La Chambre reprend l'étude de la motion, ainsi que de l'amendement.
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Monsieur le Président, il semblerait que c'était effectivement la cause du problème. Je m'excuse mille fois.
J'en étais donc au premier aspect de la reconnaissance du génocide, soit le meurtre de membres du groupe. Plusieurs médecins ont rapporté que jusqu'à plusieurs millions d'Ouïghours ont disparu sans qu'on ait de documentation quant au lieu où ils se trouvent. Il y a déjà au moins deux ans, certains acteurs, notamment Nury Turkel du Uyghur Human Rights Project, suggéraient que plusieurs millions d'Ouïghours avaient disparu. À ce jour, la Chine ne reconnaît toujours pas l'existence de camps de concentration. Le fait de voir un aussi grand nombre de gens disparus peut nous porter à croire qu'il y a eu des meurtres de masse de cette population, bien que ce soit plus difficile à prouver puisque peu de gens se sont évadés des différents camps pour en rapporter l'existence et les conditions qui règnent à l'intérieur.
Le deuxième point mentionné pour la reconnaissance du génocide, c'est l'atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe. À cet égard, plusieurs témoins ont rapporté au comité la possibilité que des prélèvements d'organes forcés aient été opérés sur la communauté ouïghoure. Malheureusement, on n'a pas manqué non plus de témoignages de femmes ayant été violées dans les camps. Des femmes ont témoigné des sévices sexuels, psychologiques et physiques qu'elles ont vécus, ce qui nous permet de croire à l'atteinte du deuxième critère.
Le troisième critère dont on nous parle, c'est la question de la soumission intentionnelle du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle. On sait que de nombreux Ouïghours sont retirés de leur domicile par la force, envoyés dans des camps de concentration et ultimement dirigés vers des usines situées en majorité dans la province du Xinjiang pour contribuer à diminuer la population musulmane dans cette partie de la Chine. On sait que les conditions de travail dans ces usines sont inhumaines, insoutenables. Comme il n'y a généralement que peu ou carrément pas de salaire, on peut parler d'une forme d'esclavage moderne.
Au point de vue de la destruction psychologique, on n'a qu'à penser à la surveillance de masse qui est effectuée par la Chine. Comme on en a beaucoup discuté, notamment avec la question de Huawei, la Chine a une capacité de surveillance qui est exceptionnelle. Le régime de Pékin investit énormément sur le plan de la sécurité et de la technologie. On sait que de nombreuses caméras de surveillance sont installées partout et que, avec la technologie de reconnaissance faciale, on peut s'attaquer spécifiquement à des gens de l'ethnie ouïghoure dans une foule. Il existe donc un sentiment de persécution constante sur le territoire chinois, mais également à l'étranger. On a fait état de techniques d'intimidation, de harcèlement et d'espionnage de la diaspora ouïghoure à l'international, ce qui nous permet de croire encore une fois à l'atteinte du troisième critère.
Le quatrième critère dont nous parle la Convention, ce sont les mesures qui visent à entraver les naissances au sein du groupe. On le sait, il y a eu des témoignages à cet effet. Le Parti communiste chinois pratique une forme de stérilisation de masse des femmes ouïghoures dans le but eugéniste d'en diminuer la population. Des fuites de documents ont permis de montrer que le gouvernement a même une cible précise en matière de stérilisation, selon laquelle on souhaite atteindre une stérilisation forcée de 80 % des femmes ouïghoures en âge de procréer. On l'a constaté, cela fonctionne: le taux de croissance de la population ouïghoure a malheureusement chuté de 84 % entre 2015 et 2018.
Le dernier critère qui permet de conclure à une situation de génocide, c'est le transfert forcé d'enfants d'un groupe à un autre. Encore une fois, il y a eu des témoignages selon lesquels il y a eu séparation d'enfants de leur famille. Des enfants ont été retirés de leur famille pour être placés dans des orphelinats, des écoles ou des camps gérés par l'État dans le but de les rééduquer, de les endoctriner, d'en faire de parfaits petits citoyens pékinois et de nier leur culture.
J'ai fait l'inventaire des critères l'un après l'autre, mais la Convention prévoit que l'atteinte de seulement un des critères permet de conclure à un état génocidaire.
