:
Monsieur le Président, je propose que le premier rapport du Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis, présenté le jeudi 15 avril, soit agréé.
Je partagerai mon temps de parole avec le député de .
Nous sommes aujourd'hui le 10 mai. La gouverneure du Michigan a annoncé que, dans deux jours, soit le 12, elle mettra hors service la canalisation 5, qui fournit 540 000 barils de pétrole par jour aux raffineries de Sarnia, dans le Sud de l'Ontario, et alimente aussi celles du Québec. Seulement en Ontario, ce sont environ 30 000 emplois qui dépendent de cette infrastructure transfrontalière. Aujourd'hui, nous débattons du rapport du Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis, dont la Chambre a été saisie le 15 avril. Pas moins de 25 jours se sont écoulés depuis, et le n'a pas encore fait mine de s'intéresser à ce dossier.
Dans quelle mesure les besoins en pétrole du Canada seront-ils bouleversés? En fait, 540 000 barils par jour équivalent à environ 25 % de la consommation quotidienne de pétrole du Canada. La pénurie va se faire sentir dans deux provinces, l'Ontario et le Québec, car elle coupera environ de moitié l'approvisionnement en cette matière première énergétique qui est essentielle à la production économique — les produits raffinés servant à la fabrication de produits pétrochimiques, de plastiques et de textiles, et bien d'autres choses encore, qui sont au cœur du secteur manufacturier du Canada —, au chauffage des habitations, au fonctionnement des véhicules et à l'acheminement efficace et rapide de marchandises comme les aliments et les fournitures vers les marchés.
Bref, la fermeture de cette infrastructure aura un effet désastreux pour le Canada. Des dizaines de milliers d'emplois dans la chaîne d'approvisionnement qui alimente l'économie et un secteur manufacturier qui s'est établi grâce à cette infrastructure et qui en dépend; tous attendent, les doigts croisés, l'issue de la situation. On peut dire sans se tromper que la fermeture de cette infrastructure énergétique représente une urgence en matière de sécurité énergétique nationale. La canalisation 5 est pourtant menacée de fermeture depuis le 13 novembre 2020, et nous sommes à deux jours du dénouement. Six mois se sont écoulés. J'ai dit à l'époque que la question devait être résolue rapidement, mais le gouvernement a laissé traîner les choses.
Enbridge, l'une des grandes entreprises du Canada, communique activement avec le bureau de la gouverneure et a soumis le dossier à la Cour fédérale des États-Unis, qui semble être l'entité chargée de ce type de cas. Pourtant, la gouverneure veut que l'affaire soit portée devant un tribunal de l'État. La Cour fédérale a néanmoins statué que les parties devaient entamer des négociations par l'entremise d'un médiateur, et ce processus se poursuit à l'heure actuelle. Il est bon de souligner que la gouverneure ne retournait pas les appels d'Enbridge en lien avec ce dossier avant que le juge de la Cour fédérale ne donne ses instructions. Lors des négociations, bien que ce processus semble productif, la gouverneure a insisté sur le fait qu'elle allait fermer la canalisation 5 le 12 mai, et ce, peu importe la démarche de médiation choisie pour mener les discussions, le moment où elles auront lieu et leur résultat. Il est difficile d'y voir une attitude propice à l'atteinte de résultats ou de compromis.
Pourquoi la gouverneure du Michigan adopte-t-elle une attitude aussi déraisonnable envers un bon partenaire commercial, un partenaire international en matière de sécurité, un partenaire de sécurité énergétique de même qu'un partenaire sur le plan des progrès environnementaux pour une canalisation qui sert de lien énergétique vital pour son État, les États avoisinants et le Canada? Manifestement, pour la sécurité des eaux du bassin des Grands Lacs, elle va fermer un pipeline qui n'a jamais fui et dont l'exploitant respecte rigoureusement les processus réglementaires de l'État afin de le rendre encore plus sécuritaire au moyen d'un tunnel souterrain en béton.
À cause de cette approche malavisée, on en sera réduit à assurer le transport du pétrole par camion, wagon et barge sur les Grands Lacs, toutes des solutions dont l'empreinte et les risques environnementaux sont plus grands, même pour les Grands Lacs, que la solution intrinsèquement sûre du pipeline. Il y a donc d'autres raisons; c'est évident. La gouverneure est une politicienne; il doit donc s'agir de politique. Au bénéfice de qui? On peut faire des hypothèses, mais il est évident que cela se fera au détriment des parties qui dépendent de cette infrastructure énergétique pour leurs subsistances, leurs emplois, leurs fermes, les biens qu'elles produisent et le chauffage dans leurs maisons et leurs granges, et au détriment de liens commerciaux internationaux entre les nations commerçantes les plus amicales au monde. C'est ce qui est réellement en jeu, dans ce dossier.
L'économie du Canada et celle des États-Unis ont prospéré au fil des décennies. Elles ont mieux fait que celle des autres pays développés en raison de la solidité de nos liens commerciaux et de la règle de primauté du droit qui régit nos institutions, notamment nos relations commerciales. L'épine dorsale de ces relations commerciales mutuellement bénéfiques est notre infrastructure et la partie la plus importante de cette infrastructure est, fondamentalement, notre infrastructure énergétique. Les gouvernements canadiens et étatsuniens précédents, toutes allégeances confondues, ont reconnu cela.
En 1977, nos deux gouvernements ont signé l'Accord concernant les pipe-lines de transit afin que le transport et le commerce de l'énergie entre nos deux pays ne souffrent pas de changements d'humeur politique ou d'intérêts personnels à court terme, aux dépens de notre prospérité et de notre sécurité communes à long terme et, pourtant, c'est là où nous en sommes. Le gouvernement d'un État agit unilatéralement, en violation apparente de notre traité international. C'est à se demander si les mots de ce traité ont un sens ou si notre partenaire commercial a compris que le gouvernement canadien ne veut pas défendre la sécurité énergétique du Canada ou, peut-être, ne sait pas comment s'y prendre pour ce faire. La situation ne peut certainement pas s'expliquer par l'incapacité du gouvernement du Canada de reconnaître l'importance de l'infrastructure concernée ni de la sécurité énergétique qui y est associée.
