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HUMA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées


NUMÉRO 020 
l
1re SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 19 juin 2020

[Enregistrement électronique]

  (1405)  

[Traduction]

    La séance est ouverte. Bienvenue à la 20e séance du Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Conformément aux ordres de renvoi du 11 avril et du 26 mai 2020, le Comité reprend son étude sur la réponse du gouvernement à la pandémie de la COVID-19.
    La séance d'aujourd'hui se tient par vidéoconférence et les délibérations seront diffusées sur le site Web de la Chambre des communes. Je précise que la webdiffusion montrera toujours la personne qui a la parole, plutôt que l'ensemble des membres du Comité. Avant de parler, veuillez attendre que je vous nomme. Lorsque vous êtes prêt à prendre la parole, veuillez cliquer sur l'icône du microphone pour activer votre micro. Je tiens à rappeler à tout le monde — et surtout aux témoins — d'utiliser le canal de la langue dans laquelle vous vous exprimez. Si vous voulez passer du français à l'anglais, assurez-vous tout d'abord de changer le canal avant de le faire.
    J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à nos témoins. Nous accueillons Doug Pawson, directeur général de l'organisme End Homelessness St. John's, la ville où je suis né; et Jacques Beaudoin, secrétaire général du Réseau québécois des OSBL d'habitation.
    Monsieur Pawson, vous pouvez commencer votre déclaration liminaire.
    Je tiens tout d'abord à remercier les membres du Comité et vous, monsieur le président, de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui.
    Je vous remercie également de l'importance que vous accordez et du temps que vous consacrez à mieux comprendre les répercussions de la pandémie de la COVID-19 sur les plus vulnérables d'entre nous, en particulier les itinérants.
    À End Homelessness St. John's, nous comprenons la nature des forces qui sont à l'œuvre et qui interagissent pour entraîner les plus vulnérables d'entre nous vers l'itinérance et l'instabilité domiciliaire. Nous sommes conscients et acceptons l'idée que l'itinérance n'est pas le problème en soi, mais bien le point culminant des échecs du système de soutien social. Ce sont ces échecs — qu'ils soient liés à la santé, à l'économie, à la pauvreté intergénérationnelle, au colonialisme, à l'exploitation, à la violence sexiste, à des traumatismes ou à d'autres éléments — qui pavent la voie à l'itinérance.
    Nous sommes conscients également qu'il faut plus qu'un toit pour sortir de l'itinérance. Il faut avoir une stabilité domiciliaire et avoir les ressources, les compétences et la confiance nécessaires pour la maintenir. Nous croyons aussi surtout qu'il est possible, si tous les ordres de gouvernement se donnent la main, de mettre un terme à l'itinérance ici à St. John's et partout au pays.
    Même si de nombreuses personnes dans notre communauté, et en fait partout au pays, continuent de souffrir en raison de la pandémie de la COVID-19, nous avons été témoin d'une chose, soit des moyens incroyables pris par tous les ordres de gouvernement pour unir leurs efforts afin de venir en aide aux plus vulnérables d'entre nous. En voyant les institutions accroître leur collaboration et devenir plus agiles, j'ai bon espoir que nous pourrons arriver à procurer un toit et une stabilité domiciliaire aux itinérants.
    Le plan d'intervention d'urgence du gouvernement fédéral, en particulier les efforts déployés par Emploi et Développement social Canada et Vers un chez-soi, sous la direction du ministre Ahmed Hussen, du secrétaire parlementaire Adam Vaughan et de leurs équipes, mérite des éloges. Grâce aux fonds d'urgence qui ont été versés dans le cadre du programme Vers un chez-soi, des communautés comme la nôtre à St. John's ont pu affronter la pandémie, mais aussi commencé à réfléchir à la façon de tirer parti des investissements pour apporter les changements indispensables aux systèmes qui amèneront plus de communautés au Canada à réduire l'itinérance.
    Il est devenu évident pendant la pandémie que les investissements requis pour mettre fin à l'itinérance dans notre communauté, comme dans de nombreuses autres au pays, sont nécessaires aujourd'hui plus que jamais. En effet, la pandémie a mis en lumière les problèmes importants qui existent dans notre système pour aider les plus vulnérables d'entre nous qui vivent en marge de la société. À St. John's, nous avons connu une hausse de la demande pour les refuges d'urgence, une hausse de la demande pour les services en santé mentale et une hausse de la demande chez les femmes fuyant la violence, qui témoignent de maux sociaux parmi tant d'autres. Ce que nous apprenons de très malheureux de la bouche de ceux qui travaillent dans le secteur des services aux itinérants, c'est que les problèmes qui empêchent les itinérants d'obtenir un logement à prix abordable et sécuritaire ne cessent de croître.
    Il ne suffit pas de construire des logements pour mettre un terme à l'itinérance. Il faut que les stratégies et les investissements dans le logement et la lutte contre l'itinérance soient assortis d'autres mesures de soutien, car nombre d'itinérants en auront besoin.
    Les recherches menées dans plusieurs communautés au pays au cours des 10 dernières années nous ont révélé que les itinérants sont plus à risque de morbidité et de mortalité; de maladies graves, y compris de traumatismes cérébraux et de maladies vasculaires; de maladies chroniques comme le diabète, le cancer et les problèmes respiratoires; de maladies mentales graves et de toxicomanie; ainsi que de maladies infectieuses, notamment l'hépatite C, le VIH et la tuberculose.
    Ce que les recherches et ceux qui sont sur la ligne de front tous les jours partout au Canada nous disent ensemble, c'est que les itinérants ont souvent des handicaps et des problèmes médicaux qui les rendent plus à risque d'attraper la COVID-19. La pandémie nous a appris l'importance pour les ministères, qui de par leur nature fonctionnent en silo, de trouver des façons de collaborer. Si nous voulons trouver de nouvelles solutions pour remédier aux iniquités sociales et en matière de santé qui perdurent, tous les ordres de gouvernement devront s'engager à l'unisson sur la voie de l'innovation et de la collaboration.
    C'est pourquoi pour nous à St. John's et partout à Terre-Neuve et au Labrador, nous voyons là une occasion d'instaurer, de concert avec notre province, un dialogue et une collaboration interministériels entre les responsables des programmes d'aide au revenu, le ministère de la Justice, les autorités de la santé, les autorités sanitaires régionales et notre société de logement provinciale. Le but est de procéder à une véritable refonte de nos systèmes de logement et de services aux itinérants pour mieux aider les plus vulnérables d'entre nous.
    La même approche peut certainement être adoptée sous le leadership et avec l'engagement du gouvernement fédéral. Investir dans le Bureau du défenseur fédéral du logement et du Conseil national du logement est une façon de témoigner de cet engagement, tout comme investir pour mieux comprendre les besoins particuliers en logement des Autochtones vivant en milieu rural et urbain et l'itinérance partout au pays.
    Même après les investissements très nécessaires du gouvernement fédéral dans le cadre de son plan d'urgence, il reste encore beaucoup à faire si nous voulons nous préparer à affronter une deuxième vague à l'automne. Nous savons que les coûts associés à la lutte contre l'itinérance sont partagés entre de multiples ministères et que l'harmonisation des investissements leur permet de les réduire.
    Avec le soutien et le leadership du gouvernement fédéral, il serait possible de conjuguer les efforts pour que les organismes communautaires, comme le nôtre à End Homelessness St. John's, travaillent en étroite collaboration avec nos gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral pour maximiser les investissements et harmoniser le financement destiné à la Stratégie nationale sur le logement et Vers un chez-soi.

  (1410)  

     Je souhaiterais voir tous les ministères au sein du gouvernement fédéral ayant un mandat lié au logement, à l'itinérance et à la santé, et en fait tous les ministères ayant un mandat touchant la politique sociale, travailler ensemble pour veiller à ce que les investissements soient harmonisés et contribuent à la stabilité domiciliaire et à mettre un terme à l'itinérance.
    Bien entendu, un programme d'aide postpandémie devrait prévoir de continuer à investir dans le logement et la prévention de l'itinérance. Il y a de nombreuses raisons à cela, mais les trois principales sont que tout investissement dans le logement accélérera la relance économique en créant des emplois très nécessaires; l'harmonisation des investissements permettra de réaliser des économies en trouvant des façons de [Difficultés techniques] l'itinérance et le logement; et surtout, cela permettra de sauver des vies dans les communautés.
    Je vous remercie encore une fois de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je serai heureux de prendre part à la discussion.
    Merci beaucoup, monsieur Pawson.

[Français]

    Monsieur Beaudoin, vous avez la parole.
    Je remercie tous les membres du Comité de nous avoir invités aujourd'hui.
    Il est certain que les événements des derniers mois, vous en conviendrez, ont représenté un défi colossal pour l'ensemble des Canadiennes et des Canadiens. Cela a été le cas notamment pour le secteur que nous représentons, celui des organismes sans but lucratif, ou OSBL, d'habitation au Québec. Il s'agit de 1 250 organisations au Québec qui possèdent et administrent 2 600 ensembles immobiliers, soit près de 55 000 logements abordables, qui sont tous destinés à des clientèles variées qui présentent des caractères de vulnérabilité.
    Parmi ces ménages, près de la moitié sont composés de personnes aînées, qui comptent, comme on le sait, parmi les personnes qui sont les plus exposées à un risque dans le contexte de la pandémie actuelle. Les autres sont des familles, monoparentales ou non, des femmes et des enfants victimes de violence, des jeunes en difficulté, des personnes risquant d'être en situation d'itinérance et d'autres qui vivent avec des problèmes de santé physique ou de santé mentale.
    La variété des clientèles qu'on retrouve dans nos OSBL d'habitation représente à peu près tout le spectre des personnes les plus vulnérables de la société québécoise, comme c'est le cas aussi dans le domaine du logement sans but lucratif dans les autres provinces. La COVID-19 a ajouté une couche supplémentaire de difficultés pour ces personnes.
    Cela étant dit, nous nous réjouissons, si je peux employer cette expression, du fait que moins de 5 % des ensembles de logements sans but lucratif au Québec ont connu des cas confirmés de COVID-19 au cours des dernières semaines. Parmi ceux-là, il n'y a pas eu de foyer d'éclosion important. J'ose croire que le fait d'avoir accès à un logement abordable, sécuritaire et bien entretenu, où on offre un soutien communautaire et où les gens prennent soin les uns des autres, a contribué aux résultats, somme toute, positifs en ce qui a trait à la protection des personnes.
    Il y a presque un an jour pour jour, le 20 juin dernier, le Parlement du Canada posait un geste historique en reconnaissant le logement comme étant un droit fondamental de la personne. L'importance pour chacune et chacun de pouvoir compter sur un toit sous lequel on peut vivre en sécurité n'est jamais apparue aussi évidente que dans le contexte de la pandémie actuelle. L'engagement qui est inscrit dans la Loi sur la stratégie nationale sur le logement et qui consiste à faire avancer la réalisation progressive du droit à un logement suffisant doit inspirer la réponse du gouvernement à la pandémie et le plan de rétablissement qui va venir dans les prochaines semaines ou les prochains mois.
    Les organismes que nous représentons, leurs gestionnaires et les milliers de bénévoles qui y travaillent n'ont vraiment ménagé aucun effort, au cours des trois derniers mois, afin de mettre en place les mesures de protection recommandées par les diverses autorités de santé publique, et cela, malgré le peu de moyens dont ils disposent. Je cite le contrôle des allées et venues dans les immeubles, l'intensification de l'entretien sanitaire, la fourniture de l'équipement de protection individuelle, ainsi que la préparation et de la livraison des repas aux personnes âgées dans les résidences pour aînés directement dans leurs unités locatives. Tout cela a eu une incidence majeure sur les dépenses d'exploitation de nos organismes membres.
    Une enquête que nous avons menée auprès d'eux dans les derniers jours nous permet d'évaluer à environ 30 millions de dollars les surcoûts entraînés par la pandémie dans l'ensemble des OSBL d'habitation au Québec au cours des trois derniers mois. Il s'agit principalement de frais associés aux ressources humaines et matérielles supplémentaires qui ont dû être mobilisées. Cela s'ajoute aussi à la perte de certains revenus. Bien que cette perte ait été moins importante qu'on aurait pu le prévoir, celle-ci ajoute quand même une pression sur l'équilibre budgétaire de nos organismes. Il y a eu une perte de revenus locatifs, surtout en raison de la difficulté à louer les logements devenus vacants et qu'on ne pouvait pas faire visiter des locataires potentiels. Ces pertes de revenus totalisent une dizaine de millions de dollars.
    Il faut savoir que la très grande majorité de nos organismes ne reçoivent aucun soutien financier à l'exploitation. Toute augmentation des dépenses doit nécessairement être compensée par une hausse de leurs revenus autonomes. Puisque ceux-ci proviennent des loyers, cela pose un défi pour le maintien de l'abordabilité de nos logements. Les programmes d'aide mis en place, comme la Subvention salariale d'urgence, ont surtout été conçus pour aider les entreprises ayant subi d'importantes pertes de revenus, pas nécessairement celles qui, plutôt que de subir une importante perte de revenus, ont subi une augmentation importante des dépenses. Nos membres n'ont donc pas pu bénéficier de ce programme en particulier. Un certain nombre d'entre eux ont toutefois bénéficié du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes. Ils s'en sont prévalus et nous en sommes très heureux. D'ailleurs, cela leur a été très utile.
    Nous espérons que, dans les prochains jours, le Fonds d'urgence pour l'appui communautaire de 350 millions de dollars qui a été annoncé pour les organismes communautaires viendra soutenir nos organismes sans but lucratif d'habitation, qui en ont bien besoin.

