ne chercheront donc pas à aller là. Les maisons d'hébergement sont bien pourvues pour aider les femmes, mais il n'y a aucun volet culturel pour les Autochtones.
    Pour ce qui est du volet de la santé, nous avons remarqué une augmentation de la violence, mais aussi des problèmes de santé mentale. Nous avons remarqué une augmentation plus marquée, avec la COVID, en raison de la violence. Les gens sont isolés. Ils vivent dans la même maison que l'agresseur, l'abuseur. Il n'est pas possible d'obtenir l'aide nécessaire parce que les bureaux sont fermés ou sont situés en dehors de la communauté. Il y a beaucoup de lacunes. Même s'il y a eu des fonds pour les personnes qui vivent à l'extérieur d'une réserve, ceux-ci n'ont pas entièrement été octroyés aux femmes autochtones et à leurs enfants.
    Pour ce qui est de la sécurité, le lendemain de l'enquête nationale, Chantel Moore au Nouveau-Brunswick a été abattue de cinq balles par un policier. Sur le plan de la sécurité, je crois qu'il y avait une meilleure façon de procéder. Nous pouvons toujours dire « si ceci » et « si cela », mais je suis convaincue que s'ils avaient été en mesure de communiquer avec un aîné de la communauté ou d'avoir une liste d'aînés, de différents porteurs de savoir, ils auraient pu faire appel à l'un d'eux pour aider cette jeune femme autochtone. Il aurait peut-être été possible de désamorcer la situation. Si nous pouvions intégrer cet aspect à la sécurité...
    Pour ce qui est de la justice, nous voyons de plus en plus de femmes, un groupe d'hommes et de femmes marginalisés de nos communautés, qui sont en prison et qui ne devraient pas y être. Avec la COVID, pour les protéger, ils ont été mis dans une cellule pour quelqu'un qui a mal agi, mais ces personnes n'ont rien fait de mal. C'était pour les protéger, mais en fait, cela n'a pas été le cas. Ces femmes ont été démoralisées par la situation dans laquelle elles se trouvaient. Nous étions censés les protéger, mais nous les mettions dans des cellules d'isolement. Voilà les aspects qui concernent la justice.
    Par conséquent, non, nous n'avons pas vu beaucoup d'améliorations. Nous travaillons à améliorer les choses. J'espère qu'en poursuivant les partenariats, nous parviendrons à répondre aux besoins des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre, ce qui aidera nos communautés dans leur ensemble.
    Wela'lin pour la question. Merci.
(1710)
    Vous disposez encore de 45 secondes, Mme Mathyssen.
    D'accord.
    Je pense qu'avec Black Lives Matter et les protestations contre le racisme et la violence envers les Noirs et les Autochtones on voit un mouvement. Nous sommes témoins d'un mouvement en faveur de la santé mentale, de l'aide au logement et ce genre de choses. Pourriez-vous parler brièvement de ce mouvement visant l'abandon de la méthode forte dans les interventions policières, ou de la reconnaissance du racisme systémique au sein des corps policiers, et de l'impact que cela a pour les communautés autochtones ainsi que pour les femmes?
     Madame Whitman, avant que vous ne commenciez...
    Mme Lindsay Mathyssen: Il faut répondre très rapidement.
    La présidente: Il vous faudra répondre très rapidement. Nous avons environ 20 secondes, car il s'agissait d'une question de 45 secondes.
    Voulez-vous tout de même que je réponde à cette question? D'accord.
    Oui, [Difficultés techniques] il y a du racisme et de la discrimination, nous en sommes témoins. J'ai parlé à la commissaire Lucki. Nous travaillons ensemble et espérons qu'il y aura du changement. Nous lui avons fait part de nos recommandations.
     Nous en avons aussi fait part aux médias. Il s'agit d'équiper les policiers d'une caméra. Ainsi, quand il y a une enquête, la séquence filmée nous indiquera que tout est là. Nous n'aurons pas à jouer aux devinettes.
    Il y aurait aussi un volet culturel, c'est-à-dire qu'un aîné serait disponible ou une base de données pourrait être utilisée dans le secteur où il se passe quelque chose avec une personne dont la santé mentale... c'est aussi pour que les gens ne se fassent plus tuer, vous savez, tirer pour tuer, ainsi, nous travaillons...
    Je vous remercie beaucoup. Je sais que c'était une réponse fort importante.
    Au nom du Comité, j'aimerais remercier de tout cœur Mme Whitman, Mme Earthy et Mme Gavsie de nous avoir présenté leurs mémoires aujourd'hui et d'avoir répondu à nos questions.
    Nous allons suspendre la séance quelques minutes, le temps que le prochain groupe de témoins s'installe, et nous recommencerons sous peu.
(1710)

(1720)
     Reprenons. Nous en sommes à la dernière heure de témoignage pour aujourd'hui.
    Les personnes qui participent à l'étude aujourd'hui sont Mme Anita Khanna, directrice nationale des politiques publiques et des relations avec les gouvernements; Rhonda Barnet, présidente et chef de direction d'Avit Manufacturing et présidente de la table sectorielle de stratégies économiques pour la fabrication de pointe ainsi qu'Armine Yalnizyan, qui est économiste et titulaire de la bourse de recherche Atkinson sur l'avenir des travailleurs.
    Je vous souhaite la bienvenue.
    Mme Khanna a la parole pour 10 minutes.
    Je tiens à souligner que je prends la parole aujourd'hui sur le territoire non cédé du peuple algonquin anishinabe et à remercier le Comité de cette importante occasion de contribuer à l'étude.
    Je me nomme Anita Khanna. Je suis la directrice nationale des politiques publiques et des relations avec les gouvernements pour Centraide United Way Canada.
    Au nom du réseau Centraide United Way, j'aimerais remercier le gouvernement fédéral, les députés et les fonctionnaires de leur travail absolument crucial pour épauler les Canadiens pendant la pandémie. J'aimerais aussi souligner le travail accompli par les travailleurs essentiels qui sont aux premières lignes: nettoyeurs, éducatrices en garderie, travailleurs migrants, personnel des épiceries, infirmiers, préposés aux services de soutien à la personne, médecins et intervenants en violence familiale et dans les maisons d'hébergement pour les sans-abri.
    Le réseau Centraide United Way arrive au deuxième rang derrière le gouvernement pour ce qui est du financement de services communautaires essentiels dont la mission est d'éliminer la pauvreté et les obstacles à l'inclusion sociale des personnes vulnérables. Centraide United Way est présent dans toutes les régions du Canada et soutient plus de 3 400 organismes communautaires et 5 600 programmes. Il verse aussi un financement direct de plus de 11 millions de dollars à des services d'aide pour les victimes de violence familiale ou sexuelle qui sont utilisés par 122 000 personnes par année.
    Centraide United Way Canada et son réseau sont aux premières lignes depuis le début de la pandémie au Canada. Notre travail touche à de multiples facettes. Nous dirigeons et soutenons des tables d'action communautaire et versons directement des fonds pour subvenir à des besoins essentiels, comme un accès aux denrées alimentaires et à la livraison pour les personnes âgées et les familles isolées, un soutien aux personnes sans abri et un soutien pour le maintien des services communautaires de première ligne. Nous avons aussi prodigué activement des conseils aux gouvernements sur les besoins des membres de la communauté et du secteur caritatif, sur lequel bien des gens comptent en ce moment et continueront de compter plus tard. Nous avons aussi établi de nouveaux partenariats et coordonné des réponses sectorielles, comme l'achat en gros volume d'équipement de protection individuelle et de nourriture dont nous avons organisé la distribution.
