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Monsieur le Président, si le Parlement veut interdire quelque chose, il est très important qu'il sache et qu'il comprenne très bien ce qu'il interdit. Le Parlement devrait prendre soin d'établir avec précision ce qu'il souhaite interdire pour ne pas interdire accidentellement quelque chose qu'il n'entend pas officiellement interdire parce qu'il a mal rédigé une mesure législative ou à cause des mauvaises intentions des uns ou des craintes des autres.
On dira ce qu'on voudra des intentions du gouvernement quand il veut interdire quelque chose, les bonnes intentions ne suffisent clairement pas. Si le gouvernement interdit quelque chose, il doit déterminer exactement ce qu'il souhaite interdire et rien d'autre.
Par exemple, un législateur pourrait vouloir interdire la violence, mais, ce faisant, il pourrait aussi interdire accidentellement les actes de légitime défense. Un législateur pourrait vouloir interdire à juste titre certaines substances toxiques, mais il devrait tout de même prendre soin d'envisager le bien-fondé d'exceptions en examinant toutes les situations où ces substances sont utilisées, comme la recherche ou les applications technologiques sécuritaires.
Si le gouvernement dit qu’il va prendre des mesures rigoureuses pour lutter contre les drogues dures, j’appuierai fort probablement ces mesures. En revanche, s’il propose une définition incorrecte des drogues dures en incluant toutes les substances susceptibles de créer une dépendance, y compris la caféine et l’alcool, dans ce cas-là, je suis contre. Ce n’est pas parce que je ne veux pas interdire les drogues dures, mais c’est parce que je ne veux pas que la définition englobe des choses qui ne sont pas des drogues dures.
Il ne devrait pourtant pas être compliqué de reconnaître que, de façon générale, lorsqu’on étudie un projet de loi, les détails sont importants. Trop souvent, le discours du parti d’en face est plein de bonnes intentions, mais on sait bien que lorsque des gens puissants, en l’occurrence des parlementaires, ne font pas bien leur travail, les résultats peuvent être désastreux.
Le gouvernement affirme que ce projet de loi vise à interdire les thérapies de conversion, mais qu’est-ce qu’une thérapie de conversion? Comme je l’ai dit, si nous voulons l’interdire, nous devons commencer par savoir ce que c’est et le définir correctement dans la loi. La discussion a été entravée par le fait que le gouvernement ne cesse de tergiverser entre deux définitions très différentes. La première correspond à ce que la thérapie de conversion a toujours signifié jusqu’à la présentation du projet de loi. La deuxième est la définition proposée dans le projet de loi. Ce sont deux définitions très différentes. Et à cause d’une mauvaise définition, nous sommes sur le point d’interdire ce qu’il ne faut pas interdire.
Revenons un peu sur la définition historique ou traditionnelle de ce qui constitue une thérapie de conversion. Il y a une centaine d’années, nous avons vu apparaître des pratiques pseudoscientifiques visant à modifier l’orientation sexuelle. Ces pratiques comprenaient la coercition, l’humiliation, la violence, les mauvais traitements physiques et psychologiques, les électrochocs, les bains glacés, les expériences hétérosexuelles hypersexualisées, etc.
Lorsque la question a été soulevée pour la première fois à la Chambre des communes, j’ai pris le temps de lire, de regarder et d’écouter des témoignages de victimes de thérapies de conversion, et j’ai été absolument horrifié par certains récits. Les thérapies de conversion sont répréhensibles, elles devraient être interdites, et nous devrions dire clairement pourquoi.
Il n'est pas illégal d'avoir des opinions sur les modalités d'exercice de la sexualité (quand, où et comment). Au contraire, il est tout à fait normal que les gens fassent des choix au sujet de leurs comportements sexuels et que certains décident, par exemple, de les restreindre pour tenir compte de facteurs importants pour eux. Il est aussi normal qu'ils en parlent à leur entourage. S'il était répréhensible de donner des conseils sur le moment d'avoir ou de ne pas avoir des relations sexuelles, l'industrie des thérapeutes et des chroniqueurs spécialisés dans les relations interpersonnelles disparaîtrait complètement.
Cela dit, les thérapies de conversion sont tout autre chose. Nous convenons tous, je l'espère, qu'il n'est jamais acceptable d'humilier des gens et de leur donner l'impression qu'ils sont moins importants ou moins humains du fait de leurs sentiments ou de leurs comportements sexuels ou romantiques. Notre mode de vie repose sur la conviction qu'il existe une dignité humaine immuable. L'orientation ou le comportement sexuels d'une personne ne peuvent jamais justifier qu'elle soit la cible de violence, d'intimidation ou d'humiliation.