  (1415)  

    Dans ma présentation, j'ai fait valoir que le droit au logement devrait inspirer la réponse du gouvernement à la pandémie. Cela doit se traduire, à notre avis, par une relance, une accélération de la Stratégie nationale sur le logement. Nous avons besoin d'une stratégie plus ambitieuse et plus forte. La Société canadienne d'hypothèques et de logement s'est donné pour objectif de faire en sorte que, d'ici 2030, tous les Canadiens et toutes les Canadiennes aient un logement abordable. Pour y arriver, il faut que la Stratégie nationale sur le logement offre de meilleures conditions quant à la réalisation et encore plus de flexibilité relativement aux programmes.
    Compte tenu de la situation que nous vivons maintenant et que nous allons vivre au cours des prochaines semaines en raison de la crise sanitaire, nous invitons le gouvernement à considérer la possibilité de créer un fonds d'urgence pour soutenir l'acquisition, par des organismes sans but lucratif et, éventuellement, par des municipalités, de logements abordables pouvant devenir disponibles dans le marché privé. Un ralentissement, voire un effondrement, du marché immobilier est attendu, annoncé ou projeté. Dans ce contexte, certains propriétaires voudront se départir de leurs actifs.
    Il existe actuellement dans le marché privé des logements abordables que l'on souhaite conserver. Nous ne voulons pas que la situation devienne comme celle que nous avons connue au lendemain de la crise de 2008, soit un genre de « financiarisation » dumarché immobilier. Celle-ci a conduit à une perte massive de logements abordables. Entre 2011 et 2016, le Canada a perdu 322 000 logements abordables pour les ménages gagnant moins de 30 000 $ par année. Les programmes actuels de la Stratégie nationale sur le logement, aussi valables soient-ils, n'offrent pas la souplesse nécessaire pour favoriser de telles acquisitions. Celles-ci permettraient de préserver le parc de logements abordables et d'en assurer la pérennité en les retirant du marché spéculatif.
    En conclusion, je voudrais vous transmettre un message de la part de l'ensemble des représentants du secteur du logement social et communautaire québécois. Ces gens souhaitent ardemment que l'entente entre Ottawa et la province sur le transfert de fonds prévu dans la Stratégie nationale sur le logement soit enfin conclue, et rapidement. Le Québec est la seule province à ne pas avoir accès à ces fonds. Selon nous, ces sommes sont absolument nécessaires pour qu'on puisse continuer à répondre aux besoins des centaines de milliers de ménages du Québec dont les besoins en matière de logement sont impérieux.
    La pandémie nous a montré que les gouvernements sont capables, quand ils en ont la volonté et que la situation l'impose, d'agir de façon rapide et décisive en situation de crise. Ce que nous avons réussi à faire collectivement, dans le contexte de la crise sanitaire, nous devrions pouvoir le faire également pour affronter la crise du logement.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1420)  

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Beaudoin.
    Nous allons maintenant passer à la période de questions des députés, en commençant par les conservateurs.

[Traduction]

    Madame Vecchio, vous êtes la première et vous avez six minutes.
    Monsieur Beaudoin et monsieur Pawson, merci beaucoup d'être avec nous. C'est merveilleux.
    Je vais commencer par M. Pawson.
    J'étais à St. John's pendant ma visite à Terre-Neuve en 2018, et j'ai rencontré par hasard des membres de votre organisme. Quand on regarde en particulier la façon dont sont construites les maisons à Terre-Neuve, on se rend compte que c'est un peu différent de ce qu'on trouve ailleurs au pays. Je sais qu'il y a de multiples logements dans les maisons.
    En raison de la distanciation sociale et des autres mesures qu'on demande aux citoyens de prendre à Terre-Neuve, avez-vous constaté de nouveaux problèmes liés au logement?
    En gros, oui. Le fait d'avoir une infrastructure vieillissante nous inquiète. Nous accueillons plus de 800 personnes dans les refuges d'urgence annuellement, ce qui peut sembler peu, mais dans une ville de la taille de St. John's, c'est beaucoup.
    De plus, la transition d'un refuge d'urgence vers un logement abordable est très compliquée, en raison de cette infrastructure vieillissante, car les gens logent souvent dans ce qu'on appelle des studios, des maisons de chambres qui sont surpeuplées et où il y a très peu de soutien et d'encadrement.
    Beaucoup de gens s'inquiètent de devoir vivre avec des personnes qui ont des activités sur lesquelles ils ont très peu de contrôle. Nous avons travaillé un peu avec la province pour trouver des façons de leur venir en aide, y compris, dans le cadre de notre réponse à la pandémie, pour faire en sorte que ceux qui doivent être testés et qui ne peuvent aller dans un refuge sûr et sécuritaire puissent se rendre dans un hôtel désigné dans la communauté.
    Fantastique.
    Nous constatons aussi qu'il y a un vide pour les personnes qui font la transition d'un refuge vers un logement très abordable, et sans doute non commercial, quand elles ne se trouvent pas dans un refuge d'urgence. Nous savons que la province pourra, grâce au financement provenant de la Stratégie nationale sur le logement, accroître et réparer son parc de logements. Nous nous demandons toutefois si cela sera suffisant.
    Très bien. Je veux maintenant passer à d'autres sujets.
    Si je me souviens bien, c'est en 2019 que votre organisme devait terminer sa stratégie quinquennale, mais vous avez dit que les problèmes d'itinérance et de logement ne cessent de croître.
    Que vous a révélé votre étude quinquennale, l'enquête que vous avez menée dans le cadre de votre plan stratégique? Quels ont été les résultats? Ajoutons à cela la situation dans laquelle nous nous trouvons en raison de la pandémie. Quels sont certains des problèmes que vous observez? Qu'est-ce qui fait qu'ils se sont accrus?
    Nous savons que beaucoup d'argent a été investi, mais qu'est-ce qui fait que les problèmes se sont accrus et pourquoi continuent-ils de croître?
    Bien honnêtement, je pense que c'est une question d'abordabilité. Pour la personne qui fait la transition de l'itinérance, ou d'un studio ou d'une maison de chambres, vers un logement sur le marché privé, le coût du logement et de son entretien peut être très difficile à assumer avec l'aide au revenu du gouvernement provincial.
    C'est pourquoi toute stratégie concernant le logement et l'itinérance doit inclure des mesures d'aide financière, car il peut être très difficile pour une personne d'assurer sa stabilité domiciliaire quand ses revenus sont très limités, et c'est le cas ici à St. John's, même si le taux de logements vacants est beaucoup plus élevé que la moyenne nationale.
    On se rend compte que l'abordabilité est la source de nombreux problèmes.
    L'offre augmente-t-elle? Que constatez-vous à ce sujet à l'heure actuelle?
    Nous savons que dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, la province s'est engagée à accroître son parc de logements et à le réparer. Nous n'avons pas d'échéanciers précis à ce sujet, mais nous constatons qu'il y a des logements vacants et nous travaillons avec les propriétaires privés pour les inciter à accueillir des gens.
    Nous voyons des progrès, mais il faut que ce soit généralisé et que les investissements soient beaucoup plus importants qu'ils le sont habituellement dans le cadre du programme Vers un chez-soi.

  (1425)  

    Merci beaucoup.
    Monsieur Beaudoin, au sujet des aînés précisément, vous avez dit que vous avez beaucoup d'aînés dans vos logements.
    Quelles sont les difficultés auxquelles les aînés ont dû faire face pendant la pandémie?

[Français]

    La principale difficulté que nous avons eue a été le respect des consignes sanitaires. Dans les résidences pour aînés, nous avons imposé, pour des raisons de santé publique, un confinement des personnes. Ce confinement commence à peine à être levé ces jours-ci. Sur le plan de la santé mentale, l'obligation pour ces personnes d'être confinées dans des unités locatives — de petits logements d'une chambre à coucher dans le meilleur des cas — a été très difficile pour leur moral.
    Ces gens ont l'habitude de sortir, de socialiser, de participer à des loisirs et à des activités dans la salle commune. Ce sont des habitudes essentielles au maintien de leur autonomie et de leurs capacités. Or, nous avons dû fermer les salles à manger et livrer les repas dans les unités locatives. C'est ce qui a été le plus difficile, car ces aînés auraient aimé avoir ne serait-ce que cette possibilité de se rencontrer au moins une fois par jour pour manger ensemble, échanger, s'assurer que chacun va bien, et ainsi de suite.
    Nos organismes ont évidemment dû composer avec les coûts associés à la distribution des repas dans les unités locatives ou à l'embauche de gardiens de sécurité pour surveiller les allées et venues dans les immeubles. Cela représente une pression financière quand même importante pour ces organismes et nous espérons être en mesure de compenser cela dans les prochains mois.
    Je vous remercie, monsieur Beaudoin.

[Traduction]

    Merci.
    Merci, madame Vecchio.
    Nous passons à M. Turnbull pendant six minutes. Allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, monsieur le président, et merci aux témoins d'être avec nous.
    Je veux tout d'abord mentionner que notre gouvernement a fait la preuve, à mon avis, d'un réel engagement pour remédier à la pénurie de logements abordables et mettre un terme à l'itinérance en procédant à des investissements records. Pendant la pandémie de la COVID-19, je sais que nous avons investi 15 millions de dollars dans les grandes villes, 157,5 millions de dollars dans Vers un chez-soi, 50 millions de dollars dans les maisons d'hébergement pour femmes, et un autre 350 millions de dollars dans le Fonds de soutien communautaire d'urgence, qui est destiné à de nombreux organismes offrant une bonne part des services de soutien global.
    Seriez-vous d'accord pour dire que le gouvernement actuel a fait preuve d'un réel engagement pour remédier à la pénurie de logements abordables et mettre un terme à l'itinérance?
    J'aimerais avoir une réponse brève de M. Pawson, si possible.
    Bien entendu, ces investissements sont absolument essentiels si on veut poursuivre les efforts pour mettre un terme à l'itinérance. Je pense que le défi maintenant consiste à créer les liens qui doivent exister entre les organismes communautaires, les partenaires de la Stratégie nationale sur le logement à l'échelon provincial et le gouvernement fédéral. Ces investissements doivent être plus solides et mieux harmonisés, mais ils sont essentiels et nous permettent de mettre en place, du moins pour nous, une stratégie de transformation de notre réseau de refuges ici à St. John's.
    C'est très bien, merci.
    Monsieur Beaudoin, pourriez-vous répondre aussi rapidement, s'il vous plaît, car j'ai d'autres questions.

[Français]

     Cela me fera plaisir.
    En fait, depuis l'annonce de la Stratégie nationale sur le logement, en 2017, nous avons salué cet engagement et la volonté générale qui a présidé à l'élaboration de cette stratégie. Cependant, en pratique, il reste encore beaucoup de travail à faire pour concrétiser cela sur le terrain, pour arrimer les différentes interventions et les différents programmes.
    Au Québec, la situation est relativement particulière. En effet, depuis 20 ans, surtout à la suite du retrait des investissements en logement social par les gouvernements fédéraux antérieurs, le Québec a développé des infrastructures, un écosystème et des programmes qui ont permis de mettre en placer des logements sociaux et communautaires.
    Il y a un arrimage à faire afin que la volonté exprimée par le gouvernement fédéral soit transmise aux gens sur le terrain et que le développement se poursuive.

  (1430)  

[Traduction]

    Merci de votre réponse.
    Je veux vous poser maintenant une question prospective. Vous approuvez sans doute l'idée qu'il faut veiller à ce que le logement fasse partie, ou se trouve au coeur, de la relance économique. Hochez la tête si vous êtes d'accord.
    Quelle est la meilleure chose à faire si on veut poursuivre les efforts pour mettre un terme à l'itinérance et remédier à la pénurie de logements abordables pendant la relance économique post-COVID?
    Monsieur Pawson, je vais vous demander de répondre en premier.
    Le logement est absolument essentiel à la relance économique, et cela ne fait aucun doute. De grands projets d'infrastructure peuvent être lancés partout au pays pour remédier à la pénurie très importante de logements.
    Pour que les gens sortent de l'itinérance, il faudra nécessairement que les systèmes d'aide au revenu provinciaux jouent un rôle dans les sociétés d'habitation au sein des communautés et partout dans les provinces et, bien sûr, il faudra intervenir concernant la financiarisation du marché de l'habitation en général.
    Je pense qu'il faut s'assurer qu'en ajoutant de nouveaux logements abordables dans les communautés, et même des logements très abordables non commerciaux, nous ne contribuons pas à accroître l'inabordabilité des logements sur le marché privé en raison de la financiarisation du marché du logement au pays.
    C'est un commentaire très pertinent.
    Monsieur Beaudoin, je veux vous donner la chance de répondre, et j'aurai ensuite probablement écoulé mon temps.

[Français]

    J'ajouterais qu'il faut inclure une reprise sociale dans la reprise économique. Nous ne pourrons pas dissocier les enjeux de la relance économique et la relance sociale. Cette dernière permettra, par exemple, de développer des logements abordables qui répondent à de hauts standards sur le plan de l'efficacité énergétique et de la reprise écologique. Il faut inscrire cela dans un tout et avoir une conception beaucoup plus large, ne serait-ce qu'en prévision d'une deuxième vague. Nous ne ferons pas de prédictions, mais nous savons que nous vivrons d'autres situations difficiles comme celle que nous avons vécue et que nous vivons en ce moment. Il faut donc être de plus en plus prêt à affronter ces situations, et le logement abordable fait partie de la solution.

