La Chambre reprend l'étude, interrompue le 9 octobre, de la motion portant que le projet de loi , soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.
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Monsieur le Président, permettez-moi de faire le point sur le processus qui nous a menés où nous en sommes.
Peu après les élections de 2015, un certain nombre de mesures législatives ont été présentées à la Chambre. Le projet de loi en faisait partie. Il visait à répondre directement aux demandes des tribunaux et aux nombreuses préoccupations des Canadiens à propos de l'aide médicale à mourir. La question a fait l'objet de discussions et de débats en profondeur. Elle a mené à de multiples échanges tant à l'intérieur qu'à l'extérieur de la Chambre et, dans les faits, aux quatre coins du pays. Un nombre extraordinaire de Canadiens ont contribué aux travaux entourant la mesure législative. Le taux de participation des Canadiens s'est maintenu plus tôt cette année, mais j'y reviendrai plus tard.
En janvier ou février 2016, les discussions allaient bon train. Le projet de loi a finalement été adopté tout juste avant la pause estivale, en juin 2016. À l'époque, les parlementaires ont reconnu que des modifications s'imposeraient. En fait, dans le libellé du projet de loi adopté, nous avons prévu un examen parlementaire de ses dispositions.
Il ne faut pas se surprendre que les mêmes problèmes persistent aujourd'hui. Même si nous n'avons pas été saisis d'un projet de loi à cet effet, il y a un dialogue en cours entre nous et nos électeurs sur cet enjeu. Depuis 2016, des gens me font parvenir leurs commentaires sur une base régulière, notamment par courriel, et ils se disent préoccupés par les lacunes de la loi.
La Cour supérieure du Québec a rendu une décision concernant la loi fédérale qui, ultimement, a contraint le gouvernement à présenter le projet de loi , le même projet de loi qu'il avait présenté plus tôt cette année, je pense que c'était en février. Avant le dépôt officiel du projet de loi à la Chambre, il y a eu une autre consultation officielle auprès des Canadiens. Chose incroyable, le gouvernement a pu, en très peu de temps, recueillir les commentaires de plus de 300 000 Canadiens. Des gens de partout au pays se sont prononcés sur les questions qui, selon eux, devraient être abordées par le gouvernement et les députés dans ce dossier très important.
Nous espérions sincèrement que le projet de loi serait renvoyé à un comité pour qu'il l'examine et se penche sur les changements qui pourraient y être apportés. Puis, il y a eu la pandémie. Comme nous le savons tous, les Canadiens ont changé de cap et la Chambre a dû modifier ses priorités en raison de la pandémie de COVID-19. Cela a eu comme conséquence directe d'empêcher un comité ou un groupe parlementaire de faire un examen de la mesure législative antérieure et de celle qui a été présentée en janvier ou en février.
Voilà qui nous amène à aujourd'hui. Le projet de loi C-7 est la réponse à une décision de la Cour supérieure du Québec. Il apporte des modifications raisonnables et acceptables à l'égard d'une question fort délicate. Par exemple, il élimine la période de réflexion de 10 jours pour les personnes dont la mort est imminente et dont la demande d'aide médicale à mourir a déjà été approuvée, une modification qui, je crois, sera largement appuyée par tous les partis. Le projet de loi ferait également passer de deux à un le nombre de témoins devant signer et dater la demande. D'après le débat limité tenu jusqu'à présent, je crois que cette modification sera, elle aussi, largement appuyée. Le critère exigeant que la mort naturelle de la personne soit raisonnablement prévisible est une question qui, sans doute, sera débattue en long et en large, tant à la Chambre qu'au comité. En outre, le projet de loi comporte d'autres aspects que je trouve fort intéressants, et je suis impatient d'entendre ce que les gens en diront.
Ce qui me préoccupe beaucoup, c'est l'idée qu'une personne puisse donner son consentement aujourd'hui, mais que, en raison de la progression de la maladie, elle soit incapable de donner sciemment son consentement plus tard, ce qui l'empêcherait de se prévaloir de l'aide médicale à mourir. Je sais que les Canadiens sont nombreux à partager cette préoccupation. Je m'attends à ce que cette question fasse l'objet d'une bonne et saine discussion, que ce soit à la Chambre, dans les comités ou dans nos circonscriptions, où nous recevons la rétroaction de la population.
Il y a la question de la maladie mentale et de sa gravité. Il s'agit d'un enjeu dont il faut toujours tenir compte, de différentes façons. Je me souviens qu'à l'époque où j'étais député à l'Assemblée législative du Manitoba, souvent, lorsqu'il était question de dépenses en santé, la santé mentale ne faisait même pas partie de l'équation. D'ailleurs, c'est un bon ami à moi, le Dr Gulzar Cheema, qui avait soulevé cette question, alors que peu de gens y pensaient. En règle générale, nous devrions nous attarder davantage à cette question dans nos débats.
Je crois que, dans la suite des débats, que ce soit à la Chambre ou au comité, nous verrons qu'il s'agit d'une question qui suscite beaucoup d'émotions pour bien des gens. J'ai pu constater moi-même l'importance des soins palliatifs au cours des jours qui ont précédé le décès de membres de ma famille, en particulier de ma grand-mère et de mon père. Je suis très reconnaissant au centre de santé Riverview de Winnipeg pour les services de soins palliatifs qu'on y a prodigués. Pouvoir être présent au moment du décès de mon père était très important pour moi, et je savais qu'à cet endroit, mon père était entouré de professionnels attentionnés et aimants, habitués de traiter des gens en fin de vie. Il faut avoir une personnalité très spéciale pour pouvoir gérer ce genre de situation. J'ai vécu une expérience semblable avec ma grand-mère à l'hôpital de Saint-Boniface. Ce sont deux établissements complètement différents, mais aux deux endroits, on offre un soutien remarquable.
Je crois que nous devons en faire plus dans le domaine des soins palliatifs, et je voudrais qu'on en discute davantage, qu'on en débatte et qu'on agisse. Je crois que le gouvernement fédéral a également un rôle à jouer concernant cette question.
En conclusion, j'insiste sur le fait que c'est l'occasion pour les députés non seulement de discuter des véritables enjeux, mais aussi de se pencher sur les questions qui entourent la fin de vie et les circonstances que nous connaissons tous assez bien, directement ou indirectement.
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Madame la Présidente, le débat d'aujourd'hui revêt une très grande importance, et je remercie les députés de nous avoir fait part de diverses expériences.
Ce débat me touche de près. Je me rappelle avoir parlé du projet de loi quand je suis arrivée au Parlement. J'avais alors parlé de décès qui m'avaient touchée personnellement. Je connais d'autres familles qui ont également vécu le même genre de chose. Nous avions parlé de ce que nous pourrions faire pour rendre plus faciles les derniers jours, les derniers mois et, parfois, les dernières années, et voir à ce que toutes les ressources nécessaires soient disponibles.
J'aborde ce débat de deux points de vue et je suis un peu partagée sur la question. J'ai avec moi une lettre de Richard Sitzes, président de l'organisme Our Choice Matters, qui fait partie de Community Living Elgin. J'aimerais lire cette lettre pour le compte rendu, car il est très important, à mon avis, d'avoir l'opinion et de connaître les préoccupations des personnes handicapées. Je vais également lire des commentaires publiés sur Twitter par le regretté Mike Sloan. D'autres personnes en ont parlé, et les gens de London savent que Mike Sloan est décédé le 20 janvier 2020, après avoir demandé l'aide médicale à mourir. Les choses ont été très difficiles pour lui, mais il a partagé son expérience sur son fil Twitter. En raison de mon travail auprès des personnes handicapées en tant que parlementaire, j'avais noué une relation avec lui et discuté avec lui de ce qu'il vivait et de ce qu'il fallait faire.
Je vais commencer par la lettre de Richard Sitzes, président de Our Choice Matters, un groupe d'autonomie sociale. Voici ce qu'il écrit:
J'habite à St. Thomas, dans votre circonscription, et je suis fortement préoccupé par le projet de loi C-7 et les changements qu'il apportera à la loi canadienne sur l'aide médicale à mourir. Je m'inquiète des répercussions négatives que le projet de loi aura sur les personnes handicapées de notre circonscription.
À titre de président du groupe d'autoreprésentation Our Choice Matters, qui est appuyé par l'organisme Community Living Elgin, je parle au nom de ce groupe. Au Canada, beaucoup de gens croient que le fait d'être handicapé est une source de souffrance, mais selon les personnes handicapées, c'est plutôt le manque de soutien, et non leur handicap, qui les fait souffrir. Nous craignons que le projet de loi C-7 ne fasse qu'exacerber cette situation.
Actuellement, seuls les Canadiens souffrants et en fin de vie ont accès à l'aide médicale à mourir. Le projet de loi C-7 permettra aux personnes handicapées d'accéder aussi à l'aide médicale à mourir, et ce, même si elles ne sont pas en fin de vie. Nous croyons fermement que le fait de retirer le critère de fin de vie accroîtra les commentaires négatifs à l'égard des personnes handicapées ainsi que la discrimination envers celles-ci et renforcera l'idée qu'une vie avec un handicap ne vaut pas la peine d'être vécue. Nous craignons que des personnes handicapées se sentent contraintes de mettre fin à leurs jours même si elles ne sont pas en fin de vie. Il s'agit de quelque chose qui s'est déjà produit au Canada et le projet de loi C-7 empirera la situation.
Selon nous, le gouvernement fédéral doit aider les personnes handicapées à mener une bonne vie, et non à mettre fin à celle-ci. Pour la sécurité des personnes handicapées, l'aide médicale à mourir doit demeurer uniquement offerte aux personnes en fin de vie. Nous sommes fermement contre le projet de loi C-7 et nous vous demandons de vous y opposer.
J'ai eu la chance de donner suite à cette lettre la semaine dernière. En effet, Richard œuvre comme bénévole non seulement à mon bureau, mais aussi au sein de notre communauté, et ce, depuis des dizaines d'années. Chaque fois qu'on fait appel à des bénévoles, Richard répond présent. Il participe aux événements communautaires pour y donner un coup de main. Il est conscient de la chance qu'il a dans la vie et il sait qu'il peut donner beaucoup à notre communauté. Je n'ai jamais rencontré une personne plus affable que Richard de ma vie. Il souhaite seulement aider. En même temps, il veut être entendu. J'ai eu l'occasion de m'asseoir et de discuter avec Richard, et je sais qu'il craint qu'il ne puisse pas lui-même faire son choix, mais qu'une autre personne décide pour lui. Il m'a dit qu'il ne savait pas qui aura le dernier mot. C'est ce qui inquiète grandement Richard, qui a célébré son 60e anniversaire le 15 août dernier. Lorsque je regarde Richard, je n'estime pas que sa vie vaille moins que la mienne. Il a tellement à apporter à tous les Canadiens. J'espère que nous prendrons conscience de la nécessité impérieuse de prévoir des mesures de sauvegarde pour les gens comme Richard qui ont tant à offrir.
D'un autre côté, il y a également quelques aspects positifs. J'aimerais parler de Mike Sloan, une personne atteinte du cancer qui a eu l'occasion de partager les défis quotidiens auxquels il a été confronté avec les Canadiens, et notamment avec les habitants de ma circonscription. Comme je l'ai indiqué, j'ai noué des liens avec Mike au cours des dernières années. Lorsqu'il m'a appelé pour m'apprendre qu'il avait un cancer, nous avons tous les deux discuté des épreuves qui l'attendaient.
Mike avait décidé qu'il aurait recours à l'aide médicale à mourir. Ayant été témoin de ses derniers instants, je comprends son choix. Je suis consciente des épreuves qu'il a traversées, et je tiens à lire certains commentaires affichés sur son fil Twitter.
Madame la Présidente, combien de temps me reste-t-il, étant donné que je parle autant?
La vice-présidente adjointe (Mme Alexandra Mendès): La députée dispose de cinq minutes.
Mme Karen Vecchio: C'est fantastique. D'accord, c'est parfait.
Je tiens à parler de Mike, et de l'entrevue qu'il a accordée au réseau CTV au début du mois de janvier. Mike avait déjà épinglé sur son bureau les plans pour ses propres funérailles, dont la date restait à déterminer. Il savait ce qu'il voulait dans la vie. Il était aussi un ardent défenseur des personnes handicapées, et lorsqu'il a contracté le cancer, il avait parfaitement conscience des difficultés à venir. Non seulement il s'inquiétait de la détérioration de ses facultés mentales, mais aussi de la douleur physique.
