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FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 1er mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Bonjour à tous. Bienvenue à la 63e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
     La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres peuvent assister à la réunion en personne dans la salle ou à distance en utilisant l'application Zoom.
     J'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres.
     Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas. Pour l'interprétation, les utilisateurs de Zoom ont le choix au bas de leur écran entre le parquet, l'anglais ou le français. Les membres présents dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal désiré. À titre de rappel, tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. Pour les membres présents dans la salle, si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les députés qui utilisent Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ». La greffière et moi-même gérerons l'ordre des interventions du mieux que nous pourrons, et nous vous remercions de votre patience et de votre compréhension à cet égard.
     Conformément à la motion de régie interne du Comité relativement aux tests de connexion pour les témoins, je tiens à informer le Comité que tous les témoins qui comparaissent virtuellement ont effectué les tests requis avant la réunion.
     Avant de passer à l'étude, j'aimerais soulever un autre point. Mme Widmer me signale que je m'écarte de mes notes.
     Je rappelle à tous qu'un vote aura lieu aujourd'hui à 13 heures et que nous entendrons la sonnerie à 12 h 30. J'ai parlé plus tôt avec Mme Sidhu du fait que nous avons des témoins et que nous pourrions travailler pendant la sonnerie et peut-être voter virtuellement, ou quelque chose du genre. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voulais simplement en parler à tout le monde, car nous aurions alors besoin d'un consentement unanime pour poursuivre le travail, de sorte que nos témoins ne repartent pas sans que nous ayons eu la possibilité de poser nos questions.
     Je vais en rester là pour l'instant, mais lorsque nous entendrons la sonnerie, nous aurons besoin d'un consentement unanime pour continuer.
     Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février 2022, le Comité reprend son étude sur la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
     Avant de présenter nos témoins, je dois vous avertir que le sujet de notre étude est très délicat. Nous allons discuter de situations mettant en cause la violence qui risquent d'ébranler des téléspectateurs, des membres du Comité ou du personnel qui auraient vécu des expériences semblables. Si vous éprouvez de la détresse ou si vous avez besoin d'aide, je vous invite à le signaler à la greffière ou à moi-même.
     Il y a eu quelques changements. Je vous signale qu'il y a eu quelques changements ce matin. J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre premier groupe de témoins.
     Nous accueillons aujourd'hui Mme Tiana Sharifi, directrice générale d'Exploitation Education Institute, et Mme Timea Nagy, directrice générale et fondatrice de Timea's Cause Inc., qui est avec nous par vidéoconférence. En personne, nous accueillons les deux cofondatrices de Persons Against Non-State Torture: Mme Jeanne Sarson et Mme Linda MacDonald.
    Vous aurez au départ cinq minutes chacune. Lorsque vous me verrez agiter mon stylo, vous comprendrez que cela veut dire que vous devez conclure.
     Nous allons commencer avec Mme Sharifi pour cinq minutes.
     Vous avez la parole, madame Sharifi.
     Madame la présidente et honorables membres de la Chambre des communes, je tiens à vous remercier de m'offrir l'occasion de m'adresser à vous. C'est un honneur pour moi d'être ici avec vous aujourd'hui. Je m'appelle Tiana Sharifi. Je suis la directrice générale d'Exploitation Education Institute, une organisation autrefois connue sous le nom de Sexual Exploitation Education, ou SEE. Je travaille dans le domaine de la traite des personnes depuis 10 ans et j'ai éduqué plus de 80 000 Canadiens à cet égard. Je vous parle aujourd'hui en tant que personne qui possède des connaissances et de l'expérience dans ce domaine, en tant que femme et en tant que mère.
     À titre d'information, l'Exploitation Education Institute est une organisation basée à Vancouver, en Colombie-Britannique, qui se spécialise dans la prévention de l'exploitation sexuelle des enfants et des adolescents partout au Canada. Nous travaillons en offrant des services de consultation. L'an dernier, nous avons été mandatés par l'International Cybercrime Research Centre et nous sommes coauteurs de recherches sur l'existence de la traite des personnes dans les sites d'escorte.
     Nous avons fait une présentation dans le cadre d'une formation nationale de la GRC à l'intention des forces de l'ordre de l'ensemble du Canada, nous donnerons une formation dans le secteur de l'éducation lors du Sommet canadien sur l'exploitation sexuelle qui aura lieu dans quelques jours, et nous offrons de la formation dans le cadre de nos programmes d'éducation. Nos programmes d'éducation à l'intention des étudiants sont soutenus par le ministère de l'Éducation de la Colombie-Britannique et d'autres conseils scolaires du pays. Depuis le mois de janvier dernier, nous avons sensibilisé plus de 20 000 élèves et 7 000 groupes d'adultes, qu'il s'agisse de parents, d'enseignants ou de fournisseurs de services.
     Je vous fais part de cette expérience afin que vous puissiez mieux comprendre comment la pandémie a transformé le conditionnement et le recrutement aux fins d'exploitation sexuelle au Canada, ainsi que sur ce que nous considérons être des programmes de prévention efficaces.
     Au fil des ans et de mon travail dans ce domaine, j'ai vu le problème de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle évoluer et se transformer considérablement avec l'émergence du monde numérique. Je crois que ce changement doit faire partie de toutes les études actuelles et futures portant sur la traite des personnes au Canada.
     Vous savez peut-être, par l'entremise de Statistique Canada, que la majorité des victimes de la traite des personnes sont des citoyens canadiens et que près de 70 % des victimes déclarées à la police ont moins de 25 ans. Vous connaissez peut-être les méthodes traditionnelles de recrutement de personnes à des fins d'exploitation sexuelle, y compris le processus de liaison amoureuse — que nous pourrions appeler le « proxénète à la Roméo » —, et les recruteurs, qui attirent leurs victimes en leur promettant un mode de vie luxueux ou en leur faisant miroiter la satisfaction de besoins essentiels, ce qui aboutit finalement à leur exploitation sexuelle.
     Bien que ces tactiques traditionnelles existent encore en personne et dans le monde numérique, les plateformes de médias sociaux et les influenceurs, ceux qui ont une forte présence ou qui ont un grand nombre d'abonnés, ont maintenant changé la nature même de l'exploitation sexuelle.
     L'exploitation sexuelle peut être définie comme le fait pour un mineur de se livrer à une activité sexuelle en échange de quelque chose. C'est ce que nous appelons un besoin, un échange pour combler un besoin, que ce soit un besoin de logement, de drogue, de sécurité financière, de protection ou d'amour. Cela confirme la très grande complexité de ce crime, un facteur que nous ne devons jamais oublier, car la victime a elle aussi l'impression d'en avoir profité d'une manière ou d'une autre par la satisfaction de ses besoins.
     Alors que traditionnellement les populations vulnérables à l'exploitation sexuelle étaient définies comme ayant des besoins de bases non satisfaits, comme la drogue, le logement, la famille — par exemple, de jeunes en fugue ou placés en famille d'accueil —, le monde numérique a changé cette étiquette traditionnelle. En ligne, les jeunes cherchent à répondre à des besoins de niveau plus élevé, notamment l'appartenance, l'estime de soi et le sentiment de réalisation de soi. Ce sont des besoins que tous les mineurs et les adultes cherchent toujours à satisfaire. C'est pourquoi nous constatons que des mineurs qui normalement ne correspondaient pas au profil traditionnel des personnes à risque le sont maintenant avec Internet.
     D'une part, la pandémie a exacerbé les vulnérabilités associées à la présence en ligne. L'isolement à l'échelle nationale a entraîné chez les enfants et les jeunes un besoin accru d'établir des liens. Notre organisation a entendu de première main un nombre préoccupant d'enfants et de jeunes qui admettent avoir cherché à établir des relations amoureuses ou des rencontres séduisantes par le biais des plateformes de médias sociaux qu'ils utilisent. Ce phénomène augmente sans cesse depuis la pandémie.
     D'un autre côté, certaines plateformes dont la popularité n'a fait que croître depuis la pandémie préparent maintenant les mineurs en leur promettant un mode de vie luxueux par l'entremise de l'influence. Des plateformes comme TikTok, YouTube et Instagram ont montré à notre jeune génération que n'importe qui pouvait devenir célèbre ou riche, ce qui est en grande partie directement lié au contenu hypersexualisé et à l'objectivation qui priment sur ces plateformes. Plus vous êtes scandaleux et sexualisé, plus vous avez de chances d'être aimé et suivi.

  (1105)  

    Je tiens à vous dire que j'utilise TikTok. Je trouve cela à la fois divertissant et instructif, parce que l'algorithme comprend que je suis une mère et ce qui m'intéresse... J'obtiens des contenus pertinents. Toutefois, si vous êtes un jeune, l'algorithme fourni — et je sais que je dois conclure maintenant — est très différent.
     Ce que je veux dire en conclusion, c'est que les plateformes d'auto-exploitation, comme TikTok, OnlyFans...
    Madame Sharifi, nous pourrons y revenir pendant les questions.
    D'accord.
    Je suis certaine que vous avez beaucoup d'autres choses à nous apprendre.
     Nous passons maintenant à Mme Nagy, qui est en ligne.
     Vous avez cinq minutes, madame Nagy. Vous me verrez agiter des cartons.
     Nous vous écoutons. Vous avez la parole.
     Je vous remercie de me donner cette occasion de vous parler aujourd'hui.
     Je m'appelle Timea Nagy. Il y a 25 ans, j'ai été victime de traite au Canada en provenance de la Hongrie, et 10 ans plus tard, je suis devenue militante.
     Dans ce rôle, j'ai utilisé ma voix de survivante pour promouvoir plusieurs modifications liées à la traite de personnes dans les lois fédérales et provinciales. J'ai fait partie de plusieurs groupes de travail nationaux et internationaux. J'ai mené des centaines d'entrevues dans le cadre de projets de recherche financés par le gouvernement. La plupart du temps, j'ai partagé mon expérience, consacré mon temps et mes propres ressources financières, en espérant que les résultats des recherches seraient entendus et que des changements fondamentaux seraient faits.
     J'ai mis sur pied la première maison d'hébergement privée au Canada, où nous offrons de l'aide mobile aux victimes et à la police 24 heures sur 24, sept jours sur sept. J'ai aidé des centaines de victimes et mené des enquêtes. J'ai gagné plus de prix que je ne peux en compter. Je suis devenue le visage de la traite des personnes au Canada...

  (1110)  

    Madame Nagy, je dois vous interrompre un instant. Nous avons besoin que vous déplaciez le microphone un peu plus vers votre bouche, non pas vers votre bouche, mais un peu plus haut, vers les narines. Voilà. Ça va mieux.
     Je sais que vous avez beaucoup à nous dire, mais pourriez-vous ralentir un peu pour que nous puissions vous suivre?
     Vous pouvez poursuivre, madame Nagy.
    Merci.
     Notre organisation a accompli beaucoup de choses, mais n'ayant pas reçu de financement constant, année après année, nous avons fermé nos portes en 2015. Pendant la période où je travaillais à la défense des droits des victimes, j'ai raconté mon histoire à plus d'un million de personnes et j'ai formé plus de 200 000 professionnels et fournisseurs de services. En travaillant avec les victimes, la police, les fournisseurs de services, les banques et les gouvernements, j'en suis venue à la conclusion que notre gouvernement ne s'intéressait qu'à des solutions temporaires. Année après année, j'ai pris place à ce même siège et j'ai répété les mêmes choses aux représentants du gouvernement, pour finalement comprendre qu'aucun changement véritable ne se produirait.
     La traite des personnes est un symptôme de tout ce qui ne va pas dans notre société et dans nos systèmes actuels. Notre système d'aide à l'enfance a désespérément besoin d'une réforme. Nous sommes aux prises avec une crise du logement, une culture populaire malsaine, toxique et dangereuse, du contenu en ligne dangereux sous le prétexte de la liberté d'expression et un gouvernement élu favorable à une réduction du financement de la police, à un système de portes tournantes de remise en liberté et à la légalisation de la prostitution. N'oublions pas de mentionner le système de subventions qui est conçu non pas pour permettre à tous de prospérer, mais pour maintenir les situations de pauvreté et de lutte constante pour l'obtention de fonds. Ce système de subventions dresse les organisations les unes contre les autres au lieu de les encourager à travailler ensemble.
     Vous direz peut-être que nous devrions examiner l'excellent travail que vous avez fait pour montrer à quel point le gouvernement est sérieux dans sa lutte contre ce crime. Si c'est le cas, alors ma question est la suivante: comment se fait‑il que le Canada n'ait toujours pas de formation obligatoire pour les organismes d'application de la loi ou les fournisseurs de services? Savez-vous qu'environ 70 % de nos policiers de première ligne n'ont reçu aucune formation sur la traite des personnes? Il y a des policiers qui ne savent même pas reconnaître les signes de la traite des personnes.
     Qu'en est‑il de nos infirmières, de nos professionnels de la santé, de nos médecins et de nos professionnels de la santé mentale? À ce que je sache, nous n'avons qu'environ trois maisons d'hébergement à long terme au Canada qui accueillent au plus 40 personnes pendant une période maximale de deux ans. C'est pour environ 50 000 victimes. Comment pouvons-nous être assis ici et affirmer que nous prenons très au sérieux la lutte contre ce crime alors qu'il n'y a aucune formation obligatoire, aucun financement durable et aucun effort de collaboration à l'échelle nationale? Où est notre stratégie nationale? Nous en avions une. Je ne sais pas ce qu'elle est devenue. Depuis des années, nous exhortons tous les gouvernements à financer réellement une stratégie nationale de prévention pour nos enfants. Nous n'en avons toujours pas. Au lieu de cela, nous devons aller dans les écoles pendant notre temps libre, avec nos propres ressources, travaillant de manière non coordonnée pour prévenir la traite des enfants. C'est quelque chose que le gouvernement aurait dû faire il y a des années.
     Nous avons aussi un gouvernement en place qui revient sur la législation relative aux peines minimales obligatoires, notamment sur la peine minimale obligatoire de 10 ans pour la traite des personnes de moins de 18 ans. Les juges fédéraux préfèrent ne pas l'appliquer parce qu'elle est trop sévère. J'aimerais bien qu'ils le disent aussi aux victimes.
     Nous avons aussi pris l'habitude de donner des millions de dollars à des organisations qui n'ont jamais travaillé avec les victimes de la traite des personnes, mais qui semblent extraordinaires sur papier. De plus, nous, les survivantes, sommes invitées à faire entendre notre voix et à partager notre expertise lors de l'élaboration de programmes et de politiques et nous constatons ensuite que nos suggestions sont sans cesse ignorées. Des programmes, des maisons d'hébergement et des services dont nous n'avons pas besoin ou dont les survivantes ne profitent pas vraiment sont mis en place et financés.
     Le système est conçu pour répondre aux conséquences de la crise de la traite des personnes et pour retenir les victimes dans le système. Les porte-parole des survivantes qui proposent des programmes conçus par des survivantes et pour des survivantes se voient constamment refuser du financement. Saviez-vous que...