    L'ensemble de notre réseau a recueilli jusqu'ici plus de 30 millions de dollars qui seront investis dans des mesures locales de soutien communautaire d'urgence partout au pays. Nous sommes également très honorés d'avoir été choisis comme partenaire pour distribuer des fonds fédéraux essentiels pour répondre aux urgents besoins engendrés par la COVID. Nous veillons à ce que le financement pour le programme Nouveaux Horizons pour les aînés et une partie du Fonds d'urgence pour l'appui communautaire soient distribués à des organismes communautaires au service de personnes en situation d'extrême vulnérabilité.
    Notre expérience sur le terrain montre que les femmes, les enfants, les aînés, les personnes noires et autochtones, les gens de couleur, les travailleurs en situation de précarité et les personnes handicapées sont, tout comme d'autres personnes marginalisées, parmi les plus touchées par la pandémie. Les femmes qui ont des identités qui se recoupent — racialisées, diverses identités de genre, handicapées — et celles qui ont des enfants se trouvent souvent à occuper un emploi précaire, à gagner moins d'argent sur le marché du travail ou à travailler dans des conditions risquées. En travaillant comme préposées aux services de soutien à la personne ou dans une épicerie, elles courent un plus grand risque d'infection en raison du manque d'équipement de protection individuelle et de leurs déplacements en transport en commun pour aller travailler. Elles peuvent être exposées au travail et en se rendant à celui-ci, sans compter le risque de transmission à la maison.
    Une femme, qu'elle s'occupe du logis, ait perdu son emploi ou accomplisse des tâches essentielles, est beaucoup plus susceptible de travailler sans arrêt, notamment pour s'occuper des enfants ou de personnes âgées. Cette tendance n'a fait que s'amplifier avec la fermeture des garderies et des écoles. Dans l'agenda bien rempli des femmes figurent aussi l'achat en magasin de nourriture, mais aussi de fournitures scolaires, de médicaments et d'autres articles essentiels pour la maisonnée, ce qui représente un autre risque d'infection.
    La distanciation sanitaire et l'isolement ont exacerbé la violence fondée sur le sexe. Les femmes qui ont un conjoint violent sont plus vulnérables, et le fait de vivre à l'étroit, les difficultés financières, le stress familial et d'autres pressions rendent les femmes encore plus vulnérables à des situations qui pourraient devenir abusives. Bien des femmes ont l'impression qu'elles n'ont pas le choix de rester dans un foyer violent parce que vivre à l'étroit dans une maison d'hébergement présente un risque d'infection. Cette situation a entraîné une hausse de l'itinérance invisible au pays.
    Vu ces tendances inquiétantes, il importe de veiller à ce que la COVID-19 ne fasse pas reculer les gains économiques et sociaux des femmes. Les menaces à la progression de l'égalité des sexes, à l'accroissement de la participation au marché du travail et à la croissance économique du Canada sont beaucoup trop grandes.
    La distribution de financement communautaire au pays a montré que bon nombre d'inégalités et de problèmes sociaux se sont aggravés et complexifiés en raison de la pandémie. Nous avons constaté la vulnérabilité encore plus grande des familles à faible revenu, une hausse de la demande pour de la nourriture et des services de santé mentale, et une augmentation soutenue de la violence envers les femmes.
    Centraide United Way a distribué des fonds pour aider les femmes. Grâce au programme Nouveaux Horizons pour les aînés, plus de 930 programmes ont reçu du soutien, et 60 % d'entre eux s'adressent aux aînées.
(1725)
     Grâce au Fonds d'urgence pour l'appui communautaire, Centraide United Way a jusqu'à présent appuyé 116 programmes destinés principalement aux femmes et aux filles et 280 programmes qui s'adressent indirectement aux femmes et aux jeunes filles. À ce jour, plus de 3 millions de dollars ont été accordés pour soutenir des programmes axés sur les femmes et les filles et les processus de financement sont toujours en cours.
    Le gouvernement fédéral a mis en œuvre des politiques et des programmes essentiels pour assurer la sécurité des Canadiens, notamment la Prestation canadienne d'urgence, le financement des programmes de lutte contre les agressions sexuelles et la violence familiale, la hausse du financement de Vers un chez-soi et beaucoup plus. Ces réalisations méritent des éloges.
    Nous pouvons également améliorer les programmes existants et mettre en œuvre d'autres programmes essentiels qui permettront de soutenir davantage les femmes. Si nous voulons nous préparer pour une deuxième vague éventuelle, réaliser la reprise au féminin dont Armine Yalnizyan a parlé et rebâtir en mieux le Canada, il est essentiel d'instaurer un programme national de garde d'enfants, de prioriser l'accès au logement abordable et la réduction du risque d'itinérance, d'améliorer l'accès à de bons emplois, d'accroître la sécurité du revenu et d'établir un meilleur secteur caritatif qui vise à servir les femmes et à leur fournir de bons emplois stables.
    La pandémie a montré clairement que les services de garde d'enfants sont essentiels au bon fonctionnement de l'économie. Il est temps d'instaurer une stratégie nationale de garde d'enfants qui assure un accès abordable à des places dans des garderies de qualité. Les femmes et leur famille ne peuvent pas se remettre sur pied si le gouvernement n'investit pas dans un système fiable de garderies qui offre à la main-d'œuvre majoritairement féminine la rémunération qu'elle mérite à titre de véritable moteur économique essentiel.
    La COVID-19 nous a également montré qu'il faut prioriser davantage les mesures qui visent à éliminer l'itinérance et à permettre l'accès à un logement sûr et abordable. Étant donné le grand nombre de femmes pauvres ayant des problèmes de santé mentale ou vivant dans des situations de violence qui peinent à trouver et à conserver un logement, il est évident que des obstacles systémiques entrent en jeu. Nous exhortons le gouvernement fédéral à prendre des mesures accélérées pour éliminer l'itinérance, à renforcer le soutien aux femmes et aux personnes de diverses identités de genre qui sont sans-abri et à nommer un défenseur fédéral du logement et les membres d'un conseil fédéral du logement, conformément à la loi fédérale sur le droit au logement.
    Les pertes d'emploi attribuables à la COVID-19 sont nettement plus élevées chez les femmes, car les secteurs des services, de l'hôtellerie et de la vente au détail sont les plus touchés et ont beaucoup de mal à se rétablir, ce qui nuira à l'économie puisque les femmes dépensent une grande partie de leurs revenus localement. Il faut prioriser l'établissement d'un programme d'emplois stables et de qualité qui offrent un salaire décent et les femmes doivent aussi avoir accès à de l'équipement de protection individuelle dans ces secteurs. De plus, il va sans dire que les services de garde d'enfants seront essentiels au retour au travail des femmes et à la stimulation de l'économie. C'est également le cas des programmes de prestations de revenu qui augmentent les revenus des ménages afin que personne ne soit laissé pour compte, qu'il travaille ou non.
    Il est également essentiel que le Canada poursuive ses efforts collectifs visant à lutter contre le racisme et à établir des relations avec des organismes appartenant à des personnes de couleur. Il s'agit d'une solution communautaire clé que nous devons adopter pour traverser la pandémie et répondre aux besoins des personnes les plus vulnérables. Tout le monde devrait agir ainsi en ce moment; c'est plus important que jamais. Nous devons continuer d'œuvrer à la vérité et à la réconciliation et de lutter contre le racisme et le sexisme anti-Noirs ou nous risquons de régresser dans ces domaines.
    Enfin, je parlerai de la stabilisation du secteur caritatif et à but non lucratif. Étant donné le nombre de femmes qui reçoivent des services de notre secteur et qui y travaillent, il est essentiel de prendre des mesures dans celui-ci. Les femmes représentent entre 75 et 80 % de notre main-d'œuvre. En tant que bailleur de fonds pour le secteur communautaire, Centraide United Way sait que les organismes qui travaillent avec les femmes et les enfants sont soumis à d'énormes pressions alors qu'ils continuent d'offrir des services essentiels.
