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FAAE Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires étrangères et du développement international


NUMÉRO 032 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 4 mai 2021

[Enregistrement électronique]

  (1550)  

[Français]

    Chers collègues, bienvenue à la 32e réunion du Comité permanent des affaires étrangères et du développement international.
    Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée par le Comité le jeudi 29 octobre 2020, le Comité poursuit son étude de l'octroi de licences d'exportation d'armes, avec une attention particulière sur les licences d'exportation vers la Turquie.

[Traduction]

    Comme toujours, je vous encourage à mettre votre microphone en sourdine lorsque vous ne prenez pas la parole. Je vous ferai signe avec ce carton jaune quand il vous restera 30 secondes pour poser des questions ou donner votre témoignage.
    Le service d'interprétation est offert au moyen de l’icône du globe qui paraît au bas de l'écran.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à notre premier groupe de témoins. Nous accueillons aujourd'hui l'honorable Gar Knutson, c.p., président du Conseil d'affaires Canada Turquie; Christyn Cianfarani, présidente-directrice générale de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité; Mike Mueller, président par intérim et chef de la direction de l'Association des industries aérospatiales du Canada.
    Monsieur Knutson, vous serez le premier à faire une déclaration de cinq minutes. Allez-y.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs, merci. J'aimerais également dire bonjour à une ancienne collègue, Mme Fry, si elle est là.
    Au nom du CTBC, le Conseil d'affaires Canada Turquie, j'aimerais commencer en remerciant le Comité de m'avoir invité à comparaître dans le cadre de ses délibérations sur la question des licences d'exportation de produits de la défense canadiens vers la Turquie.
    Comme certains d'entre vous le savent, j'ai déjà été député, ainsi que secrétaire d'État pour l'Europe centrale de l'Est et le Moyen-Orient et ministre d'État du Commerce international.
    Je comparais aujourd'hui en ma qualité de président du Conseil d'affaires Canada Turquie.
    Notre conseil est un organisme à charte à but non lucratif qui a vu le jour en 2001. Nous menons diverses activités au service de nos membres afin d'améliorer les relations commerciales bilatérales, comme la coordination de missions commerciales dans les deux pays, des activités de promotion au Canada et en Turquie, et l'offre de conseils aux membres sur les façons de favoriser les occasions commerciales.
    Nous avons notamment participé aux négociations d'une convention de double imposition entre le Canada et la Turquie et, en 2019, à la création d'un comité bilatéral mixte de l'économie et du commerce, lequel est chapeauté par les ministres du Commerce respectifs du Canada et de la Turquie.
    Les membres de notre conseil font partie d'une communauté d'entreprises élargie qui exporte annuellement quelque 1,2 milliard de dollars de biens vers la Turquie, le plus grand secteur étant l'aérospatiale, suivie de l'agriculture, notamment le secteur agricole de la Saskatchewan.
    Nos membres considèrent que la Turquie offre un potentiel énorme à leurs entreprises respectives et, de façon plus générale, constitue un marché d'importation prometteur pour le Canada. Nous espérons que le problème de l'annulation des licences d'exportation et que le processus de revalidation des garanties visant l'utilisation finale ne nuiront pas indûment à nos relations et ne mettront pas en péril nos exportations, hormis ceux d'un secteur précis de la défense. Nous espérons qu'à court terme, le gouvernement continuera à offrir un soutien actif à l'expansion des exportations canadiennes non militaires vers la Turquie, ou des exportations militaires admissibles, pour encourager la conservation et la croissance des emplois au Canada.
    C'est une évidence, mais je vous affirme que nos membres souscrivent aux valeurs canadiennes qui soutiennent le système robuste de contrôle des exportations.
    Puisque je vous ai donné les avis de nos membres qui œuvrent à l'extérieur de l'industrie de la défense, je me dois de vous transmettre également les préoccupations à l'égard du processus actuel de nos membres qui exportent des articles contrôlés du groupe 2.
    Fort de mon expérience en tant que juriste et expert-conseil, je sais que le processus d'approbation ou de refus d'une licence d'exportation est trop souvent opaque, notamment si des préoccupations sont soulevées pendant les consultations internes. Pire encore est la période d'attente d'une réponse, qui est souvent beaucoup trop longue.
    Soyons clairs: j'ai eu de nombreux échanges au courant de la dernière année avec le comptoir de contrôle des exportations d'Affaires mondiales et les employés ont brillé par leur professionnalisme. Ce n'est pas le personnel d'Affaires mondiales qui pose problème dans l'obtention des licences, mais le processus même, qui semble parfois avoir été conçu sans égard aux répercussions pour les entreprises, petites, moyennes, grandes et même très grandes, qui tentent de garder les emplois et la capacité industrielle au Canada.
    Bref, les entreprises ont besoin de transparence, de prévisibilité et de responsabilité lorsqu'elles font une demande de licence. Les normes en matière de service qui ne sont pas respectées servent mal aux fournisseurs et aux clients et nuisent à la réputation de toutes les parties concernées. Si on indique d'emblée qu'il faudra plus de temps aux entreprises d'obtenir une licence et on donne un délai plus réaliste, il est plus facile pour les entreprises de planifier en conséquence et de donner aux clients une idée exacte du délai de livraison.
    Le personnel d'Affaires mondiales devrait être en mesure d'établir des délais pour les réponses des consultants. Si le consultant ne fournit aucune réponse dans un délai précis, on devrait présumer qu'il n'y a aucune préoccupation. Affaires mondiales pourra seulement prétendre au respect de ses normes en matière de services s'il tient les consultants responsables. Dans le même ordre d'idées, les entreprises seraient reconnaissantes de pouvoir communiquer avec les consultants qui ont des questions ou des objections. Souvent, des renseignements commerciaux de nature technique ou confidentielle peuvent éclairer une demande de licence aux yeux d'un évaluateur non technique. Un tel engagement ajouterait au sentiment de transparence, puisque les entreprises ont souvent l'impression que le processus est arbitraire, capricieux et imprévisible.
    Je connais au moins deux entreprises canadiennes qui songent actuellement à déplacer leurs activités de fabrication à l'extérieur du Canada parce que le problème des licences d'exportation fait qu'il n’est pas pratique de continuer à faire affaire au pays. Le départ de ces deux entreprises entraînerait la perte d'environ 300 emplois directs et plusieurs centaines d'emplois indirects.
    Nous devrions chercher à comprendre les mesures qui défendent les intérêts du Canada. Le fait d'appuyer une entreprise dont les exportations de marchandises transiteront par la Turquie vers un pays avec lequel nous sommes en de bons termes semble être parfaitement logique, mais c'est maintenant impossible. Or, il serait tout aussi logique d'épauler une entreprise lorsque les temps sont durs. Accorder un soutien aux entreprises qui équipent les missions onusiennes ou qui travaillent avec les États-Unis dans le cadre de missions humanitaires d'approvisionnement serait également logique.

  (1555)  

    Enfin, il ne devrait pas être nécessaire de passer par le processus complet d'examen d'une licence d'exportation chaque fois qu'une pièce, achetée par un pays qui en est le propriétaire exclusif, est renvoyée au Canada pour réparation conformément aux modalités de la première licence. Une mesure de correction évidente serait d'avoir un régime distinct pour les licences de réparation et d'entretien qui pourrait être mis sur pied assez rapidement.
    J'espère avoir respecté mon temps de parole. Encore une fois, je tiens à saluer Mme Hedy Fry.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Knutson, pour votre témoignage et vos salutations.
    Nous allons maintenant entendre Mme Cianfarani, qui aura cinq minutes.
    Je vous remercie de m'avoir invitée à vous faire part de notre point de vue sur le système de contrôle des exportations du Canada.
    Nous représentons actuellement plus de 400 entreprises canadiennes — et au cours des cinq dernières années, nous avons parfois représenté près de 1 000 entreprises — qui offrent des technologies et des services aux Forces armées canadiennes et aux clients étrangers autorisés.
    Tout d'abord, CADSI ne fait aucune revendication liée à des entreprises individuelles, leurs activités d'approvisionnement en matière de défense ou leur licence d'exportation. Nous ne sommes pas au courant des activités commerciales d'une entreprise en particulier. Je ne suis pas en mesure de commenter des transactions précises. Je suis ici pour vous donner le point de vue général d'une industrie sur le système de contrôle des exportations du Canada.
    Les exportations représentent plus de 50 % des revenus de l'industrie et elles sont essentielles à notre industrie. Le marché canadien est tout simplement trop restreint pour soutenir l'industrie et nos entreprises fabriquent des produits recherchés partout dans le monde. Pour ces raisons, nos entreprises ont besoin d'un système de contrôle des exportations efficace, opportun, cohérent et prévisible, doté de règles claires.
    Malheureusement, depuis quelques années, le système de contrôle des exportations du Canada ne répond pas à ces critères. Il représente aujourd'hui un désavantage concurrentiel pour une industrie qui vend ses produits dans un marché mondial farouchement compétitif et axé sur l'exportation.
    Nous croyons qu'il est possible d'avoir un système de contrôle des exportations efficace, opportun, cohérent et prévisible qui permettrait aussi aux produits de défense fabriqués au Canada de ne pas se retrouver dans les mains d'adversaires ou de régimes qui les utiliseraient pour brimer les droits de la personne. Nous avions auparavant un tel système. Nous devons le remettre sur les rails.
    Le permis d'exportation est la dernière étape d'un long processus commercial. Le gouvernement doit fournir aux entreprises plus d'information et de transparence dès le départ sur les pays et les utilisateurs finaux qu'ils considèrent comme étant à haut risque. Nous devons le savoir lorsqu'il y a une faible probabilité d'approbation de licence d'exportation.
    J'ai transmis le même message la dernière fois que je me suis adressé au Comité en 2017 pour exprimer l'appui de l'industrie à l'égard du projet de loi C-47 et l'adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes des Nations unies. Malheureusement, selon le Rapport annuel au Parlement sur les exportations militaires, le bilan d'Affaires mondiales Canada quant au respect de ses propres normes de service en matière de délivrance de licences s'est continuellement appauvri depuis.
    En 2017, AMC respectait ses normes pour l'examen des demandes de licences visant les articles du Groupe 2 destinés aux partenaires et alliés les plus proches du Canada dans près de 96 % des cas. En 2019, ce chiffre est passé à 70 %. Les cibles de rendement d'AMC sont d'atteindre la norme de 10 jours pour les partenaires proches du Canada et de 40 jours pour les autres destinations, et ce, dans 90 % des cas. Il y a des exemples de demandes de licence d'exportation qui ont traîné au ministère pendant plus de 500 jours sans réponse.
    Nous estimons que ces retards et incertitudes ont coûté à nos membres des centaines de millions de dollars en contrats et occasions perdus. En outre, l'incapacité de l'industrie à dire à ses clients, qui sont généralement des États, quand ils pourront recevoir leurs produits fait du tort à la réputation du Canada à titre de partenaire fiable pour le commerce et la sécurité.
    Cette incapacité à respecter les normes en matière de service n'est pas attribuable à l'adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes. La tendance a été remarquée bien avant. De plus, les nouvelles obligations liées au traité de l'ONU ne s'appliquent qu'à des systèmes complets d'armes classiques, et le Canada en produit très peu. Il n'y a pas eu non plus de hausse du nombre de licences d'exportation en défense. En fait, AMC a reçu 13 millions de dollars dans le budget de 2017 pour mettre en œuvre les dispositions relatives au traité de l'ONU.
    Le Comité se penche sur les exportations du secteur de la défense vers la Turquie. La suspension temporaire de la délivrance de nouvelles licences d'exportation vers ce pays en octobre 2019 est un exemple du manque de transparence et de communication du gouvernement avec l'industrie. L'industrie exporte ses produits en Turquie, un allié au sein de l'OTAN, depuis des dizaines d'années. Nous avons appris cette suspension dans les médias, sans autre information de la part du gouvernement avant avril 2020, soit six mois plus tard.
    Qui plus est, on ne nous a pas indiqué si la suspension s'appliquait à l'ensemble ou à une partie des sept groupes de produits contrôlés. On ne nous a pas dit si elle s'appliquait à tous les utilisateurs finaux en Turquie ou uniquement à ceux que le gouvernement avait indiqués comme présentant un risque sérieux, ce qui est un critère juridique en vertu de la Loi sur les licences d'exportation et d'importation. Le fait d'imposer une suspension est la prérogative du gouvernement, mais il devrait également incomber au gouvernement, organisme de réglementation, d'expliquer exactement ce que les changements signifient.
    Il est difficile pour les entreprises de suivre les règles lorsqu’elles ne les connaissent pas ou quand les critères sont appliqués, mais ne sont pas expliqués. Je ne saurais trop insister sur l'importance de la clarté et de la prévisibilité de la part du gouvernement à ce chapitre.

  (1600)  

    La dernière chose que veulent les entreprises, c'est de se trouver en infraction des lois, règlements ou politiques en matière d'exportation. Cela serait catastrophique pour leur réputation et leurs activités. Nous devons revenir à un système de contrôle des exportations efficace, opportun, cohérent et prévisible, doté de règles claires. L'avenir de notre industrie en dépend.
    Merci.