[Traduction]

    Merci.
    Monsieur le président, me reste-t-il du temps?
    Il vous reste 23 secondes.
    Monsieur Pawson, quel rôle peut jouer l'économie sociale pour mettre un terme à l'itinérance?
    C'est une excellente question. Notre histoire me permet de vous en parler un peu: on peut regarder du côté de l'approvisionnement social et trouver des façons d'intégrer le secteur du logement social à but non lucratif dans l'approvisionnement.
    Merci, monsieur Pawson.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Turnbull.

[Français]

    Monsieur Trudel, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie également M. Pawson et M. Beaudoin.
    D'entrée de jeu, j'aimerais simplement répondre à mon collègue du gouvernement qui se demandait si le gouvernement avait bien agi depuis les deux ou trois dernières années en matière de logement.
    Je vais rappeler quelques faits quant à la situation du logement au Québec, en ce moment. Les besoins en matière de logement sont impérieux: 500 000 ménages consacrent plus de 30 % de leurs revenus au logement; 300 000 ménages y consacrent plus de 50 % de leurs revenus; et 82 000 ménages y consacrent 80 % de leurs revenus. Ce sont des faits concrets, et cela se produit présentement au Québec. La situation n'est pas rose, surtout que certaines sommes consacrées au logement social, notamment, dorment à Ottawa — ces sommes n'ont pas été versées aux provinces.
    Monsieur Beaudoin, je veux rétablir les faits. Lorsqu'il est question de logement, les termes sont importants, surtout que les gouvernements du monde entier disent aux gens de rester à la maison.
    Pourriez-vous expliquer la différence entre le logement abordable et le logement social?
    En fait, il s'agit de logement social et communautaire. Par cette expression, on entend un logement qui est évidemment abordable financièrement et dont le mode de propriété n'est pas basé sur la recherche de profits, donc qui n'est pas à but lucratif.
    Il s'agit de propriétés collectives dans le cas d'organismes privés, comme des organismes sans but lucratif ou des coopératives d'habitation. Or il doit y avoir une volonté de pérennité et un mode d'organisation communautaire qui permette la mobilisation des communautés et des locataires ainsi que leur participation à la gestion.
    Selon nous, tout cela contribue à faire en sorte que les projets que nous concevons restent abordables et au service des populations qui en ont besoin à long terme. La notion d'abordabilité est importante, mais ce n'est qu'un facteur en matière de droit au logement.

  (1435)  

    Je vous remercie de votre réponse, monsieur Beaudoin.
    Depuis que je suis député à Ottawa, j'entends souvent parler de l'approche du Québec en matière de logement, une approche qui serait plus globale et plus communautaire.
    Pourriez-vous nous parler de ce qui caractérise l'approche québécoise en matière de logement?
    J'en parlerai avec plaisir, monsieur Trudel.
    Je ne dis pas que le Québec est meilleur que les autres provinces, car chaque province a ses politiques, ses contraintes, ses orientations et ses façons de faire.
    Par la force des choses, nous avons mis au point, depuis une vingtaine d'années, un modèle qui est grandement basé sur l'initiative des communautés. Les projets qui sont conçus et qui reçoivent un soutien des autorités et du financement gouvernemental sont issus des milieux, des communautés. C'est ce qui nous a permis de mettre en place des dizaines et des dizaines de résidences pour aînés en milieux ruraux, dans de petites communautés.
    Dans une centaine de municipalités au Québec, sans ces OSBL d'habitation pour offrir des logements assortis de services aux personnes âgées, ces dernières devraient quitter leurs milieux et s'exiler dans de grands centres à leur retraite ou à la fin de leur vie, car il n'y aurait pas de logements assortis de services pour des personnes âgées.
    Dans chacune de ces communautés, des personnes de bonne foi ont uni leurs efforts, et l'appui du gouvernement, le financement provenant du secteur privé et la mise en commun des initiatives ont fait en sorte que l'on a réussi à concevoir ces projets.
    Comme vous l'avez mentionné, cela ne veut pas dire que tout est beau et que tout est réglé. Il y a encore d'immenses problèmes liés à l'accessibilité au logement, à l'accès à un toit. Il y a encore beaucoup à faire. Nous avons besoin que des fonds soient disponibles dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement. Une entente doit être signée dans les plus brefs délais.
    Toutefois, la base est là. Il y a des programmes et une façon de faire qui vont nous permettre d'utiliser ces sommes pour continuer le développement.
    Je vous remercie, monsieur Beaudoin.
    En ce qui a trait à l'entente entre Québec et Ottawa sur la Stratégie nationale sur le logement, on a entendu que 1,4 milliard de dollars n'avait pas été dépensé et que cette somme destinée au logement social et abordable devrait être versée au Québec. Le gouvernement du Québec veut avoir la mainmise sur ces sommes, même si le logement est un champ de compétence fédérale.
    Pourquoi pensez-vous que c'est important que le Québec soit le maître d'œuvre en matière de logement?
    Je dirais qu'il existe déjà des programmes et une approche qui ont fait leurs preuves. Le programme AccèsLogis Québec, qui existe depuis une vingtaine d'années, a permis de construire 42 000 logements sociaux et communautaires.
    Nous avons réussi à améliorer nos indicateurs. Par exemple, entre les recensements de 2011 et 2016, le nombre de personnes ayant des besoins impérieux en matière de logement au Québec a diminué grâce aux investissements faits dans AccèsLogis. Ce programme a prouvé sa capacité de faire construire et de fournir de nouveaux logements pour notre clientèle, laquelle est très diversifiée comme je le mentionnais au début de mon intervention.
    Si nous obtenons des fonds supplémentaires, nous pourrons accélérer la construction de ces nouveaux logements pour répondre aux besoins. De plus, cela se fera rapidement, parce que tant le programme que l'écosystème des organismes ayant les capacités et les connaissances professionnelles nécessaires pour monter des projets existent déjà. C'est pour cela que nous en avons vraiment besoin et c'est à cela que serviront les fonds dès que l'entente sera conclue.
    Je vous remercie, monsieur Beaudoin.
    Monsieur le président, me reste-t-il encore du temps?
    Il vous reste six secondes.
    J'ai une dernière question sur les besoins réels en logement. Combien de personnes pourrait-on loger immédiatement si l'entente était signée demain matin?
    En fait...
    Veuillez donner une réponse brève, s'il vous plaît.
    Au Québec, on a besoin de 5 000 nouveaux logements communautaires par année. Grâce à cette entente, nous pourrions probablement rattraper le retard.
    Je vous remercie, messieurs Trudel et Beaudoin.

[Traduction]

    La parole est maintenant à Mme Kwan, pour six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président, et merci aux témoins pour leurs judicieux exposés.
    Je vais commencer par vous, monsieur Pawson. Pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l’ensemble des initiatives qu’a proposées l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance? Ses représentants sont venus présenter leur plan en six points devant notre comité. Je me demande si vous avez des opinions à formuler à ce sujet et si oui ou non vous êtes favorable à leur plan.

  (1440)  

    Une réponse très brève à cette question est que oui, nous y sommes favorables.
    Dans notre communauté, nous travaillons vraiment étroitement avec l’Alliance canadienne pour mettre fin à l’itinérance et nous appuyons son plan de remise sur pied pour tous. Nous continuons de travailler avec elle à défendre son plan en six points auprès du gouvernement fédéral.
    Merci.
    Un des commentaires qui a été affiché par End Homelessness St. John’s sur les médias sociaux affirme ce qui suit:
[N]ous ne pouvons pas retourner à la normale — [à] une situation normale où plus de 235 000 Canadiens se retrouvent à la rue chaque année; où 1,7 million de ménages vivent dans un logement inférieur aux normes ou inabordable; où la vie des gens est à risque pour la simple raison qu’ils sont pauvres et n’ont pas de chez-eux.
    Est-ce que ce commentaire est exact?
    Oui. C’est ce que les données révèlent à la grandeur du pays.
    Plus de 235 000 Canadiens ont recours chaque année aux refuges d’urgence. Bien d’autres encore, évidemment, vivent dans des logements inférieurs aux normes et délabrés, sont mal logés et entassés et ne cadrent pas nécessairement dans l’idée que les gens se font habituellement de l’itinérance. Ils vivent dans des conditions non sécuritaires. Bien sûr, la pandémie nous a montré que des conditions sécuritaires sont nécessaires pour s’isoler, conditions qui font souvent défaut à nos voisins les plus vulnérables au pays.
    Un des éléments du plan en six points est de demander au gouvernement fédéral d’investir dans un important ensemble de mesures de stimulation relatives au logement dans le cadre de la reprise. Il demande qu’on continue de verser les 157 millions de dollars annuels de financement supplémentaire, qu’on prolonge le volet de financement Itinérance dans les collectivités rurales et éloignées de 50 millions de dollars par année et qu’on crée un nouveau volet de financement de 75 millions de dollars pour prévenir l’itinérance chez les femmes, les enfants et les jeunes. C’est une base de référence.
    De ce point de vue, ce serait un des éléments du plan en six points. Un autre élément serait un revenu minimal garanti à l’échelle nationale, qui est essentiel, car la pauvreté y est rattachée. Je me demande si vous pouvez vous prononcer sur ces deux recommandations précises.
    Oui, tout à fait. Dans mes commentaires précédents, j’ai mentionné le besoin pour les gouvernements à tous les échelons, y compris les gouvernements fédéral et provinciaux, de travailler en étroite collaboration avec les systèmes de soutien au revenu lorsqu’ils abordent les stratégies en matière de logement et d’itinérance.
    Nous avons vu que bien des personnes n’arrivent pas à garder un logement dans le marché privé parce que la part de leur revenu qu’ils doivent consacrer à leur loyer n’est pas suffisante. C’est le cas ici à St. John’s, où le taux d’inoccupation est élevé. Il est exacerbé davantage dans les grands centres urbains. En région rurale, par exemple, dans certaines parties du Labrador, nous constatons qu’il est incroyablement difficile de se loger et les questions d’abordabilité s’apparentent à celles qu’on pourrait voir à Toronto ou Vancouver.
    Nous sommes tout à fait favorables à la mise en œuvre de types de programmes qui visent les besoins fondamentaux, le revenu de base, pour faire en sorte que les gens aient les moyens de trouver un logement.
    À Vancouver, nous avons une importante crise du logement. Il y a quelques jours seulement, 40 personnes ont été arrêtées dans un autre campement de sans-abri. Tout ce que cela signifie vraiment, c’est que nous poussons les gens à aller d’un campement à l’autre et à ne pas avoir de chez-eux.
    Une des recommandations formulées dans le plan en six points est de construire 300 000 nouvelles unités de logements abordables permanents. Comparez cette option à ce qu’on propose au titre de la Stratégie nationale sur le logement. Cette stratégie suffit-elle pour atteindre les 300 000 nouvelles unités de logements abordables permanents pour répondre aux besoins?
    C’est une bonne question. Pour répondre à la première partie de votre commentaire concernant l’arrestation des personnes au campement, nous observons que les coûts dans le système ne font qu’être déplacés. Voilà pourquoi la coordination interministérielle des stratégies et investissements relatifs au logement et aux sans-abri doit mobiliser tous les ministères qui ont un objectif et un mandat en matière de politique sociale.
    Quant aux 300 000 nouvelles unités de logements supervisés abordables et permanents, elles doivent venir s’ajouter aux investissements réalisés dans le cadre de la Stratégie nationale sur le logement, car bien que l’on construise des parcs de logements, on constate souvent qu’il faille obtenir des soutiens supplémentaires pour les plus vulnérables. Par exemple, nous voyons dans notre communauté des gens qui peuvent se retrouver dans un studio ou un logement sur le marché privé, mais qui perdent leur soutien au logement parce qu’ils ne sont pas stables. Ils retournent dans les refuges. C’est assez courant à la grandeur du pays.
    Les 300 000 unités de logements supplémentaires ne suffisent pas; on doit aussi offrir des unités de logements supervisés abordables.