Si nous cherchions vraiment à atteindre un consensus à la Chambre, ces éléments pourraient en fournir la base. Les thérapies de conversion, telles qu'elles ont longtemps été définies et comprises, sont nuisibles. Elles portent atteinte à la dignité humaine et doivent être interdites. Nous sommes tous d'accord sur ce point, je crois.
Je signale que, depuis quelques années, les thérapies de conversion sont interdites dans la municipalité où je vis. Voici comment l'expression « thérapie de conversion » est définie dans le règlement du comté de Strathcona qui interdit cette pratique:
[L'expression « thérapie de conversion »] s'entend: d'une tentative de changer l'orientation sexuelle, l'identité de genre, les préférences sexuelles ou l'expression de genre d'une personne; d'une tentative de faire passer une personne d'une orientation sexuelle, d'une identité de genre, d'une préférence sexuelle ou d'une expression de genre à une autre. Les thérapies de conversion comprennent les divers traitements physiques, traitements chimiques ou hormonaux, traitements pharmacologiques, les services de consultation ou les tentatives de modifier le comportement en ayant recours à l'humiliation, à la contrainte psychologique ou à des stimuli traumatiques. Les thérapies de conversion n'incluent pas les évaluations et les traitements cliniques effectués par un professionnel de la santé qui visent à explorer tous les aspects de l'orientation sexuelle, de l'identité de genre, des préférences sexuelles ou de l'expression de genre d'une personne, ou à explorer les options appropriées en fonction de l'âge et du niveau de développement de la personne pour effectuer une transition de genre de manière à ce que les caractéristiques anatomiques d'une personne correspondent à son identité de genre.
C'est une assez bonne définition. Chaque fois qu'on cherche à inscrire de telles dispositions dans le droit pénal, il faut probablement se montrer encore plus rigoureux qu'à l'échelle municipale. Cependant, de façon générale, je dirais que nos dirigeants municipaux ont réussi à proposer une bonne définition. Ils ont su rédiger une définition indiquant que les thérapies de conversion sont des pratiques quasi thérapeutiques qui visent à changer l'orientation sexuelle ou d'autres caractéristiques d'une personne en ayant recours à l'humiliation, à la contrainte psychologique ou à des stimuli traumatiques.
Le travail effectué par ce conseil municipal composé de neuf membres nous indique qu'il est possible de proposer une bonne définition. C'est le genre de définition que nous devrions être en mesure d'établir lorsqu'il s'agit d'interdire les thérapies de conversion.
Cependant, le projet de loi donne une définition erronée de la notion de thérapie de conversion. À la suite de l'adoption, lors de l'étude en comité, d'un amendement appuyé par les libéraux et les néo-démocrates seulement, voici la définition qu'on trouve maintenant dans le projet de loi:
[...] s’entend d’une pratique, d’un traitement ou d’un service qui vise à modifier l’orientation sexuelle d’une personne pour la rendre hétérosexuelle, à modifier l’identité de genre ou l’expression de genre d’une personne pour la rendre cisgenre ou à réprimer ou à réduire toute attirance ou tout comportement sexuel non hétérosexuels ou toute expression de genre non cisgenre. Il est entendu que la présente définition ne vise pas les pratiques, les traitements ou les services qui se rapportent à l’exploration et au développement d’une identité personnelle intégrée sans privilégier une quelconque orientation sexuelle, identité de genre ou expression de genre.
Il y a trois distinctions importantes à faire entre cette définition et celle utilisée par le conseil municipal de ma ville, dont le maire est un ancien candidat libéral. Contrairement à la définition incluse dans le projet de loi , celle du conseil municipal correspond mieux à la définition historique, plus juste, des thérapies de conversion.
Premièrement, la définition du projet de loi ne mentionne aucun contexte pseudo-thérapeutique. Elle n’indique pas clairement ce qui constitue ou non une pratique, un traitement ou un service. Comme nous l’avons rappelé en comité, un principe fondamental du droit veut qu’un texte de loi ne doive pas parler pour ne rien dire, ce qui signifie que chacun de ces trois mots doit avoir un sens différent. Un service est plus qu’un simple traitement, et une pratique est différente d’un traitement ou d’un service. Un acte pourrait correspondre à l’une de ces trois choses et être considéré comme une thérapie de conversion au titre du projet de loi , mais ne pas être considéré comme tel par mon règlement municipal.