Dans ce contexte, il me semble qu'au lieu de s'appuyer uniquement sur l'analyse technique du génocide, le gouvernement devrait admettre qu'il y a un génocide. Le devrait reconnaître l'existence du génocide, tout comme il l'a reconnu dans le cadre de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
Ce qui ressort des témoignages de plusieurs témoins qui ont comparu devant le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration, notamment, c'est qu'il faut arrêter de s'attaquer simplement aux symptômes si nous voulons nous attaquer au cœur du mal. Il faut arrêter de mettre en place des mesures qui permettent d'aider la population une fois qu'elle a été victime de préjudice et du génocide. Il faut carrément s'attaquer à l'enjeu du génocide. Pour s'attaquer au mal, il faut être capable de le nommer. Cela devient la pierre angulaire des mesures que nous pourrons prendre par la suite pour enrayer le génocide. Encore faut-il reconnaître son existence si l'on veut appliquer les sanctions qui en découleront. Selon plusieurs témoignages, une reconnaissance mitigée ne peut que mener à des mesures mitigées.
Un peu plus tôt, des collègues du gouvernement ont demandé pourquoi les autres pays du Groupe des cinq n'ont pas encore reconnu l'existence du génocide. La réponse ne se situe peut-être pas sur le plan de la reconnaissance du génocide, mais bien sur les relations internationales et la volonté du gouvernement de se tenir droit relativement à ce génocide.
Je vais donner un exemple. Le ministre des Affaires internationales Zhao Lijian a mentionné, au mois de novembre, que si le Groupe des cinq souhaitait s'ingérer dans les affaires du gouvernement et s'en prendre à la capacité de souveraineté, de sécurité ou de développement des intérêts de la Chine, ces Five Eyes, ces « yeux », pourraient s'attendre à être « crevés ». Il s'agit d'une menace directe faite aux différents membres du Groupe des cinq.
À mon avis, cela justifie davantage le fait que le gouvernement doit avoir un rôle de leader en ce qui a trait à la reconnaissance de l'existence du génocide et ne doit pas se laisser impressionner par la brute internationale qu'est la Chine. Reconnaître l'existence du génocide nous permettra d'avoir des mesures claires. De plus, cela pourrait inciter les gouvernements des autres pays alliés, les autres membres du Groupe des cinq, à suivre cette voie.
La reconnaissance du génocide fait que des mesures appropriées et claires pourront être mises en place. Cette reconnaissance devient donc un geste politique qui pourra teinter les autres mesures à suivre.
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Monsieur le Président, j'aimerais remercier la députée de Saint-Jean de partager son temps de parole avec moi.
[Traduction]
J'aimerais revenir sur ses propos. Je prends la parole à titre de parlementaire ayant entendu beaucoup de témoignages de survivants des camps de concentration, d'experts, d'anciens ministres et de diplomates, mais également à titre de citoyen grandement préoccupé, d'humaniste et de défenseur des droits de la personne.
Les témoignages que nous avons entendus au Sous-comité des droits internationaux de la personne ont profondément bouleversé beaucoup de mes collègues et moi. Nous nous souvenons des histoires, des tragédies humaines et des expériences qui nous ont été racontées. Elles resteront à jamais gravées dans notre mémoire. Voilà la perspective à partir de laquelle j'aborde ce débat.
On m'a demandé mon opinion sur ce qui se produit dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. J'ai mentionné les témoignages entendus au Sous-comité des droits internationaux de la personne, un comité parlementaire de la législature actuelle. Dans ce comité, nous mettons de côté nos différends partisans pour nous concentrer sur un problème humanitaire. À titre personnel, à titre de parlementaires, nous mettons en veilleuse la partisanerie pour nous occuper d'une crise très grave. Ce faisant, à la suite des témoignages, nous sommes parvenus à quelques conclusions.
Nous avons déterminé que, premièrement, de graves crimes contre l'humanité sont actuellement perpétrés dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Nous avons appris qu'environ 2 millions de personnes sont détenues dans des camps de concentration, où elles sont notamment assujetties au travail forcé.
Nous avons entendu le témoignage d’une femme qui a été violée et qui a été témoin d’un viol qui s’est déroulé devant 200 personnes. Elle a déclaré que lorsque les personnes témoins de ce viol perpétré par des représentants du gouvernement tressaillaient de dégoût, elles étaient elles-mêmes torturées.
Nous avons entendu le témoignage d’un homme qui a été appréhendé. Tous ceux qui ont été arrêtés ont dit que cela avait été fait sans motif et sans procédure. L’homme qui a été appréhendé a été examiné physiquement à un point tel qu’il pensait qu’il serait disséqué sur la table d’examen. C’est dire à quel point l’examen physique est poussé.