    La pandémie a engendré des coûts supplémentaires pour les organismes et ils doivent donc rapidement modifier leurs modèles pour répondre aux exigences en matière de santé publique en fonction de leur capacité réduite, surtout les refuges. En raison de l'annulation d'activités de financement printanières et estivales importantes comme des tournois de golf, des galas et autres événements, la viabilité financière de ces organismes suscite de vives inquiétudes. Dans le contexte d'un financement de base déjà limité pour les organisations féminines, la COVID-19 représente une menace pour l'existence des organismes axés sur l'égalité entre les sexes.
    Il est urgent de stabiliser le secteur caritatif et à but non lucratif et sa main-d'œuvre. Sans cela, le secteur ne pourra pas soutenir les membres de la collectivité pendant une deuxième vague ou après cela. La stabilisation du secteur et sa reconstruction en mieux contribueront à promouvoir l'égalité entre les sexes. Les femmes représentent une grande proportion de notre main-d'œuvre et nous devons veiller à ce qu'elles puissent rester sur le marché du travail, surtout avec les divers programmes scolaires et de garde d'enfants au Canada.
(1730)
    Nous savons que de nombreux employés dans diverses organisations sont stressés. Ils doivent fournir davantage de services, d'une manière différente et plus coûteuse, à des gens qui en ont plus besoin que jamais. Cela suscite de grandes inquiétudes relativement à la santé mentale de leur personnel et de leurs équipes, qui souffrent de traumatismes indirects et d'épuisement alors qu'ils s'attaquent à la faim et à la violence et répondent aux besoins en santé mentale dans leurs collectivités. De nombreux employés craignent pour la viabilité financière de leur organisation et se demandent comment ils pourront poursuivre leurs activités alors que leur organisation fait des choix difficiles et licencie du personnel.
    Je remercie les membres du Comité de m'avoir donné l'occasion de parler de ce sujet important. En tant que chefs de file en matière d'investissements fondés sur des données probantes qui visent à avoir des répercussions sociales durables, nos membres sont fermement résolus à bâtir des collectivités fortes et résilientes en collaboration avec les membres des collectivités locales, tous les ordres de gouvernement, nos partenaires commerciaux et syndicaux, et nos donateurs individuels pendant la pandémie de COVID-19 et par après.
(1735)
    Excellent. Merci beaucoup, madame Khanna.
    Passons maintenant à Rhonda Barnet.
    Vous avez la parole pour 10 minutes.
    Merci. J'ai passé toute la journée en discussion avec le gouvernement sur cet ordinateur au moyen de Zoom et de Teams. Comme cela a été mentionné, je suis Rhonda Barnet, présidente et chef de la direction d'Avit Manufacturing à Peterborough.
    De 2016 à 2018, j'ai présidé la plus grande association professionnelle du Canada, à savoir Manufacturiers et exportateurs du Canada. J'ai été la première femme dans l'histoire canadienne à le faire. Avec l'appui sans réserve du secteur et du conseil d'administration national, j'ai lancé l'initiative d'avancement des femmes dans le secteur manufacturier, dont je veux vous parler aujourd'hui.
    Je suis l'une des neuf Canadiens qui ont été choisis pour siéger au Conseil sur la stratégie industrielle avec Monique Leroux en vue d'aider le gouvernement. Il s'agit d'une stratégie industrielle visant à conseiller le gouvernement sur neuf secteurs essentiels à la croissance de l'économie. J'ai passé toute la journée en réunion avec trois ministres à porter constamment le flambeau de l'égalité entre les sexes et à bâtir une économie et une reprise paritaires à l'aube de la prochaine phase.
    Je tiens à vous parler un peu des événements qui ont fait progresser les femmes dans le secteur manufacturier, des mesures prises par le gouvernement fédéral, des contributions que nous avons apportées, ainsi que des problèmes causés par la COVID, de la reprise et du processus de mise en œuvre de cette reprise paritaire. Le secteur manufacturier est un secteur où l'écart salarial entre les hommes et les femmes est très négligeable, surtout dans les emplois de premier échelon, et nous travaillons très fort à cette fin. Nous avons une véritable occasion d'engager plus de femmes dans ce secteur et de les promouvoir dans l'économie.
    J'aimerais vous donner un peu de contexte. Le secteur manufacturier est l'un des trois moteurs de l'économie canadienne, les deux autres étant le secteur minier et le secteur agricole. Nous devons fabriquer des produits, cultiver de la nourriture et développer des choses, et y ajouter de la valeur pour faire de l'argent. Nous établissons une économie de services sur ces moteurs. Le secteur manufacturier est un secteur très important de l'économie canadienne. Il est responsable de 10 % des emplois, soit environ 1,8 million d'emplois, ainsi que de 10 % du PIB, ce qui représente 620 milliards de dollars au Canada. Pour chaque emploi direct dans le secteur manufacturier, jusqu'à trois autres emplois sont créés dans l'économie.
    La reprise nous offre une excellente occasion de développer ce secteur, d'embaucher plus de femmes et d'établir une économie paritaire. Le secteur manufacturier est d'une importance vitale pour l'économie. Les femmes sont d'une importance vitale pour le succès du secteur.
    Historiquement, les femmes étaient largement sous-représentées dans le secteur manufacturier. La situation n'a pas changé au cours des 30 dernières années. En ce qui concerne le nombre brut d'emplois, environ 460 000 des 1,8 million d'emplois qui existent dans ce secteur sont occupés par des femmes.
    Lorsque je suis entrée en poste en 2016, nous voulions apporter une contribution importante.
    Nous avons travaillé avec la ministre Monsef et le ministère des Femmes et de l'Égalité des genres pour mettre en place un programme et faire avancer les choses. Nous avions besoin de talents pour assurer la croissance de notre secteur. Les femmes étaient largement sous-représentées. Nous avons mis en place un tas de programmes. Vous pouvez consulter notre site Web à womeninmanufacturing.ca. Il est de calibre mondial. Je voyage dans le monde entier pour parler de ce que nous faisons au Canada. Beaucoup de pays commencent à apprendre de notre expérience.
    Nous avons établi ces programmes ensemble. Nous avons reçu une subvention de près d'un demi-million de dollars sur trois ans pour mettre en place le programme. Nous offrons des choses comme des trousses à outils gratuites sur la diversité qui s'appliquent aux industries à prédominance masculine. Vous y trouverez d'excellents outils; n'hésitez pas à aller les voir. Il y a des tonnes d'outils et de programmes.
    Un an et demi après la mise en œuvre du programme, la situation s'était vraiment améliorée. Nous appelons ce programme « On peut le faire »; il s'agit d'une Rosie la riveteuse des temps modernes. Notre objectif était d'ajouter 100 000 nouveaux emplois nets pour les femmes dans notre secteur sur une période de cinq ans. Selon les données de février de Statistique Canada, en un an et demi, nous avons ajouté près de 55 000 nouveaux emplois nets pour les femmes dans ce secteur. Nous n'avons même pas eu l'occasion de célébrer cette réalisation. Nous avons atteint la moitié de notre objectif en seulement un an et demi. Le pourcentage d'emplois occupés par des femmes est passé de 28 à 29,6 % du nombre total d'emplois dans le secteur manufacturier. C'est une énorme victoire pour le secteur, les femmes et le Canada. Puis, le mois de mars est arrivé et la pandémie de COVID a eu lieu.
    Je veux vous en parler. Je veux vous parler de la session de la femme. Aujourd'hui, alors que je siégeais au conseil, on m'a exhortée à fournir des points de données solides. Je suis ici aujourd'hui pour vous donner les données et vous informer de la gravité de la situation et du travail qu'il faut faire pour redoubler d'efforts. Nous disposons des outils nécessaires. Nous avons le gouvernement, les politiques et les personnes nécessaires pour faire participer les femmes à l'économie. Nous devons redoubler d'efforts et en faire davantage en raison de ce qui s'est passé.
