Passer au contenu
Début du contenu

FEWO Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain
Passer à la navigation dans le document Passer au contenu du document






Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la condition féminine


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 4 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1530)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 64e réunion du Comité permanent de la condition féminine de la Chambre des communes.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule en format hybride, conformément à l'ordre de la Chambre du 23 juin 2022. Les membres peuvent assister à la réunion en personne dans la salle ou à distance en utilisant l'application Zoom.
    J'aimerais formuler quelques commentaires à l'intention des témoins et des membres.
    Veuillez attendre que je vous nomme avant de prendre la parole. Si vous participez par vidéoconférence, cliquez sur l'icône du microphone pour activer votre micro et veuillez le mettre en sourdine lorsque vous ne parlez pas.
    Pour l'interprétation, les utilisateurs de Zoom ont le choix au bas de leur écran entre le parquet, l'anglais ou le français. Les membres présents dans la salle peuvent utiliser l'oreillette et choisir le canal désiré.
    À titre de rappel, tous les commentaires doivent être adressés à la présidence.
    Pour les membres présents dans la salle, si vous voulez prendre la parole, veuillez lever la main. Pour les députés qui utilisent Zoom, veuillez utiliser la fonction « Lever la main ».
    Conformément à la motion de régie interne du Comité relativement aux tests de connexion, je tiens à informer le Comité que tous les tests ont été effectués et que tout est satisfaisant.
    Passons maintenant à notre étude. Conformément à l'article 108(2) du Règlement et à la motion adoptée le mardi 1er février 2022, le Comité reprend son étude sur la traite des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre.
    Avant de présenter nos témoins, je dois vous avertir que le sujet de notre étude est très délicat. Nous allons discuter de situations mettant en cause la violence qui risquent d'ébranler des téléspectateurs, des membres du Comité ou du personnel qui auraient vécu des expériences semblables. Si vous éprouvez de la détresse ou si vous avez besoin d'aide, je vous invite à le signaler à la greffière ou à moi-même.
    J'aimerais maintenant passer à notre premier groupe de témoins.
    Nous accueillons Derrick Flynn, président du conseil d'administration de l'organisme Angels of Hope Against Human Trafficking; Tiffany Pyoli York, coordonnatrice anti-traite des êtres humains et éducatrice publique aux Services aux victimes du Grand Sudbury; Kathleen Douglass, présidente désignée et présidente de la défense des intérêts au Zonta Club of Brampton-Caledon, ainsi que Melissa Marchand, qui est membre du Zonta Advocacy Committee.
    Chaque organisme disposera au départ de cinq minutes. Lorsque vous me verrez agiter la main, veuillez conclure, car cela signifie qu'il vous reste 15 secondes ou moins.
    Je vais donner la parole à Derrick Flynn pour cinq minutes.
    Allez‑y, monsieur Flynn.
    Madame la présidente et honorables membres du Comité, je vous remercie de nous donner l'occasion de vous parler aujourd'hui de la question de la traite des personnes.
    Je représente l'organisme Angels of Hope Against Human Trafficking. Nous sommes une organisation communautaire locale située à Sudbury, en Ontario. Depuis 2015, Angels of Hope fournit un soutien à long terme axé sur les traumatismes à plus de 300 personnes survivantes de la traite des personnes et à leurs familles. Angels of Hope est le seul organisme du Nord de l'Ontario qui se consacre exclusivement au soutien des personnes survivantes de la traite des personnes.
    Les personnes survivantes de la traite des personnes à des fins sexuelles ont besoin de soins spécialisés tenant compte des traumatismes subis pour réussir à se sortir de l'exploitation, à reprendre leur place dans la société et à reconstruire leur vie. Le processus de sortie de la traite à des fins sexuelles et de rétablissement après cette dernière est complexe, très nuancé et jamais linéaire. Une fois qu'une personne n'est plus exploitée, il peut falloir en moyenne sept tentatives pour qu'elle réussisse à quitter l'industrie du sexe en raison de vulnérabilités continues, de liens traumatisants et de l'absence d'un hébergement sûr.
    En plus des promesses non tenues et du manque de ressources, il arrive trop souvent que le parcours de la justice réparatrice d'une personne survivante soit saboté par le manque de sensibilisation et de compréhension de l'état d'esprit et du traumatisme de cette personne.
    Les soins tenant compte des traumatismes ne se résument pas à faire en sorte qu'une personne survivante se sente bien ou à la traiter avec gentillesse. Ce n'est pas une expression accrocheuse, un crochet sur un site Web ou un certificat sur le mur.
    Le mouvement de lutte contre la traite des personnes est inondé d'experts autodésignés qui considèrent la traite des personnes comme un terreau fertile pour des subventions et des possibilités de financement. Ces organisations accrochent leur enseigne « Ouvert » sans avoir la moindre expérience de la traite des personnes, en particulier en travaillant avec des personnes survivantes de cette dernière.
    Bon nombre de ces organisations considèrent les besoins des personnes survivantes de la traite à des fins sexuelles comme secondaires à leurs efforts de collecte de fonds, à leurs aspirations professionnelles, à leur notoriété et à leur statut social ou politique. Cela détruit des vies et met en danger la vie des personnes survivantes. Il faut accorder la priorité au financement visant à soutenir directement les personnes survivantes.
    Les personnes survivantes communiquent par leurs comportements. Pourtant, malgré tous les investissements dans l'éducation et la sensibilisation, la majorité des personnes survivantes nous parlent de leur expérience de l'ignorance, de l'apathie, de la stigmatisation sociale et raciale, de l'incompétence, de la corruption et de l'exploitation parmi les forces de l'ordre, le système de justice, les médecins, les infirmières et les travailleurs sociaux. En plus de la formation continue et de la sensibilisation, le changement de paradigme nécessaire pour modifier cela n'est possible qu'en éduquant les personnes qui entrent dans ces professions.
    Angels of Hope est ravie d'offrir des ateliers sur la traite des personnes à la prochaine génération de professionnels du droit dans le cadre d'études universitaires en droit dans le but de renforcer la confiance des personnes survivantes à l'égard du système de justice pénale et d'inspirer les professionnels du droit à comprendre l'état d'esprit des personnes survivantes et à leur donner les moyens de demander justice.
    Les personnes survivantes expliquent très clairement pourquoi elles ne font pas confiance à la police et pourquoi elles ne veulent pas témoigner contre leur trafiquant. Voici une citation d'une survivante autochtone dont la fille a été victime de la traite et a finalement été assassinée. Cet extrait se trouve dans notre rapport intitulé « Increasing Access to Justice for Survivors of Human Trafficking ».
Lorsque ma fille est décédée, le système de justice a été horrible. Je me souviens d'avoir appelé la police pour vérifier si c'était ma fille qui avait été trouvée. Et l'agent de police a tout de suite dit: « Saviez-vous que votre fille était une prostituée, qu'elle prenait de la drogue et qu'elle a sauté par la fenêtre? »
À ce moment-là, j'ai pu présenter un rapport de police au sujet de son exploitation et de ses mauvais traitements. L'agent de police s'est simplement fait taper sur les doigts et a dû suivre une formation de sensibilisation aux réalités culturelles.
Je pense que c'est un exemple flagrant de la façon dont les femmes autochtones sont traitées par le système de justice.
    Les personnes survivantes croient qu'il est dangereux de faire un signalement à la police en raison des cas de corruption connus et de la peur d'être blâmées et humiliées. On estime qu'environ 80 % des cas de traite de personnes ne sont pas signalés aux forces de l'ordre.
    Certaines personnes survivantes ont également exprimé de vives inquiétudes au sujet de l'incapacité de la police à les sortir des situations de traite des personnes en raison du mouvement dans plusieurs territoires, des préjugés internes ou du jugement lorsqu'elles demandent de l'aide, et du risque pour leur sécurité et celle de leurs proches.
    La plupart des gens sous-estiment les dangers importants pour les victimes de la traite, leurs familles et les autres filles associées à une victime. Les mauvais traitements et la torture comme les brûlures, les coupures, la mutilation des seins et des organes génitaux, la pénétration anale et vaginale avec des objets étrangers ne sont que quelques-unes des horreurs indescriptibles qui existent pour ces personnes survivantes.
    Il est temps de s'attaquer sérieusement à l'élimination des cloisonnements territoriaux et de travailler en collaboration pour recueillir des données exhaustives sur la traite des personnes afin d'élaborer des politiques, des protocoles et des programmes généreusement financés qui nous permettent de servir directement le voyage de guérison à long terme et les besoins fondamentaux des personnes survivantes de la traite des personnes.
    Nous faisons des progrès, mais il reste encore beaucoup à faire.

  (1535)  

    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux Services aux victimes du Grand Sudbury.
    Madame Pyoli York, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Hello.Aaniin. Boozhoo. Bonjour, madame la présidente et mesdames et messieurs les députés.
    Je m'appelle Tiffany Pyoli York et je suis coordonnatrice anti-traite des êtres humains et éducatrice publique aux Services aux victimes du Grand Sudbury. Je suis également présidente de la coalition anti-traite des êtres humains du Grand Sudbury.
    Je suis ici pour vous entretenir de la traite des personnes pour faire entendre la voix des victimes et des personnes survivantes, dont j'ai la responsabilité de vous parler. J'ai apporté un ruban où sont inscrits les noms des victimes, des personnes survivantes et des personnes qui n'ont pas survécu que j'ai rencontrées au cours des deux dernières années.
    Jasmine, Alicia, Ivory, Summer et Heaven.
     Je pourrais passer les cinq minutes dont je dispose à vous parler des éloges que nous avons reçus pour le travail extraordinaire que nous avons effectué dans le Grand Sudbury, mais il est plus important pour moi de vous demander d'en faire davantage, car les gens méritent plus.
    Les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre méritent plus qu'un lit dans un refuge où elles se demandent si la personne à côté d'elles est là pour les ramener à leurs trafiquants. Elles méritent davantage que 20 séances de counselling. Après toutes les atrocités et les mauvais traitements qu'elles ont subis, elles ne devraient pas avoir à abandonner leur animal de compagnie.
    Aux yeux des personnes qui jouissent d'une vie stable, ces choses peuvent sembler minimales et banales, mais pour les personnes qui réussissent finalement à se sortir de la traite des personnes, ce sont ces choses qui peuvent les aider à se rétablir de la vie la plus horrible qui soit plutôt que d'y retourner, ce qui leur semble parfois être la seule option, en raison de la culpabilité et de la honte qu'apportent les mauvais traitements qu'elles ont subis.
    Tina, Marissa, Madison, Joanna, Brandy.
    Je vous demande, en tant qu'agents de changement au sein de notre pays, de transmettre le message des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre, qui réclament à grands cris de l'aide de façon soutenue, car la traite des personnes et ses conséquences ne disparaissent pas. Il ne s'agit pas simplement de sauver ces personnes; elles ont également besoin de soins médicaux et dentaires de façon permanente. Elles ont besoin de soutien pour soigner un prolapsus utérin causé par des agressions sexuelles, pour obtenir une chirurgie douloureuse pour la pose d'implants destinés à remplacer des dents manquantes et pour pouvoir bénéficier d'une thérapie et d'un soutien psychologique continus lorsque leurs proxénètes sont libérés de prison.
    La durée moyenne d'une enquête policière sur un cas de traite de personnes à Sudbury est de 360 jours, et ce n'est qu'au terme de cette période que des accusations peuvent être portées.
    Chloe, Drew, McKenna, Jesse, Patricia.
    Les drogues ne peuvent être vendues qu'une seule fois, tandis qu'un être humain peut être vendu à maintes reprises.
    Les êtres humains ne peuvent pas être jetés, et pourtant le rapprochement avec les filles, les femmes et les personnes bispirituelles autochtones disparues ou assassinées est trop frappant pour être ignoré. Demain, lors de la Journée nationale de sensibilisation aux femmes, aux filles et aux personnes bispirituelles autochtones disparues et assassinées, faites bouger les choses et jouez un rôle pour mettre fin à la traite des personnes. Faites en sorte que nos sœurs enlevées soient retournées à leurs êtres chers dans leurs foyers.
    Ashlee, Hannah, Steph, Alex, Kim.
    Les quatre conseils scolaires de Sudbury ont accepté de mettre en œuvre un programme de lutte contre la traite des personnes à des fins sexuelles pour les élèves de la 7e à la 12e année, afin qu'ils reçoivent tous le même message dans le cadre d'une éducation visant la prévention et l'autonomisation. Notre organisme souhaite partager les ressources qu'il a créées et obtenir l'approbation et le soutien de tous les partis pour la mise en place d'un programme national à l'intention de tous les élèves canadiens, afin qu'ils reçoivent le même message que les élèves de Sudbury dans le cadre d'une éducation visant la prévention de la traite des personnes et l'autonomisation.
    Statistique Canada a révélé que la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et la Saskatchewan enregistrent les taux les plus élevés de traite des personnes à des fins sexuelles, ce qui démontre bien qu'il s'agit d'un problème à l'échelle nationale, des Prairies aux Maritimes, en passant par toutes les villes et municipalités entre ces deux régions.
    Kya, Mackenzie, Ashley.
    Est‑ce qu'une personne peut changer en l'espace de quatre à cinq ans?
    Au bout de quatre ans, un trafiquant peut être libéré de prison le même jour que l'enfant d'une victime ou d'une personne survivante commence la maternelle. Au bout de quatre à cinq ans, une personne survivante peut entreprendre un programme d'études en soins infirmiers le même jour que son trafiquant est libéré de prison. Au bout de quatre à cinq ans, une personne survivante peut terminer son programme de réhabilitation le même jour que son trafiquant est libéré de prison. Au bout de quatre à cinq ans, une victime peut se suicider, car elle ne pouvait pas concevoir de vivre dans un monde où son trafiquant est en liberté.
    Je vous demande de prendre cela en considération lorsque vous vous penchez sur la question des peines minimales pour le crime odieux qu'est la traite des personnes, qu'il s'agisse de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle, de la traite des travailleurs ou du trafic d'organes humains.