  (1605)  

    Merci beaucoup, madame Cianfarani.
    Les interprètes nous disent que votre son est très bas. Un membre de l'équipe technique vous appellera pour essayer de trouver une façon d'améliorer la qualité du son.
    Nous vous remercions pour votre déclaration.
    Je cède maintenant la parole à M. Mueller, qui aura cinq minutes.
    Mesdames et messieurs, bonjour.
    Monsieur le président, je vais m'en tenir aux cinq minutes qui me sont accordées, même si j'ai encore plus de choses à dire.
    Je suis heureux de comparaître aujourd'hui au nom de l'Association des industries aérospatiales du Canada. Comme toujours, nous vous remercions de l'intérêt que vous portez à l'égard de notre industrie et de votre volonté de travailler avec nous pour relever les défis auxquels nous sommes confrontés.
    L'industrie de l'aérospatiale et de la défense ressent beaucoup de frustrations à l'égard du processus de demande de licence d'exportation. Nous en faisons part au gouvernement depuis de nombreuses années déjà. Malheureusement, la situation n'évolue guère. Permettez-moi de vous dire d'emblée que, vu la situation économique actuelle, le mot frustration ne suffit plus. Nous ratons de réelles occasions économiques, des occasions qui pourraient s'avérer très porteuses ici au Canada.
    Comme la plupart d'entre vous le savent, l'aérospatiale est une industrie axée sur les exportations. L'incapacité du Canada à exporter sa marchandise a de graves conséquences économiques qui se font ressentir sur toute la chaîne d'approvisionnement.
    Je dois également vous dire que notre industrie se soucie du respect des valeurs canadiennes dans toutes ses activités, et que nous recherchons un processus de délivrance de licence d'exportation efficace. Permettez-moi de vous expliquer les motifs de nos préoccupations et les défis auxquels nous sommes confrontés.
    Des centaines de millions de dollars de travail ont été perdues, et des centaines de millions de dollars de travail, du travail qui crée des emplois canadiens bien rémunérés, sont toujours en jeu. Selon nous, il y a quatre grands enjeux, soit la clarté, les échéances, la transparence et le processus.
    Au chapitre de la clarté, sachez que les entreprises recherchent un cadre clair indiquant les pays à qui elles peuvent exporter ou non. En ce moment, ce cadre est absent, et même si l'industrie comprend que le gouvernement doit respecter la confidentialité de certains aspects de son travail diplomatique liés à la sécurité, nous pensons qu'il existe certainement une façon qui permettrait au gouvernement et à l'industrie de mieux s'aligner afin d'éviter de gaspiller du temps et des ressources sur des projets qui ne verront pas le jour parce que les licences ne seront jamais délivrées. Les entreprises investissent beaucoup de temps et de capitaux pour remplir leur carnet de commandes et dans bien des cas, cela représente des années de travail. Elles engagent des coûts importants. Les entreprises consacrent beaucoup d'énergie pour se faire dire: « Dommage, ressayez. » Il nous faut de la clarté.
    Nous demandons au gouvernement de travailler avec nous pour renforcer le processus. Personne n'est avantagé par une perte de temps et de ressources, et pourtant c'est ce qui se passe actuellement des deux côtés.
    Quant aux échéances, les normes en matière de service pour les licences varient énormément. Le traitement de certaines demandes prend des mois et dans certains cas encore plus de temps. Les entreprises doivent savoir que si elles exportent depuis le Canada, le délai d'attente d'une licence ne mettra pas en péril leurs ventes. Nous avons soulevé le problème plusieurs fois. Nous savons que les fonctionnaires d'Affaires mondiales Canada doivent parfois attendre pendant que d'autres intervenants examinent la demande, mais les retards pèsent lourd, et les entreprises perdent de belles occasions.
    Voilà ce qui nous amène à la transparence. Les entreprises seraient grandement aidées si elles pouvaient suivre le cheminement de leurs demandes dans le système. En ce moment, une fois la demande soumise, les entreprises ne savent rien. On pourrait procéder autrement. Nos amis et alliés, comme les États-Unis, ont un système qui offre aux entreprises plus de renseignements sur le cheminement de leur demande. Nous en avons parlé avec les fonctionnaires. Un tel système mérite d'être étudié.
    Enfin, en ce qui concerne le processus dans son ensemble, nous sommes convaincus qu'il faudrait effectuer un examen approfondi afin de s'assurer que le processus ne gêne pas la capacité des entreprises à exporter depuis le Canada. Dans le cadre de l'examen, nous pensons qu'il faudrait songer à un système de tri. C'est une des façons possibles qui permettrait de rationaliser le processus afin de réduire les échéances. Ainsi, si une demande soumise relève d'une ancienne demande qui a déjà été approuvée par le ministère, il devrait y avoir un mécanisme pour accélérer le processus. Pourquoi alourdir le processus en refaisant le travail lorsque ce n'est pas nécessaire?
    L'amélioration de la clarté, des échéances et de la transparence et du processus global se fait attendre depuis longtemps. On risque alors la fuite vers l'étranger des commandes, et encore plus important, des emplois bien rémunérés et de la capacité que nous avons ici au Canada, et je ne pense pas que quiconque ici voudrait voir ce scénario.
    Nous avons été encouragés par les crédits prévus dans le budget de 2021 pour renforcer l'administration du régime de contrôle du commerce du Canada. C'est un bon début, mais il faudra consacrer davantage de ressources au processus de demande de licence d'exportation. Nous vous prions de nous appuyer dans nos efforts ainsi que de revendiquer un examen approfondi du processus de demande de licence d'exportation du Canada. Il faut envoyer un message au niveau politique afin que ce dossier devienne prioritaire.
    Nous vous demandons votre aide, afin que nos entreprises puissent exporter de façon responsable leurs marchandises sans retard injustifié et être concurrentielles sur le marché international.
    Merci, monsieur le président.

  (1610)  

    Merci beaucoup, monsieur Mueller.
    Nous allons maintenant passer à une série de questions de six minutes.
    C'est M. Morantz qui ouvrira le bal.
    Ma première question est destinée à M. Knutson.
    Nous entendons des témoignages fort intéressants. Nous menons cette étude essentiellement parce que de la technologie canadienne de la défense s'est retrouvée dans un conflit auquel elle n'était pas destinée.
    Le gouvernement turc a remis la technologie à l'Azerbaïdjan et, comme nous le savons maintenant, la technologie a été utilisée dans le conflit du Haut-Karabakh. Voilà pourquoi les licences ont été suspendues.
    Il est très intéressant d'entendre votre témoignage et la situation met en exergue les problèmes liés au processus d'obtention des licences que vous soulevez. Avant d'aborder ce sujet, j'aimerais vous poser une question sur la Turquie en raison de votre expérience en tant que député. Il me semble également que vous avez fait du lobbying pour l'ambassade turque il y a quelques années déjà.
    Le gouvernement canadien déploie-t-il actuellement des efforts diplomatiques auprès du gouvernement turc afin de recoller les pots cassés et obtenir des garanties qui permettraient d'émettre à nouveau des licences d'exportation pour la Turquie?
    Je ne peux me prononcer sur ce qui se passe à Affaires mondiales, seulement sur ce qui fait partie de la sphère publique. Le ministre a bien indiqué, lorsqu'il a annulé les licences, qu'il collaborerait avec ses homologues turcs afin de trouver un terrain d'entente quant aux garanties visant l'utilisation finale de la technologie.
    Sur le plan pratique, cependant, on peut exporter un produit vers un pays qui affirmera de bonne foi son intention d'utiliser le produit dans certaines circonstances uniquement. Cinq ans plus tard, la situation évolue, ou encore un nouveau dirigeant prend le pouvoir au pays, et la technologie canadienne sert dans une guerre que personne n'aurait prévue.
    La tâche est ardue, mais pour répondre à votre question, d'après ce qui est dit dans la sphère publique et d'après le témoignage de M. Christie devant votre comité, on travaille effectivement sur le dossier. Les diplomates oeuvrent sur le terrain afin d'empêcher les relations canado-turques de tourner au vinaigre.
    Merci.
    Madame Cianfarani, à ce sujet justement, je suis sensible à la situation de l'industrie, et ce, quels que soient le régime de contrôle des exportations et les garanties en place. Les connaissances expertes, les investissements et la technologie nécessaires à la construction de ces systèmes sont énormes, et nous avons bien compris les frustrations de l'industrie d'après votre témoignage et celui de M. Mueller.
    N'est-il pas risqué de faire affaire dans cette industrie en raison de ce qui pourrait arriver et de ce qui est arrivé dans le cas de la Turquie, après le transfert de la technologie?
    Il y a effectivement toujours la possibilité que [Difficultés techniques]
    Je suis désolé, j'entends l'interprète.
    Moi aussi.
    Il est toujours possible que la marchandise parvienne à des gens qui ne respectent pas les règles prévues ou la garantie quant à l'utilisation finale. C'est effectivement un risque inhérent pour notre industrie.
    Je comprends la frustration de M. Mueller et de M. Knutson à propos de l'industrie. Je pense que M. Knutson l'a dit. Il n'a pas employé les mêmes mots, mais pour ma part, le terme « exode des cerveaux » me vient à l'esprit.
    Si ces problèmes se poursuivent à cause du régime de contrôle des exportations, allons-nous perdre des ingénieurs, des scientifiques et des techniciens talentueux qui se tourneront vers d'autres pays où il est peut-être plus facile d'exporter leurs technologies?

  (1615)  

    Je crois que oui, sans aucun doute. De grandes multinationales qui ont un siège social et une empreinte à l'étranger chercheront à exporter leurs technologies, ce qui signifie essentiellement qu'elles déplaceront leurs secteurs d'activité à l'extérieur du Canada. L'effet sur la chaîne d'approvisionnement est énorme. Au Canada, les PME représentent 90 % de la chaîne d'approvisionnement. Lorsqu'une de ces grandes entreprises intervient, elle a un effet de regroupement. Par conséquent, si le secteur d'activité se retrouve à l'étranger, ce n'est pas juste la multinationale qui est touchée, mais l'ensemble de la chaîne d'approvisionnement. Pourquoi ferait-on affaire avec une entreprise canadienne lorsqu'on est dorénavant à l'étranger?
    Les retombées sont vastes, et dans certains cas, certaines de ces grandes multinationales ont 400, 500 ou 600 entreprises dans leurs chaînes d'approvisionnement, ce qui signifie que l'effet de bascule pourrait être dévastateur.
    Avez-vous une idée du nombre de personnes employées dans le secteur des exportations de défense au Canada?
    Il y en a environ 62 000, et plus de la moitié de nos revenus proviennent des exportations, ce qui signifie que nous ne sommes pas viables dans le seul marché canadien.
    Merci beaucoup, monsieur Morantz. Nous devons nous arrêter ici faute de temps.
    Nous allons commencer notre prochain tour par Mme Saks.
    Merci, monsieur le président, et merci à tous les témoins. Nous avons eu des hauts et des bas sur le plan technique, mais nous avons survécu.
    Madame Cianfarani, je vais commencer en m'appuyant sur votre déclaration liminaire. Le 7 novembre 2017, vous avez comparu devant ce comité pendant son étude du projet de loi C-47 sur l'adhésion du Canada au Traité sur le commerce des armes. Dans vos observations liminaires, vous avez dit:
La ratification par le Canada du Traité des Nations unies sur le commerce des armes améliorera encore davantage notre solide régime d'exportation et relèvera la barre à l'échelle internationale pour les autres pays dont le processus de contrôle des exportations ne répond pas aux normes très élevées du Canada. Le traité ajoute des obstacles aux pays qui exportent des armes de petit calibre et de l'équipement militaire afin de s'assurer que les armes ne sont pas réacheminées à de tierces parties ou mal utilisées par les réels destinataires. Il réglemente aussi les pratiques de courtage qui consistent à exporter des armes d'un pays tiers à un autre. C'est pourquoi l'AICDS a demandé au gouvernement, l'an dernier, de ratifier le Traité sur le commerce des armes.
    Comme le Canada a maintenant officiellement adhéré au Traité sur le commerce des armes des Nations unies, qui a placé le respect des droits de la personne au cœur de notre régime de contrôle des exportations, pouvez-vous dire au Comité quelles sont les positions de votre organisation par rapport au Canada alors que nous sommes maintenant officiellement parties au Traité?
    Oui, bien sûr. Nous n'avons absolument rien contre l'adhésion au Traité sur le commerce des armes des Nations unies. Je vais me faire l'écho de mes observations de 2017 en disant que sous ce régime, notamment pour ce qui est des exportations vers la Turquie, on a vu un cas de détournement et des licences ont été annulés, ce qui signifie que le régime fonctionne.
    Le problème, c'est qu'à l'époque, personne ne s'attendait à ce que le système de licences à l'exportation dans son ensemble ralentisse ou soit touché par le traité des Nations unies. Ce que nous voyons n'est pas nécessairement lié au Traité, mais à des critères supplémentaires, des critères potentiellement politiques, qui s'ajoutent au Traité sur le commerce des armes. Ces nouveaux critères dans le système manquent de clarté, de transparence et de prévisibilité. Comme je l'ai dit, je ne crois pas que c'est directement lié à notre adhésion au Traité sur le commerce des armes des Nations unies. Je crois que nous observons un problème systémique dans le processus de délivrance de licences d'exportation.
    Bien, je comprends.
    Je reviens à la même comparution en 2017, où vous avez également dit:
Le projet de loi C-47 a récemment été amendé pour inclure les critères utilisés pour la délivrance de licences d’exportation dans la mesure législative au lieu que cela se trouve dans les mesures réglementaires, comme c’était proposé au départ. Cela signifie que le Canada va au-delà de ce qui est requis dans le Traité sur le commerce des armes des Nations unies.
    Pouvez-vous expliquer ce que cela signifiait pour l'industrie lorsque le Canada a décidé d'aller au-delà de ce qu'exigeait le Traité? Comment l'industrie s'est-elle adaptée à cette loi depuis sa mise en œuvre?
    J'entends parler des délais, mais parlons des répercussions globales sur l'industrie lorsque nous tentons d'en faire plus que ce qui est attendu de nous parce que nous accordons la priorité au respect des droits de la personne.
    Ce que je dirais, c'est que le Canada a surpassé les attentes en inscrivant les critères dans la loi plutôt que dans un règlement. La nuance, c'est que la plupart des pays les inscriraient dans un règlement, ce qui leur accorderait une marge de manœuvre un peu plus grande au fil du temps dans leur façon de transformer ou de modifier, au besoin, leurs normes, surtout les termes juridiques et leur interprétation de l'application du Traité sur le commerce des armes des Nations unies.
    Cela dit, nous avons attendu un bon moment avant d'être en possession des documents — et je dirais que c'est grâce à ce comité — qui ont cristallisé les termes, les façons dont le gouvernement appliquera, par exemple, les notions de « risque sérieux » et de « mesures d'atténuation ». Ces critères doivent être définis et appliqués ensuite par chaque entité gouvernementale.
    Pendant la période de 2017 à 2021 — celle où nous nous trouvons —, les définitions relatives à ce que le gouvernement examinera en matière de « risque sérieux » étaient obscures pour nous. À mon avis, chaque fois qu'un problème de contrôle des exportations est soulevé, ces définitions semblent se préciser ou s'obscurcir, selon la situation au pays.