Rappelons que le Canada a vraiment fait piètre figure pendant la négociation du nouvel ALENA, l'Accord Canada-États-Unis-Mexique, alors qu'il a eu pour stratégie d'attendre trop longtemps avant d'aborder les vrais enjeux dont il fallait discuter pour défendre les intérêts du pays. À un certain moment, le Canada a été exclu des discussions commerciales parce que les autres parties ne le prenaient pas au sérieux. Personne n'était sur place pour résoudre les nouvelles questions qui émergeaient. Au final, nous avons obtenu un accord commercial beaucoup moins favorable que le précédent, et nos élus l'ont signé avec soulagement parce qu'il aurait pu être bien pire encore. Le gouvernement actuel considère maintenant comme une victoire le fait de perdre du terrain mais sans perdre complètement. La barre est vraiment basse.
Depuis, les États-Unis continuent de faire fi des dispositions du traité portant sur l'acier et l'aluminium, et ils mettent maintenant de l'avant une politique d'achat de produits américains qui exclut le Canada. L'accès préférentiel aux marchés en prend pour son rhume, tout comme le libre-échange et les traités commerciaux, et le Canada ne lutte pas pour faire respecter les dispositions des traités qu'il a négociés. Le gouvernement actuel s'incline chaque fois. Il faut reprendre les choses en main.
Sur les plans économique et diplomatique, la réputation du Canada dans le monde a chuté rapidement au cours des six dernières années. Le Canada est vu comme un acteur qui manque de sérieux et qui aime mieux faire des déclarations vertueuses qu'atteindre des objectifs ou défendre des principes. Au chapitre de la compétitivité, le Canada est passé de la 5e à la 13e place à l'échelle internationale entre 2015 et 2019. Dans le domaine des affaires étrangères, nos partenaires commerciaux profitent du statut actuel de notre pays et ont recours à la diplomatie des otages pour régler des différends commerciaux.
Dans les journaux de 2030, on pourrait s'attendre à de grands titres comme: « Quand le Canada a-t-il perdu son importance sur la scène internationale? » Le monde désignera la période actuelle, une période où un gouvernement indifférent, sans vision et incapable de faire preuve de sérieux a tenu un discours vertueux sur ce qui lui tient à cœur sans toutefois obtenir de résultats concrets. Il n'a pas su tirer parti des forces du Canada, du rôle qu'il occupe dans le monde et de sa capacité à apporter sa contribution sur la scène internationale. Il a oublié de se concentrer sur les résultats. Il n'a pas su mener à bien des projets de pipeline au Canada après avoir annulé certains projets parmi les plus prometteurs, retardé d'autres projets et rendu le processus d'approbation des projets d'infrastructure moins transparent, ajoutant ainsi des années au processus réglementaire. On a cessé de rendre des comptes et d'exercer une surveillance, et les Canadiens n'ont pas porté attention à cette incompétence. Le Canada a été et est encore dirigé par un gouvernement qui veut rester au pouvoir à tout prix, même s'il doit compromettre l'avenir du pays. Par ailleurs, le gouvernement d'un autre pays, le principal allié et partenaire commercial du Canada, a fait fi d'un traité entre les deux pays en autorisant la fermeture d'un élément d'infrastructure essentiel à la sécurité énergétique du Canada. Pourquoi le gouvernement du Canada n'est-il pas intervenu adéquatement auprès du gouvernement des États-Unis? C'est peut-être parce que les groupes d'intérêt qui ont appuyé la gouverneure du Michigan sont les mêmes groupes sur lesquels le gouvernement du Canada s'appuyait pour faire étalage de sa vertu, à moins que ce soit simplement parce que nous sommes en présence d'un incompétent qui ne savait pas que la collaboration internationale comprenait aussi le fait de participer personnellement aux efforts diplomatiques auprès de son homologue des États-Unis lorsque les intérêts du Canada étaient gravement menacés.
La canalisation 5 est considérée comme un élément d'infrastructure internationale essentiel. Aux États-Unis, sa réglementation relève de la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration. Au Canada, ce genre de dossier relève du ministère des Transports. D'autres ministères clés devraient s'engager activement dans ce dossier, y compris les ministères responsables des affaires étrangères, du commerce international et de l'énergie. Ce dossier exige une approche pangouvernementale, et les efforts devraient être menés par le . Confier ce dossier au , ce n'est pas lui accorder l'importance qu'il mérite. Nous devons faire mieux. Le premier ministre doit...
:
Madame la Présidente, je suis heureux de partager mon temps de parole avec le député de , qui a fait un excellent travail en expliquant la frustration du Parti conservateur à l'égard de la situation.
La fermeture potentielle de la canalisation 5 fait partie de nos priorités depuis novembre 2020, et, une fois de plus, le gouvernement n'a pas tenu compte d'une échéance ou ne s'est pas arrangé pour la respecter. Nous sommes maintenant à deux jours de l'échéance et le gouvernement n'a pas été trop bavard à ce sujet.
Je trouve assez intéressant que le ait déclaré qu'une discussion sur la canalisation 5 et les dizaines de milliers d'emplois qui seront perdus à Sarnia et dans d'autres régions, où les travailleurs sont vraiment inquiets de ce qui va se passer avec la canalisation 5, était une perte de temps. Le fait qu'il déclare qu'il s'agit d'une perte de temps et que la Chambre ne devrait pas se pencher sur la question à chaque occasion possible montre bien l'approche du gouvernement dans le dossier. Les libéraux ne veulent pas en parler et ils n'en ont pas parlé. Comme ils ont ignoré la question et qu'ils ne l'ont pas traitée en priorité, nous nous retrouvons à deux jours d'une échéance imposée par la gouverneure du Michigan et nous n'avons toujours pas de solution.
Je suis vice-président du comité spécial, dont la création est une initiative de l'opposition conservatrice. À nos yeux, la canalisation 5 est une priorité et la politique d'achat aux États-Unis est une menace pour notre pays. Nous sommes donc passés à l'action et avons proposé de créer le comité afin d'entendre des témoins sur ce sujet en particulier. C'est ce que nous avons fait, et tous les témoins entendus ont convenu que l'exploitation du pipeline doit se poursuivre et que la seule façon de régler la situation sans procéder à de longues démarches judiciaires consiste à mettre le du Canada directement en communication avec le président Biden. Cela ne s'est pas produit. Nous n'avons pas vu le premier ministre aborder la question directement avec le président. La question n'est pas devenue une priorité. Comme nous ne voyons pas le premier ministre protester au sujet de la question, nous allons le faire à sa place.