Nous savons qu’il y a environ trois semaines, la BBC a déclaré que tout cela est érigé en système. Si nous lisons les articles publiés par la BBC, nous savons que c’est systématique.
Pire, on sait que cela se fait et est dirigé depuis les plus hauts échelons. Il y a eu des fuites de ce que l’on a appelé les « documents chinois » publiés dans le New York Times en 2019. Il s’agissait de 400 pages de documents originaux publiés par le parti central, montrant qu’il s’agit d’un système selon lequel des personnes sont systématiquement torturées, violées, stérilisées et forcées d'avorter. Cela a été confirmé la même année par le Consortium international des journalistes d’enquête, dont CBC/Radio-Canada est membre. Les documents sur la Chine publiés pour la première fois par le New York Times ont montré ce qui se passe et que les directives opérationnelles partent du sommet. La deuxième fuite, publiée par le Consortium international des journalistes d’enquête, a montré l’opérationnalisation de ce que fait l’État.
Grâce à toutes ces informations, nous savons maintenant que le gouvernement américain, notre plus important partenaire commercial et allié, a qualifié ce qui se passe de génocide. Cela a été confirmé par l’administration Biden, par le secrétaire d’État Blinken, et le gouvernement américain reste ferme à cet égard.
Ce qu'il y a de bien avec le président Biden, c’est que nous savons qu’il travaille avec d’autres pays, y compris le Canada. Je m’attends à ce que toutes les mesures prises par l’Amérique dans ce type de dossiers le soient en coordination avec d’autres gouvernements, en particulier les pays du Groupe des cinq et le Canada.
Les États-Unis ne sont pas les seuls à être parvenus à cette conclusion; un comité parlementaire a fait de même. Il est vrai que le comité n’est pas le gouvernement, qu'il n’est pas le Parlement, mais il a présenté un certain nombre de recommandations. Parmi celles-ci, il y a la déclaration à l'effet qu'un génocide est en cours, qu'il y a du travail forcé, que les Ouïghours sont forcés de fabriquer des produits pour un salaire faible ou nul et qu’ils sont arrachés de leur maison et jetés dans des camps de concentration. Nous avons appris que lorsque les deux parents sont arrachés à leur foyer, les enfants qui se retrouvent orphelins sont transformés en pupille de l’État. Les médias ont rapporté que des installations destinées à accueillir ces enfants sont en construction en Chine en ce moment même. Nous avons appris que depuis 2014, environ 400 000 Ouïghours ont été déplacés hors de la province du Xinjiang vers la Chine continentale pour travailler à la production de biens. Nous avons appris qu’il y a eu des stérilisations forcées et des avortements forcés. On nous a également rappelé que le Canadien Huseyin Celil est emprisonné en Chine depuis 2006. Voilà pourquoi nous avons conclu qu’un génocide est en train de se produire.
Lorsqu’on me demande quelle est ma position personnelle à ce sujet, je dois me montrer solidaire des témoignages que j’ai entendus et des conclusions auxquelles nous sommes arrivés en écoutant les preuves et en les analysant en fonction des définitions contenues dans les pactes internationaux, à savoir la Convention sur le génocide de 1948, dont la Chine est signataire et dont elle a ratifié les documents.
Nous savons que le Canada est maintenant mobilisé. Nous avons une responsabilité de protéger. Le fait de savoir que nous avons cette responsabilité nous oblige à la respecter. C’est une doctrine du droit international. Le Canada a été un chef de file dans la création de cette doctrine. J’aimerais que nous réfléchissions à ceci: le fait de savoir nous oblige à agir.
Que savons-nous, outre ce que nous avons entendu sur le travail forcé, la stérilisation et les avortements? Nous savons que 20 % du coton provient de la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Cela signifie que 20 % des articles en coton sur les rayons des magasins du monde entier proviennent de cette région. Nous savons que 32 % des produits à base de tomate proviennent de la région autonome ouïghoure du Xinjiang, ce qui signifie que 40 % des sauces pour les pâtes sont originaires de cette région. J’aime la pizza et les pâtes, mais je veux manger de la pizza et des pâtes qui ne proviennent pas du travail forcé. Nous savons que 41,72 % du silicium polycristallin utilisé dans la fabrication des panneaux solaires provient de la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Les chaînes d’approvisionnement sont entachées, cela ne fait aucun doute.
