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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des finances


NUMÉRO 028 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 18 mars 2021

[Enregistrement électronique]

(1000)

[Traduction]

    Bienvenue à la 28e réunion du Comité permanent des finances de la Chambre des communes. Conformément à l'ordre de renvoi du 8 mars 2021, le Comité se réunit pour étudier le projet de loi C-14, Loi portant exécution de certaines dispositions de l'énoncé économique déposé au Parlement le 30 novembre 2020 et mettant en œuvre d'autres mesures.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule dans un format hybride conformément à l'ordre adopté par la Chambre le 25 janvier 2021. Par conséquent, des membres participent en personne dans la salle et d'autres le font à distance à l'aide de l'application Zoom. Les délibérations seront disponibles sur le site Web de la Chambre des communes. Sachez que la diffusion Web montre toujours la personne qui prend la parole plutôt que l'ensemble des membres du Comité.
    Je souhaite la bienvenue à nos témoins dans ce nouveau format. Durant la première heure, nous entendrons trois témoins, à commencer par M. Macdonald, qui représente le Centre canadien de politiques alternatives.
    Monsieur Macdonald, pourriez-vous limiter votre exposé à cinq minutes? Nous disposons de peu de temps.
    Allez-y. La parole est à vous.
    J'espère que tout le monde m'entend bien.
    Je remercie beaucoup le Comité de m'avoir invité.
     Il va sans dire que la réponse économique du gouvernement à la COVID-19 est sans précédent dans l'histoire du Canada. Il nous faudrait remonter aux deux guerres mondiales pour voir des dépenses gouvernementales de cette ampleur, bien qu'il nous faudrait aussi remonter aux années 1930, soit il y a près d'un siècle, pour voir un taux de chômage aussi élevé, particulièrement au cours des premiers mois.
    Le rapport que j'ai publié récemment, Régler la note, contient un ensemble complet de données sur les 850 mesures directes que les gouvernements fédéral et provinciaux ont prises pour lutter contre la COVID-19 jusqu'à la fin de décembre 2020, ce qui inclut la mise à jour financière de l'automne. La conclusion générale de cette compilation, c'est que les mesures qui ont été prises pour lutter contre la COVID-19 ont été payées presque entièrement par le gouvernement fédéral: 92 % de chaque dollar consacré à des mesures de lutte contre le coronavirus — de l'achat d'équipement de protection individuelle au soutien aux entreprises et aux particuliers — provient du gouvernement fédéral. Même dans les domaines de compétence provinciale, comme les soins de santé, 88 % des coûts ont été assumés par le gouvernement fédéral.
    Les dépenses les plus importantes, dans les programmes fédéraux et provinciaux, ont été consacrées au soutien des entreprises, pour un montant de 4 100 $ par personne. Le soutien aux particuliers suit de près, en deuxième position, avec 3 900 $ par personne, et le soutien aux soins de santé arrive loin derrière, en troisième position, avec 1 200 $ par personne.
    Dans chacune des catégories examinées, sauf une, le soutien fédéral était plus important que le soutien provincial. Le seul domaine dans lequel les provinces dépensent plus que le fédéral est celui des infrastructures matérielles pour stimuler la croissance. Les provinces de l'Ouest sont particulièrement actives à cet égard. À ce moment-ci, le principal programme d'infrastructure du gouvernement fédéral est le volet Résilience à la COVID-19 du programme d'infrastructure du Canada, bien qu'il ne s'agisse que de réaffecter des fonds existants et non de dépenser de nouveaux fonds.
    Il convient de souligner qu'au moment où le gouvernement fédéral s'engage dans une nouvelle vague de dépenses à venir dans le budget du printemps, lors de la dernière vague de dépenses, bon nombre de provinces n'ont pas versé une contribution équivalente aux dépenses fédérales pour les déficits municipaux, et bon nombre de provinces n'ont pas pleinement utilisé les fonds fédéraux mis à leur disposition. Au cours de la prochaine phase de la reprise, le gouvernement fédéral devrait surveiller de près les contributions équivalentes et l'utilisation des fonds afin de s'assurer que ses dépenses ont un effet maximal.
    Cela m'amène à parler de la prochaine phase des dépenses fédérales liées à la COVID-19, qui représenterait entre 70 et 100 milliards de dollars dans le prochain budget du printemps, selon les promesses. Comme je l'ai mentionné, des dépenses d'infrastructure sont déjà prévues dans les budgets de plusieurs provinces de l'Ouest. Il s'agit certainement d'un domaine dans lequel le gouvernement fédéral peut appuyer les provinces, comme il l'a fait dans le cadre de l'Accord sur la relance sécuritaire. De nouvelles dépenses d'infrastructure qui réduisent l'empreinte carbone du pays peuvent être une occasion importante de mieux reconstruire et d'encourager davantage les provinces du centre et de l'Atlantique à consacrer une plus grande partie de leurs fonds liés à la COVID-19 aux infrastructures.
    J'aimerais également prendre un moment pour attirer l'attention des membres du Comité sur notre sondage annuel sur les frais de garde d'enfants, qui a été publié ce matin même. Il fournit un aperçu détaillé des frais de garde d'enfants et des répercussions de la COVID-19 dans 37 villes canadiennes. Le sondage de cette année montre une baisse très inquiétante des inscriptions en garderie en raison de la COVID-19, et les frais restent élevés dans de nombreuses villes du pays. La baisse du nombre d'inscriptions est pire dans les villes où les frais de garde sont élevés, et pire dans les villes où le taux de chômage est élevé. Si ce problème n'est pas pris en compte immédiatement, des fermetures ou la perte de personnel peuvent empêcher une reprise rapide cet été et cet automne, car les parents ne pourront pas trouver de places pour leurs enfants lorsqu'ils, espérons-le, retourneront au travail.
    Je vais parler d'une autre des leçons tirées du sondage sur les frais de garde d'enfants qui pourrait être utile au gouvernement fédéral dans les efforts qu'il déploiera dans ses prochaines initiatives. Les frais de garde d'enfants les moins élevés se trouvent toujours dans des villes où les fournisseurs reçoivent des subventions de fonctionnement provinciales et, en ensuite, appliquent un tarif fixe peu élevé. L'année dernière, Terre-Neuve est devenue la quatrième province à adopter cette approche qui est suivie par le Québec, le Manitoba et l'Île-du-Prince-Édouard, et il semble que le Yukon leur emboîtera bientôt le pas.
    De manière plus générale, je trouve encourageant que le gouvernement fédéral s'engage à relancer l'économie, plutôt que de se préoccuper excessivement des déficits fédéraux. Des déficits fédéraux importants étaient nécessaires pour éviter des déficits qui auraient été bien pires dans d'autres secteurs. Si le gouvernement fédéral n'avait pas couvert les dépenses, comme il l'a fait, ces déficits se seraient produits ailleurs dans l'économie, en particulier pour les provinces, qui ont assumé les coûts des soins de santé; pour des particuliers, qui ont perdu leur emploi et n'étaient pas couverts par l'assurance-emploi; ou pour des entreprises, qui ont vu leurs revenus disparaître en raison des mesures de santé publique, mais qui avaient toujours des dépenses.
    Un déficit n'est ni bon ni mauvais en soi. Il s'agit simplement d'un élément d'une relation comptable, avec un surplus égal qui est créé dans un autre secteur. Chaque dollar vient de quelque part et va quelque part. Pour évaluer l'utilité d'un déficit dans un secteur particulier — par exemple, le secteur du gouvernement fédéral —, nous devons déterminer où le surplus a été créé, l'autre élément de la relation comptable.
(1005)
     Au cours des quatre derniers trimestres, le déficit fédéral de 220 milliards de dollars a créé un excédent d'un montant égal, dont les trois quarts ont abouti dans le secteur des ménages et un quart, dans le secteur des entreprises. Heureusement, une petite partie de l'excédent s'est échappée du Canada sous forme de flux financiers vers des non-résidents.
    Le gouvernement fédéral n'est pas contraint par des déficits ou des ratios dette-PIB, mais par la capacité de production du pays. Tant qu'il y a des gens qui ne peuvent pas trouver d'emploi, tant qu'il y a des magasins et des restaurants vides, le Canada ne sera pas à sa pleine capacité de production.
    L'inflation est la contrainte à laquelle le gouvernement fédéral est confronté. Nous devons nous rappeler qu'au début de cette crise, notre taux de chômage n'avait jamais été aussi bas, les taux d'intérêt étaient très bas et nous ne faisions toujours pas face à une inflation soutenue. Quand 800 000 travailleurs à faible revenu sont toujours sans emploi, par rapport aux chiffres de février de l'année dernière, nous sommes loin d'avoir atteint notre pleine capacité et l'inflation demeurera modérée pendant encore longtemps.
    Merci. Je suis impatient de répondre à vos questions.
    Merci beaucoup, monsieur Macdonald.
    C'est maintenant au tour de Mme Susie Grynol, qui représente l'Association des hôtels du Canada.
    Bienvenue, madame Grynol. La parole est à vous.

[Français]

     Je vous remercie de m'avoir invitée à me joindre à vous aujourd'hui.

[Traduction]