  (1540)  

    Merci.
    Je vous remercie beaucoup, madame Pyoli York.
    Je vais maintenant donner la parole au Zonta Club of Brampton-Caledon. Madame Douglass, la parole est à vous pour cinq minutes.
    Bonjour, je m'appelle Kathleen Douglass et je suis une membre de longue date de Zonta. Je suis en compagnie de ma collègue, Melissa Marchand, qui est membre de notre comité de défense des intérêts.
    À titre d'information, Zonta International est un organisme de services qui travaille depuis plus de 100 ans à bâtir un monde meilleur pour les femmes et les filles. Nous détenons un statut consultatif auprès de l'Organisation des Nations unies et nous appuyons les objectifs de développement durable 5.2 et 8.7, qui ont tous les deux trait au travail forcé, à l'esclavage moderne et à la traite des personnes.
    Zonta se penche sur la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle depuis les années 1990. À ce moment, il finançait des organisations locales qui offraient des services d'aide au rétablissement pour les survivantes de l'esclavage sexuel infligé à des femmes et des filles pendant la guerre en Bosnie.
    Nous savons que la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle est une activité qui rapporte des milliards de dollars à l'échelle mondiale. Pour la toute première fois de l'histoire, elle a généré davantage de profits que le trafic d'armes et de drogues. Cela nous montre bien qu'il est urgent d'agir pour lutter contre ce crime odieux.
    Malheureusement, plus de la moitié des incidents au Canada ont lieu en Ontario et, pire encore, la région du Grand Toronto, qui comprend la région de Peel, est une plaque tournante de la traite des personnes à des fins d'exploitation sexuelle. Tout cela se passe chez nous. Comme vous avez déjà les données pertinentes, laissez-moi vous exposer notre point de vue comme membres d'un organisme communautaire.
    Le Zonta Club of Brampton-Caledon est un petit organisme de service qui participe aux efforts du Peel Human Trafficking Network Committee, le seul organisme bénévole parmi les fournisseurs de services professionnels, depuis les débuts de ce comité. Nous consacrons de notre temps, de notre énergie et de notre argent au travail accompli par ces spécialistes dévoués.
    La stratégie de notre club en matière de défense des intérêts comporte deux volets.
    Le premier volet est l'offre de services. Deux fois par mois, nos membres travaillent bénévolement à la salle de bingo locale pour amasser des fonds que nous réinvestissons dans la communauté. Ces dernières années, nous avons versé plus de 100 000 $ à des organisations locales qui participent à la lutte contre la traite des personnes. Ce financement a comblé les besoins liés à divers programmes, comme des programmes de services aux victimes, de services d'urgence et de logement.
    Le deuxième volet de notre approche est la sensibilisation. Nous menons des campagnes dans les médias sociaux et nous organisons des activités de sensibilisation communautaires auxquelles nous invitons des spécialistes qui connaissent les répercussions bien réelles de la traite des personnes dans la région de Peel. En novembre dernier, nous avons organisé 16 jours de défense des droits pour sensibiliser les gens à la croissance rapide des incidents de traite des personnes, en particulier dans la région de Peel, et pour les inciter à dénoncer énergiquement ce problème.
    Forcément, les personnes qui assistent à nos événements en sortent un peu ébranlées et parfois en colère, mais toujours au courant d'une chose dont elles ignoraient l'existence dans leur monde bien paisible. Des personnes nous disent « Je n'aurais jamais deviné que c'était un problème si grave » ou « Je suis soulagé de savoir qu'il y a des gens prêts à agir » ou encore « C'est ce que je vis ».
    Nous n'avons pas pris de repos pendant la pandémie. Nous avons organisé des présentations pédagogiques, des groupes de discussion et des symposiums en ligne sur la violence fondée sur le sexe et sur la traite des personnes. Nous parrainons les Z‑Clubs, des groupes d'élèves du secondaire qui font de la sensibilisation auprès de leurs pairs, qui sont dans un groupe d'âge ciblé par les trafiquants, au moyen de programmes, d'événements et d'activités qui favorisent l'accès à de l'information, des ressources et du soutien.
    Notre valeureux petit groupe a été une source d'inspiration pour d'autres clubs et membres de l'organisme Zonta au Canada et les a incités à s'instruire, à passer le mot, à faire des dons et à défendre les droits de personnes qui ne sont pas écoutées ou qui ont été réduites au silence. Les activités du groupe de la région de Peel reposent sur une perspective globale: nous apprenons ensemble, nous nous rallions autour d'une cause commune, puis nous dépassons les étapes de la simple écoute pour passer à l'action.
    D'après ce que nous avons appris, nous croyons que la prochaine étape la plus utile pour réduire et prévenir la traite des personnes serait d'intensifier la sensibilisation communautaire et les démarches d'éducation au secondaire, peut-être en insérant ce thème directement dans le programme scolaire, et d'assurer le financement durable des projets en cours qui font la différence dans la vie de personnes dont nous ne connaîtrons jamais le nom.
    Notre club a une nouvelle membre qui a survécu à la traite des personnes. J'aimerais vous transmettre le message de Lena: « La traite des personnes peut bel et bien causer de graves traumatismes à ses victimes. Les survivantes ont souvent besoin de recevoir un soutien et des services spécialisés et intensifs pour rebâtir leur vie. Ces services, on les trouve auprès d'organismes à but non lucratif dynamiques qui réclament la justice pour les femmes et les hommes blessés par l'industrie du sexe et qui aident ces personnes à trouver le soutien dont elles ont besoin pour retrouver un sentiment de sécurité et guérir. »
    J'ose respectueusement affirmer que Zonta se range au nombre de ces organismes, car il sensibilise les gens au problème, il combat les préjugés et il encourage les autres à suivre son exemple en matière de défense des intérêts.

  (1545)  

    Nous vous remercions de nous avoir invitées à vous donner notre point de vue comme membres d'un organisme communautaire, comme bénévoles et comme êtres humains.
    Je vous remercie beaucoup.
    Nous allons maintenant passer aux questions. Nous aurons un premier tour de six minutes.
    Je vais donner la parole à Dominique Vien. Madame Vien, vous disposez de six minutes.

[Français]

     Je vous remercie, madame la présidente.
    Je salue également chacune et chacun des témoins et les remercie d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.
    Mes premières questions s'adressent à M. Flynn.
    J'aimerais que vous nous parliez davantage de ce décloisonnement territorial que vous avez évoqué tout à l'heure. Vous avez dit qu'il serait souhaitable, car il pourrait grandement améliorer la triste situation de la traite de personnes.
    Que vouliez-vous dire exactement? À quelle situation faisiez-vous allusion?

[Traduction]

    Le cloisonnement actuel engendre plusieurs situations. Des personnes fantastiques partout au Canada travaillent dans le domaine, mais nous travaillons tous dans notre propre milieu. Les choses sont en train de changer, mais diverses organisations policières...
    Je vais vous parler, par exemple, d'une situation récente. Si vous êtes une victime ou une survivante de la traite de personnes ici, à Ottawa, et qu'on vous déplace d'un territoire à un autre, les liens entre les diverses organisations policières, les organisations de services aux victimes et d'autres organisations s'établissent difficilement en raison des frontières territoriales. Même si on peut arranger cela en peut-être un jour ou deux, lorsqu'il est 3 heures du matin et que vous essayez de sauver la vie d'une jeune fille, de la mettre en sécurité, disons, dans un refuge... Il faut abattre ces cloisons pour permettre une collaboration entre toutes ces organisations.
    En outre, il y a la question des données. Nous avons tous besoin d'avoir des données, et personne ne travaille sur cette question sérieusement. Premièrement, il faut établir les différentes formes de traite des personnes et déterminer quelles données sont essentielles pour les législateurs. Lorsque nous demandons du financement pour telle et telle chose, nous devons avoir en main des données fiables, durables et crédibles. En ce moment, nous n'en avons pas.
    Nous avons la ligne téléphonique d'urgence contre la traite des personnes — ce qui est fantastique — et nous avons des organismes locaux de services aux victimes, ce qui est également fantastique. Les différents organismes de services sociaux ont leurs propres données, mais nous ne travaillons pas ensemble pour communiquer ces données. Si je devais demander à quelqu'un combien de jeunes filles ont appelé, je ne pourrais pas obtenir la réponse.

  (1550)  

[Français]

    Je vais devoir vous interrompre, parce que j'ai peu de temps et que j'ai beaucoup de questions.
    Cela nous rappelle ce qu'on nous a déjà dit à ce comité au sujet des compétences, de la mainmise des compétences de différentes organisations. Vous avez parlé de la police, mais il y a aussi toutes les compétences des provinces. Évidemment, il faudrait élargir nos possibilités pour que les victimes soient en sécurité.
    Vous avez dit que 80 % des cas n'étaient pas signalés. Comment allons-nous régler cela? Comment pouvons-nous aider ces femmes qui ont de la difficulté à faire un signalement parce qu'elles ont peur et qu'elles ne font pas confiance à la police?
    Quelle recommandation le Comité pourrait-il formuler pour faire changer les choses?

[Traduction]

    Je vous remercie pour votre excellente question.
    Dans le cadre du travail que nous effectuons, le plus important est d'assurer la sécurité de la personne survivante et celle de sa famille immédiate et de quiconque au sein de notre réseau. C'est la priorité.
    Ensuite, nous fournissons des services permettant de répondre aux besoins de la personne en matière de santé. Nous effectuons une évaluation globale de ses besoins. Il arrive que le système de justice pénale intervienne aussi, mais au bout du compte, nous offrons un ensemble de services afin que la personne se sente en sécurité et capable de témoigner contre son trafiquant lorsqu'elle se sentira prête à le faire, le cas échéant. Peut-être qu'au bout d'une semaine, la personne sera prête à parler à la police sans crainte. Nous fournissons dans l'immédiat des services pour assurer sa sécurité.

[Français]

    J'avais d'autres questions à vous poser, notamment sur les organisations qui sont financées et qui ne devraient pas l'être. J'aurais aimé obtenir vos commentaires sur le sujet. Peut-être qu'un de mes collègues va poser la question.
    Selon vous, madame Pyoli York, est-ce qu'on arrête les agresseurs assez rapidement? Plusieurs témoins nous ont dit qu'ils s'en tiraient à bon compte, souvent avec une petite tape sur les doigts.

[Traduction]

    Je vous remercie pour votre question.
    D'après l'information que nous obtenons auprès des survivantes, des victimes et des membres de la famille des personnes qui n'ont pas survécu, les trafiquants déclarés coupables de ce crime obtiennent une peine d'emprisonnement de quatre à cinq ans, la peine la plus minimale.
    D'après tous les renseignements que nous avons obtenus, personne n'a...

[Français]

     Madame Pyoli York, selon vous, les peines sont-elles trop clémentes?

[Traduction]

    Pas du tout. L'ensemble des victimes, des survivantes et des membres de leur famille nous ont affirmé que leur processus de guérison n'a même pas encore commencé au moment où le trafiquant sort de prison et se met à leur recherche.

[Français]

    En fait, ce que je dis, c'est que les peines ne sont pas assez sévères.

[Traduction]

    Merci beaucoup, madame Vien.

[Français]

    Je vous remercie.

[Traduction]

    Votre temps est écoulé. Je suis désolée. Vos questions sont excellentes, mais votre temps est terminé.
    Je vais maintenant donner la parole à Sonia Sidhu. Vous disposez de six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je tiens à remercier tous les témoins d'aujourd'hui.
    Je sais que Zonta International travaille très fort à Brampton. Je vous remercie, Melissa, Kathleen et les autres, de comparaître aujourd'hui. Je vous remercie également pour votre travail acharné sur le terrain.
    Je sais que Zonta s'investit activement auprès des Z‑Clubs dans les écoles secondaires et qu'il parraine ces groupes. Vos efforts se sont révélés très fructueux. Des témoins nous ont dit que des jeunes ont été ciblés en ligne, particulièrement durant la pandémie, comme vous l'avez souligné durant votre déclaration préliminaire.
    Madame Douglass, pouvez-vous nous parler de l'importance d'intervenir très tôt auprès des jeunes par le biais de la prévention?