  (1445)  

    Je suis tout à fait d’accord. Il faut bâtir les logements et ensuite offrir les soutiens nécessaires pour que les gens puissent réussir. Au strict minimum, il nous faut construire 300 000 unités de logements abordables et mettre en place les soutiens, car sans la structure physique, on n’a nulle part où commencer. C’est exact?
    Oui, absolument. Le gouvernement fédéral a une excellente occasion de faire preuve de leadership dans ce dossier en étudiant ses façons d’investir, non seulement dans le logement, mais aussi dans la santé, et ses façons de travailler avec les gouvernements provinciaux pour harmoniser ces investissements entre la santé et le logement.
    Nous savons, et la recherche nous l’a montré, que les personnes qui sont sans abri et qui ont peut-être un logement très instable ont besoin de soutiens supplémentaires, et c’est souvent par l’intermédiaire des gouvernements provinciaux et de leurs administrations de la santé qu’ils les obtiennent.
    Nous devons faire preuve de ce leadership, et nous pouvons y arriver en grande partie grâce au soutien du gouvernement fédéral.
    Merci, monsieur Pawson.
    Merci, madame Kwan.
    La parole est maintenant à Mme Falk, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens aussi à remercier nos témoins pour leur témoignage.
    Afin de réellement offrir un soutien et une aide stables aux personnes dans l’itinérance chronique, il est nécessaire pour nous de comprendre les besoins et l’incidence de la crise de la COVID-19 sur leurs besoins. Votre point de vue aujourd’hui est très précieux, et nous vous en savons gré.
    Ma première question s’adresse à Doug Pawson. Lorsque j’ai examiné le travail d’End Homelessness St. John’s, j’ai remarqué que le Logement d’abord était un principe directeur. Je suis certaine que vous savez que l’approche Logement d’abord a été mise en œuvre dans le cadre de la Stratégie fédérale des partenariats de lutte contre l’itinérance en 2014, et que des modifications apportées à cette initiative en 2018 ont éliminé la cible d’investissement de 65 % de Logement d’abord pour que le financement puisse être affecté ailleurs.
    À mon avis, il est nécessaire de délaisser les interventions de crise et d’urgence à court terme pour réduire efficacement l’itinérance chronique au Canada. Pouvez-vous dire au Comité pourquoi votre organisation se sert de l'approche Logement d’abord comme principe directeur et nous parler du succès que cette approche a eu?
    Pour nous, l’approche Logement d’abord est une philosophie qui reconnaît avant tout que, pour participer pleinement à la vie socioéconomique, il vous faut un logement, qui doit être sûr et sécuritaire.
    Pour en revenir à votre question ou à vos commentaires relatifs à la transition entre la Stratégie des partenariats de lutte contre l’itinérance et Vers un chez-soi, et qu’on en retire la connotation à l’approche Logement d’abord, je pense que l’intention, qui découle de consultations auxquelles j’ai participé et de choses que j’ai entendues d’autres organes communautaires au pays, est qu’elle a rehaussé la latitude des collectivités pour faire des investissements qui étaient plus stratégiques pour leur communauté.
    Je vais vous donner un exemple. Ici à St. John’s, nous voyons un écart. Les initiatives Logement d’abord s’articulent souvent autour de programmes de relogement rapide et de programmes intensifs de gestion des cas. Ils relèvent souvent de la compétence des gouvernements provinciaux. Dans notre cas, l’investissement du gouvernement fédéral par l’intermédiaire de Vers un chez-soi à St. John’s n’est tout simplement pas suffisant pour investir ce financement de façon stratégique dans la collectivité et d’avoir une incidence sur le secteur des services d’aide aux sans-abri. Nous restons fidèle à la philosophie Logement d’abord, et nous voulons que les particuliers aient le libre arbitre pour entrer dans l’itinérance et en sortir, mais nous reconnaissons aussi que nous devons travailler très étroitement avec notre gouvernement provincial où ces types d’interventions sanitaires doivent être plus intégrées aux stratégies de logement et de lutte contre l’itinérance.
    C’est un peu un défi auquel nous faisons face et qui nous est propre, mais je ne pense pas qu’il soit unique au pays, où les gouvernements provinciaux gèrent leurs stratégies de logement et de lutte contre l’itinérance sans consulter les organismes communautaires.

  (1450)  

    Si j’en juge par mon expérience de vie et mon expérience du travail social, je comprends tout à fait que nous ne pouvons pas avoir une approche « Ottawa a raison ». Elle ne fonctionne pas, surtout que le Canada est très régional. Honnêtement, je ferais plutôt valoir que ce sont les municipalités qui sont les mieux placées parce que les collectivités sont si différentes, alors imaginez les provinces.
    Ma prochaine question s’adresse à M. Beaudoin.
    À titre d’organisation-cadre pour les 1 200 organisations sans but lucratif, vous êtes très bien placé pour parler d’une gamme de besoins auxquels font face les Canadiens vulnérables. Nous savons qu’il est fondamental que les Canadiens aient accès à un logement pour enrayer l’itinérance chronique. Pouvez-vous donner au Comité une idée des besoins les plus pressants pour les personnes à risque de se retrouver sans abri pendant la pandémie de COVID-19?

[Français]

    Dans le contexte de la crise sanitaire, il s'agit vraiment d'assurer l'accès à un toit et à des lieux sécuritaires afin que tous se conforment aux mesures sanitaires recommandées.
    Au cours des dernières semaines, nous avons fait des expériences intéressantes en collaboration avec des équipes du milieu de la santé et des services sociaux ainsi qu'avec des municipalités. À Montréal, par exemple, un travail fantastique a été fait pour assurer que le moins de gens possible étaient contraints de vivre dans la rue et que les gens avaient un endroit où obtenir un suivi et un encadrement. Dès qu'une personne présentait des symptômes de la COVID-19, elle était prise en charge. Il faut donc établir un arrimage entre le soutien communautaire, l'accès à un logement et le travail d'intervenants qui peuvent assurer un suivi auprès des personnes en difficulté.
    L'itinérance est toujours liée à un problème de logement, mais ce n'est pas uniquement de cela qu'il s'agit. Elle est toujours assortie d'une panoplie de problèmes. Le soutien communautaire et l'accès à des ressources sont donc fondamentaux si nous voulons réussir la transition éventuelle vers l'accès à un logement.
    Nous avons fait des expériences intéressantes, dans un contexte de crise où nous avons dû agir rapidement pour aider les gens. Cela nous donne une idée de ce que nous pourrions faire dans l'avenir pour aider les personnes susceptibles de se retrouver en situation d'itinérance.
    Je vous remercie beaucoup, monsieur Beaudoin.

[Traduction]

    Merci, madame Falk.
    La parole est maintenant à M. Long pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à m’excuser à l’avance. Les bandes audio et vidéo de la réunion ne sont pas très bonnes de mon côté, mais je pense que si vous arrivez à m’entendre, je vais continuer.
    Je tiens à remercier nos intervenants pour leurs excellents exposés. J’ai des questions.
    Comme M. Beaudoin l’a mentionné, à juste titre, dans ses remarques liminaires, notre gouvernement fédéral a enchâssé dans la loi canadienne notre engagement à favoriser une approche fondée sur les droits de la personne à l’égard de la politique en matière de logement, si bien que la Loi sur la stratégie nationale sur le logement a été déposée et adoptée au cours de la dernière législature.
    Je vais commencer par vous, monsieur Pawson, et je passerai ensuite à M. Beaudoin. À votre avis, la pandémie de COVID-19 a-t-elle jeté l’éclairage sur le besoin d’opter pour une stratégie fédérale sur le logement fondée sur les droits de la personne?
    Je pense que l’engagement que le gouvernement a pris de considérer le logement comme un droit de la personne n’est pas un simple geste symbolique. Il nous permet de tracer une voie pour veiller à ce que les personnes qui vivent l’itinérance ou qui pourraient avoir à faire appel à des refuges d’urgence puissent rapidement obtenir un logement. Pour ce faire, nous avons besoin de logements supplémentaires. En termes simples, nous avons besoin de logements supplémentaires et de soutiens supplémentaires connexes. À mon sens, cette mesure ferait en sorte que le principe du logement comme droit de la personne puisse être appliqué à la grandeur du Canada.
    Monsieur Beaudoin, voulez-vous intervenir?

[Français]

    La crise a vraiment permis de démontrer à quel point le logement est un droit de la personne. C'est une décision historique qui a été prise, l'an dernier, d'inscrire cet objectif dans une loi du Parlement. Nous avons vraiment vu en pratique ce que cela signifiait. Nous avons demandé à tous les Canadiens et à toutes les Canadiennes de se confiner, de respecter des mesures d'urgence, de rester à la maison. Nous n'avons pas souhaité cette situation — et elle n'était pas souhaitable —, mais nous ne pouvions pas avoir une meilleure démonstration du fait que le logement est un droit fondamental de la personne.
    Le fait d'avoir un toit — où l'on peut vivre en sécurité, où l'on n'est pas en contexte de surpopulation, où il n'y a pas de familles de cinq ou six dans un logement d'une ou de deux chambres à coucher, où le logement est assez grand pour répondre à nos besoins — a permis à ceux qui y avaient accès de respecter le confinement. Cependant, pour ceux qui n'y avaient pas accès, cela a été très difficile.

  (1455)  

[Traduction]

    Monsieur Pawson, mon bureau de Saint John, au Nouveau-Brunswick, travaille beaucoup avec les deux refuges ici. Nous travaillons avec Jayme Hall d’Outflow et avec Mary Saultnier-Taylor de Coverdale.
    Je me souviens très bien être rentré d’Ottawa quand la pandémie prenait de plus en plus d’ampleur dans toutes les circonscriptions à la grandeur du pays. Nous nous préoccupions vivement des hommes et des femmes dans les refuges. Nous y servons à déjeuner pas mal tous les week-ends et nous entretenons une excellente relation avec eux. Nous étions de tout cœur avec les hommes dans les refuges et nos pensées les accompagnaient.
    Manifestement, j’étais aux anges qu’on lance la stratégie de lutte contre l’itinérance « Vers un chez-soi », qui a versé un supplément de financement aux refuges par l’intermédiaire du Human Development Council, avec Randy Hatfield et son groupe extraordinaire. Compte tenu de ce qui s’est passé avec la COVID-19, quels sont les risques les plus importants auxquels les sans-abri ont fait face? Quel a été le plus grand risque?
    Nous travaillons en très étroite collaboration avec le personnel du Human Development Council. Ce sont d’importants chefs de file dans notre communauté et au Nouveau-Brunswick.
    En effet.
    La plupart des systèmes de refuges sont fondés sur un modèle d’hébergement en commun. C’est-à-dire que les personnes ont peut-être un lit de camp sur le plancher dans une pièce où il y a un certain nombre de lits. Il y a très peu d’espace individuel dans les salles de bains ou les toilettes. Cet espace est souvent partagé par un grand groupe. La disposition du refuge est donc propice à la transmission de la COVID ou d’une maladie de cette nature.
    Permettez-moi d’intervenir. Estimez-vous devoir délaisser le modèle d’hébergement en commun? J’ai eu la chance de faire partie du Comité HUMA au cours de la dernière législature. Nous avons traversé le pays pour visiter des refuges, et la quasi-totalité d’entre eux était organisée de cette façon.
    Dans notre communauté de St. John’s, nous avons la chance d’avoir un modèle plutôt axé sur les chambres individuelles et semi-individuelles. La raison pour laquelle les gens continuent de résider dans les refuges est qu’il s’agit souvent de personnes au revenu très limité et sans personnes à charge. Ils ne peuvent pas se prévaloir des crédits fiscaux destinés à ceux qui ont des personnes à charge. Ils dépendent entièrement du soutien au revenu provincial, et ces aides au logement ne suffisent tout simplement pas dans un quelconque centre urbain ou une région où il y a une pénurie de logements.
    Merci, monsieur Long.
    Aux témoins, monsieur Pawson et monsieur Beaudoin, nous vous savons gré de vos témoignages aujourd’hui et du travail que vous faites. Merci de nous avoir fait part de votre expertise et de votre expérience. Nous vous souhaitons un bon week-end.
    Nous allons suspendre nos travaux pendant quelques minutes le temps de nous préparer à accueillir le prochain groupe de témoins. Je tiens à le commencer à l’heure parce que nous avons de brèves questions administratives à régler avant de nous ajourner.
    La séance est suspendue.

    


    

  (1500)  

    Reprenons nos travaux.
    Je tiens maintenant à souhaiter la bienvenue à Mme Parisa Mahboubi, analyste principale de la politique à l’Institut C.D. Howe, ainsi qu’à M. John Milloy, directeur du Centre for Public Ethics au Martin Luther University College.
    Madame Mahboubi, veuillez prononcer vos remarques liminaires.
    Monsieur le président et honorables membres du Comité, je suis ravie d’avoir l’occasion de m’adresser à vous aujourd’hui.
    En réponse à la COVID-19, l’Institut C.D. Howe a mis en place quatre groupes de travail de crise afin de distiller rapidement des conseils politiques d’experts. Il a aussi publié quotidiennement un grand nombre d’articles pour traiter des questions liées à cette crise. L’un de ces groupes est le groupe de soutien au revenu et au crédit des ménages, qui s’est penché sur les conséquences immédiates de la crise sur le marché du travail et les revenus, ainsi que sur la transition vers le retour au travail et la réouverture de l’économie.
    Aujourd’hui, j’aimerais résumer une évaluation globale du programme de Prestation canadienne d’urgence, souligner ses problèmes actuels et fournir quelques options stratégiques pour les résoudre, sur la base de notre travail et des résultats de notre groupe de travail.
    La Prestation canadienne d’urgence a été un élément précoce et essentiel dans la réponse du gouvernement fédéral à la crise. En appui à une stratégie de maintien à domicile visant à aplatir la courbe, la Prestation canadienne d’urgence était particulièrement nécessaire pour garantir que les ménages restent solvables tant que les restrictions sont en place. L’introduction du programme était aussi en partie une tentative de combler les lacunes de la couverture de l’assurance-emploi. Par exemple, les travailleurs qui occupent des emplois précaires, comme les travailleurs à temps partiel, sont moins susceptibles de respecter le nombre minimum d’heures assurables requis pour être admissibles à l’assurance-emploi. Les statistiques du marché du travail montrent que la crise a surtout touché les travailleurs à faible salaire horaire, ce qui souligne l’importance de ce programme.
    Cependant, avec l’attention croissante portée à la réouverture de l’économie, la Prestation canadienne d’urgence devient un problème. Le programme a été très populaire. En date du 4 juin, plus de 8,4 millions de demandes uniques avaient été présentées, soit environ 44 % de la population active occupée au Canada en février 2020. Bien que la forte utilisation de la Prestation canadienne d’urgence puisse être liée, dans une certaine mesure, à la lenteur du déploiement du programme canadien de subventions salariales d’urgence et à l’absence d’un message fort et de précisions sur l’admissibilité au départ pour éviter tout abus du programme, le simple nombre de demandeurs peut être révélateur de problèmes liés à la Prestation canadienne d’urgence en elle-même, qu’il convient de résoudre.
    Premièrement, ses critères d’admissibilité sont très larges et, contrairement au programme d’assurance-emploi, il n’est pas nécessaire de rester disponible pour travailler et de rechercher activement un emploi. Deuxièmement, le montant de la prestation est relativement généreux pour les personnes à faible revenu et n’est pas lié au revenu pré-pandémie. Troisièmement, le taux de récupération est trop élevé dans le cadre de ce programme, puisque la prestation est nulle pour le premier dollar de revenu gagné au-delà de 1 000 $. Tous ces facteurs créent d’importants facteurs de dissuasion concernant le retour au travail, en particulier chez les personnes à faible revenu, ce qui ralentit la reprise.
    Quelle est la meilleure façon de procéder?
    Les stratégies de réouverture étant différentes selon les industries du pays, le gouvernement doit s’écarter d’un plan national de soutien au revenu unique et créer des aides au revenu mieux adaptées.
    En général, deux options sont offertes pour fournir un soutien continu du revenu aux bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence qui, après avoir épuisé leur période d’admissibilité maximale, peuvent rester au chômage sans avoir accès aux prestations d’assurance-emploi.
    La première option consiste à étendre la Prestation canadienne d’urgence, mais en introduisant de nouvelles modifications d’élimination progressive fondées sur certaines caractéristiques du programme d’assurance-emploi qui peuvent aider à résoudre les problèmes d’incitation au travail et à soutenir la transition vers le travail. Les caractéristiques de l’assurance-emploi à prendre en compte pour modifier la Prestation canadienne d’urgence sont les suivantes: l’obligation de rester disponible pour travailler et de rechercher activement un emploi; la disposition du programme d’assurance-emploi relative au travail pendant une période de prestations en fixant des modalités de récupération appropriées en fonction du revenu, tirées des expériences internationales; le lien entre le montant de la prestation et le revenu pré-pandémie; et la prestation de partage des responsabilités parentales de l’assurance-emploi, pour permettre aux parents de partager les responsabilités de garde d’enfants lorsqu’aucune option de garde n’est disponible.

