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NDDN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la défense nationale


NUMÉRO 032 
l
2e SESSION 
l
43e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le vendredi 21 mai 2021

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

[Français]

     Bonjour à tous.

[Traduction]

    Bienvenue à la 32e réunion du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes.

[Français]

    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le 25 janvier 2021, et les membres seront présents en personne ou par l'entremise de l'application Zoom. Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle, plutôt que l'ensemble du Comité.

[Traduction]

     Si le service d'interprétation fait défaut, veuillez nous en avertir immédiatement. Nous voulons nous assurer que tous puissent participer pleinement au débat.
     Je pense que nous avons une députée ici en personne. Madame Gallant, bienvenue. Ce sera facile.
     Je vous rappelle que toutes les observations des députés doivent être adressées à la présidence.
     À titre de rappel, autant à moi qu'à tout le monde, veuillez essayer de parler lentement et clairement. Si vous ne parlez pas, veuillez vous mettre en sourdine.
     Notre greffier et moi-même ferons de notre mieux pour tenir à jour une liste des intervenants, qu'ils participent à la séance virtuellement ou en personne.
    Conformément à l’article 106(4) du Règlement, le Comité se réunit aujourd'hui pour étudier une demande présentée par quatre membres du Comité au greffier en vue de discuter de leur demande de témoins supplémentaires dans le cadre de l'étude des mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la Défense Jonathan Vance.
     Je vous invite maintenant à en discuter.
     Allez‑y, monsieur Bezan.
    Merci, madame la présidente.
     À la lumière de la discussion que nous avons eue plus tôt cette semaine et n'ayant pas réussi à prendre une décision finale sur une motion dont nous étions saisis à ce moment‑là, j'ai présenté une version légèrement modifiée de la motion, que je vais lire maintenant, avant d'en parler. Je propose:
Que, en ce qui concerne l’étude du Comité sur le traitement des allégations d’inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations contre l’ancien chef d’état-major de la Défense Jonathan Vance,
a) rappelant que Zita Astravas, ancienne cheffe de cabinet du ministre de la Défense nationale, a été invitée le lundi 8 mars 2021 à comparaître devant le Comité dans un délai de 14 jours, et que la Chambre des communes lui a ordonné le jeudi 25 mars 2021 de comparaître devant le Comité le mardi 6 avril 2021, et qu’elle ne s’est présenté à aucune de ces deux occasions, le Comité émette une assignation à comparaître devant le Comité, lors d’une réunion télévisée, à la date et à l’heure déterminées par le président au plus tard le jeudi 27 mai 2021 jusqu’à ce qu’elle soit libérée par le Comité, à condition que, si Zita Astravas ne respecte pas l’assignation,
(i) le greffier et les analystes reçoivent l’ordre de préparer un bref rapport à la Chambre, exposant les faits matériels de l’outrage possible que la situation représenterait, qui sera examiné par le Comité, en public, à sa première réunion après la fin de l’étude du rapport principal de l’étude, et
(ii) le ministre de la Défense nationale et Gary Walbourne, ancien ombudsman de la Défense nationale et des Forces canadiennes, soient invités à participer conjointement à un panel pendant deux heures, lors d’une rencontre télévisée, au plus tard le jeudi 27 mai 2021; et
b) les dispositions de la motion adoptée le lundi 12 avril 2021, concernant un rapport à la Chambre, soient modifiées comme suit:
(i) nonobstant la motion adoptée le lundi 12 avril 2021, les instructions de rédaction et les recommandations découlant des éléments de preuve reçus par le Comité après le vendredi 16 avril 2021 peuvent être envoyées au greffier, (A) en ce qui concerne les éléments de preuve reçus avant l’adoption de la présente motion, dans les 24 heures de l’adoption de la présente motion ou (B) en ce qui concerne les éléments de preuve reçus en conséquence de paragraphe (a), dans les 24 heures de l’ajournement de la réunion où les éléments de preuve ont été reçus,
(ii) jusqu’au vendredi 28 mai 2021, le Comité tienne au moins une réunion par semaine pour recevoir les éléments de preuve relatifs à l’étude et au moins une réunion par semaine pour étudier le projet de rapport,
(iii) à 14 h 45, le vendredi 28 mai 2021, ou, si le Comité ne siège pas à ce moment‑là, après son prochain appel à l’ordre, les délibérations du Comité seront interrompues, si cela est nécessaire aux fins de la motion adoptée le lundi 12 avril 2021, et chaque question nécessaire pour disposer du projet de rapport, y compris sur chaque recommandation proposée dont il n’a pas été disposé, sera mises aux voix, immédiatement et successivement, sans autre débat ni amendement,
(iv) le Comité refuse de demander, conformément à l’article 109 du Règlement, que le gouvernement dépose une réponse globale au rapport, et que
(v) les opinions ou recommandations dissidentes ou supplémentaires sont déposées, conformément à l’article 108(1)(b) du Règlement, dans les deux langues officielles, au plus tard le vendredi 4 juin 2021 à 16 heures.
    Madame la présidente, la motion que je viens de déposer tient compte de l'amendement que nous avons adopté plus tôt cette semaine, en supprimant la demande de convoquer des témoins concernant les allégations relatives au major-général Dany Fortin, et un calendrier mis à jour afin que nous entendions Mme Astravas ou le ministre de la Défense ainsi que Gary Walbourne avant la fin de la journée du 27 mai, soit jeudi prochain.
    Madame la présidente, nous avons passé beaucoup de temps ici avec les libéraux qui faisaient obstruction aux motions visant à convoquer des témoins, en particulier Zita Astravas, mais d'autres aussi. Je crois qu'une analyse récente aurait dû être effectuée pour montrer que les comités ont consacré beaucoup de temps et de longs débats, des séances et des heures de travaux en comité prolongées, ce qui pourrait aussi être interprété comme de l'obstruction, et que 77 % du temps du Comité a été perdu à cause d'obstructionnistes libéraux.
    Je dirais aussi, madame la présidente, qu'ici même, avec la pratique de suspendre les réunions que vous continuez à utiliser, nous avons passé plus de 11 jours en suspension. Nos travaux ont été suspendus à 20 reprises. Nous nous dirigeons vers un long week-end. J'espère que les membres voudront débattre de la motion cette fois‑ci et ne pas passer leur temps à parler de toutes sortes d'autres choses qui n'ont aucun rapport avec la convocation de Zita Astravas. Si la présence de Zita Astravas est si importante, madame la présidente, c'est qu'elle peut apporter un peu plus de clarté aux témoignages contradictoires que nous avons reçus.

  (1115)  

    Nous avons le ministre Sajjan, qui s'est dit surpris lorsque cette affaire a été rendue publique. Puis nous avons découvert que Gary Walbourne avait présenté l'information à propos des allégations portées contre le général Vance il y a trois ans, le 1er mars 2018. Le ministre Sajjan a alors dit avoir transmis cette information au greffier du Conseil privé de l'époque, Michael Wernick, qui nous a dit avoir reçu d'Elder Marques l'information et la demande d'examiner les allégations. Elder Marques a dit avoir reçu l'information à propos des allégations de Katie Telford et de son bureau. Katie Telford est la cheffe de cabinet du premier ministre. Lors de sa comparution, elle a dit avoir reçu l'information d'Elder Marques.
     Le chaînon manquant dans tout cela est Zita Astravas, l'ancienne cheffe de cabinet du ministre Sajjan qui, il y a trois ans, en mars 2018, a fait remonter ces informations le long de la chaîne. Nous croyons qu'elle sera en mesure d'apporter dans cette discussion un éclairage sur le moment où les choses ont commencé à dérailler. Pourquoi la question n'a‑t‑elle jamais été examinée?
     Pourquoi cela n'a‑t‑il pas fait l'objet d'une enquête, malgré les affirmations des libéraux selon lesquelles il y a eu enquête?
     L'ancien et l'actuel greffier du Conseil privé nous ont dit qu'ils n'ont jamais enquêté. Ils n'ont eu que quelques rencontres avec Gary Walbourne.
     Madame la présidente, je suggère aux membres du Comité que nous prenions les mesures nécessaires pour convoquer Zita Astravas. Les invitations qui lui ont été lancées ont été vaines à ce jour. Si le gouvernement décidait de ne pas la laisser comparaître, attendez-vous à ce que le ministre Sajjan comparaisse aux côtés de Gary Walbourne afin que nous puissions déterminer qui dit la vérité.
     C'est important, madame la présidente, si nous voulons modifier la culture et révéler qui a décidé de ne pas informer le premier ministre. Si nous voulons réussir à provoquer le changement de culture qui est si désespérément nécessaire au sein des Forces armées canadiennes, pour que les femmes et les hommes puissent entrer au travail en sachant qu'ils ne seront pas victimes de harcèlement sexuel et ne subiront pas d'inconduite sur les lieux de travail, y compris de la part de leurs officiers supérieurs, nous devons nous pencher sur la façon dont tout cela a éclaté il y a trois ans, sur la façon dont cela a miné l'opération Honour et, au bout du compte, comment nous en arrivons aujourd'hui à la situation où plusieurs officiers d'état-major, des officiers généraux et amiraux, font actuellement l'objet d'une enquête pour leur propre inconduite sexuelle.
     Madame la présidente, j'espère que nous prendrons conscience de la nécessité de cette motion afin que nous puissions rédiger un rapport et le déposer à la Chambre après le 4 juin et, au bout du compte, formuler des recommandations qui serviront de feuille de route à nos forces.
    Très bien.
    Merci beaucoup, monsieur Bezan.

[Français]

     Monsieur Barsalou‑Duval, vous avez la parole.

  (1120)  

     Je vous remercie, madame la présidente.
    À la dernière rencontre, nous avons déjà eu l'occasion de parler de la motion, qui ressemble beaucoup à celle qui avait été déposée et amendée lors de la dernière rencontre, alors je ne m'étendrai pas sur son contenu. C'est une évidence qu'elle devrait être acceptée par le Comité, parce que je pense que nous voulons tous savoir la vérité sur ce qui s'est passé, et c'est dans l'intérêt de la population.
    Pour ma part, je profite de cette occasion qui s'offre à moi pour proposer un amendement, dont le texte a été envoyé au greffier il y a quelques secondes. Il vise à modifier la motion déposée par M. Bezan en y ajoutant ceci:
(b)(vi) étant donné: a. l’ampleur de l’étude en cours qui est susceptible de mener le Comité à prendre connaissance de faits nouveaux; b. et, que le Comité estime qu’un rapport doit être fait de façon imminente et efficace afin de mettre un terme à la culture qui persiste depuis trop longtemps au sein des FAC et ce, en vue de prévenir que des femmes et des hommes soient de nouvelles victimes d’inconduites sexuelles; que le rapport soit un rapport intérimaire, ce, afin de laisser au Comité le temps de faire une étude complète de la problématique et de compléter son étude finale, tout en permettant la mise en œuvre de recommandations le plus tôt possible.
    Je vais vous expliquer l'intention derrière cet amendement. Depuis le début de l'étude du Comité sur ce sujet, des faits nouveaux sont apparus de façon régulière. Nous avons aussi assisté à des séances d'obstruction systématique, particulièrement de la part des libéraux, mais également de la part d'autres membres du Comité.
     Comme je l'ai mentionné à plusieurs reprises, il est essentiel de déposer un rapport et de présenter des recommandations. Tout porte à croire que d'autres faits nouveaux seront dévoilés, alors je pense qu'il est important que le Comité se donne la latitude nécessaire pour continuer à approfondir son travail sur la question, surtout qu'il devient de plus en plus difficile et complexe d'organiser l'horaire du Comité, en voulant ajouter des éléments et des témoins.
    Alors, il est important que nous nous donnions tous les moyens pour faire en sorte qu'un rapport provisoire soit déposé pour les victimes et pour qu'il puisse y avoir des recommandations.
    Par ailleurs, nous devons avoir tout ce qu’il faut pour continuer le travail qui, à mon sens, est très important.

[Traduction]

    Un instant, je vous prie.
     Comme le veut notre protocole lorsque nous recevons des avis ou des motions à la dernière minute, nous allons suspendre la séance quelques instants, jusqu'à ce que tout le monde ait eu l'occasion d'en prendre connaissance.

  (1120)  


  (1135)  

    Nous reprenons nos travaux.
    Tout le monde a maintenant eu un peu de temps pour en prendre connaissance.

[Français]

     Monsieur Barsalou‑Duval, pouvez-vous nous donner les détails de l'amendement et expliquer ce dernier aux membres du Comité?
    Madame la présidente, je le ferai avec plaisir, même si j'avais l'impression que ma présentation lors du dépôt de l'amendement avait fourni suffisamment d'éléments pour que les gens se forment une opinion. Je comprends toutefois que les gens ont eu besoin de lire un peu le contenu pour se faire une meilleure idée.
    Pour l'essentiel, nous nous sentons pressés par le temps et pris dans un étau. Pour ma part, j'ai l'impression qu'un rapport est nécessaire: c'est important pour les victimes et c'est important pour donner des orientations. D'un autre côté, les éléments qui nous sont présentés me laissent parfois l'impression que nous sommes constamment bousculés, ce qui nous force à faire des choix déchirants et nous empêche d'aller aussi en profondeur que nous le souhaiterions.
    J'ai donc proposé cet amendement afin que nous parvenions à concilier ces deux besoins.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Garrison, je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je tiens à commencer par quelques observations générales sur la situation actuelle. Une tendance malheureuse que j'ai observée ici est que certains membres prétendent parler au nom des personnes survivantes et des victimes et se préoccuper exclusivement de ces personnes, et si vous ne partagez pas leur opinion sur les mesures que nous devrions prendre, en quelque sorte, vous ne défendez pas les survivants.
     J'invite chacun d'entre nous à ne pas tomber dans ce piège qui consiste à se demander qui veut vraiment changer les choses. Nous sommes tous confrontés à ce problème et nous avons tous exprimé très clairement ce que nous en pensons.
     L'important, c'est que les femmes, en particulier, puissent servir à égalité dans l'armée canadienne, et nous savons depuis six ans que c'est impossible en raison de la culture hautement sexualisée et hypermasculine de l'armée canadienne.
     Rien de concret n'a vraiment été fait à ce sujet, et nous continuons à recevoir une plainte pour agression ou inconduite sexuelle tous les trois jours en moyenne. Il est évident que les mesures prises, si mesures il y a, ont été insuffisantes pour régler ce problème.
     Lorsque nous parlons de cette question, je pense que nous confondons parfois l'étude que nous menons ici avec celle que mène le Comité de la condition féminine. Si vous examinez attentivement son mandat, l'étude de ce comité consistait à déterminer pourquoi rien n'a été fait à propos des accusations portées contre le général Vance en tant que responsable de l'opération Honour, alors qu'il était lui-même accusé d'inconduite sexuelle. Pourquoi y a‑t‑il ce vide au sommet? Pourquoi cet échec pendant trois ans en laissant le général Vance en poste et en charge de l'opération Honour?
     Je sais qu'on a parfois dit que nous accordons trop d'attention à une seule affaire. Il ne s'agit pas d'une seule affaire. Il s'agit du chef d'état-major de la Défense, qui était responsable de l'opération Honour. Il est essentiel pour la crédibilité de toute réforme que nous déterminions ce qui s'est passé, pourquoi aucune mesure n'a été prise et pourquoi le général Vance a été laissé en charge. Si cette question ne trouve pas de réponse, et s'il n'y a pas de changements par suite de cette réponse, alors cela remet en question toutes les réformes dont nous voudrons parler et toutes les réformes nécessaires pour changer la culture des Forces armées canadiennes.
     En ce qui concerne nos travaux, je prends acte des chiffres que M. Bezan a fournis sur le temps passé à nous détourner de notre travail, et comme je l'ai dit lors de la réunion précédente, je suis assez déçu que les efforts visant à traiter des effets de la COVID sur les militaires et la santé mentale des militaires aient été mis de côté pour se concentrer sur un rapport sur lequel il nous est très difficile de faire consensus. Nous aurions très bien pu traiter ces deux autres rapports de manière expéditive.
     En ce sens, l'amendement de M. Barsalou-Duval pourrait être utile dans la mesure où nous pourrions rédiger un rapport provisoire, ce qui nous permettrait peut-être de revenir aux travaux sur lesquels nous avons un large consensus et qui faisait largement consensus parmi les témoins que nous avons entendus.
     Une dernière chose qui me dérange dans cette discussion, c'est la tendance de certains membres à dire que M. Bezan et moi sommes en train de pointer du doigt. Je pense que cela banalise l'exercice de la responsabilité du Parlement. Nous pointons du doigt. Nous cherchons les personnes responsables, et dans un système parlementaire, un ministre doit être responsable de cette incapacité à agir efficacement au cours des six dernières années dans le dossier de l'inconduite sexuelle.
     Ce n'est pas pointer du doigt que de chercher à imputer des responsabilités dans un système parlementaire. C'est un rôle fondamental d'un gouvernement parlementaire, et c'est certainement ce qui m'intéresse, car si nous pouvons découvrir qui a ordonné qu'il n'y ait pas d'enquête sur le général Vance, ou si nous découvrons que personne n'a donné un tel ordre et qu'on a simplement échappé le ballon au niveau le plus élevé, alors quel changement allons-nous voir qui donnera confiance aux membres des Forces canadiennes que cet enjeu sera pris au sérieux?
     Nous avons entendu toutes les promesses. Nous avons entendu tous les beaux discours au cours des six dernières années. Qu'est‑ce qui va changer ici pour garantir que cela cesse?
    Le libellé me pose quelques problèmes, mais je ne vais pas ergoter sur l'amendement. Je suis prêt à l'appuyer s'il nous permet d'aborder la question de savoir qui est l'ultime responsable d'avoir laissé pour compte les hommes et les femmes qui servent dans les Forces canadiennes, et si cela nous permet de revenir aux autres travaux importants du Comité.
    Merci, madame la présidente.

  (1140)  

    Très bien. C'est au tour de Mme Damoff.
    Merci, madame la présidente.
     C'est un plaisir de me joindre à vous aujourd'hui. D'habitude, je ne suis pas ici, mais j'ai évidemment suivi le débat et les questions qui ont été abordées, comme nous tous. J'ai pris la parole à la Chambre des communes sur ce dossier dans le cadre de l'une des motions de la journée de l'opposition. De ma position d'observatrice extérieure, je dois dire que je suis vraiment déçue de la direction dans laquelle l'opposition s'est engagée en ne mettant pas les personnes survivantes au cœur de ce problème.
     Je veux simplement citer Julie Lalonde, qui a dit: « Le blâme ne revient pas à une seule personne, à un seul chef ou même à un seul parti politique. S'il vous plaît, ne perdez pas de vue l'objectif et optez pour le courage dans le cadre de vos discussions ».
    Je pense qu'elle a très bien résumé la situation. Le système en place sous le Parti conservateur, sous le gouvernement conservateur précédent, n'a pas servi les femmes dans l'armée, tout comme le processus qui est exactement le même sous notre gouvernement, n'a pas servi les femmes et les hommes dans l'armée pour qu'ils se sentent en sécurité et se manifestent. Voilà pourquoi un changement s'impose, absolument. Pointer du doigt, blâmer et essayer de trouver un responsable ne résoudra pas le problème.
     Si nous prenons l'armée, la GRC ou le Service correctionnel, nous avons vu à maintes reprises des problèmes de dynamique de pouvoir, d'une prédominance de femmes parmi les victimes de violence, de harcèlement et d'agression de nature sexuelle. Il est tout à fait inacceptable que quiconque ne se sente pas en sécurité au travail et que des personnes sentent qu'elles n'ont d'autre choix que d'aller travailler et d'être soumises à ce genre de traitement.
     Nous devons nous mettre au travail pour produire un rapport et trouver des solutions pour ces personnes qui survivent à la violence sexuelle. Nous n'avons pas besoin de continuer à essayer de trouver une personne à blâmer. Vous rendez un très mauvais service aux survivants si c'est ce que vous cherchez à faire.
    Je pense que Mme Lalonde avait tout à fait raison en disant qu'il y a assez de reproches pour en faire à tout le monde. Nous devons plutôt régler le problème et défendre les militaires, hommes et femmes, qui ont besoin de se sentir en sécurité et à l'aise. C'est dans cette direction que nous allons. Voilà pourquoi nous avons chargé Louise Arbour de se pencher sur la question.
     Oui, je sais que des gens diront que nous n'avons pas besoin de plus d'études. C'est vrai, mais je pense que son rôle est vraiment important pour garantir que nous trouvions un espace pour travailler avec les personnes survivantes qui n'ont pas eu voix au chapitre dans cette conversation. Nous devons nous assurer qu'elles sont au cœur de tout ce que nous faisons, et qu'ils font partie de la solution. Il est ridicule pour nous, députés et politiciens, d'être assis ici à essayer de trouver ce qui servira les gens dans les forces armées. Nous devons inviter ces personnes survivantes à se joindre à nous pour trouver des solutions.
     Je vais simplement répéter que, comme Mme Lalonde l'a dit, la faute n'incombe pas à une seule personne, à un seul dirigeant ou à un seul parti politique. Je ne pourrais être plus d'accord avec elle. Il est temps que nous essayions de présenter des solutions au Parlement et que nous nous attelions à la tâche difficile de rédiger un rapport. Je suis reconnaissante au Bloc d'avoir présenté un amendement qui tente de nous faire avancer dans cette voie.
     Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole, madame la présidente, et de m'avoir permis de participer à cet important débat.

  (1145)  

    Merci beaucoup, madame Damoff.
    Nous allons passer à M. Serré.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Tout comme Mme Damoff, c'est ma première rencontre à ce Comité.
    Je suis membre du Comité permanent de la condition féminine depuis trois ans. Je suis entièrement d'accord sur les propos de Mme Damoff. J'étais présent durant le témoignage de Mme Julie Lalonde, mais, malheureusement, Mme Lalonde n'est pas la seule. Le Comité permanent de la condition féminine a reçu Mme Christine Wood, de l'organisme It's Just 700, Stéphanie Raymond et plusieurs autres femmes courageuses qui sont venues témoigner de leur expérience et nous dire qu'il faut avancer.
    À la lecture de la motion présentée aujourd'hui par les conservateurs, je suis déçu qu'ils veuillent se concentrer sur un dossier particulier visant un individu. Je veux donc renchérir sur l'amendement proposé par le Bloc, qui nous permet de nous concentrer sur des recommandations spécifiques aujourd'hui...

  (1150)  

[Traduction]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente. L'intervenant précédent, à propos de qui j'ai invoqué le Règlement, semble parler de la motion principale. Je crois comprendre que nous débattons de l'amendement.
     Pourriez-vous préciser sur quoi nous nous penchons en fait?
    Nous parlons de l'amendement, mais je crois que c'est pertinent.
    Eh bien, il parlait de la motion des conservateurs, pas de l'amendement.
    Son intervention se rapporte à l'amendement proposé, car il a une incidence sur la publication du rapport.
    Poursuivez, monsieur Serré, je vous en prie.
    Merci, madame la présidente.
     Je pense que l'expérience que j'ai acquise en écoutant les témoins au sein du Comité FEWO est très pertinente. Si nous examinons l'amendement dont nous sommes saisis et la motion principale, nous constatons que tout est lié parce que nous devons nous concentrer sur ce que le Bloc propose. Il propose de faire passer cette étude à l'étape de la recommandation et de soumettre un rapport au gouvernement pour qu'il prenne des mesures, parce que nous avons fait un grand nombre d'études au sein des deux comités.
     Quant à ce que nous faisons aujourd'hui, je tiens simplement à m'assurer que, lorsque nous parlons de veiller à ce que les personnes survivantes... et à propos de l'inconduite sexuelle, du harcèlement et des agressions de nature sexuelle, nous devons vraiment progresser dans ce dossier, parce que nous avons entendu beaucoup de témoignages, comme je l'ai dit, de toute part. Lorsque nous envisageons d'éliminer toutes les formes d'inconduite et d'abus de pouvoir pour vraiment créer un lieu sûr ici pour les hommes et les femmes de la défense nationale et des forces armées... C'est vraiment une priorité, je sais, pour tous les députés ici présents ainsi que pour tous les membres du Comité FEWO.
     Il est vraiment important d'en parler. Cependant, l'amendement est solide, et il devrait être autonome, car... Je vais revenir en arrière. Les conservateurs ignorent les faits ici. Les faits sont très, très clairs: en 2018, l'ancien ombudsman de la Défense nationale, Gary Walbourne, qui a également témoigné devant le Comité FEWO, a rencontré le ministre de la Défense nationale, dans le cadre d'une réunion courante avec le personnel. À la fin, il a demandé à s'entretenir en privé avec le ministre et il lui a dit qu'il avait des preuves d'inconduite contre l'ancien chef d'état-major de la Défense. Le ministre avait raison, il n'a pas demandé de détails précis sur la nature des allégations. Nous en avons parlé.
     Au lieu de suivre un processus... Le processus voulu a été suivi dans ce cas, madame la présidente. Lorsque nous considérons l'ombudsman et la plainte et la communication d'information, puis nous examinons... Comme Michael Wernick, l'ancien greffier du Conseil privé, nous l'a dit clairement lorsqu'il a témoigné devant le Comité de la défense nationale, une impasse a été atteinte et aucune autre mesure n'a été prise; il n'y a pas eu d'autre mesure ou allégation. C'est ce que l'ancien ombudsman a qualifié d'inacceptable.
     Nous sommes maintenant en 2015, et passons en revue le processus qui a été suivi juste avant la nomination du général Vance comme nouveau chef d'état-major de la Défense. Le ministre a été mis au courant de l'allégation ou de la rumeur. Il en a fait part à son chef de cabinet, qui en a fait part au Bureau du Conseil privé et au cabinet du premier ministre, y compris la cheffe de cabinet du premier ministre. Cette dernière a ensuite veillé à ce que l'affaire soit examinée. Tout cela est bien connu. C'est le processus qui a été suivi à l'époque, et c'est parce que le processus n'avait pas changé. Le chef de l'opposition de l'époque a estimé que la situation était suffisamment grave pour que son personnel communique avec le cabinet du premier ministre. C'est très important. Le processus a été suivi. Nous tenons à assurer aux Canadiens que l'affaire a été examinée à l'époque.
    Approfondissons un peu plus la question. Nous avons entendu le témoignage de Ray Novak, alors chef de cabinet du premier ministre Harper, selon lequel le conseiller à la sécurité nationale a enquêté sur les rumeurs. Comment s'y est‑il pris? Il est allé voir directement le général Vance. Il l'a interrogé sur les rumeurs. Eh bien, c'est tout à fait mal avisé. Quand quelqu'un se manifeste, il ne faut jamais prévenir la personne visée par une enquête, quoi qu'il arrive. Le général Vance lui a assuré qu'il n'y avait rien et que c'était réglé, voilà tout. Nous ne savons pas s'il y a eu un suivi. Nous ne savons pas si l'affaire a été examinée, mais le chef de l'opposition nous assure que ce fut le cas. C'est choquant, madame la présidente, compte tenu de tout ce que nous avons entendu sur la façon dont cette rumeur a été examinée: un ancien conseiller national demandant l'avis du général Vance.

  (1155)  

    Ce n'est pas un processus. Ce n'est pas approprié. Honnêtement, il est déconcertant que le gouvernement conservateur ait simplement cru M. Vance sur parole, surtout si l'on considère que le général Vance faisait déjà l'objet d'une enquête active menée par le Service national des enquêtes des Forces canadiennes, le SNEFC.
    Je sais que c'est très difficile à croire lorsqu'on y regarde de plus près. Je rappelle à nos honorables collègues les nouvelles très troublantes que nous avons apprises la semaine dernière, à savoir que le SNEFC enquêtait activement sur le général Vance en 2015. Plus précisément, ils enquêtaient sur le général Vance le 17 juillet 2015.
    Mes collègues savent-ils ce qui s'est passé le 17 juillet 2015? Le général Vance a été nommé nouveau chef d'état-major de la Défense. Puis nous avons appris, grâce à une demande d'AIPRP, que le commandant responsable de l'enquête subissait des pressions pour mettre fin à l'enquête. De qui venait cette pression exactement? Était‑ce du ministre de la Défense nationale de l'époque, du premier ministre de l'époque, du secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale de l'époque ou de l'actuel chef de l'opposition officielle?
    Nous pouvons certainement en débattre, mais nous pouvons aussi convenir ici que les politiciens ne devraient pas se mêler de ce genre d'enquêtes. Nous l'avons entendu clairement au Comité de la condition féminine. La pression supplémentaire exercée pour conclure une enquête serait tout à fait inappropriée et peut-être même, pourrions-nous dire, illégale. Cependant, nous n'avons toujours pas obtenu de réponse définitive des conservateurs à savoir qui exerçait cette pression. Personne n'a répondu. Personne n'a de détails. Personne n'a fourni le moindre détail.
    J'invoque le Règlement. J'ai écouté ce qui est censé être une discussion sur l'amendement, mais il n'y a peu ou pas de rapport avec l'amendement lui-même. Nous ne savons même pas si l'intervenant est pour ou contre l'amendement, puisqu'il s'écarte tellement du sujet en question.
     Pourrions-nous passer à l'amendement, afin que d'autres personnes puissent s'exprimer pour ou contre l'amendement?
    Merci, madame Gallant.
     Allez‑y, monsieur Serré.
    Merci, madame la présidente.
     J'ai clairement dit que je suis reconnaissant au Bloc d'avoir présenté cet amendement qui porte sur un centre pour les victimes et les survivants. C'est très important, mais c'est alambiqué comme amendement à la motion principale présentée par les conservateurs qui font valoir leur point.
     Je disais que, parce que jusqu'à présent, le chef de l'opposition n'a fourni absolument aucun détail sur la façon dont le dossier a été géré en 2015, nous ne savons pas si le dossier a été traité de la bonne façon. Il est très intéressant de constater que cela n'a pas été fait.
    Poursuivons avec les nouvelles troublantes de la semaine dernière que nous avons examinées et dont j'ai parlé plus tôt.
    Une enquête faisant l'objet de pression a été brusquement interrompue le 17 juillet 2015. Elle a été officiellement close le 21 juillet 2015, quatre jours après la nomination du général Vance. Pourquoi a‑t‑elle été close quatre jours après la nomination? Pourquoi n'a‑t‑elle pas été close avant la nomination? Pourquoi le gouvernement conservateur a‑t‑il nommé le général Vance en 2015, alors qu'une enquête active du SNEFC était toujours en cours?
     Examinons maintenant la chaîne de commandement. Le SNEFC relève du grand prévôt. Ce dernier relève du vice-chef d'état-major de la Défense qui relève lui-même du chef d'état-major de la Défense. Cela signifie que le chef d'état-major a peut-être eu son mot à dire dans la décision de clore l'enquête. Nous nous souvenons tous à ce stade que, lorsque l'enquête a été close, le 21 juillet 2015, le chef d'état-major de la Défense était alors le général Vance. C'est incroyablement troublant.
     Non seulement nous avons des rumeurs selon lesquelles les enquêtes pertinentes n'ont pas été menées, mais nous avons aussi le chef d'état-major de la Défense qui s'est empressé de procéder à une nomination alors qu'une enquête du SNEFC était en cours. Tout cela parce qu'ils voulaient nommer le général Vance avant les élections de 2015, qui n'ont été déclenchées que quelques semaines plus tard.
    Nous avons tous entendu que les politiciens conservateurs s'inquiètent du processus que notre gouvernement a suivi: celui qui a fait en sorte que le plus haut fonctionnaire était au courant et s'est mêlé de ce dossier, celui qui est allé le plus loin possible parce que l'ancien ombudsman a déclaré qu'il ne pouvait pas fournir l'information parce que la plaignante n'avait pas donné son consentement, le même que celui que les conservateurs ont suivi en 2015.
     Ils disent que des suites ont été données à ces rumeurs en 2015. Puis‑je alors demander quelle mesure était différente de celle que nous avons prise? Je suis sûr que mes honorables collègues diront que le conseiller principal à la sécurité nationale y a joué un rôle. Eh bien, le conseiller à la sécurité nationale en 2018, Daniel Jean, a déclaré qu'il n'avait pas été informé des détails ou n'avait pas participé à une enquête à ce stade, parce que les détails étaient insuffisants pour mener une enquête.
     En fait, je le cite:
Je tiens à préciser qu'elles n'ont jamais été portées à mon attention.
En outre, je pense qu'il est important de souligner que ce n'est pas nécessairement inhabituel, en particulier si le Secrétariat du personnel supérieur a été incapable d'obtenir des renseignements permettant et justifiant la poursuite d'une enquête.
    Par conséquent, nous savons pourquoi le plus haut fonctionnaire du Canada n'a pas fait appel au conseiller à la sécurité nationale.
    Si les conservateurs peuvent expliquer en quoi c'était différent, je serais bien étonné, parce que, comme vous le savez, ce n'était pas le cas; c'était la même chose. Bien sûr, le processus n'est pas parfait, et le premier ministre a clairement indiqué qu'il devait être amélioré afin d'éviter que de tels dénouements se répètent.
     Permettez-moi d'exposer les faits une fois de plus. Les conservateurs ont suivi exactement le même processus que nous avons suivi en 2015. Les conservateurs ont nommé le général Vance alors qu'il faisait l'objet d'une enquête active sur des rumeurs qui, selon le chef de l'opposition, ont été examinées. La seule chose que nous savons sur la façon dont elles ont été examinées, c'est que le conseiller à la sécurité nationale s'est adressé directement au général Vance pour lui demander son avis; et, enfin, des pressions ont été exercées pour qu'on mette fin à l'enquête sur le général Vance.

  (1200)  

     C'est très préoccupant. Nous méritons des réponses. Les Canadiens méritent des réponses. Les survivants méritent des réponses.
    Le problème que pose l'amendement présenté aujourd'hui — et merci au Bloc de l'avoir présenté — tient au fait qu'il est lié à l'amendement des conservateurs, lequel ne met pas l'accent sur les personnes survivantes, ne cherche pas des solutions et ne cherche pas à aller de l'avant. Nous l'avons entendu clairement.
     Je vais m'arrêter ici, madame la présidente, mais j'ai une longue liste de victimes — de personnes survivantes — qui sont venues nous demander clairement au Comité de la condition féminine de nous concentrer sur les changements et sur l'amélioration de la situation et de laisser la politique de côté, comme Julie Lalonde et beaucoup d'autres l'ont demandé.
     Allons de l'avant. Soutenons nos victimes. Soutenons nos personnes survivantes. Soumettons ces recommandations à la Chambre des communes pour que nous puissions en débattre convenablement et aller de l'avant, en soutenant les victimes. Nous l'avons clairement entendu.
     J'aurai d'autres choses à dire sur le sujet plus tard, madame la présidente, si besoin est.

  (1205)  

     Merci de m'avoir permis de passer du temps au Comité de la défense nationale et de présenter le point de vue des survivants que nous avons tant entendus au Comité de la condition féminine.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Serré.

[Traduction]

    Je vais donner la parole M. Bagnell. Je vous en prie.
     Je serai très bref. J'ai beaucoup de choses à dire, mais à propos de la motion principale. Comme M. Serré l'a dit, il est dommage que la motion et l'amendement soient si étroitement liés. Il est dommage que cela n'ait pas été mis de côté... les différents problèmes que pose la motion principale. Je ne vais pas en parler maintenant.
    Je tenais toutefois à commenter pour l'instant deux ou trois choses qui ont été dites aujourd'hui.
     L'une d'elles est que nous voulons découvrir la vérité, et c'est pourquoi la motion principale est toujours à l'étude. Je pense que M. Serré a exposé très sérieusement où se trouve la vérité, si les gens veulent aller dans ce sens... Personnellement, je veux m'en tenir à la direction que prend l'amendement et à celle que veulent prendre de nombreux députés pour trouver des solutions aux problèmes, à la culture systémique et aux représailles, etc. Quant aux membres du Comité qui pensent que la meilleure réponse est de revenir en arrière, il est évident que les plaintes sérieuses sont celles que M. Marc Serré vient d'exposer.
     Vers le début de la réunion, des représentants de différents partis ont réitéré encore une fois que rien n'a été fait ou qu'on a omis d'agir. C'était vrai en 2015, apparemment. Je reviendrai plus tard en détail sur le moment où le général Vance a été nommé. Dans ce cas particulier, ils rappellent aux gens la situation. Quand les gens disent que rien ne s'est passé, c'est loin d'être la vérité. Il y a eu un courriel. Personne ne sait ce qu'il contient, car la militaire des FAC avait tout à fait le droit de tenir à son anonymat et de ne pas communiquer l'information. Il a été transmis dans les 24 heures pour enquête. La plainte a été examinée dans la mesure où elle pouvait l'être. Cela a été fait.
     À maintes reprises, des membres de ce comité ont laissé entendre que cela n'avait pas été fait. Le seul courriel — la seule situation dont nous parlons — a été traité autant qu'il était possible de le faire. L'anonymat de la militaire des FAC a été respectée.
     Comme l'a dit M. Garrison, il y a encore beaucoup de cas en instance, ils sont très fréquents. Pour ceux dont c'est la première présence aujourd'hui, vous verrez à plusieurs reprises dans les témoignages que les députés libéraux ont dit exactement cela, que malgré les nombreuses mesures que le ministre a prises, il reste encore beaucoup à faire. Parce que le ministre a pris ces diverses mesures... Je ne vais pas les répéter. Elles ont été décrites avec force détails ici. Personne n'a évoqué un ministre précédent qui en aurait fait plus.
     Je pense que la façon d'aller de l'avant est de transmettre à un ministre, qui est totalement d'accord pour agir et qui a agi dans un certain nombre de cas, les recommandations relatives aux personnes survivantes, comme le Bloc le dit, afin que nous puissions réellement changer les choses. Comme Mme Damoff l'a dit, nous pouvons aider les personnes survivantes et faire en sorte que cela demeure la priorité de cette démarche.
    Je vais m'en tenir à cela pour l'instant. Je tiens vraiment à discuter de la motion principale.
    Merci beaucoup, monsieur Bagnell.
     Madame Vandenbeld, je vous en prie.

  (1210)  

     Je sais que nous débattons d'un amendement qui... Je vais être honnête. Je suis très reconnaissante à M. Barsalou-Duval d'avoir proposé cet amendement. Je sais que nous avons eu quelques discussions sur la possibilité de parcourir ce très long rapport provisoire — plus de 60 pages, je crois — et de retenir les points sur lesquels nous sommes tous d'accord. Comme je l'ai déjà dit, je crois fermement que tous les membres de ce comité veulent ce qu'il y a de mieux pour les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes. Je n'ai aucun doute là‑dessus.
    Je pense que nous avons quelques divergences en ce qui concerne la meilleure façon de faire, et c'est légitime. Je pense que l'idée d'extraire les recommandations sur lesquelles nous sommes d'accord, de publier un rapport provisoire, de tenir cette conversation, puis de continuer à examiner celles qui ne font peut-être pas consensus, est une très bonne idée. Le problème, c'est que cette solution se trouve dans une motion, la motion principale, qui fixe un délai pour ce faire. Si nous prenons le calendrier, d'après mes calculs, il reste environ une heure et 45 minutes pour débattre de ce rapport de plus de 60 pages, pour le parcourir et trouver un consensus sur chaque point. Cela m'inquiète un peu. Nous sommes peut-être en mesure de le faire. J'espère vraiment que nous le sommes.
    J'apprécierais vraiment que M. Bezan retire cette motion. Je sais que notre prochaine réunion est prévue pour étudier l'ébauche du rapport. S'il semble y avoir une volonté de la part des membres du Comité d'extraire les éléments qui comptent vraiment pour trouver des solutions à ce problème, les domaines sur lesquels nous pouvons faire consensus, je pense que c'est une bonne idée.
    Le problème que cela me pose, c'est qu'il s'agit d'amender une motion qui ne nous laisse pas le temps de tenir cette discussion pour arriver à ce consensus. Je ne voudrais pas que les membres du Comité se contentent de voter — boum, boum, boum — sans aucun débat sur ces questions, et que nous ne produisions pas le genre de rapport réfléchi dont nous aurions besoin.
    Je ne suis pas encore tout à fait certaine. Ce sur quoi je suis tout à fait d'accord avec M. Barsalou-Duval, c'est sur la partie de l'amendement qui dit que nous devons mettre fin à la culture qui persiste depuis trop longtemps dans les Forces armées canadiennes. Je suis absolument d'accord avec lui. Je sais que tous les membres de ce comité le croient aussi et veulent le faire.
    Nous avons maintenant passé quatre mois à entendre des témoins et, chaque fois que nous pensons être arrivés au point où nous pouvons commencer à examiner l'ébauche du rapport afin que nous puissions présenter des recommandations, il y a des séances d'urgence et des motions pour convoquer de nouveaux témoins. Chaque fois, après mûre réflexion, nous avons dit: « D'accord, convoquons ces témoins ». Nous avons convoqué M. Marques, et Mme Telford, mais dès que nous sommes prêts à commencer, il y a toujours une autre motion.
    Je vais être honnête. Je ne crois pas que si nous adoptons cette motion ou même l'amendement, il n'y en aura pas d'autres. Honnêtement, je pense que la meilleure solution serait de retirer la motion et de permettre à la présidente de convoquer la réunion vendredi, comme il est prévu au calendrier, afin de pouvoir commencer à examiner ces projets de rapports.
    Cela dit, je voudrais discuter de certains éléments de cet amendement qui renvoient à la culture. Je m'insurge contre les membres de ce comité qui laissent entendre que quelqu'un parle au nom des personnes survivantes car, tout au long de ce processus, j'ai lu les recommandations qu'elles ont formulées. Ces recommandations étaient soit rédigées par des personnes survivantes, soit exprimées dans des témoignages, qu'il s'agisse de témoignages ici même ou devant le Comité de la condition féminine. Ce n'est pas forcément ce qui devrait se produire, à mon avis. Ce sont des recommandations qui ont été présentées par des personnes survivantes.
    Nous savons que les personnes survivantes ne constituent pas un groupe homogène. Nous savons qu'il existe de nombreux points de vue. En fait, les points de vue sur les solutions rapportées diffèrent. J'ai entendu des gens laisser entendre que l'examen de Mme Arbour n'est pas nécessaire parce qu'il y a déjà eu un examen il y a six ans. Le rapport Deschamps nous a montré qu'il y avait, je crois, une bonne volonté d'essayer de mettre en œuvre ces recommandations.
    Nous avons créé les CIIS, les centres d'intervention sur l'inconduite sexuelle, et nous les avons doté de capacités spécialisées, de soutien externe et de ressources supplémentaires pour servir de point de contact et pour aider les personnes survivantes.
    Les CIIS font un travail remarquable. À l'époque, nous n'avions pas réalisé, et cela devient très évident maintenant, que le fait de sortir les CIIS des Forces armées canadiennes, mais en les laissant quand même sous l'égide du ministère de la Défense nationale, le côté civil, ne correspondait pas à ce que les personnes survivantes considèrent comme une indépendance complète. Nous réalisons maintenant que nous devons dépasser ce modèle, mais c'est très étroitement lié.

  (1215)  

    Il y a autant de solutions proposées que de problèmes.
     Selon Mme Deschamps, il est clair qu'il fallait un organisme externe indépendant, mais elle n'a pas dit comment ni à quoi il devait ressembler. Elle n'a pas donné de détails à ce sujet. Pour ceux qui disent: « Eh bien, faites‑le tout simplement », plusieurs personnes différentes — des personnes survivantes, des défenseurs, des universitaires — nous ont déjà présenté des perceptions très différentes de la façon de s'y prendre. Pour beaucoup d'entre elles, comme nous l'avons même entendu, la solution serait peut-être un ombudsman qui rendrait compte au Parlement. Des gens nous ont dit qu'il faut confier cette tâche aux CIIS, parce que les membres de son effectif sont ceux qui possèdent des connaissances spécialisées sur l'inconduite sexuelle et que nous devons avoir un mécanisme qui ne s'occupe pas de toutes les questions à propos desquelles on pourrait s'adresser à un ombudsman, mais qui concerne l'inconduite sexuelle.
     D'autres disent que non, si c'est au sein des CIIS, les agresseurs et les personnes touchées se trouvent dans la même institution, et il faut un pare-feu entre les deux. Beaucoup ont réclamé un modèle similaire à celui d'un inspectorat général, complètement hors de la chaîne de commandement. Mais alors, de quoi s'agirait‑il? Quel serait son rôle?
     Nous savons que de nombreuses personnes survivantes nous ont demandé de nous pencher sur le système de justice militaire. Nous savons que de nombreuses personnes survivantes ont vécu une expérience avec ce système et avec le système de la police militaire et avec leur chaîne de commandement qui leur a été très préjudiciable. Nous devons nous pencher aussi sur cette question.
     Quand ces gens disent que Mme Deschamps avait toute la feuille de route, qu'elle avait cerné le problème, déterminé l'allure que devaient prendre les solutions générales... D'ailleurs, nous avons mis en œuvre un grand nombre de ces solutions. Nous avions un projet de loi, le projet de loi C‑77, qui portait explicitement sur une déclaration des droits des victimes.
    Quant au système de justice militaire, nous savons que l'ancien juge Morris Fish met la dernière main à un rapport sur ce système. C'est le fruit d'un examen obligatoire de la Loi sur la défense nationale. J'espère que le Comité s'intéressera à ce rapport lorsqu'il sera déposé ici et qu'il prendra le temps de convoquer le juge Fish pour en discuter.
     En fait, notre prochaine étude après celle‑ci porte sur la justice militaire. Nous savons que la justice militaire est essentielle pour garantir que les personnes survivantes reçoivent le soutien nécessaire pour obtenir le dénouement juste qu'elles souhaitent.
    Les propositions à ce sujet sont si nombreuses, même au sein de notre comité. Nous avons entendu de nombreuses solutions différentes, et nous demandons à Mme Arbour de faire le tour de la question et de tracer la feuille de route et de nous dire comment nous allons y parvenir, en prenant tous les différents points de vue sur ce à quoi cela devrait ressembler et en les rassemblant et en créant un système basé sur le vécu des personnes survivantes et pour éviter qu'il y en ait d'autres, ce qui, soit dit en passant, est l'objet même de cet amendement. Je suis très reconnaissante à mon collègue du Bloc de l'avoir inclus dans cet amendement, car c'est précisément ce que nous devons faire lorsque nous cherchons des solutions.
     Si nous devions arriver à un consensus sur certains de ces points et les présenter dans un rapport provisoire, je pense que ces points de consensus auraient beaucoup de poids, car au lieu d'avoir un rapport du Comité dans lequel quatre partis disent des choses complètement différentes et des rapports complémentaires ou dissidents différents, nous aurions un rapport dans lequel la réflexion de tous les partis serait axée sur les femmes et les hommes.
    Ce serait une idée merveilleuse. Pour être honnête, je suis un peu inquiète. Compte tenu des discussions que nous avons eues, je ne sais pas si nous y arriverons, mais je l'espère. Je suis reconnaissante à M. Barsalou-Duval d'au moins essayer. Il propose une solution qui pourrait en fait nous donner une piste pour trouver ce consensus.
     Cependant, indépendamment de cela, nous savons qu'à l'heure actuelle, nous avons la lieutenante-générale Carignan, qui est chargée de prendre tous les différents éléments de cette question dans l'ensemble des FAC, dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale, et de rassembler le tout sans attendre un rapport pendant un an.
     Je pense que c'est aussi un peu cynique quand des gens disent: « Eh bien, nous prenons Mme Arbour et nous produisons simplement un autre examen afin que nous puissions attendre ». Nous avons dit très clairement — et à un moment donné, j'aimerais lire le discours que j'ai prononcé lorsque nous avons annoncé la participation de Mme Arbour et de la lieutenante-générale Carignan — que nous allons mettre en œuvre...
    Tout d'abord, le ministre a dit que les recommandations de Mme Arbour seront contraignantes, que nous allons y donner suite, mais aussi que nous allons les mettre en œuvre à mesure que les mesures provisoires seront présentées.

  (1220)  

    Cela signifie qu'à mesure que la mission de la lieutenante-générale Carignan se met en place, lorsque Mme Arbour suggérera que nous agissions rapidement sur un point particulier, elle sera déjà prête et pourra commencer à mettre en œuvre ces mesures sur-le-champ. Nous parlons de quelques semaines. Pour les personnes survivantes qui nous écoutent, je sais que le temps presse et que nous devons agir maintenant.
    Je vous ai entendu et j'ai eu des entretiens et je sais que c'est un moment très difficile pour les personnes survivantes. C'est un moment difficile pour les membres des Forces armées canadiennes qui ont été victimes de cette inconduite horrible et intolérable et qui ne se sont pas encore manifestées. Je tiens à vous dire que je ne vous le reproche pas. Je sais que nous parlons de courage avec les personnes qui se manifestent. Vous ne manquez pas de courage si vous n'êtes pas encore prêtes à vous manifester. Cependant, notre travail, notre responsabilité en tant que législateurs, est de veiller à créer un système où vous pouvez, où vous vous sentez en sécurité, où vous vous sentez à l'aise, où vous savez que si vous dénoncez, vous pourrez avoir votre mot à dire sur le déroulement de ce processus et que vous serez vous-même en mesure de contrôler comment vous pourrez le faire progresser.
    Si ce que vous souhaitez, c'est que l'agresseur soit traduit en justice, nous avons mis en place un système qui y veillera. Si ce dont vous avez besoin, c'est du soutien par vos pairs, d'une aide psychologique, si ce dont vous avez besoin, c'est de simplement proposer des idées, des solutions ou des propositions pour corriger le système afin que la personne suivante ne subisse pas ce que vous avez vécu, cette avenue doit aussi être à votre disposition.
    Il n'y a pas de solution unique. Nous savons que les personnes survivantes doivent franchir de nombreuses étapes et qu'il est souvent difficile d'être la première à le faire. Dans les Forces armées canadiennes, et je peux parler de mon expérience personnelle, nous constatons souvent que nous ne voulons pas être la première à parler. Nous voulons voir si quelqu'un d'autre a vécu la même chose et ensuite dénoncer. Je pense que c'est ce qui est en train de se passer. Lorsque les gens auront le sentiment qu'il y a des conséquences, qu'il n'y a pas d'impunité, nous commencerons alors à voir plus de gens se sentir à l'aise et en sécurité pour se manifester.
    À l'heure actuelle, nous avons pour but et pour objectif de créer un processus sûr, dans lequel vous n'avez pas à craindre de représailles, où vous avez le contrôle sur le déroulement du processus, où vous avez des défenseurs, où vous disposez de renseignements sur vos options et vous connaissez l'allure que prendra chacune d'elles, afin que si vous décidez de le faire, cela n'aboutisse pas à un processus sur lequel vous n'avez plus le sentiment d'avoir le contrôle; il faut aussi que ce soit un processus qui fasse en sorte que cela ne se reproduise plus. Cela signifie qu'en ce qui concerne les personnes qui adoptent ce comportement — et nous l'avons vu, un comportement criminel — mais aussi des comportements qui abaissent et humilient les gens et les font se sentir petits et indésirables, que tout le long de ce spectre, il y ait un processus permettant de traiter ces situations et dans lequel les gens, à un certain point, peuvent obtenir un dénouement équitable.
    La situation que nous voyons actuellement dans les Forces armées canadiennes est très difficile, mais nous devons la traverser. Quand les affaires très médiatisées ont été révélées, que les gens ont commencé à dire leur vérité et que des gens ont dit: « Ça m'est arrivé », et ce, sur une tribune publique, ce qui est incroyablement difficile et, bien franchement, ce qui ne devrait pas être la façon de faire...
    Il y a eu des moyens de le faire à la fois confidentiellement et par l'entremise d'un processus de justice militaire, et publiquement si c'est ce que la personne souhaite, mais une fois que les gens ont commencé à se manifester, nous avons commencé à voir des conséquences. Des enquêtes de la police militaire sont en cours. L'ensemble des Forces armées canadiennes se penche sur le changement de culture. De nombreuses personnes ont dû démissionner à cause de ces enquêtes, et voyant cela, d'autres personnes auront le sentiment de pouvoir elles aussi se manifester.
    Je crois que nous allons voir plus de cas de cette nature, et je ne pense pas que ce soit forcément une mauvaise chose, car nous devons passer au travers de cette situation pour atteindre l'autre côté, c'est-à-dire pour créer une culture au sein des Forces armées canadiennes qui permette aux gens de s'épanouir. Il ne suffit pas de mettre fin à ce comportement. Il ne suffit pas de mettre fin aux préjudices. Il ne suffit pas de mettre fin aux propos humiliants.

  (1225)  

     Nous avons entendu le professeur Okros parler de la définition du pouvoir, avec cette idée d'une culture guerrière masculine normative qui est vraiment basée sur une image de ce qu'est une armée, à l'image de la Première Guerre mondiale, dans les tranchées.
     Les Forces armées canadiennes sont en train de vivre un énorme changement, tout comme les forces armées du monde entier. Il y a tellement de professions qui reposent en grande partie sur le renseignement. Tout cela est très différent de la masculinité toxique que l'on retrouve actuellement dans les Forces armées canadiennes. Cela ne veut pas dire que tous les membres ou que certains membres des Forces armées canadiennes sont en quelque sorte des mauvaises personnes. Il s'agit d'une culture systémique qui blesse franchement les femmes, mais aussi les hommes, car elle crée ce genre de comportement normatif.
     Dès que vous ne correspondez pas à cette norme, dès que vous êtes un peu différent — et nous le voyons avec toutes sortes de facteurs d'identité — vous vous sentez indésirable. Je l'ai entendu. Je l'ai entendu de la part de nombreuses personnes qui estiment que le problème n'est même pas lié aux activités criminelles flagrantes, mais à chaque étape du processus qui s'intensifie jusqu'à ce qu'on en arrive là.
    C'est sur cela que nous devons nous concentrer. Je suis très heureuse que cet amendement traite explicitement de la culture. J'ai bien d'autres choses à dire sur la culture. Je sais que certains de mes collègues ont levé la main, je vais donc m'assurer qu'ils aient la chance de s'exprimer.
    En mettant l'accent sur la culture, mais aussi sur les personnes survivantes, M. Barsalou-Duval nous rend un grand service. Je ne suis pas encore convaincue que cela nous sorte de l'impasse, mais j'espère que les membres du Comité pourront réfléchir à ce qu'il a dit ici afin que nous puissions peut-être trouver une solution. Nous pouvons encore produire un rapport qui renferme des recommandations et dont nous pourrons peut-être dire qu'il a l'appui de tous les membres du Comité, tous partis confondus, parce que ce n'est pas un enjeu partisan. C'est ce que tous les Canadiens souhaitent, à mon avis. Nous traversons une période très difficile dans les Forces armées canadiennes. Nous devons la traverser de manière à en sortir plus forts, avec de meilleurs processus et de meilleures procédures, afin que cela ne se reproduise plus.
     Au bout du compte, comme je l'ai dit, il ne suffit pas de mettre fin aux préjudices. Nous devons créer des Forces armées canadiennes où chacun peut s'épanouir, où chacun est apprécié pour ce qu'il apporte, et où la diversité est une source de force. C'est là où nous voulons arriver.
     Ce n'est que la première étape. J'attends avec impatience les travaux de Mme Arbour et de la lieutenante-générale Carignan sur le sujet. J'espère vraiment que les membres du Comité pourront mettre de côté la politique et vraiment essayer de formuler des recommandations sur lesquelles nous pourrons construire et trouver une voie à suivre pour mettre en place une meilleure institution aux termes de ce processus.
     Merci, madame la présidente.
    Merci, madame Vandenbeld.
     Nous passons maintenant à M. Lightbound.
     Allez‑y, je vous en prie.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie mes collègues de leurs discours et de leur invitation. C'est la première fois que je participe à ce comité ou que j'assiste à l'une de ses réunions.
    Pour commencer, j'aimerais dire que je trouve l'amendement de M. Barsalou‑Duval intéressant. Comme le soulignait ma collègue, il trace d'une certaine façon la voie pour que les recommandations et les témoignages du Comité puissent se frayer un chemin jusqu'à la Chambre, permettant ainsi d'éclairer les Canadiens et les Forces armées canadiennes sur le changement de culture qui s'impose impérativement au sein de ces dernières. D'après ce que j'ai constaté, beaucoup de témoignages au Comité ont porté sur ce qui doit être changé, car nous savons que des changements systémiques s'imposent au sein des Forces armées canadiennes.
    Toutefois, comme on l'a souligné, cet amendement est lié à une motion visant à limiter le temps que le Comité pourra consacrer à l'étude de ces recommandations et à une analyse soigneuse des témoignages. Je siège au Comité permanent de la sécurité publique et nationale, où nous sommes sur le point de finaliser un rapport tout aussi important sur le racisme systémique au sein de nos forces policières, dont la Gendarmerie royale du Canada. Nous avons passé un nombre substantiel de rencontres à considérer l'ensemble des témoignages entendus par le Comité, témoignages souvent très troublants, ainsi que les recommandations qui nous ont été formulées visant à changer la culture au sein des forces policières afin d'y endiguer le racisme systémique. D'après mon expérience, je peux vous dire que tout cela prend du temps et requiert des discussions réfléchies.
     Ce n'est pas toujours facile, parce que les partis et les députés abordent ces dossiers selon des perspectives différentes. Comme l'a souligné ma collègue Mme Vandenbeld, il faut que le Comité prenne le temps de trouver un consensus, ce qui a beaucoup plus de poids que de faire des rapports séparés. Comme parlementaires, il est important que nous trouvions un terrain d'entente, que nous prenions le temps de tenir ces discussions et que nous déterminions la façon la plus efficace d'opérer les changements de culture nécessaires.
     Il est important d'être unis parce que l'union fait la force. Nous devons trouver des recommandations qui feront consensus. Vu l'importance de l'étude du Comité et du problème qu'il aborde, il est important qu'il prenne le temps de dégager un consensus qui permettra aux parlementaires d'unir leur voix et de présenter des recommandations utiles au résultat que nous souhaitons tous, c'est-à-dire un changement de culture pour les hommes, les femmes et les Forces armées canadiennes, qui ont trop longtemps subi un système malade qui doit être soigné et corrigé.
    En ce sens, je pense que la motion principale pose problème, entre autres parce qu'elle rétrécit la portée de l'étude de ce problème vraiment systémique et raccourcit le temps qui y sera consacré par les parlementaires. Je rappelle que les propos de Mme Damoff, qui s'est depuis absentée, sont très pertinents. Il faut regarder le système dans son ensemble pour nous assurer que les changements proposés répondent aux manquements du passé et corrigent le tir pour l'avenir. Il faut orienter toutes les actions du gouvernement et toutes les discussions des parlementaires vers les survivantes et placer ces dernières au centre de nos préoccupations. Il est plus important de faire cela que d'essayer de marquer des points politiques sur cette question, car ce n'est certainement pas la question sur laquelle le faire.
    Pour en revenir au changement de culture qui s'impose, je suis très intéressé par ce que Mme Louise Arbour va produire. Son examen externe indépendant et complet du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes est important. Mme Arbour commande le respect de tous et elle a fait ses preuves lorsqu'elle était juge à la Cour suprême.
     Elle pourra apporter une perspective très intéressante sur ce dossier, parce qu'il existe un besoin de responsabilisation et d'examen à tous les niveaux des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale, pas seulement sur le plan individuel, mais aussi sur celui de chacun des grades. Sur le plan organisationnel, elle examinera les politiques et les pratiques de la Défense nationale, et évaluera leur efficacité à éliminer l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel.
    Selon ce que je comprends, il est important que les recommandations contraignantes de Mme Arbour soient bien appliquées sur le terrain et qu'elles ne restent pas lettre morte.

  (1230)  

     C'est là que sa perspective, son rapport et son examen vont être utiles pour ce changement de culture. L'examen qui a été annoncé va jouer un rôle crucial, selon moi.
     Quels sont les objectifs de cet examen?
    Nous voulons savoir pourquoi le harcèlement et l'inconduite sexuelle persistent au sein des Forces armées canadiennes, en dépit des efforts considérables qui ont été concertés pour les éliminer. Nous voulons savoir quels sont les obstacles qui font qu'il est difficile pour des victimes et des survivants de signaler un comportement inapproprié. Tout le monde au sein des Forces armées canadiennes devrait se sentir à l'aise de signaler un comportement inapproprié, et il faut que ce soit le cas alors qu'on va de l'avant. Nous voulons savoir si la réponse est adéquate lorsque des victimes rapportent des cas d'inconduite sexuelle. C'est important d'avoir cette information, et nous voulons qu'elle soit utilisée pour formuler des recommandations en vue de prévenir et d'éradiquer le harcèlement et l'inconduite sexuels une fois pour toutes au sein des Forces armées canadiennes.
    Le ministère de la Défense et les Forces armées canadiennes ont choisi Mme Arbour pour diriger cet examen. Comme je l'ai mentionné, Mme Arbour a tout le respect, la légitimité et l'indépendance nécessaires pour accomplir ce mandat important. C'est certain aussi qu'elle va s'appuyer sur le rapport qui a été publié par l'ancienne juge Deschamps, qui avait formulé 10 recommandations clés pour aborder et éliminer l'inconduite et le harcèlement sexuels dans le cadre de son examen.
     Le ministère de la Défense a pris plusieurs mesures importantes pour mettre en œuvre les recommandations de Mme Deschamps. Entre autres, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle dont parlait Mme Vandenbeld, le CIIS, a été créé. L'examen de Mme Arbour va s'appuyer sur son travail. Elle va examiner les problèmes dans une perspective plus large pour aider l'équipe de la Défense à tracer la voie à suivre.
     Je pense que l'expérience de Mme Arbour la place dans une position idéale pour accomplir cet examen. Celui-ci va porter sur les politiques, les procédures et les pratiques de la Défense. Elle va trouver les lacunes dans les efforts qui ont été faits pour aborder et éliminer le harcèlement et l'inconduite sexuels, et elle va déterminer comment ces efforts doivent être améliorés concrètement, afin qu'il soit possible d'appliquer concrètement les changements qui s'imposent.
     Dans le cadre de son examen, elle va aussi tenir compte de tous les examens indépendants et pertinents concernant le ministère et les Forces armées canadiennes. On peut penser certainement aux recommandations du rapport Deschamps et à leur application, mais aussi à ce qu'est en train de faire l'honorable Morris Fish, qui dirige l'examen de la Loi sur la défense nationale. Mme Artbour va considérer aussi les rapports du vérificateur général et d'autres vérifications internes. Elle va examiner leurs recommandations et leurs conclusions. Il est important que cela se fasse sur des fondations solides, y compris tout ce qui a déjà été fait et que je viens d'énoncer.
    Cependant, en plus de tenir compte des examens existants, elle va évaluer les pratiques organisationnelles qui ont cours en ce moment, pour voir si elles sont réévaluées constamment et efficacement et pour déterminer ce qui pourrait être amélioré pour prévenir les incidents d'inconduite sexuelle. Il s'agit, entre autres, de regarder les systèmes de recrutement, de formation, d'évaluation du rendement, d'affectation et de promotion dans les Forces armées canadiennes.
    Mme Arbour va aussi étudier les politiques, les procédures et les pratiques du système de justice militaire qui traitent du harcèlement et de l'inconduite sexuels. Sauf erreur, un examen du système de justice militaire a été demandé par certains témoins au cours des études du Comité, et c'est important. Mme Arbour, avec son parcours, a de bons yeux pour observer ces procédures et ces pratiques au sein du système de justice militaire et pour voir comment cela pourrait être bonifié ou amélioré. L'examen sera fondé sur les opinions, les comptes rendus et les expériences des membres des Forces armées canadiennes et de l'équipe de la Défense. Toutes les voix seront entendues et doivent être entendues.
    Dans le cadre de son mandat, Mme Arbour va aussi inviter les victimes à contribuer à son examen. Je pense qu'il est essentiel que leurs voix soient entendues. Elles doivent être au centre des actions de Mme Arbour et de l'examen qui sera fait de manière anonyme, évidemment, pour encourager toutes celles et tous ceux qui souhaitent se manifester. On va certainement mettre l'accent sur l'expérience vécue par les femmes et les membres de la communauté LGBT, mais je pense aussi que Mme Arbour sera appelée à collaborer avec le groupe consultatif sur le racisme et la discrimination systémique pour réduire les chevauchements involontaires d'efforts au sein de nos institutions.

  (1235)  

     Elle va rassembler tous ces témoignages dans le but d'établir différents aspects très importants: la façon dont la culture qui règne au sein de l'équipe de la Défense favorise le silence et la complicité; la façon dont la peur des représailles agit comme un obstacle au signalement d'incidents de harcèlement ou d'inconduite sexuelle; et la façon dont les politiques de la Défense ont parfois été appliquées de manière incohérente dans l'ensemble de l'organisation.
    C'est important que Mme Arbour se penche là-dessus et qu'elle ait l'occasion de le faire de manière transparente et indépendante, comme l'indique son mandat.
    À ce chapitre, son évaluation des procédures et des politiques permettra de guider et d'éclairer les mesures que prendront le ministère de la Défense et le gouvernement.
    Je vois que certains de mes collègues veulent prendre la parole, alors je vais conclure mes propos sous peu.
    L'un des problèmes de la motion qui a été présentée, c'est justement que cela en réduit la portée. Il faut qu'il y ait une analyse et une évaluation élargies de ce qui se passe aux Forces armées canadiennes en matière d'inconduite sexuelle et des autres problèmes en lien avec la culture. Il faut ratisser large. Les victimes et les survivantes doivent être placées au centre des interrogations, des préoccupations et, certainement, des mesures et des recommandations.
    Au sujet de l'amendement, je dirai qu'il s'agit à mon avis d'une belle piste. Cela dit, nous ne pouvons pas contraindre ou restreindre le débat des parlementaires sur un enjeu aussi important.
    Je vais m'arrêter ici, madame la présidente.
    Je vous remercie de votre attention.

  (1240)  

    Merci, monsieur Lightbound.

[Traduction]

    Je vous en prie, monsieur Bagnell, allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
     J'aurais quelques observations à formuler sur les commentaires qui ont été faits jusqu'à présent dans ce débat.
     Pour faire suite au plus récent, en ce qui concerne Mme Arbour, je ne pense pas que quiconque parmi nous doute de ses formidables compétences. Le rapport Deschamps a décrit le type de processus — le besoin d'indépendance, par exemple, etc. — mais le mécanisme pour le faire, les différentes choses à faire, n'ont pas été décrits. J'en conviens, Mme Arbour sera parfaite pour établir une feuille de route détaillée sur la façon d'arriver aux endroits que Mme Deschamps a suggérés.
     La discussion d'il y a quelques minutes sur la formation est également un bon exemple de la difficulté de trouver des solutions à ce problème, étant donné qu'il est endémique depuis des décennies dans notre armée, et dans d'autres armées. Les solutions simples ne feront pas l'affaire. Un bon exemple est l'accent mis sur une formation pertinente. Des séances de formation ont été mises en place, mais j'ai entendu un témoin — et je ne me souviens plus si c'était ici ou lors d'un autre événement — raconter comment, en tant que formatrice, on a ri d'elle. On s'est moqué d'elle, et cela fait partie de la culture.
     C'est ce qui est important dans l'amendement du Bloc. Comme je l'ai déjà dit, il est malheureusement lié à une motion principale indéfendable, mais en ce qui concerne la culture, c'est un élément énorme. Nous faisons tous partie d'une culture. Nous sommes sociaux et, dans une grande mesure, nous travaillons dans le cadre de la culture dans laquelle nous vivons et nous nous y conformons.
     M. Okros a fait un commentaire pertinent à ce sujet:
[Le] commentaire que je ferais à ce sujet, c'est qu'il faut une culture militaire particulière. Les Canadiens attendent des choses très précises des hommes et des femmes qui assurent leur sécurité. Cela exige des choses très précises. Aucun autre employeur ne connaît la notion de responsabilité illimitée, qui expose son personnel au danger.
Pour ce faire, pour créer ces capacités et la capacité d'endurance dans des circonstances extrêmement pénibles, il faut quelque chose d'unique dont la plupart des employeurs du secteur privé n'ont pas besoin.
La question est de savoir quelle devrait être cette culture. Selon moi, telle est la vraie question à débattre. Encore une fois, les commentaires que nous formulons ici... il y a des tensions dans les forces armées également qui changent avec le temps. Une chose qui est incrustée dans la philosophie militaire est que de très importantes leçons ont été tirées, au prix du sang versé au fil des siècles, des leçons que nous n'oublierons jamais.
Cela a son importance, mais cela peut empêcher les forces militaires d'essayer d'envisager la culture militaire qu'ils doivent bâtir en contexte de sécurité du XXIe siècle, et avec les jeunes Canadiens qui veulent prendre l'uniforme pour servir leur pays.
Ce doit être une culture unique. Le débat, en fait, porte sur ce que devrait être cette culture, ce qu'il faut conserver et ce qu'il faut changer fondamentalement.
    Cela ne fait que confirmer mon point précédent, à savoir que rien n'est simple, et c'est pourquoi notre débat devrait porter sur ces enjeux cruciaux qui nous ont été soulignés. Nous avons eu de très nombreuses réunions. Nous avons entendu les personnes survivantes et les experts qui peuvent nous indiquer la voie à suivre, et nous devons maintenant débattre et formuler des recommandations. Elles ne sont pas simples, et c'est pourquoi nous devons en discuter. Si elles étaient simples, elles auraient déjà été mises en œuvre.
    Voilà pourquoi nous devons discuter de ces choses qui revêtent une importance cruciale pour les personnes survivantes. Voilà pourquoi il est décevant que la motion principale, telle qu'elle est rédigée, permette l'adoption de recommandations sans aucun débat.
    J'aimerais que Mme Vandenbeld nous en dise plus sur la culture, car je n'ai pas étudié la question en profondeur.
    Je tiens à dire deux dernières choses. La première est que j'aime l'idée de modifier la motion de M. Barsalou-Duval afin de rédiger un rapport à partir des éléments sur lesquels nous pourrions parvenir à un consensus. Comme M. Garrison l'a dit, nous sommes tous d'accord que nous voulons aider, et je suis sûr que nous pourrions parvenir à un consensus sur plusieurs recommandations qui feraient une différence pour les personnes survivantes.

  (1245)  

    L'autre point de l'amendement sur lequel je souhaite intervenir est qu'il a été beaucoup question — le mot « victimes » y figure — d'un meilleur soutien aux personnes survivantes et aux victimes. Je m'étendrai sur la question lorsque nous aborderons la motion principale, mais le fait est — et je l'ai dit plus tôt dans le débat — qu'il est à espérer que nous n'ayons pas besoin d'un énorme réseau de soutien. Il est à espérer qu'en apportant les modifications voulues, nous réduirons considérablement le nombre d'incidents qui, selon M. Garrison, sont si fréquents à l'heure actuelle.
     Nous seuls, en tant que comité — enfin, pas seulement nous; ils peuvent agir sans nous — pourrions ajouter du soutien et du poids aux recommandations consensuelles. Elles iraient beaucoup plus loin et changeraient vraiment les choses pour les personnes survivantes et conféreraient au ministre l'autorité morale d'agir rapidement sur les éléments que nous recommandons.
     Je vais m'en tenir là pour l'instant.
    Merci, monsieur Bagnell.

[Français]

     Monsieur El‑Khoury, vous avez la parole.
     Je vous remercie, madame la présidente.
    Chaque membre de l'équipe de la Défense a droit à un lieu de travail qui le traite avec respect et dignité. En même temps, il est de la responsabilité de chaque membre de l'équipe de la Défense, peu importe son rang, son poste ou son titre, et même le plus haut gradé, de transmettre ce même respect et cette même dignité à ceux qui l'entourent.
    Or nous avons constaté que cette attente n'est pas suffisante. Sans mesure rapide et décisive, sans application rigoureuse des politiques et sans responsabilisation, le harcèlement et l'inconduite sexuelle au sein de l'équipe de la Défense ne seront jamais vraiment éliminés. Cela exige une réflexion honnête pour examiner les domaines dans lesquels nos politiques et nos initiatives ont échoué. Il faut apprendre de ceux que nous avons laissés tomber et les écouter. Il faut apporter des changements qui tiennent compte de nos gens, de leurs besoins et de leurs divers antécédents.
    La semaine dernière, le ministre de la Défense nationale a annoncé le lancement d'un examen externe, indépendant et complet visant le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. J'aimerais prendre le temps aujourd'hui de discuter des détails de cet examen, de ce en quoi il consistera, de la façon dont il sera mené et de ce qu'il signifie pour l'équipe de la Défense.
    Il existe un besoin pressant de responsabilisation et d'examen à tous les niveaux des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale, non seulement d'individu à individu et de grade à grade, mais aussi sur le plan organisationnel. Il convient d'examiner les politiques et les pratiques de l'équipe de la Défense et d'évaluer leur efficacité à éliminer l'inconduite et le harcèlement sexuels. L'examen qui a été annoncé la semaine dernière va jouer un rôle crucial dans cette analyse.
    Les objectifs de l'examen sont les suivants. Nous voulons savoir pourquoi le harcèlement et l'inconduite sexuelle persistent au sein des Forces armées canadiennes malgré des efforts considérables et concertés pour les éliminer. Nous voulons savoir quels sont les obstacles qui font qu'il est difficile de signaler un comportement inapproprié. Nous voulons aussi savoir si la réponse est adéquate lorsque des rapports d'inconduite sont faits. Nous voulons que cette information soit utilisée pour formuler des recommandations sur la prévention et l'éradication du harcèlement et de l'inconduite sexuelle dans nos Forces armées une fois pour toutes.
    Le ministre la Défense nationale et les Forces armées canadiennes ont choisi Mme Louise Arbour pour diriger l'examen des politiques et de la culture de l'équipe de la Défense. L'examen de Mme Arbour s'appuiera sur le rapport publié par l'ancienne juge Marie Deschamps, qui renferme 10 recommandations clés pour aborder et éliminer l'inconduite et le harcèlement sexuels.

  (1250)  

     Depuis son examen, le ministère de la Défense nationale a pris plusieurs mesures importantes pour mettre en œuvre les recommandations de Mme Deschamps. L'examen de Mme Arbour s'appuiera sur son important travail et examinera les problèmes dans une perspective plus large afin d'aider l'équipe de la Défense à tracer la voie à suivre.
    L'expérience de Mme Arbour en tant qu'ancienne juge de la Cour suprême la place dans une position idéale pour mener à bien cet examen en toute impartialité. Elle travaillera indépendamment de la chaîne de commandement des Forces armées canadiennes et du ministre de la Défense nationale afin de préserver sa neutralité, s'assurant que l'important travail que nous lui demandons ne sera pas influencé politiquement. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que cela serait inapproprié.
    Son examen portera sur les politiques, les procédures et les pratiques de l'équipe de la Défense en regardant où se trouvent les lacunes dans les efforts de cette équipe pour aborder et éliminer le harcèlement et l'inconduite sexuels, ainsi que la manière dont ces efforts devraient être renforcés et améliorés.
     Dans le cadre de son examen, elle tiendra compte de tous les examens indépendants pertinents concernant le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. Cela inclut l'évaluation de l'équipe de la Défense dans l'application des recommandations du rapport Deschamps, coordonnée avec l'honorable Morris Fish, qui dirige l'examen en cours de la Loi sur la défense nationale, ainsi que l'examen des conclusions et des recommandations des rapports du Bureau du vérificateur général et d'autres vérifications internes.
     En plus de tenir compte de cet examen existant, elle évaluera également les pratiques organisationnelles qui, si elles sont réévaluées efficacement, pourraient aider à prévenir les incidents d'inconduite sexuelle. Il s'agit notamment des systèmes de recrutement, de formation, d'évaluation de rendement, d'affectation et de promotion des Forces armées canadiennes.
    Mme Arbour évaluera également les politiques, les procédures et les pratiques du système de justice militaire qui traitent du harcèlement et de l'inconduite sexuels. Plus important encore, l'examen sera fondé sur les opinions, les comptes rendus et les expériences de membres actuels et anciens de l'équipe de la Défense.
    Tous les membres concernés de l'équipe de la Défense méritent que leur voix soit entendue. Ceux qui souhaitent partager leur expérience seront invités à apporter leurs contributions à l'examen de Mme Arbour. Tous resteront anonymes. Mme Arbour mènera son examen sans faire référence à des cas précis de harcèlement ou d'inconduite sexuels afin de préserver leur confidentialité. Son examen sera axé sur les femmes et les membres de la communauté LGBTQ+ afin que l'équipe de la Défense comprenne mieux leurs perspectives et leurs expériences.

  (1255)  

     Elle travaillera en coordination avec le Groupe consultatif sur le racisme systémique, la discrimination, notamment le racisme anti-Autochtones et anti-Noirs, les préjugés LGBTQ2+, la discrimination sexuelle et la suprématie blanche, afin de réduire tout chevauchement involontaire des efforts menés.
     Mme Arbour rassemblera tous les témoignages pour trouver les signes que la culture de l'équipe de la Défense favorise [inaudible] et la complicité, la manière dont la peur des représailles agit comme un obstacle au signalement du harcèlement et de l'inconduite sexuels et toute indication que les politiques de l'équipe de la Défense ont été appliquées de manière incohérente dans l'ensemble de l'organisation. Par exemple, on peut penser à l'influence politique lors de la nomination du général Jonathan Vance en 2015. Même s'il y avait des rumeurs à son sujet et qu'il y avait une enquête active du Service national des enquêtes des Forces canadiennes, les partis de l'opposition officielle l'ont quand même nommé chef d'état-major de la Défense.
    Tous ces facteurs contribueront à éclairer ses recommandations au ministre, au sous-ministre et au chef d'état-major de la Défense. La reddition de comptes et la transparence sont les clés du changement de culture et de l'élimination de l'inconduite et du harcèlement sexuels au sein de l'équipe de la Défense. Ce sont les principes qui guideront l'examen de Mme Arbour.
    Elle fournira au ministre de la Défense nationale des rapports d'étape mensuels ainsi que toute évaluation et recommandation provisoire. Toutes ces évaluations seront rendues publiques, ainsi que le rapport d'examen préliminaire et le rapport final de Mme Arbour, y compris son évaluation des politiques et procédures de l'équipe de la Défense, les causes et les effets des obstacles au signalement de comportements inappropriés et son examen au Centre d'interventions sur l'inconduite sexuelle. Cela comprendra son mandat et ses activités concernant son indépendance par rapport à la chaîne de commandement et sa réponse lorsque des incidents d'inconduite sexuelle sont signalés.
    Elle formulera également des recommandations clés.
    Je pourrais aller beaucoup plus loin, mais je vais m'arrêter ici.
    Je vous remercie infiniment.

  (1300)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
     [La séance est suspendue à 13 h 1, le vendredi 21 mai.]
    [La séance reprend à 16 h 14, le mercredi 26 mai.]

  (13610)  

    À l'ordre, s'il vous plaît.
     Nous reprenons nos travaux dans le cadre de la 32e réunion du Comité permanent de la défense nationale que nous avions amorcés le vendredi 21 mai 2021.
     Je ne vais pas refaire le préambule en entier. Nous allons couper court pour que nous puissions profiter de nos deux heures complètes aujourd'hui.
     Si nous perdons l'interprétation, veuillez me le faire savoir immédiatement, car il est très important que tous puissent participer dans toute la mesure du possible.
     Avant d'intervenir, veuillez attendre que je vous reconnaisse par votre nom. Lorsque vous parlez — et je me le rappelle encore une fois — veuillez le faire lentement et clairement pour permettre à nos interprètes de faire le bon travail sur lequel nous comptons. Lorsque vous n'intervenez pas, votre micro devrait être en sourdine.
     En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour tenir un ordre des interventions regroupé pour tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
     Conformément au paragraphe 106(4) du Règlement, le Comité se réunit aujourd'hui pour étudier une demande présentée par quatre membres du Comité au greffier en vue de discuter de leur demande de témoins supplémentaires dans le cadre de l'étude des mesures à considérer face aux problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations à l'endroit de l'ancien chef d'état-major de la Défense, Jonathan Vance.
     J'ouvre le débat.
     Monsieur Bezan, je crois que vous êtes le premier intervenant.

  (13615)  

    Merci, madame la présidente.
     Je crois qu'il n'est pas nécessaire de présenter de nouvelles motions, puisqu'il s'agit de la reprise de la dernière réunion. Je me contenterai de dire ceci.
     Encore une fois, je demande simplement au Comité d'adopter rapidement cette motion afin que nous puissions convoquer Zita Astravas, la seule personne à même de faire la lumière sur les contradictions que nous avons entendues de la part de nombreux témoins, y compris de la cheffe de cabinet du premier ministre, Katie Telford, de l'ancien greffier du Conseil privé, Michael Wernick, de l'ancien conseiller du premier ministre, Elder Marques et du ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan, dont toutes les versions différaient à savoir qui a rapporté les allégations qui ont été présentées au ministre de la Défense le 1er mars 2018, comme l'a évoqué l'ancien ombudsman Gary Walbourne.
     Les membres libéraux du Comité ont monopolisé le temps imparti. Vous, madame la présidente, avez suspendu les séances à volonté, et tout cela a fait obstacle à notre travail. Cela a empêché des témoins clés de comparaître. Cela a duré des jours et des jours, et il est temps d'y mettre fin.
     J'implore les députés libéraux qui siègent à ce comité de s'atteler à l'adoption de cette motion et de la traiter rapidement afin que nous puissions entendre Zita Astravas, la convoquer ici pour deux heures et nous remettre au travail sur le rapport et l'achever avant la pause estivale.
     Il ne nous reste que cinq semaines, et je calcule que nous aurons au mieux neuf réunions, à moins que nous ne trouvions un moyen d'ajouter des réunions ou de siéger pendant l'été afin de pouvoir déposer nos rapports, non seulement sur l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, mais aussi sur notre étude sur la COVID et le travail effectué par les Forces armées canadiennes en plus de l'examen de la santé mentale. Ces rapports attendent aussi à l'état d'ébauche, et je sais que de nombreux membres du Comité aimeraient qu'ils soient eux aussi déposés.
     Au lieu de subir des heures interminables de débat et d'obstruction, au lieu d'entraver nos travaux, je demanderais aux députés libéraux de nous permettre de voter sur cette motion et sur celle de M. Barsalou-Duval afin que nous puissions revenir à l'essentiel de ce que nous devons faire, soit de découvrir le sort réservé aux allégations portées contre le général Vance, par contraste aux allégations portées contre l'amiral Art McDonald, et de voir si oui ou non il y a eu une dissimulation faite et orchestrée par Katie Telford et le ministre Sajjan en n'informant pas le premier ministre de ces allégations en 2018.
     Les femmes et les hommes qui nous servent en uniforme attendent des résultats. Ils attendent la publication de ce rapport et tout effort destiné à retarder ces travaux constitue de l'obstruction de la part des membres qui persistent dans leur obstructionnisme et empêchent la mise aux voix de cette motion.
     Merci, madame la présidente.
    Très bien, monsieur Bezan. Merci beaucoup.
     Le greffier me rappelle que nous débattons toujours de l'amendement. Nous nous penchons sur l'amendement du Bloc à la motion. Le greffier est sur le point de vous envoyer la traduction officielle. Je sais qu'il y a eu des questions vendredi dernier au sujet de l'interprétation, alors nous voulions nous assurer d'avoir une version officielle pour vous. Vous devriez la trouver sous peu dans votre boîte de courrier. Elle est en chemin.
     Monsieur Garrison, vous êtes le suivant, je vous en prie.

  (13620)  

    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Avant toute chose, je dois dire que j'ai été extrêmement déçu de la façon dont la dernière réunion s'est conclue, avec une sortie arbitraire de la présidente. Je pense que cela s'inscrit dans la tendance que M. Bezan a soulignée, d'entraver nos travaux en faisant continuellement de l'obstruction, en annulant et en suspendant des séances.
     La tentative des libéraux d'empêcher la majorité de ce comité de convoquer les témoins dont nous avons besoin pour obtenir des réponses sur les raisons pour lesquelles aucune mesure efficace contre l'inconduite sexuelle dans les forces armées n'a été prise et, en particulier, pourquoi il n'y a pas eu d'enquête ni d'intervention au sujet du général Vance, reste en suspens.
     Les membres libéraux du Comité rendent un mauvais service aux survivants de l'inconduite sexuelle dans l'armée en continuant d'affirmer qu'ils veulent se pencher sur le rapport pour les survivants, alors que leur propre obstruction empêche de le faire. C'est comme si nous vivions dans une réalité parallèle où le fait de perdre du temps en comité ne nous empêchait pas de faire le travail. Je ne comprends pas la position des libéraux, sinon qu'ils ne souhaitent pas obtenir les réponses aux questions que nous posons ici, à savoir pourquoi les hauts dirigeants n'ont pas compris la gravité de l'inconduite sexuelle ou ont voulu protéger d'une quelconque façon les officiers supérieurs accusés d'inconduite sexuelle.
     Je ne vais pas m'étendre sur le sujet, mais dans n'importe quelle institution où un si grand nombre de hauts dirigeants auraient été forcés de quitter leur poste par suite d'une inconduite sexuelle, il y aurait eu une crise et le conseil d'administration de la société ou de l'institution en question aurait demandé des comptes aux responsables. En l'occurrence, parce qu'il s'agit des Forces armées canadiennes, le Parlement canadien et ce comité sont le conseil qui doit demander ces comptes.
     Encore une fois, nous avons entendu à maintes reprises les libéraux parler de « pointer du doigt ». Ce n'est pas « pointer du doigt » que de demander des comptes. Il s'agit de déterminer qui aurait dû agir et qui n'a pas agi et de cerner les raisons pour lesquelles ce fut le cas, de sorte que nous puissions aller de l'avant et promettre aux hommes et aux femmes qui servent le Canada que cela ne se reproduira plus, que nous ayons une certaine assurance de savoir pourquoi ces mesures n'ont pas été prises plus tôt. Personne ne prendra les promesses au sérieux si nous ne comprenons pas pourquoi les promesses précédentes n'ont pas été tenues.
     Comme M. Bezan l'a fait, j'implore les membres libéraux du Comité de renoncer à leur obstruction. Pendant le temps qu'ils ont passé à faire de l'obstruction, nous aurions facilement pu entendre des témoins comme Mme Astravas, que le ministre et le cabinet du premier ministre ont souvent désignée comme la personne clé pour comprendre ce qui a été transmis au cabinet du premier ministre. C'est la question essentielle à laquelle nous devons encore répondre pour déterminer qui est responsable de l'absence de mesures concrètes.
     Par conséquent, j'insiste pour que nous passions rapidement au vote sur l'amendement, puis sur la motion principale, afin de mettre à l'horaire la comparution de Mme Astravas. Nous pourrons ensuite terminer le rapport sur l'inconduite sexuelle et, bien que j'aurais préféré le faire plus tôt, nous aurons aussi l'occasion de nous pencher sur les deux autres rapports importants: sur la COVID et les Forces armées canadiennes, et celui sur la santé mentale dans l'armée canadienne.
     Nous avons un travail important à faire ici et j'implore les libéraux de cesser d'y faire obstruction.
    Très bien, monsieur Garrison. Merci beaucoup.
     Nous passons à M. Spengemann. La parole est à vous.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je suis heureux d'être avec vous, chers collègues.
    J'ai un peu une impression de déjà vu. Dès le début, j'ai toujours dit que notre travail comporte deux volets d'égale importance, mais en ce qui concerne le véritable travail de fond sur le changement de culture, c'est probablement le problème le plus difficile. Tout le monde l'a souligné. Tous les témoins ont dit qu'il fallait changer la culture.
    D'après des hypothèses éclairées, cette culture existait avant l'arrivée du général Vance comme CEMD. Elle nécessite les recommandations que de nombreux pays ont adoptées ou sont en train d'adopter, comme je l'ai dit lors de mes interventions dans d'autres séances. Parallèlement, plusieurs cas importants nous ont été révélés, y compris ceux de deux anciens chefs d'état-major de la Défense et, plus récemment, du major-général Fortin.
     Nous pouvons considérer que chacun de ces cas est emblématique d'un problème culturel beaucoup plus profond. Pour utiliser une métaphore qui ne convient peut-être pas parfaitement, il s'agit peut-être de la pointe de l'iceberg. À moins d'examiner l'iceberg lui-même, de le démonter et d'examiner les recommandations qui infléchiront vraiment la trajectoire des Forces canadiennes comme employeur au sein duquel l'inconduite sexuelle n'a plus sa place, nous ne ferons pas notre travail.
     Oui, l'opposition a parfaitement le droit de courir après d'autres témoignages. Dans ce cas, je pense que nous avons entendu des témoignages qui commencent à être très cohérents en ce qui concerne les responsabilités. Des témoins ont lancé des messages, dont Ray Novak, l'ancien chef de cabinet de l'ancien ministre de la Défense, qui a dit qu'il était « inapproprié » dans notre démocratie de faire intervenir des représentants élus, y compris des ministres ou des premiers ministres, dans des mécanismes d'enquête sur des inconduites. C'est tout à fait clair.
     La nature systémique de ce problème est aussi tout à fait claire. La lumière a été faite aussi sur les défis liés à la chaîne de commandement, la démographie des Forces canadiennes et la longue existence de ce problème. Je pense que nous rendrions un mauvais service aux Canadiennes si nous n'étions pas en mesure, avant la pause estivale, de présenter des recommandations qui ne sont pas simplement approuvées par un simple vote favorable, mais qui ont fait l'objet de discussions et de débats au sein du Comité, et qui sont classées par ordre de priorité et définies comme étant celles qui peuvent faire vraiment avancer les choses le plus rapidement possible, en parallèle des travaux de la juge Arbour.
     Permettez-moi de vous ramener en 2015. J'en ai déjà parlé, mais cela mérite peut-être d'être répété brièvement dans le contexte de l'amendement dont nous sommes saisis. Je fais référence à un article publié le 22 avril 2021 dans l'Ottawa Citizen par David Pugliese, dans lequel on rapporte que le général Jonathan Vance s'est vanté d'être « intouchable » par la police militaire. Plus loin dans l'article, on indique qu'il aurait affirmé qu'il avait le Service national d'enquête des Forces canadiennes « dans sa poche ». Nous avons reçu des preuves beaucoup plus récentes ici même, et il y a peut-être des témoins que nous pourrions convoquer pour examiner ces preuves de plus près, mais à mon avis, le véritable travail n'est pas là. Je vais m'expliquer dans un instant.
     Selon ces preuves, une enquête était en cours en 2015 à l'époque de la nomination du général Vance sous l'ancien gouvernement conservateur. Peu après la nomination du général Vance, cette enquête a été interrompue. Si vous mettez cette preuve en conjonction avec la déclaration du général rapportée dans les médias selon laquelle il avait le service d'enquête « dans sa poche », c'est vraiment là que réside la nature systémique du problème.
     En 2015, comment le chef désigné des Forces canadiennes pourrait‑il se trouver dans une position de pouvoir si asymétrique et si soustraite à la surveillance parlementaire qu'il pouvait se vanter d'avoir le Service d'enquête national des Forces canadiennes dans sa poche? S'il est vrai que le général Vance a pu mettre fin à une enquête à cette époque, c'est un enjeu dont tous les membres de ce comité, tous partis confondus, devraient être saisis et qu'ils devraient examiner.
     À cet égard, il est pertinent de savoir qui se présente pour porter plainte contre qui. C'est incroyablement important. Cela révèle simplement un problème beaucoup plus systémique que nous devons résoudre. Nous devons l'évaluer en tenant compte du calendrier jusqu'à la fin de la présente session parlementaire et de la nécessité de publier un rapport étoffé qui comporte des recommandations.
     Nous avons eu des témoignages sur la responsabilité ministérielle et les rôles des ministres concernés de ce gouvernement en ce qui concerne Jonathan Vance. Le ministre de la Défense lui-même est venu témoigner pendant six heures.

  (13625)  

     Nous avons reçu du personnel du BCP. Nous avons reçu Katie Telford, du cabinet du premier ministre, et Elder Marques, ancien chef du cabinet du premier ministre. Nous avons eu de nombreux témoignages qui nous poussent à conclure qu'il n'est pas judicieux de faire intervenir le ministre de la Défense ou le premier ministre dans les processus d'enquête visant le chef d'état-major de la Défense. La nature systémique du problème réside dans le fait qu'il aurait dit avoir dans sa poche l'autorité qui enquête maintenant et qui, vraisemblablement, n'enquêtait pas au moment de sa nomination, ou dont l'enquête avait été coupée court peu après sa nomination. C'est un problème qui, à mon avis, devrait tous nous préoccuper.
     Je n'ai pas vu de symétrie dans la réflexion de ce comité pour examiner ces questions, pour examiner les recommandations. Oui, nous avons entendu des témoignages. Oui, nous avons une pile de recommandations qui nous ont été présentées, mais qu'est‑ce que nous allons dire en juin prochain pour donner confiance aux femmes qui servent ou qui ont servi dans les Forces canadiennes, aux hommes qui sont des alliés, aux Canadiens de tous genres, aux Canadiens de tous les horizons qui souhaitent servir dans les Forces canadiennes et qui ont l'impression qu'ils ne peuvent pas le faire, ou à ceux qui servent déjà et qui ont l'impression qu'ils n'ont pas de voix et qu'ils ne peuvent pas se manifester ou que, s'ils le font, leur carrière et leur avenir sont menacés parce qu'ils ont fait le nécessaire pour dénoncer?
     Voilà les enjeux systémiques qui sont illustrés dans les cas que nous avons examinés et ceux que nous avons étudiés qui font l'objet d'une enquête en bonne et due forme par des autorités indépendantes. Je pense que nous les avons rassemblées pour étayer les preuves politiques et stratégiques dont nous avons besoin pour formuler des recommandations urgentes afin de faire avancer notre pays.
     Encore une fois, j'ai mentionné un certain nombre d'autres armées de nature similaire à celle du Canada, en ce sens qu'il s'agit de forces armées, qu'elles sont soumises à la démocratie libérale et à la surveillance parlementaire et que, au moment même où nous nous penchons sur cette question, elles sont elles aussi aux prises avec cette question et, dans certains cas, ont présenté des recommandations et des processus qui ont été éclairants, très utiles et que nous pourrions éventuellement imités. J'ai incorporé ces réflexions dans nos discussions et je continuerai à le faire.
     Nous avons du pain sur la planche et je pense que nous devons nous concentrer sur l'iceberg sans pour autant minimiser l'importance des victimes des cas qui nous ont été révélés et que nous avons étudiés sous la forme d'allégations individuelles qui ont été faites.
     Je vous remercie, madame la présidente.

  (13630)  

    Merci beaucoup, monsieur Spengemann.

[Français]

     Monsieur Barsalou‑Duval, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je tenais moi aussi à intervenir aujourd'hui. Je ne sais pas si les membres du Comité ont eu l'occasion de réfléchir à leurs actions, ou du moins, à la manière dont nous travaillons au sein de ce comité depuis quelques semaines, mais je ne pense pas que cette pratique d'obstruction systématique favorise le bon fonctionnement du Comité ni l'utilisation efficace des ressources financières de la Chambre, dont les employés sont payés par les contribuables.
    Je pense que cela vaudrait la peine de se poser la question suivante: si nos concitoyens, qui sont aussi les contribuables, étaient présents aujourd'hui, seraient-ils vraiment fiers de nous? Pour ma part, si j'étais un citoyen qui n'a pas eu la chance d'exercer les fonctions que j'exerce en ce moment et si j'avais assisté à ce comité depuis plusieurs semaines, j'aurais honte. En effet, j'aurais l'impression de voir des écoliers qui ne cherchent pas à avancer et à régler des problèmes. Le gouvernement fait de l'obstruction systématique chaque fois que des députés, surtout de l'opposition, souhaitent convoquer de nouveaux témoins, alors que nous menons une étude très sérieuse. Je trouve cette pratique vraiment déplorable, et même honteuse.
    J'espère que mes collègues autour de la table auront eu l'occasion, au cours de ces rencontres, de réfléchir à cela. Ils auront peut-être aussi l'occasion de le faire lors de cette rencontre-ci. Je demande à mes collègues de mettre fin à cette perte de temps inacceptable du Comité pour que nous puissions enfin avancer et faire notre travail.
    Merci beaucoup.

[Traduction]

    Monsieur Bagnell, allez‑y, je vous en prie.
    Merci, madame la présidente.
     Je suis d'accord. J'implore que nous mettions fin à cette perte de temps en débattant motion après motion et témoin après témoin, ce qui est inutile et retarde l'étude. J'implore M. Bezan de retirer la motion qui, comme il le sait probablement, pose plusieurs problèmes. Elle ne permet pas de faire comparaître les témoins dont nous avons besoin si nous voulons aller au fond de la question de savoir qui, comment, où et quand, ce dont je parlerai plus en détail lorsque nous en arriverons à la motion principale.
     Pour la raison même que les gens attendent la publication d'un rapport, arrêtez de présenter des motions qui rappellent des témoins qui ont comparu ici pendant des heures et qui n'ont rien à ajouter au débat. Arrêtez de convoquer un témoin dont le témoignage potentiel a déjà été pris en compte, tout comme une motion qui ne nous permettrait pas de mettre fin à l'examen de chaque recommandation, d'en débattre et de produire un rapport sérieux.
     Nous avons reçu un courriel anonyme et personne n'a su ce qu'il contenait, parce que la personne tenait à préserver son anonymat, ce qui lui a été accordé. Il est incroyable qu'au lieu de s'attaquer aux problèmes majeurs pour aider les membres des forces armées, M. Bezan continuerait de convoquer des témoins en rapport avec ce courriel et ne retiendrait pas tous les excellents témoignages que nous avons reçus d'experts et de victimes.
     Si vous voulez revenir en arrière... Ce n'est pas mon cas. Je veux continuer à traiter ces questions sérieuses, mais si vous voulez revenir sur le qui, le pourquoi et le où, et ensuite, comme l'a dit M. Garrison, sur les questions sérieuses relatives à la nomination du général Vance, comme M. Garrison l'a dit, alors que des gens auraient dû agir et ne l'ont pas fait... Il y avait des enquêtes potentielles, dont une, semble‑t‑il, il y avait des pressions pour y mettre fin le jour de la nomination du général Vance, et une autre, une citation de quelqu'un... Le vice-chef d'état-major de la Défense a dit que l'identité de la personne qui a mené une enquête était un mystère, vu qu'il n'y a pas eu d'enquête.
    Voilà les questions sérieuses sur lesquelles les gens veulent revenir. Je ne veux pas y revenir. Je veux passer à la question de l'aide apportée aux membres des forces armées. Comme M. Barsalou-Duval l'a dit, pourquoi les députés agissent-ils comme ils le font en convoquant des témoins les uns après les autres, en essayant de reconvoquer des témoins et en s'attardant sur ce seul courriel qui a déjà fait l'objet d'une enquête aussi approfondie qu'elle pouvait l'être, parce que la personne ne voulait pas que les détails soient divulgués.
     Nous ne disposons que d'un temps limité au gouvernement. Comme tous ceux qui sont au gouvernement le savent, il y a un grand nombre de ministères fédéraux, d'organismes et de choses dont il faut s'occuper, de sorte qu'il est rare que l'on puisse se pencher sur le point sur lequel on voudrait faire des progrès. Je pense que c'est l'un de ces moments où nous avons un ministre qui s'engage à s'occuper de cette question et tous les membres du Comité sont d'accord pour s'occuper de l'inconduite sexuelle dans l'armée. C'est ce dont nous devrions nous occuper.
    Plus tard, je pourrais expliquer au besoin ou souligner toutes les fois et les citations du ministre au cours des derniers mois pour montrer qu'il se répète sans cesse en disant qu'il faut faire beaucoup plus et qu'il n'y a aucune tolérance.
     Malheureusement, il a également été dit dans ce débat que rien n'a été fait, ou que rien de conséquent n'a été fait. En toute justice pour les membres des FAC et du MDN, ils ont travaillé dur pour tenter de régler ce grave problème.

  (13635)  

     Je pense que nous devons nous débarrasser de cette désinformation, car des mesures ont été prises. Bien sûr, il faut faire bien plus, comme M. Garrison l'a souligné, et j'ai évoqué dans plusieurs comités les centaines de plaintes qui ont été déposées. Il faut faire beaucoup plus, mais il n'est pas juste de laisser entendre que rien n'a été fait. Je vais passer en revue certaines de ces mesures, afin de rendre à César ce qui appartient à César.
     Le gouvernement a annoncé un examen externe, la création du poste de chef de la déontologie et de la culture, ainsi que des initiatives relatives au soutien par les pairs, l'élargissement de la portée des CIIS dans tout le Canada et le travail sur la mise en œuvre du projet de loi C‑77.
     Le MDN et les FAC ont aussi publié une première directive commune du CEMD et du MDN qui a fourni aux membres de l'équipe de la Défense, aux anciens combattants, aux observateurs et à tous les Canadiens la clarté dont ils avaient besoin sur la vision du MDN et des FAC concernant l'affectation de la lieutenante-générale Carignan et ce qu'elle était habilitée à faire. À l'avenir, la lieutenante-générale Carignan s'emploiera en priorité à élaborer un plan de mobilisation et de consultation, notamment auprès de groupes de discussion ciblés en coordination avec nos collègues des affaires publiques pour garantir que nous maintenons l'élan en matière d'écoute.
     Dans le budget dont nous débattons à la Chambre, 232,2 millions de dollars sur cinq ans ont été réservés, plus 33,5 millions de dollars par an en permanence par la suite, pour lutter contre l'inconduite sexuelle et la violence sexospécifique dans l'armée et pour aider les personnes survivantes. Ces fonds serviront à la prévention de la violence sexospécifique, une initiative entièrement financée à hauteur de 33,9 millions de dollars sur deux ans; le soutien interne aux victimes, y compris l'accès à des conseils juridiques; l'élargissement du programme de contribution à l'appui des fournisseurs de services communautaires en matière d'agression sexuelle et un projet pilote de soutien par les pairs, en ligne et en personne. J'y reviendrai un peu plus tard.
    D'autres éléments sur le comportement sont entièrement financés à hauteur de 33 millions de dollars sur deux ans pour augmenter de 15 millions de dollars l'investissement dans les CIIS — sur lesquels je reviendrai plus tard aussi — 15 millions de dollars pour la surveillance externe et 3 millions de dollars pour l'aide externe à la formation.
    Il y a ensuite des investissements à partir des niveaux de référence actuels de 158,5 millions de dollars, ce qui comprend la mise en œuvre du projet de loi C‑65 et du Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail, dont je parlerai un peu plus tard; le soutien à l'élaboration de l'évaluation du caractère et de la formation; un soutien supplémentaire pour améliorer le système de justice militaire; le soutien en personnel pour les commandants des bases; le renforcement de la capacité ministérielle de surveillance des litiges, dont nous avons beaucoup parlé ici; et la mise à niveau de la gestion et du suivi des données en un seul système, dont nous avons parlé à titre de recommandation.
    De plus, le MDN et les FAC vont répondre au gouvernement en lui soumettant des suggestions relatives au programme de services de garde des FAC et aux besoins de santé des femmes en uniforme dans la profession clinique et en déploiement.
    J'ai dit aussi que j'allais revenir sur les travaux, et la sous-ministre a mentionné qu'il y avait beaucoup à faire, mais elle a aussi fait état des mesures positives qui sont prises. Elle a parlé de la promotion des initiatives relatives aux CIIS; des initiatives s'inscrivant dans le plan d'action national de lutte contre la violence sexospécifique; de l'élargissement des services des CIIS dans les régions, y compris un programme de coordination de l'intervention et du soutien; de l'élargissement des services de soutien afin d'inclure les services aux employés civils du MDN et aux anciens combattants; et le besoin croissant d'options de formation en mode virtuel et de formation ciblée sur la prévention. La dotation de postes à cet effet est aussi en cours. Je reviendrai sur les CIIS un peu plus tard et lors de ma prochaine intervention.
    La mise en œuvre du projet de loi C‑65est en cours, un autre élément positif, il n'est donc pas juste de dire que rien n'a été fait ou accompli.

  (13640)  

    En ce qui concerne l'approche du ministère, il y a le travail sur la mise en œuvre des dispositions législatives sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail, qui continue de progresser. Des directives et des orientations sur l'évaluation de la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail devraient être publiées d'ici août 2021. La mise au point d'une convention sur le niveau de service est en cours. Elle vise à assurer l'accès des membres des FAC à la formation sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail. Elle sera disponible en ligne d'ici juin 2021.
     La formation obligatoire pour les employés de la fonction publique va bon train. Au 31 mars dernier, 40 % des employés et 13 % des membres...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente, car nous débattons en ce moment même de l'amendement proposé. Je suis reconnaissant à M. Bagnell de faire le point sur la situation dans les Forces armées canadiennes, mais cela n'a rien à voir avec notre étude et le témoin que nous souhaitons convoquer. Je lui demanderais de s'en tenir au sujet et peut-être de nous dire pourquoi il est complice de la dissimulation des libéraux et ce qu'ils essaient de cacher en refusant de faire comparaître Zita Astravas devant le Comité.
    Madame la présidente, je pense que c'était en fait ce député qui a dit que rien n'a été fait. De plus, dans son préambule, il s'est totalement écarté de l'amendement, alors je vais poursuivre. S'il ne voulait pas connaître les mesures qui ont été prises, il n'aurait pas dû dire dans son intervention précédente que les FAC et le MDN n'ont rien fait...