  (1555)  

    Merci beaucoup.
    Je ne suis pas une experte, mais je suis une défenseure des intérêts et une alliée de la communauté. Nous avons découvert que la transmission des connaissances par les pairs fonctionnait très bien. Les membres du Z‑Club sont des leaders dans leur école. Les activités auxquelles elles participent, que ce soit des séances d'information ou des campagnes de sensibilisation comme celles du ruban blanc récoltent toujours beaucoup de succès, car ces jeunes s'adressent à leurs pairs. Ce sont ces camarades de la même tranche d'âge qui risquent d'ailleurs le plus de faire l'objet de manipulation psychologique dans le cadre de la traite des personnes. Ce que font ces jeunes leaders connaît un franc succès.
    Elles accomplissent ce travail toutes seules. Nous ne leur disons pas quoi faire. Elles perçoivent un besoin que nous avons détecté, et elles collaborent avec les Zonta Clubs afin de diffuser les informations dans le format approprié. Elles prennent part à des présentations, à des conférences ou à d'autres types d'événements pour parler à leurs pairs des dangers et des risques.
    Vous avez tout à fait raison. Selon ce que nous savons et ce que disent les professionnels, la pandémie a décuplé les risques pour les jeunes de se faire manipuler dans le cadre de la traite des personnes.
    Merci.
    Selon votre expérience, quelles sont les difficultés auxquelles font face les survivantes de la traite des personnes? Quelles mesures de soutien et quels services peuvent aider à surmonter ce type de difficultés?
    Encore une fois, je ne suis pas une professionnelle. Les spécialistes venus témoigner aujourd'hui pourraient mieux vous parler de ces aspects.
    Nous apprenons constamment, toutefois. Notre club compte une survivante qui nous a relaté son expérience, tout comme d'autres survivantes qui ont donné des conférences lors de nos événements. Elles nous disent qu'il faut des années pour se rétablir du traumatisme, notamment la stigmatisation, et pour relever les défis de nature pragmatique, telle la réintégration dans la société. Elles doivent entre autres chercher un logement, obtenir des soins de santé appropriés et aussi parfois retourner aux études.
    Nous entendons beaucoup parler de la réintégration dans la communauté. Nous soutenons d'ailleurs le centre Ncourage, qui accueille les survivantes et répond à leurs besoins immédiats dans le cadre d'une approche ciblée. Les survivantes sont ensuite logées dans une maison de transition avant de chercher un logement de réintégration.
    Nous soutenons ces groupes et nous leur fournissons des fonds qui permettent de combler les besoins auxquels ne répond pas nécessairement le financement durable. Les travailleuses de ces groupes nous ont dit qu'elles étaient vraiment satisfaites du travail qui se fait, particulièrement à Peel, où une approche coordonnée remporte beaucoup de succès.
    Tous les groupes se réunissent au comité de la traite des personnes de Peel. Nous travaillons tous ensemble, que ce soit les fournisseurs de services ou les groupes qui œuvrent sur le terrain, dont la Société Elizabeth Fry. La police de Peel est très soucieuse de répondre aux besoins des survivantes.
     Merci.
    Comment les politiques du gouvernement pourraient-elles être améliorées pour mieux contrer le problème de la traite des personnes? Quelle recommandation feriez-vous au Comité à cet égard? Mes questions s'adressent à tous les témoins.
     Au Zonta Club de Brampton-Caledon, nous voulons encourager la diversification des apprentissages fournis par les organismes comme le nôtre et ceux qui témoignent aujourd'hui, tant sur le plan du financement, de la défense des intérêts, de la sensibilisation que de l'éducation tous azimuts pour en accroître les effets et la durabilité. Ces apprentissages devraient aussi porter sur l'atténuation des risques connexes, notamment la stabilisation de la situation des jeunes dès l'enfance, qui comporte, comme l'a évoqué Mme Sidhu, plusieurs éléments de complexité.
    Fondamentalement, selon les statistiques, les enfants qui grandissent dans des familles où il y a de la violence peuvent souffrir de toutes sortes de troubles affectifs et comportementaux, qui peuvent aussi les amener, plus tard dans leur vie, à commettre des actes violents ou à en être victimes. La prévention et l'éducation doivent donc se faire à la source, lorsque les enfants sont jeunes, parfois aussi en faisant prendre conscience de l'existence même du problème et de son incidence sur les enfants. Selon des statistiques produites par les Nations unies, des enfants sont impliqués dans un cas de traite des personnes sur trois.
    Nous prônons l'éducation.
    Cette problématique devrait être intégrée dans le programme scolaire à partir de la...
    La présidente: La matière devrait être présentée dans un langage qui convient aux enfants.

  (1600)  

    Merci.
    Madame la présidente, me reste‑t‑il du temps?
    Vous avez 10 secondes. Vous avez seulement le temps de conclure.
     Quelqu'un voudrait‑il formuler un dernier commentaire?
    Merci beaucoup.
    Nous allons passer à Andréanne Larouche pour six minutes.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être ici en personne, cet après-midi, pour participer à cette étude, qui n'est pas toujours facile. Nous entendons des témoignages poignants sur la façon dont les victimes sont traitées. Nous avons eu l'occasion de nous rendre sur le terrain et de visiter des organismes dans le cadre d'une mission du Comité, et cela donne toujours froid dans le dos.
    J'aimerais commencer par souligner que, demain, ce sera le 5 mai. C'est la Journée de la robe rouge. Nous allons réfléchir aux violences faites aux femmes et aux filles autochtones disparues et assassinées. Cette étude nous amène à faire un constat frappant: les femmes sont touchées d'une façon disproportionnée, mais les femmes autochtones le sont encore davantage. C'est une aberration, en 2023.
    Je vais d'abord m'adresser à vous, madame Pyoli York. Vous avez vous-même mentionné la Journée de la robe rouge. Il y a eu des recommandations, des rapports et des appels à l'action, notamment dans le cadre de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées.
    Pouvez-vous mentionner certains appels à l'action ou certaines recommandations que nous connaissons déjà, mais qu'il faudrait avoir la volonté politique de mettre en application?

[Traduction]

    Merci beaucoup.
    Nous pouvons examiner tous les chiffres publiés par Statistique Canada, toutes les informations présentées dans les études et toutes les données sur le sujet, il n'en demeure pas moins que 90 % des victimes et des survivantes sont d'origine autochtone. Je serais donc tentée de contester les chiffres tirés de nos données et de mettre au défi tout le monde — pas seulement les députés, mais aussi toutes les personnes qui écoutent les délibérations — de prendre ces appels à l'action au sérieux. Ils sont tous importants, sans exception.

[Français]

    En effet, il en existe plus de 200. C'est assez frappant. Il faut maintenant déterminer lesquelles peuvent être mises en application.
    Madame Douglass, vous avez parlé de campagnes de sensibilisation sur les médias sociaux, mais on sait que le gouvernement fédéral travaille également à un projet de loi pour contrer la violence et la haine en ligne, ainsi que tous les abus qui ont lieu sur le Web.
    Qu'est-ce qu'il serait important d'inclure dans ce projet de loi et dans nos recommandations? Qu'est-ce qui permettrait de lutter à la fois contre la traite des personnes et le recrutement en ligne?
    D'ailleurs, pendant la pandémie, cela a beaucoup migré vers Internet. Avez-vous des recommandations concernant un éventuel projet de loi qui pourrait aider les victimes?

[Traduction]

     Merci beaucoup de poser cette question.
    Une des choses que nous avons découvertes, c'est que les jeunes écoutent les jeunes. Nous qui avons les cheveux gris, nous savons tout, mais ce sont les jeunes qui peuvent le mieux s'adresser aux jeunes. Ils parlent la langue des médias sociaux. Nous devons parler de la traite des personnes à leur manière. Inspirons-nous de TikTok, d'Instagram et de toutes les autres applications qu'ils utilisent et de celles qui seront populaires dans les deux prochaines années.
    À l'aéroport, je crois, nous avons vu dans les toilettes une grande affiche sur la traite des personnes. C'est formidable de voir cela, mais ce n'est pas très original. C'est une approche passive.
    Nous devons, en fait, mener des campagnes qui donnent des solutions en nommant les choses à surveiller et en montrant comment faire preuve de prudence. Il faut dire aux jeunes, par exemple, de ne pas écouter ce type qui leur déclare son amour, qui est en fait un proxénète. Nous devons emprunter leur langage, mener une campagne dans les médias sociaux et leur inculquer lentement l'idée que cela n'arrive pas qu'aux autres. Cela arrive à nos filles, à nos nièces et à nos petites-filles. Cela arrive dans notre propre cour. Nous devons aider les parents à détecter les signes. Selon les études que nous avons lues — encore une fois, nous ne sommes pas des expertes, mais nous nous appuyons sur des informations provenant des experts —, les parents pensent que cela n'arrivera jamais à leur enfant. Nous devons mener des campagnes pour apprendre aux parents comment déceler les signes et les symptômes.
    Nous devons éduquer les jeunes, qui sont les principales cibles, pour qu'ils comprennent bien ce qu'est la traite des personnes. Ce n'est pas seulement un bon petit ami qui se retrouve dans le pétrin parce que quelqu'un veut sa peau. Nous devons les rejoindre en parlant leur langage.

  (1605)  

[Français]

     Vous avez tout à fait raison.
    Dans les aéroports, il y a une campagne #NotInMyCity pour indiquer que ce n'est pas acceptable. Par contre, cela ne règle pas tous les problèmes, comme vous l'avez bien souligné.
    Vous avez aussi parlé d'éducation. Il faut faire de la prévention et aider les victimes. Il y a un énorme travail à faire pour repérer les cas de traite de personnes et pour qu'il y ait une meilleure coordination des différents ministères concernés.
    Monsieur Flynn, je vais aborder le sujet avec vous à mon dernier tour de parole.

[Traduction]

    Merci beaucoup. Nous y reviendrons plus tard.
    Madame Mathyssen, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci infiniment aux témoins de comparaître devant le Comité.
    Je veux poursuivre dans la même veine que les questions soulevées par ma collègue. Je siégeais au Comité auparavant. Je suis de passage à nouveau aujourd'hui, mais ma collègue y siège. Je dois avouer que le Comité me manque.
    Ma collègue a présenté une motion à la Chambre, qui a été adoptée. La motion proposait de mettre sur pied un système d'alerte robe rouge. Ce système qui ressemble beaucoup aux alertes Amber aiderait à mieux suivre et traiter, il me semble, les données désagrégées que réclame M. Flynn.
    Quelqu'un voudrait‑il parler de l'importance du système d'alerte robe rouge?
    Vous pouvez y aller dans l'ordre que vous voulez.
    Je peux très certainement en parler.
    Comme tout le monde l'a constaté, le système d'alerte Amber fonctionne. Il est là pour une raison. Le Canada l'a adopté parce qu'il est efficace.
    Le nombre de filles et de femmes autochtones disparues et assassinées est hallucinant. Le système d'alerte robe rouge pourrait faire en sorte que le nom de ces filles et de ces femmes ne se retrouve pas sur le ruban blanc. Ces femmes et ces filles pourraient plutôt retourner chez elles et devenir des survivantes.
    Pensez-vous que ce système pourrait s'inscrire dans les efforts de sensibilisation du public dont vous parlez?
    Oui. Tout à fait.
    Si nous martelons quelque chose aux enfants, comme le disait Mme Douglass, c'est sur ce point que nous devons insister. L'âge moyen des enfants qui entrent dans l'univers de la traite des personnes est de 13 ans. Imaginez un enfant de 13 ans que vous connaissez. Pensez à vous lorsque vous aviez cet âge. Un enfant de 13 ans ne devrait pas se soucier de ce genre de choses.
    À Sudbury, nous sommes des as de la sensibilisation. Tous les enfants de la septième à la douzième année dans les écoles élémentaires et secondaires reçoivent le même message uniformisé d'autonomisation. Ils apprennent que la traite des personnes touche non seulement tous les conseils scolaires, mais menace également, sans exception, tous les élèves, tous les enseignants, toutes les écoles et tous les membres des communautés.
    En véhiculant le même message de la même manière et en insistant sur l'objectif d'assurer, oui, leur propre sécurité, mais aussi celle des gens qu'ils aiment, nous atteignons vraiment les enfants. Ce message interpelle vraiment les jeunes, qui se disent: « Peut-être que je ne serai pas touché, mais j'en sais assez pour protéger mes amis. » Cette stratégie semble très bien fonctionner avec les jeunes.
    Peu importe la méthode, choisissons‑en une qui fonctionne.
     Quelqu'un d'autre veut‑il intervenir?
    Une des choses que j'ai remarquées, pour reprendre ce que disait Mme Pyoli York, est l'importance cruciale de déceler les différentes techniques de manipulation et les différentes étapes de la traite des personnes. La plupart des gens se rendent compte qu'ils en ont été victimes seulement après en être sortis.
    J'ai entendu à maintes reprises lors de conversations que j'ai eues: « Cela n'arriverait jamais à mes enfants, dans ma cour ou dans mon école. » Par ailleurs, une jeune fille de 13 ans peut dire: « Ils ont fait cela à mon amie. Est‑ce que c'était cela? »
    Si nous tenons ces conversations génériques et authentiques, les jeunes vont lancer spontanément: « Mon Dieu, c'était cela! C'est arrivé à mon amie. » Ces discussions sont cruciales.