Deuxièmement, on ne dit pas que la coercition, des traitements dégradants, des stimuli traumatisants, etc. font partie de la thérapie de conversion. Par conséquent, la thérapie de conversion pourrait encore une fois être simplement un mot, un terme ou un élément de langage dans le projet de loi , mais ne pas avoir la même signification dans mon règlement municipal.
Enfin et surtout, la définition du projet de loi fait allusion à des conseils ou à des thérapies qui visent à modifier le comportement sexuel par opposition à l’orientation sexuelle, ce qui est un changement radical. Pour la première fois, cette définition reconnaît que des conseils ou des déclarations ne visant pas à modifier l’orientation ou l’identité, mais simplement à donner des conseils sur le comportement sexuel pourraient être considérés eux aussi comme une thérapie de conversion.
Sans limiter la définition de la thérapie de conversion à un contexte pseudo thérapeutique, une simple conversation informelle entre deux personnes pourrait, en fonction de son contenu, être considérée comme une thérapie de conversion. Selon la définition du projet de loi, pour qu’une conversation puisse être considérée comme une thérapie de conversion, il ne serait pas nécessaire que cette conversation porte sur un changement d’orientation, mais simplement qu’elle fasse allusion à une modification du comportement sexuel. C’est ce qu’on entend désormais par thérapie de conversion dans la nouvelle définition qui a été concoctée dans le projet de loi .
Je vais prendre un exemple concret. Supposons qu’un ami très proche vienne me demander conseil et qu’il me révèle qu’il a de sérieux doutes sur sa relation et que ses doutes l’ont amené à être infidèle. Supposons que j’encourage mon ami à rester fidèle et à cesser ses relations extraconjugales, ou au contraire que je lui conseille de briser son couple pour s’occuper de son bien-être à lui. Dans cette situation hypothétique, si cet ami est hétérosexuel, je n’ai violé aucune loi. Par contre, si cet ami est homosexuel, mon conseil va à l’encontre de la loi parce que je l’ai encouragé à soit réduire le nombre de ses partenaires sexuels, soit ne pas avoir de relations du tout pendant un certain temps, autrement dit, je l’ai encouragé dans une pratique qui vise à réduire un comportement sexuel non hétérosexuel. La définition de la thérapie de conversion, dans le projet de loi , est tellement vaste qu’elle s’appliquerait à ce genre de conversation.
J’espère que nous ne serons jamais poursuivis pour avoir donné un simple conseil de ce genre à un ami homosexuel, mais supposons que ce même conseil ait été donné par un mentor ou un conseiller à une jeune personne. Il n’est pas rare, je pense, que des parents ou des mentors donnent des conseils à des jeunes au sujet de la nécessité d’être fidèle, de ne pas avoir trop de partenaires sexuels, d’attendre avant d’avoir une vie sexuelle, etc. Quand j’étais jeune, il m’est arrivé de recevoir ce genre de conseil. Mais aujourd’hui, si ce conseil était donné à un homosexuel, il constituerait une pratique visant à modifier le comportement sexuel d’un non-hétérosexuel, ce qui serait contraire à la loi.
Pour résumer, nous avons deux définitions différentes de la thérapie de conversion: la définition traditionnelle, qui est la bonne définition; et la définition inexacte du projet de loi , qui élargit les « thérapies de conversion » aux conversations ordinaires qui, comme celle que je viens de décrire, ne sont pas toujours des choses qu’une personne raisonnable voudrait voir interdire.
Face à ce problème auquel il est facile de remédier, les Canadiens ont commencé à réagir, et mon bureau a lancé une pétition afin de modifier la définition. Modifiez la définition et nous pourrons tous appuyer le projet de loi.
Récemment, des députés d’autres partis ont essayé de faire des procès d’intention à ceux qui contestent la définition. Ils prétendent que nous cherchons simplement des excuses pour voter contre le projet de loi. À ceux qui nous attaquent de cette façon je dis: « Prenez-nous au mot! » S’ils pensent que nous cherchons des excuses pour voter contre le projet de loi, pourquoi n’acceptent-ils pas les amendements raisonnables que nous avons proposés, et ils verront bien ce qui arrivera?