  (13645)  

    J'ai dit que les libéraux n'ont rien fait. C'est différent.
    ... en rapport avec cette motion.
     Pour rendre à César ce qui appartient à César, pour les mesures que nous avons prises, afin de compléter le programme d'aide aux employés, le Centre d'excellence en prévention du harcèlement et de la violence en milieu de travail met en place une aide supplémentaire pour les employés touchés par le harcèlement ou la violence au travail.
    Les FAC ne sont pas assujetties au Code canadien du travail, mais elles s'emploient à mettre en œuvre une initiative de modernisation de la prévention du harcèlement afin d'harmoniser et d'intégrer davantage les composantes de responsabilisation et de prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail avec le système des FAC.
     La première étape de l'initiative de modernisation de la prévention du harcèlement des FAC est presque terminée, notamment grâce à la publication par le VCEMD d'une première directive, à l'élaboration d'outils et de documents connexes pour la DOAD pertinente sur la prévention du harcèlement et la mise en place d'une structure de gouvernance et d'un groupe de travail.
     Dans la deuxième étape, l'accent est mis sur un énoncé de vision de la prévention du harcèlement dans les FAC et l'élaboration d'autres outils, guides, consultations et options. L'analyse est presque terminée. Ces travaux prendront en compte les travaux ayant mené aux projets de loi C‑65 et C‑77 et s'harmoniseront avec eux, les négociations sur les mesures stratégiques et les recours collectifs [Difficultés techniques] et l'évolution de l'organisation de la cheffe de la conduite professionnelle et de la culture.
     Je vais maintenant passer au traumatisme sexuel vécu dans le cadre du service militaire. De plus, en ce qui concerne le dernier commentaire de M. Bezan, je me demande pourquoi il ne modifie pas sa motion afin de convoquer les véritables témoins des graves problèmes qui ont été révélés depuis que la motion a été conçue, qui ont été décrits par la presse ainsi que cette grave dissimulation potentielle liée aux enquêtes au moment de la nomination du général Vance.
     En ce qui concerne le traumatisme sexuel vécu dans le cadre du service militaire, nous avons constamment entendu de la part d'intervenants et de personnes touchées par l'inconduite sexuelle qu'ils veulent que le traumatisme sexuel lié au service militaire soit reconnu comme tel et être soutenus en conséquence. En collaboration avec Anciens Combattants Canada, les CIIS et des intervenants externes, nous travaillons à l'élaboration d'une définition du traumatisme sexuel vécu dans le cadre du service militaire. Ces travaux sont menés en étroite consultation avec des groupes de personnes survivantes ainsi qu'avec les membres du conseil consultatif externe des CIIS et d'autres intervenants. Bien que l'expression ne soit pas essentielle, nous reconnaissons que le préjudice est associé à un traumatisme sexuel lié au service militaire. Nous collaborons avec ACC pour garantir le maintien de l'harmonisation des politiques entre les deux ministères, en particulier en ce qui concerne l'offre de mesures de soutien et de prestations aux personnes touchées.
     Je tiens à parler maintenant du soutien par les pairs. Des témoins nous ont dit que nous devrions nous concentrer sur les personnes survivantes et sur l'aide à leur apporter. Ils ont demandé du soutien par les pairs. Des travaux sont en cours. J'espère que nous recevrons des recommandations. Lorsque nous nous pencherons sur la motion principale, je m'étendrai sur les recommandations, car la motion prévoit l'imposition d'une limite au débat sur ces recommandations.
     Tel qu'il a été annoncé, le MDN, les FAC et Anciens Combattants Canada travaillent à l'élaboration d'un programme de soutien par les pairs coanimé par des professionnels. Voilà une autre initiative qui constitue une grande priorité pour les intervenants, comme des témoins nous l'ont dit. Elle est financée par le budget 2021.
     En raison de notre situation actuelle et de la tendance dans le monde entier, nous devons faire plus de choses en ligne. Les CIIS, le groupe de transition du FAC et ACC s'emploient à adapter une application mobile de soutien par les pairs en ligne qui a été créée pour le personnel de Sécurité publique Canada. Le processus d'adaptation, de modification et de mise en œuvre de l'application devrait prendre plusieurs mois. Bien sûr, c'est très important parce que nos militaires sont en déploiement partout dans le monde.
     Il y a aussi le soutien à des personnes à titre individuel, sur lequel les FAC et le MDN ont travaillé si fort. Comme je l'ai dit, notre gouvernement n'a pas terminé. Nous avons encore beaucoup à faire. Comme je l'ai dit à chaque réunion, voilà sur quoi nous devrions travailler, sur les recommandations relatives à ces procédures. Des progrès ont été accomplis. Comme nous le savons, nous avons besoin de beaucoup plus.

  (13650)  

     Nous allons continuer à consulter les experts, dont certains ont comparu ici, et les personnes qui ont été touchées par l'inconduite sexuelle.
     Je tiens à souligner certaines mesures déjà en œuvre et accessibles aux membres du MDN et des FAC. Comme je l'ai dit plus tôt, les CIIS offrent aux militaires un soutien confidentiel en tout temps et partout dans le monde. Je suis heureux de dire que le budget 2021 a augmenté le financement à cet égard. Plusieurs témoins nous ont dit que ce n'était pas la panacée, mais que les centres offrent certainement des services utiles. Ils fonctionnent en dehors de la chaîne de commandement militaire. Relevant directement de la sous-ministre, ils permettent aux personnes touchées d'avoir accès à du soutien en toute confidentialité.
    Les CIIS offrent de nombreux programmes et services pour aider les personnes touchées. L'un d'eux est le programme de coordination de l'intervention et du soutien, qui aide les membres des FAC à naviguer dans les systèmes à partir du moment où ils prennent contact avec le CIIS jusqu'à ce qu'ils décident qu'ils n'ont plus besoin de soutien. À chaque étape, le personnel du CIIS accompagne les personnes touchées par la violence sexuelle et leur apporte toute l'aide nécessaire.
    Les membres des FAC qui souhaitent obtenir des renseignements sur le processus de signalement peuvent communiquer avec le CIIS afin d'examiner les options qui s'offrent à eux tout en restant anonymes. Les membres civils de l'équipe de la Défense peuvent aussi accéder au soutien des CIIS ainsi qu'au programme d'aide aux employés. Les CIIS sont un outil important, mais nous n'avons pas encore la solution parfaite. C'est pourquoi l'équipe de la Défense est au cœur d'un changement de fond en comble de sa culture institutionnelle.
    C'est la chose à faire. Ce n'est pas seulement un impératif moral. C'est aussi essentiel au succès des Forces armées canadiennes aujourd'hui et à l'avenir. Nous l'avons entendu maintes et maintes fois. Je pense que chaque membre du Comité sait qu'il s'agit d'un problème critique auquel nous devons nous attaquer pour trouver des solutions. Plusieurs mesures ont déjà été prises, mais il reste évidemment beaucoup à faire.
    C'était formidable d'entendre le chef d'état-major de la Défense par intérim — je crois que c'était hier ou avant-hier — bien disposé à écouter les experts externes pour s'assurer que tout est bien fait. Le changement de culture qui a été si difficile à mettre en œuvre... Je veux dire, ce n'est pas nouveau. Le problème existe depuis des dizaines et des dizaines d'années. Ce n'est pas facile de changer rapidement. Il ne suffit pas de faire des changements sur papier. Voilà pourquoi nous avons toutes ces initiatives et pourquoi nous devrions discuter de la complexité de ce changement de culture et de la façon d'y parvenir.
    Voilà pourquoi l'annonce de la nomination de Mme Arbour sera utile. Le changement de culture est mentionné directement dans l'amendement à cette motion, et c'est pourquoi il s'agit également d'une discussion importante.
    L'examen externe indépendant initial et complet mené par l'ancienne juge de la Cour suprême, Louise Arbour, est très important. De toute évidence, les recommandations du précédent rapport Deschamps n'ont pas été mises en œuvre. Il reste encore beaucoup à faire, mais Mme Arbour fournira la feuille de route et suggérera une façon de faire concrètement les choses que Mme Deschamps a dit qu'il fallait faire. Elle se penchera sur le harcèlement et l'inconduite sexuels au sein du MDN et des FAC et examinera les politiques, les procédures et les programmes, les pratiques et la culture au sein de la Défense nationale et recommandera des améliorations. À partir de là, nous apprendrons ce qui n'a pas fonctionné parmi toutes ces choses dont je parle aujourd'hui, les processus qui sont en place. Nous pouvons nous appuyer sur ce qui a fonctionné, voir ce qui n'a pas fonctionné et pourquoi cela n'a pas fonctionné.
    Cela a été noté et, comme je l'ai dit lors de réunions précédentes, plusieurs choses sont très déroutantes. Plusieurs bonnes choses étaient en place. Pourquoi n'ont-elles pas fonctionné? Pourquoi ont-elles encore conduit aux centaines de cas auxquels M. Garrison et moi-même avons faits allusion lors de réunions précédentes?
    Il est indiqué dans le mandat que Mme Arbour devra présenter un plan de travail dans les 30 jours suivant la date d'entrée en vigueur de son contrat.

  (13655)  

     Je tenais simplement à mentionner un autre point à propos du programme de soutien par les pairs, soit que le budget 2021 prévoit des fonds pour améliorer d'autres services de soutien, y compris l'accès à des conseils juridiques indépendants sans frais qui permettront aux membres des FAC d'obtenir du soutien sans déposer une plainte officielle.
     Un autre pas en avant, encore une fois pour rendre à César ce qui appartient à César pour les mesures qui ont été prises et qui doivent être reconnues, il a été annoncé que la lieutenante-générale, Jennie Carignan, commencera un nouveau rôle en tant que cheffe de la conduite professionnelle et de la culture au sein d'une organisation qui unifiera, intégrera et coordonnera l'ensemble des politiques, des programmes et des activités qui traitent actuellement de l'inconduite systémique au fil du changement de culture.
     Elle s'est adaptée rapidement à son nouveau rôle et travaille activement à constituer une équipe de base autour d'elle. Elle a déjà commencé à se pencher sur des enjeux clés, notamment l'élaboration d'un plan de sensibilisation et de consultation pour continuer à entendre les membres de l'équipe de la Défense, les anciens combattants et les intervenants, et à dresser un schéma des ressources et des processus hiérarchiques pour avoir une idée plus claire de ce qui existe pour guider les futurs efforts de rationalisation.
     En plus de ces mesures, notre gouvernement donne suite à son engagement à consulter les victimes d'infractions d'ordre militaire pour guider l'élaboration des règlements nécessaires à la mise en œuvre de la déclaration des droits des victimes dans le cadre du projet de loi C‑77.
    Le ministère de la Défense nationale s'est entretenu directement avec des groupes de victimes et lancera bientôt un questionnaire en ligne pour recueillir les commentaires anonymes d'employés du MDN et de membres des FAC. Nous avons certainement entendu des victimes de ces deux groupes, et il sera vraiment utile d'obtenir cette rétroaction anonyme pour laquelle elles n'auront aucune crainte de rétribution ou de représailles. Nous avons entendu dire qu'il s'agit de l'un des trois principaux points sur lesquels nous devrions formuler des recommandations pour aider le ministre, un ministre qui est prêt à apporter des changements majeurs à ce moment crucial où nous pourrions vraiment apporter des améliorations.
     Notre gouvernement a entendu les groupes de victimes qui ont généreusement donné de leur temps et de leur énergie pour partager leurs vécus et leurs commentaires avec nous et avec d'autres comités. Nous les avons entendus et nous agissons. C'est ce que demandaient les personnes survivantes et les experts qui ont témoigné ici et devant le Comité de la condition féminine.
     D'autres sources sont à la disposition des membres des FAC pour obtenir des services de counselling, des conseils et d'autres services de soutien, et c'est peut-être l'une des choses qui seront mises en évidence par Mme Arbour. Les membres ne sont pas au courant de toutes ces mesures de soutien et c'est peut-être l'une des raisons pour lesquelles elles ne sont pas aussi efficaces qu'elles devraient l'être. Il y a les centres médicaux des FAC, les aumôniers militaires, le programme d'aide aux membres des FAC, les centres de ressources pour les familles des militaires et le centre d'information pour les familles.
     Il y a aussi des centres de gestion des plaintes. C'est un autre moyen à la disposition des membres pour faire part de leurs préoccupations ou d'incidents par l'intermédiaire de l'un des 16 centres de gestion des plaintes répartis à la grandeur du pays dans le cadre du programme de gestion intégrée des conflits et des plaintes. Ce service combine les approches pour le traitement du harcèlement, des griefs et le règlement extrajudiciaire de différends de manière rationalisée, et ils font état du suivi et du règlement des plaintes d'inconduite comme le harcèlement sexuel. Si la nature de l'inconduite sexuelle nécessite l'intervention de la police militaire et du système judiciaire, les membres des FAC disposent également de mesures de soutien au cours de ce processus.
     Les équipes d'intervention en cas d'infraction sexuelle constituent une autre forme de soutien. La police militaire a mis sur pied six équipes d'intervention formées pour traiter les cas d'inconduite sexuelle de façon appropriée et avec empathie. Ces équipes sont à l'écoute des personnes survivantes et les aident à entrer en rapport avec d'autres ressources et systèmes de soutien dont elles ont besoin. J'ai certainement hâte que les personnes survivantes et celles qui portent plainte soient bien mieux traitées que certains des témoins que nous avons entendus et j'espère que ces nouveaux centres et la formation permettront d'offrir aux personnes survivantes un soutien et une formation bien plus pertinents.
     En outre, le directeur des poursuites militaires a formé une équipe d'intervention en cas d'inconduite sexuelle, composée de procureurs spécialement formés. Leur rôle consiste aussi à s'assurer que les personnes survivantes sont traitées avec compassion et compréhension et qu'elles reçoivent les renseignements et le soutien dont elles ont besoin tout au long de la procédure de justice militaire.

  (13700)  

     Il est essentiel de soutenir les personnes qui survivent à une inconduite sexuelle, et c'est pourquoi des mesures ont été prises pour veiller à la disponibilité et à la prestation d'un soutien dès qu'une personne demande un avis ou un conseil jusqu'à l'enquête et la poursuite. En plus des changements à venir, ces mesures contribueront à créer un milieu de travail sûr et inclusif où chacun est soutenu et traité avec respect.
    Nous créons un milieu de travail à la Défense où chacun est traité avec dignité et respect, et nous espérons que tous nos collègues se joindront à nous dans cet effort. Nous établirons le bon système, de sorte qu'en cas d'incident, les membres des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale ont accès à un processus adapté, équitable et compatissant.
    Les FAC et le MDN sont à l'écoute. Ils apprennent. Ils prennent des mesures pour créer un environnement où l'inconduite sexuelle n'est jamais minimisée, excusée ou ignorée. Nous devons aux femmes et aux hommes en uniforme — comme tous les membres du Comité l'ont dit, je pense —, à tous les membres de l'équipe de la Défense et aux Canadiens de bien faire les choses, et nous continuerons à travailler fort pour y parvenir, en plus de toutes ces initiatives.
    Il y a eu aussi le projet de loi C‑65, qui comporte une nouvelle réglementation sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail. Les comportements de cette nature, peu importe leur forme, ne seront évidemment pas tolérés. Les modifications au Code canadien du travail contenues dans le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail sont entrées en vigueur le 1er janvier 2021 et ils élargiront le cadre existant de prévention de la violence connu sous le nom de projet de loi C‑65.
    Ces modifications renforceront les dispositions du Code canadien du travail en instaurant une approche globale qui tient compte de toutes les formes de harcèlement et de violence. Ainsi, les ministères pourront mieux prévenir ce phénomène et y réagir, en plus de fournir du soutien aux personnes touchées par le harcèlement et la violence dans la fonction publique fédérale. Cette nouvelle réglementation touchera tous les employés de la fonction publique du MDN et les membres des Forces armées canadiennes qui les supervisent. La coordination et la mise en œuvre de cette nouvelle réglementation sont confiées au SMA des ressources humaines civiles en tant qu'autorité fonctionnelle pour la santé et le bien-être des employés de la fonction publique au sein du ministère. Nous avons entendu parler ici de harcèlement et d'inconduite sexuelle à l'égard de ces employés — et pas seulement des membres des FAC.
    En bref, cela signifie que, à l'instar de tous les ministères et organismes du gouvernement du Canada, nos obligations par rapport au harcèlement et à la violence dans le lieu de travail augmenteront. Nous aurons plus de détails au cours des prochaines semaines, mais voici quelques exemples de ce que nous ferons en vertu de cette nouvelle loi, notamment veiller à ce qu'un processus de règlement soit en place et que les problèmes soient réglés de façon rapide et transparente; déterminer les facteurs de risque qui contribuent au harcèlement et à la violence dans le lieu de travail et élaborer et mettre en œuvre des mesures préventives pour les atténuer; élaborer une formation sur le harcèlement et la violence et veiller à ce que toutes les parties du milieu de travail, y compris les employeurs, participent à cette formation.
    En parallèle, le VCEMD a été chargé d'étudier les changements potentiels à apporter aux politiques et aux programmes du FAC. Pour l'instant, la DOAD 5012‑0, Prévention et résolution du harcèlement et les instructions relatives à la prévention et à la résolution du harcèlement, accessibles uniquement sur le Réseau de la Défense, continueront à s'appliquer aux FAC. Au début de la nouvelle année, un groupe de travail sera formé pour mener — c'est cette année — un examen global du cadre des FAC en matière de harcèlement afin de le moderniser et de l'harmoniser, si possible, avec le Code canadien du travail. Le groupe de travail sera aussi chargé d'examiner les possibilités de simplifier et d'harmoniser les mécanismes et les programmes interdépendants existants, afin que, si possible, les employés du MDN et les membres des FAC bénéficient d'un traitement et d'une aide très similaires.
    Les programmes, les mesures de prévention et le soutien actuels resteront en place afin de mettre notre équipe de défense autant que possible à l'abri de tout préjudice physique et psychologique. Cependant, lors d'incidents de harcèlement ou de violence, nous devons travailler ensemble pour le reconnaître, l'éradiquer et prendre des mesures pour éviter que cela se reproduise. Avec cette nouvelle loi, le projet de loi C‑65 contribuera à renforcer nos efforts sur tous les fronts.

  (13705)  

    L'autre projet de loi que nous avons présenté — encore une fois, pour être honnête, des mesures ont été prises et des progrès ont été accomplis — est le projet de loi C‑77, Loi modifiant la Loi sur la Défense nationale — la déclaration des droits des victimes.
    On peut lire dans le sommaire du projet de loi:
Le texte modifie les dispositions de la Loi sur la défense nationale traitant du système de justice militaire.
Le texte ajoute au code de discipline militaire une nouvelle section intitulée « Déclaration des droits des victimes » qui prévoit que les victimes des infractions d’ordre militaire ont un droit à l’information, un droit à la protection, un droit de participation et un droit au dédommagement à l’égard des infractions d’ordre militaire. Le texte ajoute ou modifie plusieurs définitions, dont celles de « personne associée au système de justice militaire » et de « victime », et précise qui peut agir pour le compte de la victime pour l’application de cette section.
    Je sais que les conservateurs sont très sensibles aux droits des victimes et qu'ils y sont favorables.
    Le texte se poursuit comme suit:
Le texte modifie également la partie III de cette loi, afin, notamment:
a) d’énoncer l’objet du code de discipline militaire, ainsi que l’objectif essentiel de l’infliction des sanctions dans le cadre des audiences sommaires;
b) de protéger la vie privée et la sécurité des victimes et des témoins dans les instances concernant certaines infractions sexuelles;
c) de préciser les facteurs devant être pris en considération par le juge militaire pour décider si une ordonnance de huis clos est nécessaire;
d) de rendre plus facilement accessibles aux témoins vulnérables les mesures visant à aider les personnes à témoigner;
e) d’autoriser les témoignages à l’aide d’un pseudonyme lorsque les circonstances s’y prêtent;
    Nous avons tous entendu parler de représailles potentielles.
    Le texte se poursuit comme suit:
f) de rendre obligatoires, sur demande, les ordonnances de non-publication pour les victimes âgées de moins de dix-huit ans;

g) dans certaines circonstances, d’obliger le juge militaire à se renseigner auprès du procureur de la poursuite pour savoir si des mesures raisonnables ont été prises pour informer les victimes de la conclusion d’un accord entre l’accusé et le procureur de la poursuite;

h) de prévoir que la reconnaissance du tort causé aux victimes et à la collectivité soit un objectif de la détermination de la peine;

i) de prévoir différentes façons de présenter les déclarations des victimes;

j) de permettre que les déclarations sur les répercussions militaires et les déclarations au nom d’une collectivité soient prises en considération pour toutes les infractions d’ordre militaire;

k) d’ajouter un principe de détermination de la peine exigeant qu’une attention particulière soit accordée à la situation des contrevenants autochtones;
    Comme vous le savez, des dispositions du Code criminel prévoient aussi la même chose.
    Le texte se poursuit comme suit:
l) de permettre de prévoir, dans les règlements, des manquements d’ordre militaire qui peuvent être l’objet d’une audience sommaire;
    Cette mesure vise à permettre de traiter un plus grand nombre de cas...
    Madame la présidente, je me demande où est la pertinence ici.
    C'est complètement hors sujet maintenant. Je crois que M. Bagnell est en train de lire le rapport préliminaire que le juge Fish a remis au ministère de la Défense nationale. Il parle de justice militaire et d'infractions d'ordre militaire, et c'est très bien, mais c'est le sujet d'une prochaine étude. Ce n'est pas le sujet de l'étude sur laquelle nous travaillons en ce moment.
    Je lui demanderais de revenir au sujet.
    Madame la présidente, je vous demande d'essayer d'orienter le débat de manière à ce qu'il soit pertinent et qu'il se rapporte à l'amendement.
    Madame la présidente, comme je l'ai dit plus tôt, je n'aurais pas à faire cela si le député n'avait pas laissé entendre, probablement à plus d'une occasion, que rien n'a été fait.
    Notre mandat — en fait, le mandat énoncé dans la motion — a pour point de départ de régler le problème de l'inconduite sexuelle. Il n'est ni exact ni juste de dire que rien n'a été fait. Ce sont les assises sur lesquelles nous devons construire. Voilà pourquoi nous ne devrions pas débattre d'une motion qui n'apporte rien. Je pense que tous les membres peuvent constater que la motion dont nous sommes saisis n'apporte vraiment rien par rapport aux avancées sérieuses.
    J'ai presque terminé l'énumération. Je ne suis certainement pas en train de lire le rapport de M. Fish, mais j'aurais dû inclure le fait que nous l'avons commandé. Je ne l'ai pas inclus dans mon intervention, mais je n'ai pas consulté ce rapport. Je n'ai aucune idée de ce qu'il contient, donc je n'en fais certainement pas la lecture. J'ai presque terminé, alors je vais continuer de rendre à César ce qui appartient à César et empêcher les membres de laisser entendre que le gouvernement, les FAC, le MDN et un ministre favorablement disposé n'ont rien fait.
    La réglementation visant les infractions d'ordre militaire prévoit aussi qu'elles peuvent être traitées par voie sommaire, comme je l'ai dit, afin de traiter un plus grand nombre de cas. La réglementation peut prévoir une échelle de sanctions pour les infractions d'ordre militaire et les principes applicables à ces sanctions, prévoir un délai de prescription de six mois pour les audiences sommaires, et conférer aux commandants supérieurs, aux commandants et aux officiers délégués le pouvoir de tenir une audience sommaire à l'égard d'une personne accusée d'une infraction d'ordre militaire si cette personne a au moins un grade inférieur à celui de l'officier qui préside l'audience sommaire.
    Enfin, le texte apporte des modifications connexes et corrélatives à certaines lois. Plus particulièrement, il modifie le Code criminel afin d'inclure les participants au système de justice militaire dans la catégorie des personnes contre lesquelles des infractions relatives à l'intimidation d'un participant au système de justice peuvent être commises.
    Madame la présidente, je pense que tout cela témoigne d'avancées solides et sérieuses et, dans certains cas, ces mesures sont et seront utiles. Une grande partie de ce travail est en cours en ce moment même et les gens devraient le savoir. Je pense que les membres du Comité l'apprécieront, mais c'est pourquoi, pour être sérieux, nos discussions, au lieu de traiter de la motion... Bien que je sois reconnaissant pour l'amendement, il conserve les parties inappropriées de la motion, la reconvocation constante de témoins pour traiter d'un courriel anonyme dont personne ne connaît le contenu, parce que la personne tenait à ce qu'il reste confidentiel, ce qui est son droit.
    Au lieu de traiter de la motion, nous devons poursuivre l'examen de ce que nous avons entendu, et ce, dans trois domaines. Je pense que M. Baker et les autres membres du Comité comprennent très bien que c'est le changement de culture qui est évoqué dans cette motion, dans l'amendement. Il est malheureusement lié à une mauvaise motion, mais le bon amendement de M. Barsalou-Duval parle de culture, la chose importante dont nous devrions parler, si nous sommes sérieux, au lieu de reconvoquer des témoins que nous avons déjà entendus.
    Nous devrions parler de représailles. Je ne suis pas sûr que nous ayons eu suffisamment de discussions ou de recommandations. Je voudrais peut-être en faire quelques-unes au sujet des représailles, car je pense que personne n'ignore que l'une des raisons pour lesquelles les taux de dénonciation sont si bas est liée à la peur de représailles et de répercussions sur une carrière dont dépend la subsistance de votre famille et dans laquelle vous êtes entré avec grand honneur et vous voulez servir avec grand honneur, puis, pour avoir fait la bonne chose en dénonçant, craindre des représailles... Est‑ce que ce sera l'objet des discussions sérieuses que nous entreprendrons?
    Le troisième des trois points majeurs, à mon avis, est la façon dont ces éléments s'intègrent dans la chaîne de commandement, ce dont il a aussi été question dans le rapport Deschamps et un sujet sur lequel Mme Arbour présentera, je l'espère, une feuille de route sur la façon dont nous pouvons nous en occuper.

  (13710)  

    Cependant, nous pourrions faire d'importants progrès sur ces questions pour les personnes survivantes, ce sur quoi nous devrions toujours nous concentrer, au lieu de reconvoquer des témoins, de convoquer un témoin qui s'est déjà exprimé ou de suggérer que le débat se termine dans un certain délai afin que certaines recommandations ne puissent pas être débattues. Qui va prendre au sérieux un rapport alors que nous ne pourrions pas débattre ou discuter de recommandations?
    Je m'en tiendrai là pour le moment. Lorsque nous arriverons à la motion principale, j'aurai beaucoup plus de détails à donner sur certains de ces domaines. Je vais m'en tenir là pour l'instant.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Bagnell.
    Nous passons à madame Vandenbeld, je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Avant de commencer, je tiens à m'assurer que tous les membres du Comité sachent, pour donner suite au rappel au Règlement de M. Bezan, que lorsqu'un rapport est déposé au Parlement, comme celui du juge Fish le sera bientôt, tous les députés le reçoivent en même temps et des séances d'information technique leur sont proposées afin qu'ils puissent tous consulter ce rapport. Personne ne le reçoit à l'avance. Je tiens simplement à confirmer, comme le député le sait, que c'est la pratique habituelle. Comme M. Bagnell l'a dit, il ne fait pas la lecture d'un document qui n'a pas encore été déposé à la Chambre.
    L'autre chose que j'aimerais aborder avant de faire mes commentaires sur l'amendement à la motion, c'est de rectifier certaines déclarations que des députés de l'opposition ont faites plus tôt aujourd'hui et de m'assurer que tous ceux qui nous regardent ne se font pas de fausses idées sur ce qui se passe ici.
    Il a été mentionné, je l'ai entendu, que des réunions ont été annulées et d'autres ont été écourtées. Je tiens à rassurer tous ceux qui écoutent les délibérations d'aujourd'hui: aucune réunion n'a été écourtée avant l'heure de fin prévue...

  (13715)  

    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Je demande à tous les membres du Comité de respecter les règles d'honnêteté et d'intégrité. Lorsque des membres interviennent pour dire que d'autres membres ont dit...
    C'est un débat; ce n'est pas un rappel au Règlement.
    Ce n'est pas un débat.
    J'explique exactement...
    Si vous me laissez terminer mon rappel au Règlement, vous comprendrez en quoi il consiste.
     Le rappel au Règlement est le suivant: lorsque des députés disent que d'autres députés ne disent pas la vérité, cela contrevient au Règlement de la Chambre. C'est mon rappel au Règlement.
    Vous pouvez avoir une opinion sur ce qui se passe ici, mais vous ne pouvez pas dire que d'autres députés ne disent pas la vérité sur ce qui se passe ici.
    Je crois avoir dit que je ne veux pas que quiconque reste avec une fausse impression. Ce n'était pas une accusation contre un membre du Comité, et j'aimerais avoir la chance d'expliquer ma compréhension de ce qui se passe ici.
     D'après ce que je comprends, si nous examinons les procès-verbaux et les témoignages de toutes les réunions depuis le début, nous constatons qu'aucune ne s'est terminée avant l'heure prévue. De plus, il n'y a eu qu'une réunion dont on pourrait dire qu'elle a été annulée, une réunion qui a été suspendue à l'insistance de l'opposition parce qu'elle ne voulait pas que la séance soit ajournée. Les députés de l'opposition savaient alors que nous reviendrions et que nous pourrions mettre à l'ordre du jour le débat sur les rapports, ils ont donc insisté pour suspendre la séance. Puis, il y a eu des événements à la Chambre, en fait, une motion présentée à la Chambre qui a supplanté le sujet même que...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. La députée persiste encore à dire ce que d'autres députés pensent ou font. Elle a droit à ses opinions. Elle n'a pas le droit de laisser entendre ce que d'autres membres du Comité avaient comme motifs ou ce qui a inspiré leurs actions.
    Madame la présidente...
    Elle peut parler de ses opinions et de son point de vue sur ce qui s'est passé, mais elle n'a pas le droit d'attribuer des opinions et des points de vue aux autres membres du Comité.
     C'est une conduite déshonorante.
    Madame la présidente, je suis très étonnée de l'agressivité dont le député fait preuve à mon endroit. Je ne fais qu'exposer des faits à propos de différentes séances qui ont eu lieu, de l'heure à laquelle elles se sont terminées et si une réunion a été annulée ou non. Une déclaration a été faite plus tôt. Comme je l'ai dit, je veux m'assurer que les personnes qui nous écoutent ne restent pas avec des idées fausses sur ce qui s'est passé.
     La réunion que j'évoquais, dont on pourrait dire qu'elle a été techniquement annulée, a en fait été supplantée, car une motion a été adoptée à la Chambre des communes où la question que nous étions censés aborder a été débattue pendant huit heures. Cela a supplanté la réunion. En réalité, cette réunion a été suspendue. Il y a même eu une tentative pour faire adopter une motion de suspension.
     Je vais simplement passer en revue le problème plus global ici. Il s'agit d'une étude qui, à l'origine, devait durer trois ou quatre réunions. Elle dure maintenant depuis quatre mois. Notre comité se réunit généralement lorsque la Chambre siège. Il se réunit pour deux séances de deux heures, soit quatre heures par semaine. Pour cette seule étude, non seulement notre comité a dépassé de loin le nombre de réunions prévues à l'origine, mais il a siégé pendant 26 heures et 40 minutes de plus que le temps prévu pour les réunions. Cinq réunions d'urgence ont été convoquées, encore une fois, en plus du temps prévu pour ces réunions.
    À mon sens, il serait logique de dire que cette étude particulière a déjà fait l'objet de plus de débats, de plus de témoins, de plus de temps que ce qui était prévu. Je ne veux pas donner l'impression aux téléspectateurs ou à quiconque est à l'écoute que des réunions ont été annulées ou écourtées.
    Voilà simplement ce que je tenais à dire pour commencer.
     J'aimerais aussi parler de l'amendement et de la motion, parce que, qu'il s'agisse d'un rapport provisoire ou d'un rapport complet, la question de l'ajout de nouveaux témoins et de l'audition d'autres... Je note que des témoins inscrits sur la liste ont déjà comparu. Ce qui s'est passé, je crois, c'est qu'au fil de nos progrès, chaque fois que nous étions prêts à examiner le rapport et que nous avons en fait prévu des réunions pour examiner les trois rapports, une autre motion a été présentée pour convoquer un autre témoin ou un autre groupe de témoins. Je pense que dans chaque cas, nous avons convoqué ces témoins.
    Lorsqu'un témoin supplémentaire, M. Elder Marques, a été convoqué, nous avons entendu M. Marques. Ensuite, la cheffe de cabinet du premier ministre a été convoquée, et nous l'avons entendue. Nous avons maintenant entendu le ministre pendant six heures. Il est venu à la place de sa cheffe de cabinet, Zita Astravas. Même Mme Alleslev a dit dans son témoignage, il y a quelques réunions, que le Comité avait accepté cette substitution à l'époque.
    Je crains qu'on laisse entendre que nous essayons en quelque sorte d'empêcher des témoins de parler. Comme nous pouvons le constater, nous avons accueilli tous les témoins que les membres du Comité ont demandés, à l'exception de quelques-uns qui ont été proposés par l'opposition, comme Jason Kenney et quelques autres. Le fait est que, chaque fois, une autre motion est présentée. La motion dont il est question ici, avec ou sans l'amendement dont nous discutons, demande qu'il n'y ait aucun débat ou amendement lorsque nous discuterons du rapport. Elle ne demande aucune réponse du gouvernement, ce qui est une pratique et une procédure normales.
    À mon avis, il se passe que, parce que nous avons accepté tous les témoins qui ont été proposés, tous les témoins supplémentaires à chaque fois... Je n'attribue aucune motivation ici. On pourrait penser qu'il s'agit de pilules empoisonnées délibérément insérées dans ces motions, sachant que les membres du Comité ne seraient pas en mesure de les accepter, pour ne pas passer à l'étude du rapport.
    Je noterais, madame la présidente, que notre prochaine étude porte sur la justice militaire. En fait, le juge Fish est à la veille de déposer le rapport d'une étude très importante sur le système de justice militaire. J'implore encore une fois l'opposition, si elle souhaite trouver un consensus, de retirer la motion qui comprend, comme je l'ai dit, des éléments qui prévoient, selon mes calculs, une heure et 45 minutes pour débattre d'un rapport qui fait plus de 60 pages. La motion précise explicitement qu'il ne doit pas y avoir de débat ni d'amendement, ce qui est très antidémocratique et difficile à accepter en comité, alors que nous devons examiner les différentes parties du rapport et y apporter des amendements. De plus, elle ne demande pas de réponse du gouvernement.

  (13720)  

    Je suggère que si l'opposition retirait la motion amendée, nous pourrions peut-être alors examiner le rapport.
    Nous pourrions ensuite passer à l'étude sur le système de justice au moment même où le juge Fish déposera son rapport, ce qui nous offrirait une occasion incroyable. Nous pourrions faire comparaître le juge Fish et d'autres témoins qui pourraient parler d'un aspect de l'inconduite sexuelle revêtant une importance cruciale. D'ailleurs, presque tous les témoins que nous et le Comité de la condition féminine avons entendus estiment qu'il s'agit d'un enjeu fondamental pour déterminer si les victimes de harcèlement sexuel, d'agression sexuelle et d'inconduite sexuelle dans les forces armées obtiennent justice. Je parle ici du système de justice militaire.
    Voilà pourquoi je pense que les commentaires à ce sujet sont incroyablement pertinents et que nous avons une occasion en tant que députés. Comme je l'ai dit, je crois que tous les membres du Comité veulent ce qu'il y a de mieux pour les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes.
    Je souhaite ardemment que nous puissions mettre la partisanerie de côté et examiner les recommandations de cette étude. Franchement, beaucoup de recommandations découlent de témoignages importants. Mme Deschamps elle-même a comparu devant nous. Nous avons entendu des experts. Nous avons reçu des universitaires. Nous avons reçu des personnes qui sont venues témoigner en toute bonne foi, pensant que leurs témoignages déboucheraient sur un rapport et des recommandations.
    Encore une fois, j'espère vraiment que nous pourrons encore y arriver. Que nous adoptions ou non cette motion, je crois qu'il y aura un flot incessant d'autres motions. Nous avons vu que c'est la tendance à ce stade. Je crois que cette motion comporte, délibérément ou non, des éléments que l'opposition sait qu'elle ne peut pas appuyer, y compris l'interdiction de présenter des amendements ou d'avoir un débat sur un rapport très important.
    Madame la présidente, j'exhorte vraiment avec beaucoup d'insistance les membres du Comité à essayer de collaborer pour au moins permettre la publication de ce rapport et la divulgation des deux autres rapports... Nous n'aurons peut-être pas de rapport sur la justice militaire avant la fin de la session, mais nous pourrions entendre des témoignages vraiment importants. Je sais que si nous pouvions entendre le juge Fish, il aurait des choses très importantes à nous dire qui, je crois, sont pertinentes et d'une importance cruciale pour les personnes survivantes.
    Je veux parler davantage de la culture militaire. Vous vous souviendrez que j'ai parlé de plusieurs recommandations il y a plusieurs semaines qui découlent en fait de témoignages et de personnes survivantes. J'avais une liste de 92. Il m'en reste 27. Cependant, je vais la mettre de côté, car je vois que d'autres personnes souhaitent intervenir. J'y reviendrai dans un instant, dès que mes collègues auront eu l'occasion de s'exprimer.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (13725)  

    Merci, madame Vandenbeld.
    Monsieur Spengemann, je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier mes collègues pour leur intervention précédente, en particulier M. Bagnell, qui a souligné que le gouvernement du Canada a pris un nombre considérable de mesures. J'aimerais reprendre à mon compte l'appel lancé par Mme Vandenbeld pour que nous nous efforcions de transcender la partisanerie et de voir ce rapport comme peut-être le plus important que ce comité a eu l'occasion de publier dans son histoire récente.
     J'aimerais compléter l'aperçu que M. Bagnell a donné de l'action du gouvernement par une très brève intervention, madame la présidente, qui nous ramène à juin 2019 — il y a environ deux ans, lorsque le comité prédécesseur de la 42e législature a publié son rapport sur l'amélioration de la diversité et de l'inclusion dans les Forces armées canadiennes. L'étude qui a mené à ce rapport avait été présidée par Stephen Fuhr, à l'époque le député de Kelowna-Lake Country. Plusieurs membres du comité actuel ont également participé à cette étude, dont MM. Bezan, Garrison et Robillard ainsi que Mme Gallant. Je crois que M. Erin O'Toole, entre autres, avait été invité à comparaître. J'ai aussi eu le privilège de siéger à ce comité.
    Madame la présidente, ce rapport a eu une incidence considérable. Bien sûr, il a été publié avant les événements les plus récents concernant les anciens chefs d'état-major de la Défense, mais tous partis confondus, le Comité a reconnu qu'il y avait un problème fondamental de diversité et d'inclusion. Je pense que la question nous tenait tous très à cœur. Aucun rapport dissident n'a été publié. Le Comité s'est exprimé en tant que comité transpartisan, ce qui me semble extrêmement important dans ce genre de situations. Je voudrais m'en servir comme d'un tremplin pour attirer l'attention de mes collègues sur la possibilité qui s'offre à nous de faire front commun et de formuler une série de recommandations qui établiront de nouvelles normes.
    L'agression sexuelle n'était pas explicitement un sujet abordé dans le rapport, mais dans le cadre de son étude sur la diversité et l'inclusion, le Comité a fait une référence très importante aux questions de genre. Il a abordé la « culture sexualisée » des Forces armées canadiennes. Des collègues ont eu l'occasion de répondre à des questions sur l'analyse comparative entre les sexes et le cadre de l'ACS+ utilisé au Canada. Il y a eu des discussions, des recommandations et des textes sur la facilitation de la formation et de l'éducation à la diversité et sur l'importance de mobiliser les hommes en tant qu'alliés. Dans cette étude, nous avons eu le témoignage d'un officier des Forces canadiennes qui est un allié, qui a dénoncé et qui est courageux. Le rapport aborde des questions relatives à la responsabilité de l'état-major, en particulier, la collecte de données et la création de réseaux de soutien, le tout, madame la présidente, de façon non partisane, en portant une attention très concertée et axée, au‑delà des lignes de parti, sur ces questions très urgentes.
    En ce qui concerne les recommandations, certaines sont particulièrement saillantes, car à certains égards, elles font précisément écho à ce que le ministre nous a dit qu'il faisait et à l'une des priorités dont les médias font état. Je fais référence à la recommandation 13 du Comité, qui demande: « Que le gouvernement du Canada donne instruction aux membres de l’équipe de la haute direction des Forces armées canadiennes de mettre en œuvre un programme de parrainage de candidates prometteuses à des postes de direction au sein des Forces armées canadiennes au fur et à mesure qu’elles montent en grade ». Le ministre a parlé de cet objectif stratégique en évoquant la création d'une filière qui permettra aux femmes en nombre beaucoup plus important de servir non seulement en tant qu'officières, mais aussi à des niveaux supérieurs dans les Forces canadiennes et, au bout du compte, comme cheffes d'état-major de la Défense.
     En ce qui concerne la formation sur les préjugés inconscients, j'ai fait référence, lors de la dernière session, à l'expérience du Royaume-Uni sur les questions de formation. J'ai précisé cette optique en présentant certaines recommandations qui avaient été utiles au gouvernement britannique pour régler le problème. En 2019, nous avions aussi recommandé « que le gouvernement du Canada donne instruction aux membres de l’équipe de la haute direction des Forces armées canadiennes de mettre en oeuvre un programme de parrainage de candidates prometteuses à des postes de direction au sein des Forces armées canadiennes au fur et à mesure qu’elles montent en grade ».
    En ce qui concerne la responsabilisation des membres de l'état-major, nous avions recommandé « que les Forces armées canadiennes envisagent des options permettant de tenir le haut commandement responsable d’améliorer la représentation des femmes et des groupes minoritaires ». Il s'agissait d'une recommandation plutôt générale que nous voudrons probablement affiner à la lumière des témoignages que nous avons entendus au cours de notre étude.
    Comme recommandation fondamentale, « des programmes de formation offerts aux hommes et aux femmes sur l’équité entre les sexes et la diversité ». Encore une fois, il s'agit d'une recommandation que nous voudrons probablement affiner.

  (13730)  

    Comme je l'ai dit, le rapport de cette étude a été présenté il y a deux ans, en juin 2019. Le Comité a recommandé la tenue d'une « entrevue de départ » comme pratique courante en plus de recommander, en ce qui concerne les données, « que les Forces armées canadiennes, en collaboration avec des organismes et des universitaires pertinents et spécialisés, cernent et compilent les données sur les agressions sexuelles dans l’ensemble des divisions, unités et autres secteurs de l’armée ».
    Ce ne sont là que quelques exemples. Il y en avait d'autres, madame la présidente, mais je les évoque pour rappeler au Comité ce qui est possible si nous transcendons une approche partisane. À mon avis, il n'est pas très utile d'arriver à la table en présupposant une dissimulation, comme cela a été dit à quelques reprises.
    En fait, c'est le contraire. Le ministre lors de sa comparution et le premier ministre à la Chambre ont ouvertement reconnu que nous devons en faire plus pour les femmes et pour tous les membres des Forces canadiennes. Qu'il faut travailler, que la porte est ouverte, que « l'heure n'est plus à la patience », si je cite correctement le ministre, et qu'un « changement de culture » complet et total s'impose.
    Il s'agit en fait d'un message qui donne au Comité la latitude nécessaire pour ne pas dissimuler, mais bien révéler les difficultés, révéler les défis systémiques, ce que nous faisons, à mon avis, mais j'aimerais réintroduire l'argument selon lequel il faut être proportionnel. À la lumière des cas individuels qui ont été présentés, nous nous sommes concentrés pendant plusieurs séances sur une tâche habituellement confiée à un sous-comité, soit de discuter des noms de témoins supplémentaires.
    Nous épuisons notre temps, et les collègues de notre côté qui sont préoccupés par les recommandations font valoir que ce temps est précieux et que nous devons nous concentrer sur le fond des enjeux urgents pour faire en sorte qu'il n'y ait pas de prochains cas. Si nous nous contentons de mettre un pansement sur le problème en demandant et en obtenant peut-être quelques déclarations sur la façon dont un cas particulier a été traité ou non, ce qui est important en soi, mais ne règle pas la question fondamentale de savoir comment prévenir le prochain cas ou comment créer les structures de responsabilisation dont les Forces canadiennes ont un besoin si pressant.
    De plus, à la lumière de l'importante expérience comparative ailleurs... Je l'ai dit et je l'ai répété: je n'évoque pas dans mes interventions la situation d'autres pays, dont le Royaume-Uni, parce qu'il est intéressant de voir que quelque chose d'autre se passe ailleurs. Je le fais pour souligner la nature systémique de ce problème dans les forces armées, ce qui illustre en soi la profondeur de ces enjeux en ce qui concerne les cultures sexualisées. Pendant des générations, l'égalité des sexes dans l'armée n'a pas été une priorité, et nous devons vraiment améliorer la situation de toute urgence, non pas au cours des 10 prochaines années, mais littéralement à très brève échéance.
    Dans ce même ordre d'idées, madame la présidente, permettez-moi de citer la conclusion du rapport de 2019.
    Encore une fois, je tiens à remercier les collègues qui sont ici aujourd'hui et qui ont siégé à ce comité au cours de la 42e législature et qui ont fait le travail difficile. Nous l'avons fait de manière très collaborative, comme vous vous en souvenez tous. Les témoignages ont été difficiles à entendre. Ils nous ont pris de court à bien des égards. Tout cela a précédé les événements les plus récents, qui ont encore accru l'urgence et l'importance du problème, mais je pense que nous étions très engagés et que nous étions vraiment tous du même côté de la table pour régler ces questions.
    Madame la présidente, nous avons conclu dans ce rapport, à la dernière page, je crois que c'était à la page 60, c'était donc un rapport substantiel, ce qui suit:
Le principal message qui ressort des témoignages entendus est celui-ci: la transformation de la culture, si elle est difficile à réaliser et à mesurer, est surtout urgemment nécessaire. Certes, les FAC agissent pour promouvoir l’inclusion et le respect de la diversité au pays et à l’étranger. Mais s’« [i]l ne fait aucun doute que les Forces armées canadiennes ont amorcé un virage vers une culture militaire plus inclusive et accueillante qui valorise davantage la diversité, a dit Mme Perron—
    Mme Perron dont il est question ici est la capitaine (retraitée) Sandra Perron, la « première femme à devenir officière d’infanterie » des Forces canadiennes.
— « […] cela se fait toutefois trop lentement. Il ne suffit pas d’amorcer un virage. Une transformation radicale s’impose ».
    Fin de la citation. Encore une fois, ce « virage » qu'elle réclamait en 2019, quelque deux ans avant les événements les plus récents, est encore plus urgent maintenant, et pour faire ce virage, nous devons passer en revue les recommandations. Nous devons les analyser. Nous devons les classer par ordre de priorité, choisir les meilleures, celles qui permettront d'apporter le plus de changements le plus rapidement et ne pas simplement les mettre aux voix dans une seule séance parce que nous aurons épuisé notre temps à rechercher des témoins pour obtenir une ou deux phrases de plus susceptibles d'étayer un préjugé que certains d'entre nous entretiendraient à propos d'une dissimulation.
    Encore une fois, c'est le contraire, à mon avis. La porte est ouverte à de vraies recommandations, à un vrai changement et à une approche transpartisane pour montrer au public canadien que notre comité est vraiment saisi de la question la plus pressante, comme je l'ai dit, dans l'histoire récente des Forces canadiennes et qu'il est prêt et apte à se réunir et à formuler des recommandations qui amèneront le pays dans un espace très différent à très brève échéance.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (13735)  

    Merci, monsieur Spengemann

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Je suis un peu perdu. Pouvez-vous passer à un autre et revenir plus tard, s'il vous plaît?
    Bien sûr, je vous remercie.
    Monsieur Casey, c'est votre tour.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    C'est agréable d'être ici pour participer à cette réunion du Comité. Je suis ici en remplacement, bien sûr, de M. Baker, et je pense que s'il était ici, vous auriez une intervention beaucoup plus éloquente de quelqu'un d'aussi bien renseigné que lui. J'apporte un point de vue extérieur au sujet à l'étude et une certaine expérience en matière de procédure. Certaines choses s'imprègnent en nous après 10 ans passés ici.
     Je sais que M. Bezan est très soucieux de s'assurer que nous parlons de l'amendement et de la motion et de veiller à restreindre assez étroitement les limites de la pertinence, alors je vais commencer en fait par l'amendement proposé.
     Selon l'amendement, la portée de l'étude débouchera probablement sur de nouveaux faits, et au deuxième alinéa, il indique que le Comité croit qu'un rapport est nécessaire de toute urgence pour mettre fin à la culture qui existe au sein des Forces armées canadiennes. Il demande ensuite la présentation d'un rapport provisoire, ce qui permettra de prendre certaines mesures en attendant la présentation d'un rapport plus complet.
     La première chose qui me frappe ici est l'incohérence, bien honnêtement, entre l'amendement et la motion principale. L'amendement parle d'urgence, mais la motion principale vise à prolonger la liste des témoins. J'aurais pensé que si nous adoptions l'amendement et la théorie de l'urgence, nous ne prolongerions pas la liste des témoins après quatre mois de travail sur le rapport.
     Je suppose que l'autre point que je soulignerais est fondé, je me répète, sur 10 ans d'expérience des comités parlementaires. D'après mon expérience, au début d'une étude, chaque partie propose des témoins. Ils sont classés par ordre de priorité, puis classés en fonction de la position des partis à la Chambre ou au sein du Comité. Il s'agit, je crois, d'une tradition respectée dans les 22 comités du Parlement. C'est une tradition que j'ai certainement vue, observée et respectée dans les comités où j'ai siégé au fil des ans, y compris celui que je préside actuellement, le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées.
    Une logique solide sous-tend cette façon de faire. S'il est possible d'identifier des témoins et de les classer par priorité dès le départ, il est possible d'élaborer un plan de travail. Comme on dit, on établit un plan de travail, puis on travaille sur le plan. Lorsque vous êtes engagé dans une étude depuis quatre mois et qu'on vous demande de convoquer d'autres témoins qui ne sont vraisemblablement pas passés par le processus initial, il est difficile de croire à l'existence d'un véritable sentiment d'urgence dans le dossier lorsqu'il se poursuit ainsi.
     L'amendement évoque la culture et en traite. Manifestement, au cours des derniers mois, les Canadiens ont entendu les récits déchirants de membres des Forces armées canadiennes et de collègues civils qui ont été victimes de comportements et de traitement tout à fait inacceptables. De plus, comme le souligne l'amendement, leurs récits ont été ignorés pendant bien trop longtemps. Par exemple, l'opposition était au courant des rumeurs visant le général Vance en 2015, mais elle l'a quand même nommé.

  (13740)  

    Ils l'ont nommé alors qu'une enquête du Service national d'enquête des Forces canadiennes était en cours à son sujet et ils l'ont nommé au poste le plus élevé au sein des Forces armées canadiennes. L'actuel chef de l'opposition officielle affirme avoir transmis les rumeurs d'inconduite sexuelle visant le général Vance en 2015 et il a prétendu que ces rumeurs avaient été examinées. Je pense que cela soulève la question: Comment est‑il possible que le général Vance ait été nommé à l'époque et que l'enquête ait été soudainement abandonnée?
     Il ne fait aucun doute que ce que les membres ont enduré est mal. Les Forces armées canadiennes ont pour mission d'assurer la sécurité au pays et à l'étranger. L'organisation doit plus aux personnes survivantes. Chaque membre des Forces armées canadiennes fait d'énormes sacrifices personnels pour protéger les Canadiens, et quel que soit son grade ou son identité sexuelle, chacun a le droit indéniable de servir en toute sécurité. L'urgence de cet enjeu, l'urgence du changement de culture nécessaire, est décrite dans l'amendement, à juste titre.
     Le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes doivent être à la hauteur de cette attente. Le ministre a toujours suivi les processus mis en place. Nous l'avons entendu à plusieurs reprises. Il a toujours suivi les processus en place lorsque des allégations ont été portées à son attention. C'est ce qu'il a toujours fait et c'est ce qu'il continuera de faire.
    Notre gouvernement prend des mesures importantes. Contrairement à l'allégation selon laquelle rien n'a été fait, qu'aucune mesure n'a été prise, pour faire fond sur les propos de mon ami du Yukon, je dirai que nous prenons des mesures importantes pour lutter contre l'inconduite systémique au sein des Forces armées canadiennes et pour opérer le changement de culture dont il est question dans l'amendement et le changement de culture qui est nécessaire au sein de l'organisation. La nécessité de changer la culture de l'armée est née d'une réalité, soit que le vécu de nombreux membres de l'équipe de la Défense ne corresponde absolument pas aux valeurs professées par l'organisation, notamment l'intégrité, l'inclusion et la responsabilisation. Cela doit changer et en tant que gouvernement, nous avons à cœur de concrétiser ce changement.
    Si nous voulons que ce changement soit concret, important et durable, nous devons réfléchir honnêtement à ce qui s'est passé. Lorsque nous constatons des manquements et des fautes, nous devons en accepter la responsabilité.
    Comme dans le cas de l'actuel chef de l'opposition officielle, selon la logique de l'opposition, devrait‑il être congédié pour avoir entendu une rumeur d'inconduite visant le général Vance? Comme nous le savons, quelques jours seulement après la nomination du général Vance par le gouvernement précédent, l'enquête a été close. Selon la demande d'accès à l'information, le commandant a dit qu'il était sous « pression ». Qui a exercé cette pression, à leur avis?
    Lorsque nous serons en mesure de tirer des leçons, nous devrons saisir l'occasion de bâtir une meilleure organisation. Lorsque les membres de l'équipe de la Défense partagent leurs récits et leur vécu, nous devons les écouter, leur prêter une oreille attentive. Cela m'amène également à la motion principale et à l'incohérence avec l'urgence de la nécessité d'un changement de culture.
    La motion principale réclame la présentation d'un rapport sans demander une réponse de la part du gouvernement. S'agit‑il sérieusement d'une motion qui respecte l'urgence ou la nécessité de faire en sorte qu'il n'y ait pas d'autres victimes lorsqu'aucune réponse n'est demandée au gouvernement, ou s'agit‑il d'autre chose?
    L'objectif ultime devrait être simple. Nous espérons faire en sorte que chaque membre de l'équipe de la Défense soit valorisé et respecté. La culture et la conduite professionnelle de la défense doivent respecter les valeurs fondamentales et les principes que notre armée aspire à respecter en tant qu'institution nationale. C'est ce que les membres des Forces armées canadiennes, les anciens combattants, les recrues, les employés civils et les Canadiens attendent et méritent de l'organisation.
    Récemment, le ministre de la Défense nationale a annoncé la création d'une organisation pour nous y conduire. Nous avons entendu M. Bagnell y faire référence. Entre autres initiatives, le ministère de la Défense nationale a nommé la lieutenante-générale Jennie Carignan au poste de nouvelle cheffe de la conduite professionnelle et de la culture du ministère de la Défense nationale.

  (13745)  

    Il est difficile de penser à une personne mieux qualifiée pour diriger cette initiative importante. Sous sa direction, l'organisation de la conduite professionnelle et de la culture unifiera, intégrera et coordonnera l'ensemble des politiques, des programmes et des activités visant à lutter contre l'inconduite systémique et à faciliter le changement de culture au sein des forces. Cette nouvelle organisation comprendra une nouvelle sous-ministre adjointe, qui la soutiendra directement. L'équipe réunira des militaires de tous les grades et de toutes les classifications, reflétant la diversité à laquelle les Canadiens s'attendent.
     Ne vous méprenez pas: Il ne s'agit pas d'une solution générique toute faite à un problème de longue date. Avant de prendre toute mesure, les personnes qui s'emploient à apporter des changements écouteront activement les récits des personnes touchées — des personnes de tous grades, de tous les niveaux et de toutes les installations dans toutes les régions du pays.
     Les membres de l'organisation de la conduite professionnelle et de la culture feront honneur au vécu de chacun, respecteront l'individualité de chaque personne et se garderont de juger ou de présupposer. Ils écouteront afin que le vécu des gens guide la voie vers l'élimination de la discrimination, des préjugés, des stéréotypes nuisibles et des obstacles systémiques.
     Comme un si grand nombre de membres de l'équipe de la Défense ont déjà fait part de leur vécu et de leurs recommandations, nous n'avons pas besoin d'attendre avant de mettre en œuvre plusieurs changements grandement nécessaires. La lieutenante-générale Carignan prendra plusieurs mesures pour apporter ces changements dès maintenant.
     Pour commencer, on mettra un terme à l'opération HONOUR. Il a déjà été longuement question de mettre fin à cette initiative, mais il vaut la peine de le répéter.
     La lieutenante-générale Carignan et son équipe examineront toutes les recherches effectuées dans le cadre de l'opération HONOUR afin que ces résultats puissent guider les efforts renouvelés de changement de culture. Cette nouvelle équipe élaborera des mécanismes en vue de mettre en œuvre le Règlement sur la prévention du harcèlement et de la violence dans le lieu de travail en vertu du projet de loi C-65, ce que M. Bagnell a aussi évoqué, et elle appuiera les efforts en cours pour mettre en œuvre les dernières dispositions du projet de loi C-77. Cela comprendra l'intégration de la déclaration des droits des victimes dans la Loi sur la défense nationale.
     La tâche suivante consistera pour l'équipe à établir un cadre qui permettra de réaliser plusieurs objectifs à plus long terme. Elle réalignera les responsabilités, les politiques et les programmes qui traitent d'éléments d'inconduite systémique dans l'ensemble du ministère de la Défense nationale et des forces. Elle simplifiera et améliorera les mécanismes de dénonciation d'inconduite, y compris pour les personnes qui ne font pas partie de la chaîne de commandement. Elle donnera plus de poids aux mécanismes de soutien aux personnes qui ont été victimes d'inconduite et les renforcera. Elle améliorera les mécanismes de suivi, depuis la dénonciation de l'inconduite jusqu'à la clôture du dossier et elle intégrera des points de données supplémentaires, comme l'intersectionnalité, les représailles, la satisfaction et la rétention des membres. Enfin, elle pilotera les efforts de l'institution visant à élaborer un cadre de la conduite professionnelle et de la culture qui s'attaque à tous les types de comportements, de préjugés et d'obstacles systémiques préjudiciables.
     De nombreux travaux visant à créer des milieux de travail sains, sûrs et inclusifs sont déjà en cours au sein du ministère. De nombreuses organisations se concentrent sur l'élaboration de programmes et de politiques qui nous font avancer dans la bonne direction. Entre autres, il y a l'ACS+, le programme de gestion intégrée des conflits et des plaintes, le Secrétariat de la lutte contre le racisme du Canada et le Plan d'action national du Canada pour les femmes, la paix et la sécurité. L'équipe de la conduite professionnelle et de la culture collaborera avec les personnes qui dirigent chacun de ces efforts pour faire progresser leur bon travail et elle tirera le meilleur parti des consultations, des conversations, des examens externes et indépendants et des analyses en cours pour éclairer la voie à suivre.

  (13750)  

    L'organisation chargée de la conduite professionnelle et de la culture est mise sur pied en étant clairement entendu que les efforts de changement antérieurs ont été loin d'être à la hauteur des besoins, un constat qui est bien sûr reconnu dans l'amendement dont nous débattons aujourd'hui.
     Comme la lieutenante-générale Carignan l'a dit, ces efforts étaient morcelés, ce qui a donné lieu à des efforts cloisonnés et à des changements fragmentaires. Avec la formation de cette nouvelle organisation, l'équipe de la Défense adopte une approche fondamentalement différente. Comme la lieutenante-générale Carignan l'a aussi dit, la nouvelle approche constituera une façon plus holistique et cohérente de relever les défis complexes auxquels les Forces armées canadiennes sont confrontées.
    J'aimerais prendre un moment pour souligner la chance du Canada d'avoir une cheffe de file décorée comme la lieutenante-générale Carignan à la tête de cette initiative cruciale. Forte de 30 ans d'expérience militaire, elle a participé à des opérations dans le monde entier et a récemment exercé un énorme rôle de leadership en tant que commandante de la mission de l'OTAN en Irak de novembre 2019 à novembre 2020. Elle a été nommée commandeure de l'Ordre du mérite militaire et a reçu la Médaille du service méritoire, en raison de son engagement exceptionnel envers nos Forces armées canadiennes, leurs missions et notre pays.
    La lecture de sa biographie professionnelle est un exercice d'humilité. En plus d'une éthique de travail exceptionnelle, elle apporte à ce rôle une profonde compréhension des meilleures pratiques militaires, et elle a déjà montré qu'elle était une dirigeante vraiment douée.
    Je tiens à réitérer notre plus profonde préoccupation pour le bien-être de chaque membre de l'équipe de la Défense. La formation de l'organisation de la conduite professionnelle et de la culture témoigne de l'engagement réel de notre gouvernement envers l'équipe de la Défense. Nous avons montré que nous avons à coeur de créer un changement de culture durable au sein de l'équipe de la Défense. C'est ce que nous ferons, et j'espère que ces remarques auront été utiles à ces délibérations.
    Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Casey.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
     Merci, madame la présidente.
    Je tiens à m'excuser auprès de mes collègues de ce problème technique.
    Nous devons apprendre de ceux que nous avons laissés tomber et les écouter. Nous devons apporter des changements qui tiennent vraiment compte de nos gens, de leurs besoins et de leurs divers antécédents.
    Il y a peu de temps, le ministre de la Défense nationale a annoncé le lancement d'un examen externe, indépendant et complet visant le ministère de la Défense nationale et les Forces armées canadiennes. C'est un pas dans la bonne direction. Je pense que nous devons essayer d'aller dans cette voie et d'apporter notre contribution en examinant les recommandations plutôt qu'en invitant plus de témoins. Aussi, la culture et la conduite professionnelle dans le milieu de la Défense doivent refléter les valeurs fondamentales et les principes éthiques que nous souhaitons respecter en tant qu'institution nationale.
    C'est ce à quoi s'attendent les militaires, les vétérans, les recrues, les employés de la fonction publique et la population canadienne, et c'est ce qu'ils méritent. Nous avons tous la responsabilité personnelle de créer un milieu de travail exempt de violence, de harcèlement et de discrimination de toute forme. Le groupe du Chef — Conduite professionnelle et culture nous aidera à garantir que nous respectons cette norme.
    Ce nouveau groupe permettra d'unifier et d'intégrer toutes les activités liées aux changements culturels réalisés à l'échelle du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Il deviendra le centre d'expertise et l'unique autorité fonctionnelle pour ce qui a trait à la conduite professionnelle et à la culture. Il sera dirigé par la lieutenante-générale Jennie Carignan, qui sera directement appuyée par un sous-ministre adjoint.
    La composition de l'équipe initiale sera inclusive et comprendra du personnel de tous les grades et de toutes les qualifications, et ce, afin de refléter la diversité à laquelle s'attendent les Canadiens et les Canadiennes. Les mesures que nous adopterons pour amorcer le changement culturel intégreront ce que nous aurons appris en écoutant les personnes touchées par l'inconduite.
    Nous prendrons soin d'être à l'écoute de nos gens, à tous les échelons et dans l'ensemble des régions du pays.
    Les expériences vécues et les suggestions ainsi recueillies permettront de guider les différentes mesures, solutions et décisions du Chef — conduite professionnelle et culture, afin d'éliminer la discrimination, les préjugés, les stéréotypes nuisibles et les obstacles systémiques.
    L'équipe travaillera de concert avec différents groupes à l'échelle du MDN et des FAC qui font déjà des progrès dans la création de milieux de travail sains, sûrs et inclusifs, en plus de tirer profit des consultations, des conversations, des examens externes indépendants et des analyses en cours. Les recherches, l'expertise de même que les stratégies et initiatives complémentaires dont l'équipe pourra bénéficier comprennent l'ACS+; la Statégie de santé globale et de bien-être; la Gestion intégrée des conflits et des plaintes; le Secrétariat de lutte contre le racisme; la stratégie des FAC en matière de diversité; la stratégie canadienne de lutte contre le racisme; et le Plan national d'action du Canada consacré aux femmes, à la paix et à la sécurité.
    Nous intégrerons et mettrons en œuvre les changements recommandés par Mme Louise Arbour, par l'entremise de l'examen externe, indépendant et complet, y compris les recommandations et les évaluations intérimaires. Le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle continuera, en tant qu'entité externe et indépendante de la chaîne de commandement des Forces armées canadiennes, à offrir du soutien aux personnes touchées par l'inconduite sexuelle, à prodiguer des conseils d'experts et à surveiller les progrès réalisés dans la lutte contre l'inconduite sexuelle.

  (13755)  

     En outre, le budget de 2021 prévoit un nouveau financement pour intensifier nos efforts visant à éliminer l'inconduite sexuelle et la violence fondée sur le sexe dans les Forces armées canadiennes, ainsi que pour appuyer les survivants. Nous annoncerons de plus amples détails à ce sujet au cours des prochaines semaines.
    Merci, madame la présidente.

  (13800)  

    Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    Nous allons passer à monsieur Spengemann, je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Chers collègues, je crois qu'il y a deux ou trois séances, j'étais en train de vous apporter des parties de l'expérience britannique en ce qui concerne deux points. Le premier est leur approche pour anticiper l'inconduite dans les forces armées britanniques, puis la correction et l'approche pour traiter l'inconduite, le cas échéant.
    J'évoque l'expérience britannique pour illustrer le caractère systémique du problème, comme je l'ai dit, dans un certain nombre d'armées dans le monde avec lesquelles nous collaborons très étroitement, que ce soit dans le cadre de l'OTAN ou les Nations unies ou d'autres coalitions. C'est aussi parce que l'expérience britannique en particulier, dont j'ai parlé en premier, et il y a d'autres pays, a été éclairante. Il ne s'agit pas seulement de quelque chose d'intéressant qui se produit en parallèle. Cela a un rapport direct avec notre travail. Certaines recommandations portent sur des enjeux que nous n'avons pas abordés ou que nous n'avons pas examinés.
    Dans le contexte de la motion et de l'amendement, l'amendement renvoie explicitement à la présentation de nouveaux faits au Comité. Les faits nouveaux peuvent prendre la forme de témoignages, mais aussi de preuves documentaires et de rapports. Les travaux effectués sur le même enjeu ailleurs dans le monde sont extrêmement pertinents.
    Dans sa forme originale, la motion principale visait, si j'ai bien compris, à interrompre nos travaux le 28 à 14 h 45, puis à passer directement au vote sur les recommandations. Cela me pose un certain problème, car je pense qu'il y a des passages pertinents dans les travaux que les forces armées du Royaume-Uni et d'autres pays ont faits. J'essaierai d'en faire état au cours des séances que nous tiendrons avant la formulation de ce qui sera, je l'espère, un rapport multipartite — pas un rapport provisoire, à mon avis, mais un rapport de fond qui renferme les recommandations nécessaires pour produire des changements dès cet été.
    Le rapport des forces armées britanniques s'intitule Report on Inappropriate Behaviours. Il a été publié un mois après la publication de notre rapport parlementaire au cours de la 42e législature, dont j'ai parlé quelques interventions auparavant. Le Comité d'alors n'a pas bénéficié de cette expérience lors de ces délibérations, mais nous pouvons en bénéficier maintenant.
    Permettez-moi d'aborder certaines recommandations. Elles traitent de plusieurs enjeux liés à la formation et à un concept que les forces armées britanniques appellent le « mentorat inversé », que nous n'avons pas examiné, je crois. Fait très important, le rapport traite également du rôle des observateurs d'inconduite. Les témoins qui ont comparu ici nous ont dit à maintes reprises que nous devons trouver des moyens d'offrir aux militaires des forces armées ou aux membres civils qui observent des inconduites sexuelles ou d'autres conduites inappropriées les mécanismes qui leur donneront la confiance nécessaire pour s'exprimer et dénoncer et devenir des agents de changement.
    Le Royaume-Uni part d'une prémisse très simple: « Nous devons en faire plus pour empêcher les inconduites ». Une grande partie de l'attention que nous avons accordée a porté sur les mécanismes de dénonciation d'inconduites. Il se pourrait bien que des inconduites n'aient pas encore été signalées. En fait, des données probantes laissent croire que cette tendance est bien présente tant que la culture n'a pas changé. L'analyse britannique demande: en plus d'établir des mécanismes de dénonciation appropriés, que pouvons-nous faire d'autre pour prévenir le problème et nous assurer qu'au bout du compte, aucun cas ne soit signalé, non pas parce que les militaires n'ont pas la confiance voulue pour s'exprimer, mais parce qu'aucune inconduite n'a eu lieu? Bien sûr, c'est l'état ultime auquel nous aspirons tous.
    Voici un extrait, traduit librement, du rapport du Royaume-Uni:
Cette partie du rapport traite de la façon dont nous devrions mieux préparer le personnel, en donnant le ton et en permettant aux gens d'acquérir les compétences dont ils ont besoin pour empêcher les inconduites. Cela relève principalement de la responsabilité de la seule haute direction des services et de la fonction publique, et une somme considérable de travail est déjà en cours. En rédigeant le rapport, nous avons répertorié les plus récentes réflexions et les pratiques exemplaires d'organismes professionnels, d'universités et d'autres organisations externes, y compris les forces armées alliées.
    Quelques séances auparavant, j'ai évoqué le fait que le Royaume-Uni nous a cités dans l'une de ses recommandations. On a cité le travail qui a été accompli par les Forces canadiennes. Il faut collaborer et échanger les pratiques exemplaires et les solutions. On dit aussi dans le rapport:
Il s'agit de changer le niveau de tolérance et l'acceptation culturelle de l'inconduite dans tous les secteurs de la Défense et à tous les niveaux. Cela nécessitera un effort concerté et une attention soutenue; le succès se mesurera en années et non en semaines.

  (13805)  

    Nous pouvons être en désaccord avec cette dernière phrase. Le ministre a été très clair en disant que l'heure n'est plus à la patience. Nous voulons des progrès plus rapides, qui ne se mesurent pas en années, mais en semaines, sinon en mois.
     Quoi qu'il en soit, la préparation de l'effectif est un aspect crucial et l'effectif englobe l'ensemble du secteur de la défense. Selon le rapport:
« Si une équipe bénéficie d'un bon leadership, les comportements inacceptables, comme l'intimidation, le harcèlement et la discrimination au sein de l'équipe, ne seront pas tolérés ». Le leadership est la clé pour mettre en place les conditions nécessaires à l'amélioration des comportements dans l'ensemble de la Défense. Il crée un environnement dans lequel notre personnel, militaire et civil, a confiance dans la chaîne de commandement à tous les niveaux, partage une compréhension claire de ce qui constitue un comportement approprié et est habilité à le dénoncer lorsqu'il ne l'est pas. Les dirigeants donnent le ton en servant de modèles, en prenant conscience de leurs propres attitudes et préjugés et en acquérant l'intelligence et la compréhension de la culture de l'ensemble de la force. La rétroaction en temps réel aux dirigeants, en particulier de la part du personnel plus subalterne de l'organisation, est importante et peut être assurée grâce au mentorat inversé, aux rapports tous azimuts et à des groupes de discussion.
    En passant, madame la présidente, le mentorat inversé, pour ceux d'entre nous qui découvrent ce concept pour la première fois, contrairement au mentorat traditionnel qui va d'un membre plus ancien d'une organisation à un membre plus jeune, que ce soit dans le milieu universitaire, le secteur privé ou la fonction publique. Dans ce cas‑ci, il s'agit de mettre un jeune membre des forces armées dans une relation de mentorat avec un membre plus ancien afin de lui donner une rétroaction et de lui faire bien comprendre son vécu. L'idée peut ne pas être évidente, ou le militaire de haut rang peut ne pas avoir été exposé dans la mesure où il ou elle doit l'être pour être un gestionnaire du changement au sein de l'organisation. C'est un concept novateur. Je crois que nous pourrions bien vouloir nous intéresser à son utilité dans notre rapport.
    Le rapport poursuit:
Depuis deux ans, la Royal Navy compte sur les travaux d'un groupe d'action pour la diversité et l'inclusion et la Royal Air Force a récemment formé un conseil fantôme pour la diversité et l'inclusion. De même, certaines unités de l'armée de terre ont adopté cette approche en créant des « conseils régimentaires pour l'inclusion » en guise de mécanisme permettant de saisir les comportements et de fournir une rétroaction au commandant; cette approche inclusive est particulièrement efficace pour tenir compte des points de vue des cohortes subalternes.
    Nous avons entendu à maintes reprises, en ce qui concerne les Forces canadiennes, qu'il existe un fossé entre les générations. Le problème révèle une véritable distinction entre les grades supérieurs de la chaîne de commandement et les grades inférieurs, de même qu'avec les grades intermédiaires. Nous pouvons lire ensuite:
L'initiative complète le Programme d'habilitation de l'armée qui vise à déléguer l'autorité à des niveaux de commandement plus subalternes.
    Et à réaliser ainsi un changement de culture.
    Voici la recommandation qui suit cette analyse:
Les services soutiennent et favorisent le leadership connecté dans leur formation et leur préparation des dirigeants. Les mécanismes de rétroaction, comme les mentors inversés, les groupes de discussion et les rapports tous azimuts sont des pratiques exemplaires et devraient être maximisés.
    On fait ensuite référence dans le rapport à un concept dont je ne suis pas certain que nous l'avons répertorié dans la nomenclature de nos travaux, mais qui s'appelle les « autres personnes référentes »:
La recherche universitaire fait référence aux membres les plus visibles et les plus influents d'un groupe ou d'une communauté en tant qu'« autres personnes référentes »; ce groupe comprend les dirigeants, les instructeurs et d'autres personnes en position d'autorité. Leur comportement a non seulement un effet disproportionné sur la construction et la propagation de la norme, mais ils sont des agents importants pour le maintien de la culture d'une organisation.
    Si nous prenons les dirigeants au sein de la défense, pas forcément dans le contexte de la chaîne de commandement, mais en voyant les formateurs, les conseillers externes et les instructeurs comme des personnes référentes, comme des personnes pouvant perpétuer la norme, nous avons un élément clé pour réussir le changement de culture. Ce sont des multiplicateurs. Ce sont des amplificateurs de la norme. Voilà la granularité que nous devons atteindre dans notre rapport. Nous devons trouver les endroits au sein des Forces canadiennes où ces types d'approches et de modèles sont utiles.
    La chaîne de commandement est un facteur à considérer, et un facteur très important. Dans cette observation, les forces britanniques ont cerné et souligné un concept plus large, à savoir que l'identification, la formation et la préparation d'autres personnes référentes, vu leur contribution à la culture de l'organisation, est un élément clé.
    En ce qui concerne la prévention de l'inconduite, et c'est vraiment là que le bât blesse dans notre travail, le rapport britannique indique:

  (13810)  

Nos forces armées comprennent les risques encourus lors d'opérations et les jugements individuels que nous demandons à nos membres, même de vie ou de mort. La nature exceptionnelle de la vie militaire comporte également des risques hors du champ de bataille, et le risque d'inconduite en est un. L'expérience révèle des facteurs de risque qui sont des caractéristiques récurrentes des cas d'inconduite, en particulier dans les cas d'intimidation et de harcèlement sexuel: des unités soudées qui se perçoivent comme une « élite »; des cultures masculines avec une faible diversité de genre; des gradients de grade; des gradients d'âge; des contrôles faibles ou absents, en particulier après de longues opérations; et l'alcool. Faute de contrôle ou de reconnaissance, la combinaison de certains ou de tous ces facteurs de risque crée les conditions propices à l'apparition de comportements inappropriés. Pour y mettre fin, les gens de tous les secteurs de la Défense — pas seulement les dirigeants et les gestionnaires hiérarchiques — doivent reconnaître le risque et avoir le bon jugement de faire quelque chose à ce sujet.
    Madame la présidente, nous pouvons ajouter à cela qu'il faut non seulement un bon jugement, mais aussi l'habilitation et la reconnaissance du fait que s'ils choisissent de faire ce pas, leurs carrières et leurs réputations sont protégées, sinon renforcées, parce qu'ils ont fait ce pas.
    Le rapport poursuit:
Le jugement que nous attendons de nos militaires sur le champ de bataille doit être le même que celui que nous attendons de leur comportement dans la caserne ou au bar.
    Ou au quartier général de la défense ou n'importe où ailleurs. On poursuit:
La formation sur les cultures et les comportements doit soutenir ce jugement. Elle doit être pertinente pour les personnes concernées et permettre d'acquérir les compétences et les techniques que les gens peuvent utiliser à bon escient. La formation actuelle sur les cultures et les comportements se concentre essentiellement sur les valeurs et les normes du service et sur le code de la fonction publique, complétés par une formation sur la diversité et l'inclusion. Cela donne l'impression qu'elle vise à assurer la conformité de l'organisation avec la loi et avec les valeurs, les normes et les codes du service ce qui, dans certains secteurs, a créé une attitude de « case à cocher ».

     Madame la présidente, cette analyse est incroyablement pertinente. Encore une fois, je pense que c'est la granularité que nous devons atteindre. Il est facile de recommander des programmes de formation. Il est facile d'investir dans des programmes de formation. Il est aussi facile de dire que nous avons formé x centaines de personnes, mais à moins que nous produisions les faits décrits dans le niveau d'analyse que nous avons ici du Royaume-Uni, ces efforts tomberont à plat et ne mèneront pas au changement de culture pour lequel nous devons travailler, très activement, très progressivement et rapidement.
    Le rapport poursuit:
Pour modifier les cultures et améliorer les comportements, la formation doit s'inscrire dans un contexte, être donnée au bon moment et toucher personnellement les participants, avec un ensemble de résultats clairs. Les périodes d'intervention clés sont le début de la carrière et les cours de formation confirmatoires ultérieurs au commandement, à la gestion et à la promotion. Former les « autres personnes référentes » pour qu'elles manifestent de nouveaux comportements et encouragent implicitement leurs pairs à les adopter s'est révélé efficace pour modifier les normes et les comportements de certains groupes difficiles à joindre.
La formation doit adopter aussi un point de vue préventif, afin d'aider les dirigeants à tous les niveaux à mieux comprendre les signes et les symptômes précoces d'une dégradation systémique des comportements.
    Je vais conclure avec la recommandation fournie dans cette partie du rapport, madame la présidente, mais je reviendrai avec des interventions supplémentaires sur ce...

[Français]

     J'invoque le Règlement, madame la présidente.

[Traduction]

    Allez‑y, monsieur Barsalou-Duval.

[Français]

    Est-ce possible de demander à M. Spengemann de ralentir son débit? Les interprètes nous indiquent qu'ils ont de la difficulté à traduire ce dont il nous fait part, étant donné qu'ils n'ont pas eux-mêmes le rapport sous les yeux. Peut-être que M. Spengemann pourrait leur transmettre le rapport. Cela faciliterait leur travail.
    Je vous remercie beaucoup de m'en aviser, monsieur Barsalou‑Duval. Je vais ralentir pour que l'interprétation puisse se faire.

[Traduction]

    J'en étais au passage qui précède la recommandation sur la formation dans le rapport britannique. Dans ce passage, il est question d'une approche préventive de la formation afin d'aider les dirigeants à tous les niveaux à mieux comprendre les signes et les symptômes précoces d'une dégradation systémique des comportements. Autrement dit, on ne peut pas se contenter d'imposer des formations d'en haut; il faut que l'approche soit suffisamment souple pour que les formations ciblent exactement les comportements à corriger.
    Voici ce qui est recommandé:
Une formation par immersion sur la culture et les comportements doit être donnée aux militaires au début du service, et ils devront ensuite participer à des activités de formation continue à intervalles réguliers tout au long de leur carrière.
    Le rapport précise que l'armée britannique a demandé à la Fondation Garnett d'animer des formations sur le respect d'autrui qui tiennent compte de la chaîne de commandement. Ces formations interactives et fondées sur des mises en situation sont très prisées, mais le financement précaire fait en sorte que leur offre est toujours aléatoire.
    La recommandation donnée dans le rapport du Royaume-Uni pour remédier à cela est la suivante:
Le recours à des tiers spécialisés dans le domaine de la formation fait figure de pratique exemplaire, et des ressources suffisantes doivent être consenties pour permettre son déploiement à l'échelle des forces armées britanniques.
    Madame la présidente, j'aurais voulu présenter une autre partie du rapport, mais je vais m'arrêter là pour le moment.
    Le prochain thème que je voudrais aborder est celui des témoins, qui fait lui aussi l'objet de recommandations, d'analyses et d'observations fort pertinentes. Pour opérer un changement de culture, il faut renforcer les moyens d'action des témoins. Là encore, le rapport offre au Comité des passages pertinents qu'il pourrait songer à adopter, en tout ou en partie.
    En matière de formation... Je crois que tous les gouvernements ont tendance à voir la formation comme la solution à tous les problèmes. C'est une importante approche de base. Dans notre rapport précédent sur la diversité et l'inclusion, nous avons formulé des recommandations sur la formation afin qu'elles soient suffisamment ciblées et en prise avec les comportements sur le terrain. Il faut instaurer des mécanismes de rétroaction qui permettront de déterminer si la formation est efficace et veiller à ce que des agents de changement soient à l'œuvre aux postes clés de l'organisation.
    Le Royaume-Uni a parlé de personnes de référence. Sans égard au grade, une personne de référence peut être un instructeur civil, un universitaire qui collabore étroitement avec les forces armées ou un militaire actif. Le grade a peu d'importance. Il peut s'agir d'une personne de grade intermédiaire ou subalterne qui commande le respect en raison de son rôle au sein des Forces canadiennes. L'idée est de mieux outiller ces femmes et ces hommes afin qu'ils jouent leur rôle à part entière dans la formation et qu'ils aident à leur tour les autres à dénoncer les inconduites.
    Ce sont des observations et des recommandations très éclairées sur la prévention de l'inconduite sexuelle. Bien entendu, il faudra aussi des mécanismes de signalement des incidents. J'y reviendrai dans mes prochaines interventions, madame la présidente.
    Je m'en tiendrai là pour le moment. Je vous redonne la parole, à vous et à nos collègues.
    Merci beaucoup.

  (13815)  

    Merci, monsieur Spengemann.
    Nous allons poursuivre avec Mme Vandenbeld.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mon intervention portera sur l'alinéa b) de l'amendement de la motion. Comme je l'ai dit précédemment, je félicite M. Barsalou-Duval d'avoir mis l'accent sur la culture. L'alinéa b) aborde explicitement la nécessité de mettre fin à la culture qui règne depuis trop longtemps au sein des FAC pour empêcher que d'autres femmes et d'autres hommes soient victimes des inconduites sexuelles. Ce passage de l'amendement revêt une grande importance.
    Jusqu'ici, le Comité a discuté surtout de ce qui se passe après un incident, pour la personne qui en a été victime et qui a subi des préjudices. C'est bien, mais le plus important est quand même de prévenir les préjudices. C'est pourquoi je suis ravie que cet amendement soit proposé. Malheureusement, l'amendement est lié à une motion qu'il est très difficile d'appuyer, pour des raisons évidentes.
    J'aimerais parler un peu de ce qu'il faut faire pour faire cette prévention. C'est une chose d'offrir du soutien après une expérience très difficile et très traumatisante, mais pour empêcher que des personnes se retrouvent dans cette situation, il faut s'attaquer à la culture, aux valeurs. Qu'est‑ce qui est valorisé et encouragé dans les Forces armées canadiennes? Quelles sont les qualités et les compétences mises en valeur?
    C'est ce que j'ai dit devant le Comité de la condition féminine, mais je pense qu'il faut le répéter. On entend trop souvent des excuses du genre « c'est un coureur de jupons, mais c'est un bon soldat, un bon pilote ou un bon marin ». C'est impossible. Il faut que la capacité d'un leader de tirer le meilleur des talents, des compétences de tous les militaires et de tous ceux qui sont sous ses ordres fasse partie des qualités recherchées chez un bon soldat, un bon marin ou un bon pilote des Forces armées canadiennes.
    Et pour cela, il faut un changement complet des valeurs. Il faut revoir le système de promotion, la manière dont les membres des Forces armées canadiennes montent en grade. Si l'avancement est fondé sur certaines compétences spécialisées et que les compétences en leadership et l'esprit d'équipe, l'empathie et la compréhension sont considérés comme des atouts de second plan... C'est encore plus nocif si on fait peu de cas de comportements potentiellement très toxiques, qui ont pour conséquences qu'une personne se sent dénigrée, rabaissée, sous-estimée, mal accueillie, et qu'on se focalise sur certaines compétences recherchées.
    Je crois que l'alinéa b) de l'amendement va droit au cœur de la question. Il nous rappelle aussi qu'un examen du système de justice militaire s'impose pour la simple raison qu'une grande partie de la solution viendra de la fin de l'impunité. Quand ils comprendront que leurs agissements répréhensibles ont des conséquences et que les qualités valorisées englobent tout ce qui favorise l'inclusion, non seulement ces comportements disparaîtront, mais tous les militaires voudront donner le meilleur d'eux-mêmes parce qu'ils se sentiront pleinement et entièrement égaux et valorisés. C'est ce genre de progrès qu'il faut viser.
    Le pendant de cela, quand on parle de ce genre de comportements et de tout ce qui alimente la culture de la masculinité toxique — des témoins nous ont parlé de la culture normative du guerrier, hautement nocive —, tient à l'assurance que justice est faite, que ces gestes ne sont jamais commis en toute impunité.
    C'est pourquoi je suis aussi ravie que...

  (13820)  

    Très bien. La séance est suspendue.
    Merci.
     [La séance est suspendue à 18 h 22, le mercredi 26 mai.]
    [La séance reprend à 11 h 15, le lundi 31 mai.]

  (25115)  

    La séance est ouverte.
    Je souligne qu'il y a une motion sur le budget de la Chambre, et que le Comité devra donner ses directives sur la question.
    Nous poursuivons la réunion no 32 du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui a débuté le vendredi 21 mai 2021.
    Si vous n'entendez pas les interprètes, veuillez nous en informer sans délai pour que nous puissions résoudre le problème. Il est essentiel que nous puissions tous participer pleinement à ces réunions.
    Les députés doivent adresser leurs observations à la présidence. Par ailleurs, et je le redis autant pour votre gouverne que pour la mienne, il est important de parler lentement et clairement. Certains députés ont un débit très rapide et les interprètes ont du mal à les suivre, notamment quand le sujet est très technique. Quand vous utilisez des acronymes ou d'autres choses du genre, vous leur compliquez vraiment la tâche. Si vous abordez un sujet technique, je vous demanderais de soumettre de l'information à l'avance. Ce serait fort utile. Si c'est impossible, assurez-vous de ralentir le débit pour donner le temps aux interprètes de bien faire leur travail, qui même dans les meilleures conditions est très difficile.
    Concernant la liste des intervenants, le greffier et moi-même ferons de notre mieux pour respecter l’ordre des interventions de tous les députés, qu’ils participent virtuellement ou en personne.
    Nous reprenons les discussions au sujet de l'amendement proposé par M. Barsalou-Duval. Madame Vandenbeld avait la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Je dois souligner, avant que nous reprenions le débat sur l'amendement proposé par le Bloc québécois à la motion des députés conservateurs, qu'une autre motion a été présentée à la Chambre pour demander au ministre de venir discuter avec le comité du budget des dépenses, comme il le fait toujours, comme mes collègues en conviendront. En fait, il a toujours accepté les invitations du Comité de venir faire des présentations et de répondre à nos questions. Je peux confirmer qu'il sera disponible jusqu'à l'échéance du 10 juin, et qu'il pourra venir rencontrer le Comité s'il lui en fait la demande.
    Je veux aussi faire savoir au Comité que vendredi dernier, j'ai soumis un avis de motion visant à inviter le juge Morris Fish. Je sais que les membres du Comité n'ont pas reçu l'avis de motion à cause de la règle du préavis de 48 heures. C'est aussi pour cette raison que la présidente a suspendu la réunion au début. Je trouvais important d'en informer les membres du Comité.
     Comme vous le savez, un examen de la Loi sur la défense nationale est requis. Il y a un an, le ministre a demandé à M. Morris Fish, un ancien juge de la Cour suprême, d'examiner le système de justice militaire. Le ministre a annoncé — je crois que l'annonce a été transmise au greffier et qu'elle sera bientôt rendue publique — qu'il a l'intention de déposer le rapport demain. Une séance d'information technique sera présentée aux députés intéressés. Je crois qu'ils vont recevoir une note d'information sur le contenu et la date de la réunion.
    Je pense que le Comité voudra entendre ce que le juge Fish a à dire. Il s'agit d'un examen très important. Il sera sans doute très intéressant pour les membres du Comité de pouvoir lui poser des questions et d'entendre ses points de vue sur le rapport, d'autant plus que l'examen du système de justice militaire fait aussi partie du mandat de Mme Arbour. Étant donné que la prochaine étude à notre calendrier porte sur la justice militaire, cette rencontre serait sûrement une bonne chose pour nous.
    Cela dit, je constate que cette réunion a été suspendue à plusieurs reprises, mais qu'elle n'a pas été ajournée, et que nous débattons d'un amendement proposé à une motion. Je sais qu'un avis de motion a été soumis, et j'imagine que mon collègue conservateur y reviendra. Il me semble cependant que le Comité aurait tout avantage à retirer l'amendement et la motion dont nous débattons actuellement, et à s'atteler sans tarder à l'examen exhaustif des rapports.
    Je parle de l'amendement et de la motion dont nous sommes saisis, car je ne peux pas présumer de ce qui viendra. La motion indique — c'était le 28 mai, donc la semaine dernière — qu'un temps limité sera octroyé aux députés pour s'exprimer sur les recommandations formulées dans un rapport. L'expérience que j'ai eue dans la plupart des comités auxquels j'ai siégé a été très, très positive pour ce qui est de la capacité d'arriver à un consensus sur les recommandations.
    J'ai même siégé à un comité de consensus, le Sous-comité des droits internationaux de la personne. Nous avons fait un travail extraordinaire pour parvenir à un consensus. C'est parfois un long processus, qui exige de revenir en arrière, de recommencer, de discuter en détail de chaque recommandation, de présenter des arguments qui rallieront les autres et qui feront consensus. Nous l'avons fait pour la situation des Ouïghours l'été passé. Nous avons eu de longs débats sur ce sujet avant de présenter un rapport fondé sur un consensus unanime.
    Quand je présidais le comité sur l'équité salariale... Nous voulions parvenir à un consensus, et il a fallu du temps.
    Pour renchérir sur les réserves soulevées par l'amendement de la motion proposé par le Bloc... J'invite mes collègues à réfléchir à ce qui arrivera si un gouvernement majoritaire est élu et que les membres majoritaires d'un comité décident d'imposer une limite d'une heure trois quarts, comme c'est le cas ici — ou plutôt zéro minute puisque la motion parle de vendredi dernier et est donc sans objet —, pour débattre d'un rapport. En situation de gouvernement minoritaire, c'est moins grave parce que les échanges restent possibles. Toutefois, si le gouvernement est majoritaire, un rapport de comité pourrait très bien être adopté sans qu'il y ait eu de véritable débat. Il serait soumis à un vote oui ou non. Il pourrait y avoir quelques minutes de débats sur les recommandations et le rapport serait illico soumis au vote.

  (25120)  

    J'ai été la présidente fondatrice du caucus omnipartite pour la démocratie. Je demande instamment aux membres du Comité de ne pas créer un précédent en donnant la possibilité aux membres majoritaires d'un comité... Même si la majorité peut toujours voter comme bon lui semble, il serait antidémocratique de lui permettre de limiter le nombre de minutes dont chacun dispose pour s'exprimer avant de procéder à un vote automatique. Je suis très inquiète à l'idée que le Comité puisse aller dans cette direction en adoptant l'amendement proposé par le Bloc québécois à la motion à l'étude et potentiellement à tout ce qui suivra.
    Je pense vraiment que le Comité pourrait... Si la motion est retirée ou si nous ajournons le débat sur la motion... Nous avons seulement besoin qu'une majorité vote pour l'ajournement du débat sur la motion. Si nous votons pour ajourner le débat, il serait possible au Comité de se pencher sur les trois rapports... Nous avons actuellement trois rapports dont nous devons débattre, et nous pourrions nous y mettre immédiatement.
    Nous avons presque terminé un de ces rapports. Il nous reste seulement quelques recommandations à débattre. Nous avons commencé cette étude avant Noël. Nous pourrions nous assurer que le travail du Comité, notamment sur la santé mentale... Des personnes ont témoigné devant nous, et c'était loin d'être facile pour elles. Certaines ont trouvé très difficile de témoigner et de revivre des expériences douloureuses. Ce serait injuste pour ces témoins de ne pas publier de rapport.
    Je serais ravie si nous pouvions mettre un terme au débat sur cette motion pour avoir du temps pour achever ces rapports et recevoir le juge Fish durant une de nos réunions. C'est un autre dossier assez urgent puisque le rapport est déposé demain. J'aimerais aussi que le ministre puisse venir répondre à nos questions sur le budget des dépenses, ce qui fait aussi partie de l'obligation de rendre des comptes si chère aux députés de l'opposition. Cette obligation de rendre des comptes englobe les dépenses. Le budget rend compte des dépenses. Je souligne que l'échéance a été reportée. J'imagine que l'opposition s'en réjouira. Je sais de source sûre que le ministre est disposé à venir nous rencontrer. Nous pourrions tenir ces deux réunions et passer aux rapports. Il nous reste assez de réunions avant le congé estival pour préparer ces rapports, les faire traduire et les déposer à la Chambre, du moins je l'espère.
    En fait, je demande aux députés de l'opposition d'arrêter d'insister sur ce qui ne fonctionne pas dans ce comité et de réfléchir à ce que nous pouvons faire de bien. Je suis convaincue que nous sommes capables de belles choses. J'en suis certaine. Nous avons entendu des témoignages d'une grande importance, et ce serait vraiment triste qu'ils ne débouchent pas sur un rapport ou sur des recommandations parce que nous sommes dans une impasse.
    Personnellement, j'aimerais mieux que la motion soit retirée et que nous discutions en comité de la suite des choses, y compris concernant les rapports, la rencontre avec le juge Fish et la tenue d'audiences sur la justice militaire. Tous les survivants nous ont parlé du système de justice et de la réforme qui s'impose. Nous avons une occasion historique de contribuer à cette réforme. Nous devons absolument profiter du fait que Mme Arbour amorce son examen du fonctionnement de la justice militaire dans le cadre du mandat qui lui a été confié. C'est le moment ou jamais pour le Comité de prendre part à cet exercice.
    Je souhaite de tout cœur que le Comité n'adoptera pas certaines des motions antidémocratiques qui lui sont présentées et qu'il trouvera un consensus.
    C'est tout ce que j'avais à dire, madame la présidente. Merci.

  (25125)  

    Merci, madame Vandenbeld.
    Monsieur Bezan, allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    J'avoue que la secrétaire parlementaire y va un peu fort quand elle dit qu'elle s'inquiète de voir qu'on pourrait couper court aux débats du Comité sur un rapport que les libéraux aimeraient mieux oublier. D'ailleurs, ils ne se gênent pas pour présenter des motions de clôture quand nous débattons de mesures législatives importantes à la Chambre des communes. Je pense que le gouvernement est en bonne voie d'établir un record pour le nombre de motions de clôture présentées dans l'histoire parlementaire. Si la secrétaire parlementaire est sincère quand elle dit qu'elle se bat pour le respect de la démocratie, des processus parlementaires et du décorum, alors qu'elle demande au gouvernement d'arrêter de présenter des motions de clôture quand nous débattons de projets de loi qui, malgré leur importance pour les Canadiens, ont à peine le temps de faire surface et encore moins de faire l'objet de débats sur le fond.
    Je ne peux pas ignorer que les députés libéraux du Comité ont passé des heures, des journées entières à faire de l'obstruction systématique. La présidente libérale a suspendu les réunions du Comité sur ce rapport à plus de 25 reprises. Cette réunion, de suspension en suspension et d'obstruction en obstruction, dure depuis le 21 mai. Si on tient compte de toutes les suspensions et seulement des suspensions... Depuis plus d'un mois, nous essayons de travailler à ce rapport et d'appeler d'autres témoins, comme Mme Zita Astravas, mais nous avons perdu un mois à cause des suspensions et des obstructions. Ce n'est pas ce que j'appelle de la démocratie. C'est de l'obstruction et une preuve de l'attitude méprisante des députés du gouvernement.
     Mme Astravas doit vraiment avoir de l'information assez importante à nous révéler... Les libéraux ont été complices de l'opération de camouflage du ministre et du Cabinet du premier ministre concernant ce qui s'est passé après qu'ils ont été mis au courant des allégations d'inconduite sexuelle contre le général Vance, le 1er mars 2018. Mme Astravas était aux premières lignes. C'est elle qui relayait l'information entre le ministre de la Défense nationale, le ministre Sajjan, et Mme Katie Telford, et il est clair que les libéraux ne veulent pas qu'elle témoigne devant le Comité.
    En raison des suspensions, des obstructions et des manœuvres constantes pour empêcher le Comité d'entendre la version de témoins clés dans le cadre de l'étude, et sachant que la motion dont nous sommes saisis, y compris l'amendement proposé, n'est plus valide parce que les dates sont dépassées, je vais retirer la motion, madame la présidente, et soumettre la motion suivante:
Que le Comité, en ce qui concerne l'étude du Comité sur le traitement des problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les allégations contre l'ancien chef d'état-major de la défense, Jonathan Vance,
a) Que le Comité n'entende pas d'autres témoins avant l'adoption d'un rapport à la Chambre;
b) Que les dispositions de la motion adoptée le lundi 12 avril 2021, concernant un rapport de la Chambre, soient modifiées comme suit:
(i) nonobstant la motion adoptée le lundi 12 avril 2021, à 12 h, le lundi 7 juin ou, si le Comité ne siège pas à ce moment-là, immédiatement après le prochain rappel à l’ordre du comité, les délibérations du Comité seront interrompues, si nécessaire, aux fins de la motion adoptée le lundi 12 avril 2021, et chaque question nécessaire pour disposer du projet de rapport, y compris sur chaque paragraphe et chaque proposition de recommandation dont on n’a pas disposé, sera mise aux voix immédiatement et successivement, sans amendement, à condition que chaque député siégeant sur le Comité puisse parler une fois pendant deux minutes sur chaque proposition de recommandation,
(ii) le Comité refuse de demander, conformément à l'article 109 du Règlement que le gouvernement dépose une réponse globale au rapport,
(iii) les opinions ou recommandations dissidentes ou supplémentaires sont déposées, conformément à l'article 108(1)b) du Règlement, dans les deux langues officielles, au plus tard à 16 h, le mercredi 9 juin 2021,
(iv) le greffier et les analystes sont autorisés à apporter les modifications grammaticales et rédactionnelles mineures qui peuvent être nécessaires sans changer la substance du rapport, et
(v) le greffier est chargé d'informer le président et les vice-présidents lorsque le rapport est prêt à être présenté à la Chambre afin que le président puisse présenter le rapport lors de la prochaine séance des affaires courantes, à condition qu'en son absence, il soit présenté par l'un des vice-présidents.
    Madame la présidente, j'aimerais maintenant parler de cette motion.

  (25130)  

    D'accord, mais attendez un peu.
    Malheureusement, un amendement reste en instance. Il faut que cet amendement soit retiré avant qu'une autre motion puisse être proposée. Nous devons également décider du sort de la motion principale.
    Monsieur Barsalou-Duval, comme vous avez proposé l'amendement, je dois vous demander si vous souhaitez le retirer.

[Français]

     Madame la présidente, je suis d'accord pour retirer l'amendement qui a été déposé.
    J'aimerais aussi vous aviser que je souhaite intervenir sur la nouvelle motion, lorsque ce sera possible.

[Traduction]

    Très bien. Merci beaucoup.
    Pour terminer ce que nous avons commencé... Monsieur Bezan, vous devez demander au Comité son consentement unanime pour retirer votre motion originale avant que nous puissions débattre de la nouvelle motion.
    D'accord. Je demande le consentement unanime pour retirer la motion à l'étude.
    Quelqu'un s'y oppose? Personne.
    C'est bon. Nous pouvons poursuivre.
    Je ne vais pas perdre de temps à relire la motion puisqu'elle a déjà été consignée au compte rendu, si vous êtes d'accord, madame la présidente.
    Oui, je suis d'accord.
    Madame la présidente, étant donné que nos discussions s'éternisent depuis au moins 10 jours concernant cette motion, et sachant que notre objectif est de déposer un rapport à la Chambre avant qu'elle s'ajourne pour l'été... Comme il nous reste seulement quatre semaines et tout au plus huit réunions, y compris celle d'aujourd'hui, à moins qu'il soit possible d'en ajouter d'autres à notre calendrier, et sachant que les ressources sont limitées parce que d'autres comités ont aussi des réunions, je vous demande instamment, madame la présidente, si d'autres comités ont fermé les livres pour cette session‑ci, s'il serait possible de profiter des périodes qu'ils n'auront pas utilisées pour terminer notre travail.
    Comme l'a évoqué la secrétaire parlementaire tantôt, nous avons un rapport à produire sur les problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, et notamment concernant les allégations dont font l'objet le général Jonathan Vance et l'amiral Art McDonald, et nous avons aussi des études en cours sur la santé mentale et sur les répercussions de la COVID sur les Forces armées que nous aimerions terminer afin de produire un rapport et de le déposer avant d'entendre le ministre sur le budget supplémentaire des dépenses, de même que le juge Fish au sujet de son examen de la Loi sur la défense nationale et la justice militaire.
    La motion donne des précisions sur notre emploi du temps dans les prochaines semaines. Parce que les libéraux persistent à argumenter sur chaque paragraphe et chaque recommandation, ils ne nous donnent pas le choix d'adopter une formule qui permettra les débats... La motion propose de donner à chaque membre du Comité deux minutes pour se prononcer sur chaque paragraphe et chaque recommandation du rapport que nous avons commencé à étudier.
    Je pense que c'est amplement suffisant pour exposer les éléments problématiques de chaque paragraphe et recommandation. Cela nous permettra de concentrer nos efforts et de parvenir à une décision sur ce qui constitue le meilleur rapport à présenter à la Chambre des communes et, ultimement, aux Canadiens, et qui donnera les meilleures orientations au gouvernement du Canada et aux Forces armées canadiennes. La motion propose une solution facilement applicable qui nous permettra d'avancer, et j'invite mes collègues à l'appuyer pour que nous puissions rédiger notre rapport sur les problèmes d'inconduite sexuelle dans les forces armées.
    Si les libéraux choisissent de faire obstruction à la motion, qui propose un échéancier en vue du dépôt d'un rapport à la Chambre des communes avant le congé... La motion indique que les opinions dissidentes devront être soumises au Comité avant 16 heures le mercredi 9 juin, afin que nous puissions déposer notre rapport à la Chambre le 10 ou le 11 juin. Je demande aux membres du Comité de comprendre que la proposition vise seulement à assurer que nous pourrons soumettre des recommandations concrètes au gouvernement et aux Forces armées canadiennes. Elle nous offre aussi l'occasion de montrer aux Canadiens que le Comité est capable de s'élever au‑dessus des joutes politiques que les libéraux nous accusent de jouer, même si leurs obstructions constantes sont la preuve flagrante qu'ils sont maîtres en la matière.
    Nous savons que nous pouvons parvenir à une décision. Si les libéraux choisissent de faire obstruction à la motion, ce sera la preuve pour tous ceux qui nous observent et pour les autres membres du Comité qu'ils ne veulent pas que le rapport voie le jour, essentiellement à cause de l'opération de camouflage du Cabinet du premier ministre, et notamment de Mme Katie Telford, et du ministre de la Défense nationale, Harjit Sajjan. Leurs actions et leurs inactions ont mené à l'échec de l'opération HONOUR, à l'incapacité de protéger les femmes et les hommes qui servent dans les forces armées, et à la perpétuation d'une culture qui est devenue encore plus toxique que celle à laquelle ils avaient été soumis avant.

  (25135)  

    J'espère vraiment que les membres du Comité vont examiner et appuyer la motion pour que nous puissions terminer notre rapport et le déposer à la Chambre des communes dans les prochaines semaines.
    Merci, monsieur Bezan.

  (25140)  

[Français]

     Monsieur Barsalou‑Duval, allez-y, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Comme vous l'avez constaté et comme je l'ai souligné tout à l'heure, j'ai accepté de retirer l'amendement sur la motion originale de M. Bezan. Je dois dire que c'est à regret que j'ai accepté qu'on le retire.
    Pour ce qui est du retrait de la motion, il y avait consentement unanime. La présente motion de M. Bezan a aussi été appuyée à l'unanimité.
    J'ai dit que je l'avais fait à regret, parce que je pense que le Comité aurait pu faire un bien meilleur travail si nous n'avions pas assisté à d'interminables séances d'obstruction. Cela a été le cas durant les derniers mois. Le Comité a été incapable de faire son travail en bonne et due forme. À mon avis, cela est particulièrement triste.
    J'entends les appels à la démocratie de la part de la partie gouvernementale, des libéraux, par rapport à l'adoption de la motion qui est présentée en ce moment. Elle pourrait écourter ou limiter les débats.
    Dans un autre contexte, j'aurais tendance à regarder une telle motion avec une grande appréhension.
    Depuis quelques semaines ou quelques mois, les arguments des libéraux me laissent incrédule. Je me permets de douter à voix haute de la réelle intention d'offrir une collaboration raisonnable qui permettrait d'adopter un rapport avant la fermeture de la Chambre.
    Je ne vous cacherai pas que j'ai fait une surdose d'obstruction systématique. J'en ai assez vu pour ne pas avoir la naïveté de leur offrir l'occasion de bloquer une fois de plus le travail du Comité. À mon avis, nous aurions pu faire un vrai travail, nous aurions pu entendre des témoignages cruciaux à notre étude. Malheureusement, nous n'avons pas réussi à le faire.
    Nous avons encore la possibilité de tenir de brefs débats sur les éléments qui devront être contenus dans le rapport. Je pense que c'est important qu'il y ait un rapport, je l'ai souligné à plusieurs reprises devant le Comité. Vous pouvez comprendre la sincérité de mon engagement sur ce plan. C'est essentiel qu'un rapport soit déposé à la Chambre. Nous devons mettre toutes les chances de notre côté pour qu'un tel rapport soit déposé.
    La motion qui est sur la table présentement n'empêche personne d'exprimer un point de vue différent. Il reste du temps pour le débat, et nous avons encore la possibilité de recevoir des opinions complémentaires ou un rapport dissident de la part de ceux qui ne sont pas d'accord sur le contenu. Cela pourrait même être mon cas.
    Pour cette raison, il faut arrêter le triste spectacle de l'obstruction et se mettre au travail pour remettre le Comité sur les rails dans les circonstances que nous vivons en ce moment.
    De mon côté, je vais appuyer la motion qui a été présentée.
    Merci, monsieur Barsalou-Duval.