  (1610)  

    Une des choses qui me préoccupent, évidemment, c'est le définancement généralisé des refuges pour femmes — victimes d'agressions — au provincial et au fédéral.
    Pourriez-vous parler des conséquences de ce définancement sur les organismes où vous travaillez?
    Au bureau de services aux victimes de Sudbury, nous recevons chaque jour un appel concernant un cas de violence entre partenaires intimes, de violence familiale ou de traite des personnes. Souvent, tous les lits des refuges sont pris, ou la victime de la traite des personnes ne correspond pas au mandat ou aux politiques et procédures des refuges, ou encore elle pose un risque trop élevé qui menacerait la sécurité des autres locataires. Les victimes et les survivantes se rabattent donc sur un refuge à restrictions minimales au lieu d'aller dans un refuge pour les victimes de violence entre partenaires intimes ou de violence familiale ou dans un refuge pour les victimes de la traite des personnes. Cette pénurie ne peut que s'aggraver.
    Une des compressions qui s'est ressentie, je crois, dans la communauté... Vous parliez de l'accès aux ressources et des services juridiques offerts aux victimes. L'aide juridique est une ressource primordiale. Le gouvernement fédéral a tenté de répondre à ces besoins.
    J'aimerais que chaque organisme parle de la manière dont se répercuterait une augmentation des ressources d'aide juridique par les deux ordres de gouvernement sur les personnes qui font appel à ses services.
    C'est une question très importante, mais il nous reste seulement 30 secondes. Vous pouvez commencer à répondre et nous y reviendrons plus tard en ajoutant du temps à la fin de la séance.
    J'allais dire que Zonta, comme Mme Douglass l'a mentionné, possède plus de 100 000 $ en fonds à verser aux maisons de transition pour les femmes et les personnes qui s'identifient comme femme. Ces personnes peuvent rester au même endroit plusieurs mois consécutifs, selon le temps que nécessitent le traitement et la résolution du cas.
    Sur le plan du financement, cette somme se situe au bas de l'échelle du financement souhaité et souhaitable.
    Très bien. Nous allons poursuivre plus tard.
    Nous passons à la deuxième série de questions. Il y aura des interventions de cinq minutes, suivies par des interventions de deux minutes et demie.
    Nous commençons avec M. Eric Melillo pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais vous donner la chance de terminer votre réponse, si vous le souhaitez.
    Merci.
    Il devrait y avoir assurément davantage de financement. Outre la sensibilisation du public, le financement serait la mesure la plus urgente et la plus facile à appliquer.
    Merci de votre réponse.
    Merci à tous les témoins d'être venus comparaître. De toute évidence, cette discussion est cruciale. Comme ma collègue du NPD, je suis de passage au Comité aujourd'hui. Je n'y siège pas. Je viens de Kenora, une autre ville du Nord de l'Ontario. Je suis ravi de voir des gens de mon coin de pays aujourd'hui, mais je suis triste de dire que la population de Kenora est familière avec le problème de la traite des personnes. Kenora fait partie du corridor qui relie Thunder Bay à Winnipeg. Elle retient beaucoup plus l'attention depuis les dernières années. Les membres du public surveillent de près ce problème qui perdure depuis des années.
    Je vais commencer avec M. Flynn, qui représente Angels of Hope Against Human Trafficking dans le Nord de l'Ontario. J'aimerais en savoir plus sur votre organisme. Vous travaillez à Sudbury, mais travaillez-vous aussi dans d'autres régions du Nord de l'Ontario, par exemple à Kenora?
    Nos bureaux se trouvent à Sudbury, mais nous avons des clients un peu partout dans le nord de la province. Une bonne partie de notre travail se fait à distance par Zoom, évidemment, ce qui s'imposait d'autant plus pendant la pandémie de COVID‑19. Nous avons des groupes de soutien, y compris des groupes de soutien par les pairs, partout dans le nord, que nous rencontrons hebdomadairement. En fait, la majorité de notre clientèle est répartie à l'échelle de la province. Nous donnons des ateliers de sensibilisation au public dans les régions du Nord et dans les communautés autochtones.

  (1615)  

    Je vous remercie.
    J'ai également remarqué, en parcourant votre site Web et en me renseignant sur votre organisation, qu'il y a manifestement une sensibilité à la culture autochtone dans les services que vous offrez. Cela me semble extrêmement important. Je n'ai pas de statistiques, malheureusement, pour toutes les raisons qui ont été mentionnées plus tôt, mais d'après ce que nous avons pu observer, nous savons que l'écrasante majorité des femmes et des filles qui sont victimes de traite de personnes dans la région de Kenora sont autochtones. Je me demande si vous pouvez nous en parler.
    J'aimerais que d'autres témoins s'expriment également sur l'importance de la sensibilité culturelle dans les services d'accompagnement. C'est à qui voudra bien intervenir.
    Absolument. La sensibilité culturelle et les soutiens culturels, quelle que soit la culture d'une personne qui quitte une situation de traite ou qui vit une situation de traite, font partie intégrante de notre travail. Nous sommes la seule organisation non autochtone à siéger au comité de justice réparatrice avec l'une de nos bandes locales, à Sudbury. Cela nous permet d'avoir le son de cloche des aînés et d'appliquer l'approche différente de la justice réparatrice à la traite de personnes. Cela change vraiment les choses par rapport à la vision que nous avons habituellement, selon laquelle les victimes et les survivantes sont très différentes des agresseurs. C'est vraiment une perspective autochtone de la guérison et du cheminement nécessaire pour boucler la boucle.
    Concernant votre lien avec Kenora, je fais également partie de l'alliance nordique contre la traite de personnes, et nous avons des membres à Kenora. Nous partageons nos ressources. Nous nous communiquons nos protocoles scolaires et nos outils afin de pouvoir venir en aide à une personne qui viendrait d'une autre région, comme l'a dit M. Flynn, et lui disant: voici mon amie à Kenora et voilà les services qu'on peut offrir là‑bas. Peut-être qu'il y a un lieu sûr là‑bas, ou peut-être que nous nous tournerons plutôt vers le sud, où je pourrai vous mettre en contact avec mes ressources là‑bas.
    Je pense qu'il est très important de décloisonner les services. Que ce soit d'un point de vue autochtone, d'un point de vue colonialiste ou d'un point de vue d'immigré, nous essayons de répondre aux besoins des survivantes et des victimes. Parfois, il faut improviser un peu, évaluer de quoi la personne a besoin et nous demander comment nous pouvons y répondre. Nous avons vraiment la chance, dans notre éventail de services aux victimes, de pouvoir compter sur notre programme d'intervention rapide auprès des victimes pour offrir aux survivantes et aux victimes ce dont elles ont besoin.
    Merci beaucoup, madame Pyoli York.
    Nous allons maintenant passer la parole à Marc Serré.
    Monsieur Serré, vous avez cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Merci à vous quatre d'être ici aujourd'hui. Vos témoignages nous aideront à formuler nos recommandations.
    Monsieur Flynn, je vous exprime mes plus sincères condoléances. Je vous remercie d'avoir le courage de parler de votre fille et du travail que vous faites.
    Évidemment, Tiffany Pyoli York, je vous remercie de vos recommandations. Vous nous avez présenté sept recommandations.
    Je voudrais d'abord vous poser la question suivante à tous les deux. Nous avons parlé de 20 séances de thérapie et d'un lit en refuge. Vous avez parlé des besoins et de toute la mosaïque des services. Que pouvons-nous faire en tant que comité fédéral?
    Monsieur Flynn, vous avez mentionné le partage des compétences et avez dit avoir marre d'en entendre parler, mais que pouvons-nous faire, au gouvernement fédéral, en plus étroite collaboration avec la province, pour examiner tous les services dont la victime a besoin?
    Tout d'abord, je tiens à rappeler que la femme décédée dont je parlais est la fille de l'une de nos survivantes.
    Nous en avons vraiment assez du cloisonnement, croyez-moi. Les travailleurs de première ligne s'époumonent à le répéter. Après tant d'années, nous ne devrions plus avoir à le répéter. Il faut reconnaître ce que...
    Prenons un exemple. Une jeune fille se fait embarquer par la police. On l'amène au poste de police à trois heures du matin. Que se passe‑t‑il alors? Il y a moins de 20 lits entre la région du Grand Toronto et Ottawa qui sont réservés aux survivantes de traite de personnes. Comme l'expliquait Mme Pyoli York, les victimes de la traite de personnes sont uniques, en ce sens qu'elles ont subi des traumatismes qui ne ressemblent à rien d'autre. On ne peut pas les placer dans un refuge ordinaire. C'est dangereux pour les travailleurs du refuge, c'est dangereux pour les autres femmes et les enfants qui s'y trouvent, et c'est dangereux pour la survivante d'être placée là. C'est un échec à chaque fois. Il est inconcevable qu'il y ait moins de 20 lits dans le Sud de l'Ontario pour les victimes de traite de personnes. C'est fondamental.
    Comme je l'ai mentionné dans mon allocution, il faut en moyenne sept tentatives pour s'en sortir. Si ces femmes n'ont nulle part où aller, on leur paiera quelques nuits d'hôtel, une carte Tim Hortons et un téléphone portable. Trois ou quatre nuits plus tard, elles seront de nouveau dans la rue, où elles auront des relations sexuelles pour survivre. Je vous garantis qu'au bout d'une semaine, elles seront à nouveau victimes de traite de personnes. C'est un cycle sans fin.
    Les survivantes me disent tout le temps qu'elles s'attendent à ce que nous les laissions tomber, et nous le faisons plutôt bien. Elles n'en ont que faire des platitudes et des haussements d'épaules; elles veulent des résultats. Il est de notre responsabilité de leur en fournir.

  (1620)  

     Je vous remercie.
    Allez‑y, madame Pyoli York.
    Merci.
    Je partage tout à fait les sentiments de M. Flynn: les survivantes s'attendent à ce que nous les laissions tomber. Lorsqu'un appel entre à trois heures du matin au poste de police ou qu'une jeune personne y est emmenée... Il y a quelques mois, c'est moi qui passais ce genre d'appel. Mon équipe et moi sommes informées de tous les appels à la police du Grand Sudbury et à la Police provinciale de l'Ontario relativement à la traite de personnes sur notre territoire. Nous sommes là à trois heures du matin et nous sommes au bureau à huit heures du matin.
    Je félicite tous ceux et celles qui travaillent aux services d'aide aux victimes et à la lutte contre la traite de personnes, parce que c'est un travail difficile. Nous nous retrouvons devant une survivante qui nous dit: « J'ai besoin de cela. J'ai besoin de sécurité. J'ai besoin d'un lit dans un refuge où les gens comprennent que je vais me réveiller en criant au milieu de la nuit, hantée par les souvenirs des fois où j'ai été brutalisée. » Elles ont besoin d'un endroit où elles ne dérangeront pas d'autres personnes, qui ont leurs propres problèmes et leurs propres traumatismes.
    Comme le disait M. Flynn, la traite de personnes est tellement unique. Il s'agit de faire d'un être humain une marchandise. Le traumatisme qui en découle ne se résorbe pas en un an, mais en 365 jours.
     Il me reste 20 secondes.
    Des représentants de Statistique Canada viendront témoigner devant le Comité. Vous avez parlé un peu de données. Pourriez-vous fournir au Comité, par écrit, une liste de données dont vous auriez besoin pour mieux comprendre certaines choses? Nous pourrons la transmettre aux gens de Statistique Canada lorsque nous les rencontrerons.
    Merci, madame la présidente.
    Merci beaucoup. Vous semblez presque avoir un chronomètre avec vous, monsieur Serré.
    Je vais maintenant céder la parole à Andréanne Larouche pour deux minutes et demie.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Comme je le disais à la fin de mon précédent tour de parole, on parle beaucoup de prévention et d'aide aux victimes, mais on ne parle pas de la façon de détecter et de reconnaître les cas de traite de personnes.
    Monsieur Flynn, dans votre allocution d'ouverture, entre autres, vous avez parlé du manque de ressources. Vous avez aussi dit que certains organismes auraient eu du financement alors qu'ils n'auraient peut-être pas dû en avoir. J'aimerais vous donner l'occasion de clarifier votre position à cet égard.
    J'ai aussi une question à vous poser: pourquoi les chiffres sur la traite des personnes sont-ils encore à ce point à la hausse, et ce, malgré les mesures prises dans le plan d'action de 2019? Est-ce dû à un manque de ressources? Vous avez invoqué un manque de communication et de coordination au sein des différents ministères et paliers de gouvernement, par exemple.
    Bref, j'aimerais que vous nous confirmiez l'information concernant les organismes qui n'auraient pas dû recevoir de financement et que vous répondiez à ma première question — je poserai les autres par la suite.