  (1620)  

    Je comprends.
    Bien, j'ai une dernière question. Allons-y.
    Y a-t-il des initiatives conjointes entre l'industrie et Affaires mondiales Canada pour s'attaquer à ces problèmes communs? Quelles avenues envisagez-vous pour résoudre les problèmes de licences d'exportation auxquels l'industrie fait face?
    Nous parlons des problèmes, mais avons-nous travaillé avec vous pour tenter de les régler?
    On a tenté à maintes reprises, tout d'abord sur le plan politique, de parler avec le ministre des Affaires étrangères, depuis 2017. Nous avons envoyé de nombreuses lettres pour demander des discussions. Ce n'est que récemment — c'est-à-dire au cours des trois dernières semaines — que nous avons eu une discussion à ce sujet avec le ministre des Affaires étrangères. Aucun ministre des Affaires étrangères n'a demandé au ministère de travailler activement avec l'industrie.
    Cela dit, nous communiquons régulièrement avec les gens du ministère à propos de ce dossier et nous avons tenté à maintes reprises d'avoir des groupes de travail avec eux pour obtenir des précisions sur les licences et sur les définitions connexes, et pour trouver des moyens d'accélérer la délivrance de licences pour des pays qui ne sont pas à risque.
    Comme, je crois, certains des autres témoins l'ont mentionné, nos difficultés ne sont pas nécessairement attribuables à un manque de volonté du ministère, mais à notre incapacité de discuter avec les politiciens responsables du dossier.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame Cianfarani.
    Je vous remercie, madame Saks. Votre temps de parole est écoulé.
    Nous passons au prochain tour de questions.
    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Bonjour, monsieur le président.
    J'ai eu des problèmes techniques au départ, alors j'ose espérer que la qualité du son est maintenant bonne. J'espère que mes collègues entendent très bien l'interprétation et que nos interprètes peuvent bien entendre ce que je dis.
    J'aimerais d'abord remercier nos témoins d'être avec nous cet après-midi. Je les remercie de leurs commentaires fort pertinents.
    Je pense que ce comité peut faire œuvre utile pour ce qui est d'améliorer le processus de délivrance des permis d'exportation d'armes. L'objectif n'est pas simplement d'exprimer des réserves sur l'utilisation pour le moins douteuse qu'a fait la Turquie de l'équipement qui lui a été vendu, mais bien de faire en sorte de proposer des avenues d'amélioration au gouvernement quant au processus.
    Vous me permettrez de saluer tout particulièrement M. Knutson. Je n'ai pas pris ombrage du fait qu'il n'a salué que Mme Fry. J'imagine qu'il ne savait pas que je prenais part à ce comité. Je garde un très bon souvenir d'une mission commerciale à laquelle lui et moi avons participé au Koweït et en Arabie saoudite.
    Je suis donc très heureux de vous retrouver aujourd'hui, monsieur Knutson. J'ai fait un retour en politique fédérale, comme vous pouvez le constater.

[Traduction]

    Même chose pour moi.
    Je suis désolé.
    Je vous en prie.

[Français]

    Vous ne pouviez pas le savoir. Je suis très heureux de vous revoir.
    Quoi qu'il en soit, vous avez souligné, probablement à juste titre, que la décision prise par le gouvernement canadien d'interrompre les exportations de toute une série d'équipements vers la Turquie a pu jeter un froid sur les relations entre la Turquie et le Canada. Je suis en mesure de comprendre et de concevoir cela.
    Toutefois, ne croyez-vous pas que la Turquie a également posé des gestes qui étaient de nature à jeter un froid entre les deux pays en répondant à un certain nombre de critères pour obtenir les instruments de télédétection qui lui ont été fournis, sans préciser que ces instruments de télédétection seraient utilisés à l'extérieur de ses frontières pour des conflits régionaux lui permettant d'accroître son influence en Libye, en Syrie et dans le Haut-Karabakh?
    Ne croyez-vous pas que la Turquie devrait, avant de lancer la pierre au Canada, se regarder dans le miroir?

  (1625)  

[Traduction]

    Merci, monsieur Bergeron, et bonjour.
    Oui, vous avez raison. Les membres du Conseil d'affaires Canada Turquie accepteraient l'affirmation du ministre selon laquelle il y avait des preuves crédibles que l'équipement en question n'était pas utilisé conformément aux garanties concernant les utilisations finales. Je suis convaincu — et nos membres le seraient également — qu'on est parvenu à cette décision après un examen sérieux des faits, donc tout à fait...
    Nous avons néanmoins des difficultés avec beaucoup de pays. Certains de ces pays se montrent difficiles et ne se conforment pas vraiment comme le voudrait le Canada, mais nous devons maintenir ces relations et continuer de progresser vers ce que nous pourrions appeler la « démocratisation libérale », le respect des droits de la personne et l'égalité entre les sexes.
    Je ne parle pas précisément de la Turquie, mais c'est un processus qui a cours depuis de nombreuses années. Le Canada travaille avec des pays qui ne font pas toujours ce que nous aimerions qu'ils fassent, ou ne disent pas toujours ce que nous aimerions qu'ils disent. Certains de ces pays sont des démocraties qui fonctionnent, tandis que d'autres, non.

[Français]

    Je comprends ce que vous me dites, et je suis parfaitement d'accord avec vous.
    Toutefois, ne croyez-vous pas que l'un des problèmes auxquels nous devons faire face, dans le cas particulier de la Turquie, c'est que, lorsque nous vendons des armes à n'importe quel pays du monde avec lequel nous ne sommes pas nécessairement alliés, le fardeau de la preuve sera plus élevé quant à l'utilisation qui sera faite de ces armes?
    Dans le cas de pays alliés, par exemple le Royaume-Uni, la Belgique, le Luxembourg et la Turquie, nous tenons pour acquis que l'équipement que nous vendons sera utilisé dans une perspective défensive, surtout lorsque, au moment où on remplit les critères permettant de se procurer cet équipement, on ne précise pas qu'on va l'utiliser à des fins offensives sur des théâtres d'opérations régionaux permettant d'accroître son influence politique sur le plan géostratégique.
    Je pense qu'elle est là, la différence entre la situation dans laquelle on se retrouve avec la Turquie et celle dans laquelle on se retrouve avec n'importe quel autre État qui n'est pas un allié du Canada.

[Traduction]

    Vous avez bien expliqué la situation. À propos des règles applicables en vertu du régime actuel d'exportation, les critères qui s'appliquent pour autoriser la vente d'armes à la Turquie ou l'expédition d'armes sont bien compris. On ne peut pas s'en servir pour maltraiter les droits de la personne ou pour favoriser la violence fondée sur le sexe ou le crime organisé. Il y a une liste de critères.
    Dans le cas de certains pays, il devient plus compliqué, pour une multitude de raisons, de déterminer s'il est sécuritaire [Difficultés techniques] d'expédier des armes. Comme je l'ai mentionné plus tôt, les pays changent au fil du temps.
    Quand j'ai été élu pour la première fois au Parlement en 1994, nous vendions des réacteurs nucléaires à la Chine. Nous lui vendions la technologie CANDU, et la situation qui [Difficultés techniques] la Chine était en tête de la liste des « amitiés à nouer » — ce n'est plus le cas aujourd'hui. Les pays changent, les situations changent et le contexte change, ce qui fait en sorte qu'il est extrêmement difficile pour Affaires mondiales Canada de savoir quand délivrer une licence ou ne pas en...

  (1630)  

    Monsieur Knutson, je m'excuse, mais nous devons nous arrêter ici.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Les six dernières minutes sont à la disposition de M. Harris.
    Merci, monsieur le président.
    Merci aux trois témoins.
    Monsieur Knutson, vous représentez évidemment votre organisation, non seulement des entreprises militaires qui font affaire avec la Turquie, mais aussi des civils. Lorsque vous dites que la relation était difficile après la décision rendue en octobre 2019 par le gouvernement du Canada pour...
    Essentiellement, on a dit que toutes les nouvelles licences seraient annulées, mais pas celles délivrées avant. Par conséquent, toutes les livraisons déjà autorisées allaient se poursuivre, et même les remplacements de pièces qui devaient être retournées au Canada. Je pense évidemment aux capteurs Wescam, comme c'est le sujet de notre discussion.
    Cependant, quelques mois plus tard, le 3 mars 2020, votre organisation a écrit à François-Philippe Champagne, qui était alors ministre, pour lui dire que la politique n'était pas assez transparente et qu'elle nuisait à des contrats de vente de centaines de millions de dollars. Pouvez-vous dire en quoi la transparence faisait défaut? Pour justifier la décision, on a cité les activités militaires dans le Nord de la Syrie. La raison de l'annulation temporaire des nouvelles licences pour les groupes de contrôle était très claire — les licences déjà accordées demeuraient en place. À quel égard pensiez-vous que la décision manquait de transparence?
    C'est une bonne question, monsieur Harris.
    En général, lorsque j'utilise les termes « le système manque de transparence », je veux dire que l'on ne nous fournit pas suffisamment de détails. Refuser une licence dans une réponse d'une phrase ou deux ne rend pas justice à la complexité de la décision ou aux détails qui la motivent. Les entreprises reçoivent souvent une décision négative du ministère, qui tient en un paragraphe. Vous pouvez vous dire qu'on a motivé la décision en un paragraphe, mais il ne contient pas suffisamment de détails. Il n'explique pas assez le contexte, les circonstances ou les préoccupations.
    Par exemple, nous discutons souvent avec des fonctionnaires du ministère, qui nous disent que leurs consultations suscitent des préoccupations. Ils ne nous disent pas en quoi elles consistent. Ils ne diront pas à l'entreprise s'il existe un moyen de les apaiser. Donc, même si vous examinez la lettre — et de façon légitime, vous analyseriez une lettre phrase par phrase en vous disant que vous avez votre réponse, qu'on vous explique pourquoi les licences ont été refusées, retardées, suspendues ou annulées —, je dirais qu'elle ne contient pas assez de détails pour assurer une véritable transparence.
    Bien entendu, les personnes qui s'occupent d'armement et de systèmes savent pertinemment que les décisions prises par les pays en matière d'exportation sont liées aux relations avec les autres pays. Les personnes qui traitent avec le groupe Wescam sont bien conscientes de ce qui se passe en Turquie. Elles savent très bien où va l'équipement, sur quoi il est installé et où se déroulent les activités militaires de ce pays. Ce n'est donc pas comme si elles étaient dans le noir. Elles ne sont pas naïves quant à l'objectif pour lequel elles vendent cet équipement. Pourquoi seraient-elles surprises? Quel détail auriez-vous besoin de connaître, si ce n'est le fait qu'un gouvernement a pris une décision fondée sur des considérations politiques, internationales ou autres? Cela va de soi, pour ainsi dire, lorsqu'il s'agit de ce type d'équipement, n'est-ce pas?