En conclusion, nous devons agir. Je tiens à reconnaître que nous avons commencé à agir. Le 21 janvier, notre gouvernement a publié des mesures qui concernent spécifiquement le travail forcé et les graves abus qui se produisent dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Ces mesures sont réelles. Elles portent sur l’importation et l’exportation. Elles touchent cette région et notre interaction en tant que pays avec cette région.
Nous savons que le Canada est le cinquième plus gros investisseur dans la région autonome ouïghoure du Xinjiang. Les parlementaires suivent ce débat. Les gens du monde entier regardent ce débat. Mon message à tous, Canadiens et étrangers, est que le pouvoir leur appartient à tous. Ils ont le pouvoir d’agir. En partageant des informations sur les médias sociaux, en parlant à leurs amis et collègues et en sonnant l’alarme, ils contribuent à réduire les dommages dans le monde et à prévenir de très graves crimes contre l’humanité.
Il n’y a pas que les parlementaires...
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Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Je prends la parole aujourd'hui pour exprimer un profond désarroi, de graves préoccupations et de vives protestations au sujet des mauvais traitements et du génocide que le gouvernement de la République populaire de Chine fait subir au peuple ouïghour et à d'autres musulmans d'origine turque. Le Parti conservateur est solidaire de la communauté ouïghoure au Xinjiang, en Chine, et de sa diaspora.
Plusieurs organisations, dont le Sous-comité des droits internationaux de la personne du Canada et deux administrations américaines, ont maintenant conclu que le gouvernement de la Chine commet des actes génocidaires et d'autres crimes contre l'humanité. Ces actes génocidaires incluent une régulation systémique de la population, des violences sexuelles et des détentions massives. En principe, le Canada est un pays qui ne craint pas de défendre la liberté et les droits de la personne. La Chambre l'a déjà fait: elle a reconnu et condamné sept génocides qui ont été perpétrés dans le monde pendant l'histoire de notre pays.
Avant de continuer, je voudrais brièvement m'arrêter sur une histoire que j'ai lue récemment et qui m'a beaucoup touché. C'est une histoire qui est racontée dans le livre de Daniel Brown intitulé Les garçons dans le bateau. C'est l'histoire de l'équipe d'aviron américaine et de son parcours jusqu'à la médaille d'or lors des Olympiques de 1936, qui ont eu lieu en Allemagne nazie. Dans le livre, deux histoires se déroulent en même temps. La première est celle de Joe Rantz et de l'équipe d'aviron de l'université de Washington. La deuxième histoire tourne autour du ministère de la Propagande nazie et de son désir de montrer une certaine image au reste du monde, ainsi que du débat qui a eu lieu aux États-Unis avant les Olympiques pour déterminer si les Américains devaient participer aux Jeux olympiques.
Vers la fin du livre, les deux histoires se chevauchent lorsque l'équipe d'aviron visite la ville de Kopenick, où se déroulent les compétitions d'aviron. Je vais citer et paraphraser un passage du livre à partir de la page 332.
« Mais il y avait une Allemagne que les gens ne voyaient pas, une Allemagne qui leur était cachée [...] Ils ne savaient rien des flaques de sang qui s’écoulaient dans la Spree [...] en juin 1933, à Kopenick, lorsque la Gestapo a arrêté des centaines de Juifs, de sociodémocrates et de catholiques et qu’ils ont torturé à mort 91 d’entre eux [...] Ils ne voyaient pas le camp de concentration de Sachsenhausen qui était en train d'être construit cet été-là juste au nord de Berlin, où plus de 200 000 Juifs, homosexuels, témoins de Jéhovah et gitans [...] allaient mourir [...] bon nombre des gens de Kopenick que les garçons ont croisés dans la rue cet après-midi-là étaient condamnés [...] et allaient être envoyés à la mort dans des wagons à bétail. »
Dans son livre, M. Brown relate tous les efforts que faisaient les nazis pour donner de l'Allemagne une image triomphante, moderne et supérieure, tout en masquant leur haine de certains groupes dans leur poursuite de la pureté raciale et du pouvoir.
Comme on le sait, l’Holocauste est l’un des sept génocides reconnus par la Chambre des communes du Canada, et aujourd’hui, nous essayons de déterminer si nous devons en reconnaître un autre.
Toutefois, le monde dans lequel nous vivons aujourd'hui est bien différent de celui des années 1930.