[Traduction]

    C'est une bonne question.
    La traite de personnes reste un concept générique, mais le soutien aux survivantes de traite sexuelle est un concept plus pointu. Leurs besoins sont très particuliers. Lorsqu'on accorde beaucoup d'argent, de financement au concept générique, il ne se rend pas toujours là où il le devrait.
    L'éducation et la sensibilisation constitueront toujours une clé dans la prévention de la traite de personnes à des fins sexuelles et l'aide aux survivantes, mais nous devons veiller à affecter suffisamment de ressources au soutien apporté aux survivantes dans leur rétablissement et leur réinsertion sociale. C'est ce qui fait défaut à l'heure actuelle.
    Il y a des gens qui sautent dans le train en marche et qui obtiennent des fonds. Ce n'est pas qu'ils n'aient pas le cœur à la bonne place ni que leurs propositions ne soient pas dignes d'intérêt. Toutefois, nous devons accorder la priorité aux survivantes et à leur rétablissement.

  (1625)  

    Vous avez 10 secondes.

[Français]

     Madame Marchand, vous n'avez pas eu l'occasion de répondre à mes questions. Aimeriez-vous ajouter quelque chose sur l'importance de la prévention? Pourquoi, malgré le plan d'action, le nombre de cas de traite des personnes est-il encore aussi élevé?

[Traduction]

    Nous sommes d'accord avec ce qu'ont dit les gens des organisations qui nous accompagnent. Il faut consacrer davantage de fonds directement au soutien des survivantes et à la compréhension de la nature de la survivante et des diverses couches de guérison qui lui sont propres. Cela va au‑delà de la simple...
    Je suis désolée. Je pensais que la réponse serait très courte, mais ce n'est pas le cas.
    Je cède la parole à Mme Mathyssen. Madame Mathyssen, vous avez deux minutes et demie.
    Je vous remercie.
    Je m'interroge sur la voie vers l'indépendance quand une survivante arrive à s'en sortir. J'ai entendu bien des gens dans le système dire que beaucoup de difficultés attendent les survivantes quand elles arrivent à s'en sortir, dont l'endettement. Leurs trafiquants contractent d'énormes prêts en leur nom, sous différentes formes. Il y a un projet de loi à l'étude en Ontario pour tenter de corriger la situation.
    Vous hochez la tête comme si vous étiez au courant. Pouvez-vous nous parler de l'importance d'adopter ce projet de loi et de la façon dont le gouvernement fédéral peut s'assurer de jouer son rôle également?
    J'ai eu la chance de participer à une conférence avec les grandes banques de l'Ontario sur la proposition du CANAFE. Je pense que c'est extraordinaire, ce qui se passe en Ontario. Je trouve cela formidable, parce que je vis en Ontario, mais qu'en est‑il du reste du Canada?
    Comme je l'ai dit plus tôt, le problème de la traite de personnes n'est pas propre à une seule province ou à une seule collectivité. Si nous pouvions nous attaquer à ce problème à l'échelle du pays, nous aiderions les Canadiens, parce que les habitants de l'Ontario ne sont pas plus importants que ceux qui vivent dans le nord, l'ouest ou l'est du pays.
    Je n'ai probablement pas assez de temps pour vous demander...
    Allez‑y, Madame Douglass.
    L'une des choses dont nous n'avons pas vraiment parlé, ce sont les nouveaux arrivants et les étudiants étrangers. Des milliers d'étudiants étrangers affluent vers la région de Peel et de Brampton. Très souvent, leur bagage personnel est tel que lorsqu'ils arrivent au Canada, ils ne sont pas préparés à ce qu'ils vont vivre ici. Ils sont très souvent victimes de traite de personnes de tantes bien intentionnées, de gens de leurs villages et de gens qui viennent au Canada... Il faut leur faire comprendre dès leur arrivée au pays qu'ils ont des droits et qu'ils n'ont pas à être victimes de traite de personnes parce qu'ils ont des prêts à rembourser et qu'ils doivent subvenir aux besoins de leur famille.
    Je pense qu'il faut également considérer les étudiants étrangers comme une cible privilégiée pour la traite de personnes. C'est un problème dans la région de Peel et du Grand Toronto.
    Eh bien, à London, nous avons un cas de personnes venant de l'Ukraine qui sont tombées dans ce piège. C'était vraiment très troublant, donc je vous remercie de le souligner.
    Merci beaucoup.
    Au nom du Comité, j'aimerais vous remercier toutes et tous — monsieur Flynn et mesdames Pyoli York, Douglass et Marchand — de vous être déplacés et de nous avoir fait bénéficier de vos lumières sur cette question.
    Nous sommes sur le point de suspendre la séance.
    Nous devons suspendre la séance sans plus tarder, parce qu'il y a beaucoup de participants en ligne. Nous devons vérifier leurs micros.
    Nous allons suspendre la séance environ une minute.

  (1625)  


  (1635)  

    Nous sommes de retour pour entendre le deuxième groupe de témoins. J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les membres de ce groupe pour la deuxième moitié de la séance.
    Nous accueillons aujourd'hui, de Statistique Canada, Kathy AuCoin, cheffe d'analyses au Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités, et Lucie Léonard, directrice du Centre canadien de la statistique juridique et de la sécurité des collectivités. Nous accueillons également Shelley Walker, cheffe de direction de la Fédération canadienne des femmes en transport routier.
    Vous avez peut-être entendu que nous avons eu un problème de connexion avec notre quatrième témoin.
    Je vais maintenant céder la parole aux représentantes de Statistique Canada pour les cinq premières minutes. Vous avez cinq minutes à vous deux.
    Madame la présidente, mesdames et messieurs les membres du Comité, je vous remercie de me donner l'occasion de présenter nos statistiques issues des données policières les plus récentes sur la traite des personnes au Canada.
    La majorité de l'information que je vais vous présenter aujourd'hui figure dans deux publications de référence que nous avons soumises à la greffière.
    Je dois préciser que les données policières sur lesquelles mes constatations reposent ne reflètent que les incidents dont les policiers ont eu connaissance; nous savons que bien des victimes de la traite des personnes sont réticentes à porter plainte. Les données ne révèlent donc pas toute l'ampleur du problème au Canada. L'examen des données disponibles pour surveiller la situation est tout de même une première étape importante pour déceler les tendances qui nous aident à déterminer les personnes les plus exposées au danger ainsi que les endroits où l'on commet ce type de crime.
    De 2011 à 2021, la police a signalé plus de 3 500 incidents de traite des personnes ayant fait 2 688 victimes. Nous savons que la traite des personnes est un type de violence fondée sur le sexe dont les victimes sont surtout des femmes et des filles. Les données nous ont aussi appris que le quart des victimes étaient des filles de moins de 18 ans, et que huit accusés sur dix étaient des hommes ou des garçons.
    D'après les données sur les incidents signalés à la police, neuf victimes sur dix connaissaient la personne qui les exploitait et, dans le tiers des cas, le trafiquant était le partenaire intime de la victime. La recherche révèle que les trafiquants se font souvent passer pour des personnes à la recherche d'une relation amoureuse pour attirer ou recruter des personnes dont ils veulent faire la traite.
    Tandis que la grande majorité des adultes accusés de faire la traite des personnes étaient des hommes, plus de la moitié des jeunes accusés du même crime étaient des filles. Comme on considère que les filles inspirent plus facilement la confiance, on leur confie la tâche d'attirer d'autres filles. Il est important de noter que la ligne de démarcation qui distingue la victime du trafiquant se brouille de plus en plus. Il se pourrait donc qu'un pourcentage élevé des filles accusées de faire la traite des personnes en aient elles-mêmes été victimes.
    Nos données policières ne nous permettent pas de savoir si un incident est un cas d'exploitation sexuelle, de travail forcé ou un mélange des deux. Toutefois, quand nous avons pris en compte la liste complète des accusations liées aux incidents de traite des personnes, nous avons remarqué que 41 % des incidents comportaient une infraction secondaire; que près de six fois sur dix, cette infraction était liée au commerce du sexe et qu'une fois sur quatre, il y avait eu agression sexuelle. Il en ressort que la plupart des incidents signalés aux services policiers sont liés à l'exploitation sexuelle.
    De 2011 à 2021, la grande majorité des incidents de traite des personnes qui ont été signalés à la police se sont produits en région urbaine. Plus précisément, depuis 2011, plus de quatre incidents signalés à la police sur dix se sont produits dans l'une de quatre villes: Toronto, Ottawa, Montréal et Halifax.
    Il est important de noter que les différences dans les taux d'incidents signalés d'une ville à l'autre sont vraisemblablement attribuables à des particularités régionales, comme les campagnes locales de sensibilisation à la traite des personnes, la formation spécialisée offerte au sein des services policiers et l'accès à des ressources pour la détection de la traite des personnes.
    Nous savons aussi que parce qu'il est difficile de mener une poursuite pour traite des personnes, la Couronne peut conseiller à des services policiers de recommander ou de déposer d'autres types d'accusations qui sont plus susceptibles d'être retenues. Cette pratique pourrait faire diminuer le nombre déclaré de victimes de la traite des personnes.
    Au sujet de la façon dont les tribunaux criminels s'occupent des affaires de traite des personnes, selon les données de l'Enquête intégrée sur les tribunaux de juridiction criminelle qui portaient sur une période de 11 ans, de 2010‑2011 à 2020‑2021, nous avons recensé environ 950 affaires comportant un peu moins de 3 000 accusations de traite des personnes. Durant cette période, le nombre total d'accusations et d'affaires liées à la traite des personnes a augmenté.
    Selon les dossiers des tribunaux criminels pour adultes, il faut plus de temps pour clore une affaire liée à la traite des personnes qu'une affaire liée à d'autres infractions avec violence: la durée de traitement médiane d'une affaire liée à la traite des personnes est de 382 jours. C'est plus du double de la durée de traitement d'une affaire liée au commerce du sexe ou aux autres types d'infractions avec violence.

  (1640)  

    Les données ont aussi démontré qu'il y a moins de verdicts de culpabilité dans les cas de traite de personnes. On estime qu'environ un cas de traite de personnes sur huit entendu dans un tribunal de juridiction criminelle pour adulte s'est soldé en verdict de culpabilité au cours de la période couverte par l'étude. À titre de comparaison, les verdicts de culpabilité étaient nettement plus communs dans les cas de traite sexuelle et de crime violent. Je m'en tiendrai là.
    Madame la présidente, je vous remercie vous ainsi que les membres du Comité de votre attention. Ma collègue Kathy AuCoin et moi serons heureuses de répondre à vos questions sur les enjeux soulevés, notre travail de sensibilisation et les initiatives sur les personnes disparues au Canada.
    Génial, merci beaucoup.
    Je souhaite maintenant la bienvenue à Shelley Walker de la Fédération canadienne des femmes en transport routier.
    Vous disposez de cinq minutes pour vos remarques liminaires.
    Je m'appelle Shelley Walker, et je suis la fondatrice et la cheffe de direction de la Fédération canadienne des femmes en transport routier. J'aimerais vous remercier de m'avoir invitée à comparaître devant vous aujourd'hui.
    J'œuvre dans le secteur des transports depuis plus de 30 ans. J'ai d'abord été conductrice d'autobus scolaire, et je suis désormais camionneuse professionnelle depuis plus de 20 ans.
    J'ai pris conscience du phénomène de la traite de personnes il y a plusieurs années et j'ai décidé d'en apprendre plus à ce sujet. J'ai contacté Timea Nagy, qui est une experte dans le domaine, parce que je voulais en faire plus au sein du secteur des transports. Le financement du ministère des Transports de l'Ontario nous a permis de retenir les services de l'entreprise Timea's Cause pour créer une formation en ligne pour les camionneurs professionnels menée par des survivantes. Nous avons également affiché le message « Non à la traite de personnes » sur plusieurs remorques de 53 pieds. Nous organisons un lancement public pour chaque nouvelle remorque ornée de ce message. Nous invitons des représentants des divers paliers de gouvernement, la police locale, les services d'aide aux victimes et des organisations locales à participer au lancement et à présenter les services disponibles dans leur région.
    Nous avons également encouragé le ministère des Transports de l'Ontario à inclure une formation de sensibilisation à la traite de personnes dans la formation de base. Nous espérons que le ministre fédéral des Transports fera de même à l'échelle fédérale. Nous aimerions que ce type de formation en ligne menée par des survivantes devienne obligatoire pour chaque catégorie de permis commercial. Tout le monde devrait recevoir cette formation, qu'ils conduisent un taxi, un autobus scolaire ou une camionnette de transport.
    Chaque année, lors de notre conférence annuelle, nous invitons des gens à parler de la traite de personnes. Nous voulons que les participants en sachent plus sur les façons d'aider, que ce soit par transmission de connaissances ou contribution financière. Malheureusement, beaucoup de Canadiens croient encore que ce phénomène n'existe pas au pays. Nous avons pensé à une solution sous forme de caravanes éducatives mobiles conçues sur mesure. Nous pouvons faire une différence avec le financement gouvernemental et des partenariats avec des organisations menées par des survivantes. Ces caravanes pourraient se rendre dans des régions éloignées pour éduquer et sensibiliser la population à ce phénomène. Compétences Ontario et l'Infrastructure Health and Safety Association utilisent ce type de caravanes éducatives et connaissent un grand succès dans leurs régions respectives.
    Nous avons tous un rôle à jouer si nous souhaitons éradiquer la traite de personnes. C'est en nous unissant plutôt qu'en nous divisant que nous pourrons tous faire une différence.
    Merci.