Je veux tout d'abord parler du jour du décès de M. Sloan, soit le 20 janvier. Bob Smith, un animateur de TV Rogers dans la région de London, a écrit ceci:
Mike Sloan nous a quittés paisiblement à 13 h 25, heure normale de l'Est, après avoir reçu une aide médicale à mourir. Il m'a demandé […] de vous en informer. J'étais avec lui à la fin et je lui tenais la main. Il vous remercie tous de votre soutien pendant ce cheminement. Ses derniers mots ont été: « Dites à Chub que je l'aime. »
Chub était le chat de M. Sloan. Tous ceux qui connaissaient M. Sloan savent que c'était Chub qui le faisait vivre au quotidien. Il pouvait toujours compter sur Chub, car certains jours étaient un peu plus difficiles que d'autres.
Revenons au 18 janvier, où M. Sloan a écrit ceci: « Lorsqu'il devient trop effrayant de boire des liquides parce qu'ils pourraient simplement être recrachés ou m'étouffer, vous savez, soyons honnêtes quant aux choix qui existent. » Sa déclaration m'a énormément marquée. Un autre jour, il a parlé de sa peur de prendre une douche. Il craignait de tomber dans la douche. Il entrait dans la douche et tombait et commençait à penser qu'il avait peut-être besoin d'un banc malgré sa jeunesse. Chaque jour, il était confronté à tous ces différents problèmes.
Mike a reçu un diagnostic de cancer de la thyroïde de stade IV en février 2019. Il nous tenait au courant avec Twitter des soins palliatifs et médicaux qu'il recevait. C'était intéressant, car il montrait son abdomen, auquel étaient attachés différents tubes et dispositifs pour lui administrer ses médicaments contre la douleur. Pour les autres députés de la région de London, ce qui était vraiment extraordinaire chez cet homme, c'était son incroyable sens de l'humour. Il publiait des photos de son abdomen, auquel était attachée une poche médicale qu'il appelait sa « petite sacoche » et qui contenait ses médicaments contre la douleur. Il montrait aussi les différents tubes dans lesquels il injectait ses médicaments pour réduire la douleur dont il souffrait terriblement.
Le 7 janvier, il a écrit, « il ne m'est jamais arrivé de mourir, alors je ne sais pas ce qu'on ressent lorsqu'on meurt, mais si ce sont des symptômes comme des douleurs insupportables, de la difficulté à respirer, de la fièvre et de l'insomnie, c'est que je devrais y arriver bientôt. » Mike n'avait pas peur de mourir, mais il savait que c'était inévitable. C'était aussi un homme qui avait l'habitude de ne pas séjourner à l'hôpital. Il était vraiment comique à voir le jour où il est allé à l'hôpital parce qu'il souffrait d'essoufflement, pour en ressortir aussitôt en racontant qu'on venait de lui donner son congé après lui avoir diagnostiqué une pneumonie, mais qu'il était capable de marcher et que tout allait bien.
En pensant au cas de Mike Sloan, il faut trouver un juste équilibre. Il faut trouver un juste équilibre pour que les volontés des Mike Sloan et des Richard Sitzes de ce monde soient respectées. Je reconnais que c'est une décision très difficile à prendre pour beaucoup de députés.
Je dois dire que pour moi, le vote concernant le projet de loi a été la décision la plus difficile que j'ai eu à prendre à la Chambre. Un des éléments les plus importants était le fait qu'il y ait des mesures de sauvegarde pour que la famille, le patient et toute l'équipe chargée de l'aide médicale à mourir sachent tous dans quoi ils s'embarquent. Il est primordial que des mesures de sauvegarde soient en place et que, pour éviter d'ouvrir la boîte de Pandore, nous fassions preuve d'une grande prudence quant au projet de loi .
Je suis très fière d'en parler parce qu'il faut en débattre. Il n'y a pas de bonne ou de mauvaise réponse. Il s'agit de trouver un équilibre pour tous les Canadiens.
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Madame la Présidente, je suis heureuse d'intervenir aujourd'hui, mais il est difficile pour moi de parler d'une autre tentative de la part du gouvernement libéral de mettre en danger les membres les plus vulnérables de la société.
Quatre ans à peine après l'adoption du projet de loi , la mesure législative originale sur l'euthanasie et le suicide assisté, nous étudions maintenant un projet de loi qui assouplirait encore plus les restrictions, éliminerait les mesures de sauvegarde, brouillerait la conception canadienne du caractère sacré de la vie et bouleverserait le rôle du gouvernement dans les décisions de fin de vie. On se fait dire encore une fois que pour défendre les droits garantis par la Charte de certaines personnes, il faut mettre en péril les droits et les libertés d'autres personnes.
Je me suis opposée au projet de loi pour de nombreuses raisons. Premièrement, la Cour suprême du Canada avait invoqué une loi très controversée et boiteuse, alors qu'il avait été prouvé qu'elle avait été mal appliquée ailleurs dans le monde. Deuxièmement, les libéraux avaient choisi d'élargir la portée de cette loi, dépassant largement les exigences de l'arrêt Carter. Troisièmement, le projet de loi C-14 accordait la priorité à l'euthanasie et au suicide assisté plutôt qu'aux soins palliatifs, et il continue de reléguer au second plan toute initiative importante en matière de soins palliatifs.
En 2019, le avait promis d'élargir les critères d'admissibilité et, le 11 septembre de l'année dernière, la Cour supérieure du Québec statuait qu'il est inconstitutionnel de limiter l'aide au suicide ou l'euthanasie uniquement aux personnes dont la mort est raisonnablement prévisible. Les libéraux ont accepté cette décision sans même en interjeter appel et sans solliciter l'avis de la Cour suprême, qui est saisie de ce dossier depuis longtemps. Ils s'empressent maintenant de modifier la loi pour l'ensemble du Canada.
Les libéraux ont donné aux Canadiens à peine deux semaines pour répondre en ligne à une consultation boiteuse sur cet enjeu extrêmement personnel et complexe. La formulation compliquée et tendancieuse des questions indiquait assez clairement comment le gouvernement envisageait de légiférer en ce qui concerne l'aide médicale à mourir. Ayant moi-même tenté de répondre à ce questionnaire, je soutiens que seulement à cause du langage utilisé, bien des personnes opposées au suicide assisté ont probablement été découragées de participer à l'exercice.
Après une consultation si déficiente qui ne permet même pas de savoir si la rétroaction obtenue reflète un tant soit peu le véritable point de vue des Canadiens, comment le gouvernement peut-il de bonne foi aller de l'avant avec cette mesure législative? Je pose cette question pour la forme, car les libéraux ne semblent pas se soucier de la méthode. Il est clair qu'ils se sont servis de cette brève occasion de rétroaction pour satisfaire à la nécessité de consulter.
Nous savons également que le gouvernement a ignoré son propre échéancier pour examiner la version originale de la mesure législative sur le suicide assisté, le projet de loi . Il devait le faire cet été, et au lieu de cela, il nous a présenté ce projet de loi imprudent. Même en pleine pandémie, c'était très important. On n'a pas mené d'examen approprié ni sollicité l'avis de la Cour suprême. La Chambre a eu la responsabilité d'élargir considérablement le cadre du suicide assisté et de l'euthanasie sans avoir une compréhension suffisante pour déterminer si les dispositions actuelles sont interprétées de manière cohérente ou si elles sont appliquées correctement.
On cherche à faire adopter le projet de loi à la hâte. C'est inquiétant. En le lisant, je vois des éléments qui dépassent la portée de la décision de la Cour supérieure du Québec, à savoir que le projet de loi C-7 éliminerait la période d'attente de 10 jours entre la signature de la demande et la prestation de l'aide médicale à mourir.
Depuis le tout début de ce débat, les dispositions législatives visant les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible posent problème. Nous savons que la mort raisonnablement prévisible d'une personne est un critère dont l'évaluation peut varier, compte tenu de l’ensemble de sa situation médicale et sans pour autant qu'un pronostic ait été établi quant à son espérance de vie. Avec l'élimination de la période de 10 jours en cas de mort raisonnablement prévisible, une personne dont l'espérance de vie n'a pas été définie, qui pourrait vivre encore des années, devrait prendre une décision précipitée concernant l'aide médicale à mourir et l'euthanasie.
Outre le simple fait d'éliminer une période de réflexion que la plupart des Canadiens jugeraient raisonnable, cet élément du projet de loi ne tient pas compte de la possibilité de faire des avancées médicales et de proposer de meilleures méthodes de traitement dans un contexte où le domaine des sciences médicales est extrêmement novateur. Comme le cardinal Collins l'a affirmé, le projet de loi crée une situation où l'accès à l'aide médicale à mourir serait plus rapide que l'adhésion à un centre de conditionnement physique ou l'achat d'un immeuble en copropriété.
Par ailleurs, je ne vois aucune raison logique pour que le gouvernement réduise le nombre de témoins indépendants exigés au moment de la signature de la demande, lequel passe de deux à un seul. Le gouvernement a même assoupli la définition d'une personne pouvant servir de témoin en incluant les professionnels de la santé ou les fournisseurs de soins personnels, et même ceux qui sont payés tous les jours pour offrir l'euthanasie et l'aide au suicide. C'est au paragraphe 1(8).
Je crois que nous convenons tous que, pour la vaste majorité des cas d'euthanasie ou de suicide assisté, il n'y a rien de déraisonnable à exiger la présence de deux témoins indépendants lorsqu'une personne demande que l'on mette fin à sa vie. Comment les libéraux vont-ils s'y prendre pour protéger les patients contre les possibles fautes professionnelles? Qu'entend faire le gouvernement pour que les patients qui présentent une telle demande connaissent la myriade d'options qui s'offrent à eux et ne se fient pas à une seule opinion?
Le texte énumère ensuite une série de mesures de sauvegarde que le médecin doit respecter avant d'aider quelqu'un dont la mort ne serait pas raisonnablement prévisible. Il doit par exemple discuter avec la personne concernée des moyens disponibles pour soulager ses souffrances, dont les soins palliatifs.
Cette exigence est encore moins élevée pour les personnes dont la mort est raisonnablement prévisible, car le médecin n'a alors qu'à informer son patient de l'existence de ces mêmes options. Le gouvernement n'a jamais donné suite à sa promesse d'investir 3 milliards de dollars dans les soins de longue durée, dont font partie les soins palliatifs. Il ne semble avoir aucune volonté politique d'améliorer les soins palliatifs.
Les Canadiens demandent en outre au gouvernement qu'il crée la stratégie nationale sur les soins palliatifs qu'ils réclament depuis longtemps. Les Canadiens veulent de véritables solutions dans le domaine des soins de fin de vie. Or, le gouvernement semble n'avoir aucun scrupule à tout simplement faire fi des 70 % de Canadiens qui n'ont pas accès aux soins palliatifs et à imposer au contraire un régime universel absolument bancal. On peut déjà constater ce qui arrive quand on fait la promotion de l'aide à mourir au détriment des soins palliatifs.
En Colombie-Britannique, la Delta Hospice Society a été privée de 94 % de son budget de fonctionnement pour avoir refusé l'euthanasie à des personnes admises dans un établissement censé offrir des soins palliatifs. Même si elle a tenté à plusieurs reprises de faire valoir que la Charte lui permet de se laisser guider par ses valeurs religieuses pour refuser de pratiquer l'euthanasie et qu'elle a cherché de bonne foi à trouver un compromis, la société risque fort de perdre le financement qu'elle recevait pour 10 de ses lits de soins palliatifs, qui se retrouvent ainsi en péril.
Pourquoi les libéraux continuent-ils d'ignorer ceux qui ont un point de vue différent sur la question des soins en fin de vie? Ceux qui veulent des soins palliatifs le font pour une raison: parce qu'ils ne veulent pas de l'aide médicale à mourir. En fait, ce qui s'est passé en Colombie-Britannique est une tentative pour redéfinir les soins palliatifs.
De fait, la décision de la Fraser Health Authority bat en brèche l'avis de la Société canadienne des médecins de soins palliatifs, qui a expliqué clairement que l'euthanasie et le suicide assisté ne sont en aucune façon des soins palliatifs. Je déconseille aux Canadiens de considérer le cas de la Delta Hospice Society comme unique. Le gouvernement a montré peu d'intérêt pour les soins palliatifs et je ne serais pas surprise qu'il s'en prenne encore à la possibilité qu'ont les Canadiens de choisir de terminer leur vie de manière naturelle.
Dans le Globe and Mail, Sarah Gray l'a bien dit: les gens ne vont pas dans les établissements de soins palliatifs pour y mourir. Ils y vont pour avoir une bonne qualité de vie pendant le peu de temps qu'il leur reste. Ce sont des lieux de célébration, d'interconnexion, de réconfort et d'aide. Ce sont des lieux où les mourants et leur entourage se sentent en sécurité. Comme l'a dit le cardinal Collins, travaillons à une culture des soins, au lieu de nous précipiter vers une culture de mort à la demande.