L’année dernière, le Sous-comité des droits internationaux de la personne a publié un communiqué sur la situation des Ouïghours et d’autres musulmans d'origine turque. Selon des témoins directs, il y a eu d'innombrables cas de détention forcée où les prisonniers sont privés de leur droit de pratiquer leur religion et de parler leur propre langue; de travail forcé sous le couvert d'un programme de réduction de la pauvreté et de formation professionnelle; de surveillance et de contrôle de toutes les activités quotidiennes, à la manière d'un État policier; de stérilisation forcée et de contrôle de la population, à telle enseigne que le nombre de naissances dans la région du Xinjiang enregistre une diminution considérable selon les plus récentes statistiques de la Chine; de contrôle et de répression. La région du Xinjiang est riche en ressources naturelles et constitue un lien stratégique vers les pays de l’Asie centrale, dans le cadre de l’initiative La Ceinture et la Route.
Tous ces exemples, et bien d’autres malheureusement, répondent à la définition que les Nations unies ont donnée du génocide dans la Convention de 1948 pour la prévention et la répression du crime de génocide, laquelle a été signée à la suite des révélations de l’Holocauste perpétrée par les nazis.
Nous sommes conscients de la gravité d'une comparaison directe avec l’Holocauste. Malheureusement, les preuves sont manifestes. Adrian Zenz, agrégé supérieur de recherches en études chinoises à la Victims of Communism Memorial Foundation, a dit devant le sous-comité que c'était une sorte d'Holocauste 2.0, mais beaucoup plus subtile.
Nous avons tous entendu parler de cette fameuse vidéo prise par un drone en 2019 qui montre des centaines d’hommes en habit de prisonniers portant l’inscription « centre de détention de Kashgar » assis par terre dans une vaste cour à l’extérieur d’une gare ferroviaire. Ils ont les yeux bandés, le crâne rasé et les mains liées dans le dos, et ils sont gardés par des dizaines de policiers en uniforme d'escouade tactique. Je conseille à tous ceux que cela intéresse de regarder la vidéo s’ils ne l’ont pas encore fait.
Peu après la diffusion de ce clip par la BBC, le regretté rabbin Jonathan Sacks, qui était à l’époque le rabbin en chef du Royaume-Uni, a déclaré: « En tant que Juif et considérant notre histoire, voir des gens le crâne rasé se faire embarquer dans des trains vers des camps de concentration est particulièrement bouleversant. »
Selon l'Institut de politiques stratégiques de l'Australie, il y a en Chine 27 camps de travaux forcés où l'on force des personnes déplacées à travailler pour de nombreuses grandes marques.
Il ne s'agit pas de rumeurs ou d'exceptions, mais de cas vérifiés et corroborés. Nous avons des témoignages directs de victimes qui ont survécu et sont arrivées à fuir le régime d'oppression et de torture de la Chine communiste.
M. Omerbek Ali a témoigné devant le sous-comité en juillet dernier. Il a déclaré:
J'ai été électrocuté. On m'a suspendu. J'ai été flagellé avec des fils de fer. On m'a inséré des aiguilles. J'ai été battu avec des bâtons de caoutchouc et on a utilisé des tenailles sur moi.
Mme Gulbahar Jelilova, du Kazakstan, a été enlevée de son hôtel et transportée en prison, où on l'a déshabillée et enchaînée. Des échantillons d'urine et de sang lui ont été pris de force. On lui a administré des pilules et injecté des substances indéterminées. Elle a subi un test de grossesse et des actes de violence sexuelle. Elle a décrit ainsi les menaces que lui a faites l'État chinois:
On m'a parlé et on m'a dit que je devais garder le silence, que si je n'arrêtais pas de parler, on allait me trouver, car la Chine a le bras long. On m'a dit qu'on allait me trouver et me tuer, peu importe l'endroit dans le monde.
Azeezah Kanji, journaliste et universitaire spécialisée en droit, ainsi que son collègue Mehmet Tohti, qui militent depuis longtemps pour les droits des Ouïghours, ont décrit les mesures prises actuellement comme une façon pour le gouvernement de la Chine de mettre en œuvre son « projet de colonie de peuplement et de transformation démographique dans le territoire riche en ressources que la Chine appelle le "Xinjiang". » Ce nom révélateur se traduit littéralement par « nouvelles frontières ». On peut sans doute établir une comparaison terrifiante avec les termes « Lebensraum » et « Anschluss » employés par le Troisième Reich pendant les années 1930 et 1940.