  (1635)  

    Non, je pense que vos commentaires sont justes. Je voudrais faire deux remarques.
    Certes, dans le conflit entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie, les circonstances étaient claires. Mais d'un point de vue canadien, il était impossible d'anticiper ce conflit, à moins d'avoir de formidables espions. Les pays ne déclarent pas publiquement leur intention d'entrer en guerre à un moment donné. Cependant, pour en revenir à ce que vous disiez, après coup, dans ce cas précis, on a fourni publiquement les motifs détaillés pour lesquels ces 25 licences devaient être annulées. Vous avez donc raison.
    Je vais maintenant m'adresser à notre témoin, Mme Cianfarani, de l'Association des industries canadiennes de défense et de sécurité.
    Madame Cianfarani, je suppose que votre organisation n'a pas attendu mars pour écrire à ce sujet, du moins en ce qui concerne votre activité avec les Affaires mondiales. Des représentants de votre organisation ou vous-même avez tenu une série de réunions à partir de décembre 2019 avec les conseillères stratégiques en matière de commerce international, Nadia Mohamed et Marta Morgan, le 20 décembre 2019 plus précisément. Une autre réunion a eu lieu le 21 février avec Paul Halucha, secrétaire adjoint du Cabinet au Bureau du Conseil privé et au Commerce international. Une autre réunion...
    Monsieur Harris, je suis désolé de vous interrompre, mais vous avez dépassé le temps qui vous était alloué.
    Vous avez le temps de poser une question très brève si vous le souhaitez, puis nous aurons peut-être le temps de faire un suivi.
    Je vais le faire.
    Je me demande simplement si cette série de réunions portait sur la question de la technologie des drones pour Baykar de Wescam. En a-t-il été question à ces occasions? Quel était l'objectif de ces réunions?
    Non. Comme je l'ai mentionné au début de mes remarques, nous ne défendons pas les intérêts des entreprises individuelles.
    Les conversations que nous avons tenues pendant cette période portaient sur le système en général. De septembre 2019 à décembre 2019, la ministre des Affaires étrangères de l'époque, ministre Freeland, n'a ni hâté ni approuvé l'octroi de licences pendant cette période, ce qui a entraîné un arriéré de près de trois mois dans le système. Dans la file d'attente se trouvaient des centaines de licences pour l'industrie en général, pour lesquels il n'y avait aucune transparence. Ce sont les réunions qui ont eu lieu.
    On va devoir en rester là. Je m'excuse.
    Merci, monsieur Harris.
    Chers collègues, nous arrivons à la fin de la première série. Nous avons perdu beaucoup de temps parce que nous avons dû voter. Nous avons également un deuxième groupe, mais de seulement deux témoins. Si le Comité est d'accord, il serait peut-être intéressant de poser de brèves questions complémentaires au présent groupe. Si nous voulions répartir le temps également et donner à chaque parti la possibilité de poser une question pendant deux minutes, nous aurions encore le temps d'entamer une discussion de fond avec notre deuxième groupe de témoins au cours de la seconde heure, qui est pratiquement arrivée.
    Cette suggestion convient-elle au Comité? Nous disposons d'une marge de manœuvre pour prolonger la séance au-delà de 17 h 30 si nécessaire, mais nous devrions être en mesure de permettre à chaque parti de poser une brève question complémentaire, s'il le souhaite, puis de tenir une discussion approfondie avec notre deuxième groupe de témoins.
    Si c'est le cas, je demanderais à M. Genuis de poser la première question complémentaire.
    Merci, monsieur le président.
    Certains de ces témoignages me choquent vraiment.
    Monsieur Knutson, vous avez en quelque sorte laissé entendre que personne n'aurait pu prévoir une guerre entre l'Arménie et l'Azerbaïdjan dans laquelle le gouvernement turc soutiendrait la partie azérie. Où étiez-vous ces 10 dernières années?
    La question que je veux vous poser concerne votre commentaire selon lequel vos membres soutiennent les valeurs canadiennes alors que, parallèlement, vous avez fait office de lobbyiste enregistré pour le gouvernement turc. C'est un élément que vous n'avez pas révélé, je crois, dans vos remarques liminaires. Lorsque vous étiez parlementaire, vous étiez du petit nombre de députés qui ont voté contre la reconnaissance du génocide arménien. À l'époque, vous avez prononcé un discours dans lequel vous l'avez qualifié à plusieurs reprises de calamité, comme s'il s'agissait d'une catastrophe naturelle. Après avoir quitté la politique, vous avez été engagé par un groupe tiers pour faire pression contre la reconnaissance du génocide, c'est-à-dire pour faire pression pour que le Canada revienne sur la reconnaissance du génocide arménien.
    Il est clair pour moi que l'État turc considère que la négation du génocide arménien est conforme à ses intérêts, mais en quoi la négation du génocide est-elle conforme aux droits de la personne et aux valeurs canadiennes? Avez-vous revu votre position sur le génocide arménien? La négation continue par l'État turc du génocide passé ne devrait-elle pas susciter une crainte légitime que l'État ne réagisse pas de manière appropriée aux violations des droits de la personne dans le présent?

  (1640)  

    Merci beaucoup.
    Je ne suis pas sûr que le temps permette une discussion complète et appropriée pour déterminer si les faits survenus pendant l'effondrement de l'Empire ottoman peuvent être qualifiés de génocide.
    Je vous dirai clairement que ma position n'a pas changé parce que, pour déclarer qu'il s'agit d'un génocide, vous devez chercher l'intention et la trouver. Lorsqu'une activité franchit la ligne de démarcation entre les violations flagrantes des droits de la personne, les crimes contre l'humanité et toutes sortes d'activités épouvantables — ce qui s'est produit —, il faut être en mesure de voir ce qui se passe dans la tête des acteurs et se demander s'ils avaient l'intention de franchir la ligne qui mène au génocide. Je ne suis pas prêt à dire qu'ils sont...
    Êtes-vous prêt à dire la même chose de l'Holocauste ou de la situation des Ouïgours?
    Comment fait-on pour voir ce qui se passe dans la tête de quelqu'un, de toute façon?
    Soyez bref, je vous prie.
    Nous allons devoir nous arrêter là, monsieur Genuis.
    Non.
    Merci beaucoup.
    C'est maintenant au tour de M. Oliphant de poser une question complémentaire.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je voudrais commencer par remercier M. Knutson pour la charge publique qu'il a assumée. C'est un plaisir de vous revoir. Je vous en remercie.
    Je veux m'adresser à Mme Cianfarani, et peut-être à M. Mueller.
    Sans avoir de boule de cristal, le gouvernement prend des décisions sur les licences d'exportation au mieux de ses capacités, en fonction des faits dont il dispose. Nous discutons réellement d'un fait ponctuel en ce qui concerne les licences d'exportation qui ont été accordées à une entreprise pour vendre à la Turquie, qui ont ensuite été utilisées de manière inappropriée et suspendues. Elles ont été suspendues, puis annulées. Ces faits montrent que le système, dans l'ensemble, fonctionne — de manière imparfaite, certes, mais dans l'ensemble, il fonctionne.
    Lorsque nous parlons des retards dans le système, la notion de risque substantiel intervient. S'il n'y avait absolument aucun risque, ou soupçon de risque, ce système serait simple, mais il faut un certain effort pour déterminer un risque substantiel. Je pense que nous y travaillons avec l'industrie. Je sais que l'industrie a eu l'occasion de rencontrer le ministre Garneau. Je crois que vous savez qu'il a demandé aux fonctionnaires d'améliorer l'efficacité du système. Avez-vous des suggestions pour améliorer l'efficacité du système tout en conservant les droits de la personne au cœur de celui-ci et la notion de risque substantiel? C'est le genre de dilemme dans lequel nous nous trouvons.
    Je pense que s'il s'agissait simplement du fait que les licences nécessitent une consultation, nous comprendrions un peu mieux le dilemme auquel sont parfois confrontés le gouvernement et le ministère même, mais nous ne parlons pas ici simplement des licences qui sont à risque et qui nécessitent une consultation. Plus de 50 % des licences entrent dans cette catégorie. Nous parlons des licences pour les pays ouverts — par exemple, un allié comme l'Australie — que ceux-ci recevaient normalement dans les 10 jours et dont la délivrance prend maintenant jusqu'à quatre fois plus de temps. C'est vraiment l'essentiel du problème pour nous, à savoir que même les pays ouverts ont été paralysés, je dirais, par ce qui se passe avec ce système en général — abstraction faite du risque substantiel.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Oliphant.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous pouvez poser une brève question.
    Je serai bref.
    Mme Cianfarani a mentionné dans son allocution que les décisions sont difficiles à appliquer parce que les détails ne sont pas fournis, M. Mueller a fait état d'un manque de clarté en matière de communication, et M. Knutson a déploré le manque de transparence.
    Madame Cianfarani, pourriez-vous nous dire très brièvement ce que vous aimeriez voir mettre en place pour que l'industrie puisse jouer un rôle positif dans le processus?

[Traduction]

    Il devrait presque y avoir une conversation constante entre les responsables politiques, d'abord et avant tout, lorsque quelque chose entre dans une zone sensible, et ceux de l'industrie, pour les informer à l'avance du risque accru que leur licence finisse par ne pas être accordée, pour ainsi dire. Ce serait la première chose à faire, selon moi.
    Ensuite, il y a un dialogue constant entre l'industrie et le ministère pour savoir où en est la licence dans le processus d'octroi, afin que nous puissions répondre à nos clients qu'elles seront délivrées dans les 10, 15 ou 20 jours. Il n'y a absolument aucun moyen à l'heure actuelle de dire à un autre État-nation qu'il recevra ses marchandises ou ses produits à temps.
    Ce sont deux choses que je dirais. C'est un peu ce à quoi le processus devrait ressembler.

  (1645)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Bergeron.

[Traduction]

    Enfin, la parole est à M. Harris pour poser une brève question complémentaire.
    Merci, monsieur le président.
    Le 9 avril 2020, les ministres de l'époque, M. Champagne et M. Morneau, ont annoncé la création d'un groupe consultatif d'experts indépendant chargé d'examiner les pratiques exemplaires en matière d'exportation d'armes afin de s'assurer que les contrôles du Canada en vertu du Traité sur le commerce des armes étaient « aussi rigoureux que possible ». Ils semblent aimer ce mot « rigoureux ». Ma question est la suivante. On nous dit que ce groupe d'experts était censé être chargé d'évaluer les licences. L'un d'entre vous, M. Mueller ou Mme Cianfarani, a-t-il été consulté sur la création de ce groupe? Y êtes-vous favorables ou non et pourquoi?
    Je peux répondre en premier.
    Nous n'avons pas été consultés à propos d'un groupe d'experts. Nous ne savons pas vraiment, car on ne nous a pas expliqué en détail quel serait le rôle d'un tel organe ou groupe dans ce contexte. Si un groupe d'experts est simplement chargé d'évaluer la vigueur ou la rigueur de notre système d'octroi de licences, alors nous sommes d'accord. S'il est mis en place pour donner des conseils sur des licences particulières, nous nous y opposerions fermement, compte tenu de la lenteur qui caractérise déjà le système.
    De plus, si je comprends bien, même les personnes qui sont en faveur du groupe et qui vous ont fait des commentaires ont reconnu qu'il n'existe aucun groupe de ce type dans d'autres pays sur lequel on pourrait se fonder. Cela nous montre que les biens et services de cette nature sont des instruments de politique étrangère qui relèvent de la compétence des gouvernements mêmes. Le gouvernement ne peut pas transférer sa responsabilité légale d'approbation des licences à un organisme externe.
    Il nous reste très peu de temps.
    Monsieur Mueller, voulez-vous prendre 15 ou 20 secondes pour faire un commentaire avant que nous ne passions à notre prochain groupe de témoins?
    Pour ajouter à ces propos, je dirais qu'il est incroyablement important que l'industrie et le gouvernement se réunissent pour définir ce processus. Je le répète, nous devons tenir compte de la clarté, de l'échéancier et de la transparence de ce processus global.
    Je dois dire qu'il est très agréable de traiter avec les fonctionnaires des Affaires mondiales lorsque nous avons ces problèmes, mais que, dans l'ensemble, nous avons besoin de ce processus, car les affaires en souffrent.
    Comme nous l'avons déjà mentionné, notre avantage concurrentiel réside dans les travailleurs que nous avons, et ce sont eux que nous devons vraiment protéger.
    Merci beaucoup.
    Chers collègues, en notre nom collectif, j'aimerais remercier nos témoins du premier groupe pour leur témoignage cet après-midi.
    Madame la greffière, nous allons suspendre brièvement la séance pour leur permettre de partir et pour vérifier le son de nos témoins du deuxième groupe, puis nous reprendrons la séance.
    Merci beaucoup de vous être joints à nous.

  (1645)  


  (1645)  

[Français]

     Chers collègues, nous reprenons la 32e réunion du Comité.
    À titre informatif, j'invite tous les participants qui se joignent à nous à mettre leur microphone en mode sourdine lorsqu'ils ne parlent pas. Quand il restera 30 secondes au temps de parole alloué, je vous ferai signe avec un bout de papier. Le service d'interprétation est offert, comme c'est toujours le cas. Vous pouvez y accéder au moyen de l'icône en forme de globe qui est située au bas de votre écran.