L'opposition officielle va continuer à souligner le fait que le gouvernement laisse tomber les travailleurs de Sarnia et des localités situées le long du tracé du pipeline. En laissant simplement les choses suivre leur cours, le manque à son devoir de manière inacceptable. Il a adopté exactement la même approche dans le dossier Keystone XL. En ce qui concerne l'appui au pipeline Keystone XL, le premier ministre a posé des gestes symboliques et exprimé de bonnes intentions, mais lorsque le président Biden a annulé le projet et, du coup, supprimé des dizaines de milliers d'emplois rémunérateurs et syndiqués, le premier ministre s'est contenté de dire qu'il s'agissait d'une promesse électorale du président et qu'on ne pouvait rien y faire.
Si seulement le du Canada accordait autant d'importance à ses propres promesses électorales, mais il s'en soucie peu. En revanche, lorsque le président Biden déclare qu'il fermera un pipeline et supprimera des milliers d'emplois, le premier ministre du Canada abandonne le combat et les dizaines de milliers d'emplois qui sont en jeu.
Honnêtement, voilà ce qui nous inquiète. Le a de bonnes intentions. Il a dit qu'il aimerait que la canalisation 5 demeure fonctionnelle, mais personne ne croit que son approche serait différente s'il était à la place de la gouverneure du Michigan. En utilisant un prétexte peu convaincant, le premier ministre a fermé et annulé des projets de pipeline qui avaient pourtant été autorisés. Il a annulé le projet Northern Gateway, qui avait pourtant été soumis à une évaluation rigoureuse, avait satisfait à tous les critères environnementaux, avait l'assentiment de la population locale et promettait des retombées de 2 milliards de dollars pour les communautés autochtones au fil du temps. Celles-ci auraient joué un rôle clé dans le projet, mais le premier ministre l'a annulé en prétextant que « la forêt pluviale du Grand Ours n'est pas un endroit convenable pour un pipeline. »
Voilà le niveau d'engagement et de rigueur scientifique qui amène le à annuler un projet de pipeline. Il n'est pas étonnant qu'il reste là à ne rien faire pendant que la gouverneure du Michigan menace la survie d'un autre pipeline. Apparemment, ce pipeline menace aussi les Grands Lacs. Pourtant, il est utilisé depuis des décennies sans nuire aux Grands Lacs, comme l'a souligné le député de . La pire menace pour les Grands Lacs serait d'avoir recours à d'autres moyens moins sûrs et plus polluants, comme le train, le camion ou la barge, moyens dont la circulation augmenterait, pour transporter les 550 000 barils qui passent chaque jour dans le pipeline, un moyen de transport sécuritaire.
Je veux prendre un instant pour remercier la députée de de défendre les intérêts des habitants de sa circonscription. Aujourd'hui, tant les néo-démocrates que les libéraux ont déclaré que ce débat est une perte de temps. La députée de Sarnia—Lambton, quant à elle, défend sa collectivité et les dizaines de milliers d'emplois menacés.
Nous avons parlé à des dirigeants syndicaux, que le prétend appuyer. Je suppose qu'il ne se soucie guère de leur emploi, mais qu'il aime leur vote. Ces dirigeants étaient très mécontents de l'annulation du projet Keystone XL et de la perte d'emplois que cela a engendrée. Ils ont adressé une demande directe au ou, plus précisément, ils lui ont lancé un défi.
Scott Archer, de la section locale 663 de l'Association unie de Sarnia, a dit ceci: […] j'aimerais lancer un défi au [premier ministre] et au gouvernement fédéral. C'est un appel à l'action qui est non négociable. Il faut que vous agissiez concrètement pour protéger les familles, les entreprises et les industries canadiennes. »
J'estime que le n'a pas du tout réussi à relever le défi. Il n'a pas fait de cet enjeu une priorité. Il aime participer à des sommets. Il aime prononcer des discours avec Selena Gomez. Il aime assister à des événements très médiatisés qui le font bien paraître dans les médias. Toutefois, quand il doit s'atteler à la tâche et protéger les travailleurs à Sarnia et en Alberta, le montre exactement ce qu'il pense de cette industrie.
Il a déjà dit qu'il souhaitait éliminer progressivement les sables bitumineux. Il a déjà dit qu'il s'opposait à ce type de pipeline. Les Albertains et les Canadiens de l'Ouest savent pertinemment que le ne défendra jamais leurs emplois. Il a déjà démontré que, pour des gains politiques, il est prêt à les sacrifier, ainsi que l'industrie qu'ils représentent.
Bien franchement, on devrait être en droit d'espérer que le défende ce dossier de façon plus efficace et publique auprès du président Biden au lieu de dire simplement, maintenant que le méchant président Trump est parti, que tout est de retour à la normale. Des menaces imminentes planent toujours à l'horizon.
C'est toutefois le silence radio de la part du . Il semble satisfait de laisser le président Biden faire ce qui lui plaît en ce qui concerne les relations avec le Canada. Peu importe combien de bons emplois syndiqués bien rémunérés seront perdus ou à quel point notre souveraineté énergétique est menacée. Peu importe que des dizaines de milliers d'emplois à Sarnia seulement soient en jeu, ou que des dizaines de milliers de camions passeront à des endroits comme Windsor ou Essex, encombrant des postes frontaliers cruciaux et transportant des produits pétrochimiques sur nos routes. Peu importe tout cela. Le n'a que faire de prendre le téléphone afin que le président Biden prenne ce dossier au sérieux.
Nous savons que la gouverneure Whitmer figurait sur la liste des quelques candidats retenus pour la vice-présidence. Elle entretient des liens étroits avec le président Biden, et il temps que le en tire parti. Il est temps pour lui de tirer profit de la nouvelle relation d'amitié qu'il dit avoir établie avec le président Biden pour faire avancer ce dossier. Pour l'instant, nous n'avons entendu que de belles paroles et des vœux pieux, mais nous n'avons pas vu de gestes ni de résultats concrets.
Les gens qui comptent sur ce pipeline pour pouvoir faire leur travail et subvenir aux besoins de leur famille ne peuvent pas croire le sur parole lorsqu'il dit avoir la situation bien en main, puisqu'il a montré à maintes reprises qu'il est incapable de défendre les travailleurs du secteur de l'énergie et de promouvoir les pipelines canadiens, alors que c'est le moyen le plus sûr de transporter les produits pétroliers partout dans le monde. Il n'est pas prêt à protéger ces emplois. Il n'est pas prêt à défendre cette industrie. Il a déjà abandonné ce secteur à maintes reprises, et c'est ce qu'il fait encore aujourd'hui.