  (1115)  

    Un moment, s'il vous plaît.
    La traduction ne passe pas. Le canal anglais diffuse le français.
    D'accord.
     Madame Widmer, je cherche la traduction...
    J'ai choisi le canal anglais et j'entends la traduction française.
    Madame Nagy, veuillez patienter un moment pendant que nous corrigeons le problème.
     Madame Vien, pourriez-vous dire quelque chose en français afin que nous puissions vérifier le système?

[Français]

    Bonjour à chacun et à chacune. Je vous souhaite un bon lundi, un bon début de semaine et de bons travaux.
    Nous avons une présidente exceptionnelle.

[Traduction]

    Vous êtes formidable. Merci beaucoup. Vous êtes exceptionnelle. Fantastique.
    Madame Nagy, je suis désolée de ce retard. Je vous redonne la parole afin que vous puissiez terminer.
    Merci.
     Saviez-vous qu'il en coûtera 785 000 $ au cours des 20 prochaines années à tout gouvernement élu pour prendre soin d'une victime? S'il y a environ 50 000 victimes au Canada, faites le calcul. Combien cela coûte‑t‑il au gouvernement ou à nous-mêmes, sans parler du lourd fardeau émotionnel que les victimes doivent surmonter pour rebâtir leur vie?
     C'est assez simple: nous pouvons faire de réels efforts pour investir sérieusement pour nous attaquer aux causes et apporter un réel changement, ou nous continuerons à traiter les symptômes et non les origines profondes.
     Si nous pouvons investir 300 millions de dollars dans des campagnes de lutte contre le tabagisme, je suis à peu près certaine que nous pourrons trouver le financement nécessaire pour financer des changements efficaces.
     En terminant, nous avons suffisamment d'expertise. Nous avons fait les recherches. Nous avons tenu suffisamment d'audiences comme celle‑ci. Nous savons quel est le problème et nous savons aussi comment le régler.
     La question que je pose aujourd'hui au gouvernement et au Comité auquel je m'adresse est la suivante: allons-nous maintenant apporter de vrais changements ou passer les 10 ou 15 prochaines années à parler des mêmes choses, à continuer d'agir en réponse à la crise et à faire des promesses creuses?
    Merci beaucoup, madame Nagy.
     Je cède maintenant la parole à nos témoins de Persons Against Non-State Torture.
     Madame MacDonald, je crois que vous êtes la première à parler. Nous vous écoutons.
     Je m'appelle Linda MacDonald et je suis ici avec Mme Jeanne Sarson. Nous sommes des militantes et des infirmières de la santé publique à la retraite et nous avons plus de 30 ans d'expérience dans le soutien de femmes qui ont été victimes de traite et de torture à des fins de prostitution et de pornographie, souvent par leurs parents lorsqu'elles étaient très jeunes, d'autres trafiquants de personnes ou des conjoints. Tout cela étant lié aux activités de réseaux informels et du crime organisé.
     Nous avons inventé l'expression « torture non étatique » pour établir une distinction entre la torture commise par une personne ordinaire et la torture commise par des personnes travaillant pour un État. Pour ce qui est du modèle de division patriarcale figurant à la première page du mémoire que nous avons présenté, je souligne que dans certains cas, un acte de torture peut être étatique ou non étatique. La seule différence, c'est l'agresseur.
     Parmi les actes répertoriés, citons les électrochocs, la torture par l'eau, la consommation forcée de drogues, la torture psychologique déshumanisante et la torture sexualisée par le viol collectif, par exemple.
     Le viol collectif est un acte de torture très fréquent. La femme ou la fille est violée le premier jour de sa captivité par au moins cinq hommes. C'est ce que les trafiquants appellent « casser » la victime, c'est‑à‑dire briser l'image qu'a la femme ou la fille d'elle-même. Cet acte brutal est si traumatisant que les femmes deviennent souvent suicidaires. La recherche infirmière montre que plus la violence est intense, plus le risque de suicide augmente.
     Dans le cadre de mon travail d'infirmière, j'ai pris soin d'une femme qui s'appelait Lynne et qui avait été emmenée en Ontario en provenance de la Nouvelle‑Écosse à des fins de traite de personne par son mari et ses trois amis. Elle a été enfermée dans une pièce sans fenêtre, nourrie uniquement d'eau et de riz, menottée à un radiateur et torturée par un cortège continu d'hommes pendant quatre ans et demi. Certains de ces hommes étaient des policiers en uniforme. Elle a été violée avec des armes à feu et des couteaux, et elle a eu cinq avortements forcés. On l'a déshumanisée, on ne l'a plus jamais appelée « Lynne », on la qualifiait seulement de « morceau de viande ». Grâce aux soins adaptés à la torture non étatique, elle a pu guérir et retrouver sa dignité et son identité.
     Au Canada, ces terribles actes de torture, lorsqu'ils sont infligés à des femmes et à des filles, sont qualifiés d'« agression » et non de « torture », ce qui est clairement discriminatoire.
    Je vais prendre la relève de Mme MacDonald. Mes observations portent sur le questionnaire universel sur la torture non étatique qui se trouve à la page 2 du mémoire que nous avons présenté.
     Il concerne 49 personnes, surtout des femmes, des répondantes, dont 24 % étaient des Canadiennes. Les 48 actes de torture non étatiques cités reflètent le langage axé sur la victime qu'elles ont utilisé pour décrire la torture non étatique qu'elles ont subie.
     Il y a des liens entre les crimes de torture physiques, sexualisés, psychologiques et mentaux non étatiques cités. Par exemple, il est difficile de respirer si quelqu'un est assis sur vous. C'est un acte de torture physique non étatique, qui devient de la torture non étatique sexualisée avec viol oral parce qu'elle comprime la poitrine et que les femmes ont peur de ne pas pouvoir respirer et de mourir. C'est de la torture psychologique non étatique.
     Il est aussi question de suffocation, d'étranglement, de l'ingestion forcée de fluides corporels de l'agresseur, de la peur de vomir et d'être obligée à ravaler ses vomissements causés par la terreur, ainsi que de l'horreur et de la peur de devenir folle et d'être traitée comme une personne ayant une maladie mentale plutôt que d'être respectée en tant que victime de torture non étatique et de la traite des personnes.
     Les réponses pour la survie comprennent la compréhension de la dissociation, des tendances suicidaires, de l'automutilation et de la difficulté à faire face à la vie quotidienne. Les problèmes de santé sexuelle peuvent comprendre les réparations vaginales chirurgicales, les hystérectomies, la réparation du prolapsus rectal et la stérilité.
     Le fait de recommander d'apporter des modifications au Code criminel afin de criminaliser les actes de torture non étatiques permettrait de tenir les trafiquants responsables des dommages qu'ils infligent. Des modifications au Code criminel permettraient de sensibiliser la société sur la gravité de la traite des personnes, de promouvoir le développement de soins adaptés à la victimisation et aux traumatismes liés à la torture non étatique et de renforcer la capacité de guérison des femmes et des enfants.
     Nous vous soumettons à titre de ressources sept de nos articles publiés ainsi qu'un chapitre sur l'éducation et les connaissances relatives à la traite des personnes. Nous vous remettrons aussi un exemplaire de notre livre intitulé Women Unsilenced: Our Refusal to Let Torture-Traffickers Win.
    Nous vous remercions d'écouter la voix des femmes.

  (1120)  

    Merci beaucoup.
     Nous allons maintenant commencer notre première série de questions en accordant six minutes à chaque parti. Nous allons commencer par Mme Roberts.
     Madame Roberts, vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Merci à tous les témoins d'être ici. L'étude que nous menons est importante, et dans le cadre de nos recherches, nous avons visité il y a quelques semaines plusieurs régions du pays où nous avons appris beaucoup de choses. Je suis d'accord avec chacune d'entre vous pour dire que je ne crois pas que le gouvernement rende justice aux femmes victimes.
     Je vais d'abord m'adresser à Mme Nagy.
     J'ai été ravie de vous rencontrer il y a quelques semaines, madame Nagy, et je vous remercie pour le livre. Il est très réaliste et très émouvant. Je peux comprendre pourquoi vous travaillez pour aider les victimes.
     J'ai quelques questions à vous poser. Tout d'abord, vous avez dit qu'il y avait un manque de financement. Pourrions-nous, en tant que gouvernement, adopter une loi garantissant que l'argent provenant des actifs saisis aux responsables et aux utilisateurs soit réinvesti dans l'aide aux victimes? C'est ma première question.
     Ma deuxième question est la suivante: pourquoi les juges n'appliquent-ils pas les peines maximales à ces agresseurs? En tant que mère d'une fille, je deviendrais peut-être folle si quelque chose de ce genre arrivait à mon propre enfant, alors pourquoi les juges ne comprennent-ils pas l'importance d'appliquer les peines maximales? Soyons honnêtes; si nous suivons l'argent, et si nous ne punissons pas les coupables pour ce qu'ils ont fait, ils ne cesseront jamais.
     Pouvez-vous me donner votre avis à ce sujet, madame Nagy?
    Merci.
    Oui. Je vous remercie.
     Tout d'abord, si nous voulons avoir une loi en vertu de laquelle les produits de la criminalité seraient effectivement réinvestis dans la prise en charge des victimes, nous devons d'abord corriger le système de subventions. Vous prenez l'argent de la main du trafiquant, puis de la main d'un client, et de la main de tout le monde, et vous le mettez dans une pile, et cette pile finit dans un système de subventions défectueux qui va encore engloutir l'argent, et l'argent n'ira pas là où il doit aller.
     Ma suggestion est que si nous prenons l'argent dans le produit de la criminalité, nous devons simplement réformer le système de subventions pour que l'argent aille réellement à la réadaptation des survivantes ou directement aux victimes qui ont travaillé très dur et ont gagné 300 000 à 400 000 $, ou 500 000 $ pour le trafiquant.
     C'est donc la première chose, et pour répondre à votre deuxième question, je ne sais pas pourquoi. J'ai fait quelques recherches à ce sujet. Les juges qui ont décidé de ne pas opter pour les peines sévères ont déclaré que celles‑ci seraient trop sévères. Je ne comprends donc pas pourquoi nous avons des lois. Pourquoi avons-nous des lois si les juges ne les appliquent pas? C'est ce qu'ils disaient auparavant, que c'était trop dur. C'est une peine trop sévère pour un jeune que de 10 ans en prison pour la traite de personnes.
     C'est ce que l'on nous répond.

