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HESA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la santé


NUMÉRO 067 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1100)  

[Traduction]

    Je déclare la séance ouverte.
    Bienvenue à la 67e réunion du Comité permanent de la santé de la Chambre des communes. Nous poursuivons notre étude de la surveillance des instruments médicaux et du registre des implants mammaires. Notre groupe de témoins, avec qui nous passerons deux heures, est composé de chercheurs et de représentants d'organisations professionnelles. Cette réunion se déroulera en mode hybride, conformément à l’ordre de la Chambre du 23 juin 2022.
    Je vais adresser quelques brèves observations à nos témoins. Ceux qui participent à distance verront au bas de leur écran une icône où ils pourront choisir entre l’anglais et le français. Ceux qui sont dans la salle ont un écouteur à leur disposition et ils peuvent sélectionner le canal de la langue désirée sur le microphone qu'ils ont devant eux. J'invite les participants à distance à ne pas prendre de capture ou de photo de leur écran. Les délibérations d’aujourd’hui seront affichées sur le site Web de la Chambre des communes.
    Conformément à notre motion de régie interne, j’informe le Comité que tous les participants à distance ont effectué les tests de connexion requis avant la réunion.
    Je vais maintenant souhaiter la bienvenue aux témoins qui se sont joints à nous par vidéoconférence, soit le Dr Jan Willem Cohen Tervaert, professeur de médecine à l’Université de l’Alberta, le Dr Steven Morris, président de la Société Canadienne des Chirurgiens Plasticiens, et Mme Lorraine Greaves, présidente du Comité consultatif scientifique sur les produits de santé destinés aux femmes.
    Merci à vous trois d’avoir pris le temps de témoigner aujourd’hui.
    Nous allons commencer par le Dr Cohen Tervaert, qui dispose de cinq minutes pour sa déclaration liminaire.
    Bienvenue au Comité, docteur, vous avez la parole.
    Je m’appelle Jan Willem Cohen Tervaert. Je suis professeur de médecine à l’Université de l’Alberta et également professeur émérite en médecine et en immunologie à l’Université de Maastricht, aux Pays-Bas. Je siège également au groupe d’experts sur les dispositifs médicaux de la communauté européenne.
    J’ai fait ma formation et mes études aux Pays-Bas, mais après avoir terminé ma maîtrise et mon doctorat, j’ai été invité à travailler à l’Université Harvard à Boston, aux États-Unis. En 1993, je suis retourné aux Pays-Bas avec une bourse de l’Académie néerlandaise des sciences.
    C'est alors que j'ai ouvert des cliniques pour les patientes présentant des problèmes auto-immuns associés aux implants mammaires. Fort de cette expérience, j’ai le plaisir de partager avec les membres du Comité permanent de la santé quelques renseignements généraux sur l’innocuité ou la nocivité des implants mammaires.
    Tout d’abord, il y a eu plusieurs scandales concernant les implants mammaires, ceux‑ci n'étant pas toujours conformes aux normes internationales. Par exemple, il y a eu trois scandales: en 2010 avec la Poly Implant Prothèse, PIP, de France; en 2015 avec Silimed, une entreprise brésilienne, et en 2021 avec la coréenne BellaGel.
    De plus, l’Institut national néerlandais de la santé publique et de l’environnement a publié en 2015 une étude de surveillance du marché qui a démontré que les résultats techniques pour les 10 fabricants commercialisant des implants mammaires aux Pays-Bas n’étaient pas conformes et que, dans un cas, les implants contenaient un niveau très élevé de contaminants.
    Enfin, en 2018, comme on le sait, l’International Consortium of Investigative Journalists a publié le document intitulé Implant Files, qui fait état de nombreuses lacunes dans les essais cliniques sur les implants mammaires.
    Quelles maladies associe‑t‑on aujourd'hui aux implants mammaires? Il y en a trois. Il y a d’abord les maladies malignes. En 1997, une maladie maligne spécifique associée aux implants a été signalée pour la première fois: le lymphome anaplasique à grandes cellules, ou LAGC‑AIM. En 2008, s'appuyant sur le registre néerlandais obligatoire des spécimens de pathologie, Daphne de Jong et al. ont clairement démontré qu'aux Pays-Bas les implants mammaires avaient causé le LAGC‑AIM.
    En 2011, la FDA a émis un avertissement, mais a déclaré qu’il n’était pas possible de confirmer un lien éventuel entre les implants mammaires et le LAGC‑AIM. Puisque la plupart des patientes atteintes de LAGC avaient des implants texturés, en 2019, la FDA et Santé Canada ont demandé à Allergan de rappeler ses implants texturés.
    Plus récemment, en 2023, la FDA a publié une communication sur l’innocuité selon laquelle d’autres lymphomes et carcinomes squameux associés aux implants mammaires pourraient également se produire chez les patientes porteuses d'implants mammaires en silicone, ou IMS. Bien qu’il n’existe pas d’estimation exacte de la fréquence à laquelle ces tumeurs malignes surviennent chez les patientes ayant reçu un IMS, les chercheurs sur le LAGC ont établi que le risque correspondait à une femme sur 2 832.
    Outre les tumeurs malignes, diverses maladies auto-immunes se manifestent plus fréquemment chez les patientes ayant reçu un IMS. De plus, dans ce cas, le risque estimé est très difficile à quantifier et on a longuement débattu du rôle réel des IMS en tant que facteur de risque dans le développement de ces maladies auto-immunes.
    Toutefois, en 2018, une vaste étude menée en Israël a démontré de façon convaincante que les maladies auto-immunes survenaient plus souvent chez les patientes ayant reçu un IMS que chez les femmes sans implant mammaire. Les patientes ayant reçu un IMS semblaient présenter un risque 45 % plus élevé de développer une maladie auto-immune, comme la sarcoïdose, la sclérose systémique, la sclérose en plaques ou d’autres maladies auto-immunes. Tout comme pour les tumeurs malignes, la plupart des maladies surviennent plus de 10 ans après l’implantation.
    Enfin, il y a un troisième groupe de maladies. Les patientes qui ont des implants mammaires présentent souvent des symptômes qui suggèrent un fonctionnement anormal du système nerveux autonome. Les symptômes de ces femmes comprennent une grande fatigue, une douleur généralisée dans les muscles et les articulations, une sécheresse oculaire grave, une sécheresse buccale grave, des sensations fiévreuses et une déficience cognitive.

  (1105)  