(1740)
     En avril, le secteur manufacturier a perdu un peu plus de 300 000 emplois par rapport à février. Les femmes représentaient 29 % de la population active, mais occupaient 38 % des emplois perdus. En revanche, les hommes représentaient 70 % de la main-d'œuvre, mais occupaient 62 % des emplois perdus. Les pertes d'emploi chez les femmes étaient disproportionnées par rapport au pourcentage d'emplois qu'elles occupaient dans le secteur. Ce qui est encore plus inquiétant, c'est que le secteur se mobilise, ce qui est une bonne chose. La reprise est en cours. On réembauche des employés. En mai, le secteur a récupéré 79 100 emplois. Je crois que les données de juin seront publiées ce vendredi. De toute évidence, ces données indiquent un certain rebondissement partiel chez les hommes et les femmes, mais les hommes ont été rappelés en bien plus grand nombre.
    J'ai demandé à notre statisticien de se pencher en profondeur sur ces données parce que je voulais vous faire part d'une partie de ces renseignements. Seulement 15 % des emplois récupérés dans le secteur ont été pourvus par des femmes. Nous avons perdu plus d'emplois et nous en récupérons moins. L'écart se creuse. Il s'agit d'un grave problème. Les hommes occupent 85 % des emplois récupérés. Nous avons examiné la situation — que je vais décortiquer pour vous — et il s'agit d'hommes ayant des enfants de plus de 18 ans. C'est même des hommes de l'extérieur du secteur qui ont été embauchés. Vos arguments concernant la garde d'enfants sont bien fondés et j'ai d'autres observations à faire à ce sujet.
    Je souhaite partager avec vous aujourd'hui mon hypothèse concernant ce problème, c'est-à-dire qu'il est possible que les femmes aient volontairement subi plus de pertes d'emploi et réintégré leur emploi en moins grand nombre. Dans notre secteur, les femmes se sont peut-être portées volontaires en raison du besoin direct de s'occuper de leurs enfants et de leurs parents âgés. Je suis convaincue que vous avez parlé de ce sujet toute la journée.
    Afin de confirmer mon hypothèse, j'ai examiné les fichiers de microdonnées à grande diffusion et les données compilées sur l'âge du plus jeune enfant à la maison et le sexe du travailleur — c'est-à-dire que je me suis penchée sur le sexe du travailleur et le plus jeune enfant à la maison — pour déterminer l'incidence de la garde d'enfants. Comme il fallait s'y attendre, les femmes dans des ménages dont le plus jeune enfant tombe dans la catégorie des moins de six ans ou des six à douze ans ont subi les plus grandes pertes d'emploi, soit 33 000 pertes d'emploi. Les hommes dans des ménages dont le plus jeune enfant avait moins de six ans ont également connu des pertes d'emploi importantes, soit 18 000 pertes d'emploi. Dans les faits, tant les hommes que les femmes ayant de jeunes enfants d'âge scolaire ou préscolaire ont subi de nombreux licenciements dans notre secteur.
    Nous avons entendu que de nombreux parents, surtout les femmes, arrivaient à peine à conserver leur emploi et à s'occuper de leurs enfants. C'est un problème très grave. Nous sommes principalement des travailleurs de production. Nous avons d'autres options qui permettent, entre autres, aux gens de travailler à domicile ou de faire des quarts de travail partiels, mais il existe un problème très grave.
    Encore une fois, la statistique intéressante est que les hommes dans des ménages dont le plus jeune enfant avait entre 18 et 24 ans ont connu une hausse d'emploi de 13 % au cours de la pandémie. D'ailleurs, le taux d'emploi des travailleurs qui appartiennent à cette catégorie a augmenté plutôt que diminué dans notre secteur. Par conséquent, lorsque le secteur est retourné sur le marché du travail pour accroître sa capacité en mai, les nouveaux emplois nets ont été attribués à des hommes, essentiellement ceux qui avaient des enfants adultes, ce qui n'est pas surprenant. Nous avions besoin de main-d'œuvre. Ce sont les personnes qui pourraient possiblement être rappelées des secteurs perturbés.
    Les données portent à croire que la garde des enfants est un facteur important dont il faut tenir compte dans les plans visant à rebâtir l'économie, surtout ceux qui favorisent la création d'emplois. Je parle plus particulièrement de mon propre secteur, c'est-à-dire le secteur manufacturier.
    Quelles sont les prochaines étapes et mes recommandations? Le secteur manufacturier constitue tout à fait une occasion de croissance pour l'économie. Nous avions déjà mis en place un plan pour doubler la production manufacturière et cherchions désespérément des travailleurs. Nous reviendrons à ce plan et nous voulons redoubler d'efforts et collaborer avec les programmes de Manufacturiers et exportateurs du Canada qui visent à faire avancer les femmes dans le secteur manufacturier. Ces programmes fonctionnaient. Nous avions amélioré la situation. C'était tellement excitant. Nous avons gagné 55 000 emplois, mais en avons perdu 100 000 du jour au lendemain. Nous accusons donc beaucoup de retard.
    Il faut maintenant redoubler d'efforts et vraiment réintégrer les femmes dans l'économie. Il faut rétablir le taux de femmes dans tous les secteurs, dont le nôtre, à ce qu'il était avant la pandémie. C'est un problème très grave.
(1745)
    Madame Barnet, votre temps de parole tire à sa fin. Veuillez prendre environ 10 secondes pour nous donner votre dernier commentaire afin que nous puissions passer à notre prochain témoin. Merci.
    Bien sûr.
    Une de mes suggestions serait de tirer parti... La garde d'enfants représente un gros problème. Qu'en est-il des programmes comme le Travail partagé et la Subvention salariale d'urgence du Canada élargie? Nous devons donner aux femmes les outils nécessaires pour s'impliquer partiellement dans l'économie et rester fidèles à un employeur afin qu'elles puissent traverser cette période où la garde d'enfants et l'accès à l'éducation sont si incertains.
    À mon avis, puisque nous n'avons pas encore le temps de nous attaquer au problème de garderies, il nous faut d'autres moyens pour permettre le retour partiel des femmes au travail.
     Excellent. Merci beaucoup, madame Barnet.
    Passons à notre dernier témoin de la journée. Mme Yalnizyan est une économiste et une titulaire de la bourse de recherche Atkinson sur l'avenir des travailleurs.
    Madame Yalnizyan, vous avez la parole pour 10 minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à tous ceux qui ont passé toute la journée à écouter des témoins.
    Je sais qu'il fait chaud et que nous sommes en plein été. Je sais aussi que nous éprouvons tous beaucoup de difficulté. Je vous remercie beaucoup d'avoir décidé de me consacrer votre temps et de m'avoir invitée à témoigner devant cet auguste comité. J'espère que vous pourrez changer le monde, car nous avons besoin que vous le fassiez.
    Il y a un mois, la Banque du Canada nous a dit que l'économie pourrait bientôt avoir passé le pire — c'était une excellente nouvelle. De toute évidence, la rapidité de la reprise et du retour à la soi-disant normale est loin d'être certaine. Comme Mmes Khanna et Barnet l'ont dit, la reprise ne saurait tarder pour les travailleurs canadiens.
    Dans l'Enquête sur la population active d'avril, Statistique Canada a indiqué que plus d'un tiers, soit 36,7 %, de la population active potentielle ne travaillait pas ou travaillait moins de la moitié de ses heures habituelles. Selon les données recueillies il y a un mois en mai, le Canada a plutôt connu une « reprise au masculin » qu'une « reprise au féminin », c'est-à-dire que plus d'hommes que de femmes sont retournés au travail. Espérons que les histoires que nous entendons tous, lorsque les prochaines statistiques sur la main-d'œuvre seront publiées vendredi, ne se traduiront pas par la hausse du nombre de femmes qui abandonnent et quittent le marché du travail parce qu'elles ne peuvent simplement pas s'acquitter de toutes leurs responsabilités tandis qu'elles s'occupent de leurs enfants et leur enseignent à domicile.