  (1650)  

[Traduction]

    Je tiens maintenant à souhaiter la bienvenue à nos témoins du second groupe. Nous accueillons Mark Agnew, vice-président, Politique et international, à la Chambre de commerce du Canada. Nous recevons aussi Yan Cimon, professeur titulaire de stratégie, à l'Université Laval.
    Monsieur Agnew, je vous demanderais de prononcer vos remarques liminaires en premier, pour cinq minutes.
    Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de m'avoir invité à témoigner devant vous aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur l'octroi de licences d'exportation.
    Comme vous le voyez dans les chambres de commerce de vos collectivités, nos membres font partie de divers secteurs, et représentent des petites et moyennes entreprises, ainsi que de grandes sociétés.
    J'aimerais remercier les membres du Comité de réaliser cette étude et d'examiner les enjeux associés au système d'octroi des licences d'exportation. Bien que le système soit assez complexe et que le sujet soit difficile, il est important que les parlementaires connaissent le point de vue d'un large éventail d'intervenants.
    Les licences d'exportation associées à certains marchés ont fait l'objet d'une couverture médiatique au cours des dernières années. En effet, certaines régions géographiques présentent des défis associés à l'intersection des politiques étrangères ou aux considérations relatives aux droits commerciaux et aux droits de la personne, qui rendent la discussion difficile. Toutefois, mon discours préliminaire se centrera sur les licences d'exportation de macro-niveau, puisque je ne suis pas bien placé pour commenter les demandes de licences de certaines sociétés en particulier.
    Il est important de souligner que les licences sont utilisées dans un large éventail de secteurs et que les défis associés au système ne touchent pas uniquement les sociétés qui exportent des plateformes de système pour les armes offensives.
    Comme vous l'ont dit les représentants d'Affaires mondiales Canada lors de leur témoignage devant le Comité, l'industrie et le ministère ont convenu qu'il fallait améliorer le traitement des licences d'exportation de façon générale.
    Je tiens à reconnaître officiellement les efforts des représentants ministériels en vue de comprendre les préoccupations des intervenants de l'industrie. Nous accueillons aussi favorablement l'augmentation prévue dans le budget de 2021 pour le financement du travail d'Affaires mondiales Canada en matière de contrôle du commerce qui vise notamment le système d'octroi des licences d'exportation. Il faut toutefois améliorer le système et j'aimerais aborder certains sujets qui, je l'espère, seront pris en compte par le Comité lorsqu'il préparera ses recommandations.
    Premièrement, il faut accroître l'échange de renseignements dans le cadre du processus de demande de licences d'exportation. Les sociétés investissent des sommes importantes d'argent et des années de développement dans le but de passer des marchés à l'étranger. La licence d'exportation représente habituellement la dernière étape du processus, après la signature du contrat, lorsque les produits ou les services sont prêts à être livrés. Une communication plus tôt dans le processus au sujet d'un pays d'exportation et de destination en particulier serait très utile et permettrait aux entreprises de se centrer sur les contrats les plus susceptibles d'obtenir l'appui du gouvernement. De plus, des lignes directrices aideraient les sociétés à évaluer les soumissions possibles. Elles pourraient non seulement comprendre comment les règles sont appliquées dans chaque pays, mais aussi de comprendre comment les critères d'évaluation sont appliqués dans le cadre du processus d'évaluation, et ainsi savoir quelles sont les considérations qu'elles doivent aborder de manière proactive.
    L'industrie reconnaît que la publication de lignes directrices écrites entraîne des conséquences plus vastes en matière de politiques étrangères. Nous croyons toutefois qu'il est important d'atteindre un équilibre entre la gestion des relations bilatérales, la prédictibilité pour les entreprises et le besoin du gouvernement de s'adapter aux conditions changeantes.
    Deuxièmement, il est essentiel que le message des représentants du gouvernement à l'égard des entreprises soit uniforme. Les entreprises qui ne connaissent pas bien le fonctionnement du gouvernement peuvent ne pas bien comprendre la division des responsabilités au sein d'un ministère ou entre les divers ministères. Il est particulièrement difficile de faire la différence entre les organes du gouvernement qui réglementent les licences d'exportation et ceux qui ont le mandat de promouvoir l'industrie et les exportations.
    Bien que les sociétés reconnaissent que la rigueur qui doit être exercée dans le cadre de l'octroi des licences d'exportation exige l'indépendance en matière de décision fondée sur les données probantes, elles se sentent coincées entre les diverses entités du gouvernement lorsqu'il ne répond pas à leurs attentes. Ainsi, un message plus uniforme de la part du gouvernement aiderait les entreprises à gérer leurs attentes.
    Troisièmement, nous croyons qu'il est avantageux d'établir un système de triage explicite et des normes de services accélérées pour les licences existantes. Étant donné la durée des contrats, les sociétés doivent parfois présenter une nouvelle demande associée à une licence d'exportation. Bien que le contexte de la demande puisse changer dans certaines circonstances, il peut aussi être le même. La mise en place d'un système de triage et de normes de services accélérées pour le renouvellement des licences sans changement de contexte aiderait les entreprises et permettrait aux ressources ministérielles de se centrer sur les demandes les plus complexes.
    Quatrièmement — et en dernier lieu —, au risque d'énoncer l'évidence, il faut adopter une approche pangouvernementale qui affecte les ressources nécessaires aux ministères pertinents en vue de permettre l'atteinte des normes de services. C'est particulièrement important en raison des changements associés au Traité sur le commerce des armes et de la nouvelle nature des approches interministérielles.
    Il est essentiel d'aborder ces sujets si nous voulons que le Canada soit considéré à titre de partenaire d'affaires fiable. Il faut non seulement appuyer les sociétés canadiennes qui agissent à titre d'entrepreneurs principaux, mais aussi celles qui participent à la chaîne d'approvisionnement des fabricants d'équipement d'origine, comme ceux qui se trouvent aux États-Unis et qui ont besoin d'intrants fiables, en raison de la profonde intégration de la chaîne d'approvisionnement.
    Pour terminer, je tiens à souligner que nous ne travaillons pas dans un monde où le risque est inexistant. C'est particulièrement vrai pour les produits visés par les licences d'exportation. J'espère que vous comprendrez que le système doit être réglementé de manière réfléchie, et qu'il faut appuyer les objectifs en matière de politiques étrangères et de droits de la personne pour ce faire, en plus de reconnaître le rôle important des exportateurs au sein de l'économie.
    Je vous remercie de m'avoir écouté. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

  (1655)  

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Agnew.
    Monsieur Cimon, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Monsieur le président, messieurs les vice-présidents, chers membres du Comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à comparaître devant vous aujourd'hui.
    La question de l'octroi des permis d'exportation est très importante non seulement pour l'industrie, mais aussi pour le Canada dans son ensemble. Il faut souligner, comme l'a fait mon prédécesseur, les travaux très importants qui ont été faits à la fois par l'industrie et le gouvernement sur ces questions jusqu'ici, parce qu'elles sont d'une complexité assez importante.
    Au cours des deux dernières décennies, j'ai eu la chance d'effectuer des recherches et des interventions sur cette industrie qui touche notre pays de façon stratégique.
    Mes propos se concentreront surtout sur la dimension industrielle. Je vous propose trois éléments de réflexion.
    Premièrement, on a besoin de prendre en considération la suspension temporaire des exportations de matériel contrôlé, parce qu'on a besoin de mécanismes robustes de contrôle qui touchent l'utilisation, la réexportation et la propriété intellectuelle des marchandises militaires.
    Deuxièmement, il est important de mettre en place un cadre prévisible et efficient d'examen qui touche les exportations de marchandises militaires à l'étranger, qui inclura des mécanismes de mutualisation et de partage de risques avec l'industrie.
    Troisièmement, il faut promouvoir une approche systémique avec les alliés et les partenaires du Canada pour mettre en place des mécanismes qui permettent d'encadrer les manquements possibles de la part de destinataires de marchandises militaires.
    Pourquoi est-ce que j'en arrive à ces trois éléments?
    Lorsque vous regardez la concurrence mondiale dans l'industrie de la défense, vous voyez qu'il y a énormément de nationalisme, de politiques industrielles qui sont très favorables aux intérêts nationaux. Vous voyez également l'émergence d'énormément de joueurs, notamment l'Inde et la Chine, mais aussi la Russie, qui est encore très importante. De plus, la Turquie est devenue un exportateur important au cours de ces dernières années et a donc changé sa géostratégie en matière d'industrie de la défense. Les capacités nationales de ces entreprises des pays émergents exportateurs de biens de défense augmentent beaucoup.
    Cela étant dit, les chaînes d'approvisionnement en matériel de défense sont de plus en plus mondiales, que ce soit au chapitre des intrants, des sous-systèmes ou des systèmes — une couche assez mondialisée —, mais aussi au chapitre des plateformes plus complexes où l'on voit une mondialisation croissante. Par ailleurs, il y a une tendance à surveiller: le recours à des intrants et à des produits finaux de type COTS, c'est-à-dire des produits qui sont disponibles sur le marché.
    Au Canada, notre industrie de défense exporte massivement ce qu'elle produit, c'est-à-dire qu'environ 60 % des ventes de l'industrie sont destinées à l'exportation, et même la politique de défense du Canada reconnaît l'importance de promouvoir la coopération au chapitre du matériel de défense et des possibilités d'exportation pour cette industrie, tout cela parce que notre marché national n'est pas suffisant pour soutenir cette industrie.
    Il importe donc que cette industrie de défense se positionne dans les chaînes de valeur mondiales pour permettre au Canada de maintenir un ensemble de capacités industrielles stratégiques et lui permettre de continuer à jouer un rôle de premier plan dans la définition des plateformes de l'avenir et des technologies qui les sous-tendent.
    C'est une question de prospérité pour l'industrie, parce que le Canada se positionne comme un fournisseur de premier plan en matière de produits, de services et de technologies létales et non létales dans des produits de défense. Cette industrie a ceci de particulier lorsqu'on la compare à d'autres, c'est qu'elle offre une très forte valeur ajoutée à l'économie canadienne et fournit des emplois à très forte technicité.
    Dans le cas de la Turquie et de ce qui nous occupe, nous savons tous que la Turquie est un pays qui est sophistiqué et qu'il est un allié de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, ou OTAN. Il est aussi un exportateur de plateformes comme des drones, notamment le drone Bayraktar aussi vendu à l'Ukraine. Vous avez des systèmes de senseurs d'imagerie électro-optique qui sont en cause ici, qui sont une part importante de la valeur ajoutée de ce type de plateforme, mais vous avez aussi un marché pour le type d'appareils et le type de plateformes qui est mondial, qui a une composante civile importante — donc à considérer — et qui a une valeur stratégique certaine.
    Si la Turquie a mentionné ne plus avoir besoin d'équipement canadien très récemment, ce n'est pas nécessairement le cas. On sait que les technologies locales ne sont pas encore assez sophistiquées pour le type d'usage que ce pays veut faire de cette plateforme.
    Par ailleurs, le fait de se poser la question des effets de la suspension actuelle des exportations en cours est très important. En effet, le fait de suspendre les licences d'exportation ne permettra pas à d'autres fournisseurs de se présenter pour satisfaire le besoin auquel le Canada ne répond plus.
    Cela nous amène donc à certaines considérations pour l'industrie canadienne de défense et l'industrie aérospatiale. Les restrictions à l'exportation quant à ce type d'industrie, si ce n'est pas fait avec prudence, peuvent avoir pour conséquence d'augmenter le coût lié au fait de faire des affaires et de nuire à la compétitivité du secteur. Cela peut aussi entraîner des manoeuvres de diversion quant aux chaînes d'approvisionnement, c'est-à-dire la substitution d'intrants canadiens au profit de concurrents étrangers.

  (1700)  

     Cela peut permettre l'accélération de la réplication de technologies par des concurrents étrangers, qu'ils soient amis ou non. D'autres sources affirment, en examinant le cas des États-Unis, par exemple, que des restrictions à l'exportation qui visent à renforcer la sécurité nationale peuvent parfois avoir un effet négatif sur la sécurité nationale et sur la compétitivité.
    On voit des États contourner de plus en plus les permis et les restrictions à l'exportation de biens à double usage en passant par des voies civiles dans des cas où des technologies similaires sont déjà existantes. On exporte ainsi des biens à haute technicité à double usage vers des pays en utilisant d'autres mécanismes. Des pays, comme l'Inde, ont déjà utilisé ce mécanisme dans le cadre de leur programme spatial. On voit donc se produire des substitutions d'intrants dans les chaînes d'approvisionnement de l'industrie à cause de ce problème.
    En conclusion, je dirai que, pour assurer sa sécurité, le Canada doit quand même maintenir une base industrielle forte qui possède les capacités et qui lui permet de soutenir ses intérêts. Le corolaire, c'est que le secteur de la défense doit continuer de développer ses exportations ou d'augmenter rapidement et substantiellement les ressources qui sont destinées à ce secteur pour préserver son avantage technologique. En effet, le risque de ne rien faire, c'est le risque de perdre des parts de marché. C'est aussi le risque de maintenir l'assise technologique de pointe dont le Canada bénéficie en ce moment.
    Il existe des solutions pour que le Canada puisse s'assurer que les destinataires des exportations adoptent un comportement conforme à la lettre, mais aussi à l'esprit des ententes en la matière, tout en s'assurant que les valeurs des Canadiens sont respectées. Cet élément est très important.
    Il y a plusieurs pistes de solution. Sur le plan industriel, par exemple, on peut assurer une veille, voire un contrôle, plus efficiente sur les éléments critiques de la chaîne de valeur, à la fois sur les maillons technologiques, pour assurer que nos entreprises deviennent indispensables dans le modèle d'affaires des utilisateurs. On aura ainsi plus de prise sur le comportement des utilisateurs finaux.
    Le développement de modèles d'affaires axés sur les services et le matériel permet aussi de se rendre indispensable et de réduire la possibilité d'imiter l'expertise canadienne. De même, cela empêche que l'expertise canadienne soit copiée dans ces chaînes.
    Par ailleurs, sur le plan gouvernemental, il est important, bien évidemment, de prendre des mesures systémiques de concert avec les alliés, parce que des mesures unilatérales visant l'arrêt d'exportations pour une plateforme n'empêchent pas nécessairement l'utilisation de cette plateforme. Effectivement, il existe maintenant plusieurs types de fournisseurs dans le monde à l'heure actuelle, notamment pour des modules électro-optiques.
    Par ailleurs...
    Je suis désolé, monsieur Cimon, mais je dois vous interrompre. Nous n'avons pas beaucoup de temps. Si cela vous convient, nous allons maintenant permettre aux membres du Comité de vous poser des questions.
    Vous pourrez compléter vos commentaires en répondant à leurs questions.