[Traduction]

    Nous allons poursuivre avec M. Baker.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais commencer par répliquer à certaines des affirmations de M. Bezan que je trouve particulièrement choquantes. Il a taxé les députés du gouvernement, mes collègues et moi-même y compris, d'avoir eu ce qu'il a appelé une « attitude méprisante » lors des débats sur des motions qu'il a présentées chaque fois à la dernière minute. Il nous a taxés d'avoir été complices d'une opération de camouflage.
    Premièrement, avant de faire cette allégation, il faut prouver qu'il y a eu une opération de camouflage, ce que M. Bezan, malgré ses tentatives désespérées, n'a pas réussi à faire. Je peux comprendre sa frustration quand je pense au temps de réunion qu'il a gaspillé à essayer de faire cette démonstration.
    Deuxièmement, même s'il avait démontré qu'il y a bel et bien eu une opération de camouflage, ce qui n'est pas le cas, il aurait dû prouver notre complicité avant de porter des accusations. Or, rien de tout cela ne tient la route. Je suis déçu à un point que je ne peux pas exprimer, et je me demande même s'il est permis de tenir ce genre de propos durant une séance de comité ou devant le Parlement.
    Troisièmement, il a parlé d'obstruction. C'est intéressant quand on pense que les députés conservateurs, avec en tête M. Bezan, ont présenté à la chaîne des motions de dernière minute pour appeler des témoins que nous avions déjà entendus pour la plupart, afin qu'ils répondent à des questions que nous avions déjà posées et auxquelles nous avions déjà entendu les réponses je ne sais plus combien de fois, de leur bouche ou de celle d'autres témoins.
    Je trouve particulièrement outrageant que M. Bezan n'hésite pas un instant à gaspiller le temps du Comité en multipliant les blâmes partisans et en rappelant des témoins afin qu'ils nous parlent de choses que nous avons déjà entendues et dont nous avons déjà débattu, et qu'il ait maintenant le toupet de proposer d'empêcher les députés libéraux de débattre en comité de motions qu'il a lui-même présentées.
    Je trouve important de répliquer à toutes ces affirmations que je trouve tout simplement choquantes. Je serais outré d'apprendre qu'il est permis d'utiliser des expressions comme « attitude méprisante » et « complicité dans une opération de camouflage ».
    Pour en revenir à la motion présentée par M. Bezan, je conviens que le Comité doit déposer un rapport exhaustif et réfléchi, dans lequel nous ferons nos recommandations au gouvernement sur la manière de résoudre les problèmes d'agressions et de harcèlement sexuels dans les forces armées. C'est ce qu'il faut faire.
    Et c'est cet impératif qui guidait les députés du gouvernement, réunion après réunion, pendant que M. Bezan et ses collègues s'adonnaient à des joutes politiques en présentant des motions de dernière minute pour convoquer des témoins et en cherchant des coupables pour faire les grands titres.
    Oui, il faut déposer un rapport. Pour ce faire, et je ne crois pas avoir à rappeler le processus aux membres du Comité parce qu'ils y ont pris part un nombre incalculable de fois au sein de ce comité‑ci et d'autres comités... Pour ce faire, les comités de la Chambre des communes doivent travailler ensemble. Ils doivent se réunir et trouver un consensus, parce que c'est le seul moyen de rédiger un rapport qui reflète la volonté du comité. Ce qu'il ne faut pas faire, c'est de gaspiller des mois et des mois du temps du Comité pour montrer les libéraux du doigt et répéter à qui veut l'entendre qu'il y a eu une opération de camouflage alors qu'il s'agit d'une pure invention. Répéter des centaines de fois le mot « camouflage » ne rend pas la chose plus vraie.
    M. Bezan n'est pas parvenu à ses fins et il est frustré. Il essaie maintenant de rattraper le temps perdu, du temps qu'il a lui-même gaspillé, en présentant une motion qui essentiellement demande au Comité d'adopter un rapport à toute vapeur, sans que le consensus requis ait été atteint. Si nous empruntons la voie proposée, le rapport ne rendrait pas compte de ce que le Comité a entendu. Il serait l'écho de ce que certains de ses membres croient avoir entendu, et il ne rendrait pas justice aux personnes que nous voulons aider, c'est-à-dire les victimes d'agressions et de harcèlement sexuels dans les Forces armées canadiennes.
    Il faut déposer un rapport, cela va de soi. C'est ce qu'ont répété sans cesse les membres du gouvernement depuis des semaines et des mois, pendant que M. Bezan et ses collègues s'adonnaient à leurs joutes politiques. Si la motion est adoptée, le rapport sera une mascarade. Ce ne serait pas un rapport préparé dans les règles de l'art. En fait, ce que M. Bezan propose, c'est de cocher une case. Il propose au Comité de produire une espèce de document qui portera la mention « rapport », c'est tout.
    Les victimes d'agression et de harcèlement sexuels méritent mieux. Le rapport doit refléter la volonté du Comité, il doit être réfléchi, avoir fait l'objet de discussions et d'un examen. Si le temps de parole des membres du Comité est limité... Franchement! Un rapport sur un sujet aussi complexe et aussi grave ne peut pas être rédigé de cette façon, pas si nous sommes sérieux quand nous prétendons défendre les intérêts des victimes d'agressions et de harcèlement sexuels. Ce n'est tout simplement pas la façon de faire.

  (25145)  

    Je suis étonné d'avoir à prendre du temps pour expliquer ce que les députés devraient savoir. C'est quelque chose qui...
    Je trouve tout aussi choquant que la motion de M. Bezan propose de limiter le temps alloué aux députés pour débattre du contenu du rapport. Outre le fait que limiter le temps des délibérations ne peut pas donner un bon résultat, il existe un risque réel que les députés qui ne sont pas d'accord avec ce que dit un collègue décident tout bonnement d'ignorer ce qu'ils ont entendu et de voter comme bon leur semble, sans rechercher un consensus. Ils n'auront aucun intérêt à essayer de trouver un consensus et à collaborer. C'est un peu comme de prétendre que des membres du Comité ont été absents pendant tout le processus: je leur accorde deux minutes et je fais adopter à toute vapeur un rapport de mon cru.
    Ce serait navrant non seulement pour la qualité du rapport, mais aussi parce que c'est tout à fait antidémocratique. Qui plus est, comme l'a évoqué Mme Vandenbeld, imaginez-vous ce qui se passerait si un gouvernement majoritaire, peu importe son allégeance, arrive au pouvoir. C'est un pensez‑y bien. La motion, si nous l'adoptons... Si le Comité adopte la motion de M. Bezan, ce sera un précédent qui donnera à tout gouvernement majoritaire la licence pour adopter à toute vapeur un rapport en prétendant qu'il reflète la volonté du Comité, même si c'est faux. Comme vous le savez, un gouvernement majoritaire serait représenté par une majorité de membres au sein des comités, et ils pourraient toujours faire pencher le vote en leur faveur. En tant que député du parti au pouvoir, je ne suis pas à l'aise avec cette idée mais, si j'étais dans l'opposition, je le serais encore moins, surtout si je ne pense pas me retrouver dans la majorité.
    Je suis consterné de voir que M. Bezan est prêt à établir ce genre de précédent, et je suis consterné de voir qu'il nous demande de limiter la capacité des députés de délibérer. Il a eu du temps pour se livrer à des joutes politiques pendant des mois, mais il n'a pas de temps pour le débat sur le contenu du rapport auquel ont droit les victimes d'agression et de harcèlement sexuels. Je suis extrêmement déçu. À mon avis, limiter le débat sur un tel sujet empêche les membres du Comité, qui ont entendu les témoignages de si nombreux experts et d'autres personnes, de donner un compte rendu fidèle de ce qui leur a été confié.
    Nous avons reçu énormément de témoignages d'une importance capitale, et le rapport doit en rendre compte. Il faut que ces témoignages soient entendus, qu'ils soient consignés dans un document et, surtout, que ce compte rendu ne soit pas fait pour le plaisir de la chose, mais d'une manière qui apporte des éclairages et qui permettra de formuler des recommandations ancrées sur ce que nous avons appris. Nous avons appris énormément, et le rapport doit en témoigner le plus possible.
    Je pense entre autres à ce que nous a révélé une survivante, une membre des FAC qui a témoigné devant le Comité permanent de la condition féminine. Je veux en parler avec vous. C'est le genre de choses qui doivent se retrouver dans le rapport et dont il faut débattre. Le rapport doit rendre compte des réflexions et des perspectives de cette femme.

  (25150)  

[Français]

     La membre des Forces armées canadiennes qui a témoigné au Comité permanent de la condition féminine se nomme Heather Macdonald. Je la cite:
C'est encore plus complexe dans la Marine, si l'incident se produit sur un navire en mer ou dans un port étranger. Il n'y a pas d'agent de police à bord du navire. Si une enquête est nécessaire, nous nous en remettons à nos capitaines d'armes et à nos chefs, qui s'occupent des enquêtes disciplinaires de l'unité. Voilà qui réduit considérablement les chances que des preuves admissibles soient recueillies et conservées pour aider la victime à obtenir justice devant un tribunal. La plupart du temps, les victimes subiront un revers plus important que les auteurs lorsqu'elles portent plainte, et c'est pourquoi la plupart hésitent à dénoncer.
    Cette dernière phrase, selon laquelle les victimes subiront un revers plus important que les auteurs quand elles porteront plainte, est très importante. C'est pourquoi elle dit que la plupart hésitent à dénoncer les gens et à soulever ce qui s'est passé. C'est l'un des problèmes dont nous avons entendu parler plusieurs fois ici, au Comité, et que nous devons résoudre en tant que comité.
     Notre rapport devrait inclure des recommandations qui aideraient à résoudre ce problème. Mais non, M. Bezan ne veut pas faire cela. Il veut juste, rapidement, faire un rapport pour dire qu'il a rédigé un rapport et c'est tout, on passe à autre chose. C'est inacceptable.
    Je pense que de tels témoignages nous donnent de l'information très importante, que nous devons utiliser et inclure à notre rapport, pour nous assurer que les recommandations de ce rapport reflètent les opinions fournies par les victimes, sur ce qui doit être fait pour corriger ce qui se passe dans les Forces armées canadiennes.
    Je poursuis avec ce que Mme Macdonald nous a dit:
    
Il faut remédier à la situation. Nous devons faire en sorte que ce milieu de travail soit plus accueillant et sécuritaire pour les femmes. Le mouvement #MoiAussi a vraiment mis au jour les problèmes d'égalité entre les sexes au sein de notre société. L'armée amplifie quelque peu ces enjeux étant donné que les femmes y sont aussi minoritaires. Notre minorité attire l'attention, de sorte que nous finissons plus souvent par être scrutées à la loupe qu'un homme matelot ou soldat.

En outre, les femmes de tous les grades doivent suivre une ligne de conduite très rigoureuse. Celles qui font preuve de trop d'empathie ou de sollicitude sont qualifiées de « maternantes », ce qui n'est pas un trait positif ou recherché. À l'inverse, celles qui sont trop fermes ou décisives se voient attribuer un autre terme péjoratif.
    Alors, ce que Mme Macdonald soulève dans son témoignage, c'est ce que nous avons entendu je ne sais combien de fois à ce comité de la part des témoins qui parlaient du problème de culture interne. C'est un exemple flagrant, parmi tant d'autres, de ce problème. Pour résoudre ce problème, si nous sommes sérieux en tant que comité, nous devons y réfléchir et discuter de ce que nous avons entendu. Nous devons faire un rapport qui insiste sur le fait qu'il faut résoudre ce problème.
    La motion de M. Bezan n'est pas à cet effet. Elle dit qu'il ne faut pas discuter de tout cela, parce que chaque député n'a qu'une ou deux minutes pour en parler, et c'est tout, le rapport est terminé. Cette motion est une blague.
    Je poursuis donc sur ce que Mme Macdonald disait lorsqu'elle a témoigné devant le Comité permanent de la condition féminine.
    
Il y a un phénomène que nous devons également comprendre, que certains appellent le club des vieux copains. La plupart du temps, les gens nient même son existence. Notre organisation est fondée sur la confiance la plus élémentaire envers son compagnon d'armes ou son collègue matelot. Lorsque nous nous trouvons dans des situations dangereuses, nous comptons sur les gens avec qui nous travaillons pour protéger nos arrières et nous garder en vie. Cette particularité crée des relations fortes et soudées, ce qui est souhaitable pour notre organisation.
    Donc, encore une fois, Mme Macdonald, qui est une survivante d'inconduite sexuelle, nous parle de la culture. Nous devons comprendre les nuances de ce problème et nous devrions inclure ce que nous avons appris dans le rapport. Nous ne pouvons pas faire cela en parlant une ou deux minutes et, ensuite, approuver un rapport comme tel. Ce n'est pas juste. Nous n'honorons pas les victimes, les femmes comme Mme Heather Macdonald ou d'autres, qui ont témoigné devant des comités, qui ont parlé publiquement. Ces femmes sont incroyablement courageuses d'avoir fait cela.

  (25155)  

     La motion de M. Bezan est présentée seulement pour signifier qu'on a rédigé un rapport, mais un rapport qui ne reflète pas ce que nous avons entendu, ce que ces femmes nous ont dit et ce qui doit être inclus pour offrir des recommandations qui résoudront le problème d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes.
    Par conséquent, madame la présidente, je suis complètement contre la motion, évidemment. Je suis déçu des mots de M. Bezan. Je suis déçu qu'il ait déposé une motion pareille. Comme je l'ai dit, je pense que ce n'est pas démocratique et que cela crée un précédent très dangereux pour les futurs gouvernements. Si nous créons ce précédent aujourd'hui en adoptant cette motion, les partis majoritaires pourront simplement écrire ce qu'ils veulent dans un rapport, sans tenir compte de la perspective des partis d'opposition.
    En fin de compte, nous sommes ici pour résoudre le problème d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes. Pour ce faire, nous devons prendre le temps d'écrire un rapport de qualité. Cette motion est créée pour faire l'opposé, soit pour dire que nous avons écrit un rapport, mais pas un rapport de qualité qui honore les victimes de harcèlement et d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (25200)  

[Traduction]

    Merci beaucoup, monsieur Baker.
    Monsieur Spengemann, allez‑y.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Tout d'abord, je voudrais vous remercier pour la manière dont vous avez mené les travaux du Comité ces derniers mois. Il est clair qu'il y a eu des clivages partisans, mais vous avez tenu les rênes et vous avez permis que le dialogue soit maintenu. Nous discutons de sujets d'une importance capitale, malgré certaines divergences évidentes quant à ce qui doit être fait et à la voie à suivre pour parvenir à des conclusions avant la fin de la session parlementaire. Cette réunion‑ci nous offre peut-être l'occasion d'arrondir les angles.
    Je voudrais exprimer mon appui aux observations dont nous a fait part tout à l'heure ma collègue, Mme Vandenbeld, relativement aux liens entre le sujet à l'étude et la justice militaire. Elle a évoqué la possibilité d'inviter le juge Fish devant le Comité, et j'appuie cette proposition. Le temps file et la fin de la session parlementaire approche rapidement. Si nous pouvons tenter une conciliation et créer une synergie, en faisant ressortir le caractère horizontal et systémique des problèmes d'inconduite sexuelle, avec la justice militaire, il faut profiter de l'occasion. Il faut en profiter même si, comme je l'ai dit, le temps file et qu'il est actuellement consacré à des discussions sur nos points de vue divergents.
    Pour ce qui est de la motion de M. Bezan, il est évident que lui et ses collègues nous présentent un point de vue assez singulier. Ils ont fait des allégations. Ils ont consacré les dernières semaines à essayer de faire corroborer leurs allégations par différents témoins et toutes sortes de déclarations, en espérant que cela permettrait de conclure qu'ils disent la vérité. Entretemps, les aiguilles de l'horloge ont continué de tourner. Le temps presse. Nos points de vue divergent, nos scénarios divergent, nos conceptions divergent quant à ce qui doit être fait, c'est-à-dire trouver une solution aux causes profondes du problème systématique des inconduites sexuelles systématiques dans les forces armées.
    C'est facile pour nos collègues de l'opposition de nous accuser de faire de l'obstructionnisme. Ce n'est pas le cas. Ce que nous faisons, c'est mettre de l'avant, et c'est le plus important, les idées, les conceptions, les expériences de militaires en service ou à la retraite des Forces armées canadiennes et d'autres personnes qui aspirent à s'y enrôler, mais aussi, comme j'ai tenté de le faire au cours des dernières réunions, ce qui se fait ailleurs. Il s'agit de travaux réalisés ailleurs dans le monde, dans des pays dont l'armée est structurée de manière semblable à la nôtre et dont le gouvernement est démocratique, et où tout le spectre des inconduites sexuelles, allant jusqu'aux agressions, a aussi semé l'inquiétude et mené à la prise d'initiatives. Beaucoup de travail a déjà été fait dans divers domaines. Ailleurs dans le monde, nos collègues des branches parlementaire et exécutive ont réussi à se coaliser et à produire des rapports de très grande qualité, assortis de recommandations et de comptes rendus suffisamment précis pour que le Comité en fasse un examen attentif.
    Même si d'autres pays citent le Canada en exemple pour certaines mesures, il est clair qu'il nous reste beaucoup de pain sur la planche. Il nous reste du travail à faire, et le temps presse. Les pays qui ont des cheminements parallèles au nôtre vont nous observer pour savoir si nous empruntons la même voie, si nous faisons preuve de leadership sur cette question et si nous mettons tout en œuvre pour régler ces questions et ces problèmes au plus vite. C'est une des choses que j'ai tenté de faire et qui a été qualifiée d'obstructionnisme par mes collègues de l'opposition.
    L'amendement proposé par M. Barsalou-Duval, qui a maintenant été retiré, énonçait très explicitement que l'étude en cours dictait au Comité de prendre acte de nouveaux faits. Nous découvrons de nouveaux faits grâce aux témoignages que nous recevons mais aussi, et très souvent même, en prenant connaissance de ce qui se passe dans d'autres pays, et particulièrement ceux du Groupe des cinq. Nous collaborons très étroitement avec eux dans les domaines de la coopération militaire, de la sécurité et du renseignement. Le Royaume-Uni fait partie du Groupe des cinq, comme je l'ai mentionné récemment, de même que la Nouvelle-Zélande.
    Dans ma dernière intervention devant le Comité, j'ai attiré votre attention sur ce que nous, à titre de parlementaires, avons réussi à accomplir en adoptant une démarche différente et beaucoup moins partisane durant la 42e législature. Le rapport que nous avons déposé n'était pas directement lié aux inconduites sexuelles, mais à l'équité, à la diversité et à l'inclusion dans les forces armées. Certaines sections portent sur les inconduites sexuelles et le problème de la culture sexualisée dans le domaine militaire. Certains témoins que nous avons entendus durant cette étude sont revenus devant le Comité pour l'étude en cours, mais le résultat est différent. Dans le premier cas, un rapport a été déposé par des collègues qui ont pris le temps d'examiner ensemble, sans partisanerie, diverses recommandations et approches à proposer au gouvernement, et celui‑ci a été tenu d'y répondre. Le rapport n'était pas dissident. Même si le gouvernement était majoritaire durant cette période, si des collègues n'avaient pas été d'accord avec ce qui était proposé, ils auraient pu l'exprimer dans un rapport dissident. Le Comité a parlé d'une seule voix.

  (25205)  

    Madame la présidente, je prends la parole pour inviter le Comité à prendre conscience que le temps est venu d'aller au‑delà de nos dissensions partisanes et de chercher un moyen de cheminer ensemble de manière équitable, parce que le temps presse. La situation n'est pas désespérée, mais nous arrivons au stade où il faut prendre les bonnes décisions concernant le rapport.
    Il est d'une extrême importance que les membres du Comité, comme l'a si bien dit mon ami et collègue, M. Baker, aient un véritable débat, pas deux minutes chacun pour s'exprimer sur chaque paragraphe et chaque recommandation. Soit dit en passant, la proposition, si elle est appliquée à la lettre, est largement incompatible avec l'échéancier recommandé. Si je lis bien la motion, nous devrions avoir terminé avant le 7 juin. La formule proposée pour les délibérations, soit des périodes de 2 minutes par recommandation ou paragraphe pour chaque membre du Comité, risque fort de donner lieu à une enfilade de monologues et de laisser très peu de place aux échanges réels puisque nous ne pourrons pas proposer d'amendements. De plus, nous n'aurions pas le temps de faire ce travail avant l'échéance du 7 juin qui est proposée.
    Mon troisième point, madame la présidente, est que cette formule vous priverait de votre pouvoir discrétionnaire et empêcherait un véritable débat entre les membres... Vous ne pourriez pas guider le débat pour faire en sorte qu'il soit constructif et nous mène à des décisions sur les recommandations ou le libellé des paragraphes. Si nous nous bornons à voter oui ou non à chaque paragraphe après un monologue de deux minutes, le résultat ne sera pas un rapport. Le résultat sera une suite d'énoncés qui offriront, ou pas, une solution à un problème. Nous n'augmenterons pas les chances que les problèmes soient résolus parce que nous n'aurons pas été en mesure de combiner, d'amender ou de réexaminer les motions, ou de nous inspirer des expériences des autres pays pour déterminer si une recommandation atteint sa cible. Nous n'aurons pas pu établir les priorités en fonction des délais ou, autrement dit, déterminer ce qui doit être fait en premier et dans quels domaines le gouvernement doit agir de toute urgence pour résoudre les problèmes rapidement.
    Nous n'avons plus de temps à perdre, pas seulement parce qu'il faut respecter le calendrier parlementaire et achever notre rapport avant le congé estival, mais surtout parce qu'il y a urgence de protéger les militaires des Forces armées canadiennes.
    Nous devons nous concentrer sur deux choses. D'une part, il faut prévenir les inconduites sexuelles et, de l'autre, si malheureusement d'autres incidents se produisent, il faut mettre en place une structure qui donnera la confiance nécessaire aux victimes pour dénoncer les incidents, si incidents il y a, et un mécanisme de surveillance indépendant qui tiendra compte des témoignages que nous avons entendus relativement aux hauts gradés et aux différences culturelles entre les grades dans les forces armées.
    Toutes ces considérations sont très importantes. Une approche improvisée, un rapport bâclé en une semaine et fondé sur des votes par oui ou par non, alors que le gros du travail... J'ai dit précédemment que les cas dont nous avons été saisis ne sont que la pointe de l'iceberg, malgré l'attention qu'ils ont retenue. Les cas graves d'inconduites qui ont attiré l'attention du pays tout entier sur le problème en constituent une infime partie. À la base de l'iceberg, sous la surface, se trouve l'énorme problème qui émane du système lui-même. C'est le système qui permet à des individus comme l'ancien chef d'état-major de la défense de se vanter, comme il l'a fait en 2015, qu'il avait le Service national des enquêtes des Forces canadiennes dans sa poche.
    Comment une telle chose est-elle concevable? Comment, dans une institution comme les Forces armées canadiennes, un haut gradé en arrive‑t‑il à se sentir si puissant — même si c'est immérité — qu'il est convaincu d'avoir le service d'enquête dans sa poche? C'est un problème systémique. Or, je n'ai entendu aucune réflexion ou recommandation à propos de ce système de la part de mes collègues de l'opposition, qui veulent maintenant convoquer encore un autre témoin, qui pourra faire un énième énoncé.
    Plongeons-nous dans le vif du sujet. Attaquons-nous à l'iceberg. Trouvons une façon d'ébranler cet iceberg pour que le changement de culture puisse se faire. Tournons-nous vers les pays qui ont fait un travail efficace et inspirons-nous de leur expérience et de leurs comptes rendus. Donnons la priorité aux lourdes séquelles émotives dont nous avons entendu parler de la bouche même des militaires à la retraite et en service des forces armées. C'est ce qui doit se trouver au centre de notre travail, mais ce ne sera pas possible si nous nous bornons à voter oui ou non sur une série de recommandations examinées en vitesse, sans que nous ayons eu le temps de faire des liens entre elles, d'établir un ordre de priorité et d'en débattre en profondeur.
    Je comprends tout à fait M. Bezan d'avoir peur que nous manquions de temps pour soumettre notre rapport. J'estime aussi que c'est extrêmement important. Comme je l'ai dit, ce rapport est le plus important que le Comité ait eu à produire au cours des dernières années. Nous devons le terminer et le publier, mais nous devons aussi nous assurer qu'il aura suffisamment de portée. Si nous publions un rapport qui n'est pas à la hauteur des attentes et qui n'a pas les retombées escomptées, le Comité aura manqué à son mandat et tous ses efforts auront été vains.
    Pour cette raison, j'espère que la motion dont nous sommes saisis ouvrira la voie à un amendement, à un débat ou à une approche beaucoup plus constructive, et que le Comité fera front commun pour s'attaquer au problème et faire en sorte que les changements si absolument nécessaires se produisent.

  (25210)  

    Je vais m'en tenir là. J'aurais d'autres détails à vous partager concernant les expériences et les perspectives d'autres pays qui pourraient alimenter notre réflexion au sujet de nos recommandations, si nous réussissons à nous mobiliser et à parvenir à cette étape.
    Cela dit, je vous rends la parole, madame la présidente, et je vous remercie.
    Merci infiniment, monsieur Spengemann.
    Le prochain intervenant sera M. Bagnell.
    Merci, madame la présidente. Je suis heureux de pouvoir donner mon point de vue sur la motion à l'étude.
    Quand elle a été présentée, j'y ai vu une amélioration. Je me suis dit que c'était un pas en avant et j'espérais, comme M. Spengemann vient de le dire, qu'elle nous laisserait une certaine latitude pour apporter des amendements qui rallieraient tous les partis à l'idée de coopérer pour faire avancer les choses.
    J'ai quelques remarques à formuler au sujet de la motion — au moins quatre — mais, étant donné que M. Bezan peut avoir tendance à nous présenter des préambules plus ou moins appropriés avant les motions, je vais commencer par essayer de remettre les pendules à l'heure.
    Tout d'abord, rappelons-nous le contexte. Un courriel a été envoyé de source anonyme. Cette personne ne voulait pas donner son identité et elle n'a pas donné son autorisation pour que l'information soit transmise. Donc, le courriel a été envoyé, mais personne ne savait ce qu'il contenait. C'était un courriel anonyme. Il a été transmis sans délai au service des enquêtes, qui a fait les recherches au meilleur de ses moyens, et le dossier a été clos.
    Les conservateurs ont alors commencé à présenter des motions visant à convoquer diverses personnes afin qu'elles témoignent au sujet de ces courriels. Les libéraux ont appuyé ces motions pendant un certain temps, même si elles nous éloignaient des enjeux importants que les témoins, les experts et les survivants nous avaient demandé d'étudier: la culture, les représailles en cas de dénonciation, la chaîne de commandement. Rien de tout cela n'était au programme. Les délibérations tournaient autour d'un courriel dont personne ne savait rien et qui avait déjà fait l'objet d'une enquête.
    Les libéraux ont fini par en avoir assez et ils ont demandé qu'on arrête de gaspiller le temps du Comité en présentant des motions qui visaient soit à rappeler les mêmes témoins pour qu'ils nous parlent du fameux courriel dont personne ne connaissait le contenu, soit à exiger la transmission d'autres courriels qui n'étaient pas forcément pertinents. Il faut revenir au véritable objet de nos travaux, et la nouvelle motion pourrait peut-être nous le permettre.
    Je suis sensible à ce que M. Bezan a dit dans son préambule concernant la nécessité de nous atteler à la tâche, mais si nous en revenons aux faits... Je le répète, une enquête approfondie a été effectuée, dans les limites de ce qui était faisable puisqu'il n'y a pas eu d'autorisation ni d'information qui aurait permis d'aller plus loin.
    Après la présentation de la motion, des enquêtes persévérantes des médias — Global News et le Toronto Star, je crois — nous ont appris que le général Vance faisait déjà l'objet de deux allégations graves, mais qu'il a malgré tout été nommé général.
    Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas du tout ce dont j'aurais voulu parler au sujet des témoignages que nous avons reçus. Je voulais discuter de ce dont les survivants nous ont demandé de discuter, mais mes collègues qui insistent pour convoquer d'autres témoins — M. Barsalou-Duval le suggère dans son préambule — devront revoir la liste des témoins pour y inscrire les personnes qui ont découvert que ces deux enquêtes étaient en cours et qui savent pourquoi le général Vance a quand même été nommé.
    Une de ces enquêtes était menée par la police militaire, qui y a mis fin, ou qui a annoncé qu'elle y mettait fin le jour de sa nomination comme commandant en chef. Quatre jours plus tard, l'enquête était close. La raison donnée en réponse à une demande d'accès à l'information, qui émanait je ne sais d'où, était qu'il y avait eu des pressions. C'est une allégation potentiellement très grave et, pour ceux qui veulent convoquer d'autres témoins, c'est à ce genre de témoins qu'ils devraient songer.
    L'autre enquête sur le général Vance a alors été confiée à M. Novak. Le déroulement a été très semblable à celui de l'enquête concernant le courriel envoyé en 2018, qui s'est rendue aussi loin que possible. M. Novak a suivi exactement le même processus: il s'est adressé à M. Fadden, qui lui a répondu qu'il n'y avait aucun dossier de plainte ou d'enquête en cours, et qu'il fallait donc ouvrir un dossier ou lancer une enquête. Toutefois, le conseiller à la sécurité nationale affirme n'avoir jamais mené l'enquête en question. Si l'enquête n'a pas eu lieu, alors pourquoi M. Vance a‑t‑il été nommé?

  (25215)  

    Si vous voulez vraiment recommencer à entendre des témoins, contrairement à ce que M. Bezan a suggéré dans son préambule, il faut faire venir les personnes qui ont quelque chose à nous apprendre au sujet des révélations récentes, autrement plus graves. Mais comme je l'ai dit, ce n'est pas ce qui m'intéresse. C'est l'avenir qui m'intéresse.
    Depuis que cette histoire a fait surface, il y a eu d'autres révélations. Le chef d'état-major de la défense sortant, le général Tom Lawson, a déclaré sans ambages qu'aucune allégation concernant les inconduites de Vance à Gagetown n'est parvenue à ses oreilles, y compris quand il a prêté main-forte au processus pour trouver un remplaçant au poste de chef d'état-major. Il a affirmé qu'il n'essayait pas de se dérober, qu'il aurait fait enquête s'il l'avait cru nécessaire. Par la suite, le vice-chef d'état-major de la défense, Guy Thibault, et d'autres ont affirmé qu'ils n'avaient jamais eu vent des allégations non plus.
    C'est le genre de choses que ceux qui ont jugé nécessaire de présenter cette autre motion... Si leur démarche est sérieuse, ils auraient changé la liste des témoins à convoquer pour que nous puissions discuter des allégations graves qui ont été révélées par la suite. Comme les libéraux le répètent depuis le début, l'important est de donner suite aux demandes des experts et des survivants, et d'avoir un débat sérieux, pas des exposés de deux minutes, sur les mesures et les recommandations éminemment complexes qui seront proposées.
    Je pourrais citer en exemples les réformes administratives qui ont été opérées et qui dans certains cas ont donné de très bons résultats. Toutefois, comme M. Garrison et moi-même l'avons déjà mentionné, des centaines d'incidents d'inconduite sexuelle continuent de se produire. Ce n'est pas encore assez. Un certain degré d'efficacité ne suffit pas. Lors de notre dernière réunion, nous avons énuméré pendant une heure les mesures prises par le gouvernement, mais il est clair qu'il reste beaucoup à faire. C'est très complexe, même si beaucoup de mesures semblent avoir donné des résultats encourageants. Si la réponse est trop simpliste, les progrès ne seront pas au rendez-vous, bien évidemment.
    C'est pourquoi je pense, comme je l'ai répété à chaque réunion, je crois, que des débats sérieux sont nécessaires sur ces questions. Elles ne sont pas simples. L'adage dit qu'à tout problème complexe, il y a une solution simple, mais pas dans ce cas‑ci. C'est pourquoi nous avons besoin de plus que deux minutes pour chaque élément. Que ce soit deux minutes par paragraphe ou... Est‑ce que le paragraphe rend justice aux témoins? Si ce n'est pas le cas, est‑ce que deux minutes suffisent pour dire pourquoi? Je ne crois pas.
    Nous parlons de changements d'orientation très profonds pour une institution comme l'armée. Pour certaines recommandations, aurons-nous assez de deux minutes? M. Baker l'a dit, et je l'ai dit aussi durant la présente réunion et celles qui ont précédé: il est à peu près impensable que notre rapport soit pris au sérieux si nous avons eu chacun deux minutes pour nous prononcer sur les paragraphes ou les recommandations.

  (25220)  

    Combien de fois avons-nous entendu dire que l'objectif de l'étude est de demander des comptes au gouvernement? Si la motion est adoptée, comment allons-nous demander des comptes au gouvernement s'il ne peut pas donner une réponse? Pourquoi ne voudrions-nous pas que le gouvernement réponde à nos recommandations? Il a déjà pris plusieurs mesures et il s'apprête à en prendre d'autres, comme en fait foi notamment le mandat donné à Mme Louise Arbour. Nous devons nous assurer que ce que les survivants et les experts nous ont dit se retrouvera dans notre rapport et nos recommandations, et que les mesures en tiendront compte. Si le rapport n'en fait pas état...
    C'est un rapport d'une grande importance, qui contiendra beaucoup de recommandations. Je suis tout à fait d'accord avec la proposition de Mme Vandenbeld de commencer par trouver celles qui font l'unanimité, pour que ce travail soit fait. Autrement, si nous disposons seulement de deux minutes et que nous n'avons aucune idée de ce qui sera adopté... Est‑il vraiment raisonnable de penser que 48 heures suffiront pour aboutir à un rapport minoritaire, alors qu'il faut s'attendre à ce que des paragraphes soient inexacts et à ce que certaines recommandations nécessitent une étude plus fouillée?
    Par ailleurs, au sujet de la limitation des débats, je me demande comment le NPD ou le Bloc réagiront si ce précédent est créé et si, sous le règne d'un éventuel gouvernement majoritaire libéral ou conservateur, chaque député dispose seulement de deux minutes pour se prononcer sur des recommandations cruciales totalement incompatibles avec la philosophie de leur parti ou leurs principes. Pensez seulement aux longs débats suscités par les études en cours comme celle sur la Loi sur la radiodiffusion. Si un député a seulement deux minutes pour donner son point de vue sur une recommandation concernant cette loi, est‑ce qu'on trouverait que c'est suffisant?
    Mon dernier point pour le moment concerne la partie précise de la procédure... À mon avis, nous devrions chercher un terrain d'entente et en discuter, car ce qui est proposé est une modification importante de la procédure. Quand j'étais président du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, les conservateurs et les néo-démocrates ont passé plusieurs mois à débattre d'une modification de la procédure qu'ils jugeaient inappropriée. Ils ne se sont pas gênés pour chanter sur tous les tons qu'il était de la plus haute importance de ne pas modifier la procédure sans l'accord de tous les partis.
    Je m'arrête ici pour cette partie de mon intervention.
    J'ajouterais pour terminer, et c'est lié à mes prochaines remarques, que si nous voulons avoir plus que deux minutes pour nous prononcer sur les recommandations et les paragraphes les plus importants, il faudrait le faire maintenant. Je présume que tous les membres du Comité qui ont des propositions importantes au sujet d'un paragraphe ou d'une recommandation, à moins que cela ait changé au cours des discussions sur la motion, vont les présenter durant le débat sur les recommandations et les paragraphes pour lesquels ils ont plus que deux minutes pour donner leur point de vue, parce qu'ils n'auront pas d'autre occasion de le faire.
    Merci, madame la présidente.

  (25225)  

    Merci, monsieur Bagnell.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
     Merci, madame la présidente.
    Comme mes collègues, je suis étonné de la motion de M. Bezan.
     En effet, limiter le temps de parole de chacun des membres du Comité nous empêche de faire notre travail de façon correcte et efficace. Au Comité, nous avons entendu des témoins nous rappeler à quel point la situation doit changer. J'ai l'impression que cette motion vise à nous dégager de notre rôle de membres du Comité en nous permettant de dire que nous avons parlé pendant deux minutes et que nous avons contribué à l'étude. Ce n'est évidemment pas vrai.
    Aussi, en ne laissant place à aucune réponse du gouvernement, ce rapport ne permettra pas de changer la situation. Cela prouve encore une fois que, pour les députés de l'opposition, cette motion n'est qu'un moyen de dire qu'ils ont essayé, mais que nous n'avons rien voulu entendre. Ce n’est absolument pas la vérité.
    En revanche, ce que nous pourrions faire en tant que comité, c'est nous concentrer sur les victimes et les survivantes, et arrêter de tenter de marquer des points politiques.
    Encore une fois, tous les membres de l'équipe de la Défense nationale devraient pouvoir sentir qu'ils sont en sécurité et qu'on les respecte dans leur milieu de travail. L'élimination du harcèlement et de l'inconduite sexuels et la création d'un milieu de travail sécuritaire pour chaque membre de l'équipe de la défense sont une priorité pour nous.
    Un examen externe indépendant et complet des politiques, des procédures, des programmes, des pratiques et de la culture actuellement en place dans les Forces armées canadiennes et au ministère de la Défense nationale sera lancé. Son but sera de faire la lumière sur la présence continue des cas de harcèlement et d'inconduite sexuelle en dépit des efforts pour les éradiquer, de déterminer les obstacles qui nuisent aux signalements des comportements inappropriés, d'évaluer la pertinence des interventions lors des signalements et de formuler des recommandations sur la façon de prévenir et d'éradiquer le harcèlement et l'inconduite sexuelle.
    Voici le type de mesures concrètes que nous pouvons implanter afin de changer cette culture toxique au sein des Forces armées canadiennes. À cette fin, nous examinerons aussi les systèmes de recrutement, de formation, d'évaluation du rendement, d'affectation et de promotion des Forces armées canadiennes, ainsi que les politiques, les procédures et les pratiques en place dans le système de justice militaire pour répondre à de telles allégations.
    En outre, l'examen évaluera les progrès réalisés à l'égard des recommandations contenues dans l'examen externe sur l'inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes effectué par Marie Deschamps. Le mandat, l'indépendance et la structure hiérarchique du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle feront également l'objet d'un examen.
    Voici les façons concrètes qui pourront nous permettre de changer les choses au sein des Forces armées canadiennes. Le responsable remettra son rapport d'examen provisoire au ministre de la Défense nationale, puis à la sous-ministre de la Défense nationale et au chef d'état-major de la Défense. Le rapport d'examen final sera pour sa part rendu public par le ministre dans les 10 jours suivant sa réception et il sera transmis au premier ministre.
    Je ne pense pas que l'entièreté de la motion de M. Bezan soit à éliminer et j'espère que le député sera ouvert à la possibilité d'y apporter des amendements afin que nous puissions avancer.
    Merci, madame la présidente.

  (25230)  

     Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    Nous allons poursuivre avec M. Baker.
    Désolée. Madame Vandenbeld, vous êtes la suivante.
    Madame la présidente, est‑ce mon tour ou celui de Mme Vandenbeld?
    Vous pouvez céder votre tour à Mme Vandelbeld si vous le désirez, monsieur Baker. Vous pourrez avoir la parole après elle.
    D'accord.
    C'est très galant de votre part. Merci beaucoup.
    Madame Vandenbeld.
    Merci beaucoup, monsieur Baker.
    Merci, madame la présidente. C'est un peu plus difficile de savoir quand c'est à mon tour d'intervenir quand je suis dans la salle... Merci de me donner la parole.
    Je remarque que cette motion, comme je l'ai fait remarquer pour la précédente, propose elle aussi de limiter le temps de parole à une ou deux minutes, de ne pas autoriser les amendements et de voter oui ou non sur les recommandations que des témoins ont pris le temps de venir nous présenter concernant des questions très complexes. Ils nous ont fait beaucoup de suggestions pour améliorer les interventions auprès des survivants, mais aussi pour prévenir les incidents.
    De nous imposer, comme je l'ai déjà dit, une limite de temps pour débattre d'un rapport qui fait plus de 60 pages... Nous aurions chacun une minute pour nous exprimer à tour de rôle, avant de passer illico au vote... Madame la présidente, ce n'est pas ce que j'appelle un dialogue. Nous devons avoir la possibilité d'échanger, de trouver des compromis. Je me dois de répéter que cet aspect de la motion créera un très dangereux précédent. Tous les députés sont conscients que le travail du Parlement se fait essentiellement en comité. Nous le savons tous, surtout ceux d'entre nous qui ont beaucoup d'années au compteur.
    Nous avons en tête des exemples de rapports de comités auxquels nous avons siégé et pour lesquels nous avons réussi à mettre de côté nos différends politiques, à entendre ce que les témoins avaient à nous dire et à rédiger des rapports de grande qualité. Ce serait insupportable pour moi de penser que, dans la partie de notre travail qui consiste à rédiger des rapports, nous serions soumis aux mêmes joutes et aux mêmes carcans politiques que dans le restant de notre travail. C'est à ce moment que nous pouvons nous rencontrer, être à l'écoute des Canadiens, en faire rapport au Parlement et demander au gouvernement de donner sa réponse.
    C'est probablement l'aspect le plus cynique de la motion. Je sais que mes collègues l'ont dit avant moi, mais je tiens à souligner que le cynisme de cette motion ne tient pas seulement à la proposition d'éliminer les amendements, de limiter strictement les débats et de voter par oui ou non, ce qui permettra à la majorité de faire passer tout ce qu'elle veut, mais surtout à celle de ne pas obliger le gouvernement à répondre au rapport. C'est inconcevable, madame la présidente, alors que la reddition de comptes passe justement par les questions qu'on pose au gouvernement. Si on ne lui demande pas de réponse, on envoie le message que nous allons déposer un rapport, mais que le gouvernement pourra l'ignorer et faire à sa guise concernant les recommandations, sans donner d'explication.
    Madame la présidente, je tiens à répéter que nous avons entendu des témoins exceptionnels. Il est vrai qu'au début, il était prévu de consacrer trois jours pour établir le rapport, qui devait porter sur un sujet très circonscrit mais, comme c'est très souvent le cas au sein des comités, quand nous commençons à entendre les témoins et parce que nous savons à quel point il est important de ne rien citer hors contexte... Quand nous avons commencé à étudier le contexte et à entendre des témoins, quand les membres ont commencé à mieux comprendre de quoi il en retournait et à inviter d'autres témoins... Nous avons reçu Mme Deschamps, qui nous a livré un témoignage crucial. Nous avons accueilli de nombreux universitaires et plusieurs témoins qui ont littéralement consacré leur carrière à ce sujet et qui nous ont fait part de leurs idées. Si nous nous limitons à une ou deux minutes pour discuter des recommandations que ces témoins ont pris le temps de venir nous soumettre, nous serons loin de leur faire honneur et de leur rendre service.
    Je vais maintenant citer quelques recommandations que nous ont faites ces témoins, celles‑là mêmes que nous envisageons de soumettre à un simple vote par oui ou par non après deux minutes de discussion. Elles comportent souvent des éléments délicats, très importants, compliqués, complexes, qui demandent à être nuancés. Je vais vous donner quelques exemples.
    Les membres se souviendront que j'ai déjà parlé des recommandations de certains témoins qui ont comparu autant devant nous que devant le comité de la condition féminine, ainsi que d'autres recommandations que nous avons reçues personnellement de personnes qui, après mûre réflexion, sont venues nous rencontrer. Je sais que vous-même, madame la présidente, et d'autres députés avez eu des conversations très difficiles au cours des quatre derniers mois. Nous avons prêté l'oreille. Je vous ai dit auparavant que certaines discussions que j'ai eues et certains propos qui m'ont été livrés m'ont empêchée de dormir. Ce n'est pas facile.

  (25235)  

    Nous devons débattre des recommandations que nous ont soumises ces témoins avec le même sérieux que celui dont ils ont fait preuve quand ils nous les ont présentées.
    Je vais en citer quelques-unes et vous faire part de certaines réflexions. Ces recommandations ne se trouvent pas forcément dans la version préliminaire du rapport, mais peuvent provenir de témoins qui ont comparu devant divers comités.
    Je les ai regroupées. Je vais commencer par des recommandations qui touchent le changement de culture au sein des Forces armées canadiennes. Nous savons que ce changement est nécessaire. Il est très important de réfléchir à ce qui est valorisé et à ce qui est considéré comme étant secondaire, à la manière dont les membres des Forces armées canadiennes interagissent, ce qu'ils apprennent. Qu'est‑ce qui est méritoire? De quoi ont-ils l'impression de ne pas pouvoir parler ou, au contraire, de devoir se vanter? À quelle réaction ont-ils droit quand ils le font? Quelle est l'expérience des personnes qui ne correspondent pas au modèle normatif du guerrier masculin dans les Forces armées canadiennes?
    Je me hasarderais à avancer, madame la présidente, que cette culture est aussi préjudiciable pour les hommes qui ne s'y retrouvent pas. Il est tout aussi contraignant pour les hommes d'être enfermés dans un rôle, de privilégier des qualités prêtées au bon soldat, au bon pilote ou au bon marin, et d'en dénigrer d'autres soi-disant parce qu'elles sont des signes de faiblesse ou d'incompatibilité avec les Forces armées canadiennes, la culture ambiante et ce que les gens y apprennent.
    Pas plus tard que cette semaine, nous avons eu des témoignages et des échanges très poignants au sujet du Collège militaire royal, qui intervient très tôt dans la carrière des jeunes qui s'enrôlent dans l'armée pour servir et protéger leur pays. Je ne suis pas une ancienne combattante, mais je sais qu'il s'en trouve une ici même et que beaucoup d'autres nous écoutent. J'ai la ferme conviction que les personnes qui s'enrôlent dans les Forces armées canadiennes le font essentiellement pour protéger notre pays, les Canadiens et d'autres gens aussi, et qu'ils ont la volonté de le faire de manière honorable. Ce sont leurs valeurs et, quand elles découvrent que ce n'est pas la réalité, c'est un choc. Je peux à peine imaginer... En les écoutant, ce que nous avons fait abondamment depuis quelques mois, j'ai réalisé à quel point ces problèmes sont difficiles à supporter.
    Je vais lire une série de recommandations que j'ai recueillies depuis quatre mois afin qu'elles soient consignées au compte rendu.
    La première porte sur la nomination d'une personne qui ne fait pas partie des Forces armées canadiennes pour mener des enquêtes sur l'inconduite sexuelle et faire des recommandations. Nous avons entendu cela au tout début, et c'est exactement la raison pour laquelle Mme Arbour a été nommée et que la générale Carignan sera responsable de la mise en œuvre.
    La nomination de Mme Arbour... C'est la première fois qu'une personne qui ne fait pas partie de la chaîne de commandement, qui n'est pas membre des Forces armées canadiennes, examinera « comment » se font les choses. Mme Deschamps, qui a témoigné devant nous, nous a parlé avec insistance du problème et de la nécessité que l'examen se fasse à l'extérieur des Forces armées canadiennes.
    Le chef d'état-major de la défense par intérim a aussi témoigné devant nous. Bon nombre des très hauts fonctionnaires du ministère et des très hauts gradés des Forces armées canadiennes nous ont dit que les recommandations de Mme Arbour... Ce ne sont pas des recommandations au sens large, mais plutôt une feuille de route sur la ligne de conduite à adopter. Cette feuille de route n'aurait pas pu provenir du ministère ou des FAC. C'est quelque chose qui a déjà été tenté, et je pense vraiment que des efforts sincères ont été faits pour mettre des mesures en œuvre, mais il faut un regard extérieur. C'est le travail de Mme Arbour.
    Il ne faut pas sous-estimer l'importance des propos du chef d'état-major de la défense par intérim selon lesquels on attendra pas la fin de l'examen de l'ancienne juge de la Cour suprême, mais tous les mois. Nous avons entendu le chef d'état-major par intérim dire qu'elle fera un compte rendu mensuel. Une instance a été établie en interne qui veillera à la mise en œuvre des recommandations dès leur dépôt.

  (25240)  

    Avec la générale Carignan aux commandes, on n'attendra pas un autre rapport pour aller de l'avant. C'est une feuille de route et, comme moi, vous avez entendu le ministre affirmer qu'elle aura force exécutoire. La mise en œuvre se fera au fur et à mesure et, outre ces recommandations, la générale Carignan pourra examiner tout ce qui se fait à l'échelle des Forces armées canadiennes et du ministère de la Défense nationale afin de concerter les efforts et de faire en sorte qu'un véritable changement s'opère.
    De toute évidence, nous vivons un moment décisif. Nous avons une réelle occasion d'agir, comme c'est souvent le cas en temps de crise. Grâce à tous ces gens qui ont osé faire des dénonciations et témoigner, nous pouvons faire bouger les choses. À mon avis, c'est ce qui devrait retenir l'attention du Comité.
    Deuxièmement, nous attendons le rapport du juge Fish. Je pourrai en reparler, quand nous connaîtrons la teneur exacte de ses recommandations.
    La recommandation suivante aborde la question du changement de comportement dans les Forces canadiennes en adoptant une approche de haut en bas, c'est-à-dire en examinant les personnes, la culture, les valeurs et les attitudes. Cette recommandation est probablement l'une des plus importantes, parce qu'elle parle de valeurs. La culture est en fait l'ensemble des valeurs et des attitudes individuelles. Cela ne signifie pas que nous n'avons pas la responsabilité de créer un environnement dans lequel chaque personne peut donner le meilleur d'elle-même. Ce dont on parle ici, c'est de la manière dont les membres des Forces armées canadiennes se comportent les uns envers les autres, de leurs attitudes, de la façon dont ils interagissent et des valeurs qui sont véhiculées et récompensées par l'organisation. C'est ce qui compte vraiment.
    Quand les valeurs véhiculées amènent certaines personnes à penser qu'elles ne peuvent pas contribuer pleinement aux Forces armées canadiennes et qu'elles ne s'y sentent pas vraiment accueillies, quand ces personnes subissent des microagressions, quand tous les jours des signes leur sont envoyés concernant la manière dont l'équipement ou l'uniforme est porté... Si le message envoyé — surtout aux femmes, mais également à d'autres groupes en quête d'équité — tous les jours, dans chacune de vos expériences, est qu'on vous tolère, que vous n'êtes pas vraiment à votre place, mais qu'on essaie de vous intégrer tant bien que mal, c'est très différent d'un environnement dans lequel les valeurs, l'attitude et la culture font sentir à tous qu'ils sont appréciés à leur juste valeur, qu'ils ont leur place, qu'ils le savent et qu'on n'essaie pas par tous les moyens de les faire rentrer dans le moule. Dans un tel environnement, les contributions individuelles sont considérées comme une partie du tout: chaque personne est considérée comme un membre de l'unité, des Forces vues dans leur globalité, et le leadership n'est pas seulement perçu comme la capacité de faire exécuter un travail, mais aussi de tirer parti des compétences, des talents, des expériences de vie et des capacités de chacun, de s'assurer que chaque personne qui s'enrôle pour servir son pays peut le faire pleinement. Selon moi, c'est ce dont parlaient les témoins qui ont fait cette recommandation.
    La recommandation suivante aborde la question du changement de comportement dans les Forces canadiennes selon une approche du début à la fin, incluant l'examen des nouveaux membres des Forces canadiennes, l'endoctrinement, les événements du parcours professionnel, le perfectionnement en leadership, les incitatifs et l'avancement professionnel. Cette recommandation touche un aspect essentiel des témoignages que nous avons entendus. Il faut commencer au début, dès le premier jour dans les Forces armées canadiennes et tout au long de la carrière. Cette recommandation parle des événements qui ponctuent une carrière, qui définissent la voie qu'elle prend et la culture, et du perfectionnement du leadership. Qu'est‑ce qu'un leader? Je pense vraiment que le concept de leadership, et ce n'est pas vrai seulement pour les Forces armées canadiennes... C'est vrai aussi en politique et dans bien d'autres milieux.

  (25245)  

    On a beaucoup écrit au sujet du leadership d'un point de vue féministe. Même ici, à la Chambre des communes, quand des femmes montrent trop leurs émotions, on considère que c'est un signe de faiblesse, que ce n'est pas digne d'un leader. L'idée que le leadership doit être agressif et masculin, comme je l'ai déjà dit, ne nuit pas seulement aux femmes. Les hommes aussi y perdent au change, car ils ne sont pas tous à l'aise avec cette vision normative et toxique de la masculinité. En fait, la plupart des hommes rejettent cette conception de la masculinité. L'idée qu'il faille rentrer dans le moule pour se sentir accepté... C'est ce genre de chose qu'il faut changer dans la culture.
    J'aime la manière dont cette recommandation est rédigée, qu'elle parle d'une approche du début à la fin. La recommandation précédente porte sur un changement de comportement de haut en bas, ce dont nous parlons beaucoup aujourd'hui. Dans cette recommandation‑ci, il est plutôt question d'une approche du début à la fin d'une carrière, et je suis tout à fait d'accord que le changement doit être continu.
    Je suis très optimiste quand j'observe les nombreux changements concrets dans la culture, surtout parmi les membres plus jeunes et nouveaux des Forces armées canadiennes. Je pense vraiment que c'est de ce genre de leadership dont nous aurons besoin. Et, pour être honnête, je crois que c'est vrai aussi pour le milieu de la politique. Ceux d'entre nous qui sont un peu plus vieux et qui sont là depuis longtemps ont tous quelque chose à apprendre des plus jeunes.
    Je dois dire que certaines de mes employées ou stagiaires de 19 ou 20 ans ont dénoncé des choses que je n'aurais même pas pensé à dénoncer. C'est dommage, mais il arrive un moment dans notre vie où nous sommes pour ainsi dire désensibilisés. Bien entendu, certains comportements continuent de vous gêner, mais parce qu'ils sont si fréquents et que personne n'a réagi quand vous les avez signalés, vous cessez de les remarquer. Je pense que beaucoup d'entre nous, du moins parmi les plus vieux ou les plus expérimentés, avons eu des carrières dans lesquelles il est souvent arrivé... Durant mon propre parcours professionnel, j'ai très souvent été la seule femme dans la pièce. C'était même la norme, la plupart du temps: j'étais soit la seule femme, soit une des rares femmes dans une pièce remplie d'hommes. Cette réalité nous amène à développer des stratégies, à choisir d'ignorer certaines choses pour que les dossiers avancent et que les problèmes se règlent.
    Nous ne devrions plus les ignorer. Certains comportements doivent être dénoncés. J'ai eu des prises de conscience en entendant de très jeunes employées dire que certains comportements inacceptables devaient être dénoncés. Je me suis demandé pourquoi je n'y avais pas pensé moi-même, alors qu'il sautait aux yeux qu'elles avaient raison et qu'il fallait dénoncer certains comportements. Pourquoi n'avais‑je rien remarqué?
    Je pense que beaucoup des membres les plus âgés des Forces armées canadiennes font les mêmes prises de conscience. Beaucoup de gens, quand ils repensent à leur carrière — je parle de bonnes personnes qui n'ont jamais eu le genre de comportements dont il est question ici —, réalisent qu'ils sont devenus... J'hésite à utiliser le mot « désensibilisés », mais je ne sais pas vraiment par quoi le remplacer.
    Je crois vraiment qu'un changement réel s'opère actuellement, et c'est tant mieux. Il faut en remercier les personnes qui ont osé faire des dénonciations. Je ne parlerai pas des femmes braves et courageuses, parce que celles qui se taisent ne manquent pas forcément de bravoure ou de courage. Nous devons tous faire notre propre examen de conscience, examiner nos comportements et ce que nous considérons comme adéquat ou non, ce qui nous fait réagir ou non. La culture est faite de tout cela. C'est pourquoi je suis ravie de voir qu'on parle de changements de haut en bas et du début à la fin.
    J'ai rangé une autre recommandation dans cette catégorie: établir un objectif de résolution uniforme, rapide, compatissante et efficace de l'inconduite sexuelle au sein des Forces canadiennes afin de parvenir à un changement de culture.

  (25250)  

    Actuellement, beaucoup de gens... Je ne crois pas que c'est propre aux Forces armées canadiennes. Au début du mouvement #MoiAussi, partout dans le monde, des institutions du domaine policier ou militaire, les Nations unies... C'est clair que des prises de conscience ont eu lieu dans beaucoup d'institutions traditionnellement dominées par des hommes.
    Le passage « résolution uniforme, rapide, compatissante et efficace de l'inconduite sexuelle » de la recommandation est très signifiant. Il faut que la résolution soit uniforme, parce que si la solution s'applique à certains cas seulement, sa légitimité sera mise en doute. Il faut aussi que la résolution soit rapide parce que, comme nous le savons tous, justice différée est justice refusée.
    Cela m'attriste vraiment quand une personne, après m'avoir vue à la télévision, m'appelle pour me parler d'un événement qui remonte à 40 ans et dont elle n'a jamais parlé à personne. C'est bouleversant. Quand une personne garde quelque chose enfoui pendant aussi longtemps parce qu'il lui semble impossible de se confier à quelqu'un, même pas à un proche, c'est à la fois bouleversant et une énorme responsabilité à porter.
    J'espère de tout cœur que ce que nous faisons est juste pour toutes les personnes qui ont pris la parole. En révélant des secrets qu'elles gardent parfois depuis 40 ans, ces personnes nous donnent à nous, les politiciens, les leaders, une responsabilité plus grande encore de prendre les bonnes décisions, de nous assurer que ces dénonciations tardives n'auront pas servi à rien, et que les jeunes et tous les autres qui sont actuellement dans les rangs de l'armée n'auront plus jamais à endurer ce qu'elles ont enduré.
    Il faut résoudre le problème rapidement, pour que plus jamais quelqu'un ne se sente forcé de garder le silence pendant des décennies. Je n'ose même pas imaginer que dans 30 ans d'ici, les personnes qui sont actuellement victimes... Il faut résoudre le problème rapidement, maintenant.
    Le choix du mot « compatissante » est intéressant. La raison pour laquelle ces survivants l'ont utilisé dans une recommandation... Il est important de réaliser que les gens changent, qu'ils apprennent tout au long de leur vie, qu'ils font des prises de conscience. Les gens ne saisissent pas toujours les conséquences de leur silence ou de leurs comportements si rien ni personne ne leur fait ouvrir les yeux. De bonnes personnes, après avoir pris conscience des conséquences de ce qui jusque‑là leur semblait normal, font un travail d'introspection et veulent s'amender. Je ne crois pas que le processus doit être exclusivement punitif. Il doit aussi être compatissant si on veut que les gens se réconcilient et s'amendent.
    Cela dit, je ne parle pas d'agressions et de violence sexuelles. Je parle de faire des blagues déplacées, de détourner le regard ou de rire pour se sentir partie du groupe, de toutes ces choses qui façonnent une culture et dont beaucoup ont fait l'expérience. Il faut offrir une manière compatissante de s'amender, pour que les personnes qui ont eu ces expériences puissent tourner la page et aller de l'avant, et pour que les comportements changent.
    En revanche, il faut aussi des sanctions dans le cas de gestes qui visent à blesser une autre personne, à lui causer du tort. Il faut que justice se fasse mais, en même temps, il faut réfléchir à la manière dont les comportements doivent changer, pour que les personnes visées prennent toute la mesure de leurs actes et puissent changer. C'est important pour elles-mêmes, et c'est important aussi pour celles qui les suivent et qu'elles dirigent.
    Évidemment, la résolution doit être efficace. Cela va de soi. Il y a déjà eu beaucoup de tentatives. Des mesures comme l'obligation de signalement partaient d'une bonne intention. Nous sommes nombreux à parler des témoins comme de ceux qui ont détourné le regard en se disant que ce n'était pas de leurs affaires, que ce n'était pas leur place de dénoncer. L'obligation de signalement, c'est l'obligation de parler quand on voit quelque chose. Le hic est que cette obligation prive la victime de sa liberté d'action. La victime, souvent une femme, est catapultée dans un enchaînement d'événements dont le déroulement échappe totalement à son contrôle, parfois sans s'y être préparée et sans être prête. Cette personne aurait peut-être fait ce cheminement par elle-même, mais cette obligation l'empêche de décider comment et quand un incident est signalé, et lui enlève tout contrôle sur la suite des choses.

  (25255)  

    S'il y a une chose que les recommandations et tous les témoignages que nous avons entendus nous ont apprise, c'est l'extrême importance pour la victime, la personne survivante, celle qui a subi les torts, d'avoir la liberté et la capacité de décider par elle-même de la suite des choses. C'est à mon sens une très judicieuse recommandation.
    La recommandation suivante, qui porte sur un sujet dont nous avons énormément entendu parler depuis quatre mois, vise à remédier à l'incapacité de l'opération Honour à établir un lien entre l'inconduite sexuelle et la culture militaire, notamment en ne faisant pas référence au rôle du genre et de la masculinité dans les Forces canadiennes.
    Le ministre a été un de nos premiers témoins. Nous l'avons reçu au début de l'étude, et il nous a parlé de masculinité toxique. Je ne pense pas me tromper en affirmant que c'était la première fois qu'un ministre de la Défense du Canada utilisait l'expression « masculinité toxique » en public, devant le Parlement. Il s'agit d'un jalon très important dans le processus de reconnaissance.
    C'est une chose de reconnaître un problème, mais c'en est une autre de le résoudre. La manière, la réflexion sur la manière de le résoudre... Cette réflexion n'a tout simplement pas eu lieu dans l'opération Honour même s'il en est quand même sorti du positif. Le lien avec la culture n'a pas été fait, tout simplement. Comme nous l'ont affirmé beaucoup de témoins, cette opération n'a pas donné les résultats escomptés. Les raisons sont multiples. Nous en avons beaucoup entendu parler, et je ne vais pas les répéter.
    Il est pour ainsi dire impossible de parler de culture sans parler aussi de genre et de masculinité. Une bonne partie de ce dont nous parlons et des expériences dont nous avons entendu parler touchent précisément au concept de la masculinité, au concept du genre, et à la façon dont la plupart des personnes ne se conforment pas aux modèles imposés. L'idée de la masculinité et de ce qu'elle signifie... Je ne me rappelle pas lequel au juste — c'est peut-être M. Okros —, mais un des universitaires que nous avons reçus nous a expliqué que le concept de la culture du guerrier... Selon lui, l'armée est peut-être un des derniers refuges pour ceux qui veulent être de « vrais hommes ».
    Si on y réfléchit bien, cette vision est très toxique. D'un homme à l'autre et d'une femme à l'autre, les comportements peuvent être tellement différents. Essayer de limiter ces comportements à ce concept étroit de la masculinité est nocif autant pour les femmes que pour les hommes, et c'est quelque chose dont nous devrions parler dans notre rapport. Nous devons absolument veiller à ce que les témoins qui nous ont parlé de ces sujets soient entendus, de même que leurs recommandations.
    Je vais m'arrêter ici et laisser mes collègues prendre le relais. Il reste beaucoup d'autres recommandations, et j'espère sincèrement que nous pourrons les soumettre au Parlement.
    Merci, madame la présidente.

  (25300)  

    Merci, madame Vandenbeld.
    Monsieur Bagnell.
    J'ai quelques observations.
    Tout d'abord, je dois dire que j'ai été très encouragé de voir cette motion ce matin, même si la lecture et tout le reste ont pris un peu de temps. C'est dommage qu'elle ait été présentée aussi tardivement, comme toujours, mais M. Bezan s'en est excusé, et j'accepte ses excuses.
    Je n'étais pas aussi farouchement contre la motion que certains de mes collègues. J'avais l'impression qu'elle visait à faire avancer nos travaux, et je le pense encore. Je ne crois pas que M. Bezan a retiré la motion visant à convoquer d'autres témoins seulement parce qu'il devenait évident qu'il aurait fallu appeler M. O'Toole, M. Fadden, le général Lawson, M. Guy Thibault et le responsable de la justice militaire qui a clos le dossier sur M. Vance. Il voulait faire avancer nos travaux.
    Il a soulevé un point intéressant au sujet des motions de clôture à la Chambre, et j'aimerais commenter brièvement ses propos.
    Comme vous le savez, les conservateurs ont abondamment eu recours aux motions de clôture quand ils étaient au pouvoir, mais je ne les en blâme pas. En fait, je crois qu'il s'agit d'un problème structurel. C'est une question qui a été soulevée devant le comité de la procédure, mais elle reste irrésolue. Un problème structurel dans le fonctionnement de la Chambre des communes oblige le recours aux motions de clôture, peu importe quel parti est au pouvoir. D'autres parlements, dont celui de l'Écosse, si je ne me trompe pas, ont réglé ce problème.
    Dans les faits, considérant qu'il existe plus d'une cinquantaine de ministères et d'agences, le travail important à accomplir dans beaucoup de secteurs et l'ampleur du programme, peu importe qui est au pouvoir, c'est impossible à réaliser sans une planification judicieuse. Certaines questions sont secondaires, d'autres sont essentielles. De toute évidence, les délibérations sur la fin de vie sont lourdes de conséquences, mais nous perdons aussi beaucoup de temps sur des broutilles parce qu'il n'y a pas de planification, pas d'échéancier. Peu importe quel parti est au pouvoir, pour faire avancer les dossiers importants pour la population canadienne et les discussions sur les nombreuses questions à régler, il faut recourir aux motions de clôture.
    Des parlements ont réglé ce problème en exigeant que les partis se concertent et établissent une planification. Ils déterminent à l'avance quelles questions sont plus graves et demandent plus de temps, et ils dressent un échéancier. C'est très judicieux. Cette planification permet de réduire les motions de clôture, et je crois même que certains parlements les ont éliminées complètement. La solution qu'ils ont trouvée est beaucoup plus sensée. Les questions plus graves reçoivent tout le temps voulu, et moins de temps est consacré aux modifications mineures. C'est une manière de procéder que je recommande à tous les parlements.
    Comme je l'ai déjà dit, certains éléments du rapport, dans les paragraphes ou dans les recommandations, ne rallient pas forcément tous les partis et ils ne voudront pas forcément limiter leurs interventions à deux minutes. Instinctivement, je ne crois pas que beaucoup d'éléments sont sujets à controverse, même si un député a suggéré tantôt que la plupart le sont. Selon moi, les députés de tous les partis qui ne sont pas d'accord avec quelque chose et qui veulent avoir plus que deux minutes pour s'exprimer au sujet d'un paragraphe ou d'une recommandation devraient nous en faire part maintenant parce que, si la motion est adoptée, ils ne pourront plus le faire. Je suis impatient d'entendre ce que mes collègues trouvent important.
    Par exemple, le sujet des représailles fait partie de ceux qui n'ont pas été traités suffisamment en profondeur, ni dans le rapport ni dans les recommandations. Beaucoup de témoins nous ont dit que leur carrière avait souffert quand ils ont fait un signalement, ou qu'ils ont choisi de se taire par peur des représailles.

  (25305)  

    Je ne suis pas certain si la directive administrative ou le code de conduite condamnent assez fermement les représailles inappropriées, particulièrement quand elles sont liées à des inconduites sexuelles, mais ce pourrait être vrai pour tous les types de représailles. C'est un exemple de sujet qui à mon avis nécessiterait un examen plus attentif et certainement une discussion de plus de deux minutes. C'est clairement une des grandes failles du système, et il faut consacrer plus de temps aux recommandations et aux paragraphes du rapport qui en traitent.
    Pour moi, il n'est absolument pas question d'abandonner. J'ai pensé à cela il y a cinq minutes à peine, mais après avoir vu la motion, j'ai peut-être quelque chose à soumettre à votre réflexion pour faire avancer nos travaux. Je ne veux pas une réponse rapide. Je réfléchis à haute voix. Pensez-vous qu'il serait possible de passer rapidement en revue les paragraphes et les recommandations, et de décider par consentement unanime lesquels pourraient être traités de la façon proposée par M. Bezan, c'est-à-dire une intervention de deux minutes par député? Je crois que de cette façon...
    Je peux me tromper, mais j'ai l'impression qu'une bonne partie du rapport pourrait être traitée rapidement, comme le propose M. Bezan. Pour beaucoup de paragraphes et de recommandations, des interventions de deux minutes suffiraient. Après tout, ils ont été rédigés à partir des témoignages que nous avons reçus. Je serais donc très surpris qu'ils soient tellement à côté de la plaque qu'il sera impossible de nous entendre, du moins pour un bon nombre. Pour le petit nombre qui ne fera pas l'unanimité, nous pourrons revenir au processus habituel d'examen des paragraphes et des recommandations.
    Je lance l'idée et je vous demande d'y réfléchir. Je cède maintenant la parole au prochain intervenant.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Bagnell.
    Nous allons poursuivre avec M. Spengemann. Allez‑y.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je remercie également mes collègues pour leurs observations.
    J'aimerais revenir sur quelques points, en commençant par la réponse du gouvernement. À mes yeux, il est extrêmement important de demander cette réponse. Certains de mes collègues ont expliqué pourquoi. C'est une question de reddition de comptes. Si nous ne savons pas ce que le gouvernement pense des recommandations et du contenu du rapport que nous allons soumettre, nous pourrons difficilement déterminer sa portée réelle et s'il contribue véritablement à faire avancer les choses.
    Je vais donner le même exemple que j'ai utilisé précédemment. En juillet 2019, le Royaume-Uni a publié son rapport sur ce qu'il est convenu d'appeler là‑bas les comportements inappropriés. Assez rapidement ensuite, soit dans l'année qui a suivi, le très honorable Ben Wallace, qui est député et secrétaire d'État à la Défense du Royaume-Uni, a publié un rapport sur les progrès réalisés, intitulé Unacceptable Behaviours: Progress Review 2020. C'est le genre de résultats concrets auxquels on peut s'attendre quand on exige une réponse du gouvernement.
    Ce qui se passe au Royaume-Uni nous confirme que des recommandations judicieuses peuvent conduire très rapidement à des mesures concrètes. C'est un des thèmes que nous avons abordés cet après-midi et dans d'autres réunions. Il y a urgence, certes, mais ce n'est pas seulement cette urgence qui est en jeu. Nous devons aussi nous assurer que nos recommandations déboucheront sur des mesures concrètes et qu'elles auront les retombées escomptées. Nous ne voulons pas qu'elles restent dans les tiroirs ou qu'elles soient inefficaces une fois qu'elles seront mises en œuvre. Je trouve très important que le Comité soit saisi de la réponse du gouvernement et de toute autre étude réalisée, notamment parce que c'est une façon pour la population canadienne de connaître le fruit de ses réflexions et les mesures qu'il entend prendre pour donner suite au rapport.
    J'aimerais soulever brièvement deux autres points au sujet de la motion de M. Bezan. À mon avis, ce n'est pas tant la limite de deux minutes qui pose problème. Il est facile de comprendre que le temps presse et qu'il serait légitime de limiter le temps de parole. Les comités imposent sans cesse ce genre de contraintes aux témoins. Le temps dont nous disposons a été négocié de façon serrée. Le problème tient plutôt à l'unique période accordée aux députés pour intervenir, parce que cette formule empêchera tout échange sur les propos des autres députés, particulièrement pour ce qui concerne les recommandations. Si un député suggère une modification à une recommandation, il n'aura pas l'occasion par la suite d'approfondir sa réflexion par la suite. Il ne sera pas possible d'avoir un débat cumulatif, qui peut éventuellement nous rallier à un point de vue, même si nous ne sommes pas du même côté de la table.
    C'est pourquoi j'estime qu'une certaine souplesse s'impose. Je comprends que M. Bezan souhaite avant tout que le rapport soit terminé rapidement pour que nous ayons le temps de le déposer. Toutefois, je ne crois pas que nous y arrivons en limitant les députés à une intervention unique de deux minutes.
    M. Bezan a aussi parlé — je crois que ce sont ses paroles exactes, mais il me corrigera si je me trompe — de solution facilement applicable pour avancer. Je ne crois pas qu'il voulait dire par là que le problème devait être pris à la légère, mais plutôt qu'il fallait avancer rapidement. Je veux qu'il soit bien inscrit au compte rendu que nous sommes conscients de la complexité des questions dont nous sommes saisis. Les témoignages que nous avons entendus et les interventions éclairées, dans certains cas du moins, des députés de tous les partis montrent à quel point ces questions sont complexes et à quel point elles sont importantes pour les Canadiens, et surtout pour les familles des membres actifs et des anciens combattants des Forces armées canadiennes.
    Pour cette raison, il faut faire attention de ne pas chercher une réponse facile. La réponse doit venir rapidement, oui, mais nous en sommes à l'étape finale de notre travail. Nous sommes saisis de questions complexes et les recommandations sont à l'avenant et nécessitent aussi une vraie réflexion. Je crois que mon collègue Bagnell a dit que les solutions simples à des problèmes complexes mènent souvent à des réponses boiteuses. Bref, nous devons prendre le temps de bien réfléchir, mais nous devons le faire rondement.
    Je voudrais remercier Mme Vandenbeld pour les recommandations qu'elle a présentées lors de sa dernière intervention. J'aimerais ajouter quelques compléments d'information tirés de la conclusion du rapport du Royaume-Uni, auquel j'ai fait référence au fil des dernières réunions. Ces observations portent sur les témoins, les recrues, les médias sociaux et la transparence des mesures prises. J'aimerais qu'elles soient consignées à nouveau au compte rendu car, si la motion est adoptée, le débat sur toute nouvelle remarque serait amputé.
    La question des témoins est très importante. Elle l'est pour les Forces armées canadiennes, mais pour l'ensemble de la société également. Pour éliminer les problèmes d'inconduite sexuelle, il faut changer les comportements des témoins, autant parmi les civils que parmi les militaires en service.

  (25310)  

    À nouveau, les conclusions du rapport du Royaume-Uni sont très éclairantes à ce sujet:
L'influence des témoins sur le comportement d'un groupe a fait l'objet de nombreuses recherches universitaires récentes. Nous sommes constamment témoins d'événements qui se produisent autour de nous. Quand un événement nous apparaît problématique, nous pouvons décider d'intervenir ou de ne pas intervenir, ce qui fait de nous un témoin actif ou un témoin passif. De nombreux facteurs peuvent influer sur notre décision d'intervenir ou non. Toutefois, quand nous décidons d'intervenir, le fautif reçoit le message clair que son comportement est inacceptable.
    Le rapport du Royaume-Uni met en relief la nécessité de changer le comportement des témoins autant dans la branche civile que dans la branche militaire des forces armées.
    Le rapport cite Edmund Burke, un auteur qui a publié des écrits entre le milieu et la fin du XVIIIe siècle: « Le mal n'a pas besoin de grand-chose pour triompher: il suffit que les hommes bons ne fassent rien. » Vous aurez compris qu'à l'époque à laquelle cette phrase a été écrite, on ne se préoccupait pas d'utiliser un vocabulaire non sexiste, mais il ne serait peut-être pas exagéré de dire que dans le cas qui nous occupe, c'est essentiellement le comportement des hommes qui pose problème. L'autre partie de la solution vient de l'alliance avec des hommes. Je le répète, rien ne changera si les gens ne font rien, et les témoins ont un rôle important à jouer.
    Le rapport poursuit ainsi:
Pour que les programmes d'intervention soient efficaces, il est crucial d'encourager les témoins à agir, de perfectionner leurs compétences et d'offrir des mécanismes de plainte et de signalement en soutien. Il existe des programmes brevetés d'intervention des témoins qui sont valables et fiables, mais tous requièrent des investissements considérables dans la formation et l'éducation à tous les échelons d'un organisme. L'éducation des témoins vise à perfectionner leurs connaissances et leurs compétences, à leur donner la confiance nécessaire pour intervenir, à remettre en question les comportements inappropriés, à les dénoncer et les signaler. Le programme d'intervention des témoins de l'Académie de défense est considéré comme le modèle de référence dans le domaine.
    Ce sont là quelques observations du rapport du Royaume-Uni sur la question des témoins. Il recommande de faire une étude afin d'élaborer et de mettre en œuvre une formation pour les témoins à l'échelle de la Défense. Cette recommandation apporte un complément aux remarques précédentes de Mme Vandenbeld.
    Dans la suite de cette partie du rapport britannique, il est question de la collecte de renseignements supplémentaires sur les recrues. On y fait même référence à notre travail et à celui des Forces armées canadiennes:
Les Forces armées canadiennes étudient actuellement la pertinence de recueillir plus de renseignements sur les nouvelles recrues pour avoir une meilleure idée de leurs valeurs, de leurs attitudes et des normes auxquelles ils adhèrent au moment de leur enrôlement. Ces enseignements permettraient d'évaluer les risques et les facteurs de protection et, partant, de concevoir des formations mieux adaptées et plus ciblées. Nous recommandons d'envisager d'en faire autant au Royaume-Uni.
    Pour les fins de notre propre rapport, il faut retenir que d'autres pays vont regarder ce que nous faisons. En fait, ils le font déjà. Nous avons la preuve que le Royaume-Uni s'intéresse vivement à notre travail, ou à ce que nous déciderons concernant la collecte de renseignements sur les recrues, et je crois que le Comité devrait en tenir compte dans la rédaction de son rapport.
    Ce degré de précision, les interactions avec d'autres pays qui découlent de notre travail, c'est à tout cela qu'il faut réfléchir, c'est ce dont il faut débattre, mais ce sera impossible si nous sommes limités à des interventions de deux minutes et que nous ne pouvons pas réagir aux propos de nos collègues. Sur un plan plus systématique, nous devons avoir la latitude voulue pour interagir si nous voulons trouver des réponses justes, et particulièrement pour tirer parti de ce qui s'est fait ailleurs et être en mesure de l'intégrer à notre travail.
    Le Royaume-Uni recommande d'étudier la possibilité de recueillir davantage de renseignements au sujet des valeurs, des attitudes et des normes des recrues afin d'évaluer le risque et de concevoir des formations axées sur la prévention.
    Une observation du rapport britannique concernant les médias sociaux mériterait une plus ample réflexion de notre part, surtout si on tient compte de ce que Mme Vandenbeld a dit tout à l'heure au sujet des jeunes et des médias sociaux:
Il est de plus en plus largement admis qu'un des principaux problèmes comportementaux actuellement est lié au volume croissant de messages à contenu sexuel dans les médias sociaux. Une partie des efforts doit se concentrer sur ce problème, mais il est évident que ce défi touche toute la société. Même si on s'attend à ce que les cohortes plus jeunes connaissent mieux les médias sociaux et Internet en général, il ressort des consultations de divers groupes témoins que les jeunes « de l'ère numérique » auraient quand même besoin de formation et d'éducation sur leurs comportements en ligne.

  (25315)  

    Cela nous amène à élargir le débat sur les problèmes d'intimidation, de harcèlement et d'inconduite en ligne dans la société civile en général. Nous avons peut-être la chance de faire un examen plus approfondi que celui que le Royaume-Uni propose dans l'unique paragraphe portant sur ce thème dans son rapport. Nous pourrions pousser un peu plus notre réflexion, en nous appuyant sur les travaux auxquels nous sommes de nombreux parlementaires à participer, hors des Forces armées canadiennes, sur les questions du harcèlement et de la haine en ligne. Nous pourrions nous en inspirer dans nos recommandations sur l'utilisation des médias sociaux par les membres actifs et vétérans des Forces armées canadiennes.
    Pour terminer, je vais vous lire un extrait d'une partie portant sur la transparence des mesures, qui est fondamentale:
La transparence des mesures est essentielle, et elles doivent être bien connues du personnel militaire et civil. Plus particulièrement, il faut davantage de transparence quant aux conséquences de certains gestes pour donner corps à la politique de tolérance zéro, promouvoir les valeurs et les normes, et venir à bout du cynisme engendré par l'immobilisme apparent de l'organisation. La culture et les comportements, de même que leurs conséquences pour les victimes et les auteurs, doivent devenir des sujets de discussion courants dans le lieu de travail et dans les formations données, et il faut les aborder de manière uniforme et continue.
    Cette partie du rapport se termine sur cette conclusion, en insistant sur le leadership authentique, l'engagement constant et l'uniformité des communications au sein des forces armées britanniques.
La formation des témoins, la formation immersive axée sur les jeux de rôle, ainsi que la formation sur les médias sociaux comptent parmi les programmes que nous recommandons d'instaurer à l'échelle de la Défense. Ces formations exigeront des efforts concertés, des ressources suffisantes et une attention constante, pendant de nombreuses années, des hauts gradés de la Défense ainsi que des responsables et des gestionnaires de secteur à tous les échelons.
    Jusqu'ici, je me suis concentré sur ce qui se fait au Royaume-Uni — mais comme je l'ai déjà dit, le Comité pourrait s'inspirer, ou du moins prendre acte de l'expérience de nombreux autres pays — avec un degré de précision qui devrait avoir un effet catalyseur sur notre travail.
    Je sais que nous n'avons pas beaucoup de temps. Toutefois, si nous nous inspirons de ce qui a fonctionné ailleurs, non seulement nous allons nous mettre au diapason des pays alliés qui sont aux prises avec un problème semblable, mais nous allons faire réaliser aux Canadiens qu'il transcende nos frontières, qu'il est de nature systémique, qu'il résulte de comportements transmis de génération en génération depuis trop longtemps dans les milieux militaires, et que le changement de culture doit être beaucoup plus multilatéral, sinon mondial, et s'étendre aux forces de maintien de la paix et à d'autres qui sont déployées partout dans le monde et auxquelles participent les Forces armées canadiennes.
    Je m'arrête ici pour l'instant, madame la présidente.

  (25320)  

    La séance est suspendue.
    [La séance est suspendue à 13 h 21 le lundi 31 mai.]
    [La séance reprend à 13 h 22 le vendredi 4 juin.]

  (34920)  

    La séance est ouverte. Nous reprenons les travaux de la séance no 32 du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui ont commencé le vendredi 21 mai 2021.
    Si jamais nous perdons la connexion avec les interprètes, faites-le-moi savoir rapidement, car il est important d'assurer la participation pleine et entière de tous à nos travaux.
    Je vous demanderais de vous exprimer lentement et clairement. Si vous avez de l'information de nature technique à partager, veuillez la transmettre au préalable aux interprètes. Quand vous n'avez pas la parole, mettez votre micro en sourdine.
    Pour ce qui est de la liste des intervenants, le greffier et moi-même ferons notre possible pour conserver l'ordre d'intervention des membres qui participent virtuellement ou en personne.
    Nous allons reprendre le débat sur la motion de M. Bezan.
    Monsieur Spengemann, vous aviez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bienvenue, chers collègues. J'espère que vous avez eu une belle fin de semaine.
    J'ai eu le temps de réfléchir au travail qui nous attend. Même si les progrès semblent lents, je crois vraiment que nous avançons dans ce dossier qui nous occupe depuis un certain temps. Certains de nos collègues ont même suggéré qu'il s'agissait du dossier le plus important de l'histoire récente du Comité. Il est impératif que le Comité propose sa vision quant à la suite des choses et aux solutions qui seront recommandées pour résoudre le problème, eu égard autant à la reddition de comptes concernant les cas dont nous avons été saisis, dont celui de l'ancien chef d'état-major de la défense, qu'à la nature systémique du problème et au besoin urgent de changement de culture au sein des Forces armées canadiennes dont de nombreux témoins, y compris le ministre, nous ont parlé.
    Madame la présidente, au cours de la dernière réunion, j'ai présenté au Comité une bonne partie d'un rapport publié le 19 juillet au Royaume-Uni, intitulé « Report on Inappropriate Behaviours ». La dernière partie dont j'ai parlé porte sur la prévention des comportements inappropriés dans les Forces armées britanniques. Je reviendrai sur ce sujet mais, auparavant, je vais me permettre un aparté sur les progrès du Comité. Je suis conscient que le congé estival approche. Nous sentons une fièvre partisane souffler dans les divers secteurs de la Chambre et au sein des comités. C'est compréhensible compte tenu de l'étape où nous en sommes dans le processus et des dossiers dont nous sommes saisis, qui ont des dimensions partisanes.
    À mon avis, madame la présidente, nous devons profiter des quelques réunions qui nous restent pour avancer promptement dans le présent dossier, loin de tout esprit partisan. Dans mes interventions précédentes, j'ai évoqué l'étude du Comité sur la diversité et l'inclusion à laquelle M. Bezan, Mme Gallant, M. Robillard et M. Garrison et moi-même avons pris part durant la 42e législature. Nous étions alors dans un contexte différent et dans une autre époque sur le plan politique. Le gouvernement était majoritaire, mais je crois que les membres du Comité étaient très déterminés à avancer sur un front uni dans le dossier de la diversité et de l'inclusion. Des questions concernant les problèmes d'inconduite sexuelle ont été soulevées devant le Comité. Elles n'étaient pas aussi pointues que maintenant parce que nous ne possédions pas autant d'éléments concernant l'ancien chef d'état-major de la défense. Cette expérience nous a permis de réaliser et de montrer aux Canadiens tout ce que le Comité peut accomplir quand nous faisons front commun et que nous mettons de côté nos réflexes partisans.
    Dans ce cas précis, le rapport présenté au Parlement ne comportait aucune opinion dissidente. Le Comité parlait d'une seule voix. Nous avons sans doute eu des désaccords et des débats sur des détails du rapport, mais nous n'avons jamais perdu de vue le sujet de notre étude et son importance. Nous avons formulé d'excellentes recommandations, qui ont eu une grande incidence et dont certaines sont en voie de mise en œuvre.
    Il faut trouver un moyen, et j'espère que nous y arriverons aujourd'hui, de nous élever au‑delà de la partisanerie pour enfin rédiger ce rapport. Je suis peut-être un peu trop optimiste, mais nous devons faire de notre mieux. Jamais la question n'a été aussi sensible, l'urgence aussi palpable et les attentes aussi grandes.
    Madame la présidente, je vous parle d'expériences comparables dans d'autres pays parce qu'elles nous font réaliser non seulement que nous aurions tort d'en faire une question partisane au Canada, mais aussi que notre armée est loin d'être la seule à faire face à ce genre de problèmes, pour exactement les mêmes raisons, c'est-à-dire une chaîne de commandement et une culture militaire qui ne favorisent pas l'inclusion depuis des générations. Nos travaux sur les Forces armées canadiennes, et notamment sur les femmes, la paix et la sécurité, ont mis au premier plan divers aspects du rôle des femmes, et d'autres armées sont aux prises avec exactement les mêmes difficultés. Certains pays, dont le Royaume-Uni, ont non seulement produit un rapport, mais ils ont rapidement, très rapidement même, pris des mesures de suivi. Il a fallu moins d'un an au Royaume-Uni. Nous pourrions certainement nous inspirer de cette expérience. Je suis convaincu que nous pouvons résoudre les problèmes efficacement et rapidement si nous mettons de côté la partisanerie. Il faut à tout le moins essayer de le faire. C'est notre devoir.
    Madame la présidente, pour ce qui concerne la motion de M. Bezan, une de ses failles est qu'elle propose une structure des débats qui ne peut pas fonctionner. Sur le plan procédural, elle restreint votre pouvoir discrétionnaire, à titre de présidente, de guider le déroulement des débats à huis clos afin d'assurer une répartition équitable du temps de parole entre les membres du Comité, mais également du temps consenti pour réagir de manière constructive aux propos des autres. Si nous sommes limités à une intervention unique de deux minutes, nous pourrons donner notre point de vue, mais nous ne pourrons pas échanger sur les points de vue de nos collègues, leurs réflexions et ce qu'ils jugent prioritaire.
    Pour l'instant, je crois qu'il faut reprendre la liste relativement longue de recommandations importantes que nous avons sous les yeux afin de déterminer lesquelles auront une plus grande portée et pourront être mises en œuvre à court terme.

  (34925)  

    Nous pouvons déterminer les éléments qui font l'unanimité entre les partis, les approuver et aller de l'avant selon ce qui aura été décidé. Dans certains cas, nous sentirons peut-être le besoin de poursuivre le débat. J'espère que ce ne sera jamais pour des raisons strictement partisanes, mais ces débats sont sans doute inévitables. Ce ne serait pas nouveau au sein de ce comité. C'est tout à fait normal d'avoir des désaccords partisans.
    Je voudrais revenir sur ce que j'ai appelé la pointe de l'iceberg, soit le cas de l'ancien chef d'état-major de la défense, Jonathan Vance, qui a été nommé par l'ancien gouvernement même si une enquête était en cours. Il a poursuivi son mandat sous le présent gouvernement, en dépit des allégations et des témoignages extrêmement troublants et, pour couronner le tout, de ses propres déclarations selon lesquelles il était tout-puissant et convaincu d'avoir le Service national des enquêtes des Forces canadiennes dans sa poche.
    Ce n'est pas un problème partisan. C'est une situation qui a perduré sous différents gouvernements. Les origines de la culture systémique des Forces armées canadiennes remontent à bien plus loin que le gouvernement qui a nommé Jonathan Vance au poste de chef d'état-major de la défense. Nous sommes rendus à un point où nous n'avons pas le choix de nous élever au‑delà de la partisanerie et de faire front commun.
    Selon mon estimation, madame la présidente, nous avons le temps... Le temps presse, mais nous avons le temps d'avoir des débats exhaustifs et constructifs, et d'établir un ordre de priorité entre les recommandations sur lesquelles nous sommes d'accord. Nous pouvons faire en sorte qu'elles soient mises en œuvre, mises en contexte et classées par ordre de priorité, et que le gouvernement sache, parce que nous exigerons qu'il nous donne une réponse, que nous suivons ce dossier de très près.
    Nous devons exiger des comptes. Nous devons aussi exercer une surveillance démocratique des Forces armées canadiennes. C'est le rôle de ce comité. C'est notre devoir, à titre d'élément démocratique, par opposition à l'élément exécutif... Nous sommes l'élément parlementaire chargé de suivre les activités des Forces armées canadiennes.
    Il est extrêmement important d'exiger une réponse du gouvernement, et de le faire par la voix d'un comité dont l'orientation et l'approche, dans la mesure du possible, sont non partisanes.
    Je m'en tiendrai là pour ce qui est de ma déclaration liminaire. J'aurai autre chose à ajouter plus loin, comme je l'ai dit, concernant d'autres volets de l'expérience britannique.
    Le comité gagnerait aussi à prendre connaissance du travail remarquable qui s'est fait en Nouvelle-Zélande pour déterminer quelles recommandations seront mises au premier plan, parmi celles qui nous ont ou qui nous seront soumises, dans la version finale de notre rapport.
    Merci beaucoup, madame la présidente.

  (34930)  

    Merci, monsieur Spengemann.
    Le prochain intervenant sera M. Baker. Allez‑y.
    Merci beaucoup, madame la présidente. Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées que M. Spengemann.
    Il est évident que les victimes doivent rester au premier plan de nos préoccupations. Nous devons bien réfléchir à la façon dont nous allons donner suite à tout ce qu'elles nous ont révélé, venir à bout des comportements odieux qu'elles ont subis et des conséquences auxquelles elles ont dû faire face. C'est le minimum que peut faire le Comité s'il ne veut pas décevoir les attentes et manquer au devoir qui lui incombe de se battre pour ces victimes et de chercher des solutions aux problèmes de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles dans les Forces armées.
     C'est ce qui m'inquiète, je dirais même ce qui m'inquiète énormément dans la motion dont nous discutons, qui a été soumise par M. Bezan et qui selon moi nous empêchera d'atteindre cet objectif. J'ai l'impression que la motion propose au Comité de pondre un rapport sans avoir eu les débats nécessaires et sans avoir cherché un consensus, contrairement à ce que font normalement les comités quand ils rédigent un rapport. Nous avons tous pris part à ce processus, que ce soit au sein de ce comité‑ci ou d'autres auxquels nous avons siégé. Nous savons à quel point il est important de trouver un consensus, surtout quand le sujet à l'étude est aussi important et aussi complexe, et demande autant de nuances que celui dont nous sommes saisis.
    Si notre rapport n'est pas fondé sur le consensus de tous les membres, comme le veut l'usage, nous ne pourrons rendre compte de tous les points de vue que nous avons entendus, que ce soit de la part d'experts, de survivants, du ministre ou de toutes les autres personnes dont nous avons reçu les témoignages.
    Un aspect important des débats durant le processus de rédaction d'un rapport de comité... Les débats, la recherche de consensus obligent les membres à essayer de comprendre, d'apprécier la valeur de tous les points de vue exprimés, et à trouver un moyen d'obtenir l'unanimité afin que le rapport reflète du mieux possible les vues communes des membres, les témoignages entendus et les conclusions auxquelles ces témoignages les ont conduits.
    Forcer les membres à pondre un rapport alors qu'ils ont été limités à des interventions de deux minutes chacun vide l'exercice de son essence. Je dirais même qu'il ne pourra pas y avoir de véritable débat et que nous ne pourrons pas trouver un consensus. Et sans ce consensus, nous ne pourrons pas rédiger un rapport digne de ce nom, qui rendra compte de ce que nous avons entendu, qui exprimera toutes les nuances et toute la complexité du problème, et qui présentera des recommandations qui permettront de résoudre les problèmes que nous sommes ici pour résoudre, soit le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles dans les Forces armées canadiennes.
    Je crois que nous devons suivre le processus de rédaction des rapports qui est d'usage au Parlement, au sein de comités, et que nous devons chercher un consensus. La motion propose d'escamoter ce débat, d'escamoter cette recherche de consensus. Si elle est adoptée, nous allons cocher la case « rapport », mais nous ne ferons certainement pas avancer ce dossier et nous ferons un grand tort aux survivants, à leurs témoignages et à ceux de toutes les autres personnes qui sont venues devant le Comité.
    Je pense plus particulièrement au témoignage d'une survivante, qui illustre bien ce que nous avons entendu et que d'autres parlementaires ont entendu... Plusieurs des membres du Comité ont rencontré des survivants. Beaucoup ont témoigné devant le Parlement, et notamment devant le Comité permanent de la condition féminine, et je crois qu'il faut leur faire honneur. Nous devons faire honneur à leur courage. Nous devons faire honneur à leur témoignage, faire écho à leur parole, et ce n'est pas ce qui arrivera si nous ne les mettons pas à profit pour éclairer notre compréhension, tirer des conclusions et, ultimement, rédiger notre rapport. Ce ne sera pas possible si cette motion est adoptée.
    Une des personnes, une des survivantes qui ont pris la parole, qui sont venues témoigner devant le Comité de la condition féminine est Mme Leah West. J'aimerais vous présenter des extraits de son témoignage, qui représentent à mon avis exactement le genre de choses qui devraient figurer au rapport:
Dans le peu de temps dont je dispose, je vais essayer de faire trois choses: premièrement, me présenter et expliquer comment je me suis retrouvée ici aujourd'hui; deuxièmement, décrire ce que je crois être la cause profonde de l'environnement sexualisé des Forces armées canadiennes, conformément à l'avis de la juge Deschamps en 2015; et troisièmement, discuter d'une voie à suivre.

  (34935)  

Pour commencer, pourquoi suis‑je ici? J'ai servi dans les forces armées pendant 10 ans comme officière des blindés. J'ai achevé mes études au sommet de ma classe au Collège militaire royal en 2007 pour prendre le commandement d'une troupe de reconnaissance blindée aussitôt après. Un jeudi soir, à la fin de ma première année au sein de mon unité, j'ai été agressée sexuellement par un supérieur lors d'une fête privée à laquelle assistaient d'autres officiers subalternes de mon régiment.
Au travail le lendemain, j'étais malade et j'ai perdu connaissance dans la salle de bain de notre escadron. Une ambulance et des policiers militaires sont venus et m'ont emmenée à un hôpital civil. Je ne savais pas exactement ce qui m'était arrivé la veille ni pourquoi j'étais si malade. Je ne me souvenais de rien après le premier verre. C'était l'obscurité la plus totale, mais je sais très bien où et comment je me suis réveillée.
[...] J'ai été agressée lors d'une fête privée. Je ne sais pas exactement ce qui m'est arrivé parce que tout est devenu obscur ce soir‑là, mais je sais où je me suis réveillée et dans quel état j'étais. Lorsqu'on m'a emmenée à l'urgence, deux messieurs de la police militaire étaient penchés sur mon brancard, tentant de me convaincre d'accepter un examen post-viol. J'ai accepté, et les prélèvements ont révélé qu'il y avait eu des relations sexuelles, mais aucune trace de drogue. Je n'ai plus revu ces policiers ni eu de leurs nouvelles par la suite.
Le lundi suivant, mon commandant m'a appelée à son bureau, une salle que je n'avais pas vue plus de deux fois dans ma vie antérieure. Les policiers l'avaient informé de ce qui s'était passé et il m'a regardé et m'a demandé: « Que voulez-vous que je fasse? » Je n'ai pas hésité. Je savais ce qu'on attendait de moi, et je lui ai dit: « Rien, monsieur. » Je lui ai dit que, comme je ne me souvenais pas des détails exacts de l'agression, j'avais l'intention de modifier ma conduite et d'apprendre à qui je pouvais faire confiance.
[...] Je lui ai dit de ne rien faire, parce que je ne me souvenais pas des détails précis de l'agression. J'ai dit que j'allais modifier mon comportement et apprendre à qui je pouvais faire confiance, tout comme si j'avais été violée par un officier supérieur de mon unité. Il a accepté ma réponse et on n'en a plus jamais reparlé.
    Je fais une pause pour vous donner le temps de réfléchir. La survivante, Mme Leah West, a raconté ce qu'elle a vécu au Comité permanent de la condition féminine, et ce moment où elle s'adresse à son supérieur, et ensuite... Je ne peux pas savoir ce qu'elle ressentait mais, à ce moment, elle savait qu'elle devait se taire et ne rien faire concernant les événements de la veille. C'était ce qui lui était demandé.
    C'est un exemple éloquent de la culture des Forces armées canadiennes dont nous avons abondamment entendu parler. C'est le genre de situations, a‑t‑on entendu devant le Comité, qui se produisent sans cesse, mais qui s'en soucie? Qui oserait nous reprocher de prendre deux minutes chacun pour dire quelques mots et de pondre en vitesse un rapport du Comité?
    Désolé, mais je ne suis pas d'accord. C'est loin d'être suffisant face aux problèmes qui gangrènent actuellement et depuis trop longtemps les Forces armées canadiennes.
    Dans l'exemple que je vous ai donné, il est question d'un viol dont la victime ne peut rien faire et, pire encore, dont la victime sait qu'elle ne peut rien faire à cause de la culture et du système.
    Je vais poursuivre la lecture du témoignage de Mme West:
Quatre ans plus tard, pendant mon déploiement en Afghanistan, j'ai fait l'objet d'une enquête à mon insu par la police militaire et ma chaîne de commandement pour avoir eu une relation sexuelle consensuelle avec un officier américain qui n'était pas dans mon unité, mais qui était du même grade.

  (34940)  

La relation a été découverte lorsqu'un coéquipier est allé dénicher dans mon système et sans ma permission, un courriel supprimé où il était question de mon idylle avec l'Américain, pour le porter ensuite à mon supérieur. Ils n'ont pas eu besoin de faire enquête. Le jour où j'ai appris ce qui se passait, j'ai avoué à mon patron ce que j'avais fait.
Ma relation contrevenait à la réglementation contre la fraternisation dans le théâtre des opérations. J'ai été inculpée, j'ai plaidé coupable, j'ai reçu une amende, j'ai été rapatriée et j'ai été affectée à l'extérieur de mon unité. Je pouvais accepter tout cela. J'avais désobéi aux ordres en toute connaissance de cause, et mon rapatriement a eu une incidence sur l'efficacité opérationnelle de mon unité. Cependant, ce que je n'accepte plus, c'est qu'on m'a aussi traitée de noms tout à fait dégradants, qu'on m'a dit que je n'avais pas l'étoffe pour diriger des soldats, que j'ai même été menacée de violence par mon commandant et que j'ai eu droit à des reproches incessants de la part d'autres officiers supérieurs.
Pendant plusieurs mois, j'ai travaillé seule dans un bureau où quatre postes de travail géraient un seul chiffrier Excel. Le message était clair: ma carrière dans les forces régulières était terminée. Enfin, lorsque j'ai été libérée, le poste qu'on m'avait offert dans une unité de réserve a été révoqué. Le nouveau commandant m'a dit que je n'étais pas le genre de chef qu'il voulait dans son unité. Mon expérience est un exemple extrême du fait que les femmes en uniforme font face à deux poids, deux mesures tous les jours.
    Cette militaire, qui a terminé première de sa classe, a été violée. Tout le monde savait que le système lui imposait... Le système l'empêchait de porter plainte, et tout le monde a joué le jeu. Tous ceux qui étaient au courant ont joué le jeu. Quand c'est elle qui a enfreint une règle, elle a admis sa faute, mais les conséquences ont été terribles.
     C'est la culture des Forces armées canadiennes. Non seulement elle a été sanctionnée conformément aux règles, ce qu'elle a accepté, mais elle a ensuite été maltraitée et rabaissée, puis sanctionnée à nouveau, quand des offres de postes ont été retirées. On lui a dit qu'elle n'était pas le genre de personnes que les Forces armées canadiennes souhaitent voir dans leurs rangs.
    Si elle n'est pas à la hauteur des Forces armées canadiennes, qu'en est‑il de l'homme qui l'a violée? Qu'en est‑il des hommes qui font du harcèlement sexuel ou commettent des agressions sexuelles dans les Forces armées canadiennes? Sont-ils le genre d'hommes que les Forces armées canadiennes souhaitent avoir dans leurs rangs? Non, bien entendu, mais pour nous assurer que ce n'est pas le cas, nous devons résoudre les problèmes.
    C'est difficile, nous le savons tous, mais c'est la réalité. Il faut résoudre ces problèmes. Si, parce que nous voulons cocher la case « rapport », nous nous contentons d'un compte rendu dénué des nuances nécessaires et qui ne témoignera pas de tout ce que nous avons entendu, nous manquerons à notre devoir. M. Spengemann a parlé de l'esprit partisan. Si quelque chose peut rallier tous les membres du Comité... Je suis certain que nous pouvons arriver à nous concerter et à produire un rapport de fond...

  (34945)  

    J'ai bien peur que nous...
    Oh, êtes-vous de retour, monsieur Baker?
    Non, je ne crois pas.

[Français]

     Monsieur Robillard a maintenant la parole.
     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais encore une fois que nous puissions nous rappeler collectivement les raisons pour lesquelles nous siégeons à ce comité. Nous devons être responsables à l'égard des survivants et des victimes. Nos travaux sur cette question doivent progresser et nous devons donc permettre à ce comité d'examiner les recommandations.
    Nous avons constaté que les Forces armées canadiennes n'avaient pas toujours réagi aux signalements de comportements sexuels inappropriés en temps opportun et de manière uniforme et respectueuse. Par conséquent, certaines victimes ont choisi de ne pas signaler un incident ou de retirer leur plainte, car elles étaient peu convaincues que les enquêtes aboutiraient à des résultats concrets.
    Nous devons nous montrer dignes du mandat qui nous a été donné par nos concitoyens et ainsi examiner les recommandations du rapport plutôt que de rappeler des témoins supplémentaires. Nous devons aussi nous montrer dignes du courage dont les survivants et les différents témoins ont fait preuve en témoignant devant ce comité. Ce courage doit être présent dans nos esprits à chaque instant et doit nous motiver à avancer.
    Les membres des Forces armées canadiennes doivent signaler tout comportement sexuel inapproprié, qu'ils en aient été victimes ou témoins. Toute plainte reçue fait l'objet d'une enquête. Le commandant de l'unité concernée consulte les conseillers juridiques pour déterminer si l'incident pourrait constituer une infraction d'ordre militaire, qui peut comprendre une infraction prévue dans le Code criminel.
    S'il est déterminé que l'incident est une infraction d'ordre militaire, le commandant peut faire enquête et déposer des accusations pour manquement au Code de discipline militaire en cas de conduite inacceptable. S'il s'agit d'un incident de comportement sexuel inapproprié qui enfreint le Code criminel, il doit être renvoyé à la police militaire. Tout membre des Forces qui a un comportement sexuel inapproprié s'expose à des mesures disciplinaires, à des mesures administratives ou aux deux.
    Afin que nos membres des Forces armées soient mieux protégés, je pense que nous devrions examiner des propositions qui ne font pas l'objet d'opposition et qui relèvent donc du gros bon sens. Nous pourrions garder les recommandations faisant moins l'unanimité pour plus tard.
    Je vois que certains de mes collègues aimeraient aussi prendre la parole. Je vais donc laisser ma place pour le moment.
    Merci, madame la présidente.