  (1125)  

    Donc vous...
    Et encore une fois, nous avons un gouvernement en place qui ne se soucie pas d'être très efficace dans la mise en oeuvre de ces lois. Il ne fait pas du tout pression sur les juges pour qu'ils appliquent la loi qui a été adoptée.
    Vous avez parlé de capture et de remise en liberté.
     Est‑ce qu'un grand nombre d'auteurs de crimes sortent et revictimisent les victimes pour qu'elles ne témoignent pas? Est‑ce la raison pour laquelle ils s'en sortent? Parce que si nous les laissons sortir sous caution, rien ne les empêchera de faire pression sur les victimes et leurs familles, n'est‑ce pas?
    Absolument.
     Quel est l'intérêt de les attraper si c'est pour les remettre en liberté? Que dites-vous à la victime? Oui, venez témoigner. Sortez vos tripes, soyez effrayée, soyez intimidée. Affrontez votre trafiquant au tribunal, qui vous a dit que si vous faisiez cela, vous seriez tuée, et la victime verra ce type sortir sous caution.
     Littéralement, quel est le but?
    Je vous remercie.
    Vous avez une minute.
    Bien. Je vais adresser ma prochaine question à Mme Sarson et Mme MacDonald.
     Je vous remercie de votre travail. Il est très important.
    Dans la même veine que mes questions à Mme Nagy, je voudrais vous demander si, d'après vous, nous devrions adopter une loi permettant que les biens saisis des auteurs et des utilisateurs soient réinvestis dans des choses comme des refuges, pour aider les victimes.
    Oui, certainement. Ces biens devraient revenir aux survivantes, c'est certain. Je souscris tout à fait à ce point de vue.
    Êtes-vous d'avis qu'il faut modifier la loi afin de la rendre plus sévère? Ce sont des enfants. Ce sont nos enfants. Ce sont elles qui, espérons‑le, deviendront des adultes et des citoyennes productives de ce pays. Pourquoi les lois ne sont-elles pas modifiées pour protéger nos enfants?
     Je n'ai pas l'impression que la peine infligée... Pour moi, 10 ans, ce n'est pas assez. Ça devrait être 25 ans.
    Tout à fait. Je suis d'accord.
     Je peux vous donner un exemple de ce qui s'est passé en Nouvelle-Écosse pour vous expliquer pourquoi la loi et les juges ne prennent pas cela au sérieux. Il y a l'exemple d'une mère dont la fille de 16 ans a été victime de la traite. Lorsque la mère était au tribunal, elle a entendu une conversation au cours de laquelle ils ont appelé sa fille une « travailleuse du sexe » au lieu d'une victime de la traite des personnes. C'est ainsi que la misogynie s'insinue dans le système. Il est sexualisé, et le fait qu'une jeune fille de 16 ans victime de la traite des personnes soit qualifiée de « travailleuse du sexe » constitue en soi, à mes yeux, une violation du crime, et cela se passe dans une cour de justice.
     L'autre chose, pour nous...
    Merci beaucoup, madame Sarson. Je vais devoir passer au tour suivant. Nous essayons de faire en sorte que tout soit aussi égal que possible.
     Je passe la parole à Jenna Sudds pour les six prochaines minutes.
     Madame Sudds, à vous la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
     J'aimerais remercier toutes nos témoins d'être ici aujourd'hui et, bien sûr, de l'important travail qu'elles accomplissent.
     Comme vous l'avez entendu, le Comité a eu l'occasion de visiter diverses régions du pays. Nous nous sommes vraiment penchés sur la façon dont nous pouvons en faire davantage dans ce domaine.
    Tout d'abord, madame Sharifi, si j'ai bien compris, votre organisation a trois volets de travail — les conseils, la formation et l'éducation. En ce qui concerne l'éducation, vous avez mentionné en particulier les programmes de la Colombie-Britannique tenus en collaboration avec les conseils scolaires. Votre témoignage fait vraiment vibrer la corde sensible de la nécessité d'atteindre et d'éduquer les jeunes. En Colombie-Britannique, vous travaillez avec les conseils scolaires. Quels sont les obstacles qui empêchent d'étendre cette pratique à l'ensemble du pays?

  (1130)  

    Il est intéressant de noter que l'Ontario est la seule province à avoir rendu ce type d'éducation obligatoire. La Colombie-Britannique ne l'a pas fait. La Colombie-Britannique est, en fait, très en retard.
     Pour pouvoir entrer dans les écoles, nous avons donné une nouvelle image à nos programmes. L'éducation à la lutte contre la traite des personnes est une éducation aux relations saines, au consentement et à la cybersécurité; sinon, le problème n'est pas pris au sérieux. Nous sommes présents dans différents districts scolaires et le ministère approuve nos programmes, mais il est entendu que nous traitons des relations, du consentement et de la cybersécurité comme un moyen de diffuser l'information sur la traite des personnes et ses causes profondes.
     Je suis fermement convaincue que nous devons mettre l'accent sur l'éducation à la prévention dans tout le pays. Si l'on veut s'attaquer à la traite des personnes en elle-même, il est trop tard. Je pense que nous devons rendre obligatoire cette éducation dès l'école élémentaire et nous attaquer aux causes profondes de toute forme d'exploitation.
    Merci de cette intervention. Cela résonne certainement, surtout, comme vous l'avez mentionné, en raison de l'impact de la pandémie à l'ère numérique — les enfants, les jeunes filles, sont sur ces plateformes, comme vous l'avez mentionné, à un âge de plus en plus jeune — et qu'il faut les amener à comprendre, ce qui est très difficile, le risque de tomber dans des pièges.
     Lorsque vous allez dans les écoles, lorsque vous parlez des médias sociaux, quelles méthodes utilisez-vous, ou comment atteignez-vous ces jeunes pour les toucher vraiment? Je pense que cela doit être, comme vous l'avez dit, reproduit dans tout le pays.
    Ce que nous essayons de faire, c'est d'adopter une approche légère. Si vous arrivez dans une école et essayez de susciter la peur et la honte, cela ne touchera pas les enfants aussi efficacement que le feraient des jeux, des activités et de l'humour. Nous abordons vraiment la question sous un angle moins lourd. En outre, cela étant, les écoles acceptent beaucoup plus facilement de nous accueillir.
     Lorsque nous éduquons, et je pense que c'est également important, de nombreuses victimes de la traite des personnes ne se voient pas comme telles. Lorsqu'il s'agit de mineures, la plupart des victimes d'exploitation sexuelle ne se considèrent pas comme étant exploitées, et le langage que nous utilisons est donc très différent. Nous ne disons pas « prédateurs », car pour elles, la personne à qui elles parlent n'est pas un prédateur. C'est un « ami » ou un « adepte ». Nous ne parlons pas de « traite des personnes », par exemple, ou des « cinq signes avant-coureurs d'un proxénète », parce que ces jeunes ne s'identifient pas à cela. Nous parlons plutôt de « relations susceptibles de conduire à l'exploitation ».
     Nous partons d'un espace d'autonomisation et de responsabilisation où, si vous devez être en ligne... Il ne s'agit pas de leur dire de ne parler à personne, de ne pas faire ceci ou cela. Ce n'est pas aussi pratique. Au lieu de cela, nous leur fournissons des outils — par exemple: voici les choses auxquelles vous devez faire attention et qui pourraient mener à une relation d'exploitation ou à un ami ou un suiveur malsain. Je pense que ce langage est très important.
    Encore une fois, il s'agit de s'attaquer aux causes profondes et de leur faire prendre conscience de leur vulnérabilité, des besoins personnels qu'elles essaient de satisfaire, que ce soit en personne ou en ligne, et des autres choix sains qui s'offrent à elles.
    Je pense que l'on peut comparer cela avec les messages qu'il faut envoyer aux parents. Je pense que c'est très différent.
    Oui. Absolument.
    À quoi cela ressemble‑t‑il? Comment pouvons-nous atteindre les parents de ces jeunes?
    En tant que parent, je pense que la pire chose que nous puissions faire est d'accabler les autres parents avec un sentiment de responsabilité qui n'est pas pratique. Je sais que ce n'est pas l'approche habituelle, mais je pense que dire aux parents qu'ils doivent absolument être au courant à 100 % de ce que font leurs enfants et leurs jeunes en ligne, par exemple, n'est pas pratique. C'est accablant. Les parents ne savent pas comment faire cela.
    Ce que nous faisons plutôt avec les parents — et je pense que c'est vraiment important pour tout type d'éducation des adultes — c'est de leur demander: « Quels sont les outils de communication qui vous permettent d'avoir des conversations ouvertes avec vos enfants et vos jeunes? » Au lieu de connaître absolument toutes les plateformes qui existent et tous les risques qu'elles comportent, parlez avec vos enfants des plateformes qu'elles ou ils utilisent. Qu'est‑ce qui les intéresse?
     Je suis désolée. Je pourrais continuer pendant des heures. Encore une fois, nous devons simplement faire en sorte que les choses soient plus faciles à comprendre et plus proches de la réalité.

  (1135)  

    Je suis désolée. Cela arrive toujours, mais je vous attendais.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à la personne suivante. Je veux m'assurer que vous avez la traduction, si vous ne parlez pas le français et l'anglais.
     Je passe la parole à Andréanne Larouche.
     À vous la parole, madame, pour six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames Sharifi, MacDonald et Sarson, je tiens à vous remercier d'être avec nous aujourd'hui. Vos témoignages sont poignants, et ils confirment l'importance du problème lié à la traite des femmes, qui ne devrait plus exister en 2023. Les femmes sont traitées de façon horrible.
    Madame Nagy, bonjour.
    Nous nous sommes rencontrées à Winnipeg. Je me souviens de nos discussions. Elles ont été des plus enrichissantes pour ma réflexion sur le problème de la traite des personnes. Ces deux jours passés au Musée canadien pour les droits de la personne, au début d'avril, ont été intéressants.
    Qu'avez-vous retenu des discussions tenues avec toutes sortes d'intervenants préoccupés par ce problème?

[Traduction]

    Au sortir de cette conférence, j'étais extrêmement découragée.
     J'ai donc pris la décision personnelle de quitter cet espace, en tant que promotrice de la survie, dans environ un an. La raison pour laquelle j'ai pris cette décision est que je ne peux pas croire qu'après 15 ou 20 ans, nous sommes au Musée pour les droits de la personne à encore ne parler que du problème, au lieu de commencer à parler de solutions.
     J'ai été très découragée par cette conférence. Lorsque j'ai vu des entreprises et de grandes organisations consacrer leur temps, leurs efforts et leur énergie à participer à une conférence de deux jours pour parler du problème dont elles parlent depuis des années, c'est ce que j'ai ressenti.
     Cette conférence m'a amenée à prendre la décision personnelle de quitter l'espace après 15 ans.

[Français]

    Madame Nagy, les discussions ont été enrichissantes, mais j'en suis arrivée au même constat que vous. Malheureusement, les choses ne bougent pas assez rapidement. Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Vous avez abordé la question des stratégies nationales, et j'aimerais en parler davantage. On parle de stratégies nationales depuis déjà plus de 15 ans, comme vous l'avez dit. Un premier plan a été proposé, suivi d'une autre stratégie nationale. Bref, les stratégies nationales et les rapports s'additionnent, mais les choses changent très peu.
    Quels progrès aimeriez-vous voir? Pourquoi ces stratégies nationales qui s'accumulent sont-elles mises de côté? Pourquoi les choses n'évoluent-elles pas?
    On le voit, les crimes ne cessent d'augmenter.

[Traduction]

    Merci. J'aime beaucoup vos questions.
     Il y a plusieurs raisons à cela. Les gouvernements vont et viennent, et les priorités diffèrent d'un gouvernement à l'autre. Malheureusement, la traite des personnes n'est qu'une question politique parmi d'autres. Les différents gouvernements ont des points de vue différents sur cette question. Les libéraux ont une vision différente de cette question, le NPD a une vision différente de cette question, et les conservateurs aussi. En réalité, il ne devrait pas s'agir d'une question politique; ce n'est pas une question politique. Ce n'est pas une cause qu'il faut défendre juste avant les élections pour se faire élire ou qu'il faut repousser pour obtenir plus de voix.
     Les chiffres parlent d'eux-mêmes. Les recherches sont les mêmes aujourd'hui qu'il y a 15 ans. Je suis désolée, mais je n'ai pas retenu le nom de la dame qui parlait de l'éducation. J'ai adoré sa remarque sur le fait qu'il est trop tard maintenant. C'est trop tard. Il y a 15 ans, nous avons dit ce qui se passerait dans 10 ans si nous ne faisions rien. Nous avions environ 5 000 victimes il y a 10 ou 15 ans, et nous estimons aujourd'hui qu'il y en a 50 000.
     Que faut‑il faire? Il doit y avoir un effort national global. Nous devons y consacrer du temps et des fonds. Nous devons investir dans des changements systématiques en investissant dans des organisations qui proposent des mesures de prévention et assurent une prévention nationale — un véritable investissement dans la prévention. Parallèlement, nous devons investir dans les victimes et les aider à se réinsérer dans la société. Nous devons mettre un terme à la réaction de ping-pong qui consiste à jeter de l'argent à droite, à gauche et au centre, sans aucune coordination.
     Nous avons des réponses. Nous savons ce qu'il faut faire. Nous devons simplement commencer à faire le travail. Certaines régions, comme la région de Peel, ont accompli un travail phénoménal. Nous disposons de bonnes pratiques à gauche, à droite et au centre. Nous devons simplement prendre cela au sérieux, comme l'ont dit toutes les autres intervenantes.