    En préparant ma déclaration, j'ai été frappée par le défi unique auquel est confronté le secteur hôtelier, et auquel sont confrontés ce comité et le gouvernement fédéral. Nous faisons face à la recherche d'un équilibre. Du côté positif, l'espoir et la possibilité d'une reprise se profilent à l'horizon grâce à la vaccination qui est en cours, ce qui pourrait mener à une reprise du tourisme intérieur pour certains segments, comme les centres de villégiature, cet été.
    Du côté négatif, et franchement plus réaliste, si tous les Canadiens ne sont pas vaccinés d'ici l'été et qu'il y a une troisième vague du virus, si les gens sont incités à rester chez eux, les frontières nationales et internationales restent fermées et les interdictions de rassemblement de masse sont maintenues, nous pourrions entrer dans la deuxième année de la COVID en ayant perdu une fois de plus la saison la plus importante pour notre industrie.
    Permettez-moi de parler d'abord du scénario positif pour l'été et des mesures gouvernementales qu'il serait nécessaire de prendre. Si la plupart des Canadiens sont vaccinés d'ici le mois de juin, le gouvernement doit réagir rapidement — tous les gouvernements — pour permettre une réouverture en toute sécurité et investir dans la stimulation de notre reprise afin que la saison touristique estivale soit maximisée.
     Cela devrait inclure mettre en œuvre les pratiques exemplaires d'autres pays qui ont rouvert leurs activités avec succès avant nous; éliminer les obstacles provinciaux aux voyages; stimuler la demande intérieure et la confiance au moyen d'incitatifs fiscaux ou de remises pour que les gens dépensent leur argent au Canada; investir dans des campagnes de marketing nationales; et agir de concert avec l'administration Biden pour une réouverture accélérée de la frontière canado-américaine.
    Dans le second scénario, le pire, dans lequel les restrictions sont encore nécessaires et restent en place pendant l'été, le gouvernement devra apporter un soutien financier aux secteurs du tourisme et de l'accueil jusqu'à ce que la reprise soit possible.
    Je pense malheureusement que le pire scénario est le plus probable. Tandis que la plupart des autres secteurs rebondissent dès le lendemain de la levée des mesures de confinement, ce n'est pas le cas du nôtre. Personne ne réserve un voyage dès le lendemain. Les voyages prennent du temps. La planification d'événements prend du temps, et ce sont ces événements qui entraînent le mouvement des personnes et qui constituent le cœur de nos activités — festivals, foires, concerts, pièces de théâtre, mariages, grands événements sportifs et conventions. Rien de tout cela n'est prévu pour cet été ou cet automne, ce qui ne changera probablement pas avant le printemps.
    Nous demandons ce que Mark Carney préconise dans son nouveau livre. À son avis, le soutien aux entreprises devrait être axé sur la revitalisation des industries les plus touchées, plutôt que d'être offert sous la forme d'une aide globale coûteuse pour tous. Il est temps que le gouvernement adapte la Subvention salariale d'urgence du Canada, ou SSUC, et la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer, ou SUCL, en fonction de ceux qui en ont le plus besoin.
     Dans ce scénario catastrophe, nous voulons que le budget fédéral prévoie deux choses: une importante prolongation des subventions jusqu'à la fin de 2021 pour les secteurs les plus touchés; et une prolongation et un élargissement du programme de SUCL pour nous aider à couvrir les coûts fixes jusqu'à la fin de 2021 alors que nous ne sommes pas en mesure de générer des revenus.
    À l'heure actuelle, ce programme est nettement insuffisant. Il supprime le « M » de PME en raison de la limite mensuelle. Il ne couvre pas suffisamment les dépenses admissibles et ne tient pas compte de l'augmentation des coûts des entreprises, comme les assurances, qui ont explosé dans notre secteur depuis le début de la pandémie de COVID.
     Le sondage mené auprès de nos membres, en mars, a montré que 70 % des hôtels canadiens cesseront leurs activités si la SUCL et la SSUC ne sont pas prolongées jusqu'à la fin de l'année. Il s'agit d'une perte de grande ampleur qui nous guette. En clair, si le gouvernement ne prolonge pas ces programmes au-delà de juin et ne les adapte pas aux secteurs qui en ont le plus besoin, nous perdrons la majorité de l'industrie hôtelière.
    Le gouvernement a le mérite d'avoir mis en place ces programmes rapidement et d'avoir fourni des solutions sur mesure aux gens les plus touchés. Notre industrie est toujours en vie grâce à ces programmes, mais ce n'est pas le moment de retirer l'aide aux secteurs qui prendront du retard sans que ce soit leur faute.
    Les entreprises clés de l'industrie du voyage, dont les hôtels, doivent être conservées. Les hôtels soutiennent les voyages essentiels. Ils constituent les piliers des régions touristiques. Ils permettent au Canada de rivaliser pour la tenue d'événements mondiaux. Ils accueillent les tournois de hockey et des mariages, mais ils ne seront pas là si le gouvernement ne planifie pas adéquatement les choses en fonction des deux scénarios.
    Nous avons besoin que, dans le cadre de son budget, le gouvernement indique clairement qu'il tient compte des défis uniques auxquels nous faisons face et qu'il nous soutiendra jusqu'à ce que la reprise soit possible.
    Merci.
(1010)
    Merci beaucoup, madame Grynol.
    Avant de céder la parole à notre dernier témoin, je dirai seulement que M. Kelly sera le premier à poser des questions, et qu'il sera suivi de Mme Dzerowicz.
    Nous passons maintenant à M. Cross, de l'Institut Macdonald-Laurier.
    Bienvenue, monsieur Cross. La parole est à vous.
     Merci. Je vous remercie de m'accueillir à nouveau.
    Comme je me suis déjà adressé à ce comité, je vais revenir sur les discussions que j'ai eues avec vous. Je vais me concentrer presque exclusivement sur l'inflation et les taux d'intérêt. Comme l'a dit M. Macdonald, c'est la faiblesse des taux d'inflation et d'intérêt qui fait que tout cela fonctionne, alors il vaut la peine de comprendre un peu mieux.
    Je vais maintenant passer à la déclaration que j'ai préparée pour les interprètes.
     La hausse des prix des produits de base au début de l'année 2021 alimente les spéculations selon lesquelles des pressions inflationnistes pourraient apparaître plus rapidement que ne le prévoient les banques centrales. Après le début de la pandémie, les banques centrales ont pris des mesures extrêmes pour soutenir l'économie en abaissant les taux d'intérêt à des niveaux historiquement bas et en élargissant considérablement leurs bilans. Cela a conduit certains à accuser les banques centrales d'avoir « imprimé de l'argent », ce qui risque d'entraîner une résurgence de l'inflation.
    La masse monétaire est au centre de la macroéconomie depuis longtemps. Cela reflète une utilisation, qui a traversé les siècles, de la théorie quantitative de la monnaie pour orienter l'économie. La théorie quantitative repose sur l'idée que la masse monétaire et la vitesse de circulation de la monnaie déterminent le PIB. En supposant que la vitesse de circulation soit stable dans le temps et que la production augmente régulièrement, les variations de la masse monétaire ont des effets sur les prix. La célèbre déclaration de Milton Friedman selon laquelle « l'inflation est toujours et partout un phénomène monétaire en ce sens qu'elle est et qu'elle ne peut être générée que par une augmentation de la quantité de monnaie plus rapide que celle de la production » résume ce que bien des gens pensent être l'origine de l'inflation.
     L'application de la théorie quantitative n'est pas simple. Il n'existe pas de définition universelle de la monnaie. La vitesse de circulation est le rythme auquel l'argent est dépensé, reflétant le nombre de fois où l'argent est remis lors des transactions qui génèrent le PIB nominal. Un principe clé de la théorie quantitative est que la vitesse de circulation est stable, ou du moins prévisible.
     Toutefois, avec des taux d'intérêt presque nuls en 2009 et en 2020, les banques centrales ont eu recours à l'assouplissement quantitatif pour stimuler l'économie. L'assouplissement quantitatif consiste pour les banques centrales à acheter des obligations, des hypothèques et d'autres actifs pour injecter de l'argent dans le système financier. En adoptant l'assouplissement quantitatif, les banques centrales sont devenues une fois de plus des « adeptes de la théorie quantitative ».
    Le Canada a eu une brève expérience de l'assouplissement quantitatif en 2008-2009, mais la masse monétaire et le crédit dans le secteur privé n'ont pas connu d'accélération. Même le recours accru de la Réserve fédérale américaine à l'assouplissement quantitatif n'a pas entraîné une croissance plus rapide de la masse monétaire. Nous pouvons dire qu'en 2008-2009, ces expériences avec l'assouplissement quantitatif n'ont pas réfuté la théorie quantitative de la monnaie, car la masse monétaire au sens large n'a pas augmenté rapidement.
    L'assouplissement quantitatif n'a pas tenu sa promesse de stimuler la production et d'augmenter l'inflation après la crise financière, en partie parce qu'il ne pouvait pas contrôler si les banques augmentaient les prêts ou si l'argent était dépensé pour le PIB plutôt que pour des actifs existants comme le marché de l'habitation et le marché boursier. Comme l'assouplissement quantitatif n'a pas déclenché une croissance plus rapide du PIB, il n'a pas non plus alimenté l'inflation. En 2012, un président régional de la Réserve fédérale déplorait que les liens historiques entre le montant des réserves, la masse monétaire et l'économie avaient peu de chances de se maintenir à l'avenir. Je vais y revenir dans un instant.
    En 2020, les banques centrales ont rapidement eu encore davantage recours à l'assouplissement quantitatif, principalement au Canada, en rachetant une partie de la dette publique pour maintenir les taux d'intérêt à un bas niveau pendant que les gouvernements apportaient une aide d'urgence dans le contexte de la pandémie. Contrairement à 2008, cependant, la croissance de la masse monétaire au sens large est passée de 7 à 30 %. Toutefois, la demande de crédit dans le secteur privé ne s'est pas accélérée.
    Au début de 2021, il y a une augmentation des prix et des attentes inflationnistes, ces dernières atteignant 2,2 % aux États-Unis. Les économistes ont signalé qu'il y a un risque de surchauffe aux États-Unis, car le plan de relance de 1,9 billion de dollars de l'administration Biden arrive juste au moment où l'économie rouvre avec la distribution rapide de vaccins. Le président de la Réserve fédérale, Jerome Powell, parle d'une « courbe de Phillips plate » comme l'une des raisons pour lesquelles l'inflation n'augmentera pas de façon importante. La courbe de Phillips illustre une relation entre l'inflation et l'utilisation de la capacité, et une courbe de Phillips plate indique que l'utilisation des ressources n'a pas de répercussions sur l'inflation.
    Je vais sauter un paragraphe ici.
     Une politique monétaire souple a été adoptée pour stimuler directement l'économie et faciliter les emprunts gouvernementaux nécessaires pour aider les gens pendant la pandémie. La politique monétaire est un outil permettant de stabiliser l'économie à court terme et de juguler l'inflation, et non de sauver les gouvernements des conséquences à long terme de leurs décisions financières.
    Si l'économie se redresse mieux que prévu et que les pressions ou les attentes inflationnistes commencent à augmenter — et personne ne sait comment la demande refoulée réagira à la réouverture après une pandémie sans précédent —, les banques centrales devront choisir entre continuer à maintenir les taux d'intérêt à un faible niveau pour permettre la poursuite des mesures de relance ou commencer à resserrer les choses. Dans une telle situation, je n'ai aucun doute qu'elles se concentreront sur l'inflation. Dans ce cas, les gouvernements qui tardent à retirer les mesures seront confrontés à la réticence des banques centrales à continuer de rendre les emprunts faciles et bon marché.
(1015)
     Les banques centrales ne renonceront pas à des décennies de travail à bâtir la confiance dans leurs objectifs d'inflation. Il faudrait des années, voire probablement des décennies, pour rétablir cette confiance. Le risque de hausse des taux d'intérêt est beaucoup plus grand que celui de l'inflation. Les gouvernements dont la dette est importante ressentiront rapidement le coût d'une hausse des taux d'intérêt.
    Par exemple, au Canada, le directeur parlementaire du budget estime qu'une hausse de 1 % des taux d'intérêt ferait augmenter les coûts fédéraux de 4,5 milliards de dollars la première année et de 12,8 milliards de dollars à la cinquième année.
    La Réserve fédérale et la Banque du Canada toléreront toute inflation en 2021 comme étant à la fois transitoire et salutaire. L'inflation s'accélérera pour atteindre au moins 3 % et probablement plus en raison des effets de la période de base. Les prix de l'essence étaient exceptionnellement bas au printemps dernier, ce qui va automatiquement faire augmenter l'inflation cette année. De plus, les entreprises doivent reconstituer leurs marges bénéficiaires et rétablir leurs bilans, surtout dans des secteurs comme la restauration, les voyages, les loisirs et les services personnels, comme l'a mentionné Mme Grynol.
     Les clients bénéficient de nombreux transferts gouvernementaux et peuvent donc payer des prix plus élevés, mais si l'inflation devient ancrée dans les comportements et surtout dans les attentes en 2022 et en 2023, les banques centrales prendront des mesures décisives.
    Merci.
(1020)
    Merci beaucoup, monsieur Cross.
    Nous passons maintenant aux questions. C'est M. Kelly qui commence. Il sera suivi de Mme Dzerowicz.
    Je vais permettre à M. Cross de continuer et lui poser une question.
    Compte tenu du témoignage que vous venez de livrer, que pensez-vous de la hausse sans précédent du plafond de la dette du Canada qui est prévue dans le projet de loi C-14? Puisqu'il n'y a pas de budget, nous ne savons pas pourquoi le plafond de la dette devrait être augmenté. Le plafond de la dette fait partie d'une deuxième loi, et nous ne savons même pas pourquoi il serait nécessairement lié à ce projet de loi, qui met en œuvre l'énoncé économique de l'automne.
    Monsieur Cross, que pensez-vous de l'ajout de centaines de milliards de dollars au plafond de la dette du Canada?
    Comme on l'a mentionné, beaucoup de choses dépendent en grande partie de l'évolution de l'inflation et surtout des taux d'intérêt. Avec des taux d'intérêt presque nuls, toute dette est abordable et viable. Dès que les taux d'intérêt commencent à augmenter très rapidement, le pays pourrait se retrouver dans une situation difficile.
     C'est exactement le casse-tête auquel l'économie a été confrontée lors de la crise de l'endettement de 1994-1995. À ce moment-là, les paiements d'intérêt en particulier sont devenus insoutenables. La Banque du Canada a clairement indiqué qu'elle n'allait pas sauver le gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral a fait des choix difficiles sur le plan financier et la Banque du Canada a alors maintenu des taux d'intérêt peu élevés pour favoriser cette voie vers le rétablissement de l'équilibre budgétaire. Beaucoup de choses dépendent de l'évolution des taux d'intérêt, et beaucoup de gens semblent compter sur le maintien de taux d'intérêt faibles.
    Une grande partie de ce que j'ai dit aujourd'hui se fondait sur les commentaires qu'a faits le président Powell pour le Conseil de la Réserve fédérale. Il a clairement indiqué que les banques centrales toléreront presque n'importe quel taux d'inflation cette année. Toutefois, à l'avenir, dès que les gens commenceront à s'attendre à une hausse de l'inflation, les paris seront ouverts et les taux d'intérêt pourraient augmenter assez rapidement.
    Il y a déjà eu une hausse des taux d'intérêt cette année. Aux États-Unis, le taux des obligations sur 10 ans, qui était à moins de 1 % au début de l'année, est déjà passé à 1,7 %. Chaque jour, je regarde la situation et je vois une augmentation de presque 0,1 % par jour. C'est l'histoire des marchés financiers ces jours-ci, c'est-à-dire qu'on se demande combien de temps durera le mouvement à la hausse des taux d'intérêt et dans quelle mesure il sera viable. Cela va tout déterminer.
    Oui.
    La viabilité de ce plan repose sur des taux d'intérêt presque nuls pour toujours, semble-t-il. C'est inquiétant, surtout compte tenu de ce que vous avez dit dans votre témoignage.
    Vous avez également parlé de la mesure dans laquelle l'assouplissement quantitatif contribue à la croissance du PIB, par opposition au simple gonflement de la valeur des actifs. À l'heure actuelle, au moment où nous traversons la pire crise économique depuis près d'un siècle, nous assistons à une activité record dans le marché immobilier et à de nouvelles hausses des prix dans les principaux marchés immobiliers du Canada. Nous avons également vu d'excellents résultats sur le marché boursier— quoique après une énorme correction au printemps — avec cette incroyable reprise.
    À quoi attribuez-vous l'inflation des prix des actifs que nous avons observée et le décalage entre celle-ci et l'activité du PIB?
    C'est une caractéristique de l'économie depuis 2008. Nous avons vu cet énorme assouplissement quantitatif. Cette énorme relance dans la politique monétaire semble être axée de manière disproportionnée sur les actifs financiers — le marché obligataire, le marché boursier. Maintenant, nous constatons que, sur le marché des produits de base, les prix montent en flèche. On voit même une forte hausse du côté du pétrole. On voit une hausse pour des éléments incroyables comme les cryptomonnaies, par exemple le bitcoin. Il semble donc qu'il y ait beaucoup de jeux sur les marchés des actifs.
    Nous ne voyons pas cela beaucoup, mais un peu plus qu'en 2008-2009, nous voyons cela s'étendre dans des domaines comme la vente au détail. Cependant, il s'agit surtout des marchés financiers. Cela...
    Je dois également mentionner que, beaucoup plus au Canada qu'aux États-Unis, on voit le phénomène dans le marché de l'habitation. Je ne sais pas exactement pourquoi. De toute évidence, notre marché de l'habitation a été plus... Aux États-Unis, le marché de l'habitation a connu un énorme effondrement en 2008, ce qui a rendu les gens nerveux là-bas. Beaucoup de gens pensent que les conditions sont réunies pour qu'il y ait une bulle ici. Je ne sais pas exactement pourquoi cet argent va dans le marché de l'habitation.
(1025)
    La situation a cependant des répercussions directes sur les Canadiens les moins riches et les plus vulnérables. Lorsque nous parlons d'inflation, les économistes n'aiment pas inclure des éléments qui sont selon eux trop instables pour être mesurés dans l'inflation, comme les aliments, l'énergie et le coût du logement, et ils les excluent généralement. Si vous voulez soustraire les trois éléments dont les gens ont besoin pour survivre, je ne doute pas qu'il pourrait être facile de convaincre les gens qu'il n'y a pas d'inflation.
    Que diriez-vous aux Canadiens à faible revenu, en particulier, qui, mois après mois, ressentent les effets de la hausse des prix de tout ce dont ils ont besoin pour survivre?
    Veuillez donner une réponse assez brève, s'il vous plaît, monsieur Cross.
    C'est l'une des particularités de cette récession: la croissance des inégalités. Ce qui se passe sur les marchés des actifs... Nous avons vu les inégalités s'accroître sur le marché du travail, car les travailleurs peu rémunérés étaient évidemment les plus touchés, mais ce que nous observons concernant les prix des actifs ne fait que renforcer et creuser les inégalités.
    Merci à tous les deux.
    C'est maintenant au tour de Mme Dzerowicz, qui sera suivie de M. Ste-Marie.
    La parole est à vous, madame Dzerowicz.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je tiens à remercier tous les témoins de leurs exposés très réfléchis.
    Monsieur Macdonald, je vais commencer par vous. J'adore cela quand les gens commencent par donner des chiffres. Il est toujours utile d'avoir les données les plus récentes, et je vous en remercie. vous êtes un véritable économiste.
     Vous avez mentionné que 92 % de chaque dollar consacré à la lutte contre la COVID-19 provient du gouvernement fédéral. Nous avons entendu beaucoup de commentaires de la part de certains de nos collègues de l'opposition selon lesquels nous avons dépensé trop d'argent pour nos programmes d'urgence et les mesures de soutien que nous avons mises en œuvre nous ont lourdement endettés.
    Nous savons tous que nous avons très peu d'options pour financer ces types de programmes, et que nous allons donc devoir alourdir notre dette, augmenter les impôts ou sabrer dans des programmes essentiels. À votre avis, comment le gouvernement fédéral aurait-il dû financer ces dépenses d'urgence supplémentaires?
    Je vous remercie beaucoup de la question.
    Certes, en ce qui concerne la dette et les déficits, le gouvernement fédéral n'est pas seul. Cela existe au sein de l'économie canadienne, dans d'autres grands secteurs de l'économie, et les déficits et la dette sont fongibles. Essentiellement, ils peuvent passer d'un secteur à l'autre. Dans le cas présent, le gouvernement fédéral a enregistré un énorme déficit cette année, ce qui a créé de plus petits déficits et, en fait, des surplus dans d'autres secteurs de l'économie. Pour chaque déficit, il y a un excédent de valeur égale dans un autre secteur de l'économie.
    Le gouvernement fédéral aurait pu décider de ne pas dépenser cet argent. Il aurait pu décider de ne pas offrir la PCU, de ne pas soutenir les entreprises et les provinces et de ne pas appuyer les soins de santé et les particuliers. Dans ce cas, ce n'est pas le gouvernement fédéral qui aurait enregistré ces déficits, mais bien les gouvernements provinciaux, qui couvrent les coûts des soins de santé. Les ménages auraient été confrontés à ces déficits, car ils ont perdu leur emploi, mais ont tout de même des dépenses, et les entreprises y auraient fait face également.
     Malgré les efforts des gouvernements fédéral et provinciaux, nous avons observé une augmentation non seulement de la dette fédérale, mais aussi de la dette des ménages et des entreprises au même moment. En fait, les secteurs des ménages et des entreprises sont beaucoup plus endettés que le gouvernement fédéral. Si nous devions voir des hausses des taux d'intérêt, elles toucheraient certainement le gouvernement fédéral, mais elles frapperaient beaucoup plus durement les ménages et les entreprises. Non seulement ils paient des taux d'intérêt plus élevés, mais ils sont beaucoup plus endettés.
     Je pense qu'il faut aussi comprendre le gouvernement fédéral et ses déficits en fonction de la façon dont ils sont liés à d'autres secteurs de l'économie.
    L'autre chose que vous avez mentionnée et que vous me rappelez également, monsieur Macdonald, c'est que si le gouvernement fédéral ne s'était pas endetté, comme d'autres intervenants nous l'ont dit, les répercussions sur l'économie seraient pires et, comme vous venez de le dire, les niveaux d'endettement des entreprises et des provinces seraient beaucoup plus élevés.
    Nous avons souvent entendu notre ministre des Finances dire que le gouvernement s'endette pour que les Canadiens n'aient pas à le faire. Pensez-vous que cette affirmation est juste?
    Je pense que c'est juste. On aurait pu voir cet endettement ailleurs. Il est certain que même dans le secteur des entreprises, bien que celles-ci soient les principales bénéficiaires des efforts que le gouvernement fédéral déploie contre la COVID-19, le ratio dette-PIB a augmenté de 15 points de pourcentage en deux trimestres. Il va être très difficile pour le secteur des entreprises, qui était déjà très endetté, de s'en sortir, et la situation aurait été bien pire s'il n'avait pas reçu, par exemple, la subvention salariale ou l'aide au loyer.
    Malgré l'aide apportée aux ménages, la dette des ménages a continué à augmenter, et malgré l'aide apportée aux provinces, la dette provinciale a augmenté au cours des trois derniers trimestres.
    Concernant l'endettement, il faut tenir compte de l'ensemble de l'économie. Il faut l'examiner non pas de façon isolée, soit seulement à l'échelle du gouvernement fédéral ou des ménages, mais aussi en tenant compte de la façon dont elle peut se déplacer d'un secteur à l'autre.
(1030)
    Peut-être que l'autre question... et je ne voulais pas la poser, mais je pense que c'est une observation que M. Cross a faite à la fin d'une de ses réponses. Je pense que notre gouvernement a vraiment tenté de s'assurer que nos programmes d'urgence couvrent toutes les tranches de revenus. Je sais que dans un rapport publié récemment, Statistique Canada indique que les ménages du quintile de revenu inférieur ont vu leur part du revenu disponible augmenter, celle-ci étant passée de 6,1 % au premier trimestre à un sommet de 7,2 % au deuxième trimestre de 2020, tandis que les ménages du quintile de revenu supérieur ont vu leur part du revenu disponible diminuer pour passer de 40,1 % à 37,7 % au cours de la même période.
    Cela donne-t-il une indication que nos programmes d'urgence ont été utiles et ont fonctionné en particulier pour les ménages qui se trouvent au bas de l'échelle des revenus?
    Je pense que certains programmes auraient pu être mieux ciblés. Nous pensons aux prestations complémentaires de la Sécurité de la vieillesse, par exemple, qui sont offertes à un très grand nombre de personnes âgées. Il aurait peut-être été préférable de cibler seulement les bénéficiaires du Supplément de revenu garanti. De généreuses prestations complémentaires auront également été versées à tous les bénéficiaires de l'Allocation canadienne pour enfants, qui couvre pas mal tout le spectre des revenus. Il aurait peut-être été plus judicieux de cibler en particulier les bénéficiaires à faible revenu.
    De même, si l'on prend les grands programmes d'aide aux particuliers, comme la PCU et la prestation subséquente, la PCRE, de même que les améliorations apportées à l'AE, le seuil minimal de prestations est de 500 $ par semaine, ce qui est déjà une prestation substantielle, particulièrement pour les ménages à faible revenu, qui non seulement bénéficient des améliorations apportées aux critères d'accès, mais n'auraient même pas pu avoir accès à l'AE sinon compte tenu de la période d'emploi exigée. Désormais, même quand une personne y est admissible, elle reçoit beaucoup plus.
    Je crois vraiment que les changements apportés à la PCU, à l'AE et à la PCRE sont parmi ceux ayant le plus aidé les ménages à faible revenu et particulièrement, les personnes qui font partie de la population active. J'espère vraiment que ces modifications seront rendues permanentes et que l'AE sera réformée en conséquence, quand le programme de la PCU prendra fin, cet été.
    Nous devrons nous arrêter là.
    Je vous remercie tous les deux.
    Merci.
    Nous entendrons maintenant M. Ste-Marie, qui sera suivi de M. Julian.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Je tiens d'abord à saluer nos invités, ainsi que notre collègue M. Geoff Regan, qui se joint à nous aujourd'hui.
    Mes questions s'adresseront à Mme Grynol.
    Madame Grynol, je vous remercie de votre témoignage, qui est assez alarmant.
    D'après ce que j'ai compris, si les mesures ne sont pas prolongées, 70 % de vos membres risqueront la faillite. Est-ce bien cela?

[Traduction]

    Effectivement, selon les résultats d'un sondage mené il y a trois semaines à peine.

[Français]

    Il s'agit là d'une statistique très préoccupante.
    Vous nous avez suggéré des pistes de solution, comme la prolongation des programmes pour votre secteur au moins jusqu'à la fin de 2021.
    Vous avez présenté un scénario optimiste et un autre plus négatif. Étant donné ces scénarios, croyez-vous que vos membres connaîtront un retour à la normale en 2022, ou faudra-t-il attendre plus longtemps?

[Traduction]

    Je pense que c'est l'été prochain que notre secteur a le plus de chance de se remettre de la pandémie, mais selon tous les scénarios de relance, il semblerait qu'on ne puisse pas s'attendre à retrouver les niveaux de 2019 avant plusieurs années encore. Cependant, d'ici l'été prochain, si les restrictions sont levées et que les gens peuvent de nouveau se déplacer, puis que nous arrivons à générer suffisamment de revenus pour payer nos factures, nous n'aurons plus besoin du soutien gouvernemental.
    Nous souhaitons aujourd'hui simplement que le gouvernement reconnaisse qu'on nous demande encore, dans les faits, de fermer nos portes. Nous ne pouvons pas demeurer ouverts dans les circonstances, et notre secteur est l'un des seuls à être astreint à cela depuis le tout début de la pandémie. Nous n'avons tout simplement plus assez d'argent pour payer nos factures.
    On ne peut pas laisser un secteur entier couler. En tout cas, je ne crois pas que ce soit judicieux. Nous demandons donc au gouvernement de reconnaître qu'il y a des secteurs qui sont laissés pour compte, et il est certain que nous entrons dans cette catégorie.
(1035)

[Français]

     Je vous remercie.
    Vos membres et votre secteur jouent un rôle essentiel dans l'économie.
    Quels arguments pouvez-vous donner au gouvernement pour rappeler le rôle important que jouent vos membres dans l'économie?

[Traduction]

    Il y a des infrastructures essentielles pour l'économie du voyage. Les hôtels en font partie. Les transporteurs aériens en font partie. Quand nous retrouverons un sentiment de normalité, après la COVID, nous aurons besoin de ces infrastructures pour le bon fonctionnement de la société.
    Compte tenu des statistiques en cause ici, de la perte de 70 % de l'industrie, quand nous aurons... Il n'y a que deux ou trois hôtels dans certaines régions nordiques éloignées. Comment pourra-t-on offrir ces services essentiels aux Canadiens? Comment nos régions touristiques feront-elles pour survivre? La première chose qu'on fait quand on planifie un voyage, c'est de vérifier s'il y a des chambres d'hôtel disponibles. Il n'y a pas tellement d'hôtels à l'Île-du-Prince-Édouard, par exemple. Si cette infrastructure commence à s'effondrer, s'il y a tellement moins de vols que les gens n'arrivent plus à se déplacer comme ils le souhaitent et si une fois rendus à destination, ils n'ont nulle part où dormir, toute la relance de l'économie s'en ressentira grandement.
    Il ne s'agit pas que des Canadiens qui planifient leurs prochaines vacances non plus. Il faut que les gens puissent se déplacer d'un endroit à l'autre au pays et que l'infrastructure nécessaire soit là pour le leur permettre. C'est de la relance des voyages d'affaires qu'il s'agit. C'est du coeur de nos centres-villes qu'il s'agit. Ce qui attire les gens dans les centres-villes, ce sont les événements: les congrès, les festivals et toutes les autres choses du genre. Nos centres-villes s'érodent en ce moment. Nos hôtels sont vides depuis 12 mois. Nous ne pourrons même pas compter sur les événements internationaux si nous n'avons pas d'hébergement pour accueillir les gens.
    Mon message au Comité et à quiconque nous écoute aujourd'hui, c'est que nous ne pouvons pas laisser l'infrastructure essentielle pour appuyer cette industrie s'effondrer. Les conséquences à cela seraient encore plus onéreuses pour le gouvernement, les Canadiens et la société.
    Ce sera votre dernière question, monsieur Ste-Marie.

[Français]

    Je vous remercie. C'est très clair et très senti. J'espère que vos membres réussiront à traverser la crise, que le gouvernement saura bien cibler les mesures de soutien et qu'il les prolongera.
    Cela dit, je suis très inquiet pour les hôtels des grandes villes. Une bonne part de leurs revenus dépendaient des congrès internationaux. Je pense à ceux de Montréal et de Toronto, entre autres.
    Pouvez-vous nous parler de l'importance de ces congrès internationaux?
    Croyez-vous qu'après la pandémie, nous saurons remettre en marche ces activités?