  (34950)  

[Traduction]

    Très bien. Merci beaucoup.
    Madame Vandenbeld, allez‑y.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais reprendre là où je me suis arrêtée à la dernière réunion.
    Des témoins, des survivants nous ont soumis des recommandations importantes, et je tiens à répéter que mon souhait le plus cher est que le Comité continue de chercher consensus et décide d'avoir un vrai débat. Et quand je dis « débat », je parle d'une discussion en profondeur sur ces recommandations d'une extrême importance, qui nous permettra de trouver un consensus, de soumettre notre rapport au Parlement et d'exiger une réponse du gouvernement, mais également d'éclairer l'examen de Mme Arbour. Nous vivons un moment historique, ne l'oublions pas. J'espère de tout cœur que suffisamment de temps et d'attention seront consacrés à ces recommandations de la plus haute importance, et que nous aurons les débats qui s'imposent à leur sujet.
    Donc, concernant les recommandations que nous avons reçues — et je répète qu'elles nous viennent de survivants —, je vais reprendre là où je me suis arrêtée la dernière fois. Une recommandation soulève la question de la culture de la norme masculine hétérosexuelle blanche, qui est implicite, mais institutionnellement tenue pour acquise, dans les Forces armées canadiennes. Pour les survivants, le plus important est sans doute le fait que cette norme est implicite, mais institutionnellement tenue pour acquise.
    C'est exactement ce qui définit la culture. La culture n'est pas quelque chose d'écrit dans un manuel de procédures ou qui est expliqué de façon explicite. La culture est un ensemble de choses qui sont implicites, qui sont tout simplement tenues pour acquises et qui, quand une personne intègre...
    M. Okros et d'autres personnes nous ont parlé des codes, toujours implicites et fondés sur des présomptions, par lesquels les membres d'un sous-groupe de la société, pas seulement l'armée, peuvent reconnaître qui en fait partie ou non, et qui occupe un rang supérieur. Tout passe par le langage corporel, ou par certains codes linguistiques employés quand les gens parlent les uns des autres. Bref, comme il est dit dans cette recommandation, c'est quelque chose qui est implicite, mais qui est tenu pour acquis.
    La partie qui suit, tout aussi importante, parle de la norme masculine hétérosexuelle blanche qui, selon moi, n'est pas l'apanage des Forces armées canadiennes. Je crois que c'est un phénomène commun à beaucoup d'institutions, et particulièrement aux institutions militaires et policières partout dans le monde, pas seulement au Canada, dans lesquelles la norme masculine hétérosexuelle blanche est tenue pour acquise et constitue le fondement de la culture.
    Quand on réfléchit à toutes ces questions, il est très important de comprendre qu'elles vont au‑delà des différences entre les hommes et les femmes, ou de la question du genre. L'important ici est la vision normative du bon soldat, du bon marin, du bon pilote, qui repose essentiellement sur ce qui a été jusque‑là considéré comme un gage de qualité, de réussite et de valeur, ou sur l'image du soldat il y a 100 ans.
    Si on envisage la question sous cet angle, la question de la race prend une grande importance, tout comme l'identité de genre et l'identité sexuelle. Depuis longtemps, cette culture normative est à l'origine de la discrimination — implicite et explicite — dont sont victimes les personnes transgenres, gaies, lesbiennes, LGBTQ2+ et d'autres membres des Forces armées canadiennes.
    La meilleure façon de décrire ce phénomène est de penser à la manière dont nous sommes socialisés. Durant l'enfance, nous entendons des choses comme « les garçons seront toujours les garçons »... Les filles se font dire d'être gentilles, de ne pas être trop autoritaires. Aux garçons, on dit de s'affirmer. À tous ces clichés s'ajoutent toutes les couches intersectionnelles. Toutes les personnes qui ne correspondent pas à la norme, à cause de leur race, de leur ascendance autochtone ou de toute autre différence... Je crois que ce qu'on entend par « norme ». Tout ce qui est différent n'est pas la norme.
    Et qui dit « différent » dit « différent par rapport à quelque chose » ou, plus précisément, différent par rapport à la masculinité toxique, qui est le fondement de la culture normative.

  (34955)  

    Un changement de culture ne se fait pas en disant aux gens qu'ils sont mauvais parce qu'ils ont entretenu certaines idées reçues concernant ce qui constitue la norme ou ce qui est bien. Il n'est pas question de s'attaquer à des personnes qui ont voulu se conformer à cette norme. C'est un réflexe très humain. Quand nous entrons dans un groupe qui a une culture normative, l'instinct humain nous pousse à faire ce qu'il faut pour nous y intégrer, nous y adapter et, dans beaucoup de cas, changer nos propres comportements et la manière dont nous interagissons pour éviter d'être exclus, rejetés. C'est arrivé souvent, que ce soit à des femmes, à des membres de communautés racisées ou LGBT, qui voulaient se faire accepter dans le groupe. Chacun de nous, je crois, s'est déjà retrouvé dans un groupe dont il avait l'impression d'être exclu et dans lequel il préférait se taire plutôt que de perdre ses chances de s'intégrer.
    La question est toujours de savoir à quoi nous voulons nous intégrer.
    Changer une culture, c'est changer ce à quoi nous voulons nous intégrer. Si ce qui constitue la norme représente l'inclusion, l'accueil de ce que chacun représente, de son identité, si une personne peut arriver dans un groupe et sentir qu'il est imprégné d'une culture faite de toutes ces petites choses qui font qu'elle se voit comme une partie du groupe, alors cette personne se sent acceptée. Quand ce que ressent une personne est qu'elle représente une partie du groupe, elle n'est pas obligée de s'adapter, de s'autocensurer. Elle ne ressent pas le besoin de modifier son comportement ou son langage, ce qu'elle dit ou ne dit pas, ce qu'elle dénonce ou non.
    Dans une culture inclusive et accueillante, chaque trait identitaire, chaque personne, peu importe s'il y a une différence par rapport à l'image à laquelle la majorité du groupe a toujours ressemblé, sentira qu'elle a sa place dans celui‑ci, et ce sera très gratifiant pour tous. Plus un groupe est diversifié du point de vue du bagage de ses membres, de leurs principes et de leurs idées, de la manière dont ils font les choses, et si toutes ces personnes se sentent accueillies, la culture deviendra automatiquement plus inclusive et la prochaine personne qui se joindra au groupe aura le sentiment que la norme lui correspond.
    C'est pour cette raison qu'il ne faut pas dissocier les problèmes d'inconduite sexuelle des manifestations de suprémacisme blanc, de racisme, d'homophobie ou tout ce qui est source de souffrance, de haine et d'exclusion. Il est impossible de dissocier ces phénomènes les uns des autres maintenant que nous avons entendu, à maintes reprises, que cela n'a rien à voir avoir le sexe. C'est un jeu de pouvoir, qui est joué par les personnes qui veulent préserver leur culture telle quelle, en exclure certaines personnes et maintenir l'ordre hiérarchique qui prévaut depuis toujours.
    Quand une personne subit du harcèlement sexuel ou fait l'objet d'une blague grivoise, ou si elle se sent rabaissée de toutes sortes de façons en raison de son identité, cela n'a rien à voir avec le sexe. C'est un abus de pouvoir. Et encore pire, dans une structure aussi hiérarchisée que l'armée ou un service policier, ou tout autre lieu dans lequel il existe une très forte hiérarchie des pouvoirs, la personne qui abuse de son pouvoir jouit déjà d'un grand pouvoir sur ses subalternes dans la chaîne de commandement. C'est pourquoi il ne suffit pas de dire que ces personnes ont des agissements inacceptables pour changer la culture. De toute évidence, il existe des cas où des sanctions s'imposent. Les abus graves de pouvoir ne peuvent pas rester impunis. Toutefois, il faut aussi changer mille et une petites choses dans les façons dont les gens interagissent au quotidien.
    Je crois que cette recommandation, qui fait un lien avec l'intersectionnalité, qui nomme la culture fondée sur la norme masculine hétérosexuelle blanche, compte parmi les plus importantes. J'espère vraiment que nous pourrons avoir de véritables échanges sur ces recommandations, que nous ne serons pas limités à deux minutes chacun avant de passer au vote. J'espère vraiment que nous pourrons, en tant que parlementaires, avoir de véritables échanges sur le sens de ces recommandations, sur ce qui en fait l'importance, et sur ce que nous voulons soumettre à l'examen de Mme Arbour.

  (35000)  

    Je pense que les parlementaires ont un rôle extrêmement important à jouer. Nous avons reçu de nombreux témoignages, dans certains cas très difficiles à entendre, de personnes qui ont pris le temps de venir à notre rencontre en présumant que nous allions en rendre compte et exiger une réponse du gouvernement.
    J'ai d'autres recommandations à vous lire, mais je vais prendre quelques instants pour parler du cynisme dont fait preuve un comité — et cette motion en est un exemple — qui présente des recommandations, qui mène une étude et examine tout le matériel mis à sa disposition sans demander une réponse du gouvernement. L'objectif de cet exercice est qu'il mène à des mesures concrètes. Un comité qui ne demande pas au gouvernement de réagir à un de ses rapports souhaite‑t‑il vraiment que ses recommandations soient prises au sérieux et qu'elles soient mises en œuvre? Permettez-moi d'en douter. J'espère de tout cœur que nous ne verserons pas dans le cynisme, que nous réussirons à rédiger ces rapports.
    Je souligne à mes collègues que si nous ajournons le débat ou cette réunion, nous pourrons nous attaquer au rapport immédiatement et avoir les échanges qui s'imposent à propos des recommandations.
    Je vais passer en revue d'autres témoignages que nous avons entendus, dans certains cas très éloquents. Je suis secrétaire parlementaire du ministre de la Défense nationale depuis plus d'une année, ou 16 mois exactement, et je dois avouer que cette fonction m'a permis d'apprendre plus que toute autre que j'ai exercée au cours de ma carrière. J'ai appris énormément, et je tiens à dire aux anciens combattants et aux membres des Forces armées canadiennes qui nous écoutent ou nous regardent que j'ai compris leur incroyable désir de servir leur pays. Je vois le bon. Je vois des militaires qui sont prêts à tout sacrifier pour le bien de notre pays, pour le bien de nos voisins, pour le bien des autres, pour nous permettre de vivre dans un monde meilleur, plus paisible, plus stable, pour se mettre en travers de ceux qui veulent nous nuire. Ces gens sacrifient leur famille.
    Mon mari a grandi dans une famille de militaires. Les membres de sa famille étaient membres de la force aérienne. Voulez-vous un exemple vécu de discrimination fondée sur le sexe? Les parents de mon mari, sa mère et son père, se sont rencontrés quand ils étaient membres de la force aérienne. Sa mère y était météorologue. Ils se sont rencontrés, ils se sont mariés et ils ont déménagé à différents endroits, comme beaucoup d'autres. Dès qu'elle a été enceinte de mon mari, ma belle-mère a dû quitter la force aérienne. Nous étions en 1962, et beaucoup d'entre nous étaient déjà nés. En 1962, elle ne pouvait pas rester dans la force aérienne parce qu'elle était enceinte.
    Elle a quitté la force aérienne et est devenue une épouse de militaire. Elle a passé le reste de sa carrière dans le rôle de l'épouse qui suit son mari d'affectation en affectation. Mon beau-père est resté dans la force aérienne et ils ont déménagé en Allemagne, à Zweibrücken. Ils ont aussi vécu à Cold Lake, à Comox. Partout, c'est le même style de vie.
    Mon mari est très fier de cette histoire. Il s'est engagé dans les cadets. Il a obtenu une bourse pour devenir pilote de planeur. Au décès de son père, il est retourné dans la vallée de l'Outaouais, la région d'origine de la famille. Je ne crois pas que beaucoup de gens savent à quel point les familles des militaires doivent faire des sacrifices. Je ne crois pas qu'ils comprennent ce que cela signifie. Mon mari avait 20 ans, et il a dû retourner à un endroit, la vallée de l'Outaouais, où il n'avait jamais vécu et où il avait des grands-parents qu'il avait vus seulement lors des fêtes.
    Quand nous discutons de tout cela, il faut garder à l'esprit tous les sacrifices que doivent faire les membres des Forces armées canadiennes pour être en mesure de nous protéger et de faire le bien.
    Madame la présidente, je tiens à souligner, devant le Comité, les 31 années que vous avez consacrées à servir notre pays.

  (35005)  

    Je dois dire que quand des personnes sont prêtes à cela, quand des personnes sont prêtes à donner leur vie, à se mettre en danger pour nous tenir à l'abri du danger, le moins qu'on puisse faire est de leur assurer un environnement de travail sûr. Le moins qu'on puisse faire, quand ces personnes revêtent leur uniforme et se rendent dans des endroits comme la Bosnie, le Kosovo, l'Afghanistan...
    J'ai vécu en Bosnie et au Kosovo. Je m'y sentais en sécurité grâce aux militaires, ceux des Forces armées canadiennes et des autres forces de l'OTAN autour de nous. Quand je vivais à Sarajevo, 20 000 troupes de l'OTAN étaient stationnées dans la ville ou autour. Je n'aurais pas pu vivre là‑bas et m'y sentir en sécurité pour faire mon travail de défense de la démocratie et de lutte contre la corruption sans ces troupes de l'OTAN. À l'époque, elles étaient sous commandement canadien.
    Je ne sais pas si les jeunes Canadiens savent à quel point les Balkaniques sont reconnaissants. Je vivais au Kosovo quand l'indépendance a été proclamée. Je peux vous affirmer que les Canadiens, les Britanniques, les Américains... Les gens marchaient dans les rues... On voyait des vieillards, dont le visage ridé était couvert de larmes et qui tenaient la main d'un petit-enfant de cinq ou six ans. Quand ils rencontraient un Canadien, ils se mettaient à pleurer et nous disaient que grâce à nous, leur petit-enfant ne connaîtrait pas la violence, qu'il pourrait vivre librement. Je ne crois pas que les Canadiens sont conscients de cela. Nos Forces armées canadiennes se sont mises en danger pour que ce peuple puisse vivre librement, qu'il retrouve sa liberté.
    Ma famille est originaire des Pays-Bas. Mon père, qui est mort un peu avant Noël, a reçu son premier bonbon en 1945 des mains d'un soldat canadien qui se trouvait dans la ville où il vivait. Mon père était né en 1940 et il vivait dans une ville. Il a eu peur des avions jusqu'au jour de sa mort, parce qu'il savait qu'il pouvait en tomber des bombes. Il connaissait le mot anglais « cellar », ou cave. Il avait cinq ans. Il ne parlait pas du tout l'anglais, mais lui et son petit frère se cachaient à la cave pendant les batailles. Des militaires des Forces armées canadiennes étaient venus dans la ville où mon père vivait. Leur éclaireur était le chef des services de renseignements, une de ces magnifiques synchronicités que nous offre la vie. C'était le premier Canadien à traverser la rivière et à se rendre dans la ville où vivait mon père. Son grand-père, son arrière-grand-père et ses oncles faisaient partie de la résistance néerlandaise. Ils ont pris contact. C'était notre voisin quand j'étais petite. Il habitait la porte à côté, et nous savions qu'Ernie... Il s'appelait Ernie Dombrowski.
    Je vais être franche: Ernie était un peu grincheux. C'était un homme d'un certain âge et nous étions petits. J'imagine que nous étions assez bruyants. Nous jouions au ballon et, quand il atterrissait dans sa cour, il rouspétait. Mon père nous disait d'être respectueux, de toujours faire preuve de respect envers Ernie parce qu'il nous avait sauvés. Il était le premier Canadien à Deventer, la ville où mon père vivait avec sa famille, le premier soldat canadien à prendre contact avec les membres de sa propre famille qui prenaient part à la résistance, et à préparer la voie vers la libération.
    Le jour de la libération, la famille de mon père s'était terrée dans sa cachette. Mon père était le plus vieux des enfants. Tout à coup, tout est devenu silencieux. Bien entendu, les enfants ne voulaient pas rester dans la petite cave, et ils sont sortis. Ils se sont retrouvés dans la rue, et ils entendaient des soldats canadiens dire « Cellar. Cellar. » Mon père ne connaissait pas ce mot, mais il savait que la bataille n'était pas terminée, que c'était encore dangereux et qu'ils devaient retourner dans leur cachette. Finalement, ils ont pu sortir dans la rue. Mon père a raconté cette histoire jusqu'au jour de sa mort. Il parlait du moment où ils sont sortis et ont vu les soldats canadiens et les chars. Ils lançaient des cigarettes aux parents — ce qui serait sans doute moins bien vu aujourd'hui — et des bonbons aux enfants.
    Mon père parlait souvent de ce petit bonbon. Je pense que c'était un Werther's Original si je me fie à sa description: un bonbon dur au goût de caramel, dans un emballage doré. Il a pris le bonbon. En cinq ans, il n'avait jamais reçu de bonbon. Les Néerlandais avaient à peine de quoi se nourrir. Ils racontaient comment, quand ils prenaient du beurre, ils en avaient de plus en plus... Ils essayaient de laisser de plus en plus de miettes de pain dans le beurre pour en faire plus. Ils n'avaient rien. Mon père n'avait jamais mangé de bonbon, et ce soldat lui en a donné un. Il a chéri ce souvenir jusqu'à la fin de sa vie.

  (35010)  

    Madame la présidente, si vous me le permettez, je vais raconter ce que j'ai vécu récemment en visitant une résidence pour personnes âgées de ma circonscription. On y célébrait les 100 ans d'un résident. Je l'ai remercié d'avoir été un soldat canadien. J'ai parlé avec lui et, au fil de la conversation, il m'a dit qu'il était allé à Deventer, la ville d'où venait mon père. J'étais au bord des larmes quand je l'ai remercié et quand je lui ai dit que si j'étais là, c'était à cause de lui. Je vis au Canada, je suis députée, et je suis en vie grâce à ces soldats. Cet homme, ce vieillard, célébrait ses 100 ans. Je lui ai demandé s'il avait connu Ernie Dombrowski. Voici ce qu'il m'a répondu: « Ernie? Ernie Dombrowski? Il était mon chef. J'ai travaillé avec lui. »
    Comme c'était son anniversaire, il y avait toutes sortes de bonbons sur la table. Ils étaient dans des emballages comme ceux qui sont utilisés pour les mariages, avec un petit ruban. Il a pris un bonbon — cet homme a 100 ans, je le répète —, dans un petit emballage orné d'un ruban, il me l'a tendu et il m'a dit: « Madame Anita, pouvez-vous donner ce bonbon à votre père? »
    Une heure après, dans l'après-midi, je suis allée visiter mes parents. Je suis allée trouver mon père — c'était il y a tout juste un an, pas longtemps avant son décès — et je lui ai donné le bonbon. Il avait les larmes aux yeux. Il m'a dit: « Tu sais, Anita, c'est la seconde fois de ma vie que je reçois un bonbon d'un soldat canadien. » Et c'est peut-être le même soldat, qui sait?
    Si je vous raconte tout cela... J'ai beaucoup d'autres recommandations à vous présenter, mais j'ai laissé du temps à mes collègues pour s'exprimer. Ces histoires nous rappellent que nous sommes redevables envers les gens qui font ces sacrifices. Nous devons assurer leur sécurité. Nous devons leur offrir un environnement qui leur permet de s'investir à fond et dans lequel ils ne se sentent jamais ostracisés. Ils doivent sentir non seulement qu'ils ont leur place dans l'armée, dans les Forces armées canadiennes, mais que c'est grâce à eux si nous sommes ici.
    Madame la présidente, je n'avais pas prévu de raconter toutes ces histoires, mais c'est quelque chose qui me tient profondément à cœur. Nous devons absolument, nous les membres de ce comité, prendre la pleine mesure de la gravité, de l'importance et du sérieux de ce dont nous parlons aujourd'hui.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, madame Vandenbeld.
    Dès que j'aurai séché mes larmes, nous allons poursuivre.
    M. Bagnell maintenant. Nous vous écoutons.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai moi aussi été très touché par les histoires de Mme Vandenbeld. Elles me rappellent qu'il est honorable pour les Canadiens de faire carrière dans l'armée, autant pour ce qu'ils ont accompli que pour ce qu'ils aspirent à accomplir. Nous devrions nous consacrer à faire en sorte que cette carrière reste à la fois honorable et sûre.
    Comme je l'ai souvent fait au cours des dernières réunions, je me dois de complimenter M. Baker de nous ramener à la question centrale de cette étude.
    Je n'ai aucun doute que tous les membres du Comité veulent améliorer les forces armées. Je suis certain que pendant ces discussions au sujet de la présentation de nouveaux éléments jugés importants pour notre rapport, y compris ceux fournis par des survivants et des experts, les membres du Comité réfléchissent en même temps à des recommandations concernant ces problèmes complexes.
    Comme je l'ai dit, et comme M. Baker l'a dit au début de presque toutes les réunions, les trois principaux problèmes sont liés à la culture, qu'il faut changer, à la peur de dénoncer, en partie à cause de la chaîne de commandement, et à la peur des représailles après une dénonciation, dont j'ai parlé à la dernière réunion. Pourquoi une personne qui a choisi une carrière aussi honorable s'exposerait-elle à des représailles qui risquent de compromettre cette carrière?
    Je rends hommage à toutes les personnes qui prennent la parole. Des femmes très courageuses, au Québec et ailleurs au Canada, ont osé raconter leur histoire. M. Baker a parlé de l'une d'elles en particulier. Je rends hommage à tous les membres du Comité qui proposeront des approches pour nous attaquer à ces questions complexes, aux problèmes qui ont été la source de milliers d'actes inappropriés dans l'armée, aux trois problèmes que je viens de mentionner.
    Tout à l'heure, je vais parler de certaines recommandations qui, à mon avis, pourraient aider à résoudre ces problèmes complexes et graves. Comme je l'ai dit, les militaires en service et ceux qui les suivront — la même chose pourrait être dite pour certains fonctionnaires du MDN — aimeraient vraiment que quelque chose soit fait et que des solutions soient proposées pour les milliers de personnes qui sont dans l'armée ou qui travaillent au MDN.
    Je vais revenir sur ces recommandations plus loin. Pour le moment, je vais être bref. Je donnerai plus de précisions tout à l'heure.
    Nous avons reçu de nombreux experts et consulté de nombreux documents pour nous aider à formuler ces recommandations. Je vais lire un extrait d'un long article intitulé « Unmaking militarized masculinity », imprimé en petits caractères sur plus de 10 pages. Je ne vous en ferai pas la lecture au complet, mais je vais vous en citer un extrait qui pourra éclairer notre réflexion sur les recommandations à formuler.
    C'est un article rédigé par Mme Sarah Bulmer, du campus de Penryn de l'Université d'Exeter, au Royaume-Uni, et par Mme Maya Eichler, du Département de sciences politiques et titulaire de la Chaire de recherche du Canada sur l’innovation sociale et l’engagement communautaire à l'Université Mount Saint Vincent, à Halifax, en Nouvelle-Écosse.
    L'extrait va comme suit:
Les études féministes dans le domaine de la guerre et de la militarisation ont traditionnellement mis l'accent sur la manière dont se construit la masculinité militarisée. Dans le présent article, nous nous intéressons plutôt au processus de déconstruction de cette masculinité militarisée en examinant l'expérience d'anciens combattants qui sont passés de la vie militaire à la vie civile. Notre postulat est qu'au XXIe siècle, la réinsertion réussie des anciens combattants à la société civile est essentielle pour assurer la légitimité des forces armées dans les régimes occidentaux et que, partant, cette réinsertion doit compter parmi les principales préoccupations des décideurs, des fournisseurs de services communautaires et des médias. Or, la déconstruction de la masculinité militarisée n'est pas une mince affaire.

  (35015)  

    Je crois que tous les membres du Comité en conviendront.
    Je poursuis:
Leur relation avec l'État et l'armée peut être ambivalente. Par surcroît, la masculinité militarisée est intériorisée et le fruit de l'expérience, et les anciens combattants peuvent perpétuer ce modèle pendant longtemps et de manière contradictoire après leur vie militaire. Les tentatives pour déconstruire la masculinité militarisée et en dépouiller l'image de l'ancien combattant heurtent certains des concepts clés chers aux chercheuses féministes qui s'intéressent à la guerre et à la militarisation. Dans les faits, les identités intériorisées par les anciens combattants nous empêchent d'adopter une vision globalisante de la masculinité militarisée, et mettent en évidence les limites de tout effort visant à établir le caractère exceptionnel des caractéristiques militaires de l'identité des anciens combattants par rapport à leurs caractéristiques civiles. Il s'ensuit que le caractère très liminaire de cette déconstruction ébranle et démolit les catégories figées militaire-civil, et leurs liens sous-jacents à la différenciation masculin-féminin. À notre avis, la focalisation excessive sur la construction de la masculinité militarisée nous a fait perdre de vue les processus dynamiques, co-constitutifs et contradictoires qui sont à l'œuvre dans la vie des anciens combattants après l'armée.
    Je ne vous lirai pas le restant de l'article maintenant.
    Monsieur Bagnell, nous avons perdu la communication. Pouvez-vous activer votre micro à nouveau?
    Pouvez-vous réessayer? Voilà, c'est bon.

  (35020)  

    Avant de vous lire un long article ou, comme je l'ai dit, de vous présenter toutes mes recommandations, je voudrais vous faire part d'une idée qui pourrait nous permettre d'avancer assez vite sur certains points. En fait, je vais réfléchir à haute voix.
    Selon ce que les experts et les victimes nous ont dit, et j'ai très hâte d'entendre plus longuement M. Baker... Les faits sont toujours les faits, et la réalité est ce qu'elle est. Nous avons entendu parler à maintes reprises de mesures qui sont évidentes, ou que les experts et les survivants nous ont suggérées.
    Parce que nous avons un objectif commun et qu'on nous a rapporté en détail et souvent les mêmes faits, des expériences communes, nous devrions tomber d'accord sur un certain nombre de choses. Les rapports doivent rendre compte de ce qu'ont dit les témoins. Il serait assez difficile de ne pas être d'accord avec cette partie des rapports.
    Les recommandations doivent découler de ce que les témoins et les experts nous ont dit, et nous devrions donc réussir à nous entendre sur bon nombre de ces recommandations.
    Je vais vous présenter une idée qui m'est venue spontanément, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je n'ai pas encore la formulation exacte. Si nous passons rapidement en revue chaque recommandation afin de décider par vote si elle sera traitée de la manière que propose M. Bezan, et s'il y a un consentement unanime sur une proposition... Je suis convaincu que bon nombre des recommandations feront l'unanimité et que nous pourrons procéder comme M. Bezan le propose dans sa motion.
    Nous pourrions aller assez rapidement et avoir des choses à proposer... Pour les plus difficiles qui ne font pas l'unanimité, nous pourrions avoir un débat.
    Je pense, mais je peux me tromper, que nous tomberons d'accord sur un bon nombre de choses et qu'il faudra un débat plus approfondi pour d'autres, comme c'est toujours le cas en comité.
    En résumé, je suggère de passer rapidement en revue toutes les recommandations pour déterminer lesquelles font l'unanimité et se prêtent au processus proposé par M. Bezan, soit une intervention de deux minutes de chaque membre. Ce serait réglé pour ces recommandations. Ensuite, celles sur lesquelles nous ne sommes pas d'accord pourront être débattues plus longuement.
    De cette façon, nous aurions assez rapidement quelque chose de concret, des réponses à offrir aux victimes, et il restera du temps pour débattre plus en détail des éléments restants.
    Je vous soumets cette suggestion. C'est une des raisons pour lesquelles je ne voulais pas aborder tout de suite mes suggestions et mes recommandations, ou un long article. J'essaie de trouver un moyen pour nous d'avancer ensemble pour aider les victimes. Je m'arrête ici.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Bagnell.
    M. Spengemann maintenant.
    Allez‑y.
    Merci, madame la présidente.
    Je voudrais remercier mes collègues de leurs interventions, et plus particulièrement Mme Vandenbeld de nous avoir fait part de ses réflexions très personnelles sur le rôle des Forces armées canadiennes. Ses exemples et ses arguments nous ont vraiment fait vibrer.
    Les célébrations du 76e anniversaire du débarquement se tiendront en fin de semaine. C'est l'occasion pour nous tous de réfléchir aux services rendus par les Forces armées canadiennes au cours de l'histoire, mais également à sa contribution actuelle et future, notamment aux opérations cruciales de maintien de la paix et de l'OTAN.
    À mon point de vue, les problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes comportent deux composantes.
    La première est d'ordre moral, dans la mesure où c'est mal de se comporter ainsi. Ces comportements sont carrément inacceptables et il est carrément impensable qu'ils puissent se perpétuer. Tous les membres des Forces armées canadiennes ont le droit de servir dans un environnement sûr et sécurisé, exempt d'intimidation, de harcèlement, de violence et de toute forme d'inconduite.
    L'autre composante, et je tiens à être bien clair que la composante morale reste la plus importante, est d'ordre opérationnel. Ses répercussions sont plus larges et touchent l'ensemble des Forces armées canadiennes. Madame la présidente, je précise que c'est quelque chose que vivent toutes les armées et toutes les forces de nos pays alliés et amis, avec qui nous collaborons partout dans le monde. Je parle ici de confiance.
    La confiance dans les Forces armées canadiennes s'est très rapidement et très profondément effritée depuis les révélations concernant les inconduites sexuelles. Les deux affaires très médiatisées qui font l'objet de notre étude ont amplifié ce climat de méfiance. Si les membres des Forces ne peuvent pas se faire confiance les uns les autres, toutes les composantes culturelles auxquelles nous accordons de la valeur comme l'excellence, le service, la camaraderie, l'entraide entre les frères et les sœurs d'armes, autant au combat qu'à l'intérieur du Quartier général de la Défense à Ottawa, s'effritent à la vitesse grand V. Le climat de méfiance alimenté par les inconduites sexuelles a des répercussions beaucoup plus larges au sein des Forces armées canadiennes. Nous avons tous suivi de près la couverture médiatique, et il n'est pas vraiment nécessaire de chercher plus loin pour deviner l'ampleur des dégâts. L'efficacité d'organismes comme l'OTAN s'en ressent aussi, car beaucoup d'armées sont aux prises avec les mêmes problèmes.
    Il existe une composante liée à la défense et une composante liée aux opérations. Mme Vandenbeld a visé en plein dans le mille quand elle a dit que notre réflexion doit englober le suprémacisme, le racisme, l'homophobie et toutes les autres causes d'exclusion et de division ici au Canada et ailleurs dans le monde.
    C'est pourquoi nous devons nous référer à l'étude du Comité sur le thème de la diversité et de l'inclusion durant la 42e législature. C'est pourquoi le rapport du juge Fish est important. Tout ce qui touche la justice militaire est important.
    Nous nous trouvons devant un problème vaste et systémique, qui comporte une composante fondamentale d'ordre moral, mais également une très importante composante opérationnelle qui risque de devenir très préoccupante.
    Il faut du temps pour rétablir la confiance. Mais pour que cette confiance puisse être rétablie, il faut admettre qu'il y a un problème. Beaucoup de nos témoins l'ont fait, y compris le ministre quand il est venu témoigner devant nous pendant six heures. Admettre que nous ne remplissons pas les attentes et que nous ne protégeons pas les femmes qui servent dans les rangs des Forces armées canadiennes représente une première étape cruciale. À ce stade‑ci, je crois que c'est admis à l'échelle des partis, de l'armée, du gouvernement.
    C'est le suivi qui fait défaut, et c'est là que le Comité entre en jeu sur le plan de la responsabilité parlementaire. Pour nous acquitter de ce devoir, nous devrons suivre de près le travail de la juge Arbour. Elle agit à titre d'autorité indépendante ayant reçu un mandat urgent et de large portée.
    Nous avons un rôle complémentaire à jouer comme mécanisme de responsabilité parlementaire à l'égard de la population canadienne. Nous avons été élus. Nous siégeons au Comité. La population canadienne attend de nous que nous jouions notre rôle et que nous soumettions des recommandations pour rétablir le lien de confiance qui a été mis à mal. Il faudra du temps, mais comme l'a affirmé le ministre, l'heure n'est plus à la patience, mais à l'action. Un changement complet de culture s'impose.

  (35025)  

    Avec cela à l'esprit, madame la présidente, j'aimerais profiter de mon temps de parole pour terminer la lecture d'une partie importante d'un rapport de nos amis et collègues britanniques concernant les comportements inappropriés dans les forces armées. Comme nous, ils ont conclu qu'il faut faire mieux. Leur rapport porte surtout sur l'amélioration des interventions après un incident, et notamment sur l'importance de nourrir la confiance dans le système de plaintes et de renforcer les mécanismes de signalement des comportements inappropriés ainsi que de soutien aux victimes.
    Les Britanniques ont proposé de nouvelles structures de gouvernance pour renforcer et centraliser la surveillance et le soutien, d'établir un centre de données unique sur les comportements inappropriés, jumelé à un mécanisme de reconnaissance et de partage des pratiques exemplaires au sein de l'organisme ou de solutions de rechange et, éventuellement, de mettre en place des mécanismes anonymes de signalement de comportements inappropriés ou de plaintes concernant les forces armées. Il est très intéressant de lire dans le rapport britannique que c'est ce qui se fait dans les Forces armées canadiennes et les Forces de défense australiennes. Dans cette partie du rapport, il est recommandé d'établir une nouvelle autorité centrale britannique responsable de la culture et des comportements inappropriés au sein de la Défense. Il y est également recommandé d'examiner en parallèle le processus de plaintes concernant les forces armées.
    Étant donné que certaines affaires sont encore en instance et que d'autres n'ont pas été signalées, il est encore pertinent de parler des interventions en cas de comportements inappropriés autant au Royaume-Uni qu'au Canada si nous voulons rétablir la confiance. C'est un aspect parmi d'autres, mais il est important.
    Voici un extrait du rapport:
Un thème commun à tous les organismes qui ont connu des problèmes comportementaux endémiques était le très faible taux de signalement au début, souvent combiné à la perception que tout allait pour le mieux.
    Nous en sommes très loin au Canada, mais c'est ce qui est ressorti de l'expérience britannique. C'est l'enquête déclenchée par un événement grave qui a révélé l'ampleur du problème. Madame la présidente, les membres du Comité n'ont pas besoin d'un dessin pour faire le lien avec certains événements récents.
    Le rapport se poursuit comme suit:
Il est ressorti de notre étude de documents provenant de l'Australie, du Canada et du secteur privé que les réticences à signaler les comportements inappropriés sont généralisées, pour plusieurs raisons.
    Avant d'énumérer ces raisons, je signale au Comité que la mention du Canada dans le rapport britannique figure dans une note de bas de page renvoyant à la responsable de l'examen externe, Mme Deschamps, et à son rapport publié en 2015.
    Voici les raisons données pour expliquer le manque de confiance:
la peur des conséquences défavorables pour la carrière du plaignant; la peur de ne pas être cru; la conviction que rien ne serait fait et le manque de transparence quant à l'issue des plaintes; les conséquences ou les mesures disciplinaires considérées insuffisantes ou inadéquates; le manque d'indépendance entre le processus de plainte et la chaîne de commandement ou la ligne hiérarchique; le manque de confidentialité pour le plaignant; les longs délais de résolution.
    Le rapport britannique conclut que les comportements inappropriés sont sous-déclarés dans le système de plaintes concernant les forces armées pour des raisons similaires ou identiques. Voici une des observations qu'il contient à ce sujet:
S'agissant des plaintes concernant les forces armées, l'objectif est un taux de résolution de 90 % en moins de 24 semaines. En 2018, l'ombudsman des plaintes concernant les forces armées a établi que 50 % seulement des plaintes ont été résolues en moins de 24 semaines. Nous avons constaté que dans le secteur privé, l'objectif pour la résolution des plaintes liées à des comportements sexuels inappropriés est de 40 à 45 jours.
    Il s'agit d'un écart très important et, comme vous pouvez le voir, madame la présidente, le Royaume-Uni a fait un examen global du problème, en y incluant même le secteur privé. C'est vraiment quelque chose dont nous devons nous inspirer. Nous devons regarder ce qui se fait dans le secteur privé pour comprendre les contraintes supplémentaires qui sont liées à la structure hiérarchique et à la chaîne de commandement, entre autres, dans les Forces armées canadiennes.
    Je reviens au rapport:
Selon les rapports émanant du secteur privé, le nombre moyen de plaintes concernant des comportements inappropriés équivaut à 1 % de l'effectif chaque année, et 25 à 40 % de ces plaintes sont anonymes. Par comparaison, dans son rapport déposé en 2018, l'ombudsman des plaintes concernant les forces armées fait état d'un total de 1 185 plaintes, dont 763 ont été jugées recevables, et parmi lesquelles 190 seulement (25 %) étaient liées à l'intimidation, à la discrimination et au harcèlement. Ce nombre représente moins de 0,1 % de l'effectif des forces armées.
    Ce faible taux de signalement des comportements inappropriés a été attribué aux raisons que je viens de donner, soit la chaîne de commandement et les autres. Le rapport présente ensuite des données recueillies aux États-Unis à compter de 2016:
En 2016, le département de la Défense des États-Unis a estimé que dans l'armée, 7 % seulement des personnes qui ont été victimes d'une agression sexuelle ont signalé l'incident. En 2018, le taux était de 30 % environ. D'autres raisons fréquentes ont pu expliquer cela: la peur de la victime qu'un signalement nuise à sa carrière; la conviction que rien ne serait fait; la peur d'une atteinte à la confidentialité; la tendance de certaines femmes militaires à s'autocondamner; les difficultés liées à l'environnement de travail; la peur d'un traitement différent de la direction; la peur qu'on les juge faibles.

  (35030)  

    Tous ces facteurs ramènent à la question de la confiance. Si des personnes ne peuvent pas avoir confiance dans le système de traitement des plaintes, cela explique fondamentalement l'incidence de la méfiance générale à l'égard des Forces armées canadiennes — les forces armées britanniques dans ce cas, mais par extrapolation, les Forces armées canadiennes — en tant qu'employeur, surtout dans un environnement où la confiance est essentielle à l'efficacité opérationnelle et aussi à la sécurité des femmes et des hommes en uniforme. Si vous ne pouvez pas faire confiance à la personne à côté de vous, vous ne serez pas un membre efficace et toute l'unité, et par contrecoup, l'ensemble des forces seront inefficaces.
    Le rapport britannique recommandait que « la Défense envisage un appel à témoins au sujet des comportements inappropriés conjointement à une étude sur le harcèlement sexuel en 2021 ». Selon moi, il nous serait probablement utile, en tant que comité, d'avoir un échange sur cette recommandation et les conséquences ici, au Canada.
    Il y a également des observations sur les signalements anonymes comme élément essentiel du rétablissement de la confiance. Le rapport continue ainsi:
Certaines personnes se sentiront capables de signaler des incidents de comportement inapproprié en suivant leur chaîne de commandement ou leur voie hiérarchique, mais ce ne sera pas le cas pour beaucoup. Les forces armées américaines, australiennes et néo-zélandaises utilisent une méthode de signalement limité qui permet à une personne de demander de l'aide après une agression sexuelle sans que cela entraîne l'ouverture d'une enquête, ce qui lui permet de rester anonyme. Les données américaines sur les signalements limités sont concluantes: toutes les victimes déclarent qu'elles n'auraient pas signalé l'incident si leur seul recours avait été un rapport officiel. En 2017, 24 % des personnes qui ont signalé des incidents sont ensuite passées à un rapport complet ouvrant une enquête. L'élément clé en l'occurrence est que le rapport doit être enregistré pour permettre de comprendre la gravité des incidents.
Des réseaux internes de soutien aux employés apportent une aide précieuse, mais ce n'est pas la réponse. L'étude sur le harcèlement sexuel dans les forces armées réalisée en 2018 recommandait de mettre en place un outil en ligne qui permette le signalement anonyme de comportements inappropriés, afin que les militaires puissent informer les forces armées de ces comportements sans crainte de répercussions.
    Au Royaume-Uni, madame la présidente, les ressources nécessaires n'ont pas encore été affectées à cette initiative, raison pour laquelle le rapport recommande de « financer, créer et mettre en oeuvre un outil anonyme pour signaler les comportements inappropriés partout dans la Défense ».
    J'attire de nouveau l'attention sur cette partie du rapport pour souligner combien il est important de trouver un moyen de permettre véritablement aux membres des Forces armées canadiennes de signaler des comportements inappropriés. Nous ne sommes pas encore au stade où nous pouvons considérer qu'il n'y aura pas d'autres incidents ou qu'il n'y aura pas d'autres signalements. Le fait que nous ayons eu deux cas, coup sur coup, mettant directement en cause l'ancien chef d'état-major de la Défense montre la nature systémique des problèmes. Nous n'en sommes pas encore au stade où nous pouvons même dire que nous voyons la lumière au bout du tunnel. En même temps, comme je l'ai indiqué dans de précédentes observations et comme l'indique le rapport britannique, il est important de trouver des moyens de décourager pour de bon ce genre de comportement. Telles étaient mes observations et mes recommandations fondées sur l'expérience britannique en ce qui concerne la formation, les boucles de rétroaction et de nouveaux mécanismes novateurs, comme le mentorat inversé.
    En bref, il y a beaucoup à faire sur la question de la confiance. La rétablir prendra du temps. C'est très urgent. Ce ne sera pas réglé demain, mais nous devons commencer demain, si ce n'est aujourd'hui. Il me semble que c'était le message du ministre, que l'heure n'est plus à la patience. Encore une fois, le problème de la confiance est un élément opérationnel autant que le reflet de l'effondrement moral qui dure depuis trop longtemps dans les Forces armées canadiennes et dans tellement d'autres forces dans le monde. Cet effondrement moral tient au fait qu'il n'a pas été tenu compte du rôle des femmes dans les forces et du droit des femmes et de tous les genres de servir dans les forces.
    Le défi est monumental. La confiance est l'élément clé en ce qui concerne les conséquences morales comme opérationnelles. À plus long terme, madame la présidente, si nous regardons nos amis et alliés au sein de l'OTAN qui connaissent ce problème à divers degrés, je dirai qu'à moins de nous y attaquer systématiquement, l'efficacité opérationnelle de l'Alliance risque d'être remise en question. Cela s'ajoute au fait que nous nous trouvons face à des torts que nous ne réparons pas. C'est pourquoi j'insiste tellement sur la responsabilité qui incombe à ce comité de faire ce travail maintenant, au cours des quelques séances qu'il nous reste.

  (35035)  

    Nous pouvons le faire. La proposition de M. Bagnell me paraît excellente. Nous pouvons décider des recommandations à appuyer. Nous pouvons avoir une discussion, ciblée et courte, sur leur ordre de priorité, sur le lien à établir entre elles, sur le type de séquence à mettre en place pour qu'elles se renforcent mutuellement et qu'elles permettent aussi de maximiser le travail qu'est en train d'accomplir parallèlement la juge Arbour.
    La tâche qui nous attend sur la question la plus importante que le Comité ait eu à traiter récemment, à mon sens, est immense. Il s'ouvre devant nous la perspective de réaliser quelque chose qui ajoutera de la valeur à l'avenir des Forces canadiennes.
    Je vous redonnerai la parole sur cette réflexion, madame la présidente. Il me reste une ou deux choses à dire avant de terminer mes observations sur le rapport Wigston. Si j'en ai le temps, je dirai quelques mots sur le rapport de suivi que le Royaume-Uni a sorti un an plus tard, c'est-à-dire il y a tout juste un an pour nous aujourd'hui. Il arrive à quelques conclusions très intéressantes et novatrices et formule des recommandations supplémentaires après avoir relevé dans le rapport Wigston quelques lacunes à combler. Je suis d'avis que nous devons envisager la possibilité de le faire ici aussi. Si nous formulons des recommandations à mettre en œuvre et qu'un an plus tard, il s'avère qu'elles ne mettent pas l'accent là où il faut ou qu'il est nécessaire de les modifier ou d'en changer la séquence, quels types de mécanismes pouvons-nous proposer au gouvernement du Canada pour être assurés d'avoir la latitude, l'adaptabilité, nécessaire pour vérifier que ce qui est mis en place ne se résume pas en un investissement X pour dire que nous avons abordé le problème? Un suivi est également nécessaire pour s'assurer que le travail est fait et qu'il donne les résultats voulus à long terme. Le fait que le Royaume-Uni ait réussi à le faire en un an montre qu'un gouvernement, un État membre de l'OTAN, devrait avoir la flexibilité nécessaire et l'a effectivement. C'est un autre élément de réflexion pour les délibérations du Comité.
    Sur ce, madame la présidente, je vous rends la parole. Je vous remercie.

  (35040)  

    Je vous remercie, monsieur Spengemann.
    Madame la présidente, j'invoque le Règlement. Je me demande si les députés libéraux auraient l'obligeance d'informer le reste des membres du Comité de combien de temps ils comptent prolonger ces manœuvres dilatoires qui empêchent le Comité de travailler. Si, en fait, ils comptent les prolonger jusqu'à la fin de la session parlementaire et ainsi nous empêcher de nous pencher sur la question de la responsabilité en ce qui concerne la façon dont les plaintes pour inconduite sexuelle visant le général Vance ont été traitées, il serait bon que les membres du Comité sachent qu'ils entendent faire obstruction indéfiniment.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Vous avez la parole, madame Vandenbeld.
    Madame la présidente, si je puis me permettre, si l'opposition est prête à mettre fin au débat maintenant, nous pourrions passer à ces rapports sans attendre. Si elle met fin au débat ou autorise la présidente à lever la séance, le point suivant à l'ordre du jour, ce sont les rapports. Je pense que nous serions tous très, très heureux de pouvoir y passer maintenant.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. Il est évident que rien n'interdit de recourir à la manipulation au Comité, mais la secrétaire parlementaire ne cesse d'y recourir. Il nous suffit pour avancer sur cette...
    Monsieur Garrison.
    J'ai la parole. Il nous suffit pour nous prononcer sur cette résolution que les libéraux cessent de faire obstruction.
    Monsieur Garrison, nous ne lançons pas d'injures et nous ne faisons pas d'attaques personnelles. Vous pouvez être en désaccord avec le point de vue de quelqu'un, avec sa façon de voir, avec ses priorités, et c'est normal, mais je ne suis pas d'accord avec le...
    Mais, madame la présidente...
    Oui.
    ... les libéraux continuent de remettre en question les motifs de tous les autres membres du Comité. J'ai attiré votre attention sur ce point à la dernière réunion à laquelle j'étais présent. Ils continuent de balayer nos préoccupations d'un revers de main en nous accusant de partisanerie. Je dirai qu'en réalité, les libéraux sont les premiers à lancer des injures et à prêter des intentions. Je ne leur prête aucune intention par rapport à leurs manœuvres dilatoires. Ils en répondront en public.
    Très bien. Je vous remercie, monsieur Garrison.
    Nous en avons donc terminé avec M. Spengemann.
    Nous passons à M. Baker.
    Je vous en prie, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je dois dire que M. Garrison a bel et bien prêté des intentions quand il a parlé, il y a quelques instants, de son allégation, quand il a dit que les députés libéraux n'étaient pas prêts à garantir la responsabilisation. Cela revient très clairement à prêter des intentions.
    Quant aux injures, je suis vraiment déçu. M. Garrison était, malheureusement, absent à la dernière réunion, quand les députés ministériels ont communiqué une énorme quantité de renseignements importants. Peut-être est‑ce parce qu'il était absent qu'il n'a pas ce contexte et qu'il est de cet avis en ce moment. Les députés ministériels ont communiqué une énorme quantité de renseignements importants qui expliquent notre position et pourquoi nous voulons un processus qui garantissent la rédaction d'un rapport en bonne et due forme qui porte véritablement sur les problèmes de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles dans les Forces armées canadiennes et qui rende justice aux survivants. Je comprends que le contexte a peut-être manqué à M. Garrison, ce qui expliquerait son opinion actuelle.
    Cela dit, je tiens à continuer...

[Français]

     J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    J'aimerais savoir si nous avons le droit de faire référence à l'absence ou à la présence d'un membre du Comité pendant nos rencontres.

[Traduction]

    Je dirai que non. Je crois que le Comité suit fondamentalement les mêmes règles que la Chambre.
    Alors, je vous présente mes excuses, madame la présidente, pour avoir enfreint cette règle. Je ne savais pas que c'était interdit. Je sais que la présence des députés est inscrite dans les comptes rendus et je pensais donc qu'il était permis d'y faire référence, mais mon intention n'était pas d'enfreindre le Règlement. Je suis désolé.
    Cela dit, je me disais qu'il est important de tenir compte du contexte de la dernière réunion pour comprendre pourquoi les députés libéraux disent ce qu'ils disent ici aujourd'hui et pourquoi nous continuons de débattre cette motion.
    Donc, je vais reprendre où je me suis arrêté quand le... Malheureusement, ma connexion Internet a lâché pendant ma première intervention. Par conséquent, je vais reprendre là où je m'étais arrêté.
    Les membres du Comité se rappelleront, je pense, que je parlais alors de l'expérience, du témoignage, de Mme Leah West devant nos collègues du Comité permanent de la condition féminine. Elle a raconté ce qui lui est arrivé alors qu'elle était membre des Forces armées canadiennes. Elle a parlé de l'agression sexuelle dont elle a été victime et des pressions énormes qu'elle a subies, au point qu'elle s'est dit qu'elle ne pouvait pas parler et porter plainte. Par la suite, elle a été sanctionnée pour avoir enfreint une règle — et elle a reconnu l'avoir enfreinte —, puis elle a fait face à différentes formes de ce que j'appellerai de l'intimidation, des agressions et, plus généralement, des mauvais traitements de la part de plusieurs membres des Forces armées canadiennes.
    L'erreur qu'elle a commise lui a valu une sanction. Elle parle dans son témoignage du fait qu'elle a compris qu'elle avait enfreint le règlement et qu'elle l'a reconnu. Cependant, ce que je trouve répréhensible, c'est la manière dont elle a été traitée quand elle a voulu parler, mais qu'elle n'a pas pu porter plainte pour l'agression sexuelle qu'elle a subie quand elle portait l'uniforme.
    Je tiens à continuer le témoignage de Mme West que j'ai commencé et qui a trait à ce que je viens de vous dire. Voici ce qu'elle dit:
Mon plus grand échec dans la vie, c'est le comportement pour lequel j'ai été expulsée du corps des blindés et pour lequel je continue à me sentir très honteuse, alors qu'il rejoindrait le type de leadership présumément affiché par l'homme qui a fini par servir comme chef d'état-major de la Défense le plus longtemps au pays. Pourtant, comme je n'étais qu'une capitaine au féminin, on n'a pas hésité à me condamner pour un courriel et à me retirer de mon poste, et c'était la bonne décision à prendre. Nous ne pouvons pas fermer les yeux lorsque les dirigeants militaires font passer leurs intérêts personnels avant la mission dont ils doivent s'acquitter. Cette obligation éthique est un principe de toute activité militaire professionnelle: servir le Canada avant soi-même.
Cela m'amène à mon deuxième point. D'où vient cette règle de deux poids, deux mesures? Pourquoi l'inconduite sexuelle est-elle si répandue et même tolérée dans les Forces armées canadiennes alors que les victimes sont des femmes, mais pas les malfaiteurs?
À mon avis, l'environnement sexualisé décrit dans le rapport Deschamps témoigne souvent d'autres problèmes plus fondamentaux au cœur de la culture des Forces armées canadiennes. Premièrement, les femmes et les hommes ainsi que leur contribution aux forces armées ne sont pas valorisés et respectés de la même façon. Deuxièmement, les Forces armées canadiennes continuent de perpétuer des attentes profondément viciées et désuètes au sujet de ce que les militaires, hommes et femmes, sont censés représenter et, par conséquent, de la façon dont ils doivent se comporter.
    Avant de continuer de citer les propos de Mme West, je tiens à expliquer au Comité pourquoi je cite son témoignage.

  (35045)  

    Elle parle de deux poids, deux mesures:
Pourquoi l'inconduite sexuelle est-elle si répandue et même tolérée dans les Forces armées canadiennes alors que les victimes sont des femmes, mais pas les malfaiteurs?
    Elle a parlé du rapport Deschamps et expliqué en quoi « l'environnement sexualisé » est symptomatique de la culture des Forces armées canadiennes. Premièrement, dit-elle, les femmes et les hommes, et leur contribution aux Forces armées canadiennes ne sont pas valorisés et respectés de la même façon. Deuxièmement, les Forces armées canadiennes « continuent de perpétuer des attentes profondément viciées et désuètes au sujet de ce que les militaires, hommes et femmes, sont censés représenter et, par conséquent, de la façon dont ils doivent se comporter ».
    Je voulais souligner cette partie du témoignage de Mme West parce que c'est précisément le type de perspectives que nous devons inclure dans notre rapport. Or, c'est le type de perspectives qui ne sera pas retenu si la motion actuelle est adoptée, c'est-à-dire la motion proposée par M. Bezan dont nous débattons en ce moment. Il s'agit de quelque chose de très nuancé qu'il nous faut examiner et auquel nous devons réfléchir. Le Comité doit réfléchir et discuter, et s'entendre, parvenir à un consensus, sur les recommandations qu'il va formuler pour remédier à ces problèmes que Mme West et tant d'autres ont soulevés.
    Nous ne pouvons pas le faire en deux minutes. Je suis désolé, mais c'est impossible. Pourtant, c'est ce que demande la motion à l'étude. Je le répète, je le souligne parce que c'est un problème. En gros, Mme West parle de la culture générale. Nous n'avons pas besoin d'en avoir une expérience personnelle, même si je suis certain que bien des membres du Comité en ont une. Nous avons entendu de nombreux témoins. Nous savons à la lecture du rapport Deschamps et en écoutant d'autres personnes que...
    Mon collègue, M. Bagnell, parle de façon très éloquente et régulièrement au Comité de l'importance de la culture, de son rôle dans ce problème et de la transformation qu'elle doit connaître si nous voulons le régler. Je ne pense pas que cela fasse débat. La question est comment nous y prenons-nous? La tâche est complexe, difficile. Quiconque a participé au changement d'une culture, sous quelque forme que ce soit, en étant le moteur de ce changement ou en faisant partie d'une organisation qui changeait de culture, sait combien c'est difficile et complexe.
    Je pense simplement que nous devons vraiment prendre le temps de comprendre quels aspects de la culture posent un problème, puis de réfléchir afin de parvenir à un consensus, dans notre rapport, sur les mesures à prendre pour régler les différents éléments du problème dans le cadre du changement de culture dont Mme West parle dans son témoignage. Ensuite, nous devons passer aux mesures mêmes à prendre pour chaque élément. Pour moi, ce devrait être l'objet du rapport. C'est ce que le Comité devrait faire. Il me semble que si nous ne procédons pas ainsi, si nous ne nous penchons pas de cette manière sur le changement de culture dans notre rapport, en cernant les éléments du problème avant de recommander des solutions, nous manquons à notre devoir en tant que Comité. Nous manquons à notre devoir en tant que députés. Nous devons essayer de régler ce problème et de rendre hommage à des personnes comme Mme West et d'autres encore qui ont eu le courage de venir parler aux parlementaires, de s'exprimer en public et de raconter leur expérience, afin que nous puissions régler ces problèmes. La motion actuelle ne nous le permettrait tout simplement pas. Je ne comprends pas comment nous pouvons permettre l'adoption d'une telle motion.
    Dans le même ordre d'idées, Mme West ajoute ceci:
Comment pouvons-nous régler le problème? Compte tenu du temps dont je dispose, je me contenterai de formuler trois recommandations [...] Premièrement, comme nous le savons tous, nous avons besoin d'un mécanisme de signalement indépendant. À mon avis, le gouvernement devrait apporter des modifications provisoires à la politique et à la législation afin d'élargir le mandat du Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle pour y inclure des enquêtes indépendantes. Cela peut se faire en même temps que l'examen de la juge Arbour.
    Mme West parle de mécanismes de signalement indépendants. Voici ce qu'elle dit encore dans son témoignage:
Deuxièmement, nous devons améliorer la formation en leadership et le mentorat des élèves-officiers au Collège militaire royal du Canada, qui est le bouillon de culture de nos futurs dirigeants, mais c'est aussi là que prennent racine ces perceptions désuètes et dégradantes des hommes et des femmes dans les forces armées.

  (35050)  

    Le deuxième point que soulève Mme West concerne quelque chose dont plusieurs témoins ont parlé, notamment au début de l'étude quand nous avons reçu des témoins qui étaient de véritables experts en la matière. Ils ont expliqué que la culture qui doit changer et qui est omniprésente dans les Forces armées canadiennes ne commence pas seulement au sein de l'organisation des Forces armées canadiennes elles-mêmes lorsque les membres commencent à servir dans leurs rangs, mais au Collège militaire royal. Elle fait partie de la façon dont les membres ou les futurs membres des forces armées sont intégrés dans les forces. Il n'est donc pas étonnant qu'elle y soit à ce point omniprésente. Ce n'est pas seulement à partir du premier jour dans les forces, mais à partir du premier jour au Collège militaire royal que — pour citer Mme West — « prennent racine ces perceptions désuètes et dégradantes des hommes et des femmes dans les forces armées ».
    Cet aspect, ce que nous devons faire pour changer la culture pas seulement au sein des forces, mais aussi au sein du Collège militaire royal et dans la formation et l'éducation qu'il offre aux futurs membres, doit faire partie de notre rapport.
    Je vais continuer, cependant, avec le témoignage de Mme Wear. Elle dit:
Enfin, je crois que la notion de tolérance zéro pour toutes les formes d'inconduite est aussi irréaliste qu'inutile. Le changement de culture dans les Forces armées canadiennes est une entreprise colossale. De bonnes personnes qui essaient de mieux faire ne manqueront pas de commettre des erreurs. Le coût de ces erreurs ne peut pas être élevé au point où les victimes et observateurs hésiteraient à intervenir.
    Mme West parle là d'un nouvel élément très important. Tout d'abord, elle réaffirme ce que je disais il y a quelques instants au sujet du changement de culture qui est une entreprise colossale. De toute évidence, deux minutes de temps de parole par député sur le rapport ne nous amèneront pas à un rapport qui nous permettra d'entreprendre ce changement de culture colossal.
    Elle soulève un autre point. Elle souligne que de bonnes personnes qui essaient de mieux faire commettront des erreurs. Elle parle là d'un élément subtil, mais je pense que nous devons réfléchir. Cet élément doit faire partie de notre rapport. Il faut en tenir compte dans notre rapport et dans nos recommandations.
    Je suis désolé, mais cet élément — dans la mesure où les membres sont d'accord et il se peut que certains ne le soient pas — devrait faire l'objet d'une discussion si nous ne nous entendons pas dessus. Si nous nous entendons tous, nous devons prendre le temps de nous assurer qu'il figure dans le rapport. Il est impossible que nous y arrivions en disposant de deux minutes chacun.
    Voilà pourquoi je suis très préoccupé par la motion à l'étude. Elle nous empêche de veiller à ce que tous ces éléments et ces idées soient intégrés dans le rapport. Nous sommes ici, en tant que députés, pour faire bouger les choses pour les citoyens. À l'heure actuelle sur cette question, après les témoignages que nous avons entendus et après m'avoir écouté aujourd'hui et avoir entendu le témoignage de Mme Leah West que je viens de vous lire, comment pouvons-nous permettre que le Comité remette un rapport dans lequel il ne fait pas tout pour essayer de régler le problème sous-jacent du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans les forces armées?
    Je ne comprends tout simplement pas comment nous pouvons laisser cela arriver. C'est pourquoi je m'oppose aussi vigoureusement à cette motion, parce qu'elle ne nous le permettrait pas. Nous accordons deux minutes par personne. Cochez la case. Nous avons un rapport. C'est, au fond, ce qui se passerait.
    Je ne sais pas. Si Mme Leah West se trouvait dans la salle du Comité, comment pourrions-nous lui remettre un tel rapport en la regardant droit dans les yeux?
    Après que les députés de tous bords qui siègent à ce comité ont expliqué pendant des mois et des mois combien le sujet leur tient à cœur, combien ils veulent régler le problème, combien la situation est terrible, combien il faut y mettre fin et prendre les mesures qui s'imposent, comment pourrions-nous remettre un rapport qui repose sur une intervention de deux minutes par député sur une question aussi complexe et fondamentale? C'est impossible.
    Cela ne repose pas sur un consensus. Il n'est même pas tenu compte du point de vue de tous les membres du Comité, alors que c'est toujours le cas dans les rapports des comités. Comment pourrions-nous agir ainsi?

  (35055)  

    Je ne peux pas appuyer une telle motion. Je ne peux pas soutenir un tel processus et dire à une survivante, en la regardant droit dans les yeux, que nous avons fait de notre mieux. Car ce n'est pas faire de notre mieux.
    Voilà pourquoi cette motion est tellement préoccupante. Voilà pourquoi je me prononce contre. J'invite M. Bezan à retirer la motion. Voilà pourquoi j'invite les membres à rédiger le rapport comme nous le faisons toujours, en tant que membres d'un comité, résolus et réfléchis, déterminés à résoudre le problème et attentifs à la façon de procéder. Nous devrions prendre en compte tout ce que nous avons entendu et tout ce que nous avons tiré de notre propre expérience, notre propre point de vue et notre propre compréhension des compromis que supposent les différentes mesures politiques.
    C'est de cela qu'il faut discuter et débattre dans le processus de rédaction du rapport. Il ne devrait pas y avoir deux minutes de messages, qu'à vrai dire les autres membres du Comité n'ont pas à chercher à comprendre, puisqu'ils savent qu'une fois ces deux minutes écoulées, ils ne peuvent plus s'exprimer. Ce qu'il y a sur la page sera publié.
    Je ne peux pas, personnellement, nous laisser procéder ainsi, alors que nous savons que ce problème existe aujourd'hui. Est‑ce que nous allons nous contenter de nous en laver les mains, en quelque sorte? Est‑ce que nous allons seulement prétendre rendre un rapport qui compte? Un rapport conçu et rédigé d'une manière qui serait dictée ou revue par cette motion saperait les efforts que nous déployons pour régler le problème.
    J'encourage vraiment M. Bezan a retiré la motion. Passons à la rédaction de notre rapport. Attelons-nous‑y tout de suite. Asseyons-nous et laissons la politique de côté. Rédigeons le rapport comme nous le faisons toujours. Faisons quelque chose pour le bien des survivants. Faisons quelque chose dont nous pouvons être fiers. Nous nous sommes tous présentés aux élections pour améliorer les choses pour les citoyens. Voici une occasion de le faire en rédigeant un rapport solide. Je nous invite à y réfléchir.
    M. Spengemann a parlé de la partisanerie à la Chambre des communes. Je comprends. Cela arrive. Nous comprenons tous. Dans un an, dans deux ans, dans dix ans, quand nous ne serons plus des élus, nous repenserons à cette étude et nous en serons fiers. Je veux pouvoir en être fier et pouvoir dire que nous avons fait bouger les choses.
    Je ne veux pas la soutenir et dire que nous avons coché une case pour pouvoir rédiger un rapport, que c'était une manœuvre politique, que le problème des agressions sexuelles et du harcèlement sexuel existe toujours dans les forces armées parce que la partisanerie l'a emporté sur la volonté de faire quelque chose pour les survivants.
    Allons. Nous valons mieux ça. Cette motion ne nous permet pas de jouer notre rôle. N'hésitons pas. Faisons le bon choix.
    M. Bagnell a proposé quelque chose qui me semble très constructif. Il dit, au fond, que nous devrions au moins trouver sur quoi nous nous entendons et avancer sur ces sujets. Il se peut qu'ils soient nombreux ou pas. En fait, je ne sais pas. Nous ne le saurons pas tant que nous n'aurons pas eu cette conversation. Ce que M. Bagnell essaie de faire, me semble-t‑il, et je ne veux pas parler à sa place, c'est arriver à faire adopter des recommandations qui aident les survivants et qui aident à régler les problèmes. Faisons au moins cela.
    J'aimerais beaucoup savoir ce que l'opposition pense de la proposition de M. Bagnell. Pouvons-nous, tout au moins, avancer dans ce sens? C'est encore différent de la façon dont nous rédigeons normalement les rapports, mais c'est un pas dans la bonne direction. Il essaie.
    Nous essayons d'écrire un rapport constructif. Pensez un instant à ce que vous ressentirez quand vous regarderez des survivants dans les yeux. Pensez à ce que vous ressentirez dans 10 ou dans 20 ans. Peut-être que certains d'entre vous siégeront encore ici, je ne sais pas. Cependant, dans 20 ans, quand vous ne serez plus député et que vous parlerez à vos enfants ou à vos petits-enfants de ce que vous avez fait quand vous étiez député, quelle marque voulez-vous laisser en tant que membres du Comité sur ce sujet?
    Personnellement, je veux qu'on retienne que nous n'avons pas ménagé nos efforts sur ce dossier, que nous avons surmonté la partisanerie et rédigé un excellent rapport, que nous avons fait tout ce que nous pouvions.
    Nous ne pouvons pas régler ce problème à nous seuls, en tant que membres du comité. Je ne suis pas naïf. Nous pouvons beaucoup améliorer la situation, ou pas. Nous sommes à la croisée des chemins.

  (35100)  

    Adopter cette motion, c'est choisir de ne pas faire bouger les choses, c'est choisir de se contenter de cocher la case et de dire que nous avons rédigé un rapport, et dans 10 ou 20 ans, quand nous en parlerons à nos enfants et que nous y repenserons, nous dirons que nous ne voulons pas en parler parce que nous n'avons pas obtenu le moindre résultat.
    Rédigeons ce rapport, réglons ce problème d'agressions sexuelles et de harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes.
    Faisons ce qu'il faut pour les survivants.

  (35105)  

    Je vous remercie, monsieur Baker.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie.

[Français]

     La parole est à M. Robillard.
    J'avais compris que M. Bezan l'avait retirée. Non?
    Je dois avoir mal compris.

[Traduction]

    Oui, merci.
    J'invoque le Règlement.
    Vous avez la parole, monsieur Bezan.
    Je sais que nous approchons de la fin de notre réunion et que vous suspendez les réunions plutôt que de laisser le débat se poursuivre, et je voulais simplement vous dire que, si vous avez besoin d'une petite pause, par exemple, je vous relaierais volontiers à la présidence afin d'aller au bout de ces manoeuvres d'obstruction.
    Je vous remercie beaucoup de votre offre magnanime, monsieur Bezan.

[Français]

    Nous retournons à M. Robillard.

[Traduction]

    Si vous insistez.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
     Afin d'éclairer nos décisions concernant la motion que nous étudions en ce moment, j'aimerais rappeler à mes collègues le Rapport 5 concernant les comportements sexuels inappropriés au sein des Forces armées canadiennes. Ce rapport, qui date de l'automne 2018, visait à déterminer si les Forces armées canadiennes avaient pris des mesures adéquates à l'encontre des comportements sexuels inappropriés afin d'intervenir auprès des victimes, de leur venir en aide, de comprendre et de prévenir de tels comportements. J'aimerais donc l'ajouter à notre discussion, en rappelant certaines recommandations.
    Tout d'abord, les chercheurs ont observé que les besoins des victimes n'avaient pas toujours été respectés. Selon les procédures de la police militaire, pour tous les dossiers liés à un comportement sexuel inapproprié, l'enquêteur doit communiquer à la victime de l'information sur tous les services de santé locaux et les services de soutien disponibles, et ce, dès leur première rencontre. Il doit aussi lui donner des renseignements sur le Programme d'aide aux victimes de la Police militaire. Un coordonnateur des services aux victimes doit en outre faire un compte rendu de l'enquête à la victime tous les 30 jours, jusqu'à la fermeture du dossier.
    Nous avons constaté que, pour la majorité des dossiers de notre échantillon soumis à la police militaire, soit 31 sur 46, au moins une de ces étapes n'avait pas été suivie. Pour apporter un soutien sans réserve aux victimes et réduire le risque qu'elles abandonnent leur démarche, il est important de suivre toutes les étapes du processus.
    Pour la plupart des dossiers de notre échantillon soumis à la police militaire, soit 34 sur 46, les incidents avaient été signalés par une tierce personne et non par la victime. Dans quatre dossiers, un commandant avait fait pression sur la victime pour qu'elle dénonce l'incident, alors qu'elle ne désirait pas le faire.
    Environ le quart de ces dossiers, c'est‑à‑dire 10 sur 46, ont donné lieu à des accusations. Cependant, dans la plupart des dossiers, soit 28 sur 46, il n'y avait pas suffisamment de preuves pour porter des accusations. Parmi ces 28 cas, nous avons constaté que les raisons principales de l'insuffisance de preuve étaient le refus de la victime de faire une déclaration et l'absence de témoin. Cela doit nous faire réfléchir encore une fois à la place des victimes, des survivants dans ce processus.
    Je vais faire une petite pause, madame la présidente.
    D'accord.
    Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    Monsieur Bagnell, vous avez la parole.

  (35110)  

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je tiens à remercier certains des membres, maintenant que les séances sont prolongées, pour l'énorme quantité de renseignements supplémentaires qu'ils ont fournis. M. Spengemann, par exemple, a fourni des renseignements provenant d'autres cas où des études ont été menées.
    En réponse à la question de M. Baker sur le résultat que nous aurons obtenu, nous avons maintenant énormément de données et de renseignements que les personnes qui travaillent sur cette question, y compris Mme Arbour à l'avenir, pourront utiliser pour recommander des mesures qui seront alors encore nécessaires. En tout cas, si le Comité ne parvient pas à réunir quelques recommandations, je présenterai les miennes, et nous avons certainement beaucoup de soutien des experts et des survivants pour les formuler.
    Avant de vous dire quelles devraient être, selon moi, les recommandations, si c'est la seule occasion que j'ai de m'exprimer, je tenais à souligner que M. Garrison a soulevé un bon point. Je crois qu'il serait juste que les membres du Comité sachent combien de temps l'opposition va débattre cette motion inappropriée, alors qu'elle pourrait mettre fin au débat ou lever la séance afin que nous puissions passer au rapport ou à d'autres questions importantes. Il serait bon que les membres du Comité sachent quand l'opposition compte présenter des motions raisonnables, par exemple, sur...
    Nous avions un courriel qui a été signalé en moins de 24 heures. Personne n'en connaît le contenu parce que le membre ne voulait pas qu'on le connaisse, et le signalement et l'enquête ont été bouclés très rapidement. Pourquoi aurions-nous des motions demandant de rappeler des témoins que nous avons déjà entendus parfois pendant six heures, etc.? Il serait normal que le Comité sache quand les députés de l'opposition vont cesser de faire de telles propositions qui font traîner les choses et nous empêchent de passer au rapport.
    De plus, avant de poursuivre, les membres du Comité doivent évidemment savoir pourquoi les députés de l'opposition proposent qu'il n'y ait pas de réponse du gouvernement. À ma connaissance, les comités mènent des enquêtes avec l'aide de témoins experts et étudient un sujet afin de formuler des recommandations auxquelles le gouvernement doit donner suite. Pourquoi les trois partis d'opposition ne veulent-ils pas que le gouvernement agisse? Pourquoi ne veulent-ils pas de réponse au rapport? Il serait pourtant utile d'en avoir une. De toute évidence, nous devons savoir pourquoi ils n'en veulent pas avant de passer à la demande de M. Garrison.
    Par ailleurs, en ce qui concerne la réponse, comme a dit M. Baker, à mon idée, si je ne me suis pas montré assez clair, je propose un compromis par rapport à cette impasse apparente qui nous empêche de passer au rapport. Nous pourrions commencer tout de suite avec les points sur lesquels nous nous entendons ou passer en revue toutes les recommandations afin de voir lesquelles nous décidons de soumettre à la procédure Bezan, avec deux minutes de temps de parole chacun, afin d'avoir des choses à dire aux victimes. Comme l'a dit M. Baker, nous pourrions être fiers d'avoir des points sur lesquels avancer. Ensuite, nous reviendrions en arrière afin d'avoir un débat normal sur les choses sur lesquelles nous ne sommes pas parvenus à nous entendre au Comité.
    Bien entendu, comme l'a mentionné Mme Vandenbeld, nous avons également tout le rapport Fish qui contient quantité de précieux renseignements à examiner. Si nous ne pouvons pas nous pencher dessus par une voie raisonnable, en comité, il faudra en passer par le débat.

  (35115)  

    Pour donner le temps aux partis d'opposition de réfléchir à mon compromis et de faire quelques commentaires à son sujet et aux raisons pour lesquelles il n'y a pas de réponse du gouvernement, je vais parler, comme je l'ai dit tout à l'heure, de certaines des choses qui devraient, selon moi, figurer dans le rapport, si c'est la seule occasion que j'ai de les mentionner.
    Tout d'abord, j'ose croire que tous les députés de tous les partis souhaitent avoir leur mot à dire dans les recommandations, mais pas nécessairement selon les termes énoncés dans cette motion. Un des éléments serait, parce qu'il a été expliqué que les effets, les résultats, des enquêtes dépendent de... Avant de poursuivre, je tiens à dire, également au sujet de certains points soulevés par M. Garrison, qu'il semble avoir un point de vue légèrement différent de celui d'autres membres du Comité sur le fait de consacrer une partie de notre rapport à la responsabilité politique. Si c'est vrai... Très bien. C'est son point de vue. Mais si c'est vrai, alors, évidemment, comme nous le savons tous, depuis que nous avons commencé nos rapports, il y a eu au moins trois données détaillées — dont une apportée très récemment — qui laissent supposer que la responsabilité politique remonte au moment de la nomination du général Vance... L'une d'elle est récente, elle date du 1er juin, je crois. Je ne suis pas certain que M. Garrison en ait connaissance, mais je peux en donner lecture. Je ne le ferai pas maintenant parce que je veux rester sur les aspects importants du changement de culture, sur la peur de signaler des incidents et sur la chaîne de commandement.
    Vraiment, si quelqu'un veut s'intéresser à la responsabilité politique, c'est manifestement là qu'elle réside, au vu des faits révélés tout dernièrement, mais je m'en tiendrai aux choses qui aideront les survivants. Comme je l'ai dit, d'après certains avis, les répercussions des enquêtes, des représailles ou de l'inconduite sexuelle sont différentes selon les genres et les grades — subalternes ou hauts gradés. Je pense donc qu'il faudrait désagréger les données, les recueillir et les analyser autant que possible pour nous aider dans nos décisions ou nos recommandations ou pour aider Mme Arbour dans ses recommandations. C'est certainement une idée que je transmettrai si je ne peux pas le faire dans le cadre du Comité.
    Par ailleurs, nous voulons nous assurer que les recommandations ou les procédures que nous proposons font vraiment en sorte que la recherche, les politiques et les services et prestations de programmes aient pour principe directeur les souhaits et les besoins des victimes d'inconduite sexuelle ou d'autres formes de non-inclusion — le ministre insiste beaucoup sur ces autres formes de non-inclusion. Il y a quelques propositions... Je ne me rappelle pas dans quel rapport à présent, mais il me semble qu'il était indiqué que les directives administratives n'étaient pas centrées sur les survivants et les victimes. Elles visaient plus à protéger le système. C'est pourquoi je pense qu'une recommandation à cet égard serait utile.
    Je pense aussi, bien sûr, que pour aider Mme Arbour, les Forces armées canadiennes doivent procéder à un examen stratégique des processus existants, y compris de la supervision du début à la fin, dans une optique éclairée qui tienne compte des traumatismes et soit axée sur les survivants.
    De plus, je pense que, dans nos recommandations ou notre rapport, il est nécessaire de sensibiliser aux traumatismes. M. Baker a évoqué le sujet aujourd'hui, mais aussi nombre des victimes que nous avons entendues et qui nous ont contactés à titre personnel ou par l'intermédiaire du Comité, ou que vous avez entendues même dans les médias. Nous devons donc respecter le fait que les traumatismes ont des répercussions sur la dignité des personnes touchées et qu'ils ne sont pas passagers.

  (35120)  

    Il ne s'agit pas d'une situation où l'agresseur est sanctionné et tout est réglé. Ce type de traumatisme ne quittera pas la personne jusqu'à la fin de ses jours. D'une manière ou d'une autre, il faut que ce soit écrit dans le rapport, comme l'ont dit les témoins, et les recommandations sérieuses que nous formulons doivent tenir compte de cet élément.
    Je pense également que nous devons reconnaître que, même si dans la majorité des cas, les victimes de ce type de traumatisme sont des femmes, comme nous l'a dit un témoin au moins, ce n'est pas toujours le cas.
    Je tiens aussi à parler des systèmes de soutien. Comme je l'ai déjà dit, j'hésite un peu à parler longuement du soutien. Je crois que nous devrions plus nous concentrer sur l'élimination du problème, afin que le soutien ne soit pas nécessaire. De toute évidence, quand les cas se comptent par centaines, comme M. Garrison et moi-même l'avons exposé en détail, le soutien reste nécessaire, notamment dans des situations qui existaient bien avant que nous étudiions cette situation‑ci, parce qu'elles peuvent durer.
    Les victimes demandent notamment un réseau de soutien par les pairs, ce qui existe ailleurs. Il devrait être adapté aux forces armées dans les circonstances particulières — et je sais que les membres du Comité qui ont été militaires le comprendront —, afin que les victimes puissent compter sur un réseau de soutien où parler avec d'autres victimes afin de trouver des moyens d'avancer.
    En outre, je pense que, ces types de traumatisme, étant donné leur gravité, devraient être pleinement qualifiés de traumatismes liés au stress opérationnel et mentionnés comme tels dans le cadre fédéral sur le trouble de stress post-traumatique. Je crois que cela leur donnerait plus de... Ils seraient pris plus au sérieux, comme il se doit.
    Par ailleurs, il nous faut aussi, selon moi, une recommandation sur les qualités d'un soldat idéal. La définition devrait être modernisée afin de tenir compte de la réalité des besoins militaires au XXIe siècle, ce qui comprend un examen de la culture masculine dominante actuelle présumée, qui est hétéronormative, blanche et d’origine européenne. Les valeurs et les caractéristiques du soldat idéal et leurs répercussions sur le signalement de l'inconduite sexuelle doivent être examinées attentivement.
    Nous avons aussi souvent entendu parler des exigences ou des choses qui aident à obtenir des promotions, autrement dit de ce qui est pris en compte, de la mise à jour qui devrait en être faite, des récompenses pour avoir agi comme il convient ou pour ne pas avoir agi comme il ne convient pas. Nous devons discuter de tout cela. Je ne crois pas qu'un seul membre du Comité soit d'avis que nous ne devrions pas examiner sérieusement ce genre de question.
    J'ai encore plein de choses à dire, mais je les garderai pour plus tard... sauf en ce qui concerne le point que je mentionnais tout à l'heure.

  (35125)  

    Je pense qu'il faudra un plus long débat au Comité parce qu'en dehors de moi, les membres n'en ont pas vraiment parlé. Quelle place les représailles occupent-elles dans le système, dans le code de conduite ou dans les infractions, même?
    Il est évident qu'il y a eu des représailles dans le passé — explicites ou pas —, mais où est‑il écrit que c'est inapproprié, qu'elles constituent une infraction et qu'avoir cette infraction inscrite dans son dossier a des conséquences? À mon avis, si elles étaient interdites, cela aiderait certainement beaucoup plus de victimes à signaler des incidents, comme le récent rapport...
    Je vous remercie, monsieur Bagnell.
    La séance est suspendue.

[Français]

     [La séance est suspendue à 15 h 25 le vendredi 4 juin.]
     [La séance reprend à 11 h 4 le lundi 7 juin.]

  (41900)  

[Traduction]

    La séance reprend.

[Français]

     Bonjour.
    Je souhaite la bienvenue à tous.

[Traduction]

    Nous reprenons la réunion numéro 32 du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes commencée le vendredi 21 mai 2021.
    Si vous n'entendez plus les interprètes, dites‑le-moi aussitôt afin que nous fassions le nécessaire pour que tout le monde puisse participer pleinement aux travaux du Comité.
    Je vous rappelle que les membres doivent adresser toutes leurs observations à la présidence, et je rappelle, autant pour moi-même que vous toutes et tous, qu'il nous est demandé de parler lentement et clairement. Lorsque vous n'avez pas la parole, votre micro doit être éteint.
    En ce qui concerne la liste des intervenants, je ferai de mon mieux avec le greffier pour suivre l'ordre de passage établi pour tous les membres, que leur participation soit virtuelle ou en personne.
    Nous reprenons le débat sur la motion de M. Bezan.
    Monsieur Bagnell, vous avez la parole.

  (41905)  

    Je vous remercie.
    Pour récapituler, voilà environ 58 heures et 49 minutes que nous consacrons à ce sujet très important. Nous avons appris l'existence systémique dans les Forces armées canadiennes de comportements sexuels inappropriés. Nous avons reçu de très nombreux témoins et entendu le triste témoignage de survivants. Cette situation dure depuis des décennies, et il nous faut assurément des mesures très importantes et complexes pour essayer d'y mettre un terme.
    Les principaux éléments dont nous ont parlé les experts et les témoins concernaient le changement de culture, dont je suis certain qu'il sera encore question aujourd'hui, et la peur de signaler les incidents, en partie à cause de l'ordre de la chaîne de commandement et de la crainte de représailles, car, si vous signalez des incidents, il peut y avoir des répercussions sur l'honorable carrière que vous avez choisie.
    C'est pourquoi j'espère que nous pourrons passer dès que possible au rapport afin de nous attaquer à tous ces problèmes très graves dans les forces armées et de faire ce que nous pouvons pour aider les survivants.
    Le ministère et le ministre ont déjà pris des mesures en nommant Mme Louise Arbour, entre autres. À la séance précédente, j'ai passé en revue pendant près d'une heure des choses qui ont déjà été faites, mais il est évident qu'il reste à faire, et nous pourrions certainement apporter notre pierre à l'édifice si nous nous attelions sans tarder au rapport.
    À mon sens, le rapport devrait viser à ce que le ministère et le ministre apportent les changements dont nous parlons. Je ne pense pas qu'un seul membre du Comité ne veuille pas voir apporter ou pris au sérieux les changements que nous recommandons, et le gouvernement devrait répondre à nos recommandations.
    Cependant, ce n'est pas ce que prévoit la motion à l'étude. Je vais donc proposer de la modifier afin que le gouvernement soit tenu de répondre à ce que nous proposons, à ce que les survivants proposent et à ce que les experts proposent, ce qui pourrait donner un rapport très productif.
     Nous voulons faire en sorte — et je suis certain que tous les membres du Comité sont d'accord — que le gouvernement et le ministre prennent des mesures sur les points qui aideraient, d'après les survivants et les experts, le ministère à avancer de manière à offrir aux membres des Forces armées canadiennes et aux employés du ministère un milieu de travail sécuritaire.
    Je propose de supprimer la première partie du point (b)(iv), qui est ainsi libellé: « le Comité refuse de demander, conformément à l’article 109 du Règlement, que le gouvernement dépose une réponse globale... »
    J'ajouterais ceci: « que conformément à l’article 109 du Règlement, le gouvernement dépose une réponse globale au rapport. »
    Comme nous n'avons pas de version écrite de cet amendement, souhaitez-vous avoir un peu de temps pour le revoir et en obtenir une copie?

  (41910)  

    Allez-vous en obtenir une copie écrite?
    Oui, je pense que nous devrions attendre d'en avoir une.
    Je crois que le texte est envoyé au greffier. Il me semble que M. Bagnell l'a envoyé. Vous pouvez vérifier.
    Très bien. Nous allons suspendre la séance cinq minutes, après quoi nous donnerons à chacun la possibilité de l'examiner.
    La séance est suspendue.

  (41910)  


  (41915)  

    Nous reprenons le débat. Je vous redonne la parole, monsieur Bagnell.
    Pour que tout le monde comprenne, je propose de modifier le sous-alinéa (b)(ii) de la motion de M. Bezan afin de demander que le gouvernement fournisse une réponse à notre rapport.
    Avant, cependant, je tiens à vous rappeler qu'à la dernière séance, j'ai proposé une façon de procéder à propos des éléments sur lesquels nous nous entendons et proposé aussi de laisser de côté les aspects difficiles pour y revenir après. Je n'ai entendu aucune objection de l'opposition à cette proposition, mais il est toujours possible d'en discuter.
    À propos de mon amendement, nous voulons que les choses changent, sérieusement. Nous sommes à un moment où le Comité pourrait, en fait, avoir une influence, et nous pourrions apporter ce changement.
    Nous avons un ministre qui ne cesse de répéter que tout est négociable, qu'il veut apporter des changements, qu'il veut notre avis sur les changements à apporter. Nous avons un chef d'état-major de la Défense par intérim qui a déclaré être tout à fait prêt à apporter des changements, voire impatient de les apporter, et qui accepte même de solliciter des conseils « extérieurs » et de faire les choses en dehors de la chaîne de commandement militaire.
    Des changements considérables, énormes, seront nécessaires si nous voulons vraiment avoir une incidence sur un problème épineux, non seulement dans nos forces armées, mais dans d'autres forces armées, comme M. Spengemann l'a exposé en détail.
    Tout problème de ce genre nécessite des recommandations complexes et mûrement réfléchies, auxquelles nous arriverons bientôt, je l'espère, mais le changement est majeur et, comme tous ceux qui sont ici depuis assez longtemps le savent, il est difficile de changer. Il n'est pas dans la nature humaine ou organisationnelle de faire des changements.
     Nous voudrions que le ministère et le gouvernement répondent à toutes nos recommandations. Si nous rédigeons un rapport, c'est pour qu'il y ait des changements. Je ne crois pas qu'un seul membre du Comité ne voudrait pas de changements ou voudrait que le ministre et le gouvernement ne répondent pas à nos propositions concernant ces changements en ce qui a trait aux éléments qu'ils retiendront de nos recommandations.
    Il est normal quand les Comités remettent des rapports de demander au gouvernement d'y répondre afin de montrer qu'il prend nos recommandations au sérieux et qu'il apporte des changements qui peuvent vraiment améliorer la vie des militaires et rendre cette option meilleure pour les personnes qui la choisissent. Ils devraient être en mesure de choisir cette honorable carrière sans craindre d'être victimes de conduites sexuelles inappropriées, et tous les membres devraient être en mesure de poursuivre leur carrière sur un pied d'égalité dans une des professions les plus honorables qui s'offrent aux Canadiens, une profession de plus essentielle à la préservation de notre sécurité.
    Je m'arrêterai là.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (41920)  

    Je vous remercie, monsieur Bagnell.
    Monsieur Baker, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je tiens à remercier M. Bagnell de son amendement.
    Je vais revenir sur ce qu'il a dit. Il a parlé de ce qu'il faut faire pour que les choses bougent sur la question du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans les forces armées. Si le comité est sérieux quand il dit vouloir faire tout son possible... Eh bien, prenons un peu de recul. Si nous sommes sérieux en tant que Canadiens, en tant que personnes à qui ce problème tient à cœur, qui veulent voir prendre des mesures, alors il faut que le gouvernement agisse. Il me semble que nous pouvons tous nous entendre sur ce point.
    Le rôle du Comité pour ce qui est de veiller à ce que des mesures soient prises est, à mon sens, de faire tout son possible pour s'assurer que le gouvernement prenne des mesures. Pour cela, il doit écrire un rapport qui contienne des recommandations réfléchies et demander au gouvernement de mettre en œuvre ces recommandations. Ensuite, il doit demander au gouvernement de créer un mécanisme de responsabilisation, ou tout faire en tant que comité, de toute façon, pour s'assurer que les recommandations qu'il formule et dans lesquelles il croit soient suivies d'effet et que le gouvernement règle ce problème d'agressions sexuelles et de harcèlement sexuel dans les forces armées.
    Pour moi, la réponse du gouvernement, qui est généralement fournie à la plupart des rapports des comités — à presque tous, à ma connaissance —, a un rôle important. Elle sert de mécanisme de responsabilisation, selon moi, parce que le gouvernement est tenu de préciser, de manière publique et transparente, dans quelle mesure il compte mettre en œuvre les mesures recommandées par les comités. C'est pourquoi cette réponse est utile, à mon sens... Il s'agit d'un mécanisme important lorsque les comités remettent des rapports, et il est important que nous ayons cette réponse dans ce cas particulier.
    Nous avons tous été ébranlés par ce qu'ont raconté certaines des personnes venues témoigner devant le comité. Nous avons tous parlé de nos conversations avec des membres des forces armées et avec des victimes et des survivants. Nous leur devons de faire tout notre possible en tant que comité pour soumettre au gouvernement les bonnes idées pour s'attaquer à ce problème. Nous devons faire tout notre possible pour que le gouvernement y donne suite — pour l'inciter à y donner suite. Selon moi, la réponse du gouvernement est un mécanisme important pour nous assurer qu'il donne suite à ce qui sera, je l'espère, un rapport consensuel et mûrement réfléchi qui nous permettra de nous attaquer à ce problème d'agressions sexuelles et de harcèlement sexuel dans les forces armées. Je crois vraiment que ce que M. Bagnell a proposé est constructif et important de moyen à long terme, pour faire en sorte que nous nous attaquions à ce problème.
    Quand je pense à certaines des choses que nous avons entendues, je sais que nous avons entendu de nombreux témoins qui ont comparu devant le Comité, des témoins qui ont comparu devant le comité de la condition féminine, des victimes qui se sont exprimées dans différents forums dans la sphère publique, etc. Nous avons tous été touchés par ces témoignages, et si nous voulons... Toutefois, ces témoins nous ont également dit que le problème n'est pas nouveau. Nous le savons tous. Ce problème a toujours existé, et des personnes en ont parlé dans le passé dans différents forums. Ce n'est pas facile d'en parler. Bien sûr, nous n'avons entendu qu'une fraction de ce qui se passe. D'ailleurs, les témoins et les survivants nous l'ont dit.
    Le fait qu'il y ait tellement de victimes et que si peu d'entre elles se manifestent, qu'un si petit nombre d'affaires soient traitées — et soient soumises à un mécanisme d'application de la loi approprié — montre toute l'importance de l'élément de responsabilisation. Il ne s'agit pas seulement de proposer de bonnes idées. Le but est de proposer de bonnes idées, puis de s'assurer que nous sommes tous sur la même longueur d'onde, à quelque parti politique que nous appartenions ou dont nous soyons les élus, pour veiller à ce que le gouvernement en place, le gouvernement suivant et le suivant encore continuent d'avancer sur ce sujet. Il me semble que nous convenons tous qu'il s'agit d'un problème complexe et difficile qui nécessitera l'engagement de tous les gouvernements à venir, si nous voulons le régler.

  (41925)  

    Quand je pense à ce dont certaines personnes ont parlé, et dont il faut retenir les conseils, je pense notamment à Julie Lalonde. Elle s'est exprimée publiquement dans le passé, et elle a eu la gentillesse de venir présenter un exposé au Comité permanent de la condition féminine.
    Je tiens à vous faire part de ce qu'elle a dit parce que je pense que c'est important. Ce qu'elle explique montre à quoi nous devons demander au gouvernement de répondre et de donner suite, ce à quoi vise la motion de M. Bagnell, me semble‑t‑il.
    Elle a déclaré ce qui suit, en français:

[Français]

Je suis contente de voir que le Comité a décidé de prendre un moment pour entendre les experts de divers horizons, dont moi-même.

Je m'appelle Julie S. Lalonde et je travaille depuis presque 20 ans pour mettre fin à la violence envers les femmes au Canada. Chaque année, j'offre de la formation à des milliers de personnes. J'ai travaillé dans cinq pays, sur trois continents et dans deux langues.

Bien que je sois la fille d'un ancien membre des Forces armées canadiennes, c'est mon expertise en matière de changement des systèmes, de prévention de la violence et d'intervention des témoins qui m'a amenée à participer aux discussions d'aujourd'hui. J'ai vécu une journée tristement célèbre de formation des élèves-officiers au Collège militaire royal de Kingston à l'automne 2014. Dans tout le pays, on disait dans les manchettes qu'une éducatrice en prévention du harcèlement avait été victime de harcèlement au Collège militaire royal. Ce qui a malheureusement été omis, c'est que j'ai déposé une plainte auprès du Collège militaire royal pour des raisons qui ne se limitent pas au harcèlement que j'ai subi. J'étais et je demeure profondément troublée par les commentaires qu'ont faits les élèves-officiers au sujet de la violence sexuelle. Ils blâmaient les victimes et soutenaient que les femmes qui prennent un verre de trop demandent à être violées, à l'exception d'un élève-officier de la Marine. Il a fait preuve d'un immense courage, et c'est surtout de courage que j'aimerais parler aujourd'hui.

[Traduction]

    Pour récapituler ou mettre son intervention en contexte, Julie Lalonde témoignait devant le comité de la condition féminine. Elle expliquait comment elle essaie de parler, d'agir pour aider à former les membres des Forces armées canadiennes afin de lutter contre ce problème. Elle a raconté comment elle a été maltraitée, la résistance qu'elle a rencontrée dans le système quand elle a exposé ses idées et quand elle a essayé d'enseigner.
    C'est de cela qu'elle parlait dans le segment que je viens de vous lire. Elle soulignait combien il était difficile de lutter contre ce problème, même quand on en donnait la possibilité à de jeunes cadets, apparemment de jeunes membres des forces armées. La résistance était énorme. C'est une des raisons pour lesquelles la motion de M. Bagnell est pleine de bon sens.
    Julie Lalonde fait ce travail depuis des années et elle rencontre ce genre de résistance. Nous devons tous tendre vers le même objectif dans ce dossier. Évidemment, le gouvernement est en tête de la liste des organisations qui doivent poursuivre le même objectif que les forces armées, le comité et bien d'autres.
    C'est pourquoi je pense que l'amendement proposé par M. Bagnell est tout à fait logique. À mon avis, la motion de M. Bagnell vise à s'assurer que le gouvernement déclare publiquement sa position sur les recommandations que fera le Comité.

  (41930)  

[Français]

    Je continue de lire le témoignage de Mme Lalonde:
J'ai été invitée à former tous les élèves-officiers regroupés par année lors d'une journée pluvieuse d'octobre 2014. Les élèves des groupes de première et de deuxième année étaient indisciplinés, mais gérables. Le groupe de troisième année était de loin le pire public auquel j'ai eu affaire.
Oui, les élèves de ce groupe m'ont accusée de détester tous les hommes, se sont moqués de la définition du consentement et ont saisi toutes les occasions possibles pour rejeter la responsabilité sur les victimes. Pendant un moment particulièrement tendu, j'ai franchement perdu la salle. Ils étaient furieux que je parle des témoins et ont commencé à crier et à me chahuter.
    Mme Lalonde a décrit ce qui s'était passé. Ce que je retiens de son témoignage, c'est qu'elle a fait face à une résistance et qu'elle a même été maltraitée parce qu'elle essayait de résoudre le problème du harcèlement et des agressions sexuels dans les Forces armées canadiennes. Elle s'adressait à des membres très jeunes des Forces armées canadiennes. En effet, elle parlait dans son témoignage de groupes de troisième année. Cela démontre l'existence de la résistance culturelle, ainsi que d'autres raisons qui font que ces gens résistent. C'est pour cette raison que le Comité, le gouvernement et les Forces armées canadiennes doivent tout faire afin de s'assurer de corriger ce problème.
    Je vais poursuivre la lecture de son témoignage.
Dans une mer d'uniformes majoritairement verts, un homme en uniforme de la Marine a levé la main. Il faisait partie du groupe le plus turbulent, alors pour être honnête, je lui ai donné la parole avec hésitation. À ma grande surprise, et à celle de toutes les autres personnes présentes dans la salle, il m'a défendue. Il a commencé à réprimander ses camarades de classe pour m'avoir attaquée, leur a dit qu'ils se comportaient comme des bébés en se montrant si contrariés et est même allé jusqu'à dire que la façon dont on parle des femmes au Collège militaire royal est embarrassante.

Tout le monde sans la salle est resté bouche bée. Je pense souvent à cet homme. Dans les jours et les mois qui ont suivi ma journée au Collège militaire royal, des élèves-officiers et des membres des Forces armées canadiennes ont utilisé les médias sociaux et les médias traditionnels pour féliciter les élèves-officiers d'avoir eu le courage de s'en prendre à l'éducatrice. Que des centaines d'hommes fassent dérailler une conversation sur la prévention de la violence sexuelle pour accuser la formatrice de détester les hommes, ce n'est pas du courage. Être le seul individu, dans une salle de 200 personnes, à prendre la parole pour faire avancer les choses est un acte de courage du plus haut niveau.

C'est ce que nous attendons de vous maintenant. Vous n'éradiquerez pas la violence sexuelle, la misogynie et les autres formes d'oppression au sein de l'armée, comme le racisme, la transphobie et l'homophobie, à moins d'être prêts à faire preuve de courage. Est-ce que des termes comme « culture du viol », « masculinité toxique » et « axé sur les survivants » mettent les membres des Forces armées canadiennes mal à l'aise? Absolument, et nous l'avons constaté, mais on ne peut pas changer quelque chose qu'on ne nomme pas.
    J'arrête ici ma lecture du témoignage de Mme Lalonde, qui est selon moi incroyablement important. Elle a témoigné devant le Comité permanent de la condition féminine, mais elle pourrait dire la même chose devant ce comité en ce moment. C'est pour cette raison que j'ai cru important de vous lire son témoignage.
    Je veux répéter une phrase qu'elle a dite au sujet du membre de la Marine qui s'est levé pour intervenir. Elle a dit: « Être le seul individu, dans une salle de 200 personnes, à prendre la parole pour faire avancer les choses est un acte de courage de plus haut niveau. »

  (41935)  

     Je demande à mes collègues du Comité si ce que nous faisons est « un acte de courage du plus haut niveau ». Vu d'une autre façon, quel acte de courage du plus haut niveau devrions-nous accomplir pour nos autres collègues, les survivantes, le gouvernement? Quel serait notre acte de courage?
    Selon moi, notre acte de courage du plus haut niveau serait d'écrire ce rapport d'une façon constructive, productive et de nous assurer que le gouvernement va appliquer nos recommandations. L'amendement que M. Bagnell a proposé est un mécanisme essentiel pour nous assurer que le gouvernement le fera.
    Si nous n'exigeons pas une réponse du gouvernement, cela m'inquiétera. Même si nous avons un rapport productif, constructif et qui comporte de superbes recommandations — je n'ai aucun doute que nous y parviendrons — il faut nous prévaloir de cette possibilité et exiger du gouvernement qu'il agisse dans ce dossier.
    Je vous supplie et je vous demande de soutenir ce que M. Bagnell a proposé. C'est constructif. Mme Lalonde a parlé d'un marin qui s'est levé dans une salle de 200 personnes qui la maltraitaient, posant ainsi un acte de courage. Je ne vous demande pas d'en faire autant aujourd'hui, ni même dans les semaines qui suivent. Ce que ce marin a fait est très courageux. Tout ce que je vous demande n'exige pas autant de courage: il nous faut simplement agir et faire ce que nous pouvons. Cela exige simplement que nous soyons motivés à aider et à soutenir les victimes survivantes, et à résoudre ce problème de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles dans les Forces armées canadiennes.
    Je vous demande donc de soutenir l'amendement de M. Bagnell. C'est la meilleure façon de nous assurer que le gouvernement donnera suite à nos recommandations et que nous ferons tout ce que nous pouvons pour résoudre le problème du harcèlement sexuel et de la violence sexuelle dans les Forces armées canadiennes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

    Je vous remercie, monsieur Baker.
    La parole est maintenant à M. Spengemann. Je vous en prie.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Bonjour, chers collègues.
    J'aimerais remercier, tout d'abord, M. Bagnell d'avoir présenté sa motion visant à modifier la motion précédente et à demander une réponse du gouvernement.
    J'aimerais également remercier M. Baker de son intervention. Il y a rappelé en termes très convaincants le problème moral profond qui se pose à nous. Il l'a reformulé en citant le témoignage de Mme Lalonde qui, comme d'autres, est venue parler à différents comités.
    Surtout, il s'agit d'un problème dont le Comité est saisi et qui intéresse tout le pays. Nos concitoyens s'attendent chaque jour, chaque semaine un peu plus à ce que le Comité produise un rapport qui fera avancer les choses sur ce problème de l'inconduite sexuelle systémique dans les forces armées.
    Dans des interventions précédentes, j'ai exposé la situation dans plusieurs forces alliées avec lesquelles nous travaillons en étroite collaboration, dont celles du Royaume-Uni. J'ai fait quelques commentaires sur la Nouvelle-Zélande, et il y a d'autres forces, dont celles de l'Afrique du Sud, qui s'attaquent à ce problème de façons comparables, plus ou moins au même moment. Bon nombre des rapports que j'ai parcourus datent à peu près de l'époque où cette situation est devenue problématique après la publication du rapport Deschamps. Certains sont plus récents.
    Le paysage international nous donne une idée de la nature systémique de ce problème. Il est loin de se limiter au seul Canada, aussi important y soit‑il, et il se pose, au fond, tout autant à nos alliés. Certains d'entre eux ont fait le nécessaire, mais cela ne veut pas dire que nous pouvons nous contenter de reprendre leurs conclusions.
    Nous devons faire notre propre travail, mais j'ai présenté cette situation pour illustrer l'ampleur et la gravité du problème, et pour montrer que si nous ne le prenons pas au sérieux, si nous ne le réglons pas, il y a non seulement le problème moral persistant, car au fond, nous aurons laissé tomber les femmes — les femmes en uniforme, celles qui l'ont été et les futures recrues des forces canadiennes — et les hommes, mais aussi les conséquences opérationnelles qui suivront à cause de ce problème toujours pas résolu. Une force militaire qui n'a pas réglé la question de l'inconduite sexuelle systémique n'est pas une force puissante. Ce problème l'affaiblira.
    Cela a des répercussions plus générales sur le travail que nous accomplissons à l'échelle internationale, que ce soit dans le cadre de l'OTAN, de l'ONU ou des opérations de maintien de la paix. Si nous ne sommes pas un allié fort pour celles et ceux avec qui nous collaborons, c'est toute la force assemblée, qu'il s'agisse d'une force de coalition ou d'une force des Nations unies, qui sera moins efficace.
    Il y a encore un autre aspect. Si les forces ne prennent pas l'inconduite sexuelle au sérieux dans leurs propres rangs, le risque est grand aussi que l'inconduite sexuelle touche non seulement d'autres membres de cette même force, ou d'autres forces, mais aussi des populations civiles vulnérables. Sachant cela, un travail est déjà en cours à l'OTAN, au DCAF, le Centre pour la gouvernance du secteur de la sécurité à Genève, et dans d'autres entités. Plus les Canadiens feront preuve de leadership dans ce domaine, plus nos alliances dans le cadre de l'OTAN et de l'ONU seront efficaces dans des contextes où des problèmes mondiaux pressants doivent être résolus.
    J'aimerais que le Comité y réfléchisse. Encore une fois, la différence est qu'il y a à la fois un élément moral d'une importance fondamentale et un élément opérationnel urgent. Le Canada a investi beaucoup de ressources, a beaucoup réfléchi et a fait preuve de beaucoup de leadership sur la question relative aux femmes, à la paix et à la sécurité. Nous parlons avec nos alliés; nous parlons avec les organismes des Nations unies et avec d'autres encore pour que plus de femmes servent à l'étranger dans nos opérations de paix, non seulement pour qu'elles y soient plus nombreuses, mais aussi pour qu'elles occupent des postes de direction et des postes dans les opérations de consolidation de la paix. Si nous avons un problème non résolu d'inconduite sexuelle systémique dans ces contextes, ces investissements ne seront pas renforcés, mais affaiblis.
    Les questions ou les raisons qui font que ce problème est tellement important et qu'il faut agir maintenant sont multiples.
    Je vous en donnerai une autre. Nous faisons face à l'heure actuelle à un certain nombre de questions à propos de la justice, des répercussions systémiques et des facteurs systémiques qui les maintiennent en place et qui vont au‑delà de toute affaire en ce qui concerne les plaintes dont on parle dans les médias.Nous avons affaire ici, au Canada, à un racisme systémique dont nous sommes conscients contre les Canadiens noirs et contre les Autochtones. Il nous suffit de lire les gros titres des deux dernières semaines dans ce pays pour voir à quel point ces questions sont préoccupantes.

  (41940)  

    Il y a aussi une question de justice. Il y a aussi une question systémique qui concerne le droit des Canadiennes, et de tous les Canadiens, de servir dans les Forces canadiennes, d'aspirer à y servir, de prendre sa retraite en étant satisfait de sa carrière et en n'ayant pas subi de harcèlement, d'intimidation ou d'inconduite de quelque sorte que ce soit.
    Cette question est liée à une autre question courante encore qui concerne la justice et les problèmes systémiques que nous devons régler, et ces problèmes sont colossaux par les dépenses qu'ils représentent et les éléments qui les composent. Ils nécessitent des recommandations vigoureuses du Comité. Certes, nous avons le travail que la juge Arbour accomplit en parallèle, et il s'agit d'un travail important. Le Comité pourrait bien vouloir se demander s'il doit lui parler, ainsi qu'au public canadien, dans le cadre de ses rapports.
    Fondamentalement, cependant, madame la présidente, le Comité doit parler au gouvernement et c'est pourquoi il est tellement important que nous ayons ce mécanisme par lequel nous invitons, ou plutôt, nous insistons pour que le gouvernement réponde à nos recommandations. Si nous ne le faisons pas, nous avons une conversation entre nous qui ne fait, en réalité, pas progresser directement les perspectives de résolution.
    Il est extrêmement important de recevoir le rapport du gouvernement, de l'examiner au cours de futures réunions du Comité et de voir quel travail de suivi est nécessaire, et là est notre rôle de parlementaires — tous les ministres, qui sont nos collègues. C'est notre institution qui est chargée de veiller à cette reddition de comptes par rapport aux recommandations que le Comité formulera, espérons‑le, très bientôt.
    C'est pourquoi nous pouvons tous, à mon sens, être très reconnaissants envers notre collègue, M. Bagnell, d'avoir proposé cet amendement qui vise à s'assurer que le gouvernement remette un rapport. En fait, je me demande bien pourquoi nous n'inviterions pas le gouvernement à répondre à nos recommandations.
    Madame la présidente, j'ai souligné un certain nombre d'éléments du travail fait par le Royaume-Uni en ce qui concerne ce problème. Je n'ai toutefois pas encore parlé de ses recommandations, et j'y viendrai dans quelques instants, au sujet d'une autorité centralisée qui a été proposée. Il est important que nous examinions ces recommandations, mais dans l'idée qu'il s'agit du genre de recommandations qui feront bouger les choses, et qui nécessitent une réponse du gouvernement.
    Si le gouvernement nous dit que certaines recommandations ne sont pas viables ou qu'il les met déjà en œuvre ou encore qu'une autre approche est nécessaire, nous devons recevoir cette information sous forme de réponse du gouvernement. Après le rapport Wigston, le Royaume-Uni a présenté une réponse et mis en place un processus d'examen un an plus tard, dont je parlerai tout à l'heure, par l'intermédiaire du très honorable Ben Wallace, député et ministre de la Défense. La réponse a été donnée en décembre 2020.
    Si un rapport comme le rapport Wisgton demande des mesures gouvernementales sur une question urgente et que le gouvernement est invité à intervenir, comme dans ce cas — le ministre s'est déclaré ouvert à toute suggestion, a dit que nous devons agir maintenant et que l'heure n'est plus à la patience —, de bonnes choses peuvent se produire, et il s'en produit. C'est pourquoi il est tellement important que le Comité prenne au moins note du travail qui se fait ailleurs. Encore une fois, ce travail ne remplace pas le travail de député que nous avons à faire, mais il nous sert de guide. Il nous donne un aperçu de la réalité. Il nous donne une idée de la possibilité d'avancer, en fait, dans des délais très évolutifs, une fois encore, parallèlement au travail accompli par la juge Arbour.
    Madame la présidente, si vous le permettez, j'ai quelques questions à soulever dont je n'ai pas parlé dans ma dernière intervention. Surtout, je voulais présenter au Comité une liste d'une dizaine de recommandations relatives à l'autorité centrale du ministère de la Défense britannique. Là encore, si le Comité fait une recommandation semblable à celle formulée au Royaume-Uni, il est pratiquement inimaginable que nous court-circuitions ou que nous esquivions la question d'une réponse du gouvernement. Le gouvernement doit rendre des comptes au Parlement et nous devons en rendre à la population canadienne. Tel est l'élément central de l'obligation redditionnelle dans le régime de Westminster.
    Tout en redisant ma gratitude envers M. Bagnell, je souhaite aborder quelques derniers points du rapport Wigston avant de conclure mon intervention.
    Le rapport Wigston formule des recommandations à propos de la communication, élément essentiel pour éliminer l'inconduite sexuelle systémique dans les forces armées britanniques et pour traiter les plaintes individuelles de sorte que les victimes et les survivants se sentent capables de signaler les incidents.