[Traduction]

    Nous passons à notre première série de questions de six minutes. M. Diotte est notre premier intervenant. Allez-y.
    Je remercie les deux témoins de leur présence. C'est un sujet intéressant, bien sûr, et j'aimerais commencer par une question assez vaste, qui est peut-être évidente pour les experts.
    Pourriez-vous nous expliquer, en termes simples, l'importance de l'industrie de la défense du Canada, surtout pour certaines régions du pays? J'aimerais savoir si elle est importante dans ma province, l'Alberta. Pouvez-vous quantifier son importance?
    M. Agnew pourrait répondre en premier et M. Cimon pourrait nous donner son avis également.
    Je n'ai pas les chiffres ventilés par région. Les chiffres qui ont été évoqués lors de la première partie de la réunion correspondent aux nôtres: ce sont un peu plus de 60 000 personnes qui travaillent dans l'industrie de la défense et de la sécurité, et plus de la moitié des produits sont exportés.
    Il est difficile d'établir une mesure associée aux licences d'exportation, parce qu'elles s'appliquent à bien d'autres domaines que ceux visés par la définition restreinte de la défense et de la sécurité. Par exemple, plusieurs systèmes de TI sont visés par la définition d'un bien contrôlé. Il est assez difficile de vous donner un chiffre exact, mais nous pourrions tenter de le faire. Je pourrais transmettre une réponse à la greffière.
    Bien sûr.
    Allez-y, monsieur Cimon.

[Français]

    J'irai dans le même sens que les propos de M. Agnew. Il y a effectivement une répartition géographique canadienne, mais pas nécessairement sur le plan des exportations. Elle se fait plutôt sur celui des secteurs.
    Dans l'Est du pays, y compris au Québec et en Ontario, on retrouve des joueurs canadiens très forts, notamment dans le secteur des modules électro-optiques et infrarouges ainsi que dans le domaine de la conception de logiciels, de systèmes et de sous-systèmes. Beaucoup d'activités d'entretien, de réparation et de révision se font à la fois dans l'Est et dans l'Ouest du pays. En Ontario, on fabrique des véhicules de combat. Il ne faut pas oublier les autres activités militaires qui se font des deux côtés de la frontière.
    Beaucoup d'entreprises du secteur de la défense exercent des activités ou vendent des produits et des services qui peuvent être considérés comme étant à double usage et qui, comme le mentionnait M. Agnew dans le cas des systèmes de technologie de l'information, peuvent être régis par des permis et être soumis à des exigences très fortes en matière d'exportation.

  (1705)  

[Traduction]

    Merci.
    Comme nous l'avons entendu, le respect des échéances relatives à l'octroi des licences d'exportation par le gouvernement a connu une baisse au cours des dernières années. Selon un article récent du Globe and Mail, le respect des échéances est passé de 94 % en 2017 à 72 % en 2019.
    Premièrement, quelle est l'incidence de cette baisse sur les sociétés canadiennes?
    Monsieur Agnew, voulez-vous répondre en premier?
    Comme la licence d'exportation représente la dernière étape du processus, cela signifie qu'en règle générale, la société a déjà passé un marché avec l'acheteur. Le contrat prévoit une échéance et un moment où les biens et services seront livrés. En termes simples, si la licence est octroyée en retard, alors la société ne pourra respecter ses échéances, puisqu'elles sont prévues au contrat à titre de normes de services. Ainsi, la société devra payer des pénalités et fera moins d'argent ou elle risquera de perdre le prochain contrat avec un fabricant d'équipement d'origine, par exemple, qui décidera d'aller vers un fournisseur plus susceptible de respecter les délais, puisque ce fabricant tente à son tour de vendre des produits à un autre acheteur.
    Monsieur Cimon, avez-vous quelque chose à ajouter?
    J'ajouterais que ces délais ont bel et bien une incidence sur la compétitivité des entreprises, pour les raisons évoquées par M. Agnew, mais j'ajouterais ceci: le respect des échéances a également une incidence importante sur le financement, sur le flux de trésorerie et sur la façon dont les produits sont échangés pour la vente. C'est peut-être aussi une question de viabilité pour les sociétés, puisqu'il faut garder en tête que 90 % de l'industrie est composé de petites entreprises.
    C'est très important à l'heure actuelle, alors que tout le monde connaît des difficultés en raison de la COVID et d'autres enjeux.
    L'article du Globe and Mail faisait état d'une baisse importante associée au respect des échéances.
    Avez-vous une idée des motifs d'une telle baisse? Y a-t-il eu un changement de mentalité? Un changement de ministre? Est-il arrivé quelque chose pour que d'un seul coup, les licences ne soient pas octroyées à temps? Les demandes ne sont tout simplement pas traitées aussi rapidement qu'avant.
    Je ne travaille pas au ministère, alors je ne peux pas parler en son nom.
    Notre impression, à titre d'observateurs externes, c'est que les événements de l'Arabie saoudite il y a plusieurs années ont eu une incidence sur le processus. On exerce une plus grande prudence, ce qui signifie un ralentissement du processus d'octroi des licences. À cela s'ajoute le Traité sur le commerce des armées, bien sûr, et l'incertitude quant à la façon de l'appliquer.
    Je dirais que ces deux facteurs ont eu une incidence sur le respect des échéances.
    Merci.
    Monsieur Cimon, voulez-vous ajouter quelque chose?
    J'ajouterais que l'acceptabilité sociale de l'industrie de la défense et des produits connexes a connu des hauts et des bas, ce qui peut avoir une incidence sur les échéances, en raison d'une mauvaise compréhension des systèmes que le Canada vend à l'étranger à des fins militaires et de défense.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Diotte.
    Monsieur Fry, vous disposez de six minutes. Allez-y.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à tous d'être avec nous et de nous aider à comprendre ce processus et cet enjeu très complexes.
    De nombreux membres de l'industrie nous ont dit souhaiter deux choses: la prédictibilité et la transparence. De plus, ils nous ont dit ne pas pouvoir entretenir de relation ou de conversation facilement avec Affaires mondiales Canada.
    Comment pouvons-nous améliorer la conversation avec AMC de façon raisonnable? Qu'est-ce qui pourrait accroître votre capacité à parler au ministère de ce qui vous préoccupe: de la prédictibilité et de la transparence?
    Allez-y, monsieur Agnew.

  (1710)  

    Je ferais deux suggestions. Premièrement, nous encouragerions les représentants du ministère à échanger avec les entreprises de façon informelle. On peut mettre en place suffisamment de mises en garde pour veiller à ce que personne ne soit lié par ce qu'il dit dans le cadre d'un appel téléphonique, par exemple. Je crois qu'on pourrait bien faire les choses afin que le ministère puisse donner son opinion ou procéder à un examen informel.
    Deuxièmement, je dirais qu'il faut des lignes directrices écrites. Je ne parle pas de dresser une liste des mauvais et des bons pays; la situation est plus compliquée que cela. Toutefois, puisque nous sommes en mesure de gérer les relations bilatérales avec les conseils aux voyageurs — EDC publie aussi des lignes directrices sur les risques associés à divers pays —, nous pourrions offrir un document écrit pour orienter les entreprises.
    J'ai une autre question. Vous avez parlé d'un système de triage.
    À quoi ressemblerait-il?
    Il faudrait régler de nombreux détails.
    En gros, si l'on mettait sur pied un système de triage, il se centrerait sur les entreprises qui renouvellent une licence existante, lorsque le contexte de la demande ne change pas. Nous espérons qu'un tel système serait associé à un service accéléré.
    Ce serait le seul critère pour les entreprises qui ont déjà établi un lien, qui font du bon travail, etc.
    Y a-t-il autre chose? Est-ce que le triage devrait viser d'autres critères?
    Ce serait le critère principal. D'autres seraient peut-être établis au fil du temps.
    Nous voulons être raisonnables. Si le contexte change, les circonstances associées au triage ne sont plus les mêmes. Nous voulons être justes et reconnaître qu'il y a plusieurs enjeux concurrents, pour lesquels nous devons trouver un équilibre, qu'il s'agisse des politiques étrangères, des droits de la personne ou des considérations d'ordre commercial.
    Tout le monde parle d'un équilibre dans la décision du gouvernement, du besoin pour l'industrie de fonctionner et des emplois qui sont créés. On revient aux notions de prédictibilité et de transparence.
    À votre avis, quelle est la responsabilité de l'industrie en matière de prédictibilité et de transparence? Les membres de l'industrie discutent avec d'autres pays de l'offre d'armes et de technologies de la défense.
    Est-ce qu'ils devraient aussi discuter avec le gouvernement, pour lui dire par exemple: « Nous travaillons dans ce pays depuis x ans. Il y a eu un changement de régime et nous commençons à penser qu'il n'est plus bon d'y faire des affaires, étant donné nos préoccupations relatives aux droits de la personne et aux valeurs du Canada en matière de contrôle des armes »?
    Est-ce que vous faites preuve de diligence à cet égard? Est-ce que les sociétés collaborent?
    Je crois que cette responsabilité ne revient pas uniquement au gouvernement.
    Les sociétés ont en place un système en matière de diligence raisonnable, dans une certaine mesure. Encore une fois, si les critères étaient plus précis, les sociétés auraient plus de facilité à cet égard. Par exemple, lorsqu'on parle d'un risque important en matière de violence fondée sur le sexe, que recherche le gouvernement dans le cadre de cette évaluation? Il faut que les entreprises le sachent pour veiller à ce que leurs demandes abordent tous les points de manière adéquate.
    C'est un exemple fondé sur les valeurs.
    Qu'en est-il des pays qui ont un régime étrange, imprévisible? Que serait-il arrivé si, au départ, l'industrie qui vendait des drônes à la Turquie avait su que le pays allait être impliqué dans le conflit du Haut-Karabakh? Est-ce qu'elle devrait se retirer si son produit est utilisé de façon contraire à l'éthique? Est-ce qu'elle devrait en parler? Est-ce qu'elle devrait dire au gouvernement que quelque chose ne va pas sur le terrain, par souci de transparence?
    On parle beaucoup de l'intervention et de la responsabilité du gouvernement. Est-ce que l'industrie est responsable de lever le drapeau rouge, surtout dans les pays qui ne croient pas à l'ordre international fondé sur des règles ou à la démocratie?
    De manière générale, j'encourage les gens à ne jamais faire l'autruche sur ces questions. Ce que cela signifie dans des circonstances précises varie, à mon avis.
    Quant à ce qui s'est passé en Turquie, je n'ai fait aucun commentaire sur l'approche de L3Harris Wescam là-bas.

  (1715)  

    Je ne vous demande pas d'être précis. Je veux seulement savoir si l'industrie a le devoir d'être transparente et responsable quant à un éventuel changement de gouvernement ou à une modification des relations avec le pays avec lequel elle fait affaire, et quant au risque perçu, selon elle, d'une utilisation des armes contraire à l'éthique.
    Je m'interroge à ce sujet.
    Oui, absolument.
    Les entreprises doivent être aussi transparentes et précises que possible dans leurs demandes et leurs communications avec les organismes gouvernementaux de réglementation.

[Français]

    J'ajouterais qu'il y a aussi des mécanismes prévus par les prêteurs et les banques qui financent ces entreprises. Ils ont des mécanismes de conformité assez rigoureux sur les questions d'exposition à un risque politique et à des détournements du produit.
    Une autre piste consiste à examiner ce qui se fait dans le secteur des assureurs, parce qu'ils ont des assurances visant les transactions effectuées dans cette industrie, assurances qui servent aussi d'outils. Vous avez toutefois raison, l'industrie a le devoir d'être plus transparente et plus responsable.
    Encore une fois, il faut séparer les actions de l'industrie de celles du gouvernement dans les cas de détournement de systèmes, surtout lorsque la vente a été conclue et qu'il n'y a aucune composante de service. C'est la raison pour laquelle, dans mon introduction, je préconisais des modèles où il y avait, dans le cadre de la vente, des éléments de propriété intellectuelle ou de service liés à l'utilisation du module ou de la plateforme afin de mieux en contrôler l'usage. En cas de problèmes, il est ainsi possible de retirer la mention de service.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Mon temps est écoulé, je crois.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, professeur Cimon.