L'opposition officielle ne croit pas que parler de la canalisation 5 et des emplois qui en sont tributaires soit une perte de temps. Nous croyons qu'il est honteux que des députés des autres partis aient dit que c'est une perte de temps et que le n'ait pas su régler ce dossier de façon diplomatique.
:
Madame la Présidente, si on me demandait si je suis surpris ou déçu, je répondrais brièvement que non. Je ne suis pas surpris que les conservateurs présentent une motion d'adoption d'un rapport en particulier. Ces derniers mois, ils ont montré qu'ils ont vraiment cessé de se concentrer sur la pandémie. J'essaie de me faire conciliant lorsque je formule des critiques ici. Je pense toutefois que je dois parfois oser souligner ce que les conservateurs font selon moi, c'est-à-dire n'accorder aucune forme d'importance ni une quelconque attention à un sujet crucial pour tous les Canadiens, ce que devrait pourtant faire l'opposition officielle.
Sans grande surprise, les conservateurs continuent de faire de la politique partisane, comme ils le font depuis un bon bout de temps déjà. Je suis déçu. Encore une fois, les conservateurs insistent pour se livrer à de petits jeux à la Chambre et font de l'obstruction à toutes les occasions qui se présentent afin de nuire au fonctionnement de la Chambre et de nous empêcher de débattre les projets de loi importants, de sorte qu'ils puissent reprocher, au bout du compte, au gouvernement de ne pas être en mesure de faire adopter ses projets de loi. Pas besoin d'être un génie pour comprendre que le Parti conservateur cherche à créer beaucoup de frustration à la Chambre. C'est exactement le comportement que choisit d'adopter l'opposition officielle.
Nous en avons actuellement un excellent exemple. J'ai participé aujourd'hui, par l'entremise de Zoom, à une vidéoconférence avec le , mes collègues du Manitoba et une centaine d'infirmiers de la province du Manitoba. Nous écoutions ce que les infirmiers du Manitoba avaient à dire. Voilà la priorité du gouvernement depuis le début de la pandémie. C'est un net contraste par rapport à ce que nous observons jour après jour de la part du Parti conservateur du Canada, ces derniers mois. Les conservateurs devraient avoir honte.
Le député de tente de donner l'impression que je ne me préoccupe pas de la canalisation 5 et des éléments, dont les emplois, qui y sont rattachés directement et indirectement, ce qui expliquerait pourquoi je ne souhaite pas que nous débattions aujourd'hui de la motion d'adoption du rapport. Ce sont des balivernes. C'est tout simplement faux. Comme tous les députés libéraux, je me soucie beaucoup de la canalisation 5 et des retombées qu'elle a non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis. Nous sommes conscients de l'importance de cet enjeu. Le a fait des observations très claires à ce sujet, tant pendant la période des questions que lors d'autres débats, dont le débat d'urgence.
Bonté divine, le Parti conservateur doit bien se souvenir que nous avons tenu un débat d'urgence à ce sujet jeudi, il y a quelques jours à peine. Les députés devraient écouter ou lire ce qui a été dit à ce moment-là. D'entrée de jeu, les conservateurs ont critiqué vertement Ottawa et raconté que nous malmenions vraiment l'Alberta. Ils ont ensuite continué sur leur lancée de désinformation, prétendant que le actuel et son gouvernement se fichaient de l'Alberta. Les députés peuvent regarder ou lire le débat d'urgence et se faire une idée du genre de commentaires présentés par les conservateurs. Aucun libéral ne s'est opposé à la tenue d'un débat d'urgence.
J'ai eu la chance de prendre la parole lors de ce débat et je vais faire part à la Chambre de certaines des observations que j'ai faites jeudi soir. Toutefois, même s'il y a eu un débat d'urgence, les conservateurs ont présenté une motion d'adoption d'un rapport qui n'a absolument rien à voir avec la canalisation 5 ou la relation entre le Canada et les États-Unis. Je tiens à dire à ceux qui nous écoutent, qui participent au débat ou qui s'intéressent à ce qui se déroule à la Chambre, qu'adopter le rapport n'est pas la véritable raison pour laquelle la motion a été présentée. Les conservateurs peuvent dire ce qu'ils veulent et tenter d'avoir l'air sincères, mais en définitive, leur motion vise davantage à entraver le programme législatif du gouvernement, c'est-à-dire nous empêcher d'accomplir ce que nous souhaitons à la Chambre des communes.
Les conservateurs continuent à exercer des pressions en disant que la Chambre des communes est dysfonctionnelle. Ils tentent de faire deux choses. Primo, ils calomnient leurs adversaires, et je crois comprendre que j'ai fait l'objet de ce type d'attaque tout à l'heure dans une déclaration de député en vertu de l'article 31 du Règlement. Secundo, ils font systématiquement de l'obstruction à la Chambre des communes pour empêcher l'adoption d'importantes mesures législatives.
Voyons plutôt tout le mécontentement que l'attitude irresponsable de l'opposition officielle a suscité sur le parquet de la Chambre des communes. Ceux qui auraient tendance à sympathiser avec les conservateurs devraient se rappeler le projet de loi et les nombreuses heures que nous avons passées à débattre de la formation en matière d'agressions sexuelles que devraient suivre les juges. Le pire, c'est qu'il s'agissait d'un projet de loi conservateur. Il avait failli être adopté, mais il est revenu, sous forme d'initiative ministérielle. Tout le monde l'approuvait, même au Sénat. Il a d'ailleurs obtenu la sanction royale il y a quelques jours. Or, les conservateurs en ont débattu pendant des heures et des heures. Était-ce vraiment nécessaire? Non.
Pensons également au projet de loi . L'énoncé économique qu'il mettait en œuvre a été présenté en novembre, et le texte lui-même, en décembre. Peu importe le moment où nous souhaitions le soumettre au débat, les conservateurs faisaient de l'obstruction en présentant des motions d'adoption. Cette mesure législative contenait pourtant des dispositions importantes, qui permettaient de soutenir financièrement les Canadiens, y compris les familles et les petites entreprises. Il me semble que c'est le genre de chose dont le Parti conservateur aurait dû se soucier, mais non: il était trop occupé à perturber les travaux parlementaires.
Nous devons soumettre le projet de loi à l'attribution de temps. Je rappelle que nous sommes en contexte minoritaire. Nous devons faire tout ce que nous pouvons, y compris prendre des mesures temporaires, pour qu'Élections Canada soit prêt à tout. Malheureusement, les stratèges du Parti conservateur ne l'entendent pas ainsi. Les conservateurs affirment qu'ils veulent se concentrer sur les sujets d'importance, mais ce sont eux qui saisissent toutes les occasions de perturber les travaux et de calomnier leurs collègues. Ce comportement est d'ailleurs tout à fait représentatif de ce qu'ils sont. Ils...