  (1140)  

[Français]

    Vous diriez donc, madame Nagy, qu'il y a un manque de volonté sur le plan politique.
    Il y a aussi toute la question de la coordination. Le problème de la traite des personnes concerne plusieurs ministères, comme Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada, Sécurité publique Canada ou le ministère de la Justice. Comme vous l'avez dit, le fait de détecter, c'est une chose, mais aider les victimes, c'en est une autre. Il faut aussi mieux déterminer le nombre de victimes et les aider à s'en sortir.
    Il faut non seulement penser à la prévention et à l'aide qu'il faut apporter, mais aussi à la détection.

[Traduction]

    Oui, absolument.
     Il y a un moyen de le faire. Vous pouvez créer un centre de coordination national qui serait financé par tous les ministères que vous venez de citer et commencer le travail. C'est aussi simple que cela.
    Merci beaucoup, madame Nagy.
     Nous passons maintenant à nos participants en ligne. Nous avons Mme Idlout.
     Madame Idlout, vous avez la parole pendant six minutes.
    Qujannaamiik, Uqaqtittiji.
     Merci, madame la présidente.
     Merci aux témoins. C'est un privilège pour moi d'être ici avec vous aujourd'hui. Ma collègue, la députée Leah Gazan, n'a pas pu être présente. Je vous remercie de vos témoignages et du travail incroyable que vous accomplissez toutes pour assurer la sécurité des femmes et des filles.
     Toutes mes questions s'adresseront à Mme Timea Nagy. Vos déclarations et le travail que vous faites m'impressionnent énormément.
     Je comprends votre appel à un investissement national dans des changements systémiques nationaux et à la garantie de meilleurs services pour les victimes. Je me demande si vous pourriez nous donner un peu plus d'information sur les services qui devraient être mis à la disposition des survivantes pour les aider dans leur processus de réinsertion.
    Merci beaucoup.
    À mon avis, il devrait y avoir des programmes qui ne se concentrent pas uniquement sur l'état d'esprit de la victime — un abri immédiat, argent et logement sûr immédiat —, mais sur la formation à l'emploi et aux compétences de vie, comme la façon de gérer l'argent et de reprendre sa vie en main. Beaucoup de programmes financés visent uniquement à placer une victime dans un foyer refuge sécuritaire ou dans un programme pendant deux ans, la traitant comme une victime et faisant tout ce qu'il faut pour elle.
     Cela signifie que l'on prive cette personne de deux années de croissance personnelle éventuelle. Pendant deux ans, cette victime est essentiellement contrainte de rester dans le système, de bénéficier de l'aide sociale, etc. Le temps consacré à cela devrait être réduit. Au lieu de les placer dans des foyers refuges à long terme, il faudrait leur offrir des phases de transition où elles bénéficieraient graduellement d'une assistance à la vie quotidienne. Elles paieraient d'abord 20 $, puis 80 $, et ainsi de suite, ce qui leur permettrait de sortir de l'état de victime et de survie pour essayer de travailler et d'être des membres sains de la société.
    Merci beaucoup.
     Compte tenu de votre savoir expert des moyens de veiller à ce que les survivantes obtiennent le soutien dont elles ont besoin, je me demande si, à votre avis, votre organisation reçoit suffisamment de fonds pour faire face à la violence subie par les survivantes de la traite de personnes à des fins sexuelles.

  (1145)  

    Vous serez peut-être très surprise de l'apprendre, mais j'évolue dans ce mouvement depuis 15 ans et mon organisation et mon ancienne oeuvre caritative n'ont jamais reçu de financement. On nous a refusé probablement 15 subventions en tout. Nous avons dépensé au total 40 000 $ pour demander ces subventions, et nous avons été systématiquement refusées, y compris pour le genre de programmes que vous avez mentionnés: programmes d'emploi, programmes de perfectionnement personnel, et ainsi de suite.
    Pourriez-vous expliquer certaines des raisons pour lesquelles vos subventions ont pu être rejetées, et pourriez-vous nous donner des recommandations pour que l'excellent travail que vous faites ne soit pas rejeté?
    J'aimerais beaucoup vous donner une explication, mais on ne nous en a jamais donné. En général, on nous dit: « Malheureusement, à l'heure actuelle... Merci beaucoup. »
    Je suis désolée d'entendre cela.
     J'aimerais aborder un autre sujet. Je crois savoir que vous travaillez actuellement avec la police. Pourriez-vous nous expliquer quelle formation vous dispensez à la police?
    Merci beaucoup.
    Ma division actuelle de Timea's Cause s'appelle TC Online Institute. Nous avons créé un programme d'éducation et de formation en ligne pour les forces de l'ordre pour une raison très simple: c'est abordable et tout le monde peut y avoir accès. Nous espérions que le gouvernement nous tendrait la main et que nous pourrions travailler avec lui pour mettre en oeuvre cette formation. Hélas, une fois de plus, financement et soutien nous ont été refusés. Les services de police sont donc laissés à eux-mêmes et doivent se débrouiller avec les subventions qu'ils peuvent obtenir pour acheter ces cours. La bonne nouvelle, c'est que le cours de détection de la traite des personnes, d'une durée maximale de 40 heures, est désormais adopté par le Réseau canadien du savoir policier, le principal institut en ligne du Canada pour les services de police.
     Nous avons la possibilité d'atteindre tous les agents de police du Canada, mais, encore une fois, ce n'est pas une obligation; c'est au coup par coup, à qui le veut. La police régionale de Peel a pris l'initiative de demander à ses 2 200 agents de suivre notre formation. D'autres organismes ont également suivi, mais nous sommes loin d'avoir atteint tous les agents. La formation a reçu cinq étoiles jusqu'à présent.
    Auriez-vous des recommandations à faire au Comité pour que la police reçoive davantage de formation?
    Oui. Malheureusement, je comprends qu'une fois que le gouvernement déclare que c'est une obligation, il doit y consacrer de l'argent, ce qui n'est généralement pas le cas. Ma recommandation serait, oui, de faire de la formation une obligation fédérale. Je ne pense pas que cela se produise, mais c'est en tout cas ma recommandation.
    Madame Idlout, merci beaucoup. Vous aurez à nouveau deux minutes et demie tout à l'heure.
     Nous allons entamer notre deuxième tour. Ce sera cinq minutes, cinq minutes, deux minutes et demie pour le Bloc et deux minutes et demie pour le NPD. Je vais commencer par Mme Vien.
     Dominique Vien, vous avez la parole pendant cinq minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie également chacune de nos invitées de ce matin.
    Comme Mme Larouche l'a dit, nous avons entendu des choses très troublantes, des témoignages qui nous glacent le sang. Malheureusement, nous pouvons imaginer que la traite des femmes, et des hommes aussi, existe au pays. Toutefois, à l'intérieur d'une relation de couple, à l'intérieur d'une famille, quelle horreur!
    Heureusement, nous parlons beaucoup des victimes. Ce comité fait beaucoup de place aux victimes et aux survivantes. Je ne veux pas accorder de place à ces hommes, pour éviter de les glorifier.
    Par contre, je veux vous poser la question suivante: que sait-on sur ces agresseurs? Comment arrive-t-on à les traquer, à les arrêter?
    Madame Nagy, je vous reviendrai un peu plus tard. J'ai vu que vous avez levé la main et je suis contente de voir votre intérêt.
    Nous pouvons peut-être commencer par Mme MacDonald ou Mme Sarson, comme ce sont elles qui nous ont parlé de ce cas à donner froid dans le dos.
    Que sait-on de ces agresseurs? Arrive-t-on à leur mettre la main dessus? Qu'est-il arrivé à ce mari et à ses amis qui ont enchaîné la femme de l'homme en question et qui l'ont violentée? Qu'est-il advenu de ces hommes?

  (1150)  

[Traduction]

    Parmi les auteurs que nous connaissons, aucun n'a jamais été traduit en justice; les femmes sont trop terrifiées pour s'adresser à la police parce qu'on ne les croit pas. Elles sont considérées comme des malades mentales lorsqu'elles parlent de torture au Canada. Nous ne voulons penser qu'à la torture perpétrée par un État. Si elles vont dans un centre pour les victimes de torture, on leur dit qu'elles n'ont pas droit à leur aide parce que le crime qu'elles ont subi n'a pas été perpétré par un État.
     Le mari et les trois hommes que j'ai mentionnés, il ne leur est jamais arrivé quoi que ce soit. Rien n'est jamais arrivé à des parents des femmes qui se sont manifestées. Il s'agit de personnes très respectées vivant dans la collectivité — politiciens, policiers, médecins, avocats, dont beaucoup appartiennent à la classe supérieure et sont très puissants. Les tortionnaires que nous connaissons courent toujours les rues. C'est une histoire très tragique.
     Si nous avions une loi au Canada, les femmes pourraient se sentir à l'aise pour dire: « Oui, je subis une torture. Je sais que vous le croyez parce que nous avons une loi. »
     Nous commencerions alors à obtenir des données. Nous commencerions à éduquer la police, le système judiciaire, le système de soins de santé, tous les systèmes, et nous fournirions des services de guérison aux femmes et aux filles qui ont été torturées.
     À l'heure actuelle, il n'existe aucune forme de services pour elles.

[Français]

    Madame Nagy, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci. J'aime beaucoup votre question.
     Nous disons depuis de nombreuses années que nous avons besoin d'un nombre égal de recherches et de travaux sur les trafiquants. Là encore, le financement n'a pas été fourni et nous avons fini par obtenir des fonds privés. Il m'a fallu huit ans, mais je me suis rendue dans une prison pour interviewer le délinquant le plus dangereux du Canada et le proxénète le plus célèbre de notre histoire. Je me suis assise et j'ai eu un entretien de deux jours avec lui pour connaître sa version des faits. En l'écoutant, j'ai compris qu'il avait été exploité sexuellement. Il avait été violé. Il est passé sous le radar. Son père était un être humain violent. Bien sûr, dans ces circonstances traumatisantes de l'enfance, au lieu de devenir une victime, il est devenu un agresseur.
     Dans son témoignage en prison, il parle des jeunes proxénètes qui arrivent en prison et des trafiquants. Selon lui, 70 à 80 % des trafiquants d'aujourd'hui ont vécu une histoire d'enfance très semblable. Lorsque je répète que nous avons besoin de prévention, je ne parle pas seulement de la nécessité d'empêcher les petites filles d'être victimes de la traite. Je parle des petits garçons qui doivent avoir cette conversation sur le fait qu'être un proxénète et un trafiquant n'est pas une réponse à leur traumatisme d'enfance.

[Français]

    C'est d'ailleurs ce qu'a retenu ce comité lorsqu'on a parlé de violence en milieu familial ou au sein des couples. On a dit qu'il fallait sensibiliser les jeunes garçons à cette question. Il faut faire de la prévention et de l'éducation sur la question.
    Madame Sharifi, vous avez parlé de cinq signaux accessibles sur Internet et que les femmes peuvent utiliser. En rafale, quels sont-ils?

[Traduction]

    Madame Nagy, en raison des difficultés techniques et autres, je vais vous demander de répondre par écrit au Comité au sujet des cinq signaux dont vous avez parlé. Nous vous en serions reconnaissants. Si vous pouviez l'envoyer par écrit à notre comité, je vous en serais très reconnaissante.
     Je vous remercie.
     Je suis désolée, madame Vien. Je vous coupe la parole.
     Madame Sidhu, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
     Je veux partager mon temps de parole avec Marc Serré.
     Je tiens à remercier toutes les témoins d'aujourd'hui, et tout particulièrement Mme Nagy.
     Je sais [inaudible]. Merci pour toute la formation que vous avez dispensée sous la direction du chef Nishan et du chef adjoint Marc. Vous avez formé 2 200 agents.
     Il y a une chose que je voudrais faire consigner au procès-verbal. Nous travaillons tous sur ce dossier. Même la secrétaire parlementaire s'occupe de cette question. Nous nous efforçons de trouver une solution et le financement dont vous avez parlé.
     Nous savons tous qu'il est utile que la police de Peel travaille dur pour lutter contre la traite des personnes. Pouvez-vous nous dire comment il serait efficace de former tous les agents de police à ce sujet?