    De nos jours, cette maladie est appelée maladie des implants mammaires ou syndrome auto-inflammatoire/auto-immun induit par les adjuvants en raison de l’incompatibilité avec le silicone. Les symptômes se manifestent généralement de sept à dix ans après l’implantation de l’IMS. Chez environ 80 % des patientes, ces symptômes s’améliorent ou disparaissent après le retrait de l’implant. Bien qu’il n’existe pas d’estimation précise de la fréquence à laquelle cette maladie se manifeste chez les patientes ayant reçu un IMS, nos études indiquent qu’une femme sur quatre peut développer au moins trois symptômes évoquant cette maladie 10 ans après la pose d’implants mammaires.
    Pourquoi un registre national des implants mammaires est‑il nécessaire? On estime que, dans les pays occidentaux, de 3 à 4 % des femmes ont des implants mammaires. Quelque 70 % de ces implants sont insérés pour des raisons esthétiques, tandis que 30 % le sont à des fins de reconstruction après une mastectomie. Quand les implants mammaires de la société PIP ont été rappelés aux Pays-Bas, il existait uniquement un enregistrement volontaire des patientes ayant des implants mammaires remplis de gel de silicone. Cela signifiait que seulement de 10 à 20 % des femmes ayant reçu des implants PIP pouvaient être retracées.
    De plus, avec un registre, il est possible de calculer la fréquence à laquelle des complications locales et/ou systémiques surviennent après la pose d’implants mammaires.
    Comme il n’y a jamais eu d’essais cliniques randomisés effectués pour démontrer l’innocuité potentielle des implants IMS avant qu'ils ne fussent enregistrés, nous ne disposons actuellement que d’une surveillance post-commercialisation pour évaluer l’innocuité. Les fabricants doivent mener ces études et les chirurgiens plasticiens doivent signaler les événements aux fabricants. Malheureusement, il n’y a pas de critères pour ces rapports, ils ne sont que rarement produits, ils ne sont pas examinés par les pairs et ils ne sont pas accessibles au public.
    Comme il existe plusieurs indications de la possibilité que les implants mammaires ne soient pas toujours sécuritaires, il est prudent de commencer par un registre dès que possible. Comme nous l’avons vu, il ne devrait pas s’agir d’un registre optionnel, mais d’un registre obligatoire auquel seule la patiente et non le chirurgien a le choix de s’enregistrer ou non.
    Quelles sont les exigences relatives à un registre?

  (1110)  

    Docteur Tervaert, nous avons largement dépassé le temps qui vous était alloué, si vous pouviez conclure.
    Vous aurez amplement l’occasion d’élaborer pendant la période de questions.
    Il me reste juste quelques points.
    Le registre optionnel pourrait être semblable à celui utilisé en Australie et aux Pays-Bas, mais il devrait reposer sur une banque de données constituée des mesures des résultats déclarés par les patientes, ou MEDP.
    L'obligation de passer par un registre pourrait poser problème. Aux Pays-Bas, il est prévu que tous les hôpitaux et toutes les cliniques privées aient la responsabilité d’enregistrer les poses d'implants. De plus, la conformité au registre est une exigence pour renouveler les permis des chirurgiens plasticiens.
    Pour faciliter l’utilisation du registre, les fabricants devraient être invités à imprimer des codes à barres sur leurs emballages afin d’assurer une inscription au registre sans erreur.
    Le financement du registre est un autre facteur important. Aux Pays-Bas, il est établi que les patientes paient un montant additionnel de 40 dollars canadiens pour leur chirurgie. Dans le cas d’une reconstruction mammaire, ce montant est remboursé aux patientes par leur assurance-maladie.
    Les implants mammaires sont donc des dispositifs médicaux à haut risque. Aucune donnée épidémiologique solide à long terme n’est disponible, même si les implants mammaires sont sur le marché depuis plus de 60 ans.
    Des rappels ont été effectués par le passé et pourraient être nécessaires à l’avenir. Les rappels ne sont pas efficaces s’il n’existe pas de registre approprié. Je suis d’avis qu’il est urgent de commencer par un registre national des chirurgies mammaires. Celui‑ci devrait être utilisé par tous les chirurgiens qui procèdent à la pose d’implants. Le registre nous fournira de meilleurs renseignements sur les maladies qui sont associées à ces implants et/ou causées par ces derniers.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci, docteur.
    Nous allons maintenant entendre le président de la Société Canadienne des Chirurgiens Plasticiens, le Dr Steven Morris.
    Docteur Morris, à vous la parole.
    Je remercie le Comité de m’avoir invité à témoigner et à lui fournir des informations sur la question des implants mammaires. Je suis d'accord avec mon confrère pour dire qu'il faut réglementer les implants mammaires afin d'assurer la sécurité des clientes.
    Je m’appelle Steve Morris. Je suis chirurgien plasticien et reconstructeur. Je travaille à Halifax depuis 30 ans. Je dirige un laboratoire de recherche et je fais de la recherche en laboratoire depuis environ 25 ans. Je suis actuellement président de la Société Canadienne des Chirurgiens Plasticiens.
    J’ai commencé ma résidence dans les année 1980. À l’époque, les implants mammaires étaient défectueux. Les résultats étaient médiocres et imprévisibles. Peu à peu, les fabricants d’implants ont amélioré les dispositifs et les résultats. Pour des raisons de sécurité, en 1992, un moratoire a été imposé sur les implants au gel de silicone. Pour toute reconstruction, nous avons dû utiliser des implants remplis de solution saline pendant un certain temps. Le problème avec les implants remplis de solution saline, c’est que le taux de défaillance par implant est de 1 % par année. La rupture spontanée est un problème récurrent. Graduellement, les implants de silicone ont été remis sur le marché, et Santé Canada a essentiellement imposé aux fabricants d’implants la responsabilité de recueillir des données.
    Pour revenir un peu en arrière, à quoi servent les implants mammaires? Je fais beaucoup de chirurgies reconstructives mammaires avec des implants. Il existe des causes congénitales de difformités mammaires, comme l’hypoplasie, l’asymétrie ou d’autres difformités plus inhabituelles. Les patientes transgenres ont besoin d’implants mammaires. Enfin, il y a l’augmentation cosmétique des seins. Le nombre de ces interventions varie d’un chirurgien à l’autre dans différentes pratiques.
    On s’est toujours inquiété de la sécurité des implants mammaires. Dans les années 1980, le taux de rupture d’implants était beaucoup trop élevé. À mesure que les fabricants essayaient d’obtenir un meilleur implant, ils ont aminci la capsule et rendu le silicone plus visqueux. Cela a fini par causer beaucoup de ruptures.
    Le silicone est une source de préoccupation en raison de ce qu’il peut faire dans le corps. En général, le silicone a d’abord été choisi parce qu’il est relativement inerte biologiquement, mais il y a toujours une capsule autour de tout dispositif implanté. Quel que soit le type d’implant dans le corps, il y a toujours une capsule autour. Cela semble causer beaucoup de problèmes dans un certain sous-groupe de patientes.
    Quand le moratoire a été annoncé en 1992, des centaines de projets de recherche ont alors porté sur la sécurité, en particulier sur l’aspect auto-immun. À ce moment‑là, il n’y avait pas de preuves convaincantes. C’est pourquoi Santé Canada a autorisé le retour des implants sur le marché, sachant que les fabricants d’implants allaient étudier les données. C’est pourquoi nous sommes ici aujourd’hui.
    On dit que le meilleur moment pour planter un arbre, c’était il y a 30 ans, et le deuxième meilleur moment pour le faire, c’est aujourd’hui. C’est la même chose pour ce registre. Aujourd’hui est le meilleur moment pour commencer à progresser dans ce dossier. Nous aurions déjà d’excellentes données.
    Le LAGC‑AIM, pour lymphome anaplasique à grandes cellules associé aux implants mammaires, est une tumeur très grave causée par des implants mammaires. Encore une fois, les implants texturés ont été associés en plus grand nombre au LAGC, mais il ne fait aucun doute qu’il existe un lien entre le lymphome anaplasique à grandes cellules, qui est une forme de lymphome non hodgkinien, et les implants. C’est la raison pour laquelle les IMS ont été retirés du marché en 2019. Il y a 10 ans, si nous avions disposé de ces données quand nous avons subodoré l'existence du LAGC, nous aurions pu alerter toutes ces patientes et leurs chirurgiens, retirer ces implants et en arrêter la production. Nous sommes passés à côté de cette occasion, pour ne pas dire plus.
    Malheureusement, il n’existe pas actuellement de bon moyen de suivre le nombre de patients ayant reçu ce genre d’implants. Un registre aurait permis de le faire facilement. Dans toute intervention chirurgicale, le chirurgien est tenu de divulguer au patient l’analyse coûts-avantages de l’opération. Quels sont les risques? Quel est le coût financier? Quelles douleurs et quelles souffrances seront éventuellement associées à ce choix? Quel est le but de l’opération? Si nous n’avons pas de données adéquates sur les implants mammaires, nous ne pouvons pas conseiller correctement nos patientes. En tant que chirurgiens, nous voulons obtenir d’excellents résultats tous les jours, mais nous voulons le faire en toute sécurité.
    Croyez‑le ou non, après ce que vous venez d’entendre, nous obtenons constamment d’excellents résultats dans cette population de patientes. Je pratique depuis 30 ans. Si j’avais eu des résultats terribles et des patientes gravement touchées, j’aurais cessé de faire ce genre de chirurgie depuis longtemps. Il est certain que nous obtenons d’excellents résultats la plupart du temps.