Je n’aime pas donner des conseils politiques au gouvernement, mais si les libéraux pensent que des députés veulent vraiment s’opposer à une interdiction des thérapies de conversion, ils devraient s’efforcer de résoudre les problèmes que pose la définition, car, de cette façon, ceux qu’ils accusent de s’opposer au projet de loi n’auraient plus d’excuses. Si le gouvernement acceptait nos amendements raisonnables, ceux qu’ils accusent de s’opposer au projet de loi n’auraient plus d’excuses.
Si les libéraux acceptaient nos amendements, le projet de loi serait adopté à l’unanimité. Je pense qu’ils en sont parfaitement conscients, mais qu’ils préfèrent conserver les problèmes que pose la définition pour en faire un levier politique. Malheureusement, cela risque de nuire gravement aux droits et libertés des Canadiens, et plus précisément à leur liberté d’échanger des opinions sur le sexe et les relations sexuelles, même en privé.
Quand ce projet de loi a été mis aux voix en seconde lecture, j’ai pris la décision de m’abstenir. C’était une décision difficile, car, de façon générale, je n’aime pas m’abstenir. J’ai travaillé fort pour être élu, et personne ne peut voter à ma place au nom des Canadiens de ma circonscription.
Cependant, il arrive qu'il soit particulièrement difficile de voter à l'étape de la deuxième lecture étant donné que ce vote porte généralement sur le principe ou les objectifs d'un projet de loi alors qu'à l'étape de la troisième lecture, le vote porte sur la version définitive. Pour ceux qui nous regardent et ne connaissent pas bien le processus législatif, je précise que chaque projet de loi fait l'objet d'un débat à l'étape de la deuxième lecture, puis d'un vote qui porte sur le principe général du projet de loi. Ensuite, le projet de loi est retravaillé en comité, puis il revient à la Chambre des communes pour faire l'objet d'un débat et d'un vote à l'étape de la troisième et dernière lecture. Les députés doivent alors se prononcer non seulement sur l'intention du projet de loi, mais aussi sur sa substance et son libellé.
Il est assez simple de porter un jugement à l'étape de la troisième lecture, parce qu'il s'agit de tenir compte du projet de loi dans sa version définitive. Cependant, pour porter un jugement sur l'objectif d'un projet de loi à l'étape de la deuxième lecture, il faut évaluer l'intention non dite du gouvernement. Suis-je d'accord avec le but que semble viser le gouvernement, en dépit des lacunes techniques de la mesure législative, de telle sorte que je l'appuierai dorénavant, ou dois-je déduire que les lacunes du projet de loi sont intentionnelles et témoignent de la volonté du gouvernement de rédiger le projet de loi de manière vague?
Il est parfois impossible de savoir quelles sont les véritables visées d'un projet de loi sans pouvoir lire dans les pensées. Ainsi, puisque je ne connaissais pas la véritable intention du gouvernement, sachant l'importance d'interdire les thérapies de conversion, mais n'étant pas convaincu que la définition imparfaite n'était qu'une simple erreur de rédaction, j'ai décidé de m'abstenir de participer au vote, en espérant avoir l'occasion de voter à l'étape de la troisième lecture, après l'étude en comité.
J'espérais que les choses s'arrangeraient. J'espérais que les déclarations faites à l'étape de la deuxième lecture, selon lesquelles on voulait faire les choses correctement et dissiper les ambiguïtés, étaient sincères. Lors du renvoi au comité, le projet de loi a considérablement soulevé l'attention et l'intérêt du public, si bien que le comité a reçu près de 300 mémoires de divers intervenants et de citoyens inquiets. Hélas, les libéraux qui siègent au comité de la justice ont bafoué le processus en refusant d'accorder au comité suffisamment de temps pour lire ces mémoires et tenir compte de préoccupations raisonnables, et en présentant à la dernière minute des amendements qui rendent la définition encore plus problématique.
À cette étape, alors que divers amendements étaient envisagés, les députés conservateurs ont présenté des amendements raisonnables visant à rectifier la définition. Ces amendements ont été rejetés par les libéraux et les néo-démocrates qui, durant le processus, ont dévoilé leurs véritables intentions. En particulier, j'ai retenu les observations du député d' en réponse aux amendements réfléchis présentés par les conservateurs.
Les conservateurs ont proposé un amendement qui tire son libellé directement du site Web du ministère de la Justice et qui précise que la définition des thérapies de conversion ne s'appliquerait pas « à l'expression d'opinions sur l’orientation sexuelle, les sentiments sexuels ou l’identité de genre, comme lorsque des enseignants, des conseillers scolaires, des conseillers pastoraux, des chefs religieux, des médecins, des professionnels de la santé mentale, des amis ou des membres de la famille fournissent du soutien aux personnes qui se posent des questions sur leur orientation sexuelle, leurs sentiments sexuels ou leur identité de genre ». Cet amendement aurait permis de régler une grande partie des problèmes liés à la définition. Cependant, lorsqu'il a été proposé, le député d' a dit ceci: « Je crains que l'amendement n'aille à l'encontre de l'objet du projet de loi ».