  (1155)  

    Merci beaucoup de cette question.
     Il est évident que nous avons besoin d'un effort général. La formation des policiers est l'une des premières étapes importantes. Si un policier répond à un appel où la victime est au tout début de son parcours et reconnaît les signes, il a la possibilité d'avoir une conversation et de sortir cette victime de la situation — avant qu'elle ne s'y retrouve pendant plus d'un mois, de deux mois ou d'un an. Plus vite la victime est sortie de cette situation, moins longtemps elle sera traumatisée et moins longtemps elle aura besoin de guérir et de reconstruire sa vie.
    Lorsque je dis que la réadaptation d'une victime coûte 785 000 $ par personne, c'est lorsque la victime est restée dans cette situation extrêmement préjudiciable pendant une longue période. Plus la période pendant laquelle une victime se trouve dans cette situation est courte et plus vite elle est reconnue, plus vite elle sera tirée de cette situation et pourra se rétablir et retrouver le chemin de la société.
    Merci, madame la présidente.
     Je vais céder mon temps à M. Serré.
    Merci, madame Sidhu.
     Merci à toutes les témoins.
     J'ai deux questions à poser. La première s'adresse à Mme Sharifi.
     Nous sommes allés dans le Nord de l'Ontario et à Sault Ste. Marie. Au cours des cinq dernières années, nous avons entendu parler de l'arrivée d'un plus grand nombre de gangs. Il est évident que la traite des personnes est liée aux gangs. D'autres témoins nous l'ont dit.
     Vous avez déplacé l'attention sur l'aspect des médias sociaux. Avec la pandémie, le rôle des médias sociaux est maintenant d'attirer et d'aggraver les choses. Nous avons eu quelques mesures législatives gouvernementales. Les grandes entreprises n'aiment pas que nous fassions quoi que ce soit au sujet de... Elles parlent de « censure » ou d'autre chose. Ce sont les grandes entreprises technologiques.
     Pouvez-vous nous donner des recommandations spécifiques sur ce que nous pouvons faire, en tant que gouvernement fédéral, pour réglementer TikTok, YouTube et Instagram? C'est une question importante, en particulier pour les jeunes garçons et les jeunes filles.
    Absolument. C'est une question très délicate.
     Dans un monde idéal, nous n'aurions pas de plateformes pour des individus comme Andrew Tate, qui a normalisé le proxénétisme électronique, ou la plateforme OnlyFans. Je pense que, dans la pratique, on ne peut pas censurer ces plateformes. Les enfants trouveront un moyen de contourner la censure, même dans les pays qui ont interdit les plateformes de médias sociaux. Les enfants et les jeunes trouvent différents VPN pour y accéder.
     Je reviens à la prévention et à l'importance qui lui est accordée. Je pense qu'il est encore plus efficace pour notre gouvernement de reconnaître qu'un élément clé de la traite des personnes est la coercition. Cette coercition s'exerce par le truchement de plateformes particulières qui normalisent l'autoexploitation. Je pense que les chiffres que nous voyons sont en fait exponentiellement plus élevés, parce que nous voyons beaucoup de jeunes et d'enfants qui sont préparés à l'autoexploitation. Ils normalisent le proxénétisme et ne le définissent pas comme de la « traite des personnes ». Une fois qu'ils ont 18 ans, ils deviennent tout à coup des travailleurs du sexe consentants.
     Pour revenir à votre question, je ne crois pas qu'il y aura jamais de véritable censure. Dans un espace idéal, bien sûr... Si nous pouvions le faire, ce serait formidable. Je pense que la chose la plus importante à faire est de comprendre l'aspect coercitif de la traite des personnes et d'éduquer les gens à ce sujet.
    Je vous remercie.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Andréanne Larouche pour deux minutes et demie.
    Madame Larouche, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, madame Sharifi. Si j'ai le temps, je reviendrai peut-être à vous.
    Madame Nagy, je vous ai vue hocher la tête sur la question de la violence en ligne et je sais que cette question a fait l'objet de discussions lors des deux jours à Winnipeg. La plupart des témoins, y compris Mmes MacDonald et Sarson, ont mentionné qu'il y a eu un changement en ce qui a trait à ces crimes et à l'exploitation sexuelle pendant la pandémie.
    On sait aussi qu'une loi est en préparation actuellement, à Patrimoine canadien, pour contrer la violence en ligne.
    Selon vous, que devrions-nous inclure dans une telle loi pour s'assurer que ces crimes sont reconnus et qu'il est possible d'intervenir?

  (1200)  

[Traduction]

    Je vous remercie.
    Je reviens encore sur ce qu'a dit Mme Sharifi, que nous avons juste besoin d'une stratégie nationale pour la prévention. Nous devons lancer une campagne, comme nous l'avons fait contre le tabagisme et pour le port de la ceinture de sécurité. Nous devons commencer à apprendre aux enfants et aux parents ce qu'est un réel consentement, ce qu'est la traite des personnes, et lancer une vraie campagne nationale contre la traite des personnes, comprenant, entre autres, la sécurité numérique.
    Si l'on commence à éduquer en ciblant directement celles et ceux qu'il faut éduquer et en légiférant sur le sujet pour avoir une loi prévoyant, par exemple, que tout jeune de 12 ou 13 ans qui arrive doit recevoir cette éducation, ce sont ces jeunes qui grandiront et mettront fin à ce cycle d'exploitation parce qu'ils se garderont d'engager ce genre de conversations en ligne. Il suffit que nous leur donnions les outils.

[Français]

    Madame Sharifi, vous avez parlé de coercition. En quelques secondes, voulez-vous ajouter des commentaires à propos de la violence en ligne?

[Traduction]

    Il y a des plateformes numériques, comme OnlyFriends et TikTok, où le mot-clic « sugar baby » recueille 1,5 milliard de vues, et la normalisation de l'auto-exploitation et même de la prostitution numérique est telle qu'on qualifie le phénomène d'« influence ». Je dirai donc simplement que nous voyons un changement de langage et que des jeunes se conditionnent sur ces plateformes, au risque d'être victimes de la traite des personnes.
    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à Mme Lori Idlout.
    Madame Idlout, vous disposez de deux minutes et demie.
    Qujannamiik, Uqaqtittiji.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je vais reposer ma question à Mme Timea Nagy — en l'élargissant cette fois aux réfugiés et aux groupes de migrants. Pouvez-vous nous dire quels sont les facteurs qui contribuent à un risque plus grand d'être victimes de la traite des personnes pour les sans-papiers et les autres groupes de réfugiés et de migrants?
    Je vous remercie. C'est une excellente question.
    Les facteurs qui les exposent à un risque plus grand sont, comme pour toute victime, leur vulnérabilité, la raison pour laquelle ils se trouvent dans le pays et leur type de vulnérabilité. Il faut savoir que toutes les victimes ont une chose en commun: que leur manquait‑il à ce point? Qu'il s'agisse d'une Canadienne de 13 ans ou d'un travailleur migrant venu de la Jamaïque, pourquoi tout quitter pour venir au Canada en laissant sa famille derrière, pour travailler quatre ou cinq mois, dormir dans des lits superposés, sans voir sa famille, seulement pour gagner de l'argent? D'où vient leur désespoir?
    Le facteur qui augmente leur risque d'être victimes de la traite, c'est qu'ils sont vulnérables, un point c'est tout. Ils peuvent l'être pour de nombreuses raisons. Le problème, c'est qu'une fois au Canada, cela ne fait que rendre leur situation plus précaire, car ils n'ont pas de réseau de soutien, ils ne connaissent pas le droit, ils ne savent pas qui appeler, il se peut même qu'ils ne parlent ni anglais ni français. De plus, ils ont terriblement peur d'être expulsés parce qu'une fois arrivés ici — et il est très difficile de venir au Canada —, on ne veut pas être renvoyé parce qu'on vous a vendu ce rêve que vous pourrez sortir votre famille de ses problèmes financiers, que vous gagnerez assez pour payer le traitement de votre mère contre le cancer, et ainsi de suite.
    C'est une réponse très courte.
    Pouvez-vous témoigner devant le Comité? Avec le rapport qui va être publié, nous espérons que les personnes, en particulier dans ce domaine, seront mieux protégées. Sachant quels sont les risques plus importants, recommanderiez-vous des mesures pour faire en sorte que nous sachions comment aider à apporter les changements systémiques que vous réclamiez plus tôt?
    Madame Nagy, nous arrivons à la fin. Si vous pouviez être brève, ensuite, nous pourrons avoir un plan d'action pour obtenir vos recommandations aussi.
    Allez‑y, madame Nagy.
    Cela dit, je peux le mettre par écrit. Je ne vois pas comment bien répondre en 10 ou 20 secondes.

  (1205)  

    Madame Nagy, c'est pourquoi j'ai pensé à vous interrompre d'abord, parce que je sais qu'avec toutes vos compétences, je ne peux imaginer essayer de... Nous avons le premier petit différend.
    Nous en avons fini avec le premier groupe. Nous allons suspendre la séance quelques minutes parce que les membres du prochain groupe sont toutes en ligne et que nous allons vérifier le son.
    Je remercie tous les témoins. Merci, madame Timea, madame Sharifi, madame MacDonald et madame Sarson, de tous vos témoignages aujourd'hui.
    Nous allons suspendre la séance pendant une minute et demie environ.

  (1205)  


  (1205)  

    La séance reprend.
    Je souhaite la bienvenue aux membres du groupe suivant.
    J'accueille Cathy Peters, qui témoigne à titre personnel. Du Centre to End All Sexual Exploitation, nous avons Kathleen Quinn, directrice générale. De l'Aboriginal Women's Action Network, nous avons Fay Blaney, matriarche principale.
    Je cède la parole à Kathleen Quinn, du Centre to End All Sexual Exploitation, qui disposera de cinq minutes.
    Madame Peters, je sais que quelqu'un de notre équipe des TI va vous aider.
    Madame Quinn, vous avez la parole et vous disposez de cinq minutes.
    Bonjour, mesdames et monsieur les membres du Comité permanent de la condition féminine. Je vous remercie de cette invitation à témoigner devant vous.
    Je commencerai par vous parler de trois articles parus récemment à Edmonton.
    Le premier article date du 26 avril. Un homme accusé de traite des personnes sur deux jeunes filles de 15 ans doit répondre de 34 accusations parmi lesquelles celles de traite de personnes, proxénétisme, publicité, avantage matériel, possession et distribution de pornographie juvénile, agression sexuelle, et j'en passe. La police pense qu'il a essayé d'attirer deux autres jeunes filles dans le commerce du sexe.
    Le deuxième article date du 5 avril et est intitulé: « Six ans de prison pour un homme reconnu coupable de traite à des fins sexuelles de deux adolescentes d'Edmonton. » D'après l'article, le juge a déclaré « avoir pris en considération la vulnérabilité des jeunes filles de 16 et 17 ans — qui venaient toutes deux de familles pauvres ». Le proxénète « a contraint psychologiquement, agressé verbalement et intimidé » les deux jeunes filles. Après avoir écouté une des victimes, le juge a déclaré ceci: « Elle avait peur qu'il s'en prenne à sa famille si elle arrêtait de travailler pour lui. » Selon l'article, « L'homme a également proposé de la cocaïne à la jeune fille qui en a consommé avant chaque passe... Pendant cinq mois, elle a rencontré un 'flux constant' d'hommes. Elle a dit avoir été obligée de participer à de nombreux actes sexuels contre sa volonté. »
    L'article suivant, daté du 23 février, parle d'un homme accusé de traite de personnes concernant des Edmontoniennes vulnérables. Le sergent-chef de notre unité de police ALERT luttant contre le trafic et l'exploitation de personnes a déclaré que le trafiquant « attirait ces femmes dans des hôtels en leur offrant de la drogue, à manger et un toit, pour ensuite les exploiter et les obliger à se prostituer, allant jusqu'à les emmener dans toute la province ». La police soupçonne qu'il pourrait y avoir jusqu'à 20 autres jeunes femmes exploitées. Parmi les accusations retenues figuraient celles de traite des personnes, proxénétisme, publicité, avantage matériel et agression sexuelle. Les trois trafiquants étaient de jeunes hommes — de 21, 22 et 37 ans . Un quatrième accusé, une jeune femme de 19 ans, comparaîtra devant un tribunal en mai.
    Cela doit cesser à tous points de vue. Je dois demander quel est l'élément manquant dans ces trois articles. Qui est invisible? Je répondrai les hommes qui interrogent Internet et scrutent les rues, prêts à payer pour avoir accès aux corps de filles, de femmes et de personnes de diverses identités de genre. Leurs actes créent un marché pour qui se livre à la traite des personnes, qu'il s'agisse d'individus ou du crime organisé. La traite des personnes à des fins sexuelles est un commerce où les trafiquants gagnent de l'argent parce qu'il y a des consommateurs qui demandent le produit qu'ils vendent.
    Les policiers qui enquêtent sur la traite des personnes me disent qu'avant, il y avait 2 000 annonces par jour sur LeoList à Edmonton. Aujourd'hui, il y en a 5 000. Elles deviennent plus explicites sur les photos et dans les descriptions d'actes sexuels.
    J'ai passé la journée de samedi avec des hommes arrêtés au cours d'opérations de police pour avoir essayé d'acheter des services sexuels. Il s'agit du programme pour les délinquants sur le commerce du sexe. On explique à ces hommes les lois au Canada, la dynamique de l'économie du sexe et ce qu'est la traite de personnes à des fins sexuelles. Un homme qui achetait avant des services sexuels vient leur parler. Pendant la dernière réunion, ils écoutent deux femmes victimes d'exploitation sexuelle et une autre dont la fille fait partie des femmes d'Edmonton assassinées et dont le meurtre n'est toujours pas élucidé 25 ans plus tard.
    Jeudi, j'ai rencontré une femme autochtone victime d'exploitation. Elle m'a expliqué qu'à présent, sa mission éducative consiste en partie à mettre l'accent sur le bien-être mental des hommes, afin qu'ils ne participent plus à l'exploitation sexuelle de filles, de femmes et de personnes de diverses identités de genre. Elle venait d'éduquer le personnel d'Enbridge, qui s'occupe de beaucoup des pipelines dans les collectivités de l'Alberta.
    Selon moi, une des mesures les plus importantes que nous pourrions prendre pour empêcher la traite de personnes à des fins sexuelles serait de multiplier les opérations de police et d'offrir des programmes de responsabilisation des acheteurs de services sexuels qui éduquent ces hommes afin de renforcer leur empathie pour qu'ils ne participent plus à cette exploitation. En outre, nous pourrions diriger l'argent qu'ils paient pour suivre ces programmes vers des programmes de guérison et de transition.
    En Alberta, nous allons bientôt ouvrir le bureau de lutte contre la traite des personnes dont l'idée nous a été inspirée par des survivantes venues parler au groupe de travail de l'Alberta. Des organismes au service des jeunes ont créé dans le Sud de l'Alberta le modèle de réponse communautaire coordonnée afin de travailler avec des jeunes victimes d'exploitation sexuelle. Deux jeunes femmes, appelées coordonnatrices du réseau de sécurité, travaillent avec les policiers d'ALERT. Un poste est financé par Sécurité publique et l'autre, par ALERT. En avril, des policiers venus de tout le Canada se sont réunis afin de partager des compétences et de se faire part de défis. Cette réunion portait le nom de Maddison, une jeune femme à qui la traite de personnes à des fins sexuelles a coûté la vie.
    Ces initiatives et d'autres encore sur lesquelles nous travaillons en Alberta s'appuient sur les expériences des personnes qui survivent et qui disent qu'elles veulent faire partie de ceux qui créent l'avenir.
    Je vous remercie.