  (1115)  

     Il y a aussi les cas dont nous ne sommes pas au courant. Nous les avons perdus dans le suivi ou je ne sais quoi d'autre.
    Pour offrir aux patientes des soins optimaux et sécuritaires, je crois que nous devons créer un registre national des implants mammaires. J'ai cité un article que j'ai lu en préparation de ma présentation, dans lequel on dit que l'obligation d'assurer la sécurité des patientes ne revient pas au médecin qui utilise le matériel médical, mais au gouvernement qui le réglemente.
    Merci, docteur Morris.
    Enfin, nous entendrons Lorraine Greaves, présidente du Comité consultatif scientifique sur les produits de santé destinés aux femmes, qui comparaît par vidéoconférence.
    Bienvenue au Comité, madame Greaves. Vous avez la parole.
    En plus de présider le Comité consultatif scientifique sur les produits de santé destinés aux femmes, je suis chercheuse principale au Centre of Excellence for Women's Health, dont le siège social est à Vancouver, et professeure clinicienne à la Faculté de médecine de l'Université de la Colombie-Britannique. Je suis également sociologue médicale, alors je suis formée pour analyser les liens entre la santé et divers systèmes.
    Il ne fait aucun doute qu'un registre des implants mammaires serait avantageux pour les Canadiennes, et que tout devrait être fait pour en créer un. Toutefois, un tel registre n'est qu'un exemple de la nécessité d'un système complet de suivi et de surveillance des instruments médicaux au Canada. J'aimerais aborder brièvement ces deux aspects.
    La santé des femmes est négligée depuis longtemps. Cela comprend leur exclusion des essais cliniques, les recherches insuffisantes sur les principaux problèmes de santé qui leur sont propres, ainsi que sur la façon dont les problèmes de santé communs aux deux sexes se présentent chez les femmes, comme les maladies cardiovasculaires, par exemple. C'est le résultat d'un biais systémique à long terme dans la recherche en santé et dans le traitement.
    Le gouvernement du Canada a pris des mesures correctives à la suite de cette négligence, y compris le financement du Programme des centres d'excellence entre 1996 et 2012. Il y avait cinq centres et un groupe de travail sur la protection de la santé. Ce dernier, qui inclut le centre que j'ai établi à Vancouver, a produit deux rapports sur la question des implants mammaires. J'ai fourni un lien pour y donner accès dans le mémoire que j'ai envoyé au greffier.
    La deuxième initiative visant à remédier à ce problème a pris la forme d'un programme de recherche conjoint. Santé Canada et les Instituts de recherche en santé du Canada ont lancé cette initiative entre 2019 et 2020 pour s'attaquer à des enjeux stratégiques clés. Il s'agit de l'ACSG+, ou analyse comparative sur le sexe et le genre plus, issue de partenariats de recherche sur les politiques en santé.
    Deux des sept projets réalisés dans le cadre de ce programme sont pertinents aujourd'hui. Le premier, mené par Anna Gagliardi, du Women's College Hospital, et son équipe, a permis d'analyser la gestion des instruments médicaux au Canada du point de vue de l'ACSG+. Mme Gagliardi a recommandé une révision complète de la documentation et des procédures, ainsi qu'une formation sur l'ACSG+ pour l'industrie. J'ai dirigé une équipe qui faisait un travail en parallèle sur l'ACSG+ et la gestion des médicaments d'ordonnance. Nous avons formulé des recommandations semblables, y compris l'inclusion obligatoire de données liées au sexe et de données liées au genre — à partir de 2023 dans le premier cas — dans les présentations concernant des médicaments et des instruments. Ces deux éléments témoignent de certaines des lacunes de notre système actuel.
     La création du comité consultatif scientifique est le troisième exemple. Nous avons pour mandat de donner des conseils sur une meilleure gestion des médicaments et des instruments qui touchent les femmes. Nous avons cerné de nombreux problèmes concernant les deux, et nous avons formulé ces recommandations dans le contexte de divers efforts de planification de Santé Canada.
    En ce qui concerne le registre, comme vous l'avez entendu jusqu'à maintenant, il s'agit d'un outil extrêmement important pour les femmes qui ont eu un implant, et en particulier pour celles qui ont eu des problèmes par la suite. Vous avez entendu parler des problèmes qui se sont posés. Au comité, nous avons entendu le témoignage de certaines des femmes qui ont eu des problèmes, ce qui a été très émouvant et a souvent fait ressortir des situations catastrophiques qui ont changé la vie de ces personnes.
    Le registre revêt également une grande importance pour les cliniciens et les chercheurs, car il fournira des données plus solides.
    La demande d'un registre des implants mammaires au Canada remonte à plus de 33 ans. Comme l'a dit le dernier intervenant, c'est à ce moment‑là qu'il aurait fallu agir. Parmi les efforts qui ont été déployés figurent des rapports, des comités consultatifs spéciaux, des comités d'experts, au moins deux projets de loi, des témoignages et des recommandations émanant de défenseurs des consommateurs. Plus récemment, soit en mars de cette année, nous avons eu le Programme d'échanges Meilleurs Cerveaux, en plus de l'étude que vous entreprenez maintenant. J'ai soumis une présentation PowerPoint découlant du programme d'échanges pour vous permettre de vous situer, de même qu'un échéancier.
    Cependant, nous n'avons toujours pas de registre, même si beaucoup d'autres pays en ont un. Il est plus que temps d'en établir un. Il est évident qu'il faut des discussions sur la logistique, les avantages et les inconvénients, ainsi que des arguments sur les objectifs et la complexité, mais 33 ans, c'est long pour élaborer un système.