  (1645)  

    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant entamer nos tours de questions de six minutes. Nous allons commencer par Anna Roberts.
    Vous disposez de six minutes, madame Roberts.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui et de nous aider à mieux comprendre comment nous pouvons faire une différence.
    Madame Walker, vous avez travaillé avec Timea Nagy. Nous l'avons reçue au Comité. Elle nous a beaucoup appris et nous a donné une myriade d'informations à jour nécessaires pour savoir quoi faire.
    Voici ma première question: les camionneurs sont-ils formés pour identifier des victimes potentielles de traite de personnes sur la route?
    Non.
    Pensez-vous qu'il serait utile de les sensibiliser et de leur offrir de la formation à ce sujet?
    Oui. Il serait très important de les sensibiliser à ce phénomène.
    Je me pose la question. Il s'agit d'une industrie de 150 milliards de dollars. Je déteste dire cela, mais aucune autre description ne me vient en tête. Si on suivait l'argent et qu'on fermait les valves, cela devrait mettre fin à la traite de personnes. Êtes-vous du même avis?
    Oui, peut-être, mais je crois qu'ils trouveront d'autres moyens d'en faire. Pensons à ce que les criminels font au cours de leur vie, qu'il s'agisse de trafiquants de drogue ou de la mafia. Ils ont trouvé des moyens de légaliser leurs activités. Je crois qu'il faut en faire nettement plus qu'à l'heure actuelle.
    Vous êtes camionneuse professionnelle depuis 20 ans. On entend constamment que la traite de personnes devient de plus en plus prévalente. L'argent doit cesser de circuler. C'est vraiment la seule façon d'y mettre fin, selon moi. C'est ce que j'ai tiré de mes entretiens avec divers agents et différentes personnes.
    Disons que le gouvernement crée un registre de tous les utilisateurs et trafiquants et qu'il le met à la disposition de tous les camionneurs. Pensez-vous que ces derniers seraient plus enclins à aider les jeunes filles qui se trouveraient avec ces individus ou à appeler la police avec un tel registre?
    Oui. Je crois qu'il serait très important d'avoir accès à un tel outil.
    Je crois que les choses seraient beaucoup plus faciles si les camionneurs, les agences de services aux victimes et les divers intervenants avaient accès à une application mobile.
    Selon vous, pourrait‑on éradiquer la traite de personnes en saisissant tous les actifs des utilisateurs et des trafiquants et en prenant l'argent pour le réinvestir dans les refuges où les victimes reçoivent les services dont elles ont besoin pour tourner la page?
    Oui.
    À l'heure actuelle, les trafiquants n'obtiennent pas suffisamment de peines de prison ou de sanctions monumentales. La saisie d'actifs aux fins de réinvestissement fonctionne. On l'a vu dans d'autres secteurs. Le gouvernement aurait dû agir en ce sens il y a fort longtemps.
    Je pense aussi qu'il faudrait réfléchir au fait que leurs peines ne sont pas représentatives du crime. Êtes-vous du même avis?
    Oui, absolument.
    Disons que quelqu'un écope d'une peine de prison de deux ou quatre ans. Il sera libéré en six mois s'il a une bonne conduite. Les criminels qui font de la traite de personnes devraient s'attendre à être emprisonnés pendant très longtemps pour ce crime.
    J'aimerais vous poser une autre question. Devrait‑on rendre la formation obligatoire pour les camionneurs au Canada pour qu'ils nous aident avec le processus — vous avez dit que les camionneurs sont probablement nos yeux et nos oreilles — au lieu de laisser la responsabilité aux services de police, selon vous?
    Nous parcourons les principaux corridors du Canada. Beaucoup de choses se passent dans les relais routiers et les aires de repos. Nous nous trouvons dans ces endroits.
    Je n'aime pas dire cela, mais les camionneurs qualifient souvent les femmes qui errent dans les stationnements de « lézardes de la route ». Elles cherchent à faire de l'argent pendant la nuit, et elles sont prêtes à tout pour y arriver.
    Si on offrait ce type de formation aux camionneurs, ils sauraient que ce n'est pas toutes les femmes qui cognent à leur porte qui sont des travailleuses du sexe. Il y a de très jeunes filles qui sont victimes de traite de personnes.
    Au cours de la première année de la formation de sensibilisation à la traite de personnes que nous avons mise en ligne, des camionneurs nous ont dit: « oh mon Dieu. Je ne savais pas ce que je voyais, mais maintenant je le sais ». Des camionneurs ont appelé le 911. Certains ont même appelé les autorités américaines.
    Oui, je crois qu'il est important de former les camionneurs. Voilà pourquoi mon organisation et moi revendiquons fortement la nécessité d'avoir une formation obligatoire. Nous nous réjouissons que l'Ontario ait décidé d'inclure une telle formation dans la formation de base offerte dans les écoles de formation des camionneurs. Ainsi, tout nouveau camionneur titulaire d'un permis de conduire dans la province de l'Ontario recevra une formation de sensibilisation à la traite de personnes.
    C'est très important, selon moi.

  (1650)  

    Lorsque nous avons sillonné le Canada, nous avons visité quelques aéroports et avons vu des autocollants sur les murs des toilettes de femmes qui avaient été victimes de traite de personnes. Je pense qu'il faudrait également afficher les utilisateurs et les trafiquants. Qu'en pensez-vous?
    Cela dépasse un peu mon champ d'expertise, mais personnellement, je ne suis pas contre.
    Merci beaucoup.
    Je pense que nous savons ce que Mme Roberts va faire. Merci beaucoup.
    Mme Lambropoulos se joint à nous virtuellement, et je vais maintenant lui céder la parole pendant six minutes.
    Merci, madame la présidente. J'aimerais également remercier les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Ma première question s'adresse à Mme Walker.
    Tout d'abord, je tiens à vous remercier de l'initiative que vous avez lancée dans le cadre de votre travail pour aider les femmes et les filles victimes de traite de personnes et de violence.
    Je suis curieuse. Je ne suis pas sûre que vous l'ayez mentionné, mais je voudrais que vous le répétiez si c'est le cas. Ceux qui travaillent dans le secteur du camionnage sont-ils fréquemment témoins de ce genre de crime? Si oui, avez-vous déjà eu des expériences à cet égard ou pris contact avec des femmes dans cette situation?
    Je vous laisse commencer par cela.
    C'est plus commun qu'on ne le pense. J'ai été témoin de ce genre de situations en tant que camionneuse. Des femmes sont venues cogner à ma porte. Lorsque cela a commencé à m'arriver au début de ma carrière de camionneuse, je me disais: « oh, Seigneur, pas encore. Arrêtez de cogner à la porte de mon camion. J'ai besoin de dormir. Je dois me lever dans trois heures pour transporter un chargement ». Bien souvent, par ignorance, on leur crie: « partez! Éloignez-vous de mon camion. »
    Ce n'est qu'après avoir suivi la formation que j'ai ouvert les yeux et que j'ai réalisé ce qui se passait. Je peux vous dire qu'on se met à repérer des signes et à prêter attention à où elles vont. Je sais que je dois appeler le 911, peu importe où je me trouve pour tenter d'obtenir de l'aide. J'ai personnellement déjà appelé la ligne d'urgence américaine pour traite de personnes — pas canadienne —, et on m'a mis en attente pendant 30 minutes. J'ai attendu que quelqu'un me réponde avant d'abandonner.
    Merci.
    Vous avez également mentionné avoir travaillé avec Mme Nagy, qui a beaucoup de recommandations. Je me demande si votre travail dans ce domaine vous a fait penser à des recommandations à donner à notre gouvernement pour aider les femmes à se sortir de la prostitution ou du travail du sexe en toute sécurité. Je pense aux femmes qui ont été victimes de traite de personnes, y compris celles qui ne le savent peut-être pas nécessairement. Que pourrait faire le gouvernement pour que les femmes aient plus facilement accès à l'aide dont elles ont besoin?
    On pourrait d'abord veiller à ce qu'elles aient un logement ou un endroit où aller et à ce qu'elles obtiennent le soutien approprié. On doit les aider à réintégrer lentement la société. La plupart d'entre elles ont besoin d'un suivi psychologique adapté à leur culture et à leurs croyances. C'est important.
    J'entends fréquemment des témoignages de survivantes. Je m'entretiens personnellement avec bon nombre d'entre elles. Certaines traînent des casiers judiciaires, et elles ont donc beaucoup de difficulté à avoir une carrière. Lorsque j'ai des discussions avec le bureau du Solliciteur général de l'Ontario, je leur dis toujours: « elles étaient une victime et se sont retrouvées en prison. Va‑t‑on continuer à les victimiser le restant de leur vie avec ce casier judiciaire qui les suit? »
    Je pense vraiment que le gouvernement fédéral doit se pencher sur ce que nous pourrions faire pour changer cela et leur donner la chance de repartir à zéro qu'elles n'ont pas présentement. Elles le méritent.

  (1655)  

    Merci. Je vous suis reconnaissante de votre présence, de vos réponses et de votre travail dans ce domaine.
    J'aimerais poser une question aux représentantes de Statistique Canada. Je ne sais pas si vous avez des statistiques sur les condamnations et sur la durée des peines pour les personnes accusées, jugées et reconnues coupables de traite sexuelle. Bon nombre de nos témoins ont dit qu'elles n'étaient pas assez longues. Je sais aussi qu'il y a tout un spectre. Il y a une peine minimale et la peine maximale, elle, est une peine d'emprisonnement à perpétuité.
    Pourriez-vous m'en dire plus à cet égard?
    C'est une excellente question. Je n'ai pas ces statistiques sous les yeux. Cela dit, ce que les données nous disent, c'est que les cas de traite de personnes dénoncés à la police ne se rendent pas souvent au tribunal. La poursuite est très complexe et difficile. Sur les quelques cas qui se retrouvent devant les tribunaux, très peu se soldent en verdict de culpabilité.
    Nous pouvons nous informer sur les résultats des peines. Cela dit, de façon plus générale, très peu de ces cas se retrouvent devant les tribunaux et se soldent en verdict de culpabilité.
    Merci. De toute évidence, il s'agit d'un problème en soi.
    Oui, tout à fait.
    Pourriez-vous nous envoyer les statistiques que vous avez à ce sujet au sein de votre ministère pour que le Comité puisse les consulter?
    Oui, bien sûr. Merci.
    Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il, madame la présidente?
    Il vous reste 45 secondes.
    Je ne crois pas que 45 secondes suffisent pour obtenir une réponse satisfaisante. Je vous remercie.
    Je vais céder le reste de mon temps.
    Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant passer à Mme Larouche, qui serait probablement heureuse de le prendre.
    Allez‑y, madame Larouche. Vous disposez de deux minutes et demie. C'est une bonne chose.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui pour parler de cette importante question.
    Finalement, on se rend compte qu'on dispose de peu de statistiques. D'ailleurs, on vient de dire qu'on a parfois l'impression de ne voir que la pointe de l'iceberg, parce que les gens trouvent difficile de faire de la dénonciation.
    D'ailleurs, j'aimerais rappeler au Comité que les témoins que nous avons accueillis ces dernières semaines, dont des fonctionnaires des ministères fédéraux responsables de cette lutte contre la traite des femmes et des filles — on voit qu'il y en a beaucoup — nous ont dit que nous ne détenions que très peu de chiffres sur la situation actuelle. C'est ce que Mme Léonard vient de nous dire également.
    Cette situation est inquiétante. De nombreuses politiques visant à mettre fin à la traite des personnes ont été mises en place dans le cadre de la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes 2019‑2024. Toutefois, il est difficile de savoir si cette stratégie donne des résultats en l'absence de statistiques, d'outils et de mécanismes de suivi et d'évaluation.
    Madame Léonard, j'aimerais obtenir vos commentaires sur la difficulté de recueillir des données.
    Comme nous l'avons mentionné, en tant qu'agents de statistiques nationales, nous travaillons principalement avec les services de police pour obtenir des données sur la traite des personnes. On a aussi déjà parlé du manque de systèmes, de normes et de mécanismes d'échange d'information permettant d'assurer un suivi sur les cas et de retracer l'emplacement des victimes.
    Nous nous sommes engagés à réaliser un certain travail grâce, notamment, aux services d'aide téléphonique. Or, ce que nous voulons poursuivre, c'est un meilleur travail de normalisation, qui pourrait se faire en collaboration avec l'Association canadienne des chefs de police, afin de mettre en place des mécanismes permettant de mieux recueillir l'information sur les personnes impliquées dans la traite des personnes.
    En ce sens, il a été mentionné au Comité qu'il faudrait peut-être créer une base de données nationale. Nous ne sommes pas tellement intéressés par les activités liées aux enquêtes policières comme telles, mais plutôt par celles liées à la normalisation, qui concernent davantage notre rôle. Nous devons collaborer avec les services de police, ce que nous faisons déjà.
    Par exemple, nous participons au travail concernant les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées. Nous jouons un rôle dans la Stratégie nationale de lutte contre la traite des personnes 2019‑2024.
    En 2021, nous avons annoncé que nous collaborions avec l'Association canadienne des chefs de police pour, justement, créer une base de données qui contribuerait à améliorer les normes, les protocoles ainsi que les systèmes de police et d'information. Tout cela va aider à créer une base de données qui fournirait de meilleures informations sur le phénomène de la traite des personnes, tout en améliorant les activités d'enquêtes policières grâce à des protocoles et à des systèmes d'information améliorés.
    Voilà le travail que nous nous sommes engagés à faire et que nous voulons poursuivre en ce qui concerne la traite des personnes.
    Madame AuCoin, voulez-vous ajouter quelque chose?