[Traduction]

    Merci, madame Fry. Merci beaucoup.
    Merci beaucoup de votre réponse. C'est une réponse intéressante, et cela ne me dérangerait pas de voir certains des outils que vous proposez. Je vous remercie.
    Le président me fait comprendre du regard que j'ai largement dépassé le temps imparti.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci beaucoup, madame Fry.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour six minutes.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Je remercie nos témoins de leurs commentaires, qui sont des plus pertinents pour nos travaux.
    Professeur Cimon, diriez-vous qu'il y a une différence entre le fait de vendre des armes à des pays d'Asie, d'Afrique ou d'Amérique latine et celui de vendre des armes à des pays qui font partie du bloc occidental, c'est-à-dire les pays de l'OTAN, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et le Japon?
    Est-ce que vous voyez une différence entre ces catégories de pays pour ce qui est de la vente d'armes?
    Il y a déjà une différence dans les faits, c'est-à-dire que, les pays membres de l'OTAN sont généralement considérés à faible risque par notre gouvernement et ne sont donc pas nécessairement régis par le même cadre. Cependant, vous remarquerez que, dans la liste des pays à faible risque, la Turquie n'y figure pas. En fait, la Turquie a un statut faisant en sorte qu'elle n'est pas sur toutes les listes. Ajoutons à cela le fait que la Turquie et d'autres pays sont sur la liste d'Exportation et développement Canada, mais ils sont désignés comme des « pays à accès restreint », justement à cause de ces enjeux.
    Généralement, il est plus facile de vendre des systèmes à usage militaire ou à double usage à des pays qui font partie d'une alliance, comme l'OTAN, qui a déjà des mécanismes fonctionnant très bien, ou à des pays alliés comme ceux du Groupe des cinq, par exemple, avec lesquels nous avons d'excellentes relations.
    Le statut de la Turquie sur cette liste n'a-t-il pas changé assez récemment?
    Effectivement, vous avez raison de le souligner. Certains pays alliés ont des comportements qui ne sont pas nécessairement préconisés par l'alliance. Ces pays, comme la Turquie, ont subi des conséquences de la part d'alliés dans leurs relations commerciales. Pensons à ce qui s'est passé au Canada avec l'affaire des drones. Pensons aussi à l'acquisition, par la Turquie, du système de missiles S-700, qui lui a coûté une partie importante, voire la totalité de sa participation au programme d'avions d'attaque interarmées, ou JSF. Il y a donc des mécanismes qui permettent d'ajouter une sanction à des comportements qui ne sont pas au bénéfice de l'alliance.
    Je crois que le gouvernement du Canada aurait dû être alerté du fait que la Turquie utilisait des dispositifs de télédétection dans ses drones, sur des théâtres d'opérations extérieurs à ses frontières. Un rapport des Nations unies faisait d'ailleurs état de l'utilisation de ces drones en Libye.
    Si la Turquie avait clairement indiqué au Canada qu'elle avait l'intention de fournir des drones à l'Azerbaïdjan, croyez-vous que le Canada serait allé de l'avant avec une telle vente?

  (1720)  

    Tout dépend de l'utilisation qui en aurait été faite par l'Azerbaïdjan. Il faut souligner le problème lié à la réexportation ou au prêt de matériel militaire à de tierces parties, parce que cette discussion pourrait avoir lieu dans le cadre des relations de défense avec d'autres pays comme l'Ukraine. On sait que ce pays souhaite obtenir le système de drones en question, mais on ne sait pas officiellement si l'équipement électro-optique sera canadien.
    Vous avez soulevé un point intéressant, à savoir que les mesures unilatérales ne servent pas à grand-chose parce que, si l'on évacue un marché, d'autres pays vont souvent s'y introduire pour tenter d'occuper la place laissée vacante. Dans cette situation, j'imagine qu'il faut envisager des mécanismes de nature plus multilatérale.
    Pourrions-nous envisager la mise en place de mécanismes d'un tel ordre avec des pays de l'OTAN, par exemple?
    C'est tout à fait envisageable. La structure de l'OTAN est assez décentralisée, mais c'est une structure de comités, qui sont très interdisciplinaires et interagences, qui permet de mettre en place ce type de mécanisme.
    Ce type de mécanisme peut aussi être mis en place de façon volontaire par un groupe de pays qui souhaiteraient s'en doter pour s'assurer que les ventes de matériel militaire respectent les valeurs du pays qui vend ce matériel. Évidemment, nous ne sommes jamais certains de l'utilisation qui en sera faite, mais, dans un groupe de pays amis dont le comportement éthique a été démontré, nous pouvons avoir un degré de confiance relativement élevé, à savoir que le matériel ne sera pas utilisé de mauvaise façon ni réexporté vers des destinations douteuses.
    On peut être quasi assuré de cela pour un certain nombre de pays amis ayant un degré de responsabilité et d'éthique relativement élevé. Quant aux armes qu'on leur vend, peut-on s'attendre à un même degré de responsabilité et d'éthique lorsque vient le temps de vendre des armes?
    Pensons à des pays comme la Suisse ou l'Allemagne, qui ont un processus de vérification non seulement en amont, mais également en aval lorsque des armes sont vendues. On constate que ce n'est pas le cas pour la plupart des pays occidentaux. Il n'y a pas vraiment de mécanismes, ni en amont ni en aval, de vérification des armes.
    Peut-on s'attendre à ce que tous les pays, au sein d'une alliance comme l'OTAN, fassent preuve d'un même degré de responsabilité et d'éthique quand viendra le temps de suspendre les ventes d'arme et, ainsi, de se pénaliser financièrement, sachant que des pays comme la Russie ou la Chine voudront rapidement occuper le terrain?
    La plupart des démocraties libérales ont ce genre de mécanismes et ce genre de préoccupations.
    Vous avez raison de dire qu'il est important, justement, de faire partie des chaînes d'approvisionnement de pays pour s'assurer d'avoir prise sur le matériel que l'on peut vendre ou pas. Dès qu'une puissance rivale, ou potentiellement rivale, prend une part de marché, nous n'avons plus du tout de prise sur ce genre de problème.
    Je vous remercie, messieurs Bergeron et Cimon.

[Traduction]

    Le dernier tour revient à M. Harris ou à Mme McPherson. Les deux sont à l'écran.
    Monsieur Harris, voulez-vous commencer?
    Merci beaucoup, monsieur le président. Je vais commencer. Mme McPherson vient d'arriver. Donc, j'ai l'avantage.
    Monsieur Cimon, j'ai un grand intérêt pour la question de la responsabilité des exportateurs quant à l'utilisation finale et au sort de leur équipement après l'exportation. Dans ce cas précis, nous parlons de la Turquie et d'une très grande entreprise — du moins la société mère — qui a des activités dans 100 pays et 18 milliards de dollars de revenus. Elle fournit des équipements de pointe et, en général, elle sait où vont ces équipements.
    Dans une foire aux questions, Affaires mondiales Canada suggère que les exportateurs et les courtiers procèdent à « une vérification après expédition dans le cadre de leurs pratiques de diligence raisonnable », et indique qu'ils sont aussi tenus d'informer Affaires mondiales Canada si des renseignements leur portent à croire que l'utilisation finale indiquée à l'origine n'a pas été respectée.
    Pouvez-vous nous dire quelles seraient les attentes à l'égard d'une société comme L3Harris Wescam, ou ses responsabilités, en ce qui concerne les capteurs qui finissent par être envoyés à une tierce partie ou plutôt « détournés », je pense, pour employer la terminologie du secteur?
    Un mécanisme de vérification pourrait être mis en place. C'est une solution possible, car cela n'aurait rien de nouveau pour les entreprises, puisqu'elles font déjà l'objet de vérifications liées à la technologie, notamment. Toutefois, il faut savoir que pour une entreprise, il est vraiment compliqué d'intervenir à l'extérieur d'une entreprise. Par exemple, dans le cas qui nous occupe, il serait possible de faire une vérification de l'entreprise, du fournisseur ou même du client.
    Cependant, il devient plus difficile de le faire dès que le produit est dans les mains d'organismes gouvernementaux, à moins d'avoir un contrat de service ou une disposition autorisant la vérification et l'entretien périodique du matériel, ou l'activation et la désactivation des fonctionnalités, selon les modalités du contrat et l'utilisation prévue.

  (1725)  

    Dans ce cas, monsieur Cimon, il était bien connu que des armes étaient fournies à l'Azerbaïdjan et que le pays accumulait les armes, et tout le monde était au courant de son précédent conflit. Cependant, la Turquie a annoncé qu'elle vendait ou fournissait des drones à l'Azerbaïdjan, et Wescam aurait dû le savoir. Le gouvernement du Canada ne semblait pas être au courant.
    Wescam ne devrait-elle pas avoir la responsabilité d'informer le gouvernement canadien qu'il se passe quelque chose?
    Il faut savoir...

[Français]

    Vous avez effectivement raison de mentionner cette préoccupation, qui est importante dans ce dossier. Les entreprises ont certainement la responsabilité morale de lever un drapeau si jamais il y a un problème quant à l'utilisation de leur matériel. Cependant, au-delà de cela, s'il n'y a pas de contrat entre l'entreprise et un État ou une entreprise de défense du secteur, dans cas-ci l'Azerbaïdjan, il est très difficile de demander à cette entreprise de poser ou de ne pas poser certains gestes.
    Malheureusement, dans ce cas-ci, le geste de l'entreprise s'arrête à son client turc, qui est une entreprise turque. Là où la zone est floue — et c'est la raison pour laquelle nous nous parlons aujourd'hui —, c'est lorsqu'un gouvernement prend une décision pour une entreprise nationale et décide de procéder à des transferts, à des ventes d'armes ou à des prêts. La zone devient alors très grise, et cela ne permet pas aux entreprises d'avoir une prise suffisante sur les usages.
    Cela étant dit, c'est là qu'un cadre multilatéral sur ce genre de situations pourrait devenir très utile.

[Traduction]

    Merci, monsieur Cimon.
    Aujourd'hui et dans nos réunions précédentes, on a maintes fois souligné que le processus d'octroi des licences est la dernière d'une longue série d'activités, et que c'est la dernière étape. Pourquoi est-ce que cela ne se fait pas? Une préapprobation n'est-elle pas possible? Pourquoi attendez-vous que votre contrat soit signé et que vous deviez livrer une pièce d'équipement dans 10 jours? Serait-il possible d'avoir un mécanisme de préapprobation avant de signer un contrat et de convenir d'une date de livraison? Cela pourrait-il s'ajouter au système existant?
    Il serait sans doute possible de le faire en collaboration avec l'industrie, étant donné que la simplification du processus est à la fois dans l'intérêt de l'industrie et du gouvernement qui y participe. Donc, ce serait gagnant-gagnant, et l'industrie saurait beaucoup plus rapidement si la licence est accordée ou non, ce qui faciliterait aussi la gestion financière. Ce système pourrait s'accompagner d'incitatifs financiers ou de mécanismes de partage des risques pour tenir compte des perturbations temporaires du flux de trésorerie de l'entreprise. C'est une autre possibilité.
    Simple curiosité, puisque tout le monde s'en plaint, pourquoi ne l'a-t-on pas déjà fait?
    Un des problèmes pourrait être que si vous faites cela à l'avance, vous...

[Français]

    Si vous le faites d'avance, vous augmentez l'incertitude d'un bout à l'autre du processus.
    Le problème que vous soulignez serait réglé si les critères étaient beaucoup plus clairs, comme on le disait au début, et si le processus d'approbation préalable était en conformité avec le processus d'approbation finale. C'est un processus un peu semblable à celui d'une demande personnelle d'hypothèque à la banque, par exemple.

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Harris.
    Chers collègues, cela nous amène à la fin du premier tour. Nous avons un peu de marge de manœuvre cet après-midi quant aux ressources de la Chambre des communes. Donc, si vous êtes d'accord, je proposerais que nous tentions de faire un deuxième tour, du moins en partie.
    Si le Comité est d'accord, je demanderais à M. Chong de commencer le prochain tour, s'il vous plaît.