  (41945)  

    Le rapport dit que la communication est essentielle en ceci qu'il est « nécessaire de produire des directives claires et faciles à comprendre pour que chacun reconnaisse la portée et l'éventail des comportements inappropriés. Il déclare:
La communication efficace de définitions, de politiques et de directives aide les personnes à comprendre ce qui constitue un comportement inapproprié, à savoir quelle est la position de la Défense à ce sujet; comment signaler de tels comportements; quel processus sera suivi; et combien de temps il prendra probablement. Les personnes sont moins susceptibles de signaler des comportements inappropriés si elles ne savent pas vraiment ce qui constitue un comportement inapproprié; où “fixer des limites”; comment faire part de préoccupations; ou ce qui arrivera si elles le font.
    Le rapport Wigston recommande de mettre en œuvre « une campagne de communication claire, simple et durable afin d'exposer l'éventail et la portée des comportements inappropriés et d'expliquer ce qu'il faut faire s'il s'en produit ».
    Imaginons que nous formulions dans notre rapport une recommandation d'une teneur et d'une précision semblable. Il serait, là encore, incompréhensible de ne pas demander au gouvernement d'y répondre, de nous dire si elle est réaliste, si les mesures proposées sont déjà mises en œuvre et, si tel n'est pas le cas, quel type de ressources seraient nécessaires pour mettre en place une telle campagne.
    Le Royaume-Uni a également [Difficultés techniques] pour tout le personnel de la Défense. Là encore, il s'agit d'une chose à laquelle le Comité pourrait prêter attention dans la formulation de ses recommandations. Nous pourrions aussi demander au gouvernement de répondre en exposant sa position par rapport à une proposition de ce genre.
    Au Royaume-Uni, il est proposé de s'intéresser à la médiation. Le rapport conclut:
La médiation n'est actuellement utilisée que dans de petits secteurs de la Défense, et le Service Complaints Ombudsman l'envisage avec prudence. Les avantages d'une médiation certifiée et professionnelle pour les personnes et les organisations sont largement reconnus, toutefois, avec des documents très utiles produits par l'Arbitration, Conciliation Advisory Service et le Chartered Institute of Personnel and Development. Dans son examen, Sue Owen rapporte qu'un des changements que les répondants à son questionnaire de sondage souhaitent voir est la possibilité de recourir à une résolution à l'amiable, y compris à la médiation, de préférence à une procédure officielle, lorsque c'est plus avantageux. Parmi ces avantages, mentionnons la souplesse d'adaptation à des circonstances particulières; un espace pour une discussion plus ouverte et honnête; une réponse plus rapide au conflit afin d'éviter qu'il dégénère; moins de risques que la relation de travail se détériore irrémédiablement; et l'occasion pour les employeurs de comprendre le problème et d'apporter des changements qui profitent aux employés et à l'ensemble de l'organisation.
    Il déclare ensuite que les commentaires sur les services de médiation actuels sont positifs, dans l'évaluation des rapporteurs, mais qu'ils recommandent que « la Défense fournisse les ressources nécessaires, forme et offre un service de médiation professionnel et agréé, en tenant compte des risques potentiels de la médiation cernés par le Service Complaints Ombudsman afin d'y parer ».
    Encore une fois, il s'agit du genre de recommandation pour laquelle, si nous devions l'étudier — à savoir, le rôle de services de médiation dans les cas beaucoup moins graves que des agressions sexuelles afin de parvenir à une résolution rapide qui ait l'approbation de toutes les parties concernées —, nous voudrions une réponse du gouvernement afin de connaître son point de vue.
    Madame la présidente, permettez-moi de conclure mon intervention, peut-être, avec l'« autorité centrale du ministère de la Défense » que propose le Royaume-Uni et qui serait responsable « des cultures et des comportements inappropriés ». Le rapport Wigston, qui est résolument d'avis qu'une autorité centrale est nécessaire, il formule plusieurs recommandations possibles au sujet de son mandat. Je vais les présenter pour la gouverne des membres du Comité.
    Encore une fois, demandons-nous, si nous devions recommander quelque chose de cet ordre, ou de très différent, mais de la même teneur et avec la même aspiration à résoudre les problèmes culturels, ne voudrions-nous pas une réponse du gouvernement du Canada à ce genre de recommandations?
    La première recommandation du rapport Wigston est que l'autorité centrale du ministère de la Défense soit responsable de « la gouvernance des cultures et des comportements de la Défense » ainsi que de « la stratégie et de la politique concernant l'ensemble de la Défense en matière de comportements inappropriés et de la supervision de leur mise en œuvre ».
    La deuxième recommandation est ainsi libellée: « Veiller à la cohérence des messages internes et externes relatifs au comportement, à l'attitude et aux croyances, y compris saluer les comportements positifs; et faciliter le partage des pratiques optimales dans toute l'organisation. »
    La troisième est la suivante: « S'assurer que les valeurs et les normes soient respectées dans toute la Défense. »
    La quatrième est ainsi formulée: « Consigner les données relatives à la gestion, les analyser et en faire le suivi. »
    La cinquième est de « définir le besoin de formation de la Défense en ce qui concerne les cultures et les comportements ».

  (41950)  

    La sixième recommandation est de créer au sein de l'autorité de la Défense une équipe chargée de certaines plaintes relatives aux services se rapportant à des comportements inappropriés qui appuierait la chaîne de commandement des différents services. La septième recommandation est de mettre en place un système pour le dépôt anonyme de plaintes utilisant des méthodes modernes, y compris une application de téléphone, des formulaires en ligne, le courriel et le téléphone. La huitième recommandation est d'élaborer et de superviser des programmes de soutien pour les victimes et les autres personnes concernées.
    La neuvième recommandation est de veiller à une approche cohérente de l'ensemble de la Défense pour ce qui est des évaluations de climat, de la médiation et des services d'assistance téléphonique. La 10e recommandation est de « remettre un rapport annuel au secrétaire permanent, au chef d'état-major de la Défense et aux chefs d'état-major ». La 11e recommandation est de superviser la mise en œuvre des recommandations de l'examen de Sue Owen qui ont des conséquences pour toute la Défense, et la 12e recommandation est de surveiller les recommandations et d'en rendre compte dans le rapport.
    Encore une fois, madame la présidente, le rapport Wigston exprime le ferme point de vue qu'au Royaume-Uni, une autorité centrale au sein du ministère de la Défense doit faire partie de la réponse pour ce qui est de créer dans les forces armées britanniques une culture qui permette d'éliminer l'inconduite sexuelle et de régler les plaintes. Je le répète, ces recommandations sont précises, avec des questions sur leur applicabilité, leur faisabilité et leur efficacité. Dans un rapport comme celui que nous envisageons actuellement, ce serait faire fausse route de formuler ce genre de recommandation sans demander de réponse explicite du gouvernement, et ce pour les raisons suivantes: nous ne bouclerions pas la boucle en matière de responsabilité, nous ne connaîtrions pas la position du gouvernement et le Comité ne serait alors pas en mesure d'entamer un travail de suivi, à l'automne ou à la législature suivante, puisqu'il s'agit visiblement d'un problème qui ne va pas disparaître.
    Encore une fois, le ministre a déclaré que l'heure n'est plus à la patience. Un changement de culture s'impose, mais selon moi, madame la présidente, le Comité restera saisi de cette question jusqu'à ce qu'elle soit réglée. Il est absolument indispensable dans notre régime démocratique de demander au gouvernement de répondre à ce rapport et à ceux qui suivront, pour que le Parlement et — indirectement, par son intermédiaire — la population canadienne puissent voir et évaluer le processus et poser des questions à son sujet.
    Cela dit, j'aimerais remercier mon collègue, M. Bagnell, d'avoir proposé cet amendement, et mon collègue, M. Baker, de ses observations judicieuses sur la voix des femmes au Canada.
    Je voudrais revenir en arrière et dire que lorsque je parle d'autres pays, derrière chaque recommandation et chaque page d'élaboration de politiques au Royaume-Uni, en Nouvelle-Zélande, en Afrique du Sud et dans tellement d'autres pays, il y a aussi des femmes victimes et survivantes que nous n'avons pas entendu s'exprimer directement. Elles ne font pas la une de nos journaux. Elles n'ont pas parlé à notre comité ou au Comité permanent de la condition féminine. Notre démarche s'appuie sur une question morale qui concerne les femmes dans les forces armées de très nombreux pays. C'est pourquoi le problème auquel nous faisons face dépasse par son ampleur nos propres frontières et nécessite donc une plus grande attention encore de la part du Comité. Il faudra, je crois, faire preuve d'un immense leadership, et le gouvernement aussi. Cependant, sans boucler la boucle en matière de responsabilité en demandant des réponses au gouvernement, nous ne pourrons pas faire notre travail.
    Cela dit, je vous remercie, madame la présidente, et je vous redonne la parole.

  (41955)  

    Je vous remercie, monsieur Spengemann.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
     Merci, madame la présidente.
    Continuons sur le Rapport 5, auquel j'ai préalablement fait allusion, et examinons les recommandations. Ce rapport est très important, car il nous rappelle l'importance d'une réponse de la part du gouvernement, un enjeu central dans le cadre de cette motion. C'est la raison pour laquelle la motion proposée par M. Bagnell est si importante.
    Les chercheurs ont examiné la confiance des victimes dans le système:
Nous avons constaté que le signalement d'incidents avait eu un impact sur les victimes. De fait, l'information consignée dans 21 des 53 dossiers a révélé que les victimes avaient ressenti de la peur, de la détresse, un inconfort et un manque de soutien, et qu'elles avaient subi des représailles ou avaient été blâmées, notamment par leur commandant, de hauts dirigeants, des instructeurs et des collègues. En plus du traumatisme psychologique, ces conséquences ne peuvent que miner la confiance des victimes dans le système et répandre l'idée que les militaires qui signalent des comportements sexuels inappropriés en payent le prix.

L'un des principaux intervenants au sein des services de soutien aux victimes nous a mentionné que les Forces pourraient améliorer le soutien aux victimes et accroître la confiance qu'elles ont dans le système en affectant un gestionnaire de cas à chaque victime. Cette personne aurait les connaissances et l'expertise requises pour soutenir et guider la victime tout au long du processus de signalement d'un incident.
     Les recommandations des chercheurs furent les suivantes:
Les Forces armées canadiennes devraient donner la priorité à l'aide aux victimes grâce aux mesures suivantes: offrir des services complets et intégrés de gestion de dossiers, dès le moment où la victime signale un incident jusqu'à la fermeture du dossier; s'assurer que les militaires, les intervenants et les responsables comprennent bien le processus de traitement d'une plainte, son déroulement et les dénouements possibles tant pour la victime que pour l'auteur présumé d'un incident.
     La réponse du ministère fut la suivante:
Recommandation acceptée. Le Vice-chef d'état-major de la Défense supervisera l'élaboration d'un plan de campagne exhaustif de l'Opération HONOUR, qui désignera le soutien aux victimes et la mise en œuvre d'un système de gestion de cas national intégré comme efforts principaux. Le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle participera activement à l'élaboration de ce plan. La charte du Centre sera modifiée afin de permettre une plus grande collaboration avec de hauts dirigeants du ministère de la Défense nationale et des Forces armées canadiennes. Le plan de campagne sera distribué aux fins d'examen et d'approbation au plus tard le 1er octobre 2019.

Les Forces armées canadiennes continueront d'élaborer et de publier de nouvelles politiques, y compris les Directives et ordonnances administratives de la Défense (DOAD) connexes et un Manuel sur l'Opération HONOUR, comme sources d'information exhaustives sur les processus relatifs aux comportements sexuels inappropriés. Les Forces continueront d'améliorer l'atelier « Le respect dans les FAC » et de fournir des séances d'information, des mises à jour et des rapports afin de garantir la diffusion la plus vaste possible d'informations.

  (42000)  

     L'Équipe d'intervention stratégique des Forces armées canadiennes sur l'inconduite sexuelle veillera à ce que les diverses sources d'information, comme le manuel, le site Web de l'opération Honneur, l'application mobile et le respect au sein des forces armées, comprennent les plus récentes informations concernant les politiques et les processus.
    L'atelier, l'application mobile et le site Web sont déjà fonctionnels et continueront d'être mis à jour à mesure que de nouvelles informations seront reçues et que de nouvelles ordonnances et politiques seront créées.
    L’ébauche du manuel a été peaufinée et sera examinée par le Centre avant d’être distribuée au sous-ministre et au chef d’état-major de la Défense aux fins d’approbation. Les nouvelles DOAD 5019‑5 sur l'inconduite sexuelle et les troubles sexuels sont à l'étape de l'ébauche et elles seront examinées par le Centre et distribuées aux fins d'approbation officielle d'ici l'été 2019.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Bezan.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je serai bref. Je souhaite simplement souligner que les libéraux font obstruction à leur propre amendement pour s'assurer que ce rapport est bloqué et qu'il ne voie jamais le jour. Il s'agit d'une discussion sur la procédure visant à savoir si le rapport nécessite une réponse du gouvernement, si nous parvenons jamais à le déposer.
    J'ajouterai qu'il y a un avantage à ce que le gouvernement ne réponde pas par écrit. Cela permet à la Chambre des communes d'avoir une motion d'adoption et un débat de quatre heures où le gouvernement peut répondre verbalement et parler de l'intérêt du rapport en question, après quoi le rapport est soumis à un vote à la Chambre des communes. C'est pourquoi je voterai contre l'amendement présenté par M. Bagnell.
    Je dois dire que la démagogie politique dont font preuve certains députés libéraux me fatigue beaucoup. Je trouve très décevant de les voir utiliser le témoignage devant le comité de la condition féminine de victimes de traumatismes sexuels dans les forces armées. C'est être sans coeur. Je crois qu'il est injuste pour ces victimes de répéter ici leur témoignage, surtout si les membres du comité n'y ont pas été autorisés.
    Nous devons faire preuve de plus de jugement par la suite. Nous voulons nous assurer de l'utilité de l'amendement et de la motion principale, au lieu d'avoir cette obstruction continue, et arriver à un vote afin que nous puissions passer à la rédaction du rapport et à son dépôt avant la suspension des travaux pour l'été.
    Ce qui se passe en ce moment, ce sont des manoeuvres dilatoires continues de la part des libéraux qui parlent pour épuiser le temps alloué, alors qu'il s'agit de leur propre amendement. C'est décevant, surtout pour les membres des forces armées qui veulent nous voir remettre un vrai rapport sur les erreurs commises en ce qui concerne les allégations d'inconduite sexuelle portées contre l'actuel chef d'état-major de la Défense et contre l'ancien chef d'état-major de la Défense.
    Il est très décourageant pour ceux d'entre nous qui veulent dresser un rapport d'être assis là à débattre inutilement et sans fin. Je suis certain que les membres actuels et les anciens membres des forces armées, surtout ceux qui comptent parmi les victimes de traumatismes sexuels subis au sein des forces armées, sont écoeurés de voir ce qui se passe.

  (42005)  

    Je vous remercie, monsieur Bezan.
    La parole est maintenant à Mme Vandenbeld.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie M. Bagnell d'avoir présenté cet amendement. Je suis très déçue d'entendre que mon collègue, M. Bezan, ne veuille pas de réponse du gouvernement à notre rapport. Quant à l'argument que cela permettrait d'avoir un débat à la Chambre, il est certain qu'une fois qu'il y aura une réponse du gouvernement, un débat sera possible. Il est toujours possible de débattre de l'adoption de rapports des comités.
    Cependant, il me semble assez cynique de présenter un rapport avec des recommandations, puis de dire que nous ne voulons pas de réponse du gouvernement à ce rapport, que nous ne voulons pas de réponse écrite, que nous ne voulons pas que le gouvernement prenne la responsabilité de dire s'il appuie ou pas les recommandations formulées dans le rapport. À tous les comités auxquels je siège, la norme a toujours été de demander une réponse du gouvernement. Il me semble qu'en n'en demandant pas, le seul objet du dépôt d'un rapport, dans ce cas, n'est en fait pas d'apporter des changements. Ce n'est en fait pas de faire en sorte que le gouvernement mette en œuvre ces recommandations. Il s'agit alors seulement d'une communication, autrement dit d'essayer de déposer un texte sans vraiment faire bouger les choses.
    J'ai beaucoup entendu parler au Comité de demander des comptes au gouvernement et de responsabilisation. Une des choses essentielles est d'avoir une réponse écrite du gouvernement. Pour moi, c'est une évidence. Je ne comprends pas les motivations des autres membres qui ne veulent pas que le gouvernement réponde par écrit à notre rapport. C'est assez cynique.
    Je ferai également remarquer qu'il est déplorable de qualifier de sans-cœur les membres qui prête leur voix aux survivants, afin d'amplifier ce qu'ils ont déclaré devant le Parlement, en comité dans leurs témoignages, car un des problèmes que nous avons depuis des décennies que ce fléau existe, c'est que personne n'en parle. Personne n'insiste.
    Quand des survivants se manifestent, quand ils parlent devant un comité, ce n'est pas facile, quel que soit le comité. Il est très important qu'en tant que législateurs, que représentants élus, nous nous fassions l'écho des voix qui sont rarement entendues, que l'on a toujours ignorées, pour quelque raison que ce soit, qui ont été réduites au silence ou qui se sont tues par peur de représailles. Quand ces voix s'expriment à une tribune publique, il me semble bien cynique, je le répète, de qualifier de sans-cœur ceux qui répètent, renforcent et souligner les choses qu'elles disent.
    J'aimerais également rappeler à mes collègues au Comité que si nous décidons de mettre fin à ce débat sur une motion et un amendement qui, à vrai dire, limitent le débat et ne permettent pas une vraie discussion sur le fond, en décidant simplement de mettre fin au débat maintenant, tout de suite, nous passerions à l'étude des rapports.
    En ce qui concerne le point suivant à l'ordre du jour du Comité, nous avons eu des réunions où nous avons étudié des rapports. Je rappellerai à nos collègues qu'il y a trois rapports et qu'en fait, nous progressions sur ces rapports. S'il est décidé de vraiment examiner de bonne foi les amendements, le contenu du rapport, le travail des analystes pour ce qui est de rendre compte des témoignages que nous avons entendus, je suis tout à fait pour. Si nous mettions fin à l'instant au débat sur cet amendement, cette motion, nous serions en mesure de poursuivre à huis clos dès à présent afin de commencer à parler de ces trois rapports.
    Le fait est que l'opposition oblige la présidente à suspendre chaque séance au lieu de la lever. Il faut la permission de lever la séance. La présidente ne peut pas le faire unilatéralement, et l'opposition l'a dit très clairement dans le passé. La seule option, par conséquent, est de suspendre les séances à la fin du temps prévu, ce qui veut dire que nous revenons à cette motion au début de la prochaine réunion. Toutefois, si nous décidions de lever une séance, simplement de lever une séance quand elle se termine, nous pourrions demander à la présidente, à la réunion suivante, de prévoir une réunion expressément pour passer à ce rapport.

  (42010)  

    Il me semble très hypocrite de dire que l'on met de la mauvaise volonté à examiner le rapport quand on propose des motions qui sont, au fond, des motions empoisonnées, des motions qui limitent le temps de parole de chacun à deux minutes. Je ne connais pas beaucoup de personnes qui, dans leur famille, leur milieu de travail, dans un contexte social ou dans un cadre officiel, quand elles essaient de régler un problème, un problème complexe... et l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes est un problème complexe. Quand elles essaient de régler ce problème, je ne vois pas beaucoup de situations où on leur dit que chacune aura deux minutes pour s'exprimer et ne pourra pas réagir aux propos d'autres personnes, qu'il n'y aura pas de dialogue. Elles peuvent seulement parler pendant deux minutes, puis c'est automatiquement pour ou contre, et la majorité l'emporte, un point, c'est tout. Il ne devrait pas en être ainsi au Parlement. Il ne devrait en être ainsi nulle part. Je ne pense pas que c'est ainsi que nous parviendrons à un rapport, à un bon rapport, sur ce sujet.
    Je demande donc de nouveau à mes collègues d'en face de bien vouloir nous permettre de lever la séance afin de passer à l'étude de bonne foi et d'avoir une vraie discussion. Je continue de croire qu'il reste possible de trouver un compromis et, au moins, pour ce qui est des témoignages que nous avons entendus, les recommandations importantes formulées par les survivants, de faire ce travail, de déposer le texte et aussi de passer en revue les deux autres rapports qui reposent sur les témoignages présentés au Comité.
    Pour l'instant, je ne vois pas d'empressement dans ce sens. Je sais que les membres sont très préoccupés par la motion. Nous avons essayé de l'améliorer par un amendement qui au moins exigerait une responsabilisation du gouvernement. Je ne peux imaginer pour quelle raison les partis d'opposition ne voudraient pas de réponse du gouvernement — à moins qu'ils ne voient aucun intérêt à entendre ce qu'il a à dire et aucun intérêt à avoir un dialogue. Il est évident qu'ils voient très peu d'intérêt à un dialogue, puisque la motion dit que le temps de parole individuel est limité à deux minutes et c'est tout. Chacun parle deux minutes. Il n'y a aucun échange. La motion même vise à dire qu'il n'y a pas de dialogue.
    Je pense vraiment que la plupart de nos concitoyens qui nous ont élus à la Chambre veulent que nous essayions de travailler ensemble. Ils veulent que nous essayions de trouver un terrain d'entente, de trouver des compromis. Nous avons dit très clairement qu'il y aura toujours des choses sur lesquelles nous ne nous entendrons sans doute pas. Il est toujours possible d'avoir des rapports minoritaires. Il est toujours possible d'avoir un débat, puis d'arriver à un accord. Il y a bien des rapports au sujet desquels les membres du Comité ont trouvé un terrain d'entente, alors que beaucoup de personnes disaient que ce serait impossible.
    Madame la présidente, quand j'ai été élue pour la première fois à la dernière législature, je suis devenue présidente du Comité spécial sur l'équité salariale. J'ai alors dit aux membres du comité que je voulais un rapport unanime. Tel était l'objectif. J'ai expliqué que si, en tant que présidente du comité, je ne m'attendais pas dès le départ à un rapport unanime, je ne faisais pas mon travail. À ce moment‑là en particulier, où le gouvernement était majoritaire, il aurait été très facile aux membres du parti majoritaire de présenter leurs motions et de dire qu'il n'y aurait pas de débat, que chacun parlerait deux minutes, mais que de toute façon, la majorité l'emporterait.
    C'est, au fond, ce que les partis d'opposition sont en train de faire, ce qui est, selon moi, un bien mauvais service à rendre aux députés et aux citoyens qui nous ont élus en s'attendant à ce que nous débattions, en fait, de vraies questions. Le Centre Samara a réalisé un certain nombre de sondages auprès des parlementaires et il ressort d'un des plus récents que c'est dans les comités que les parlementaires estiment pouvoir avoir une influence, dans les comités que la partisanerie est, selon eux, mise de côté et dans les comités que le vrai travail se fait.
    Pour revenir à l'exemple que je donnais de ma présidence du Comité spécial sur l'équité salariale, tout le monde m'a dit qu'il serait impossible d'arriver à un rapport unanime sur le sujet. Les positions étaient tellement éloignées. Les points de vue étaient tellement polarisés sur le sujet que ce serait impossible. Eh bien, devinez? Nous y sommes parvenus. Nous avons remis notre rapport sur l'équité salariale et ses recommandations sont maintenant mises en œuvre au Parlement. Nous avons réussi à trouver un consensus au comité sur un sujet qui divisait autant.
    Je pense vraiment qu'avec de la bonne volonté, nous pouvons mettre fin dès à présent au débat sur cette motion, passer à l'étude et faire en sorte de travailler de concert, en tant que députés, afin d'arriver au meilleur rapport possible.

  (42015)  

    M. Spengemann a déclaré plus tôt qu'il pourrait fort bien s'agir du rapport le plus important de ce comité, et M. Spengemann y siège depuis un moment, depuis plus longtemps que moi et que bon nombre d'entre nous. Je pense qu'il pourrait bien avoir raison.
    Je sais qu'il arrive souvent que les enjeux politiques nous empêchent de nous asseoir ensemble pour dire ce qui est bon pour les citoyens que nous servons en ces lieux. J'aimerais beaucoup que nous y parvenions dans ce cas.
    Or, ce ne sera pas possible si cette motion est adoptée. Nous ne pouvons pas avoir de réelle discussion et arriver à un réel consensus si nous commençons par dire que chacun n'aura que deux minutes de temps de parole et que nous n'aurons pas de réponse du gouvernement.
    Je suis très surprise, madame la présidente. Je m'attendais, en fait, à ce que l'opposition se montre favorable au moins à une réponse du gouvernement. Comme je le disais tout à l'heure, c'est la norme. C'est une chose qui se fait — je ne me souviens même pas du dernier rapport qui ne demandait pas de réponse du gouvernement. En tout cas, aux comités auxquels je siège, je n'ai pas souvenir qu'il y en ait eu.
    La seule chose à laquelle je puisse penser, c'est que, les deux choses mises ensemble, c'est-à-dire les deux minutes seulement de temps de parole, puis le vote pour ou contre — et nous savons que les partis d'opposition forment une majorité, ce qui veut dire qu'en votant pour ou contre, ils pourraient imposer tout ce qu'ils souhaitent ou ne souhaitent pas voir dans le rapport — et ensuite, l'absence de réponse du gouvernement reviennent essentiellement à essayer de faire en sorte que la position présentée soit politique. Il ne s'agit pas d'amener à prendre des mesures qui fassent bouger les choses. Il s'agit, au fond, de présenter un énoncé de position, d'opinion, et de ne pas avoir de dialogue.
    Madame la présidente, encore une fois, je suis très déçue. Je pense que nous devrions, au minimum, adopter cet amendement. La motion principale me pose encore des problèmes et il me semble que nous devrions en discuter, mais je demanderai aussi qu'à la fin de cette réunion ou de la prochaine, nous sachions que suspendre la séance et ne pas décider de la lever signifie que nous ne pouvons pas passer au rapport.
    Pour l'instant, si nous mettions fin au débat, nous pourrions passer au rapport et, en fait, travailler ensemble. J'implore une fois de plus mes collègues d'en face de travailler de bonne foi parce que, comme je le mentionnais, l'idée que ce que nous disons ici... Si nous ne produisons pas de rapport, il se peut que ce soit la seule occasion que les membres aient de coucher ces recommandations sur le papier et de faire entendre, mais qualifier de sans cœur le fait d'amplifier la voix de quelqu'un qui n'a pas été entendu...
    Comme je le mentionnais, plus d'une personne m'a appelée pour me dire que j'étais la première ou la deuxième personne à qui elle avait raconté quelque chose qui lui était arrivé il y a 30 ou 40 ans. On a fait taire ces personnes ou elles se sont tues pour tellement de raisons, pendant tant d'années que lorsque quelqu'un parle et qu'un élu répète ou amplifie ou redit officiellement ce que cette personne a dit, cet élu fait, selon moi, son travail. Ce n'est pas être sans cœur. C'est ce que nous sommes censés faire.
    C'est la raison pour laquelle nous avons été élus, et mes concitoyens savent que je passe tout mon temps au Parlement à essayer de faire entendre les personnes qui ne sont généralement pas dans un débat, qui ne sont pas celles dont la voix porte le plus, et ensuite à faire en sorte que nous débattions et que nous ayons vraiment un dialogue sur le sujet.
    J'ai présidé plusieurs caucus de tous les partis, le caucus omnipartite des femmes. J'ai fondé le caucus omnipartite sur la démocratie, et si je l'ai fait, c'est parce que je suis convaincue que les députés qui sont élus le sont parce qu'ils veulent améliorer les choses. Il arrive que je sois en désaccord, par exemple, avec M. Bezan, sur ce qui améliore les choses. Il peut arriver que je pense que quelque chose améliore une situation et qu'il pense qu'au contraire, cette chose l'aggraverait. C'est ainsi que fonctionne le Parlement, mais le dialogue, le débat est nécessaire.
    Madame la présidente, tous les vendredis, j'organisais une heure autour d'un café chez Tim Hortons, dans un collège local — maintenant, je l'organise sur Zoom — où mes concitoyens qui le souhaitaient pouvaient venir discuter de différents sujets.

  (42020)  

    Ce que j'ai découvert dans ces appels, c'est que les personnes arrivent avec des points de vue diamétralement opposés et bien arrêtés. Ensuite, elles écoutent leurs voisins, des concitoyens ou d'autres personnes qu'elles n'auraient peut-être jamais écoutées dans leur vie quotidienne. Il arrive qu'un jeune Autochtone parle à un aîné qui n'avait jamais parlé avec un Autochtone. Vous avez des jeunes. Vous avez des personnes âgées. Vous avez des conservateurs, des libéraux, des néo-démocrates et d'autres encore. Tout ce monde se réunit et je structure nos rencontres de manière que tout le monde doive écouter celui ou celle qui parle.
    Tout le monde peut prendre la parole. Quelqu'un soulève une question et tous celles et ceux qui souhaitent lui répondre en ont la possibilité. Évidemment, je réponds aux questions et je réagis, mais pour finir, les personnes se rendent compte que les choses sont rarement aussi simples qu'il y paraît. Elles commencent à se voir comme des êtres humains, comme des personnes qui ont des points de vue sans doute différents, mais néanmoins légitimes. Pendant ces discussions, je vois les gens se rapprocher et, s'ils ne s'entendent pas, ils comprennent le point de vue de l'autre parce qu'ils savent que les règles de la discussion sont que tout le monde doit se montrer respectueux.
    Madame la présidente, j'aimerais que nos discussions au Parlement, en comité, soient un peu comme cela. Mon but, en tant que députée, est entre autres de rendre le Parlement un peu plus comme cela. J'ai dit que la première fois que je me suis portée candidate à la députation, c'était pour pouvoir changer le Parlement et pas pour laisser le Parlement me changer.
    Si nous laissons adopter cet amendement et cette motion, nous faisons l'opposé. Nous bloquons le débat. Nous privons les membres de l'occasion de vraiment dialoguer afin d'essayer de trouver, sinon un accord, du moins une certaine entente de manière à pouvoir présenter quelque chose qui ait l'aval de tous les membres, tout en gardant la possibilité pour les membres de déposer par ailleurs des rapports supplémentaires ou minoritaires. Ce sera impossible si cette motion est adoptée.
    Madame la présidente, je sais que je prends beaucoup de temps. À vrai dire, si nous nous étions attelés tout de suite au rapport quand cette motion a été proposée et si nous avions décidé de mettre fin au débat et étions, en fait, passer à... Je crois que le rapport serait maintenant prêt. Nous avions suffisamment de temps.
    Il ne s'agit pas seulement de ce rapport, mais aussi de celui sur la santé mentale et de l'autre sur la COVID et les Forces armées canadiennes. Je pense que tous ces rapports seraient prêts maintenant, mais c'était impossible en ayant la contrainte de ne pas pouvoir se parler. Voilà, au fond, ce qu'il en est.
    Honnêtement, je crois que c'est un très mauvais précédent. Je ne veux pas être députée dans un Parlement où les membres des comités ne se parlent pas, ne discutent pas entre eux et ne débattent pas. Si nous sommes ici, c'est justement pour débattre, farouchement. Je le sais. Nous croyons très passionnément et fermement à ce que nous disons au Parlement.
    En même temps, je pense à ces heures autour d'un café que j'organise le vendredi. Bien souvent, j'ai changé d'avis à partir de choses que mes concitoyens ont dites ou après que le groupe soit parvenu à un consensus, alors qu'au départ, il y avait même de la colère. C'est parce que nous veillons à ce que tout le monde puisse donner son avis. C'est très important, madame la présidente, parce que souvent, il y a des situations où ceux qui parlent haut et fort se font entendre, mais ceux à qui l'on a dit toute leur vie qu'ils n'ont rien de pertinent à dire ou qu'en parlant, on cause du tort ou on attire des représailles ou on risque de se faire attaquer... Les personnes qui ont subi des violences ou qui ont été réduites au silence ne sont pas aussi susceptibles de prendre la parole. Madame la présidente, quand elles le font, il n'est pas sans cœur de notre part, mais très important, de relayer leurs propos. Il est essentiel, si nous parvenons à produire un rapport, qu'au minimum, nous parlions des choses dont ont parlé les survivants, de les rappeler et de les faire passer dans le domaine public pour que le gouvernement puisse répondre.
    Je vous remercie, monsieur Bagnell, de cet amendement au sujet d'une réponse du gouvernement. Je ne comprends pas pourquoi un député voudrait, quel que soit le texte déposé au Parlement, que des témoignages importants et des recommandations importantes soient déposés au Parlement sans demander au gouvernement s'il est d'accord ou pas avec ce rapport et ce qu'il compte faire à son sujet. C'est pourtant la procédure normale au Parlement.

  (42025)  

    Je ne sais pas vraiment, madame la présidente, ce que l'opposition pense gagner à ne pas obtenir de réponse du gouvernement. Je ne fais de procès d'intention à aucun membre des partis d'opposition, mais je trouve leur attitude très cynique. Elle revient, au fond, à dire qu'ils vont faire valoir leurs points de vue, qu'ils feront en sorte d'avoir seulement ce que la majorité veut et qu'ils ne donneront pas au gouvernement la possibilité de répondre. C'est très cynique.
    Madame la présidente, je sais que le comité est dans une impasse. J'espère sincèrement que nous allons trouver une solution parce que ce sujet est tellement important pour tellement de gens. Nous avons essayé. Je ne sais pas ce qu'il adviendra de cet amendement, mais nous essayons.
    Je remercie M. Bagnell de l'avoir proposé parce que j'estime qu'il est très important que nous produisions ce rapport.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie, madame Vandenbeld.
    La parole est maintenant à M. Baker.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je tiens à réagir à ce que M. Bezan a dit, à savoir que c'est être sans cœur que de lire le témoignage de survivants qui se sont exprimés devant le Comité permanent de la condition féminine. Après l'intervention de M. Bezan, j'ai regardé la définition de sans cœur. On en donne pour synonyme, impitoyable, insensible, inhumain.
    La seule chose qui serait sans cœur, à mon avis, serait que le comité n'ait pas écouté les survivants, n'ait pas tenu compte de leur histoire et n'ait pas donné suite à ce qu'ils recommandent et demandent, à ce que beaucoup d'entre eux pressent le gouvernement de faire, et ce depuis bien trop longtemps. Voilà ce qui serait sans cœur.
    Faire connaître leur histoire, qu'ils ont eu le courage de raconter en public, ce n'est pas se montrer sans cœur. Il faut qu'ils soient entendus. Sinon, comment pourrons-nous faire en sorte que ceux qui écoutent sachent qu'il est temps que les choses changent? Si nous ne faisons pas connaître leur histoire et si nous ne les écoutons pas, comment pourrons-nous comprendre leurs préoccupations — vraiment les comprendre — afin de pouvoir y répondre? Si nous ne faisons pas connaître leur histoire, comment pouvons-nous inciter les députés, les personnes au gouvernement, la direction et les membres des forces armées à agir, à rendre justice à ces survivants?
    Ce n'est pas être sans cœur que de raconter leur histoire. Ça le serait de les ignorer. D'essayer de les réduire au silence. Surtout, ce serait insensible et cruel, à mon sens. Ce n'est pas être sans cœur que de faire tout son possible pour prendre des mesures à la suite de ce qui leur est arrivé.
    C'est pourquoi je continue de raconter leur histoire. Nous devons rendre hommage au courage des survivants qui sont venus raconter leur histoire dans un cadre public, officiellement. Je raconte ce qu'ils ont raconté publiquement.
    J'espère que M. Bezan et d'autres écouteront, mais surtout, j'espère qu'ils changeront d'idée. Nous débattons en ce moment l'amendement de M. Bagnell à la motion de M. Bezan qui vise à saper la rédaction du rapport. Cette motion signifie que nous ne pouvons pas proposer des mesures en nous fondant sur le témoignage des survivants. Or, ce serait se montrer sans cœur. Ce serait cruel. C'est pour cela que je me bats et que je continuerai de me battre.
    Je tiens à continuer de vous raconter ce que j'ai commencé à raconter dans mon intervention précédente, ce que Julie Lalonde a raconté au comité de la condition féminine. Il s'agit de la fin de son témoignage.
    Vous vous rappelez certainement que Julie Lalonde a été invitée à parler dans le cadre de la formation des cadets des forces armées au Collège militaire royal. Elle a expliqué comment les cadets de troisième année en particulier l'avaient maltraitée. L'un d'eux s'est levé dans la salle de classe parmi 200 de ses camarades pour prendre sa défense. Elle a qualifié son intervention d'« acte de courage du plus haut niveau ».

  (42030)  

    Voici ce qu'elle a déclaré à nos collègues au comité de la condition féminine:

[Français]

Je voudrais terminer en vous rappelant que je vous demande de faire quelque chose que je fais moi-même. Je ne vous demande pas de faire quelque chose que je ne suis pas prête à faire moi-même. Depuis que j'ai parlé de mon expérience il y a quelques années, j'ai reçu des milliers de courriels, de messages sur les médias sociaux et même d'appels téléphoniques menaçants. On m'a abordée lors d'événements en personne et je ne peux plus prendre la parole en public sur quelque sujet que ce soit sans être accompagnée de gardes du corps.

Mon courage m'a coûté très cher, et il est donc très désolant de voir que ceux d'entre vous qui ont un immense pouvoir se dérobent devant le travail difficile qu'il est nécessaire d'accomplir pour changer les choses. Cela fait des décennies que des actes de violence sexuelle sont commis au sein des Forces armées canadiennes.

Le blâme ne revient pas à une seule personne, à un seul chef ou même à un seul parti politique. S'il vous plaît, ne perdez pas de vue l'objectif et optez pour le courage dans le cadre de vos discussions.

  (42035)  

[Traduction]

    Ce témoignage est, à mon avis, très puissant, quel que soit le cadre, mais il est on ne peut plus approprié ici, dans le contexte de ce débat. Je ne sais pas ce que dirait Julie Lalonde si elle témoignait devant nous maintenant, mais il me semble que les mots que je viens de vous lire, qu'elle a prononcés devant le comité de la condition féminine, s'appliquent ici.
    Elle nous demande de faire quelque chose. Elle nous demande de rendre hommage à son courage. Elle ne peut pas s'exprimer en public sans se faire harceler, sans être accompagnée de gardes du corps, et elle continue de parler. Évidemment que je vais raconter son histoire et ce qu'elle a vécu. Si elle a besoin de gardes du corps pour le faire, je peux certainement m'exprimer à la Chambre des communes ou à ce comité. Elle nous demande d'agir.
    Elle parle du fait que son courage lui a coûté très cher et, quand elle a parlé à nos collègues du comité de la condition féminine, elle a dit combien il était désolant de voir que ceux d'entre nous qui ont un immense pouvoir se dérobent devant le travail difficile qu'il est nécessaire d'accomplir pour changer les choses, je répète, que ceux d'entre nous qui ont un immense pouvoir se dérobent devant le travail difficile qu'il est nécessaire d'accomplir pour changer les choses.
    Je sais que nous avons tous différents points de vue quant aux mesures à prendre pour réprimer le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles dans les forces armées — je le sais —, tout comme nous avons différents points de vue sur toutes sortes de sujets. C'est pourquoi nous devons faire ce travail difficile qui consiste à nous asseoir comme nous le faisons toujours, comme tous les comités de la Chambre des communes le font, afin de débattre toutes les questions, en canalisant ce que nous avons entendu et en écrivant un rapport qui propose des mesures. Voilà le travail difficile que nous pouvons faire — que nous devons faire — si nous voulons rendre hommage aux victimes et rendre hommage au courage de Julie Lalonde et de tant d'autres. Là est le travail difficile.
    Ce n'est rien comparé au courage et au travail difficile de Julie Lalonde ou des autres survivants dont je vous ai raconté l'expérience et dont j'ai repris le témoignage au comité auparavant.
    Les députés ministériels qui siègent au comité demandent aux députés de l'opposition de faire ce travail difficile. En appuyant la motion de M. Bezan, les députés de l'opposition disent, au fond, qu'ils ne veulent pas faire le travail difficile. Ils optent pour la facilité. Ils veulent agir à leur façon et transformer le débat en cirque politique. C'est un tout autre sujet, mais c'est également vrai.
    Il sera, en effet, difficile de parvenir à un consensus pour rédiger ce rapport. Ce sera difficile, mais c'est le seul moyen. Chers collègues, c'est la seule façon d'avancer sur cette question au comité. J'espère vraiment que je n'aurai pas à regarder Mme Lalonde ou n'importe quel autre survivant dans les yeux en sachant que le comité a adopté la motion présentée par M. Bezan. Le rapport se résumerait à cocher une case sans passer par le processus nécessaire pour obtenir un bon résultat pour eux.
    Si cela arrive, et si la motion de M. Bezan est adoptée, les survivants seront tout à fait en droit de nous dire ce que Julie Lalonde a dit au comité de la condition féminine, à savoir qu'il est désolant de voir que ceux d'entre vous qui ont un immense pouvoir se dérobent devant le travail difficile qu'il est nécessaire d'accomplir pour changer les choses.
    Faisons bouger les choses. Adoptons la motion de M. Bagnell. Retirons la motion originale de M. Bezan et commençons à travailler sur le rapport.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (42040)  

    Je vous remercie, monsieur Baker.
    Monsieur Bagnell, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je crois que nous attendons toujours la réponse de l'opposition sur deux points. Il me semble qu'il serait normal d'entendre ce que les députés d'en face ont à dire avant de nous prononcer dessus.
    Un de ces points est la proposition que j'ai faite la semaine dernière de passer au rapport. Comme M. Spengemann vient de le dire, il est très important de nous atteler au rapport et de cesser de tergiverser avec les motions inappropriées de M. Bezan.
    Je proposais d'utiliser le processus de M. Bezan pour passer en revue toutes les recommandations afin de voir sur lesquelles nous pourrions nous entendre à l'unanimité, pour lesquelles nous utiliserons le processus de M. Bezan afin d'en arrêter le libellé, ce qui serait assez rapide. Nous aurions un rapport étoffé qui aiderait les survivants, qui donnerait des directives au ministère de la Défense et au ministre, et, si mes amendements sont adoptés, ils devraient y répondre.
    Ensuite, nous passerions aux points sur lesquels, comme dans tout comité, nous ne sommes pas parfaitement d'accord et nous aurions ces discussions difficiles. Je n'ai entendu aucun commentaire négatif de l'opposition sur cette proposition, mais nous attendons de voir ce que les députés d'en face pensent de l'idée de passer tout de suite au rapport.
    L'autre point sur lequel nous attendons l'avis du NPD et du Bloc, c'est cet amendement. On dirait qu'ils estiment que le gouvernement ne devrait pas répondre. Nous n'en sommes pas certains et je crois qu'il serait injuste de passer au vote.
    Je suis désolé d'avoir présenté cette motion sans les en avoir avertis. Si nous devons leur laisser jusqu'à la prochaine réunion pour y réfléchir, très bien. Je le comprends.
    Un programme législatif est très compliqué. Quel que soit le parti au pouvoir, il y a toutes sortes de choses qui attendent d'être inscrites à l'ordre du jour, d'être examinées par les comités. Il me semble que Mme Vandenbel a expliqué tout à l'heure toutes les choses relatives à la défense du Canada qui attendent leur tour au comité. C'est la seule occasion où nous avons les dirigeants des Forces armées canadiennes et les responsables du cabinet du ministre... Nous disposons d'un créneau temporel au cours duquel nous pouvons vraiment faire bouger les choses.
    En suivant ma proposition antérieure, ou d'une autre façon, et avec cet amendement, nous pourrions, je l'espère passer tout de suite à la rédaction d'un rapport. L'opposition pourrait cesser de l'empêcher. Nous pourrions nous atteler tout de suite au rapport et y proposer des mesures importantes qui aideront les survivants et feront du ministère un endroit où il est beaucoup plus agréable de travailler.
    Je dois, moi aussi, réagir aux propos de M. Bezan. Tout d'abord, l'article 109 du Règlement vise à donner du temps au gouvernement. Comme de nombreux membres l'ont mentionné, et je l'ai certainement mentionné, il s'agit de recommandations très sérieuses et compliquées que tout gouvernement attentif prendrait le temps de passer en revue et d'analyser afin de préparer une réponse. Ce n'est en tout cas pas l'affaire de quelques minutes après la mise à l'étude d'une motion d'adoption surprise.
    Il est à mon avis très important de demander au gouvernement de réfléchir et de présenter une réponse afin que nous sachions, et que les survivants sachent que ce que nous avons dit, et la réponse du gouvernement, montre qu'ils sont pris au sérieux.

  (42045)  

    Je suis d'accord avec M. Spengemann. J'ai trouvé honteux de la part de M. Bezan de déclarer que le plus important n'est pas d'entendre les déclarations des témoins, que ce n'était pas essentiel. De toute évidence, notre philosophie n'est pas la même. Ce sur quoi il faut insister dans le rapport, ou la partie la plus importante, de mon point de vue, et de celui, je crois, de certains de mes collègues, c'est les propositions des survivants et des experts pour régler le problème systémique qui touche des milliers de membres des Forces armées canadiennes.
    M. Bezan semble penser que l'accent devrait être mis sur le problème du général Vance. Le problème avec M. Bezan... C'est son droit. Il veut se concentrer sur les problèmes du général Vance, mais il n'a pas admis que ce que les données montrent, c'est que le problème le plus grave en ce qui concerne M. Vance, c'est sa nomination.
    Nous avons découvert qu'il y avait deux cas sérieux... Premièrement, avant cela, en 2018, il y a eu un courriel anonyme. La personne ne voulant pas être identifiée, on n'a rien pu savoir. Dans les 24 heures, une enquête aussi approfondie que possible a eu lieu. L'information est restée confidentielle, comme le voulait le membre des Forces armées canadiennes. Donc, l'affaire a été entièrement réglée.
    Beaucoup de témoins ont été appelés au sujet de ce courriel anonyme, au sujet duquel ils ne pouvaient rien dire ou dont ils ne connaissaient pas le contenu. Nous y avons consacré beaucoup de temps dans beaucoup de réunions. Il me semble que les survivants penseraient vraiment que nous ne prenons pas au sérieux leur situation et la situation dans les forces armées si...
    Je vous remercie, monsieur Bagnell.
    Je suis navrée de devoir vous interrompre, mais la sonnerie a retenti et nous devons aller voter.
    La séance est suspendue.
     [La séance a été suspendue à 12 h 48, le lundi 7 juin]
    [ La séance a repris à 13 h 6, le vendredi 11 juin]

  (51705)  

    La séance reprend.

[Français]

     Bonjour et bienvenue à tous.

[Traduction]

    Nous reprenons la réunion no 32 du Comité permanent de la défense de la Chambre des communes, qui a commencé le vendredi 21 mai 2021.
    Si vous perdez l'interprétation, dites-le-nous aussitôt afin que tout le monde ait la possibilité de participer pleinement aux délibérations.
    Je vous rappelle que les membres doivent adresser tous les commentaires à la présidence.
    Lorsque vous parlez, et le rappel vaut pour moi-même comme pour tout le monde, veuillez parler lentement et clairement. Nos interprètes font un excellent travail et nous leur en demandons beaucoup. Par conséquent, je vous demande de faire de votre mieux pour parler lentement et clairement, et montrez-vous aimables avec eux parce que nous avons tous devant nous deux semaines chargées et nous comptons beaucoup sur eux. Soyez gentils avec nos interprètes.
    Pour ce qui est de la liste des intervenants, je ferai de mon mieux avec le greffier pour suivre un ordre de passage général, que vous participiez de façon virtuelle ou en personne.
    Nous reprenons le débat sur l'amendement de M. Bagnell à la motion de M. Bezan.
    M. Bagnell a la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    À la dernière réunion, nous avons entendu une révélation choquante. Un des membres du comité estimait, pendant cette étude sur l'inconduite sexuelle dans les forces armées, que le comité ne devrait pas entendre les témoignages qui ont été présentés par des victimes.
    Ne pas entendre le témoignage de victimes, c'est incompréhensible.
    Je suis certain que d'autres membres du comité ont été aussi choqués que moi, car je m'apprêtais à passer en revue le témoignage présenté par des témoins. Qu'est‑ce qui pourrait être plus important dans cette étude? Je ne peux qu'imaginer ce que peuvent ressentir certaines victimes quand leur témoignage est lu au comité, et un membre du comité a déclaré que ce n'est pas ce dont nous devrions discuter. Et ce n'était pas n'importe quel membre du comité, mais un membre de longue date.
    Il me semble que cela crée un véritable fossé entre les membres du comité.
    Comme je l'ai dit maintes fois, et je crois que d'autres membres sont du même avis, nous devrions prendre le témoignage des victimes et des experts et recommander des solutions. Il est incompréhensible de ne pas examiner et utiliser le témoignage des victimes pour préparer un rapport.
    Je me demande ce que penseront les victimes qui ont eu le courage de venir témoigner quand on leur dira que nous ne devrions pas utiliser leur témoignage et que nous devrions consacrer des semaines de notre temps à un courriel anonyme que personne n'a été autorisé à voir, alors que nous avons de vraies victimes...

  (51710)  

    J'invoque le Règlement.
    Il me semble, à propos de la diatribe dans laquelle s'est lancé M. Bagnell, qu'il s'est vu reprocher d'utiliser des témoignages pour marquer des points politiques. Ce que j'ai dit, c'est que nous ne devrions pas utiliser les témoignages pour faire de l'obstruction. Nous ne devrions pas les utiliser sans l'autorisation des témoins concernés. Il est malhonnête de sa part de présenter les choses autrement.
    Je vous remercie, monsieur Bezan.
    Poursuivez, monsieur Bagnell.
    Je vous remercie.
    Le membre vient de souligner que nous ne devrions pas utiliser les témoignages...
    Pas pour que vous fassiez des effets de manche, certainement pas.
    Nous avons en fait de vraies victimes qui ont eu le courage de raconter leur histoire.
    En ce qui concerne le courriel dont nous parlons, son existence a été signalée aux enquêteurs dans les 24 heures et ils se sont aussitôt mis à la tâche, mais nous avons dû convoquer témoin après témoin pour discuter de ce courriel anonyme, dont personne ne connaissait le contenu, et entendre des témoignages, et nous avons dû rappeler des témoins qui avaient déjà comparu pendant trois à six heures pour parler de ce courriel. Que fait le comité?
    Il y a eu un débat à la Chambre, mercredi soir, sur l'analyse comparative entre les sexes plus, ou ACS+. À vrai dire, j'étais fier d'un certain nombre de députés de différents partis qui ont tenu des propos constructifs. Heureusement, les interventions des députés à la Chambre n'allaient pas dans le sens du membre de notre comité qui vient de parler, qui ne pense pas que le témoignage officiel de victimes devrait être pris en considération.
    La députée conservatrice de Calgary Skyview a parlé des survivants. Je vais citer en partie ce qu'elle a dit.
    Elle a dit: « Lorsque cette femme est venue témoigner au comité, elle a affirmé avoir cherché à savoir qui pouvait faire enquête », puis elle a parlé de ce qu'elle a entendu. Elle a également dit: « Nous avons également entendu une autre témoin qui avait signalé un incident », incident qu'elle a ensuite décrit.
    Elle a dit:
De si nombreux témoins, en particulier des femmes, sont venus exprimer devant notre comité leur manque total de confiance [...] Une des témoins a même apporté une perspective très intéressante sur la différence de traitement entre les hommes et les femmes dans le système de justice militaire.
    La députée conservatrice a poursuivi:
Ce témoin a expliqué de quelle façon, pendant son déploiement en Afghanistan, elle a fait l'objet d'une enquête pour avoir eu une relation sexuelle consensuelle avec un officier américain qui n'était pas dans son unité, mais qui était du même grade. Elle a admis que cette relation contrevenait à la réglementation et plaidé coupable aux accusations contre elle. Elle a été mise à l'amende, rapatriée et affectée à l'extérieur de son unité. Elle estimait que ces mesures étaient justifiées.
Toutefois, dans la foulée de cet incident, on l'a traitée de noms tout à fait dégradants et on lui a dit qu'elle n'avait pas l'étoffe pour diriger des soldats. Un commandant l'a même menacée de violence, et elle a eu droit à des reproches incessants de la part d'autres officiers supérieurs. Elle a été isolée dans un bureau où elle gérait un chiffrier Excel, et il est rapidement devenu évident que sa carrière dans les Forces armées canadiennes était terminée. Quand elle a été libérée, le poste qu'on lui avait d'abord offert dans une unité de réserve a été révoqué. Le commandant lui a en effet dit qu'elle n'était pas le genre de chef qu'il voulait dans son unité.
Elle a indiqué que le pire échec de sa vie était les actions pour lesquelles elle a été expulsée du corps blindé et pour lesquelles elle continue à éprouver une grande honte.
    Manifestement, cette députée conservatrice pense que les témoignages sont très importants.
    Il y a deux jours, mercredi soir, la députée néo-démocrate Mme Mathyssen a fait référence aux témoignages présentés au comité de la condition féminine.
    Elle a dit que la lieutenante-colonelle Eleanor Taylor a déclaré: « Tout au long de ma carrière, j’ai observé un usage insidieux et inapproprié du pouvoir à des fins d’exploitation sexuelle. »
    Elle a dit que Christine Wood a déclaré: « J'ai l'impression que les femmes n'ont jamais été sur un pied d'égalité dans les forces armées. »
    Mme Mathyssen a également déclaré que nos recommandations devaient concerner la culture. C'est exactement ce que les libéraux disent au comité depuis des semaines, en fournissant des données et des renseignements relatifs à la culture.
    La députée conservatrice de Calgary Midnapore a également fait référence au témoignage des victimes devant le comité de la condition féminine.
    Par conséquent, il a beaucoup été fait référence aux témoins et, comme je l'ai dit, il y a eu un débat très constructif.
    Pour être juste envers M. Bezan, une partie de notre étude sur l'inconduite sexuelle dans les forces armées porte sur le général Vance. Étant donné qu'il y a des milliers d'incidents, de victimes et d'agresseurs, je ne mettrais pas l'accent sur un courriel anonyme dont personne ne connaît le contenu, mais c'est le choix de M. Bezan, ce qui est son droit.
    S'il veut se concentrer sur le général Vance et, comme je l'ai dit, personnellement, je ne veux pas, alors il doit se montrer honnête sur les faits et les données qui ont été révélés récemment et qui montrent que le principal problème en ce qui concerne le général Vance, c'est sa nomination en 2015. Je peux comprendre que ce soit difficile pour lui, mais les faits sont les faits. Je n'entrerai pas dans les détails maintenant, mais j'en donnerai un résumé.

  (51715)  

     Au moment de la nomination, M. O'Toole a fait savoir par ses collaborateurs, je crois, au chef de cabinet du premier ministre Harper qu'une rumeur circulait sur la conduite présumée du général Vance à l'OTAN, à Naples.
    Il faut rendre hommage à M. Garrison, en fait, car il me semble qu'il a posé parmi les meilleures questions à M. Novak. Je ne suis pas certain qu'il ait obtenu toutes les réponses qu'il voulait, mais c'était seulement la pointe de l'iceberg par rapport à l'information révélée depuis.
    Il y a eu une enquête hâtive qui s'est conclue le jour où le général Vance a pris le commandement. Apparemment, une demande d'accès à l'information, qui venait, je suppose, de la presse, a révélé que les enquêteurs se sentaient poussés à terminer l'enquête. Je ne suis pas certain de ce qui a amené à exercer ces pressions, mais en fonction de ce que c'était, il se pourrait qu'il se soit agi d'une infraction très grave.
    Ensuite, il y a eu une deuxième rumeur à propos d'un comportement inapproprié à Gagetown. Apparemment, une demande d'enquête a été transmise au conseiller à la sécurité nationale. Il ne se souvient pas de la demande et il n'a en tout cas pas mené d'enquête. Il y a évidemment beaucoup plus à voir en l'espèce en 2015 que dans le cas du courriel anonyme de 2018 que personne n'a vu, mais dont l'existence a pourtant été signalée en moins de 24 heures et qui a eu droit à toutes les suites possibles.
    Si un membre du comité, au lieu d'écouter le témoignage consigné de victimes et d'experts afin d'arriver à des solutions pour aider les victimes à améliorer les forces armées, préfère s'occuper du général Vance, les faits montrent que les questions les plus sérieuses, pour ce qui est de savoir qui, où, pourquoi et quand, remontent à sa nomination par les conservateurs. Avec ces rumeurs et des enquêtes inachevées ou incomplètes, pourquoi a‑t‑il été nommé?
    Avant-hier soir, mercredi, pendant le débat à la Chambre, la députée du Bloc a soulevé la question de la nomination par les conservateurs. Je cite le Hansard:
Rappelons que les conservateurs avaient déjà eu vent d'allégations contre le général Vance, mais ils l'ont tout de même nommé chef d'état-major alors que les Forces armées canadiennes venaient d'être sévèrement critiquées pour la gestion des cas d'inconduite sexuelle et de la culture sexiste généralisée.
    Assurément, j'ai déjà présenté suffisamment de données pour montrer que toute autre discussion sur le général Vance devrait se concentrer sur sa nomination en 2015, malgré des rumeurs qui, à l'époque, n'ont pas fait l'objet d'investigations. À l'intention de tout membre du comité qui souhaite encore se concentrer sur le général Vance, le 1er juin, l'Ottawa Citizen a publié un article sur d'autres éléments encore qu'il a découverts sur sa nomination. Permettez-moi de vous en citer quelques passages:
Les membres de la police militaire qui enquêtaient sur les allégations de relation inappropriée du général Jon Vance en 2015 n'ont jamais interviewé l'officier supérieur, mais ils ont consulté le magazine satirique Frank pour trouver des informations.
L'enquête de police a été bouclée en quelques semaines avant que le général Vance occupe la plus haute fonction de la hiérarchie militaire, le poste de chef d'état-major de la Défense,
    L'enquête s'est faite à la hâte. Est‑ce que c'est une bonne façon de commencer une nomination?
    L'article poursuit:
L'enquête du Service national des enquêtes des Forces canadiennes a été bouclée en quatre semaines et a conclu à l'absence de « preuves matérielles » que le général Vance avait eu une relation contraire aux règlements militaires, d'après les documents obtenus par le journal.
Le général Vance n'a jamais été interviewé aux fins de l'enquête et la police s'est appuyée sur une déclaration qu'il a faite un an plus tôt au sujet de la même allégation. De plus, le Service national des enquêtes des Forces canadiennes n'a à aucun moment créé de plan d'enquête officiel pour l'enquête de 2015, d'après les dossiers.
    Aucun plan d'enquête officiel n'a été créé, alors qu'un membre du comité a déclaré que l'enquête appropriée avait eu lieu.
    L'article continue:
Le service des enquêtes, également connu sous le nom de SNEFC, a été appelé après que le lieutenant-général Christine Whitecross a reçu, le 10 juin 2015, un courriel anonyme affirmant que le général Vance avait eu un comportement d'inconduite sexuelle pendant qu'il était en poste à l'OTAN comme commandant adjoint du Commandement allié de forces interarmées de Naples. L'allégation concernait la relation du général Vance en 2015 avec un officier subalterne américain, qu'il a fini par épouser.
Le SNEFC devait déterminer si le général Vance avait suivi les directives militaires régissant les relations personnelles et amoureuses entre membres de forces armées.

  (51720)  

« Aucune de nos sources d'information n'a trouvé de témoin direct au sujet d'un acte physique », déclarait l'enquête du SNEFC, mais elle concluait que le général Vance avait effectivement eu une relation personnelle à l'époque avec l'officier américain.
Le SNEFC a essayé de contacter la source anonyme qui affirmait pouvoir donner le nom de militaires au courant de la relation du général Vance à Naples, mais la police n'a reçu aucune réponse.
    Il reste quantité de questions sans réponse.
Dans sa précédente déclaration, le général Vance niait tout acte répréhensible.
Les enquêteurs ont également examiné un article paru en avril 2015 dans le magazine satirique Frank qui exposait les allégations portées au sujet du général Vance pendant son passage à l'OTAN. L'article était intitulé « Humour in Uniform », l'humour en uniforme...
Mais la police a par la suite conclu...
    Bien que cela n'ait pas eu d'incidence à l'époque sur la police du quartier général de Naples...
... que, « Avec le temps, cette relation personnelle aurait probablement eu un effet préjudiciable ».
    Pourquoi nommer une personne dans ces conditions?
De plus, l'enquête a examiné des questions soulevées par la déclaration du général Vance au vice-chef d'état-major de la Défense, le lieutenant-général Guy Thibault. Le général Vance avait affirmé ne pas avoir de relation de commandement avec l'officier américain. « Bien que la déclaration du général Vance ait été correcte en théorie, il est probable qu'à certains moments, il se trouvait être le commandant de (l'officier américain)...
Plusieurs mois avant l'enquête du SNEFC, celui qui était alors premier ministre, Stephen Harper, a soulevé la question de la relation à Naples lorsqu'il a rencontré le général Vance. À l'époque, Stephen Harper pensait au général pour le... poste.
Plus tard, le gouvernement conservateur a exprimé des inquiétudes au sujet d'une rumeur qui circulait selon laquelle le général Vance, alors en poste à la BFC Gagetown, au Nouveau-Brunswick, aurait eu une relation inappropriée avec une subalterne...
Au début de 2001, le SNEFC a ouvert une nouvelle enquête après que le major Kellie Brennan a déclaré à Global News qu'elle avait eu avec le général Vance une longue relation qui avait commencé à Gagetown et s'était poursuivie à Toronto en 2006...
    C'était neuf ans avant que les conservateurs le nomment.
..., alors que le général était son officier supérieur. Le général Vance n'a pas répondu aux demandes répétées de commentaires du journal...
    Il est évident que quiconque veut approfondir le dossier sur le général Vance doit s'intéresser à sa nomination en 2015. Nous pouvons continuer de débattre la motion totalement déraisonnable et inappropriée dont nous sommes saisis, ou nous pouvons la retirer afin, simplement, de tirer les enseignements de ce que disent les victimes et les témoins et de discuter, sans limite de temps déraisonnable, des recommandations sur lesquelles nous pouvons tous nous entendre pour améliorer la vie des hommes et des femmes courageux qui servent dans les Forces armées canadiennes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vous remercie, monsieur Bagnell.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais commencer par rappeler l'importance de la motion déposée par M. Bagnell et le remercier.
    En effet, je pense que c'est un compromis qui nous permettra d'effectuer notre travail correctement. Deux minutes ne sont évidemment pas suffisantes afin de comprendre la situation complexe et difficile que vivent les membres des Forces armées canadiennes. Deux minutes, est-ce tout le temps que nous avons ou que nous pouvons accorder aux victimes, aux survivantes? C'est ridicule. Aussi, ne pas demander de réponse de la part du gouvernement est ridicule.
    J'aimerais désormais citer l'article de la professeure Maya Eichler concernant l'opération HONOUR, qui met en lumière l'importance de prendre du temps afin de traiter de ce problème.
Les institutions militaires se sont longtemps basées sur des notions précises de féminité et de masculinité. Par exemple, le besoin de protection des femmes, le rôle des hommes comme protecteurs et celui des femmes comme mères patriotiques. Bien que l'image du guerrier perdure comme « symbole clé de la masculinité », les rôles des femmes et des hommes en temps de guerre ne sont pas statiques. La présence des femmes dans les institutions militaires occidentales s'est largement accrue depuis quarante ans. L'augmentation de la participation féminine est le résultat de changements sociaux et politiques. En particulier, elle est liée aux changements à la conscription et au recrutement, aux réclamations du mouvement féministe, à l'évolution des conflits armés et, plus récemment, aux instruments d'intégration liés au genre, tels que la résolution 1325 de l'ONU sur les Femmes, la paix et la sécurité.

Même avec une plus grande présence des femmes dans le domaine militaire, la littérature féministe montre que les forces armées occidentales sont des organisations qui privilégient les hommes et marginalisent les femmes et les valeurs associées à la féminité. Ce ne sont cependant pas toutes les femmes qui vivent des expériences négatives dans les forces armées; certaines d'entre elles connaissent des carrières militaires épanouissantes. Le monde militaire demeure néanmoins un lieu important de (re)production de l'inégalité entre les sexes. En Occident, les femmes militaires assument principalement des rôles de soutien, dans les postes administratifs ou des emplois de bureau. Dans presque toutes les forces armées, les rôles de combat n'appartiennent qu'aux hommes, soit en vertu des lois ou par défaut. Les restrictions auxquelles les femmes doivent faire face en ce qui a trait au combat sont un point de contestation dans le débat sur l'intégration des femmes. Les forces armées peuvent être perçues comme étant très investies dans « la définition et la circonscription des frontières qui régissent le service des femmes ».

Dans un article récent, Claire Duncanson et Rachel Woodward se sont penchées sur la question de la redéfinition des genres dans le contexte militaire, consistant à « attribuer un genre à nouveau », de façon à défier l'ordre inégal des genres. Ces auteures vont au-delà des débats féministes passés qui se concentraient sur le droit des femmes au service militaire ou la cooptation de femmes dans le militarisme. Elles soutiennent plutôt que nous devons réfléchir aux possibilités de transformation des cultures militaires genrées. Dans cet article, nous utilisons les observations des relations internationales féministes critiques pour examiner cet enjeu canadien en suivant l'évolution de l'approche militaire canadienne par rapport aux questions de genre, avec un retour en arrière sur trois décennies et un examen du potentiel et des limites de l'opération HONOUR.

  (51725)  

     J'y reviendrai un peu plus tard.
    Merci, madame la présidente.

  (51730)  

    Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    La parole est maintenant à M. Spengemann.
    Madame la présidente, je vous remercie. Je souhaite la bienvenue à mes collègues dans le débat de cet après-midi et je remercie de leur intervention ceux qui se sont exprimés jusqu'ici.
    Vous nous avez rappelé au début de la séance, madame la présidente, que cette réunion dure depuis le 21 mai, soit une vingtaine de jours. Nous avons eu des discussions très approfondies, sans enregistrer nécessairement de progrès, mais certainement un débat sur toute l'importance des questions soumises au comité et sur la façon dont elles devraient être traitées. Il est primordial, à mon sens, de garder à l'esprit que les témoignages jouent un rôle de premier plan dans les travaux du comité. C'est pourquoi nous avons ces réunions, c'est pourquoi nous avons des groupes et c'est pourquoi nous invitons des personnes. J'estime qu'il est tout à fait essentiel de placer le témoignage des victimes au centre de notre discussion et au centre du problème, notamment pour les victimes qui ont eu le courage de venir nous parler directement ou qui ont parlé à d'autres comités parlementaires et ont pris la décision de témoigner dans un cadre public.
    En fait, c'est le point de départ même de ce problème pour le comité — comment permettre aux victimes d'avoir le courage de venir témoigner et de se sentir rassurées et soutenues dans leur démarche. Si elles ont l'impression, pour une raison quelconque, que lorsqu'elles se présentent devant un comité parlementaire, lorsqu'elles décident de s'exprimer en public, elles sont instrumentalisées, que leur témoignage devient un enjeu politique, cela aura immédiatement un effet dissuasif sur d'autres victimes qui pourraient venir témoigner dans des scénarios tout aussi sensibles devant d'autres comités.
    À mon avis, M. Bagnell voit juste quand il dit que ces témoignages doivent non seulement être encouragés et soutenus, mais aussi être placés au centre même de notre réflexion. Je demande seulement au comité d'y penser.
    Il s'y ajoute, évidemment, les témoignages d'experts que nous avons en quantité. Il y a le témoignage d'autorités, y compris d'élus, du ministre lui-même, de hauts fonctionnaires de cabinet de ministres, de hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé. C'est très important. Des universitaires aussi... et dans mon intervention, des données également d'autres pays qui ont fait ce travail.
    Le Comité a bien eu des discussions sur ce qui a été proposé. Dans l'esprit de certains de ses membres, il fallait à tout prix obtenir d'autres témoignages. Il fallait cette déclaration supplémentaire qui bouclerait vraiment la boucle sur des questions fondamentales auxquelles, à mon sens, d'autres témoins avaient déjà répondu. Cette chasse au témoin de plus a finalement été abandonnée en faveur d'un argument additionnel, qui était de gêner les travaux du comité tels que les parlementaires les mènent normalement.
    Dans de précédentes interventions, madame la présidente, j'ai parlé de l'excellent travail du comité, pendant la 42e législature, sur la diversité et l'inclusion dans les forces armées qui comportait un élément sur l'inconduite sexuelle. Dans ces discussions, il n'y a pas eu de rapport minoritaire. Il n'y a pas eu non plus le moindre doute que les députés ne puissent pas exercer pleinement leurs droits et privilèges parlementaires ou qu'ils puissent voir leur temps de parole limité à une réponse de deux minutes sans possibilité d'y revenir ou de répondre ou même de s'appuyer sur les témoignages ou sur les questions de collègues présentés auparavant ou par la suite.
    Ce qui est très important aussi, madame la présidente, c'est que cette proposition limiterait votre capacité, en tant que présidente du comité et en tant qu'ancien membre actif des Forces canadiennes, et je dirai en tant que femme, de mettre à profit vos compétences et votre passion en ce qui concerne le sujet pour guider le débat de manière à arriver à des résultats concrets. C'est ce que donnerait l'approche proposée par l'opposition, qui ne serait pas normale, à cause de la limitation artificielle du temps de parole à deux minutes. La motion prévoit, me semble‑t‑il, une seule intervention par paragraphe ou par recommandation.
    Il est essentiel que nous ayons les témoignages importants d'abord de victimes, ensuite d'experts, de décideurs, de chercheurs, et enfin des données sur ce qui se fait dans d'autres pays, mais aussi que nous ayons ensuite un processus qui nous permette de travailler sur le sujet en tant que parlementaires, comme le comité l'a fait dans le passé, comme les députés de tous les partis ou de nombreux partis représentés au comité l'ont fait pendant la 42e législature. Nous en avons fait l'expérience, nous savons comment cela fonctionne, nous savons combien cela peut se révéler productif. Nous devrions utiliser pleinement notre capacité de parlementaires pour faire ce travail, nous atteler au problème et avancer ensemble.
    Pour ce qui est de la question à l'étude, elle comprend deux éléments. Il y a le cas de l'ancien chef d'état-major de la Défense, suivi d'un autre cas. Le témoignage qui est en jeu en ce qui concerne la situation de l'ancien chef d'état-major de la Défense, comme M. Bagnell l'a souligné, nous ramène en grande partie à 2015, et même plus loin en arrière. Il me semble que la question qui devrait tous nous intéresser, tous partis confondus, y compris les députés conservateurs, serait de savoir comment un ancien chef d'état-major de la Défense a pu donner à penser qu'il avait tellement pouvoir qu'il pouvait contrôler le Service national des enquêtes des Forces canadiennes et l'avoir à sa botte. Cette enquête remonte à 2015, au moment de sa nomination.

  (51735)  

    C'est totalement inacceptable d'un point de vue institutionnel et systémique, et ce doit être inacceptable pour nous tous, toutes allégeances politiques confondues. Il ne s'agit pas d'une question partisane. Il s'agit de savoir comment changer la culture des Forces armées canadiennes dont ce cas est une illustration, sans s'y limiter toutefois. Il se peut fort qu'il y ait d'autres cas. Il y a, et on nous l'a bien fait comprendre, d'autres problèmes systémiques qui empêchent d'autres personnes de porter plainte contre des officiers des Forces canadiennes ou des membres de grade nettement supérieur. C'était un des problèmes qui nous préoccupaient le plus, l'asymétrie entre les officiers supérieurs et les subalternes.
    J'ai attiré l'attention du comité sur le travail effectué ailleurs. Cela ne veut pas nécessairement dire que parce que d'autres pays font face au même problème, il est en quelque sorte moins important au Canada. Le problème est tout aussi important dans toutes les régions du monde qui y sont confrontées. Cependant, parce que nous sommes en mesure d'utiliser leur expérience comme exemple du type de travail que nous pourrions ou devrions faire — 10 des recommandations, 10 des conclusions et, dans un cas au moins, l'organisation d'un exercice de suivi dans l'année suivant l'achèvement d'un rapport sur le même sujet —, cette information est, à mon avis, très importante pour le comité. J'ai utilisé du temps devant le comité pour le dire clairement et je continuerai d'intervenir à ce sujet.
    Madame la présidente, j'aimerais maintenant clore mes observations sur ce que j'appelle le « rapport Wigston », l'examen des comportements inappropriés fait au Royaume-Uni. Il a eu lieu à peu près au moment où nous avons vraiment commencé à nous pencher sur ce problème. Il a été déposé en 2019. Si nous prenons d'autres pays, c'est à peu près dans cette période, entre 2015 et 2019, que beaucoup d'autres forces armées ont été saisies de cette question. Une affaire concernant un ancien chef d'état-major de la Défense n'était peut-être pas dans tous les cas, ou peut-être dans aucun cas, le déclencheur, mais dans tous, il y avait assurément la même prise de conscience de l'importance de ce problème pour les femmes membres des forces armées et, en fin de compte, pour tous les membres des forces armées concernées.
    Le rapport Wigston nous a vraiment donné l'impulsion nécessaire pour réfléchir à ce qui pourrait arriver si un gouvernement s'attaquait de façon proactive à ce problème, de manière très progressiste, avec un calendrier évolutif. Je vais lire au comité la fin du rapport. J'aimerais ensuite souligner brièvement quelques-unes des observations tirées du suivi qui a eu lieu un an plus tard, en 2020. Si nous faisons ce qu'il faut, que nous transmettons un rapport au gouvernement et qu'il y répond, nous pouvons obtenir la mise en œuvre de mesures plus vite peut-être qu'aucun de nous ne le penserait.
    Le rapport Wigston déclare ce qui suit dans sa conclusion:
Le rapport sur les comportements inappropriés à la Défense formule 36 recommandations sur ce que nous devrions faire pour mettre fin aux comportements inappropriés et ce que nous devrions mieux faire lorsqu'il se produit de tels comportements. Au bout du compte, le problème des comportements inappropriés ne sera réglé qu'au prix d'un effort déterminé de l'ensemble des forces armées visant à changer la culture, selon un processus descendant constant, mené à tous les échelons de la direction et des cadres intermédiaires. Ce processus nécessite un réel leadership, un engagement incessant et une communication cohérente. Tout le monde a un rôle à jouer.
Nous avons défini les comportements inappropriés comme étant des manquements aux lois, aux normes de comportement ou aux valeurs et aux normes fondamentales qui nuisent ou risquent de nuire à des personnes, à des équipes ou à l'efficacité opérationnelle, et qui ternissent ou risquent de ternir la réputation de personnes, d'unités, du service ou de la Défense. Nous avons volontairement adopté une acception large de ce qui constitue un comportement inapproprié, mais en mettant avant tout l'accent sur les comportements qui portent préjudice à des personnes. Nous estimons que les comportements inappropriés restent trop nombreux dans la Défense, sans que nous puissons, toutefois, les quantifier avec précision. Les données reprises dans ce rapport montrent qu'un nombre important de personnes sont victimes d'intimidation, de discrimination et de harcèlement, mais se sentent incapables de le signaler ou n'ont pas pu le signaler. Nous avons relevé la même tendance dans d'autres organisations, dont les Forces armées canadiennes, les forces armées américaines et les forces de défense australiennes.
L'absence de signalements dénote un manque de confiance dans notre système de plaintes. Nos propres enquêtes montrent à répétition, et des intervenants externes soulignent, les failles du système actuel pour se plaindre de comportements inappropriés, les plaignants citant une crainte de représailles et le peu de confiance que quoi que ce soit soit fait ou encore fait rapidement. Nous avons également relevé une surreprésentation disproportionnée de femmes et de membres de minorités ethniques dans le système de plaintes relatives au service, et un manque de données sur d'autres groupes ethniques.

  (51740)  

Nos recommandations sur les mesures à prendre pour lutter contre les comportements inappropriés visent principalement à ce que les dirigeants et les cadres intermédiaires à tous les échelons instaurent la culture et les normes voulues, veillent à ce que les personnes respectent systématiquement ces normes, et soient vigilants afin de repérer d'éventuels relâchements des normes. Nous formulons également des recommandations à propos d'une formation efficace et ciblée dotée des ressources nécessaires; d'une fonction d'assurance centralisée; de la compilation d'un ensemble unique de données et de statistiques sur les comportements inappropriés; de l'attention régulière portée par le conseil à la culture et aux comportements; et d'un meilleur partage des pratiques optimales entre les trois forces armées et la fonction publique.

Afin de mieux faire lorsque des comportements inappropriés se sont produits ou qu'il est allégué que de tels comportements se sont produits, nous recommandons de revoir le système de plaintes relatives au service afin d'y inclure une équipe dédiée capable de traiter les allégations les plus complexes d'intimidation, de harcèlement et de discrimination; un service d'assistance téléphonique pour aider les plaignants et les répondants ainsi que la chaîne de commandement et les cadres intermédiaires; et une filière parallèle pour porter des plaintes relatives au service à l'attention de la chaîne de commandement, y compris des signalements anonymes ou de témoins. Nous recommandons également de réfléchir à un processus en deux étapes pour les plaintes relatives au service afin de simplifier le processus pour les cas plus simples, afin que l'attention du personnel et les ressources utilisées soient adaptées à la complexité, à la confidentialité et à la gravité de la plainte.
Nous avons remarqué qu'une supervision centrale des cultures et des comportements inappropriés est nécessaire dans toute la Défense. Nous recommandons de créer au sein de la Défense une autorité responsable des cultures et des comportements inappropriés. En collaboration avec le chef des personnels de la Défense en tant que principal responsable désigné, l'autorité sera chargée de la stratégie, des politiques et de la gouvernance de l'ensemble de la Défense; constituera un point de référence unique pour toute l'information relative à la gestion; s'occupera de l'activité d'assurance dans l'ensemble des forces armées; et communiquera les pratiques optimales dans toute la Défense. Elle accueillera aussi en son sein l'équipe centrale chargée des plaintes relatives au service ainsi que le service d'assistance téléphonique et les services de soutien. L'autorité devra disposer de toutes les ressources nécessaires et être dotée de quelque 30 à 50 employés suffisamment qualifiés et expérimentés, en sachant qu'il s'agira de besoins en personnel supplémentaire pour la Défense.
     Sous le titre « De quoi s'agit-il? », l'avant-dernier paragraphe de la conclusion dit ceci: « Lutter contre les comportements inappropriés est une question de détermination des dirigeants à changer... la culture; tout le reste en dépend. Il n'y a de vrai changement culturel que lorsque les dirigeants font connaître et adoptent personnellement les nouveaux comportements de façon systématique, lorsque ce qu'ils disent est clairement compris en pratique et lorsque le non-respect de ces nouveaux comportements entraîne des conséquences évidentes. On jugera pour finir du succès à ce qui se passera en cas de problème — comme il s'en pose toujours — [Difficultés techniques] par des chefs subalternes ou des collègues instinctivement et immédiatement partout à la Défense. Quelqu'un fait un commentaire inapproprié, un caporal dit à son auteur de présenter des excuses [Difficultés techniques], lui explique pourquoi les propos ont offensé, les excuses sont présentées et acceptées, et l'affaire est réglée. Nous en sommes déjà là dans beaucoup de secteurs de l'organisation, mais changer des cultures bien ancrées et venir à bout de comportements inappropriés dans toute la Défense demandera un effort concerté et persistant, à tous les échelons de la direction et des cadres intermédiaires, sur une période prolongée.
    Enfin, nous avons tous conscience que les comportements inappropriés, et les conséquences pour les personnes qui en sont victimes, nuisent à la réputation chèrement gagnée de courage, de détermination et de professionnalisme des forces armées britanniques. Nous ne devons pas, toutefois, perdre de vue le comportement de l'immense majorité des personnels de la Défense qui servent avec courage, détermination et professionnalisme et qui sont très fiers de protéger le Royaume-Uni 24 heures sur 24, sept jours sur sept. »
    Madame la présidente, voilà la conclusion du rapport Wigston. Comme les membres l'auront vu dans cette intervention et dans d'autres que j'ai faites, il y a une pertinence, un degré de détail et une ouverture, de même que le constat qu'il n'a pas été possible de remédier à d'autres lacunes. Il y a aussi des recommandations très précises pour ce qui est des ressources à affecter à l'autorité centrale de la Défense, par exemple, pour laquelle il est recommandé une dotation de 30 à 50 personnes.
    Voilà le travail accompli au Royaume-Uni dans des circonstances comparables aux nôtres, sauf que le problème n'atteignait pas — du moins que je sache — le sommet de la hiérarchie, c'est-à-dire le chef d'état-major de la Défense. Il s'agit, en tout cas, d'un pays et d'un allié avec lequel nous travaillons en étroite collaboration dans le cadre du Groupe des cinq, de l'OTAN, de l'ONU et d'exercices militaires bilatéraux, qui a non seulement saisi l'importance de ce problème, mais qui s'est intéressé à notre pays dans plusieurs cas et a catalysé le débat autour du rapport Deschamps de 2015.

  (51745)  

    Le Royaume-Uni est allé de l'avant et a fait des progrès. Je tiens à dire à mes collègues au Comité que si nous parvenons à nous entendre sur le sujet, nous pouvons formuler des recommandations qui auront la même incidence, la même précision, la même pertinence et le même caractère opportun, et que nous pouvons vraiment faire évoluer les choses sur cette question. À mon avis, les Canadiens et les membres présents et passés des Forces armées canadiennes n'en attendent pas moins.
    Je vous remercie, madame la présidente, je m'arrêterai là. J'interviendrai plus tard, mais c'est tout pour l'instant.
    Je vous remercie, monsieur Spengemann.
    La parole est maintenant à M. Baker.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vais revenir sur ce que disait M. Bagnell dans ses observations. Il y a exprimé sa déception — je me montre probablement diplomate — au sujet des commentaires de M. Bezan à la dernière réunion du Comité où il a qualifié de « sans-cœur » les députés ministériels qui citaient des témoignages présentés devant un autre comité parlementaire, en public, par des survivants d'agressions sexuelles et de harcèlement sexuel dans les forces armées. Quand M. Bagnell a fait part de sa préoccupation, M. Bezan a qualifié son intervention de « diatribe », ce que j'ai trouvé tout à fait inapproprié. M. Bezan a jugé bon de consacrer du temps dans son intervention à la dernière réunion à critiquer des députés de ce côté‑ci. Aussi décevant que cela ait été de l'entendre parler ainsi, aucun de nous ne l'a interrompu ni n'a qualifié ses propos de « diatribe ». Je voulais m'élever contre le type d'interruption de M. Bagnell plus tôt dans la réunion, madame la présidente.
    Je voulais aussi dire que M. Bezan n'a pas fait part de ce point de vue à la dernière réunion seulement. Franchement, j'aurais pensé qu'il aurait réévalué son point de vue après la dernière réunion. J'aurais pensé qu'après avoir entendu des députés ministériels qui ont réagi à son intervention où il qualifiait de « sans cœur » le fait de raconter le témoignage de survivants présenté devant le Comité de la condition féminine, il aurait réévalué sa position. Il faut croire qu'il ne l'a pas fait ou qu'il en a été encore plus conforté dans sa position, puisqu'il a décidé de prendre la parole lors de la période réservée aux déclarations de députés à la Chambre des communes pour dire, en parlant des députés ministériels au Comité, qu'ils « citent irrévérencieusement et injustement des victimes d'inconduite sexuelle militaire ».
    Qu'il y a‑t‑il d'irrévérencieux et d'injuste à citer le témoignage de survivants déjà présenté en public devant un comité parlementaire? J'y pense depuis quelques jours, depuis que j'ai entendu ces paroles à la Chambre des communes, et je ne comprends pas. Ces survivants sont les personnes que nous devrions chercher à aider. Ils devraient être au cœur de ce que nous faisons au Comité. C'est sur eux que nous devrions nous concentrer. Nous n'aurons réussi, à mon sens, en tant que comité que si nous pouvons les aider. Autrement, nous n'aurons pas réussi. Nous aurons échoué. Ce sont ces personnes que nous devrions chercher à aider et ce sont les personnes que nous devrions surtout vouloir entendre. C'est sur leur point de vue, leurs compétences, que nous devrions nous concentrer et auxquels nous devrions accorder le plus de poids. Pas seulement parce que ce sont les victimes en l'occurrence, mais parce qu'elles en savent tellement sur le sujet, qu'elles y ont réfléchi, qu'elles en ont discuté avec d'autres, que ce sont des experts et qu'elles savent comment régler le problème. Ce sont ces personnes que nous devrions surtout vouloir entendre.
    Voilà pourquoi les députés ministériels racontent leur témoignage, pour faire entendre leur voix, pour amplifier leur message. Pour moi, ce qui est irrévérencieux et injuste, c'est de ne pas écouter ce message, de ne pas essayer de comprendre, de ne pas en faire une priorité. Ce qui est plus qu'irrévérencieux et injuste, c'est d'essayer de faire taire ces voix de quelque manière que ce soit. Pour moi, cela montre que M. Bezan a de tout autres priorités et que régler ce problème ne l'intéresse pas. Autrement, quand des députés ministériels, ou tout député, ont raconté ces témoignages, il aurait écouté très attentivement, il aurait été le plus intéressé et peut-être qu'il aurait lui aussi raconté ces témoignages ou, du moins, y aurait réfléchi.

  (51750)  

     [Difficultés techniques] la plateforme du Comité et la plateforme pour faire part du point de vue de survivants.
    Je trouve cela plus que décevant et plus que répréhensible. Je suis totalement d'accord avec ce que M. Bagnell disait. Cela montre, selon moi, le problème à ce comité. Cela montre pourquoi nous étudions une motion présentée par M. Bezan qui est destinée à produire un document qui n'aidera en rien les survivants.
    C'est pourquoi, dans la motion, il est prévu deux minutes de débat par membre, pas une de plus. Si la motion de M. Bezan est adoptée, aucun consensus ne sera nécessaire sur le rapport, contrairement à ce qui est la norme pour tout autre rapport produit par un comité de la Chambre des communes, et ce, parce que M. Bezan veut le faire adopter à la hâte. Il est évident qu'il ne veut pas s'occuper de ces questions difficiles.
    La seule façon d'arriver à un rapport qui aide les survivants, c'est de parvenir à un consensus. C'est de mentionner les survivants, tout d'abord. J'aurais pensé que cela allait de soi. Bien sûr, après cela, les membres du Comité devraient s'asseoir ensemble afin de surmonter leurs divergences de vues et de trouver un consensus. Ensuite, après nous être entendus sur la teneur des problèmes, nous devrions nous entendre sur les solutions, puis formuler des recommandations, les transmettre au gouvernement et lui demander, avec insistance, de les mettre en œuvre. Tel est l'objet du Comité, et de tout comité: apporter des changements constructifs.
    La question à l'étude à propos de laquelle nous devons proposer des changements concerne ce qui se passe dans les forces armées et les mesures à prendre pour lutter contre les agressions sexuelles et l'inconduite sexuelle dont nous avons entendu parler. C'est sur cela que le rapport devrait porter.
     La motion de M. Bezan nous empêche de le faire parce que nous ne pouvons pas débattre de ces problèmes complexes. Nous ne pouvons pas parvenir à un consensus à leur sujet, puis [Difficultés techniques] décider, au fond, des points qui seront inclus ou exclus, de ceux qui restent et de ceux qui [Difficultés techniques] pour que nous citions les victimes d'inconduite sexuelle dans les forces armées.
    La motion de M. Bezan est irrévérencieuse et injuste à l'égard de ces survivants. C'est cela qui est irrévérencieux et injuste parce que nous allons nous retrouver avec un rapport qui ne s'attaque pas aux problèmes que rencontrent les survivants et les Forces armées canadiennes et qui ne les résout pas.
    M. Bezan pourra se vanter d'avoir un rapport, mais il sera totalement inutile pour ce qui est de régler le problème que nous devrions régler.
    Si d'autres et moi-même racontons ce que nous disent des survivants, c'est parce que nous essayons de rappeler aux membres du Comité ce sur quoi nous devrions nous concentrer et ce qui doit figurer dans le rapport, et de leur expliquer pourquoi la motion de M. Bezan nous empêcherait de produire un rapport qui aide les survivants. En fait, produire un rapport dans les conditions que propose M. Bezan serait, à mon avis, préjudiciable. Il serait annoncé comme étant un rapport sur le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles dans les forces armées, mais ce ne serait pas le cas, parce que M. Bezan ne veut pas discuter de ces problèmes. Il ne veut pas s'arrêter aux nuances. Il ne veut pas s'intéresser à la complexité. Il veut seulement remettre un document et passer à autre chose. Voilà qui serait irrévérencieux et injuste.
    C'est pourquoi nous citons les témoignages et c'est pourquoi je continuerai de les citer.
    Mme MJ Batek fait partie des personnes qui ont témoigné devant le Comité permanent de la condition féminine et dont il me semble important d'entendre le point de vue et de le prendre en considération.

  (51755)  

    Je tiens à vous citer une partie des observations qu'elle a présentées à nos collègues. Voici ce qu'elle dit:
Je témoigne en tant qu'ancienne combattante survivante de traumatismes sexuels dans le contexte militaire, survivante de violence conjugale dans le contexte militaire et représentante du Survivor Perspectives Consulting Group, appelé également SPCG

Le SPCG a été formé récemment par un petit groupe de personnes qui ont survécu à des traumatismes sexuels dans le contexte militaire. Pendant des décennies, nous avons regardé ce qui se passait en silence, mais nous unissons maintenant nos efforts pour agir, pour faire en sorte que les voix des survivants soient entendues et pour trouver des solutions permettant de lutter contre cette crise.

Tout comme le gouvernement du Canada utilise l'analyse comparative entre les sexes plus, un outil qui va au-delà des sexes et du genre pour englober d'autres facteurs identitaires, comme la race, l'origine ethnique ou l'âge, les Forces armées canadiennes devraient tenir compte de la perspective des survivants de traumatismes sexuels dans le contexte militaire à chaque étape de l'élaboration de stratégies et de politiques.

Notre groupe est prêt à travailler à fournir cette perspective dans un cadre coordonné par des professionnels. Nous ne prétendons pas détenir toutes les réponses, car nous ne sommes pas des spécialistes en culture organisationnelle ou en justice militaire, mais nous sommes malheureusement spécialistes du traumatisme sexuel dans le contexte militaire en raison de ce que nous avons vécu.
    Je vais m'arrêter là. C'est de cela que je parlais il y a quelques instants. Vous avez là une survivante, qui a de l'expérience et qui travaille avec d'autres survivants pour trouver des solutions au problème et, comme elle le dit, pour trouver des solutions permettant de lutter contre cette crise. Ce sont ses propres mots.
    Je ferais deux observations à propos de la première partie de son témoignage. Tout d'abord, c'est le genre de personnes que nous devons consulter. Non seulement ce sont des survivants dont les points de vue devraient nous intéresser au plus haut point et que nous devrions écouter afin d'apprendre, mais ce sont aussi des experts. C'était le premier point.
    Ensuite, même si Mme Batek est une survivante, qu'elle est très compétente et qu'elle travaille d'arrache-pied avec d'autres pour bien connaître le sujet afin de trouver des solutions, elle est la première à dire: « Nous ne prétendons pas détenir toutes les réponses, car nous ne sommes pas des spécialistes en culture organisationnelle ou en justice militaire, mais nous sommes malheureusement spécialistes du traumatisme sexuel dans le contexte militaire en raison de ce que nous avons vécu. »
    De toute évidence, nous pouvons tous nous entendre, je crois, pour dire que Mme Batek est une experte, mais elle dit elle-même qu'elle n'est pas spécialiste de tous les aspects au point de pouvoir résoudre ce problème. Si les experts reconnaissent qu'il nous faut d'autres experts pour nous aider sur certains aspects du problème, il est certain que nous avons besoin de toute leur aide pour le régler. Il est certain que nous devons écouter ce qu'ils ont tous à nous dire et que nous devons en tenir entièrement compte dans un rapport, si tant est que nous les ayons entendus.
    Mme Batek explique en particulier que son groupe n'est pas un groupe de spécialistes de la culture organisationnelle ou de la justice militaire. Combien de fois avons-nous entendu parler et avons-nous parlé de culture au Comité, de la difficulté de cet aspect et de la nécessité d'un changement dans les forces armées? Les experts qui se sont succédé devant le Comité ont expliqué combien il est important de changer la culture des forces armées et à quel point ce type de changement est difficile à mettre en œuvre dans toute organisation, surtout dans une organisation aussi vaste et aussi hiérarchisée que les forces armées.
    Beaucoup de membres du Comité en ont parlé dans nos discussions. M. Bagnell notamment continue de souligner l'importance d'un changement de culture pour régler ce problème.
    À mon avis, nous devons entendre Mme Batek et d'autres personnes comme elle. Nous devons faire en sorte que le rapport s'appuie sur ces connaissances et ces compétences. Nous devons également tenir compte de sa mise en garde et consulter aussi des spécialistes de la justice militaire et de la culture organisationnelle. Et le tout doit être pris en compte dans le rapport.

  (51800)  

    Pour ce faire, nous aurons besoin de plus de deux minutes chacun pour débattre ou discuter. Il m'a fallu plus de deux minutes uniquement pour expliquer l'importance du témoignage de Mme Batek et pourquoi nous devons entendre ces experts. Il nous faudra beaucoup de temps.
    Il faudra travailler dur pour faire passer le message, débattre et trouver un consensus sur les recommandations que nous souhaitons réellement présenter en tant que comité. C'est pourquoi, à mon avis, la motion de M. Bezan est risquée et irrespectueuse pour les survivants.
    J'aimerais poursuivre en lisant le témoignage de Mme Batek au Comité de la condition féminine:
Nous pouvons contribuer à définir le problème, dont on mesure encore mal l'ampleur. Nous pouvons signaler des lacunes et des problèmes précis. Par exemple, nous savons que le mécanisme de signalement interne laisse à désirer et que la mise en place d'un mécanisme de surveillance indépendant s'impose.
Nous pouvons aider à trouver et à élaborer des solutions — des solutions immédiates et des solutions à moyen ou à long terme —, car nous avons des idées. Nous avons des idées qui peuvent devenir des plans, des politiques et des programmes.

Par exemple, nous avons élaboré un atelier d'une journée qui peut contribuer à court terme à amorcer le changement de culture dont l'organisation a désespérément besoin. Cette formation se base sur l'expérience d'une personne qui a survécu à un traumatisme et sur des pratiques exemplaires civiles élaborées précisément pour les Forces armées canadiennes.

L'atelier remettra en question les normes sociales et les biais inconscients des participants. Il ébranlera les fondements de ces normes et de ces biais et ouvrira l'esprit des participants, contrairement à tout ce que l'armée a fait auparavant. Nous pouvons fournir des observations et des suggestions sur les stratégies, les plans et les politiques à chaque étape du processus, qu'il s'agisse de l'élaboration, de la mise en œuvre ou du suivi.
    Je vais arrêter un instant ma lecture du témoignage de Mme Batek.
    Mme Batek et ses collègues proposent une solution à une partie du problème. Ils proposent d'offrir leur aide pour résoudre le problème d'une manière concrète et tangible. Le Comité va‑t‑il recommander cette solution? Le Comité va‑t‑il se pencher sur cette solution? Il est clair que ce ne sera pas le cas si M. Bezan obtient ce qu'il veut, car ce dernier ne veut même pas que Mme Batek témoigne. Cependant, même s'il entendait le témoignage de Mme Batek, même si nous écoutions tout ce que Mme Batek avait à dire — voilà pourquoi je lis son témoignage — mettrions-nous en œuvre cette solution, demanderions-nous à cette dernière et à ses collègues de mettre en œuvre la solution qu'ils proposent aux Forces armées canadiennes? Recommanderions-nous au gouvernement de mettre en œuvre cette solution? Nous ne savons pas.
    Nous ne le savons pas parce que certains membres de ce comité ne veulent pas prendre le temps de le savoir. Ils veulent cocher la case et dire qu'ils ont produit le rapport. Cependant, cela ne sera d'aucune utilité pour les survivants. C'est incroyable, vraiment. Les témoins proposent un atelier de première ligne qui remettra en question les normes sociales et les biais inconscients des participants et qui permettra à ces derniers d'y faire face. Il s'agit d'une solution mentionnée à maintes reprises par des personnes qui ont essayé de mettre en évidence ou d'expliquer pourquoi il existe un problème de harcèlement et d'agression sexuelle dans l'armée. Ils nous proposent de nous aider à résoudre ce problème tandis que nous allons refuser d'entendre leur avis sur la question.
    Nous allons nous mettre dans une position où nous ne pourrons pas examiner cette solution, parce que nous ne disposons que de deux minutes chacun pour parler. Certains membres de l'opposition veulent simplement passer à autre chose et veulent avoir un grand débat à la Chambre des communes sans tenir compte réellement de ce que Mme Batek a à dire ou de ce qu'elle a à offrir, ou de l'incidence qu'elle pourrait avoir sur la résolution de ce problème.
     Je ne comprends pas pourquoi notre priorité est de passer à autre chose, de passer à autre chose et de produire un rapport qui n'aidera pas les survivants en vue de tenir un débat à la Chambre des communes. Nous pouvons tenir un débat à la Chambre des communes, et nous devons le faire. Nous pourrons continuer à le faire dans les années à venir. Dans les mois et les années à venir, je serai heureux de participer à ces débats, mais nous sommes des députés. Nous ne sommes pas des experts. Les experts témoignent devant nous. Nous devrions les écouter, réfléchir à ce qu'ils ont dit, examiner attentivement leur témoignage et parvenir à un consensus ensemble comme nous l'avons fait pour tous les autres rapports que nous avons produits.

  (51805)  

     Nous devrions donc faire ce que M. Bagnell propose dans son sous-amendement, à savoir nous assurer que le gouvernement donne une réponse. La seule façon de s'assurer que notre comité a une incidence est de veiller à ce que non seulement nous rédigions un rapport éclairé, mais également que le gouvernement soit tenu responsable de répondre et de s'attaquer à ces enjeux.
    Nous, ainsi que d'autres intervenants, pouvons demander au gouvernement de rendre des comptes quant aux mesures qu'il a dit qu'il prendrait dans sa réponse, mais M. Bezan ne veut pas que le gouvernement donne suite. Il ne veut pas tenir le gouvernement responsable de la résolution de ce problème. La seule raison qui expliquerait cela, selon moi, est que les membres de cet avis ne veulent pas vraiment résoudre le problème.
    M. Bezan veut que ce débat soit tenu à la Chambre des communes pour faire les gros titres et faire de la politique. Ce n'est pas la raison pour laquelle je suis ici. Ce n'est pas la raison pour laquelle je me suis présenté aux élections. Les survivants s'attendent à mieux et méritent mieux.
    Mme Batek poursuit son témoignage ainsi:
Comme dans toute ACS+ de divers facteurs identitaires, nous voulons présenter la perspective des survivants de traumatismes sexuels dans le contexte militaire et de possibles solutions aux Forces armées canadiennes en tant que voix professionnelle, ainsi qu'à d'autres intervenants comme Anciens Combattants Canada.

Nous en sommes actuellement à l'étape de construction de notre organisation, mais nous voulons représenter divers facteurs identitaires, ce qui inclut les hommes, les Autochtones, les anciens combattants, les personnes LGBTQ+ et les civils, car le problème ne touche pas seulement les femmes. Oui, j'ai bien dit « civils », car il est important de souligner qu'une culture de sexualisation dans le contexte militaire n'a pas des répercussions que sur les militaires. Elle en a au-delà du périmètre du lieu de travail, soit sur la vie des familles, des conjoints et des enfants des militaires, ainsi que sur la collectivité dans son ensemble.
    Permettez-moi de m'arrêter sur ce point.
    Mme Batek nous indique que ce problème va bien au‑delà de ce que beaucoup de gens pensent. Elle parle des survivants civils. Elle parle d'autres groupes de personnes qui sont touchées. Je pense que nous devons l'entendre, nous devons écouter, puis nous devons rédiger un rapport éclairé qui tienne compte du témoignage de Mme Batek et de celui des autres survivants, des experts et des autres personnes que nous avons entendus. Je sais que ce sera un travail difficile et qu'il faudra trouver beaucoup de consensus, mais nous devons le faire, car c'est ainsi que nous pourrons produire un rapport qui changera les choses ou formuler des recommandations au gouvernement qui feront bouger les lignes.
    Nous avons besoin que l'amendement de M. Bagnell soit adopté, car nous avons besoin que le gouvernement soit responsable de la mise en œuvre de ces mesures. Si le gouvernement met en œuvre les mesures que nous recommandons, nous contribuerons à résoudre le problème des agressions et des inconduites sexuelles dans l'armée.
    Je dis qu'il faut écouter les survivants. Je dis que nous devons rédiger un rapport qui soit éclairé, qui nous permette de parvenir à un consensus, qui exige une réponse et la prise de mesures du gouvernement, car je pense que les survivants ne méritent pas moins.
    Merci, madame la présidente.

  (51810)  

    Merci beaucoup, monsieur Baker.
     La parole est maintenant à M. Bagnell. Allez‑y s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
    Nous sommes de toute évidence dans une impasse. Nous ne pouvons formuler des recommandations pour aider les militaires et les survivants puisque l'opposition refuse en ce moment de retirer une motion qui aboutirait à un rapport déraisonnable.
    J'ai proposé un moyen de faire avancer les choses. Je n'ai pas encore déposé d'amendement, mais il s'agit d'un compromis qui nous permettrait de formuler des recommandations pour aider les militaires ainsi que les hommes et femmes qui voudraient s'enrôler dans l'armée dans le futur, et pour permettre aux survivants de se faire entendre. Ma solution consiste en gros à passer en revue toutes les recommandations de tous les intervenants, à déterminer celles sur lesquelles nous sommes unanimes quant à l'application du processus de M. Bezan, à présenter ces recommandations puis à aborder les questions les plus difficiles en dernier.
    Je n'ai pas entendu d'objections de la part des partis d'opposition, donc je suppose qu'ils en discutent encore. Le Comité devra attendre de recevoir une réponse avant que nous puissions aller de l'avant.
    Comme cette motion en particulier ne nous permet pas de débattre des recommandations — si ce n'est que pendant deux minutes ce qui, comme l'a mentionné l'intervenant précédent, est totalement inapproprié lorsque plusieurs recommandations très sérieuses doivent être examinées —, ce que je souhaite réellement aujourd'hui est de proposer quelques grandes recommandations. Ensuite, les membres qui le souhaitent pourront m'aider à les formuler ou à les reformuler, ou s'y opposer. Nous pourrions avoir un débat sur chacune des recommandations, mais ce débat devra attendre.
    Avant, je voudrais… comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui et à maintes reprises lors d'autres réunions et comme la personne avant moi l'a mentionné… Nous devons établir des recommandations de grande portée en nous basant sur ce que les témoins nous ont dit et sur ce que les experts nous ont dit. Les recommandations que je soumettrai lors des prochaines réunions sont fondées sur les témoignages de ces experts et de ces témoins, comme le font tous les comités. Ceux‑ci entendent des témoins et fondent leur rapport sur ces témoignages, sur ce que les témoins ont dit et ont recommandé.
    Permettez-moi de reprendre certains témoignages d'experts devant d'autres comités, car certaines des recommandations que je formulerai plus tard en sont inspirées.
    Mme Lalonde a indiqué:
Je peux vous dire que, partout dans le monde, c'est chez les victimes de viol et de violence à caractère sexuel que l'on remarque le plus haut taux de syndrome de stress post-traumatique. Au deuxième rang, c'est chez les militaires. Il est urgent de prendre cela au sérieux.

Il ne faut pas hiérarchiser les traumatismes. Lorsque leurs traumatismes ne sont pas considérés comme équivalents aux traumatismes causés par la guerre, les victimes de violence à caractère sexuel ne reçoivent pas le soutien qu'elles méritent, et ce n'est pas acceptable. C'est inacceptable.
    Je présenterai plus tard une recommandation concernant notre rapport qui portera exactement sur ce qu'elle a dit, à savoir que ce type de traumatisme doit être traité de la même manière que les autres types de traumatisme.
    Une autre question a ensuite été posée: « Dans quelle mesure est‑il important que ce soit un moyen en constante évolution de trouver des solutions? […] Dans quelle mesure est‑il important que ce processus soit en constante évolution? »
    Le Dr Okros a répondu:
Tout d'abord, je suis tout à fait d'accord pour dire que c'est important, et je suis tout à fait d'accord sur l'évolution. L'un des défis de l'opération Honour était qu'il y avait une finalité. La société canadienne n'a jamais cessé d'évoluer et, par conséquent, les Forces armées canadiennes doivent continuellement évoluer. Je pense que ces processus seront utiles et nécessaires à l'avenir.