  (1700)  

[Traduction]

    J'aimerais simplement ajouter que la grande inquiétude concerne les victimes qui ne font jamais de signalement à la police. Elles consultent d'abord un organisme d'aide aux victimes. Ces intervenants sont le premier arrêt, la première ligne. Puisqu'ils adoptent une approche axée sur la victime, une approche qui tient compte des traumatismes, ils veulent répondre aux besoins de la victime, et ceux‑ci ne consistent pas à faire un signalement à la police. Il s'agit donc d'un point de données dont nous ne disposons pas.
    Nous avons collaboré avec des services aux victimes par le passé. Ils sont sous-financés. Ils seraient ravis de recueillir des données, mais n'ont pas les ressources pour le faire.
    Pour avoir une compréhension exhaustive de l'ampleur de la traite de personnes et du nombre de victimes, on doit travailler avec les intervenants en première ligne dans les services aux victimes. Or, leur financement est toujours consacré à la recherche de refuges et au soutien des besoins des victimes. Ils ne recueillent pas de données.
    Il faut toujours tenir compte de ce jeu d'équilibre.

[Français]

     C'est intéressant, car vous avez mentionné les femmes et des filles autochtones, et je rappelle que demain, le 5 mai, nous soulignerons la Journée de la robe rouge. C'est une journée où nous devons réfléchir collectivement aux raisons pour lesquelles les femmes et les filles autochtones, en 2023, sont touchées de façon disproportionnée par différentes choses dont nous parlons au Comité, que ce soit l'exploitation des ressources, l'exploitation sexuelle ou la violence conjugale. Alors, demain, prenons le temps de réfléchir à tout cela.
    Une autre chose me préoccupe, et c'est la question de la confiance à l'égard du système. Les victimes ne devraient pas avoir à craindre de subir des représailles ou d'être victimisées de nouveau. Elles devraient pouvoir croire qu'on va vraiment les aider. Comme vous l'avez dit, de 2011 à 2021, 54 % des cas de traite de personnes déclarés par la police n'ont pas été classés, c'est-à-dire que la police n'avait pas identifié d'auteur présumé. Par comparaison, un peu plus du tiers, ou 35 % des cas de violence en général n'ont pas été classés. Il y a donc beaucoup plus d'affaires non classées dans le cas de la traite de personnes.
    Comment peut-on expliquer cette différence, et pourquoi est-ce aussi difficile d'identifier les auteurs de ces crimes? Qu'est-ce qu'on devrait mettre en place pour mieux les repérer?

[Traduction]

    Nous en sommes à six minutes. Je vais ajouter un peu plus de temps à Mme Larouche lors du prochain tour. Ainsi, nous récupérerons un peu de ce temps.
    Je passe maintenant la parole à Mme Mathyssen. Vous avez six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie à nouveau les témoins d'être ici.
    Madame Walker, je suis ravie. Je vous verrai en personne, je crois, la semaine prochaine. Je représente London—Fanshawe. Votre organisme, la Fédération canadienne des femmes en transport routier, viendra à London.
    J'espérais que vous puissiez parler des plaques tournantes. Nous avons discuté des plaques tournantes et de l'augmentation que nous avons vue dans les statistiques en provenance de l'Ontario. Madame la présidente, vous saurez fort bien que London même est en train de devenir une plaque tournante sur le corridor de l'autoroute 401.
    J'aimerais, madame Walker, que vous parliez précisément de cet enjeu et de vos constatations relatives aux tendances le long de ce corridor.
    Nous constatons une augmentation dans les relais routiers mêmes. Dans nos échanges avec différents organismes de services aux victimes et avec les services de police locaux, on nous dit qu'il y a une augmentation assez importante de la traite de personnes dans la région de London.
    Nous avons communiqué avec un de nos partenaires commerciaux. Nous lui avons demandé d'apposer un message au sujet de la traite de personnes sur une remorque de 53 pieds. Sur le côté de la remorque, il y a une image. Le numéro de la ligne d'urgence canadienne contre la traite de personnes y est affiché, ainsi qu'un lien vers le site Web contre la traite de personnes. L'affichage est constamment mis à jour avec de nouvelles ressources et de nouveaux services pour les personnes survivantes.

  (1705)  

    Merci.
    Je suis ravie de vous voir toutes. Je sais que Mme Tallon Franklin devait être parmi nous aujourd'hui. Son organisme, Courage for Freedom, et elle ont commencé à cibler de nombreux relais routiers ONroute, les centres de services le long de l'autoroute 401, pour tenter de sensibiliser les employés de ces centres et, bien sûr, les voyageurs qui fréquentent ces relais. Les personnes qui font partie de votre organisme les utilisent certainement beaucoup.
    Pourriez-vous nous dire si vous collaborez avec ces organismes? Qu'est‑ce qui ressort de ces efforts? Est‑ce que vous mettez vos efforts en commun sur cette question?
    Nous collaborons avec de nombreuses agences différentes. Malheureusement, je ne travaille pas beaucoup avec Mme Tallon Franklin. Nous avons eu quelques conversations, mais il semble que nous n'arrivions pas à faire concorder nos horaires.
    Je pense que nous ciblons tous les centres ONroute pour agir davantage dans le domaine de la traite de personnes, mais lors d'une des conversations que nous avons eues, on nous a dit: « Oh, nous ne pouvons pas afficher quoi que ce soit ici à ce sujet; cela fera peur à nos clients. »
    C'est un enjeu — faire comprendre aux entreprises qu'elles ont une responsabilité envers tous, ce qui comprend chaque personne qui entre dans leurs locaux. Je crois que si nous faisons attention au type d'affichage ou de vidéos qui sont diffusés, de manière à ne traumatiser personne ou à ne pas déclencher une réaction à la suite d'un traumatisme, nous pouvons en accomplir bien davantage dans ce domaine. Pensons au mot-clic #NotInMyCity, maintenant affiché dans les aéroports. À mon avis, un plus grand nombre d'espaces publics très achalandés devraient agir.
    Relativement au soutien du gouvernement à certains de ces programmes que vous dirigez vous-mêmes toutes les deux et dont vous constatez l'efficacité, quelles sont à votre avis les lacunes majeures, à l'échelon provincial et au fédéral, puisque nous discutons aujourd'hui de ce que peut faire le gouvernement fédéral?
    Le financement est le nerf de la guerre. Voilà ce que je veux souligner.
    Je communique avec de nombreux organismes différents, que ce soit dans le secteur du camionnage ou des groupes œuvrant contre la traite de personnes, et j'entends toujours les mêmes propos: le financement n'est jamais suffisant. Soit ces organismes épuisent leurs fonds, soit certains d'entre eux semblent recevoir constamment du financement, alors que d'autres, qui ont tellement de connaissances et d'expérience, sont abandonnés à leur sort. Prenons Timea Nagy, par exemple, qui n'a pas une fois reçu du financement gouvernemental au cours de ses longues années d'activité.
    Si vous preniez le temps d'examiner ce qu'exige le gouvernement d'une personne, d'un organisme, dans un formulaire de proposition au gouvernement simplement pour demander du financement, c'est vraiment ahurissant. À mon avis, il faut agir pour réduire la paperasserie, modifier la gestion des systèmes de subventions et des programmes de financement, et les ramener un peu plus... disons, dans la réalité.
    La dernière fois que j'ai participé à une réunion du Comité, il y a eu de longues discussions relatives à la différence entre le financement accordé aux programmes et le financement de base au fonctionnement, le financement à long terme qui permet à ces organismes d'offrir des services autres qu'un seul programme à l'objectif précis. C'est ainsi qu'ils peuvent prévoir à long terme et faire une planification de nombreuses années d'avance.
    C'est le cas pour les refuges pour femmes et les programmes qui s'attaquent à la violence faite aux femmes. Seriez-vous généralement d'accord avec ce portrait?
    Oui, je pense qu'il faut que ce soit fait. Je pense qu'il faut changer un peu la façon de faire.
    Je peux vous dire que nous finançons nous-mêmes toutes nos activités relatives à la traite de personnes. Le premier affichage sur la remorque, je l'ai payé de ma propre poche, parce que je croyais que cela changerait les choses.
    Merci beaucoup.
    Je vais maintenant démarrer notre deuxième tour — cinq minutes, cinq minutes, deux minutes et demie, deux minutes et demie — avec Anna Roberts.
    Madame Roberts, vous avez la parole pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je reviens à un commentaire que vous avez fait plus tôt, madame Walker.
    À la lecture du livre de Mme Nagy, j'ai été assez surprise d'apprendre qu'elle avait aidé plus de 300 victimes. Dans son livre, elle mentionne avoir travaillé avec la police de Peel, à qui nous avons eu la chance de rendre visite pendant notre tournée. Le programme est une grande réussite. Elle affirme dans son livre — il pourrait s'agir là d'un outil dont se servir auprès de nos camionneurs — qu'elle a toujours avec elle ce qu'elle appelle un « sac de sûreté »; je pense que c'est ainsi qu'elle le désigne, mais je n'en suis pas certaine.
    Lorsqu'elle rencontre des victimes, elle ne commence pas à poser des questions immédiatement, parce qu'elle a été une victime elle-même. Elle apporte une trousse de soins, de façon à ne pas revictimiser les victimes. Elle leur apporte de la crème pour les mains. Elle leur apporte une brosse à dents. Elle leur apporte... Ce sont des articles essentiels pour les victimes, et elles peuvent ne pas y avoir eu accès depuis un moment. En partageant une partie de son vécu, Mme Nagy bâtit un lien de confiance.
    Diriez-vous, en ce qui concerne la formation pour les camionneurs, qu'il serait utile pour eux de comprendre cet aspect?

  (1710)  

    Je pense qu'une partie de cette formation sera utile, mais il vous faut comprendre que nous n'avons pas beaucoup de place pour apporter un sac de sûreté. Pour un chauffeur qui traverse les frontières, il y a des restrictions concernant certains articles du côté des États-Unis, alors il faut porter attention à tout.
    Je crois qu'une plus grande sensibilisation est nécessaire dans le secteur du camionnage pour améliorer la situation. Cela fera changer les choses.
    Disons que l'on forme les camionneurs à reconnaître les personnes qui sont traitées. Que font-ils lorsqu'ils détectent une personne? Appellent-ils la police? Comment interviennent-ils?
    Je peux vous dire que c'est Timea Nagy qui a conçu la formation en ligne pour les chauffeurs professionnels. L'un des éléments principaux sur lesquels elle insiste concerne le fait qu'il faut appeler le 911 s'ils voient une personne en danger imminent et après, la ligne d'urgence contre la traite de personnes.
    Merci.
    Je voudrais poser une question à Mme AuCoin, de Statistique Canada.
    Vous avez déclaré qu'en 2019, le gouvernement fédéral a établi un plan d'action, mais qu'il est difficile de recueillir des renseignements.
    Comment notre équipe peut-elle émettre des recommandations si nous ne savons pas ce que les victimes ont expliqué lors de leur arrestation? Nous pourrions nous renseigner nous-mêmes pour inclure des recommandations dans le rapport. Comment pouvons-nous obtenir cette information?
    Il s'agit d'une excellente question.
    Les données dont nous nous servons viennent des systèmes de gestion de l'information des services policiers. En examinant les données sur les tendances de 2011 à 2017, il y a eu augmentation d'une année à l'autre du nombre d'incidents signalés à la police. En 2018‑2019, les chiffres étaient très élevés et en 2020‑2021, la courbe s'est aplatie.
    Il faudrait une étude qualitative pour obtenir l'histoire et le vécu des personnes survivantes. Il existe de très bonnes études qualitatives dans le cadre desquelles il y a eu des entretiens individuels avec des survivantes de la traite de personnes. Sur le plan statistique, toutefois, nous nous débattons toujours avec la question de la prévalence générale et on nous pose souvent des questions à ce propos. Quelle est l'ampleur du problème?
    Quand on a affaire à des victimes qui craignent pour leur vie, qui s'inquiètent pour leur famille, leurs amis, et qui craignent d'être maltraitées si elles vont voir la police, on n'obtiendra toujours que la pointe de l'iceberg en consultant les données de la police. Nous aurions une meilleure compréhension d'ensemble si un organisme de services aux victimes saisissait ces renseignements.
    Toutefois, comme l'a dit Mme Walker, le financement des services aux victimes est très incohérent. Ces organismes ont-ils les ressources et le personnel pour faire de la cueillette de renseignements? Ensuite, sur le plan comparatif, puisqu'il y a tant de services de première ligne, comment peut-on recueillir tous ces renseignements pour nous donner un portrait d'ensemble?
    Statistique Canada se fie aux données signalées à la police. Nous obtenons des données de certains refuges. Nous travaillons maintenant avec la ligne d'urgence canadienne pour examiner ses données, de manière à dresser un meilleur portrait de ce qui semble être la situation.