  (1210)  

    Je vous remercie.
    Nous passons maintenant à l'Aboriginal Women's Action Network, avec Mme Fay Blaney, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui.
    Madame Blaney, vous avez la parole.
    Je fais partie de l'Aboriginal Women's Action Network, qui existe depuis 26 ans. C'est un groupe féministe de femmes autochtones. Jusqu'à très récemment, notre groupe était composé de bénévoles, n'avait pas de bureau et s'organisait depuis chez les unes et les autres.
    Dans notre projet de commémoration, nous avons réuni pendant cinq jours un groupe de survivantes. C'étaient toutes des aînées et nous avons beaucoup appris sur ce que ces femmes ont enduré.
    Nous avons également réuni un groupe de femmes inuites à Montréal parce que nous avons remarqué un sujet d'actualité sur des Inuites qui mouraient dans cette ville sans que personne s'en préoccupe. Tellement de morts sont passées inaperçues que nous nous sommes déplacées par solidarité avec les femmes inuites qui se trouvaient dans les rues de Montréal.
    L'Aboriginal Women's Action Network, AWAN, a participé à la Marche commémorative des femmes, point zéro du massacre de Pickton. Nous avions aussi un statut d'intervenant dans l'affaire Cindy Gladue, ainsi que dans la contestation en vertu de la Charte de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation. Je voulais le préciser.
    Nous savons déjà que les femmes et les filles autochtones sont largement surreprésentées dans la traite de personnes à des fins sexuelles au Canada. De nombreux rapports disent que la moitié environ des victimes de la traite des personnes sont des femmes et des filles autochtones. Étant donné que nous ne représentons que 4 % environ de la population, nous sommes vulnérables et, étant marginalisées dans nos propres collectivités et dans la société en général, nous sommes des cibles faciles. Je dirai que le statut inférieur des femmes autochtones dans nos propres collectivités est un des indicateurs du succès du projet de colonisation.
    Je ne citerai pas de statistiques, mais vous savez par l'enquête nationale qu'il y a une violence endémique, pas seulement dans le passé, mais à l'heure actuelle, et qu'il y a une violence continue contre les femmes autochtones. Nous connaissons probablement les taux de violence sexuelle les plus élevés résultant du traumatisme intergénérationnel des pensionnats indiens, ainsi que de violence sexuelle dans le système de protection de la jeunesse. Dans cette province, environ 55 % des enfants placés sont autochtones. Je souligne que c'est entre 85 et 90 % dans d'autres provinces du pays.
    Le représentant des enfants et des jeunes de la Colombie-Britannique a publié en 2016 un rapport dans lequel il cite une étude sur les cas signalés de violence sexuelle dans les foyers d'accueil selon laquelle près de 70 % des victimes sont des filles autochtones et 12 % des garçons autochtones. Ce sont des taux extrêmement élevés. Enfants, nous sommes victimes d'agressions sexuelles. Adultes, nous sommes des cibles. Sherene Razack décrit de manière très éloquente comment nous sommes considérés comme sexuellement disponibles.
    Le racisme systémique, l'extrême pauvreté, le manque flagrant de services, l'absence de services culturellement adaptés et le manque de possibilités de formation sont autant de facteurs qui contribuent à cette situation aujourd'hui.
    Je ne sais pas combien de temps il me reste, mais je voulais parler de ce que j'aimerais voir arriver.
    Nous faisons partie du mouvement pour l'égalité des femmes... J'ai oublié notre nom. Nous avons pris un statut d'intervenant, je vous l'ai déjà dit. Je milite pour un modèle d'équité. J'aimerais la criminalisation des proxénètes et des clients. J'aimerais que la police respecte davantage la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation.

  (1215)  

    À propos des services sociaux, il y a beaucoup de surdoses. Là encore, les Autochtones sont surreprésentés. Nous avons besoin de meilleures aides sociales pour les personnes prises dans la prostitution. Il me semble bien évident qu'il n'y a pas une grande différence entre la traite des personnes et la prostitution. Je milite pour un revenu de subsistance garanti.
    Enfin, et surtout, j'aimerais vraiment que l'on considère que la demande d'égalité des femmes soit considérée comme importante et qu'on y réponde.
    J'ai oublié de mentionner en ce qui concerne le soutien des services sociaux que j'aimerais qu'il y ait plus de programmes pour les femmes autochtones prostituées dans tout le pays.

  (1220)  

    Je vous remercie, madame Blaney.
    Je vais devoir suspendre la séance quelques instants. Nous voulons vérifier que le son de Mme Peters fonctionne bien.
    Je suspends la séance.

  (1220)  


  (1220)  

    La séance reprend. Je vous souhaite de nouveau la bienvenue.
    Mme Peters a des problèmes de microphone. Nous allons donc passer à nos deux derniers témoins aujourd'hui.
    Je vais céder la parole à Mme Michelle Ferreri pour la première série de questions de six minutes.
    Madame Ferreri, vous avez la parole.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie tous les témoins, ainsi que les témoins du premier groupe. Vous vous êtes montrées très éloquentes. Je dois dire que certains des témoignages que nous avons entendus aujourd'hui dans le cadre de notre étude sur la traite des personnes et sur ce que nous pouvons faire en tant que nation pour lutter contre ce crime qui connaît la plus forte croissance dans le monde, sont choquants.
    Si vous le permettez, je commencerai par Mme Quinn.
    Je suis très curieuse, intéressée et intriguée, car un témoin qui a survécu à la traite des personnes nous a parlé du rôle des hommes et de ce que nous pourrions faire pour les éduquer. Il est tout à fait fascinant d'apprendre que la plupart des trafiquants et des proxénètes ont eux-mêmes été victimes de violence. Les gens blessés en blessent d'autres, comme nous l'entendons souvent dire dans notre monde. Vous le savez.
    Quels soutiens pouvons-nous offrir dès leur jeune âge à des hommes qui grandissent peut-être dans des situations compromises ou vulnérables?
    Quel devrait être, selon vous, par rapport aux hommes, notre rôle, le rôle d'autres ou votre rôle, en tant qu'organisation qui travaille avec des survivants et des victimes?
    Je vous remercie de me poser cette question très importante. Vraiment.
    J'aimerais dire que, dans le cadre du programme pour les délinquants sur le commerce du sexe, nous demandons aux hommes de raconter les expériences négatives qu'ils ont vécues dans leur enfance. C'est un aperçu de choses qui peuvent arriver dans l'enfance et qui pourraient les amener à commettre certains actes et à éprouver certains problèmes de santé dans leur vie. Nous constatons que de 40 à 45 % au moins ont vécu des expériences négatives importantes dans leur enfance. D'autres pas. Ces données nous permettent de nous faire une meilleure idée de ce que nous appellerons la misogynie, le patriarcat et les attitudes envers les filles et les femmes. Elles nous donnent un point de départ pour l'éducation.
    Je pense qu'il est très important d'éduquer en matière de consentement et de faire comprendre ce que cela veut vraiment dire partout. Il est important aussi de bien examiner ce que nous attendons des garçons et des hommes dans notre société.
    Je vis en Alberta. Notre économie repose sur les ressources naturelles. Nous éloignons des hommes de leur famille et de leur collectivité. Ils travaillent dans des camps. Parfois, le travail lui-même est très abrutissant et ils cherchent des moyens de combler le vide, la solitude et, peut-être, de compenser des relations brisées à cause de leur trop longue absence. Nous devons trouver des moyens de travailler avec les différentes entreprises et les camps pour voir comment remédier à ce qui est devenu un comportement très malsain, y compris de dépendance sexuelle, de dépendance au jeu et d'alcoolisme. Il faut transformer cela en une masculinité plus saine.
    Je suis très encouragée de voir que des jeunes gens ouvrent la voie et parlent de ce que cela veut dire d'être des hommes positifs et sains, et de ne pas se livrer à des comportements toxiques.
    Je suis encouragée de voir que nous avons plus de conversations. Il faut en parler et ne pas normaliser l'utilisation de filles et de femmes pour combler des vides dans leur vie.

  (1225)  

    Je vous remercie de votre réponse.
    Je pense, en effet, que nous avons certainement besoin de beaucoup plus de données sur ces facteurs prédéterminants d'une masculinité saine. Je pense qu'il y a encore beaucoup de travail à faire à ce sujet. On ne sait pas tout. Parfois, dans nombre de ces incidents, les hommes ne savent pas. Ils vivent dans un certain environnement, et je pense qu'il y a une responsabilité sociale pour ce qui est de le réorienter et d'essayer de l'améliorer. C'est, en tout cas, mon avis.
    Je vous remercie. Je suis d'accord.
    Je vous remercie.
    Je voudrais passer à Mme Blaney, dont c'est l'anniversaire aujourd'hui.
    Nous avons reçu quelques témoins au Comité. À vrai dire, c'était très déroutant. Je serai honnête avec vous. Je vais en citer certains.
    Elene Lam, du Butterfly: Asian and Migrant Sex Workers Support Network, a déclaré que « les termes 'traite des personnes' et 'traite des personnes à des fins sexuelles' sont inutiles et prêtent à confusion ».
    Êtes-vous d'accord avec elle, madame Blaney?
    Non, je ne suis pas d'accord avec elle. Je ne comprends pas pourquoi elle dirait pareille chose.
    Je suis désolée, madame la présidente. Combien de temps me reste‑t‑il?
    La présidente: Il vous reste une minute.
    Mme Michelle Ferreri: D'accord, je vous remercie.
    Je vais revenir à Mme Blaney.
    Nous avons beaucoup entendu parler du nombre de femmes autochtones assassinées ou disparues et du fait que les femmes autochtones sont bien plus souvent prises pour cibles. Nous savons qu'il faudra des générations pour surmonter une grande partie du traumatisme. Je crois que c'est sept ans pour un traumatisme sanguin.
    Que pensez-vous, d'un point de vue autochtone, que nous puissions faire pour aider les jeunes garçons autochtones — si nous restons sur le thème des jeunes hommes — en ce qui concerne les relations saines? Faites-vous un travail dans ce domaine?
    Je suis en train de lancer un programme sur la violence sexuelle ici, dans la Première Nation de Homalco. Je mets principalement l'accent sur les femmes et les filles, mais je sais qu'il y a un manque flagrant de programmes et de services pour les hommes et les garçons.
    Quand les hommes veulent se montrer francs et honnêtes au sujet de ce qu'ils ont vécu et de leur délinquance, il n'y a aucun soutien. Si quelqu'un ose dire quelque chose, toute la collectivité cherchera à le chasser.
    C'est ce qui est arrivé pendant la Commission de vérité et réconciliation. Il n'y avait aucun soutien en place. Les femmes parlaient et des hommes étaient emmenés et envoyés en prison.
    Je vous remercie, madame Blaney. Je n’aime pas vous interrompre pendant votre témoignage. Je m’en excuse sincèrement.
    Nous passons maintenant à Mme Anita Vandenbeld.
    Madame Vandenbeld, vous disposez de six minutes.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Je poserai ma première question à Mme Blaney.
    Je vous remercie beaucoup de votre témoignage. Les témoins nous parlent souvent de la proportion importante de femmes et de filles autochtones victimes de la traite, mais il est très utile pour nous d'entendre de votre bouche des solutions possibles.
    Avant de commencer, je vais revenir à la question que Mme Ferreri a posée sur le terme « traite des personnes ». Il me semble que ce que le témoin a dit, c'est qu'utiliser un terme qui est dans le Code criminel pour quelque chose qui est... Nous avons entendu dans tous nos déplacements dans le pays, il y a quelques semaines, qu'il s'agit en fait d'un continuum entre la contrainte et quelque chose que les travailleurs et les travailleuses du sexe font qui est leur choix et, ensuite, l'acte criminel de la traite des personnes, mais il y a tout un éventail entre ces deux extrémités. On ne sait pas toujours très bien où l'un se termine et où l'autre commence.
    Que pensez-vous des termes et des définitions que nous utilisons et du fait que de nombreuses victimes, comme nous l'avons entendu même aujourd'hui, ne se voient pas comme des victimes de la traite des personnes? Si on utilise cette terminologie, elles ne se sentent pas concernées.
    Pouvez-vous nous éclairer un peu?