:
Madame la Présidente, je ne faisais que des observations préliminaires pour expliquer le comportement du parti d'en face. Si j'étais député conservateur, je serais embarrassé moi aussi et je voudrais passer directement à la motion sur la canalisation 5.
La Chambre a abondamment discuté de la canalisation 5 dans le cadre d'un débat d'urgence. Si le député avait écouté son collègue qui a présenté le rapport, il l'aurait entendu faire mention aussi de l'accord commercial. Je comprends fort bien l'embarras des conservateurs quand on attire l'attention sur la dure réalité, notamment sur leur force destructrice. Si les conservateurs ne sont pas d'accord avec la direction de leur caucus à la Chambre, je les encourage à discuter de la question.
Toutefois, pour en revenir à la canalisation 5, j'aimerais citer les propos du ministre concernant les mesures qu'il a prises. Le Parti conservateur du Canada affirme que le gouvernement ne fait rien pour protéger la canalisation 5 et qu'il n'en mesure pas toute l'importance. Rien n'est plus faux. Depuis le début de cette crise, le gouvernement suit le dossier et, surtout, il prend des mesures pour trouver une solution.
Jeudi dernier, soit le jour où le débat d'urgence a été demandé, une question a été posée au ministre. J'en ai fait mention au cours du débat d'urgence. J'aimerais citer la réponse qu'a donnée le ce jour-là:
Monsieur le Président, personne ne sera abandonné à son sort. Qu'il s'agisse du chauffage dans les foyers canadiens, du carburant qui garde nos avions dans les airs ou de l'exploitation de nos raffineries, rien de cela n'est négociable.
Non seulement la canalisation 5 est vitale pour le Canada, mais elle l'est aussi pour les États-Unis. Donc, elle est vitale pour toute l'Amérique du Nord. Sa fermeture aurait des conséquences catastrophiques. Quelque 5 000 emplois directs à Sarnia, 23 000 emplois directs dans la région, des milliers d'emplois dans les raffineries de Montréal et de Lévis, mais aussi en Ohio, en Pennsylvanie et au Michigan sont en jeu, et c'est ce que nous faisons valoir. La canalisation 5 est essentielle à la sécurité énergétique nord-américaine.
Le ministre a fourni des réponses à diverses occasions, en garantissant que le gouvernement comprenait l'importance du dossier. L'autre jour, lorsque je parlais de la question de la longévité, j'ai fait remarquer que les produits pétroliers ont d'abord été transportés par les pétroliers et ensuite par les pipelines. Depuis les années 1950, si je ne me trompe pas, le pipeline achemine le pétrole canadien et, depuis, je crois qu'il a été à la hauteur des attentes de la population des deux côtés de la frontière.
Je comprends l'aspect économique. Il ne s'agit pas seulement de l'essence qui est transportée ou du produit fini. Il est question de toutes sortes de biens, comme de l'essence, du propane, des vêtements, et cetera. Est-il étonnant que le gouvernement du Canada soit saisi de cette question?
Nous avons vu comment les conservateurs se sont comportés tout au long du débat d'urgence et durant la période des questions. Je crois que nous n'arriverons à rien d'autre aujourd'hui qu'à entendre les conservateurs parler d'obstruction pendant la période des ordres émanant du gouvernement. Il n'y aura rien de plus que ce que nous avons obtenu jeudi soir dernier. Les conservateurs persisteront à dire que le gouvernement n'en fait pas assez, et qu'il devrait parler à l'un ou à l'autre.
Je vais citer le , que j'ai aussi cité jeudi soir dernier. Il s'agit d'une réponse aux députés conservateurs qui continuent d'essayer de déformer les faits et de donner aux Canadiens l'impression, fausse, que le gouvernement du Canada se croise les bras dans ce dossier.
Durant le débat d'urgence jeudi soir dernier, il a dit:
Nous avons fait connaître notre position dès le départ: nous ne ménagerons aucun effort pour défendre la sécurité énergétique des Canadiens. Toutes les options sont sur la table. Nous poursuivons autant la voie politique, que diplomatique ou juridique. Nous avons sorti l'artillerie lourde, quoi.
Nous avons abordé le dossier de la canalisation 5 directement avec le président des États-Unis et les membres de son cabinet lors du sommet canado-américain qui s'est tenu en mode virtuel, en février dernier. Le premier ministre a aussi évoqué l'importance de la sécurité énergétique sur le territoire nord-américain lorsqu'il s'est entretenu avec la vice-présidente Harris.
Moi-même, j'ai abordé la question avec la secrétaire à l'Énergie des États-Unis, Jennifer Granholm, lors de notre toute première conversation téléphonique. J'ai été franc avec elle et je lui ai expliqué sans détour à quel point ce dossier est important pour le Canada. Le ministre des Transports a parlé de la canalisation 5 à son homologue, le secrétaire aux Transports Buttigieg, dont relève l'organisme fédéral américain qui régit les pipelines, la Pipeline and Hazardous Materials Safety Administration. Or, cet organisme a toujours affirmé que la canalisation 5 ne présente aucun danger. Le ministre des Affaires étrangères a évoqué ce dossier avec son homologue, le secrétaire d'État Blinken. L'ambassadrice Hillman a abordé la question de front avec la gouverneure Whitmer. Pendant ce temps, à Detroit et à Lansing, le consul général Joe Comartin a multiplié les contacts avec les législateurs du Michigan et les membres du gouvernement Whitmer.
J'en profite d'ailleurs pour remercier la gouverneure Whitmer, le consul général à Detroit, Joe Comartin, l'équipe de l'ambassade du Canada à Washington et tous les diplomates canadiens qui ont soulevé la question, que ce soit à Washington, à Detroit ou à Lansing, et qui défendent sans relâche les intérêts du Canada.
On est donc en droit de se poser la question: de quoi parle le Parti conservateur? Est-ce que les conservateurs croient qu'il leur suffirait de claquer des doigts ou de donner un coup de baguette magique pour que le problème soit réglé du jour au lendemain? Est-ce qu'ils croient que, dans trois jours, il n'y aura plus du tout de gaz dans ce pipeline? C'est ce qu'ils cherchent à laisser entendre lorsqu'ils décrivent la situation.