Je cite Mme Kanji et M. Tohti:
[...] comme l'indique une citation bien connue de Patrick Wolfe, éminent spécialiste des colonies de peuplement, « lorsqu'on discute des colonies de peuplement, la question du génocide n'est jamais bien loin ». Dans le cas des politiques de la Chine contre les Ouïghours, la question du génocide n'a rien d'abstrait ou de métaphorique; c'est une réalité concrète et imminente.
Confirmant les ressemblances troublantes avec les méthodes rigoureusement organisées de l'État nazi, Mme Kanji a fait état de documents officiels de la Chine qui ont fait l'objet d'une fuite et qui révèlent l'existence d'une vaste campagne de stérilisation forcée sur le territoire où vivent les Ouïghours.
Human Rights Watch décrit le régime du Parti communiste chinois comme un « État doté de dispositifs de surveillance de pointe orwelliens ». Selon cet organisme, « il n'y a aucun autre gouvernement qui détient 1 million de membres d'une minorité ethnique pour les endoctriner de force tout en attaquant tous ceux qui osent s'opposer à cette répression ».
Qu’en est-il du Canada?
On m’a appris qu’être Canadien signifiait que notre nation défendait des valeurs. Comme des milliers de jeunes universitaires canadiens, je me souviens d’avoir appris le rôle positif que la politique étrangère du Canada a joué au XXe siècle dans des événements marquants comme la signature de la Déclaration universelle des droits de l’homme en 1948, la création par Lester B. Pearson de la Force d’urgence des Nations Unies lors de la crise de Suez et le rôle des soldats canadiens dans le maintien de la paix. On nous a appris que le Canada avait une importance internationale, que ses actions étaient une force pour le bien, que le Canada se tenait au-dessus de la mêlée en tant qu’exemple pour le monde. Le Canada n’est pas seulement un endroit où les gens veulent vivre, c’est une nation que d’autres s’efforcent d’imiter.
L’heure est venue pour notre Parlement de démontrer ces valeurs canadiennes, qui sont toujours d’actualité dans les salles de classe de tout le pays. Le devrait travailler avec ses partenaires américains. Le Canada devrait se joindre aux sénateurs républicains et démocrates des États-Unis pour coordonner une réponse internationale. Le Canada est une nation de principes qui croit aux valeurs fondamentales, des valeurs qui vont à l’encontre des intérêts du gouvernement communiste chinois et de ses objectifs.
Pour en revenir au livre Ils étaient un seul homme, en 1935, la Fédération américaine antinazie a demandé le boycottage des Jeux olympiques dans l’Allemagne nazie. La Fédération américaine d’athlétisme amateur a tenu un vote pour envoyer un comité de trois hommes chargé d’enquêter sur les atrocités. La résolution a été rejetée par 58 voix contre 55.
Contrairement à 1935, nous ne pouvons pas prétendre à l’ignorance ou au manque de connaissances de la population en général. Nous devons exiger au niveau international que la Chine soit tenue responsable de ses actes génocidaires. Par conséquent, nous devons choisir. Le Canada peut soit garder le silence et permettre au président Xi de gagner la faveur et la supériorité internationales grâce à d'autres Jeux olympiques organisés par un régime autoritaire, génocidaire et répressif, soit travailler avec ses alliés de même opinion et dénoncer les horribles violations des droits de la personne perpétrés par Beijing contre le peuple ouïghour. Après tout, s’il y a une part de vérité dans l’idée que le Canada est une nation qui tient à la liberté et aux droits de la personne, le moment serait propice de le prouver.
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Monsieur le Président, un génocide est en train de se produire dans le monde. C'est indéniable. Les preuves sont là. La Chambre le dénonce.
Un million de personnes sont détenues dans des camps de concentration en Chine. On les soumet au travail forcé. On y stérilise les femmes et les force à se faire avorter. On arrache des gens à leur famille, les torture et les tue simplement en raison de leur religion.
Joe Biden et Donald Trump ne s'entendent pas sur grand-chose, mais lorsqu'ils le font, je pense que cela vaut la peine que nous tendions l'oreille. En effet, l'ancienne administration Trump et l'administration Biden actuellement au pouvoir aux États-Unis, c'est-à-dire d'importants chefs d'État du monde, s'entendent pour dire qu'un génocide a lieu à l'heure actuelle en Chine, point à la ligne.