Il serait aussi judicieux pour le gouvernement de se rappeler qu'une grande partie du débat sur le projet de loi tournait autour de la demande d'établissement d'un cadre solide de protection de la liberté de conscience pour les médecins praticiens présents tout au long du processus de fin de vie. Au comité, des témoins ont affirmé que la protection de la liberté de conscience devrait être incluse dans la réponse législative du gouvernement à l'affaire Carter c. Canada.
L'Association médicale canadienne a confirmé que protéger la liberté de conscience des médecins ne nuirait pas à l'accès à l'aide médicale à mourir ou à l'euthanasie. En fait, d'après ses statistiques, 24 000 médecins au Canada, c'est-à-dire 30 % des membres de cette profession, sont prêts à offrir ces services. Je vis dans une région rurale du Canada, et je peux assurer aux députés qu'il y a beaucoup de services auxquels je n'ai pas directement accès.
Malheureusement, les libéraux n'ont pas défendu la liberté de conscience des Canadiens dans le projet de loi . Par ailleurs, j'ai été déçue que, lors de la dernière législature, ils n'aient pas appuyé le projet de loi , Loi sur la protection de la liberté de conscience. Cette mesure législative cruciale, présentée par David Anderson, aurait érigé en infraction criminelle le fait d'intimider un professionnel de la santé pour le forcer à prendre part à la prestation de l’aide médicale à mourir. Il aurait également érigé en infraction criminelle le fait de renvoyer ou de refuser d'employer un professionnel de la santé qui refuse de prendre part, directement ou indirectement, à la prestation de l’aide médicale à mourir.
Nous voici maintenant quatre ans plus tard, et le projet de loi ne contient aucune disposition pour protéger les droits des Canadiens garantis par l'article 2 de la Charte. Au Canada, tout le monde jouit de la liberté de conscience et de religion au titre de l'article 2 de la Charte canadienne des droits et libertés. Personne n'a le droit d'exiger tous les services de tous les fournisseurs en toutes circonstances. Comme M. Anderson l'a indiqué, il faut instaurer des mesures de protection pour les médecins et les fournisseurs de soins de santé qui ne souhaitent pas abandonner leurs principes éthiques fondamentaux lorsqu'ils se trouvent au chevet d'un patient. L'accès à l'aide médicale à mourir et le droit à l'objection de conscience ne sont pas incompatibles.
Jusqu'où les libéraux iront-ils? C'est une question que nous devons nous poser en tant que législateurs. Il y aura toujours des personnes dans la société qui trouvent que les mesures de sauvegarde et les limites sont trop strictes. Quand les libéraux trouveront-ils que c'est assez? Où s'arrêteront-ils? Quel message envoyons-nous aux personnes les plus vulnérables et fragiles de la société?
Au cours des cinq dernières années, j'ai défendu la cause des anciens combattants. Je sais qu'il y a de nombreux anciens combattants qui semblent avoir trouvé une façon de composer avec leurs blessures physiques invalidantes, mais dont la santé mentale est extrêmement fragile. Nous sommes tous préoccupés par le nombre d'anciens combattants qui choisissent de se suicider à cause de complications découlant de leur service militaire. C'est tout à fait contradictoire, d'une part, d'essayer de les empêcher de mettre fin à leur vie et, d'autre part, de leur dire que le gouvernement a mis en place un processus qui leur donne la possibilité de le faire.
Le projet de loi ne prévoit aucune disposition liée à la protection de la liberté de conscience, ne protège pas les personnes vulnérables et ne répond pas à la nécessité...
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps avec mon honorable collègue d'.
[Traduction]
Il s'agit d'un projet de loi et d'un enjeu extrêmement complexes. Le caractère sacré de la vie — que nous chérissons tous — entre en conflit avec la liberté que nous confère l'article 7 de la Charte. L'enjeu consiste à bien comprendre que nous ne pouvons tout simplement pas imposer aux Canadiens nos croyances religieuses ou notre point de vue moral. Il faut reconnaître le caractère sacro-saint des droits garantis par la Charte. Pour un député, c'est le genre de situations qui peut être difficile.
Personnellement, je l'ai déjà dit, je ne choisirais pas l'aide médicale à mourir. Je n'encouragerais pas non plus les membres de ma famille à y avoir recours. Par contre, je respecte entièrement le droit de chaque Canadien de prendre cette décision en ce qui le concerne.
Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême du Canada constate que certaines dispositions du Code criminel violent le droit à la liberté garanti à l'article 7 de la Charte d'un sous-groupe de Canadiens en ne leur permettant pas d'obtenir de l'aide pour se suicider. Dans l'arrêt Carter, la Cour suprême affirme qu'un sous-groupe de Canadiens, ceux qui souffrent de douleurs intolérables ne pouvant pas être soulagées par un traitement médical leur étant raisonnablement acceptable, a droit à une mort accélérée avec l'assistance de professionnels de la santé.
Au cours de la dernière législature, notre gouvernement a proposé le projet de loi . J'ai eu le privilège de présider le Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Nous y avons entendu le témoignage d'un vaste échantillon de Canadiens. Nous avons entendu ceux qui représentent les personnes handicapées et ceux qui croient au droit de mourir dans la dignité. Nous avons entendu des membres du clergé de toutes les confessions. Nous avons entendu des professeurs d'université, des avocats et des médecins. Nous avons entendu un vaste échantillon de Canadiens, dont les opinions différaient grandement.
Ce que nous avons tenté de faire, c'est d'élaborer une loi à laquelle tous les Canadiens pourraient se rallier et qui protégerait les personnes vulnérables, tout en garantissant à tous le droit reconnu par la Cour suprême dans l'affaire Carter, soit le droit d'une personne de décider pour elle-même de mettre fin à sa vie si elle souffre de douleurs intolérables qui ne peuvent pas être soulagées par un traitement médical qui lui est raisonnablement acceptable.
De plus, au moment de tenir compte de l'arrêt Carter dans le cadre du projet de loi , nous ne devions pas perdre de vue que le Canada faisait partie des premiers pays à légiférer sur l'aide médicale à mourir. Très peu de pays dans le monde s'étaient avancés dans cette voie. Il y avait bien la Belgique, la Hollande, l'Uruguay et une poignée d'États américains, mais c'était tout. La société canadienne devait apprendre à composer avec l'aide médicale à mourir et devait en apprendre davantage sur ce sujet avant d'aller trop loin.
C'est pourquoi, à l'époque, j'avais appuyé une disposition dans le projet de loi selon laquelle l'aide médicale à mourir se limiterait aux cas où la mort naturelle serait devenue raisonnablement prévisible. Nous savions cependant que ce critère changerait au fil du temps. En effet, lorsque la société canadienne aurait acquis de l'expérience en matière d'aide médicale à mourir, le projet de loi serait de nouveau soumis à l'examen du Parlement et devrait être modifié en conséquence.
Au comité de la justice, nous avons proposé de nombreux amendements importants à ce projet de loi. Nous avons ajouté, avec le consentement unanime du comité, le droit à la liberté de conscience pour éviter que les médecins, le personnel infirmier et les pharmaciens ne soient obligés de participer à l'aide médicale à mourir si cela va à l'encontre de leurs convictions personnelles. Nous avons affirmé que le Parlement devrait examiner certaines questions sur lesquelles le comité ne s'était pas penché, notamment la maladie mentale, les mineurs matures et, probablement plus important encore, les directives anticipées dans le cas de personnes atteintes de démence.
Nous avons également adopté une motion prévoyant que l'examen inclue les soins palliatifs. Au Canada, il devrait être possible d'accélérer le décès lorsque des soins palliatifs ne sont pas disponibles.
Élaborée dans la foulée de la décision rendue dans l'affaire Truchon, cette mesure législative fait avancer d'un pas le régime d'aide médicale à mourir établi dans le cadre du projet de loi . Dans l'affaire Truchon, le tribunal a déclaré inconstitutionnelle la disposition de la loi concernant la mort raisonnablement prévisible et a ajouté que des Canadiens pouvant avoir de nombreuses années à vivre, mais étant affligés de douleurs constantes et d'une souffrance interminable et ne pouvant être soulagés par un traitement médical raisonnablement acceptable à leurs yeux avaient le droit de recourir à l'aide médicale à mourir.
Le projet de loi dont nous sommes saisis établit que ce groupe de Canadiens a aussi le droit à l'aide médicale à mourir, mais il impose des mesures de sauvegarde additionnelles en ce qui les concerne, notamment une période d'attente de 90 jours. Nous comprenons par exemple que, avant de recourir à l'aide médicale à mourir, certaines personnes souffrant d'une blessure traumatique ont besoin de temps pour composer avec leur situation et examiner toutes les options qui s'offrent à elles.
En outre, à la lumière de l'expérience canadienne, nous modifions le projet de loi pour permettre à certains Canadiens de donner un consentement anticipé au suicide assisté s'ils sont sur le point de perdre la capacité de le faire.
[Français]
Certains Canadiens veulent accéder à l'aide médicale à mourir tout en sachant qu'ils pourraient continuer à vivre encore quelques semaines. La seule raison pour laquelle ils y accèdent plus rapidement, c'est parce qu'ils ne veulent pas perdre leur capacité de consentir à l'aide médicale à mourir.
Personnellement, je veux que ces personnes puissent continuer de vivre et de passer ces dernières semaines avec leur famille. Je ne veux pas qu'elles terminent leur vie prématurément parce qu'elles ont peur de perdre la capacité de consentir à la procédure.
La modification à la loi, ce projet de loi qui est devant nous, donne espoir à ce groupe. Ces personnes auront la permission de s'entendre par contrat avec leur médecin pour dire qu'elles veulent mettre fin à leur vie à une date précise même si, dans l'intervalle, elles perdaient la capacité de consentir à l'aide médicale à mourir.
[Traduction]
Il existe toutefois toujours une mesure de sauvegarde, en ce sens que si une personne n'ayant plus la capacité de consentir indique, au moyen de gestes ou de paroles, qu'elle ne souhaite plus mettre fin à ses jours, le médecin doit alors mettre fin à la procédure.
Je suis totalement en faveur de ce projet de loi. Je crois que l'opinion de la société canadienne relativement à l'aide médicale à mourir a évolué. Les Canadiens ont pu voir ce qui fonctionne et ne fonctionne pas au sujet de cette procédure. Nous savons quels groupes en bénéficient et quels groupes ont été laissés pour compte, et comment nous pouvons améliorer les choses.
Je crois que, à la suite d'une consultation exhaustive, d'un intérêt dans l'ensemble du pays et de l'évolution de l'opinion publique canadienne au sujet de l'aide médicale à mourir, ce projet de loi constitue une mesure appropriée et opportune.
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Madame la Présidente, c'est un plaisir pour moi de prendre la parole après mon collègue le député de , qui a prononcé de sages paroles.
Je suis ravie d'intervenir en faveur du projet de loi , Loi modifiant le Code criminel, aide médicale à mourir. Comme les députés le savent, ce projet de loi donne suite à la décision de la Cour supérieure du Québec qui a invalidé les critères d'admissibilité selon lesquels la mort naturelle doit être raisonnablement prévisible.
Au cours de la dernière législature, j'ai pris la parole lors du débat sur le projet de loi original concernant l'aide médicale à mourir. À l'époque, j'ai parlé de la nécessité d'avoir des conversations avec nos proches au sujet de la mort. Le mot « mort » suscite des émotions intenses. Nous jouissons de la vie, nous la célébrons et nous parlons de vivre. Cependant, nous évitons le sujet de la mort. Nous nous dérobons à ces conversations parce qu'elles nous mettent mal à l'aise. Je sais que pour certaines personnes, cette mesure législative va trop loin. Toutefois, sans égard à l'opinion des gens au sujet du projet de loi, je crois que nous pouvons tous convenir qu'il faut améliorer notre façon de gérer la mort.
Qu'un patient gravement malade choisisse de mourir à la maison ou dans un établissement de soins palliatifs ou qu'il ait recours à l'aide médicale à mourir, nous devrions avoir des conversations de ce genre plus tôt afin d'aider avec amour nos proches malades à la fin de leur vie. Malheureusement, les décisions d'une telle nature sont souvent prises alors que le patient est dans un état critique. Idéalement, nous devrions plutôt tous planifier nos soins au préalable.