[Traduction]

    Eh bien, nous ne pourrons certainement pas en accueillir si nous n'avons pas d'hébergement à offrir. C'est le prérequis numéro un quand on veut attirer ce type d'événement international. Il faut avoir suffisamment de chambres à offrir aux gens ayant besoin d'hébergement, donc nous avons avant tout besoin de conserver notre infrastructure. Je crois que le Canada a la capacité de se reconstruire si on nous offre le soutien adapté que nous souhaitons.
    Je remarque, tout comme vous, que nos centres-villes sont dévastés. Encore aujourd'hui, même dans les centres-villes, la perte de RecPCD, soit de recettes par chambre disponible est de 80 à 90 %; c'est l'unité de mesure utilisée en hôtellerie. Personne ne voyage. Aucun événement n'a lieu. Les hôtels revêtiront une importance fondamentale pour la relance de nos centres-villes urbains.
    Je vous remercie tous les deux.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Nous entendrons maintenant M. Julian, qui sera suivi de Mme Jansen.
    Je remercie tous nos témoins d'être parmi nous aujourd'hui. Nous espérons sincèrement que votre famille et vous demeurez en santé et en sécurité pendant cette pandémie. Nous vous sommes reconnaissants de venir nous parler aujourd'hui du projet de loi C-14, mais aussi de l'énoncé économique de l'automne.
    Ma première question s'adresse à vous, monsieur Macdonald. Selon l'énoncé économique de l'automne et particulièrement, l'état sommaire des opérations, le gouvernement prévoit une réduction radicale des dépenses de programmes à compter du prochain exercice qui commencera le 1er avril, c'est-à-dire dans deux semaines. En même temps, de nombreux témoins nous ont parlé de l'importance de maintenir les mesures de soutien en place, particulièrement dans la perspective de la troisième vague, et même de bonifier l'aide offerte aux secteurs souffrant le plus de cette pandémie. Pourtant, l'énoncé économique de l'automne ne semble prévoir aucune véritable initiative pour faire augmenter les revenus.
    J'aimerais aborder en particulier la question de l'impôt sur la fortune. Le CCPA a réalisé une étude, il y a quelques semaines, selon laquelle l'impôt sur la fortune pourrait générer beaucoup plus de revenus qu'on ne le prévoyait au départ. Étant donné que les milliardaires du Canada se sont enrichis de plus de 60 milliards de dollars pendant la pandémie, ne croyez-vous pas qu'il serait judicieux, pour le gouvernement, de s'attaquer à l'énorme inégalité des revenus au moyen d'un impôt sur la fortune pour gérer la crise?
(1040)
    Je suis persuadé qu'il viendra un temps, au cours des prochaines années, où il faudra commencer à penser à de nouvelles mesures pour générer des revenus. De manière générale, quand on y réfléchit, il faut comprendre que cette pandémie n'a pas que des effets négatifs sur tout le monde.
    Financièrement, il y a des entreprises, dans certains secteurs, qui se trouvaient au bon endroit, au bon moment, pendant la pandémie, et qui ont enregistré des profits record. Ainsi, les PDG de ces entreprises feront des profits record. On peut même s'attendre à ce que les PDG des entreprises qui n'ont pas fait de profits record touchent malgré tout de généreux bonus de fin d'année, grâce à de petites modifications aux règles, parce que quand l'économie va vraiment bien, les PDG touchent des bonus mirobolants, mais quand l'économie va moins bien, on change un peu les règles pour que les PDG touchent quand même de gros bonus.
    Vient ensuite l'impôt sur la fortune. Encore une fois, pour les Canadiens du décile supérieur, la récession s'est terminée en juillet. Les emplois s'étaient alors complètement rétablis pour les gens du quart supérieur. De même, pour ceux qui font partie du 1 % le plus riche, la valeur de l'actif a augmenté avec la hausse des valeurs boursières et immobilières. Les choses ne vont pas mal pour tout le monde.
    Je pense que de manière générale, nous devrions vraiment envisager un genre d'impôt sur la fortune, et j'ajoute que le Canada est le seul pays du G7 à ne pas imposer de taxe successorale. Tous les autres grands pays ont la leur. Une nouvelle taxe sur la fortune devrait s'inspirer des leçons qu'on peut tirer des taxes successorales en vigueur ailleurs. Il est facile de créer un impôt sur la fortune qui soit un cauchemar à mettre en application, mais cela ne veut pas dire que nous ne devrions pas essayer de tirer des leçons de l'expérience des autres pays pour nous doter d'une taxe efficace sur la fortune.
    Par ailleurs, je pense que nous pourrions envisager un genre d'impôt sur les profits excédentaires, pour les entreprises ou les filiales d'entreprises qui se sont beaucoup enrichies grâce à la pandémie. Nous pourrions aussi fixer de nouveaux taux marginaux d'imposition supérieurs pour les particuliers, notamment pour les PDG qui toucheront des bonus record.
    Je pense qu'il vaut la peine que nous nous demandions qui devrait contribuer à la lutte contre la pandémie. Les gens qui s'en tirent le mieux, à l'extrémité supérieure du spectre des revenus, devraient avoir la responsabilité de redonner une partie de ce qu'ils ont gagné, pour que les autres personnes, particulièrement les Canadiens à faible revenu, aient plus de chances d'obtenir de l'aide et de trouver un emploi.
    Je vous remercie.
    Quand vous avez comparu devant le Comité, le 18 juin dernier, vous avez dit une chose très perspicace. Vous avez dit que la nature protégée du secteur bancaire canadien a fait réaliser des profits astronomiques aux actionnaires, en plus de permettre aux dirigeants de toucher des bonus mirobolants. Cependant, en cette période où tant de Canadiens sont dans le besoin, il est temps d'en demander plus à ce secteur, non seulement pour le bien de Canadiens, mais aussi pour le bien de notre économie.
    L'un des aspects les plus frappants de la réponse du gouvernement à la pandémie, c'est l'injection de 750 milliards de dollars, des trois quarts d'un billion, en concours de trésorerie, dès les premiers jours de la pandémie. Il semble qu'il n'ait rien véritablement demandé aux banques en retour, de sorte que les banques ont enregistré des profits de plus de 40 milliards de dollars jusqu'à maintenant pendant la pandémie. Tout cela, grâce aux politiques gouvernementales.
    Avez-vous l'impression qu'on en demande assez aux banques compte tenu des niveaux sans précédent de concours de trésorerie dont elles ont bénéficié?
    Il y a eu un article dans le Financial Post sur les bonus des PDG des grandes banques, malgré des revenus bas comparativement à l'année précédente, même si elles ont tout de même réalisé des profits. Malgré la baisse des revenus dans le secteur bancaire, les avantages et les bonus des PDG n'ont pratiquement pas été touchés. Les PDG continueront de recevoir les gigantesques bonus qu'ils reçoivent depuis des années, malgré le rendement réel de l'entreprise. Le fait est que quand l'économie va bien, les PDG touchent d'énormes bonus. Quand l'économie va moins bien, il suffit de changer un peu les règles, et les PDG touchent tout de même de gros bonus. Je pense que c'est exactement la même chose qui va se produire cette année, d'après ce qu'on peut déjà lire dans les circulaires d'information des grandes banques.
    Je parlais en juin dernier des reports d'hypothèque, issus des modifications réglementaires apportées par le gouvernement fédéral. Ces changements ne sont pas survenus à la demande des banques, mais plutôt parce que le gouvernement fédéral lui-même a changé les règles. L'endettement des ménages, qui représentait environ 100 % du PIB depuis plusieurs années, a grimpé jusqu'à 110 % du PIB, selon les données les plus récentes, en partie à cause de ces reports. Les gens ont pris les banques d'assaut pour profiter de ces reports d'hypothèques et se constituer une réserve de liquidités pour être mieux en mesure de faire leurs paiements hypothécaires. Dieu merci, nous n'observons pas encore de défaut de paiement de masse avec la fin des programmes de reports d'hypothèque.
    Pour ce qui est d'en demander plus aux banques, je pense que le gouvernement fédéral pourrait leur demander de réduire substantiellement les pénalités qu'elles imposent aux propriétaires résidentiels qui rompent leur contrat hypothécaire, surtout à ceux qui ont un taux fixe. Ces frais peuvent être élevés. Ils peuvent être très imprévisibles et compte tenu de toute l'aide que le secteur bancaire reçoit et que les PDG continuent de recevoir grâce aux bonus, je pense qu'il serait justifié de demander aux banques de réduire les pénalités qu'elles imposent aux gens lorsqu'ils rompent leur contrat hypothécaire, surtout s'ils bénéficient d'un taux fixe. Ainsi, si autant de Canadiens continuent de perdre leur emploi et n'arrivent plus à payer leur hypothèque, au moins, on pourrait espérer que dans le marché immobilier vigoureux actuel, ils puissent vendre leur maison pour en trouver une qu'ils pourront payer.
(1045)
    Nous devrons nous arrêter là.
    Je donnerai maintenant la parole à Mme Jansen, qui partagera son temps avec M. Cumming, si je ne me trompe pas. Ils seront suivis de Mme Koutrakis.
    Allez-y, madame Jansen.
    Monsieur Cross, la ministre des Finances répète ad nauseam que les Canadiens peuvent facilement se permettre de s'endetter étant donné que les taux d'intérêt sont si bas et que nous avons la garantie qu'ils resteront bas.
    Diriez-vous que sa confiance est fondée ou qu'elle relève de la fabulation?
    Il n'y a jamais de garantie en ce qui concerne les taux d'intérêt. Je répète que selon moi, les banques centrales ont indiqué sans équivoque qu'elles ne relèveront les taux d'intérêt en aucune circonstance cette année, mais l'année prochaine et la suivante, on s'attend déjà à ce que les taux d'inflation augmentent et exercent une pression sur les taux d'intérêt à long terme aux États-Unis. Nous devrons suivre, faute de quoi tout l'argent sortira du pays pour être investi aux États-Unis.
    Je pense que de compter sur le fait que les taux d'intérêt resteront bas indéfiniment, c'est déjà... C'est déjà la réalité des marchés financiers jusqu'à maintenant, cette année: les taux d'intérêt pourraient grimper beaucoup plus vite que ce que croyaient les dirigeants des banques centrales ou ce qu'ils nous ont promis.
    Très bien. Merci.
    Cela me fend le coeur que le projet de loi C-14 conjugue l'aide dont les Canadiens ont besoin pour survivre à la pandémie à une énorme augmentation de la capacité d'emprunt, puisque cela revient à donner un chèque en blanc au gouvernement. Trouveriez-vous responsable que les députés votent pour le projet de loi C-14 ou croyez-vous que nous devrions scinder le projet de loi en deux afin de voter pour la prolongation des mesures de soutien, mais contre les augmentations gigantesques de dépenses?
    En tant qu'économiste et employé de Statistique Canada depuis toujours, je n'ai aucune idée de la façon dont les projets de loi devraient être présentés au Parlement. Je vais donc m'abstenir sur cette question, merci.
    D'accord. Je laisserai le reste de mon temps à mon collègue, M. Cumming.
    Monsieur Cumming, je vous souhaite la bienvenue au Comité, nous sommes heureux de vous revoir. La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    J'adresserai principalement mes questions à M. Cross.
    Je suis heureux de vous revoir devant le Comité, monsieur Cross.
    Vous avez parlé assez abondamment d'assouplissement quantitatif et de l'acquisition massive d'obligations par la Banque du Canada. Devrions-nous nous inquiéter du fait que la majorité des dettes au Canada, actuellement, est à taux variable? Qu'elles en seront les conséquences? Même si nous changions ces taux pour des taux fixes aujourd'hui, les coûts de service de la dette grimperaient-ils?
    Ils ne sont pas tous variables. Comme je l'ai mentionné, selon l'étude du directeur parlementaire du budget, les répercussions d'une augmentation des taux d'intérêt dans un an serait de 4,5 milliards de dollars, mais sur cinq ans, elles seraient de 12,8 milliards de dollars, et ce, parce que cela prend un certain temps pour que cette dette à long terme se renouvelle. Cela ne se produirait pas du jour au lendemain, mais même un montant de 4,5 milliards de dollars est important. Lorsque les taux commenceront à augmenter, ils ne s'arrêteront pas au scénario de 1 % prévu dans le rapport du directeur parlementaire du budget. Lorsqu'ils commenceront à augmenter, il se pourrait qu'ils augmentent de façon importante.
(1050)
    Avant la COVID, nous avions une croissance relativement anémique au Canada. Dans le projet de loi C-14 ou dans l'énoncé économique de l'automne, avez-vous vu des mesures rassurantes vous indiquant que nous avons bel et bien un programme ciblé pour sortir de la crise dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui?
    Non. Toutes les mesures — et c'est sans doute à juste titre — dans la politique budgétaire et monétaire visent à stimuler l'économie à court terme. C'est compréhensible. Nous sommes encore au milieu d'une crise majeure. Jusqu'à ce que cette crise soit résorbée, j'ai bien peur que ce soient les considérations à court terme qui prévaudront.
    Toutefois, je m'inquiète de voir qu'on ne mette à peu près pas l'accent sur les déterminants sous-jacents de la croissance à long terme au pays, particulièrement les investissements dans l'innovation. Il n'en est à peu près pas question. Tout ce dont on entend parler, toutes les discussions de nature stratégique, porte sur la main-d'œuvre, la garde des enfants et les revenus annuels garantis. Tout est axé sur la main-d'œuvre. On n'entend pas parler d'investissements, et tout particulièrement du déterminant à long terme le plus important pour assurer la croissance au pays, soit la productivité et l'innovation.
    Pour assister à un retour des investissements au Canada, après l'exode que nous avons connu, les investisseurs ont besoin d'un certain degré de certitude. À un moment où on demande des sommes aussi considérables aux contribuables canadiens, ne seriez-vous pas d'accord pour dire qu'on devrait à tout le moins avoir une idée de la façon dont sera utilisé cet argent pour accroître la productivité et pour encourager ce genre d'investissements?
    J'ai rédigé un article l'été dernier pour l'Institut Macdonald-Laurier, que je représente aujourd'hui, qui porte sur l'innovation. Nous avons des programmes pour stimuler la productivité et l'innovation au pays depuis des décennies. Nous avons une panoplie de programmes gouvernementaux. Ils ne fonctionnent tout simplement pas. On doit s'éloigner de cette mentalité voulant qu'en misant un peu sur les intrants de l'innovation, ou les intrants présumés de l'innovation, comme la recherche et le développement, l'éducation, etc., nous allons régler le problème de l'innovation. Cela ne fonctionne pas. Nous devons recommencer à encourager l'esprit d'entreprise au pays.
    On a beaucoup parlé aujourd'hui du fait qu'être riche est, en quelque sorte, presque un crime dans ce pays, et qu'il faut pénaliser cela. Si quelqu'un devient riche, il faut immédiatement hausser ses impôts. Pourquoi ne les félicitons-nous pas plutôt? Pourquoi ne leur demandons-nous pas ce qu'ils ont fait qui pourrait nous servir d'inspiration?
    C'est la mentalité qu'on voit beaucoup plus aux États-Unis, et devinez quoi? Devinez quel est le pays où l'on innove le plus, et de loin, dans le monde? Ce sont nos voisins du sud, mais nous les dénigrons. Je ne comprends pas.
    Très bien.
    Nous passons à Mme Koutrakis, suivi de M. Ste-Marie.
    Madame Koutrakis, c'est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je remercie tous nos témoins de leurs exposés. Nous avons une conversation très intéressante.
    Madame Grynol, j'ai écouté votre témoignage que j'ai trouvé très inquiétant, en particulier les chiffres que vous avez donnés concernant les hôtels et le fait que 70 % d'entre eux pourraient faire faillite si le gouvernement fédéral ne prolonge pas, en particulier, les subventions à l'emploi et au loyer jusqu'à la fin de l'année.
    Cela étant dit, pourriez-vous nous dire ce que vous pensez de l'application proposée de la TPS et de TVH aux séjours d'hébergement à court terme réservés sur des plateformes numériques comme Airbnb? Selon vous, en quoi cela permettra-t-il d'équilibrer les règles du jeu pour les hôtels, qui s'estiment d'être profondément désavantagés par rapport à ces plateformes?
    Les règles du jeu sont inéquitables depuis un certain temps maintenant, à de multiples niveaux de gouvernement, pour être honnête. Nous avons assisté à la naissance d'une industrie qui vend essentiellement le même produit que nous, mais en le faisant en ligne. Nos concurrents sont les exploitants qui achètent des édifices au complet en expulsant les gens de leurs foyers, qui font diminuer l'offre de logements à long terme sur le marché et qui les convertissent en location à court terme. Ils peuvent aller s'installer en face d'un hôtel, dans un édifice de logements en copropriété où Airbnb possède toutes les unités, ou la moitié d'entre elles, mais sans avoir à payer de taxes et d'impôt et sans être assujettis aux mêmes normes de santé et sécurité que nous, et sans qu'aucune des règles mises en place par les gouvernements pour régir l'hébergement ne s'appliquent à eux jusqu'à maintenant.
    Nous sommes ravis de voir — nous travaillons sur ce dossier depuis longtemps maintenant — qu'à partir du 1er juillet, on rendra les règles du jeu plus équitables au sujet de la TPS et de la TVH, ce qui veut dire que les plateformes de location à court terme comme Airbnb devront percevoir et verser la TPS au lieu d'achat. C'est une mesure qui contribuera à équilibrer les règles du jeu.
    J'ajouterais que nous voyons à l'heure actuelle des gens réserver des chalets sur Airbnb partout au pays. On n'a aucune idée des protocoles de nettoyage dans ces chalets, qui ne sont pas assujettis aux mêmes normes que les hôtels. Pendant ce temps, les hôtels qui ont toujours respecté les règles, qui construisent de nouveaux établissements et qui contribuent à la communauté sont vides. Je m'en tiendrai à ce commentaire.
(1055)
     Je vous remercie.
    Ma prochaine question s'adresse à qui veut bien y répondre.
    Nos collègues de l'opposition ont maintes fois répété que nous avions trop dépensé pour ces programmes et que les mesures d'aide que nous avons mises en place nous ont forcés à nous endetter. Nous l'avons entendu encore aujourd'hui lors de quelques témoignages.
    Pour financer les programmes de grande envergure que nous avons mis en place pour aider les Canadiens à traverser la pandémie, nous avons seulement quelques options: augmenter la dette annuelle du Canada, imposer davantage les entreprises et les familles canadiennes ou cesser de financer des programmes essentiels.
    Selon vous, comment le gouvernement aurait-il dû financer les dépenses supplémentaires pendant la pandémie?
    Qui aimerait commencer?
    Monsieur Macdonald, allez-y.
    À court terme, il s'agit exactement des trois choix qui s'offrent au gouvernement. Il peut augmenter l'impôt, couper dans les programmes ou faire des déficits, ou un mélange des trois.
    La baisse de 60 milliards de dollars dans les recettes du gouvernement est si importante qu'il lui serait presque impossible de couper dans les programmes pour équilibrer le budget. Le faire aurait des conséquences dévastatrices. Il lui faudrait supprimer totalement l'assurance-emploi, supprimer totalement, disons, le ministère de la Défense nationale, et supprimer totalement le programme de l'Allocation canadienne pour enfants. C'est ce qu'il aurait fallu pour équilibrer le budget en 2020.
    De toute évidence, le financement par le déficit est la bonne décision à cette étape. Le taux d'intérêt du gouvernement fédéral sur les obligations de 5 à 10 ans est, ou est presque, à des niveaux historiquement bas. Il faut remonter aux années 1950 pour voir des taux d'intérêt sur les obligations à des niveaux aussi bas. Un taux d'intérêt sous la barre des 2 % est extrêmement faible pour financer cette dette. La situation est très différente de ce qu'elle était dans les années 1990 lorsque les taux d'intérêt étaient beaucoup plus élevés.
    On court le risque, naturellement, que les taux d'intérêt augmentent et augmentent ainsi le coût de ces emprunts pour le gouvernement fédéral, mais les taux d'intérêt ne touchent pas seulement le gouvernement fédéral. L'augmentation des taux d'intérêt touche le secteur des ménages et le secteur des entreprises en plus des gouvernements provinciaux, qui paient tous des taux d'intérêt plus élevés et qui sont tous beaucoup plus endettés.
    Le ratio d'endettement du gouvernement fédéral se situe à 50 % du PIB à l'heure actuelle, celui du secteur des entreprises à 130 %, et celui du secteur des ménages à 110 %. Ces secteurs seraient frappés beaucoup plus durement. Si les taux d'intérêt augmentaient de façon significative, nous serions vite replongés dans une récession, avant que le gouvernement fédéral en souffre vraiment.
    Très bien. Je vous remercie.
    Madame Grynol, allez-y.
    Je dirais simplement que sans ces investissements dans ces programmes, il n'y aurait plus d'industrie hôtelière aujourd'hui. J'aimerais simplement remercier le gouvernement de l'avoir fait.
    J'ajouterais toutefois que ces programmes doivent maintenant être adaptés. Ils doivent s'adresser à ceux qui en ont vraiment besoin. Dans le cas contraire, nous aurons dépensé tout cet argent pour rien.
    Madame Grynol, permettez-moi de poser une question à propos de la subvention salariale. Nous l'avons prolongée jusqu'au 5 juin, je crois.
    S'il devait y avoir un changement, quand l'annonce devrait-elle être faite? Quand je parle aux exploitants d'entreprises touristiques, ils me disent qu'ils doivent le savoir maintenant, qu'il sera trop tard pour le faire en juin.
    Qu'en pensez-vous?
    Il faut que cela fasse partie du budget. Le gouvernement doit dire à l'industrie du tourisme et du voyage dans le budget qu'il est là pour elle, qu'elle peut faire des prévisions et qu'elle sera en mesure de payer ses factures et de garder ses employés grâce à l'aide pour le loyer commercial et à la subvention salariale. L'industrie ne peut pas attendre en juin pour le savoir; elle doit le savoir maintenant, car c'est maintenant que les entreprises doivent décider si elles restent ouvertes ou si elles ferment leurs portes.
(1100)
    Il ne nous reste que deux minutes.
    Peut-on laisser la parole à Elizabeth May?
    Madame May, allez-y. Vous pouvez poser votre question.
    J'ai une question très brève qui s'adresse à David Macdonald.
    Lors de sa comparution, il y a quelque temps, on a demandé à Stephen Poloz, qui était gouverneur de la Banque du Canada à ce moment, si ces politiques pourraient avoir un effet inflationniste. Il a répondu très clairement, comme beaucoup d'entre nous s'en souviendront, qu'il serait ravi d'avoir ce problème. Il s'inquiétait beaucoup plus de la déflation que de l'inflation.
    Monsieur Macdonald, pourriez-vous nous dire ce que vous en pensez?
    Nous nous inquiétons du ratio de la dette au PIB du Canada qui se situe à 50 %, mais celle du Japon se situe à 260 %, et ils souhaitent ardemment voir l'inflation augmenter. Ils sont aux prises avec la déflation depuis l'effondrement de leur marché immobilier dans les années 1990, et c'est donc exactement un problème que nous devrions souhaiter avoir.
    Un accroissement de l'inflation procurerait, bien entendu, une plus grande marge de manoeuvre à la Banque du Canada, qui fait ce qu'elle peut avec des taux plancher de zéro. Il n'est plus possible de stimuler la croissance économique en diminuant les taux d'intérêt; ils sont déjà à zéro. Une hausse de l'inflation donnerait à la Banque du Canada un peu plus de marge de manoeuvre pour augmenter légèrement les taux d'intérêt et potentiellement stimuler davantage l'économie lors de la prochaine récession, qui ne manquera pas de survenir.
    Je remercie sincèrement nos témoins de leurs témoignages.
    Une heure est vite passée; nous avons habituellement une heure et demie. Nous accueillons maintenant des témoins du bureau du directeur parlementaire du budget.
    Nous allons suspendre la séance pendant trois minutes et reprendre avec les représentants du bureau du directeur parlementaire du budget.
    La séance est suspendue.
(1100)

(1100)
    La séance reprend.
    Comme chacun sait, nous nous réunissons pour discuter du projet de loi C-14.
    Notre témoin n'a assurément pas besoin de présentation. Nous accueillons M. Giroux, directeur parlementaire du budget, du Bureau du directeur parlementaire du budget. Il est accompagné par Mme Yan, directrice de l'analyse budgétaire.
    Monsieur Giroux, je vous cède la parole.