  (1715)  

    Pourriez-vous nous obtenir ces données? Est‑ce possible?
    Je peux vous envoyer l'information relative aux refuges.
    Oui. Nous ferons une liste pour vous, madame AuCoin, car je suis certaine que nous voudrons un certain nombre d'éléments d'information.
    Je passe maintenant la parole à Mme Vandenbeld, pour cinq minutes.
    Merci, madame la présidente, et merci infiniment aux témoins.
    J'aimerais d'abord poser des questions à Statistique Canada. Je reprends certaines questions posées précédemment sur votre méthode de collecte de données et sur vos sources.
    Nous avons discuté de la façon de trouver les chiffres, les données, mais qu'en est‑il des données désagrégées? Par exemple, parmi tel nombre de femmes et de filles dont nous savons qu'elles ont été traitées, combien sont de nouvelles arrivantes? Quel âge ont-elles? De quelle origine sont-elles? Je me demande s'il y a possibilité d'obtenir ce type de données.
    Voilà une question essentielle.
    En ce moment, nous pouvons fournir les données relatives à l'âge et au sexe. Nous ne pouvons pas fournir celles relatives à l'ethnicité, ce qui est une lacune énorme. Toutefois, Statistique Canada, en collaboration avec l'Association canadienne des chefs de police, va commencer à recueillir les données sur l'ethnicité.
    Cela comblera une lacune majeure. Je songe à la situation transfrontalière et à celle des femmes autochtones. Nous serons en mesure de saisir cette information, dorénavant.
    Nous n'avons pas le statut d'immigration, mais nous avons la capacité de coupler les données signalées à la police à d'autres ensembles de données de Statistique Canada. Nous espérons que dans les prochaines années, nous serons en mesure de savoir s'il y a de nouvelles immigrantes ou de connaître leur statut. Il s'agit d'un aspect sur lequel nous allons travailler.
    Une bonne partie des propos que nous avons entendus dans le cadre de notre étude se rapporte aux femmes et aux filles autochtones qui sont surreprésentées et aux étudiantes étrangères qui sont recrutées. Je crois qu'il serait assez essentiel d'être en mesure d'obtenir cette information.
    Vous venez d'ailleurs de mentionner que la police vous fournit certaines de ces données. Quelle est votre capacité à rassembler des données provenant des provinces, des services policiers? Quelles sont vos sources? Y a‑t‑il des secteurs où vous avez de la difficulté à obtenir des données qui pourraient avoir été recueillies?
    Par l'entremise de notre Programme de déclaration uniforme de la criminalité, nous extrayons des renseignements auprès de plus de 600 services de police partout au Canada. Nous obtenons les données de manière constante. Elles sont de grande qualité.
    Le défi que nous connaissons à l'heure actuelle est que, de manière anecdotique, nous savons que certains services policiers adoptent une approche qui tient compte des traumatismes quand ils abordent les victimes de la traite de personnes. Il se peut qu'ils ne classent pas un incident comme relevant de la traite de personnes, parce que la victime ne veut pas déposer d'accusations et que les policiers respectent cette décision. De plus, ils peuvent avoir été informés par la Couronne qu'ils doivent déposer une accusation ou autre chose pour que le cas progresse dans le système. Les choses se sont passées ainsi dans certains cas, alors nous discutons davantage avec certains services de police à l'heure actuelle, pour savoir si nous pourrions coder l'information et comment nous pourrions saisir certains des renseignements qu'ils obtiennent. Nous savons qu'ils font du bon travail avec certaines victimes, mais nous n'obtenons pas l'ensemble de cette information.
    Certaines de ces discussions sont en cours et s'il existe des possibilités d'exploiter les données de ces organismes, nous tenterons de résoudre cette question.
    J'imagine que la confidentialité et le respect de la vie privée sont probablement des préoccupations réelles.
    Nous avons entendu la même chose, à savoir que très souvent la police inculpe sur la base des drogues qu'elle trouve sur place ou d'autres infractions, et pas nécessairement sur la base de l'infraction de trafic. Par ailleurs, l'une des choses que nous avons entendues, c'est que le trafic va bien au‑delà du simple aspect de la criminalité. Il s'agit d'un continuum. Par conséquent, la coercition et d'autres choses de ce genre n'atteindraient pas nécessairement le seuil de la criminalité.
    Existe‑t‑il un moyen de collecter des données à ce sujet?
    Encore une fois, il faut comprendre que les policiers essaient de gagner la confiance des victimes et que leur priorité est de protéger ces dernières. Ils doivent gagner cette confiance, de telle sorte que si la victime est réticente à donner des renseignements sur l'auteur de l'infraction et qu'elle se sent menacée, la priorité devient de lui trouver un logement. Comme l'a dit M. Flynn, un témoin précédent, il se peut que cela arrive une semaine ou un mois après, ou que la personne ne porte jamais plainte. Elle veut simplement trouver un endroit où elle sera en sécurité.

  (1720)  

    Nous avons beaucoup entendu parler du conditionnement en ligne. Existe‑t‑il un moyen de collecter des données sur ce qui se passe en ligne, sur ce stratagème qui permet de conditionner ces jeunes filles et de les exploiter?
    Nos systèmes sont dotés d'un indicateur qui permet de savoir si un ordinateur a été utilisé pour commettre cette infraction avec violence. Nous n'avons pas encore examiné cette question sous l'angle de la traite des personnes.
    Ce qui me préoccupe, c'est que le leurre pourrait commencer, mais qu'à partir du moment où la personne ou l'enfant aurait été victime de la traite, le contact aurait été établi. C'est une question que nous allons examiner.
    C'est parfait. Merci beaucoup.
    Nous allons maintenant donner la parole à Mme Andréanne Larouche.
    Madame Larouche, nous vous écoutons.

[Français]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Mesdames AuCoin et Léonard, je vous remercie d'être ici aujourd'hui.
    Madame Léonard, j'aimerais vous permettre de terminer ce que vous disiez à la fin de mon premier tour de parole. Je vous demande de le faire en moins d'une minute, si c'est possible, parce que j'aimerais parler avec l'autre témoin aussi.
    Que pourrait-on mettre en place? Avec les chiffres que vous avez, pouvez-vous nous faire une ou deux recommandations pour mieux repérer les cas de traite de personnes? Comme on l'a dit, il y a une différence dans les cas déclarés selon qu'il s'agit de traite de personnes ou d'autres cas de violence en général.
    Comme nous l'avons dit, il faudrait travailler avec tous les services de police et avoir un engagement formel de créer une base de données nationale. Cela permettrait d'établir des normes, des processus et des systèmes d'information comparables. Il faudrait établir un mécanisme pour faciliter le partage d'information entre les différentes instances concernées partout au pays. Tout cela nous permettrait de créer des normes dans la conduite des enquêtes. On a parlé de personnes disparues. Cela assurerait aussi que ces cas sont bel et bien rapportés et font l'objet d'une enquête plus poussée.
    C'est ce qu'on a constaté dans les cas d'agressions sexuelles classés comme non fondés. En travaillant avec les services de police et les organismes qui offrent des services aux victimes, on a pu réduire le nombre de cas d'agressions sexuelles classés comme non fondés. La même approche pourrait être utilisée dans ce cas-ci. Si on travaille avec les services de police et si on offre une meilleure formation, on pourra mieux saisir et améliorer la situation.
     Merci beaucoup, madame Léonard.
     Madame Walker, j'ai participé à deux journées de réflexion sur la traite des personnes au Musée canadien pour les droits de la personne, à Winnipeg. Votre organisme était présent en tant que partenaire de l'événement, et je dois dire qu'il est extraordinaire et que cela m'a fait grand plaisir de le découvrir.
    Qu'avez-vous retenu de ces deux journées? Quelles discussions avez-vous eues? Quelles suggestions ou propositions avez-vous retenues?

[Traduction]

     En fait, j'ai été très contrariée de voir qu'il s'agissait du même type de conférence avec les mêmes grandes entreprises qui discutaient des mêmes choses que nous connaissons tous. J'aurais aimé qu'il y ait plus d'ateliers ou de groupes de travail pour trouver des solutions.
    Je souscris sans réserve à cette cause, et j'aurais préféré écouter le témoignage d'une survivante plutôt qu'un représentant d'une grande entreprise qui n'est là que pour marquer des points. Je dois dire que je suis repartie un peu déçue de cette rencontre. J'espérais plus de discussions qu'il n'y en a eu.
    Merci beaucoup, madame Walker.
    Je vais maintenant donner la parole à Mme Mathyssen, pour deux minutes et demie.
    J'aimerais poser cette question aux témoins de Statistique Canada. J'essaie depuis un certain temps de faire avancer quelque chose, et notre gouvernement provincial tente de faire adopter un projet de loi en ce sens, le projet de loi 99. Le but ultime serait d'aider les survivantes qui essaient de se refaire une vie à se libérer des dettes qu'elles ont contractées auprès des trafiquants.
    Je me demandais si vous recueilliez des données ou si vous aviez de l'information, parce que nous cherchons un moyen de faire cela à l'échelon fédéral également, d'avoir une loi fédérale à cet égard. Or, l'un des groupes qui travaillent là‑dessus, Project Recover, affirme que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux reçoivent une partie de la dette récupérée auprès des trafiquants en raison de la perception de la TVH.
    Avez-vous de l'information à ce sujet, ou recueillez-vous des renseignements sur ces dettes et sur ce qu'il en advient?

  (1725)  

    Statistique Canada a des données sur la TVH perçue auprès des entreprises légales, mais même si nous connaissions les entités et que nous étions au courant de leurs activités criminelles néfastes, nous n'avons aucun moyen de le déterminer. Lorsque nous collectons des données sur la TVH payée ou non, elles sont regroupées selon de grands points de données qui sont publiés pour l'ensemble de la province et non pas au sujet d'entités individuelles. Cette information n'est pas collectée dans le cadre de nos données sur la justice.
    Je regarde les données, et elles indiquent au moins 14 000 dollars par an. Comment ces données ont-elles été recueillies si Statistique Canada ne les examine pas? Ces données ne sont-elles pas recueillies de manière officielle?
    C'est le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE, qui s'occupe de cela.
    D'accord.
    Je crois que c'est le CANAFE qui recueille ces données, parce qu'il concentre ses enquêtes sur les personnes qui se livrent à des activités criminelles. Il suit les transactions financières et il est en mesure de les évaluer. Je pense que ces points de données viennent de là.
    Le gouvernement fédéral devrait examiner ces services. Pourrait‑il s'appuyer sur les services du CANAFE pour obtenir les données et mieux étayer le projet de loi qu'il devrait présenter?
    Je ne peux pas me prononcer là‑dessus.
    Je sais que le CANAFE a fait un excellent travail en suivant les personnes impliquées dans la traite des personnes et la façon dont elles dépensent leur argent. Il a suivi leurs transactions et a réalisé d'excellentes études à ce propos, mais je ne peux pas vous donner de détails.
    C'est très bien.
    À moins que les gens du CANAFE ne fassent déjà partie de la liste des témoins, je pourrais peut-être recommander que certains de ces renseignements soient soumis au Comité.
    C'est une très bonne idée. C'est comme cela que nous travaillons à London. Nous n'avons qu'à nous regarder et nous nous comprenons tout de suite: « D'accord, c'est bon, nous avons compris. »
    Au nom du Comité, j'aimerais vraiment remercier les témoins de leur présence et des importants renseignements qu'ils nous ont fournis.
    J'ai encore deux choses à signaler aux membres du Comité.
    Je rappelle à tout le monde que pour l'étude que nous allons commencer sur l'équité mentale, nous avons repoussé les propositions de témoins au 12 mai. Par conséquent, est‑ce que tout le monde pourrait avoir d'ici vendredi prochain à midi les noms et les coordonnées des témoins qu'ils veulent voir convoqués?
    Deuxièmement, la ministre des Femmes et de l’Égalité des genres et de la Jeunesse a accepté notre invitation, de sorte que nous étudierons le budget principal des dépenses le jeudi 18 mai, pendant la première heure.
    Comme il n'y a plus de questions ou d'observations, je crois qu'il est temps pour nous de partir.
    La séance est levée.
Explorateur de la publication
Explorateur de la publication
ParlVU