  (51815)  

L'autre commentaire que je ferais est que, bien qu'on s'efforce de rejoindre les gens, il faut, encore une fois, comprendre les conséquences du traumatisme sexuel militaire. Il faut comprendre qu'il y a encore des personnes qui ne sont pas capables ou désireuses ou en position de se manifester et de parler. Je pense qu'une partie de ce travail doit consister à rejoindre les organisations et les collègues avec lesquels ces personnes sont disposées à parler, afin qu'elles puissent faire entendre leur voix.
    D'autres militaires de haut rang nous ont dit que d'autres cas qui n'avaient tout simplement pas pu être présentés dans les circonstances allaient être mis au jour. C'est le type de recommandation sur lequel nous devrions nous pencher, à savoir comment faire en sorte que les victimes puissent en parler facilement et adéquatement sans subir de représailles.
     Je vais continuer à lire le témoignage.
Le dernier commentaire succinct que je ferai est que nous devons faire très attention aux personnes qui parlent au nom des autres. Je ne peux pas parler au nom des membres des forces armées, et je ne peux certainement pas parler au nom des femmes. Je pense que c'est préoccupant lorsque des personnes choisissent de parler au nom d'autres groupes.
    C'est pourquoi il est très important que nous entendions directement les victimes et les personnes concernées sur le terrain qui peuvent décrire les situations horribles qu'elles ont vécues. J'essaie encore et encore de me mettre à leur place et je ne sais pas comment je réagirais. Nul ne peut diminuer la gravité de ces situations au cours d'une vie.
    Il parle ensuite du déséquilibre des pouvoirs. La question était la suivante: « de quelle manière devons-nous traiter [cela], … afin d'être en mesure de prévenir ce type de comportement dès le départ? » En ce qui concerne la citation du débat à la Chambre des communes mercredi soir que j'ai lue précédemment, j'ai mentionné une citation qui y était liée auparavant dans cette réunion. J'ai parlé d'une citation relative au déséquilibre du pouvoir. Le Dr Okros a répondu:
Cette démarche fait partie de la connaissance de soi et de la compréhension de soi. Je pense que plus nous pouvons prendre des mesures pour aider les gens… Je dois dire que je suis le meilleur exemple ici. Les vieux hommes blancs comme moi, en particulier, doivent vraiment ouvrir les yeux et commencer à apprendre. Nous devons également examiner les coutumes et les pratiques qui renforcent ces choses. On peut en observer un exemple simple dans ce comité.
    C'est à ce comité qu'il s'adressait.
L'ordre des interventions et la durée des questions signalent une hiérarchie du pouvoir. Nous devons réfléchir au message qui est véhiculé. Qui est la personne la moins importante sur cet écran en ce moment? Quels sont les moyens par lesquels nous pouvons niveler ou aborder ces questions ou faire en sorte que ceux qui ont l'impression d'être les moins importants aient encore le pouvoir de s'exprimer et de dénoncer la situation?
C'est complexe. Toutes les organisations, toutes les institutions, la pratiquent. Il faut des communications ouvertes. La chose la plus importante à laquelle je veux revenir est qu'il faut que les voix les plus faibles soient entendues le plus possible.
     Je suis sûr que ce n'est tout simplement pas le cas pour le moment, comme vous l'avez constaté dans les témoignages que nous avons entendus. Nous avons matière à réflexion, mais nous n'avons obtenu aucune solution facile. Je ne connais pas toutes les solutions. C'est pourquoi nous devons débattre pendant plus de deux minutes de ces recommandations très sérieuses et essayer d'arriver aux meilleures conclusions sur celles‑ci.
    Concernant l'urgence d'agir maintenant, le Dr Okros a déclaré:
C'est urgent. Des gens souffrent encore. Nous avons des membres en interne dans l'armée. On l'a dit. Ils ont perdu confiance. Il faut la rétablir de toute urgence. Les Canadiens doivent avoir confiance en leurs militaires. Ils doivent avoir la certitude que lorsque des jeunes femmes, des jeunes hommes et des personnes d'identités diverses choisissent de servir le Canada en uniforme, ils seront traités avec respect et auront de bonnes carrières, bien remplies et significatives. Il faut communiquer ce message efficacement.
    Christine Wood a poursuivi par la suite en parlant du passage à l'action:
Je peux vous dire des choses que vous avez déjà entendues.

Les victimes ont besoin de soutien. Elles sont de plus en plus nombreuses à se manifester et il n'y a toujours pas de filet de sécurité pour elles. Ces personnes ne se manifestent pas pour signaler une simple incohérence qu'elles ont constatée dans des documents administratifs. Elles parlent de l'expérience terrifiante qu'elles ont vécue, de l'anxiété qui les affaiblit et de leur confiance en soi ébranlée. Elles sont brisées. Il est tout simplement immoral de continuer à leur demander de dénoncer si on n'a pas en place un plan pour les soutenir.

  (51820)  

Je tiens à être clair: nous demandons les mêmes mesures d'aide que celles demandées il y a quatre ans, soit une plateforme nationale en ligne de soutien par les pairs, la thérapie de groupe, la thérapie ambulatoire et les soins psychiatriques aux hospitalisés lorsque nécessaire, lesquels doivent être adaptés au traumatisme sexuel dans le cadre du service militaire. Les services doivent tenir compte des traumatismes et doivent permettre de traiter les blessures morales causées par la trahison des confrères et consœurs militaires.
    C'est pourquoi j'ai dit dans ma recommandation que j'allais la soumettre plus tard à un débat approfondi. Nous devons parler du soutien par les pairs qui a été recommandé ici.
    Si le Comité présente des recommandations, il aidera les survivants. Si l'opposition nous laisse sortir de cette impasse et si nous pouvons présenter des recommandations, les gens voudront avoir la certitude que celles‑ci seront mises en œuvre. C'est pourquoi mon amendement à la motion vise à ce que le gouvernement nous confirme qu'il procédera à la mise en œuvre.
    Il a été suggéré que la confiance s'effrite et nous devons régler ce problème. Certains hauts gradés de l'armée font actuellement l'objet d'une enquête et nous allons évidemment laisser les choses suivre leur cours.
    En ce qui concerne le ministre, je sais que M. Bezan a prêté le flanc à beaucoup de critiques aujourd'hui, mais ce n'est pas lui qui a soulevé la question, c'est un autre membre du Comité. Si les membres du Comité s'intéressent réellement au progrès, je leur demande: quand avons-nous eu un ministre aussi ouvert au progrès? Je tiens à répéter aux médias qui nous regardent aujourd'hui, mais qui n'ont pas assisté aux réunions précédentes du Comité que j'ai parlé pendant près d'une heure des réalisations de ce gouvernement et de ce ministre. Voilà une bonne référence à consulter pour les gens qui seraient tentés de dire que rien n'a été fait.
    Évidemment, le ministre est le premier à admettre qu'il reste encore beaucoup à faire, comme en témoignent le Comité et les nombreux incidents décrits par M. Garrison et moi. Ce sont ces questions que nous devrions examiner.
    Permettez-moi de vous montrer que le gouvernement est prêt à répondre au cas où certains laisseraient entendre qu'il ne répond pas, parce qu'il n'a pas l'intention de donner suite, comme M. Baker l'a dit plus tôt aujourd'hui. Parmi les trois grands volets pour lesquels nous devrions réellement formuler des recommandations, le premier est le changement de culture.
    Pour vous montrer que le ministre est ouvert au changement de culture, permettez-moi de reprendre ses paroles en disant que tout est sur la table. Il attend simplement que le Comité aille de l'avant et présente des recommandations. En fait, il n'attend pas vraiment. Comme nous sommes dans l'impasse, il est allé de l'avant et a fait quelques nominations importantes, dont celle de Mme Arbour. Avec ou sans nous, il avance. Nous lui ferons certainement part de nos recommandations. Dans tous les cas, je le ferai.
    Cependant, pour vous montrer qu'il est ouvert, je vais le citer à tous ceux qui laissent entendre que le ministre manque d'ouverture et n'écoutera pas les changements que nous lui recommanderons. Comme tout le monde le sait, le changement est souvent difficile.

  (51825)  

    Nous pourrions prendre une réunion complète pour parler de la façon dont le ministre est prêt à examiner nos propositions, celles des victimes et celles des experts sur les façons de nous attaquer à une situation difficile qui touche non seulement notre armée, mais les armées du monde entier. Il va de soi que la culture est importante, car on ne peut pas rejeter complètement le blâme sur une personne si la culture rend acceptable une situation. Nous sommes des êtres sociaux, alors nous devons améliorer cette culture.
    Pour montrer que le ministre est ouvert au changement, je vais simplement citer des extraits de son témoignage. Par exemple, il a dit devant un autre comité:
Nous nous sommes tous engagés à changer la culture. Je crois que votre comité pourrait formuler de merveilleuses recommandations, mais il faut aussi examiner quels changements doivent être apportés.

Ce qu'il faut faire, ce n'est pas simplement consulter un rapport, lire une recommandation, l'accepter, puis penser que tout est réglé.
     Les propos du ministre sont perspicaces. J'ai mentionné lors de réunions précédentes que je pourrais parler pendant une heure des réalisations en faisant le point sur une procédure administrative que je pensais bien meilleure que la précédente, mais évidemment, comme le ministre l'a dit dans les extraits que j'ai cités, les recommandations ne fonctionnent pas toutes. Il ne suffit pas de formuler une recommandation. Il faut ensuite faire un suivi approprié.
    Le ministre a poursuivi ainsi:
Par exemple, je pourrais faire une longue liste de toutes sortes de choses, mais je prends toujours en considération les résultats que cela donne sur le terrain.

Quand une personne s'enrôle, est-elle dans un environnement sécuritaire pendant l'instruction de base?
    Encore une fois, il est très perspicace, car comme il a déjà été mentionné, il y a eu un incident lors de l'instruction de base. Il a été recommandé d'intégrer ce point à l'inconduite sexuelle et aux comportements inappropriés, mais les participants à l'instruction ont assailli le formateur avec leurs rires et leurs moqueries, parce que c'était ce que dictait la culture. Par conséquent, la recommandation ne peut se limiter à cela. Comme le dit le ministre, il doit y avoir un suivi.
    Permettez-moi de citer à nouveau le ministre au sujet de la création d'un environnement sûr:
Disons qu'un problème survient, par exemple concernant une conversation religieuse, une question de genre ou les droits des personnes LGBTQ ou quoi que ce soit d'autre, nous devons agir immédiatement, conformément à la Loi sur l'équité en matière d'emploi.

Est‑ce que nous avons les groupes d'action appropriés, et leur structure de gouvernance est-elle correcte? C'est ce genre de choses que le comité indépendant sur le racisme systémique, les préjugés sexistes et les droits des personnes LGBTQ étudie présentement: il cherche à établir quels sont les problèmes en étudiant rigoureusement la situation dans les Forces armées canadiennes et en déterminant quels changements doivent être apportés.
    Encore une fois, comme vous pouvez le constater, le ministre est ouvert au changement et a déjà pris des mesures importantes. Il incarne le type de champion dont nous avons besoin pour faire avancer nos recommandations.
    Le ministre a ensuite ajouté:
Je vous ai déjà donné des statistiques, même si ce ne sont pas les mesures que nous voulons utiliser pour nous évaluer, actuellement. Malgré tout, il faut admettre que nous avons fait des progrès, même si je n'appellerais pas cela une réussite. Nous sommes passés de 6 à 14 officiers généraux, et c'est important, mais cette voie — quand on examine ce qu'il y a de sous-jacent et quand on établit cette voie élargie —, on ne peut jamais l'arrêter.

En ce qui concerne la représentation des femmes, pourquoi les pourcentages précédents étaient-ils loin d'être encourageants? Si c'était 15 % de femmes dans le passé, pourquoi n'avions-nous pas 15 % de femmes avant? L'un de mes objectifs a été d'appliquer immédiatement ces changements, pour faire en sorte que si une personne avait une plainte, elle pouvait la présenter sans crainte de représailles.

Quand j'approuve la nomination d'un officier général, je ne me soucie pas de leur capacité de commander; j'ai déjà confiance en leur capacité. Ce que je me demande, c'est si ces personnes peuvent assumer un rôle de chef et changer la culture. Dans le cas contraire, ce n'est pas une bonne idée de leur donner une promotion, mais si tel est le cas, alors nous voulons leur donner des ressources suffisantes pour le faire.

  (51830)  

    Encore une fois, avec les changements qu'il a apportés, le ministre a presque une longueur d'avance sur nous. Il s'agit de l'une des recommandations que j'ai qualifiées de nécessaires et auxquelles le secrétaire parlementaire a fait référence: ce qui est pris en considération lors d'une promotion. Il est évident qu'il faut en tenir compte dans nos recommandations et dans nos systèmes.
    Le ministre a ensuite ajouté:
Nous voulons aussi nous assurer qu'il y a des femmes parmi les officiers supérieurs qui participent à la discussion, pour que tout le monde soit représenté adéquatement. Ce n'est pas le critère par excellence, mais nous pouvons ainsi nous assurer que nous avons les bonnes personnes pour mettre en place les bonnes structures. Nous devons examiner comment les enquêtes indépendantes sont menées.
    Bien sûr, j'ai mentionné plus tôt une question à ce sujet qui pourrait concerner la nomination du général Vance. Les survivants ont également soulevé une seconde grande question, que je ne vais pas aborder maintenant, mais qui concerne l'intervention de la chaîne de commandement dans les enquêtes.
    Le ministre a ensuite ajouté:
Nous devons évaluer si nous avons les bonnes ressources en place, pour soutenir les gens.
    Dans les témoignages que j'ai lus il y a quelques minutes, les experts avaient soulevé l'un de ces points et le ministre a raison sur ce point:
Il y a une question que j'aimerais poser… si une personne a fait quelque chose dans le passé, est‑il acceptable qu'elle s'enrôle dans les Forces armées canadiennes? Si une personne fait quelque chose alors qu'elle fait partie des Forces armées canadiennes, pourquoi ne pouvons-nous pas l'en expulser plus tôt?
    Le ministre se penche déjà sur toutes ces questions et il va manifestement de l'avant et prend en considération des éléments très importants. Cependant, nous pourrions bonifier ces démarches. Nous avons passé beaucoup de temps à étudier et à entendre des experts et des témoins. Nous pourrions donc bonifier ces démarches si les gens coopèrent et se rallient quant aux recommandations sur lesquels nous pouvons nous entendre. Évidemment, il y a des choses sur lesquelles nous ne serons pas d'accord.
    Le ministre a ensuite ajouté:
Nous devons passer par tout le processus judiciaire de freins et contrepoids, et la décision ne me revient pas, au bout du compte. C'est la loi.
Nous devons respecter la loi, et s'il y a des changements à apporter, nous devons suivre le processus parlementaire pour modifier ces lois et apporter les changements appropriés. Au bout du compte, nous tous — y compris votre comité, et je suis impatient de lire vos recommandations — devons pouvoir évaluer toutes les retombées de chaque recommandation, pour voir toute l'incidence qu'elles peuvent avoir.
Trop souvent dans le passé, nous avons procédé à des changements, mais sans obtenir les résultats voulus. Quand je suis devenu ministre, la dernière chose que je voulais, c'est faire ce genre de discours. Je voulais mettre l'accent sur les mesures elles-mêmes et sur les changements que nous apportions.
    De mon point de vue, le ministre est perspicace. Nous n'entendons pas assez souvent que c'est la mesure des résultats qui compte. Nous pouvons certainement nous pencher sur cette mesure, si nous sommes autorisés à avoir une discussion sérieuse sur les recommandations.
    Le ministre a ensuite ajouté:
Nous avons réalisé des progrès, et nous en sommes fiers, mais il reste évidemment beaucoup de chemin à parcourir.
    Comme j'ai mentionné plus tôt, le ministre l'a dit à plusieurs reprises.
     Il a poursuivi:
Je suis très déçu du fait que nous n'ayons pas pu continuer. J'aurais voulu pouvoir tout faire disparaître d'un coup de baguette magique, mais ce n'est pas réaliste. Malgré tout, je n'ai pas baissé les bras avant, quand je servais pour aider les gens, et je ne vais pas baisser les bras maintenant.
Je suis déterminé à aider les Forces armées canadiennes et à veiller à ce que nous créions un environnement inclusif…
    Vous avez entendu plus tôt dans sa déclaration qu'il travaille déjà sur ce dossier.
… parce qu'il y a des gens au Canada présentement qui veulent servir leur pays, et ces gens ont droit de servir dans un environnement sans harcèlement pour réaliser leur plein potentiel. Nous n'arrêterons pas tant que nous n'aurons pas atteint ce but, peu importe le temps que cela va prendre.
     Vous voyez ainsi qu'il ne fait aucun doute que le ministre et le gouvernement sont prêts à répondre et qu'ils sont prêts à prendre nos recommandations au sérieux. Le ministre l'a dit précédemment: tout est sur la table.

  (51835)  

     C'est pourquoi j'ai dit à maintes reprises que nous devrions formuler des recommandations de grande portée qui aideraient les survivants et qui seraient fondées sur les témoignages des survivants et des experts que nous avons entendus. J'espère entendre d'autres témoignages afin de peaufiner les recommandations. Je souhaite que nous puissions en discuter longuement que ce soit pendant cette réunion ou les réunions suivantes.
     Je vais en rester là pour l'instant. Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Bagnell.
     La parole est maintenant à Mme Vandenbeld. Allez‑y s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je tiens à remercier mes collègues pour leurs interventions réfléchies aujourd'hui.
    Je suis toujours déçue que nous continuions à débattre des motions l'une après l'autre. L'opposition continue de rejeter tous les efforts visant à retirer cette motion, à mettre fin au débat ou même à lever cette réunion puisqu'elle sait que nous pourrions alors passer directement aux rapports. Je suis déçue que les trois partis d'opposition aient repoussé les efforts qui ont été déployés de bonne foi pour nous sortir de cette impasse.
     Tout à l'heure, M. Bagnell a présenté sa proposition — que je crois très sincère — pour nous sortir, du moins en partie, de cette impasse. J'ai été particulièrement troublée de voir que les membres de l'opposition présents dans la salle se sont moqués de lui et l'ont ridiculisé. C'est une chose d'être en désaccord, mais c'en est une autre de se moquer des autres. Je crois vraiment que nous sommes au‑dessus de cela. Je pense aussi que la proposition de M. Bagnell était sincère, tout comme l'étaient les diverses propositions que j'ai présentées aux trois partis d'opposition et sur lesquelles se sont penchés d'autres membres du Comité.
     À ce stade, la meilleure chose que nous puissions faire est de nous assurer, indépendamment de ce qui se passe avec les rapports, en particulier lorsque nous avons des motions qui demandent au gouvernement de ne pas donner suite… Je remercie sincèrement M. Bagnell d'avoir présenté un amendement qui mentionne que nous avons besoin d'une réponse du gouvernement. Pourquoi sommes-nous ici si ce n'est que pour déposer un rapport au Parlement pour que le gouvernement puisse y répondre et prendre des mesures? J'ai de l'espoir, mais je suis aussi très déçue que personne ne semble faire preuve de bonne foi ni de volonté pour nous sortir de cette impasse.
    Cela dit, j'aimerais reprendre là où je me suis arrêtée la dernière fois et parler de certaines des recommandations très importantes que des témoins, des survivants, des universitaires et des experts ont présentées à notre comité, au Comité FEWO et à nous en tant que membres du Parlement. Je pense que ces recommandations sont d'une importance vitale. Je suis très heureuse d'entendre mes collègues souligner qu'il faut accorder plus d'importance à la voix des survivants et des experts. Nous avons entendu des universitaires qui ont consacré toute leur carrière universitaire à l'étude de ce type de questions et qui avaient des solutions à proposer. Nous avons entendu beaucoup de recommandations et de solutions. Je souhaite rappeler ces témoignages et renforcer ces voix et recommandations.
     Ceux qui ont regardé cette réunion auparavant se souviendront que j'ai passé en revue une liste des diverses recommandations que nous avons établies sur la base des témoignages, en particulier des témoignages des survivants. Nous les avons compilées dans une section sur le changement de culture dans les Forces armées canadiennes. Je vais commencer là où je m'étais arrêtée.
     La recommandation suivante porte sur le manque généralisé d'expertise en matière d'inconduite sexuelle, de changement de culture ou de questions de genre dans les Forces armées canadiennes.
     Je pense qu'il est intéressant que les survivants aient souligné cet élément en particulier, car je pense que le « manque d'expertise » peut signifier beaucoup de choses. Tout d'abord, je crois que l'expertise dans ce dossier est de plus en plus grande. Bien sûr, le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, ou CIIS, qui se trouve du côté du ministère, est en train d'acquérir de l'expertise non seulement pour ce qui est des personnes, mais aussi des données recueillies, des connaissances combinées et de la création de connaissances provenant des expériences vécues. Je crois que, grâce à la formation que nous avons mise en place, l'expertise est de plus en plus grande, des deux côtés assurément de même qu'au sein des Forces armées canadiennes. Cependant, je pense que les survivants ont surtout présenté cette recommandation pour parler des lacunes.
    Nous savons que le travail quotidien d'une personne formée pour devenir un soldat, un marin ou un aviateur est de protéger les Canadiens.

  (51840)  

     Ces gens sont très spécialisés et bien formés. Or, malgré cela ils ne possèdent pas nécessairement l'expertise approfondie nécessaire pour donner des conseils, notamment en ce qui concerne le changement de culture institutionnelle. Le changement de culture n'est pas facile, surtout lorsqu'il dépend de l'introspection.
     J'ai collaboré avec des institutions partout dans le monde, avec ONU Femmes et d'autres institutions internationales au sujet du changement de culture. Le changement de culture requiert un regard extérieur, tout simplement parce que la culture est quelque chose que l'on ne connaît pas. Lorsqu'une personne évolue dans une culture institutionnelle particulière, il peut être très difficile pour elle de reconnaître les éléments qui composent cette culture. Ces éléments vont de soi et certains paradigmes sont adoptés par l'ensemble du personnel. À moins qu'une personne ne soit directement confrontée à un élément qu'elle considère comme une évidence et qu'on lui demande pourquoi elle a cette croyance, pourquoi elle applique cette notion particulière et qu'on lui demande d'y réfléchir, cette culture particulière et ce paradigme ne changeront pas. C'est pourquoi une expertise externe est nécessaire.
     Je pense que l'expertise est requise sur plusieurs fronts. Il faut, bien entendu, des personnes expertes en matière d'inconduite sexuelle et des experts en traumatisme qui comprennent comment mener les enquêtes. Nous avons besoin d'experts essentiellement pour savoir comment répondre à ces questions, mais aussi pour changer la culture, la culture institutionnelle, les processus et les procédures. Les survivants demandent eux-mêmes que l'expertise vienne de l'extérieur des Forces armées canadiennes pour qu'en quelque sorte les experts servent de miroir et montrent à quoi ressemble la culture pour quelqu'un qui n'en fait pas partie et, pour être honnête, pour quelqu'un qui ne s'efforce pas de maintenir le statu quo. Je pense que c'est très révélateur.
    Beaucoup d'entre nous savent que lorsqu'une personne fait partie d'une institution, et que, certes, elle croit fondamentalement en cette institution, elle vivra une véritable trahison si cette institution la laisse tomber. Les militaires dans les Forces armées canadiennes, en raison de leur nature, croient en ce qu'ils font, croient en l'institution. Il est très difficile pour eux de faire une introspection et de dresser la liste des défauts de cette institution. Je pense que cette recommandation particulière est importante et mérite certainement de figurer dans un rapport.
     La recommandation suivante consiste à reconnaître que « l'approche actuelle des Forces armées canadiennes en matière d'autosurveillance est trop réactive, incohérente, linéaire et simpliste pour être efficace et réussir à lutter contre le problème complexe de la violence sexuelle. »
     Je pense que les mots choisis par les survivants et les témoins sont très révélateurs et très importants. Tout d'abord, nous avons l'idée que l'autosurveillance est « trop réactive ». Je pense que c'est, malheureusement, une situation que nous avons observée, soit de ne pas examiner de façon proactive une situation, de ne pas faire de prévention ou de ne pas prendre de mesures avant qu'il y ait une crise ou un problème important. Je crois que c'est un élément qui a été reconnu. Le chef par intérim, le ministre, moi-même et bien d'autres l'avons reconnu. L'approche d'autosurveillance ne doit pas être réactive, mais doit être appliquée avant que la situation ne devienne critique. C'est très important.
     La prochaine est encore plus importante. C'est que l'approche actuelle des FAC est « incohérente ». C'est un élément mentionné dans les témoignages. Nous avons certainement constaté des différences dans la manière dont les hommes et les femmes qui ont commis presque le même ou exactement le même délit sont traités. Dans certains cas, la chaîne de commandement offre des ressources qui permettent de résoudre le problème de manière équitable et juste, et d'obtenir des résultats justes. Mais, dans d'autres… Je pense que c'est la raison pour laquelle le juge Fish a recommandé que la chaîne de commandement soit retirée des enquêtes militaires impliquant la police militaire ou le Service national des enquêtes des Forces canadiennes. Les enquêtes ne doivent pas s'appuyer sur la chaîne de commandement, en particulier si le problème se trouve dans la chaîne de commandement.

  (51845)  

    Si c'est là que se produit le harcèlement, il est très important que l'enquête soit menée de manière indépendante sinon le processus est incohérent.
    La seule chose qui est nécessaire est que les gens puissent avoir confiance dans l'institution, qu'ils aient le sentiment qu'ils seront traités de façon juste, qu'ils soient la victime ou l'auteur, qu'il s'agisse d'une inconduite sexuelle grave ou d'une blague, ce qui est aussi très grave. Cependant, quel que soit le problème, c'est la cohérence de la réponse qui importe. Les gens doivent savoir que, peu importe qui dénonce la situation, peu importe le rang ou le poste de la personne qui commet l'infraction, peu importe où ils se trouvent dans la chaîne de commandement, peu importe leur rôle, les politiques, les procédures, les valeurs et les processus seront appliqués de façon cohérente pour que le résultat soit juste.
    En fait, selon moi, un résultat est juste lorsqu'il est cohérent et qu'il ne changera pas selon qui se trouve dans l'unité, la chaîne de commandement ou la personne.
     Ensuite, je vais être honnête. Je ne suis pas certaine de la signification de « linéaire » ici et je pense que nous devrions réfléchir un peu plus au choix de ce mot. Les survivants ont décrit l'approche actuelle d'autosurveillance des FAC comme étant trop linéaire. Ce n'est que mon interprétation, mais je crois que ce que les survivants veulent dire quand ils parlent de trop linéaire c'est qu'une action est commise puis une conséquence est appliquée. Le processus est une ligne droite. Il ne tient pas compte de l'ensemble du contexte et il ne fait pas un tour d'horizon complet. Il ne faut pas seulement s'en tenir à ceci égal b, cela égal c, mais il faut s'assurer d'examiner l'ensemble de la situation pour pouvoir réellement changer la culture. Cependant, je ne suis pas certaine de mon interprétation. C'est une question que nous pourrions certainement approfondir un peu plus.
     Le terme suivant est un peu plus facile à comprendre. Le mot « simpliste » a été choisi pour décrire l'approche actuelle d'autosurveillance des FAC. C'est un piège dans lequel il est facile de tomber.
    Nous avons vu qu'il s'agit d'un problème complexe. Au début, lorsque nous avons commencé notre étude, qui, je le rappelle aux membres du Comité, devait durer trois jours et dure maintenant depuis quatre mois, je pense que la plupart d'entre nous pensaient comprendre la question. La plupart d'entre nous pensaient maîtriser un peu la situation. Nous savions que de mauvaises choses s'étaient produites et nous pensions savoir comment y remédier. Cependant, plus nous avons approfondi le sujet, plus nous avons entendu de témoins, plus nous avons entendu d'universitaires, de membres des FAC, d'autres intervenants qui font partie eux-mêmes du processus, je pense que nous avons compris à quel point le problème est complexe. C'est exactement la raison pour laquelle la motion qui nous est présentée, selon laquelle nous ne pouvons consacrer que deux minutes chacun pour discuter de ces recommandations, ne fonctionne pas. L'enjeu n'est pas simpliste. Il est très nuancé et très compliqué. Même les solutions sont compliquées.
    Nous avons entendu tant de propositions de la part de témoins très crédibles. Dans certains cas, ces propositions étaient complémentaires, mais dans d'autres cas, elles étaient contradictoires.
    Certains ont proposé des solutions, selon lesquelles il faut regrouper tous les éléments dans une même solution. Nous devons regrouper le CIIS, l'ombudsman et les fonctions d'inspecteur général sous un seul toit. D'autres ont dit que si le service qui mène l'enquête sur les auteurs des actes est sous le même toit que le service de soutien aux survivants, les défenseurs, le service-conseil, la politique et les données, il doit y avoir une sorte de séparation. Autrement, les mêmes personnes conseillent les survivants, mènent l'enquête et fournissent du soutien ou appliquent les procédures pour les personnes qui ont eu ce mauvais comportement.
    Nous l'avons entendu. Nous avons entendu un certain nombre de solutions différentes quant à la manière dont il faut rendre compte au Parlement. Que signifie « indépendant »? Nous savons que lorsque le rapport Deschamps a été soumis aux plus hauts gradés des FAC en 2015, la définition d'indépendance pour les FAC était que le processus soit à l'extérieur des Forces armées canadiennes et à l'extérieur de la chaîne de commandement.

  (51850)  

    Sous la responsabilité du ministère de la Défense nationale, le côté civil de la Défense nationale, le processus ne fait pas partie de la chaîne de commandement, parce que les fonctionnaires ne sont pas des militaires, même si beaucoup d'entre eux sont d'anciens militaires. Ce processus a été considéré par beaucoup comme indépendant.
    Nous savons maintenant que cela n'a pas fonctionné. Nous savons maintenant que l'indépendance n'est pas suffisante. De nombreux témoins nous ont dit que ce processus ne fonctionnait pas pour eux, que le fait de le placer sous la responsabilité du MDN n'était pas nécessairement ce que Mme Deschamps aurait voulu. Cependant, de nombreuses personnes avaient interprété le rapport de cette façon.
     Maintenant que nous l'avons compris, je soulignerais au passage que nous voyons aussi pourquoi il est si important que Mme Arbour soit en poste. Mme Deschamps a fait un travail très efficace en cernant le problème et en déterminant ce qu'il fallait faire. Il faut un organisme indépendant. Cependant, il faut maintenant régler le problème, établir une feuille de route et préciser comment y parvenir. Demandez à 25 des personnes qui sont venues témoigner et vous obtiendrez probablement 25 solutions différentes sur la façon d'y parvenir. C'est la partie la plus difficile. Ce n'est pas un secret. C'est quelque chose dont nous sommes conscients dans notre propre vie. Nous savons souvent ce que nous devons faire, mais nous ne savons pas comment le faire. Quelle est la première étape? Quel sera le résultat final? Quelles sont les conséquences imprévues? Ce dossier regorge particulièrement de conséquences imprévues.
    L'Opération Honour a eu des conséquences inattendues. Je crois que ceux qui ont mis l'Opération Honour en place initialement étaient de bonne foi et pensaient que l'Opération permettrait d'obtenir des résultats.
    Nous constatons aujourd'hui que bon nombre des mesures prises dans le cadre de l'Opération Honour n'ont pas eu l'incidence ou les résultats escomptés. Nous avons plutôt observé, en fait, que certaines mesures ont nui. Nous savons que certains facteurs comme le devoir de signaler ont privé de leur capacité individuelle d'agir les victimes, les survivants, les personnes qui sont victimes de certains types de comportements et qui ne sont peut-être pas prêtes à une enquête approfondie ou qui choisissent d'essayer de le faire d'une manière différente.
     Nous savons que parfois, dans certains cas, il vaut mieux s'assurer que les victimes aient la capacité d'agir et soient en mesure de contrôler comment et quand dévoiler la situation. Dans de nombreux cas, ce que la victime craint le plus est que l'auteur de l'infraction soit informé que quelqu'un s'est plaint. Cependant, en raison du devoir de signaler, dans certains cas, l'auteur a été informé du signalement avant que la victime ne se sente prête. Par contre, il est possible que, si l'on offre du soutien adéquat et des options appropriées aux victimes, que si ces dernières comprennent bien le processus et qu'elles sont accompagnées d'un porte-parole qui leur convient, elles voudront dénoncer, elles souhaiteront qu'une enquête soit menée et elles seront prêtes à confronter leur agresseur et à veiller à ce qu'il soit traduit en justice. Cependant, le devoir de signaler a retiré aux victimes cette capacité d'agir. Ce devoir contraint les victimes à prendre cette voie alors qu'elles ne sont pas prêtes ou qu'elles ne le veulent pas.
    C'est un problème épineux, car nous constatons que les témoins sont des acteurs très importants et que les personnes qui voient le mal doivent le dénoncer. C'est une chose vraiment difficile de savoir quand dénoncer quelqu'un. Nous appelons ce phénomène dans certains domaines du féminisme le « syndrome du chevalier blanc ».
     Je pense que la plupart d'entre nous, les femmes, avons vécu ce genre de situation où un allié très bien intentionné, un homme qui veut faire ce qu'il faut et défendre les femmes, intervient pour défendre une femme tandis que a) cette femme aurait été parfaitement capable de se défendre elle-même, ou b) elle ne voulait pas que quelqu'un la défende, parce que cela lui donne l'impression d'être incapable de se défendre.
     Le syndrome du chevalier blanc est vraiment difficile, parce que pour beaucoup d'hommes — j'ai parlé avec un certain nombre d'hommes, dans ma vie personnelle aussi, qui veulent sincèrement faire ce qu'il faut — il n'est pas facile de savoir quand il faut dénoncer, quand il faut signaler et quand on enlève à la victime sa capacité d'agir et son sentiment de pouvoir.
    C'est pourquoi il faut réfléchir au devoir de signaler et au devoir de répondre, car répondre ne veut pas nécessairement dire signaler, mais cela signifie qu'il faut agir.

  (51855)  

    Nous ne pouvons en faire abstraction. Nous ne pouvons pas le passer à l'as. Nous ne pouvons pas rester les bras croisés. Nous devons prendre des mesures. Nous devons prendre des mesures appropriées. C'est là qu'une grande partie de la formation entre en jeu. Pour en revenir à la recommandation précédente, c'est aussi là que se trouve une grande partie de l'expertise. Nous avons besoin de l'expertise externe de personnes qui connaissent ces situations et qui peuvent offrir de la formation et des conseils pour que chacune des mesures que nous prendrons n'ait pas de conséquences inattendues comme nombre des mesures que nous avons prises jusqu'à maintenant.
    Le reste de la recommandation se lit comme suit: « pour être efficace et réussir à lutter contre le problème complexe de la violence sexuelle ». Voilà. Dans leurs recommandations, les survivants eux-mêmes parlent d'un problème complexe. S'il s'agissait d'un problème facile, il aurait déjà été résolu. C'est un problème très difficile, car il ne s'agit pas du comportement d'une personne. Comme nous l'avons dit, le problème concerne tout le contexte et toute la culture: les hypothèses, les notions préconçues et la façon dont les gens interagissent entre eux.
     Permettez-moi encore une fois de revenir aux propos du Dr Okros, qui a très bien su nous expliquer les dynamiques de pouvoir observées et que, dans tout lieu donné, nous déterminons… Je pense que M. Bagnell a fait preuve d'une grande introspection lorsqu'il a parlé de déterminer qui est la personne la plus importante dans la salle. Comment abordons-nous cette question?
    Madame la présidente, dans cette salle, vous êtes assise à l'avant, ce qui indique à beaucoup de gens que vous êtes la personne la plus importante de la salle. Je suis plutôt d'accord. Wassim, le greffier, est assis à votre droite. Nous savons que le fait de s'asseoir à droite ou à gauche du président place la personne à un rang très élevé. Si une personne ne connaît personne dans la salle, elle aurait immédiatement une idée de votre importance. Ensuite, nous passons au langage corporel et à la façon dont les gens interagissent entre eux.
     Permettez-moi de revenir en arrière. J'ai parlé des personnes qui sont importantes, de la façon dont il est possible de les identifier et de la façon dont nous essayons de nous élever ou de diminuer les autres pour changer les structures sociales, et de ce qui est important. Je vais donc revenir sur ce qui s'est passé plus tôt dans cette réunion.
    M. Bagnell a proposé en toute sincérité une manière de nous sortir de cette impasse et de trouver un consensus. Il a alors été l'objet de railleries et de moqueries. L'un des principaux moyens par lesquels les gens se donnent du pouvoir est de ridiculiser et d'abaisser les autres, ainsi que de ricaner et de rire. C'est ce que nous avons vu ici même dans cette salle plus tôt aujourd'hui. Franchement, je suis extrêmement déçue, car nous sommes tous des députés et sommes tenus à des normes de comportement très élevées, en particulier les uns envers les autres. Nous savons que c'est le type de comportement que l'on cherche à diminuer. Ce comportement est utilisé pour montrer qui est important et ce qui ne l'est pas.
     Nous avons aussi vu ce comportement prendre d'autres formes. Nous l'avons vu dans le langage utilisé. Les hommes sont désignés par leur titre ou leur nom de famille — M. Untel —, tandis que les femmes sont presque toujours appelées par leur prénom. Nous pouvons observer ces situations dans un cadre public. Évidemment, dans un contexte personnel, la situation est différente. Or, dans un cadre public officiel, lorsqu'une personne appelle une autre par son prénom plutôt que par « monsieur » ou un autre titre, cette personne est abaissée.
    Ce sont des subtilités que nous faisons sans vraiment le savoir. Toutefois, si je repense à ce qui s'est produit plus tôt aujourd'hui, les membres savaient probablement ce qu'ils faisaient. Parfois, nous le faisons volontairement, parfois non.
    Je vais m'arrêter là, car j'ai beaucoup d'autres recommandations. Je tiens seulement à dire que les membres du Comité ont très bien travaillé ensemble pendant la première année et demie où j'en ai fait partie. Je sais que nous sommes maintenant dans une impasse. Cependant, j'espère vraiment que nous pourrons trouver un quelconque moyen de nous en sortir. Nous pourrions peut-être trouver un moyen de mettre nos intérêts personnels de côté, d'accorder la priorité aux survivants et de nous assurer que ces recommandations soient présentées. C'est pourquoi je les lis pour le compte rendu.

  (51900)  

    La séance est suspendue.
    [La séance est suspendue à 15 heures, le vendredi 11 juin.]
     [La séance reprend à 11 h 7, le lundi 14 juin.]

  (58705)  

    La séance est ouverte.

[Français]

    Bonjour et bienvenue à tous.

[Traduction]

    Le Comité reprend les travaux de la réunion numéro 32 du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui a commencé le vendredi 21 mai 2021.
    Si vous n'entendez plus l'interprétation, veuillez m'en informer immédiatement et nous nous assurerons qu'elle fonctionne avant de poursuivre. Il est important que chacun ait la possibilité de participer pleinement à ces travaux.
    Je rappelle de parler lentement et clairement et je vais essayer de faire de même pour nos interprètes. En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir rigoureusement l'ordre des intervenants pour tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
    Nous reprenons le débat sur l'amendement de M. Bagnell à la motion de M. Bezan.
    La parole est à Mme Vandenbeld.
    Merci, madame la présidente. Je crois que, lors de la dernière réunion, j'ai terminé en passant en revue certaines des recommandations très importantes présentées par les survivants dans leurs témoignages au FEWO ou soumises directement. Permettez-moi de commencer en disant que j'aurais aimé que l'opposition accepte de remettre le débat pour que nous puissions immédiatement passer aux rapports. Selon moi, nous devrions passer directement à la rédaction de trois rapports très importants.
    L'objet du débat actuellement est l'amendement qui exige une réponse du gouvernement. Je répète, encore une fois, que selon moi, il est inutile de produire un rapport sans demander au gouvernement d'y répondre. Par conséquent, nous en sommes toujours au même point. Je vais continuer à présenter ces recommandations importantes pour qu'elles soient consignées au compte rendu. Je pense que c'est très important. Ensuite, nous ferons de notre mieux pour nous assurer que des mesures sont prises pour y donner suite.
     Les survivants et les experts ont déployé beaucoup d'efforts et réalisé un travail monumental avant de témoigner devant notre comité.
     Nous l'oublions, parce que nous sommes ici en qualité de députés. Nous avons l'habitude d'être dans une salle de réunion en comité. Nous avons l'habitude de parler devant un comité. Toutefois, ce n'est pas une mince affaire de demander à une personne de venir témoigner et de répondre à des questions devant un comité, surtout si cette personne a été victime d'un traumatisme sexuel, ou si elle est une universitaire qui a passé sa vie à étudier une question. Son témoignage est un geste important et demande beaucoup de préparation.
    Je citerai des personnes comme la professeure Maya Eichler, qui, lorsqu'elle est venue ici, a eu 10 minutes pour son exposé. Cette professeure a littéralement consacré ses études universitaires aux Forces armées canadiennes, à la culture militaire et aux questions de genre. Elle avait beaucoup à offrir à ce comité, mais plutôt que de nous laisser le temps de lui poser des questions et d'interagir avec elle, les membres ont joué à des jeux et ont déposé des motions. Alors, tout ce qu'elle a eu, ce sont ces 10 minutes.
     J'aimerais beaucoup m'assurer que certains des témoignages et des éléments présentés par les témoins, les survivants et les experts figurent dans le compte rendu de ces travaux, lesquels figureront dans le Hansard et seront officiels. Pour ce faire, je vais les lire à haute voix. Je pense avoir terminé avec la recommandation selon laquelle l'autosurveillance est trop réactive et incohérente par rapport à la complexité du problème de la violence sexuelle. Je vais passer à la recommandation suivante, qui concerne l'utilisation d'un langage codé selon le sexe et la race qui renforce et accentue les hiérarchies sociales dans les Forces armées canadiennes.
     À mon avis, cette recommandation est très importante. Elle est liée en grande partie aux témoignages que nous avons entendus. J'ai parlé l'autre jour de la manière dont ces hiérarchies sociales sont établies. Ce langage est rarement empreint de franchise, mais il est utilisé. Il est rare qu'une personne en montre une autre du doigt en lui disant: « tu n'es pas à ta place » ou qu'une personne fasse une observation qui indique clairement qu'une personne n'est pas à sa place, qu'elle est marginalisée et qu'elle est différente. Ces observations passent par un langage codé.
    Je pense qu'il est intéressant de noter qu'en formulant ces recommandations, les survivants parlent d'un langage codé selon le sexe et la race, car nous ne pouvons pas distinguer… Il y a beaucoup de gens pour qui l'intersectionnalité ne fait que dupliquer et amplifier la situation à laquelle ils font face.
     Les femmes ont toujours été confrontées à la discrimination au sein des institutions, y compris dans l'armée. Par ailleurs, une femme transgenre sera confrontée à une discrimination encore plus grande. Une femme qui est racialisée, noire ou autochtone… Ces couches d'identité se cumulent. Je pense que nous ne pouvons pas nécessairement les distinguer lorsque les gens choisissent qui est à sa place et qui ne l'est pas… Certains témoins nous ont dit qu'il existe une culture toxique normative masculine. C'est le concept du guerrier. L'idée que pour être — et j'en ai parlé précédemment — un bon soldat, un bon pilote, un bon marin, il y faut un type particulier de personne.

  (58710)  

    Cela repose en grande partie sur une façon peu moderne de considérer l'armée. Nous savons que dans l'armée, il y a des postes dans tous les domaines. J'ai eu la chance — je crois que c'était il y a trois ans — de pouvoir monter à bord du NCSM Winnipeg. Nous avons navigué de San Francisco à Esquimalt dans le cadre du programme de leadership. Tous les députés peuvent prendre part à ce programme. C'est une excellente façon d'en apprendre plus sur la vie quotidienne des marins, qui font un travail formidable, et de comprendre vraiment ce qu'ils vivent.
    J'ai passé trois nuits sur le bateau. Très peu de gens ont l'occasion de voir comment aurait pu être leur vie s'ils avaient choisi une autre voie. Pendant trois nuits, j'ai pu voir de mes propres yeux ce qu'aurait été ma vie si j'avais fait un choix différent, si j'avais choisi de m'engager dans l'armée et de rejoindre la marine. Le fait de dormir dans une couchette dans le bateau, de manger avec les marins, de m'asseoir avec eux et de les écouter m'a permis de mieux comprendre leur situation.
    J'ai parlé à des femmes qui étaient sur ce bateau et qui rentraient à la maison. Elles étaient sur le bateau depuis six mois. Bien qu'elles soient loin de leur famille et de leurs enfants et qu'elles doivent faire des sacrifices, elles ont également un incroyable sentiment d'unité et de camaraderie…
    Une des recommandations à venir mentionne la loyauté de groupe. Je pense que cette loyauté, lorsqu'elle est trahie, rend les choses vraiment difficiles. J'ai vu la proximité des quartiers. J'ai compris que si une personne est victime de harcèlement sexuel, elle ne peut éviter ses collègues sur le bateau. Cette expérience a réellement changé les choses lorsque nous nous sommes assis pour discuter. La différence entre les gens, entre les façons d'abaisser, de diminuer ou d'élever les autres, d'améliorer l'esprit d'équipe et le leadership peut se répercuter sur l'ensemble du groupe.
    Je parlerai plus tard des autres expériences que j'ai vécues à bord du NCSM Winnipeg, des gens que j'y ai rencontrés et à quel point j'ai été impressionnée. Nous avons pu participer à des exercices d'incendie. Nous avons pu participer à des sauvetages de personnes tombées à la mer. Nous avons pu participer à de nombreuses activités quotidiennes. Nous avons vu la salle des machines. Nous avons vu la salle des opérations. Nous avons fait une simulation d'attaque où nous avons pu voir ce qui se passerait si le navire est touché par une torpille. La table dans la salle à manger peut se transformer en table pour les interventions chirurgicales. Comme l'espace est très limité, les choses ont plusieurs utilités.
    Cette expérience a été incroyablement révélatrice et m'a montré qu'il y a tout un éventail de métiers. Il y a tellement de façons de servir son pays que nous ne voyons pas à la télévision ou dans la culture populaire.
    Je vais reprendre encore une fois l'image du soldat dans la tranchée lors de la Première Guerre mondiale. L'armée aujourd'hui a tellement plus à offrir et pourtant persistent le stéréotype et l'image typique du militaire infaillible… Nous percevons toujours l'armée de façon très masculine et hétérosexuelle. Honnêtement, cette perception ne rend pas service à l'armée, car elle restreint l'éventail des compétences… Des hommes et des femmes. Je pense qu'il est très important de comprendre que la masculinité toxique qui ne favorise qu'un certain type de masculinité est tout aussi limitative et préjudiciable pour les hommes qui ne correspondent pas à ce stéréotype que pour les femmes.
     Permettez-moi de revenir à la recommandation qui porte sur le langage codé selon le sexe ou la race. Je peux imaginer que, dans un tel environnement, il y ait des microagressions et des commentaires qui peuvent être très subtils, mais qui sont des façons d'évoluer au sein du groupe. Je pense que nous l'avons tous déjà vécu. J'imagine que toute personne racisée, femme, autochtone ou LGBT, ou toute personne qui ne s'identifie pas à la norme du groupe dont elle fait partie a déjà vécu ce genre de situations.

  (58715)  

    J'ai certainement vu ces situations en politique, où certaines choses sont « codées »… j'aime le fait que les témoins aient utilisé le mot « codé », parce qu'il s'agit vraiment de « codes ». C'est un signe qu'une personne envoie à une autre pour lui dire: « cette personne est différente », « cette personne est autre » et « cette personne n'a pas sa place ici ». C'est une façon de créer les hiérarchies sociales comme le Dr Okros et d'autres l'ont mentionné dans leur témoignage.
     Parfois, je pense que les gens ne se rendent même pas compte qu'ils le font. Nous entendons des choses et nous les répétons. Je pense que parfois — surtout pour ceux qui font partie du groupe dominant — nous ne nous rendons même pas compte lorsque nous utilisons certaines expressions ou certains termes qui sont devenus si fréquents, du tort et des conséquences que ces mots peuvent avoir sur les autres personnes du groupe. Ces personnes ne se le font pas dire directement, mais jour après jour, par de petits gestes, des microagressions, certains mots et certains termes, ces personnes se font dire qu'elles n'ont pas leur place, qu'elles ne font pas partie du groupe.
    J'ai entendu certains survivants dire que l'accumulation continuelle au fil du temps de microagressions, de paroles et de situations qui font sentir à une personne qu'elle n'est pas à sa place à l'endroit où elle a choisi de consacrer sa vie pour une mission en laquelle elle croit profondément peut être encore plus dommageable. C'est ici qu'intervient, je pense, le sentiment de trahison. Des gens croient profondément au groupe dont ils font partie, dont l'objectif est la protection des Canadiens, l'instauration de la paix et de la sécurité dans le monde.
    Pour en revenir à ce que j'ai appris lorsque j'étais sur le NCSM Winnipeg et au travail que ces militaires font. Ils interceptent de la drogue dans les Caraïbes. Ils ont intercepté des pirates au large de la Somalie. Ils ont participé à de multiples efforts multinationaux pour assurer notre sécurité sur plusieurs fronts. Ils font des choses que nous ne savons même pas. Franchement, je pense que nous devrions probablement parler davantage des succès, des choses que nos militaires font et qui rendent notre vie quotidienne plus sûre. Je ne pense pas que ceux qui ont dans leur famille une personne souffrant de toxicomanie réalisent la quantité de drogues interceptées par nos militaires avant qu'elles arrivent en Amérique du Nord ou au Canada. C'est quelque chose que… prenons les jeunes qui doivent faire un choix de carrière…
    J'ai parlé avec une jeune femme dont le frère est toxicomane. Elle devait faire face à de réelles difficultés en raison de ce problème. Elle m'a dit: « je veux être travailleuse sociale, parce que je veux changer les choses et je veux m'assurer que d'autres personnes ne deviennent pas dépendantes et qu'elles aient accès à des services ». C'est formidable, selon moi, qu'elle veuille donner au suivant et qu'elle veuille devenir travailleuse sociale. Cependant, aurait-elle pu penser que si elle s'engageait dans la marine, elle aurait eu un autre moyen d'empêcher les drogues d'arriver ici et d'empêcher d'autres personnes de vivre la même chose que son frère? Je ne sais pas si elle aurait pu voir l'armée comme une façon de donner au suivant puisque nous ne savons pas ce que font les militaires. Nous ne savons pas tout ce que fait l'armée et c'est en partie à cause de ce stéréotype.
    Vous savez, nous voyons à la télévision beaucoup de représentations de l'armée. Je dois avouer que je regarde beaucoup de ces émissions moi-même. C'est un genre que j'aime bien. J'ai demandé à une de mes amies qui est médecin: « tu sais, j'ai regardé 11 saisons de Grey's Anatomy. Est‑ce que je suis qualifiée pour être médecin maintenant? »
    Elle m'a répondu: « tu n'es certainement pas qualifiée pour être médecin, mais… ». Bref, elle a fait une blague que je ne vais pas répéter, mais c'est la même chose avec les émissions politiques.
    Nous savons tous que ces émissions politiques ne reflètent pas la réalité des élus au Parlement. De la même manière, je pense que beaucoup des émissions et des représentations dans la culture populaire qui dépeignent la vie dans l'armée ne donnent pas une image complète de la vie des militaires. Nous voyons dans la culture populaire ce langage codé selon le sexe et la race. Nous voyons beaucoup de stéréotypes.
    Je pense qu'Hollywood s'améliore pour ce qui est d'essayer d'en montrer un peu plus.

  (58720)  

     Je regarde en ce moment SEAL Team: Cœur et courage. Récemment, une émission portait sur un problème de harcèlement sexuel sur un navire. Un des personnages est intervenu et a parlé au nom d'une victime. Ce personnage avait déjà vécu une situation semblable et elle a vu qu'une autre personne en était victime sur le bateau. Elle a dénoncé la situation, parce qu'elle est une officière et qu'elle a maintenant plus de pouvoir qu'au moment où elle a vécu la même situation.
     On a pu voir les conséquences négatives, les représailles et certains des défis que les personnages ont dû relever. D'autres femmes ont dénoncé et une personne avec du pouvoir à ce moment‑là, un officier, a défendu une personne qui n'avait pas de pouvoir, qui était subalterne, ces personnes ont aussi dû faire face à des conséquences négatives. Alors, d'autres femmes ont parlé. Dans cette émission, à tout le moins, toutes ces dénonciations ont commencé à avoir des effets réels. Je pense que l'émission traitait d'autres problèmes aussi.
     Selon moi, nous commençons à voir ce genre de situations, car celles‑ci montrent ce qui se passe réellement. Cependant, lorsque les enfants se demandent ce qu'ils feront quand ils seront grands et qu'ils regardent comment sont majoritairement représentés les soldats dans la culture populaire, à la télévision et dans les films d'Hollywood, ils voient cette représentation qui n'est pas très inclusive, selon moi.
     Les choses s'améliorent. J'ai donné l'exemple de la série SEAL Team, dans laquelle les auteurs ont essayé aussi d'aborder la question du stress post-traumatique et des vétérans. Je pense que c'est une bonne chose, mais Hollywood ne fait que commencer à dépeindre certains de ces problèmes qui sont bien réels.
     Je pense que la norme dans notre mentalité n'a pas vraiment changé, ce qui explique le langage codé selon le sexe ou la race, les hiérarchies sociales et la représentation du militaire uniquement sous la forme d'un guerrier masculin très agressif, tandis que le leadership, comme nous le savons, peut prendre beaucoup d'autres formes. Je ne veux pas dire que les militaires n'ont pas besoin de ces compétences, mais nous devons les voir de manière beaucoup plus large.
    C'est pourquoi je pense que cette recommandation en particulier est si importante. Comme je vois de nombreuses autres mains levées, je vais laisser mes collègues prendre la parole avant que je reprenne et passe en revue d'autres recommandations.
    Merci, madame la présidente.

  (58725)  

    Merci beaucoup.
    La parole est maintenant à M. Baker. Allez‑y s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je voulais intervenir parce que je veux revenir sur l'objectif de l'amendement de M. Bagnell. L'amendement demande clairement que nous demandions à tout le moins une réponse du gouvernement au rapport produit par ce comité. Je voulais parler de certaines des raisons pour lesquelles je pense que c'est important.
     L'une des choses qui, selon moi, sont essentielles compte tenu des défis auxquels les Forces armées sont confrontées, c'est de s'assurer non seulement que des bonnes idées ou solutions sont proposées, mais aussi qu'elles sont mises en œuvre. Le fait d'exiger une réponse du gouvernement est un élément qui contribue à garantir que les législateurs comme nous, lorsque nous présentons des recommandations, des solutions aux problèmes que nous essayons de résoudre… En fait, le gouvernement a la responsabilité de nous indiquer, ainsi qu'aux Canadiens, comment il compte procéder dans le dossier.
    Je pense qu'il est important que nous demandions à ce gouvernement et aux gouvernements futurs de rendre des comptes sur leurs actions dans ce dossier. Le problème du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans l'armée est un problème de longue date. Je pense que vous le savez tous. Le problème perdure gouvernement après gouvernement. Il y a de nombreuses raisons qui l'expliquent. Au cours de cette période, de nombreuses bonnes idées ont été avancées, de nombreuses personnes sont venues faire campagne et de nombreux survivants ont courageusement pris la parole pour sensibiliser les gens à ce problème et tenter de le résoudre.
     Bien sûr, de nombreuses raisons expliquent pourquoi cette question n'a pas été abordée et pourquoi elle n'a pas été résolue. L'une de ces raisons, je pense, est que nous devons veiller à ce que les députés de tous les partis disent au gouvernement en place, peu importe le gouvernement, qu'il s'agit d'une priorité.
     Ce rapport est notre façon de transmettre notre prise de position, de transmettre notre point de vue, de tenter de résoudre le problème du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles qui est devant nous. C'est notre principal outil en tant que comité. Je pense que c'est un outil puissant, surtout si le rapport est produit par le Comité lui-même et si tous les membres du Comité s'efforcent d'en arriver à un consensus pour le rédiger. Je crois qu'à ce moment, le rapport aurait des retombées considérables.
     Permettez-moi de faire une parenthèse. Il est très important que nous nous assurions que le gouvernement donne réellement suite au rapport, parce que a) c'est ce que nous savons que nous pouvons attendre du gouvernement; b) nous pouvons indiquer si nous sommes en désaccord avec ce que le gouvernement fait; et c) nous pouvons demander au gouvernement de rendre compte des progrès quant aux mesures qu'il a dit qu'il prendrait par suite de notre rapport.
     Je voulais souligner l'importance de l'amendement de M. Bagnell à la motion de M. Bezan. Les membres de ce comité savent que je me suis beaucoup appuyé sur l'amendement à la motion de M. Bezan au cours du débat pour faire de mon mieux pour que le point de vue des survivants et des victimes soit entendu. Il peut être utile de se recentrer au besoin. Il peut certainement être utile de le faire pour orienter nos efforts et pour orienter ceux qui nous regardent, ceux qui lisent les transcriptions et étudient nos débats et le problème que nous tentons de résoudre.
    Qui devons-nous tenter d'aider? Qui sont les personnes qui souffrent et qui ne reçoivent pas d'aide? Ce sont les victimes de harcèlement sexuel et d'agressions sexuelles dans les forces armées. Comme vous le savez, j'ai essayé de faire de mon mieux pour exprimer le point de vue des survivants et des experts, notamment de ceux qui ont témoigné devant le Comité permanent de la condition féminine.

  (58730)  

     L'une des personnes dont j'ai parlé lors de notre réunion précédente est Mme Batek, qui est une survivante. Elle a témoigné devant le Comité de la condition féminine en tant que représentante du Survivor Perspectives Consulting Group, le SPCG. Le SPCG a été créé par un petit groupe de survivants de traumatismes sexuels dans le contexte militaire. Les membres du groupe se sont réunis pour contribuer à résoudre ce problème, pour faire en sorte que la voix des survivants soit entendue et pour aider à créer des solutions.
    Les membres de notre comité se souviendront sans doute que, lors de notre réunion précédente, j'ai lu une partie du témoignage de Mme Batek au Comité de la condition féminine qui portait sur les façons dont elle et ses collègues pourraient aider le gouvernement, l'armée, les députés, etc. à s'attaquer au problème. J'ai cité le témoignage de Mme Batek pour plusieurs raisons. J'ai trouvé notamment que son témoignage était un excellent exemple du type de perspective dont nous avons besoin dans notre rapport et notre travail ici au Comité permanent de la défense nationale. Nous devons entendre ces voix, c'est pourquoi je leur donne la parole dans ce débat, mais nous devons aussi tenir compte de leurs conseils.
     Mme Batek a fait allusion à un certain nombre de complexités et de questions qui doivent être abordées pour mettre fin au harcèlement sexuel et aux agressions sexuelles dans l'armée. Je les ai soulignées parce qu'il est important que nous prenions note du travail à accomplir, de la complexité du problème, de la quantité de travail à faire et de l'expertise nécessaire pour le résoudre. L'expertise de personnes comme Mme Batek et d'autres, en particulier celle des survivants, doit être le centre de l'attention, non seulement pour les personnes que nous essayons d'aider, mais aussi pour l'aide dont nous avons besoin pour résoudre ce problème.
     C'est pourquoi je crois fermement que nous devons rédiger ce rapport en nous fondant sur le consensus des membres de ce comité, tout comme le sont les rapports rédigés par chaque comité sur chaque dossier. Nous devons nous assurer que nous parlons d'une seule voix. Je pense que c'est important.
     Je pense également qu'il est très important que nous reconnaissions ces problèmes et soyons conscients que la solution à ce qui contribue aux agressions sexuelles et au harcèlement sexuel dans l'armée va exiger le meilleur de nous-mêmes. Nous devrons faire de notre mieux pour résoudre ce problème, car il est complexe et nuancé. Pour comprendre la complexité, les nuances et les mesures à prendre, nous devons comprendre et intégrer dans notre rapport des recommandations comme celles de Mme Batek, de ses collègues et d'autres survivants.
     J'aimerais citer un extrait du témoignage de Mme Batek devant le Comité permanent de la condition féminine. Elle a dit au sujet des répercussions de la situation:
Dans de nombreux cas, une culture de sexualisation dans le contexte militaire peut mener à des actes de violence conjugale, de violence envers les enfants et d'agression sexuelle de civils. Non seulement cette culture offre-t-elle un endroit où les agresseurs peuvent se cacher et exister en étant protégés par un uniforme, mais elle apprend, malheureusement, aux victimes à tolérer l'intolérable, ce qui fait en sorte que des vies sont marquées par des problèmes de santé mentale, le risque de vivre dans l'itinérance et de futures relations de violence.
La survie de cette culture toxique a un coût social qui s'étend à la population canadienne, ce qui en fait un problème canadien, et les coûts financiers et sociaux réels touchent tous les contribuables.
    Je veux faire une pause ici. À juste titre, nos discussions et nos débats portent principalement sur les répercussions des agressions sexuelles et du harcèlement sexuel sur les membres des Forces armées canadiennes, et je pense qu'il est très important de tenir compte de ce que Mme Batek soulève. C'est l'une des choses que nous devrions prendre en compte lors de la rédaction du rapport. L'une des raisons pour lesquelles l'amendement de M. Bagnell est si important est qu'il importe d'obtenir des réponses du gouvernement sur la façon dont il va aborder tous les éléments et toutes les répercussions de ce problème.

  (58735)  

    Dans ce cas particulier, Mme Batek parle de la manière dont la culture de sexualisation dans le contexte militaire peut engendrer toute une série de problèmes en dehors de l'armée, plus particulièrement pour les familles des membres des Forces armées qui sont touchées par la culture de sexualisation dans le contexte militaire. Elle parle de la violence conjugale, de la violence envers les enfants et des agressions sexuelles de civils. Selon moi, le Comité ne peut pas se permettre de présenter un rapport seulement pour cocher une case sur sa liste de choses à faire s'il n'a pas tenu compte de cette question, s'il n'a pas réfléchi aux conséquences, dans toutes leurs nuances, de cette situation sur les familles des membres des Forces armées canadiennes et d'autres personnes dans la vie civile, s'il ne les a pas étudiées, s'il n'en a pas débattu et s'il ne les a pas comprises. Par ailleurs, nous ne pourrons y parvenir si les membres ne disposent que de deux minutes chacun pour intervenir. Ce n'est tout simplement pas réaliste. Il m'a fallu plus de deux minutes pour expliquer ce problème et transmettre le point de vue de Mme Batek.
    Les propos et les préoccupations de cette dernière concernent les coûts sociaux liés au maintien de cette culture toxique, et nous devons en tenir compte en incluant le public canadien. Je pense que nous devons nous assurer que notre rapport et la réponse du gouvernement en tiennent compte et proposent des solutions pour y remédier. Quelles sont ces solutions? Nous pourrions en débattre. J'ai quelques idées à ce sujet et je suis sûr que les membres du Comité ont des idées à ce sujet. Il faut avoir cette discussion. C'est le consensus auquel doivent parvenir tous les membres de ce comité s'ils souhaitent formuler des recommandations qui sont dans l'intérêt fondamental des survivants et des membres du public canadien qui sont touchés comme Mme Batek l'a expliqué.
    Mme Batek a poursuivi son témoignage en disant:
… lorsque le lieutenant-général Eyre a témoigné devant ce comité, le 23 mars dernier, il a expliqué que son approche pour changer la culture de sexualisation dans le contexte militaire se fondait sur deux éléments, dont le deuxième est l'écoute et l'apprentissage. C'est exactement dans quoi s'inscrit notre groupe.
    Je voudrais m'arrêter un instant, car je pense qu'il y a un point important à retenir dans ce que dit Mme Batek. Elle souligne le témoignage du lieutenant-général Eyre devant le Comité permanent de la condition féminine, et je sais que le lieutenant-général Eyre a également témoigné devant ce comité. Elle a choisi de souligner dans cette partie de son témoignage un élément clé de l'approche à deux volets du lieutenant-général, soit l'écoute et l'apprentissage. Si Mme Batek a jugé important de souligner ce volet dans son témoignage devant l'autre comité, il vaut la peine de le souligner aussi ici, devant ce comité. Tandis que nous réfléchissons à la motion de M. Bezan, à l'amendement proposé par M. Bagnell et à la manière d'aller de l'avant, nous devons écouter et apprendre, et appliquer cette écoute et cet apprentissage.
     Nous ne pouvons pas nous contenter de nous asseoir ici et de dire que nous avons entendu les témoins puis de passer à autre chose. Nous ne pouvons pas suggérer que nous ne devrions pas entendre le point de vue des survivants. En fait, c'est plutôt le contraire. Nous devrions écouter et apprendre, puis appliquer ces connaissances. Ne pas écouter serait, pour moi, plus que répréhensible. Si nous nous contentons d'écouter, mais n'apprenons pas, cela reviendrait au même. Pour moi, il est impardonnable que nous n'écoutions pas les survivants, que nous n'apprenions pas de leur témoignage et que nous n'agissions pas en fonction de ce que nous avons écouté et appris.
     Je suppose que je suis en train d'exhorter les membres du Comité à le faire. Je pense que les gens comme Mme Batek qui ont témoigné devant nos collègues nous incitent à le faire. Ces gens offrent leur expertise et leurs conseils, et je pense que nous devons utiliser cette expertise et ces conseils. La seule façon d'y parvenir en tant que comité est d'inclure ces connaissances dans notre rapport et de demander au gouvernement d'y répondre, comme M. Bagnell nous a exhortés à le faire.

  (58740)  

    Mme Batek a poursuivi en disant après avoir parlé de l'écoute et de l'apprentissage:
C'est exactement dans quoi s'inscrit notre groupe.

Notre équipe peut fournir les perspectives nécessaires pour que chaque stratégie, chaque plan, chaque politique et chaque programme élaborés pour s'attaquer à cette crise soient examinés du point de vue des survivants.
    Tenons-nous compte de la perspective des survivants dans nos travaux?
    Si nous ne sommes pas prêts à prendre le temps d'écouter ce que les survivants ont à dire ni de comprendre et d'apprendre de leur témoignage, si nous ne sommes pas prêts à prendre le temps de consigner ce qu'ils ont dit et ce qu'ils ont conseillé de manière réfléchie au gouvernement de faire et si nous ne sommes pas prêts à faire tout cela puis à demander au gouvernement de rendre des comptes sur les mesures à prendre en conséquence, alors nous ne tenons pas compte des survivants dans notre approche. Nous ne nous attaquons pas à la crise à laquelle les survivants ont dû faire face et à laquelle tant d'autres personnes doivent faire face en ce moment même.
    Je vous dis tout cela pour que nous adoptions une approche qui tienne compte des survivants. Assurons-nous de tenir compte de ce que ces derniers ont à dire, de leurs conseils, de leur expertise et de leurs solutions, des solutions qu'ils ont proposées et que d'autres ont proposées, et rédigeons un rapport fantastique dont nous serons fiers, dont les Canadiens seront fiers et, surtout, dont les survivants seront fiers.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, monsieur Baker.
    La parole est maintenant à M. Spengemann. Allez‑y s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Bonjour chers collègues. Je suis heureux d'être de retour pour la suite de nos discussions.
     Je souhaite aussi insister sur un avis partagé, je crois, par tous les membres du Comité, soit celui que les victimes doivent être au premier plan. Les victimes se sont exprimées sur diverses tribunes, y compris les médias et divers comités parlementaires, et il est extrêmement important que leurs vues guident nos actions. Tout le reste est secondaire. Je veux renforcer les commentaires de mes collègues qui vont dans le même sens.
    Après celui des victimes, il y a eu le témoignage d'experts, de leaders politiques, d'élus, de cadres supérieurs et de fonctionnaires, d'universitaires et, comme je l'ai déjà souligné, madame la présidente, dans des interventions précédentes, de responsables d'autres gouvernements. Je vais y revenir dans un instant.
    Avant d'entrer dans le vif du sujet et pour aider le Comité dans ses délibérations, je voudrais prendre un moment pour parler de la partisanerie. Nous approchons de la fin de la législature. Les vents partisans soufflent un peu plus fort aujourd'hui qu'au début de l'année. Je pense qu'il est important que nous gardions un œil sur l'objectif d'un comité parlementaire, en fonction de sa formulation, son passé et ses réalisations antérieures. J'ai parlé des réalisations de ce comité au cours de la dernière législature, de la diversité et de l'inclusion dans les Forces armées et également de l'inconduite sexuelle dans les Forces armées dans un rapport précédent.
    La partisanerie est une partie importante de ce que nous sommes. En notre qualité d'élus, nous appartenons à des partis politiques et, à bien des égards, il est très utile pour notre processus démocratique d'avoir différentes façons d'aborder les problèmes et de faire valoir des arguments partisans lorsque cela est approprié.
    Ce problème particulier nécessite une approche aussi unifiée que possible puisqu'il perdure depuis longtemps. Il faut mettre un terme aux conséquences néfastes sur les militaires actifs et à la retraite des Forces canadiennes et sur le public canadien en général. Il faut que la victimisation et la revictimisation cessent. Il faut y mettre un terme de toute urgence et nous ne pourrons le faire que si nous nous unifions le plus possible.
     À cet égard, j'ai une suggestion à faire à mes collègues.
     Les Canadiens savent lorsqu'ils regardent la période des questions que les débats deviennent partisans à la Chambre des communes. Les débats ont toujours été partisans, et ils doivent l'être. La division partisane est un moyen utile de mettre en évidence les problèmes, d'établir les différentes approches et de donner aux Canadiens le choix de l'approche qu'il faut prendre.
    Cependant, nous devrions peut-être en arriver à la conclusion que les énergies partisanes devraient généralement être canalisées vers la Chambre. Ce comité et les autres comités semblables devraient adopter quant à eux une approche moins partisane. Ils devraient essayer d'utiliser les témoignages importants des victimes, des experts, des élus, des autres, et de faire corps pour s'attaquer au problème et le résoudre. Cette façon de faire ne fonctionnera peut-être pas toujours, mais dans la mesure du possible, nous devrions adopter une orientation non partisane. J'espère que cette réflexion portera ses fruits au cours des quelques réunions qu'il nous reste et que nous pourrons arriver à faire des progrès en unifiant nos efforts le plus possible.
    Madame la présidente, permettez-moi de prendre quelques instants ce matin pour attirer l'attention du Comité sur un rapport dont j'ai déjà parlé. Nous pouvons bénéficier de l'expérience du Royaume-Uni, comme je l'ai mentionné. Le Comité trouvera particulièrement utile l'examen mené par le Royaume-Uni dans un délai assez court sur l'inconduite sexuelle et d'autres comportements inappropriés dans les forces armées britanniques en 2019. Je l'ai appelé le rapport Wigston puisque l'initiative a été pilotée par le maréchal en chef de l'air Sir Michael Wigston. Puis, dans l'année qui a suivi, le Royaume-Uni a appliqué un processus de mise en œuvre et d'examen. Ce processus a abouti à la publication d'une évaluation des progrès qui est intitulée « comportements inacceptables ».
     Je souhaite porter à l'attention des membres du Comité certains éléments de ce rapport, et ce pour trois raisons, madame la présidente.
     La première raison — je l'ai déjà mentionnée — est que les forces armées comme celles du Canada qui sont soumises à un contrôle démocratique et qui travaillent souvent au sein d'alliances, que ce soit l'OTAN ou les opérations de paix de l'ONU, sont confrontées à ce problème avec la même intensité, la même gravité et la même sévérité, et prennent des mesures à peu près en même temps que nous. Ce rapport comporte quelques références à l'expérience du Canada, et vice versa.

  (58745)  

     Voilà la première raison. Ce n'est pas seulement un problème au Canada. Il ne s'agit pas d'un problème international, mais il s'agit certainement d'un problème multinational. Il est pertinent de le reconnaître, non seulement sur le plan moral, car l'inconduite sexuelle est manifestement répréhensible peu importe le pays dans lequel elle se produit, mais aussi parce qu'elle nuit à l'efficacité opérationnelle des alliances comme l'OTAN et des missions et des opérations de paix de l'ONU.
    La deuxième raison pour laquelle je parle de ces expériences est en partie pour encourager le Comité à aller de l'avant. Comme l'ont dit précédemment mon collègue M. Baker et d'autres intervenants, il est vraiment temps de voir si nous pouvons nous entendre sur certaines recommandations clés.
     Mon message est simplement que si d'autres pays peuvent le faire, s'ils peuvent soumettre un rapport et procéder à un examen de la mise en œuvre en un peu plus d'un an, alors nous devrions être en mesure de faire quelque chose de similaire si nous y mettons tous nos esprits et nos énergies politiques.
    La troisième raison est la substance des conclusions, des recommandations et des idées que ces autres pays et gouvernements ont élaborées qui, à bien des égards, comme je l'ai expliqué, sont utiles à ce comité. Nous pourrions accélérer notre processus de réflexion, surtout compte tenu du peu de temps qu'il nous reste actuellement, en examinant les conclusions des autres pays, en particulier du Royaume-Uni, avec qui nous avons des alliances étroites et des alliances opérationnelles. J'espère pouvoir en parler plus tard, mais il y a aussi la Nouvelle-Zélande.
    Or, madame la présidente, j'aimerais présenter au Comité certaines des conclusions de l'examen du rapport Wigston, qui a été publié en 2020, il y a tout juste un an. Ce rapport avait été demandé par le très honorable Ben Wallace, député, secrétaire d'État à la défense.
    L'extrait porte sur la situation au Royaume-Uni. Le secrétaire Wallace a écrit que
les forces armées d'aujourd'hui sont très différentes de celles dans lesquelles il a servi il y a 30 ans. Elles sont plus diverses, plus tolérantes et plus professionnelles. Or, comme le maréchal en chef de l'air Wigston l'a constaté dans le cadre de son examen, la Défense a encore un long chemin à parcourir pour devenir un organisme véritablement divers et inclusif. Ainsi, un an après la publication du rapport Wigston, le secrétaire a demandé à Danuta Gray d'évaluer les progrès accomplis. Ses conclusions montrent qu'il y a eu des améliorations substantielles. De plus en plus de personnes noires, asiatiques ou issues de minorités ethniques se joignent aux forces armées. Des groupes de travail sur la diversité ont été formés. Les politiques visant à lutter contre l'ignorance ont été renforcées.

Toutefois, le rapport montre également que certaines attitudes au sein de la Défense restent obstinément en décalage avec les valeurs et les normes attendues d'un employeur moderne. Il indique que les choses doivent changer rapidement. Les forces armées doivent débarrasser leurs rangs de tout préjugé qui ternit leur réputation. Elles doivent appliquer une politique de tolérance zéro à l'égard des comportements inacceptables. Elles doivent également améliorer la formation, l'éducation et la communication. Par-dessus tout, le Royaume-Uni doit faire de la Défense un environnement plus accueillant pour tous, quels que soient leur sexe, leur religion ou leur origine. C'est pourquoi le secrétaire a accepté les excellentes recommandations dans leur intégralité.
     Le message de haut niveau tiré de l'expérience britannique et du rapport Wigston permet d'exposer et de résumer la nature du problème et de formuler des recommandations. Le gouvernement s'est engagé à appliquer un processus de mise en œuvre, puis à lancer immédiatement un processus d'examen, dont nous pouvons maintenant nous inspirer et dont nous pouvons tenir compte.
    En ce qui concerne l'approche du Royaume-Uni pour la mise en œuvre du rapport,
le rapport Wigston a mis en évidence la nécessité de procéder à un changement de culture au moyen d'un leadership authentique, un engagement sans faille et une communication cohérente. Les recommandations ont été acceptées dans leur intégralité par la secrétaire d'État de l'époque, la très honorable Penny Mordaunt, députée, et publiées en juillet 2019.

[…]

Après l'acceptation des recommandations, les responsables ont commencé à former une équipe centrale qui a été appelée l'équipe de mise en œuvre de Wigston. L'équipe est sous l'égide du CDP
     — c'est-à-dire le chef d'état-major du personnel —
et l'autorité du directeur civil des ressources humaines. Ses membres sont issus des ressources existantes principalement de la direction civile des ressources humaines et un poste est pourvu par la Royal Air Force. L'équipe de mise en œuvre de Wigston était en place en octobre 2019.
    Le Royaume-Uni a donc agi très rapidement pour reconnaître la nature du problème et faire progresser la mise en œuvre des mesures à prendre et leur examen. Les conséquences de la COVID ont également été prises en compte dans l'examen. Le rapport fait également référence à un élan renouvelé par suite du mouvement Black Lives Matter, élément qui pourrait également être important pour les membres de ce comité.
     Le Royaume-Uni a conclu que
le mouvement Black Lives Matter a déclenché des manifestations et un débat national sur le racisme au Royaume-Uni.

Au cours de cette période, une réunion téléphonique périodique de tout le personnel de la Défense a été consacrée à une discussion sur la race. Cette discussion a non seulement permis au personnel de la Défense issu de minorités noires et ethniques de parler des expériences vécues, mais elle a également permis de mettre au jour des attitudes qui, selon le secrétaire permanent, n'ont pas leur place dans la Défense. Les participants ont alors ressenti toute l'urgence pour la Défense de faire des progrès supplémentaires, tant quant à l'amélioration de la diversité que quant au changement de culture et de comportement au sein des troupes. Ce fort sentiment a entraîné un élan et une énergie supplémentaires pour que ces changements soient apportés.

  (58750)  

La déclaration d'engagement des chefs d'état-major publiée en juillet 2020 présente les changements audacieux découlant de l'examen de Wigston et envoie un message important quant à l'intention des hauts dirigeants de changer la culture de la Défense.

En juillet 2020, les dirigeants ont profité du premier anniversaire de la publication du rapport Wigston pour poursuivre le débat sur le changement de culture. Lors d'une autre réunion téléphonique de tout le personnel, les progrès réalisés ont été mis en évidence et la mise à jour de la politique, de nouvelles possibilités de formation et le lancement d'une ligne d'aide téléphonique pour l'ensemble du personnel en cas d'intimidation, de harcèlement et de discrimination ont été annoncés.
    Permettez-moi de porter un point à l'attention du Comité, madame la présidente. Compte tenu du travail sur l'équité, la diversité et l'inclusion de ce comité et de la 42e législature auquel j'ai fait référence plus tôt, le lien explicite que le Royaume-Uni a établi entre la question plus large de la diversité et de l'inclusion et les comportements inappropriés, principalement dirigés contre les femmes, est important et mérite également d'être examiné par ce comité et de faire l'objet de mesures potentielles.
    En ce qui concerne la complexité de la question, le Royaume-Uni a reconnu que
la mise en oeuvre ne s'est pas faite sans difficultés. Le rythme auquel les recommandations ont été initialement mises en oeuvre a été plus lent que prévu en raison de problèmes d'attribution des responsabilités et des ressources. Bien qu'il y ait une série de facteurs explicatifs dont il faut tenir compte, un changement notable a été observé dans la dynamique à partir de l'été 2020.
Parallèlement à la mise en oeuvre des recommandations de Wigston, des programmes de transformation plus larges ont été mis en branle au sein des services individuels et du quartier général. Toutes ces mesures reconnaissent que les personnes sont un élément crucial et sont donc étroitement liées aux progrès réalisés en vue de diminuer les comportements inacceptables et de créer un environnement inclusif où chacun peut exceller. Diverses approches et divers échéanciers découlant du travail de mise en oeuvre de Wigston ont été adoptés dans le cadre des différents programmes.
     Le rapport porte ensuite sur l'évaluation des progrès réalisés au Royaume-Uni. Il évoque la formation, notamment l'importance de la formation par des tiers externes. La formation des témoins est également mentionnée comme un point très important. Le rapport fait référence à la politique et présente un certain nombre de recommandations. Il porte également sur l'information de gestion, la communication et — encore plus important — le leadership.
     Au sujet du leadership, on peut lire dans le rapport que
des mesures immédiates ont été prises comme la nomination d'un officier supérieur responsable du ministère de la Défense; le chef d'état-major du personnel assume ces responsabilités. Les services individuels et le commandement stratégique du Royaume-Uni ont également nommé des officiers supérieurs responsables; ces rôles sont assumés par les officiers principaux responsables du personnel dans l'armée, la Royal Air Force et l'UKStratcom, ainsi que par le directeur du personnel et de la formation de la Royal Navy.

Les conseils d'administration incluent désormais la culture et les comportements comme point permanent à l'ordre du jour des réunions avec un seul directeur responsable du dossier. Certains directeurs non généraux des services individuels/UKStratcom ont indiqué qu'il serait bon de poursuivre les discussions sur l'examen de Wigston et les comportements inacceptables. La Royal Air Force a créé un sous-comité de son conseil d'administration présidé par l'un des directeurs généraux adjoints en vue de superviser la mise en oeuvre de Wigston. Au sein du quartier général, cette question est examinée par le conseil de gestion du quartier général et le directeur responsable est le chef des opérations du ministère de la Défense.
     Très rapidement, des changements structurels ont été apportés par suite du rapport Wigston. Les rouages internes de l'examen de la mise en oeuvre sont importants pour nous plus particulièrement puisque le ministre a déclaré à maintes reprises que le temps de la patience est terminé et que la porte est ouverte aux idées pour un changement de culture complet dans les Forces armées canadiennes.
     Madame la présidente, je ne vais pas lire au Comité toutes les recommandations découlant de l'examen de la mise en oeuvre. Le rapport compte une section intitulée « regard vers l'avenir ». Il est important de noter, comme je l'ai déjà mentionné, que les recommandations de mises en oeuvre de Wigston ont été acceptées dans leur intégralité. Il s'agit d'un élément extrêmement important étant donné l'engagement à l'égard du travail de la très honorable Mme Arbour. Il ne sert à rien de formuler de bonnes recommandations, si le gouvernement ne s'engage pas à les accepter et à poursuivre le processus de mise en oeuvre.
    C'est ce que le Royaume-Uni a fait. Les dirigeants ont mis en oeuvre et accepté toutes les recommandations de Wigston, mais l'examen a également conduit à un certain nombre de recommandations supplémentaires. Il est très important de proposer et d'accepter des recommandations supplémentaires si lors du processus d'examen, les responsables constatent que certaines recommandations ne sont pas tout à fait à la hauteur ou ne donnent pas le résultat escompté.
    Certaines des recommandations qui ont été présentées en plus de celles dont j'ai déjà parlé au cours de mes interventions précédentes portent sur la formation et l'éducation, notamment l'accès facile à un service qui permet aux dirigeants inexpérimentés d'obtenir des conseils sur la façon de gérer les comportements inacceptables. Il s'agit d'un problème qui, selon notre estimation et d'après les témoignages que nous avons entendus, touche les hauts gradés.

  (58755)  

    Il y a une symétrie avec les officiers supérieurs de la ligne hiérarchique. Il est absolument essentiel de donner aux nouveaux dirigeants, aux dirigeants inexpérimentés et aux personnes qui montent dans la chaîne les ressources nécessaires pour faire face aux comportements inacceptables et inappropriés pour que le problème soit réellement résolu.
     D'autres recommandations concernent le processus de plaintes, notamment l'intégration de cibles et d'engagements au plan de défense; l'harmonisation des objectifs dans toute l'organisation; le suivi des progrès jusqu'au niveau du conseil de défense; l'affectation de ressources adéquates pour ce travail, y compris pour l'application des recommandations formulées dans le rapport; l'augmentation des meilleures pratiques; la communication dans toute l'organisation; et l'examen du recours à la rétroaction conviviale pour l'achèvement des changements au système de plaintes relatives au service. Il s'agit également de nouvelles recommandations.
     Il est important de noter que le Royaume-Uni a non seulement tenu compte du temps nécessaire pour résoudre le problème le plus rapidement possible, mais qu'il a également publié le rapport. Le pays s'est engagé à mettre en oeuvre les recommandations initiales. Puis il a procédé à un examen dans l'année suivante et, fait très important, s'est engagé sur le fond à formuler des recommandations supplémentaires pour peaufiner la première série présentée dans le rapport Wigston. Il s'agit d'une approche qui a prouvé son efficacité au Royaume-Uni dans des délais serrés.
    Je demande à mes collègues d'examiner la possibilité que nous fassions quelque chose de très similaire au Canada, dans des délais très similaires, pour nous assurer de résoudre un problème qui est omniprésent dans de nombreuses armées du monde entier, avec lesquelles nous travaillons étroitement. Encore une fois, c'est une question de morale. Il est tout simplement inadmissible que ce comportement perdure. Il s'agit également d'un problème opérationnel qui réduit l'efficacité de nos relations et la manière dont nous menons les exercices et les importants travaux de maintien de la paix, que ce soit dans le cadre de l'OTAN ou des opérations de paix des Nations unies dans le monde entier.
     Nous devons nous attaquer à ce problème. Nous avons des exemples qui nous montrent comment faire, notamment des recommandations détaillées qui, dans certains cas, pourraient être directement appliquées ici au Canada dans un même contexte.
    J'encourage mes collègues à mettre de côté la partisanerie pour faire corps lors des réunions restantes et accomplir ce travail vraiment, vraiment important. Les survivants ne méritent rien de moins.
    Je vous remercie.

  (58800)  

    Merci beaucoup.
     Allez‑y, monsieur Robillard.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Tout d'abord, j'aimerais remercier mes collègues de leurs commentaires à propos de la motion M‑58 que j'ai présentée mercredi dernier à la Chambre. Le sujet était l'ACS+, et je suis certain que cette motion pourrait changer les choses pour nos forces armées.
    J'aimerais maintenant continuer dans la même voie que précédemment en citant le rapport de la Dre Maya Eichler concernant l'opération Honneur, car elle met l'accent sur l'importance de prendre du temps afin de traiter cette question d'un point de vue historique:
Au Canada comme ailleurs, il n'y a rien de « naturel » dans l'histoire de la participation limitée des femmes dans le domaine militaire. Les politiques discriminatoires qui ont désavantagé les femmes n'ont commencé à être contestées que dans les années 1970 et 1980. Avant cela, les Forces armées ont ouvertement entretenu une culture militaire genrée qui a donné aux hommes le rôle des combattants et aux femmes un rôle en dehors de la sphère de combat. Ainsi, l'accent a été mis sur les différences de genre et les inégalités, et l'importance de les accentuer était considérée comme un élément essentiel pour garantir l'efficacité militaire.

L'histoire des femmes dans les Forces armées canadiennes remonte à l'année 1885 (la rébellion du Nord-Ouest) lorsque les femmes ont commencé à y travailler en tant qu'infirmières. Durant la Première Guerre mondiale, près de 2 000 femmes ont occupé un poste d'infirmière à l'étranger [...] Durant la Deuxième Guerre mondiale, on a compté près de 50 000 femmes dans les Forces armées canadiennes. Ces femmes ont été appelées pour compenser le manque d'hommes et pour que ceux-ci puissent se libérer pour prendre part au combat [...] Malgré tout, ces femmes étaient beaucoup moins bien rémunérées que les hommes qui faisaient le même travail, peu de postes leur étaient ouverts et elles ne recevaient pas non plus les mêmes bénéfices que les hommes à la fin de leur service. Comme le mentionne Pierson, la Deuxième Guerre mondiale « a établi un précédent par rapport à la tolérance de l'objectification et du harcèlement des femmes dans les Forces armées canadiennes » [...] Après la guerre, les femmes furent démobilisées. L'enrôlement des femmes a repris dans les années 1950, mais il est demeuré limité pour le nombre et le type de postes qui leur étaient ouverts. Les Forces armées canadiennes ont continué d'être dominées par les hommes et d'avoir une culture très genrée [...] Bien sûr, la discrimination de genre n'était pas propre aux fac, mais elle reflétait des normes sociétales et mondiales plus générales relatives au genre.
    Excusez-moi, monsieur Robillard. Pouvez-vous lever votre micro un peu?
    D'accord.
    Merci beaucoup.
    Je poursuis:
Après la publication du rapport de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme en 1970, une prise de conscience de la nécessité de mettre un terme à la discrimination par le genre dans le domaine militaire a émergé. Sur les 167 recommandations de la Commission, six portaient spécifiquement sur les politiques militaires envers les femmes. La Loi canadienne sur les droits de la personne (1978) et la Charte canadienne des droits et libertés [...] ont davantage légitimé la cause des femmes cherchant à mettre fin aux pratiques discriminatoires des [Forces armées canadiennes]. En 1979, les Forces armées canadiennes ont entrepris une série de tests [...] pour examiner les effets de groupes mixtes sur les capacités opérationnelles. Tandis que les forces de l'air ont éliminé en 1987 toutes les restrictions imposées à la participation des femmes suivant les tests d'aviation swinter, l'armée et la marine ont maintenu l'interdiction pour les femmes d'assumer des rôles de combat [...]

  (58805)  

Le mouvement féministe a joué un rôle clé dans la remise en question des limites à la pleine participation des femmes dans le domaine militaire. Le Comité canadien d’action sur le statut de la femme [...] a ainsi été créé pour favoriser l’application des 167 recommandations de la Commission royale. Ce comité a également encouragé la mise en œuvre des recommandations visant les femmes dans les Forces...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Est-ce que je peux continuer?
    Si j'invoque le Règlement, je m'attends à ce que la présidente me donne l'occasion d'expliquer...
    Oui, mais moi, je n'interromps personne.

[Traduction]

     Madame la présidente, puis‑je continuer s'il vous plaît, sans être interrompu?
    Il s'agit d'un rappel au Règlement.
     Allez‑y, monsieur Barsalou-Duval, puis la parole sera à M. Robillard.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    J'écoute attentivement le discours de mon collègue M. Robillard, qui est très intéressant. On apprend beaucoup de choses sur l'histoire des femmes dans l'armée. Malheureusement, je ne vois pas du tout le lien entre l'histoire de l'engagement et du traitement des femmes et la motion dont nous débattons en ce moment pour savoir s'il devrait ou non y avoir une réponse du gouvernement à la motion de M. Bezan.
     M. Robillard pourrait-il nous expliquer le lien entre les deux?
     Sinon, nous pourrions revenir au sujet dont nous discutons.
     Madame la présidente, je vais répéter à mon collègue que, s'il avait suivi mon intervention de mercredi passé à la Chambre, il aurait compris que mes propos avaient un lien direct avec le sujet. Je vais continuer et je lui demande de ne pas m'interrompre.
    Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme a ainsi été créé pour favoriser l'application des 167 recommandations de la Commission royale d'enquête sur la situation de la femme. Ce comité a également encouragé la mise en œuvre des recommandations visant les femmes dans les Forces armées canadiennes. Il semblait toutefois partagé entre sa prédisposition antimilitariste, d'une part, et son effet de lobbying en soutien à l'intégration complète des femmes dans les Forces armées canadiennes, d'autre part.
    Le Comité canadien d'action sur le statut de la femme a clarifié sa position, insistant sur le fait qu'il n'encourageait pas l'implication des femmes dans le domaine militaire, tout en soutenant que les forces armées ne devaient pas recevoir une exemption de la Charte. La lutte pour mettre fin à la discrimination envers les femmes a ensuite été menée par la création de l'Association pour l'équité à l'égard des femmes dans les Forces armées canadiennes en 1985.
    À cette époque, les Forces armées canadiennes appliquaient une politique de quota genré ou d'un nombre minimal d'hommes requis pour chaque occupation militaire selon l'ordonnance administrative des Forces armées canadiennes. Dans les rôles de combat, la proportion du nombre minimal d'hommes requis avait été établie à 100 % tandis qu'elle était de 0 % pour la profession dentaire.
    Les Forces armées canadiennes affirmaient que dans certaines professions, particulièrement dans les rôles de combat, les unités mixtes étaient un danger pour l'efficacité opérationnelle. Cette politique de quota genré a vite fait l'objet d'une cause portée devant le Tribunal des droits de la personne. En 1989, dans la cause Brown c Forces armées canadiennes, le tribunal a ordonné aux Forces armées canadiennes d'intégrer les femmes dans leur organisation dans les dix années suivantes. Le haut commandement des Forces armées canadiennes a résisté à l'intégration complète des femmes dans les rôles de combat, disant que leur présence nuirait à la cohésion des unités et que les femmes n'étaient pas capables de supporter les exigences physiques des opérations de combat.
    Les Forces armées canadiennes ont donc utilisé des arguments genrés sur la cohésion et l'efficacité opérationnelle pour appuyer leur cause contre l'employabilité des femmes dans les rôles de combat. Une fois de plus, le tribunal n'a pas tenu compte de cette résistance institutionnelle. Le fait de mettre l'accent sur l'égalité peut renforcer la cohésion, qui est un élément crucial des Forces armées canadiennes. L'efficacité opérationnelle est un concept neutre en ce qui a trait au genre. Le tribunal a donc conclu qu'il n'y avait pas suffisamment de risques de manquement à l'exercice de la fonction liée au combat pour justifier une politique d'exclusion générale.
    Après cette décision, tous les emplois dans les Forces armées canadiennes sont devenus accessibles aux femmes, à l'exception des fonctions dans le service sous-marinier, qui sont devenues accessibles aux femmes en 2001, ainsi que du rôle d'aumônier catholique.
    Voici un bref survol historique. Les Forces armées canadiennes ont pendant longtemps exclu les femmes des rôles de combat, leur confiant d'autres fonctions selon les besoins. Le haut commandement des Forces armées canadiennes s'est aussi opposé à l'intégration complète des femmes, faisant valoir que leur présence allait nuire à la cohésion des unités combattantes. Selon cette approche, les Forces armées canadiennes étaient explicitement construites comme une institution discriminatoire en ce qui a trait au genre. Cette discrimination en fonction du sexe se justifiait selon une logique d'efficacité opérationnelle.

  (58810)  

     Toutefois, la pression exercée par les mouvements féministes forts et par les réformes sociales et législatives a poussé les Forces armées canadiennes à laisser les femmes occuper des postes de commandement.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup, monsieur Robillard.
    Monsieur Barsalou‑Duval, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai eu l'occasion d'entendre la fin du discours de mon collègue précédent, mais je n'ai toujours pas compris quel était le lien entre son intervention et le sujet dont nous discutons.
    Cependant, comme je n'invoque pas actuellement le Règlement, je profiterai de l'occasion pour vous faire part également de ce que j'aimerais dire devant ce comité.
    Les membres du Comité ont peut-être écouté les bulletins de nouvelles ou lu les journaux de la fin de semaine dernière, mais je suis personnellement assez indigné de voir que les membres du gouvernement font de l'obstruction systématique qui nous empêche d'avancer le travail au sein de ce comité, alors que nous avons pu voir le général Vance en train de jouer au golf avec deux hauts gradés de l'armée canadienne, dont un commandant de la police militaire.
    Je trouve cela particulièrement préoccupant de voir le général Vance se balader en liberté, ce qui est encore son droit, alors que le gouvernement fait davantage d'obstruction systématique et, surtout, qu'il n'en dit pas un seul mot. En fait, dans ce comité, je n'ai entendu aucun de mes collègues en glisser un mot jusqu'à présent.
    Je suis donc très déçu et très amer, parce que cela fait des semaines que cette obstruction se poursuit et qu'elle pourrait même se poursuivre pendant des mois, alors qu'un travail important doit être fait.
    Madame la présidente, j'aimerais faire un rappel au Règlement.

[Traduction]

    Allez‑y, monsieur Robillard.

  (58815)  

[Français]

    Je voudrais simplement rappeler à mon collègue qu'il m'a interrompu tout à l'heure lorsque je parlais. Je le faisais pourtant en conformité avec le Règlement, alors que lui-même ne le fait pas présentement.
    [Difficultés techniques] nous parlons au peuple, en ce moment.

[Traduction]

    Très bien.

[Français]

    Merci, monsieur Robillard.

[Traduction]

    Nous allons revenir à vous, monsieur Barsalou-Duval.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je le fais tout à fait en conformité avec le Règlement, puisque je parle de l'obstruction systématique qui se fait à l'égard de la motion, de cette fameuse obstruction qui bloque les travaux du Comité. Je ne vois pas comment cela pourrait être plus conforme au Règlement en ce qui a trait aux travaux du Comité.
    Je constate que l'intérêt du gouvernement, en ce moment, est davantage d'empêcher le Comité de faire son travail. D'une certaine façon, cela vient cautionner le climat d'impunité que nous observons au sein des Forces armées canadiennes. Personnellement, je trouve particulièrement honteux d'agir de cette façon.
    Merci beaucoup, monsieur Barsalou‑Duval.

[Traduction]

     La parole est maintenant à M. Bagnell, s'il vous plaît.
    Je croyais que M. Garrison était avant moi.
    Il semble que M. Garrison ne soit plus connecté.
    Je tiens tout d'abord à féliciter M. Spengemann pour son intervention et sa brillante suggestion selon laquelle nous devrions nous inspirer d'autres armées qui ont résolu ces problèmes. Comme ces comités et ces rapports ont présenté des recommandations qui ont été réellement mises en oeuvre, il serait plus pertinent pour nous d'examiner ces recommandations compte tenu du temps dont nous disposons dans ce dossier très complexe. C'est toujours mieux si quelqu'un a tâté le terrain en premier. Je voudrais remercier M. Spengemann de sa réelle contribution à ce comité.
     Je tiens également à remercier M. Baker d'insister constamment sur l'importance des survivants. Je pense que la meilleure façon d'améliorer l'armée est d'écouter leur avis et de montrer que nous le prenons au sérieux. Je ne peux pas croire qu'un des membres du Comité pourrait ne pas vouloir écouter les survivants.
    Merci à M. Robillard pour sa motion à la Chambre et pour la discussion sur l'histoire et l'importance des femmes dans l'armée. Cette information est fondamentale pour étayer les recommandations.
     J'ai été assez déçu par l'intervention de M. Barsalou-Duval. J'ai cru qu'après des semaines, comme il l'a dit, le Bloc allait enfin porter son attention sur les survivants, sur la question culturelle, dont je parlerai longuement plus tard aujourd'hui, sur les questions culturelles liées à l'armée, et sur la peur des représailles qu'éprouvent les survivants.
     Il a soulevé un point important concernant la partie de golf, qui fait actuellement l'objet d'une enquête. Cependant, il a parlé d'une amère déception, de semaines et de mois d'obstruction essentiellement de la part de l'opposition qui a présenté des motions contre-productives, tout d'abord, pour avoir, semaine après semaine, mois après mois, depuis février, posé des questions à des témoins concernant un courriel anonyme. Nous ne connaissions pas le contenu de ce courriel. Nous n'étions pas autorisés à le voir. C'est à ce moment‑là que nous avons eu tous ces problèmes majeurs et ces réelles victimes courageuses, des militaires du Québec et du reste du Canada — dont nous devrions discuter de la situation —, et les problèmes majeurs et très compliqués que nous avons évoqués à plusieurs reprises.
     Ensuite, il y a eu une motion qui a permis à l'opposition de continuer à faire efficacement de l'obstruction, une motion que tout député qui a siégé à des comités trouverait déraisonnable et selon laquelle les membres ne disposeraient que de deux minutes chacun. Un survivant du Québec a soulevé cette question sérieuse pour savoir si elle ferait partie des recommandations, à savoir qu'une personne ne disposerait que de deux minutes pour se prononcer pour ou contre, ou pour améliorer une recommandation sur une situation qui aurait un effet aussi dévastateur sur la vie d'une personne. C'est très décevant.
     J'espérais que le Bloc serait le premier parti à se rallier et à demander le retrait des recommandations improductives, afin que nous puissions nous attaquer aux grandes questions liées à la culture, aux représailles et à la chaîne de commandement.
     Il est vraiment déconcertant que le Bloc, le NPD et les conservateurs ne veuillent pas d'une réponse du gouvernement qui aiderait les militaires au moyen des recommandations que nous, en tant que comité, avons formulées après avoir si longtemps examiné et circonscrit les principaux problèmes.

  (58820)  

     Je pense que personne dans l'opposition ne conteste que les grands problèmes résident dans la culture, la peur des représailles et la chaîne de commandement. Pourquoi avons-nous fait tout ce travail si les conservateurs, les bloquistes et les néo-démocrates ne veulent pas d'une réponse du gouvernement, ne veulent pas montrer aux victimes qu'elles ont été écoutées et ne veulent pas tenter de persuader moralement le gouvernement pour qu'il donne suite aux recommandations que nous formulons?
     J'ai d'autres choses à dire à ce sujet, mais je vois que M. Garrison veut parler, et je ne veux pas le priver de cette possibilité. Je ne sais pas où il se situe sur la liste, mais j'ai beaucoup plus à dire sur la culture et aussi sur l'incapacité à progresser en raison des motions improductives sur la table.
     Je vais m'arrêter maintenant pour que, je l'espère, M. Garrison ait l'occasion de s'exprimer, puis je poursuivrai avec mes autres interventions beaucoup plus longues.
    Merci, madame la présidente.
    Merci, monsieur Bagnell.
     Monsieur Garrison, avez-vous été déconnecté pour une raison technique? Vous avez disparu.
    Oui, madame la présidente. Je vous ai envoyé un courriel pour vous dire que j'essayais de me reconnecter. J'ai été soudainement déconnecté.
    D'accord. Je pense qu'il est juste, alors, que vous repreniez votre place dans la liste d'attente comme il s'agit d'un problème technique. Vous avez la parole. Nous reprendrons ensuite la liste des intervenants à l'endroit où vous étiez initialement.
     Est‑ce que cela vous convient?
    Oui. Merci, madame la présidente.
    Allez‑y, monsieur Garrison.
    Merci, madame la présidente.
     J'ai été déconnecté pendant que M. Barsalou-Duval parlait, mais je tiens à dire à quel point il est grave, selon moi, que nous soyons là à discuter de ces motions alors que les événements du week-end ont tiré un trait sur ce qui constitue la différence importante entre le gouvernement et les membres de l'opposition.
     L'objectif initial de cette étude, pour moi, tel qu'il est décrit dans la motion de cette étude consistait à examiner pourquoi il n'y avait pas de mesures prises aux échelons supérieurs pour lutter contre l'inconduite sexuelle. Je devrais probablement dire « aucune mesure efficace ». Personne au sein du Comité ne peut contester qu'alors que l'Opération Honour devait être en branle, il y a eu plus de 500 agressions sexuelles et plus de 700 plaintes pour agressions sexuelles et harcèlement sexuel qui ont été déposées.
     Pour moi, la question essentielle ici est de savoir pourquoi nous observons cette inaction aux échelons supérieurs. Est‑ce la faute des hauts dirigeants qui n'ont tout simplement pas compris la situation? Est‑ce la faute d'un ministre ou du premier ministre qui n'a pas voulu assumer la responsabilité de cette situation? À mon avis, là est la question.
     Je comprends que les membres du gouvernement estiment peut-être que cette question n'est pas importante, mais il est difficile de passer plus de 40 heures en comité à lire pour le compte rendu des rapports d'autres administrations et des témoignages provenant d'un autre comité.
     Les membres du gouvernement prétendent que le Comité de la condition féminine n'est pas sur le point de publier un rapport qui tient compte du témoignage des survivants et qui comprend — si j'ai bien compris, ce rapport devrait comprendre — la plupart des recommandations mentionnées dans ce comité.
    Les échelons supérieurs semblent incapables de comprendre pleinement le problème. Je pense que la partie de golf de ce week-end montre bien que le problème perdure. Le problème perdure sur deux plans. Je ne peux pas croire que le chef d'état-major de la Défense par intérim soit encore en fonction ce matin. Le groupe qui enquête sur le général Vance relève de lui. Et pourtant, il a choisi de jouer au golf avec le général ce week-end. Aucun chef de police qui jouerait au golf avec une personne faisant l'objet d'une enquête par son service ne resterait en fonction.