[Français]

     Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du Comité, bonjour.
    Nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd’hui. Nous sommes heureux d'avoir aujourd'hui l'occasion de parler de notre récente analyse économique et financière relative à votre étude sur le projet de loi C-14, Loi portant exécution de certaines dispositions de l'énoncé économique déposé au Parlement le 30 novembre 2020 et mettant en œuvre d'autres mesures.
    Comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui de Mme Xiaoyi Yan, directrice de l'Analyse budgétaire.
    Conformément à mon mandat, qui consiste à offrir au Parlement des analyses indépendantes et impartiales, mon bureau travaille avec diligence, depuis mars dernier, afin de présenter aux parlementaires des données estimatives fiables concernant les répercussions des dépenses sans précédent effectuées en réponse à la COVID-19 sur les finances du gouvernement et l'économie canadienne.
    Nous avons aussi publié des estimations de coûts indépendantes relativement à certains des éléments du Plan d'intervention économique du Canada pour répondre à la COVID-19, produit par le gouvernement.
(1105)

[Traduction]

    Le 10 décembre, nous avons publié notre évaluation de l'Énoncé économique de l'automne 2020 du gouvernement. Notre rapport définit plusieurs questions essentielles pour aider les parlementaires dans leurs délibérations budgétaires, en plus de présenter des prévisions financières et économiques mises à jour.
     Sur le plan de la transparence, l'énoncé économique de l'automne du gouvernement comporte certains éléments essentiels à une planification financière crédible et une étude rigoureuse des mesures proposées, comme une perspective financière détaillée sur cinq ans.
     Cependant, l'énoncé économique de l'automne comporte certaines lacunes en matière de transparence. On note par exemple l'absence d'une cible budgétaire, l'absence de seuils précis pour les garde-fous budgétaires et le manque de détails concernant le Compte des opérations de l'assurance-emploi.
    Outre notre rapport, mon bureau a publié des estimations de coûts indépendantes pour certaines des mesures présentées dans l'énoncé économique de l'automne, dont l'Élimination des intérêts sur les prêts d'études canadiens, la Subvention salariale d'urgence du Canada et la Subvention d'urgence du Canada pour le loyer.
    Nous serons heureux de répondre à vos questions sur notre analyse de l'Énoncé économique de l'automne 2020 du gouvernement ou sur d'autres travaux du DPB.
     Merci, monsieur le président.
    Cela vous a pris une minute et demie. Monsieur Giroux, vous êtes rapide aujourd'hui.
    Monsieux Fast, je vous cède la parole. Vous avez six minutes.
    Je vous remercie, monsieur Giroux, d'avoir été bref. Nous aurons ainsi plus de temps pour obtenir des réponses à nos questions.
    Le projet de loi C-14 comprend une demande pour augmenter le plafond de la dette d'un montant historique de 663 milliards de dollars — soit environ 57 % de plus que le plafond actuel, ce qui inclut des dépenses pour la relance non précisées de 100 milliards de dollars, et une capacité d'emprunt supplémentaire non affectée de 223 milliards de dollars.
    J'aimerais que vous nous parliez du bien-fondé de demander une augmentation massive de la capacité d'emprunt sans avoir un cadre budgétaire et sans avoir de cibles budgétaires pour guider le gouvernent dans la gestion de ses finances.
    Nous avons parlé de nos préoccupations à cet égard dans notre rapport du 10 décembre après l'énoncé économique de l'automne. Dans ce rapport, nous avons indiqué qu'il était un peu inhabituel de voir une telle augmentation du plafond de la dette lorsqu'il n'y a pas de plan clair pour certains éléments qui sont inclus. Je fais allusion ici au montant de 100 milliards de dollars mentionné dans l'énoncé économique de l'automne — de 70 milliards à 100 milliards de dollars qui seront dépensés sur trois ans pour des éléments non définis.
    Nous avons signalé qu'il s'agissait là de questions que les parlementaires pourraient envisager de poser au gouvernement, car il s'agit d'un fait inhabituel. C'est inhabituel, car il n'y a pas de secteurs de dépenses identifiables pour ce montant, et le plafond de la dette comprend déjà une réserve pour éventualités d'environ 87 milliards de dollars, si bien que le gouvernement dispose de la marge de manoeuvre nécessaire pour, à tout le moins, commencer à dépenser ces fonds s'il souhaite stimuler l'économie.
    En résumé, nous considérons la situation quelque peu inhabituelle, et c'est pourquoi nous l'avons signalé dans notre rapport du 10 décembre.
    Ne serait-il pas plus prudent de présenter d'abord un budget fédéral en bonne et due forme, puis de demander les pouvoirs d'emprunt requis à l'appui de ce budget?
    C'est la façon habituelle de procéder pour augmenter le pouvoir d'emprunt concernant la dette. Cela fait habituellement partie d'un budget ou accompagne un projet de loi d'exécution du budget. C'est ainsi que l'on procède habituellement. Le gouvernement présente son plan de dépenses à long terme aux parlementaires et aux Canadiens et en profite pour demander, par la même occasion, une augmentation du pouvoir d'emprunt pour accompagner ou réaliser ces plans de dépenses.
    Certains diront que l'énoncé économique de l'automne était un mini-budget et qu'il contenait donc de nombreuses mesures budgétaires, mais il ne s'agissait pas d'un budget traditionnel dans le sens où nous l'entendons, car, comme vous le savez tous, le dernier budget remonte à deux ans.
(1110)
    Comme vous venez de le mentionner, il y a déjà une réserve pour éventualités de prévue dans le plafond de la dette. Or, on demande en sus un montant exorbitant de dépenses ou d'emprunts discrétionnaires. D'après vous, ce montant de dépenses discrétionnaires supplémentaire et ce pouvoir d'emprunt non affecté est-il raisonnable? Nous parlons d'un fonds de relance d'environ 100 milliards de dollars et, en plus, d'une capacité d'emprunt non affectée de 223 milliards de dollars.
    Est-ce raisonnable? Dans la négative, quel serait un plafond plus approprié?
    Eh bien, monsieur, je dirais qu'on peut tous avoir sa petite opinion sur ce que l'on considère comme « raisonnable », alors je dirais que c'est probablement largement suffisant. C'est largement suffisant, à tout le moins, pour répondre aux besoins énoncés dans l'énoncé économique de l'automne.
     À mon humble avis, il est probablement prématuré d'inclure ce montant de 100 milliards de dollars dans une loi sur les pouvoirs d'emprunt, mais il revient à vous, parlementaires, d'en décider. Cela aurait pu attendre que le gouvernement ait énoncé ses plans de dépenses à cet égard. Si des dépenses imprévues doivent être engagées, la réserve pour éventualités de quelque 87 milliards de dollars aurait pu être utilisée ou pourrait encore être utilisée à cette fin. Il s'agit encore une fois d'une somme qui constitue une marge de manoeuvre très importante dans le cadre d'un pouvoir d'emprunt.
    Monsieur Fast, vous en êtes à votre dernière question.
    Monsieur Giroux, vous avez dit être préoccupé par le fait que les parlementaires ne sont pas en mesure de bien évaluer et d'examiner de manière rigoureuse le plan de dépenses et d'emprunt du gouvernement. Pourriez-vous nous dire ce que vous considérez être le seuil de transparence minimal auquel on devrait s'attendre d'un gouvernement fédéral lorsqu'il demande des augmentations colossales du plafond de la dette et des milliards de dollars en dépenses discrétionnaires?
    Eh bien, habituellement lorsque le gouvernement dépose un projet de loi dans le cadre duquel il demande une augmentation de son pouvoir d'emprunt, il le fait en parallèle avec un budget dans lequel il énonce clairement ses plans — normalement sur une période de cinq ans. Nous n'avons rien vu de tel jusqu'à maintenant. Le gouvernement demande au Parlement d'approuver une augmentation de son pouvoir d'emprunt, mais sans lui donner le portrait global qui accompagne habituellement une telle augmentation dans un budget.
    Il est à espérer que le prochain budget contiendra d'autres plans prévus qui viendront mieux justifier cette augmentation du pouvoir d'emprunt, mais jusqu'à maintenant, l'énoncé économique de l'automne ne nous donne qu'un portrait partiel de la situation.
    Je vous remercie tous les deux.
    Nous passons maintenant à M. Fraser, suivi de M. Ste-Marie.
    Monsieur Fraser, vous avez la parole.
    Je vous remercie beaucoup.
    Je vous suis reconnaissant d'être des nôtres, monsieur Giroux. Je n'ai que quelques questions.
    Je vais reprendre là où mon collègue, M. Fast s'est arrêté, soit sur la question du pouvoir d'emprunt demandé dans le projet de loi C-14. Quelques collègues au sein du Comité ont parlé précédemment d'un chèque en blanc. Si je me souviens bien, Mme Jansen a utilisé cette expression avec le groupe de témoins précédent.
    J'aimerais simplement avoir une confirmation. Il y a une différence importante entre le pouvoir d'emprunt et les décisions en matière de dépenses du Parlement. Pourriez-vous nous expliquer la différence, s'il vous plaît?
    Le pouvoir d'emprunt est le montant maximal que le ministre des Finances peut emprunter pour financer les activités du gouvernement. Cela ne va pas nécessairement de pair avec le pouvoir de dépenser. Le pouvoir de dépenser en soi est accordé dans le cadre de projets de loi distincts, et il peut porter sur des autorisations législatives comme l'assurance-emploi ou la sécurité de la vieillesse, qui sont des programmes permanents pour lesquels le Parlement n'a pas à voter chaque année. Il peut porter également sur les dépenses de fonctionnement, les subventions et contributions, etc., pour lesquelles le Parlement doit donner son autorisation chaque année. Cela se fait dans le cadre du budget principal et des divers budgets supplémentaires des dépenses.
    Même si le pouvoir d'emprunt peut être augmenté, le gouvernement n'a pas pour autant le pouvoir de dépenser cet argent. Il doit demander l'autorisation de le faire dans le cadre de projets de loi distincts.
(1115)
    Le Parlement aura donc l'occasion de procéder à un examen rigoureux des nouveaux programmes de dépenses que le gouvernement pourrait présenter dans le budget à venir ou certaines des mesures dont vous avez parlé. Les parlementaires auront donc la possibilité d'examiner rigoureusement et potentiellement de voter sur ces nouveaux programmes le moment venu. Est-ce exact?
    Ce serait normalement le cas, si on présume d'un retour aux procédures législatives normales. Le gouvernent a bénéficié de pouvoirs extraordinaires lors de la session précédente.
    Si l'on présume que les dépenses seront approuvées en suivant les procédures normales, oui, vous avez raison, monsieur.
    Bien sûr.
    J'aimerais parler un instant de la pertinence d'avoir l'autorisation du Parlement pour augmenter la limite d'emprunt. Il s'agit d'une mesure relativement nouvelle. En 2016, nous avons adopté, en fait, une nouvelle exigence législative voulant que, tous les trois ans, le gouvernement procède à un examen et puisse demander la permission d'augmenter le pouvoir d'emprunt, s'il le souhaite.
    À mon point de vue, il s'agit d'un exercice de transparence. Si j'ai bien compris, l'échéance prévue dans la loi est arrivée. Pouvez-vous nous confirmer si le gouvernement peut faire fi de l'exigence de revenir pour obtenir un pouvoir supplémentaire d'emprunt?
    Je vais devoir vous revenir sur ce point. Comme je ne suis pas avocat, je vais devoir examiner la loi plus en détail.
    Je vous serais reconnaissant de le faire, si vous le voulez bien.
    Je trouve très important de mentionner ici que nous avons vu nos voisins du sud devoir faire des acrobaties politiques lorsque le gouvernement fédéral frôle le plafond de la dette. Aux États-Unis, le gouvernement a même dû, à certaines occasions, interrompre ses activités lorsque le plafond de sa dette était atteint.
    Je suis curieux de savoir si, selon vous, c'est une bonne idée d'indiquer à l'avance où pourrait se situer le plafond de la dette au cours des prochaines années, et d'avoir une certaine marge de sécurité afin de ne pas nous retrouver dans une situation où des acrobaties politiques pourraient mener à l'interruption des activités du gouvernement.
    Le fait d'avoir un plafond de la dette, pour ainsi dire, dans le cadre de la Loi autorisant certains pouvoirs d'emprunt, est assurément une bonne idée, en ce sens que cela accroît la transparence. L'emprunt n'est pas un simple sous-produit de toutes les décisions de dépenses du gouvernement. Il s'agit, en ce sens, d'un très bon outil pour accroître la transparence.
    Le fait d'avoir un coussin permet en outre de ne pas frapper un mur si, pour une raison ou une autre — par exemple en temps d'élections lorsque le Parlement est dissous —, il n'est pas possible d'accroître cette limite, ou il n'y a pas de consensus pour le faire, et qu'il faut interrompre les activités du gouvernement parce que le plafond est atteint. C'est une situation malheureuse que nous avons vu se produire à quelques reprises aux États-Unis. Il est assurément souhaitable d'avoir une marge de sécurité. La taille de cette marge pourrait être discutée, mais tant la Loi autorisant certains emprunts que le fait d'avoir un montant maximal et une marge de sécurité sont des bonnes idées, tout d'abord pour accroître la transparence, et ensuite pour assurer la continuité des activités du gouvernement.
     Monsieur le président, me reste-t-il du temps pour une dernière question?
    Oui, monsieur Fraser. Vous pouvez poser votre dernière question.
    Vous avez mentionné avoir procédé à une évaluation du coût de certains programmes mentionnés dans l'énoncé économique de l'automne. Je sais que vous l'avez déjà fait aussi pour d'autres mesures auparavant.
    Tout au long de la pandémie, nous avons entendu M. Macdonald du Centre canadien de politiques alternatives dire dans ses témoignages que si le gouvernement n'avait pas assumé le coût de certains de ces programmes — utilisons comme exemple la subvention pour le loyer —, ce coût aurait dû être assumé ailleurs.
    Pourriez-vous nous confirmer s'il existe une analyse contrefactuelle à ce sujet, ou nous dire si, selon votre évaluation, le coût aurait été plus grand pour l'économie si le gouvernement n'avait pas mis en place certains de ces programmes et s'il avait laissé le coût de la pandémie retomber sur les épaules du secteur privé, des ménages ou même des gouvernements provinciaux?
    Nous n'avons pas procédé à une analyse contrefactuelle, car le choc aurait été si important que je ne suis pas certain que nos modèles auraient été en mesure d'absorber tout cela. La meilleure solution de rechange serait sans doute d'examiner la situation dans des pays semblables au nôtre qui n'ont pas fourni le même niveau d'aide, s'il en existe, et je doute qu'il y en ait à avoir fait cette expérience très dure. Il est certain que des millions de Canadiens, d'entreprises et de ménages se seraient trouvés dans une situation très précaire si le gouvernement n'avait pas offert de programmes d'aide.
(1120)
    Je vous remercie.
    Je remercie chacun d'entre vous.
    Madame Yan, si vous aimeriez ajouter quelque chose à tout moment, n'hésitez pas à lever la main. Le cas échéant, j'espère vous voir.
    Nous passons à M. Ste-Marie, qui sera suivi de M. Julian.
    Monsieur Ste-Marie, allez-y.

[Français]

     Merci, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, madame Yan, bonjour. Je vous remercie de votre présence. Je vous remercie aussi de l'important travail que vous accomplissez. Vous devez avoir des semaines impossibles, avec tout le travail qu'il y a à abattre et toutes les analyses qu'il y a à faire. Vous faites un travail particulièrement essentiel durant cette pandémie, où il est difficile d'obtenir des données fiables et de suivre les dépenses historiques qui se font. Je vous tire mon chapeau et vous remercie au nom de tous mes collègues.
    Je commencerais par vous questionner encore une fois sur le sujet qui a été abordé par mes deux collègues, soit le rehaussement spectaculaire du plafond de la dette. Je tiens à bien distinguer la capacité d'emprunt et la capacité de dépenser.
    Vous l'avez dit à M. Fraser, mais je veux m'assurer que cette capacité d'emprunt n'est pas automatiquement une autorisation pour le gouvernement de dépenser cet argent comme il le veut.
    Plus précisément, j'aimerais avoir l'assurance que chaque dépense additionnelle du gouvernement devra être votée par les parlementaires. Est-ce bien le cas?
    Je vous remercie, monsieur Ste-Marie.
    En effet, la limite d'endettement est une chose. Cela permet au gouvernement de contracter des dettes jusqu'à un montant maximal. Le montant proposé est de 1 800 milliards de dollars. Cela ne veut pas dire que le gouvernement peut dépenser jusqu'à ce que ce montant soit atteint. Ce n'est pas une limite de crédit sur une carte de crédit, par exemple. Un autre processus doit être suivi pour faire cela. C'est donc une contrainte qui s'ajoute à celles qui existent déjà dans le cadre du processus d'approbation des crédits.
    Le gouvernement, pour financer ses opérations annuelles ou ses programmes, peut recourir à deux méthodes. Il y a la méthode qui s'applique aux programmes existants qui ont été créés par une loi, comme la Sécurité de la vieillesse. C'est un programme dont les dépenses sont uniquement tributaires du nombre de prestataires. Le montant des dépenses liées à la Sécurité de la vieillesse n'est donc pas limité par une enveloppe.
    Le gouvernement peut aussi dépenser par l'entremise des crédits budgétaires, qui doivent être approuvés chaque année par une loi votée par le Parlement. C'est le cas pour les dépenses de fonctionnement des ministères et du Parlement, ainsi que pour les subventions et contributions. Ça, c'est une contrainte.
    De plus, le gouvernement ne peut pas emprunter plus que la limite actuelle, qui est de 1 168 milliards de dollars. Le gouvernement propose de la rehausser à 1 800 milliards. Ce sont les deux contraintes qui agissent pour limiter les dépenses ou, du moins, pour les contrôler.
    Je vous remercie.
    Je voudrais être certain que le gouvernement, avec la signature de la personne qui représente le gouverneur général, n'aurait pas la possibilité, même en période électorale, de se servir de ce plafond d'emprunt rehaussé pour dépenser comme il le veut.
     Non, en effet.
    Lorsque le Parlement est dissout, on applique une procédure spéciale appelée les mandats spéciaux du gouverneur général, qui a pour but de financer les opérations du gouvernement, uniquement pour la continuité des opérations ou en cas de situation d'urgence.
    Cela ne vise pas à financer de nouvelles initiatives; c'est fait au moyen d'une convention. Si jamais c'était le cas, le gouverneur général pourrait refuser de signer les mandats, ce qui n'arrive à peu près jamais, en pratique. Lors d'une campagne électorale, la fonction publique et l'appareil gouvernemental s'en tiennent à la continuité des opérations.
    C'est la lecture que j'en faisais, mais comme vous la confirmez, je suis grandement rassuré.
    Il y aura deux ans demain que le gouvernement du Canada a présenté un budget. Comme vous l'avez dit plus tôt, M. Morneau a présenté, l'été dernier, un portrait de l'économie et des finances publiques, et la ministre des Finances a présenté l'Énoncé économique de l'automne de 2020.
    Est-ce acceptable que des parlementaires n'aient pas de budget pendant deux ans, alors que les dépenses atteignent des niveaux exceptionnels?
    Je vais vous laisser le soin de déterminer si c'est acceptable ou non. Ce qui est certain, c'est que cela rend votre travail plus difficile, parce que l'on vous demande d'approuver des dépenses et des initiatives, alors que personne n'a le portrait complet des répercussions sur les finances publiques et la situation économique.
    De plus, on ne connaît pas le plan à court et à moyen terme du gouvernement concernant la direction des finances publiques et de l'économie. Cela rend votre travail et le mien un peu plus difficiles, puisque nous devons colliger des renseignements sur les annonces faites au fil des semaines et des mois pour essayer de connaître l'état de la situation et deviner quelle est l'orientation future du gouvernement.
    Ce qui nous manque, lorsqu'un budget n'est pas déposé, c'est un portrait d'ensemble ainsi que la direction que prendra le gouvernement au cours des prochaines années.
(1125)
    D'accord, je vous remercie.
    Monsieur le président, puis-je poser une autre brève question?

[Traduction]

    D'accord, monsieur Ste-Marie, mais soyez très bref.

[Français]

    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, le gouvernement vous fournit-il les données nécessaires pour que vous puissiez faire une bonne analyse des programmes?
    En général, oui. Nous avons eu des problèmes ou des préoccupations relativement à certains ministères où l'information semble plus difficile à obtenir, comme le portefeuille d'Innovation, Sciences et Développement économique Canada et les agences de développement régional.
    Cela dit, dans l'ensemble, cela va assez bien.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à M. Julian.