    Les tendances sont très problématiques pour les ménages et le potentiel de l'économie. Il ne s'agit pas d'une question féministe, mais d'une question macroéconomique. En effet, les dépenses des ménages représentaient plus de 56 % du PIB avant la pandémie. Elles constituent un moteur croissant du PIB depuis un certain temps, car nous exportons moins et les entreprises investissent moins. Il ne reste donc que le secteur des ménages et les mesures gouvernementales pour continuer à assurer la croissance du PIB.
    Le pouvoir d'achat des ménages propulse l'économie canadienne, et les revenus des femmes sont essentiels au maintien du pouvoir d'achat des ménages. Au cours des dernières décennies, on a demandé aux femmes de contribuer davantage. Il y a une dizaine d'années, elles représentaient la moitié de la population active. Les revenus des femmes sont vraiment essentiels au maintien du pouvoir d'achat des ménages, mais beaucoup de femmes ont été jugées non essentielles lors de la fermeture. La plupart d'entre elles sont des femmes dont la réembauche sera entravée par la garde des enfants, un facteur qui restreint le retour au travail des femmes. Mathématiquement parlant, il nous est tout simplement impossible de procéder à une reprise, de récupérer le PIB ou de rétablir le nombre d'emplois sans le plein retour au travail des femmes.
    Bref — répétez après moi, car c'est le succès retentissant de l'été 2020 —, il n'y aura pas de reprise sans reprise au féminin et pas de reprise au féminin sans garde d'enfants. Soyons clairs. Si nous ne le faisons pas, nous votons en faveur d'élaborer des politiques qui favorisent une dépression économique — je ne parle pas d'une récession, mais d'une contraction prolongée du PIB. Vous ne pouvez pas vous tourner vers vos collègues, quel que soit leur parti, et leur dire que vous ne le saviez pas, car je viens de vous le dire. De plus, il est mathématiquement impossible que cela se passe autrement.
    En ce qui concerne l'accélération des projets d'infrastructure prêts à démarrer, il est certain que cela contribuera à accélérer la reprise. C'est fantastique. Cependant, mathématiquement parlant, la croissance des emplois à prédominance masculine ne peut pas compenser le nombre d'emplois perdus par les femmes. En outre, vous pouvez réparer toutes les infrastructures physiques essentielles que vous voulez, mais vous ne faites pas votre travail si vous restez les bras croisés, sans rien faire pour contrer la perte d'infrastructures sociales essentielles, et c'est exactement ce que nous sommes sur le point de faire.
    Les frais de garderie représentent le deuxième coût le plus important pour les jeunes familles, après les dépenses de logement. De nombreuses familles qui ont perdu leurs revenus ont renoncé à leur place dans les garderies en raison du coût élevé qu'elles auraient dû payer pour conserver quelque chose qu'elles n'utilisaient pas. Les frais de garderie augmenteront sans doute aussi en raison des nouvelles exigences en matière de distanciation physique, ce qui augmentera énormément les ratios employés-enfants et ajoutera de nouveaux coûts fixes pour l'espace, l'équipement de protection individuelle et le nettoyage.
    Étant donné que nous ne mesurons pas notre écosystème de garderies, qui est géré par le système public et des fournisseurs privés à but lucratif et non lucratif au Canada, nous ne savons pas combien de garderies devront fermer leurs portes à la suite de la pandémie. Aux États-Unis, il est estimé que la moitié de leur écosystème de garderies est menacé. Autrement dit, 4,5 des 9 millions de places en garderie sont sur le point de disparaître. Il en coûterait 9,6 milliards de dollars par mois rien que pour maintenir la capacité qui existe. De plus, il va de soi que moins il y a de places disponibles, moins les femmes seront en mesure de retourner au travail, même si elles ont un emploi.
(1750)
    L'ironie de la chose, c'est que les services de garde subventionnés s'autofinancent, littéralement. Une étude de l'éminent économiste québécois Pierre Fortin a montré, en 2008, que chaque tranche de 100 $ de subvention versée par le gouvernement du Québec pour des services de garde d'enfants génère 104 $ de recettes fiscales provinciales et une retombée de 43 $ pour le gouvernement fédéral, sans qu'il doive investir quoi que ce soit. Ce service s'autofinance, littéralement.
    Les services de garde d'enfants peuvent d'ailleurs jouer un triple rôle dans la reprise. Non seulement ces services facilitent-ils le retour des femmes au travail et créent effectivement des emplois, mais la décision d'assurer des services de garde d'enfants abordables et l'accessibilité à toutes les familles à une éducation préscolaire de qualité va maximiser l'avenir de la prochaine génération d'enfants canadiens, à laquelle on demandera en retour d'améliorer le sort des personnes trop vieilles, trop jeunes ou trop malades pour travailler, ce qui diminuerait les dépenses publiques et augmenterait les recettes pour les gouvernements et la société. Ces services s'autofinancent à court terme et à long terme.
    Nous pouvons choisir de ne pas agir, comme le gouvernement fédéral — ou pas — mais nous récolterons ce que nous aurons semé. Les données américaines montrent — et cela interpelle — le rendement de l'investissement dans les services de garde d'enfants. Une éducation préscolaire de qualité subventionnée pour les enfants à risque rapporte entre 4 et 8,75 $ pour chaque dollar investi. Il ne s'agit pas d'un endroit où laisser les enfants pour que maman puisse aller travailler, mais un système qui vise les quartiers où les enfants risquent davantage d'entrer à l'école mal préparés pour apprendre et de ne pas recevoir d'aide une fois à l'école pour continuer à apprendre.
    Les répercussions ne se font pas sentir uniquement chez les enfants d'âge préscolaire. Les données canadiennes, notre propre évaluation, montrent que les dépenses consacrées aux cheminements éducatifs, qui ont reçu l'appui tant des gouvernements libéraux que des gouvernements conservateurs, mais ne sont jamais devenus la norme, se sont traduites par un avantage net de plus de 2 000 $ pour les gouvernements en sus de ce qu'ils ont dépensé par élève au programme et de près de 5 500 $ pour chaque élève. C'est une formule gagnante.
    Pourquoi ne le faisons-nous pas? En quoi consiste la résistance? Nous laissons littéralement de l'argent sur la table en n'utilisant pas la possibilité que nous avons dès maintenant d'améliorer notre infrastructure sociale. En lançant des initiatives accélérées dans nos plus grandes villes, où l'on trouve les plus grandes concentrations d'enfants et les plus grandes concentrations de pauvreté, nous pourrions maximiser notre potentiel collectif et notre potentiel individuel.
    En investissant dans les services de garde d'enfants, nous pourrions améliorer l'avenir de la société et l'avenir de chaque personne. Préparer tous les enfants à apprendre et les y aider à mesure qu'ils vieillissent est une nécessité du XXIe siècle en raison du vieillissement de la population. Alors qu'on demande à une cohorte en âge de travailler de plus en plus petite d'en faire plus pour un nombre croissant de gens qui sont trop vieux, trop jeunes ou trop malades pour travailler, nous ne pouvons pas nous permettre de lésiner sur le développement des compétences de qui que ce soit. Cela signifie que ce ne sont pas les forces du marché qui devraient décider si nous allons offrir des services de garde d'enfants et d'éducation préscolaire de qualité. Cette offre doit plutôt être intégrée au système d'éducation public parce que c'est un service collectif dont l'offre n'a jamais été assurée suffisamment par les marchés.