  (1120)  

     Le temps est venu d'agir. Le registre devrait inclure tous les implants vendus au Canada — insérés, remplacés et retirés dans les établissements de santé privés et publics, y compris des renseignements sur les rappels.
    Les membres du comité consultatif scientifique sont un groupe estimé et expérimenté de cliniciens, de scientifiques, de défenseurs des consommateurs et de chercheurs. Nous avons recommandé des mesures. Nous avons participé aux échanges des Meilleurs Cerveaux.
    Enfin, un registre fournirait un dénominateur pour le calcul du risque, ce que nous n'avons pas pour le moment. Il nous est par conséquent impossible de calculer le risque, qui sous-tend le consentement éclairé. Cela a des répercussions sur les cliniciens et aussi sur les femmes. Comme nous ne connaissons pas le nombre total d'implants qui ont été insérés, retirés, remplacés, qui ont échoué ou qui ont réussi, nous ne pouvons pas calculer les risques. À mon avis, cette absence de données probantes supplante les formulaires de consentement les plus rigoureux.
     Il faudrait également disposer de données pour la recherche, afin de comprendre la dynamique de l'utilisation des implants mammaires, dont on parle très peu. Les IRSC devraient être encouragés à utiliser les données du registre, si nous en obtenons un, pour produire des recherches destinées au domaine public.
    Même pour les implants qui sont insérés dans des cliniques privées, le suivi au chapitre des soins de santé relève du domaine public. C'est donc un problème pour tous les Canadiens.
    Nous avons également recommandé d'améliorer la communication avec les cliniciens et les receveuses potentielles d'implants, y compris des renseignements fiables sur l'expérience des consommateurs, les raisons et les motivations des personnes qui souhaitent recevoir des implants, les solutions de rechange aux implants, la durée de vie des appareils et la recherche qualitative pertinente. Même les implants qui ne posent pas de problème au départ viennent à expiration et doivent être remplacés. Les femmes doivent prévoir cela et se renseigner sur les solutions de rechange qui existent.
    Nous ne le faisons généralement pas pour le moment, mais à la base, dans l'ensemble...

  (1125)  

    Madame Greaves, puis‑je vous demander de conclure? Nous avons dépassé le temps qui vous était alloué, et nous avons un groupe de députés qui ont vraiment hâte de poser des questions.
    D'accord, je vais conclure.
    Dans l'ensemble, il s'agit d'une intervention qui n'est pas nécessaire sur le plan médical.
     Je vais conclure en disant quelques mots sur la vigilance suivant la commercialisation de tout appareil. La Loi de Vanessa est entrée en vigueur en 2019 et oblige les hôpitaux à signaler les effets indésirables. On a promis d'étendre cela aux soins de longue durée et aux cliniques privées, ce qui est nécessaire. Nous avons besoin de cela pour appuyer un registre solide.
    Deuxièmement, le Canada n'a pas encore de déclaration obligatoire des données relatives au sexe et au genre dans les présentations de l'industrie concernant les instruments ou les médicaments, malgré une politique fédérale d'ACSG+. Par conséquent, nous n'avons pas d'étiquettes de mise en garde et de monographies adéquates pour les consommateurs et les cliniciens.
    Des promesses ont été faites pour améliorer la situation. Certaines d'entre elles ont été tenues, mais il reste encore beaucoup à faire. Il est extrêmement important que, même si le rythme de ces engagements a été plus lent que nous le pensions, ces objectifs ne soient pas éliminés ou réduits par les compressions budgétaires des ministères.
    Je terminerai en disant qu'il est plus que temps d'avoir un registre. Il est plus que temps d'obliger les parties à prendre ces mesures importantes à l'égard des instruments médicaux.
    Merci beaucoup.
    Merci, madame Greaves.
    Nous allons maintenant passer aux questions, en commençant par les conservateurs.
    Monsieur Kitchen, vous avez six minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président. Je l'apprécie.
    Merci à tous les témoins. Je me dois de souligner votre expertise et votre engagement dans ce domaine.
    Comme notre président l'a indiqué, nous avons hâte de poser des questions. J'en ai tellement que je ne sais pas par où commencer.
    Je vais d'abord m'adresser au Dr Cohen Tervaert.
    Vous avez parlé un peu des essais cliniques randomisés et du fait que nous n'en avons pas. Étant donné que nous examinons la question du point de vue d'un registre, je me demande comment vous pensez que la collecte de données — en supposant que des données seront recueillies — serait utile pour produire ce genre de recherche au moyen d'essais cliniques.
    Il faut bien sûr préciser tout d'abord qu'il s'agit d'un registre de rappels, auquel pourraient être inclus des rapports des mesures des résultats déclarés par les patientes au moyen des questionnaires qu'elles reçoivent. On fait cela actuellement aux Pays-Bas. On consigne toutes sortes de plaintes de patientes pour déterminer la fréquence des maladies des implants mammaires, des maladies auto-immunes et des lymphomes anaplasiques à grandes cellules ou LAGC.
    Ce sont tous des éléments qui peuvent être intégrés au registre. Il faut un effort supplémentaire, beaucoup de travail, mais c'est possible et c'est ce qu'il faut faire.
     Merci.
    La semaine dernière, nous avons entendu le Dr Nicolaidis. Ce que j'ai retenu de ses interventions, c'est que l'industrie et les entreprises ne font pas d'études. Les études sont réalisées par les praticiens qui utilisent ces instruments médicaux.
    Ma question porte sur les craintes que la recherche soit biaisée, d'une façon ou d'une autre, en raison de ce contexte. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

  (1130)  

    De nombreuses publications sur les implants mammaires sont financées dans une large mesure par l'industrie.
    Je dois avouer que j'ai moi-même reçu une offre de subvention de l'industrie, mais il aurait fallu que je signe une entente selon laquelle je ne pourrais jamais publier quoi que ce soit sans leur consentement. J'ai refusé parce que ce n'est pas éthique. L'industrie ne fait pas cela au bénéfice de la médecine, mais pour la promotion d'instruments médicaux, et la tendance semble être encore plus marquée dans ce domaine.
    Il y a très peu d'études qui sont bien subventionnées, parce que les subventions sont difficiles à obtenir. Il faut s'adresser aux IRSC, ce qui est difficile pour un domaine aussi peu développé.
    Merci.
    Ce que j'entends dans la salle — de vous trois —, c'est qu'il y a manifestement un intérêt pour la création de ce registre. Je tenais à le souligner. Ce qui ressort au bout du compte, c'est que cela est important.
    Madame Greaves, vous avez fait une présentation PowerPoint. Il y est question des éléments que vous avez examinés et qui seraient nécessaires à la réussite du registre des implants mammaires, y compris des objectifs clairs; du financement stable à long terme; de l'indépendance — financière et technique, mais une écoute des intervenants; une interface simple et le téléchargement de données; une option de retrait; des exigences de données concises; des données épurées qui peuvent être utilisées ou déclarées facilement.
    C'est essentiellement ce que disait l'une de ces diapositives.
    J'aimerais me concentrer sur l'option de retrait. Bon nombre d'entre vous se sont demandé s'il faudrait choisir un registre obligatoire ou optionnel, et vous avez parlé des préoccupations concernant, d'abord, le consentement éclairé de la patiente et, deuxièmement, la protection de la vie privée.
    Je vais commencer par le Dr Morris. Aimeriez-vous dire quelque chose à ce sujet?
    Oui. C'est une excellente question.
    Les données sont extrêmement claires à ce sujet. Le registre facultatif a un taux de participation d'environ 20 % chez les patientes. Le registre obligatoire permet d'obtenir les données dans une proportion de 80 ou 90 %. Si vous voulez faire l'étude... Je ne suggérerais même pas de faire l'étude pour un registre facultatif, qui est voué à l'échec.
    L'un des avantages lié au fait d'avoir attendu 30 ans pour lancer ce projet, c'est qu'il y a beaucoup de données publiées par d'autres pays qui ont fait tous les essais et erreurs. Il existe d'excellentes études sur les autres registres dans le monde, dont nous pouvons nous inspirer. L'Allemagne et l'Italie ont décidé de rendre le registre obligatoire. Il n'y a même pas d'option de retrait. Il est obligatoire pour les chirurgiens et les patientes, ce dont il faudrait discuter.
    Je pense que la confidentialité des données sur les patientes est toujours importante dans toute base de données. Dans le cas d'un registre national, ce serait essentiel au succès du registre. Évidemment, les données cliniques, particulièrement sur ce genre de sujet, qui est très délicat... Beaucoup de gens ne veulent pas que ces données soient publiques. Il faudrait imposer des paramètres de confidentialité très stricts, en plus d'offrir l'option de retrait.
     Merci.
    Madame Greaves, si vous voulez...
    Merci, monsieur Kitchen. Votre temps est écoulé.
    Je suis désolé. J'avais tant de questions, mais pas beaucoup de temps.
    Merci beaucoup.
    Madame Sidhu, vous avez six minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici.
    Je tiens également à souhaiter à tous une bonne Semaine nationale des soins infirmiers.
    Ma question s'adresse au Dr Morris.
    Vous avez mentionné l'Italie et l'Allemagne. Nous avons entendu parler de l'option de retrait aux Pays-Bas, où tous les chirurgiens plasticiens sont tenus d'enregistrer dans le système les implants qu'ils insèrent, sauf lorsque la patiente refuse que ce soit fait.
     Pensez-vous que c'est le modèle qui devrait être mis en œuvre? Que pensez-vous du modèle néerlandais?
     Je tiens tout d'abord à mentionner que je ne suis pas un expert des registres, mais je pense qu'il y a beaucoup de publications à ce sujet. Je crois que ce que je préconiserais, c'est la création d'un comité directeur qui ferait ces choix difficiles au sujet du registre. J'ai entendu parler de modèles idéaux en matière de registres, et ils semblent très logiques. C'est ce qui figure dans les publications.
    Je pense que les Pays-Bas font partie des quatre principaux pays ayant un registre dans le monde. Les quatre modèles de registres se retrouvent au Royaume-Uni, aux Pays-Bas, en Australie et aux États-Unis. Je pense que la première chose que nous devrions faire si nous empruntons cette voie, c'est d'envisager une version améliorée, c'est‑à‑dire de tirer parti de l'expérience d'autres registres et de l'améliorer encore davantage.
    L'une des choses qui sont importantes pour le registre, c'est de susciter l'adhésion des chirurgiens qui entrent les données, parce que ce sont eux qui doivent faire toute la saisie. Si le registre était disponible sur un téléphone intelligent, ou dans une application, ils seraient obligés, comme mon collègue l'a dit, d'enregistrer les données. Il faut des exigences strictes pour obliger tout le monde à se conformer, mais je pense qu'il est très important d'élaborer un plan très précis.