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Giroux et madame Yan, je vous remercie de votre présence aujourd'hui.
    Nous vous sommes reconnaissants de l'énorme travail que vous avez fait pour les Canadiens et les Canadiennes pendant la pandémie. Nous espérons que vos proches et vous êtes sains et saufs alors que nous traversons une période extrêmement difficile.
    Quand les citoyens de ma circonscription me demandent des explications sur le fonctionnement de certaines choses ou sur la façon dont on peut les améliorer, je leur fais part de vos études.
    Ma question va dans le même sens que celles de M. Ste-Marie. Depuis deux ans, aucun budget n'a été présenté. Je sais que vous êtes en contact avec vos homologues de la scène internationale. Selon vous, y a-t-il d'autres grands pays industrialisés qui n'ont pas eu de budget depuis deux ans?
    Quel est le prix à payer, pour les Canadiens et les Canadiennes, si aucun budget n'est présenté durant une telle période? Le fait de ne pas avoir de budget depuis deux ans est sans précédent dans l'histoire du Canada.
     Je vous remercie, monsieur Julian.
    En effet, il y a des réunions et des discussions régulières entre les directeurs parlementaires du budget ou ceux qui occupent une fonction équivalente dans les pays industrialisés, et même dans les pays qui le sont un peu moins.
    À ma connaissance, il n'y a pas de pays, du moins parmi le G7, qui n'a pas encore déposé de budget. La plupart des pays font face à la même pandémie et au même niveau d'incertitude, mais à ma connaissance, la plupart, sinon la totalité des pays du G7 ont déposé au moins un budget depuis le début de la pandémie.
    L'absence de budget fait donc du Canada un cas à part. Cela prive les Canadiens d'une bonne perspective sur ce qui va arriver après les prochaines semaines, les prochains mois et les prochaines années, une fois que nous serons sortis de la pandémie. Le gouvernement n'a pas encore indiqué quels sont ses plans pour la reprise économique ou pour l'après-pandémie. Or ce serait probablement inclus dans un budget.
    Tout le monde comprend qu'il y a beaucoup d'incertitude. C'est une incertitude avec laquelle toutes les provinces doivent composer, évidemment, mais l'ensemble des provinces et des territoires, je crois, ont été capables de déposer un budget, malgré un niveau élevé d'incertitude.
    Il est donc un peu étonnant que le gouvernement fédéral ne l'ait pas encore fait. Je ne crois pas que ce soit parce qu'il en est incapable, car les fonctionnaires du ministère des Finances sont des artisans de premier plan pour la rédaction d'un budget. Ils sont certainement capables de le faire.

[Traduction]

    Je vous remercie de cette réponse; cela place vraiment le Canada dans la pire position possible comparativement à tous les autres pays industrialisés. Il est vraiment déconcertant pour de nombreux Canadiens de voir que nous attendons maintenant depuis une période sans précédent de deux ans pour avoir un budget, alors que d'autres pays industrialisés ont été en mesure d'en présenter un.
    Une autre préoccupation soulevée au sujet de l'énoncé économique de l'automne concerne le volet recettes de l'équation. Le gouvernement n'a pas prévu d'impôt sur la fortune ou sur les profits liés à la pandémie; en fait, il a rejeté ces scénarios, même si nous avons vu les milliardaires au Canada accroître leur fortune de plus de 60 milliards de dollars pendant la pandémie. J'aimerais en savoir plus sur le volet recettes. Vous avez effectué une excellente étude sur l'impôt sur la fortune et évalué la capacité qu'aurait un impôt sur la fortune de contribuer au cadre financier général du gouvernement. Je me demande — car la dernière étude a été réalisée avant que nous constations une augmentation des avoirs des citoyens les plus riches au pays — si le Bureau du directeur parlementaire du budget procède actuellement à une réévaluation de ce que pourrait rapporter un impôt sur la fortune.
    Mon autre question porte sur le pouvoir d'emprunt. L'augmentation du pouvoir d'emprunt soulève des inquiétudes. Quelles sont les autres solutions, par exemple, du côté des recettes, qui pourraient faire en sorte qu'il ne soit pas nécessaire d'accroître le pouvoir d'emprunt puisque la question de l'équilibre global des finances fédérales serait réglée?
(1130)
    Au sujet de l'impôt sur la fortune, comme certains de vos collègues l'ont souligné, nous avons été très occupés. Je pourrais vous dire que j'avais tous mes cheveux avant la pandémie, et que je les ai perdus en travaillant d'arrache-pied, mais comme vous le savez tous, ce ne serait pas vrai. Nous avons, néanmoins, été très occupés. Pour l'instant, nous n'avons pas prévu mettre à jour nos travaux sur l'impôt sur la fortune, mais si c'est ce que souhaite le Comité, nous allons assurément nous mettre à la tâche et nous pourrions fournir au Comité un échéancier qui nous permettrait de le faire. Comme je l'ai mentionné, si la question intéresse le Comité, nous serons heureux de faire ce travail.
    La solution de rechange à accroître la limite d'emprunt dans la Loi autorisant certains emprunts serait de réduire les dépenses dans d'autres domaines pour s'assurer que le gouvernement ne dépasse pas ce plafond, mais tout en assurant la prestation des services dans les secteurs prioritaires, ou encore d'accroître ses recettes pour ne pas le dépasser. Outre le fait d'accroître les impôts ou ses recettes, ou de diminuer ses dépenses dans d'autres domaines pour s'assurer de continuer à offrir des services dans les secteurs jugés essentiels, il n'y a pas vraiment d'autres solutions au fait d'accroître le pouvoir d'emprunt ou la limite d'emprunt.
    Je remercie chacun de vous. Le temps est écoulé.
    Nous passons maintenant à M. Falk, et je crois qu'il partage son temps avec M. Cumming.
    C'est exact. Je vais partager mon temps.
    Nous passerons ensuite à Mme Koutrakis.
    Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Giroux et madame Yan, je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui.
    Je pense que pénaliser les gens qui ont fait fortune est une mesure à très courte vue. Je pense que le gouvernement devrait concentrer ses efforts sur des initiatives et des programmes qui vont permettre aux gens de s'enrichir, à notre pays de prospérer, et qui vont créer de la croissance et de l'abondance au pays.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Avez-vous vu quelque indication que ce soit montrant que ce gouvernement a des plans pour aider les gens à prospérer et à s'enrichir?
    C'est une question très vaste. De façon générale, la meilleure façon d'accroître la richesse dans un pays, c'est d'accroître la capacité de production de l'économie. On peut le faire de quelques façons, mais elles ne sont pas légion.
    L'une des façons est d'accroître le nombre de personnes au sein de la population active, en offrant des incitatifs au travail et à l'entrée sur le marché du travail. Une autre bonne façon est d'offrir des incitatifs pour accroître le capital, la machinerie et l'équipement. Enfin, il existe des mesures pour accroître la productivité, qui prennent différentes formes, selon le secteur ciblé ou examiné. Ce sont habituellement les moyens utilisés pour accroître la richesse d'une nation.
    Quant à savoir si nous avons vu le gouvernement mettre en place de nombreuses initiatives pour ce faire, il s'agit d'une question probablement très délicate d'un point de vue politique et stratégique, alors je vous laisserai à chacun le soin d'en être le juge, car les points de vue peuvent varier selon les personnes. Ce que je veux dire par là, c'est que certains investissements ayant des visées sociales peuvent accroître la productivité dans l'économie, alors que d'autres peuvent réduire la capacité de production d'une économie, et que tous les investissements ne sont pas égaux.
(1135)
    Je vous remercie.
    J'ai une question très brève avant de céder la parole à M. Cumming. Le gouvernement a mentionné ne pas avoir de cibles budgétaires. Il préfère utiliser le terme « garde-fous fiscaux ». Pouvez-vous expliquer brièvement aux membres du Comité et aux Canadiens la différence entre une cible et un garde-fou?
    Il y a une différence très importante entre les deux.
    Une cible est un objectif que l'on se fixe pour orienter les grandes décisions budgétaires: les dépenses, l'imposition, etc. Un garde-fou est plutôt quelque chose — du moins selon ce qu'en dit le gouvernement — qui déterminera quand le moment est venu de mettre fin à certains types de dépenses. Dans ce cas, les garde-fous ont été traduits, à ce jour du moins, par les indicateurs du marché du travail: le taux de chômage, le nombre d'heures travaillées et le taux de participation, si je ne me trompe pas. L'un est axé sur le court terme, l'autre sur le long terme.
    Je vous remercie beaucoup.
    Monsieur Cumming, allez-y.
    Je vous remercie, et je remercie nos témoins.
    Monsieur Giroux, c'est bon de vous revoir, et je vous remercie du travail que vous accomplissez.
    Vous avez parlé des indicateurs. Ce qui me frappe dans le projet de loi C-14 ou dans la mise à jour économique, c'est qu'on y trouve des dépenses importantes et des dépenses non attribuées. Ne devrait-on pas, à tout le moins, effectuer des analyses basées sur les résultats lorsqu'on prépare ces chiffres?
    Vous avez parlé de productivité. Vous avez parlé de taux de croissance. Vous avez parlé d'efficacité. Quand on pense au niveau de dépenses que nous avons eu — le deuxième plus élevé des pays du G7, en plus du taux de chômage le plus élevé — ne devrions-nous pas avoir à tout le moins des dépenses basées sur les résultats afin de pouvoir procéder à des analyses pour vérifier si elles sont efficaces?
    Cela fait assurément partie des pratiques exemplaires pour amener les gouvernements à prendre des décisions sur la façon d'affecter les dépenses. Ils doivent avoir en tête un résultat, une cible ou un objectif qu'ils veulent atteindre, qu'il soit quantifié publiquement ou non — c'est sans doute à eux d'en décider —, mais j'ose espérer qu'ils ont ce genre d'équilibre ou d'objectifs quantifiés en tête.
    Je n'ai rien vu encore — du moins jusqu'à maintenant — de publier par le gouvernement à propos des mesures récentes. Je ne pense pas avoir vu cela souvent au sein du gouvernement canadien, pour être honnête, mais c'est assurément un élément que les décideurs devraient avoir à l'esprit lorsqu'ils décident des affectations.
    En ce qui concerne votre analyse des taux de croissance, êtes-vous quelque peu inquiet de la possibilité que ces taux de croissance se concrétisent sans savoir si les dépenses prévues seront liées à la productivité, à l'innovation, c'est-à-dire à des éléments qui stimuleront l'économie canadienne?
    Certes, il est un peu plus difficile de déterminer si un investissement ou une dépense aura des répercussions à long terme ou à court terme quand on ne connaît pas les domaines qui seront ciblés. Je suppose que vous faites allusion à la somme de 70 à 100 milliards de dollars mentionnée dans l'énoncé économique de l'automne. Il est très difficile d'établir avec précision quelles seront les répercussions à court et à long terme de ces dépenses sur l'économie sans savoir exactement à quoi elles serviront. Toutes les dépenses ne sont pas égales lorsqu'il s'agit de stimuler la croissance économique et, en général, de favoriser le bien-être social.
    Merci à tous.
    Nous allons passer à Mme Koutrakis, puis à M. Ste-Marie.
    Vous avez cinq minutes, madame Koutrakis.
    Merci, monsieur le président.
    Je vous remercie, monsieur Giroux, de votre témoignage ce matin et de votre service.
    Je pense qu'il est important de rappeler à tous les Canadiens qui nous regardent aujourd'hui ce qu'est le projet de loi C-14 et ce que nous étudions ici, au Comité. Les seules dépenses que l'on demande au Parlement d'approuver par l'entremise du projet de loi C-14 visent à instaurer un soutien temporaire et immédiat pour les familles à faible et à moyen revenu qui ont droit à l'Allocation canadienne pour enfants, jusqu'à concurrence de 1 200 $ en 2021 pour chaque enfant de moins de six ans; à verser aux agences de développement régional une somme supplémentaire de 206,7 millions de dollars; à reproduire les limites de prêts du Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes pour les programmes d'élimination des écarts, ainsi que la capacité à combler les écarts du Fonds d'aide et de relance régionale; à alléger le fardeau financier lié aux dettes d'études pour aider jusqu'à 1,4 million de Canadiens en éliminant les intérêts sur la partie fédérale des prêts canadiens aux étudiants et aux apprentis pendant une année, soit en 2021-2022; à fournir jusqu'à 505,7 millions de dollars dans le cadre du nouveau fonds pour la sécurité des soins de longue durée pour appuyer les établissements de soins de longue durée, y compris des fonds pour prévenir la propagation de la COVID-19, les éclosions du virus et les décès qui y sont liés; à accorder un financement supplémentaire, jusqu'à concurrence de 133 millions de dollars, pour faciliter l'accès à des services comme les soins virtuels, les outils de santé mentale et les programmes de lutte contre la toxicomanie; et à fournir jusqu'à 262,6 millions de dollars pour financer un ensemble d'initiatives liées à la COVID-19, notamment le dépistage, la recherche médicale, les contre-mesures, le financement et le développement de vaccins, les mesures relatives aux voyages et aux frontières, ainsi que des centres d'isolement. Je pense qu'il est important de consigner cela au compte rendu et de rappeler à tout le monde ce que le Parlement est appelé à approuver.
    Cela dit, j'entends mes collègues de l'opposition insister sur le fait qu'il n'y a pas de budget.
     Vous avez raison de dire que c'est une situation sans précédent. Cela ne s'est jamais produit auparavant dans l'histoire du Canada. Nous n'avons jamais eu à faire face à une telle pandémie, et je pense que cela mérite d'être gardé à l'esprit.
    En tout cas, monsieur Giroux, j'aimerais connaître votre avis sur les mises à jour bimensuelles présentées au Comité par le ministère des Finances au début de l'année dernière.
(1140)
    Je pense que c'était une très bonne pratique, car cela donnait aux parlementaires une très bonne idée de la rapidité avec laquelle la pandémie évoluait et de la façon dont les répercussions sur les Canadiens se faisaient sentir. Les membres du Comité, de même que les autres parlementaires et les Canadiens, avaient ainsi une idée du nombre de personnes qui bénéficiaient de ces prestations. En ce sens, il s'agissait d'une initiative de transparence très positive. J'espérais personnellement que cela se poursuive après la prorogation en raison de l'utilité des renseignements fournis, non seulement pour moi et mon bureau, mais aussi pour de nombreux intervenants.
    Je suis sûre que le ministère des Finances tiendra compte de vos propos. Nous pourrions peut-être rétablir ces mises à jour jusqu'à ce que le budget soit en place.
    L'énoncé économique de l'automne fournit des perspectives financières pour une période de cinq ans, ainsi que d'autres scénarios économiques en cas de recrudescence extrême de la COVID-19. Pouvez-vous nous expliquer en quoi il est utile de fournir de telles prévisions quinquennales aux parlementaires?
    Bien sûr.
    Un horizon de planification de cinq ans est tout à fait souhaitable. Cela donne une idée de ce que l'avenir pourrait nous réserver. L'énoncé économique de l'automne n'englobait pas toutes les initiatives stratégiques que le gouvernement envisage de mettre en œuvre — par définition, un énoncé économique de l'automne ne présente qu'une image partielle. Nous avons donc été heureux d'avoir un scénario supplémentaire où la pandémie évoluerait différemment de ce qui est prévu dans le scénario principal. Encore une fois, cet ajout a été bien accueilli, non pas du point de vue de la clarté, puisqu'il s'agit de scénarios de rechange, mais bien du point de vue de la transparence quant à l'orientation possible des finances publiques et de l'économie. En ce sens, il s'agit d'un effort que je salue personnellement et que le bureau voit également d'un bon œil.
    Nous allons devoir passer au prochain intervenant. Je suis désolé, madame Koutrakis.
    Merci.
    Monsieur Ste-Marie, vous avez la parole.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Monsieur Giroux, je veux m'assurer de bien comprendre l'échange que vous venez d'avoir avec Mme Koutrakis. Vous parliez bien des suivis bimensuels que le ministère des Finances nous présentait concernant les programmes de dépenses, n'est-ce pas?
    Je vous ai bien entendu. Ainsi, après votre témoignage, vers midi, je présenterai une motion au Comité pour qu'il fasse cette demande au ministère des Finances, en espérant que cela fonctionne.
    Vous disiez qu'il manquait des détails concernant le Compte des opérations de l'assurance-emploi.
    Quels sont ces détails? Qu'est-ce que le gouvernement devrait nous fournir pour que nous ayons un portrait complet?
(1145)
    Je vous remercie, monsieur Ste-Marie.
    Dans l'Énoncé économique de l'automne de 2020, il y avait une mention du Compte des opérations de l'assurance-emploi, mais il n'y avait pas de portrait très clair de son évolution dans le cadre de la situation économique actuelle et de l'élargissement et la prolongation des prestations. On s'attend évidemment à ce que le Compte des opérations de l'assurance-emploi enregistre des déficits massifs, ce qui est normal dans la situation économique actuelle.
    Le gouvernement s'est aussi engagé à geler le taux de cotisation à l'assurance-emploi à 1,58 $ pour chaque tranche de 100 $ de gains assurables au moins jusqu'à la fin de 2022. Cependant, il n'y a aucune mention, ni dans la mise à jour ni de la part du gouvernement en général, de ce qui se passera après. En effet, on ne dit pas comment le déficit très important de 52 milliards de dollars du Compte des opérations de l'assurance-emploi sera résorbé à la fin de la période de cinq ans.
    La législation actuelle fait en sorte que les augmentations annuelles du taux de cotisation sont limitées. Cependant, même si les cotisations étaient augmentées au maximum permis par la loi, le déficit du Compte des opérations de l'assurance-emploi se situerait probablement autour de 52 milliards de dollars. Il manque de clarté au sujet de ce qui va advenir de ce déficit très important. Nous espérons que le budget va fournir plus de détails à ce sujet, parce que c'est évidemment un déficit colossal pour le Compte des opérations de l'assurance-emploi.
    Si on maintient le statu quo, c'est-à-dire si on applique la législation telle quelle, le taux de cotisation à l'assurance-emploi va augmenter de 0,30 $, passant à 1,80 $ pour chaque tranche de 100 $ de gains assurables, d'ici les trois ou quatre prochaines années.
    Espérons qu'il y aura, dans le prochain budget...

[Traduction]