J'aimerais raconter l'histoire de Bob Lush, un homme incroyable, un avocat respecté, et un ami. Bob et sa femme Maureen ont entretenu une belle relation amoureuse qui sautait aux yeux de tous ceux qui les ont rencontrés. Bob est décédé le 17 mars. Cet été, j'ai déjeuné avec Maureen, et elle m'a fait part de leur décision d'avoir recours à l'aide médicale à mourir. Avec la permission de Maureen, j'aimerais raconter l'histoire de Bob.
Bob avait reçu un diagnostic d’atrophie multisystémique et de fibrose pulmonaire. Il présentait également des symptômes de la maladie de Parkinson. Son corps le lâchait, mais son esprit était toujours aussi vif. Avec le temps, ces graves problèmes de santé ont empiré, ce qui a amené ses médecins à lui dire qu’on lui prodiguerait des soins palliatifs et qu’il n’y avait plus rien à faire. Une infirmière en soins palliatifs a demandé à Bob et Maureen s’ils avaient pensé à l’aide médicale à mourir et leur a remis une brochure. Ce n’était pas une option qu’ils avaient envisagée auparavant, mais ils ont décidé ensemble qu’il s’agissait de la façon la plus sereine pour Bob de quitter la terre. Je n’arrive pas à traduire en mots l’immense amour qui unissait ces deux personnes.
Maureen m’a décrit les derniers moments de Bob avant la date du 17 mars qu’ils avaient choisie. Tout le matériel médical a été retiré de la chambre de Bob et celle-ci a été remplie de fleurs et de chandelles. Ils adoraient écouter l’album « American Standard » de James Taylor et ils l’ont fait jouer. Maureen et le fils de Bob, John, étaient à ses côtés. Pendant que Moon River jouait, le médecin lui a administré les médicaments de l’aide médicale à mourir. Bob a fermé les yeux et il est décédé paisiblement, sans douleur et dans le respect. Pendant la description de Maureen, je pouvais entendre l’amour dans sa voix et la tristesse de perdre Bob, mais elle n’avait aucun regret et, en fait, elle voulait que l’histoire de Bob soit racontée, afin que d’autres familles puissent envisager cette option pour leur être cher, si c’était la bonne décision pour elles.
Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd’hui moderniserait nos lois sur l’aide médicale à mourir de plusieurs façons. Il maintiendrait les mesures de protection existantes et en assouplirait certaines pour les personnes admissibles dont la mort est raisonnablement prévisible. Des mesures de protection nouvelles et modifiées seraient mises en place pour les personnes admissibles dont la mort n’est pas raisonnablement prévisible. Les personnes dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible, ayant été évaluées comme étant admissibles à l’aide médicale à mourir et risquant de perdre leurs capacités mentales, pourraient conclure avec leur praticien un accord dans lequel elles donneraient leur consentement à l’avance, ce qui permettrait au praticien d’administrer l’aide médicale à mourir un jour donné, même si la personne avait perdu sa capacité de décider.
Pour les personnes qui choisissent l’aide médicale à mourir par autoadministration, il serait possible de renoncer à l’avance à l’exigence du consentement final en cas de complications après l’autoadministration entraînant une perte de capacité, mais non la mort. Ces nouvelles mesures de protection rendraient inadmissibles les personnes qui souffrent uniquement de maladie mentale. Elles permettraient également la renonciation au consentement final pour les personnes admissibles dont la mort naturelle est raisonnablement prévisible et qui pourraient perdre la capacité de consentir avant que l’aide médicale à mourir puisse leur être fournie.
Le projet de loi élargirait également la collecte de données dans le cadre du régime fédéral de surveillance, afin de fournir un portrait plus complet de l’aide médicale à mourir au Canada. Il s’agit de changements importants qui sont réclamés depuis 2016, année où le gouvernement a réagi à l’arrêt Carter en présentant son projet de loi initial.
Depuis que l'aide médicale à mourir est devenue légale en juin 2016, plus de 13 000 décès assistés médicalement ont été signalés au Canada. Ce chiffre est fondé sur les données déclarées volontairement par les provinces et les territoires avant le 1er novembre 2018, et les données recueillies en vertu du nouveau régime de surveillance après cette date. Le pourcentage de décès au moyen de l’aide médicale à mourir par rapport à l'ensemble des décès au Canada correspond aux autres régimes internationaux d’aide médicale à mourir.
Le gouvernement a mené de vastes consultations en vue de mettre à jour la loi sur l'aide médicale à mourir. En janvier et février 2020, le gouvernement du Canada s'est adressé aux provinces, aux territoires, aux Canadiens, aux groupes autochtones, ainsi qu'aux principaux intervenants, spécialistes et praticiens afin de recueillir leurs points de vue sur l'élargissement du cadre canadien de l'aide médicale à mourir. Plus de 300 000 Canadiens ont participé à des consultations publiques en ligne entre le 13 et le 27 janvier de cette année.
Il est important de reconnaître que l'aide médicale à mourir n'est pas une option appropriée pour tout le monde. Il y a encore du travail à faire pour éduquer les Canadiens au sujet des choix qui s'offrent à eux en fin de vie. Durant le débat sur l'ancien projet de loi à la Chambre, j'ai parlé des soins palliatifs et de la nécessité d'informer les Canadiens de cette option de fin de vie. Je me suis réjouie de voir le Sénat modifier le projet de loi afin d'y inclure les soins palliatifs. Le gouvernement a collaboré avec des partenaires, dont les provinces et les territoires, afin de créer un cadre sur les soins palliatifs. Nous sommes en train de mettre en œuvre un plan d'action ciblé qui prévoit un versement direct de 6 milliards de dollars aux provinces et aux territoires et qui vise à mieux soutenir les soins à domicile et communautaires, y compris les soins palliatifs.
Je tiens à raconter une fois de plus l'histoire de Bonnie Tompkins, que j'ai racontée en 2016 lors du débat sur le projet de loi initial sur l'aide médicale à mourir. Mme Tompkins est actuellement responsable nationale des communautés bienveillantes pour Pallium Canada, organisme national à but non lucratif qui se consacre au renforcement des capacités professionnelles et communautaires afin d’améliorer la qualité et l’accessibilité des soins palliatifs au Canada.
Lorsque son fiancé Ian a reçu un diagnostic de cancer terminal, il tenait mordicus à l'aide médicale à mourir. Comme bien d'autres, il s'inquiétait grandement du fardeau qu'il deviendrait pour ses proches au fil de l'évolution de sa maladie. Après avoir visité le centre de soins palliatifs Carpenter, à Burlington, et avoir été informé des options qui s'offraient à lui...
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Madame la Présidente, je suis vraiment très heureux de prendre la parole sur l'important projet de loi . Il faut savoir d'où il provient pour comprendre pourquoi nous en sommes là aujourd'hui.
En 2016, le projet de loi avait été un exercice assez pénible, vu la façon dont le gouvernement libéral s'y était pris pour nous « passer au bulldozer ». Je pense que l'expression est juste, puisque le gouvernement avait refusé tous les amendements proposés par les différents partis de l'opposition, dont le Parti conservateur, le NPD et le Bloc québécois.
Le gouvernement a fait pression sur le Sénat en lui donnant un échéancier. Le Sénat voulait améliorer le projet de loi avant que nous ne votions celui-ci. Qu'est-ce que cela a donné? En septembre 2019, la Cour supérieure a démontré que le projet de loi qui avait été adopté par la Chambre n'était pas adéquat, particulièrement en ce qui a trait à la question de la prévision de la date de décès de la personne.
C'est là où nous en sommes aujourd'hui. Nous sommes à la Chambre pour parler d'un sujet extrêmement sensible, mais nous n'avons pas eu beaucoup de temps pour consulter les experts.
Tout le monde entrevoit la question de manière différente, qu'il s'agisse des députés de la Chambre ou de la population sur l'ensemble du territoire, que ce soit au Québec ou ailleurs au Canada.
Bien que j'aie écrit un discours, j'ai décidé de le mettre de côté. En effet, je désire plutôt faire part à mes collègues de mon expérience personnelle.
Le vote sur le projet de loi C-14 a été le vote le plus difficile que j'ai eu à faire au cours des quatre années de mon premier mandat à Ottawa.
D'un côté, certains citoyens me demandaient de voter en faveur du projet de loi et d'autres citoyens me demandaient de m'assurer qu'on allait protéger les gens les plus vulnérables et l'objection de conscience des médecins dans l'exercice de leur fonction. De l'autre côté, certaines personnes vivaient une situation extrêmement difficile, puisqu'un membre de leur famille très proche souffrait et n'arrivait pas à avoir accès à l'aide médicale à mourir.
La veille du vote, j'ai eu de la difficulté à dormir. Je me disais que, peu importe la position pour laquelle j'opterais, ce que j'allais dire à la Chambre pourrait être interprété par les médias et par la population. Je m'explique. Certains députés ont voté contre le projet de loi C-14 et j'imagine que d'autres vont voter contre le projet de loi C-7. S'ils votent contre le projet de loi, ce n'est pas parce qu'ils sont contre ce dernier, mais plutôt parce qu'ils trouvent que celui-ci ne va pas assez loin.
L'inverse est aussi vrai. Certains députés ont voté en faveur du projet de loi C-14 en 2016 parce qu'ils voulaient s'assurer que les gens auraient le minimum. Quelle que soit la position que l'on a prise, on avait besoin d'expliquer quelque chose d'extrêmement sensible et, à mon avis, on ne pouvait pas le faire en disant seulement oui ou non.
Je me demande souvent qui je suis pour décider à la place d'une autre personne. En tant que législateurs, nous avons l'obligation de protéger les gens plus vulnérables. C'est encore plus vrai si on enlève le critère exigeant que la mort naturelle d'une personne soit raisonnablement prévisible pour qu'elle puisse bénéficier de l'aide médicale à mourir. On le voit aussi dans les différentes questions qui sont posées à la Chambre par certains députés. Je tiens à dire que cela reflète l'opinion de plusieurs citoyens qui se demandent ce qui se passerait si une personne voulait donner son consentement préalable par écrit, au cas où sa situation changerait au fil du temps. Le débat va donc encore plus loin, et je pense que nous n'avons pas fini d'en parler.
Madame la présidente, j'ai oublié de vous aviser que je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Dans le cadre de ce projet de loi, la possibilité que tous les citoyens, où qu'ils résident au pays, aient accès aux ressources appropriées pour pouvoir prendre la bonne décision en fonction de leur situation me préoccupe grandement. La pandémie actuelle a révélé les failles de nos systèmes de santé. Je ne crois pas que tous les citoyens en milieu rural aient accès à des spécialistes qui peuvent les orienter et leur donner la bonne information afin que chaque personne puisse prendre sa décision en fonction de ce qu'elle vit.
Je me préoccupe également des mineurs et des gens vulnérables. Lors de l'étude du projet de loi , en 2016, j'ai eu l'occasion d'entendre les témoignages de deux personnes qui avaient vécu un accident et étaient passées par tout ce qu'on peut imaginer de plus difficile pour un être humain. Elles m'avaient dit ne pas être convaincues que, si elles avaient eu accès à l'aide médicale à mourir à ce moment-là, elles seraient en face de moi pour m'en parler aujourd'hui, tellement elles étaient complètement démolies en ce moment de détresse.
Je côtoie des gens qui ont vécu ces derniers moments avec une personne qui souffrait et qui avait demandé à avoir accès à l'aide médicale à mourir. Il est sûr que tout cela me préoccupe et m'amène à me demander quelle est la meilleure situation. Est-ce parce qu'on ne dispose pas des ressources nécessaires en soins palliatifs? Est-ce parce que les gouvernements — tant au provincial qu'au fédéral — et les établissements de santé prennent les mauvaises décisions? Je me pose la question.
Je dois dire que je me sens bousculé dans cette démarche aujourd'hui, parce que cela fait quand même un certain temps que les tribunaux nous ont demandé de moderniser cette loi après ce qui s'est passé au Québec. Or nous faisons face à un gouvernement qui a fermé le Parlement sous prétexte que nous étions en pandémie, comme si nous ne pouvions faire plus d'une chose à la fois. Nous sommes 338 députés. Des comités auraient pu continuer à siéger. Nous aurions pu entendre des experts qui auraient pu bien nous éclairer afin que nous puissions prendre une bonne décision — la meilleure des décisions.