  (1230)  

    Je ne vois pas la grande différence entre les deux, entre être prostituée aux termes de la Loi sur la protection des collectivités et des personnes et être victime de la traite, parce que c'est le point de départ pour être victime de la traite des personnes à des fins d'exploitation dans l'industrie du sexe. Des femmes se retrouvent prisonnières de ce milieu.
    Les femmes autochtones sont vraiment surreprésentées. La plupart des rapports disent que la moitié des victimes de la traite des personnes sont des femmes et des filles autochtones. Il reste beaucoup à faire pour venir à bout de notre marginalisation pour que nous ne soyons plus aussi vulnérables — pas seulement pour venir à bout de notre marginalisation, mais aussi pour changer l'attitude des hommes qui sont les clients. C'est la demande qui mène à la traite des personnes, puis à la prostitution.
    Je vous remercie de le mentionner parce que, quand nous étions en Nouvelle-Écosse, une organisation qui a réalisé auprès de survivantes une enquête sur les clients est venue témoigner devant le Comité. Qui étaient les clients? L'organisation avait dressé un tableau qui montrait que la moitié des répondantes disaient compter des policiers parmi leurs clients, mais aussi des dirigeants religieux, des dirigeants politiques — des personnes qui ont un pouvoir —, des propriétaires et ainsi de suite.
    Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet? Je sais que Mme Quinn l'a également mentionné dans son témoignage, notamment à propos des camps d'hommes dans le Nord. Je me demande si vous pourriez toutes deux — je commencerai par Mme Blaney — nous dire ce que vous pensez de ce que nous faisons pour que ces hommes sachent le mal qu'ils font et pour enrayer la demande.
    Vous avez la parole, madame Blaney.
    Le modèle de l'égalité, le modèle nordique, est un bon point de départ pour lutter contre l'inégalité des femmes. D'un point de vue autochtone, ce sont toutes les mesures prévues par la Loi sur les Indiens qui ont garanti notre marginalisation.
    Nos dirigeants masculins étaient très complices pendant l'enquête nationale. J'ai vérifié les agressions sexuelles, par exemple, et j'ai trouvé neuf cas. Bridget Perrier, qui est très connue, est venue à Winnipeg dire que les jours d'assemblées de chefs étaient les plus occupés pour elles et qu'il y avait des enfants exploités qui étaient prostitués.
    Nos chefs spirituels... Il est vraiment difficile d'en parler, mais je sais que nos chefs spirituels sont complices.
    Ici, à Prince George, un juge a été accusé et, ensuite, il y a tout un tas de policiers qui essaient de dissimuler cela depuis tellement longtemps.
    Je suis très favorable au modèle de l'équité qui a été suivi dans les pays nordiques et à la façon dont il remédie au statut des femmes et de citoyennes de deuxième zone que nous connaissons en tant que femmes autochtones.
    Je vous remercie.
    Il est abominable de penser que les personnes mêmes qui sont censées protéger ces jeunes filles et ces femmes sont celles qui en font des victimes.
    Je vous remercie de cet important témoignage. Je pense que nous allons examiner ce modèle.
    J'aimerais entendre l'avis de Mme Quinn sur ce sujet en particulier, notamment parce qu'elle en a parlé dans son témoignage.
    Je vous remercie.
    J'ai le privilège d'animer depuis plus de 26 ans le programme pour les délinquants sur le commerce du sexe. C'est ainsi que je me suis intéressée à la question, en voyant les conséquences des activités des hommes qui exploitaient des jeunes filles et des femmes dans les rues au coeur de ma collectivité, à Edmonton.
    J'ai travaillé avec plus de 3 400 hommes. Ils viennent de tous horizons, de toutes les cultures et ils sont de tous âges. L'âge moyen se situe entre 30 et 50 ans, mais nous avons des hommes de 18 à 80 ans. La moitié sont mariés.
    Je pense que nous avons un réel défi pour ce qui est d'aider les hommes à comprendre ce qu'est une sexualité saine, ce qu'est la réciprocité dans une relation, ce qu'est le respect, ce que sont toutes ces choses. Ensuite, on passe à l'abus de pouvoir.

  (1235)  

    Madame Quinn, je vais devoir vous arrêter là. Nous avons un peu dépassé le temps de parole.
    Peut-être que nous pouvons... L'information que vous fournissez, comme certaines des statistiques sur les données et l'intérêt de mesures, est très importante.
    Je suis certaine qu'avec Mme Vandenbeld, nous vous demanderons plus de précisions sur certains points. Je vous remercie.
    Nous passons à Mme Andréanne Larouche.
    Madame Larouche, vous disposez de six minutes.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être avec nous aujourd'hui.
    Madame Blaney, c'est intéressant d'entendre parler de certaines pistes de réflexion. Il est aussi intéressant de constater que des recommandations existent peut-être déjà, mais qu'elles ne sont pas mises en application.
    Vous avez soulevé la question du point de vue des autochtones, et vous avez mentionné plusieurs études qui ont déjà eu lieu et qui ont mené à des recommandations. On peut penser à la Commission de vérité et réconciliation du Canada ou à l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
    Quelles recommandations formulées dans ces rapports aimeriez-vous voir adopter en priorité pour améliorer la situation dans le dossier de la traite des personnes et de l'exploitation sexuelle, sachant, comme vous l'avez si bien dit, que les femmes et les filles autochtones sont surreprésentées dans les statistiques?

[Traduction]

    Il y a énormément de choses dans le rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées dont nous pouvons nous inspirer pour lutter contre les inégalités dont souffrent les femmes autochtones afin qu'elles ne soient plus aussi vulnérables. Il me semble que notre totale vulnérabilité — le degré de pauvreté et d'itinérance, la toxicomanie et quantité de problèmes auxquels les femmes autochtones font face — est la cause profonde de bien des choses horribles qui nous arrivent... afin que nous ayons les moyens d'être de simples citoyennes de ce pays.

[Français]

     Quelle recommandation feriez-vous concernant le manque de services culturellement adaptés dont vous parlez, madame Blaney? On sait que la langue est aussi un facteur. Il est plus difficile pour une victime de se sortir d'une situation de crise, par exemple, lorsqu'elle n'a pas accès à des services dans sa langue et qu'elle doit quitter son milieu pour se retrouver à des milliers de kilomètres de chez elle, sans ressource ni contact, et sans son entourage pour l'aider à s'en sortir.
    Est-ce ce dont vous vouliez parler? Avez-vous des commentaires à ajouter là-dessus? Vous pouvez aussi préciser votre pensée sur le manque de services culturellement adaptés.

[Traduction]

    Je prendrai l'exemple de Rose Harbour ici, à Campbell River. C'est un centre d'hébergement. Alors qu'il accueille 52 % de femmes autochtones, personne parmi les employés et au conseil d'administration n'est autochtone. Je souligne que, pour les femmes inuites, aussi, à Montréal... Quand nous avons mené des actions de solidarité avec elles, il n'y avait pas assez de femmes autochtones qui offraient ces programmes et ces services.
    Ce qui serait encore mieux, ce serait que les ressources des programmes et des services destinés aux femmes autochtones soient fournies par et pour nous, parce que nous savons ce que nous avons vécu ou vivons. Nous ne subirions pas le racisme systémique que nous rencontrons dans les programmes et les services auxquels nous faisons appel.

  (1240)  

[Français]

    C'est intéressant, madame Blaney. Vous parliez de la malheureuse situation des femmes inuites dans la région de Montréal. En tant que députée du Québec, je me préoccupe particulièrement de leur situation. On sait qu'il y a des projets pilotes de refuges destinés exclusivement à des femmes.
    Considérez-vous que ce type de ressource adaptée aux femmes en particulier fait partie de ces services culturellement mieux adaptés? Une femme en situation d'itinérance ne doit pas nécessairement être traitée de la même façon qu'un homme en situation d'itinérance, pour plein de raisons que vous avez mentionnées en parlant de différences culturelles.
    Voulez-vous nous en dire davantage là-dessus, madame Blaney?
    Sinon, je vois Mme Quinn qui hoche la tête. Il reste près d'une minute, et vous pourriez aussi ajouter vos commentaires, madame Quinn, sur la question des services culturellement adaptés. Vous pouvez aussi nous parler de certaines recommandations qui existent déjà ou de situations déjà vécues et desquelles nous pourrions dégager des pistes de réflexion.

[Traduction]

    Il nous reste 20 secondes.
    Vous avez la parole, madame Blaney, puis ce sera le tour de Mme Quinn.
    D'accord.
    Je sais que Pauktuutit a reçu des fonds pour créer des maisons de transition, ce que je trouve formidable. C'est une bonne nouvelle, mais ce n'est certainement pas suffisant. Beaucoup d'Inuits sont contraints de venir dans le Sud. Je pense que le logement est un gros problème, de même que le coût de la vie.
    J'en resterai là et je cède la parole à Mme Quinn.
    Attendez une seconde, madame Larouche. Je vais les laisser continuer de répondre à leurs questions, puis je rayerai votre dernière intervention...
    Madame Quinn, vous avez la parole.
    Je vous remercie.
    Je suis d'accord avec Mme Blaney qu'il n'y a pas suffisamment de ressources et de centres d'hébergement culturellement adaptés. À Calgary, il y a le foyer pour femmes Awo Tann, qui est très efficace et accueillant. À Edmonton, il n'y a pas de foyer pour femmes dirigé par des Autochtones.
    Personnellement, je milite en faveur d'un centre d'hébergement créé par des femmes autochtones — des femmes qui ont survécu à la maltraitance et à la violence — de manière qu'il soit comme elles le souhaitent.
    Nous avons un rappel au Règlement.
    Madame Sidhu, vous avez la parole.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente, les cloches sonnent. Par conséquent, si nous pouvons...
    Les cloches annoncent un vote.
    Comme les groupes de témoins sont là, nous devons avoir un consentement unanime pour continuer, après quoi nous pourrons voter d'ici ou... Le vote est reporté à 13 h 10. Avons-nous un consentement unanime pour que tout le monde reste ici jusqu'à 13 heures?
    Tout le monde semble d'accord. Très bien.
    Je vous remercie, madame Sidhu, d'avoir attiré notre attention sur la question.
    Madame Quinn, je vous accorde une autre minute. Poursuivez.
    Si vous le permettez, j'aimerais parler d'autre chose.
    Pour me préparer à témoigner, j'ai lu le rapport de 2007 du comité de la condition féminine intitulé De l'indignation à l'action. Je pense vraiment que nous en sommes encore à l'indignation. Il nous faut plus d'action concertée dans tout le pays.
    La Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation nous donne l'outil nécessaire pour que le Canada tienne son engagement en tant que signataire du Protocole de Palerme. Nous l'avons signé en 2002. L'article 9 dit que nous devons prendre des mesures pour décourager la demande qui favorise l'exploitation, notamment des filles et des femmes. C'est là que nous avons des lacunes à combler et que nous pouvons agir.
    J'ai mentionné le programme pour les délinquants sur le commerce du sexe. C'est un exemple. Il y en a beaucoup d'autres.
    L'essentiel est qu'à la fin du programme de mesures de rechange de huit heures, les hommes disent qu'ils ne savaient pas. Ils ne savaient pas ce qui se passait vraiment. Ils voient des annonces sur des sites à contenu sexuel. Alors ils pensent que c'est la normale et qu'il n'y a rien de mal à utiliser ces services. Ils disent tous qu'il faudrait expliquer tout cela dans les écoles et que nous devrions parler avec les hommes avant qu'ils se fassent attraper.
    Il y a aussi ceux qui sont aux prises avec des idées suicidaires, une dépendance au sexe, et ainsi de suite. Ils ont besoin d'aide. Il serait très important de considérer qu'il s'agit aussi d'un problème de santé mentale des hommes,
    Il est vraiment important de parler du déséquilibre du pouvoir et de qui détient le pouvoir quand on paie pour avoir des relations sexuelles. Est‑il acceptable d'utiliser son pouvoir sur une autre personne, surtout dans une situation de vulnérabilité, comme nous l'avons entendu dans les articles que je vous ai lus?
    Je vous remercie.