  (1135)  

    À titre de suivi, comment les personnes qui refusent de participer pourraient-elles être informées des rappels? Nous avons entendu dire que des femmes viennent tout juste d'apprendre que leurs implants ont été rappelés en 2018 ou 2019, et qu'elles n'avaient aucune idée qu'ils l'avaient été. Que pensez-vous de cela?
    Ce n'est pas l'idéal, parce que la population qui a recours aux augmentations mammaires est souvent constituée de jeunes femmes qui sont assez mobiles, qui peuvent subir l'intervention chirurgicale dans une ville et déménager dans une autre ville pour un emploi ou pour des raisons familiales, etc. Même si elles ont les meilleures intentions en matière de suivi et même si le chirurgien peut leur offrir un suivi, pour une raison ou une autre, elles n'en ont pas.
    Les dossiers médicaux sont comme les déclarations de revenus. Vous avez une période d'environ sept ans pendant laquelle vous êtes censé conserver les dossiers médicaux, alors que dans le cas d'un implant, il faudrait que cela soit permanent. C'est parce que, comme l'a dit le Dr Tervaert, bon nombre des problèmes liés aux implants semblent découler d'effets latents, de sorte qu'ils peuvent survenir 10, 20 ou 30 ans plus tard.
    Ma prochaine question s'adresse au Dr Tervaert.
    Docteur Tervaert, y a‑t‑il des techniques ou des approches particulières que les professionnels de la santé peuvent utiliser pour relever le défi de la mammographie pour les femmes qui ont des implants mammaires?
    Je suis désolé...?
    Des anomalies se produisent. Je sais qu'il y a des défis liés aux mammographies chez les personnes qui ont des implants mammaires.
    Oui, il y a des défis liés aux implants mammaires et aux mammographies. Les implants mammaires, en particulier les plus anciens, ont des fuites, et la pression exercée par la mammographie peut occasionner plus de fuites et même larupture de l'implant mammaire. La FDA fait des mises en garde à ce sujet, et j'en avertis personnellement mes patientes. L'échographie semble être la meilleure méthode de dépistage en présence d'implants mammaires, et l'IRM est une autre option, mais elle coûte cher.
    Cependant, l'échographie devrait être une très bonne solution de rechange, et ce n'est pas encore la règle au Canada.
    Docteur Morris, voulez-vous ajouter quelque chose?
    J'ajouterais simplement que, sur le plan clinique, les radiologistes disent qu'il n'y a pas vraiment de problème. Ce qu'ils font, ce sont des vues supplémentaires pour observer autour de l'implant mammaire. Ils sont donc très à l'aise avec la mammographie pour les femmes qui ont des implants.
    Oui, mais je vois les choses autrement. Beaucoup de patientes me disent que leurs problèmes commencent en fait après la mammographie, alors je ne suis pas sûr que les radiologistes sont conscients de cela.
    Ma question s'adresse à vous deux.
    Comment un registre des implants mammaires aiderait‑il à surveiller et à suivre les cas de LAGC‑AIM?
    En ce qui concerne le LAGC, il est clair que si vous combinez les données pathologiques avec le registre des implants mammaires, ilsera facile de voir exactement quel implant mammaire a été utilisé. Par exemple, on considère qu'il s'agit surtout d'un problème lié aux implants macrotexturés, et Allergan a été blâmé pour cela. Cependant, le scandale en Corée en 2021 a été lié au fait que les implants microtexturés peuvent aussi causer le LAGC. Il s'agissait de l'implant spécifiquement fabriqué en Corée, mais le fabricant était également fautif, ses fichiers techniques ne faisant pas état au départ d'enveloppes microtexturées, ce qui aurait dû être le cas.
    Il est important de revenir en arrière et de voir exactement quel implant a causé le LAGC.

  (1140)  

     Voulez-vous ajouter quelque chose, docteur Morris?
    Merci.
    J'ajouterais que si vous avez un registre d'un million de patientes et que 100 000 d'entre elles ont connu des problèmes associés à un certain type d'implant, vous pourrez les contacter presque immédiatement, avec l'aide d'un certain nombre de chirurgiens, pour leur mentionner le risque et leur offrir une surveillance précoce.
    Tout comme pour le cancer du sein et le cancer du poumon, un diagnostic précoce améliore les résultats du traitement qui en résulte.
    Évidemment, s'il y avait une grappe de cas, cet implant pourrait être retiré du marché.
    Merci, docteur Morris.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, monsieur le président.
    Docteure Greaves, je suis agréablement surpris de votre prise de position sur la nécessité d'un registre, mais, en même temps, cela me laisse très perplexe.
    J'ai ici le résumé des observations et conseils dont il a été question lors de la rencontre virtuelle tenue par votre comité consultatif scientifique le 23 février 2021. On y voit un certain nombre de recommandations, dont la suivante:
5. Revoir les possibilités entourant la création d'un registre pour suivre l'utilisation [...] des instruments à haut risque.
    Cela me semble être en deçà de la position que vous prenez aujourd'hui.
    Votre comité consultatif scientifique a-t-il tenu une autre rencontre pour raffermir sa recommandation?