Je le répète: c'est quelque chose qui ne sera pas facile pour plusieurs d'entre nous. Nous avons des opinions différentes, au sein de notre parti comme ailleurs. Je tiens cependant à souligner que je suis fier du parti dans lequel je suis et qui me donne la possibilité de voter librement. Je tiens à remercier mon chef de me donner cette possibilité, sans aucune pression de la part de mon organisation. J'espère que tous les partis politiques vont offrir ce choix, parce que c'est un vote de conscience et c'est tout un défi pour nous de représenter les citoyens de nos circonscriptions, qui n'ont pas tous la même opinion. Nous avons aussi notre propre conscience. Il s'agit pour certains d'une question de religion ou de croyances, ce qui fait que nous ne sommes peut-être pas tous au même niveau dans ce dossier.
Personnellement, ce qui me tiraille le plus, c'est de m'interroger sur qui je suis pour décider à sa place ce qui est le mieux pour une personne qui souffre. Je crois que c'est ce qui va dicter ma décision, le jour du vote. J'espère être capable de prendre la bonne décision et que nous pourrons tous ensemble par la suite, avec le gouvernement, mettre en place l'ensemble des ressources nécessaires pour bien informer et éduquer les gens, et transmettre aux personnes vulnérables qui vivent des moments difficiles avec leurs proches tout ce que nous pouvons pour que ces personnes puissent être accompagnées adéquatement afin de prendre la meilleure des décisions.
Pour terminer, j'espère que, la prochaine fois, nous aurons plus de temps pour discuter des gens qui ne sont pas en situation de vulnérabilité, qui ne sont pas malades, qui ne sont pas à la veille de mourir et qui voudraient exprimer un consentement anticipé.
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Madame la Présidente, c'est un honneur de participer au débat sur le projet de loi , qui vise à modifier le Code criminel.
Je dois régulièrement faire des déplacements de quatre ou cinq heures pour aller à Ottawa. Lorsque je suis au Parlement, je me demande souvent si nos discussions intéressent vraiment les gens de ma circonscription. Je suis heureux de participer au débat d'aujourd'hui parce que je crois que le sujet tient beaucoup à cœur aux Canadiens, quelle que soit leur position, et que ce projet de loi pourrait avoir des conséquences pour tous les Canadiens. Je suis très honoré de participer au débat d'aujourd'hui.
Nous étudions ce projet de loi parce que la Cour suprême a jugé inconstitutionnelles certaines dispositions de la première loi sur l'aide médicale à mourir. Le projet de loi vise à retirer la disposition qui prévoit que la mort doit être raisonnablement prévisible. La deuxième proposition importante de ce projet de loi consiste à éliminer la période d'attente de 10 jours. Mes observations d'aujourd'hui porteront sur ces deux changements.
D’entrée de jeu, je tiens à dire que j’appuie le projet de loi. Contrairement à d’autres qui ont pris la parole avant moi, je ne crois pas que le gouvernement aurait dû en appeler de la décision de la Cour suprême. Je félicite le gouvernement d’avoir enfin présenté ce projet de loi, mais il est malheureux que les libéraux n’agissent que lorsque les tribunaux les y obligent. C’est un peu la même chose qu’il y a quatre ans, lorsque les tribunaux ont forcé le gouvernement à présenter la première mesure législative sur l’aide médicale à mourir.
Les personnes en fin de vie ne devraient pas avoir à recourir aux tribunaux pour que le gouvernement agisse. Je suppose toutefois qu’il vaut mieux tard que jamais, et c’est assurément mieux que d’interminables appels des décisions.
Il y a quatre ans, lorsque le projet de loi initial a été présenté à la Chambre, j’ai fait un effort particulier pour savoir ce qu’en pensaient les habitants de ma circonscription. Bien que j’aie personnellement appuyé le projet de loi initial, je voulais aussi que mon vote reflète les opinions des gens que je représente. J’ai donc communiqué abondamment avec eux pour les sonder au moyen d’appels téléphoniques, de courriels, de messages Facebook et d’envois en publipostage.
À ce moment-là, les réponses provenaient de toutes les tranches d’âge et de tous les groupes démographiques. En fin de compte, 77 % des milliers de répondants appuyaient le projet de loi. Incidemment, ce chiffre est très proche du pourcentage d’appui que j’ai reçu aux élections générales il y a à peine un an. Je suis convaincu qu’un sondage semblable aujourd’hui donnerait les mêmes résultats et que la majorité des gens de ma circonscription appuieraient les changements proposés dans le projet de loi.
Ce que j’ai entendu de leur part reflétait mes opinions personnelles. Bien que je respecte tous ceux qui ont des opinions bien arrêtées différentes de la mienne et qui n’appuient pas l’aide médicale à mourir, j’ai l’intime conviction d’être le seul à pouvoir déterminer le seuil de douleur et de souffrance que j’estime raisonnable en fin de vie. Je ne crois pas qu’une institution ou qu’un gouvernement puisse me priver de ce droit constitutionnel.
Certains professionnels de la santé n’appuient pas l’aide médicale à mourir, et ils en ont le droit selon la Constitution. Ceux qui s’opposent à ces changements estiment que ces droits ne sont pas suffisamment protégés dans la loi. C’est peut-être le cas sur le plan juridique, mais les professionnels de la santé qui ne veulent pas administrer l’aide médicale à mourir ont clairement la responsabilité professionnelle d’aiguiller les patients vers des collègues qui acceptent de le faire. En Alberta, on affiche sur le site Web des services de santé de la province une liste des médecins qui sont disposés à administrer l’aide médicale à mourir. Si un professionnel de la santé n’est pas prêt à administrer l’aide médicale à mourir, il doit aiguiller la personne en fin de vie vers un collègue qui accepte de le faire.
Le deuxième élément important de ce projet de loi est la suppression de la période d’attente de 10 jours. Je suis également en faveur de ce changement. Je ne crois pas qu’une personne qui souffre au point de demander l’aide médicale à mourir se réveillera quelques jours plus tard et changera d’idée. À mon avis, la période de 10 jours prévue constituait une souffrance supplémentaire inutile et l’occasion pour ceux qui s’opposent au principe fondamental de l’aide médicale à mourir d’essayer d’amener le patient à changer d’idée. Dans un cas comme dans l’autre, j’estime que c’est immoral.
Je suis certain que la plupart des députés reçoivent les mêmes courriels que moi de la part de gens qui me demandent d’appuyer le projet de loi et d’autres qui s’y opposent. Je n’ai rien contre ceux qui s’opposent à l’aide médicale à mourir. Par contre, je m'inscris en faux contre certaines des justifications invoquées. La liberté de conscience des professionnels de la santé est l’une de ces justifications, et j’en ai déjà parlé.
D'autres estiment que cette mesure législative nous entraînerait sur une pente glissante, à l'instar d'autres pays où l'euthanasie est offerte aux enfants et aux personnes ayant des troubles mentaux. Il s'agit, bien sûr, de faux-fuyants, parce que ce projet de loi ne le permettrait pas. D'autres encore exigent une étude plus approfondie, ce qui n'est qu'une autre tactique dilatoire, comme si on portait en appel une décision des tribunaux. On donne plus de travail aux avocats et, pendant ce temps, les gens continuent de souffrir.
Une augmentation du financement des soins palliatifs a aussi été réclamée par ceux qui s'opposent à ce projet de loi. C'est toujours une bonne chose d'améliorer les soins palliatifs, mais à mon avis, il n'y a pas de lien direct avec le sujet dont nous débattons. Il s'agit ici de personnes qui souhaitent mettre un terme à des douleurs atroces. Ces personnes ne demandent pas qu'on rende leurs douleurs plus supportables.
Le système de santé doit bien s'acquitter de ces deux tâches: il doit permettre aux gens de vivre dans la dignité et d'obtenir d'excellents soins quand la fin de leur vie approche. De surcroît, la prestation des soins de santé relève d'une responsabilité provinciale, et je ne crois pas que cet aspect devrait faire partie de nos discussions.
Depuis l'adoption du premier projet de loi concernant l'aide médicale à mourir, il y a quatre ans, je m'intéresse de près à cet enjeu. Contrairement à d'autres députés, je n'ai pas assisté au décès d'une personne qui aurait choisi l'aide médicale à mourir. Cependant, des dizaines de personnes de ma circonscription ont tenu à me rapporter l'expérience qu'elles avaient vécue auprès d'un proche qui y avait eu recours, décrivant cette expérience comme un moment bien spécial, s'étant déroulé de façon tout à fait appropriée. Ces personnes m'ont remercié personnellement d'avoir participé à la modernisation des lois au pays et d'avoir rendu ce choix possible pour la fin de vie d'un proche.
Personne de ma circonscription n'a communiqué avec moi pour me dire que cette expérience avait été désastreuse. Dans presque tous les cas, on me dit même que la société devrait faire un pas de plus. D'ailleurs, bien des gens croient que le consentement préalable existe déjà. Ils n'en reviennent pas qu'ils n'aient pas le droit de préparer, à l'intention de leurs proches, un document légal lorsqu'ils sont sains d'esprit afin de donner des directives concernant leur fin de vie advenant qu'ils perdent la capacité de le faire. C'est pour cette raison qu'il est essentiel que le tienne des consultations publiques sur l'élargissement de l'accès à l'aide médicale à mourir qui ont été promises il y a quelque temps déjà.
Le doit trouver un moyen de savoir ce que les Canadiens veulent et ne pas obliger ceux qui souffrent à devoir se battre pendant des années devant les tribunaux pour obtenir un changement. Comme quasiment à chaque fois, les libéraux blâment la COVID. Il y a, pourtant, bien des manières de savoir ce que pense le grand public des changements à apporter à l'aide médicale à mourir et le ministre doit lancer ce débat dès maintenant.
En résumé, je me réjouis de ce que le projet de loi soit étudié en comité. Je sais que certains y seront opposés et que d'autres y seront favorables, et feront des présentations en ce sens, et tous doivent être entendus. Quant à moi, j'ai consulté et écouté les habitants de ma circonscription et je n'aurai pas de problème à voter en faveur de cette mesure législative.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec mon estimé collègue d'.
C'est avec beaucoup d'émotions que je me lève pour m'adresser à la Chambre et parler du projet de loi sur l'aide médicale à mourir.
Premièrement, ce projet de loi est le résultat d'une décision de la Cour supérieure du Québec. Cette cour, je la connais très bien. J'ai eu l'immense honneur et la responsabilité de plaider devant ce tribunal dans ma vie antérieure. Les avocats du Barreau du Québec ont le privilège d'avoir un des meilleurs tribunaux dans le monde.
Cette cour a rendu un jugement et, plutôt que d'en faire appel, le gouvernement libéral a dit oui. Le Québec va encore une fois montrer la voie pour le pays tout entier. Notre Québec progressiste et visionnaire va guider le Canada. Cela me rend fière en tant qu'avocate, mais aussi en tant que députée québécoise du gouvernement fédéral.
Le projet de loi a pour but de s'assurer que les personnes comme Mme Gladu et M. Truchon ont les mêmes droits, les mêmes options et les mêmes libertés que ceux qui font face à une mort imminente et raisonnablement prévisible.
[Traduction]
L'arrêt Truchon conclut que le critère d'admissibilité concernant la mort naturelle raisonnablement prévisible est inconstitutionnel. Le gouvernement est d'accord pour dire que l'aide médicale à mourir devrait être un recours possible pour soulager les souffrances et la douleur occasionnées par des maladies graves. Ainsi, il propose, au moyen de ce projet de loi, de modifier le Code criminel de sorte que les Canadiens puissent mettre fin à leurs jours avec une aide médicale si ce choix s'avère être le bon pour eux. À cette fin, le projet de loi propose d'éliminer l'exigence de la mort naturelle raisonnablement prévisible, ce qui rendrait l'aide médicale à mourir accessible aux personnes souffrantes dans un plus grand nombre de circonstances.
Les modifications proposées à la loi sépareraient la marche à suivre en deux volets pour ce qui est d'évaluer une demande d'aide médicale à mourir. Je n'ai pas suffisamment de temps pour décrire en détail ces deux régimes, mais je tiens à en souligner quelques aspects.
Pour les personnes qui souffrent de manière intolérable en raison d'une maladie grave, mais dont la mort naturelle n'est pas raisonnablement prévisible, les mesures de sauvegarde mises en place mettent l'accent sur l'importance de prendre le temps voulu pour évaluer la demande. L'évaluation doit prendre au moins 90 jours et doit être faite par un médecin détenant une certaine expertise de la condition médicale qui cause la souffrance de la personne. De plus, ce délai permettra d'informer la personne des services et outils qui pourraient améliorer sa qualité de vie.