Aujourd'hui, j'amorce mon discours en mettant à profit le baccalauréat en sciences politiques que j'ai obtenu il y a quelques années pour examiner, en rétrospective, l'ancien premier ministre Brian Mulroney et le leadership dont il a fait preuve dans le dossier de l'apartheid en Afrique du Sud.
À l'époque, beaucoup de gens disaient: « Qu’importe! Pourquoi nous mêlons-nous d’un problème qui se trouve à 15 000 kilomètres du Canada, dans un pays avec lequel nous n'avons pas beaucoup de liens? Pourtant, Brian Mulroney s'est levé — contrairement à d’autres dirigeants du monde qui sont restés silencieux — et cela a eu un effet boule de neige, qui a suscité un mouvement de ralliement et a débouché sur des changements réels et tangibles en Afrique du Sud. Aujourd’hui, beaucoup de gens reconnaissent à Brian Mulroney et au Canada le mérite d’avoir fait sortir Nelson Mandela de prison et d'avoir mis fin à l'apartheid en Afrique du Sud. Notre premier ministre de l'époque a tenu tête à ceux qui disaient qu'ils n'étaient pas sûrs, que ce n’était pas leur problème, que c’était sans importance ou qu'ils avaient besoin d’autres analyses. D'autres pensaient peut-être que cela n'en valait pas la peine. Aujourd'hui, avec le recul, nous savons que cette prise de position a contribué à forger notre identité canadienne.
Il a quelques moments de ce genre dans notre histoire. Je pense à la bataille de la crête de Vimy et à tous ceux, hommes et femmes du Canada, qui ont servi avec bravoure pendant la Première et la Seconde Guerre mondiale. Ce sont des moments qui définissent notre identité en tant que Canadiens. Le leadership dont nous avons fait preuve dans le dossier de l'Afrique du Sud a été dur à exercer et allait souvent à contre-courant, mais il a permis des changements réels, sauvé des vies et façonné notre identité. Aujourd'hui, nous ne regardons pas en arrière en nous demandant si cela valait la peine, si c'était important, ou si les faits étaient tels qu’ils étaient ou non. Notre opposition à l’apartheid a contribué à forger notre identité, ici, au pays, et dans le monde entier.
Cependant, si nous sommes fiers de ce que nous avons fait dans le cas de l’Afrique du Sud, nous devons nous rappeler qu’il n’en a pas été de même au Rwanda. La Chambre et notre pays connaissent très bien l'expérience pénible qu'a vécue le lieutenant-général Roméo Dallaire, ancien sénateur et personnalité connue de tout le pays. Au milieu des années 1990, le Canada a abordé différemment le génocide rwandais. Nous en parlons encore aujourd'hui, mais pas avec fierté. Nous nous sommes engagés à l'époque, et à plusieurs reprises depuis, en déclarant que plus jamais nous ne laisserions de telles choses se produire. Bien des discours et des paroles ont été prononcés dans ce sens par des élus, des Canadiens, des chefs militaires et d’autres personnes du monde entier, et beaucoup de promesses ont été faites.
Je crois qu'aujourd’hui, pour notre génération, notre Afrique du Sud et notre Rwanda, c’est la persécution des Ouïghours en Chine.
Certains de mes électeurs de Stormont—Dundas—South Glengarry, ou peut-être quelqu'un qui observe la situation depuis un village de la Saskatchewan, un pêcheur de homards au large des côtes de la Nouvelle-Écosse, un employé qui travaille dans une tour de bureaux de Vancouver ou une famille de la classe moyenne de Mississauga pourraient se dire « Mais quelle importance? » Je leur répondrais que c'est important parce que c’est une mise à l’épreuve de notre identité. C’est une question qui touche toutes nos valeurs et nous oblige à faire ce que nous avons déjà fait: intervenir et prendre position. Ce n’est pas toujours simple de devoir affronter une telle situation, régler un tel problème, mais il faut le faire.
Le Parti communiste chinois ne respecte pas les règles du jeu, et cela nous touche tous. La situation des Ouïghours et le génocide qui sévit là-bas en est un exemple clair et flagrant, mais ce n’est pas le seul.
Il suffit de regarder ce que nous vivons avec la COVID-19, les défis avec l’Organisation mondiale de la santé, avec CanSino et les problèmes liés aux vaccins, le traitement horrible et injuste réservé à nos deux Michael, l’espionnage et l’infiltration de nos institutions. Je pourrais citer plusieurs autres exemples qui montrent que le gouvernement chinois — pas le peuple, mais le gouvernement, le Parti communiste chinois — ne fait pas le bien dans le monde.