[Traduction]

    Je vous remercie de cette question.
    Au cours des trois dernières années, nous avons participé à diverses discussions au sein du comité, afin de déterminer si des données obligatoires devaient être fournies ou non sur divers médicaments.

[Français]

    Il n'y a pas d'interprétation.

[Traduction]

    Madame Greaves, attendez un instant.

[Français]

    Est-ce qu'il y a un problème du côté de l'interprétation?
    L'interprétation fonctionne, maintenant.
    Il faudrait recommencer la réponse, cependant.

[Traduction]

    Madame Greaves, pouvez-vous répéter votre réponse à partir du début? Nous avons perdu l'interprétation momentanément.
    Bien sûr.
    Au comité, nous avons eu un certain nombre de discussions au sujet des instruments médicaux, y compris les implants mammaires. Nous avons entendu des témoignages de patientes sur des questions liées au cancer et sur des questions plus générales, ainsi que sur la défense des intérêts des consommateurs. Nous avons recommandé de revoir la possibilité d'élaborer un registre pour suivre l'utilisation, l'efficacité et la sécurité des implants mammaires.
    Les membres du comité savent très bien que des efforts pour établir un registre sont déployés depuis plus de 33 ans. Nous voulons que cela soit réexaminé. C'est dans ce contexte notamment que l'échange des meilleurs cerveaux a été prévu en mars de cette année.
    Nous avons également recommandé qu'il y ait une étude de cas rétrospective...

[Français]

    Excusez-moi, mais je n'ai pas beaucoup de temps.
    La recommandation date de février 2021; nous sommes en mai 2023. Nous avons reçu M. David Boudreau, de Santé Canada, qui semblait très préoccupé par les éléments techniques et par la façon pratique d'en arriver à un registre.
    S'il est nécessaire d'avoir un registre, ne trouvez-vous pas que les choses traînent un peu? C'est ma première question.
    J'ai une deuxième question: à part la rencontre de février 2021, avez-vous discuté de la question des implants mammaires au cours d'autres rencontres parmi les huit dont j'ai la liste devant moi?

[Traduction]

    Dans le cadre du Plan d'action sur les instruments médicaux, nous avons discuté à maintes reprises des implants mammaires dans le contexte des instruments médicaux. Les détails ne figurent peut-être pas dans les comptes rendus, car il s'agit de résumés. Cependant, nous avons recommandé de revoir le registre des implants mammaires.
    Nous avons également recommandé que l'étude des implants mammaires soit considérée comme une étude de cas rétrospective, afin de déterminer exactement comment ils ont été réglementés au Canada et de cerner les lacunes qui ont mené à la situation actuelle. Nous avons certainement recommandé de fournir plus d'information aux consommateurs sur un éventail beaucoup plus vaste de données probantes. Comme je l'ai mentionné dans ma présentation, cela exigera non seulement des données de registre, mais aussi des recherches qualitatives et quantitatives du domaine public et financées par l'État plus précises sur la question.

  (1145)  

[Français]

    Pourriez-vous soumettre au Comité les comptes rendus de toutes les délibérations de votre comité consultatif scientifique? Des rencontres ont eu lieu les 16 et 17 mai, les 29 et 30 octobre 2021, le 23 février 2021, en juin 2021, en février 2022 et en novembre 2022. Vous avez aussi parlé du mois de mars; j'imagine que c'était en 2023.
    Nous en avons fait la demande il y a plus d'un mois, mais nous n'avons encore rien reçu. Ce serait intéressant pour nous de pouvoir lire cela.

[Traduction]

     Je pense qu'ils sont tous sur le site Web et accessibles au public.

[Français]

    Non, je suis désolé, mais ce n'est pas accessible sur le site Web. Nous avons fait nos recherches. On nous a dit d'écrire à une adresse en particulier. Ce qui est accessible, ce sont les résumés. C'est ce que vous venez de mentionner. Pour ma part, je demande l'ensemble des comptes rendus, autrement dit les délibérations.

[Traduction]

    D'accord.

[Français]

    M. Cohen Tervaert va être content, parce que vous recommandiez, le 21 février, la création de fonds de recherche pour améliorer les données probantes sur les réactions indésirables liées aux implants.
    Depuis février 2021, cette recommandation a-t-elle été mise en branle?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance.

[Français]

    Santé Canada envisage la création d'un fonds destiné à couvrir les dépenses liées aux dommages. Y a-t-il eu des progrès de ce côté, depuis février 2021?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance, bien que nous l'ayons recommandé.

[Français]

    L'étude de cas rétrospective dont vous avez parlé tout à l'heure est-elle en cours, elle?

[Traduction]

    Pas à ma connaissance.

[Français]

    D'accord.
    Combien de temps me reste-t-il, monsieur le président?
    Votre temps de parole est écoulé. Merci beaucoup, monsieur Thériault.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de M. Davies, pour six minutes. Je vous en prie.
     Merci, monsieur le président.
    Merci à tous les témoins d'être ici.
    L'un d'entre vous peut‑il donner au Comité une idée générale du nombre de Canadiennes qui ont eu des problèmes avec des implants mammaires?
    J'ai essayé de calculer cela. D'après les autres expériences menées dans d'autres pays, on a déterminé qu'environ 25 % des patientes qui ont des implants mammaires ont des problèmes qui pourraient être attribuables à ceux‑ci.
    Pour ceux d'entre nous qui ne sont pas habitués à l'épidémiologie médicale et aux facteurs de risque, est‑ce considéré comme un risque élevé pour ce qui peut parfois être, je suppose, une chirurgie élective?
    C'est un risque extrêmement élevé.
    Merci.
    Docteur Cohen Tervaert, si j'ai bien compris vos propos, vous avez dit qu'il y avait des problèmes avec les essais liés aux implants. J'imagine que ce sont les essais cliniques qui ont probablement été faits par les fabricants.
    Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Quels étaient les problèmes liés aux essais d'implants?
    La FDA a recommandé des essais lorsque l'interdiction a été levée. Cependant, ces essais n'ont pas été effectués correctement.
    La FDA a tenu une réunion il y a trois ou quatre ans, je crois, où j'ai également témoigné. De nombreuses patientes se sont présentées et ont dit avoir participé à ces essais, mais dès qu'elles ont développé des complications, elles ont été écartées pour cette raison. Il ne s'agit pas d'essais en bonne et due forme.
    Qui menait ces essais?
    C'était Mentor et Allergan.
    Vous avez identifié trois problèmes potentiellement graves liés aux implants mammaires, soit une affection maligne liée aux implants mammaires, le LAGC, des maladies auto-immunes et la maladie dite des implants mammaires.
    Y a‑t‑il un implant sur le marché aujourd'hui qui permet d'éviter dans une large mesure ces trois risques?