[Français]
Le projet de loi crée également de nouvelles mesures de sauvegarde autour du consentement. Bien entendu, la personne indique son consentement pour le programme d'aide médical à mourir lorsqu'elle demande à être évaluée pour celui-ci. Elle exprime certainement son consentement à le recevoir lorsqu'elle signe officiellement sa demande. Cependant, le consentement qui importe le plus est celui au moment de procéder à l'aide médicale à mourir. Il faudra toujours avoir la certitude qu'une personne souhaite recevoir de l'aide pour mourir au moment où elle la reçoit. Les médecins seront plus à l'aise de procéder dans de telles circonstances.
En raison du type particulier de leur maladie, certains risquent de perdre leur capacité à donner leur consentement entre le moment où ils sont approuvés pour l'aide médicale à mourir et le jour où ils souhaiteraient la recevoir. Bien que nous nous attendions à ce que la plupart des personnes soient prêtes pour l'aide médicale à mourir assez rapidement une fois que leur demande est approuvée, certaines peuvent avoir un désir d'attendre un événement particulier; pensons au mariage d'un enfant ou à la naissance d'un petit-enfant. Pour ceux qui veulent attendre avant de procéder à l'aide médicale à mourir, s'il y a un risque de perte de capacité, un dilemme impossible se pose. Soit qu'ils attendent leur moment familial spécial et risquent de perdre leur capacité à mourir de la manière qu'ils ont choisie, soit qu'ils avancent la date de l'intervention et manquent un moment très important avec leur famille et leurs proches.
Ce projet de loi permettrait donc à une personne qui risque réellement de perdre sa capacité de consentir avant la date choisie pour l'aide médicale à mourir à prendre des dispositions spéciales avec son médecin. Cet accord doit être mis par écrit. Le médecin et l'individu doivent travailler ensemble pour parvenir à un accord qui fonctionnera pour les deux. Cette garantie est importante pour l'individu et pour les médecins puisqu'ils sont ceux qui portent l'énorme fardeau de mettre fin à la vie de quelqu'un.
Le projet de loi aborde une autre situation difficile.
Supposons que, le jour venu, la personne ait effectivement perdu sa capacité à consentir à l'AMM, mais qu'elle reste consciente et alerte, bien qu'elle ne soit pas lucide. Supposons également qu'elle agit ou fait des gestes qui indiquent clairement qu'elle ne veut pas recevoir l'AMM. Le projet de loi aborde cette situation — que l'on espère évidemment rare — en indiquant clairement que le médecin ne doit pas procéder, car, dans ce cas, ce n'est plus la volonté de la personne.
[Traduction]
Pour moi, la notion de la liberté de choix est au cœur de tout cela. J’ai vu ma grand-mère souffrir de la maladie d’Alzheimer. Elle a reçu son diagnostic peu après ma naissance et, dès mon plus jeune âge, elle me répétait sans cesse les mêmes histoires sur sa vie et les leçons de vie qu’elle voulait me transmettre. Elle me racontait qu’elle avait occupé deux, voire trois emplois de front, et qu’elle travaillait même de nuit afin de pouvoir acheter à sa famille sa première maison et offrir une vie meilleure à ses enfants. À force d’entendre ces mêmes histoires, j’ai fini par comprendre que ma grand-mère est probablement la femme la plus forte que j’ai connue. Elle était une force de la nature.
Quand j’avais sept ou huit ans, elle avait oublié qui j’étais; elle ne reconnaissait plus personne et, chaque fois que je la voyais, je devais lui rappeler qui j’étais, ce qui était très douloureux. Quand j’ai eu 10 ans, elle avait oublié le langage; elle ne faisait que marmonner, ce que je trouvais encore très apaisant et réconfortant et, d'une certaine manière, pas trop grave. Par la suite, son état a continué de se dégrader; elle a cessé d’ouvrir les yeux. Elle était en fauteuil roulant et ne marmonnait plus. Quand j’avais 15 ans, aucun muscle ne fonctionnait, sauf ceux contrôlés par des réflexes. Même si rien d’autre ne bougeait dans son corps, elle mâchait ce qu’on lui mettait dans la bouche. Il fallait deux personnes pour la déplacer de son fauteuil roulant à son lit ou pour la changer. Cette situation a duré pendant 10 ans.
À l’adolescence, je n’arrêtais pas de me demander comment on se sentait quand on était prisonnier d’un corps pareil. Je me demandais aussi si c’était vraiment la femme forte que j’avais connue qui habitait ce corps. Ce fut 10 années à entendre des voix chuchoter dans la cuisine « … mais nous ne pouvons rien faire. »
Je ne sais évidemment pas avec certitude quelle décision ma grand-mère aurait prise pour elle-même, mais je sais très bien ce que moi j’aurais voulu. Que les personnes qui prendraient une décision différente pour elles-mêmes ou dont les croyances sont contraires à l’aide à mourir soient rassurées, ce cadre donne à chacun la liberté de prendre sa propre décision.
En vertu du Code criminel, ce n’est pas un crime de se donner la mort, mais c’est un crime de donner la mort à quelqu'un d'autre. Grâce aux changements proposés, les personnes qui ont besoin d'obtenir l’aide d’un médecin pour mettre fin à leurs jours dans la dignité, et qui le souhaitent, pourraient le faire au moment de leur choix.
L’aide médicale à mourir est certes l’un des enjeux sociaux les plus délicats à traiter pour notre société qui se compose de personnes ayant des points de vue et des besoins très diversifiés. Je pense que ce projet de loi établirait un juste équilibre entre les libertés et les droits des personnes en fin de vie qui souhaitent obtenir une aide médicale pour partir en paix et les médecins qui ont besoin d’un cadre clair pour déterminer le moment et obtenir le consentement.
Je demande à tous les députés d’appuyer le projet de loi .
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Madame la Présidente, je suis tellement heureux de pouvoir parler du projet de loi qui introduit des modifications à la loi canadienne sur l'aide médicale à mourir.
C'est officiellement une des décisions les plus difficiles que j'ai eues à prendre depuis que je suis en politique, d'abord municipale en 2009, puis fédérale. Auparavant, je n'avais jamais impliqué ma famille dans mes prises de décisions. Or, pour ce dossier-ci, j'ai décidé de rassembler mes grandes filles et mon épouse à la table de cuisine afin d'avoir des discussions familiales franches et sérieuses.
Notre gouvernement travaille à ce projet de loi depuis 2019. Nous avons eu des discussions sur l'avenir et les choix à faire en tant que parents. Ces discussions ont été extrêmement difficiles. Je sais qu'il s'agit d'une question qui touche de très près les Canadiens, mais nous en parlons peu publiquement. Pourtant, l'aide médicale à mourir est une question très complexe et, pour moi, très profonde.
Hier, lorsque je suis revenu de ma course à pied, un voisin m'attendait sur le perron. Nous avons eu une discussion intense sur l'aide médicale à mourir, une très bonne discussion. Il venait à peine de recevoir un diagnostic de sclérose latérale amyotrophique, il était très ému et cela m'a rendu très ému. Il m'a demandé si j'avais voté en faveur ou en défaveur du projet de loi la dernière fois. Parce que j'avais compris que le droit de la personne de choisir est très important, j'avais voté en faveur du projet de loi. Cette fois encore, je vais dans le même sens que les modifications proposées par les tribunaux du Québec.
Je me suis un peu écarté de mon discours, mais des événements comme ceux-là nous permettent de réfléchir sur les raisons de notre présence ici. Ce sujet a été peu abordé à la Chambre et certains députés de l'opposition ont demandé pourquoi c'était à nous tous ici de prendre ces décisions. Il s'avère que nous avons fait le choix d'être des décideurs et que, parfois, nous avons des décisions difficiles à prendre, comme celle-ci.
Nous nous sommes engagés à mener un processus immédiat et inclusif avec les provinces et les territoires afin de répondre aux jugements récents des tribunaux sur l'encadrement de l'aide médicale à mourir. Pour ce faire, nous avons lancé beaucoup de consultations. Nous avons parlé avec des médecins, des organismes, des gens vulnérables et des gens admissibles. Ces consultations s'inscrivaient dans l'approche progressive de notre gouvernement pour veiller à ce que le cadre fédéral reflète l'évolution des points de vue et les besoins du public canadien. C'est toujours de cette façon que nous prenons les décisions ici, à la Chambre. C'est toujours dans le but d'améliorer le sort de nos concitoyens et d'être les plus équitables possible.
Nous tenions particulièrement à ce que les personnes vivant avec un handicap puissent donner leur point de vue à cet égard. Je me préoccupe beaucoup des personnes handicapées puisque j'ai été le secrétaire parlementaire du ministre responsable des personnes handicapées. Cela a été une expérience incroyable et nous avons rédigé la première loi relative à l'accessibilité, que j'ai à cœur.
Le projet de loi propose de modifier les dispositions du Code criminel portant sur l'aide médicale à mourir afin de donner une plus grande autonomie et une liberté de choix aux personnes admissibles qui recherchent une mort médicalement assistée.
La protection des personnes vulnérables et le respect du droit à l'égalité et à la dignité des personnes vivant avec un handicap sont des considérations essentielles. Plus précisément, le projet de loi propose d'élargir l'aide médicale à mourir aux personnes qui ont des problèmes de santé irrémédiables et dont l'état décline irréversiblement, mais qui ne sont pas en fin de vie.
Le projet de loi propose aussi d'exclure les personnes ayant uniquement une maladie mentale, d'introduire un ensemble de mesures de protection pour les personnes dont le décès n'est pas raisonnablement prévisible tout en maintenant et en assouplissant les mesures de protection existantes à l'intention des personnes dont le décès est raisonnable prévisible.
Le projet de loi propose également de permettre aux personnes dont le décès est raisonnablement prévisible et qui ont été jugées admissibles à l'aide médicale à mourir de consentir de façon préalable à l'obtention d'une aide médicale à mourir en temps voulu, et ce, même si elles perdent leur capacité de décision avant la date choisie et arrangée avec le fournisseur.
Soutenir et faire progresser l'inclusion des personnes en situation de handicap n'est pas nouveau pour notre gouvernement. Dès le premier jour, nous nous sommes engagés à atteindre ces objectifs et nous avons amélioré nos programmes pour mieux répondre aux besoins de ces personnes. Il faut savoir que le gouvernement du Canada respecte pleinement les droits à l'égalité des Canadiens en situation de handicap. C'est pourquoi nous nous efforçons depuis 2015 de faire progresser l'accessibilité et l'inclusion de ces personnes.
À titre d'exemple, nous avons adhéré en 2018 au Protocole facultatif se rapportant à la Convention relative aux droits des personnes handicapées. Cela signifie que les Canadiens ont un recours supplémentaire pour déposer une plainte auprès du Comité des droits des personnes handicapées des Nations unies s'ils estiment que les droits que leur accorde la Convention ont été violés.
En juillet 2019, nous avons adopté la Loi canadienne sur l'accessibilité, que nous sommes en train de mettre en œuvre. Cette loi est considérée comme l'une des plus importantes avancées de la législation fédérale sur les droits des personnes en situation de handicap depuis plus de 30 ans.
En 2019, nous avons également lancé la Stratégie sur l'accessibilité au sein de la fonction publique du Canada afin d'accroître l'accessibilité et l'inclusion des fonctionnaires. Nous avons également apporté des améliorations à la collecte de données, notamment sur les personnes autochtones en situation de handicap. Nous reconnaissons aussi que l'intégration des personnes en situation de handicap ne se limite pas à l'adoption de lois et nous travaillons avec ces personnes et d'autres intervenants pour lutter contre la stigmatisation et les préjugés. Il est important de provoquer un changement de culture pour que les contributions importantes des personnes en situation de handicap au Canada soient reconnues et valorisées au même titre que celles des autres Canadiens.
Le projet de loi C-7 offre aux personnes vulnérables des mesures de protection nouvelles et solides contre les pressions et la coercition et pour garantir que l'aide médicale à mourir demeure un choix éclairé et volontaire.
Aujourd'hui, à titre de secrétaire parlementaire pour les aînés, je constate que ce sujet est de nouveau d'actualité dans ma circonscription et dans nos discussions, et à quel point il est important de donner aux gens le droit de choisir leur fin de vie. Fondamentalement, nous souhaitons établir un juste équilibre entre l'autonomie personnelle des gens qui demandent l'aide médicale à mourir et la protection des personnes vulnérables. Nous souhaitons la plus grande compassion possible dans ce dossier.
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Madame la Présidente, je tiens d'abord à préciser que je vais partager mon temps de parole avec la députée de .
Je prends aujourd'hui la parole à la Chambre des communes pour aborder le projet de loi .