    Merci.
    Nous allons entendre M. Julian, suivi de Mme Jansen.
    Monsieur Julian, vous avez deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président, et merci à vous, monsieur Giroux.
    Pour poursuivre dans la même veine, toujours au sujet des scénarios de rechange, du pouvoir d'emprunt et des efforts pour augmenter éventuellement les recettes du gouvernement fédéral, il importe de rappeler une des conclusions de vos études précédentes, à savoir que des montants faramineux sont transférés dans des paradis fiscaux à l'étranger, alors qu'ils devraient être payés en impôts. Permettez-moi de citer votre étude marquante de juin 2019, où vous estimez à plus de 25 milliards de dollars la valeur des recettes fiscales fédérales qui vont dans les paradis fiscaux à l'étranger.
    Le 18 février, vous avez publié une note sur l'évaluation du coût d'une mesure législative pour renforcer la conformité aux règles fiscales. J'aimerais vous poser deux questions. Vous avez fait état de certaines difficultés liées aux investissements du gouvernement fédéral, car ils n'aboutissent pas toujours aux recettes que les Canadiens sont en droit d'exiger. Le 16 juin, nous avons également entendu le témoignage de M. Ted Gallivan, de l'Agence du revenu du Canada, qui a parlé de l'incapacité du gouvernement fédéral d'intenter des poursuites, en gros, contre ceux qui sont impliqués dans des paradis fiscaux à l'étranger. Il a déclaré, lors de sa comparution devant le Comité des finances, que nous ne pouvions pas en faire plus avec les moyens du bord.
    Ma question comporte deux volets. Premièrement, quelles sont, d'après vous, les lacunes auxquelles fait face le gouvernement fédéral en ce qui concerne les initiatives destinées à renforcer la conformité aux règles fiscales?
    Deuxièmement, avez-vous des recommandations à formuler au gouvernement fédéral pour lui permettre de freiner la fuite massive de recettes fiscales fédérales vers des paradis fiscaux à l'étranger, une pratique adoptée par de grandes entreprises prospères et très rentables?
    C'est une question très vaste, monsieur Julian. Je ne sais pas si je devrais vous en remercier ou non.
    En ce qui a trait à la capacité de l'Agence du revenu du Canada, c'est-à-dire ce qu'elle pourrait faire ou ce qui lui fait défaut, c'est probablement une question à laquelle il serait préférable de répondre dans le cadre d'une étude beaucoup plus approfondie. Je dirais que, de manière générale, l'Agence du revenu du Canada n'adopte pas une position aussi vigoureuse à l'égard de l'évasion fiscale que, par exemple, Revenu Québec. Quiconque vit au Québec et possède ou exploite une entreprise, ou a fait l'objet d'une vérification par Revenu Québec, saura sans doute qu'il y a habituellement une différence.
    En ce sens, l'Agence du revenu du Canada préconise, en général, une approche moins draconienne, axée davantage sur la sensibilisation. C'est également ce qu'on observe dans ses poursuites relatives à la planification fiscale. Cela dit, l'Agence du revenu du Canada peut être assujettie à d'autres lois. Je n'ai pas fait d'étude comparative des lois qui s'appliquent aux deux administrations. D'une manière générale, c'est ce que je dirais: le gouvernement fédéral adopte une approche moins énergique quand vient le temps d'intenter des poursuites dans les cas flagrants d'évasion fiscale.
(1150)
    Merci à tous les deux. Le temps est écoulé.
    C'est au tour de Mme Jansen, qui sera suivie de M. Fragiskatos. Vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup.
    Nous savons que le Canada a obtenu des résultats médiocres par rapport à ses partenaires du G7 en ce qui concerne la perte de revenus, la perte d'emplois et l'augmentation de la dette, sans compter, bien entendu, la plus forte hausse des prix des maisons en raison des taux d'intérêt peu élevés. Nos mesures de soutien liées à la COVID-19 ne semblent pas avoir été particulièrement efficaces.
    Cela étant dit, trouvez-vous judicieuse la proposition actuelle de consacrer 100 milliards de dollars de plus à la relance? Cela me rappelle la définition de la folie donnée par Einstein, je crois: c'est refaire toujours la même chose et espérer des résultats différents. Ne devrions-nous pas faire en sorte que le gouvernement concentre ses efforts de soutien sur la croissance et l'innovation?
    C'est une question intéressante, mais on risque de s'aventurer sur un terrain périlleux. Je vais répondre de la façon suivante. Lorsque le gouvernement a annoncé son intention de dépenser entre 70 et 100 milliards de dollars, il a précisé qu'il le ferait dans le but d'améliorer la croissance économique et de stimuler l'économie. Cependant, lorsque nous avons publié nos propres perspectives économiques et financières en septembre, nous avons fait savoir qu'il ne serait probablement pas nécessaire de prévoir des mesures de relance économique d'une telle ampleur sur une période de trois ans. C'était en septembre. J'ai dit, à quelques reprises, que ces dépenses s'avèrent peut-être beaucoup trop élevées et beaucoup trop tardives si l'objectif est de stimuler l'économie et de ramener le niveau d'emploi à ce qu'il était avant la pandémie, selon divers indicateurs.
    Si, par contre, le gouvernement veut apporter des changements structurels à l'économie, c'est là une autre paire de manches. Ces prévisions datent de septembre. Depuis, les résultats en matière d'emploi se sont avérés légèrement meilleurs que ce que nous avions prévu alors, et nous avons également vu les États-Unis lancer une campagne de relance massive, dont le Canada pourra profiter.
    Tout compte fait, des dépenses de relance économique de 70 à 100 milliards de dollars risquent d'être plus qu'il n'en faut pour rétablir les niveaux d'avant la pandémie, mais je le répète, si le plan consiste plutôt à apporter des changements structurels à l'économie, c'est là une discussion complètement différente.
    À votre avis, pourquoi le gouvernement du Canada est-il le seul parmi les pays du G7 à ne pas avoir réussi à présenter un budget? Y a-t-il quelque chose de particulier au Canada qui nous empêche d'en produire un?
    Le Canada a beaucoup de particularités, mais pas lorsqu'il s'agit de justifier l'absence d'un budget.
    Vous avez dit qu'il est souhaitable d'avoir une marge de sécurité en matière d'emprunt. Toutefois, vous avez ajouté que la taille de cette marge pourrait être discutée. À votre avis, est-il raisonnable d'augmenter le plafond de la dette de plus de 650 milliards de dollars, aux termes du projet de loi C-14, en l'absence d'un budget et sans que nous sachions comment le gouvernement compte dépenser cette somme?
    Chose certaine, cela donne beaucoup de souplesse au gouvernement en ce qui concerne son pouvoir d'emprunt. C'est sans doute plus que ce qui est strictement nécessaire, d'après ce que nous avons vu jusqu'ici, mais cela offre une très bonne marge de sécurité. Est-ce raisonnable ou non? Là encore, je m'en remets aux membres très compétents du Comité.
    Merci.
    Je cède le reste de mon temps de parole à mon collègue, M. Kelly.
    Monsieur Kelly, vous avez la parole.
    Je vous remercie d'avoir démystifié — je crois que c'était lors d'un témoignage antérieur — l'idée que le Canada risque d'appliquer la stratégie de la corde raide à l'américaine en ce qui concerne le pouvoir d'emprunt. Dans un système fondé sur le modèle de Westminster, on règle ce genre d'impasses grâce au concept de confiance envers le gouvernement. Il est donc absurde d'invoquer un tel argument pour défendre des plafonds d'endettement extraordinaires ou énormes.
    J'aimerais vous poser une question à ce sujet et à propos du plafond de la dette. Le fait d'avoir une marge de sécurité qui dépasse de loin tout besoin d'emprunt immédiat ou futur tourne un peu en dérision l'idée même d'un plafond de la dette. Pourquoi avoir un plafond de la dette si le but est d'imposer une limite tellement élevée qu'aucune dépense de ce genre ne peut être envisagée? Il faut en conclure soit qu'il existe un plan pour effectivement emprunter les 600 milliards de dollars, soit qu'il n'y a pas vraiment d'excuse ou de raison pour le faire.
    J'aimerais obtenir, dans le peu de temps qu'il me reste, un commentaire sur la portée et l'ampleur de l'augmentation du plafond de la dette.
(1155)
    Je comprends bien la question, et je suis conscient que c'est probablement une affaire de jugement plutôt qu'une affirmation factuelle. Je vous ai fait part de mon point de vue sur le plafond et la marge de sécurité. Pour ce qui est de savoir si c'est inutile ou non... Les réponses varieront en fonction de l'intervenant. C'est pourquoi il vaut mieux laisser ces décisions entre les mains d'élus comme vous, plutôt que de simples serviteurs comme moi, pour être parfaitement honnête.
    Merci.
    Monsieur Fragiskatos, les cinq dernières minutes vous reviennent.
    Merci, monsieur le président.
    Merci, monsieur Giroux, d'être parmi nous.
    Merci aussi à vous, madame Yan, pour tout votre travail.
    Monsieur Giroux, quel est le ratio actuel de la dette fédérale au PIB?
    Aux dernières nouvelles, c'était d'environ 48 à 50 %, en fonction des dépenses prévues et de la taille de l'économie. Des chiffres plus précis seront probablement disponibles après la fin de l'exercice financier, lorsque nous aurons une meilleure idée de la situation financière du gouvernement.
    Merci beaucoup.
    Comment cela se compare-t-il à la situation des autres pays du G7, si vous examinez les gouvernements centraux et leur ratio dette-PIB?
     Il est difficile de comparer un gouvernement central à un autre, étant donné les différentes structures de nombreux pays. Par exemple, le Royaume-Uni est un pays unitaire, doté surtout d'un gouvernement unitaire. Il en va de même pour la France.
    Cela dit, le Canada est généralement considéré comme l'un des bons élèves du groupe, de sorte que son ratio dette-PIB figure probablement parmi les moins élevés.
    Merci beaucoup.
    Je vous pose la question parce que, de toute évidence, le ratio dette-PIB est une mesure importante du niveau d'endettement et un bon moyen d'évaluer la santé financière de l'économie d'un pays.
     J'ai lu votre récent rapport et, bien que nous mettions l'accent sur le projet de loi C-14, je trouve que votre dernier récent rapport est très pertinent parce qu'il permet de donner un contexte aux députés, en particulier aux membres de notre comité, pour les aider à comprendre la situation économique générale. Bien entendu, votre récent rapport portait sur un certain nombre de points, en particulier sur le plan des dépenses du gouvernement fédéral et le Budget principal des dépenses pour 2021-2022.
    Corrigez-moi si je me trompe, mais le rapport présente plusieurs catégories. En ce qui concerne les dépenses, les paiements de transfert aux gouvernements provinciaux, aux administrations municipales et aux particuliers, du point de vue des mesures de soutien, s'élèvent à 64 %. Quant aux dépenses de fonctionnement et en immobilisations, elles s'établissent à 30 %. Enfin, les frais de la dette publique représentent 6 % des dépenses. Est-ce exact?
    Je n'ai pas le rapport sous les yeux, mais pour ce qui est de ces chiffres, si vous citez le rapport, je présume qu'ils sont exacts.
    D'accord. Je voulais simplement confirmer la répartition, car nous entendons beaucoup parler des dépenses du gouvernement, surtout par nos collègues conservateurs au sein du Comité, et de leurs inquiétudes par rapport aux programmes d'urgence en particulier, qui, certes, ont entraîné la hausse de notre déficit et de notre niveau d'endettement. Mais, dans un contexte où les taux d'intérêt sont extrêmement bas, il est logique que les frais de la dette publique soient de seulement 6,1 %, ce qui est très bas comparativement aux autres éléments que j'ai mentionnés.
    Enfin, monsieur Giroux, pourriez-vous nous parler de l'allocation canadienne pour enfants? Le projet de loi C-14 prévoit un soutien temporaire supplémentaire pouvant atteindre 1 200 $ par enfant de moins de 6 ans et, si le projet de loi est adopté, ce soutien sera versé aux familles.
    Je sais que Statistique Canada suit de près l'incidence de l'allocation canadienne pour enfants au fil des ans sur les familles à revenus faibles ou moyens en général, mais plus particulièrement sur la réduction de la pauvreté infantile. Des centaines de milliers d'enfants ont été tirés de la pauvreté grâce à ce programme. Pourriez-vous traiter de l'importance de ce programme dans cette optique?
(1200)
    Eh bien, je me rappelle très bien les études publiées par Statistique Canada qui précisent que l'allocation canadienne pour enfants a sorti un nombre incroyable d'enfants de la pauvreté. Comme il s'agit d'une étude publiée par Statistique Canada, je ne me rappelle pas les chiffres exacts, mais je me souviens tout à fait de sa conclusion générale.
    Bon. Vous êtes également d'accord avec les conclusions selon lesquelles il s'agit d'un programme important pour sortir les enfants de la pauvreté au Canada.
    Oui.
    Merci beaucoup.
    Nous devons nous arrêter là.
    Merci beaucoup, monsieur Giroux, et à vous aussi, madame Yan.
    Au nom du Comité, nous tenons à vous remercier pour tout le travail que vous faites. Il va sans dire que votre charge de travail s'est accrue avec la pandémie et que vous recevez beaucoup de demandes des députés, entre autres. Au nom du Comité, je tiens également à remercier votre personnel, car il faut beaucoup de personnes pour pondre ce type de rapports, et nous les apprécions grandement.
    Je pense que nous les attendons tous avec impatience quand ils sont annoncés, car nous allons en prendre connaissance. Les membres du gouvernement vont les lire dans l'optique de souligner à quel point celui-ci s'en sort bien, tandis que les députés de l'opposition vont en prendre connaissance en se demandant s'il n'y a pas là matière à creuser. Vous couvrez tous les aspects.
    Sur ce, merci encore, et nous allons…
    Monsieur le président, j'invoque le Règlement.
    Quel est votre rappel au Règlement?
    Merci, monsieur le président.
    M. Ste-Marie a mentionné qu'il pourrait proposer une mention. Comme je vous l'ai dit, monsieur le président, je dois partir dans 45 minutes environ, donc je ne pourrai pas prendre la parole à la fin de la séance. Si nous devons traiter cette motion, je crois que nous devrions le faire au début du prochain segment ou maintenant.
    D'accord. Traitons-en au début du prochain segment. Nous allons suspendre les travaux pendant trois minutes et accueillir les nouveaux témoins.
    Sur ce, la séance est suspendue.
(1200)

(1205)
    Nous reprenons nos travaux.
    Nous sommes réunis pour étudier le projet de loi C-14. Nous accueillons deux témoins et devons absolument conclure à 13 heures.
    Avant de commencer, messieurs, nous allons prendre un instant pour entendre la motion de M. Ste-Marie. Pendant la période de questions avec le groupe de témoins précédent, il a affirmé vouloir présenter une motion.
    Monsieur Ste-Marie, vous pouvez proposer votre motion.

[Français]

     Bonjour à tous.
    Monsieur le greffier, je vous remercie d'avoir envoyé rapidement la motion.
     J'ai bien compris, de l'exposé du directeur parlementaire du budget, l'utilité des rapports bimensuels du ministère des Finances. Cela nous fournit de bonnes données pour faire le suivi des dépenses liées à la COVID-19. Comme on l'a souvent mentionné, ce serait important de restaurer ces rapports. Si j'ai bien compris, Mme Koutrakis trouvait l'idée intéressante.
    Toutefois, je viens de discuter avec M. Fraser et, pour ne pas nuire à nos invités et pour ne pas prolonger les débats sur cette motion, j'aimerais avoir l'accord de tout le monde pour que nous en discutions la semaine prochaine, alors que nous discuterons de l'ensemble des motions. Selon ce qui a été décidé par le sous-comité, la semaine prochaine, il y aura une période réservée aux discussions sur les motions. Si cela convient à tout le monde, nous pourrons en discuter à ce moment.
(1210)

[Traduction]