Cet enjeu est très important et loin de moi l'idée de faire quoi que ce soit qui risquerait de banaliser son importance. Toutefois, je vais critiquer le Parti conservateur pour son attitude et sa volonté constante de propager des informations trompeuses sur cet enjeu si important. Parmi les provinces qui seraient les plus touchées, on compte l'Alberta, l'Ontario et le Québec. Toutefois, entendez-moi bien: tout le Canada sera affecté; si ce n'est pas d'une manière directe, ce sera indirectement.
Puisque le ministre, le et le gouvernement en général ont reconnu l'importance de cet enjeu, de nombreuses discussions ont eu lieu. Je me demande si le caucus national du Parti conservateur pourrait présenter de manière précise à la Chambre ce qu'il a fait. Mieux encore, pourquoi les conservateurs ne fourniraient-ils pas une idée concrète au lieu de chercher à aliéner l'Ouest ou à propager des informations trompeuses aux gens de l'Ontario et d'ailleurs?
Le gouvernement du Canada comprend l'enjeu. Il continue d'entretenir la communication sur tous les fronts dans les sphères politiques et diplomatiques. De plus, il utilise bien d'autres mécanismes pour que les arguments du Canada soient aussi solides qu'ils le sont. Nous savons tous que c'est ce qu'il fait.
Nous savons tous que le débat d'urgence aurait suffi et que la vraie raison pour laquelle les conservateurs ramènent le rapport au-devant de la scène en recourant à une motion d'adoption n'a rien à voir avec le rapport en soi. Cela a tout à voir avec la volonté de créer une vague dévastatrice sur le parquet de la Chambre.
:
Madame la Présidente, aujourd'hui, je participe à ce débat à titre de représentant du Bloc québécois au sein du Comité spécial sur la relation économique entre le Canada et les États-Unis, dont je suis également l'un des vice-présidents.
Récemment, il y a quelques semaines, le Comité a consacré quelques séances à l'étude de la canalisation 5, des doutes qui ont été soulevés et des effets potentiels liés à sa fermeture. Si l'on peut dire, l'étude a en fait été un grand spectacle d'unanimisme. Les témoins invités ont tous en chœur affirmé la même chose: la fermeture serait une catastrophe. Cependant, aucun n'a malheureusement été en mesure de chiffrer quoi que ce soit en lien avec les emplois qui sont à risque au Québec.
J'ai posé à chaque témoin la question suivante: y a-t-il des études qui permettent de crier au loup? Aucun d'entre eux n'en avait sous la main. Aucun non plus n'était en mesure d'apporter quelque nuance que ce soit à propos des affirmations du Michigan. Le verdict des témoins était clair: la gouverneure de cet État américain était tout simplement dans le tort. Personne n'a même abordé ni effleuré le début du commencement de la possibilité que tout n'était peut-être pas entièrement infondé.
Je vais dire aux membres de la Chambre que nous, au Bloc québécois, sommes bien conscients que, si la canalisation 5 fermait, cela ne serait pas sans conséquence pour les emplois du Québec. Il est possible que la canalisation 5, c'est-à-dire un pipeline d'Enbridge qui alimente en grande partie les raffineries du Québec, soit fermée, et cela suscite bien sûr des inquiétudes légitimes qui méritent des réponses éclairées.
Je tiens à préciser notre position, qu'on pense idéologique, mais qui ne l'est pas. Nous sommes bien au fait que la canalisation 5 est un moindre mal par rapport, par exemple, aux camions-citernes, lesquels ne sont pas sans danger, ou par rapport au transport du pétrole par rail, dont la tragédie de Lac-Mégantic — résultat des déréglementations successives d'Ottawa dans le secteur — a démontré les risques.
Rappelons qu'en 2013, un train rempli de pétrole a explosé au cœur de la petite ville de Lac-Mégantic, entraînant la mort de 47 personnes en plus de détruire une quarantaine de bâtiments dans un incendie monstrueux. La réglementation défaillante du transport ferroviaire du pétrole s'inscrit pleinement dans la vision canadienne de l'économie. Ottawa a en effet coupé dans le nombre d'inspecteurs tant pour les wagons que les voies ferrées.
Cela touche encore ma circonscription parce que, il y a quelques années, des militants maskoutains, membres d'un regroupement qui s'appelait Convoi citoyen, s'étaient aventurés directement sur les rails non loin de la gare de Saint-Hyacinthe, et avaient pris plusieurs photographies, montrant notamment des fils à l'air libre ou des rails reposant, non pas sur du ciment, mais sur de la terre mouillée. Nous ne sommes donc pas fous et nous savons que la canalisation 5 vaut mieux que le rail et qu'elle est moins dangereuse.
Il est aussi évident que la canalisation 5 vaut mieux que le transport de pétrole par bateau. Le Québec, en particulier le fleuve Saint-Laurent, est devenu un élément central de la géopolitique pétrolière canadienne. Or, l'État québécois n'a malheureusement aucune compétence sur les voies fluviales, maritimes, ferroviaires et aériennes qui traversent son territoire, à moins que celles-ci ne s'y trouvent exclusivement. Malgré les protestations des populations locales, l'État canadien est donc en droit de procéder à sa guise.
En 2014, les municipalités riveraines de Sorel-Tracy et de L'Isle-aux-Coudres se sont plaintes du fait que la largeur des bateaux des superpétroliers avait été augmentée de 32 à 44 mètres sans que les municipalités qui les accueillent aient été consultées et les plans d'urgence, adaptés. Pourtant, on sait qu'à peine 5 à 20 % des hydrocarbures déversés dans le fleuve peuvent être récupérés.
Le cas du lac Saint-Pierre, désigné réserve mondiale de la biosphère par l'UNESCO en 2000, est frappant. En effet, les pressions pour faire interdire le transport de bitume dans cette partie du fleuve sont restées lettre morte, et ce, malgré la publication d'une étude démontrant qu'une marée noire traverserait l'ensemble du lac en à peine huit heures.
Encore une fois, nous ne sommes pas fous. À bien y regarder — sur papier, bien sûr —, la canalisation 5 est un moindre mal par rapport aux camions, aux trains et aux bateaux.
Malheureusement, nous aimerions entendre un point de vue un peu plus critique sur les oléoducs. À l'unanimisme des témoins que nous avons reçus s'ajoutait celui de nos collègues députés. Nous entendions toujours l'ensemble des partis fédéraux se réclamant de la même « Équipe Canada » Je parle plutôt aujourd'hui au nom de l'« Équipe Québec ».