  (1245)  

    Excellent. Je vous remercie.
    La parole est maintenant à Mme Idlout.
    Madame Idlout, vous disposez de six minutes.
    Qujannamiik, Uqaqtittiji. Je vous remercie, madame la présidente.
    Je remercie infiniment les deux témoins. Leurs témoignages à toutes deux sont très éloquents et très importants.
    En tant qu'Inuk, que femme autochtone, je vous suis infiniment reconnaissante de votre travail de sensibilisation et de tout ce que vous faites pour que nous continuions d'améliorer la protection des femmes, des filles et des personnes bispirituelles autochtones.
    Ma première question sera pour Mme Fay Blaney.
    Au fait, bon anniversaire!
    Je vous remercie.
    Je vois que vous avez été interviewée pour un article le 21 décembre 2016. Vous avez parlé du fait que les femmes autochtones ne vont pas trouver la police. Vous mentionnez dans cet article la situation alors récente à Val-d'Or, au Québec, « où les procureurs de la Couronne ont décidé que, malgré 37 dossiers d'allégations de violences policières, toutes portées par des femmes autochtones, aucun des six policiers accusés ne serait inculpé ».
    Depuis 2016, avez-vous vu des changements ou des améliorations pour les femmes qui accusent des policiers de violence? Qu'est‑ce qui doit changer pour qu'il y ait plus de signalements aux services de police, qui sont censés être là pour protéger les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones?
    Je pense que la police oppose beaucoup trop de résistance, et je dirai que tout le système judiciaire se montre beaucoup trop réticent à changer quoi que ce soit.
    En voyant combien c'est difficile, je repense au rapport sur la violence sexuelle du Fonds d'action et d'éducation juridique pour les femmes, le FAEJ. Robyn Doolittle a également écrit un article sur les réponses de la police aux violences sexuelles. Selon moi, tout le système doit changer d'une manière ou d'une autre. Ce que nous faisons ne marche pas, mais le système résiste énormément au changement.
    Vu comme elle est maintenant, convaincre les survivants d'aller signaler quoi que ce soit à la police n'est pas prioritaire pour moi, parce qu'ils ne seront pas entendus de toute façon et que la police ne s'attaquera pas aux crimes commis dans ses rangs.
    À Vancouver, le responsable de l'unité de lutte contre l'exploitation sexuelle a été accusé de violence sexuelle contre des jeunes, et la police resserre les rangs et affirme qu'il s'agissait d'un incident isolé. Personnellement, j'y vois encore un autre exemple de sa réticence à s'attaquer au problème.
    Je ne crois pas que le changement viendra de sitôt. S'ils refusent l'éducation ou se montrent réticents à la recevoir, je ne sais pas ce qu'il faudrait pour que les choses changent.
    Je vous remercie de votre réponse.
    On dirait que pas grand-chose n'a changé depuis 2016, ce qui est vraiment regrettable parce que cela montre qu'il y a indéniablement des obstacles systémiques et structurels qui exposent les femmes, les filles et les personnes bispirituelles autochtones à plus de violence.
    Pouvez-vous toutes les deux nous dire quels changements sont nécessaires?
    Je comprends, madame Blaney, que vous avez du mal avec cette question. Je demanderai donc à Mme Quinn de répondre en premier et, si vous le souhaitez, vous répondrez ensuite, car j'aimerais aussi avoir votre avis.

  (1250)  

    Je vous remercie.
    Je vois quelques changements encourageants à certains égards.
    Ainsi, il y a plus de policières, ce qui commence à changer la culture aussi. Ensuite, en Alberta et, je crois, dans la région de Peel et dans quelques autres endroits dans le pays, des femmes qui ont survécu à la traite des personnes ou à l'exploitation sont embauchées, ou des jeunes femmes très résolues et des travailleuses qualifiées travaillent dans la police. Ce sont les intervenantes de première ligne et elles ont pour rôle d'écouter ces femmes et d'aider à les mettre en sécurité, quoi qu'elles entendent par là.
    Une femme peut ne jamais aller déclarer à la police ce qui lui arrive. Il lui faudra peut-être un an pour décider de le faire, mais le rôle de ces coordinatrices du réseau de sécurité et des pairs aidants est, tout d'abord, de garantir la sécurité de cette femme, de veiller à ce qu'il soit répondu à ses besoins fondamentaux et de faire en sorte qu'elle puisse commencer à sortir de la situation de traite.
    Il nous faut, selon moi, plus de modèles de ce type dans tout le pays. C'est mon avis.
    Madame Idlout, je vais vous accorder une minute de plus, au lieu de revenir, afin que vous puissiez poser une autre question maintenant, si vous le voulez.
    Je vous remercie.
    J'ai une question au sujet du secteur de l'extraction des ressources parce que je sais qu'il y a eu une étude sur le lien qui semble exister entre ce secteur... et sur le lien apparent avec la traite des personnes à des fins sexuelles.
    Pouvez-vous nous parler toutes les deux du secteur de l'extraction des ressources et de ce lien avec la traite des personnes à des fins sexuelles?
    Je vous remercie.
    Madame Blaney, voulez-vous répondre en premier?
    Allez‑y, madame Quinn, puisque vous menez un travail dans ce domaine.
    D'accord. Je vous remercie.
    Là encore, je vais m'inspirer de la force etde l'expérience de femmes autochtones qui jouent vraiment un rôle de premier plan dans ce travail en Alberta. J'ai mentionné la femme qui, pour la deuxième année, a été invitée à éduquer le personnel d'Enbridge, qui est une des sociétés pipelinières. J'appuie également le comité consultatif et de surveillance autochtone mis sur pied pour les travaux de prolongement de l'oléoduc Trans Mountain. Des personnes de différentes collectivités des Premières Nations et d'établissements métis essaient vraiment de voir ce qu'elles peuvent faire pour corriger la situation.
    Je pense, là encore, que c'est l'attitude des hommes qui, quand ils sont loin de leurs collectivités d'origine, estiment pouvoir satisfaire à leurs besoins, quels qu'ils soient, avec les femmes vulnérables qui se trouvent à proximité. Selon moi, les entreprises doivent montrer l'exemple et insister sur une éducation au sujet de l'exploitation sexuelle et du consentement et des femmes autochtones disparues ou assassinées. Il faut à cet égard un réel engagement.
    Nous espérons que Trans Mountain mettra en place cette éducation, comme Enbridge.
    Madame Blaney, je regarde le temps et nous n'en avons malheureusement pas beaucoup. Nous allons vous demander de bien vouloir répondre par écrit. Nous vous en serions reconnaissants.
    Il nous reste deux séries de questions et je les réduis à trois minutes chacune.
    Madame Vien, vous disposez de trois minutes. Je commencerai par vous.

[Français]

    Bonjour, mesdames. Je vous remercie d'être avec nous cet après-midi.
    Ce que je comprends du dossier que nous étudions aujourd'hui, c'est qu'il y a ceux qui organisent le trafic — la traite des personnes —, il y a ceux qui en profitent ou ceux qui achètent ce service et il y a ceux et celles qui le subissent, évidemment. Selon moi, il ne semble pas y avoir beaucoup de gens qui sont très enthousiastes à l'idée de voir cette question de trafic se régler.
    Madame Quinn, vous avez proposé tantôt quelques pistes de solution, notamment une initiative inspirée par des femmes survivantes engagées. C'est de bon augure. Ce sont de bons gestes.
    Est-ce qu'on intervient de façon équitable sur chacun de ces trois aspects en ce moment?
    Y a-t-il un de ces aspects sur lequel on s'attarde davantage au détriment de l'autre ou qui est occulté complètement et sur lequel on devrait aussi se pencher?
    C'est une question qui exigerait probablement que l'on y réponde en plus de 20 minutes, et nous n'en avons que trois.
    De nombreuses hypothèses et suggestions ont été formulées. Tout à l'heure, les témoins nous ont dit que cela ne se passe pas aussi bien qu'on le pense. Il y a notamment un manque d'argent.
    Sur quels fronts, d'abord et avant tout, faudrait-il se concentrer?
    Qu'en pensez-vous, madame Quinn?

  (1255)  

[Traduction]

    Nous devons toujours nous concentrer sur les victimes. Nous devons augmenter les soutiens et les services.
    En même temps...

[Français]

     Excusez-moi de vous interrompre, mais il y a un problème concernant l'interprétation.

[Traduction]

    Oh, est‑ce que ça fonctionne? Bon.
    D'accord, allez‑y.
    Je le répète, nous sommes toujours appelées pour soutenir les personnes qui souffrent et qui sont exploitées, et nous devons remonter en amont pour arrêter ce qui cause la souffrance. Ce que je préconise à cette extrémité, c'est l'éducation des garçons et des hommes au sujet du consentement et du fait de ne pas participer à l'exploitation ou à la traite des personnes. Si nous ne remédions pas à cette situation, nous créerons continuellement de plus en plus de services pour aider les victimes.

[Français]

    Je suis tout à fait d'accord avec vous.
    Madame Blaney, avez-vous espoir que la situation s'améliorera? Vous avez formulé des réserves tantôt.

[Traduction]

    J'aimerais que la police applique la Loi sur la protection des collectivités et des personnes victimes d’exploitation dans tout le pays.
    Nous allons passer à Mme Lambropoulos, qui est en ligne.
    Madame Lambropoulos, vous disposez de trois minutes. Vous avez la parole.
    Je tiens d'abord à remercier les témoins de leur présence aujourd'hui.
    Il a beaucoup été question d'éducation et du rôle que l'éducation pourrait jouer pour ce qui est d'améliorer la situation, mais je m'en tiendrai à une question sur un sujet à propos duquel j'aimerais connaître votre avis.
    Je commencerai par vous, madame Quinn. Vous avez demandé un renforcement de l'application de la loi pour aider les victimes de la traite des personnes à des fins sexuelles et pour punir sévèrement les trafiquants, mais des travailleuses du sexe qui ont témoigné devant le Comité nous ont dit qu'elles se sentent souvent en danger, notamment parce qu'il n'existe évidemment pas de code du travail de la prostitution et qu'il y a souvent des conséquences pour les femmes qui font le commerce du sexe, que ce soit par choix ou pas. Beaucoup de femmes ont l'impression de ne pas avoir nécessairement le choix, en ceci que c'est la seule chose qu'elles peuvent faire ou qu'elles le font quand elles se trouvent dans une situation où elles pensent devoir le faire.
    À votre avis, quel est le bon équilibre à trouver dans l'approche? Comment faire en sorte que le gouvernement sévisse contre les trafiquants, tout en protégeant les victimes de la traite et, de manière générale, les victimes d'agression et de violence sexuelle quand elles se trouvent dans ce type de situations, étant donné que le commerce du sexe n'est pas en soi illégal?
    Qu'en pensez-vous?
    Je vous remercie. C'est une question très complexe qui exige le meilleur de nous tous.
    Je vois qu'il y a un continuum. Je reconnais que des personnes qui s'identifient comme travailleurs ou travailleuses du sexe sont très autonomes, n'ont pas d'histoire de traumatismes, ne connaissent pas la pauvreté et contrôlent très bien la négociation. Cependant, ces personnes constituent une toute petite minorité. La majorité d'entre elles sont dans le commerce du sexe et puis dans la traite des personnes pour survivre ou par le hasard des circonstances.
    Un jour, je regardais le confluent du fleuve Fraser et de la rivière Thompson, l'endroit où ces deux cours d'eau se rencontrent. Les eaux se mêlent. C'est très difficile. Les hommes nous disent qu'ils sont incapables de dire qui fait cela pour gagner de quoi payer son loyer et qu'ils ne savent pas si la personne est victime de la traite. C'est très difficile à deviner.
    Nous devons vraiment travailler sur certains des aspects plus importants. Je suis en faveur d'un revenu de subsistance garanti. Pendant la pandémie, nous avons fait une étude dans le cadre de laquelle nous avons ajouté de l'argent au revenu du ménage de femmes et nous leur avons demandé ce qu'elles en pensaient. Elles ont répondu que, s'il y avait un revenu minimum garanti, elles n'auraient pas besoin de se prostituer. D'emblée, cela nous dit quelque chose...
    Madame Quinn, je vous remercie. Je ne voulais pas vous interrompre, mais nous arrivons à la fin du temps qui nous est imparti.
    Au nom du Comité, je vous remercie toutes deux infiniment de votre présence. Merci beaucoup de votre témoignage. Si vous avez d'autres informations, comme celles que Mme Vandenbeld et moi notions probablement toutes les deux en même temps, nous serions très heureuses d'en prendre connaissance.
    Chers collègues, voilà qui met fin à la séance d'aujourd'hui. Je vous rappelle que vous devez communiquer aujourd'hui vos recommandations sur les sports. Nous demandons qu'elles soient en anglais et en français, si possible.
    Nous nous voyons tous jeudi à 15 h 30.
    La séance est levée.
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