De nombreuses personnes ici présentes ont vécu des histoires qui sont singulières et uniques en lien avec la fin de vie de l'un de leurs proches. Dans mon cas, la plus récente est l'accompagnement de mon beau-père l'an dernier, à qui j'ai tenu la main jusqu'à ce que nous nous soyons assurés qu'il pourrait partir sans souffrance. Je me suis alors rendu compte que tous n'ont pas cette chance. J'ai eu une pensée pour ma grand-mère qui a souffert d'un long et pénible cancer pendant de nombreuses années.
Naturellement, en tant que porte-parole en matière de condition féminine et d'aînés pour le Bloc québécois, j'ai été interpellée par différents groupes relativement à ce projet de loi. Je vais donc rappeler dans ce discours tout le travail réalisé par mon parti autour de cette importante question, tout en insistant sur la grande sensibilité des Québécoises et des Québécois quand il est question de l'aide médicale à mourir. Je conclurai avec la position de certains groupes d'aînés et de femmes qui poursuivent leur réflexion sur ce sujet avec des recommandations très pertinentes.
D'abord, rappelons la raison d'être de ce débat. En septembre 2019, la Cour supérieure du Québec a donné raison à Mme Nicole Gladu et à M. Jean Truchon, tous deux atteints de maladies dégénératives incurables, en affirmant qu'un des critères d'admissibilité à l'aide médicale à mourir était trop restrictif, et ce, tant dans la loi fédérale encadrant l'aide médicale à mourir que dans la loi québécoise concernant les soins de fin de vie.
Deux braves personnes, que des gens que je connais ont côtoyées, demandent simplement de mourir dans la dignité, sans éterniser inutilement leurs souffrances. Atteint de paralysie cérébrale, M. Truchon a perdu l'usage de ses quatre membres et il s'exprime avec difficulté. Souffrant du syndrome post-poliomyélite, Mme Gladu ne voit plus ses douleurs allégées par les médicaments et ne peut rester dans la même position trop longtemps vu la douleur constante. Elle a même déjà affirmé qu'elle aime trop la vie pour se contenter de ce qui est devenu une existence.
Ce dont on parle ici, c'est du critère de mort naturelle raisonnablement prévisible. La juge Christine Beaudoin l'a très bien exprimé dans son jugement: « Le Tribunal n'entretient aucune hésitation à conclure que l'exigence de la mort naturelle raisonnablement prévisible brime les droits à la liberté et à la sécurité de M. Truchon et de Mme Gladu, garantis par l'article 7 de la Charte. » C'est là le cœur de notre débat.
Les demandeurs contestaient le fait qu'on leur ait refusé l'aide médicale à mourir parce que leur mort n'était pas naturellement imminente, et ce, malgré la démonstration légitime de leur volonté de cesser de souffrir. Jean Truchon avait choisi de mourir en juin 2020, mais il a devancé la date de son décès à cause des difficultés liées à la pandémie. Quant à Nicole Gladu, elle est toujours vivante, et je salue son courage et sa détermination.
La position du Bloc québécois sur cette question d'éthique est très claire. Je tiens à remercier le député de de son excellent travail et de sa merveilleuse collaboration dans ce dossier. Rappelons qu'avec le projet de loi C-14, comme plusieurs l'ont démontré, le législateur n'a pas fait son travail, avec pour conséquence le risque de judiciariser des questions qui seraient plutôt d'ordre social ou politique.
Nous ne voulons certainement pas que des personnes qui souffrent de maladies incurables se voient obligées d'aller devant les tribunaux pour avoir droit à l'aide médicale à mourir. Souhaite-t-on vraiment alourdir les souffrances de gens déjà durement éprouvés en judiciarisant leur choix le plus intime, soit la façon dont ils veulent vivre leur mort? D'ailleurs, si nous n'arrivons pas à couvrir les maladies cognitives et dégénératives, ce genre de situation va inévitablement arriver.
Évidemment, nous sommes d'accord pour dire qu'il faut être très prudent avant d'inclure les questions de santé mentale, mais là n'est pas la question aujourd'hui. L'exclusion du projet de loi de l'admissibilité à l'aide médicale à mourir pour les personnes souffrant uniquement de maladies mentales nécessite davantage de réflexion, d'étude et de consultations, ce qui sera fait notamment au Comité permanent de la santé, après l'adoption d'une motion déjà déposée par mon collègue de Montcalm.
Je tiens à rappeler l'importance du Québec en lien avec cette question. En effet, c'est bien chez nous qu'il y a eu la première loi portant sur ce sujet au Canada.
Wanda Morris, membre d'un groupe pour le droit de mourir dans la dignité en Colombie-Britannique, a mentionné que le comité ayant étudié la question avait recueilli l'unanimité de tous les partis à l'Assemblée nationale, ce qui est un modèle pour le reste du Canada. Elle se disait confiante en voyant que cela fonctionnerait au Québec et que les gens étaient heureux d'avoir la possibilité de mourir dans la dignité. Le projet de loi mené au départ par Mme Véronique Hivon était le fruit de plusieurs années de recherches et de consultations auprès de médecins, d'éthiciens, de patients et de citoyens. D'ailleurs, 79 % des Québécoises et des Québécois sont en faveur de l'aide médicale à mourir, contre 68 % dans l'ensemble du Canada. Ce sont des chiffres qui valent la peine d'être connus.
Comme l'a déclaré Véronique Hivon lorsque les partis politiques rassemblés à l'Assemblée nationale ont salué à l'unanimité, en 2015, le jugement de la Cour suprême sur l'aide médicale à mourir:
C'est vraiment un grand jour pour les personnes malades, pour les personnes qui sont en fin de vie. [...] pour le Québec, pour tous les Québécois qui ont participé à ce vaste exercice démocratique [...] que l'Assemblée nationale a eu le courage de mettre en place en 2009. [...] Donc, je pense que, collectivement [...] le Québec a vraiment tracé la voie, et on l'a fait de la plus belle manière possible: de manière non partisane, totalement démocratique.
En cette période de crise, nous avons bien besoin de nous serrer les coudes, de travailler sur un ton constructif pour le bien-être des citoyens d'abord, sans oublier que l'on doit cesser d'opposer la question des soins palliatifs à celle de l'aide médicale à mourir. Il faut être capable d'offrir les deux, d'offrir le choix. Pour cette raison, je vais me permettre de rappeler l'importance d'augmenter à 35 % les transferts en santé au Québec et aux provinces, qui sont mieux en mesure de connaître les réalités de chacune de leurs régions respectives et de s'assurer qu'il y aura le moins possible de disparités entre les différentes régions.
J'aimerais maintenant faire rapport à la Chambre d'une rencontre que j'ai eue avec l'Association féminine d'éducation et d'action sociale, mieux connue sous le nom de l'Afeas, dans le cadre de mes fonctions en tant que porte-parole en matière d'aînés et porte-parole en matière de condition féminine. Lors de cette réunion, des femmes m'ont fait part de leurs préoccupations quant à cet enjeu. Dans le Guide d'animation 2018-2019 de l'Afeas, on peut lire ceci:
Est-ce que l'aide médicale à mourir fait partie de la qualité de vie? Pour les personnes qui n'en peuvent plus d'attendre la fin et qui répondent aux nombreux critères que l'on doit rencontrer pour obtenir cette aide, cette occasion d'exprimer leurs dernières volontés est sans doute bienvenue. Ce sursaut d'autonomie peut être rassurant et peut permettre d'envisager la mort plus sereinement. [...]
Les procédures pour obtenir l'aide médicale à mourir étant très contraignantes, les personnes qui y ont recours le font probablement pour une raison bien simple: elles n'ont plus d'espoir. [...]
Cette procédure n'est pas accessible aux personnes qui ne sont pas en fin de vie. [...] Des personnes qui sont atteintes de maladies dégénératives, qui souffrent dans leurs corps et dans leurs têtes, n'ont pas accès à l'aide médicale à mourir.
Cette rencontre a eu lieu en janvier dernier. La semaine dernière, j'ai reçu un appel de la présidente. Elle m'a rappelé l'importance du projet de loi pour ses membres, mais aussi pour l'ensemble de la population du Québec et du Canada. Il faut continuer le travail sur ce projet de loi en comité, afin d'y apporter les améliorations nécessaires.
Avant d'être élue, j'étais chargée de projet en matière de sensibilisation à la maltraitance et à l'intimidation envers les personnes aînées. J'apprenais aux gens que la violation des droits est un type de maltraitance, que toute atteinte aux droits et libertés, incluant le refus de reconnaître les capacités de la personne à consentir, à accepter ou à refuser un traitement médical, est un type de maltraitance. En 2020, il est plus que temps de viser la bientraitance.
Je conclurai en disant que j'espère que tous ces commentaires et que toutes les expériences vécues au Québec, dans le respect des personnes qui en ont fait la demande et qui ont choisi de mourir dans la dignité, permettront au projet de loi C-7 de soutenir l'aide médicale à mourir avec l'unanimité de tous les députés à la Chambre des communes. Faisons preuve d'empathie envers tous celles et ceux qui souffrent. Offrons-leur le choix. On dit qu'on ne choisit peut-être pas de naître, mais qu'à partir du moment où l'on naît, le cycle de vie est entamé. Offrons-nous le choix de mourir dignement selon nos dernières volontés. Il est plus que temps que ce projet de loi soit adopté. Nous devons agir.
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Madame la Présidente, la mort est un sujet que personne n'aime aborder. Cela nous rappelle notre propre caractère éphémère, ainsi que celui des gens qui nous sont chers et des gens qui font partie de notre univers affectif. Nous n'aimons pas ressentir des émotions négatives. Notre cerveau réagit négativement devant ces émotions en envoyant des hormones qui nous font paniquer.
La mort est un sujet tellement difficile que la plupart des gens se mettent à s'inquiéter pour un proche à la minute que ce proche-là dit les mots « testament », « dernières volontés », ou « arrangements préfunéraires ». On s'inquiète de la santé de cette personne alors qu'elle ne fait que prévoir ce qui va arriver. Cela peut paraître macabre à dire, mais, lorsque l'on donne la vie, on donne automatiquement la mort aussi. Au même titre que l'on planifie toute sa vie — cela commence par nos parents qui planifient nos études et à la suite de cela, de notre côté, le travail, les déménagements, les enfants, et ainsi de suite —, il est possible de planifier sa mort et ses arrangements funéraires sans pour autant être suicidaire.
Pour qu'il y ait mort, il faut qu'il y ait eu vie. Nous sommes ici temporairement sur cette planète et, de ce fait, il faut agir de façon responsable, non seulement pour nous, mais aussi pour les générations à venir. La planète nous est seulement prêtée. Le lieu où nous vivons est temporaire.
J'ai écouté les plaidoyers que mes collègues ont faits la semaine dernière et j'ai également beaucoup lu sur l'aide médicale à mourir. J'en ai même discuté avec papa. Je l'adore. J'espère qu'il va rester avec nous très longtemps. Je suis la fille à papa. Malheureusement, les volontés que mon père a exprimées ne sont pas possibles actuellement. Papa me disait que, si on lui annonçait une maladie dégénérative et qu'on lui disait qu'il allait se passer ceci et cela dans sa maladie, il voulait, rendu à un certain moment de la maladie, pouvoir dire à son médecin qu'il voulait l'aide médicale à mourir et qu'il ne voulait pas aller plus loin que cela.
Pour l'instant, ce n'est pas possible. C'est une chose à laquelle réfléchir.
Même si ces discussions sur les derniers moments de nos êtres chers sont difficiles, il faut les avoir. Elles sont importantes. Elles nous permettent d'être certains de bien respecter la personne jusqu'au bout et jusqu'à la fin. Cela ne veut pas dire qu'elle va choisir l'aide médicale à mourir. Cela veut dire qu'on va savoir ce qu'elle veut vraiment à la fin. Cela peut aussi éviter des déchirements familiaux.
Parmi les points abordés par mes collègues, il y a la crainte de plusieurs organismes de défense des droits de personnes handicapées de voir ces personnes être poussées vers l'aide médicale à mourir. Je dois avouer que c'était aussi une de mes craintes avant d'avoir lu le projet de loi.
Une fois que j'ai eu le projet de loi sous les yeux, j'ai vu que la demande d'aide médicale à mourir doit être faite par écrit par la personne qui la demande et qu'elle peut être retirée en tout temps. Au moment de l'administration du produit, si la personne fait des gestes ou prononce des paroles qui semblent vouloir dire qu'elle a changé d'idée, tout s'arrête. C'est le cas non seulement pour la personne handicapée, mais aussi pour celle dont la mort est prévisible.