    De toute manière, monsieur Ste-Marie, je dois trancher. Nous sommes ici pour discuter du projet de loi C-14 et il s'agit là d'un avis de 48 heures. Nous pouvons présumer que la motion pourra être abordée à la prochaine séance, puisque 48 heures se seront écoulées.
    Distingués collègues, la motion devrait être devant vous. Vous en avez peut-être reçu une copie. Elle a été traduite.
    Merci pour cela, monsieur Ste-Marie. Nous allons donc prendre ceci comme avis et en discuter dès que possible quand nous aborderons les motions.
    Sur ce, passons maintenant à Ian Lee, de l'Université Carleton.
    Comme l'a précisé le greffier, monsieur Lee, vous pouvez procéder assez lentement et parler un peu plus fort. Les interprètes en cabine ont de la difficulté quand nous n'avons pas ce type de micro.
    La parole est à vous.
    Merci, monsieur le président.
    Je suis désolé pour ce pépin technique. J'ai une connexion Internet très rapide, je vous l'assure. J'utilise Bell Fibe.
    Je remercie le Comité des finances de son invitation.
    Je tiens d'abord à préciser que je n'appartiens à aucun parti politique, que je ne contribue à aucun d'entre eux et qu'aucune affiche partisane n'est permise sur ma pelouse. Ensuite, je ne suis consultant auprès d'aucune entreprise. Je suis rémunéré par l'Université de Carleton, voilà qui me paie.
    Il y a environ 50 ans, le professeur Arthur Okun, conseiller du président John F. Kennedy et éminent professeur libéral d'économie, a rédigé une petite monographie devenue très influente. Je l'ai étudiée pendant mes études doctorales 30 ans plus tard. Elle s'intitule Equality and Efficiency: The Big Tradeoff.
    Le Pr Okun avance que la quasi-totalité des décisions gouvernementales nécessitent un compromis entre deux valeurs fondamentales qui, selon lui, peuvent être vues, pour utiliser des synonymes, comme les droits et les marchés ou l'équité et l'efficacité. Bien que la majorité des gens comprennent aujourd'hui le concept d'équité, ce que certains appellent la « justice sociale », la compréhension de celui d'efficacité ou de marchés, elle, semble s'amoindrir au fil du temps. « Efficacité » était le maître-mot du Pr Okun, qui l'utilisait pour désigner les marchés, la croissance économique, la productivité, la qualité de vie, les emplois ou, comme le disait encore plus succinctement Adam Smith il y a 300 ans, « la richesse des nations ».
    Pour reprendre les formules du Pr Okun, que je risque, en toute franchise, de contredire légèrement, l'équité exige l'efficacité, l'équité exige les marchés, l'équité exige la croissance, au même titre que l'efficacité exige l'équité si les marchés veulent prospérer. Pour le dire encore plus crûment, les droits ont besoin des marchés, sans quoi ils ne peuvent être obtenus, tandis que les marchés ont besoin des droits pour prospérer.
    Certains ne sont peut-être pas d'accord. À vous de voir. Le fait est que, pendant 30 ans, j'ai voyagé et enseigné plus de 100 fois dans des pays en développement et constaté cette corrélation remarquable. Les pays où la population a le plus de droits sont les pays les plus riches et prospères, les pays aux revenus élevés qui sont membres de l'OCDE.
    Malheureusement, il est de plus en plus en vogue chez les populistes d'affirmer que les droits et les marchés, ou l'équité et l'efficacité, s'opposent, que ces valeurs sont des antithèses. Je m'inscris en faux du slogan simpliste « Le peuple, pas les marchés » qu'on entend couramment.
    Le Pr Okun comprenait que l'équité ou les droits ne sont pas gratuits. En effet, de son époque, dans les années 1960, à aujourd'hui, nous avons acquis une appréciation beaucoup plus profonde des coûts des politiques et programmes qui visent à favoriser l'inclusion, l'équité et la justice sociale. C'est pourquoi le Canada a atteint un point critique. Le coût de l'équité est devenu si grand, correspondant à des déficits encore plus grands, que nous devons discuter sérieusement, une fois de plus, de l'efficacité ou de la croissance si nous ne voulons pas, malgré nous, miner ou saboter les politiques qui permettent de maintenir l'offre de programmes soutenant l'équité ou la justice sociale.
(1215)
    Si certains trouvent cela un peu extrême, je souhaite vous rappeler la plus importante réduction d'effectifs dans l'histoire du Canada, en 1995. Je crois avoir écrit là-dessus l'article de référence, qui s'intitule How Ottawa Spends.
    Je vais maintenant exposer ces problèmes au Canada, et mes critiques, de sorte à ancrer mes observations philosophiques dans une réalité beaucoup plus concrète.
    Premièrement, aucun budget ni plan n'a été déposé au Parlement pour justifier la hausse du plafond de la dette, tant sur le plan analytique que stratégique. Je soulignerai simplement que, il y a de nombreuses années, dans les années 1970 et 1980, dans une incarnation professionnelle antérieure de prêteur commercial et hypothécaire, j'ai prêté des millions et des millions de dollars pendant 10 ans. Si un propriétaire d'entreprise venait me voir sans plan d'affaires pour discuter de ses besoins d'emprunt, je le renvoyais faire ses devoirs. Il revenait ensuite me voir pour discuter de son plan, qui était, demeure et sera toujours le fondement de l'autorisation de crédit.
    Deuxièmement, il n'y a tout simplement rien qui justifie le report du dépôt d'un budget. Le gouvernement du Canada a d'excellentes infrastructures financières numériques pour la production de rapports financiers et comptables. En effet, si je puis me permettre, certains de mes meilleurs diplômés des 30 dernières années — j'enseigne depuis 32 ans — ont été embauchés par le gouvernement du Canada à titre d'analystes financiers et de comptables et sont devenus très habiles dans la modernisation de ce qui est aujourd'hui d'excellents systèmes financiers et comptables. À titre de résidant d'Ottawa depuis plus de 60 ans, qui compte en outre des amis et des proches au sein de la fonction publique du Canada qui sont familiers avec les systèmes de rapports financiers, il est tout simplement inexact d'avancer que les données empiriques sur les dépenses quotidiennes, hebdomadaires et mensuelles du gouvernement du Canada ne sont pas accessibles pour la réalisation d'un budget.
    Troisièmement, il est urgent d'établir une cible budgétaire selon le FMI, l'OCDE, David Dodge, Don Drummond et compagnie. Il y en a beaucoup d'autres. Contrairement à ceux qui s'y opposent, une cible budgétaire n'est pas un cadre rigide qui empêche le gouvernement de prendre des décisions. Il s'agit d'un outil d'évaluation et de reddition de comptes pour tous les intervenants. Je comprends que personne ne souhaite recevoir un mauvais bulletin. Je vous confirme que je déteste les évaluations des étudiants s'ils disent de mauvaises choses à mon endroit. Je les adore quand ils disent de belles choses. Mais le génie de la démocratie libérale réside dans une myriade de mécanismes de contrôle qui vont bien au-delà des simples élections. Une cible budgétaire est un mécanisme de contrôle essentiel de la politique fiscale.
    Quatrièmement, en ce qui a trait à la relance post-pandémie, j'exhorte le Comité à débattre et à discuter des fonds de relance qui ont déjà été versés ces 12 derniers mois par l'intermédiaire des programmes de soutien au revenu, programmes que j'appuie sans réserve, comme tous les Canadiens, et qui ont propulsé le taux d'épargne d'environ 2 % à un peu moins de 30 % afin d'établir s'ils constituent bel et bien des fonds de relance. Je fais référence aux 200 milliards de dollars. On peut avancer que le gouvernement du Canada, peut-être sans s'en rendre compte ou peut-être sciemment, a entrepris une relance post-pandémie grâce à une pléthore de programmes de soutien au revenu.
    Je le répète, il y a environ 200 milliards de dollars dans les comptes bancaires canadiens, d'après la Banque TD et son analyse économique parue cette semaine, somme qui attend la fin de la vaccination de masse et le retour de la confiance des consommateurs et des entreprises pour être dépensée. J'avance donc que nous n'avons pas besoin de stimuler davantage l'économie. Cela dit, bien que, selon moi, une plus grande stimulation de l'économie ne soit pas nécessaire, j'admets que bon nombre de personnes pensent le contraire.
(1220)
    Si nous allons de l'avant avec des mesures de relance, j'exhorte le Comité de recommander à la ministre des Finances de s'écarter de la consommation et du revenu au profit de l'investissement. Si des mesures de relance sont adoptées, elles devraient porter sur l'infrastructure plutôt que sur le soutien général à la consommation et au revenu. Je parle ici d'infrastructure concrète et non de dépenses de consommation déguisées, comme les garderies ou les arénas de hockey, mais des investissements qui augmentent la productivité de l'économie, soit dans les ports, les routes, les voies ferrées, les aéroports, les pipelines et l'infrastructure numérique.
    La sous-performance de l'économie n'est pas due à un manque de ressources. Un grand nombre de Canadiens, et je suis l'un d'eux... Je suis assis dans cette maison depuis mars dernier et 99,999 % de ma vie se déroule depuis entre ces murs, car j'attends d'être vacciné, tout comme des millions...
    Monsieur Lee, je vais devoir vous demander de conclure assez rapidement. Vous approchez de la fin de vos cinq minutes.
    J'en suis à ma dernière phrase.
    Nous pouvons voir la lueur au bout du tunnel, et je ne crois pas que 100 milliards de dollars soient nécessaires pour que nous nous aventurions à l'extérieur et reprenions notre vie normale.
    Merci.
    Merci beaucoup, monsieur Lee.
    La parole est maintenant à M. Robson, président-directeur général de l'institut C.D. Howe.
    Veuillez parler lentement, d'un ton constant et assez fort, monsieur Robson, si possible. Merci.
    Merci beaucoup pour votre invitation. C'est un privilège de comparaître devant le Comité aujourd'hui. Mon seul regret est que, au moment où je vous parle, le chef du Parti néo-démocrate du Canada, Jagmeet Singh, s'adresse aux membres de l'Institut C.D. Howe dans le cadre d'un webinaire. J'espérais accueillir M. Singh à cette activité, mais quand j'ai reçu votre invitation, j'ai cru préférable de comparaître devant les parlementaires, donc me voici. J'espère que ma contribution vous aidera dans vos travaux importants.
    Je serai heureux de répondre à vos questions. Ma déclaration préliminaire porte sur les dispositions du projet de loi C-14 liées aux emprunts.
    Le recours actuel à l'emprunt plutôt qu'à l'impôt par le gouvernement fédéral pour financer ses programmes est sans précédent, ce qui veut dire que le coût apparent des programmes fédéraux pour les contribuables n'a jamais été aussi faible. Cette situation ne durera pas. J'exhorte les membres de ce comité d'évaluer toutes les propositions fiscales, y compris celles dans le projet de loi C-14, à la lumière de l'augmentation marquée du fardeau fiscal des programmes fédéraux qui est inévitable au cours des quatre à cinq prochaines années.
    Comme vous le savez et en avez déjà discuté, le projet de loi C-14 modifierait la Loi autorisant certains emprunts afin de rehausser le plafond de la dette, qui passerait de 1,17 à 1,83 billion de dollars. Ces chiffres sont ahurissants, tout comme le fait que ce changement devrait permettre de couvrir les emprunts seulement jusqu'au 31 mars 2024, donc pendant trois ans environ.
    Ceux parmi nous qui se souviennent des problèmes fiscaux du gouvernement fédéral dans les années 1980 et 1990 sont peu rassurés par les affirmations voulant que des emprunts de cette ampleur ne posent pas problème. Certains parmi vous se souviendront qu'une série de gouvernements, conservateurs et libéraux, ont dû faire des compromis déchirants par rapport aux programmes et aux impôts pendant une période où le paiement des intérêts signifiait que le gouvernement fédéral demandait aux Canadiens de payer plus d'un dollar d'impôt pour chaque dollar investi dans un programme. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous prenons de meilleures décisions quand nous payons un dollar d'impôt pour chaque dollar investi dans un programme.
    Et, puisque je parle de la qualité des décisions, je me permets d'ajouter que je n'ai pas eu l'occasion de commenter à cette tribune l'absence d'un budget pour l'exercice financier de 2020-2021, ce qui a été souligné plus tôt. Il s'agit d'un manquement à la reddition de comptes qui est également sans précédent. Le Parlement comme les Canadiens ont besoin de conversations adéquates sur les choix fiscaux. Ces choix fiscaux doivent être cohérents au fil du temps, quand le processus normal et sain d'évaluation de chaque programme et de chaque impôt, dollar pour dollar, reprendra.
    J'utilise ce concept du fardeau fiscal par dollar investi dans un programme parce que les centaines de milliards ou de billions de dollars relatifs aux programmes et à la dette dont nous parlons actuellement sont un peu difficiles à saisir. J'estime utile de ramener le tout à la question suivante: quel montant d'impôt chaque Canadien verse-t-il au gouvernement fédéral pour chaque dollar investi dans un programme dont il bénéficie?
    Pour donner un exemple simple, si le budget est équilibré, le chiffre est de 1 dollar. Il sera d'un peu plus de 1 dollar s'il y a quelques cents pour couvrir les intérêts. Si le gouvernement vise le ratio dette-PIB, et je sais que nombre d'entre vous en avez discuté et que bien des économistes le prônent, alors le chiffre sera de 1 dollar plus intérêts, moins le maximum d'emprunts et de déficit que la croissance du PIB le permet. Si les taux d'intérêt sont plus élevés que les taux de croissance, comme c'était le cas à la fin des années 1990, le chiffre sera plus grand que 1. Si les taux d'intérêt sont plus faibles que les taux de croissance, il sera plus petit que 1, mais il tendra au fil du temps vers 1, inévitablement.
    Pour l'exercice qui sera bientôt terminé, les chiffres fournis dans l'énoncé économique de l'automne indiquent que le fardeau fiscal pour chaque dollar investi dans un programme était de 46 ¢. Le gouvernement fédéral a emprunté plus de la moitié de chaque dollar investi dans un programme. Je répète: c'est sans précédent. Même à la fin des années 1970, quand on a créé les conditions menant aux problèmes fiscaux des années 1980 et 1990, ce chiffre n'est jamais descendu sous les 80 ¢. Cela ne durera pas.
     Même les prévisions dans l'énoncé économique de l'automne, qui comporte des taux d'intérêt très bas et demeure très dépendant de l'emprunt pour financer les programmes, annoncent que le fardeau fiscal pour chaque dollar investi dans un programme doublera pour atteindre 92 ¢ en 2025-2026. Si vous faites des prévisions plus poussées, les chiffres continuent d'augmenter. En tenant compte de taux d'intérêt plus élevés qui commencent déjà à apparaître, nous allons dépasser 1 dollar.
(1225)
    Le coût apparent des programmes fédéraux offerts aux Canadiens est actuellement très bas, voilà le message de ma déclaration préliminaire. Il correspond à moins de 50 ¢ par dollar. Il va augmenter. Si on arrondit, il va augmenter pour atteindre 1 dollar. Nos choix doivent s'accorder au fait que le coût des programmes n'est pas réduit de moitié. L'accès facile au crédit nuit à la prise de bonnes décisions. Ce n'est pas pour rien que nous empêchons les gens d'utiliser leur carte de crédit pour acheter des billets de loterie.
    Le gouvernement fédéral a dépassé ses possibilités financières dans les années 1970. Il a élargi la portée de nombreux programmes, y compris le soutien au revenu, puis le transfert aux provinces a été réduit quand le fardeau fiscal de 1 dollar investi dans un programme a augmenté dans les années 1980 et 1990. Si nous créons d'imposants programmes permanents en partant du principe que les Canadiens peuvent les obtenir pour 50 ¢ par dollar, leur fondement ne peut être qu'éphémère.
    Les seuls programmes que le gouvernement fédéral devrait promettre sont ceux que nous avons les moyens de payer, c'est-à-dire ceux pour lesquels le gouvernement est prêt à imposer les Canadiens, qui sont quant à eux prêts à payer au plein prix.
    Merci de m'avoir donné l'occasion de comparaître devant vous. J'espère que ma déclaration sera utile. J'ai hâte d'entendre vos questions et remarques.
    Merci à tous les deux pour vos exposés.
    Nous avons un horaire strict qui nous laisse peu de temps, car nous devons absolument conclure à 13 heures. Il nous reste donc 30 minutes environ.
    M. Kelly, du Parti conservateur du Canada, est le premier sur ma liste.
(1230)
    Merci beaucoup aux deux témoins pour leur excellent exposé.
    Monsieur Robson, j'ai été particulièrement frappé par votre façon de montrer que les décisions prises dans le passé, c'est-à-dire dans les années 1970, ont directement mené à la crise de la dette du milieu des années 1990. Quand les conservateurs ou d'autres commentateurs parlent de leur préoccupation pour les générations à venir, c'est exactement de ce portrait historique qu’il est question. J'aimerais vous accorder une minute si vous le souhaitez pour traiter de cela dans l'optique des décisions prises aujourd'hui compte tenu des taux d'intérêt en vigueur.
    Pour être clair, nous comprenons que nous vivons une crise et soutenons les mesures de dépenses qui étaient nécessaires pour que nous la traversions, mais à compter de maintenant, si nous ne gérons pas les finances publiques, nous risquons de faire exactement ce que les gouvernements des années 1970 on fait, c'est-à-dire mettre les générations futures en péril. Pouvez-vous nous fournir un peu plus de détails là-dessus?
    On pourrait parler longtemps des conséquences intergénérationnelles de ce qui se passe. La pandémie a frappé les jeunes très durement. Elle a interrompu leur scolarité. Ceux qui ont obtenu leur diplôme et tentent d'intégrer le marché du travail éprouvent actuellement des difficultés. Il y a beaucoup d'autres aspects inquiétants qui s'ajoutent à la question suivante: quand allons-nous pouvoir rembourser les coûts de cette pandémie?
    Je sais que certains préconisent l'étalement sur une très longue période. Personnellement, j'essaierais de faire assumer une partie de ces coûts à court terme aux personnes qui en ont directement profité, y compris sous forme de transferts, entre autres parce que d'autres événements sont à prévoir. Nous semblons maintenant penser que ce type de circonstances exceptionnelles seront légèrement plus fréquentes que par le passé.
    On entend très couramment parler de la très bonne situation financière que le Canada avait avant cette crise, qui était évidemment le fruit de la prudence des politiques fiscales antérieures. Il serait donc logique que les gouvernements adoptent aujourd'hui le même raisonnement quand ils s'interrogent sur leur legs, car d'autres problèmes surviendront et il serait souhaitable que les gouvernements futurs puissent aussi déclarer: « Nous avions une bonne santé financière quand cela s'est produit. »
    En ce qui a trait à mon argument sur le montant à payer par dollar investi dans un programme, je crois que, pour répondre à votre question, je pourrais souligner que les chiffres dont je parle vont varier en fonction des taux d'intérêt et des taux de croissance. Vous pouvez enregistrer un déficit conforme à un ratio dette-PIB stable si vous êtes persuadé que c'est un bon étalon. Je n'aime pas particulièrement cette option, mais elle est logique. Elle est viable.
    Peu importe la variante que vous choisissez, le moment viendra où le fardeau fiscal du dollar investi dans un programme tendra à nouveau vers 1 dollar. Comme je l'ai dit, si vous analysez les chiffres dans l'énoncé économique de l'automne, vous le constaterez, même si nous misons sur la faiblesse des taux d'intérêt et d'importants emprunts; si vous jetez un coup d'œil aux prévisions du directeur parlementaire du budget, vous verrez là encore la même chose. C'est inévitable, donc je plaide...
    Je souhaite également entendre M. Lee là-dessus, mais d'abord, monsieur Robson, M. Lee a déclaré que rien ne justifie qu'on tarde à déposer un budget, ce que vous avez aussi abordé, je crois. Il a parlé de cibles budgétaires et du plafond de la dette... de s'accorder une marge de manoeuvre par rapport au plafond de la dette. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'y a aucune justification pour ces trois éléments?
    Selon moi, le fait que le gouvernement permette à sa valeur nette d'être aussi négative qu'elle l'est en ce moment pose problème. La dette dont il est question dans le projet de loi C-14 est, comme vous le savez, d'un type particulier. Le gouvernement fédéral a des actifs financiers et des biens matériels, ainsi que d'autres types de dettes. Il a d'énormes obligations non capitalisées au titre du régime de retraite. J'estime qu'il est temps que nous obtenions une mise à jour sur tous ces éléments, et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'aimerais qu'on dépose un budget.
    Est-ce que vous...
    Je me suis prononcé sur la démesure de notre dette devant vous. Ce que je pense, c'est que nous sommes trop endettés. Il est temps de freiner cette tendance.
    Merci.
    Monsieur Lee, il était intéressant d'apprendre que vous avez de l'expérience avec les prêts commerciaux. J'ai moi-même beaucoup d'expérience dans le secteur hypothécaire. Oui, une demande de prêt qui ne précise aucun but est généralement rejetée sur-le-champ. Je comprends que la limite d'emprunt... On a essayé de faire valoir qu'il y a une différence entre la limite d'emprunt et l'emprunt de fonds, voire une demande d'emprunt de fonds, et pourtant, c'est ce que prévoit la loi. Le plafond de la dette est établi par la loi, et on demande actuellement à ce qu'il soit rehaussé.
    Souhaitez-vous commenter plus en détail ce point ou tout autre point? Peut-être voudriez-vous approfondir la justification de l'absence d'un budget et de cibles budgétaires?
(1235)
    Vous devrez être très bref, monsieur Lee.
    D'accord.
    Pour ce qui est de la limite budgétaire, je n'en fais pas un dogme. Je considère que c'est un autre mécanisme de contrôle. Je débats avec mes étudiants depuis des années. En démocratie, nous avons tendance à penser: « Oh, oui, nous comprenons ce que sont les mécanismes de contrôle. Il s'agit d'élections. » Mais ces mécanismes sont bien plus nombreux. Le rapport annuel de chaque gouvernement au Parlement est un mécanisme de contrôle. Le Budget principal des dépenses est un mécanisme de contrôle. Ce sont tous des mécanismes fonctionnels et nécessaires au fonctionnement efficace d'une démocratie.
    Je n'attends pas à la maison avec trépidation et angoisse de savoir si le plafond sera de 1,8 billion ou de 1,5 billion de dollars. C'est simplement un mécanisme de contrôle imposé au gouvernement du jour qui doit soumettre un plan pour justifier ses actions. C'est un outil très utile. Ce n'est pas une fantaisie. Il s'agit d'un outil utile qui aide les démocraties, les intervenants, la population, les journalistes et les universitaires à comprendre ce qui se passe.
    Si nous abordons la question sous cet angle... plutôt que de dire: « Eh bien, le gouvernement va en faire la preuve de toute façon. Pourquoi s'embêter des formalités? » Il ne s'agit pas seulement de formalités, mais d'exiger que le gouvernement rende des comptes au Parlement et à l'ensemble des Canadiens.
    Merci.
    La parole est à M. Fragiskatos, qui sera suivi de M. Ste-Marie.
    Monsieur Fragiskatos.
    Merci, monsieur le président.
    Merci d'être des nôtres, messieurs Lee et Robson.
    Monsieur Lee, votre référence à l'économiste Arthur Okun m'a énormément intéressée. Merci beaucoup d'avoir soumis cet exemple au Comité. Vous connaissez sans doute la loi d'Okun, selon laquelle chaque augmentation de 1 % du taux de chômage est associée à une chute brutale du PIB.
    Est-ce que je comprends bien la loi d'Okun?
    Je crois, oui. Je soulignerais deux points, car vous semblez me demander de commenter cette affirmation. Le contexte des années 1960 était fort différent. J'ai grandi à cette époque. Je me souviens des années 1960, et c'était une période bien différente. Je n'ai pas fait référence à la loi d'Okun, mais plutôt à la réflexion d'Okun sur l'équité et l'efficacité ou les marchés et les droits. C'est ce que j'essayais de communiquer aujourd'hui.
    Certes, mais en le nommant, vous nous proposez une personne fort pertinente dont les réflexions sont fort judicieuses, surtout en ce qui a trait à certaines des questions abordées par le Comité aujourd'hui.
    Je sais que les dépenses du gouvernement vous posent problème, et vous pouvez le souligner, mais dans le contexte de la pandémie de COVID-19, je me demande ce que le gouvernement aurait pu faire d'autre.
    Par exemple, avez-vous eu l'occasion de lire le dernier rapport du Fonds monétaire international, ou FMI, axé sur le Canada? Il a été publié ce mois-ci, donc il est tout récent. Si vous n'avez pas eu l'occasion d'y jeter un coup d'œil, c'est tout à fait compréhensible.
    Il précise que si les programmes d'urgence comme la subvention salariale et le Compte d'urgence pour les entreprises canadiennes — qui est bien sûr un prêt aux petites entreprises qui peut maintenant atteindre 60 000 $ —, la subvention pour le loyer et bien d'autres mis de l'avant, qui sont certes coûteux, mais qui ont contribué à maintenir le pays... Je ne verse pas dans la propagande politique; c'est aussi ce qu'affirme le FMI. Dans ce rapport, on peut lire que le taux de chômage du Canada, qui était déjà de 13 % en avril dernier, aurait augmenté de 3,2 %. La situation aurait pu être encore pire. Toujours selon le FMI, nous aurions pu, du point de vue des retombées économiques, subir une baisse supplémentaire du PIB de 8 %.
    Que pensez-vous de ces données? Sans l'introduction de programmes d'urgence, la situation aurait été extrêmement dure au pays. Nous venons d'entendre le directeur parlementaire du budget, par exemple, qui a indiqué clairement au Comité que s'il n'y avait pas eu de programme d'urgence, le Canada aurait connu une dépression. Ce n'est pas le mot qu'il a employé, mais il aurait très bien pu le faire.
    Que pensez-vous de tout cela?
(1240)
    Pour répondre à votre première question, à savoir si j'ai lu le rapport du Fonds monétaire international, la réponse est oui, je l'ai lu. Oui, ils nous ont félicités pour notre intervention. Je pense que vous êtes en train de dichotomiser la question ou de la transformer en un argument manichéen selon lequel la lumière est soit allumée, soit éteinte. Je n'ai jamais dit, et je pense qu'aucun Canadien ne l'ait dit, que nous n'aurions pas dû aider qui que ce soit. La question n'a jamais été de savoir si nous devions aider quelqu'un ou n'aider personne. Je pense que la question en est une de ciblage, un ciblage plus précis, plus chirurgical. Nous sommes le seul pays — et j'ai examiné le rapport de l'OCDE à ce sujet et celui de Statistique Canada — qui a versé 150 % du revenu total de la perte d'emploi. Je crois que cela va à l'encontre du principe même de l'assurance-chômage que tous les Canadiens ont appuyé depuis Mackenzie King, à savoir que vous n'êtes pas censé recevoir 150 % de votre perte. Si vous gagnez 1 000 $ par mois et que vous vous présentez au bureau de l'assurance-chômage, on ne vous donnera pas 1 500 $. Ce qu'on vous donnera, c'est une partie du revenu que vous avez perdu.
    En pourcentage — nous comparons donc des données normalisées et non des données en valeur absolue —, nous avons versé plus que n'importe qui d'autre, alors que les ressources sont limitées. Les ressources qui ont été dilapidées parce que nous avons accordé plus d'argent qu'il ne fallait auraient pu être utilisées pour épauler financièrement d'autres personnes encore plus mal en point.
    La question n'est pas de savoir si nous devons aider les gens; la question est de savoir s'il n'y a pas lieu de veiller à ce que nous fournissions le plus d'aide possible aux personnes qui souffrent le plus.
    Monsieur Lee, merci beaucoup. Je pense que nous serons d'accord d'être en désaccord. Tout d'abord, nous constatons un bien meilleur taux de participation au marché du travail au Canada que dans les autres pays du G7. De plus, le taux d'épargne au Canada a augmenté au point où de nombreux économistes — pas tous, pour être juste — se penchent sur la question et disent qu'avec la demande refoulée actuelle, le Canada sera très bien placé une fois la pandémie passée en raison du taux d'épargne élevé des Canadiens, ce qui, bien entendu, aura une incidence positive énorme sur notre économie.
    Permettez-moi de terminer sur un point qui, je le crois, nous trouvera d'accord tous les deux, à savoir la nécessité de se concentrer sur les infrastructures et de le faire de manière à accroître la compétitivité du Canada. Vous avez donné un certain nombre d'exemples quant à la façon dont, dans un futur budget, le gouvernement pourrait donner la priorité à des choses comme les ports. Vous avez aussi donné l'exemple des chemins de fer. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Je pense que c'est un point important.
    Je le pense aussi. Merci.
    Comme vous pouvez le deviner, l'étude de la question des infrastructures remonte littéralement à Adam Smith.
    En réponse à votre question, permettez-moi de souligner ceci. J'ai témoigné devant ce comité en 2008-2009, et j'ai consulté les données sur les dépenses en infrastructure. Je pense que les données que je vous rapporte aujourd'hui sont toujours d'actualité — je peux me tromper, alors n'hésitez pas à contrevérifier. D'après toutes les études qui ont été faites, les infrastructures en 2010, 2011 et 2012 avaient un multiplicateur plus élevé que toute autre forme d'intervention gouvernementale. Cela a été confirmé par des études américaines et des études canadiennes. Le chiffre était de 1,6 à l'époque. Je m'en souviens, et en fait, le ministre Flaherty l'avait mentionné dans l'annexe de l'un de ses budgets, celui de 2011-2012.
    En d'autres termes, chaque milliard de dollars que vous dépensez pour les infrastructures génère 1,6 milliard de dollars d'activité économique. En revanche, si vous donnez des chèques aux gens, l'argent sera utilisé pour rembourser des dettes ou se retrouvera dans un compte bancaire. Autrement dit, cet argent ne sera peut-être pas dépensé, alors qu'avec les infrastructures, vous savez qu'il sera dépensé parce que l'entrepreneur embauché pour construire le pont, la route ou le pipeline ne sera pas payé tant qu'il n'aura pas construit le pont, la route ou le pipeline. Vous avez donc l'assurance que cet argent sera investi dans l'économie.
    Deuxièmement, pour répondre à votre question, la question de l'infrastructure a été étudiée, et la raison pour laquelle elle est si importante pour la productivité et la croissance économiques, c'est que tout ce qui diminue... ou augmente l'efficacité du mouvement des biens ou des services à travers le pays, que ce soit numériquement ou physiquement, améliore la croissance et la productivité de l'économie.
    Je pense que c'est la raison pour laquelle le multiplicateur est plus élevé et que c'est ce qui explique l'effet positif net sur l'économie, qu'il s'agisse des chemins de fer, des aéroports, des compagnies aériennes ou de l'infrastructure numérique à large bande.
    Je vous remercie.
    Nous avons M. Ste-Marie, suivi de M. Julian.