  (1505)  

    Pour fournir un soutien au revenu, il existe une option autre que la réforme de la Prestation canadienne d’urgence. Il s’agit d’étendre le programme d’assurance-emploi en réformant les critères d’admissibilité pour assumer le rôle de la Prestation canadienne d’urgence.
    Le choix du programme à réformer dépend en grande partie de la durée de la crise et de la période de reprise, ainsi que du nombre de bénéficiaires de la Prestation canadienne d’urgence ayant besoin d’un soutien financier après la fin de la prestation. Il faut donc disposer de données plus nombreuses et de meilleure qualité pour prendre des décisions éclairées sur un modèle de transition de soutien au revenu.
    Lors de la planification de la prochaine phase à court terme, le gouvernement devrait s’efforcer de préserver l’équité entre ceux qui continueraient à recevoir la Prestation canadienne d’urgence et les autres qui continueraient à travailler sans en bénéficier. Une proposition pour équilibrer les préoccupations relatives aux incitations au travail et à l’équité consisterait à combiner une Prestation canadienne d’urgence modifiée avec un programme de prime de travail temporaire qui offre un crédit d’impôt sur le revenu gagné pour les travailleurs à bas salaire.
    Pour combler le déficit de couverture des personnes qui ne sont pas en mesure de retourner au travail, la prime au travail et la Prestation canadienne d’urgence modifiée peuvent être complétées par des mesures complémentaires ciblées, telles qu’un crédit d’impôt remboursable pour la garde d’enfants pour les parents qui retournent au travail, et une augmentation de la Prestation canadienne pour enfants.
    Les options stratégiques à plus long terme pour soutenir les Canadiens pendant la pandémie et la reprise devraient également prévoir des investissements dans le recyclage, la reconversion et l’amélioration des compétences pour faire face aux déplacements à long terme et au chômage structurel, car le marché du travail est en mutation.
    Les politiques mentionnées précédemment peuvent offrir aux décideurs politiques des options pour soutenir les Canadiens pendant la crise tout en facilitant la transition vers le retour au travail. Ce sont les principaux points que je souhaitais souligner. Je vous remercie de votre attention et je me réjouis de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, madame Mahboubi.
    Nous entendrons maintenant M. Milloy. Vous avez sept minutes et demie pour prononcer vos remarques liminaires.

  (1510)  

[Français]

    D'abord, j'aimerais vous remercier de m'avoir invité à me joindre aux membres du Comité pour discuter de la réponse du gouvernement fédéral à la pandémie de la COVID-19.

[Traduction]

     J’aborde cette question sous différents angles. J’ai passé huit ans sur la Colline du Parlement en tant que collaborateur politique, dont cinq au Cabinet du premier ministre Jean Chrétien. J’ai passé onze ans à Queen’s Park en tant que député, sept ans au Cabinet, dont quatre ans en tant que ministre de la Formation et des Collèges et Universités de l’Ontario.
     Je me suis retiré de la politique pour me consacrer à la recherche universitaire. J’occupe actuellement le poste de directeur du Centre d’éthique publique du Martin Luther University College, institution fondatrice de l’Université Wilfrid Laurier. Je suis également praticien en résidence au département de sciences politiques de cette université et j’enseigne dans le cadre du programme de maîtrise en administration publique de l’Université de Waterloo.
    À partir de toutes ces perspectives, permettez-moi de faire brièvement quatre observations liées à la question qui vous est présentée.
     La première concerne les emplois. Alors que le Canada commence à sortir de la COVID-19, il ne fait aucun doute que nous serons confrontés à une crise de l’emploi d’une ampleur sans précédent. De nombreux emplois perdus pendant la pandémie vont tout simplement disparaître. Les jeunes ont été particulièrement touchés. Les derniers chiffres de Statistique Canada sur l’emploi sont tristes, tant pour les jeunes étudiants que pour les jeunes non-étudiants. [Difficultés techniques] les sous-sols des parents temporairement pour surmonter la pandémie se demandent maintenant s’il s’agit d’une situation permanente. Alors que faire? Il est crucial de créer un environnement économique adéquat, mais nous devons également nous assurer que les demandeurs d’emploi ont les compétences nécessaires.
    Pendant la récession de 2008, alors que j’étais ministre, c’est moi qui ai mis en place le programme de deuxième carrière de l’Ontario, qui existe toujours. Ce programme a assez bien réussi à aider certaines catégories de travailleurs licenciés à améliorer leurs compétences. Nous allons devoir aller beaucoup plus loin que le programme de deuxième carrière et adopter une approche qui mobilise tout le monde, dans le cadre de laquelle tous nos établissements d’enseignement postsecondaire travaillent beaucoup plus étroitement avec les employeurs potentiels pour s’assurer que leurs programmes correspondent aux besoins d’une économie en mutation. L’admission continue, la délivrance de microcrédits, l’apprentissage tout au long de l’année et l’apprentissage par l’expérience obligatoire devraient tous faire partie du dialogue post-pandémie.
    Nous pouvons y arriver. La COVID-19 nous a appris que, si on le pousse, notre secteur de l’enseignement postsecondaire et de la formation, quelque peu léthargique, peut devenir agile et créatif pour modifier notre façon de fonctionner. Il suffit de demander à tous ceux qui ont dû rapidement transformer leurs cours en classe en enseignement à distance en raison de la COVID-19. Il ne s’agit pas de la fin des programmes de littérature et de théologie, mais il est tout à fait possible d’enseigner des sujets comme ceux-ci de manière à développer les compétences nécessaires et à donner aux étudiants une expérience pratique.
     Bien que le gouvernement du Canada ait un rôle clé à jouer dans cette transformation, il doit reconnaître le leadership des provinces et des territoires dans ce domaine, ce qui est le deuxième point que je souhaite aborder: il faut respecter les compétences. De nombreux Canadiens, en particulier ceux de l’Ontario, se tournent souvent vers Ottawa pour y trouver un leadership en temps de crise, même dans les domaines qui relèvent de la compétence provinciale ou territoriale, et le gouvernement fédéral est tenté de réagir en empiétant sur cette compétence.
    En tant qu’ancien ministre provincial, je prie le gouvernement fédéral de reconnaître le leadership de nos provinces et territoires dans des domaines tels que l’enseignement et la formation postsecondaires. Soutenez-les, mais n’essayez pas de créer au niveau fédéral des capacités et des programmes qui font double emploi. Les provinces et les territoires connaissent leurs besoins. Ils connaissent leurs établissements d’enseignement et leurs fournisseurs de formation. Oui, il faut absolument agir en tant que responsable et remodeler les programmes d’assurance-emploi, le soutien fédéral aux étudiants et les politiques fiscales fédérales, mais il faut le faire en partenariat direct avec nos provinces et territoires. Une énergie remarquable se fait sentir, et tous les ordres de gouvernements doivent l’exploiter, ce qui m’amène à mon troisième point.
     En tant que directeur d’un centre dans une institution confessionnelle consacrée à l’éthique publique, je vous conseille de ne pas oublier les communautés confessionnelles du Canada lorsque vous élaborez et mettez en œuvre des politiques et cherchez des partenaires. Les voix religieuses ont quelque chose à offrir à notre débat public actuel. Collectivement et individuellement, elles sont impatientes de voir notre monde se transformer en un monde qui se concentre sur les marginaux et qui remet en question le consumérisme et l’indifférence de notre société. Les communautés religieuses du Canada sont engagées de longue date dans des questions progressistes et ont été actives pendant la crise actuelle en soutenant les personnes seules, démunies et vulnérables. Elles se sont également tournées vers l’avenir.

  (1515)  

     Je pense au travail de Joe Gunn, directeur général du « Centre oblat — Une voix pour la justice » à l’Université Saint-Paul d’Ottawa, et de sœur Sue Wilson, directrice du Bureau pour la justice systémique de la Federation of Sisters of St. Joseph à London, en Ontario. Leur commentaire réfléchi sur la nécessité d’un cadre éthique pour le monde post-COVID-19 n’est qu’un exemple parmi d’autres des nombreuses voix de la foi qui appellent à un réel changement sur des questions telles que l’inégalité des revenus, l’environnement et la réconciliation des populations autochtones, voix qui comptent 43 évêques luthériens et anglicans qui ont collectivement exprimé leur soutien en faveur d’un revenu annuel garanti. Engagez et faites participer ces voix.
     Je vais changer un peu d’orientation pour mon dernier point et aborder le rôle des comités comme le vôtre.
    J’étais le leader parlementaire du gouvernement pendant le dernier gouvernement minoritaire de l’Ontario. Je reconnais le rôle important que jouent les comités pour écouter les Canadiens, conseiller le Parlement et examiner les lois et les programmes. Je comprends également le pouvoir qu’ont les comités de faire venir des personnes, des documents et des dossiers, pratiquement sans contrôle dans une situation de gouvernement minoritaire. Oui, ce pouvoir peut être utilisé pour demander des comptes au gouvernement. Malheureusement, il peut aussi être utilisé pour partir en guerre et prendre le gouvernement en défaut en exigeant de lui une quantité inépuisable de documents et de témoins, simplement dans le but de le faire mal paraître.
    J’ai vu des comités paralyser des gouvernements alors que des dizaines de fonctionnaires laissaient tout tomber pour répondre à la hâte à une demande compliquée de comité imaginée sur un coup de tête par des recherches de l’opposition. Ils négligeaient ainsi les besoins des citoyens et étaient obligés de supprimer la flexibilité et la souplesse des programmes afin d’échapper à l’examen des comités.
    Oui, il faut demander des comptes au gouvernement, mais reconnaître que les décisions de ces derniers mois ont été prises rapidement en terrain inconnu. Beaucoup d’erreurs ont sans doute été commises par des personnes travaillant de bonne foi. Résistez à la tentation d’en faire le centre de votre travail.
    Ce n’est pas un conseil partisan. Je donnerais le même conseil aux libéraux s’ils étaient dans l’opposition.
    Voilà qui conclut mon exposé d’aujourd’hui, avec quatre points, certes différents: se concentrer sur l’éducation et la formation, respecter les compétences, faire participer les communautés religieuses et résister à la tentation d’utiliser le pouvoir des comités dans un Parlement minoritaire pour saper le travail du gouvernement.
    Je me réjouis à la perspective de répondre à vos questions.
    Merci, monsieur Milloy.
    Avant de passer aux questions, madame Mahboubi, il est difficile de vous voir sur ParlVU en raison de l’arrière-plan artificiel derrière vous. Si vous avez un moyen de le désactiver, ce serait très utile.
    La parole est d’abord à M. Vis, pour six minutes.
    Monsieur Vis, nous vous écoutons.
    Merci aux deux témoins pour leur excellent témoignage.
    Madame Mahboubi, j’ai été particulièrement intéressé par le point que vous avez évoqué concernant une prime temporaire destinée à faciliter la transition pour le retour au travail, et par les remarques que vous avez faites sur les critères d’admissibilité et la nature relativement généreuse de la prestation d’urgence pour les travailleurs à faible revenu.
    Dans ma circonscription de Mission—Matsqui—Fraser Canyon, la sécurité alimentaire est un problème de taille. Notre culture de bleuets est l’une des plus importantes au Canada. Tous les agriculteurs à qui je parle en ce moment me disent qu’ils ne peuvent pas faire venir les travailleurs qu’ils ont normalement pour faire la cueillette pendant la très courte période qu’ils ont pour le faire.
    J’ai en fait demandé hier à la ministre de l’Agriculture si elle envisageait de lever le plafond de revenu de 1 000 dollars pour le secteur alimentaire en ce moment très difficile. Elle n’a pas semblé très ouverte à l’idée. Pourriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet? Je tiens à vous remercier d’avoir soulevé cette question, car c’est une excellente suggestion pour aider les gens à reprendre le travail. Y a-t-il d’autres secteurs de notre économie qui, selon vous, pourraient vraiment bénéficier d’une prime temporaire pour faciliter la transition en vue du retour au travail?
    Merci d’avoir mis ces éléments en évidence. Comme je l’ai dit, en ce moment même où nous nous dirigeons vers la réouverture de l’économie, le programme dissuade fortement le travail, car le montant du paiement n’est pas lié au revenu. Avant la crise, de nombreux travailleurs à faible revenu gagnaient un salaire similaire ou même inférieur au montant de la prestation, ce qui ne les incite pas à chercher un emploi pendant qu’ils bénéficient de la Prestation canadienne d’urgence.
    Parallèlement, pour ceux qui travaillent et qui ne sont pas admissibles à la Prestation canadienne d’urgence, cette mesure crée une grande injustice: pourquoi certaines personnes bénéficient-elles de la Prestation canadienne d’urgence et d’autres pas? Cette prime contribuerait à résoudre les problèmes d’équité.
    En ce qui concerne l’industrie agricole, trouver de la main-d’œuvre dans ce secteur particulier a toujours été un défi. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été utile et pratique pour ce secteur afin de fournir suffisamment de main-d’œuvre pour faire face aux pénuries.