  (58825)  

    J'invoque le Règlement. Il ne s'agit pas du chef d'état-major de la Défense par intérim. Il s'agit du vice-chef.
    Je vous remercie.
    Allez‑y, monsieur Garrison.
     Mon erreur, je m'excuse. C'était le vice-chef d'état-major de la Défense. Je me suis mal exprimé. Le fait est que ce dernier est toujours en fonction et que nous avons une déclaration du ministre selon laquelle une enquête est en cours.
     Je suis extrêmement déçu que le ministre n'ait pas fait une déclaration pour exiger son renvoi ou sa suspension immédiate. Le message qui est envoyé aux victimes dans l'ensemble des Forces armées canadiennes est qu'il y a un petit groupe de personnes au sommet qui ne prend tout simplement pas la situation au sérieux et qui ne pense pas que les victimes comptent. Si une personne peut jouer au golf avec un homme qui fait l'objet d'une enquête non seulement pour un courriel, comme un des membres se plait à dire, mais pour une série d'accusations publiques d'inconduite sexuelle avant et pendant son mandat à titre de chef d'état-major de la Défense, alors la situation est très grave.
    Les membres du gouvernement accaparent le temps du Comité. Ils nous ont réellement empêchés de procéder à l'étude de la santé mentale dans l'armée avant la relâche des travaux parlementaires pour la période estivale. Ils ont également veillé à ce que nous ne traitions pas les recommandations liées à la COVID avant que nous fassions relâche pour l'été. Cette motion est dans sa forme actuelle en raison de l'obstruction qui a eu lieu. Pourquoi une limite de temps est-elle suggérée? Les limites de temps sont proposées pour que les libéraux ne puissent pas continuer à faire ce qu'ils font depuis quelques semaines, c'est-à-dire parler sans arrêt pour nous empêcher de passer au vote. Si les motions sont vraiment contre-productives, alors laissez le Comité passer au vote et votez contre elles puis nous verrons ce qui se passera. Cependant, les libéraux ne sont pas prêts à le faire.
     Ils parlent aussi des recommandations et nous demandent d'aller de l'avant avec les choses sur lesquelles nous sommes tous d'accord. Eh bien, nous ne sommes pas tous d'accord sur l'objectif central de cette étude. L'objectif principal est de déterminer pourquoi le général Vance a été autorisé à rester à son poste de chef d'état-major de la Défense pendant plus de trois ans après que le ministre de la Défense nationale ait reçu des preuves d'inconduite sexuelle, qu'il a refusé d'examiner. Une autre question importante est de savoir pourquoi le général Vance a été nommé au départ malgré les accusations d'inconduite sexuelle déjà déposées à l'époque. C'est cette inaction de la part des hauts responsables militaires et politiques qui a permis à cette situation de perdurer.
     Encore une fois, je souhaite que le vice-chef d'état-major de la Défense soit démis de ses fonctions, du moins temporairement, pour envoyer un message selon lequel ce genre de comportement — l'inconduite sexuelle — est compris et n'est pas toléré, et que le gouvernement va agir. Malheureusement, une fois de plus, nous observons cette inaction et n'avons qu'une déclaration mentionnant simplement qu'une enquête est en cours et que l'enquête sera menée selon la procédure habituelle.
     Je reste amèrement déçu du sort réservé à ce comité au cours de cette législature, et amèrement déçu de l'incapacité des plus hauts échelons du gouvernement à agir contre l'inconduite sexuelle.
    Merci beaucoup, monsieur Garrison.
    Allez‑y, monsieur Spengemann.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci de me permettre d'intervenir une seconde fois.
    Par suite de l'intervention de M. Garrison, je pense qu'il est assez clair que la motion à l'étude en ce moment témoigne du fait — ou la discussion qui porte sur la motion témoigne du fait — que les membres du Comité ont une vision différente de ce qu'est réellement notre travail. Les points de vue ne sont pas opposés à 180 degrés. Certains membres pensent qu'il s'agit de traiter et de régler un ou deux cas majeurs, et de demander des comptes par la suite, notamment le cas de l'ancien chef d'état-major de la Défense. C'est important, mais, madame la présidente, d'autres membres du Comité sont d'avis que l'étude est plus vaste.
    Il s'agit de ce cas, mais aussi du problème systémique et du problème culturel, qui permet à l'inconduite sexuelle préjudiciable de perdurer bien qu'il s'agisse d'un problème urgent depuis plusieurs années maintenant. J'ai fait valoir que le fait que la même situation est observée dans d'autres pays augmente l'importance du travail que ce comité doit faire. En effet, ce comité doit non seulement établir la responsabilité dans le cas de l'ancien chef d'état-major de la Défense, mais aussi formuler des recommandations comme celles qui, dans d'autres pays, précipitent le genre de changements que nous devons mettre en œuvre de toute urgence ici au Canada.
     J'ai déclaré que, pour ce faire, nous devons faire corps. Nous devons tous joindre nos efforts pour nous attaquer à ce problème et nous devons nous concentrer sur le problème, et non sur la politique. C'est pourquoi j'ai indiqué plus tôt dans la journée que ce comité devait être considéré comme le véhicule pour la tenue d'une discussion beaucoup moins partisane que celle qui a généralement lieu — dans l'esprit de beaucoup, et ce, à juste titre — à la Chambre des communes.
     J'ai exposé précédemment trois raisons pour lesquelles je pense qu'il est important que nous regardions ce qui se passe ailleurs dans le monde. Permettez-moi de les répéter brièvement à la lumière de la dernière intervention.
    La première raison est que nous pouvons de cette façon voir l'ampleur réelle de ce problème systémique, non seulement au Canada, mais au sein des formes armées dans un certain nombre d'autres pays, y compris de deux armées dont je vais parler et avec lesquelles nous travaillons de manière extrêmement étroite. L'une est celle du Royaume-Uni, dont j'ai déjà parlé. L'autre est celle de la Nouvelle-Zélande, qui fait partie du Groupe des cinq. Nous collaborons très étroitement avec la Nouvelle-Zélande sur des questions de sécurité et de défense. La Nouvelle-Zélande a réalisé un travail remarquable que je présenterai au Comité dans quelques minutes.
    La deuxième raison est d'encourager les membres du Comité à aller de l'avant, à allier leurs efforts et à accomplir le travail qui a été fait ailleurs. Nous pouvons le faire en quelques minutes en acceptant de laisser le processus parlementaire au sein d'un comité tel qu'il est normalement structuré suivre son cours, et en proposant des recommandations qui sont réellement utiles et qui nous feront avancer. Il appartient au Comité d'y parvenir dès maintenant.
    La troisième raison, madame la présidente, est que la substance des conclusions, des recommandations et des idées de nos amis et alliés est importante. Je pense que mes collègues ont écouté attentivement et qu'ils se rendront compte que le degré de détails des recommandations, la pertinence des recommandations, ainsi que les processus d'examen et la mise au point des recommandations dans un délai très court sont utiles au Comité et sont d'une très grande pertinence directement pour la discussion que nous devons tenir.
    Sur ce, madame la présidente, je vais prendre quelques instants, si vous me le permettez, pour présenter le travail qui a été fait en Nouvelle-Zélande.
     En Nouvelle-Zélande, les travaux ont également commencé très récemment, en 2019. Cette année‑là, le ministère de la défense néo-zélandais a commandé une évaluation des progrès de la force de défense néo-zélandaise dans le cadre de ce qui a été appelé l'Opération Respect. Ici au Canada, nous avons l'Opération Honour. L'Opération Respect est similaire en Nouvelle-Zélande. Un exercice vise à mesurer l'efficacité des recommandations découlant de cette opération.
     Il s'agit d'un programme à l'échelle de l'organisation qui a été initialement mis en place pour éliminer les comportements sexuels nuisibles et inappropriés au sein des forces de défense néo-zélandaises et améliorer la culture de la dignité et du respect. Vous verrez dans un instant, madame la présidente, pourquoi cela est si pertinent pour le travail qui se fait au Canada.
     On peut lire dans l'examen du programme que
les forces de défense de la Nouvelle-Zélande prévoyaient de se concentrer d'abord sur la création d'un nouveau système de réponse aux comportements sexuels inappropriés, avant d'adopter une approche proactive et systématique pour changer leur culture. Lancé en mars 2016 par le chef des forces de défense de l'époque, le lieutenant-général Tim Keating, le programme s'est inspiré de l'approche adoptée par les Forces armées canadiennes pour résoudre le même problème.
     On fait référence de façon implicite au rapport Deschamps, qui a été produit à l'époque.
     On peut ensuite lire dans l'examen
qu'il est important de noter que d'autres pays du Groupe des cinq, dont le Canada, continuent de s'attaquer au problème complexe et difficile que représente l'élimination des comportements sexuels inappropriés et préjudiciables dans leurs forces armées. Les responsables invitent également des tiers à procéder à des examens indépendants et sont soumis à un examen continu de leurs efforts de réforme culturelle.

  (58830)  

Comme l'exige notre mandat, il s'agit d'un rapport sur les progrès réalisés par les NZDF selon leur propre plan d'action et d'une évaluation de la mesure dans laquelle le travail est susceptible qu'être couronné de succès. Nous avons évalué les résultats et les répercussions de l'opération Respect au moyen d'une approche qualitative forte, étant donné le manque de données quantitatives et de mesures de référence suffisamment robustes.
D'août 2019 à février 2020, nous avons procédé à un examen approfondi de la documentation et des données, visité des bases et des camps, mené des entretiens individuels et des groupes de discussion, et reçu des mémoires. Nous avons également fait appel à l'expérience et à l'opinion d'experts indépendants et externes qui ont dirigé des examens précédents et simultanés des NZDF. Nous avons parlé à plus de 400 membres des NZDF, anciens et actuels, qui ont relaté leur histoire personnelle et leur expérience de vie et de carrière. Les experts en la matière des NZDF ont été consultés tout au long de l'examen.
    Je vais intervenir rapidement ici. Comme je l'ai dit précédemment, lorsque nous examinons les recommandations et les rapports en matière de politique, ainsi que leurs conclusions et examens, cela prend parfois la forme d'un langage plutôt bureaucratique et pas forcément attrayant. Cependant, chacune de ces recommandations repose sur des conversations avec des victimes et des survivants dans ces deux administrations. Il y a là, comme au Canada, un élément humain incroyablement important qui stimule vraiment les efforts de réforme chez nos alliés, tout comme ils stimulent les efforts de notre comité ici au pays.
    Pour continuer, le rapport dit:
Nous avons entendu que bien des personnes s'enrôlent pour les carrières passionnantes et intéressantes, les possibilités de voyage, les occasions de perfectionnement professionnel et de leadership qui leur sont offertes. Plusieurs d'entre elles nous ont dit qu'elles n'avaient jamais travaillé ailleurs ou dans une autre profession, qu'elles avaient eu des carrières longues et satisfaisantes et qu'elles étaient fières d'être au service de leur pays. Malheureusement, un certain nombre de personnes ont également déclaré avoir été victimes de comportements préjudiciables et inappropriés, notamment de discrimination, de harcèlement, d'intimidation ou de violence sexuelle.
Au début de notre processus, il est apparu clairement que, bien que certains progrès aient été réalisés, un certain nombre de thèmes récurrents et problématiques ressortent concernant les véritables défis qui font obstacle au succès de l'opération Respect. Nous avons cerné trois défis fondamentaux:
1. Il y a un manque de transparence et d'obligation de rendre compte en ce qui concerne les progrès réalisés par les NZDF pour traiter et prévenir les préjudices que la violence sexuelle ou la discrimination, l'intimidation et le harcèlement continuent de causer.
2. Un « code du silence » prévaut et de nombreux membres du personnel n'osent pas porter plainte ou signaler des problèmes graves tels que la violence sexuelle parce qu'ils craignent les répercussions et ne font pas confiance aux processus et aux systèmes des NZDF.
3. La culture de la discipline et du commandement militaires fait qu'il est difficile pour les membres du personnel de faire part de leurs préoccupations ou de s'exprimer contre le comportement ou les décisions de leurs supérieurs immédiats ou d'autres personnes plus haut placées dans la hiérarchie.
Ce rapport présente notre évaluation selon laquelle, à moins que ces [défis] ne soient relevés, l'opération Respect n'est pas susceptible de réussir à instaurer une « culture de dignité et de respect ».
     Les membres du Comité peuvent constater à quel point ces idées et ces conclusions sont directement pertinentes, et à quel point elles renforcent l'évaluation des experts et des victimes qui ont comparu devant le Comité au cours des dernières semaines et des derniers mois.
    Le rapport poursuit:
Manifestement, ce travail continue d'être crucial. Le risque ou le coût de l'inaction est élevé pour les personnes concernées, les équipes dans lesquelles elles travaillent, ainsi que pour l'efficacité et la réputation de l'organisation. Il est important que le public néo-zélandais ait confiance dans les NZDF et une telle confiance peut être la mesure dans laquelle leur personnel travaille dans un environnement interne exempt de tout préjudice inutile.
Nous félicitons les NZDF d'avoir pris l'initiative de s'attaquer à ce problème. Elles ont jeté les bases d'un programme positif et ambitieux de changement de culture. En 2016, l'équipe de réponse aux agressions sexuelles (la SART) a été mise en place ainsi qu'un processus de divulgation à deux volets. Cela a permis à une victime d'agression sexuelle d'accéder confidentiellement à des services de soutien, et de le faire sans notification au commandement (qui lancerait une enquête formelle sur l'incident en vertu de la loi de 1971 sur la discipline des forces armées et du manuel de droit des forces armées); ou sans notification à la police néo-zélandaise.
Il s'agit là de deux percées importantes qui, avec la formation en matière d'éthique sexuelle et de relations responsables (la SERR), constituent les éléments les plus efficaces de l'opération Respect.
En cherchant comment les dirigeants pourraient prendre appui sur ces bases importantes et s'attaquer aux barrières culturelles, nous sommes tombés sur l'enquête menée en 2010 par la vérificatrice générale Lyn Provost sur les paiements effectués par les NZDF aux officiers détachés auprès des Nations unies. Cette enquête a mis en évidence un grand nombre des mêmes problèmes culturels que ceux que nous avons relevés dans ce rapport, bien qu'ils soient présentés dans un contexte différent (fraude, demande incorrecte d'allocations). La question de la révélation et de son impact sur la culture a été définie comme un problème à l'époque, ce qui signifie qu'il s'agit d'un problème dont les dirigeants ont hérité.

  (58835)  

Le changement de culture au sein des organisations est un défi et prend du temps. Dans ce contexte, il est essentiel d'écouter la voix des gens, même si les messages sont pénibles à entendre. L'utilisation de cette connaissance sera cruciale pour que l'opération Respect réussisse et pour que les NZDF deviennent le genre d'organisation auquel elles aspirent.
Les NZDF elles-mêmes nous ont dit que leurs traditions, leur formation et leur mode de vie créent de fortes allégeances au sein d'équipes soudées. Elles ont également déclaré que cela n'excuse en aucun cas les comportements préjudiciables. Cela permet également d'expliquer pourquoi leur personnel peut être réticent à risquer l'allégeance envers l'équipe en signalant des comportements préjudiciables, ce qui précise l'ampleur et le contexte du défi de l'opération Respect. Cela fait ressortir également le besoin urgent de canaux indépendants sûrs que les gens peuvent utiliser sans compromettre cette allégeance à l'équipe.
Nous encourageons les dirigeants à saisir les occasions présentées dans les recommandations afin d'instaurer une plus grande confiance et un système plus solide pour traiter les plaintes relatives à des comportements préjudiciables et, en particulier, à la violence sexuelle.
Les conclusions de ce processus sont que les changements les plus importants que les NZDF pourraient apporter pour renforcer la confiance dans leur organisation et leurs processus, et aider leur personnel et les victimes de comportements préjudiciables, en particulier en ce qui concerne la violence sexuelle, sont les suivants:
1. Être transparentes et responsables en établissant la surveillance et le suivi des progrès réalisés, par un organisme ou une entité de confiance indépendante, comme le vérificateur général.
2. Fournir un mécanisme de plainte externe et indépendant de confiance (comme celui offert par l'Ombudsman de la défense en Australie) pour recevoir les plaintes de comportement préjudiciable et de violence sexuelle, faire enquête à leur sujet et y remédier.
3. Promouvoir activement le service d'assistance téléphonique sécurisée « Safe to Talk » en tant que voie de soutien externe et indépendante pour les victimes de violence sexuelle.
4. Créer un système de gestion des données complet et intégré chargé d'évaluer les progrès par rapport à des mesures de résultat claires et de rendre compte des plaintes...

  (58840)  

     Je suis désolée, monsieur Spengemann. Les cloches sonnent et pour continuer, nous avons besoin du consentement unanime.
     Un député: Non.
    La présidente: Nous n'avons pas le consentement unanime.
     La séance est suspendue.
     [La séance est suspendue à 12 h 41, le lundi 14 juin.]
     [La séance reprend à 13 h 3, le vendredi 18 juin.]

  (68500)  

    Reprenons.

[Français]

     Bonjour à tous.
    Je vous souhaite la bienvenue.

[Traduction]

    Nous reprenons la 32e réunion du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui a débuté le vendredi 21 mai 2021.
    Si vous perdez l'interprétation, veuillez me le faire savoir immédiatement afin que nous puissions nous assurer que tout le monde a la possibilité de participer pleinement aux délibérations. Lorsque vous parlez — comme toujours, je m'adresse autant à moi qu'aux autres —, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
     En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier et moi ferons de notre mieux pour maintenir un ordre de parole global des députés, que ceux‑ci participent virtuellement ou en personne.
     Nous reprenons le débat sur l'amendement de M. Bagnell à la motion de M. Bezan.
     M. Spengemann a la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Bon après-midi, chers collègues.
     Permettez-moi de revenir dans un instant là où je me suis arrêté lorsque nous avons suspendu la séance. Pour réorienter les membres et notre auditoire, depuis le 21 mars, je crois, lorsque cette réunion a commencé, nous avons eu des interventions exhaustives sur un certain nombre d'éléments clés de notre étude, puis les interprétations de collègues du côté libéral.
     Le travail dont ce comité est chargé comporte deux éléments fondamentaux.
     Le premier est l'obligation de rendre compte dans les cas impliquant les anciens chefs d'état-major de la défense, notamment l'ancien chef d'état-major de la défense, Jonathan Vance, qui a été nommé en 2015. En cours de route, il aurait déclaré qu'il « possédait » le service national d'enquête des Forces canadiennes et comme il faisait l'objet de plaintes... Son mandat s'est poursuivi au sein du gouvernement actuel. C'est un élément fondamental du travail du Comité et de notre interprétation.
     Le deuxième élément consiste à savoir comment changer la culture des Forces canadiennes, quelles recommandations faire pour nous amener au point où ce genre de cas, ces cas d'inconduite sexuelle, ne se produiront plus. Ces deux composantes ont, à mon avis, autant d'importance l'une que l'autre.
     Nous avons souligné l'importance, en fait l'importance primordiale, du témoignage des victimes, grâce aux interventions récentes de mes collègues, ce dont je les remercie. Nous avons également souligné l'importance du témoignage d'experts et du témoignage d'élus, dont le ministre de la Défense nationale. Celui‑ci a témoigné devant le Comité pendant six heures, concluant en affirmant qu'il n'est plus question de patienter et qu'un changement de culture complet et total s'impose. Il a demandé des recommandations et des idées de solutions.
     De très hauts fonctionnaires du Bureau du Conseil privé et du Cabinet du premier ministre, ainsi que des experts universitaires, ont également témoigné devant nous. Nous avons aussi examiné l'expérience d'autres pays, notamment, des pays avec lesquels nous travaillons très étroitement. Il s'agit d'alliés de l'OTAN, d'alliés du Groupe des cinq ou de forces armées avec lesquelles nous œuvrons dans divers contextes multilatéraux et internationaux.
     Ces expériences que j'ai présentées au Comité sont importantes pour un certain nombre de raisons, dont la systématicité du problème auquel nous sommes confrontés, qui s'étend au‑delà des frontières du Canada. Deuxièmement, ces expériences, dans la mesure où elles ont donné lieu à des rapports et à des enquêtes de suivi et à des examens des initiatives entreprises pour en vérifier l'efficacité, illustrent le genre de réflexion que ce comité devrait entreprendre et auquel il devrait appliquer son mandat, ses pouvoirs et ses énergies parlementaires. Enfin, les solutions réelles proposées ailleurs pourraient être extrêmement pertinentes dans le cas des solutions canadiennes que nous sommes chargés d'examiner.
     Dans plusieurs cas, madame la présidente, des initiatives canadiennes ont été mentionnées, notamment le rapport Deschamps en 2015. Lorsque nous examinons ces expériences comparatives... J'ai passé environ un après-midi et j'en ai trouvé une bonne demi-douzaine. J'en ai présenté une en entier, le cas du Royaume-Uni. J'étais en train d'en présenter une deuxième, l'expérience de la Nouvelle-Zélande. Ce qui est intéressant, c'est que le travail a commencé à peu près au moment du rapport Deschamps, en 2014 ou 2015. Une bonne partie de ces enquêtes ont été conclues, puis dans certains cas, elles ont fait l'objet d'un suivi l'année dernière, en 2020.
    Avant de revenir sur le cas de la Nouvelle-Zélande, je veux attirer brièvement l'attention des membres sur un article concernant la Pologne. La Pologne est un de nos alliés de l'OTAN, et cet article remonte à octobre 2020. J'ai précisé aux membres du Comité que, lorsque je parle des expériences vécues ailleurs et du genre de recommandations formulées par d'autres pays, cela semble souvent bureaucratique, banal en quelque sorte, parce que le langage ne fait pas ressortir l'émotion du témoignage, les blessures et le préjudice qu'ont subi les victimes, des femmes, dans la plupart des cas, qui ont servi ou qui servent actuellement dans ces autres pays.
     En bref, donc, l'expérience de la Pologne illustre le genre d'émotions que nous avons vues ici, grâce aux victimes qui ont eu le courage de se manifester et grâce aux discussions que nous avons eues avec des collègues d'autres comités, et pas seulement du nôtre. L'article en question est une publication polonaise en langue anglaise. Il note:
Dans une affaire très médiatisée de 2017, l'ancienne officier de la gendarmerie militaire Karolina Marchlewska a accusé un camarade de lui envoyer des SMS obscènes et un officier supérieur de la tripoter. Lorsque Mme Marchlewska en a parlé à un supérieur, celui‑ci a répondu en lui posant des questions sur sa vie privée.

  (68505)  

L'enquête interne sur ces allégations a ensuite été abandonnée, et Mme Marchlewska a elle-même perdu son emploi. « On me rend coupable, on fait de moi une coupable », a‑t‑elle déclaré à [le journal]. « Il n'y a eu aucune aide, ni du ministère de la Défense, ni du commandement de la gendarmerie militaire ».
Le capitaine Bozena Szubinska, une ancienne représentante du ministère de la défense pour les femmes militaires, a déclaré à [le journal]... que « l'armée est incapable de faire face à la violence contre les femmes ».
« Les femmes ne signalent pas les cas aux forces de l'ordre militaires parce qu'elles ont peur des répercussions, de la stigmatisation et du harcèlement », a‑t‑elle déclaré. Même lorsqu'elles les déclarent, « elles se rétractent souvent, sous la pression, lorsque l'affaire arrive au stade des poursuites ».
« Pire encore », ajoute Mme Szubinska, la façon de « résoudre le problème » consiste simplement à « écarter des rangs de l'armée les femmes qui dénoncent le harcèlement ».
« Elles partent, elles retournent à la vie civile et tout le monde est satisfait; on croit que ce n'est [alors] plus un problème militaire » [ajoute-t-elle]. « Rien ne peut être moins vrai. Le crime a eu lieu dans l'armée et les militaires devraient se sentir responsables ».
    C'est un très bref extrait d'un article de la presse polonaise. Encore une fois, la Pologne est un allié de l'OTAN et cet article date d'octobre de l'année dernière. C'est exactement le même problème que le nôtre dans une armée alliée, avec le même genre de témoignages que nous avons entendu ici. Cela renforce le caractère systématique du problème auquel nous sommes confrontés, et il dépasse nos frontières.
     Permettez-moi de revenir, si vous le permettez, à l'expérience de la Nouvelle-Zélande. La Nouvelle-Zélande a mené un examen indépendant, en juin 2020, des progrès de son plan d'action pour l'opération Respect. L'opération Respect est essentiellement analogue à l'ancienne opération Honour, et c'est une initiative lancée par la force de défense néo-zélandaise.
     L'étude comporte cinq recommandations importantes sur les changements que la force de défense néo-zélandaise devrait apporter, et je pense que c'est le point sur lequel j'ai été interrompu lorsque nous avons suspendu notre dernière réunion. Ces cinq éléments sont les suivants:
1. Être transparentes et responsables en établissant la surveillance et le suivi des progrès réalisés, par un organisme ou une entité de confiance indépendante, comme le vérificateur général...
2. Fournir un mécanisme de plainte externe et indépendant de confiance (comme celui offert par l'Ombudsman de la défense en Australie) pour recevoir les plaintes de comportement préjudiciable et de violence sexuelle, faire enquête à leur sujet et y remédier...
3. Promouvoir activement le service d'assistance téléphonique sécurisée « Safe to Talk » en tant que voie de soutien externe et indépendante pour les victimes de violence sexuelle...
4. Créer un système de gestion des données complet et intégré pour évaluer les progrès par rapport à des mesures de résultats claires et produire des rapports sur les plaintes et les résultats des incidents de comportement préjudiciable...
5. Engager à tous les niveaux des dirigeants prêts à s'approprier et à diriger collectivement la gestion des comportements préjudiciables, y compris la violence sexuelle, la discrimination, l'intimidation et le harcèlement au sein des NZDF.
     Voilà l'ensemble des recommandations de haut niveau de cette étude. L'élément fondamental des conclusions est très semblable à la teneur des discussions que nous avons eues et que nous examinons.
     Le mandat de ce processus d'examen particulier comportait sept éléments. L'examen était destiné à:
1. Établir une stratégie pour changer la culture des NZDF.
2. Améliorer la formation et l'éducation.
3. Fournir un autre moyen de signaler les agressions sexuelles.
4. Créer une équipe d'intervention spécialisée et professionnelle en cas d'agression sexuelle.
5. S'attaquer aux facteurs de risque précis associés aux installations et à l'alcool.
6. Recruter plus de femmes dans les forces armées et augmenter la représentation féminine dans les postes de direction.
7. Surveiller et réduire davantage la discrimination, le harcèlement et l'intimidation.
     Je vais mentionner brièvement le sixième élément. Le ministre a souvent parlé de la filière que nous devons créer au Canada pour avoir un nombre beaucoup plus important de femmes parmi les hauts gradés. Il a été question à ce comité de « toxicité masculine »: la culture négative et nuisible qui persiste principalement chez les hauts gradés. Pour changer cette culture, l'une des recommandations sur lesquelles le Comité devrait se pencher de toute urgence consiste à appuyer la création et le maintien d'une filière de talents qui permette aux femmes membres des Forces canadiennes d'accéder progressivement aux grades supérieurs dans l'organisation.

  (68510)  

     Le rapport de la Nouvelle-Zélande prend soin de noter qu'ils « n'étaient pas mandatés pour enquêter ou faire des constatations factuelles sur le fond ou le bien-fondé de toute circonstance ou allégation particulière ». À ma connaissance, la Nouvelle-Zélande n'a pas vécu la même expérience que nous en ce qui concerne le chef d'état-major de la défense qui a fait l'objet d'une plainte personnelle alors qu'il était à la tête d'une opération qui était censée réaliser le changement de culture que nous avons pour mandat d'aborder.
    Ce pays se penche sur le deuxième volet que j'ai décrit au début: les mécanismes, les recommandations, les voies à suivre pour parvenir à un changement de culture en Nouvelle-Zélande. Pour cette raison, je soutiens que cette expérience est directement pertinente pour ce que nous faisons en ce moment même.
     L'approche adoptée par cet organisme pour mesurer les progrès accomplis comporte un certain nombre d'éléments. Il discute de la méthodologie qu'il a utilisée et de la manière dont il a « extrait des thèmes du nombre de perspectives [différentes] ».
     En ce qui concerne la terminologie, il fait quelques observations importantes qui seraient pertinentes pour l'examen des efforts qui sont en cours devant notre Comité. En ce qui concerne les « termes communément compris », tels que « victime », « cible », « plaignant » et « accusé » tout au long du rapport, il s'agit d'une référence aux « personnes qui subissent, signalent ou sont accusées de comportements inappropriés ou préjudiciables, qu'il s'agisse d'intimidation, de harcèlement, de discrimination ou d'une certaine forme de violence sexuelle ». Il déclare:
Les termes viol, agression sexuelle et violence sexuelle sont fréquemment utilisés de manière interchangeable et ne sont pas destinés à correspondre à une définition légale donnée. Dans ce rapport, nous utilisons généralement le terme global de « violence sexuelle » pour décrire non seulement la violence physique, comme l'agression sexuelle, mais aussi les actes d'intimidation sexuelle qui ne comportent pas de contact physique.
Le renvoi direct à d'autres documents utilise la même terminologie que dans l'original, comme le plan d'action de l'opération Respect qui parle à la fois d'agression sexuelle et de comportement sexuel préjudiciable et inapproprié.
    Encore une fois, les définitions sont incroyablement importantes, non seulement pour définir la portée de l'examen qui est en cours dans le cas présent, mais aussi lorsqu'il s'agit de formuler des recommandations et de communiquer avec le public canadien pour s'assurer que nous sommes suffisamment inclusifs et également sensibles à ce qu'ont vécu les victimes concernées.
    Le rapport parle ensuite, dans la section « Ce que vos gens nous ont dit », des commentaires reçus des membres des forces armées dans le cadre de l'examen:
Dans l'ensemble, les participants ont partagé un large éventail d'expériences et d'opinions... Dans ce rapport, nous avons essayé de fournir un compte rendu équilibré de ce qui nous a été dit au cours de l'examen.
De nombreuses situations et expériences différentes nous ont été décrites. Toutes n'étaient pas liées au fait de subir ou d'être témoin de comportement préjudiciable ou de violence sexuelle. Mais beaucoup d'expériences ont été douloureuses et pénibles à raconter et ont entraîné un coût personnel pour les personnes qui les ont partagées si franchement avec nous. Bon nombre d'entre elles ont expliqué qu'elles avaient choisi de nous parler parce que nous étions indépendants et que nous leur offrions un lieu sûr et confidentiel. Un grand nombre nous a remerciés pour ce qu'elles ont décrit comme une expérience cathartique.
Nous avons entendu des personnes qui ont été victimes d'intimidation ou de violence verbale, mentale, physique et sexuelle de la part de collègues. Nous avons également entendu parler de violence conjugale et familiale.
Nous avons entendu parler de graves conséquences que de telles expériences ont sur la santé et le bien-être des personnes.
Nous avons également appris que l'incapacité [des forces de défense de la Nouvelle-Zélande] à agir ou à résoudre les situations en temps voulu a souvent aggravé le traumatisme initial et créé des situations très stressantes pour toutes les personnes concernées, y compris le personnel et les employés.
Les membres du personnel, anciens et actuels, y compris les cadres supérieurs participant directement à l'élaboration des politiques, aux initiatives relevant des domaines examinés et à leur mise en œuvre, ont partagé ouvertement leur point de vue sur les progrès ou l'absence de progrès.
Afin de protéger l'anonymat des participants, nous ne pouvons pas communiquer de détails précis sur les personnes, ni de renseignements, opinions ou expériences qui nous ont été fournies. Un refrain commun est que les gens n'ont pas l'impression de pouvoir s'exprimer en toute sécurité au sein des [NZDF].
Il est important de comprendre [que] nous ne transmettons pas la voix de quelques personnes, mais celle d'un grand nombre.
Nous avons [examiné] deux messages très clairs et cohérents à la suite de la plupart des séances de groupe et des entretiens individuels: les gens ont été surpris et reconnaissants que nous n'ayons pas « simplement présenté un autre breffage de l'opération Respect », mais que nous ayons demandé des opinions et des expériences; et ils ont cherché à être rassurés que nous alliions « dire les choses telles qu'elles sont » et faire entendre leur voix. Dans ce rapport, nous nous sommes efforcés de le faire.

  (68515)  

     Madame la présidente, il y a d'autres éléments extrêmement pertinents sur lesquels je pense que je reviendrai lors d'une deuxième intervention. Je voulais présenter cela au Comité comme une image de la forte similitude entre l'expérience de la Nouvelle-Zélande et ce à quoi ce comité est confronté, pour m'assurer que nous mettons le témoignage des victimes à l'avant-plan, comme l'ont fait mes collègues du côté libéral au cours des dernières semaines d'interventions dans cette séance particulière de la réunion.
     Je veux aussi m'assurer que nous concevons aussi bien des recommandations qui nous aideront à aller de l'avant qu'une façon sensible d'habiliter les victimes d'inconduite sexuelle qui se présenteront devant ce comité. En outre, je veux m'assurer qu'à l'avenir, on aura mis en place des mécanismes qui permettront aux personnes qui sont encore en service et à celles qui l'ont été de se manifester et de déposer des plaintes en toute confiance, d'être entendues et d'avoir l'assurance que ce comité — le Comité parlementaire saisi de cette question — les prendra au sérieux et élaborera des recommandations grâce auxquelles nous serons dans un monde bien meilleur.
     Je vais m'arrêter là pour le moment, madame la présidente, mais j'aimerais revenir et présenter d'autres éléments de cet examen particulier que les membres du Comité trouveront utiles, à mon avis.

  (68520)  

    Merci beaucoup.
     Nous allons passer à M. Bagnell. Allez‑y, monsieur.
    Merci, madame la présidente.
     J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Kelly, s'il est encore là. J'espère qu'il trouvera des renseignements intéressants aujourd'hui. Mes commentaires ne le concernent pas lors de ma première intervention aujourd'hui, car il n'était pas au Comité.
     Je suis vraiment perplexe quant à la raison pour laquelle le NPD, les conservateurs et le Bloc ne veulent pas aider...
    J'en appelle au Règlement, madame la présidente.
     Pour votre gouverne, M. Kelly est parti.
    D'accord. Merci.
    Merci, madame Alleslev.
    Allez‑y, monsieur Bagnell.
    Merci.
     Je suis vraiment perplexe quant à la raison pour laquelle le NPD, les conservateurs et le Bloc ne voudraient pas aider les hommes et les femmes militaires en demandant au gouvernement de répondre aux recommandations que nous formulons. Pourquoi aurions-nous fait tout ce travail pendant des mois si les conservateurs, le NPD et le Bloc ne veulent pas que le gouvernement réponde à nos recommandations et améliore la vie des hommes et des femmes des forces armées et montre aux victimes qu'elles ont été écoutées? C'est le but de mon amendement.
     Yvan Baker et moi sommes d'accord sur un point: nous sommes venus au Parlement pour accomplir des changements positifs, pour améliorer le Canada. Le député Baker a posé une très bonne question lors d'une réunion précédente: lorsque nous aurons tous pris notre retraite et contemplerons cette session parlementaire d'hiver-printemps du Comité de la défense, que pourrons-nous dire que nous avons accompli?
     Nous sommes-nous mis d'accord sur de nombreuses recommandations pour aider les milliers de victimes ou de femmes qui se trouvent actuellement dans l'armée? Non.
     Avons-nous mené un débat long et réfléchi et formulé des recommandations sur les défis complexes que représente le changement de culture? Non.
     Avons-nous mené un débat long et réfléchi et formulé des recommandations sur un deuxième problème majeur, la chaîne de commandement? Non.
     Avons-nous mené un long débat et convenu de recommandations sur le troisième problème majeur, la peur de représailles? Non.
     Avons-nous aidé nos soldats dans le monde entier à survivre à la terrible pandémie de COVID qui a fait tant de victimes? Pas encore.
     Avons-nous aidé tant d'entre eux affligés de certaines... torturés par des afflictions de santé mentale? Pas encore.
    Avons-nous aidé la marine à se procurer les navires de guerre dont elle a besoin? Non.
    Notre comité a‑t‑il aidé l'armée de l'air à se procurer la prochaine génération de chasseurs dont elle a besoin? Non.
     Avons-nous aidé à assurer la sécurité de nos troupes dans le monde entier? Avons-nous aidé en Lituanie et en Ukraine? Non.
     Avons-nous traité de la question de l'agression militaire russe ou chinoise? Non.
     Notre comité a‑t‑il contribué à rendre le monde plus sûr avec nos recommandations sur le maintien de la paix? Non.
     Avons-nous pris sérieusement en compte les centaines de courriels et de plaintes et les heures de témoignages passés ou éventuels pour formuler nos recommandations? Non.
    Avons-nous modernisé le NORAD? Non.
     Je vais vous dire ce que les conservateurs, le NPD et le Bloc ont accompli. Nous avons entendu, des semaines durant, un témoin après l'autre pour faire une enquête approfondie sur un courriel anonyme que la personne ne voulait pas rendre public, de sorte que personne ne sait ce qu'il contenait. À un moment donné, ils ont même proposé de rappeler des témoins concernant ce courriel. Puisqu'ils ont causé cet interminable blocage en refusant de coopérer pour le bien des troupes et en essayant de faire adopter une motion qui ne permettrait que deux minutes de débat — la motion dont nous parlons — sur les sujets sérieux liés à des améliorations pour nos militaires... Dans une prochaine présentation, j'expliquerai pourquoi cela n'a aucun sens.
    En réponse à la question de M. Baker sur ce que nous avons accompli, le fait que les partis d'opposition font un blocage pendant des semaines avec leur motion déraisonnable ne signifie pas que chaque membre du Comité n'a rien accompli. En fait, un bon chercheur pourrait produire un tableau indiquant combien de fois, au cours des dernières semaines, un membre a présenté au Comité des commentaires précieux concernant les victimes et les a consignés pour qu'ils puissent mener à des améliorations dans l'armée, combien de fois un membre a fait part de commentaires d'experts qui nous aideraient à concevoir des recommandations pour aider les hommes et les femmes militaires, combien de fois un membre a fait part de commentaires précieux concernant d'autres armées qui ont trouvé des solutions aux problèmes auxquels nous sommes confrontés, et combien de fois chaque membre a fait des commentaires constructifs sur ce qui est peut-être le plus gros problème: la culture. Combien de fois, au cours des dernières semaines, un membre a‑t‑il parlé des principaux problèmes liés à la chaîne de commandement? Combien de fois un membre a‑t‑il parlé de la menace de représailles si un membre des FAC dénonce une inconduite sexuelle?
     En fait, ce chercheur pourrait également évaluer les parties en fonction du nombre de fois où, au cours des dernières semaines, chacune d'entre elles a apporté une contribution positive à ces trois problèmes majeurs qui mènent à l'inconduite sexuelle dans l'armée: la chaîne de commandement, la peur des représailles et la culture.
     Je serais curieux de connaître les résultats de cette recherche, mais ma réaction instinctive est que M. Spengemann et M. Baker ont apporté le plus grand nombre de contributions positives à l'étude en apportant à notre comité la plupart des preuves liées à ces problèmes majeurs.
     Il n'est pas trop tard pour que tous les membres du comité apportent leur contribution. Si les partis d'opposition cessaient de retarder le retrait de leur motion déraisonnable et demandaient au gouvernement de réagir aux travaux du Comité, ce dont traite mon amendement d'aujourd'hui, nous pourrions avancer de diverses façons.

  (68525)  

    J'ai notamment proposé que nous passions rapidement en revue les recommandations sur lesquelles nous pouvons tous nous mettre d'accord. Je suis sûr qu'il y en aura un certain nombre. Nous pourrions ensuite passer aux recommandations plus difficiles sur lesquelles nous n'avons pas pu nous mettre d'accord.
     Je m'en tiendrai là, madame la présidente. Dans ma prochaine intervention, j'aborderai plus en détail la question de la culture.
     Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à M. Baker, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
     Je tiens à remercier M. Bagnell pour son intervention réfléchie, tout d'abord pour ses mots aimables, mais surtout pour avoir vraiment résumé le coût du jeu politique que l'opposition mène à ce comité, et le coût en matière d'impact positif que nous pourrions avoir sur toute une série de questions qui comptent pour tant de gens dans tant de contextes différents, qu'il s'agisse d'équiper les forces armées, qu'il s'agisse de notre position dans les conflits étrangers, qu'il s'agisse de sécuriser notre propre Arctique, notre propre avenir et notre propre intérêt, ou qu'il s'agisse du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans l'armée.
     Je tiens à remercier M. Bagnell d'avoir résumé le coût, si vous voulez, des jeux politiques que l'opposition a entrepris depuis le début de cette étude. Cela nous a empêchés d'obtenir les résultats positifs que nous devrions obtenir pour les gens et, en particulier, pour les membres des forces armées.
     Je veux axer notre attention sur ce sur quoi notre rapport et notre comité devraient se concentrer, soit la question du harcèlement sexuel et des agressions sexuelles dans l'armée, la question de répondre aux préoccupations que les survivants et les victimes ont soulevées et que les experts ont soulevées à maintes reprises. Bien que certains membres de l'opposition m'aient reproché, ainsi qu'à d'autres de mes collègues du gouvernement, d'essayer de partager avec ce comité les perspectives et les témoignages des victimes et des survivants, je vais continuer à les partager. Je sais que mes collègues ont continué à partager cette perspective. À mon avis, c'est cela qui devrait être au coeur de nos préoccupations, et non les jeux politiques auxquels s'est livrée l'opposition.
     Dans le même ordre d'idées, j'aimerais vous faire part des réflexions d'une survivante, Mme Emily Tulloch, au Comité permanent de la condition féminine. Lorsque vous entendrez son point de vue, je pense que vous comprendrez pourquoi je le partage. Je pense qu'elle fait ressortir ce qui est en jeu et pourquoi nous devrions rédiger un rapport complet avec une réponse du gouvernement, comme M. Bagnell l'a proposé dans son amendement, et pourquoi j'espère que M. Bezan envisagera de retirer sa motion, que M. Bagnell a essayé d'amender de manière constructive.
     J'espère que M. Bezan retirera sa motion. La motion de M. Bezan aboutirait à un rapport qui ne nous permettrait pas d'analyser correctement et de manière réfléchie les questions, ce que nous avons entendu, pour vraiment cerner toutes les composantes des problèmes qui sont à l'origine des agressions et des inconduites sexuelles dans l'armée. Cela ne nous permettrait pas de concevoir et de produire des solutions à ces problèmes. Cela ne nous permettrait pas, en fin de compte, de régler ce problème. La motion de M. Bezan ne nous permettrait pas de répondre aux besoins des survivants et des victimes. Ils nous supplient d'accomplir ce travail. Voilà des années qu'ils nous demandent d'agir. Ils ne cessent de nous le demander. Je pense que ce comité devrait tenir compte de leur appel.
    Je vais répéter l'un de ces appels ici aujourd'hui. Mme Emily Tulloch témoignait devant le Comité permanent de la condition féminine. Elle a dit:
Je suis entrée dans les Forces armées canadiennes en juillet 2018. Depuis, j'ai l'impression d'avoir subi toute une vie d'agressions et d'inconduites sexuelles. Je suis ici aujourd'hui pour vous dire que j'ai été violée un mois seulement — un mois — après le début de mon instruction de base à Saint-Jean. J'ai également été agressée sexuellement pendant mon instruction à Borden. J'ai été tripotée et embrassée contre mon gré lors de fêtes d'équipage et d'activités au mess. Ces comportements dégradants sont plus courants que vous ne le pensez.

  (68530)  

Pour couronner le tout, j'ai enduré des commentaires misogynes et sexistes tout au long de ma carrière. Je me suis fait dire que j'avais seulement été acceptée parce que je suis une fille. Il y a même un instructeur de Borden qui m'a dit ceci en me regardant droit dans les yeux: si ton papa faisait tout pour toi dans ta petite vie douillette, dis‑le nous, et nous pourrons te donner un coup de main.
Je crois en l'importance de l'armée. J'espère poursuivre ma carrière et servir mon pays au meilleur de mes capacités. Cependant, mon expérience du système de justice militaire a été plutôt négative. Je me pose beaucoup de questions sur la façon dont la police militaire devrait mener ses enquêtes. J'ai eu trois entretiens avec la police militaire depuis que j'ai signalé une inconduite. Deux d'entre eux ont été franchement atroces et ressemblaient davantage à des interrogatoires.
    Je vais m'arrêter là une seconde, car je pense qu'il est important de réfléchir à ce qu'Emily Tulloch partage. Tout d'abord, elle parle du fait qu'elle a été violée un mois après le début de son entraînement de base à Saint-Jean, puis agressée sexuellement pendant son entraînement à Borden. C'est à cela que nous devrions mettre fin. C'est sur ce problème précis qu'il nous faut nous concentrer. Nous devrions nous concentrer sur la résolution du problème qu'Emily Tulloch et d'autres ont soulevé nous ont décrit, à savoir que les femmes principalement, mais les membres des forces armées, sont harcelées et agressées sexuellement.
    Dans le cas de Mme Tulloch, un mois après le début de sa formation, elle est agressée sexuellement par quelqu'un qui est censé être un collègue, qui est censé servir, qui prête le même serment, qui est censé croire au service de notre pays et qui traite ainsi une collègue des forces armées. C'est sur cela que nous devrions nous concentrer, faire tout ce que nous pouvons pour nous unir, élaguer nos étiquettes partisanes, rédiger un bon rapport et rendre justice aux victimes qui ont souffert d'une manière que je ne peux pas comprendre.
     La motion de M. Bezan ne nous permet pas de faire cela. Elle nous empêche de le faire. Il m'a fallu plus de deux minutes rien que pour raconter l'histoire de Mme Tulloch, et la motion de M. Bezan nous obligerait à rédiger un rapport où chaque député aurait deux minutes pour s'exprimer, puis, boum, nous passerions à la clause suivante ou au paragraphe suivant. Cela ne nous donnerait pas assez de temps et ne serait pas fondé sur un consensus. Comme l'indique la motion de M. Bezan, nous voterions tous simplement sur chaque article, pour ou contre, puis passerions au suivant.
    Je pense que les survivants méritent beaucoup mieux que cela. Je ne comprends pas comment on peut écouter une telle chose, ce qu'a relaté Mme Tulloch dans son témoignage devant nos collègues, et ne pas penser que cela devrait être la priorité de notre comité. Je ne comprends pas pourquoi nous adopterions la motion proposée par M. Bezan, qui nous lie les mains et nous empêche de traiter de ce que Mme Tulloch nous dit.

  (68535)  

     Mme Tulloch n'est pas seule. Nous le savons. Nous en avons tous parlé. Nous savons que c'est un problème répandu. La motion de M. Bezan forcerait effectivement ce comité à détourner son regard. Pire encore, elle obligerait ce comité à rédiger un rapport qui prétendrait aborder cette question alors qu'il ne le ferait pas. C'est pire parce que c'est trompeur.
     Chers amis, les gens souffrent. La motion de M. Bezan vise à faire les manchettes et à prétendre avoir fait quelque chose alors que rien n'a été fait. C'est pourquoi j'espère qu'il la retirera, non pas parce que c'est politiquement commode, mais parce que c'est la bonne chose à faire. Je ne connais pas une seule personne qui puisse s'empêcher d'être touchée par ce genre de témoignage. Ce genre de témoignage est exactement ce que nous devrions...
     Chaque fois que je viens à ce comité et que je partage avec vous certaines de ces histoires, ce témoignage me trotte dans la tête pendant des heures après. Des heures après nos réunions de comité, je pense encore à ce que ces femmes ont vécu et vivent. Je ne sais pas, mais d'une certaine manière, il y a des membres de ce comité chez qui cela n'a pas un tel impact. Peut-être que la politique est plus importante pour eux, mais cela devrait être notre priorité.
     Mme Tulloch parle de l'importance qu'elle accorde à l'armée. Elle espère poursuivre sa carrière. Je le signale seulement pour dire que Mme Tulloch a témoigné dans un cadre public devant un comité de la Chambre des communes et a partagé ce que je vous ai lu, et qu'elle espère toujours servir. Je l'applaudis pour son courage, non seulement pour avoir partagé cela publiquement, ce qui demande énormément de courage, mais aussi parce qu'elle l'a fait et qu'elle souhaite toujours servir dans l'armée. Je pense que cela démontre à quel point Mme Tulloch et d'autres nous demandent d'agir et nous demandent de l'aide. Je souligne cela simplement pour dire, chers collègues: répondons à cet appel. Nous devrions répondre à cet appel.
    M. Bagnell a proposé un amendement fort logique. Il dit essentiellement que le gouvernement doit répondre au rapport de la commission, de sorte que le gouvernement est tenu... À mon avis, la valeur et la principale motivation de l'amendement de M. Bagnell résident dans le fait qu'il exige que le gouvernement déclare officiellement ce qu'il compte faire en réponse aux recommandations et aux préoccupations du Comité. Je crois que c'est M. Bagnell qui, plus tôt dans notre discussion aujourd'hui, a mentionné qu'en éliminant cette exigence — qui est une exigence standard pour les rapports de comité, inclus par les comités qui veulent sérieusement que le gouvernement agisse sur leurs recommandations —, en proposant la suppression d'une réponse du gouvernement, l'opposition déclare fondamentalement que ce que le gouvernement fait lui importe peu.
    Pourquoi sommes-nous tous ici en tant que députés si nous ne nous soucions pas de ce que le gouvernement fait sur une question comme celle‑ci? Pourquoi sommes-nous ici?
    Je n'arrive pas à comprendre pourquoi l'opposition fait des pieds et des mains pour dire que nous ne voulons pas que le gouvernement agisse sur ce que nous recommandons. Est‑ce parce qu'elle ne pense pas que c'est un problème grave? Est‑ce parce qu'elle n'accorde pas beaucoup d'importance à ce que nous allons recommander?
    En tout cas, je pense que le fait que Mme Tulloch et d'autres, qui sont des membres actifs des forces armées, aient eu le courage de se manifester, nous le leur devons. Nous devons reconnaître le courage qu'il faut pour le faire, l'importance de la question et, par conséquent, l'importance que nous accordons à cette question.

  (68540)  

     Dans la dernière partie de ce que j'ai lu du témoignage de Mme Tulloch sur son expérience, elle a commencé à décrire son expérience avec la police militaire. Je pense qu'il est important d'entendre le point de vue des personnes qui interagissent avec la police militaire. Lorsque j'ai lu le témoignage de Mme Tulloch — je devrais en lire davantage, pour être franc, afin que nous ayons le contexte complet, en toute équité —, le fait qu'elle se soit sentie comme elle l'a fait en interagissant avec la police militaire évoque une autre composante de ce problème que ce comité doit examiner et traiter dans son rapport, et pour lequel il doit recommander des solutions et tenir le gouvernement responsable de sa résolution.
    Je vais lire un peu plus de ce que Mme Tulloch avait à dire. Elle a dit:
Deux [de ces entretiens] ont été franchement atroces et ressemblaient davantage à des interrogatoires. Pendant ces entretiens, j'ai eu l'impression que les enquêteurs ne me traitaient pas comme un être humain. Je n'étais qu'un autre dossier à leurs yeux. Ils n'avaient pas la moindre empathie ou compassion. C'était tellement frustrant que je suis partie avant la fin du deuxième entretien. J'avais l'impression de ne pas être entendue et d'être traitée comme une criminelle. Aucune personne ne devrait subir un tel traitement alors qu'elle est si vulnérable et qu'elle a besoin d'aide.
     Je m'arrête là un instant. Mme Tulloch est la victime et décrit un traitement qui, je pense que nous sommes tous d'accord, doit cesser. Elle parle du fait qu'elle a besoin d'aide et qu'au lieu de cela, elle est traitée comme une criminelle. Je ne prétends pas être un expert. En fait, tous ceux d'entre nous qui ont entendu les témoignages d'experts et de survivants doivent, pour rédiger le rapport, examiner cet élément particulier du problème beaucoup plus vaste, en débattre et déterminer comment nous voulons le traiter. Ce n'est qu'un élément d'un problème beaucoup plus vaste, mais nous devons nous y attaquer. Encore une fois, la motion de M. Bezan nous empêcherait de le faire.
    Mme Tulloch a dit ensuite:
La police militaire doit améliorer sa formation sur la façon d'interroger les victimes d'agression sexuelle. Il faudrait concevoir un cours visant expressément à leur apprendre que les victimes ont besoin de compréhension et d'empathie. S'il existe déjà un cours, il faut s'en débarrasser et recommencer de zéro.
    Je fais une pause là encore. Est‑ce quelque chose que nous recommandons en tant que comité? Est‑ce que cela figure dans notre rapport? Est‑ce que ce sera dans notre rapport? Si nous adoptons la motion de M. Bezan, les membres qui y tiennent ne pourront pas débattre de la question. Cela pourrait être rejeté par un vote. Pour ce que j'en sais, elle pourrait même ne pas figurer dans le rapport, mais, à mon avis, elle devrait y figurer. Je suis sûr que bon nombre de mes collègues de tous les côtés conviendraient que le document doit comprendre des recommandations visant à résoudre le problème de la manière dont la police militaire enquête sur ces allégations, mais nous ne pouvons pas le faire si nous adoptons la motion de M. Bezan. La motion de M. Bezan ne nous permet pas d'en débattre, sauf pendant deux minutes. Bonne chance. J'ai passé deux minutes à lire ce que Mme Tulloch nous a dit. Comment pourrions-nous arriver à un consensus en deux minutes?
    C'est un autre exemple des problèmes. Je vous transmets ce que Mme Tulloch nous a dit parce que je veux que nous nous concentrions sur ce que nous devrions faire ici, à mon avis, sur les multiples facettes et la complexité de la question à laquelle nous sommes confrontés, et sur le nombre de composantes qu'il y aura probablement pour la solution, si nous voulons sérieusement résoudre ce problème.

  (68545)  

     Par conséquent, la motion de M. Bezan nous empêchant de le faire, M. Bagnell a proposé une réponse du gouvernement... Ce que M. Bagnell a fait est constructif, au moins. Il a essayé de dire que nous devrions, tout du moins, arriver à un consensus sur le fait que tout ce que nous recommandons doit être pris en compte par le gouvernement.
     Ce dont parle Mme Tulloch n'est qu'un des nombreux éléments de ce problème, et les partis d'opposition soutiennent essentiellement une motion qui leur permet de dire que nous avons rédigé un rapport sur le sujet. Cependant, cela ne fait rien pour régler les problèmes auxquels les personnes survivantes sont confrontées — auxquels elles ont été confrontées et continuent de l'être.
     Je sais que d'autres personnes veulent prendre la parole, madame la présidente, alors je vais m'arrêter ici.
     Je voudrais simplement nous demander de ramener notre attention sur les survivants et sur la rédaction d'un rapport solide.
     Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Baker.
     Monsieur Garrison, allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je m'excuse. Ma fonction « lever la main » se met en marche et s'arrête d'elle-même. Je ne sais pas pourquoi c'est le cas.
     J'aimerais prendre quelques minutes pour parler de la question que les députés libéraux ne cessent de soulever au sein de ce comité et à la Chambre, à savoir la remise en question des motifs des députés de l'opposition dans le cadre de cette étude. J'ai dit plus tôt à la présidente qu'il s'agit en fait, à mon avis, d'une question de privilège. Je pense que c'est une violation des règles de la Chambre des communes que de s'interroger sur les motifs d'autres députés et, en particulier, sur la façon dont ils accomplissent leur travail. Même si cela n'est pas considéré comme une violation de privilège, ce n'est certainement pas productif. Nous pouvons passer la journée à débattre des motifs et nous n'avancerons sur rien du tout.
     Je dois dire, au sujet de l'accusation de partisanerie, au risque de commettre l'infraction dont je me plains, qu'il s'agit peut-être, à mon avis, un peu plus d'une projection de la part des députés libéraux que de la réalité à laquelle nous sommes confrontés.
     Permettez-moi de parler très directement de ma motivation concernant cette étude.
     Je parlerai tout d'abord de la raison pour laquelle je crois que cette étude est importante et de ce que je crois qu'elle représente en principe. Dès le départ, cette étude a eu pour objectif d'examiner pourquoi il n'y a pas eu d'action efficace pour lutter contre l'inconduite sexuelle dans l'armée au cours des six dernières années et, en particulier, pourquoi aucune mesure n'a été prise en 2018 lorsque des allégations d'inconduite sexuelle ont été avancées contre le général Vance, pourquoi il a été autorisé à rester à la tête de l'opération Honour pendant près de trois ans après cela et pourquoi il a même reçu une augmentation de salaire.
     Les députés libéraux persistent à ignorer le fait que le Comité de la condition féminine mène une étude sur ce qui devrait être fait à l'avenir pour lutter contre les inconduites sexuelles. Ce sont eux qui ont entendu les victimes. Si j'ai bien compris, ils déposeront sous peu à la Chambre des communes un rapport contenant ces recommandations. Pour moi, la question clé ici est que toutes ces bonnes recommandations que fera le Comité de la condition féminine ne serviront à rien si nous ne comprenons pas pourquoi toutes les recommandations judicieuses faites par la juge Deschamps il y a six ans n'ont pas été mises en œuvre et n'ont pas entraîné une amélioration de ce problème dans les Forces armées.
    Comment se fait‑il qu'il y ait eu plus de 500 cas d'agression sexuelle alors que l'opération Honour était en vigueur? Pourquoi avons-nous eu un total de plus de 800 cas, si l'on combine l'agression sexuelle et le harcèlement sexuel, alors que l'opération Honour était en place?
    Toutes les bonnes recommandations qu'un comité de la Chambre des communes peut faire ne serviront à rien si nous ne comprenons pas pourquoi les recommandations précédentes n'ont pas été suivies, n'ont pas été mises en œuvre et ne se sont pas soldées par une amélioration. Pour moi, c'est se préoccuper des survivants et les aider à comprendre pourquoi rien n'a été fait dans leur cas, et c'est se préoccuper des futurs survivants et s'assurer qu'il n'y en a pas autant que par le passé et, en fait, essayer d'atteindre l'objectif qu'il n'y ait plus de survivants d'inconduite sexuelle. Si nous ne savons pas pourquoi aucun progrès n'a été fait, nous n'y arriverons jamais. C'est l'élément central de ce rapport.
     Je voudrais maintenant parler plus directement et personnellement de ma motivation dans cette étude et dire à quel point je crois qu'il s'agit de soutenir les victimes.
     En tant qu'adulte ayant survécu à la violence envers les enfants, je sais ce que c'est que d'être victime d'une agression sexuelle. Je sais ce que c'est que d'essayer de raconter son histoire et de ne pas être cru. Je sais ce que c'est que de parler à des personnes qui auraient dû savoir ou qui savaient et n'ont rien fait. Je sais ce que l'on ressent lorsque rien n'est fait et que l'on découvre plus tard, comme dans mon cas, qu'il y avait huit autres victimes du même comportement, dont certaines étaient très proches de moi. Je n'apprécie donc pas qu'on dise que je ne me soucie pas des survivants en raison des positions politiques que je peux prendre ici. Je ne l'apprécie pas du tout.
    Il m'a fallu beaucoup de temps pour accepter que ce qui m'est arrivé s'est produit pendant mon enfance, mais lorsque j'ai essayé de faire valoir ces choses à l'âge adulte, j'ai été confronté aux mêmes défis auxquels les personnes survivantes d'inconduite sexuelle dans l'armée sont maintenant confrontées. Par conséquent, je crois que parvenir à une conclusion et examiner très soigneusement pourquoi des mesures efficaces n'ont pas été prises, c'est prendre la défense des survivants et c'est ce que nous pouvons faire de plus important au Comité de la défense.
    Le Comité de la condition féminine a entendu de nombreuses survivantes. Ils ont entendu une grande partie des témoignages qui sont répétés ici. Ce sont des témoignages qui choquent et perturbent. Il n'y a aucun doute là‑dessus, mais comme je l'ai dit, le Comité de la condition féminine, si j'ai bien compris, est sur le point de déposer son rapport, qui contiendra des recommandations à ce sujet.

  (68550)  

     Je vais en rester là, mais je ne tolérerai vraiment pas que l'on prétende qu'en raison de ce que je pense être important ici et de la manière dont je souhaite aborder la question, je ne me soucie pas des survivants. C'est tout simplement faux par principe et c'est certainement tout à fait faux en ce qui me concerne.
    Soyons clairs. Il s'agit du bilan du ministre de la Défense nationale au cours des six dernières années. Il ne s'agit pas de qui il est en tant que personne. Il est certain, et je veux être très clair, que le ministre de la Défense nationale n'est pas la victime ici. Les victimes sont les personnes qui ont été victimes d'inconduite sexuelle sous sa surveillance et pour qui aucune mesure efficace n'a été prise à cet égard.
     Permettez-moi de revenir sur ce que j'ai déjà dit: il doit y avoir une règle contre la manipulation. Il doit y avoir une règle contre la création d'un univers parallèle ici. Si nous ne sommes pas parvenus à rédiger le rapport sur la santé mentale et à terminer le rapport sur la COVID, c'est à cause de l'obstruction des libéraux, que ce soit sur une motion précédente concernant les personnes à appeler comme témoin ou sur la motion dont nous sommes saisis ici. Les libéraux disent qu'ils ne comprennent pas pourquoi une motion aurait des limites de temps. Il me semble clair que la motion conservatrice comporte des limites de temps en raison de l'obstruction libérale qui nous empêche de tirer des conclusions et de publier un rapport.
     Les députés n'arrêtent pas de dire qu'un rapport de comité n'exigerait pas une réponse du gouvernement et que cela se produit toujours, mais ce n'est pas vrai. Le Comité de la justice vient de publier un rapport sur les comportements coercitifs et dominants, et ce comité n'a pas demandé de réponse du gouvernement. Savez-vous pourquoi? Ils ont dit que le gouvernement avait déjà témoigné devant le Comité et que le gouvernement devait s'occuper des recommandations plutôt que de rédiger une réponse au comité. Il y avait un travail plus important à faire que de répondre au comité.
     Il n'est pas vrai que chaque rapport de comité demande toujours une réponse du gouvernement. Il n'est certainement pas vrai que le fait de ne pas demander de réponse signifie qu'on ne pense pas qu'il s'agit d'une question importante. On pourrait, en fait, penser que le gouvernement devrait s'y atteler au lieu de passer du temps à revenir nous dire en comité ce qu'il nous a déjà dit à maintes reprises.
     J'aurais beaucoup aimé terminer le rapport sur la santé mentale dans l'armée canadienne, mais les membres libéraux, y compris la présidente du Comité, ont pris la décision de rester sur le sujet de l'inconduite sexuelle, malgré les offres de l'opposition de terminer les rapports sur la santé mentale dans les Forces armées et la COVID dans les FAC et de revenir ensuite à cette question. Ces propositions ont été rejetées. Je pense que c'était une forme de pression exercée sur les membres de l'opposition pour qu'ils renoncent à notre enquête sur les raisons de l'absence d'action efficace, afin d'en arriver aux rapports sur la COVID et sur la santé mentale dans les Forces armées.
     Avant que quelqu'un ne dise que cela ne s'est jamais produit, je rappellerai simplement aux membres que je ne supprime pas mes gazouillis. Je ne supprime pas les messages texte que je reçois des gens. J'espère que les députés ne prendront pas la peine de nier qu'il s'agissait d'un moyen de pression exercé sur les députés de l'opposition.
     Où en sommes-nous maintenant? Si nous ne terminons pas notre rapport aujourd'hui, il ne sera pas déposé avant que nous nous levions pour l'été. L'obstruction libérale d'aujourd'hui garantit que cela ne se produira pas. Cela signifie également que nous ne terminerons pas le rapport sur la santé mentale dans les FAC. Cela signifie que nous ne terminerons pas le rapport sur la COVID dans les FAC. Compte tenu des propos belliqueux qui circulent à la Chambre des communes, il se peut que ce soit l'une des dernières réunions de ce comité au cours de cette législature. Ce n'est pas l'opposition qui a bloqué les progrès sur tous ces autres sujets; c'est l'obstruction systématique des libéraux.
     Maintenant, je ne réfléchis pas à la raison pour laquelle les libéraux ont agi ainsi. Franchement, je ne le comprends pas. Nous avons essayé d'aller au fond des choses pour savoir pourquoi aucune mesure efficace n'a été prise contre le général Vance, pourquoi les recommandations du rapport Deschamps n'ont pas été pleinement mises en oeuvre et pourquoi l'inconduite sexuelle est toujours répandue dans les Forces armées. Je crois que répondre à ces questions est la tâche centrale qui nous incombe en tant que comité de la défense. Je suis très déçu que l'obstruction libérale nous empêche de répondre à ces questions.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (68555)  

    Merci beaucoup.

[Français]

     Monsieur Robillard, vous avez la parole.
     Merci, madame la présidente.
    Afin de comprendre le problème de l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, les FAC, nous devons comprendre la culture présente au sein des FAC. Comme l'a fait mon collègue M. Spengemann, je vais aborder le sujet de la culture dans les FAC.
     La Dre Maya Eichler souligne que:
[...] même dans un contexte militaire dit neutre, la culture militaire continue de reproduire l’idée que la masculinité guerrière est idéale si aucun effort concerté n’est fait pour changer la culture. Cette culture militaire genrée est donc restée intacte, même après la décision du Tribunal remontant à 1989, devenant un véritable obstacle à l’intégration des femmes dans les FAC.
    Cet aspect est très important, car c'est seulement en observant les traumas causés dans le passé que nous pourrons prévenir les traumas dans l'avenir.
L'expérience du soldat est demeurée propre au genre masculin. Les entretiens de recherche ont révélé que les femmes dans les Forces armées canadiennes sont placées devant un dilemme: être perçues comme étant trop masculines ou trop féminines. Pour être reconnues comme étant de « vraies » soldates, les femmes doivent montrer des traits masculins, sans toutefois perdre leur féminité. Certains thèmes sont récurrents: le sentiment de toujours devoir se prouver aux autres, être perçue comme étant moins compétente, être pointée du doigt, être traitée comme quelqu'un ne faisant pas partie du groupe, être ridiculisée, être harcelée sexuellement, se faire demander d'effectuer des tâches considérées comme féminines, etc.
    Encore une fois, nous pouvons observer que cette culture est ancienne. Nous devons donc, en tant que gouvernement, nous attaquer à celle-ci.
Cela illustre bien que l’inégalité des genres était chose normale, même avec les politiques de neutralité et d’accès à l’égalité d’emploi en place (Taber 2009). Les femmes ont donc dû trouver leurs propres « stratégies pour pouvoir participer pleinement et affirmer leur identité ou quitter les Forces armées. »
    Cela explique le faible taux de participation des femmes dans les FAC, soit environ 15 %. La participation est aussi très inégale si l'on étudie la structure organisationnelle de plus près. Les femmes sont présentes dans les professions associées aux femmes de manière stéréotypée. Les soins médicaux et dentaires ou les emplois de secrétariat sont sous-représentés dans les postes supérieurs.
    Nous devons vraiment tenir compte de ces éléments dans notre réponse et nous devons permettre à notre gouvernement d'émettre une réponse. L'intégration limitée des femmes est surtout évidente dans les rôles de combat. Plus de 25 ans après la décision du Tribunal canadien des droits de la personne, les rôles de combat sont presque exclusivement tenus par des hommes qui s'identifient étroitement à l'idéal du guerrier masculin. En 2016, il y avait seulement 2,5 % de femmes dans la force régulière et 5,5 % dans la réserve, pour ce qui est des rôles de combat.
    La couverture médiatique de l'intervention canadienne durant la guerre en Afghanistan a montré que la conception neutre du genre était dominante dans l'explication du rôle des femmes dans les Forces armées canadiennes. En 2006, la mort de la capitaine Nichola Goddard, la première femme à périr au combat, a attiré davantage l'attention médiatique sur les femmes soldats déployées en Afghanistan. Les porte-paroles militaires et les membres des FAC qui ont été interviewés à ce sujet continuaient d'affirmer que le genre n'était pas une variable à considérer.

  (68600)  

     Par exemple, dans un article sur la mort de la capitaine Goddard, paru dans le quotidien Toronto Star, les propos d'un porte-parole du ministère de la Défense nationale le montrent bien. Les FAC et ministère de la Défense nationale voient un soldat comme un soldat, sans tenir compte du genre. La conception neutre du genre était pour le ministère une véritable stratégie qui lui facilitait la gestion des relations publiques autour de la mort de la capitaine Goddard.
    Un échange de courriels interne, rendu public à la suite d'une demande d'accès à l'information, indique qu'il y avait réellement un effort pour atténuer ce que pouvait impliquer le genre de la capitaine Goddard. Selon un de ces courriels, tout le monde sur le théâtre d'opération est un soldat.
     Des douzaines de demandes médiatiques, visant à interviewer des femmes ou à en faire un profil en tant que soldate au combat, ont été refusées. Pour enlever cette attention et émotion par rapport au genre, le ministère de la Défense nationale se préoccupait de la mort d'une soldate au combat et de la réaction publique que cette perte pouvait susciter. Ces dirigeants ont donc choisi une approche neutre en ce qui a trait au genre comme stratégie de réponse. Comme Claire Turenne Sjolander et Kathryn Trevenenl’ont souligné dans ce contexte, il semble possible que lorsque la capitaine Goddard insiste sur le genre neutre, ce n'est pas une simple affirmation d'intégration du genre, comme le suggèrent les médias et les Forces armées canadiennes, mais plutôt une réponse intelligente d'un point de vue tactique, étant donné le coût élevé d'être une femme dans un environnement très masculinisé. Les soldates ont aussi renforcé ce message. Goddard elle-même n'avait pas voulu être pointée du doigt parce qu'elle était une femme. Elle a voulu intégrer son groupe de collègues mâles. D'autres femmes ont fait des remarques allant dans le même sens dans les médias. Par exemple, la major Eleanor Taylor, la première canadienne à commander une compagnie d'infanterie en situation de combat, a clairement signifié qu'elle ne voulait pas recevoir d'attention particulière du fait qu'elle était une femme commandant une compagnie, alors que les hommes occupants des postes semblables doivent relever les mêmes défis qu'elle. « Je ne trouve pas que [le fait que je sois une femme] soit vraiment pertinent. Moins on y pense dans mon organisation, et mieux c'est. » Il s'agit d'une traduction de l'auteure.
    La conception neutre du genre met le fardeau du changement sur le dos des femmes soldates. Cette neutralité implique que les femmes doivent s'intégrer aux normes de masculinité militarisée; donc, la neutralité ne pousse pas la culture militaire vers le changement, cette culture demeure inchangée. En effet, certains travaux de recherche démontrent la persistance de la culture militaire genrée, même en présence d'une posture neutre par rapport au genre. Donna Winslow et Jason Dunn ont fait valoir que les rôles de combat ont tendance à « mettre l'accent sur les valeurs et les attitudes traditionnellement masculines de l'organisation militaire, celles du guerrier en particulier, et, donc, de résister à l'intégration des femmes. Les attitudes misogynes et homophobes qui sont communes chez le personnel militaire de combat ont été documentées en 2005 par une étude des FAC.
    Une fois les barrières légales levées, les normes associées à la profession de soldat et l'idéal du guerrier ont nui à l'intégration sociale des femmes dans les Forces armées — surtout dans les postes de combat.
    Nous devons encore une fois vraiment tenir compte de cet élément dans notre réponse et nous devons permettre à notre gouvernement d'émettre une réponse afin de régler cet enjeu.

  (68605)  

     Comme Taber le démontre, « les politiques d’emploi des Forces armées canadiennes ne remettent pas en question cette idéologie ancrée du guerrier. La conception neutre du genre n’a donc pas été suffisante pour changer une culture militaire profondément genrée, ce qu’a confirmé le rapport Deschamps.
    Merci beaucoup, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Spengemann, allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Je veux commencer par remercier notre collègue Randall Garrison pour son intervention passionnée il y a quelques instants. Lui et moi avons siégé à ce comité au cours de la 42e législature. J'ai beaucoup de respect pour lui. Nous avons fait du bon travail ensemble, y compris, comme je l'ai mentionné dans des interventions précédentes, le rapport sur la diversité et l'inclusion au cours de la 42e législature, par l'intermédiaire de ce comité, qui mentionnait également l'inconduite sexuelle.
     En ce qui concerne le travail des autres comités — il a mentionné le travail en cours au sein du Comité de la condition féminine —, madame la présidente, je pense qu'il est important que nous gardions à l'esprit que chaque comité est maître de sa propre destinée. Ce n'est pas parce qu'un comité fait un rapport qu'un autre comité devrait ou ne devrait pas produire un rapport semblable.
     Dans le cas présent, on pourrait même affirmer que si deux comités parvenaient à des conclusions semblables, cela renforcerait l'importance de la question et catalyserait davantage l'action du gouvernement. En fait, c'est le caractère systématique de la question qui constitue l'occasion pour ce comité. Nous avons la chance d'étudier le cas de l'ancien chef d'état-major de la défense, le comportement sur lequel nous nous sommes concentrés au cours des derniers mois ainsi que la question du changement de culture, et de présenter des recommandations ou un rapport qui traite de cette question dans son intégralité et qui va vraiment au fond des choses.
     Je voudrais revenir un instant à mes observations concernant la Nouvelle-Zélande. J'aimerais faire remarquer à mes collègues que cet examen indépendant de l'opération en Nouvelle-Zélande, l'opération Respect, expose de façon non partisane certaines des raisons — ou des questions, du moins — que M. Garrison a mentionnées pour expliquer pourquoi il est si difficile d'obtenir une action, ou pourquoi il a été difficile d'agir ici au Canada à la suite du rapport Deschamps. Même avec un engagement du gouvernement, il y a des obstacles structurels et systémiques que le cas de la Nouvelle-Zélande fait ressortir, sur lesquels ce comité pourrait et devrait se concentrer et faire des recommandations pour les surmonter.
     Je vais en décrire quelques-uns pour la gouverne des députés. Je terminerai par quelques passages de ce rapport sur le changement de culture. Je crois savoir que mon collègue, M. Bagnell, souhaite aborder cette question plus tard. Je pense que cela correspondra bien à ce qu'il dira probablement au sujet de l'importance du changement de culture.
     En Nouvelle-Zélande, la question clé posée au comité d'examen indépendant était la suivante: « Quels sont les progrès réalisés par les [forces de défense de la Nouvelle-Zélande] dans la création d'une culture de dignité et de respect par la mise en œuvre de son plan d'action Respect? »
    L'examen indépendant conclut que:
Le plan d'action initial et les travaux de l'opération Respect ont bénéficié de bonnes ressources et ont commencé rapidement, avec énergie. La mise en œuvre réussie de l'équipe d'intervention en cas d'agression sexuelle (la SART) et du processus de divulgation à deux voies constitue un grand pas en avant. Ces éléments, ainsi que la formation en matière d'éthique sexuelle et de relations responsables (la SERR), sont devenus le visage positif de l'opération Respect.
Les [forces de défense de la Nouvelle-Zélande] ont posé les bases d'un programme positif de changement de culture, mais elles n'ont pas réussi à maintenir une approche cohérente et approfondie de leur stratégie ou de sa mise en œuvre. L'élan, la visibilité et la concentration ont été perdus.
     Là encore, il s'agit d'un message apolitique et non partisan de la Nouvelle-Zélande expliquant que, malgré cette initiative, les progrès ont été lents et non optimaux. On peut lire ensuite:
Malgré les efforts positifs, dans l'ensemble, les progrès ont été insuffisants depuis le lancement du plan, en ce qui concerne la « création d'une culture de dignité et de respect » en général et la prévention ou la prise en charge rapide des comportements préjudiciables, et la violence sexuelle en particulier.
Il nous a également été demandé d'évaluer si les NZDF sont bien placées pour réaliser les actions et les résultats clés décrits dans le plan d'action (en évaluant si l'allocation des ressources et les structures et processus organisationnels sont configurés de manière appropriée pour atteindre le succès).
    La conclusion est la suivante:
Nous pensons qu'à l'heure actuelle, les [NZDF] ne sont pas en mesure de mener le changement requis, étant donné les défis en matière de capacité et de compétences dans les domaines de la stratégie, de la planification, des ressources et du budget, aggravés par trois défis fondamentaux et un certain nombre d'autres obstacles au progrès.
    Le rapport fait état de ce qui suit:
Nous exposons ci‑dessous trois raisons principales pour lesquelles le changement culturel a été difficile à réaliser:
1. Il y a un manque de transparence et d'obligation de rendre compte des progrès réalisés par les NZDF pour traiter et prévenir les préjudices qui continuent d'être subis en raison de la violence sexuelle et/ou de la discrimination, de l'intimidation et du harcèlement.
2. Un « code du silence » prévaut et de nombreux membres du personnel ne portent pas plainte ou ne signalent pas des problèmes graves tels que la violence sexuelle parce qu'ils craignent les répercussions et ne font pas confiance aux processus et aux systèmes des NZDF.
3. La culture de la discipline et du commandement militaires fait qu'il est difficile pour le personnel de faire part de ses préoccupations ou de s'exprimer contre le comportement ou les décisions d'un supérieur immédiat ou d'autres personnes plus haut placées dans la hiérarchie.

  (68610)  

     Encore une fois, ce que nous avons entendu de diverses sources ici au Canada est renforcé par l'expérience de la Nouvelle-Zélande, sans aucune connotation partisane ou politique ou même parlementaire.
     Sous la rubrique « Obstacles au progrès de l'opération Respect », on trouve 12 obstacles présentés sous forme de résumé, comme suit:
1. La culture de l'organisation change lentement, mais il est difficile de briser le « code du silence ».
2. La stratégie de changement de culture doit favoriser l'appropriation collective.
3. L'opération Respect est menée depuis le [quartier général] avec des niveaux d'adoption variables dans les camps et les bases.
4. L'objectif et le champ d'application du programme sont trop vastes, ont perdu leur orientation et ne sont pas bien compris.
5. Les communications ne sont pas bien reçues et le programme pose des problèmes d'image de marque.
6. Les dirigeants ont besoin de plus d'outils, de soutien et d'incitations pour adopter et conduire le changement.
7. La structure de direction et les lignes hiérarchiques de l'opération Respect sont devenues confuses.
8. Le budget du programme est insuffisant pour conduire un changement significatif.
9. Les rôles et responsabilités des personnes qui gèrent les plaintes ne sont pas clairs.
10. Le système de justice militaire crée des obstacles au signalement des comportements préjudiciables ou des violences sexuelles.
     Je veux juste souligner ici l'intersection importante, soulignée par ma collègue Mme Vandenbeld lors d'une session précédente, entre ce travail et le travail sur la justice militaire.
    La liste est longue:
11. Sans une bonne collecte et une bonne gestion des données, il n'est pas possible de comprendre les problèmes, d'évaluer et de suivre les changements, ou de réduire les risques.
12. Le suivi et le compte rendu des progrès sont rudimentaires.
    Encore une fois, il y a ici des idées qui pourraient très directement, avec la volonté collective du Comité, être mises en correspondance avec notre expérience ici au Canada et nous faire sortir de l'impasse dans laquelle nous nous trouvons actuellement. Nous pourrions en fait faire de très bons progrès sur ces questions.
     L'organe d'examen a formulé des conclusions plus précises sur le plan d'action. Le plan d'action avait pour mandat d'établir une stratégie pour changer la culture des NZDF. L'examen a révélé que le changement n'était ni significatif ni assez rapide et que la culture dominante continuait à poser un problème.
     Le plan d'action avait pour mandat d'accroître la formation et l'éducation. L'examen a révélé que la formation sur l'éthique sexuelle et les relations responsables a été bien accueillie et a permis d'ouvrir un dialogue difficile, mais qu'elle devait être intégrée à tous les sujets de formation. J'avais déjà fait des recommandations ou des interventions sur la question de la formation.
     Il a été demandé à l'organe d'examen de prévoir un autre moyen de signaler les agressions sexuelles. Encore une fois, cette question est directement liée à ce dont nous parlons ici. L'examen n'a pas fait de constatation à ce sujet, mais n'a pas signalé de progrès.
     Le plan d'action consistait à créer une équipe spécialisée dans la réponse aux agressions sexuelles. La conclusion était la suivante:
a. La réponse « à deux voies » à la violence sexuelle est une excellente initiative, mais l'équipe d'intervention en cas d'agression sexuelle... est surmenée et fragile.
b. Il faut une autre voie, indépendante des [NZDF], pour signaler les agressions sexuelles et obtenir un soutien pour les victimes.
    Encore une fois, la teneur et la pertinence de ces types de recommandations, de conclusions et d'idées sont indéniables et c'est directement le genre de choses que nous devrions faire ici en tant que comité.
    Le plan d'action devait aborder les facteurs de risque précis associés aux installations et à l'alcool. C'est une question que nous n'avons pas abordée en détail, mais il y a quelques idées, notamment le fait que « l'usage de drogues est une préoccupation croissante » et que « la consommation d'alcool peut être en baisse, mais reste un problème majeur avec des questions à régler ». De plus, les rituels d'initiation au sein des NZDF se poursuivent.
     Le plan d'action devait prévoir le recrutement de plus de femmes ou recommander des moyens de recruter plus de femmes dans les forces armées et d'augmenter la représentation féminine dans les postes de direction. La conclusion est que « des progrès sont réalisés, bien que lentement ». Encore une fois, je signale ici, à l'intention du Comité, l'engagement du ministre à créer un bassin de femmes talentueuses qui accéderont rapidement à des postes supérieurs au sein des Forces armées canadiennes.
     Enfin, madame la présidente, le plan d'action de la Nouvelle-Zélande visait à surveiller et à réduire davantage la discrimination, le harcèlement et l'intimidation. L'examen a révélé que les progrès étaient lents et que « le problème était répandu et systémique, sans voies ou processus de soutien ou de résolution ».
    Je soulève ces questions pour indiquer le caractère systématique du problème auquel les armées sont confrontées dans le monde entier, y compris en Nouvelle-Zélande. Cette analyse, encore une fois, est indépendante. Elle est libre de toute ingérence politique. Elle devrait mettre en évidence pour les membres de ce comité et le public canadien certains des obstacles structurels et culturels auxquels nous sommes confrontés au Canada. Nous devrions nous pencher rapidement sur les moyens de briser ce statu quo et de nous sortir de cette impasse.
    Si je puis me permettre, madame la présidente, il est mentionné dans ce rapport que l'organisation, et j'entends par là les forces de défense de la Nouvelle-Zélande, change lentement, mais qu'il est difficile de briser le code du silence.

  (68615)  

    Cela nous permettra de faire le lien avec les commentaires que, je pense, les collègues à notre comité feront par la suite sur le changement de culture. J'aimerais simplement mentionner certaines de ces conclusions. Il est dit dans le rapport:
L'opération Respect [en Nouvelle-Zélande] est perçue par beaucoup comme une initiative largement positive qui a reconnu certains des problèmes négatifs de la culture au sein des NZDF.
L'opinion commune du personnel militaire de longue date est que la culture de la NZDF a changé au cours des dix ou vingt dernières années, principalement pour le mieux. Des références ont été faites à la diminution du sexisme, du racisme et de l'alcoolisme.
Cependant, la mesure dans laquelle l'opération Respect a pu y contribuer au cours des trois dernières années n'est pas claire. Les progrès sont peut-être dus à des changements sociétaux et générationnels à plus long terme, ainsi qu'à des stratégies de changement de comportement à l'échelle de la Nouvelle-Zélande, comme la lutte contre l'alcool au volant et les campagnes antiviolence White Ribbon.
Les comportements nocifs continuent d'animer le personnel militaire et civil. L'examen a entraîné de nombreuses révélations concernant, notamment, des cas de violence psychologique et physique, et de violence sexuelle.
Nous avons été informés de formes de discrimination, de harcèlement et d'intimidation qui sont inacceptables et ne reflètent pas les valeurs fondamentales des NZDF. Elles ne se limitent pas à un seul secteur de l'organisation et comprennent les relations entre militaires, entre militaires et civils, et entre civils et civils.
Ces comportements sont souvent en contradiction flagrante avec les valeurs fondamentales que les NZDF attendent de tout leur personnel. Par exemple, les gens n'ont pas le courage de s'exprimer; les comportements nuisibles envers les collègues compromettent l'engagement et la camaraderie; et il n'y a aucune intégrité à choisir de mal agir. D'autres ont noté l'importance pour les NZDF d'être perçues comme vivant selon ces valeurs.
    Madame la présidente, je considère qu'il s'agit d'un point de référence important quant aux défis auxquels la Nouvelle-Zélande est confrontée en matière de changement de culture. Cela fait appel également à la propriété collective, et souligne l'importance de la prise en compte de ces valeurs au niveau de la direction, au plus haut niveau des NZDF.
     Le rapport indique:
Nous n'avons trouvé aucune preuve d'approche claire de la gestion du changement ou de plan échelonné pour soutenir les travaux actuels et futurs du programme. De nombreuses personnes interrogées ont déclaré penser que l'approche était réactive ou qu'elle consistait à faire en sorte que les NZDF « paraissent bien » plutôt que de changer la culture.
Nous notons qu'au cours des dernières années, un certain nombre d'examens et d'audits internes ou commandés par les NZDF ont été réalisés. Ceux‑ci ont généré de longues listes de « choses à faire » qui sont peut-être devenues des tâches supplémentaires à cocher, avant d'établir des priorités et de mettre en œuvre et d'intégrer les aspects essentiels du programme.
Nous avons repéré une forte perception selon laquelle de nombreux projets, y compris ceux liés à l'opération Respect, sont adoptés, mais ne sont pas complètement intégrés avant qu'une autre initiative soit lancée.
    Encore une fois, nous avons vu des circonstances semblables ici. Le changement de culture ne s'est pas matérialisé. Le ministre, encore une fois, a dit que la porte était ouverte. Il n'est plus question de faire preuve de patience. Le changement de culture doit être total et complet.
     Encore une fois, madame la présidente, je préconise depuis le début que, si ce comité ne se saisit pas de la question du changement de culture parallèlement à la question de la responsabilité de l'ancien chef d'état-major de la défense et de l'enquête qui l'entoure dans la mesure où un débat politique sur cette enquête est même approprié, si nous ne nous investissons pas dans la question de la culture, nous ne créerons pas pour les Forces canadiennes la valeur qui est si urgente. Je suis très heureux d'entendre que mon collègue M. Bagnell abordera également la question du changement de culture. Je ne peux pas comprendre du tout pourquoi cela pourrait ou devrait être écarté.
    Oui, il y a une étude importante en cours au Comité de la condition féminine. Encore une fois, ce comité est également maître de son propre destin. Rien ne l'empêche de se renseigner sur la culture de la défense et d'inviter des témoins de la défense.
     En vertu de son mandat, madame la présidente, c'est ce comité de la Chambre des communes qui est saisi des questions de défense. Si nous décidions que, pour une raison quelconque, la question de la culture n'est pas pertinente pour notre travail ou que nous ne devions pas formuler de recommandations à ce sujet, je pense que nous aurions perdu une occasion extraordinaire. Il ne s'agit pas seulement du cas de l'ancien chef d'état-major de la défense. C'est l'emblème, le symptôme du problème qui retient maintenant l'attention de tout le pays. Encore une fois, le vrai travail est la partie immergée de l'iceberg.
     Une fois de plus, je ne peux rien faire d'autre pour le moment, car nous sommes enchaînés à un point de vue selon lequel nous ne devrions pas utiliser notre procédure parlementaire pour débattre réellement et sérieusement de telles recommandations éventuelles. Je ne peux que répéter que nous devons faire ce travail et que nous ne devons rien de moins aux membres actifs actuels, futurs et passés des Forces canadiennes et au public canadien.
    Je vous remercie, madame la présidente.

  (68620)  

    Merci.
     Nous passons à M. Bagnell, s'il vous plaît.
    Merci, madame la présidente.
     Je vais m'adresser à M. Garrison, mais avant de le faire, je tiens à remercier M. Baker. Il présente toujours des témoignages si émouvants sur les personnes qui ont été réellement touchées et sur la raison pour laquelle nous sommes tous ici. Je pense que cela nous ramène à réfléchir à la gravité de la situation et à la façon dont nous devrions essayer de trouver des solutions. Il y a des gens qui, sans que ce soit leur faute, ont connu des situations aussi terribles alors qu'ils s'étaient engagés à protéger notre pays dans une profession aussi honorable.
     Je tiens à remercier M. Spengemann. Qui aurait pensé que notre étude pourrait bénéficier d'une telle richesse intellectuelle supplémentaire de la part d'autres armées, qui ont eu les mêmes problèmes et ont fait des suggestions auxquelles nous pouvons réfléchir? Comme tout se trouve dans le témoignage, madame Arbour pourra certainement examiner le compte rendu de tous les détails de nos délibérations dans le cadre de son important travail.
     En ce qui concerne son point de vue, auquel je n'avais pas pensé, je dirais que ce serait très puissant... Après tout, nous sommes le premier comité à faire cela. Nous allons essayer de continuer, mais quelle puissance cela aurait d'avoir deux séries de recommandations semblables adressées au gouvernement, à madame Arbour, pour vraiment essayer d'agir sur un problème insoluble.
     Je veux parler à M. Garrison. Sincèrement, il m'a ému. Son histoire personnelle... il lui a fallu beaucoup de courage, et je l'en félicite.
     Je pense qu'il a fait une très bonne remarque sur le fait de ne pas mettre en doute les motivations. Je pense que c'est ainsi que le Parlement devrait fonctionner. J'y ai pensé tout au long de ce comité. C'est parfois très difficile dans un environnement partisan... et j'ai essayé de ne pas le faire.
     Monsieur Garrison, si je l'ai fait à un moment donné, je m'en excuse. J'ai certainement essayé de ne pas le faire. Je suis sûr qu'il appuierait cela sur toute la ligne.
     Je suis sûr que nos membres ont été mis sur la sellette à certains moments dans ces comités. M. Garrison, Elizabeth May et moi-même devrions peut-être faire une analyse de la période des questions pendant quelques jours, pour voir si nous pouvons constater, tant dans les questions que dans les réponses, des motivations contestées. Elizabeth May a fait d'excellentes suggestions pour essayer d'améliorer le décorum et ce qui se passe au Parlement. Je pense que ce que M. Garrison a dit ne se limite pas à ce comité, mais devrait être un concept répandu plus souvent.
     Je pense simplement que nous avons une opinion quelque peu divergente, monsieur Garrison. Je vais m'étendre sur quelque chose tout à l'heure pour vous montrer ma sincérité. Je l'ai écrit il y a une semaine, en fait, pour dire que je crois en votre sincérité. En ce qui concerne le manque de progrès, qu'il a qualifié de très important, nous avons tous deux mentionné plusieurs fois les nombreux cas, les centaines de cas, qui continuent de se produire, et ce, depuis des décennies.
    À ce comité, au cours des dernières semaines, j'ai mentionné à plusieurs reprises la complexité du problème. J'ai expliqué, et j'expliquerai — non pas dans cette intervention, mais dans ma prochaine sur la culture, qui est assez longue, et sur laquelle j'ai travaillé chez moi — comment le fait d'établir des règles, par exemple, une règle sur la formation ou autre chose, ne résout pas nécessairement le problème. Cela n'arrête pas le problème. C'est pourquoi c'est si complexe.
     Je pense que là où nous divergeons, c'est sur le fait que rien n'a été fait. La situation serait bien pire, en fait, si rien n'avait été fait. Le point que lui et moi avons fait sur les cas en cours montre la complexité du problème et pourquoi nous devons... Comme je l'ai dit plusieurs fois en comité: pour un problème complexe, il n'y a guère de solution simple.

  (68625)  

    Cependant, depuis l'arrivée de ce ministre, nous avons fait des efforts pour que les victimes se sentent soutenues tout au long du processus. Un système de gestion des cas permet de s'assurer que les cas sont examinés et résolus en temps voulu. Nous avons renforcé la formation dispensée par des experts, qui est axée sur les victimes et accessible à tous les membres des FAC, quel que soit leur lieu de travail. Un travail continu sur l'examen des cas non fondés est en cours.
     Comme tous les députés le savent, il y a eu l'adoption du projet de loi C‑77, avec une déclaration des droits des victimes qui place les victimes au cœur du système de justice militaire. Il y a le lancement de « La voie vers la dignité et le respect », une stratégie de changement de culture à long terme. En ce qui concerne le projet de loi C‑77, pour les victimes, nous allons consulter les victimes. Nous sommes en train de consulter les victimes pour rédiger le règlement relié à ce projet de loi. Nous avons consulté des partenaires fédéraux, notamment le Centre d'intervention sur l'inconduite sexuelle, dont nous avons longuement parlé lors de réunions précédentes, et nous élaborons un sondage en ligne pour consulter le plus grand nombre possible de victimes.
     Je suis sûr que tous les membres de ce comité et le ministre ont dit, à de nombreuses reprises, que tout type de comportement sexuel inapproprié est tout à fait inacceptable.
     J'ai passé en revue pendant près d'une heure les mesures qui ont été prises. Je pense qu'il est malhonnête de ne pas reconnaître ces faits. Évidemment, comme M. Garrison et moi-même l'avons dit, il y a encore beaucoup de choses à faire. C'est pourquoi nous devrions nous occuper des graves questions dont nous parlons depuis quelques semaines.
     M. Garrison, vous m'entendez? Bien. C'est juste pour vous montrer que mes paroles maintenant ne sont pas en réponse à ce que vous venez de dire; je les ai écrites, je pense, il y a une semaine, dimanche soir ou quelque chose comme ça la semaine dernière sur ce sujet.
     Je disais lors de la dernière réunion que M. Garrison m'a convaincu davantage de sa sincérité en reconnaissant les questions concernant la nomination du général Vance. Notre étude porte sur l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, y compris les questions liées au général Vance. M. Garrison est le seul membre du Comité qui a clairement indiqué que les questions liées au général Vance sont les plus importantes pour lui, et il a parfaitement le droit de le faire. Je pense qu'il le croit sincèrement. Comme je l'ai mentionné lors d'une réunion précédente, il a posé à l'un des témoins l'une des meilleures questions à ce sujet.
     J'ai de longues remarques à faire, mais pour l'instant, au lieu de présenter mon point de vue détaillé sur le sujet de la culture, ce que je ferai dans une autre intervention, je vais simplement parler du choix de M. Garrison. Chacun d'entre nous a sa propre priorité quant à ce qui est le plus important dans notre étude, alors, tout en respectant la sincérité de M. Garrison, j'aimerais faire valoir mes arguments également, avec tout mon respect.
    Loin d'être un expert dans le domaine de ce grave problème au sein des FAC, je fonde mon point de vue sur le témoignage des victimes et des experts. Lorsque j'en viendrai à ma longue intervention sur la culture, je me reporterai à nouveau aux experts — à un expert se reportant aux experts.
     D'après ce que j'ai compris des experts et des victimes que nous avons entendus, ce problème remonte à des décennies, voire au siècle dernier. La culture de cette armée et d'autres armées est l'un des plus grands problèmes, peut-être même le plus grand. Au cours d'une autre intervention, j'expliquerai comment cela soutient ce que j'ai dit précédemment, à savoir que l'on peut apporter des changements techniques, mais que cela ne résout pas le problème en soi. C'est ce que dira l'un des experts.
     Une infime fraction de tous les incidents est effectivement signalée, et les deux principales causes de l'hésitation à signaler un incident sont l'emplacement dans la chaîne de commandement du signalement et du traitement de l'incident, et la crainte de représailles, tant émotionnelles que sur la carrière dans laquelle une personne a investi sa vie.

  (68630)  

    De mon point de vue, s'il s'agit là des principaux problèmes, pourquoi ne seraient-ils pas ceux sur lesquels nous nous attaquons et pour lesquels nous élaborons des recommandations — pour que l'armée redevienne un lieu de travail sûr et pour honorer le courage des victimes qui se sont manifestées?
     J'en viens maintenant à mon opinion sur le point de vue de M. Garrison, qu'il a parfaitement le droit d'avoir, comme je l'ai dit. Je pense qu'il croit sincèrement — et j'apprécie sa réflexion —, que les questions liées au général Vance constituent la partie la plus importante de l'étude. En réponse, je dirais ce qui suit.
     Il y a des centaines d'auteurs de sévices, dont un certain nombre aux échelons supérieurs. Pourquoi fonder toute notre étude et de nombreuses semaines de témoignages sur un courriel anonyme concernant le général Vance dont personne n'a pu connaître le contenu? Lorsque nous avons connaissance d'une infraction ou que nous la soupçonnons, elle est transmise aux autorités chargées de l'enquête. Cela a été fait dans les 24 heures. Le général Vance est à la retraite, il ne jouera donc aucun rôle dans la résolution des problèmes urgents que nous tentons de résoudre. Il fait déjà l'objet d'une enquête. Nous n'avons pas à le faire et nous ne devrions pas le faire.
    J'ai essayé de me mettre à la place de ces personnes. Si on me disait qu'il y avait une plainte anonyme contre un membre de ce comité et que je n'étais pas autorisé à savoir de quoi il s'agissait, et qu'elle avait été immédiatement remise aux enquêteurs, qui sont allés aussi loin qu'ils le pouvaient parce qu'on leur refusait les preuves, que ferais‑je? Est‑ce que je demanderais qu'ils soient expulsés du caucus ou un autre type de sanction? Je n'aurais certainement pas pu monter une campagne. Je devrais reconnaître la valeur des mois de réunions avec des témoins d'un tel courriel, dont je ne connaissais pas le contenu.
    J'ai écouté le point de vue de M. Garrison. Je le comprends, mais pour toutes les raisons que nous ont données des experts et des survivants, cela a fait ressortir les principales causes de cette inconduite sexuelle dans l'armée. Pour le bien des hommes et des femmes de l'armée et pour honorer les survivants, je pense que nous devrions revenir à un débat réfléchi sur des solutions à ces problèmes complexes.
    J'aimerais commenter simplement les autres rapports. Le rapport sur la santé mentale dans les Forces armées canadiennes et celui sur l'impact de la COVID‑19 sur les FAC n'ont pas encore été examinés, parce que nous avons eu une multitude de réunions d'urgence et de motions pour notre rapport particulier. Comme vous le savez, nous avons tenu une réunion le 26 avril pour commencer à examiner le rapport sur la COVID‑19 dans les FAC, et je crois que nous avons fait de bons progrès. Malgré cela, il y a eu une demande 106(4) qui nous a obligés à retarder davantage ce rapport. Nous n'avons pas repris l'examen depuis. Rien qui nous oblige à terminer le rapport sur lequel nous travaillons maintenant avant de pouvoir passer à ces rapports. Je sais que M. Garrison s'intéresse particulièrement à l'un d'entre eux.
    À mon avis, notre comité devrait accorder la priorité au rapport sur l'inconduite sexuelle. Les membres de l'opposition savent qu'ils pourraient proposer de passer à l'un de nos trois rapports en suspens et qu'ils auraient notre appui pour le faire. Toutefois, nous ne pouvons pas le faire tandis qu'ils présentent une motion visant à limiter notre capacité à débattre et à amender correctement ce rapport crucial. C'est leur choix. Nous ne les bloquons pas s'ils veulent que nous nous dirigions vers ces rapports importants.
    J'espère que M. Garrison sait que je suis sincère dans mes réflexions sur son point de vue et mon désaccord technique sur certains points.
    Je suis heureux de présenter ce point de vue, madame la présidente.

  (68635)  

    Merci beaucoup.
     Madame Alleslev, allez‑y, s'il vous plaît.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je tiens à signaler au Comité, parce qu'il semble qu'il ne le sait peut-être pas, que le rapport sur la condition féminine concernant l'inconduite sexuelle dans l'armée a, en fait, été déposé. Il contient 21 recommandations, qui sont toutes incroyablement importantes et cruciales, notamment celle qui prévoit le gel de toutes les promotions et augmentations de salaire des officiers généraux jusqu'à ce qu'une enquête complète et indépendante ait été menée pour s'assurer qu'ils sont tous irréprochables.
     Le Comité de la condition féminine a été en mesure d'accomplir le travail qui lui avait été confié, avec la précieuse contribution de ses membres libéraux, et le fait que notre comité ne puisse pas le faire à cause des membres libéraux est une chose que nous devrions mieux comprendre. Les membres libéraux du Comité pourraient peut-être nous expliquer comment le Comité de la condition féminine a pu produire un rapport et pourquoi notre comité fait l'objet d'une obstruction qui nous empêche de le faire. En fait, nous avons probablement encore plus d'idées et de contributions précieuses à apporter à ce rapport, qui serait complémentaire, comme l'ont dit les membres de ce comité, au rapport sur la condition féminine.
     Je recommande à tous les membres du Comité de jeter un coup d'oeil à ce rapport, car ce comité a pu faire ce que nous n'avons pas encore fait.

  (68640)  

    Je vous remercie.

[Français]

     Monsieur Robillard, la parole est à vous.
     Madame la présidente, afin de pouvoir comprendre le problème des inconduites sexuelles dans les Forces armées canadiennes, nous devons aussi aborder l'importance de l'opération Honour au sein des FAC. J'aborderai donc le sujet des agressions sexuelles des FAC.
    Mme Maya Eichler souligne ceci:
Même avec les scandales d'agressions sexuelles qui ont affecté les FAC durant les deux dernières décennies, le problème de violence sexuelle est demeuré largement non reconnu par les FAC jusqu'à l'année 2014. Cette année-là, des articles dans les revues Maclean's et L'actualité ont mis au premier plan les enjeux du harcèlement et des agressions sexuelles. En se basant sur des entrevues avec des femmes ayant vécu des agressions sexuelles pendant leur service militaire, les articles révélaient le manque d'action concrète de la part des FAC en dépit des procédures formelles engagées par les plaignantes. Les rapports ont montré que le harcèlement sexuel et les agressions sexuelles étaient des problèmes récurrents dans les Forces armées canadiennes. [...]

Publié en 2015, l’Examen externe sur l’inconduite sexuelle et le harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes [aussi connu sous le nom de rapport Deschamps] a changé la nature du débat sur la violence sexuelle dans le contexte militaire canadien. Le rapport issu de ce processus d'examen a documenté la culture militaire sexualisée et hostile envers les femmes et les membres LGBTQ, notant que cette culture augmente le risque d'« incidents plus graves que sont le harcèlement sexuel et l'agression sexuelle ». Les conclusions du rapport ont mis en cause l'approche neutre qui était privilégiée par les FAC pour faire face aux questions de genre, confirmant les analystes féministes passées sur les FAC et autres organisations militaires.
    C'est ici que, en tant que comité, nous pouvons changer cela; avec nos recommandations, incluant une réponse de la part du gouvernement. Mme Maya Eichler poursuit en disant:
Par exemple, ces études démontraient que le harcèlement sexuel était chose commune — surtout dans les forces de combats. La juge Deschamps a explicitement lié la culture militaire aux défis relatifs à l'intégration des femmes et à la sous-représentation de celles-ci dans le haut commandement des FAC. Elle soutient dans ce rapport que l'augmentation des femmes, surtout dans les rangs supérieurs, est l'une des stratégies clés pour changer la culture des FAC. Elle s'appuie même sur les travaux en sociologie qui démontrent « l'impact du concept de l'idéal mâle guerrier sur l'intégration des femmes dans les forces militaires ».

La réaction des FAC après la publication du rapport Deschamps a été mixte, certains observateurs saluant les conclusions, et d'autres les rejetant d'emblée. D'une part, les mesures adoptées pour mettre en œuvre les recommandations du rapport et amorcer un changement de la culture militaire ont été rapides et sont toujours en cours.
    C'est ici que, en tant que comité, nous pouvons changer cela; avec nos recommandations, incluant une réponse de la part du gouvernement. Nous devons faire en sorte que les témoignages ne soient pas vains. Comme l'a dit le ministre, « toutes les options sont sur la table ».
    Merci, madame la présidente.

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Monsieur Baker, allez‑y, s'il vous plaît.

  (68645)  

    Merci beaucoup, madame la présidente.
     J'aimerais commencer par dire quelques mots sur ce que M. Garrison a dit plus tôt. Tout d'abord, je remercie M. Garrison d'avoir partagé ce qu'il a vécu. Les mots m'échappent; je veux simplement lui dire merci. C'est vraiment courageux.
    Je tiens à dire aussi que je n'ai jamais eu l'intention de mettre en doute le motif et si je l'ai fait, je m'en excuse. Je suis d'accord avec vous, la mise en doute des motifs n'a pas sa place ici. Si j'ai été coupable de cela, je m'en excuse. Ce n'était pas mon intention.
     En tout cas, lors de ma dernière intervention, je crois avoir voulu... Comme vous pouvez le constater, je tiens beaucoup à ce que nous fassions tout ce qui est en notre pouvoir pour empêcher les agressions et le harcèlement sexuels dans les forces armées. J'essayais de cerner les raisons, ou je demandais pourquoi nous ne poursuivons pas la rédaction du rapport de la manière habituelle. Ce faisant, j'ai demandé quel pouvait être le raisonnement ou la raison d'être de certains membres de l'opposition. Il ne s'agissait pas d'imputer un motif ou de faire une allégation sur un autre membre. Il s'agissait simplement d'émettre des hypothèses sur les raisons pour lesquelles nous ne suivions pas la voie que je croyais être dans l'intérêt des survivants.
     Cela dit, vous avez répondu à cette question dans votre intervention. Vous avez expliqué pourquoi vous pensez que nous ne devons pas emprunter cette voie. J'ignore si vous en aviez l'intention, mais pour moi, vous avez répondu à la question que je posais ouvertement lors de mon intervention précédente. Je vous remercie d'y avoir répondu. Je n'ai jamais voulu mettre en doute la motivation, mais si c'est le cas, je vous en présente mes excuses.
    M. Garrison, j'ai vraiment aimé ce que vous avez dit sur les raisons pour lesquelles vous pensez que le rapport devrait s'écarter de l'orientation préconisée par les membres du gouvernement. Comme M. Bagnell, je respecte votre point de vue et je vous remercie d'avoir expliqué pourquoi vous êtes de cet avis. Je ne suis pas d'accord. Évidemment, je vois les choses différemment. J'ai entendu ce que vous avez dit au sujet du Comité sur la condition féminine qui a rédigé un rapport et formulé des recommandations. Je pense que ce rapport a une immense valeur pour la cause de la résolution du problème sous-jacent de l'inconduite sexuelle dans les forces armées.
     De mon point de vue, je crois vraiment que nous avons l'occasion, en tant que parlementaires — les membres du Comité de la condition féminine et ceux d'entre nous qui siègent au Comité de la défense en particulier, ainsi que ceux qui occupent des postes aux échelons supérieurs des forces armées, ainsi que le ministre et son équipe au sein du gouvernement — de contribuer vraiment à une résolution dans ce domaine. C'est pourquoi je pense qu'il est si important que nous nous attelions à la tâche et poussions dans ce sens.
     De mon point de vue, si cela signifie qu'il y a un peu ou beaucoup — je ne sais pas; je devine, bien sûr — de chevauchement entre le contenu d'un rapport de ce comité et celui du Comité de la condition féminine... S'il y a un chevauchement et si nous nous renforçons mutuellement, tant mieux. C'est excellent, parce que nous faisons entendre beaucoup plus de voix, nous faisons briller beaucoup plus de lumière et nous donnons beaucoup plus de voix à ceux qui ont besoin d'être entendus. Nous incitons davantage le gouvernement — que ce soit celui‑ci, le prochain ou celui d'après — à écouter nos recommandations et à y donner suite.