Le Bloc québécois est résolument tourné vers l'économie du XXIe siècle, c'est-à-dire vers les énergies de transition.
Nous avons salué l'intention du président américain de révoquer le permis de construction de l'oléoduc Keystone XL, dont le seul objectif est d'offrir de nouveaux débouchés pour le pétrole des sables bitumineux.
Les citoyens nous font part de leurs inquiétudes quant à la sécurité environnementale des oléoducs, notamment en ce qui concerne les cours d'eau, mais également quant aux conséquences économiques potentielles de leur fermeture. Nous ne sommes pas fous. Nous voulons conserver les emplois, mais pas à n'importe quel prix, parce que nous ne voulons pas faire courir de risques à nos cours d'eau. Nous comprenons aussi l'inquiétude de beaucoup de gens concernant le prix de l'essence à la pompe, parce que le prix de l'énergie et du transport pèse lourd sur le portefeuille des familles québécoises déjà éprouvées par tout ce que l'on vit depuis un an.
Il faut bien sûr distinguer le projet d'oléoduc Keystone XL de la canalisation 5 d'Enbridge. Alors que Keystone XL se veut un projet visant à développer davantage les sables bitumineux, la canalisation 5 a été construite en 1953 et transporte essentiellement du pétrole brut léger et du liquide de gaz naturel vers les raffineries du Québec en passant par les États-Unis, notamment le fameux État du Michigan.
La canalisation 5 a été autorisée par le truchement des règlements du département d'État américain, et non par un permis présidentiel comme pour Keystone XL. C'est une canalisation qui est protégée par l'Accord entre le gouvernement du Canada et le gouvernement des États-Unis d’Amérique concernant les pipe-lines de transit, conclu en 1977. Dans les faits, il reste donc encore aussi des recours légaux à cet égard.
Il faut aussi se demander si une éventuelle fermeture aurait les répercussions aussi catastrophiques qu'on le dit sur les prix de l'essence à la pompe pour les Québécois. On sait que les raffineries québécoises ont aussi d'autres sources possibles d'approvisionnement sur les marchés et qu'une telle fermeture serait surtout problématique pour l'Ontario. On en est conscient.
Rappelons aussi cependant que Terre-Neuve-et-Labrador se classe au troisième rang des provinces canadiennes productrices. En cas de fermeture de la canalisation 5 d'Enbridge, l'idée d'un approvisionnement de source canadienne en provenance de Terre-Neuve-et-Labrador serait encore une possibilité. Par exemple, si des gens voulaient s'approvisionner à proximité, à l'intérieur des frontières du Canada, la province de Terre-Neuve-et-Labrador serait capable d'être une source d'approvisionnement.
Abordons maintenant la question de la sécurité environnementale. Au cours de notre étude, comme je le mentionnais plus tôt, l'ensemble des témoins que nous avons reçus nous ont dit que l'État du Michigan était, de A à Z, à côté de la plaque. Personne n'était capable de considérer que les inquiétudes sont légitimes. Pourtant, on sait qu'il y a eu une fuite en 2010 et un déversement de pétrole dans la rivière Kalamazoo, dans le Sud du Michigan. Il me semble que l'on peut aussi comprendre que le Michigan est inquiet du risque que représentent les oléoducs pour les cours d'eau. À ce moment, les gens d'Enbridge ont dit de ne pas s'inquiéter, qu'ils allaient réellement renforcer la sécurité. C'est bien parfait. Dans ce cas, c'est à Enbridge d'avoir le fardeau de la preuve et de démontrer que des actions réelles ont été entreprises.
Nous serons d'accord pour dire que chaque accident est un accident de trop et que c'est un échec collectif pour protéger les écosystèmes. Parce qu'il y a eu des fuites à la canalisation 5, il est aussi possible que l'idée d'une rénovation de cette dernière ne soit pas à exclure et que le statu quo ne soit pas tenable. Malheureusement, nous n'entendons personne parler ici de cette possibilité.
Il faut maintenant aussi aborder la question pétrolière sur une autre base, parce que le Canada, comme on le sait, détient la troisième réserve de pétrole au monde. Il disposerait, selon les statistiques officielles, de réserves de 172 milliards de barils de pétrole extractibles, dont 166 milliards se trouveraient dans les sables bitumineux albertains. En importance, le Canada est le quatrième producteur mondial et le quatrième exportateur de pétrole dans le monde.
Je veux bien admettre ce qui suit: quand on parle de transition, cela ne veut pas dire qu'il faut se réjouir et souhaiter qu'il n'y ait plus de pétrole dès demain matin. Cela ne se fera pas aussi simplement. C'est la définition même d'une transition. Cependant, il faut avoir un plan.
Entendons-nous quand même, comme le font les scientifiques, sur le fait que 80 % du pétrole doit rester sous terre si l'on veut adopter une approche écoresponsable. Qui plus est, 96 % du pétrole canadien est issu des sables bitumineux; cela indique que la part qui n'en est pas issue est marginale. Le pétrole des sables bitumineux est parmi les plus polluants au monde. Or le site Internet de Ressources naturelles Canada vante le progrès technologique qui mènerait à une quantité moindre de gaz à effet de serre par baril. C'est aussi l'argument qui est avancé par l'Institut économique de Montréal.
C'est vrai que l'industrie pétrolière a évolué très rapidement. Il y a à peine 50 ans, les forages en mer étaient réalisés par des êtres humains. Aujourd'hui, ce sont des robots qui s'acquittent de cette tâche. Il n'en demeure pas moins que, sur le plan environnemental, entre 1990 et 2018, les émissions de gaz à effet de serre provenant de l'exploitation des sables bitumineux ont augmenté de 456 %.
Il y a aussi un problème économique majeur dans le fait de ne dépendre que de cette source d'énergie. Historiquement, on appelle ce phénomène la maladie hollandaise. Cela désigne un processus de désarticulation structurelle de la production, qui peut s'accompagner de désindustrialisation d'un pays et qui est causé par un important secteur d'exportation de matières premières. L'exploitation de ressources naturelles sera alors étroitement liée au déclin de l'industrie manufacturière du pays en question. Cela rappelle-t-il quelque chose à mes collègues? Selon moi, cela évoque certainement la perte de plus de 100 000 emplois liée à la hausse du dollar canadien, elle-même reliée à la hausse des exportations de pétrole.