  (1520)  

    Oui, la plupart des agriculteurs que je représente utilisent de la main-d'œuvre étrangère, mais bon nombre d'entre eux dépendent également d'une base stable de main-d'œuvre saisonnière provenant d'Abbotsford, de Mission et des régions avoisinantes qui se situent à proximité des champs.
    Je vais changer de direction en ce qui concerne les questions que j'adresse aux deux témoins, et je vais demander à M. Milloy de bien vouloir répondre à la question suivante.
    Un sujet qu'aucun de vous n'a abordé mais qui est très actuel en ce moment concerne les dépenses d'infrastructure, les retards que nous constatons et l'incidence que cela pourrait avoir sur la COVID-19. Un grand nombre de projets financés par le gouvernement actuel ont en fait été réalisés au moyen du Nouveau Fonds Chantiers Canada de 2014, c'est-à-dire à l'aide du reste des fonds du programme créé par les conservateurs avant les élections de 2015.
    Le plan actuel Investir dans le Canada a été annoncé par les libéraux en 2016. Ma province, la Colombie-Britannique, a été l'une des premières à signer un accord bilatéral intégré avec le gouvernement fédéral à cet égard, et la date limite pour les projets d'infrastructure communautaire à Mission était le 23 janvier 2019. C'était il y a un an et demi, mais nous n'avons toujours pas eu de nouvelles à ce sujet. Le site Web indique que les décisions finales sont prévues pour le printemps 2020, une échéance qu'ils repoussent continuellement. Donc, à moins que tout ne soit annoncé demain, l'été 2020 sera là. Je ne sais pas si c'est un simple cas d'incompétence, mais de nombreuses municipalités sont très frustrées par cette situation.
    Dans ma circonscription en particulier, nous attendons une station de pompage sur la rivière Miami, une piscine intérieure à Kent et une patinoire à Lillooet.
    Quelle assurance les Canadiens ont-ils que le volet du programme d'infrastructure lié à la COVID-19, que le gouvernement libéral laisse présager et qui relèvera de la ministre McKenna, sera en mesure de financer des projets en temps voulu?
    Monsieur Malloy, la parole est à vous.
    Merci.
    Dans des moments comme celui-ci, je suis heureux de m'être retiré de la politique.
    Je ne peux pas parler des détails de ce qui se passe à l'échelle fédérale, mais je peux certainement parler du rôle important que les infrastructures jouent. J'espère que nous assisterons à l'établissement de ces partenariats, et que ceux-ci tiendront compte des points de vue des municipalités et des provinces.
    L'autre aspect consiste à s'assurer que nous disposons de travailleurs qui sont capables d'entreprendre le travail. Cela nous ramène aux observations que j'ai formulées. Lorsque je parlais de l'éducation postsecondaire, je ne faisais pas seulement allusion aux universités et aux collèges. Je pensais aussi aux apprentissages et à l'importance qu'ils revêtent pour garantir que des gens se lancent dans les métiers. Il y a des jeunes qui, en ce moment, ressentent beaucoup de peine et qui se disent: « Qu'est-ce que l'avenir me réserve? ». Il est certain que les métiers offrent de véritables perspectives d'emploi.
    Je vous présente des excuses, car je ne peux évidemment pas faire des commentaires sur ce qui se passe exactement au sein du gouvernement fédéral, mais l'infrastructure va évidemment constituer une énorme injection dans l'économie des deux manières suivantes: dans les emplois immédiats et dans la création de ce cadre. J'ai dit que tout le monde devait être de la partie. Si nous mettons en œuvre des projets d'infrastructure, j'espère que nous allons aussi les rattacher aux enseignants, aux formateurs et aux chômeurs, afin de nous assurer que nous pouvons tirer profit de la main-d'œuvre locale et que les gens veulent s'impliquer.
    Tout à l'heure, nous avons entendu d'excellents témoignages sur les ententes relatives aux avantages pour les collectivités.
    Madame Mahboubi, comment pouvons-nous inciter les fonctionnaires à faire avancer le plan Investir dans le Canada? Je sais que l'Institut C.D. Howe a abordé ce sujet dans certaines de ses séances d'information relatives à la COVID-19. Auriez-vous des recommandations à faire au gouvernement fédéral afin qu'il débloque les fonds d'infrastructure dont les collectivités ont si désespérément besoin en ce moment?
    Veuillez répondre brièvement, madame.
    Cela ne correspond pas exactement à mon domaine de compétence, mais en raison de la crise, des investissements dans ce secteur vont certainement contribuer à la reprise, car tout projet qui crée un plus grand nombre d'emplois contribuera à l'économie et à la reprise.
    En même temps, nous savons que les dépenses engagées par les gouvernements sont substantielles et qu'à l'heure actuelle, ils perçoivent moins de revenus et dépensent davantage. Il sera donc assurément difficile pour le gouvernement de trouver un équilibre et d'être en mesure de consacrer davantage d'argent à d'autres projets, de les classer par ordre de priorité et de décider quel projet doit aller de l'avant.
     Là encore, en réfléchissant à la manière dont nous pouvons relancer l'économie et l'aider à revenir à son niveau antérieur, certains projets vont ressortir quant à leur capacité de contribuer à la reprise.

  (1525)  

    Merci.
    Merci, madame Mahboubi.
    Merci, monsieur Vis.
    Le prochain intervenant est M. Dong, qui dispose de six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Je tiens à remercier les deux membres du groupe de témoins de leur excellente déclaration préliminaire.
     Monsieur Milloy, je suis vraiment heureux de vous revoir. En tant qu'ancien membre du personnel de Queen's Park et en tant qu'ancien législateur de l'Ontario qui a travaillé au ministère de la Formation et des collèges et universités pendant quatre ans, je tiens à dire, pour le compte rendu, que ce fut pour moi un plaisir et un honneur de servir la province de l'Ontario avec vous.
    Monsieur Milloy, dans ses reportages la CBC a indiqué que très peu d'inspections ont été effectuées dans les établissements ontariens de soins de longue durée depuis juin 2018. Quel rôle pensez-vous que cette lacune joue dans l'ampleur de l'éclosion actuelle?
    Je ne peux que formuler des observations en ma qualité d'observateur, et aussi d'ancien politicien qui était assis à la table des négociations, puisque je n'ai jamais été ministre de la Santé.
    Je pense évidemment que cela nous donne l'occasion d'examiner de nombreux systèmes, y compris le système des soins de longue durée. Il y a eu une grande remise en question. Les soins de longue durée sont un sujet sur lequel tous les gouvernements se sont penchés. Je ne sais pas si c'est nécessairement une question partisane, mais je ne crois pas qu'un gouvernement ait particulièrement bien réussi à faire en sorte qu'il y ait à la fois des services de soutien communautaire, permettant aux aînés de vieillir dans leur foyer et de vivre au sein de leur collectivité, et un système de soins de longue durée efficace.
    Je pense que certains problèmes ont été largement exposés, notamment en ce qui concerne les inspections et la capacité de découvrir ce qui se passe. Souvent, les personnes âgées n'ont pas voix au chapitre, et leurs familles peuvent devenir frustrées. En tant que député provincial, je me souviens d'avoir rencontré des familles et d'avoir fait un suivi auprès des établissements et du ministère, mais on regrette souvent de ne pas avoir vu venir cela.
    La situation est évidemment préoccupante, mais je précise encore une fois que je ne suis qu'un observateur attentif et inquiet de ce qui se passe.
    Merci, monsieur Milloy.
    Comme vous le savez, le gouvernement fédéral a débloqué des fonds pour aider à rémunérer les travailleurs de première ligne et les travailleurs essentiels pendant la crise, mais j'ai entendu des commentaires de la part de nombreux électeurs de Don Valley North et généralement de ceux qui travaillent en première ligne depuis le début de la pandémie de la COVID, en mars. Dans un cas, la personne travaille dans un hôpital et partage le même bureau que ceux qui effectuent les tests en laboratoire pour le dépistage du virus, mais il s'avère que ces gens ont été laissés pour compte. En fait, ils n'ont jamais reçu d'argent du gouvernement ontarien.
    En outre, j'ai lu ce matin que le premier ministre de l'Ontario prévoit de réduire le nombre de jours fériés pour les travailleurs du commerce de détail. De toute évidence, ce n'est pas ce que tout le monde avait à l'esprit lorsqu'ils parlaient de soutenir les travailleurs essentiels. Quelles sont certaines des mesures que la province aurait pu prendre pour mieux soutenir ces travailleurs?
    Je vais revenir un peu sur ce que j'ai dit. J'espère deux choses. Tout d'abord, j'espère que notre société réexaminera réellement la situation des travailleurs essentiels et des travailleurs occupant des emplois précaires et les enjeux comme les congés de maladie, et même les questions relatives aux avantages sociaux et, évidemment, aux salaires. Je comparais devant un comité fédéral, mais la tentation est grande de vous dire que vous devez prendre la tête du mouvement. Toutefois, ces questions relèvent vraiment des gouvernements provinciaux.
    Il est évident que vous avez un rôle à jouer en exprimant vos préoccupations, mais en fin de compte, ce sont les provinces qui sont responsables de cette pièce du casse-tête relative aux travailleurs provinciaux. Toutefois, j'ai conscience qu'il y a un aspect qui relève du gouvernement fédéral. J'espère que les Ontariens, l'opposition en Ontario, et les provinces en général, participeront à cette réflexion à l'avenir.
    Là où le gouvernement fédéral peut jouer un rôle très précieux, c'est à titre d'organisateur et de source de soutien. Comme je l'ai dit dans mes observations, je me tourne vers les gens de Queen's Park pour tout ce qui concerne l'assurance-emploi, les impôts et ce genre de choses. J'espère que nous sommes impatients de nous attaquer à ces enjeux. Des erreurs ont été commises, mais comment pouvons-nous revoir ces enjeux? Comment pouvons-nous réexaminer le rôle des travailleurs qui occupent des emplois précaires, comme les préposés aux services de soutien à la personne qui sont payés des salaires dérisoires, car nous avons vu quel travail incroyable ils font? Je suis heureux d'avoir fait partie d'un gouvernement qui a augmenté leurs salaires. Il s'agissait de l'une de leurs premières augmentations salariales, mais ils ne gagnent qu'un maigre salaire. Comment pouvons-nous réexaminer cela? J'espère que votre comité et le gouvernement fédéral encourageront ce réexamen et joueront un rôle d'organisateur en ce sens, mais, en fin de compte, nous devons nous tourner vers Queen's Park et les autres capitales provinciales à cet égard.

  (1530)  

    Cela m'amène à ma question suivante.
    Selon vous, quelle est l'importance d'offrir des salaires décents à la population active, surtout en cette période de reprise économique, au sortir de la crise de la COVID?
    Je pense que c'est crucial. Là encore, je pense que nous devons revoir la situation de ceux qui sont au bas de l'échelle, c'est-à-dire au bas de l'échelle salariale. Certaines mesures ont déjà été prises. Comme je l'ai dit, on peut s'accrocher aux aspects partisans et à la question de savoir qui a fait quoi et tout cela, mais vers la fin de l'administration Wynne, certaines mesures ont été prises relativement aux congés de maladie, à l'augmentation du salaire minimum et à la protection des travailleurs qui, à mon avis, font que toute personne qui examine la situation objectivement à travers le prisme de la COVID dirait « Hé, cela avait un certain sens. » Je pense que le moment est venu de réexaminer ces mesures. Il n'est pas nécessaire que les gens ravalent leurs paroles et fassent amende honorable. Vous pouvez simplement dire: « Hé, le monde a changé, et je pense qu'un certain mouvement nous indique que nous devons penser à ceux qui sont au bas de l'échelle. »
     Je vais rendre de nouveau hommage aux communautés religieuses. Une partie du travail qu'elles effectuent porte sur la manière de traiter ceux qui sont en difficulté. J'espère que la société va exiger de nous tous que nous prêtions une plus grande attention à ces problèmes.
     Merci, monsieur Milloy.
    Merci, monsieur Milloy, merci, monsieur Dong.