  (68650)  

     Au cours de la rédaction du rapport, nous pourrons cerner d'autres domaines d'intérêt que ceux sur lesquels le Comité de la condition féminine a travaillé. Nous pourrons approfondir un domaine particulier que l'autre comité n'a pas abordé, ce qui nous donnera l'occasion de renforcer, bien sûr, le travail de l'autre comité, mais aussi de le développer. Tout cela, à mon avis, devrait être de la plus haute priorité, car je pense qu'à un moment crucial, cela nous permet d'avancer sérieusement dans la résolution du problème sous-jacent. Je vous suis reconnaissant, certes, d'avoir répondu ou expliqué pourquoi vous pensez que l'orientation du rapport devrait être légèrement ou grandement différente, et j'honore cette perspective.
     Une des choses que nous pourrions également ajouter à cette conversation et qui pourrait figurer dans notre rapport, et une chose que je reconnais chez les membres de tous les partis qui siègent à ce comité, c'est que nous avons des membres qui ont servi dans les forces armées, ou qui ont beaucoup travaillé avec les forces armées à un titre quelconque. Je pense que cette perspective apporte à cette conversation quelque chose qui est vraiment important, et c'est une expérience spécialisée que les membres qui ont servi ont. Je n'ai pas cette expérience, mais je pense que certains membres du Comité l'ont, et je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles notre rapport pourrait apporter une énorme valeur ajoutée. Même s'il ne s'agissait que de renforcer ce que le Comité de la condition féminine a présenté, je pense que cela ferait des merveilles sur cette question et aurait en fin de compte un impact significatif pour les survivants, dont la cause me tient tant à coeur.
     Je voulais partager cela.
    Je tiens à remercier de nouveau M. Garrison pour sa réponse réfléchie, et pour avoir partagé son expérience personnelle. Cela demande du courage, et je l'en remercie.
    Un aspect dont je parlais précédemment et sur lequel je voulais revenir est le fait que les survivants nous ont dit qu'il y avait besoin d'amélioration, ce qui, à mon avis, devrait figurer dans un rapport de ce comité. Je parle du témoignage d'Emily Tulloch, une survivante et un membre des forces armées qui a témoigné devant le Comité de la condition féminine. Dans son témoignage, elle a donné un exemple du genre de problème que les membres du Comité de la défense, mais surtout ceux qui ont servi dans les forces armées, comprendraient mieux. Elle parlait de la police militaire et de la façon dont celle‑ci mène ses enquêtes. Elle recommandait que la formation de la police militaire soit améliorée en ce qui concerne la façon dont elle mène les entretiens avec les victimes d'agression sexuelle.

  (68655)  

     Je voudrais lire un extrait du témoignage de Mme Tulloch sur cette question particulière. Elle dit:
Je crois également que l'entretien doit être mené par un officier du même sexe que la victime. Dans mon cas, c'est seulement à la moitié de l'entretien qu'on m'a proposé de parler à une femme officière, lorsque j'ai commencé à pleurer. Là encore, la police militaire a dit que l'entretien allait devoir être reporté à la semaine suivante puisqu'aucune officière n'était disponible.
    Elle poursuit:
Au cours de l'instruction de base, les responsables tentent d'inculquer aux recrues les valeurs fondamentales des militaires, qui sont le devoir, la loyauté, l'intégrité et le courage. Elles sont enseignées à l'aide de présentations PowerPoint et de cahiers d'exercices. Or, ces valeurs passent entre les mailles du filet. C'est ce qui perpétue depuis si longtemps cette culture toxique. De toute évidence, les autorités militaires n'ont pas été en mesure d'appliquer les normes d'éthiques élevées en matière d'intégrité. Si les responsables ne sont pas capables de respecter les valeurs fondamentales et de donner l'exemple, comment peut-on s'attendre à ce que la majorité des soldats le fassent?
     Je veux m'arrêter là un instant, car Mme Tulloch s'adresse à... Elle dit que ces valeurs sont le devoir, la loyauté, l'intégrité et le courage. Ce sont les valeurs fondamentales sur lesquelles insiste la formation des recrues. L'une des choses que cela montre, c'est qu'il y a beaucoup de travail à faire dans le domaine du changement de culture. Je sais que M. Spengemann en a beaucoup parlé. M. Bagnell a également abordé la question du changement de culture de manière approfondie, mais Mme Tulloch a déclaré que ces valeurs « passent entre les mailles du filet ». Elle dit ensuite que c'est ainsi que l'on « perpétue depuis si longtemps cette culture toxique ». Mme Tulloch souligne quelque chose que notre comité doit vraiment faire comprendre, à mon avis: il ne s'agit pas seulement du changement de culture, mais de certaines des suggestions concrètes précises qui nous sont faites par les survivants et par d'autres personnes qui connaissent bien le changement de culture et qui ont témoigné devant ce comité. Qu'il y ait ou non un chevauchement avec le rapport du Comité permanent de la condition féminine, je pense que c'est un aspect qu'il serait important de renforcer et d'approfondir, et au sujet duquel ajouter des suggestions ou entrer dans les détails.

[Français]

     Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Je viens du Comité permanent de la condition féminine, et je déplore tellement ce qui se passe en ce moment ici, au Comité permanent de la défense nationale. J'aimerais simplement poursuivre sur ce qui a été dit par d'autres intervenants, notamment Mme Alleslev, pour dire que nous avons réussi, nous, à produire un rapport.
    Tout à l'heure, j'entendais parler M. Robillard dire que nous avions notamment demandé dans notre rapport la mise en application du rapport Deschamps publié en 2015. Cela fait six ans, et nous sommes ici, et cela traîne.
    J'aurais aimé que le Comité permanent de la défense nationale produise un rapport en appui au rapport du Comité permanent de la condition féminine.

[Traduction]

    Ce n'est pas un rappel au Règlement. C'est un débat. Je vous remercie.
     Je suis désolée. Poursuivez, monsieur Baker.
    Merci, madame la présidente.
     Je parlais du témoignage de Mme Tulloch. Elle parlait du changement de culture. Elle a parlé de la façon dont les valeurs fondamentales de devoir, de loyauté, d'intégrité et de courage ne sont pas démontrées par les dirigeants des forces. Elle a poursuivi en disant:
Pendant l'instruction de base, on nous montre un dessin animé qui simplifie à outrance le concept du consentement. À mon avis, cette vidéo est ridicule. Elle est amusante, mais le sujet de l'inconduite sexuelle n'a rien de drôle. Il devrait rendre les recrues suffisamment mal à l'aise pour qu'elles se rendent compte que c'est un problème réel devant être réglé.
Pour ce qui est de l'opération Honour, je crois qu'elle a atteint son but. Il est temps d'y mettre fin et de lancer une autre stratégie. L'opération Honour a bel et bien permis d'engager la conversation et d'améliorer les ressources et la formation offertes aux membres des FAC, mais les dirigeants ont délibérément ignoré le fait qu'elle est tournée en dérision depuis des années. Pour beaucoup d'entre nous, cette opération vieillit aussi mal que du lait caillé. Elle laisse un goût amer dans la bouche.

  (68700)  

    Très bien. Nous sommes suspendus.
     Merci à tous.
     [La séance est suspendue à 15 heures, le vendredi 18 juin.]
     [La séance reprend à 11 h 3, le lundi 21 juin.]

  (75500)  

    La séance est ouverte à nouveau. Nous reprenons la réunion numéro 32 du Comité permanent de la défense nationale de la Chambre des communes, qui a débuté le vendredi 21 mai 2021.
     Veuillez me signaler tout problème d'interprétation, afin que tout le monde puisse participer pleinement aux délibérations. Lorsque vous parlez — et je le dis autant pour me le rappeler à moi-même qu'aux autres —, veuillez parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
     En ce qui concerne la liste des intervenants, le greffier du Comité et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre de parole consolidé pour tous les membres, qu'ils participent virtuellement ou en personne.
     Nous reprenons le débat sur l'amendement de M. Bagnell à la motion de M. Bezan. M. Baker a la parole.
     Allez‑y, monsieur Baker.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Pour récapituler, M. Bagnell a proposé un amendement à la motion de M. Bezan qui exigerait une réponse du gouvernement lorsque le Comité aura terminé son rapport sur l'étude en cours. Je pense que là où nous en étions à la fin de la dernière réunion, je parlais de l'importance de veiller à ce que nous obtenions une réponse du gouvernement pour garantir la responsabilité des recommandations présentées au Comité.
     Nous savons, d'après les témoignages que nous avons entendus, que l'inconduite sexuelle et les agressions sexuelles sont des problèmes de longue date dans les Forces armées canadiennes et qu'ils ont transcendé de nombreux gouvernements. Il me tient à coeur de veiller à ce que nous prenions aujourd'hui — ce gouvernement, ce comité et les autres qui travaillent sur cette question — toutes les mesures possibles pour nous mettre sur la voie, quel que soit le parti élu au gouvernement, qu'il soit majoritaire ou minoritaire, et quelle que soit la composition de nos comités à l'avenir, en particulier de ce comité et du Comité de la condition féminine, saisis de cette question. Nous devrions instituer les changements qui s'imposent pour garantir non seulement que nous résolvons ce problème, mais aussi que les gouvernements futurs seront tenus responsables de leurs actions dans ce domaine. Je sais que tous les membres de ce comité ont un point de vue différent quant aux couleurs du prochain gouvernement, mais, quelle que soit votre opinion sur cette question, je pense que nous devrions et pouvons tous convenir qu'il est important de mettre en place dès aujourd'hui des changements qui sont durables, qui s'attaquent au problème et qui font en sorte que les gouvernements futurs soient incités à poursuivre ce travail.
     À mon avis, l'une des meilleures façons d'y parvenir, même si ce n'est pas la seule, est de s'assurer qu'au moment où ce travail essentiel est en cours et où nous entreprenons cette étude essentielle, nous produisons un rapport qui formule des recommandations réfléchies au gouvernement sur la façon de s'attaquer à ce problème et qui garantit que les gouvernements futurs seront tenus responsables, quelle que soit leur allégeance politique. La réponse du gouvernement est essentielle à cet égard, car elle garantit que le gouvernement actuel, tout d'abord, est clair quant à ses intentions. Si ces intentions ne correspondent pas à l'opinion des membres de ce comité, des survivants, des experts ou de toute autre personne, ils ont la possibilité de le faire savoir et le gouvernement a la possibilité d'ajuster sa trajectoire et son plan. C'est vraiment important, d'un point de vue politique, pour la résolution du problème.
    Faire en sorte que le gouvernement actuel publie une réponse à ce rapport permettrait également de fixer les balises pour le prochain gouvernement, celui d'après et celui d'après. Pour moi, c'est la raison pour laquelle la réponse est d'une importance cruciale pour garantir que nous résolvions réellement ce problème dans les années à venir. Nous avons besoin de ce gouvernement, du prochain gouvernement et de tous les gouvernements subséquents pour résoudre le problème et, lorsqu'il sera résolu, pour être constamment vigilants afin de nous assurer que le harcèlement sexuel et l'inconduite sexuelle sont éradiqués des Forces armées canadiennes.
    Ce sont là quelques-unes des raisons pour lesquelles je pense que la motion de M. Bagnell est vraiment constructive et importante pour s'attaquer au problème sous-jacent auquel nous nous attaquons aujourd'hui et par le biais de cette étude.
    Je veux également souligner l'une des choses que j'ai mentionnées précédemment et sur laquelle je voulais revenir. Je pense que les mesures à prendre pour éliminer les agressions et les inconduites sexuelles dans les forces armées sont nombreuses.

  (75505)  

     C'est parce qu'il s'agit d'un problème étendu, fort complexe et très nuancé. Nous avons entendu un certain nombre de témoins, d'experts et de membres des forces armées, et des députés comme moi et d'autres ont transmis des témoignages de survivants. Nous les avons entendus, ainsi que d'autres, tant au sein de ce comité qu'à l'extérieur. Parce que cette question est restée sans solution — ou pire, elle n'a pas été suffisamment prioritaire —, à mon avis, pendant beaucoup trop longtemps, il est très important que nous nous efforcions en tant qu'équipe, en tant que comité, de trouver des moyens de résoudre ce problème. Nous devons déployer tous les efforts possibles pour faire avancer ce dossier.
     C'est pourquoi je suis convaincu que nous devons publier ce rapport. Lors de notre dernière réunion, il a été question du fait que le Comité de la condition féminine a publié un rapport. Si à notre comité, le Comité de la défense, certains des témoins que nous avons entendus étaient les mêmes, certains étaient différents. Nous les avons entendus à des degrés divers et ils ont répondu à des questions différentes. Tout d'abord, dans la mesure où nous publions un rapport qui reprend certaines des recommandations du Comité de la condition féminine, c'est très bien. Cela démontre un consensus et ne fera qu'encourager le gouvernement à donner suite à ces recommandations. Et si certaines choses sont différentes, cela ajoute aussi de la valeur.
    Compte tenu des témoins que nous avons entendus, du calibre des témoins que nous avons entendus, je pense qu'il est important de nous assurer que nous honorons, tout d'abord, leur contribution à ce comité. C'est l'une des raisons. Cependant, je pense aussi qu'il nous faut tenter de trouver quelque chose de différent, parce que nous avons des perspectives et des expériences différentes; c'est quelque chose qu'il est important de faire aussi.
    Le moment est venu pour nous de nous retrousser les manches et faire tout ce que nous pouvons pour résoudre ce problème et ne pas être comme les politiciens du passé qui n'ont pas fait tout ce qu'ils pouvaient. Je voulais donc aborder ce point qui avait été soulevé lors du débat que nous avons eu lors de notre dernière réunion.
    Il est également essentiel que le rapport repose sur un consensus. Pourquoi? Ce n'est pas seulement important d'un point de vue démocratique. Ce n'est pas seulement important pour donner du poids au rapport, bien qu'à mon avis ces choses soient vraies, mais c'est important en raison de la complexité et de la nuance de ce problème que nous essayons de résoudre. Cela va prendre du temps. Il nous faudra débattre entre nous et nous mettre d'accord sur la façon dont nous articulons le problème, mais aussi sur les recommandations que nous voulons faire au gouvernement.
     Je vais vous donner quelques exemples de cette nuance et de cette perspective dont notre réflexion doit tenir compte dans la rédaction de ce rapport. Par exemple, vous vous souvenez peut-être de la survivante qui a comparu devant le Comité de la condition féminine et parlé de l'expérience qu'elle a vécue en essayant de former des cadets et de la façon dont elle a été maltraitée — et continue d'être maltraitée — lorsqu'elle est venue donner une formation au Collège militaire royal. J'ai partagé avec les membres de ce comité une partie de son témoignage devant le Comité de la condition féminine.

  (75510)  

     Je voulais notamment partager avec vous une partie de ce qu'elle a dit au Comité de la condition féminine. Voici des extraits de son témoignage.
     Julie Lalonde a dit:
Je suis spécialisée dans l'intervention des témoins, et ces personnes me disent constamment la même chose: « Je n'ai rien dit parce que c'était juste un commentaire. S'il l'avait touchée, j'aurais dit quelque chose, mais c'était juste un commentaire. C'était juste une blague. Oh, vous savez comment il est. Il est vieux jeu », et ainsi de suite.
    Mme Lalonde poursuit:
Je pense qu'il est d'une importance vitale que la philosophie même du parcours, nom que nous donnons actuellement à cette discussion, explique que la violence sexuelle existe sur un continuum et que les commentaires sont directement liés aux abus de pouvoir et à la violence sexuelle en bande qui se produisent.
    J'aimerais m'arrêter un instant. Mme Lalonde parle ici d'abus de pouvoir. Elle parle d'« abus de pouvoir ». Je pense que nous avons entendu cela non seulement de la part de Mme Lalonde, mais aussi de la part des experts qui ont comparu devant ce comité. Je pense que nous avons la responsabilité de nous assurer qu'en tant que comité, nous examinons dans nos délibérations la manière dont nous aborderions cet abus de pouvoir. Cela fait peut-être partie du changement de culture que nous voulons voir, mais il y a peut-être plus que cela. Je n'en sais rien. C'est une chose que nous devrions examiner, mais je voulais souligner cet aspect que Mme Lalonde présente comme étant important pour au moins une partie du problème de l'agression sexuelle dans l'armée. Je pense qu'il est vraiment important que nous nous attaquions à ce problème. Encore une fois, ceci est un exemple de l'importance de ce sujet.
    Dans son témoignage, Mme Lalonde parle également des témoins et de la façon dont certains d'entre eux réagissent souvent lorsque quelqu'un fait un commentaire et qu'ils n'interviennent pas ou n'agissent pas. Elle explique que cela doit changer, et c'est un autre élément important que le Comité a la responsabilité d'aborder dans ses recommandations. Encore une fois, cela fait appel à une réflexion approfondie et à une réponse du gouvernement. Qu'il s'agisse de la réaction des spectateurs ou de la question de l'abus de pouvoir, etc., le gouvernement doit dire: « Nous sommes d'accord avec vous », « Nous ne sommes pas d'accord » ou « Voici comment nous envisageons d'aborder ces éléments du problème ».
     Je poursuis avec ce que Mme Lalonde a dit au comité:
Cette idée selon laquelle nous devons nous concentrer sur les formes graves de violence — on ne peut pas se concentrer uniquement sur celles-ci sans prendre du recul et examiner la situation dans son ensemble. Nous devons outiller les témoins et leur dire qu'une intervention peut être différente dans le cas d'un commentaire et dans celui d'une personne acculée, mais qu'elle est quand même nécessaire.
    Je veux faire une pause ici. Quelle est l'opinion de notre comité sur le rôle des témoins? Quel est notre point de vue sur ce que les Forces armées canadiennes doivent faire pour s'assurer que les témoins font ce qui doit être fait? Quelle est notre solution?
     Je suis d'avis que ce que nous faisons avec les personnes qui sont... Ce que nous devons faire pour que les témoins ne soient pas seulement des spectateurs, mais qu'ils aident à résoudre le problème... Pour moi, il est essentiel que nous abordions cette question. Il est très important que ce comité crée les circonstances dans lesquelles nous pouvons vraiment réfléchir à cette question, l'aborder, faire une recommandation à ce sujet et demander au gouvernement de rendre des comptes sur la résolution de cet élément particulier, entre autres. Je voulais souligner cet exemple.
     Il y a une autre nuance que je voulais souligner. Il s'agit encore une fois du témoignage de Mme Lalonde devant le Comité de la condition féminine. Il s'agit d'un segment de son témoignage et c'est en fait une réponse à une question posée par un membre.

  (75515)  

    Elle a dit: « Enfin, il s'agit véritablement d'une discussion intersectionnelle. Comme l'a dit Mme Wood, du côté des hommes adultes dans ce pays — pas des enfants, mais bien des hommes adultes —, c'est chez les détenus ou les militaires que les taux d'agression sexuelle sont les plus élevés. »
    Je vais m'arrêter là une seconde et répéter ce qu'elle dit à propos des hommes: « c'est chez les détenus ou les militaires que les taux d'agression sexuelle sont les plus élevés ». Je pense que cela ne fait que souligner la gravité de ce problème. Je le souligne parce que c'est un rappel de la gravité de la situation et du fait que nous devons vraiment nous concentrer sur la résolution du problème — pas la politique, pas les manchettes, mais le problème de ce qui arrive aux victimes en termes d'agression sexuelle et de harcèlement sexuel. Que fait l'armée pour prévenir cela?
     Permettez-moi de revenir sur ce qu'a dit Mme Lalonde. Elle a dit:
Nous devons examiner cette question dans une optique intersectionnelle.
Je dirais aussi qu'une optique intersectionnelle tient compte du fait qu'il y a beaucoup de racisme dans l'armée. Les Proud Boys ont récemment été désignés comme une organisation terroriste. De fiers membres de ces groupes étaient aussi fièrement représentés au sein des Forces armées canadiennes.
On ne peut pas parler de pouvoir sans parler de toutes les façons dont le pouvoir se manifeste dans l'armée, notamment sous forme de racisme et d'homophobie. Comme l'a dit Mme Wood, la honte est l'une des principales raisons pour lesquelles les hommes ne se manifestent pas: la honte qui est directement liée à l'homophobie au sein des Forces armées canadiennes.
    Elle a dit que nous devons examiner la question de manière intersectionnelle, ce qui signifie « avoir tous les acteurs à la table ». Elle a poursuivi en parlant des Anciens combattants, des Forces armées canadiennes, etc.
    Je partage cela pour dire que dans son témoignage, Mme Lalonde précise, ou recommande à tout le moins que ce problème doit être abordé d'une certaine façon. Certains ministères devraient être invités à la table. Il faudrait également y réfléchir dans le contexte... Elle parle des hommes ici. Julie Lalonde parle des hommes et de la honte qu'ils éprouvent à se manifester. C'est lié à la culture des Forces armées canadiennes. Qu'allons-nous faire à ce sujet?
    Oui, nous avons beaucoup parlé de la culture. Beaucoup d'entre nous ont parlé de la nécessité de changer la culture. Nous l'avons entendu de la bouche de témoins. Nous l'avons entendu de la part d'experts. M. Spengemann et M. Bagnell ont parlé de la nécessité de changer la culture à plusieurs reprises, et ont proposé quelques idées sur la façon dont cela devrait se faire. Il s'agit d'une conséquence particulière de la culture. C'est un élément de la culture dont parle Mme Lalonde en ce qui concerne la honte que ressentent les hommes et la raison pour laquelle cela se produit. Comment allons-nous aborder cela?
    Je cite des segments du témoignage de Mme Lalonde pour souligner la gravité du problème, à titre de rappel. Je sais que nous savons tous que c'est grave, mais c'est pour souligner à quel point c'est grave et donc à quel point il est important que dans notre travail, nous mettions l'accent sur la résolution du problème plutôt que la politique. Je pense que la meilleure façon de faire honneur aux survivants est de s'attaquer au problème. La meilleure façon de s'attaquer au problème est de tenir compte de ce que des personnes comme Julie Lalonde et tant d'autres nous proposent sur la façon dont cela peut être fait, puis de les incorporer dans notre rapport. Ensuite, comme M. Bagnell l'a suggéré dans son amendement, nous obtenons une réponse du gouvernement afin que nous ayons une plus grande confiance, certainement la plus grande confiance que nous puissions apporter, que ce gouvernement et les gouvernements subséquents s'attaqueront au problème de l'agression sexuelle et du harcèlement sexuel dans les Forces armées canadiennes.
    Madame la présidente, je vois que d'autres personnes ont levé la main. Je vais m'arrêter là pour le moment.
    Merci beaucoup.

  (75520)  

    Très bien. Je vous remercie beaucoup.

[Français]

     Monsieur Robillard, je vous cède la parole.
     Merci, madame la présidente.
    J'aimerais continuer dans la même voie que la semaine dernière en relatant les propos de Mme Maya Eichler concernant les inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes.
    Ce rapport est de la plus haute importance, car il nous permet d'avoir un point de vue académique sur ce problème qui touche nos forces armées. Il est également pertinent en lien avec la motion de mon collègue M. Bagnell, car il met l'accent sur l'importance du gouvernement quant à cette question. Il va donc de soi de demander une réponse au gouvernement concernant les recommandations de ce comité, et c'est ce que ce texte va exprimer.
    Mme Maya Eichler nous dit ceci:
Le rapport Deschamps a été publié plus de 25 ans après le jugement du Tribunal sur les droits de la personne qui a ordonné aux Forces armées canadiennes d'éliminer toutes les barrières légales à la participation des femmes dans leurs rangs. Avant ce jugement, le haut commandement des FAC s'était opposé au changement, surtout en ce qui a trait à l'intégration des femmes dans les armes de combat, estimant que cela nuirait à l'efficacité opérationnelle. Après le jugement, les FAC ont opté pour une approche passive à l'égard de l'intégration des femmes, celle que nous avons qualifiée de « neutre » dans cet article. Cette approche a apporté un changement dans les lois, mais n'a pas assuré la transformation de la culture genrée au sein des FAC. La culture genrée des Forces armées canadiennes a maintenu l'association entre le rôle de soldat et la masculinité avec comme idéal le soldat guerrier, elle a marginalisé les femmes et les caractéristiques typiquement associées à celles-ci, faisant obstacle au succès de l'intégration des femmes. Cette attitude a aussi contribué à la violence sexuelle dans les FAC, une organisation censée être « neutre » par rapport aux questions de genre.

Le rapport Deschamps et la réponse militaire qui en a résulté représentent un point charnière dans le discours militaire sur le genre et la violence sexuelle, car ils ont poussé les FAC à reconnaître le problème d'inconduite sexuelle généralisée et le besoin de changer la culture militaire. Pourtant, le haut commandement des Forces armées canadiennes a privilégié une approche basée d'abord sur une logique d'efficacité opérationnelle, ce qui représente une conception limitée de l'égalité des genres et ne reconnaît pas l'éthos guerrier masculin sous-jacent aux FAC. De plus, l'opération HONOUR témoigne de l'évolution de la neutralité des genres vers une approche de force par la diversité qui réduit la question du genre à des questions de diversité plus vastes. Cette situation pose un problème, puisqu'elle empêche de voir à quel point le pouvoir masculin et le fait de privilégier la masculinité demeurent significatifs dans les FAC (comme ils le sont dans plusieurs institutions), tout en instrumentalisant le genre et la diversité à des fins opérationnelles. Changer la culture militaire nécessitera un engagement explicite à l'égard de la culture guerrière masculine, de la masculinité militarisée et du rapport de pouvoir entre les genres, plutôt qu'une approche purement instrumentale comme c'est actuellement le cas.
    Encore une fois, c'est ici que nous, en tant que gouvernement et que comité, pouvons agir en proposant nos recommandations au gouvernement. En demandant une réponse au gouvernement, nous nous assurons par le fait même d'avoir une rétroaction sur nos recommandations.

  (75525)  

    Mme Maya Eichler nous dit également ceci:

Quelques leçons importantes peuvent être tirées de cette évolution des politiques relatives aux questions de genre dans les Forces armées canadiennes. Premièrement, les changements opérés en 1989, comme ceux qui ont été adoptés depuis 2015, sont le résultat de pressions externes. Deuxièmement, l'égalité des genres définie comme neutralité des genres n'amènera aucun changement réel. Les chercheurs et chercheuses féministes ont démontré que cette neutralité des genres ou le défi des questions de genre comme enjeu social fondamental dissimulent généralement le fait de privilégier de façon continue la masculinité et empêchent les changements profonds. Il est encore trop tôt pour prédire les résultats de la nouvelle approche de la « force par la diversité » et ceux de l'opération HONOUR ainsi que pour voir si elles suffiront à susciter un changement culturel. Il est toutefois important de tenir compte des limites de l'approche actuelle. En définissant leur réponse à l'inconduite sexuelle généralisée comme un enjeu opérationnel et en mettant l'accent sur la valeur ajoutée que les femmes apportent, les FAC ne sont sûrement pas assez ambitieuses pour effectuer une transformation profonde de leur culture militaire genrée sous-jacente. Un examen féministe plus approfondi de cette évolution récente dans l'approche des FAC relativement aux questions de genre s'impose de toute urgence. Il leur faut s'ouvrir davantage aux autres acteurs de la société, comme la société civile, les médias et les groupes ou experts et expertes féministes. Le premier rapport d'étape des FAC sur la lutte contre les comportements sexuels inappropriés reconnaît l'importance d'interagir avec des partenaires de la société civile et autres experts. Cela devrait inclure un dialogue constant avec les chercheurs et les chercheuses ainsi que les praticiens et praticiennes féministes. Bien que la pression civile et l'engagement ne soient pas suffisants pour changer la culture des Forces armées canadiennes, ils peuvent rendre visibles certaines des limites de l'approche militaire actuelle relativement aux questions de genre.
    Je pense que nous pouvons tirer les mêmes conclusions que Mme Eichler concernant les inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes. Bien qu'il date de 2017, ce texte reste malheureusement d'actualité. Comme elle le dit si bien, les changements opérés en 1989 et ceux observés depuis 2015 l'ont été en raison de pressions externes.
    C'est donc notre rôle, en tant que membres de ce comité, de proposer des recommandations au gouvernement afin de régler la question des inconduites sexuelles au sein des Forces armées canadiennes. Afin que ces recommandations ne soient pas que des paroles en l'air, nous devons nous assurer d'obtenir une réponse de la part du gouvernement. C'est une simple question de responsabilité et de gros bon sens.

  (75530)  

    Merci beaucoup, monsieur Robillard.

[Traduction]

    Nous allons passer à M. Spengemann. Allez‑y, monsieur, je vous en prie.
    Bonjour, madame la présidente, et merci beaucoup.
     J'aimerais remercier d'abord mes collègues, messieurs Baker et Robillard, pour leurs interventions précédentes et leurs commentaires réfléchis.
     Madame la présidente, vous me corrigerez, mais je crois que cette réunion est en cours depuis un mois. Comme vous nous l'avez rappelé, il y a quelques séances, je crois, nous avons commencé le 21 mai. Ce fut un mois de discussions approfondies, de mûres réflexions et de réexamen de témoignages incroyablement importants sur la situation des Forces canadiennes, sur ce qu'elle devrait être et sur le cap qu'il faudrait tenir sur cet enjeu à l'échelle internationale, avec des armées qui vivent les mêmes processus ou des processus très similaires. Je présenterai des observations plus élaborées à ce sujet dans un moment.
    Je tiens à dire d'emblée que même si nous avons des idées et des perspectives différentes sur l'objet de l'étude et sur la façon dont nous devrions mener nos travaux, je pense qu'il est incroyablement important que nous restions saisis du problème de l'inconduite sexuelle. En fait, il est absolument impossible de concevoir que nous mettions un terme à cette étude aujourd'hui, ou dans les jours à venir, et que nous nous désengagions de ce travail.
     Ce travail va se poursuivre. Il se poursuit à l'échelle du pouvoir exécutif, sous la direction du ministre et de son équipe. Il se poursuit également dans le cadre des travaux de la juge Arbour, qui mène un examen en parallèle. J'ai le vif sentiment que nous devrons aussi continuer à nous investir dans le sujet, à évaluer et examiner toute mesure gouvernementale qui sera prise. C'est extrêmement important.
     Nous avons examiné la situation d'autres pays qui ont mené des examens et qui, en réaction à ces examens, ont modifié ou complété une première série de recommandations parce qu'elles ne fonctionnaient pas ou ne permettaient pas de trouver, dans les meilleurs délais, des solutions aux problèmes qui devaient être réglés.
     Je pense qu'il va sans dire qu'à l'avenir, les travaux sur l'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes resteront au centre de nos préoccupations.
     Madame la présidente, j'ai dit dans des observations précédentes que notre travail, ou la raison pour laquelle ce travail nous échoit comporte deux volets. Le premier volet est le plus important; c'est le volet moral, et c'est la conclusion que l'inconduite sexuelle est répréhensible, qu'elle est inacceptable. En complément de cela, il y a la conclusion morale que les femmes ont absolument, sans équivoque, le droit de servir dans les Forces canadiennes et qu'elles doivent être protégées si et quand elles choisissent de le faire.
     Il y a également — et je pense que mon collègue M. Robillard y a fait référence il y a quelques minutes — un volet opérationnel à ces travaux, qui concerne l'efficacité des Forces armées canadiennes et de leurs forces alliées dans le monde en matière d'inconduite sexuelle. Si nous ne prenons pas ces travaux au sérieux, si nous n'éliminons pas cette pratique flagrante de l'inconduite sexuelle, aussi profondément enracinée soit-elle, et si nous ne l'éliminons pas dans les meilleurs délais, l'efficacité opérationnelle des forces armées en pâtira. C'est une question de moral, mais aussi d'efficacité sur le terrain. C'est une question de confiance, de confiance sur le champ de bataille, de confiance lors de déploiements, de confiance dans les couloirs du quartier général de la Défense nationale à Ottawa, de confiance dans les bases et partout ailleurs, et aussi de confiance dans les Forces canadiennes en tant que partenaire et allié international au sein de l'OTAN et des opérations de paix de l'ONU, et de tout autre type de déploiement faisant intervenir d'autres armées.
     Si les femmes des Forces canadiennes ne peuvent pas faire confiance à leur chaîne de commandement, et si les autres armées ne peuvent pas faire confiance aux Forces canadiennes en tant qu'allié et partenaire qui prend ce problème très au sérieux et qui est en train de l'éradiquer, nous serons plus faibles en tant qu'allié dans toutes sortes de contextes internationaux.
     Ces volets moral et opérationnel sont vraiment au cœur de la raison pour laquelle nous faisons ce travail, et encore une fois, le volet moral est primordial, mais le volet opérationnel ne doit pas être négligé.
     Dans le même ordre d'idées, il n'y a pas que la menace d'inconduite sexuelle au sein des armées, ou potentiellement entre les armées qui travaillent ensemble dans un partenariat, que ce soit dans le cadre d'un déploiement de l'OTAN ou d'une opération de paix de l'ONU. C'est aussi le risque, potentiellement, pour les populations vulnérables, les réfugiés que les Forces canadiennes et ses forces alliées sont chargées de protéger. Si le problème de l'inconduite sexuelle n'est pas éradiqué, si on ne lui accorde pas la plus grande priorité, il y a un risque que les populations civiles dans les zones de déploiement soient vulnérables à l'inconduite sexuelle perpétrée par des membres de forces armées qui sont déployés dans ce contexte. Il s'agit là d'un troisième volet dont nous devons être très conscients.

  (75535)  

     Entretemps, madame la présidente, comme je l'ai souligné dans une série d'observations précédentes, nous avons constaté que de nombreux autres pays effectuent un travail très similaire en parallèle et que, dans certains cas, ils ont été en mesure de publier des rapports de suivi sur les premières séries d'initiatives et de réponses. Je pense avoir dit dès le début qu'une recherche très rapide un samedi après-midi m'a permis de trouver une bonne demi-douzaine d'exemples. J'ai fait des observations sur la situation du Royaume-Uni. J'ai commencé à parler de la Nouvelle-Zélande. Dans une prochaine intervention, je parlerai brièvement de l'Afrique du Sud. D'autres pays, comme l'Australie et la Suède, ont fait ce travail. Étant donné le calendrier de ces initiatives ailleurs, qui coïncident à peu près avec le nôtre — au cours des cinq dernières années, de 2015 ou 2016 à aujourd'hui —, encore une fois, cela nous donne une impulsion importante. Comme ces autres pays ont été si nombreux à prendre note de nos premières initiatives, il est important que nous restions saisis et que nous conservions un rôle de chef de file et que nous ne soyons pas à la traîne par rapport aux initiatives que nos amis et alliés mettent en œuvre ailleurs, pour les mêmes raisons que j'ai exposées ci‑dessus: la raison morale et la raison opérationnelle.
     L'examen et l'analyse des connaissances acquises dans d'autres pays sur la nature systémique de l'inconduite sexuelle sont fondamentaux pour nos propres travaux. Je pense qu'il serait inimaginable que nous ignorions tout simplement toute une série d'expériences menées ailleurs, bonnes et mauvaises, certaines avec des approches différentes et des recommandations et conclusions différentes, mais tout aussi importantes en ce qui concerne la résolution du problème dans chaque pays. Que nous choisissions simplement de ne pas regarder cela et de dire, « Eh bien, vous savez, nous avons nos propres problèmes », que nous ayons les yeux rivés au sol et perdions de vue ce qui se passe ailleurs dans le monde... Nous devons examiner ces cas. Nous devons en tirer les enseignements importants qui ont été décrits dans ces rapports. Dans certains cas, les conclusions étaient simplement que l'on n'était pas intervenu assez rapidement, qu'il y avait de nombreuses lacunes. La frustration des équipes qui travaillent sur ces initiatives est aussi manifeste que notre frustration, tous partis confondus, de ne pas voir ce travail avancer assez vite. Par conséquent, si nous pouvons transmettre des leçons, des exemples, mais en recevoir aussi en retour, alors sans équivoque, nous devons absolument les examiner.
     Dans bon nombre de ces initiatives, l'accent a été mis sur l'ampleur du problème. Nous avons beaucoup entendu parler des définitions des diverses formes d'inconduite; de la distinction entre l'agression physique et sexuelle et le viol et d'autres formes d'inconduite, y compris l'intimidation et le harcèlement; de la recherche de mécanismes permettant de modifier plus rapidement la culture; de mécanismes qui donnent aux victimes des moyens de dénoncer les cas d'inconduite; de la responsabilisation; de l'indépendance de la surveillance; du contrôle démocratique des forces armées par rapport au Parlement et au pouvoir exécutif; de la recherche de données et de la quête d'un leadership sur cette question à tous les niveaux du service, qu'ils soient militaires ou civils; et enfin de l'importance de la communication et de la formation.
     Ces enjeux sont complexes. En les examinant, nous voyons émerger quelques courants généraux sur la façon dont ce problème pourrait être résolu, et il s'agit du leadership, de la communication, de l'indépendance et des moyens donnés aux victimes de dénoncer. Certains de ces points communs sont, je pense, maintenant manifestes et apparents pour nous. Cependant, lorsqu'il s'agit de présenter notre propre rapport, je pense qu'il est important que nous soyons en mesure de délibérer en tant que parlementaires; que nous libérions le processus parlementaire qui existe pour son efficacité, sa valeur démocratique, sa sagesse pour ce qui est d'obtenir de meilleurs résultats lorsque les parlementaires sont capables de se réunir à huis clos. Nous devons débattre de recommandations, d'idées et d'approches qui peuvent être controversées; en cas de divergences de vues, nous ne devons pas nous limiter à une seule intervention de deux minutes, mais avoir de véritables débats, et parfois des débats difficiles, susceptibles de ne pas aboutir à un accord, auquel cas le mécanisme d'un rapport dissident ou complémentaire est absolument pertinent et a été fréquemment utilisé dans le passé.
     Cependant, nous devons faire le travail nécessaire pour déterminer ce que nous, en tant que comité, pouvons proposer pour apporter une valeur ajoutée. L'utilité des travaux d'autres comités parlementaires a été évoquée ici à plusieurs reprises — lors de sessions précédentes et cette fois‑ci également. Selon la coutume parlementaire, chaque comité est maître de son destin.

  (75540)  

     Ce n'est pas parce qu'un autre comité mène une étude que notre comité, ou tout autre comité, devrait décréter qu'il ne se penchera pas sur le même sujet parce que le comité X le fait. Il est extrêmement utile, surtout sur un enjeu aussi important, profond et bien ancré que celui‑ci, d'utiliser plusieurs lentilles, plusieurs angles, plusieurs mécanismes d'amplification dans le cadre du processus démocratique qui mise sur des recommandations précises issues de témoignages. Dans son intervention précédente, M. Baker a évoqué l'importance de la formation des observateurs, que le Comité de la condition féminine a soulevée, tout comme d'autres administrations.
     Ces idées sont importantes et nous devons les recouper et trouver une façon horizontale de les examiner. Nous sommes donc saisis non seulement de la protection des femmes qui servent et qui ont servi. Il s'agit de trouver des mécanismes pour protéger les victimes, les autonomiser et les soutenir tout au long de leur parcours. Nous sommes saisis de cet enjeu tout autant que le Comité de la condition féminine. Cependant, sans vouloir parler au nom du Comité de la condition féminine et de son interprétation, qu'il est libre d'énoncer, ce comité, notre comité, le Comité permanent de la défense nationale est saisi plus précisément des structures de gouvernance des Forces canadiennes, des questions de leadership, des questions de ressources, des questions de responsabilisation et d'examen, des questions liées à la supervision parlementaire de ces travaux. Nous devrions formuler des recommandations qui s'inscrivent dans le rôle historique, et dans la mise en application future, que nous jouerons pour veiller sur les Forces canadiennes et nous assurer qu'elles comblent les attentes des membres actifs actuels et anciens, des Canadiens, de notre cadre des droits de la personne, de notre cadre juridique, de tous ces éléments.
     Il est donc important que nous menions ces travaux. Il est également important que nous examinions les travaux d'autres comités et que nous nous assurions d'amplifier les recommandations qui nous semblent fondamentalement importantes.
     En ce qui concerne la réponse du gouvernement, il est absolument crucial de l'exiger. Encore une fois, cela crée une boucle de rétroaction sur l'imputabilité pour notre comité, par laquelle nous surveillons les mesures que prend le gouvernement en exerçant notre rôle de parlementaires, en tant que membres élus et en tant que membres de ce comité particulier.
    Faire tout ce travail pour ensuite dire à la fin que nous ne voulons pas entendre la réponse du gouvernement, à mon avis, cela ne nous mène même pas à mi‑chemin, car à moins de faire pression sur le gouvernement...
     D'autres pays nous ont montré l'utilité des examens répétés. Au Royaume-Uni, un examen a été mené dans un délai aussi court qu'un an, dont sont issues des recommandations et des idées donnant lieu à l'élaboration de nouvelles recommandations. Il est donc très important que nous ayons un moyen d'interpeller de nouveau le gouvernement pour lui dire: « Bon, vous nous avez dit x au cours de cette session parlementaire; vous avez fait y, et nous y avons jeté un coup d'œil et nous pensons que vous devriez aussi faire z ». Cela donnerait alors au gouvernement, par l'entremise du processus démocratique parlementaire, le mandat ou l'impulsion nécessaire pour peaufiner le travail.
     Comme je l'ai dit, il s'agit d'un travail qui sera récurrent. Il devra être soumis à une sorte d'effet de cliquet qui nous empêchera de reculer et nous obligera à avancer, et chaque fois qu'une série de recommandations efficaces sera présentée et qu'elles sembleront fonctionner, il faudra encourager le gouvernement à les maintenir. Les recommandations qui ne fonctionnent pas doivent être soit modifiées, soit éliminées, soit ajustées de manière à accélérer les résultats qui doivent être obtenus de toute urgence.
     Il ne suffit pas que ce comité ou le gouvernement dise: « Regardez ce que nous avons fait, voici notre réponse » et de se laisser porter par le vent pour voir si les résultats se concrétisent. Nous devons rester mobilisés; nous avons besoin de surveillance, et pour cette raison, nous devons continuer à insister pour que le gouvernement réponde aux travaux que ce comité génère. Je pense que c'est fondamentalement important.
     Il y a deux éléments: pouvoir délibérer en tant que parlementaires comme nous le faisons normalement, avoir des débats francs et énergiques, et oui, être en désaccord les uns avec les autres; et à terme, nous présentons notre rapport au gouvernement en exigeant une réponse de sa part.
     Je vais revenir brièvement dans le même ordre d'idée pour faire ce que je n'ai pas eu l'occasion de faire la dernière fois, c'est-à-dire souligner certaines des recommandations issues de l'examen néo-zélandais. Vous vous souviendrez que la Nouvelle-Zélande a mené une opération dont le concept est à peu près similaire à celui de l'opération HONOUR, soit l'opération RESPECT. J'ai présenté au Comité un examen d'un an qui a été déposé en juin 2020 par une équipe indépendante qui s'était penchée sur l'opération RESPECT de la Nouvelle-Zélande et qui avait déterminé qu'il manquait encore un certain nombre d'éléments, dont beaucoup font écho aux éléments qui ne sont toujours pas satisfaisants ici au Canada. Ils ont formulé, je crois, une série de 44 recommandations. Je ne vais pas les passer toutes en revue.

  (75545)  

    Je pense que certaines d'entre elles sont très propres au contexte néo-zélandais et que d'autres ont déjà été débattues et, je pense, implicitement acceptées à certains égards. Je veux en souligner quelques-unes pour que le Comité puisse les examiner et en profiter avant de vous rendre la parole, madame la présidente.
     Le défi fondamental que l'examen de la Nouvelle-Zélande a cerné a donné lieu à une recommandation selon laquelle le ministre de la Défense de la Nouvelle-Zélande doit demander que tous les deux ans, pendant 20 ans, son vérificateur général vérifie les progrès des forces de défense de la Nouvelle-Zélande en ce qui concerne les résultats concrets de l'opération RESPECT,en accordant une attention particulière à l'élimination des comportements nuisibles et de la violence sexuelle.
     Cela me ramène aux commentaires que j'ai faits il y a quelques minutes. Le ministre dit que l'heure n'est plus à la patience et que le changement de culture doit se produire maintenant. Oui, l'heure n'est plus à la patience en ce sens que nous devons agir et présenter les recommandations porteuses de changement, mais la Nouvelle-Zélande a décrit ce problème comme un problème qui sera long à régler. Les comportements les plus flagrants seront, espérons‑le, éradiqués très rapidement, mais globalement, leur conclusion est qu'ils veulent un audit tous les deux ans pendant 20 ans pour s'assurer que le problème est réellement éradiqué. Selon eux, il s'agit d'un problème semi-générationnel, si l'on considère cette période de 20 ans. Il n'y a absolument aucun retour en arrière possible. La Nouvelle-Zélande considère que ces audits sont d'une importance fondamentale.
    Elle a également formulé une recommandation visant à limiter la portée de l'opération RESPECT à deux volets distincts, reflétant l'approche adoptée par d'autres pays. Le premier est l'élimination de la violence sexuelle, qui est le comportement le plus flagrant et le plus nuisible — le viol, l'agression sexuelle et la violence physique comme telle. Le deuxième niveau serait l'élimination de la discrimination, du harcèlement et de l'intimidation. Il s'agit de comportements subsidiaires qui découlent néanmoins de la même culture totalement inappropriée qui doit être changée et éradiquée.
     La Nouvelle-Zélande fait également les recommandations suivantes à son gouvernement, traduites librement ici:
Renforcer l'appropriation collective du leadership en élaborant une stratégie à long terme en collaboration avec les commandants des bases et des camps. En utilisant une approche progressive, la stratégie devrait s'appuyer sur les fondements actuels de l'opération RESPECT et permettre une certaine souplesse dans la mise en œuvre afin que chaque service puisse l'adapter à sa culture, à son état de préparation au changement et à ses besoins prioritaires.
    Madame la présidente, nous avons eu des discussions sur les diverses cultures — au pluriel — qui existent dans les Forces canadiennes. Certaines d'entre elles sont salutaires et très positives en ce qui concerne l'excellence, le travail d'équipe, le fait de ne pas laisser ses coéquipiers derrière, la préparation et toutes les bonnes choses qui vont avec les Forces canadiennes et que ses membres actuels et anciens chérissent et dont ils peuvent être très fiers. Il y a aussi les aspects négatifs.
     La Nouvelle-Zélande reconnaît qu'il existe des différences entre les diverses branches de ses forces. Il faut prendre en compte ces différences et les souligner aux dirigeants de chaque branche pour qu'ils les règlent.
     Ils recommandent la nomination d'un « spécialiste de la communication du changement qui travaillera exclusivement sur ce projet en collaboration avec un spécialiste de la violence sexuelle (comme le chef de l'équipe d'intervention en cas d'agression sexuelle) afin de mettre en oeuvre des messages réguliers, stratégiques et nuancés ».
     Nous avons vu ailleurs, dans d'autres recommandations, l'importance des points de vue extérieurs et du savoir-faire en matière de gestion du changement, de communications et d'autres éléments. Le danger est toujours lié au fait qu'une personne trop éloignée de l'organisation ne saisira pas la nature de ses problèmes internes, mais une personne trop proche de l'organisation elle-même sera captive des intérêts de l'organisation et ne sera pas en mesure de résoudre le problème efficacement. La Nouvelle-Zélande a réglé ce problème en nommant un spécialiste du changement qui travaille en collaboration avec la structure de direction existante. On en a fait une recommandation.
     L'engagement de tous les dirigeants à tous les niveaux à s'approprier la gestion des comportements nuisibles, y compris la violence sexuelle, la discrimination, l'intimidation et le harcèlement au sein des NZDF, est de la plus haute importance à l'appui de cette recommandation, en ce sens que, à moins que les dirigeants ne s'approprient le comportement, il n'y a aucune responsabilisation et aucune chance de changement.
     Au Canada, évidemment, nous avons eu une expérience très différente de celle d'autres pays. Le chef même des forces armées — le responsable de l'ancienne opération HONOUR et celui qui devait être au sommet de la chaîne de responsabilisation — a été accusé d'avoir manifesté le même type de comportement que celui qu'il était chargé de prévenir. La situation est différente de celle d'autres pays. Néanmoins, la Nouvelle-Zélande considère qu'il est essentiel que la direction, à tous les niveaux, assume la responsabilité de l'élimination de ce comportement.
    Ils recommandent également l'octroi d'un budget important pour permettre à tous les membres du personnel d'acquérir les outils clés du leadership. Ils font ici référence à l'application mobile « Respect dans les Forces armées canadiennes ».

  (75550)  

     Il est important de reconnaître que nous avons besoin de leadership et de stratégies de communication, mais aussi d'outils. Je soulève cette recommandation parce que la Nouvelle-Zélande suit en fait de très près ce que le Canada fait et elle a souligné qu'elle avait pris des mesures, à bien des égards, après avoir pris connaissance du rapport Deschamps en 2015. Je ne veux pas exagérer en disant que les yeux du monde entier sont rivés sur nous, mais il est certain que les yeux de certains alliés et partenaires clés le sont. Pour cette raison, en plus de toutes les autres que j'ai évoquées, je pense qu'il nous incombe de continuer à aller de l'avant et de revoir les types d'outils que nous avons mis en place, y compris l'application mobile Respect dans les FAC, pour voir s'ils serviront les objectifs des membres actuels et anciens des Forces canadiennes pour régler le problème.
     La Nouvelle-Zélande est également très préoccupée par la gestion des données. Elle recommande donc la mise en place d'un système complet et intégré de gestion des données afin de recueillir régulièrement et systématiquement des données et de faire rapport des plaintes et des résultats d'incidents liés à des comportements préjudiciables, y compris la violence sexuelle et la discrimination, le harcèlement et l'intimidation.
     En tant que parlementaires, nous savons qu'il ne peut y avoir de bonne gouvernance sans bonnes données, sans données précises et dûment ventilées. Des collègues ont formulé des commentaires sur l'intersectionnalité de l'inconduite sexuelle, le lien étroit avec la diversité et l'inclusion, et l'incidence sur les membres de la communauté LGBTQ2S+ et d'autres. Pour toutes ces raisons, nous avons besoin de bonnes données. Nous en avons besoin aussi pour voir si l'une des branches des Forces canadiennes est en avance ou en retard. Une branche a peut-être innové dans la résolution de ce problème et a pris les devants. Les données permettraient de le savoir. Ensuite, les autres branches pourraient se lancer dans une course au sommet pour régler les problèmes. Un esprit constructif et compétitif pourrait émerger des données, un esprit qui témoigne des mesures concrètes visant à régler le problème le plus rapidement possible.
     D'autres recommandations concernent les stratégies d'apprentissage organisationnel, l'éducation, la communication et la nécessité de s'assurer que les membres des forces armées néo-zélandaises connaissent les différentes options qui s'offrent à eux, non seulement en ce qui concerne la gouvernance de la diversité et de l'inclusion dans leurs branches, mais aussi les dénonciations.
    Pour revenir aux propos de M. Baker tout à l'heure, il a évoqué à plusieurs reprises l'importance de la formation des observateurs, en référence aux témoignages que la Chambre des communes canadienne a reçus par l'entremise des comités. La Nouvelle-Zélande recommande de confier l'évaluation des programmes de formation des observateurs à des évaluateurs indépendants. Encore une fois, la formation des observateurs semble être l'un de ces éléments d'une importance fondamentale pour accélérer les progrès. Ils l'ont reconnu et ont dit: « Bon, pour le faire, appuyons-nous sur un processus d'évaluation et assurons-nous que la formation des observateurs fait réellement ce qu'elle semble faire dans tant d'autres contextes. Fonctionne-t-elle aussi dans l'armée? »
     Encore une fois, le suivi du rendement et les examens débouchent sur des recommandations absolument cruciales dont nous devons absolument tenir compte, à mon avis.
     « Effectuer des audits annuels de l'équipe d'intervention en cas d'agression sexuelle afin de s'assurer que les besoins de l'équipe en matière de sécurité et de bien-être sont satisfaits, ainsi que ceux des personnes qui utilisent le service ». Ce n'est pas nécessairement une option que nous avons déjà envisagée, et c'est pour cette raison que je soulève cette question. Les équipes qui vont travailler à l'élimination de l'inconduite sexuelle dans les forces armées, ces hommes et ces femmes, officiers et sous-officiers, qui participent à cet effort organisationnel, vont voir des choses horribles. Ils vont potentiellement voir ou entendre des témoignages. Ils vont voir ou entendre toutes les mauvaises choses qui se passent et se sont passées pendant trop longtemps. Nous devons veiller à ce que l'on prenne soin du bien-être psychologique des membres de ces équipes.
     Les agents du changement, les gestionnaires du changement, dans les forces armées, brisent une culture qui est nuisible, insidieuse et destructrice, et nous devons les garder forts. Je pense que c'est une excellente recommandation. Je pense qu'il est très utile que nous examinions cet élément pour garantir que nous nous occupons de ceux qui s'occupent des femmes et des victimes d'inconduite sexuelle inappropriée.
     « Donner la priorité aux travaux visant à renforcer les facteurs de sécurité personnelle individuelle des casernes, des toilettes et des installations sanitaires » est une recommandation très pragmatique qui porte sur les opérations et les bases actuelles des forces de défense néo-zélandaise. Nous pourrions certainement faire preuve de la même granularité dans notre travail et nous assurer que les femmes des Forces armées canadiennes continuent d'utiliser les installations matérielles qui leur sont destinées et qu'elles sont en sécurité et protégées, et que des changements sont apportés si ce n'est pas le cas.

  (75555)  

    Enfin, « Assurer une communication cohérente et régulière pour préciser ce qui est et n'est pas un comportement approprié, y compris le bizutage et les rituels d'initiation, afin de renforcer la culture du consentement et d'atténuer la coercition et la pression des pairs ». La communication est cruciale, mais il faut remonter jusqu'au début de la chaîne de réflexion d'une personne qui envisage une carrière dans les Forces canadiennes, jusqu'au processus de recrutement et aux types de communications sur l'inconduite sexuelle qu'elle recevra en franchissant la porte d'un centre de recrutement. Toute personne qui envisage de faire carrière dans les Forces canadiennes en ce moment même se posera très certainement ces questions. « Est‑ce un endroit sûr? Oui, je veux servir, mais où en sommes-nous à la lumière des manchettes des dernières semaines, et où en sommes-nous à la lumière des travaux de ce comité? Est‑ce que je franchis une porte en ayant une plus grande assurance de sécurité? »
    Je pense qu'il est crucial de communiquer clairement aux recrues qui ont pris la décision de se joindre aux Forces canadiennes que les rituels d'initiation ou de bizutage inappropriés, qui ouvrent vraiment la voie à la perception du genre de culture qui existe en matière de bizutage... Lorsque vous subissez un rituel de bizutage, vous en sortez avec certaines impressions qu'il s'agit d'un endroit où des choses de ce genre vont persister tout au long de votre carrière et peut-être sous des formes différentes et encore plus préjudiciables.
     C'est une excellente recommandation de la Nouvelle-Zélande. Elle nous amène jusqu'au début du processus pour un homme ou une femme qui décide, avec les plus nobles aspirations, de servir son pays en se rendant dans un centre de recrutement et en obtenant des renseignements sur une carrière dans les forces.
     Je vais m'arrêter là. Je ne vous ai présenté qu'une partie des recommandations. Il y en a beaucoup d'autres, mais encore une fois, je suggère avec insistance que ce comité soit saisi des expériences vécues ailleurs et s'y attarde comme point de départ fondamental, pour ainsi dire, de nos discussions sur ce qui a fonctionné, ce qui n'a pas fonctionné et ce que nous pourrions emprunter pour rendre nos recommandations plus fortes, plus efficaces et plus efficientes.
    À mesure que le travail de madame la juge Arbour progressera, elle aura peut-être aussi l'occasion d'examiner, je pense, les travaux d'autres pays. Je pense qu'il est important que nous nous penchions sur le caractère systémique de l'inconduite sexuelle qui dépasse largement les frontières du Canada puisque tant d'autres pays sont confrontés au même problème. Si une pratique exemplaire émerge quelque part, elle devrait être rapidement mise à profit par tous les autres pays qui s'emploient à régler ce problème, pour les raisons morale et opérationnelle que j'ai décrites au début de mon intervention.
     Madame la présidente, je m'arrête là pour le moment et je vous rends la parole, avec mes remerciements.

  (75600)  

    Merci beaucoup, monsieur Spengemann.
     Nous allons passer à M. Bagnell, si vous voulez bien.
    Merci, madame la présidente.
    Bienvenue à tous mes collègues du Comité.
     Tout d'abord, je tiens à remercier M. Spengemann de poursuivre ses excellentes recherches sur d'autres armées. Grâce aux courageux survivants qui se sont manifestés, aux experts et à l'information provenant d'autres armées, le Comité dispose peut-être maintenant du dossier le mieux étoffé de toutes les armées du monde, que les FAC, le gouvernement et Mme Arbour peuvent utiliser pour faire un pas en avant.
     Je tiens également à remercier M. Robillard pour l'énorme travail qu'il accomplit au sujet des femmes dans l'armée, car il s'agit manifestement d'un aspect essentiel de la prévention de l'inconduite dans l'armée.
     La motion dont nous sommes saisis me pose plusieurs problèmes. Mon amendement vise à régler l'un de ces problèmes.
     Je crois qu'il devrait y avoir une réponse du gouvernement à la motion, aux recommandations. Il s'agit de changements très compliqués, sur lesquels je vais m'étendre brièvement. Le changement n'est jamais facile, comme chacun sait. Même un changement mineur peut susciter de la résistance, sans parler des changements majeurs qui sont nécessaires ici et dans un certain nombre d'armées. Je crois que les chances sont beaucoup plus grandes que ces changements se produisent si le gouvernement, par sa réponse, fait partie de la solution. Je ne pense pas qu'un seul membre du Comité pense que les chances de succès seraient moins grandes pour certaines des recommandations que nous ferions si le gouvernement ne faisait pas partie de la solution.
     J'ai l'intention d'aborder dans ma première intervention aujourd'hui un élément qui concerne la culture afin de montrer à quel point c'est compliqué et pourquoi nous avons besoin d'une réponse du gouvernement, parce que la solution est si compliquée. Comme je l'ai dit lors de la dernière réunion, j'ai vraiment besoin de l'avis des experts, car je ne suis pas un spécialiste de ce domaine. Je vais vous parler de ce que les experts ont dit sur la culture, pour montrer pourquoi c'est complexe et pourquoi nous avons besoin que le gouvernement fasse partie de la solution par sa réponse.
     Le premier commentaire dont je vais parler est celui de M. English. Il a dit:
La culture actuelle des Forces armées canadiennes est parfois qualifiée de guerrière. Cette culture guerrière est apparue dans les Forces armées canadiennes au début des années 2000, c'est-à-dire lorsque nous avons commencé à collaborer de très près avec les États-Unis en Afghanistan, ainsi qu'après 2005 lorsque le général Rick Hillier est devenu chef d'état-major de la Défense et qu'il a voulu remplacer par une culture guerrière ce qu'il appelait la culture bureaucratique des Forces canadiennes à l'époque.
La culture guerrière qui a été choisie en raison de notre étroite association avec les États-Unis était une culture particulière créée aux États-Unis dans les années 1980 et 1990, une culture fondée sur la culture militaire hypermasculine et sexualisée dont la création avait pour but de bloquer l'entrée des LGBTQ dans l'armée et qui, plus tard, a été déployée contre les femmes.
C'était une culture artificielle, étrangère et hypersexualisée qui, selon les chercheurs américains qui l'avaient étudiée, a contribué à « créer ou à maintenir un environnement culturel où les agressions sexuelles peuvent se produire et se multiplier ».
En important cette culture hypermasculine américaine, nous avons vraiment créé beaucoup de nos problèmes. Je pense que l'une des premières choses à faire dans tout changement de culture serait de revenir à ce que nous avons inscrit dans « Servir avec honneur », notre manuel de la profession des armes en 2003, qui s'appelait quelque chose comme « l'honneur du guerrier ».
Cette nouvelle culture guerrière canadienne en réponse à la crise somalienne devait être fondée sur l'honneur du guerrier, qui l'engageait à utiliser le minimum de force pour atteindre ses objectifs et qui lui imputait la responsabilité à la fois d'accomplir sa mission et de respecter les lois de la guerre. C'est très différent de ce que nous avons aujourd'hui. Je dirais que c'est la première chose à changer.

  (75605)  

     M. Okros a ensuite expliqué qu'il est vrai que nous devons changer, pour les raisons que je viens de citer, mais aussi que l'armée canadienne et, en fait, toutes les armées vivent une situation très particulière. Elles doivent avoir une culture qui leur est propre. La question est de savoir à quoi ressemblerait cette culture, compte tenu des contraintes, des conditions ou de l'environnement propres à une armée.
     Il a dit:
[Le] commentaire que je ferais à ce sujet, c'est qu'il faut une culture militaire particulière. Les Canadiens attendent des choses très précises des hommes et des femmes qui assurent leur sécurité. Cela exige des choses très précises. Aucun autre employeur ne connaît la notion de responsabilité illimitée, qui expose son personnel au danger.
Pour ce faire, pour créer ces capacités et la capacité d'endurance dans des circonstances extrêmement pénibles, il faut quelque chose d'unique dont la plupart des employeurs du secteur privé n'ont pas besoin.
La question est de savoir quelle devrait être cette culture. Selon moi, telle est la vraie question à débattre. Encore une fois, les commentaires que nous formulons ici... il y a des tensions dans les forces armées également qui changent avec le temps. Une chose qui est incrustée dans la philosophie militaire est que de très importantes leçons ont été tirées, au prix du sang versé au fil des siècles, des leçons que nous n'oublierons jamais.
Cela a son importance, mais cela peut empêcher les forces militaires d'essayer d'envisager la culture militaire qu'ils doivent bâtir en contexte de sécurité du XXIe siècle, et avec les jeunes Canadiens qui veulent prendre l'uniforme pour servir leur pays et avec les jeunes Canadiens qui cherchent à servir leur pays en uniforme.
Ce doit être une culture unique. Le débat, en fait, porte sur ce que devrait être cette culture, ce qu'il faut conserver et ce qu'il faut changer fondamentalement.
    Pour montrer à quel point la situation est complexe et pourquoi il faut une réponse du gouvernement en raison de cette complexité, Mme von Hlatky parle des femmes. Elle fait quelques commentaires sur certaines situations dans lesquelles se trouvent les femmes. Elle poursuit en expliquant que les femmes sont confrontées à des différences tout au long de leur carrière militaire. Il peut y avoir différents aspects à différents moments de leur carrière, mais il est certain que, du recrutement à la retraite, la situation est totalement différente pour les femmes. Il est évidemment très important d'en tenir compte dans nos discussions pour améliorer l'armée.
    Mme von Hlatky a dit:
Je serais certainement heureuse d'avoir l'occasion d'examiner comment nous pouvons mieux nous concentrer sur les besoins et les expériences uniques des femmes dans les Forces armées canadiennes. C'est dommage qu'il faille une crise pour attirer davantage l'attention sur cette question.
En général, je pense que c'est la raison pour laquelle on a beaucoup insisté pour intégrer un outil d'analyse comparative entre les sexes plus...
    Encore une fois, je félicite M. Robillard pour sa discussion à ce sujet à la Chambre il y a quelques semaines, sa motion sur l'analyse comparative entre les sexes dans l'armée. Félicitations, monsieur Robillard.
... dans l'élaboration des politiques du gouvernement du Canada, et cela s'applique certainement aux Forces armées canadiennes. Étant donné que les expériences des femmes sont différentes de celles des hommes — nous avons d'ailleurs souligné certains facteurs culturels pour expliquer pourquoi il en est ainsi —, il y a également d'autres raisons pour lesquelles elles peuvent avoir des besoins et des expériences différents.
À chaque étape de la carrière, encore une fois, que ce soit au moment du recrutement ou au moment de la libération et de la transition de la vie militaire à la réinsertion dans la vie civile, les femmes font face à des défis particuliers. Si nous pouvons profiter de cette occasion pour étudier plus à fond ces défis et ces besoins particuliers, je pense que ce serait certainement un pas dans la bonne direction.
En même temps, je ne pense pas que nous devrions présumer que ce qui se passe actuellement — ce dont parlent les médias — est un facteur décisionnel très important pour une femme qui examine ses options de carrière dans l'armée ou qui envisage de s'enrôler dans les Forces armées canadiennes. Il y a une foule de motifs et de raisons pour lesquelles les femmes prennent des décisions au sujet de leur carrière, et cela peut avoir une incidence ou non. Ce n'est certainement qu'une considération parmi bien d'autres.

  (75610)  

    Pour montrer la complexité de ce sujet, à savoir la culture, et pourquoi nous avons besoin que le gouvernement s'engage dans une réponse très réfléchie à ce que nous proposons, je vais m'adresser à M. Okros. Il a dit que l'une des façons d'améliorer cette culture est de s'assurer que tout le monde, tous les groupes, peut-être les groupes sous-représentés, etc. ont une voix et sont entendus.
     M. Okros a déclaré ce qui suit:
Je commencerai par dire que je suis probablement la dernière personne à pouvoir parler au nom des femmes qui servent dans les Forces armées canadiennes, et je tiens à le souligner. Les stratégies d'inclusion, à propos des différents groupes, utilisent l'expression « rien sur nous sans nous ». Si nous appliquons les principes du programme sur les femmes, la paix et la sécurité, cela devrait notamment nous amener à reconnaître qu'il faut donner aux femmes la capacité de défendre elles-mêmes leurs intérêts, y compris avec l'aide d'organismes, et de se faire entendre.
Je dirais, en ce qui concerne ce que les FAC font à l'interne, et peut-être pour la gouverne de ce comité, qu'il est important de veiller à ce que les voix et les points de vue de ceux que nous voulons défendre soient entendus et pris en compte. À long terme, il serait bon de créer des mécanismes pour que les personnes et les sous-groupes au sein des forces armées puissent se faire entendre.
    M. Okros poursuit en disant ceci:
Au-delà de cela, il y a la question de la création de hiérarchies sociales. Chaque milieu de travail, chaque groupe, a des hiérarchies sociales allant de qui est le plus important à qui est le moins important. Ce sont des choses qui sont généralement contrôlées au moyen de paroles et de références sexualisées ou racialisées.
[...] lorsque les gens font des commentaires narquois, lorsque les femmes font une observation et sont ignorées tandis que leurs collègues masculins disent exactement la même chose et sont applaudis, ce sont les choses qui, jour après jour, signalent qui est important et valorisé et qui ne l'est pas.
Lorsque les gens cherchent à créer ces hiérarchies et à les contrôler en récompensant certaines personnes en fonction de leurs caractéristiques et en attaquant d'autres, c'est ce qui commence à porter atteinte à l'identité et à l'appartenance.
Il est important que nous le reconnaissions. Ce n'est pas propre aux militaires. J'ai essayé d'identifier certaines facettes de l'armée, comme l'importance accordée à la conformité normative, l'obéissance à l'autorité, les différences de grade et les différences de pouvoir. Cela peut accentuer et compliquer la situation.
    Comme je l'ai dit, M. English a fait le même type d'allusion à l'environnement propre à l'armée.
    M. Okros a poursuivi:
Comme je l'ai dit, ces choses sont essentielles à l'efficacité opérationnelle, mais ce sont des armes à double tranchant parce qu'elles sont utilisées contre les gens également.
    Le contexte et les besoins des opérations engendrent ces exigences différentes parce que c'est une situation tellement difficile, mais ensuite ces exigences différentes, si elles sont utilisées de manière inappropriée, font partie du problème. C'est pourquoi nous devons avoir une discussion très approfondie sur ce sujet compliqué qu'est la culture. Ce n'est pas simple. Cela prendra du temps.
     J'aimerais maintenant revenir à Mme von Hlatky à propos de la formation. Elle a soulevé un point très important auquel je n'avais jamais pensé, mais qui prend tout son sens quand on y réfléchit longuement. Elle explique que la formation relative à l'inconduite sexuelle est totalement différente de la formation opérationnelle. Elle est traitée avec beaucoup moins de sérieux. La formation opérationnelle, comme le savent tous ceux qui y ont participé, est répétée à l'infini jusqu'à ce que ce soit une simple réaction naturelle. C'est de l'instinct. C'est ce qui vous sauve la vie dans différentes situations.
     Mme von Hlatky déclare:
Nous pouvons, je pense, admettre que la culture actuelle est opaque. Je veux que nous passions de l’efficacité opérationnelle à l’efficacité organisationnelle. L’Opération Honour a présenté l’inconduite comme un problème qui mine l’efficacité opérationnelle et je pense qu’il serait prudent de parler de la santé organisationnelle à l’avenir. L’efficacité organisationnelle est une condition préalable à l’efficacité opérationnelle, et c'est par des exercices d’entraînement et la certification que les forces se préparent aux opérations. Elles planifient et mettent en pratique jusqu’à ce que les instincts soient bons, même dans les moments difficiles. Dans des environnements complexes où le stress est élevé et où le manque de sommeil est important, la performance est en rapport avec la formation reçue.

  (75615)  

Et puis, il y a la formation sur l’Opération Honour, qui consiste à transmettre de l’information sur l’inconduite sexuelle. On fait cela pour la forme sans beaucoup se préoccuper de la façon dont l’information est conservée ou appliquée, au-delà de la confirmation que les gens sont à jour ou pas dans leur formation.
Je suis tout à fait d’accord avec mes collègues pour dire qu’il est important d’examiner la culture, mais je crois tout aussi important de le faire aux différentes étapes de la carrière d'un militaire et d'examiner la façon dont l’identité militaire se développe au fil de ces étapes. Je suis également convaincue de la nécessité d'apporter des correctifs administratifs, et la formation en fait partie. Nous devons accorder autant d’importance à ce genre de formation qu’aux autres types de formation qui se donnent dans l’armée.
    Plus loin dans cette intervention, j'expliquerai comment M. English répète le même point.
    Une fois encore, pour montrer la nécessité d'une réponse gouvernementale à ce problème, Mme von Hlatky poursuit:
Par le passé, on s'est souvent heurté à des attitudes défensives et à des réactions face aux problèmes qui surgissaient. C'est là où nous en étions il y a cinq ans. Cependant, malgré ces doutes, je ne pense pas qu’on doive attendre la nomination du prochain CEMD pour prendre des mesures décisives [...] Il faut lancer un appel immédiat à l’action en insistant sur le caractère gravissime de cette situation de crise pour les gens. Les Forces armées canadiennes comptent beaucoup de militaires qui, en ce moment, ont besoin d’entendre leurs dirigeants. Le bien-être des membres des Forces armées canadiennes, des victimes et des survivants [...] est primordial.
    Comme vous l'avez entendu, nos membres l'ont dit lors de récentes réunions du Comité.
     Mme von Hlatky poursuit:
Les gens ont besoin de leadership en temps de crise. C'est au tour du général Eyre. Évidemment, le premier ministre et le ministre de la Défense doivent donner le ton, mais les membres des Forces armées canadiennes s’en remettront à leurs commandants d'arme et au CEMD.
Nous avons parlé d’un changement plus profond et d’un changement culturel, et c’est certainement nécessaire dans l'immédiat. L’inconduite sexuelle ne peut pas toujours être considérée comme un problème à résoudre en soi. Nous avons tous trois tenté de mettre l’accent sur le lien entre la culture militaire et la prévalence de l’inconduite sexuelle. Ensuite, il y a des questions plus immédiates qui ont été soulevées ces dernières semaines, et nous devons inverser ce problème. La question à laquelle il faut répondre dans l'immédiat est de savoir comment un officier peut parvenir au sommet de la hiérarchie tout en commettant des abus de pouvoir. Quel changement pourrait-on apporter à la structure des FAC pour inciter les subalternes, les pairs et les hauts gradés à ne pas excuser ou camoufler les abus de pouvoir?
    Vous pouvez constater qu'il s'agit d'une question énorme qui nécessitera plus que quelques minutes de discussion pour trouver une solution rationnelle et réfléchie sur la manière de la traiter. J'en parlerai dans ma prochaine intervention — pas dans celle‑ci, mais plus tard dans la réunion. Je parlerai également de cette situation de promotion, mais cela montre que nous avons besoin d'une discussion réfléchie de la part des membres du Comité à ce sujet, puis d'une réponse du gouvernement sur cette question très complexe.
    Mme von Hlatky poursuit:
[...] selon moi, les abus de pouvoir n’ont pas été adéquatement traités dans le cadre de l’Opération Honour, ce qui devrait motiver une série d’ajustements généralisés — allant des approches en matière de formation à la communication à la collecte de données en passant par le leadership —
    Lorsque nous discuterons des recommandations, probablement pas avant ma troisième intervention aujourd'hui, l'une d'entre elles sera liée à la collecte de données, qui, pour des raisons évidentes, sera importante pour savoir à quels niveaux se situent les effets et comment ils sont différents.
     Puis, encore une fois, pour montrer la complexité de cette question et pourquoi nous avons besoin d'une discussion réfléchie en comité et d'une réponse du gouvernement, M. Okros a contribué à la discussion:
Seulement pour dire qu'il importe de faire la distinction entre engagement et compréhension. Selon moi, les dirigeants à tous les niveaux sont résolus à s'attaquer aux problèmes.

  (75620)  

    Et tous les membres de ce comité le sont, j'en suis sûr. Il poursuit:
Comme [...] l'ont observé des organisations féminines de l'extérieur, l'écart se situe au niveau de la compréhension. Comme j'ai essayé de le dire, à un certain niveau, cet écart est facile à voir ou plus facile à comprendre pourquoi il est difficile à comprendre. On dit parfois que les poissons ont du mal à découvrir l'eau. Les gens qui sont complètement immergés dans une culture dominante très forte ont du mal à vraiment comprendre cette culture.
Encore une fois, je pense que c'est ce qui explique les appels à l'aide de ceux qui apportent des perspectives universitaires et professionnelles externes, pour aider les hauts dirigeants à comprendre la culture puis les aider à comprendre quelles peuvent être les initiatives de changement de la culture.
    C'est exactement la raison pour laquelle j'ai dit au début de cette intervention que moi et peut-être d'autres membres du Comité sans expérience avons besoin de cet apport d'experts, mais M. English a émis une sorte de mise en garde à ce sujet. Il a dit:
Dans le même ordre d'idées, un des enjeux concerne ce que croient les dirigeants exactement. Le général Thibault a fait un commentaire très judicieux en disant que son expérience personnelle lui fait rejeter les conclusions de la juge Deschamps. Il n'a pas vu, et la recherche nous apprend que c'est vrai, que nous avons des préjugés et que nous avons tendance à accorder plus de crédit à notre expérience personnelle qu'aux études savantes, par exemple.
Mais cela nous ramène au point clé qu'est le pouvoir. Un grand nombre des comportements que nous observons— et ils ne sont pas tous liés à l'inconduite sexuelle, comme l'ont signalé plusieurs intervenants— sont liés au maintien du pouvoir. L'une des premières choses à faire lorsqu'on veut apporter un changement de culture global consiste à apporter des changements importants au niveau des dirigeants, ce que les Forces canadiennes ont rarement, voire jamais, voulu faire. C'est une question de surveillance.
    M. Baker a déjà évoqué la surveillance aujourd'hui. M. English a poursuivi:
Je vais répondre très rapidement au dernier point, parce qu'il a été soulevé, au sujet de la démographie. Tant qu'on ne changera pas la démographie des forces, qu'on n'y recrutera pas plus de femmes, qu'on n'aura pas plus de diversité, l'expérience restera cantonnée dans ce groupe homogène qui ne croit pas vraiment au changement. Je pense que les dirigeants l'ont dit.
    Vous savez, cela ne se limite pas à quelques éléments. Il y a un certain niveau à atteindre pour que ce soit efficace.
    Je me contenterai de vous faire part d'un autre commentaire sur cette culture, encore une fois pour montrer à quel point l'enjeu est complexe. Il vient de M. English et c'est une bonne conclusion à ma première intervention d'aujourd'hui. En fait, j'ai évoqué la question à plusieurs reprises lors de nos réunions:
J’ai lu la dernière DOAD 9005‑1 sur l’inconduite sexuelle [...] Je trouve qu’il y a des éléments qui se contredisent. L’autre jour, j’ai discuté avec un collègue de l’obligation de signalement. D’un côté, la directive dit qu'il faut faire rapport dans tel cas et, de l'autre, que c'est inutile. Dans telle ou telle situation, il faut signaler et faire rapport, mais dans une autre, il faut divulguer sans faire rapport tout de suite, bien que cela puisse être nécessaire plus tard, parce que quelqu’un, éventuellement membre d'une certaine profession, y sera obligé.
Pour le citoyen moyen, il peut être très difficile de savoir exactement ce qui se passe. Je sais pourquoi les DOAD sont rédigées de cette façon. Elles le sont par des avocats et des bureaucrates pour couvrir toutes les possibilités. Pour le militaire moyen, elles peuvent être très difficiles à déchiffrer.
Pour revenir à la question de la culture, celle-ci est véritablement au cœur de mon argumentation. En fin de compte, peu importe la qualité de vos règles et de vos règlements, ou votre prédisposition favorable envers la notion de signalement. Si, au sein de la culture à laquelle ils appartiennent, les gens sont conscients que toute personne qui signale un incident sera ostracisée, intimidée, harcelée ou que sa carrière prendra fin, alors la qualité et la clarté des règlements n’ont plus vraiment d’importance, ni l’ouverture dont on peut faire preuve. De nombreuses organisations, dont les FAC, l’ont dit à maintes reprises. C’est pourquoi cela nous ramène au problème fondamental du changement de culture.
Je dois répéter que mes collègues sont un peu plus optimistes que moi au sujet de « La voie vers la dignité et le respect ». Quand on parle de réalignement culturel, c’est qu'on suppose que tout ne va pas si mal. J’ai bien peur que la plupart des gens aient dit que c’était très mauvais. Il faut plus qu’un réalignement. Il faut un changement global. Tant que ce changement n’aura pas été apporté, peu importe le nombre de règles et de règlements concernant les signalements, les gens n'en feront pas. Nous avons reçu de nombreux rapports à ce sujet et nous avons expliqué pourquoi.

  (75625)  

    En plus de tout ce qui a été dit sur la culture lors des réunions précédentes, je viens de consacrer 24 minutes à une intervention sur cet enjeu complexe sur lequel nous nous penchons, alors comment serait‑il raisonnable que cette motion ne m'accorde que deux minutes? Ces enjeux sont très complexes. Nous devons produire une réflexion étoffée sur ces enjeux— et ce n'est que mon grain de sel. Cela montre simplement à quel point la motion est déraisonnable. Elle me limiterait à deux minutes alors que j'ai déjà utilisé 24 minutes, sans compter les choses que j'ai dites lors de réunions précédentes, comme on l'a mentionné.
     Pensez‑y un instant, si nous n'avions droit qu'à deux minutes sur la motion et que nous faisions ensuite nos recommandations au gouvernement du Canada. Selon le libellé actuel de la motion, le gouvernement n'aurait pas à y répondre. Comme la recommandation aurait été formulée sans débat approfondi, le gouvernement aurait deux options. Premièrement, il pourrait ne pas la prendre au sérieux, parce qu'à cause de cette motion déraisonnable dont nous discutons, il n'y aurait pas eu de débat approfondi sur la question. Sinon, il serait obligé de faire une évaluation et une analyse détaillées de la recommandation pour s'assurer qu'elle est pertinente. Je suis heureux que tous les membres du Comité, surtout ceux de l'opposition, sont convaincus que le gouvernement a la capacité et le savoir-faire nécessaires pour le faire. Cela prendrait beaucoup de temps.
     Je ne pense pas que cela aiderait vraiment les survivants si nous leur causions toutes sortes de retards en ne formulant pas des recommandations mûrement réfléchies et débattues. C'est pourquoi je crois que la motion dont nous sommes saisis n'est pas la façon la plus efficace de procéder, et j'espère que nous pourrons avoir un débat réfléchi et une réponse du gouvernement à ces questions très critiques et importantes.
     Je vous remercie, madame la présidente.
    Merci, monsieur Bagnell.
    Nous allons passer à Mme Vandenbeld. Je vous en prie.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     Merci pour toutes les interventions réfléchies que j'ai entendues aujourd'hui, et particulièrement celle de M. Bagnell. J'ai noté à la toute fin qu'il a bien expliqué, je pense, à quel point les solutions à ces enjeux auxquels nous sommes confrontés dans les Forces armées canadiennes à l'heure actuelle sont complexes et compliquées et à quel point la motion est cynique, à la fois le fait de ne pas exiger une réponse du gouvernement à notre rapport et la limitation des deux minutes par personne pour débattre de questions qui exigent vraiment beaucoup plus de réflexion.
    Il n'est pas évident de cerner les bonnes réponses. Je pense que nous avons fait un très bon travail en exposant le problème, et nous savons qu'il y a un problème très important. Cependant, les réponses diffèrent selon l'interlocuteur et son point de vue. L'histoire nous a appris que, très souvent, on peut mettre en place des solutions, des programmes, comme l'opération HONOUR, qui semblent résoudre le problème, mais qui ont ensuite des conséquences imprévues et ne donnent pas les résultats escomptés.
    Pour ce qui est de la motion elle-même, je pense qu'elle est très cynique, madame la présidente. Je l'ai qualifiée, en fait, de motion « pilule empoisonnée ». Je ne crois pas à l'existence d'une bonne volonté de la part de l'opposition à vouloir réellement collaborer en toute bonne foi pour produire ces rapports. Le fait que nous soyons ici à une demi-heure de la fin de la dernière réunion prévue avant la pause estivale me déçoit vraiment.
    Les membres de l'opposition savent, tant en privé qu'au sein de ce comité — et d'autres membres de ce comité, M. Bagnell et d'autres — que nous avons fait de nombreuses ouvertures pour essayer de dénouer cette impasse. Je ne vais certainement pas parler publiquement de ces ouvertures, mais elles ont été faites en toute bonne foi.
     Je pense que nous voulons tous voir ce rapport, celui‑ci et les autres rapports. Comme nous en sommes au dernier moment, je pense que nous sommes tous un peu déçus qu'il soit peu probable que nous voyions certaines de ces recommandations, en particulier celles qui sont importantes pour les survivants.
     Je dois simplement dire, madame la présidente, que certains ont affirmé que tout ce que le Comité doit faire, c'est de pointer du doigt et de dire qui a fait quoi de bien et quand, et de parler des politiciens. S'il y avait eu trois réunions, si nous nous en étions tenus au titre initial de la motion, si nous avions tenu les trois réunions, si nous avions entendu le ministre puis produit notre rapport, cela aurait été différent. Cependant, le fait est que nous avons ensuite continué, comme comité, à convoquer des témoins, notamment des survivants, des professeurs, des experts, des membres des Forces armées canadiennes, des fonctionnaires et d'autres personnes qui ont travaillé sur ce sujet tout au long de leur vie. Des gens sont venus pour qui c'est l'oeuvre de leur vie. Ils proposent des solutions depuis des décennies. À mon sens, il est injuste que ces personnes viennent témoigner devant le Comité et qu'on dise ensuite qu'il n'est pas nécessaire d'inclure tout cela dans notre rapport. C'est injuste pour les témoins. C'est injuste pour les survivants. C'est injuste pour les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes.
     C'est vraiment dommage parce que je pense que la proposition de M. Bagnell, qu'il a réitérée à plusieurs reprises, que nous passions au moins en revue et cernions les éléments sur lesquels nous sommes tous d'accord... Je pensais que nous étions tous d'accord au moins sur les propositions qui nous aident à aller de l'avant pour les femmes et les hommes des Forces armées canadiennes, et il devient très évident pour moi que ce n'est pas le cas.
     En présentant ces motions très cyniques, sachant que ce sont des motions que nous ne pourrions pas soutenir, comme le fait de ne pas avoir de rapport du gouvernement... Je pense que cela aurait pu être différent, madame la présidente. Cela aurait pu être très facilement différent.
     Le mot « filibuster », ou « obstruction », a été beaucoup utilisé. Je tenais à rappeler, en particulier à ceux qui nous écoutent, que l'opposition a toutes les cartes en main en ce moment. Vous m'avez entendu dire à maintes reprises, et vous en avez entendu d'autres au sein de ce comité, tant en privé qu'en public, que si nous avions dû ajourner le débat à n'importe quel moment au cours du mois dernier, nous serions passés immédiatement au point suivant, c'est-à-dire l'étude du rapport. Madame la présidente, vous vous souviendrez que non seulement nous pourrions passer à l'étude du rapport, mais que nous étions en train de l'étudier.

  (75630)  

    Sans dire ce qui se passe à huis clos, nous avancions plutôt bien, à mon avis. En fait, nous nous parlions. À un moment donné, l'opposition a décidé de proposer des motions en vertu du paragraphe 106(4), ce qui a immédiatement mis fin à la discussion que nous avions. Ensuite, il y a eu une autre séance et une autre motion. Cela a été un enchaînement sans fin. Je ne me rappelle pas depuis combien d'heures cette réunion dure. Dans le mois écoulé, nous en sommes déjà à 26 heures supplémentaires, c'est-à-dire en plus de l'horaire prévu des séances du Comité.
    Chaque fois, nous avons débattu de bonne foi et nous nous sommes entendus. Chaque fois, nous nous sommes mis d'accord et nous avons fait venir quelqu'un d'autre, un autre témoin, qu'il s'agisse d'Elder Marques, de Katie Telford ou du ministre pendant six heures. Chaque fois, l'opposition avait autre chose à demander, jusqu'à ce qu'il devienne très évident qu'il ne s'agissait pas d'essayer de rédiger un rapport, mais seulement de faire traîner les choses. Peu importe ce sur quoi nous nous entendions, elle allait continuer de présenter d'autres motions.
     C'est devenu encore plus évident quand le Comité s'est entendu sur un certain calendrier. Nous avons parlé avec le greffier et les analystes afin de voir combien de temps il leur faudrait pour traduire le rapport et le mettre en forme, pour le publier et le déposer à la Chambre. Nous avons convenu au Comité d'un calendrier qui nous aurait permis de déposer les trois rapports. L'opposition a démoli ce calendrier en présentant motion après motion en vertu du paragraphe 106(4), en faisant feu de toutes les manœuvres de procédure.
    Je tiens à rappeler à tout le monde que lorsque quelqu'un fait de l'obstruction systématique, cela signifie généralement qu'il a le contrôle de la réunion. Mais l'opposition aurait pu dire littéralement à tout moment qu'elle proposait de mettre fin au débat. Nous y aurions mis fin. Nous serions passés directement à l'étude des rapports sans cette limite déraisonnable des deux minutes de temps de parole, sans échanges ni dialogue. Si l'opposition veut réellement un dialogue sur ce sujet et si elle veut que les rapports sortent, elle a toutes les cartes en main. Elle est majoritaire au Comité. Elle détient toutes les cartes depuis le début. S'il était malheureusement impossible de déposer ce rapport avant l'ajournement d'été — ce qui semble plus probable —, je veux qu'il n'y ait aucun doute quant à ceux qui avaient les cartes en main pour décider s'il serait déposé ou pas. Je veux aussi qu'il soit bien clair que je me suis beaucoup investie dans les conversations au Comité, de même que M. Bagnell, qui a proposé différentes solutions pour sortir de l'impasse afin de trouver un consensus. Encore une fois, je tiens à exprimer ma déception avant de présenter quelques-unes de mes observations aujourd'hui.
    Puisqu'il semble que nous allons continuer de débattre de cette motion et de l'amendement de M. Bagnell pour essayer de demander une réponse du gouvernement — et, sincèrement, nous devrions au moins demander une réponse du gouvernement à nos recommandations. Autrement, nous avons entendu beaucoup de très bonnes recommandations dont je tiens à m'assurer qu'elles figurent, au minimum, au compte rendu. Je tiens à ce qu'elles y figurent sous une forme que les Forces armées canadiennes, le ministère de la Défense nationale, le gouvernement, le ministre et le Parlement puissent au moins reprendre. Faisons donc en sorte de les avoir ici aujourd'hui au moins.
     À propos des recommandations, je rappelle à tout le monde — et il y a un moment que je les parcours maintenant — qu'elles viennent des survivants. Elles viennent des intervenants, des experts, des chercheurs, des personnes qui sont venues témoigner devant le Comité et devant d'autres comités et qui ont communiqué avec chacun de nous. Je sais que beaucoup de personnes nous ont tous contactés à titre personnel.
     Comme le temps presse, j'aimerais lire les dernières auxquelles je ne suis pas encore arrivée. Je vais toutes les lire et, après, j'en commenterai certaines.
     Je le répète, je n'en suis pas l'auteure. À travers elles, ce sont les survivants qui parlent. Ces recommandations nous ont été communiquées. Celles‑ci concernent plus particulièrement le changement de culture. Je vous en fais un résumé. Si je les présente, madame la présidente, c'est, encore une fois, parce que je pense qu'il est important, comme le dit l'amendement de M. Bagnell, que nous ayons une réponse du gouvernement et, s'il n'y a pas de réponse au rapport du Comité, qu'au moins, nous puissions les consigner au compte rendu pour que le gouvernement puisse les examiner.

  (75635)  

    Tout d'abord, il est recommandé de mettre à jour la stratégie La voie vers la dignité et le respect, afin de cerner et de prendre en compte les facteurs qui accroissent le risque de harcèlement en milieu de travail.
     Madame la présidente, nous avons un peu entendu parler de la stratégie La voie vers la dignité et le respect, et M. Bagnell a, en fait, cité certains témoignages disant qu'elle ne va vraiment pas assez loin. Je sais que lorsqu'elle a été présentée, ce devait être un document évolutif. Cette stratégie devait servir de point de départ à la discussion.
     Je soulignerai, en fait, que cette stratégie La voie vers la dignité et le respect a été présentée en octobre. Elle reposait alors sur un travail important qui reconnaissait qu'après quatre ou cinq ans, l'opération Honour n'avait pas donné le résultat escompté. Encore une fois, je crois que les personnes qui se sont beaucoup investies dans l'opération Honour l'ont fait en étant convaincues — pour simplifier — qu'il suffirait de donner des ordres pour que ça marche. Il y avait aussi de très bons aspects dans l'opération Honour, et elle a enregistré quelques succès dont nous n'avons pas parlé. Cependant, dans l'ensemble, tous les survivants que nous avons entendus ont déclaré, me semble-t‑il, que la stratégie n'a pas fonctionné. Elle n'a pas donné le résultat voulu.
    Sachant cela, l'an dernier, il y a un an, bien avant la crise, bien avant toute étude de notre comité ou les événements qui se sont produits depuis février, le ministère et les Forces armées canadiennes, le ministre, avaient déjà commencé à travailler sur des solutions pour opérer un changement de culture, parce qu'ils avaient conscience que l'opération Honour ne fonctionnait pas, car on ne pouvait pas se contenter de mettre en place ce qui s'imposait. Il fallait aussi changer la culture sous-jacente. C'est ce dont nous parlons tous au Comité.
    Je pense qu'il est très important de mettre à jour la stratégie La voie vers la dignité et le respect parce que l'intention sous-jacente à cet égard est très importante. Je sais que des survivants sont revenus proposer des recommandations à ce sujet et qu'ils souhaiteraient que la stratégie soit élargie à d'autres éléments. Le travail que font à présent dans ce domaine le lieutenant-général Carignan et Mme Arbour sera très utile pour ce qui est des mesures à prendre en ce qui concerne le changement de culture et de l'évolution que doit connaître la stratégie La voie vers la dignité et le respect.
     Je le répète, la stratégie a été présentée en octobre dernier, et je pense que ceux qui disent que rien n'a été fait jusqu'en février ou mars... Nous travaillions déjà dessus. En fait, nous travaillions sur d'autres choses aussi. C'est le ministre qui a demandé le rapport Fish sur le système de justice militaire. En décembre, il a créé un groupe consultatif et un secrétariat de lutte contre le racisme et la discrimination dans les Forces armées canadiennes, ce qui constitue un autre élément du changement de culture qui doit s'opérer. Ces choses qui sont en préparation depuis de nombreuses années, en plus du projet de loi C‑77 sur la Déclaration des droits des victimes, en plus de la création des centres d'intervention sur l'inconduite sexuelle et d'un examen de toutes les plaintes jugées non fondées, et bien d'autres choses encore faites au fil des ans... Il s'agit d'un processus itératif qui est en cours depuis 2015, depuis que le gouvernement a pris ses fonctions, et il me semble qu'il faut le souligner.
     Les résultats escomptés n'ont pas été obtenus et c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. C'est pourquoi nous avons besoin de ces recommandations et c'est pourquoi nous avons besoin d'une réponse du gouvernement à ces recommandations.
    Voilà la voie vers la dignité et le respect.
    La recommandation suivante demande de s'intéresser aux facteurs sociaux qui empêchent de signaler la violence sexuelle et qui remettent en cause les principes fondamentaux des Forces armées canadiennes. Trois éléments sont mentionnés: l'obéissance à l'autorité, la conformité normative et la loyauté envers le groupe. J'ai remarqué dans l'intervention de M. Bagnell qu'il citait, je crois, M. Okros ou un des témoins que nous avons entendus, lorsqu'il parlait de choses comme « l'obéissance à l'autorité » et la « conformité normative ». À mon avis, nous devrions creuser cette question de la loyauté envers le groupe.
    Ce ne sont pas de mauvaises choses dans les forces armées. Nous devons comprendre, me semble-t‑il, que ce sont des éléments de la culture militaire qui sont, en fait, nécessaires — comme la loyauté envers le groupe. Encore une fois, j'utilise un terme non genré pour parler de ce qu'on appelle souvent les frères d'armes, la fraternité, ce qui montre déjà en soi que ce n'est pas inclusif. Cependant, il s'agit de l'idée d'appartenance à quelque chose de plus grand que soi et de se protéger les uns les autres.

  (75640)  

    J'ai parlé dernièrement avec un vétéran du moment où l'on part au combat avec quelqu'un, de la loyauté et du lien à vie qui en découle. Même 50 ans après, il y a toujours ce lien créé au combat et par le fait de se protéger les uns les autres. On n'oublie jamais. C'était très émouvant à entendre.
    Je n'ai pas fait partie des forces armées, mais j'ai travaillé en Bosnie, au Kosovo et dans d'autres endroits à leurs côtés et j'ai souvent été témoin de cette culture, de la force de ce genre de lien, de la loyauté et de l'unité. Je ne pense pas que quiconque veuille perdre ces éléments. Le problème, c'est le revers de la médaille, c'est-à-dire le fait qu'il arrive que, sous prétexte de loyauté, on protège quelqu'un, même si cette personne a eu un comportement qui nuit au groupe, à l'unité et à l'équipe.
    Quand nous parlons des aspects complexes, c'est de cela que nous parlons, à mon avis. Je sais que des personnes me disent et disent à d'autres de ne pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Nous entendre parler de changement de culture peut inquiéter certaines personnes parce qu'il y a des aspects de la culture qui fonctionnent, et ce, depuis des décennies et des générations. Nous ne voulons pas perdre ces aspects.
    Parlons d'autres termes aussi, comme la « conformité normative ». Ce qu'il faut reconnaître, c'est qu'on ne peut pas avoir de loyauté envers le groupe si certains membres du groupe ne sont pas inclus et si la loyauté ne joue qu'envers certains et pas d'autres. Il ne peut y avoir d'obéissance à l'autorité si cette autorité exclut et si elle perpétue des comportements qui sont préjudiciables.
    La conformité normative dont ont parlé les témoins cause beaucoup de tort à des personnes — et pas seulement aux femmes, aux Canadiens racialisés, aux Autochtones canadiens ou aux LGBTQ2. Elle est nocive pour les hommes qui ne se conforment pas à cette norme particulière.
    Nous savons que dans les deux sexes, il existe des façons totalement différentes de communiquer, de se comporter et d'apprendre. Pour n'en donner qu'un exemple... Je crois que c'est M. Bagnell, ou peut-être M. Baker, qui a parlé de la culture du combattant. Ne prendre qu'une forme — presque un stéréotype ou une idée très banale de comportement — et dire que c'est ce qui est accepté et que tous les autres comportements ne le sont pas... Ce que cela veut dire, franchement, c'est que les hommes qui ne se conforment pas naturellement à cette culture du combattant très agressive et à cette masculinité seront également exclus.
    Quand nous parlons de l'exclusion, du groupe et de l'unité, il n'est pas seulement question des femmes. Nous savons, et nous l'avons vu dans toute cette étude, que le harcèlement sexuel, la violence sexuelle, les agressions et toutes les façons dont on utilise le sexe pour diminuer et exclure de ce groupe causent des torts particuliers aux personnes qui sont victimes de violence sexuelle, qu'il s'agisse d'hommes, de femmes, de transsexuels ou de LGBTQ. Nous parlons d'exclusion de ce groupe et nous parlons de préjudice, mais il s'y ajoute le caractère sexualisé de ces comportements.
     Je tiens à préciser de nouveau que, ce que nous ont dit les témoins, ce que j'ai entendu dans de nombreuses rencontres avec des intervenants et ce que m'ont dit mes interlocuteurs récemment, c'est qu'il ne s'agit pas de sexe, mais de pouvoir. Il s'agit d'abus de pouvoir. C'est pourquoi dans les forces armées... Un peu plus loin, nous avons une autre recommandation à laquelle je vais passer tout de suite.
     La recommandation suivante est d'examiner le lien entre l'inconduite sexuelle et le consentement dans des relations professionnelles asymétriques. Là est la clé.

  (75645)  

    La première fois que je l'ai lue, j'ai dû réfléchir un instant à ce que cela voulait dire parce que, n'ayant pas fait partie des Forces armées canadiennes, n'ayant pas été militaire, c'est quelque chose de particulier, ces relations professionnelles asymétriques. C'est pourquoi certaines choses qui sont qualifiées d'inconduite sexuelle dans les forces armées ne seraient pas nécessairement considérées comme criminelles ou même punies en dehors des forces armées. C'est à cause du pouvoir. C'est à cause des relations professionnelles asymétriques dans lesquelles, en particulier — encore une fois, je n'en ai pas fait l'expérience personnellement, mais je répète ce que j'ai entendu dire —, des personnes ont beaucoup de pouvoir.
    Je me souviens d'une femme qui disait qu'il s'agissait de quelqu'un qui avait le pouvoir de lui dire quand elle pouvait aller aux toilettes, quand elle pouvait dormir et ce qu'elle pouvait porter. Quand quelqu'un a autant de pouvoir sur votre vie quotidienne... Ce type de hiérarchie existe. Quand il se produit ce genre de chose, c'est une trahison et un abus. C'est un abus flagrant parce que, même si la personne en position d'autorité croit avoir le consentement de la personne et que celle‑ci souhaite faire l'objet de cette attention, ce n'est pas possible en raison de la relation asymétrique.
    C'est là, me semble-t‑il, que quelques-unes des recommandations — et je ne sais pas si je pourrai toutes les passer en revue dans cette intervention — parlent de ce genre de relations et de la question de savoir s'il y a consentement lorsque quelqu'un ne dit pas non ou ne signale pas quelque chose. Il est très évident qu'il y a des situations où, à cause de l'autorité, il y a une peur de représailles ou de conséquences pour la carrière.
     Certaines personnes avec qui j'ai parlé étaient très jeunes quand elles ont vécu ces incidents. Pour certaines, ils remontaient à 30 ou 40 ans en arrière, à l'époque où elles avaient 19 ou 20 ans. Quand votre officier supérieur vous convoque dans ses quartiers — ou dans sa tente, dans le cas d'une personne qui m'a appelée —, que vous avez 19 ans et qu'il y a cette différence de pouvoir, pouvez-vous dire non? Souvent, les gens riront à une blague, accepteront un comportement ou prétendront qu'il ne les dérange pas, pas parce que tel est le cas, mais parce qu'ils ont peur. Je reviens à cette notion de relations professionnelles asymétriques. Il est très important, à mon sens, que trois ou quatre des recommandations en parlent. C'est pourquoi, lorsque nous nous penchons sur la justice militaire, sur le code de discipline et sur ce qui constitue une infraction dans les forces armées, mais pas dans la vie civile au quotidien, nous devons les considérer sous un autre angle.
    Nous devons veiller à ce que les personnes en position d'autorité comprennent le pouvoir qu'elles détiennent. J'ai parlé avec des hommes qui ont déclaré ne pas vraiment s'être rendu compte que la personne voulait ou ne voulait peut-être pas faire l'objet de l'attention en raison de son attitude. Ils n'étaient pas conscients de leur pouvoir. À mon avis, une formation sur ces différences de pouvoir est nécessaire. Nous devons nous assurer qu'il y ait une formation qui permette de comprendre le pouvoir qu'on détient et d'apprendre à ne pas l'utiliser d'une façon qui puisse nuire à autrui.
    Les torts causés sont, à mon avis, sous-estimés. Ils sont considérables. Comme je l'ai dit, j'ai parlé avec des personnes qui portent ce fardeau depuis 30 ans. Il ne les quitte pas depuis 30 ans. Les torts causés... Nous devons faire en sorte que les personnes en position d'autorité comprennent le pouvoir qu'elles ont de nuire et les répercussions que leurs comportements peuvent avoir sur des personnes.
     Pour revenir à la loyauté envers le groupe dont il a été question, elle a une incidence sur le groupe, et pas seulement parce que l'on perd des talents ou des personnes dont la contribution aurait pu être très importante.

  (75650)  

    Encore une fois, certains des survivants avec qui j'ai parlé m'ont dit penser qu'ils auraient pu bien servir leur pays et qu'ils auraient pu faire de bons soldats. Il y a la perte du potentiel de ce que ces personnes voulaient faire pour servir leur pays et il y a la perte pour notre pays de ce qu'elles auraient pu faire si on leur avait offert le genre d'environnement qui leur aurait permis d'apporter leur pleine contribution. J'estime donc qu'il s'agit d'une des recommandations les plus importantes.
    La recommandation suivante parle de préciser quels aspects de la culture des Forces armées canadiennes doivent changer et quels autres peuvent rester inchangés. Là encore, vous savez, il nous est très facile de dire que la culture est épouvantable et que tout est mauvais, mais c'est un peu dangereux parce que, comme dans la recommandation précédente, je crois que...
    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Vous avez la parole, monsieur Bezan.
    Les députés libéraux parlent à n'en plus finir depuis un moment. J'ai essayé de m'inscrire sur la liste des intervenants plus tôt. Où suis‑je sur cette liste? Je sais qu'il ne nous reste que cinq minutes avant de normalement suspendre la séance, au lieu d'essayer de la lever, et le temps file. En tant qu'auteur de la motion principale, j'aimerais en parler avant la clôture des travaux du Comité avant la fin de la session.

  (75655)  

    Madame la présidente, j'arrêterai là mon intervention. Je suis heureuse de faire en sorte que d'autres puissent s'exprimer.
    Les suivants seront M. Baker, M. Robillard, puis M. Bezan.
    Madame la présidente, je ne crois pas qu'il y ait d'autres réunions de comité après 13 heures, et c'est pendant la journée. Il est sans doute possible alors d'obtenir plus de ressources. J'aimerais que nous puissions prolonger cette séance afin d'avoir l'occasion d'alimenter le débat et d'arriver à une conclusion, au moins en ce qui concerne l'amendement proposé par M. Bagnell.
    Madame la présidente, je cède la parole à M. Bezan.
     Vous avez la parole, monsieur Bezan.
    Je vous remercie.
    Je tiens à remercier Mme Vandenbeld de céder la parole afin de nous permettre de clore le débat.
     Il y a longtemps que cela dure, depuis le 21 mai. Soyons clairs, nous en sommes à la réunion numéro 32. Il y a eu nombre de suspensions. Il s'agit de la cinquième réunion et nous entamons presque la dixième heure de débat sur l'amendement proposé par M. Bagnell qui demande, en fait, que le gouvernement dépose un rapport détaillé, une réponse au rapport, si tant est que nous parvenions à en produire un.
     Tout le débat que nous avons écouté au cours du dernier mois a à peine effleuré la question de la portée de l'étude, c'est-à-dire les allégations d'inconduite sexuelle portées contre le général Vance et l'amiral McDonald. Nous avions un rapport du comité de la condition féminine — je pense que nous sommes tous favorables aux recommandations formulées — qui portait sur le contexte plus général des problèmes d'inconduite sexuelle dans les Forces armées canadiennes, mais lorsqu'il est question de responsabilité ministérielle par rapport au chef d'état-major de la Défense, les libéraux continuent de faire obstruction.
    Il paraît qu'ils n'aiment pas ce terme. Quand le compte rendu sera enfin publié et que les gens auront le temps de le lire attentivement, ils verront que les libéraux ont dominé cette discussion en parlant des recommandations venant d'autres comités et d'autres pays ainsi que d'autres études qui n'ont pas été faites par le Parlement, au lieu d'essayer d'arriver à une décision sur la façon dont nous allons procéder pour rédiger un rapport.
     Non seulement cet obstructionnisme nuit à notre possibilité de déposer un rapport sur l'inconduite sexuelle en ce qui a trait au général Vance et à l'amiral McDonald et à l'absence de mesures de la part du ministre Sajjan, mais il nous empêche aussi de mettre la dernière main à nos rapports sur la santé mentale et sur la façon dont les soldats canadiens ont réagi face à la crise de la COVID‑19 et sur les conséquences que cette crise a eues pour eux.
     Il a été donné lecture de beaucoup de témoignages de témoins qui n'ont pas comparu devant le Comité. Je crois qu'il y avait là de la démagogie politique. J'estime que c'était se montrer insensible à l'égard des victimes. C'est un manque de respect envers nos forces armées. J'ai dit que je n'ai jamais été aussi consterné qu'en regardant ces jeux politiques, et je siège au Comité depuis 10 ans.
    Combien d'autres victimes ont revécu leurs traumatismes en écoutant lire ici leur témoignage sans leur autorisation? Pendant ce temps, nous savons que tous les trois jours, quelqu'un est victime d'agression sexuelle dans les Forces armées canadiennes et, parce que nous avons tergiversé et permis cet obstructionnisme, nous ne sommes pas parvenus à une décision finale.
     C'est déplorable. Il est flagrant que les députés libéraux passent plus de temps à protéger le ministre de la Défense nationale, l'honorable Harjit Sajjan, que les femmes et les hommes en uniforme. Je dirai qu'ils se rendent ainsi complices des manoeuvres de dissimulation générales de l'inconduite sexuelle. Les suspensions en série et l'attitude méprisante confinent à une atteinte au privilège de tous les députés ici présents.
     Sachant cela, il est 13 heures. C'est la fin de la séance.
    Je propose maintenant d'ajourner la réunion numéro 32 du Comité permanent de la défense nationale.

  (75700)  

    Est‑ce la volonté du Comité de lever la séance?
     (La motion est adoptée.)
    La présidente: La séance est levée.
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