Le terme « maladie hollandaise » est apparu au cours de la décennie 1960, quand les revenus des Pays-Bas ont connu une importante augmentation lors de la découverte de gisements de gaz. La monnaie s'est ensuite appréciée, ce qui a nui aux exportations qui n'étaient pas gazières. On retiendra quand même la maladie hollandaise comme un nécessaire rappel qu'un pays doit impérativement ne pas dépendre uniquement de son secteur des matières premières.
Le développement économique canadien est centré sur l'extraction des matières premières. C'est un paradigme qui est présent depuis les débuts de l'expérience canadienne, quand la colonie canadienne se spécialisait dans les marchandises en vrac, les produits de l'agriculture et les matières extractibles destinés à l'exportation. Ce sont des produits qui ne nécessitent pas beaucoup de transformation et leur marché est en grande partie conditionné par le commerce international.
L'histoire du Canada est marquée par la recherche, par l'état et par le capital quant à l'extraction de produits qui possèdent déjà un marché. C'est la voie facile, en somme, pour pouvoir payer les travailleurs canadiens et importer les biens demandés par les consommateurs. La croissance économique canadienne était ainsi étroitement liée à l'état de la demande dans les pays industrialisés avec lesquels le Canada faisait affaire.
La vie politique canadienne est fortement influencée par la dépendance aux exportations, parce que le pouvoir politique et la richesse sont concentrés entre les mains de l'élite qui, historiquement, faisait converger les deux. Il faut dire que les contraintes géographiques expliquent aussi tout cela. L'État doit fournir certains capitaux que le milieu d'affaires n'a pas les moyens d'envisager.
Toutefois, l'accent mis sur l'exportation des matières premières a des conséquences importantes sur les politiques publiques. La classe politique est appelée, pour préserver la compétitivité nationale, à fournir des infrastructures, mais aussi à ajuster ses réglementations environnementales et sanitaires.
Par contre, le développement de ces denrées ne nécessite pas un niveau de spécialisation technique particulièrement élevé, vu l'absence de transformation importante du produit. Finalement, le territoire canadien n'est plus qu'un arrière-poste qui sert à fournir les produits bruts qui vont être ouvragés par les industries de transformation, pour le grand bénéfice du développement économique des pays industrialisés et des compagnies canadiennes impliquées.
Les ressources consacrées à soutenir ces exportations sont appelées à grossir perpétuellement. C'est donc un schéma sans fin. Je rappelle que le chemin de fer qui est à l'origine même de la création du Canada devait être rentabilisé par le transport des denrées, ce qui a contribué à geler l'exploration de nouvelles voies technologiques. Finalement, le résultat a été de renforcer encore plus la dépendance aux produits qui n'étaient pas transformés. C'est donc une logique d'autorenforcement. La dépendance accrue aux exportations de matières premières amène une nécessité d'investissements accrus dans les infrastructures de transport. Ce sont donc des sommes qui ne sont pas injectées dans d'autres domaines de l'économie.
C'est la base de l'histoire coloniale, mais, depuis, l'économie canadienne s'est diversifiée, elle s'est complexifiée. Elle ne se résume pas aux forêts du Québec, aux fermes de la Saskatchewan, aux mines de l'Ontario ou au pétrole albertain, bien entendu. Les marchés ont changé, il y a de nouveaux débouchés qui ont été trouvés, les villes se sont peuplées. Cependant, force est d'admettre que le Canada reste fidèle à cet esprit, en optant encore et toujours pour une spécialisation dans le domaine des ressources naturelles pour tirer son épingle du jeu dans la compétitivité mondiale.
L'Ouest canadien a ainsi misé maximalement sur l'extraction pétrolière, délaissant la nécessaire diversification de l'économie. Or, pour revenir à la maladie hollandaise, les conséquences peuvent être encore plus grandes, si ledit secteur connaissait lui aussi des difficultés comme un épuisement des gisements ou des fluctuations du prix du baril.
L'impact sur l'avenir économique du Canada est considérable. On paie aujourd'hui avec la crise de la COVID-19, avec celle du pétrole, le prix du soutien indéfectible d'Ottawa, des banques et des fonds de pension au secteur du pétrole. Les fonds de pension, dont la Caisse de dépôt et placement du Québec, ont multiplié les investissements dans ce secteur. Les pensions des Canadiens et des Québécois ont donc été mises à risque, en étant dépendantes des fluctuations pétrolières. La part d'entreprises étrangères qui se sont lancées dans le pétrole n'a pourtant jamais cessé de baisser depuis quatre ans. Cela rapporte donc très peu de redevances.
Le pétrole de schiste, par exemple, est une très mauvaise opportunité de développement. Le Canada semble malgré tout en être prisonnier. L'un de ses plus grands drames, c'est que sur le marché mondial, au cœur de cette grande lutte géopolitique, le Canada est, au bout du compte, un joueur mineur qui est incapable d'influencer le jeu. On perçoit bien les ennuis que peut apporter une obstination à mettre tous les œufs dans le même panier qui est celui d'un secteur énergétique déréglementé et fluctuant.
Il est très ardu de sortir du pétrole, par contre. Quand le prix est élevé, les investissements pleuvent. Le secteur des énergies renouvelables cherche à se développer, mais l'argent ne va pas là, parce que les investissements pleuvent dans le pétrole. À contrario, quand le prix est faible, les investissements vont être minimes, faméliques, mais les consommateurs, que ce soit les particuliers ou les entreprises, vont se bousculer à la pompe. Il n'y a donc pas plus d'argent pour les énergies renouvelables. C'est donc, pour le dire dans la langue du Canada, un lose-lose pour quiconque pense à une réelle transition. C'est là-dessus qu'il faut qu'il y ait de la volonté politique. Il nous faut impérativement et urgemment opérer la transition. Les crises sont des moments lourds de conséquences, mais peuvent aussi être porteuses d'occasions.
La transition énergétique pensée et réclamée depuis si longtemps doit en fait être enclenchée de manière décisive. Il nous faut sortir du pétrocanadianisme. D'ici là, ce n'est pas un luxe d'exiger que l'approvisionnement se fasse en toute sécurité. Autrement dit, la canalisation 5 est un moindre mal par rapport à d'autres modes de transport qui sont plus dangereux. Il faut cependant ne pas en dépendre. Il faut également observer de très près les réelles considérations environnementales qui peuvent être liées à la sécurité et qui sont pleinement légitimes. Il s'agit de ne pas les rejeter du revers de la main comme la classe politique canadienne semble le faire.