[Français]

    Madame Chabot, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos deux témoins.
    Mme Mahboubi, je vous remercie de nous avoir fait part de vos réflexions sur les prestations d'urgence qui ont été mises en place par le gouvernement et sur les périodes de transition. C'est justement là-dessus que portera ma question.
    Comme vous le savez, la Prestation canadienne d'urgence vient d'être prolongée de huit semaines. Cela nous apparaissait comme une décision incontournable, puisque la crise a encore des effets importants sur l'économie, lesquels sont loin d'être résorbés. Les répercussions de cette crise ont eu un effet particulier, voire disproportionné, sur les femmes et les travailleurs à faible revenu.
    Toutefois, au Bloc québécois, nous sommes nombreux à penser, comme vous, qu'il aurait fallu moduler la Prestation canadienne d'urgence et la Prestation canadienne d'urgence pour les étudiants de sorte que ces mesures deviennent des incitatifs à l'emploi et non des moyens de dissuasion. Le Bloc québécois a proposé qu'on suive exactement le modèle de l'assurance-emploi. Ainsi, une personne qui gagnerait plus de 1 000 $ — disons 1 500 $ — pourrait en garder la moitié. Cependant, le gouvernement nous dit que ce n'est pas possible sur le plan technique et qu'on n'a pas les outils nécessaires.
    Ne faudrait-il pas rendre possible ce qui est politiquement souhaitable? Il faudrait profiter de la relance pour le faire.
    Est-ce que la mesure que vous nous expliquiez va dans ce sens?

[Traduction]

    En ce qui concerne la prolongation de la PCU jusqu'à la fin de l'été, nous avons pensé que c'était une bonne décision et une bonne direction à prendre. Tout d'abord, toutes les provinces et tous les secteurs ne sont pas prêts à ouvrir leurs lieux de travail pour que les individus puissent y retourner. En même temps, il y a des problèmes liés aux enfants et aux écoles. L'approche varie d'une province à l'autre. Par exemple, en Ontario, il n'y a pas de camps d'été, et il n'y a aucune autre possibilité pour les parents ayant des enfants de pouvoir retourner travailler pendant l'été.
    La prolongation de la PCU était une bonne décision. C'était la bonne chose à faire. De plus, cela donnera au gouvernement le temps de réfléchir à la manière dont il souhaite transférer le grand nombre de prestataires de la PCU à l'assurance-emploi, si c'est l'approche qui convient, et de réformer l'AE afin de l'utiliser comme principal programme de soutien du revenu, ou de réfléchir à ce qu'il faut faire de la PCU.
    En même temps, je voudrais souligner que la prolongation de la PCU pendant huit semaines supplémentaires est une bonne chose. Toutefois, nous devons réviser le programme. Nous devons prendre en considération une partie ou la totalité des outils que j'ai mentionnés au Comité afin de pouvoir aborder les problèmes liés à la conception actuelle du programme. Que se passera-t-il lorsque la PCU prendra fin? Quels seront les besoins? Nous ne voulons certainement pas que deux types de programmes de soutien du revenu soient mis en œuvre pendant des années.
    Il sera vraiment important de prendre une décision à ce sujet. Nous avons vraiment besoin de données, et nous devons réfléchir à la question de savoir combien de temps il faudra avant que la crise...

  (1535)  

[Français]

    Je vous remercie.
    Je voudrais valider un point auprès de vous.
    Le régime d'assurance-emploi est un facteur de stabilité important. Ne devrait-on pas miser sur des mesures plus structurantes, comme une réforme globale de ce régime, pour en élargir l'accessibilité et en améliorer les prestations, plutôt que de miser sur une période de transition?

[Traduction]

    Si je comprends bien la question, je tiens à souligner que nous avons besoin d'un programme distinct pour les personnes sans emploi, mais quant à savoir quel programme est nécessaire pour gérer la crise, il faut d'abord réfléchir à la manière dont, par exemple, nous avons besoin de mettre en oeuvre un programme fondé sur le revenu qui lie les prestations au revenu mensuel des personnes. C'est quelque chose que le gouvernement est...

[Français]

    Pardonnez-moi de vous interrompre, madame Mahboubi, mais j'aimerais préciser ma question.
    Puisque la Prestation canadienne d'urgence prendra fin prochainement, ne devrait-on pas miser sur des mesures structurantes, comme la réforme de notre régime d'assurance-emploi, plutôt que de miser sur une autre formule?

[Traduction]

    Madame Mahboubi, je vous demanderais de répondre brièvement, si vous le pouvez.
    Oui, bien sûr. C'est en fait ce que j'essayais de dire. Nous devons revenir au programme d'assurance-emploi, mais nous devons l'améliorer afin de combler les lacunes qu'il comportait même avant la crise.
    Merci beaucoup, madame Mahboubi.

[Français]

    Je vous remercie, madame Chabot.
    Merci.

[Traduction]

    Madame Kwan, la parole est à vous pendant six minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je remercie aussi les témoins de leur exposé.
    J'aimerais me tourner vers vous, madame Mahboubi. Au cours de votre exposé, vous avez évoqué la question de la garde d'enfants. Je pense que l'un des vrais problèmes que rencontrent les personnes qui retournent au travail est le manque de services de garde d'enfants. Même dans l'état actuel des choses, pendant que nous réintégrons la population active, les garderies ne fonctionnent en réalité qu'à la moitié de leur capacité. Pour les Canadiens qui ont de jeunes enfants, les places ne sont tout simplement pas disponibles. Et ce, indépendamment de la COVID. En fait, ce problème existait même avant la COVID.
    Pensez-vous qu'il est temps pour nous de présenter une initiative nationale en matière de garde d'enfants afin de soutenir les travailleurs — et en particulier les femmes, devrais-je ajouter — pour qu'ils puissent intégrer la population active?
    C'est assurément quelque chose d'important à envisager. La raison en est que, pendant la crise, les femmes ont été plus durement touchées par les pertes d'emploi que d'autres segments de la population, et que la responsabilité de la garde des enfants repose généralement sur les épaules des femmes au foyer. Pour nous assurer que les femmes, ou même les parents en général, peuvent retrouver un emploi là où il n'y a pas de possibilité de garde d'enfants ou là où ces possibilités sont limitées, nous devons penser à la façon d'offrir les autres options, comme les subventions pour la garde d'enfants.
     À l'heure actuelle, l'aide provinciale que les personnes peuvent recevoir est uniquement versée par l'intermédiaire de garderies agréées. Pour être en mesure d'offrir d'autres solutions aux familles, nous devons multiplier les options en matière de garde d'enfants, notamment parce que les garderies ne peuvent pas ouvrir facilement et qu'elles sont tenues de suivre un protocole particulier, ce qui va avoir une incidence sur le nombre de places disponibles dans chacune d'elles. Ce que je veux dire, c'est qu'une famille pourrait recevoir une allocation ou une subvention pour la garde d'enfants lorsqu'elle a recours à d'autres solutions à cet égard, solutions qui, traditionnellement, n'étaient pas considérées comme des options pour lesquelles les personnes pouvaient recevoir cette allocation ou cette subvention. L'un des…

  (1540)  

    Je vous remercie. Je peux peut-être intervenir pour souligner que nous avons effectivement une prestation fiscale pour enfants, mais qu'elle ne résout toutefois pas le problème de la garde des enfants.
    Dans ma circonscription, Vancouver-Est, je rencontre régulièrement des gens qui sont désespérés. C'est notamment le cas des nouveaux parents qui doivent retourner au travail — et je vous parle d'une situation antérieure à la COVID —, mais qui ne trouvent pas de place pour faire garder leurs enfants. Ils n'arrivent tout simplement pas à trouver de places abordables dans une garderie de bonne tenue.
    Dans l'optique de ces autres options dont vous parlez, il faut créer des places. À cette fin, le gouvernement fédéral ne devrait-il pas être un véritable partenaire des provinces pour créer les places nécessaires et faire en sorte que les gens aient un endroit où placer leurs enfants, un endroit où ils sauront que leurs petits seront en sécurité et pris en charge pendant qu'ils sont au travail?
    La collaboration entre les gouvernements fédéral et provinciaux est absolument nécessaire pour atteindre cet objectif, mais la participation des gouvernements provinciaux est absolument essentielle. Ils doivent apporter leur contribution. Ils doivent soutenir une telle initiative.
    Oui, Dieu merci, le gouvernement de la Colombie-Britannique est plus que prêt et disposé à le faire, et si le gouvernement fédéral peut investir de manière substantielle dans la création d'une initiative nationale de garde d'enfants, nous serons disposés d'emblée à nous y conformer, car c'est ce dont nous avons besoin pour soutenir l'économie. Soit dit en passant, c'est quelque chose que les chambres de commerce réclament depuis déjà des années.
    Je vais maintenant me tourner vers M. Milloy.
    Monsieur Milloy, j'ai été très intriguée par le fait que vous avez écrit un article dans le journal intitulé, et je traduis, « L'idée du revenu de base tient la route, mais cela ne signifie pas qu'elle va se concrétiser ». Dans cet article, vous indiquez que, même s'il était logique d'aller de l'avant avec cette idée, l'environnement politique n'est peut-être pas prêt pour cela.
    L'Ontario a mené un projet pilote en ce sens, le programme de revenu de base universel, qui, je crois, a été mis en place par votre gouvernement et prématurément annulé par l'administration Ford. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet? Que pensez-vous de ce programme pilote qui a été mis en place par votre gouvernement?
    Pour information, j'avais pris ma retraite à ce moment-là. Il reste que j'ai assurément été intrigué lorsque la première ministre Wynne a présenté ce programme, et que je m'y suis montré favorable.
    Le revenu de base est un concept d'une importance énorme. Il doit cependant faire face à de nombreux obstacles sur le plan politique. C'est ce que j'ai dit dans mon article. Je pense aussi que nous ne savons pas ce que ce genre… Tout d'abord, nous ne savons même pas ce qu'est le revenu de base. Il existe différentes définitions, mais même avec un programme des plus modestes où l'on se contenterait d'accorder une allocation minimale aux personnes en dessous d'un certain seuil de revenu, comment cela fonctionnerait-il? Pour certaines personnes, on serait « intuitivement » portés à dire que ce sera une bonne chose. Pour d'autres, de façon tout aussi intuitive, on ne le sait pas. Peut-être que ce ne sera pas une bonne chose. C'est pourquoi j'aime le fait que la première ministre Wynne ait proposé la tenue d'un projet pilote de bonne dimension — il touchait environ 3 000 familles et particuliers —, et que nous aurions ensuite pu nous pencher sur les données colligées pour raconter ce qui est arrivé à ces personnes.
    Je dois vous dire que, tant d'un point de vue stratégique que d'un point de vue de pure politique, je pense que les résultats de cet exercice auraient donné lieu à un débat de politique publique du tonnerre. Cela aurait vraiment permis de préparer le terrain. C'est pour cette raison qu'il est dommage qu'il ait été annulé. C'était une mauvaise nouvelle pour les personnes qui faisaient partie du programme pilote, mais aussi une bien mauvaise chose pour nous tous qui ne saurons jamais comment cela aurait pu fonctionner. Il y aurait peut-être eu des failles que nous aurions pu corriger, mais disons que ma déception était particulièrement grande parce que j'étais également ministre des Services sociaux et communautaires, et cela tombe sous le sens. Je vois les problèmes, et je pense que les gens ont le droit de dire qu'ils veulent connaître les faits et les chiffres et savoir comment cela allait fonctionner, et même, comme je l'ai dit, prendre connaissance de ce que les gens ont vécu.

  (1545)  

    Bien sûr.
    Merci, monsieur Milloy.
     Merci, madame Kwan.
    Nous passons maintenant à Mme Kusie, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
     Merci à nos deux témoins d'être ici aujourd'hui.
    Monsieur Milloy, votre deuxième point concernait le respect des compétences provinciales. Je me demande si vous aviez des cas précis en tête où, dans le cadre de la gestion de la présente pandémie, les compétences provinciales n'ont pas été respectées ou auraient dû l'être. Pouvez-vous nous donner des exemples précis qui vous viennent à l'esprit lorsque vous soulevez ce point, ainsi que des recommandations pour la suite des choses?
    Vous savez, quand j'ai exprimé ces opinions, elles ne reposaient pas tant sur des actions particulières du gouvernement fédéral que sur l'humeur qui régnait là-bas, en particulier en Ontario, où les gens disaient que le gouvernement fédéral devait prendre le contrôle dans le domaine des soins de longue durée.
     Nous avons vu les discussions qui ont eu lieu sur la possibilité d'avoir 10 jours de congé de maladie garantis, ce qui est une excellente idée pour les travailleurs provinciaux. Encore une fois, il y a cette dynamique qui se dessine et qui dit que le gouvernement fédéral devrait prendre tout cela en charge, et je dois vous dire en tant que ministre provincial qu'il ne faut pas trop y voir une tentative de ma part de verser dans le purisme constitutionnel.
    J'avais l'habitude de traiter avec le gouvernement fédéral au sujet des initiatives en éducation postsecondaire, et je pourrais vous en parler longuement. Nous en avions la capacité et les connaissances. Nous savions exactement comment procéder. Nous savions comment faire les choses de manière équitable. Nous connaissions les intervenants, mais le gouvernement fédéral nous disait souvent qu'il allait élaborer son propre programme fédéral, qui allait reproduire une bonne partie de ce que nous avions fait, et qui allait être lent et lourd.
    Lorsque je considère certains aspects comme la formation professionnelle, qui est principalement une question provinciale et territoriale, je dis au gouvernement fédéral de se contenter de collaborer avec les provinces et les territoires, et de les laisser assumer la direction.
    Je vois cette tendance qui se profile à l'horizon, cet élan politique qui soutient que le gouvernement fédéral devrait en quelque sorte redessiner la société, et je dis: « Amen, faisons-le, ayons ce débat ». Sauf qu'il est important de se rappeler que les provinces et les territoires sont responsables d'une grande partie des politiques sociales, comme l'éducation, la formation et ces autres domaines névralgiques qui sont brûlants d'actualité.
    Je vous remercie.
    Je vais maintenant passer à votre quatrième point, où vous avez parlé du pouvoir non contrôlé dans une situation de gouvernement minoritaire. Compte tenu de cela — et d'autant plus que vous avez déjà été élu en tant que représentant —, j'aimerais savoir ce que vous pensez du fait que le Parlement ne siégera pas cet été, à l'exception de quatre réunions, et qu'il sera impossible de présenter des motions d'opposition et des initiatives parlementaires.
    Pensez-vous que cela pourrait avoir un effet négatif sur votre évaluation de la démocratie et de ce pouvoir « non contrôlé » dans le contexte d'un gouvernement minoritaire, comme vous l'avez évoqué au point quatre de votre déclaration liminaire?
    Bien sûr. Je veux dire, écoutez, je pense que nous devons trouver un équilibre. Nous sommes en plein milieu d'une pandémie mondiale. Il y a toutes sortes de considérations logistiques. En même temps, en tant que personne qui a vécu cela de l'intérieur, je vois un grand intérêt à ce que le Parlement trouve un moyen de siéger et de débattre, et à ce que le gouvernement soit tenu responsable.
    Toutefois, pour revenir à mon quatrième point, je pense que chaque partie doit adhérer à cet équilibre. L'opposition doit reconnaître que c'est une période difficile et que beaucoup de gens travaillent de bonne foi, mais je pense aussi que le gouvernement doit reconnaître qu'il doit rendre des comptes. J'aimerais assurément voir plus de séances et plus de va-et-vient, ou tout simplement les joutes oratoires propres au Parlement. Ce sont des choses qui sont tellement essentielles pour notre démocratie. Je comprends la position du gouvernement, mais je reconnais également que certaines des plaintes de l'opposition semblent tout à fait légitimes, du moins à mes yeux.
    Je vous remercie.
    En dernier lieu, vous êtes dans un environnement postsecondaire confessionnel. Il y a aussi un établissement de ce type dans ma circonscription. Je voudrais vous demander, en tant que personne occupant un poste de haute direction dans un environnement confessionnel comme celui qui vous emploie, ce que vous pensez du fait que le premier ministre participe à de grands rassemblements tout en donnant des conseils de sécurité publique à l'effet que les rassemblements ne sont pas autorisés, ce que de nombreux groupes confessionnels doivent respecter et ont respecté.
    Avez-vous des choses à dire à ce sujet, c'est-à-dire concernant la différence qui existe entre ce qu'a fait le plus haut niveau de direction par rapport à ce qui était attendu de ceux qui viennent d'un milieu spécifiquement confessionnel?