  (1150)  

    Non. Nous avons fait une étude comparative dans le cadre de laquelle nous avons comparé les implants modernes aux implants qui existaient il y a 20 ans, et nous avons vu les mêmes symptômes se manifester chez les patientes. Il n'y avait aucune différence dans la qualité des implants. Bien que les fabricants affirment toujours que leurs implants s'améliorent sans cesse, nous ne constatons pas cela dans les domaines de la rhumatologie ou des maladies auto-immunes.
     Je vais poser une question de profane.
    Nous avons un instrument médical qui cause un taux extrêmement élevé de problèmes graves. Je suppose que vous conviendrez avec moi que le cancer, les maladies auto-immunes et les troubles liés au système nerveux sont assez graves, n'est‑ce pas?
    La causalité est toujours présente. L'affection maligne est de toute évidence causée par une mutation spécifique qui se produit et qui n'est pas observée dans d'autres formes de LAGC. La causalité de la maladie des implants mammaires reste à débattre. J'ai récemment publié une recherche dans laquelle nous avons démontré, à l'aide des critères actuels du Dr Bradford Hill — qui sont les critères que nous utilisons pour appuyer la causalité —, que la maladie des implants mammaires est effectivement causée par ceux‑ci.
    Revenons à la discussion sur le tabagisme. À la fin du XIXe siècle, il était déjà clair que certains patients qui fumaient avaient le cancer du poumon. Cependant, il a fallu attendre jusqu'en 1960, pour que la causalité soit prouvée, et c'est le Dr Bradford Hill qui l'a fait. Il est très difficile de lutter contre les fabricants.
    Bien sûr.
    Donc, si je vous comprends bien, le LAGC‑AIM ne représente qu'un aspect. Un élément de causalité a été établi. L'étude israélienne, une étude à grande échelle, a révélé que les femmes qui ont des implants mammaires présentent un risque 45 % plus élevé de souffrir de maladies auto-immunes que celles qui n'en ont pas, et que 25 % des femmes présentent trois symptômes ou plus de maladies auto-immunes 10 ans après avoir reçu leurs implants mammaires.
    La question que j'aimerais poser est la suivante: devrions-nous permettre l'utilisation de ces implants, compte tenu de leurs répercussions sur la santé, à tout le moins pour les personnes pour qui il n'y a pas d'indication médicale?
     Ce n'est pas moi qui décide de cela, mais ce que je dis toujours, c'est que si nous continuons à offrir des implants mammaires à des personnes en bonne santé, elles devraient être bien informées. De préférence, je dirais: « Vous êtes une cobaye, et si vous voulez participer à cette étude, oui, vous avez le droit de le faire. »
    J'ai une question délicate, docteur. Avez-vous une fille?
    Lui recommanderiez-vous de se faire poser des implants mammaires?
    Docteur Morris, vous avez indiqué que le taux d'échec était plus élevé lorsque nous sommes passés du gel de silicone à la solution saline. Est‑ce parce que l'enveloppe était différente? On pourrait penser... C'est le même matériau, solution saline ou silicone. Je comprends que les répercussions sont différentes, mais pourquoi le passage à la solution saline entraînerait‑il des défaillances plus importantes de l'enveloppe?
     Je ne pense pas avoir dit cela.
    Dans les années 1990, lorsque le moratoire a été imposé, les implants en gel de silicone ont été retirés du marché. Lorsque les patientes avaient besoin d'une autre intervention chirurgicale, nous ne pouvions offrir que des implants remplis de solution saline. Par conséquent, nous avons tous connu beaucoup de patientes qui se sont fait poser des implants sans problème, mais dont les implants se sont dégonflés soudainement après un à vingt ans. Le fait que cela arrive soudainement est un problème. Il s'agit d'un échec total et très évident.
    Pour revenir à la question des complications, lorsque vous entendez qu'un tel nombre... Je pratique une intervention — appelée lambeau perforant de l'artère épigastrique inférieure profonde, qui consiste à prélever de la peau de l'abdomen pour reconstruire le sein — qui représente une option de rechange. Donc, quelles sont les solutions de rechange à l'utilisation d'un implant?
     Dans le cas d'une femme qui a subi une mastectomie, mes options sont un implant ou l'utilisation de tissus humains. L'intervention pour un implant dure une heure et les résultats sont assez bons la plupart du temps. L'autre option est une intervention de transfert de tissus hautement invasive, qui dure entre quatre, six ou huit heures. Ce sont les options que j'offre. Il y a des avantages et des inconvénients dans les deux cas. Les patientes ont le choix de ne pas subir une reconstruction mammaire après une mastectomie — ce que certaines choisissent de faire, et c'est tout à fait raisonnable — ou elles décideront de se faire poser un implant, avec une discussion complète sur les risques de cette intervention, ou elles choisiront l'intervention plus invasive.
    En ce qui concerne cette dernière, que je pratique à partir de tissus de l'abdomen, les études montrent un taux de complications de 50 %, ce qui... Quel est le chirurgien qui fera une intervention comportant 50 % de complications? C'est fou. Le fait est que, dans ces études, ces 50 % de complications comprennent de petites choses, comme un abcès à un petit point de suture ou des cicatrices qui sont un peu épaisses ou d'autres choses. Quand on entend des chiffres comme 25 %, cela ne veut pas dire un taux de complications graves de 25 %. Nous croyons que le taux de LAGC est plus élevé que ce que nous pensions au départ. Peut-être qu'une personne sur 300 est l'estimation la plus élevée que j'ai entendue, c'est‑à‑dire 0,3 %, ce qui est encore très alarmant pour cette complication, mais les autres complications graves sont difficiles à déterminer, comme, par exemple, les maladies auto-immunes. Nous avons parmi nous l'un des grands experts mondiaux, qui pourra vous dire toutes les formes que cela prend.
    En ce qui concerne les maladies des implants mammaires, un directeur scientifique a assisté à notre réunion nationale cette année, et nous avons eu une séance complète sur celles‑ci. Essentiellement, cela existe‑t‑il? Quels sont les critères de diagnostic? Quels sont les tests effectués? Il n'y a pas de consensus du tout. La première question était la suivante: cela existe‑t‑il? La plupart des gens n'étaient pas certains que cela existe vraiment. Il n'y a certainement pas de critères de diagnostic ni de test pour le confirmer.
    Quand on parle d'un taux de complication de 20 %, ce n'est pas un taux de complications graves de 25 %. Il n'y a jamais eu d'étude de ce genre dans les ouvrages publiés.

  (1155)  

    Merci, docteur Morris.
    La parole est maintenant à M. Jeneroux, pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci, monsieur le président.
    J'aimerais également, à la suite de mon amie, Mme Sidhu, souhaiter à tous une bonne Semaine nationale des soins infirmiers.
    J'ai une petite histoire, monsieur le président. La semaine dernière, nous avons célébré la Journée nationale des médecins. Je pense que beaucoup d'entre vous savent que ma femme est médecin. Je lui ai envoyé une note disant « Bonne Journée nationale des médecins ». Elle m'a répondu en m'envoyant une note disant: « Merci, et j'espère pouvoir te rendre la pareille lors de la Journée nationale des politiciens. »
    Des voix: Oh, oh!
    M. Matt Jeneroux: Je ne sais pas si vous avez déjà célébré cela, monsieur le président, mais moi, pas encore.
    Un député: Le jour du poisson d'avril.
    Le président: Cela semble être une excellente idée pour un projet de loi d'initiative parlementaire.
    M. Matt Jeneroux: Oui, bien sûr. Allez de l'avant avec cela, monsieur le président, et nous verrons comment les choses se passent.
    Pour revenir à la question à l'étude, nous avons reçu la semaine dernière le Dr Lennox. Il a laissé entendre qu'il y avait déjà un registre informel qui existe chez ses collègues — il travaille à l'Université de la Colombie-Britannique — et que, de toute évidence, il n'est pas financé par l'État. Je pense aussi à d'autres pays: la Suède, les États-Unis et les Pays-Bas, où les registres sont tous financés soit par des associations, soit par quelque chose de semblable.
    Je ne pense pas que le problème soit tellement... Le Comité a entendu des témoins de tous les partis qui veulent s'assurer que nous faisons tout en notre pouvoir pour protéger les personnes qui connaissent ces problèmes de santé. Pour revenir à votre analogie de l'arbre, docteur Morris, j'ai trouvé qu'elle était plutôt pertinente. Comment pouvons-nous y arriver? Je suppose que c'est la question à laquelle le Comité est confronté, du moins à mon avis.
     Pour ce qui est du financement privé par rapport au financement public, j'ai entendu Mme Greaves mentionner le financement public. Je vais peut-être commencer par vous, madame Greaves, puis je passerai aux deux autres personnes présentes dans la salle pour qu'elles me parlent des avantages et des inconvénients de cela, afin que nous puissions évaluer cette question.
     Merci.
    Je crois que vos témoins de la semaine dernière ont parlé des avantages et des inconvénients des modèles de registre. Comme l'un des témoins précédents l'a dit aujourd'hui, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je crois que les aspects de la surveillance publique sont extrêmement importants pour rendre ces registres obligatoires et veiller à ce que les cliniciens fassent rapport rapidement, surtout au sujet des événements indésirables, mais aussi pour s'assurer que les rappels nécessaires ont lieu.
     Je pense que le registre australien est financé par l'État, et cela ne veut pas dire que le gouvernement le gère, bien sûr. Cela signifie que le financement est versé aux gestionnaires du registre, comme les universités dans le cas de l'Australie, et que dans d'autres cas, il est envoyé aux associations professionnelles.
     Je pense que la question de savoir qui le gère est différente de qui le finance, mais je pense aussi que cela inspire une certaine confiance à la population canadienne. Je crois qu'il faut que le gouvernement du Canada ajoute son poids à un tel registre, et j'ai l'impression, heureusement, que l'avantage d'avoir attendu 33 ans pour le faire, c'est qu'il y a de très bons dossiers et qu'il y a maintenant des enquêtes et des examens...