    Je crois que, dans les circonstances, il faut une approche nationale et un rôle fédéral et je comprends que c'est controversé. Pourquoi confierions-nous les services de garde d'enfants au fédéral ou leur donnerions-nous un rôle à jouer alors que, selon la Constitution, ce secteur relève de la compétence des provinces?
    J'ai une réponse pour vous. C'est parce que ces services sont plus coûteux à faire fonctionner après la pandémie, parce que les provinces et les villes sont à court d'argent, parce que le gouvernement fédéral finance aussi la santé et l'éducation postsecondaire et administre l'assurance-emploi, et parce que, même si nous ne prélevons pas de taxes pour les payer immédiatement en raison des pressions financières qui suivront la pandémie, l'endettement fédéral est le moins risqué et, de toutes les dettes des agents économiques de la société — ménages, entreprises, municipalités et administrations municipales — celle qui coûte le moins cher. Nous serions fous de ne pas le faire, même s'il faut emprunter pour cela.
    Je m'en voudrais de ne pas mentionner le nombre d'immigrants récents et de travailleurs migrants qui ont été plus malades ou sont même morts en raison de la pandémie et des dispositions inadéquates pour une réouverture sûre. Nous devons...
(1755)
    Madame Yalnizyan, il ne nous reste qu'environ 20 secondes pour vos observations.
    D'accord. Merci.
    Pour conclure, je dirai que la pandémie a montré qu'une économie bienveillante — dans laquelle on offre des soins de santé, des soins aux personnes âgées, des services de garde d'enfants — est un fondement vital de l'économie essentielle. Il nous faut un plan. Si 25 % ou la moitié des routes et des ponts risquaient de s'effondrer, le gouvernement aurait un plan pour remédier au problème. Quel est le plan pour les services de garde d'enfants? Nous savons que c'est aussi important pour l'infrastructure que pour toute autre chose et que c'est un impératif économique et non un impératif féministe.
    Je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de m'écouter et de votre attention. J'ai hâte que nous en discutions.
    Excellent. Merci beaucoup.
    Nous allons entamer les séries de questions de cinq minutes chacune. Nous allons commencer par Mme Dancho.
    Madame Dancho, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente. Je tiens à vous remercier parce que vous faites un travail extraordinaire aujourd'hui. La route a été longue pour tout le monde.
    J'ai quelques questions pour Mme Khanna de Centraide, plus précisément dans le contexte du Manitoba.
    Madame, je suis une députée du Manitoba. Je crois que Centraide sert plus de 5 000 communautés et a 88 bureaux. Combien d'employés au total avez-vous? Combien en avez-vous au Manitoba?
    Merci de poser cette question.
    Nous servons plus de 5 000 communautés. Nous finançons plus de 3 400 organismes communautaires et 5 600 programmes communautaires indispensables. Nous comptons 79 membres, pour être plus précis, et non 88.
    Pour ce qui est du nombre exact d'employés, je suis désolée. Je n'ai pas le chiffre sous les yeux. Je me ferai un plaisir de vous revenir là-dessus.
    Ce serait formidable. Je vous en serais vraiment reconnaissante. Je suis allée au bureau de Winnipeg. C'est un bureau merveilleux. Les gens y sont simplement extraordinaires.
    Dans une vie antérieure, j'ai fait une visite. J'apprécie énormément le travail que votre organisme fait au Manitoba.
    Je veux vous interroger au sujet du Fonds d'urgence pour l'appui communautaire du gouvernement du Canada, les 350 millions de dollars au total donnés à plusieurs organismes caritatifs de grande envergure au Canada. Combien au total Centraide Canada a-t-il reçu de ce fonds?
    Je vous remercie de poser aussi cette question. Je dois dire que je m'y attendais.
    Comme nous avons un accord de contribution avec le gouvernement fédéral, il lui appartient de divulguer la somme versée. Je ne peux pas le faire.
(1800)
    Pas de problème. J'espère qu'on sera disposé à donner le chiffre, alors.
    Si je le demande, c'est parce que, autant que je sache, le Manitoba n'a reçu que 2,6 millions de dollars de ce fonds, et l'argent est allé à Centraide Winnipeg. Je pense qu'il a été versé par l'intermédiaire de la Winnipeg Foundation. Ce qui me préoccupe, c'est que le Manitoba compte 3,5 % de la population du Canada; or, cette portion du financement provenant du Fonds d'urgence pour l'appui communautaire du Canada en représente moins de 1 %.
    Je me demande si, avec tout le financement que vous avez peut-être reçu pour votre organisation nationale, vous pourriez envisager de verser la somme proportionnelle au Manitoba, pour que nous recevions, toute proportion gardée, ce dont nous avons besoin. Pourriez-vous étudier la question et promettre, peut-être, de songer à le faire?
    Je peux répondre à cette question plus directement.
    La portion du financement que nous avons reçue du Fonds d'urgence pour l'appui communautaire a été répartie au niveau provincial en fonction de la population. La somme que Centraide a reçue au Manitoba suit la même logique. C'est pareil dans tout le Canada.
    Vous avez mentionné les fondations communautaires, je crois, et Centraide. Nous avons deux enveloppes distinctes, pour être plus précis.
    D'accord.
    Combien au total le Manitoba a-t-il reçu?
    Je ne connais malheureusement pas la réponse à cette question étant donné que je ne sais pas quelles étaient les sommes allouées aux autres intermédiaires. Je sais que la distribution par Centraide dépendait de deux facteurs: le premier est la population et le second est les besoins. Dans le cas d'une communauté très rurale où il est plus difficile de répondre aux besoins, nous aurions bonifié, dans une certaine mesure, les sommes allouées pour que l'argent permette d'en faire plus.
    Nous avons la chance au Manitoba d'avoir Centraide Winnipeg et d'autres sections de Centraide capables de servir des zones au-delà de leur région traditionnelle pour joindre certaines des communautés les plus vulnérables et, aussi, plus de communautés rurales. Je dirai qu'il y avait une forte demande de fonds du bureau de Winnipeg, comme vous l'avez peut-être entendu.
    Absolument.
    Plus particulièrement en ce qui concerne notre population de personnes âgées, je sais que Centraide a reçu les 9 millions de dollars du gouvernement fédéral pour aider les personnes âgées vulnérables.
    Savez-vous combien, sur cette somme, s'est rendu au Manitoba?
    Là encore, la somme aurait été proportionnelle à la population. Je vous reviendrai là-dessus. Je peux vous fournir le chiffre exact. Cela ne pose pas problème.
    Oui, vous pourriez peut-être faire cela. Ce serait bien d'envoyer un courriel qui indiquerait ce que le Manitoba a obtenu. Nous devons souvent faire plus que le nécessaire pour nous faire remarquer sur la scène fédérale. J'exerce simplement une diligence raisonnable dans ce dossier.
    J'ai une autre question. Centraide a un vaste réseau au Canada, comptant des milliers d'employés, et jouit d'une excellente réputation de chef de file dans le secteur caritatif.
    Simple curiosité: le gouvernement fédéral a-t-il approché Centraide au sujet de l'administration de la Bourse canadienne pour le bénévolat étudiant? A-t-on ne serait-ce que songé à vous pour cela?
    Je ne suis au courant de rien en rapport avec cela.
    D'accord. Je suis juste surprise, étant donné votre excellente réputation et la capacité de votre réseau national. Maintenant que l'organisme UNIS s'est retiré, vous serez peut-être approchés.
    C'est tout le temps dont je dispose, je pense. Merci beaucoup, madame Khanna.
    Merci, madame la présidente.
    Merci.
    Je donne maintenant la parole à Mme Zahid.
    Madame, vous avez cinq minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente, pour le travail incroyable que vous faites aujourd'hui.
    Je remercie tous les témoins pour leur contribution importante alors que nous tentons de continuer à avancer pendant la pandémie.