Je répète: lorsque les conservateurs ont proposé un amendement à l'étape finale de l'étude en comité qui visait simplement à préciser dans la définition que les thérapies de conversion ne s'appliqueraient pas « à l'expression d'opinions sur l'orientation sexuelle, les sentiments sexuels ou l'identité de genre », un député libéral a admis que l'adoption de cet amendement irait à l'encontre de l'objet du projet de loi.
Je pensais que l'objet du projet de loi était d'interdire les thérapies de conversion, et non de restreindre l'expression d'opinions personnelles sur des questions liées à la sexualité. Le gouvernement a toutefois clairement admis que la restriction de l'expression des opinions constitue au moins une partie de l'objet de ce projet de loi.
Je tiens à saluer l'excellent travail des députés conservateurs du comité de la justice, mais aussi celui du député de , le député bloquiste du comité. Je me doute qu'il y a de nombreuses questions sur lesquelles nous sommes en désaccord, mais je sais qu'il a pris très au sérieux son rôle au sein du comité pour étudier et améliorer le projet de loi.
C'est le député de qui a fait remarquer, au début de l'étude article par article, que le comité avait reçu des centaines de mémoires de la part de membres du public qui n'avaient été traduits et distribués que la veille. Il a souligné qu'il aurait fallu faire preuve de respect envers les citoyens qui avaient présenté ces mémoires en repoussant l'étude article par article d'une réunion, ce qui aurait permis aux membres du comité d'examiner les mémoires et d'intégrer les idées qu'ils contenaient. Les conservateurs ont appuyé la motion du député bloquiste visant à donner aux membres le temps d'examiner les mémoires qui avaient été présentés. La motion a été rejetée par les libéraux et le NPD, qui ont insisté pour procéder à l'étude article par article sans examiner les mémoires.
Je souligne que bien que le comité de la justice ait étudié le projet de loi puis l'ait renvoyé à la Chambre ce jour-là, le gouvernement a attendu jusqu'à la semaine dernière, soit plus de cinq mois après l'adoption du projet de loi par le comité, avant de prévoir une journée complète de débat sur celui-ci. Repousser l'étude article par article pour permettre à tous les députés de tenir compte de ce que la population avait à dire, comme le député de avait proposé que l'on fasse, n'aurait donc pas créé le moindre retard.
En fait, le gouvernement a voté contre cela parce qu'il ne voulait pas prendre connaissance des suggestions constructives mises de l'avant par les centaines de Canadiens et d'organisations canadiennes qui avaient pris le temps de soumettre des mémoires et des renseignements au comité. Après le rejet de la motion du Bloc, le gouvernement a collaboré avec le NPD, puis présenté un amendement qui a grandement embrouillé la définition et qui l'a rendue moins claire.
L'amendement proposé sans préavis par les libéraux a ajouté l'idée que la thérapie de conversion comprenait les efforts pour réduire toute expression de genre non cisgenre. Que constitue l'expression de genre non cisgenre? Je me permets de citer directement l'intervention du député de au comité. Il a dit...
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Madame la Présidente, j'apprécie la remarque et je vais maintenant poursuivre mon discours.
Je citais les propos du député de au sujet de l'ajout de la référence à l'expression de genre non cisgenre. Voici ce qu'il a dit:
Sur le site du ministère de la Justice, on dit que « l'expression de genre est la manière dont une personne exprime ouvertement son genre. Cela peut inclure ses comportements et son apparence, comme ses choix vestimentaires, sa coiffure [...] » J'en comprends que, si je reprends le texte de la définition d'une thérapie de conversion, le projet de loi aurait pour effet d'interdire une pratique, un traitement ou un service visant à réprimer cela.
Voici l'exemple qui me vient en tête. Disons qu'un petit garçon de 8 ans, le matin avant d'aller à l'école, décide de porter une robe. Peut-être que sa mère dira oui, peut-être qu'elle dira non. Quoi qu'il en soit, si nous retenons cette définition, la mère qui dirait à son fils qu'elle ne veut pas qu'il porte une robe et qui l'obligerait à porter un pantalon commettrait un acte criminel. C'est la définition que nous nous apprêtons à adopter, et j'y vois un problème.