  (1550)  

    Eh bien, je pense que je vais me faire l'écho de ce que beaucoup de commentateurs ont dit. Je pense que le premier ministre et beaucoup de dirigeants politiques se sont en quelque sorte retrouvés dans l'épineuse situation où vous êtes maudits si vous le faites et maudits si vous ne le faites pas.
    Je ne me souviens pas si la formule est non parlementaire, monsieur le président. Je m'en excuse.
    Le fait est qu'il y a de la colère. Il y a de l'inquiétude. Il est nécessaire d'agir. Je pense qu'il est formidable que le premier ministre ait montré son soutien, mais en même temps, il y avait toute la question de la santé publique. Il a trouvé cet équilibre. D'autres politiciens ont trouvé cet équilibre. D'autres politiciens ont décidé de rester à l'écart. Je pense que c'était une situation incroyablement difficile et que nous devrions respecter les deux lectures. Je respecte ce que le premier ministre a fait. Je respecterai également ceux qui ont dit vouloir rester à l'écart pour des raisons de santé personnelle et aussi pour donner l'exemple.
    Je vous remercie.
    Merci, monsieur Milloy, et merci, madame Kusie.
    Nous passons maintenant à M. Housefather, pour cinq minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, madame Mahboubi et monsieur Milloy, pour le travail important que vous avez fait tous les deux et pour avoir accepté d'être là aujourd'hui.
    Monsieur Milloy, surtout en ce qui concerne votre quatrième point, je suis tout à fait d'accord pour dire qu'en ce moment, les gens ne se soucient pas du fait que nous sommes de partis différents. Ils veulent que tout le monde travaille ensemble pour trouver une solution à une crise. Nous ne voulons pas d'une dynamique qui consisterait à se prendre en défaut les uns les autres. Les membres du gouvernement ne devraient pas venir au Comité avec l'unique intention de défendre tout ce que le gouvernement a fait, et les membres de l'opposition ne devraient pas y venir avec l'unique intention d'attaquer tout ce que le gouvernement a fait. Nous devrions travailler ensemble. Je vous remercie donc d'avoir soulevé ce point.
    Je voudrais aborder la question de la main-d'œuvre. Vous avez mentionné dans votre premier point que les emplois vont rapidement disparaître. J'imagine que les emplois qui disparaîtront d'autant plus rapidement seront ceux qui ont été chassés par l'évolution technologique. Cette dynamique sera exacerbée par la pandémie. L'un des domaines dans lesquels vous avez une grande expérience est celui des métiers. Vous représentez aujourd'hui un établissement universitaire, mais comme nous le savons — vous en savez plus que moi là-dessus —, un pourcentage important de gens qui exercent un métier prendront leur retraite dans les dix prochaines années. Selon vous, comment les gouvernements fédéral et provinciaux devraient-ils s'y prendre pour convaincre la population de la nécessité de se tourner vers les métiers?
    Dans une perspective à long terme, il s'agit toujours de travailler auprès des plus jeunes, à partir de l'école primaire, afin de leur vanter la valeur des métiers et de leur dire que ce sont de bons emplois. Beaucoup de ces métiers sont très technologiques. Ce sont des emplois spécialisés qui sont bien payés et qui vous permettent de faire une différence.
    À plus court terme, ce dont nous avons besoin… J'ai parlé du programme Deuxième carrière; j'en étais fier. Il y avait toutes sortes de soubresauts, d'imperfections et de choses comme celles-là, mais une des leçons que nous avons retenues, c'est qu'il est primordial que l'employeur, l'établissement de formation et le travailleur mis à pied travaillent en étroite collaboration. Dans le programme Deuxième carrière, nous avons demandé aux gens de se présenter et de dire: « Écoutez, je veux être qualifié dans tel ou tel domaine et voici des preuves qu'il y a des embauches en cours. » Ces preuves, si je me souviens bien, étaient quelques annonces d'emploi et des choses comme ça dans le journal.
    Un de vos collègues a posé une question sur les programmes d'infrastructure et les grands programmes de construction. Il faut que les employeurs nous disent: « Nous avons besoin de gens dans les métiers suivants. Il nous les faut maintenant. Les emplois sont disponibles. » Lorsque les gens ont une meilleure idée de ce qu'implique un métier, qu'ils savent qu'il y a un emploi bien payé à la clé et qu'il y a une façon d'entrer… Nous avons un système d'enseignement supérieur qui est tellement dépassé que parfois, si vous vous présentez en octobre en disant que vous voulez devenir plombier ou charpentier, on vous dira — cela varie selon les établissements — que vous devez revenir en janvier ou que vous devez attendre un an, et ce, même si vous êtes venu six semaines plus tôt. C'est le genre de choses où il faut s'adapter rapidement et mettre l'accent sur la collaboration. Moi, en tant que personne mise à pied, je peux dire: « Eh bien, vous savez quoi, voici une voie directe. Je n'ai pas besoin de me cogner la tête contre le mur et d'attendre six mois, ou d'aller ici ou là », et ça passe.
    C'est beaucoup de travail, mais les gains potentiels sont énormes. Il ne fait aucun doute que les métiers sont un domaine où l'on observe une grande croissance.
    Merci beaucoup.
    Madame Mahboubi, je tiens également à vous remercier pour votre présentation.
    Je présume que vous êtes tous les deux d'accord pour dire que la PCU a été un programme salutaire, que sa mise en place a été rapide et efficace, en ce sens qu'il a atteint très rapidement un grand nombre de personnes, mais qu'à mesure qu'il s'étend, il devient nécessaire d'y apporter des modifications. J'ai pris note des suggestions que vous avez faites à cet égard.
    J'aimerais examiner avec vous une question que vous n'avez pas soulevée, soit celle de l'immigration. J'ai lu un document que vous avez rédigé il y a quelques années, où vous disiez que pour compenser les départs à la retraite au Canada et le vieillissement de la population, il nous faudrait faire venir environ 1,4 million d'immigrants par an.
    Pouvez-vous parler d'immigration, car le ministre de l’Immigration va bientôt repasser devant le Comité? Selon vous, quel rôle l'immigration peut-elle jouer pour nous aider à sortir de la récession ou de la crise de l'emploi qui sévit actuellement?

  (1555)  

    La crise a une incidence particulière sur nos frontières, et ses répercussions sur l'immigration ont été énormes. Le Canada n'est pas en mesure d'atteindre ses objectifs pour 2020, et nous ne sommes même pas sûrs de ce qu'il en sera l'année prochaine.
    Or, l'immigration est nécessaire pour nous attaquer aux problèmes découlant du vieillissement de la population, et ces problèmes ne vont pas disparaître d'eux-mêmes. Ce n'est pas parce que nous sommes confrontés à une crise que nous devons oublier la nécessité de faire venir davantage de personnes dans le pays. En même temps, en ce qui concerne la nécessité de remédier à la pénurie de main-d'œuvre, soit par l'intermédiaire de travailleurs étrangers temporaires, soit par l'immigration permanente, oui, nous sommes aux prises avec une crise et le taux de chômage est élevé, mais tous les secteurs ne sont pas touchés de la même façon. Certains secteurs doivent encore composer avec des pénuries de main-d'œuvre saisonnière auxquelles il faut remédier par l'immigration.
    Cela dit, les pertes d'emplois occasionnées par les crises touchent généralement plus les immigrants que les non-immigrants. Les immigrants récents ont eu des difficultés à apprendre les langues, car les programmes de soutien à l'immigration qui offrent des cours de langue ont été suspendus depuis le début de la crise.
     Tous ces éléments doivent être pris en compte. Nous avons toujours besoin des immigrants pour résoudre les problèmes liés au vieillissement de la population et aux pénuries de main-d'œuvre, mais il y aura des immigrants sans emploi et des Canadiens sans emploi. Nous devons réaffecter la main-d'œuvre à d'autres secteurs et à d'autres industries afin de pouvoir leur fournir des emplois. Par ailleurs, le marché du travail a subi une transformation, car, à l'heure actuelle, de nombreux employés ne souhaitent pas retourner sur les lieux de travail habituels. Le travail à domicile pourrait donc devenir plus attrayant dans un avenir rapproché, d'autant plus que l'on peut maintenant travailler de n'importe où. Il vous sera donc possible de soutenir l'économie depuis votre domicile.
    Toutes ces questions sont vraiment importantes, et pas seulement l'immigration.
    Quant aux étudiants étrangers, ils constituent une source de revenus précieuse pour les universités. En outre, pour l'immigration future, nous avons besoin d'étudiants étrangers, car des études montrent qu'ils ont de meilleurs résultats sur le marché du travail.
    Pour l'instant, nous avons tout mis sur pause, il est donc vraiment important, alors que nous commençons à rouvrir les frontières, de réfléchir au type d'immigrants qu'il nous faut. Nous devons examiner notre marché du travail, les problèmes auxquels nous sommes confrontés, ainsi que les types de main-d'œuvre et les compétences dont nous avons besoin. Nous devons ensuite établir un lien entre ces données et le type d'immigrants dont nous avons besoin et leur nombre. Nous devons faire venir plus d'immigrants. Il ne fait aucun doute que c'est quelque chose dont nous avons besoin.
    Merci, madame Mahboubi, et merci, monsieur Housefather. Au nom du Comité, je tiens à vous remercier sincèrement pour vos présentations très réfléchies, constructives et équilibrées d'aujourd'hui. Elles ont été très appréciées et extrêmement utiles pour nos travaux. Nous vous sommes reconnaissants d'avoir été là. Nous vous souhaitons un merveilleux week-end.
    Chers collègues, veuillez rester en ligne, car nous avons une question concernant les travaux du Comité dont nous devons discuter — et que nous pourrons régler assez rapidement, je l'espère —, à savoir le budget de la présente étude qui a été distribué par notre greffière. J'espère que vous l'avez reçu. Ce budget s'élève à 7 100 $ et il doit couvrir le coût des lignes téléphoniques et des casques d'écoute que portent nos témoins. Vous vous souviendrez que lorsque nous avons commencé, nous avons eu d'innombrables problèmes avec les différentes configurations de microphones et de haut-parleurs. Une partie de ce budget est donc destinée aux casques qui ont été fournis aux témoins, et le reste est destiné aux lignes à accès commuté entrant dont se sert notre personnel.
     Je ne peux pas présenter de motion, mais je vous saurais gré d'en présenter une pour l'adoption du budget. Si quelqu'un veut bien s'exécuter, nous pourrons alors en discuter, le cas échéant.

  (1600)  

[Français]

    Je propose cette motion, monsieur le président.
    Je vous remercie beaucoup, madame Chabot.
    Chers collègues, y a-t-il d'autres commentaires au sujet de la motion?

[Traduction]

    Y a-t-il des interventions concernant la motion d'adoption du budget, telle que présentée?
    Sommes-nous prêts à procéder à la mise aux voix? Madame la greffière, pourriez-vous procéder à un vote par appel nominal?
    (La motion est adoptée par 11 voix contre 0.)
    Cela nous amène au début de l'heure et à la fin de nos travaux pour aujourd'hui.
    Chers collègues, je vous souhaite un excellent week-end et je vous retrouve lundi sur cette chaîne. Prenez soin de vous.
    La séance est levée.
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