    Ma première question s'adresse à Mme Khanna. Merci pour tout ce que vous faites à Centraide. Je représente la circonscription de Scarborough-Centre, dans laquelle habitent un grand nombre d'immigrantes. Je connais les difficultés auxquelles elles sont confrontées quotidiennement et, maintenant, avec la pandémie, certaines difficultés se sont aggravées pour un grand nombre d'entre elles. Avez-vous travaillé pour que les difficultés uniques des immigrantes et des femmes de couleur soient reconnues et qu'on en tienne compte dans les projets financés par votre organisme?
    Si vous le pouvez, donnez des détails sur la nature de ces difficultés et ce que vous faites par l'intermédiaire de Centraide pour vous assurer qu'on tente de les aplanir.
    Certainement. Merci de poser cette question.
    Nous sommes très heureux de déclarer que des fonds ont été alloués dans la région du Grand Toronto par l'intermédiaire du Fonds d'urgence pour l'appui communautaire. Il y a eu un réel effort dans la région du Grand Toronto, ainsi que dans tout le pays, pour prendre des décisions basées sur des considérations d'équité, pour s'assurer que les femmes d'horizons divers, les communautés racialisées et d'autres groupes très vulnérables reçoivent ces fonds.
    Nous ne ménageons pas les efforts pour aller au-delà de nos relations régulières de financement pour joindre les plus vulnérables. Jusqu'à maintenant, lors de la distribution des fonds par notre réseau, nous avons constaté que 50 % des programmes et des organismes qui reçoivent de l'argent ne sont pas couramment financés par les réseaux de Centraide. Nous avons vraiment étendu nos activités pour être certains de n'oublier personne.
    Dans la région de Toronto — peut-être pas dans votre circonscription en particulier —, un soutien a assurément été fourni par l'intermédiaire du programme Nouveaux Horizons pour les aînés, par exemple, à l'Organisation des femmes afghanes. De l'aide financière a aussi été versée au Massey Centre, qui offre des services à un grand nombre de femmes racialisées et de nouvelles arrivantes, fournissant de l'aide d'urgence en santé mentale pour des mères adolescentes, ainsi que des enfants, qui sont touchés par la pandémie et qui sont aux prises avec certains des problèmes que j'ai mentionnés plus tôt liés à la violence à la maison, à de l'itinérance et certainement à des barrières culturelles au soutien postnatal et à d'autres aides.
    Il est certain que nous intervenons sur le terrain dans les communautés, prenant des décisions aux tables communautaires à la lumière de l'expérience de diverses femmes ainsi que d'autres groupes qui aspirent à l'équité.
(1805)
    Merci.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Barnet. Un grand nombre de vos employés ne peuvent pas travailler à domicile. Comme employeur, avez-vous pris des mesures pour aider les employés qui ont de la difficulté à faire garder leurs enfants? Avez-vous pensé à aider des entreprises à se doter d'une garderie sur les lieux de travail dans votre secteur?
    Merci de poser cette question.
    Mes locaux sont de petits locaux et je donne beaucoup de souplesse. En fait, mon organisation compte deux nouveaux papas. Leur famille avait accueilli un bébé en février. Je les ai donc immédiatement envoyé travailler chez eux pour qu'ils puissent faire face au stress supplémentaire à la maison. Les petits établissements peuvent offrir beaucoup de flexibilité.
    Un grand nombre de grands fabricants participent déjà à ces programmes. Je sais que Toyota Canada et bien d'autres grands fabricants étudient la possibilité d'offrir des services de garde parrainés, des garderies dans l'établissement même, mais c'est vraiment difficile pour les PME de fournir cela. Le mieux que nous puissions faire, c'est d'offrir des choix, d'étudier la possibilité d'investir dans des outils numériques, etc., pour plus de souplesse au travail.
    Certains employés viennent sur place un jour ou deux par semaine et ils peuvent faire le gros du travail, peut-être même en dehors des heures de travail à la maison, pour s'occuper des enfants qui sont à la maison en ce moment. C'est souvent un problème dans notre secteur avec les jeunes hommes et les jeunes femmes. Aujourd'hui, les jeunes familles ont de réelles difficultés à obtenir des services de garde d'enfants.
    Y a-t-il...
    Je suis désolée de vous interrompre, madame Zahid.
    Pas de problème.
    Merci beaucoup.
    Nous passons maintenant à Mme Larouche pendant cinq minutes.

[Français]

     Je vous remercie.
    Nous avons vraiment profité d'une journée de réflexion en présence de témoins de qualité.
    La question suivante s'adresse à Mme Khanna.
    Centraide a été mandaté par le gouvernement fédéral pour gérer plusieurs des programmes mis en œuvre par ce dernier. Votre organisme, que nous connaissons bien, est très bien réseauté et pleinement qualifié pour mener à bien cemandat. Là n'est pas la question. Par contre, enlaissant le travail entre les mains du secteur communautaire plutôt que de financer adéquatement le système de santé et de services sociaux et en versant l'argent aux provinces, dont le Québec, le gouvernement fédéral ne risque-t-il pas de se désengager?
    On peut percevoir la fatigue du milieu communautaire. Beaucoup de femmes sont employées par les organismes de ce milieu. Or elles ont subi une charge mentale plus lourde durant la pandémie.
    Compte tenu de toute cette fatigue et de cet épuisement, croyez-vous que le monde communautaire, que vous avez aidé, est prêt pour une deuxième vague? Est-il beaucoup trop épuisé?

[Traduction]

    Je vous remercie de vous soucier de la santé et du bien-être des gens dans le secteur à but non lucratif et des travailleurs.
    Il y a deux choses que je distinguerais ici. La première est la nécessité de soutenir les travailleurs dont nous avons parlé et la souplesse nécessaire pour réagir à la seconde vague et par la suite. La seconde est de comprendre que, collectivement, dans notre secteur, nous travaillons de manière créative dans différents réseaux, comme vous l'avez mentionné, et différents secteurs. Nous travaillons avec le secteur privé, les administrations municipales et les gouvernements provinciaux, outre le gouvernement fédéral et d'autres acteurs, pour soutenir et aider les communautés.
    C'est pour cette raison qu'il est primordial que nous travaillions aux tables communautaires pour allouer les fonds, tellement, que, si une communauté ou un organisme est poussé au maximum ou ne peut pas maintenir ses services faute de pouvoir se procurer de l'équipement de protection individuelle, par exemple, ou pour d'autres raisons, un autre intervenant peut prendre la relève pour que les populations qu'on souhaite servir ne souffrent pas parce qu'on a de la difficulté à se procurer de l'équipement de protection individuelle et à maintenir le service.
    Dans nos activités, nous nous sommes concentrés sur la continuité du service et la sécurité pour la communauté et nous continuerons de le faire. La collaboration entre les secteurs et les tables a véritablement permis d'acheminer les fonds où il y a des besoins et où ils peuvent le mieux aider la communauté.
    Je vais donner un exemple de la région de Montréal. Il était assez étonnant que le Centraide du Grand Montréal ait été approché par une administration locale, je crois, pour qu'il l'aide à se procurer de l'équipement de protection individuelle au début de la crise, en raison de ses étroites relations avec le secteur privé et les fabricants d'équipement de protection individuelle, pour s'assurer de disposer de l'équipement nécessaire pour maintenir le service, que ce soit dans les banques alimentaires ou dans les services de santé publique. Notre secteur, comme bien des parents, des mères et d'autres, sent la pression, mais il répond à l'appel avec créativité pour mener à bien sa tâche.
(1810)

[Français]

    Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à Mme Yalnizyan.
    Dans le cadre de sa réponse à la pandémie, le gouvernement fédéral a mis en vigueur certaines mesures financières pour aider les familles, par exemple par l'Allocation canadienne pour enfants. D'autres mesures ont été jugées insuffisantes pour ce qui était de garantir une chance égale aux femmes. Vous avez beaucoup parlé de l'importance du système de garde. Nous en avons un beau au Québec. J'espère que cela sera pris en compte lorsque viendra le temps d'échanger sur une politique nationale.