[Français]

     Monsieur le président, puisque M. Julian doit bientôt quitter la réunion, nous pourrions échanger nos tours de parole, et il pourrait poser maintenant ses questions. Je prendrai ensuite la parole.

[Traduction]

    Oui, ce n'est pas un problème.
    Monsieur Julian, allez-y.
(1245)

[Français]

    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Monsieur Ste-Marie, je vous remercie grandement. C'est extrêmement gentil de votre part. Effectivement, je vais bientôt devoir quitter la réunion.
    Monsieur le président, j'aimerais aussi vous aviser que je vais laisser la dernière minute de mon temps de parole à Mme May.

[Traduction]

    Merci à nos témoins de leur présence. Nous espérons de tout cœur que vous et vos familles restez en sécurité et en bonne santé pendant cette pandémie.
    Merci, monsieur Robson, pour le clin d'œil à Jagmeet Singh, qui prend la parole aujourd'hui à l'Institut C.D. Howe. Je ne pourrai pas y assister moi non plus, alors, malheureusement, nous allons tous les deux manquer celui qui, je l'espère, sera notre prochain premier ministre à prendre la parole là-bas.
    Je voulais revenir sur la question que vous avez soulevée, monsieur Robson, concernant l'absence de budget. Nous venons d'entendre le directeur parlementaire du budget parler du fait qu'il n'y a tout simplement aucune autre économie industrialisée qui a attendu plus de deux ans pour présenter un budget national, alors j'aimerais revenir là-dessus.
    Dans quelle mesure devrions-nous déplorer le fait que nous sommes le seul pays industrialisé à ne pas avoir présenté de budget depuis plus de deux ans?
    Je pense effectivement que c'est profondément regrettable.
    Nous avons déjà parlé de cette comparaison à l'international. Permettez-moi de souligner qu'ici, au Canada, les provinces, les territoires et les municipalités ont tous présenté des budgets. Tous ont pourtant été confrontés à d'importantes incertitudes quant à ce qui allait se passer. Dans certains cas, ces incertitudes ont pu être exacerbées par le fait que le gouvernement fédéral n'a pas présenté de budget. Les activités du gouvernement fédéral ont une grande importance pour les provinces, les territoires et les municipalités.
    Une chose qu'il me semble important de noter, c'est que les budgets sont habituellement extrêmement complets quant aux chiffres qu'ils présentent et au portrait financier qu'ils brossent. Je ne pense pas que l'énoncé économique de l'automne ait été un substitut adéquat à un budget.
    À propos de l'énoncé économique de l'automne, j'aimerais souligner une chose qui m'a vraiment troublé, à savoir que nous avions prévu entre 70 et 100 milliards de dollars de dépenses de relance supplémentaires, avec différents types de profils potentiels sur trois ans, et pourtant, même si cela laissait entendre des emprunts supplémentaires, il n'y avait pas d'ajustement pour les coûts d'intérêt qui seraient liés à ces derniers. J'ai eu l'impression que ces dépenses avaient été incluses sans la planification fiscale à laquelle on se serait attendu pour quelque chose de cette ampleur.
    J'attends un budget avec impatience. Je pense qu'il est très regrettable que nous en ayons sauté un et qu'il est grand temps que nous en ayons un qui soit suffisamment complet pour aider les Canadiens et les parlementaires à comprendre le plan financier du gouvernement.
    Merci beaucoup de votre réponse.
    J'ai une autre question avant de céder la parole à Mme May, et elle porte sur la question des recettes. Vous avez parlé des dépenses et de la façon dont nous recueillons de l'argent par le biais de l'impôt pour nous assurer d'être en mesure de payer les programmes.
     Plus de 80 % des Canadiens sont en faveur d'un impôt sur la fortune. Depuis le début de la pandémie, les milliardaires canadiens ont augmenté leur richesse de plus de 60 milliards de dollars. Selon vous, comment des mesures comme l'impôt sur la fortune peuvent-elles garantir que nous aurons les moyens de financer les programmes que vous avez cités comme étant importants pour la santé et le bien-être des Canadiens? Dans quelle mesure est-il important pour le gouvernement fédéral de bien gérer les recettes?
    Je pense que l'augmentation des recettes fera certainement partie de la réponse. Nous ne pourrons pas maintenir les programmes dont nous parlons si nous ne faisons rien du côté des recettes.
     En fait, je reviens sur ce que j'ai dit au sujet du coût de chaque dollar investi dans les programmes. Je pense que vous rendez service aux Canadiens en leur faisant payer le plein prix pour les programmes qu'ils obtiennent, parce qu'en fin de compte — comme je le disais à propos des données historiques et des projections —, c'est ce que cela va coûter. Vous ne rendez service à personne en prétendant que vous pouvez offrir ces choses à raison de 50 cents par dollar.
    En ce qui concerne plus particulièrement les impôts, y compris l'impôt sur la fortune, je dirais que nous devons être réalistes quant à l'ampleur des recettes résultantes. Je me méfie des impôts qui frappent plus durement les personnes à hauts revenus que les autres, car nous avons déjà une fuite des cerveaux vers les États-Unis. Nous n'y avons pas prêté beaucoup d'attention ces derniers temps, mais les personnes qui quittent le Canada — et il y en a environ 70 000 par an — ont tendance à être relativement bien formées et à gagner relativement bien leur vie. Nous ne voulons pas que cela continue. Nous voulons qu'elles restent ici, au Canada. Le...
    Je suis désolé de vous interrompre, mais j'aimerais permettre à Mme May de poser sa question.
    Merci beaucoup, et merci encore à M. Ste-Marie de sa générosité.
(1250)
    Madame May, vous avez environ une minute.
    Merci beaucoup.
    Je remercie également Gabriel Ste-Marie d'avoir accordé à M. Julian le temps qu'il vient de me donner.
    Je vais reprendre une question que j'ai posée plus tôt au directeur parlementaire du budget. Nous sommes très préoccupés par toute augmentation que pourrait subir l'inflation, car il est évident que notre pays est très endetté, mais lors de deux conversations que notre comité a eues avec eux, les gouverneurs de la Banque du Canada, M. Steve Poloz et M. Tiff Macklem, ont tous deux affirmé que l'inflation ne les préoccupait pas tant que ça, mais qu'ils considéraient la déflation comme un risque plus important.
    S'il reste du temps, je ne sais pas qui de M. Ian ou de M. Robson serait le plus enclin à répondre à ma question. Selon vous, quel est le risque relatif entre la déflation et l'inflation?
    Qui veut se risquer?
    Allez-y, monsieur Robson.
    J'ai écrit un article dans le Globe and Mail à ce sujet cette semaine, alors je peux probablement répondre à cela
    La réponse à votre question dépend beaucoup de l'horizon temporel envisagé. Je pense que les banques centrales ont eu du mal à atteindre leurs cibles d'inflation au cours de la dernière décennie. J'appellerai cela des erreurs tactiques: une mauvaise lecture de la vigueur de l'économie et peut-être un empressement exagéré à augmenter leurs taux d'intérêt à court terme en raison de la fausse impression qu'elles ont pu avoir que l'économie était en meilleure posture qu'elle ne l'était vraiment. Nous avons constaté, partout dans le monde, cette incapacité à atteindre les cibles d'inflation.
    Lorsque je regarde à plus long terme, et en particulier lorsque je regarde ce qui se passe aux États-Unis, mon sentiment est un peu différent. Les banques centrales achètent énormément de ces dettes gouvernementales qui sont émises. Ici au Canada, comme vous le savez, la Banque du Canada s'est engagée à continuer d'en acheter à hauteur d'au moins 4 milliards de dollars par semaine. De la même manière, la Réserve fédérale américaine absorbe une énorme partie des dettes contractées par le gouvernement américain.
    Que se passe-t-il lorsque la banque centrale arrive à un point où elle voit l'inflation revenir à l'objectif, c'est-à-dire là où elle souhaite la voir, et qu'elle cesse d'absorber cette dette? Nous sommes déjà passés par là. Lorsque le gouvernement fédéral a eu ses problèmes financiers dans les années 1990, je me souviens que beaucoup de gens disaient que la Banque du Canada devait acheter une plus grande partie de la dette et faire baisser les taux d'intérêt afin d'alléger la situation financière du pays.
     En fin de compte, nous n'avons pas suivi cette voie, et si nous ne l'avons pas fait, c'est parce que le souvenir de l'inflation — alors que la banque centrale monétisait trop de dettes — était si frais dans nos mémoires. Les gens qui ont vécu l'inflation détestent l'inflation. En regardant les choses à plus long terme, j'ai bien peur que nous nous retrouvions dans cette situation. Je serais très rassuré si le gouvernement fédéral, surtout aux États-Unis et pas seulement au Canada, annonçait qu'il est disposé à faire correspondre plus étroitement ses recettes et ses dépenses, et à cesser de compter sur la banque centrale pour acheter une si grande partie de sa dette.
    Je vous remercie.
    Nous avons dépassé de beaucoup le temps qui était prévu, mais je pense que nous avions besoin d'une réponse complète à cette question.
    Nous allons passer à M. Ste-Marie, puis nous aurons du temps pour une question de Mme Jansen et de Mme Dzerowicz.
    Monsieur Ste-Marie, allez-y.

[Français]

     Je vous remercie, monsieur le président.
    Bonjour messieurs.
    Mes questions s'adressent à M. Robson et à M. Lee.
    J'aimerais avoir votre avis sur l'élément suivant. Il y a quelques semaines, l'ancien directeur principal et représentant régional à la Banque du Canada, M. Miville Tremblay, a fait paraître une lettre d'opinion dans le quotidien La Presse.
    Dans sa lettre, il rappelait la thèse, qu'il semblait faire sienne, de l'ancien président de la Réserve fédérale des États-Unis, Ben Bernanke, qui posait le problème de l'excès d'épargne et du trop faible niveau d'investissement à l'échelle mondiale en disant que ce déséquilibre s'observait notamment par les faibles taux d'intérêt.
    Êtes-vous d'accord sur cette analyse? Croyez-vous que ce déséquilibre pourrait se régler plus rapidement qu'on le croit et faire monter les taux d'intérêt et, potentiellement, l'inflation?

[Traduction]

    Si je peux me permettre, je dirais qu'à court terme, je pense qu'il y aura une pression à la hausse sur les taux d'intérêt, parce que l'économie est en train de redémarrer et que les gouvernements empruntent encore beaucoup, ce qui crée une concurrence sur les marchés du crédit qui fera vraisemblablement augmenter les taux d'intérêt.
    À plus long terme, de nombreuses personnes qui examinent la situation décrite par M. Tremblay se sont penchées sur les explications démographiques, en ce sens qu'une grande partie de la population dans de nombreux pays, dont le Canada, est au summum de sa période d'épargne. Dans la mesure où cela est tributaire de la surabondance d'épargne et du fait que nous avons connu de faibles taux d'intérêt, cette situation est en train de se renverser.
    Des forces majeures ont fait en sorte que les taux d'intérêt soient bas et qu'il y ait une épargne de cette ampleur à la recherche de débouchés un peu partout dans le monde. Certaines de ces forces — à court terme en raison de la relance de l'économie et à plus long terme en raison de la démographie — sont en train de s'inverser, et nous verrons probablement des taux d'intérêt réels plus élevés à l'avenir.
(1255)

[Français]

    Je vous remercie.
    Qu'en pensez-vous, monsieur Lee?

[Traduction]

    Je serai très rapide.
    Je suis tout à fait d'accord avec M. Robson.
    Je veux juste mentionner quelques noms. M. Charles Goodhart, 81 ans, professeur retraité de politique monétaire à la London School of Economics, a écrit plusieurs livres. Trente ans auparavant, il était à la Banque d'Angleterre. Dans son dernier livre, il avance le même argument que M. Robson. Dans leurs meilleures années, les baby-boomers ont accumulé des épargnes colossales. Nous arrivons toutefois maintenant à l'âge d'or et nous allons commencer, comme le montrent les faits, à « désépargner ». C'est un terme peu élégant pour dire que vous allez commencer à dépenser vos économies parce que les maisons de soins de longue durée coûtent cher, parce que vous allez faire des voyages et des croisières, etc.
    Le deuxième point qu'il a soulevé, c'est que l'émergence de la Chine et l'effondrement de l'Union soviétique au début des années 1990 ont ajouté des centaines de millions de consommateurs et de travailleurs à l'échelle planétaire, ce qui a fait baisser les salaires et a contribué à des taux d'intérêt très bas. Or, cette situation est sur le point de se renverser.
    M. Goodhart a déclaré — j'ai vu une interview de lui récemment, cette année — que les taux pourraient grimper à 5 % au cours des cinq prochaines années. Ce n'est pas énorme par rapport à l'époque où j'étais à la banque et qu'ils étaient à 20 %, mais nous sommes habitués à un quart de point. Pour beaucoup d'entre nous, le fait de passer à 5 % va être tout simplement catastrophique.
    Je suis d'accord avec M. Ronson et, pour les raisons que je viens de donner, je pense que les taux vont augmenter.
    Monsieur le président, si je peux faire de la publicité, nous sommes en train de manquer la présentation de M. Singh à l'Institut C.D. Howe. Cependant, si vous êtes intéressés par ce que M. Charles Goodhart a à dire, vous pouvez l'écouter. Nous devrions avoir plus de parlementaires à nos réunions.

[Français]

    Je vous remercie.
    Je vais m'arrêter ici, afin de laisser mes collègues poser leurs questions.

[Traduction]

    Merci, monsieur Ste-Marie.
     Nous avons environ deux minutes pour Mme Jansen et Mme Dzerowicz.
    Madame Jansen, vous avez la parole.
    Merci, monsieur Lee, d'avoir souligné qu'aucune banque ne prêterait de l'argent à une entreprise privée qui n'aurait pas de plan.
    J'ai fait de nombreuses présentations à des banques au cours de ma vie et, comme vous l'avez souligné, on m'a toujours demandé de présenter un plan clair et détaillé pour expliquer comment la ferme allait dépenser l'argent emprunté. Sans budget ni plan, aucun Canadien ordinaire n'est en mesure d'emprunter un cent.
    Le gouvernement actuel semble tellement déconnecté qu'il ne pense pas que ces règles s'appliquent à lui et, honnêtement, j'aurais beaucoup de mal à voter pour le projet de loi C-14 dans sa forme actuelle. Bien que les Canadiens continuent d'avoir besoin de soutien pendant ce qui semble être plus de temps que dans tout autre pays du G7 en raison de la piètre performance du gouvernement quant à l'achat de vaccins, l'idée d'autoriser des dépenses de consommation de 100 milliards de dollars et de relever le plafond de la dette sans plan ni cible budgétaire est très difficile à avaler.
    Sans l'assurance que le financement sera axé sur la croissance et l'innovation, et qu'il sera accompagné d'un budget correspondant pour détailler le plan financier, je me demande comment vous pouvez croire que nous, en tant que parlementaires, devrions voter en faveur de ce projet de loi. Compte tenu de la façon dont le projet de loi a été conçu, j'ai honnêtement l'impression de me retrouver entre le marteau et l'enclume.
    Madame Jansen, je ne vous dirai pas comment voter, ce serait présomptueux de ma part, mais je tiens à répéter une fois de plus que ces normes... J'ai été fasciné toute ma vie par l'histoire de la Grande-Bretagne et l'évolution constitutionnelle, car mon défunt père était britannique. Ce sont des choses que j'ai étudiées. L'idée d'un budget remonte à l'aube du système parlementaire de Westminster. Cela remonte littéralement à 500 ou 600 ans, c'est-à-dire à l'époque où ils ont pris le contrôle de la Couronne, qui insistait pour dire: « C'est moi qui commande. Allez vous faire voir. Je fais ce que je veux. » Et eux de rétorquer: « Non, non, non. Dans une démocratie, vous ne pouvez pas faire ça. »
    C'est un outil de responsabilisation. Ce n'est pas une règle bureaucratique qui est arbitraire. C'est un outil de responsabilisation et il est utilisé pour la prise de décisions. Je veux dire, les investisseurs regardent les budgets. Les agences de notation examinent les budgets. Les professeurs les examinent aussi, tout comme le font les électeurs et les journalistes. Il ne s'agit pas d'une exigence frivole. Tout gouvernement devrait être prêt à dire: « Regardez, voici qui nous sommes. Voici ce que nous défendons. Voici notre plan. »
    Madame Dzerowicz, c'est à vous de conclure.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Ma question s'adressera à M. Robson, mais je veux d'abord m'assurer de mentionner autre chose à propos du budget afin que cela soit porté au compte-rendu. Je ne veux pas que les Canadiens qui nous écoutent pensent que notre gouvernement a délibérément tenté de ne pas être transparent ou responsable. L'année dernière, nous avons annoncé une date pour la présentation du budget. C'était le lundi 30 mars. Nous ne l'avons pas respectée parce qu'il y a eu une pandémie massive et qu'il a fallu mettre cet exercice de côté.
     Je tiens également à rappeler à tout le monde qu'une fois que nous avons commencé avec le Comité des finances, nous avions des rapports toutes les deux semaines par souci de transparence et pour montrer que nous étions responsables quant à nos dépenses. Cela s'est déroulé jusqu'à la fin du mois d'août, c'est-à-dire jusqu'au moment où nous avons prorogé la session. Lorsque nous avons repris la session, nous avons rendu des comptes par l'intermédiaire du Parlement. Il y a aussi l'intention de présenter un budget. Je ne veux pas que les gens pensent que cela ne viendra pas — nous y sommes — ou que nous n'avons pas été responsables et transparents.
    Monsieur Robson, à votre avis, comment le gouvernement fédéral aurait-il dû dépenser? Comment aurait-il dû financer les programmes d'urgence et de redémarrage économique? De nombreux économistes nous ont répété à maintes reprises que si nous n'avions pas dépensé ce que nous avons dépensé, notre économie aurait été bien plus mal en point qu'elle ne l'est maintenant. Nous avons également de très bonnes données qui montrent que nous nous en tirons plutôt bien, compte tenu de la situation. Lorsque nous examinons nos taux de participation au marché du travail, nous nous en sortons mieux que l'Allemagne, les États-Unis et le Japon. La croissance du PIB du Canada au quatrième trimestre est supérieure à celle du Royaume-Uni, des États-Unis, de l'Allemagne, de la France et de l'Italie.
    Étant donné que nos niveaux d'endettement vous préoccupent, qu'auriez-vous fait de différent?
(1300)
    Très tôt, l'Institut C.D. Howe et moi-même avons été à l'avant-garde pour demander certaines des mesures d'aide que nous avons vues. Je ne critique pas le principe de la Prestation canadienne d'urgence. Je ne critique pas non plus le principe de la Subvention salariale d'urgence du Canada. Je ne critique pas non plus les nombreuses mesures de soutien au crédit mises en place par le gouvernement. Je les admire. Je pense que ces choses sont arrivées à point nommé. J'ai été impressionné par la rapidité d'exécution.
    Mes préoccupations concernent davantage l'avenir. Comme nous l'avons dit, bon nombre des défis économiques auxquels nous sommes confrontés ne sont pas liés au soutien de la demande. La demande est là et les économies sont là. En fait, les défis sont liés à la réouverture de l'économie... à la fois à la protection contre le coronavirus et aux nombreux défis en matière d'infrastructure. J'ajouterai simplement que, maintenant que nous sommes dans cette nouvelle situation, une grande partie des investissements que nous devons faire dans les aéroports et à la frontière, par exemple, est liée à la nécessité de rendre les voyages et la circulation des biens et services plus sécuritaires et plus faciles.
    Le point principal de mon observation sur le coût fiscal des dépenses de programme concernait ce qui va suivre. L'énoncé économique de l'automne, le discours du Trône et d'autres promesses que nous avons entendues laissent présager beaucoup de nouveaux programmes permanents. Je dirais que, pour le moment, ces intentions sont déplacées. Nous devrions vraiment penser à des choses qui permettront à l'économie de mieux fonctionner au moment de la réouverture tout en gardant à l'esprit que nous devons continuer de nous protéger contre le coronavirus. C'est le point de focalisation principal et le point de focalisation approprié pour la croissance économique future.
    Sur ce, nous allons devoir mettre fin à cette séance.
    Merci, monsieur Robson et monsieur Lee, d'être venus. Je pense que nous avons eu de très bonnes discussions et que nous avons touché à beaucoup de sujets. Nos échanges ont fait ressortir un certain nombre de points essentiels.
    Avant de lever la séance, je tiens à souhaiter un congrès productif, fructueux et profitable à M. Kelly, Mme Jansen, M. Falk et M. Fast.
    Merci, monsieur Easter.
     Et merci à tous de votre souplesse. Cela nous permettra d'assister au congrès de notre parti. Je vous en suis reconnaissant. Merci.
    Il n'y a pas de souci. C'est très bien. Passez un bon congrès.
    La séance est levée.
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