Selon la Charte canadienne des droits et libertés, les personnes handicapées ont les mêmes droits que les personnes qui ne vivent pas dans une situation de handicap. Cela implique qu'elles ont le droit à la vie et qu'elles ont le droit de recevoir les traitements qui siéent à leur état. Pourquoi n'auraient-elles pas le droit, elles aussi, à l'aide médicale à mourir si elles remplissent les critères clairement indiqués dans le projet de loi? La personne handicapée n'aurait-elle pas le droit de décider par elle-même simplement sur le fait qu'elle est handicapée? Pour moi, c'est inadmissible. Je refuse cette idée. La personne handicapée est capable de prendre ses propres décisions. C'est un être humain sensé. Ici, il n'est pas question de prendre la décision à la place d'une autre personne.
C'est laisser à la personne le choix de prendre ses propres décisions sur sa propre mort.
J'ajoute que d'autres variables de protection ont été mises en place, notamment le délai de trois mois et le soutien durant ces trois mois. Les collègues en ont parlé. Ce n'est pas toujours facile d'avoir accès à un médecin ou à un travailleur social, par exemple. J'étais en région auparavant. Mon médecin était un généraliste. Par contre, je défie n'importe qui d'avoir un médecin aussi bon que lui, parce que, quand c'était le temps de décrocher le téléphone et de parler à un spécialiste, c'était le premier à le faire. Il n'y avait pas une porte assez solide pour résister à mon médecin. Je souhaite ce type de médecin à tout le monde.
Tous ces éléments me font penser que la personne handicapée n'est pas mise en danger. Elle décidera par elle-même, elle aura les mêmes droits et devoirs que les personnes qui ne sont pas handicapées et pour qui le décès est prévisible.
J'ai lu que des gens s'inquiètent que des médecins proposent l'aide médicale à mourir à des personnes sur la seule base de leur handicap. L'idée même de cette supposition m'est odieuse, puisque aucun médecin ne va penser à pousser quelqu'un vers la mort. Il va d'abord penser à soulager les douleurs de la personne et à lui apporter des solutions de vie. Au-delà de cela, selon le projet de loi, ce n'est pas le médecin qui décide, c'est le patient. Le médecin agit en tant qu'évaluateur de la situation et de la demande. Il n'a pas à proposer, il a à informer. C'est le patient qui demande et propose.
J'ai également lu que certaines personnes croient qu'ouvrir l'aide médicale à mourir aux personnes handicapées pourrait laisser à penser que leur vie ne vaudrait pas la peine d'être vécue. J'ai eu beau lire et relire le projet de loi, je n'ai lu nulle part que la vie d'une personne handicapée ne valait pas la peine d'être vécue. Est-ce que quelqu'un ici est allé dire à Stephen Hawking que sa vie ne valait pas la peine d'être vécue? Est-ce que quelqu'un est allé parler à n'importe lequel de nos athlètes paralympiques pour lui dire que sa vie ne valait pas la peine d'être vécue?
Je m'emporte, parce que, d'un point de vue personnel, j'ai une petite cousine qui a une paralysie cérébrale sévère. Elle ne parle à peu près pas, mais, quand c'est le temps de faire savoir ce qu'elle veut, c'est clair. Elle ne pourra jamais demander l'aide médicale à mourir. Vu son caractère, je suis convaincue que, même si elle avait la possibilité de l'exprimer, elle ne le demanderait pas parce qu'elle est un rayon de soleil, parce que c'est la personne dans la famille qui vient nous dire que tout est beau, que tout est correct et que, en fin de compte, on peut passer au travers de nos gros bobos. Je l'adore. C'est un être qui nous fait voir la beauté du rire et de la complicité.
Sa vie, même compliquée, vaut la peine d'être vécue. Donc, supposer que ce projet de loi viendrait dire que la vie des personnes handicapées ne vaut pas la peine d'être vécue, c'est un autre point odieux qui a été apporté.
Le préambule du projet de loi dit qu'il faut respecter le caractère sacré de la vie, la dignité des personnes âgées et handicapées, de même que prévenir le suicide. Je suis d'accord. Retirer le droit aux personnes handicapées qui sont en mesure de faire le choix de recevoir ou non l'aide médicale à mourir, c'est leur retirer une part de leur dignité, de leurs droits. Est-ce qu'on est prêt à aller là?
C'est traiter ces personnes comme si elles avaient une moindre importance, comme si elles n'étaient pas capables à cause de leur handicap de prendre des décisions. Cette idée m'est encore odieuse.
Ce n'est pas toutes les personnes handicapées qui demanderont l'aide médicale à mourir au même titre que ce ne sont pas tous les citoyens sans handicap qui vont la demander. L'aide médicale à mourir demeure une exception. Elle n'est pas la règle. Elle demeure un choix qui est fondamentalement personnel et qui ne doit en aucun cas être imposé par qui que ce soit.
Certains plaidoyers touchaient en particulier le retrait des 10 jours d'attente entre la demande et l'action pour les personnes dont la fin de vie est prévisible.
À nouveau, j'ai encore des raisons très personnelles d'être d'accord sur ce retrait.
J'ai une tante qui a tout un caractère. Elle a passé cinq ans à se battre contre un cancer et à recevoir des traitements, certains expérimentaux. À un moment donné, elle n'en pouvait plus et elle a demandé l'aide médicale à mourir. Or, à cause de ces 10 jours, ma tante est morte la veille du jour où elle devait recevoir son médicament pour l'aider à mourir...
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Madame la Présidente, avant de commencer, je tiens à vous informer que je partagerai mon temps de parole avec la députée de .
Aujourd'hui, j'ai l'occasion de participer au débat sur le projet de loi à partir de ma circonscription, Guelph. Avant de me lancer dans le débat, je tiens à reconnaître que Guelph est situé sur les terres ancestrales du peuple anishinabe, plus précisément sur le territoire traditionnel de la Première Nation des Mississaugas de Credit.
Je suis fier que le gouvernement ait présenté un projet de loi qui propose des changements pour donner suite à l'arrêt Truchon rendu par la Cour supérieure du Québec en septembre 2019. Les changements proposés découlent des préoccupations et des questions soulevées au cours des consultations menées plus tôt cette année dans le cadre de discussions avec les partenaires provinciaux, territoriaux et autochtones. Par conséquent, nous avons examiné attentivement les expériences passées avec l'aide médicale à mourir au Canada.
Je reconnais que l'aide médicale à mourir est une question profondément personnelle et complexe. Ce matin même, j'ai entendu de nombreux commentaires de mes concitoyens sur ce sujet. Au cours du débat d'aujourd'hui, des députés nous font part d'histoires très personnelles qui ressemblent beaucoup à ce que nous avons entendu lorsque le projet de loi a été présenté à l'origine. Il y a des arguments pour et contre que nous devons reconnaître et examiner.
Certains de mes électeurs qui m'ont indiqué être favorables à ces modifications et à l’adoption rapide de ce projet de loi ont souligné l'importance de pouvoir mourir dans la dignité. Ils pensent que tous les Canadiens devraient avoir un accès égal à l'aide médicale à mourir et que c'est ce que le projet de loi devrait permettre.
Cette année, une électrice de ma circonscription m’a fait part de son expérience personnelle de l’aide médicale à mourir. La question lui tenait beaucoup à cœur parce que l’homme avec qui elle avait partagé sa vie pendant 56 ans, John, est décédé en décembre dernier au terme d’un combat de quatre ans contre la maladie; elle me disait à quel point elle nous était reconnaissante d’avoir entrepris une démarche pour résoudre les problèmes actuels. Elle m’a parlé de l’homme dynamique qu’était John, de son grand cœur, de sa belle carrière et de son éducation impressionnante. Ils avaient déjà parlé de la perspective de vieillir ensemble et de la façon de gérer le vieillissement, mais sans aborder la question de la souffrance et de ses conséquences si elle devenait insupportable. La maladie progressant, John a été transféré dans un établissement de soins de longue durée, où il a passé le reste de ses jours. C’est là qu’elle a vu beaucoup d’autres personnes qui avaient perdu leur indépendance. Elle a constaté avec tristesse qu’il n’y avait pas de dignité ni pour ces gens-là ni pour son mari John, qui n'étaient pas capables de s'occuper seuls de leurs besoins personnels. J’ai vu la même chose se produire dans le cas de ma mère, qui a été malade pendant les 10 dernières années de sa vie. Le témoignage de mon électrice illustre l’importance d’offrir aux Canadiens plusieurs choix de fin de vie, ce qui les aidera à prendre les bonnes décisions pour pouvoir finir leurs jours l’esprit tranquille, dans la dignité et le confort.
Bien sûr, il y a deux côtés à ce débat. D’autres personnes m’ont fait de nombreux commentaires disant qu’elles comprennent que la question est un sujet très personnel et délicat pour tout le monde, mais qu’elles craignent que ces nouvelles modifications n’aient des répercussions sur la communauté des personnes handicapées, comme nous en avons parlé au cours du débat d’aujourd’hui, et sur la liberté de conscience des médecins ou sur le travail que nous faisons pour améliorer les soins palliatifs. Tout cela se rejoint. Bien que sensible à ces préoccupations, je suis également heureux de voir que notre nouveau projet de loi représente un juste équilibre entre l’autonomie et la protection des personnes vulnérables. C’est grâce à de nombreux défenseurs des droits des personnes handicapées qui ont participé activement au processus de consultation, et notamment aux diverses tables rondes qui ont porté sur les problèmes auxquels font face les personnes handicapées. Comme on l’a déjà indiqué dans le débat, 300 000 personnes nous ont donné leur avis en janvier 2020 pour nous aider à en arriver là où nous en sommes aujourd’hui.
De plus, le projet de loi reconnaît expressément la liberté de conscience des fournisseurs de soins de santé et le rôle qu’ils jouent dans l’aide médicale à mourir. Ces nouvelles modifications ne changent pas cette liberté, et je sais que nous continuerons de collaborer avec les provinces et les territoires pour faciliter l’accès à l’aide médicale à mourir, tout en respectant les convictions personnelles des fournisseurs de soins de santé.
Mais la préoccupation que j’ai entendue le plus souvent de la part de mes électeurs est la nécessité d’accorder la priorité aux soins palliatifs plutôt qu’à l’aide médicale à mourir.
En réalité, nous parlons des soins de fin de vie dans ces deux cas. Les Canadiens traités aux soins palliatifs arrivent à la fin de leur vie; ils méritent de recevoir des soins dans le milieu de leur choix et de vivre leurs derniers jours dans le confort et la dignité. Ils méritent aussi la liberté de prendre cette décision fondamentale au sujet de la vie et la mort sans craindre que leur choix personnel ne soit entravé par des politiques ou par le gouvernement.
À Guelph, nous avons la chance d’avoir un merveilleux établissement de soins palliatifs qui a pris de l’expansion au fil des ans, car les gens reconnaissent qu’il représente le type de milieu qu’ils désirent pour les soins de fin de vie.
Malheureusement, 70 % des Canadiens n’ont pas accès à des soins palliatifs adéquats. Nous avons la responsabilité d’agir dans l’intérêt des patients et de leur famille, et c’est pourquoi le gouvernement appuie l’accès aux soins palliatifs et à l’aide médicale à mourir. En phase de fin de vie, les problèmes sont aussi divers que les Canadiens le sont, et ces problèmes changent avec l’évolution des besoins médicaux et avec la disponibilité des procédures.
Il nous incombe, en tant que gouvernement, d’offrir le plus d’options possible aux Canadiens afin qu’ils puissent faire eux-mêmes ces choix profondément personnels. C’est pourquoi le gouvernement a collaboré avec des partenaires, comme les provinces et les territoires, pour élaborer un cadre sur les soins palliatifs. À l’appui de ce cadre, le gouvernement met en œuvre un plan d’action ciblé qui contribuera à améliorer l’accès aux soins palliatifs pour les populations mal desservies, à soutenir les familles, les fournisseurs de soins de santé et les collectivités, et à examiner le financement nécessaire pour exécuter les plans prévus.
Je tiens à profiter de cette occasion pour remercier le personnel de l’Hospice Wellington et sa directrice générale, Pat Stuart, de l’excellent travail qu’ils accomplissent pour soutenir nos citoyens les plus vulnérables, notamment en prodiguant des soins palliatifs.
J’aimerais également remercier les électeurs de Guelph qui ont communiqué avec moi ces derniers mois pour me faire part de leurs commentaires, de leurs suggestions et de leurs expériences personnelles au sujet de l’aide médicale à mourir. Je serai très heureux de discuter de ce sujet important avec mes collègues et avec mes concitoyens afin que nous puissions créer un système qui répond aux besoins des patients et qui permet aux patients et à leur famille de se sentir réconfortés et rassurés.