    Selon vous, quelles mesures supplémentaires peuvent être déployées pour faire de la relance économique une relance féministe et pour aider les femmes à s'en sortir?

[Traduction]

    C'est une excellente question.
    Presque tout paraît dérisoire comparé à la nécessité d'offrir des services de garde d'enfants accessibles, abordables et de qualité à chaque famille au Canada. Il est vrai que le Québec est en tête au pays quant à l'expansion des services de garde d'enfants abordables, mais même le Québec — et je pense que vous serez d'accord — pourrait apporter des améliorations au chapitre de l'éducation préscolaire.
    À mon avis, ce que le système a fait, c'est aider les parents à retourner au travail sans nécessairement investir dans les enfants de manière à maximiser leur potentiel. Pour ce faire, il faut un solide engagement à réaliser une vision nationale visant à intégrer l'éducation préscolaire dans le système d'éducation public et à la rendre accessible aux gens de tout le pays tout comme nous avons rendu l'école accessible. Nous devrions aussi permettre l'accès à des cours avant et après l'école.
    Désolée, mais suis-je interrompue?
    Oui, mais c'est très intéressant. Excellent témoignage.
    Nous allons juste passer à notre dernière série de cinq minutes avec Mme Mathyssen.
    Madame Mathyssen, vous avez la parole pendant cinq minutes.
    Merci.
    Madame Yalnizyan, en quoi est-ce important que le gouvernement fédéral légifère pour inscrire dans une loi le droit à des services de garde d'enfants de qualité.
    Je ne connais pas la réponse à cette question. Dans certaines provinces, le droit à l'éducation est inscrit dans la loi. En Ontario, le droit d'un enfant de recevoir une éducation est un droit fondamental.
    Je pense que nous avons besoin d'une stratégie nationale pour rouvrir les écoles et les garderies en toute sécurité. Nous devons être très vigilants pour que, à un moment où il est possible que nous perdions de la capacité, comme l'indiquent les mises en garde aux États-Unis, la capacité qu'il nous reste ne soit pas, principalement, le fait d'organismes à but lucratif qui ont les goussets mieux garnis. Nous l'avons vu. Les signes étaient là avec les établissements de soins de longue durée.
    L'approche législative est intéressante, mais elle ne change rien si l'argent n'est pas là, et il n'y a pas de principe ou de norme en vertu desquels nous voulons concrétiser cette vision pour les gens.
    Vous savez, nous avons peut-être besoin d'une loi canadienne sur les services de garde d'enfants tout comme nous avons une loi canadienne sur la santé. Ces principes devraient peut-être figurer dans une loi. Je n'y avais pas pensé. C'est une excellente question.
    Merci.
    Je vais déroger légèrement. J'aimerais que vous parliez brièvement. Le Canada n'a pas encore ratifié la Convention sur les travailleuses et travailleurs domestiques de l'OIT, la Convention 189, qui traite du travail non rémunéré et des réalités, le fait que ce sont les femmes qui font la majeure partie du travail non rémunéré. Y aurait-il là un important rôle de leader à jouer? Que pourrait exactement faire d'autre le gouvernement canadien pour reconnaître ce travail et commencer à le rémunérer?
(1815)
    Quelle excellente question. Nous nous débattons avec cette question depuis un moment. Vous savez, en décembre, ce sera le 50e anniversaire du rapport de la Commission de la condition féminine. Nous parlons de cette question, et des services de garde d'enfants, depuis 50 ans.
    Je n'ai pas de réponse simple pour vous. Je pense qu'il est vraiment problématique de payer des gens pour ce qui était du travail non rémunéré. Nous avons déjà des crédits d'impôt pour les aidants familiaux. Je suis très nerveuse à l'idée que des femmes acceptent, essentiellement, une très modeste rétribution pour faire du travail non rémunéré et ramènent ainsi l'égalité plusieurs décennies en arrière. C'est ce que je crains personnellement, mais je reconnais également qu'il se peut que j'accorde une valeur exagérée au travail rémunéré. Je ne sais pas. Vous soulevez des questions très difficiles à démêler. Félicitations.
    Y a-t-il autre chose que le gouvernement fédéral pourrait faire? Absolument. Il pourrait concrétiser son idée des 10 jours de congé de maladie payés. Il dit aux provinces d'accorder 10 jours de congé de maladie payés, mais dans son propre secteur, il ne montre pas l'exemple. Il pourrait le faire dans son propre secteur, qui représente environ 7 % de la population active. Cela changerait énormément les choses pour certaines personnes.
    Nous devons réglementer l'économie des petits boulots parce que nous savons qu'elle va éclater. Dans la foulée de la COVID, il y aura beaucoup plus de travail à la demande et c'est un secteur du marché du travail qui est essentiellement non réglementé. Il nous faut une réglementation du XXIe siècle pour régir ce type de travail, qui n'est pas autant attribuable à un genre qu'on le pense. Parfois, lorsque des gens pensent à l'économie des petits boulots, ils pensent aux chauffeurs Uber. À défaut d'obtenir des services de garde d'enfants, les femmes vont rester à la maison et travailler pour TaskRabbit et Mechanical Turk ou d'autres services du genre. Plus de femmes vont faire ce genre de travail, qui n'est pas réglementé. Les gens gagnent moins que le salaire minimum.
    Je suis désolée. J'ai parlé trop longtemps.
    Il vous reste une minute.
    Madame Barnet, vous avez mentionné que beaucoup de travailleurs arrivent à peine à tenir le coup. À la lumière de ce que vous avez vu et, là encore, nous revenons au travail non rémunéré, aux facteurs de stress pour les parents, mais pour les femmes en particulier, notamment la garde des enfants, la garde des personnes âgées. Quelles répercussions à long terme avez-vous vues sur ces travailleurs en raison de la COVID?
    J'ai écouté de nombreux PDG dans tout le pays qui essaient de soutenir les jeunes femmes qui ont de jeunes familles, et les jeunes hommes aussi. Cela a toujours été un problème pour les familles.
    Je pense que ce sera très décourageant pour ces gens à la longue. Ils ont été tellement poussés à leur limite qu'ils ont renoncé au rêve d'avoir un ménage à deux revenus, ou quoi que ce soit pour eux, ou de gravir les échelons dans l'économie. Nous devons remédier à cela de manière à ne pas stresser les gens pour ce qui devrait être réaliste au point où ils ont l'impression que c'est un rêve irréalisable.
    Excellent. Merci infiniment, madame Barnet.
    Au nom du Comité, j'aimerais vraiment remercier Mmes Khanna, Barnet et Yalnizyan d'être venues aujourd'hui. Vous avez encore livré d'excellents témoignages. Merci beaucoup. Au nom du Comité, et en qualité de présidente, je suis très reconnaissante que tous soient présents aujourd'hui. Nous avons eu d'excellentes discussions.
    Je remercie tous les employés qui sont ici pour nous aider. Vous avez fait un excellent travail. Je vois Scott là-bas. Merci infiniment.
    Je tiens, bien entendu, à remercier notre greffière et nos analystes. À tous les interprètes, je dis que, oui, je sais que nous sommes ici depuis un long moment.
    Je regarde tout le monde. Merci pour votre participation aujourd'hui.
    Des voix: Bravo!
    La présidente: Le moment est venu de nous essuyer le front et de nous mettre au travail. Nous serons de retour demain. Nous commencerons à 10 h 30 et nous accueillerons la ministre Qualtrough et la ministre Monsef. J'attends tout le monde à la réunion demain, à 10 h 30.
    La séance d'aujourd'hui est levée. Merci.
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