Je félicite le Bloc Québécois et j’appuie l’amendement qui a été apporté à la motion aujourd’hui. Plus tôt cette semaine, nous avons parlé du fait que la Chine ne mérite tout simplement pas d’être l’hôte des Olympiques de 2022, et il est encore temps de changer les choses.
La principale raison pour laquelle cette question devrait intéresser tous les Canadiens est que lorsque des gens se font violer et massacrer simplement à cause de leur religion, de la couleur de leur peau ou de ce qu’ils sont, nous avons une obligation morale ici chez nous. Je ne veux pas me lever à la Chambre des communes dans quelques années et déplorer le fait que 800 000 autres personnes ont été tuées pendant que nous observions la situation et que nous nous demandions si c’était bien réel, si nous aurions dû agir ou ce que nous aurions pu faire. Nous avons déjà réagi comme cela auparavant et nous en gardons les cicatrices. Je ne veux pas que cela se reproduise. Je ne veux pas entendre des députés dire qu’ils auraient souhaité avoir agi différemment.
Notre pays est à la croisée des chemins. Allons-nous emprunter la même voie qu’auparavant? Allons-nous affronter cette situation comme nous avons affronté les nazis lors de la Seconde Guerre mondiale et le mal qui sévissait en Afrique du Sud et changer les choses, ou allons-nous agir comme nous l’avons fait pour le Rwanda et vivre avec des regrets?
Aujourd’hui, je pense au million de personnes détenues dans les camps que les Chinois appellent « centres de rééducation ». La recherche, les études et les renseignements disponibles sont on ne peut plus clairs. Les rapports et les témoignages sont dévastateurs. Je regardais les nouvelles il y a plusieurs mois de cela et j’ai vu un homme qui était venu chercher quelqu’un qui sortait d’un de ces centres de détention; la personne tremblait et pouvait à peine marcher. Pour dire vrai, c’est une image que je n’oublierai jamais. Il paraissait à peine vivant. C’était horrible. Il est de notre devoir de défendre ceux qui sont incapables de se défendre eux-mêmes.
Je voudrais terminer mon intervention d'aujourd'hui en évoquant l’expérience vécue par Tursunay Ziawudun, telle qu’elle a été racontée dans un article de la BBC au Royaume-Uni. Mme Ziawudun a indiqué que son cas n’est qu’un exemple de ce qui se passe dans les camps de détention. Elle a expliqué que certaines femmes du camp dans lequel elle se trouvait ont été retirées des cellules pendant la nuit, mais n’y ont jamais été ramenées, et que celles qui ont été ramenées ont été menacées, recevant l’ordre de ne pas dire aux autres détenues ce qui leur était arrivé: « Vous ne pouvez dire à personne ce qui s'est passé; la seule chose qui vous est permise, c’est de vous allonger en silence. » Des femmes ont été stérilisées de force, dont une femme âgée d’à peine 20 ans. « Nous les avons suppliés en son nom de ne pas le faire », a déclaré Mme Ziawudun.
Elle a été libérée en décembre 2018 et s’est enfuie aux États-Unis. Une semaine après son arrivée aux États-Unis, elle a subi une ablation de l’utérus, conséquence de s'être fait piétiner le ventre. « Je ne pourrai plus être mère à présent », a-t-elle déclaré.
Ce n’est qu’un cas parmi d’autres dont nous connaissons l’existence. Nous savons qu'un génocide est en train d'être commis, et nous devons adopter cette motion. Surtout, notre pays se doit d’agir de nouveau dans l’intérêt supérieur du monde entier en défendant les principes humanitaires.
Je pense à ces gens qui, là-bas, se demandent si le reste de l'humanité fera un geste pour eux. Pour ma part, comme membre du Parti conservateur, j’ai déclaré que j’étais prêt à faire ce geste, et les autres partis qui se sont exprimés aujourd'hui et de nombreux collègues des autres partis ont déclaré également qu’ils y étaient prêts. Ce moment est décisif. Je conviens que beaucoup de choses se passent dans le pays actuellement et qu’il y a beaucoup de choses à faire, mais défendre ceux qui ne peuvent pas se défendre eux-mêmes doit en faire partie. La question est la suivante: sommes-nous prêts à défendre les musulmans ouïghours et turcs alors qu’ils ont besoin de nous? En ce qui me concerne, je réponds par l’affirmative, et je crois que la Chambre donnera la même réponse.