  (1730)  

    Merci, monsieur le président.
    Je cède la parole à M. Diotte. Je pense qu'il a d'autres questions.
    Très bien.
    Monsieur Diotte, la parole est à vous.
    Cela va fonctionner.
    Aucun d'entre nous ne veut que de mauvais systèmes se retrouvent dans des pays qui s'en servent contre la population, mais selon un précédent témoin, même des pays qu'on dit ouverts, comme l'Australie, attendent quatre fois plus longtemps avant de livrer quoi que ce soit. Premièrement, j'aimerais savoir si M. Agnew a des... Je suppose que la question est la suivante: pourquoi? L'Australie ne semble pas être une menace pour qui que ce soit.
    Monsieur Agnew, voulez-vous faire un commentaire à ce sujet?
    Concernant la transparence évoquée par d'autres témoins, je ne pense pas pouvoir vous donner une réponse parfaite quant à ce qui se passe, parce que nous ne le savons pas vraiment. Nous pouvons supposer que des critères supplémentaires ont été appliqués en vertu du TCA et qu'un élément de prudence a été ajouté au système, mais je ne suis pas certain de ce qui se passe exactement. Je ne peux donc donner une réponse précise à cette question.
    Monsieur Cimon, avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Je ne ferais que spéculer, mais on peut certainement affirmer que les industries de la défense subissent une pression énorme dans toutes les démocraties libérales quant à l'acceptabilité sociale de leurs produits et services.
    Un autre témoin a indiqué que la lenteur du processus d'octroi des licences menace notre avantage concurrentiel.
    Monsieur Agnew, aimeriez-vous faire des commentaires à ce sujet? De toute évidence, il est possible que des entreprises canadiennes perdent du travail et que cela entraîne des pertes d'emploi et des pertes financières. Pouvez-vous présenter vos observations à ce sujet?
    Je pense que vos observations sont bonnes. C'est un secteur concurrentiel. Certaines entreprises offriront des produits et des services uniques, certes, mais il y aura toujours un certain degré de substituabilité pour beaucoup de choses. En fin de compte, si l'acheteur ne peut pas obtenir ce qu'il recherche selon les échéances et le budget prévus, il cherchera d'autres options ailleurs, et d'autres entreprises et d'autres pays s'empresseront de combler ce vide. Nous évoluons dans un marché libre, et c'est la réalité avec laquelle les entreprises doivent composer.
    Allez-y, monsieur Cimon.
    Lorsqu'on examine la structure de coûts des entreprises, on constate que les coûts du financement provisoire lié aux retards sont assez élevés. À cela s'ajoutent les coûts de main-d'œuvre alors que le personnel ne travaille pas sur des projets qui rapportent des liquidités. En outre, il y a les nombreux problèmes de gestion des coûts indirects connexes, puisqu'il faut des réserves pour beaucoup d'intrants. Il faut trouver des façons de rationaliser le processus, puis de communiquer avec les clients.
    N'oubliez pas, comme indiqué plus tôt, que ces contrats peuvent prévoir des pénalités. Donc, plus le processus est long, plus les pénalités peuvent être élevées. Cette situation entraîne toute une série de coûts pour les entreprises.
    Je me demande juste comment le Canada se compare aux autres pays progressistes du monde. Nous savons que nous sommes plutôt lents pour la délivrance des licences, pour diverses raisons. Comment le Canada se compare-t-il aux autres?
    Je ne sais pas où nous nous classons. Je dirai simplement — cela n'a rien de rigoureux — que selon nos membres, le délai d'exécution de notre système est beaucoup plus long qu'aux États-Unis, le marché auquel nos entreprises ont tendance à se comparer.
    Évidemment, pour un investisseur, les États-Unis offrent le degré de substituabilité le plus comparable pour mener de telles activités ailleurs.
    Monsieur Cimon, avez-vous un bref commentaire?
    Je suis d'accord pour dire que les États-Unis sont la référence, mais comparé à certains pays européens, le Canada ne devrait pas s'en sortir si mal. Je n'ai pas de [Difficultés techniques]

  (1735)  

    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Diotte.
    Madame Sahota, la parole est à vous.
    Combien de temps ai-je, monsieur le président?
    Vous avez cinq minutes.
    Merci.
    J'aimerais d'abord faire quelques observations de nature générale. Lors de la réunion précédente sur les licences d'exportation, nous avons entendu des universitaires et des représentants d'organismes de la société civile. À les écouter, on avait vraiment l'impression que le Canada accepte presque toutes les demandes de licences d'exportation un peu n'importe comment. Quand on regarde les chiffres, on voit qu'en 2019, Affaires mondiales Canada a reçu 3 563 demandes et que 3 201 licences ont été délivrées. Une demande a été rejetée, 35 ont été annulées ou suspendues et 206 sont encore en traitement.
    Essentiellement, moins de 1 % des demandes sont refusées par Affaires mondiales Canada chaque année, mais on retient de leurs propos que nous n'avions pas des normes assez rigoureuses. Puis, lorsqu'on entend les gens de l'industrie, il semble manquer de transparence et [Difficultés techniques] les licences sont refusées sans que l'industrie sache vraiment pourquoi, ou qu'elle est prise au dépourvu.
    Une des recommandations était la création d'un comité indépendant. Dans le dernier groupe de témoins, je n'ai pas entendu beaucoup de gens défendre cette idée. Que pensez-vous de l'idée d'un comité indépendant qui n'aurait peut-être pas à tenir compte de considérations politiques, que M. Agnew a aussi évoquée? Il y a toujours des considérations politiques lors de la prise de [Difficultés techniques] ou en considération pour ces licences, mais beaucoup préconisent l'élimination de ce conflit politique et laissent entendre que les critères sont trop rigoureux, peut-être, et que tout risque justifie le rejet des demandes, donc... Étant donné les arguments présentés des deux côtés par la société civile et l'industrie, j'ai l'impression que nous tournons en rond.
    Comment peut-on résoudre la quadrature du cercle? La question s'adresse à tous ceux qui veulent tenter une réponse.
    Concernant les critères, je sais que le groupe précédent a parlé du rejet de demandes. Nous nous concentrons davantage sur les délais de traitement et les normes de service, car si vous êtes en retard, mais que la décision est favorable, il y a toujours un risque d'atteinte à la réputation et un risque de pénalités. Le critère que nous étudions est légèrement différent de celui évoqué par la députée.
    Pour ce qui est d'un comité externe, je pense qu'il nous faudrait plus de détails sur la nature de son mandat. Nous sommes tout à fait d'accord avec ce qui a été dit plus tôt: un tel comité ne devrait pas devenir un organisme externe d'examen des demandes individuelles. Toutefois, si on vise à tenir des consultations avec les divers intervenants au sujet du système dans son ensemble, cela pourrait être une avenue qu'il vaudrait la peine d'explorer, encore une fois [Difficultés techniques] en ayant les détails.
    Vous pensez qu'il devrait y avoir un comité externe chargé de l'examen du traitement des demandes par Affaires mondiales Canada, mais pas un véritable organisme externe d'examen des demandes elles-mêmes, c'est cela?
    Eh bien, je dirais que c'est un appui conditionnel à l'égard d'un examen externe de l'ensemble du système. Encore une fois, nous voudrions d'abord prendre connaissance des modalités, de la composition d'un tel organisme et de son mandat. Notre but n'est pas de faire des séances de photos et d'avoir des discussions informelles. Nous voulons des discussions de fond.
    Quelqu'un d'autre a un commentaire?

[Français]

     Je dirais que le fait d'ajouter des instances dans un processus ne le rendra pas plus efficace. Il faut revoir l'ensemble du processus, soit la manière dont les questions sont posées et dont les éléments sont débattus, les paramètres utilisés pour en débattre et la façon d'en arriver à une décision.
    L'objectif est d'être fixé rapidement, parce que l'industrie en subit les coûts. L'objectif est aussi d'avoir une réponse qui est fidèle et conforme à la politique du Canada et aux valeurs des Canadiens. C'est très difficile à équilibrer. Par conséquent, le fait de simplement ajouter un comité réduirait l'efficacité du processus.

[Traduction]

    En effet.
    Ce sont les longues procédures qui vous posent problème. Le résultat serait-il meilleur si, au lieu de longues procédures, les refus étaient plus nombreux ou plus rapides?

  (1740)  

    Non, pas nécessairement. Pour des refus plus rapides, oui, mais pour un nombre accru de refus, pas nécessairement.
    D'accord.
    Merci beaucoup, madame Sahota.

[Français]

    Je vous remercie, professeur Cimon.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à M. Bergeron.

[Français]

    Monsieur Bergeron, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Professeur Cimon, j'aimerais que nous poursuivions la conversation là où nous l'avions laissée il y a quelques instants.
    J'ai l'impression que nous sommes engagés dans une voie sans issue. Il y a un dicton en anglais qui dit:

[Traduction]

    « Perdant quoi qu'on fasse .»

[Français]

    Si nous appliquons les principes qui sont les nôtres, nous risquons de nous retrouver dépassés par nos propres alliés et, si nous adoptons une politique multilatérale avec nos alliés, nous risquons d'être déclassés par des États moins scrupuleux quant au fait de vendre des armes à des pays qui le sont tout autant.
    Est-ce que nous pouvons nous en sortir?
    Nous pouvons nous en sortir si nous adoptons une approche mesurée et équilibrée. Nous parlions plus tôt de transparence. Si nous avions justement des critères fixes, connus, faciles à intégrer par l'industrie et compris du grand public et des parties prenantes intéressées, nous aurions déjà fait un grand pas en avant. Cela aiderait à la fois l'industrie, le public et les décideurs. Par conséquent, cela pourrait même nous aider à devenir un modèle, parce que le Canada aime bien montrer que son industrie et sa façon de travailler sont centrées sur l'éthique et les droits de la personne. Cela serait une façon supplémentaire de le prouver.
    Si le fait d'être un modèle nous amène à perdre des parts de marché, qu'aurons-nous gagné?
    Devenir un modèle n'entraîne pas obligatoirement une perte de marché, bien au contraire. On peut être en mesure de mettre sur pied des instances et de travailler de façon multilatérale sans, nécessairement, se faire déclasser.
    Nous n'avons qu'à être très stratégiques quant à notre manière d'aider nos entreprises à se positionner dans les chaînes d'approvisionnement.
    Vous nous disiez que si nous agissions de façon unilatérale, nous risquions d'être déclassés, pas seulement par des États moins scrupuleux, mais même par des alliés.
    Est-ce que nous devons faire cela seul de notre côté ou le faire avec l'OTAN? Même si nous agissons avec l'OTAN, qu'est-ce qui nous garantit que nous ne serons pas déclassés par des États moins scrupuleux?
    C'est une excellente question.
    J'aimerais beaucoup avoir la réponse exacte, mais je ne l'ai pas.
    Je peux toutefois donner une piste de réponse. Le fait de travailler de manière multilatérale permet quand même de limiter les dégâts et les pertes possibles pour nos entreprises.
    Cela n'est pas le cas si nous ne faisons que travailler unilatéralement.
    Je vous remercie, monsieur Bergeron et professeur Cimon.

[Traduction]

    Nous allons maintenant passer à Mme McPherson pour la dernière période de questions.
    Vous disposez de deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président. J'aimerais aussi remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui et de nous avoir transmis toute cette information.
    J'espère que je ne vais pas revenir sur ce qui a déjà été dit aujourd'hui. Je remplace mon collègue qui a un rôle important à jouer à la Chambre des communes aujourd'hui.
    Si possible, j'aimerais poser une première question à M. Cimon.
    Monsieur Cimon, l'ancienne ambassadrice Peggy Mason a dit au Comité qu'il existe un « conflit d'intérêt évident » dans les enquêtes sur les exportations d'armes, « car Affaires mondiales Canada poursuit deux objectifs politiques contradictoires: d'une part, permettre la vente d'armes à des acheteurs étrangers, et, d'autre part, adhérer aux obligations internationales et nationales visant à protéger les droits de la personne et la sécurité internationale qui exigent des limites strictes sur ces ventes ».
    Croyez-vous, tout comme Peggy Mason, qu'il devrait y avoir un organisme indépendant chargé de statuer sur les évaluations des risques et le respect du TCA et des obligations juridiques du Canada?
    Ce pourrait être une solution au dilemme, oui. Une autre façon de faire serait de simplifier le processus, mais d'avoir deux comités indépendants chargés des deux aspects de la mission. Ces comités feraient leurs propres recommandations, puis un organisme pourrait trouver un équilibre dans ce qui est recommandé, en considérant le compromis entre les ventes et l'adhésion aux valeurs canadiennes.
    Il n'existe aucun mécanisme de gouvernance parfait ou de façon parfaite d'arriver à une réponse, mais tout ce qui peut aider à éviter un conflit d'intérêts est une victoire à la fois pour l'industrie et le gouvernement.
    Désolée, mais préféreriez-vous donc qu'il y ait deux organismes indépendants? Serait-ce meilleur ou plus efficace ainsi?
    J'espère que ce serait efficace. L'enjeu des exportations contrôlées comprend toujours une dimension politique. La décision finale reviendra toujours au ministre ou au gouvernement, alors nous avons besoin d'un système robuste pour éviter des processus arbitraires.

  (1745)  

    Merci.
    Ma prochaine question s'adressera à M. Agnew.
    Bienvenue au Comité, monsieur Agnew. Au sous-comité des droits internationaux de la personne, nous avons eu l'occasion de mener une étude sur le rôle de l'ombudsman canadien pour la responsabilité des entreprises. Je n'ai pas pu vous poser une question à ce moment-là, alors peut-être que je pourrais aujourd'hui conclure avec la question que je souhaitais vous poser. J'espère qu'un autre collègue ne l'a pas déjà posée.
    Quel rôle jouent nos exportateurs pour garantir que leurs produits ne seront pas utilisés dans une situation qui compromettrait ou contribuerait à compromettre la paix et la sécurité, ou encore qu'ils ne seront pas utilisés pour commettre ou faciliter des violations graves du droit international humanitaire ou des droits de la personne?
    Une réponse brève, je vous prie.
    Ma question est très brève.
    Oui, je crois que les exportateurs devraient connaître leurs acheteurs autant que possible. Ils devraient aussi veiller à être sincères dans toutes leurs demandes faites à Affaires mondiales et à respecter entièrement les spécifications de suivi, si je puis les appeler ainsi.
    Merci.

[Français]

     Je vous remercie beaucoup, madame McPherson.
    Monsieur Agnew et professeur Cimon, au nom de tous les membres du Comité, je vous remercie d'avoir été avec nous cet après-midi. Nous vous sommes très reconnaissants de votre témoignage et de nous avoir fait part de votre expertise.

[Traduction]

    Chers collègues, voilà qui met fin à la séance d'aujourd'hui. Nous terminons un peu plus tard que prévu en raison des votes; je vous suis reconnaissant de votre indulgence. Nous avons eu des discussions approfondies.
    Demeurez tous prudents, je vous prie.
    La séance est levée jusqu'à la prochaine réunion.

[Français]

    Je vous remercie beaucoup, et je vous souhaite une bonne soirée.
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