Le même député ajoutait plus tard:
Je m'en confesse, comme parent, il m'est déjà arrivé de dire à ma fille qu'elle ne devrait pas se maquiller autant. Selon ce que je comprends, en faisant cette pratique — je pense effectivement qu'on peut considérer cela comme une pratique —, j'aurais commis un acte criminel. Je suis certain que personne ne veut cela.
Malgré les graves préoccupations soulevées au sujet du nouvel élargissement et du manque de précision de la définition, l'amendement sur l'expression du genre a été adopté par le comité par un vote de six contre cinq.
Le comité a renvoyé à la Chambre un projet de loi qui est bien pire que celui qui lui avait été envoyé. En effet, le projet de loi indique plus clairement que tout traitement, pratique ou service, donc tout effort visant à réduire tout comportement sexuel non hétérosexuel ou toute expression de genre non cisgenre — donc, tout ce qui correspond à des conseils sur les activités sexuelles et romantiques et à des conversations sur la tenue vestimentaire et le maquillage — pourrait maintenant très facilement constituer une violation du droit pénal.
La définition aurait pu facilement être corrigée, mais je pense que c'est pour des raisons politiques que le gouvernement a choisi de ne pas le faire, car s'il l'avait corrigée, le projet de loi aurait obtenu l'appui unanime de la Chambre, ce qui aurait privé le gouvernement de l'occasion d'utiliser la question pour semer la discorde sur le plan politique.
Au bout du compte, sans égard à l’évaluation faite de l’intention du gouvernement ou de sa stratégie politique dans ce cas-ci, nous en sommes maintenant à la troisième lecture du projet de loi et nous votons sur son texte définitif. Nous ne votons pas sur les aspirations ni les intentions, ou sur une réponse à la thérapie de conversion, comme le terme a été défini traditionnellement. Nous votons sur une mesure législative qui ferait en sorte que de nombreux types de conversations privées, de counseling, de conseils sur le sexe, les relations ou tout autre sujet touchant l’expression de genre seraient visés par le Code criminel. C’est foncièrement inacceptable dans une société libre.
Dans sa forme définitive, le projet de loi est mauvais. Je vais voter contre lui, et j’incite mes collègues à faire de même. Les Canadiens sont, à juste titre, déçus par le jeu politique des libéraux, qui refusent de travailler de manière constructive avec les autres partis pour combler les lacunes du projet de loi. Il est évident que les libéraux tentent de marquer les divisions politiques, au lieu de présenter un bon projet de loi. Ce choix aura pour conséquence, si le projet de loi est adopté, d'entraver la liberté de tous les Canadiens au moment d’avoir des conversations sur le sexe et les relations. Ces conversations diffèrent grandement de la thérapie de conversion. Or, elles sont incluses dans la définition actuelle de thérapie de conversion.
Des députés ministériels se sont efforcés à maintes reprises d'imposer un faux dilemme dans le cadre du débat. En effet, selon eux, il faut adopter le projet de loi dans sa forme actuelle et criminaliser la thérapie de conversion, certes, mais aussi plusieurs autres choses qui n’ont aucun lien avec la thérapie de conversion. Sinon, nous ne l’adoptons pas et nous n’interdisons pas la thérapie de conversion.
C’est un faux dilemme. C’est un faux dilemme que le gouvernement a lui-même créé. Il existe une solution de rechange, que les conservateurs et d’autres députés demandent depuis le début de cette conversation, soit une interdiction claire de la thérapie de conversion et une définition définitive qui exclut clairement les conversations privées, c'est-à-dire les conversations au cours desquelles les gens expriment leurs opinions au sujet du comportement sexuel.
Nous pouvons prévoir des exclusions précises qui sont conformes aux modifications raisonnables proposées en comité. Nous pourrons ainsi terminer le travail, adopter le projet de loi et aller de l’avant rapidement. C'est ce que tout le monde devrait souhaiter. Or, le gouvernement offre un faux dilemme pour des raisons politiques. Il nous faut rejeter ce faux dilemme. Nous devons améliorer la définition. À mon avis, il est encore temps. Il est encore temps pour les partis, dans le cadre de la présente législature, de collaborer afin de revoir la définition et adopter une interdiction claire et exhaustive de la thérapie de conversion qui ne restreint pas les droits et libertés des personnes à avoir des conversations au sujet du comportement sexuel.