  (1200)  

    Il ne me reste qu'une minute environ, mais je comprends.
     Je pense que nous pourrions nous fier à cela.
    Je crois que c'est certainement une bonne évaluation. Nous pourrions peut-être passer au Dr Cohen Tervaert.
    Je n'ai pas participé au registre néerlandais. Aux Pays-Bas, les médecins spécialistes ont confirmé le lancement du registre, puis les patientes ont été invitées à le financer. C'est obligatoire. Elles n'exercent pas l'option de retrait, mais même si elles le faisaient, elles devraient quand même payer les 40 $ supplémentaires. Bien sûr, pour les patientes atteintes de cancer, ce montant est remboursé par l'assurance-maladie, mais pour les patientes qui le font pour des raisons cosmétiques, ce n'est pas le cas.
    Docteur Morris, vous avez dit que vous n'étiez pas un expert. Que pensez-vous de cela?
    Je pense que le modèle européen... Il y a un prix par point de données, pour ainsi dire, et ce sont les chirurgiens qui font le travail de consignation des données. Je pense que vous avez besoin de contraintes législatives pour assurer la conformité, et il y a un coût à cela. Je pense qu'il faut que ce soit géré à l'échelle nationale pour que nos patientes aient confiance que c'est légitime, mais c'est...
    À votre avis, faudrait‑il que cela relève des IRSC?
    C'est possible. Je ne vais pas m'aventurer sur ce terrain. Je pense qu'il faut que ce soit les meilleures personnes qui y travaillent, mais je crois aussi que cela doit être géré à l'échelle nationale. Les fabricants d'implants refileront le coût. Si vous leur imposez 25 $ par implant, l'argent sera versé dans le fonds et servira à payer le registre. D'une façon ou d'une autre, le gouvernement va payer pour cela, parce que les fonds pour la moitié des implants utilisés à des fins de reconstruction proviendront du Trésor public de toute façon.
    Merci, docteur Morris.
    C'est maintenant au tour de M. Hanley, pour cinq minutes. Je vous en prie.
    Merci beaucoup.
    Merci à tous d'être venus aujourd'hui.
    Docteur Tervaert, au milieu de votre présentation, je crois que vous alliez parler des exigences relatives aux registres, et vous avez dû écourter vos propos. Je vais vous donner une minute environ pour nous en dire plus à ce sujet.
    Oui, une chose qui est importante, bien sûr, c'est la protection de la vie privée. Aux Pays-Bas, les données des patientes sont anonymes. Avec un chiffrement à jour, c'est une très bonne idée, et cela donne une bonne perspective à la protection de la vie privée.
    L'autre chose qui est importante, c'est de savoir quelles données devraient être utilisées. Les données font l'objet d'un consensus international. En Australie et aux Pays-Bas, on enregistre plus ou moins les mêmes données, mais en plus, il devrait y avoir un comité pour examiner les mesures des résultats déclarés par les patientes, qui sont très importantes, à mon avis.
    Merci.
    Docteur Morris et docteur Cohen Tervaert, vous avez tous les deux mentionné les catégories de base des raisons du recours aux implants.
    Docteur Morris, je me demande si la raison d'un implant, je suppose, presque comme la prémorbidité... Y a‑t‑il des différences dans les complications par catégorie de raisons du recours aux implants? Peut-être que l'un d'entre vous pourrait nous en parler, ou est‑ce un autre domaine pour lequel nous n'avons tout simplement pas assez de données?
     Vous savez, je vais à des réunions et j'entends des exposés sur les implants mammaires et la reconstruction mammaire depuis 30 ans. Il n'y a jamais eu de consensus sur quoi que ce soit. En fait, différents chirurgiens préconisent différents types d'implants.
    Encore une fois, nous n'avons tout simplement pas assez de données pour généraliser. Il y a certains types physiologiques qui semblent donner lieu à certaines complications localisées, mais ces grandes complications que nous avons du mal à expliquer semblent être aléatoires.

  (1205)  

    Il y a eu des mises à jour récentes.
    Il y a un article qui a été publié concernant le premier registre. Il s'agit d'un document issu des expériences australienne, néerlandaise et suédoise, en combinaison avec le petit registre des États-Unis. Aux États-Unis, seulement 3 % du registre est fait.
    Ce document montre clairement que les complications sont beaucoup plus élevées chez les patientes en reconstruction que chez les patientes en esthétique. Il y a environ 15 % de nouvelles interventions dans un délai de deux ans pour les patientes en reconstruction, comparativement à seulement 3 % pour les patientes en soins cosmétiques.
    Ce qui est important, cependant, c'est que nous constatons toujours que 30 % des interventions sont reconstructives et que 70 % sont cosmétiques, alors que les registres disent autre chose. Il n'y a que 8 % de chirurgies reconstructives et 92 % sont en fait cosmétiques. Nous sous-estimons donc peut-être beaucoup le nombre d'implants mammaires utilisés à des fins esthétiques.
    Ces registres montrent maintenant que la proportion est probablement beaucoup plus élevée pour les interventions cosmétiques que reconstructives.
    Docteur Morris, dans votre pratique, constatez-vous des différences dans les résultats?
    C'est le problème avec les données. Chaque chirurgien a sa propre expérience subjective. La mienne a surtout été celle de la chirurgie reconstructive au fil du temps. Cela montre bien à quel point il est utile de prendre connaissance d'un article isolé d'un chirurgien isolé lors d'une réunion isolée. Cela donne un point de vue. C'est divertissant, mais ce n'est pas utile.
    Des voix: Oh, oh!
    C'est toujours rafraîchissant de voir quelqu'un qui comprend ses propres limites en tant que personne.
    Madame Greaves, vous êtes chercheuse en sciences sociales et experte en santé des femmes. Voyez-vous le fait que nous n'ayons pas de registre des implants mammaires comme un problème d'inégalité entre les sexes? Est‑ce plutôt qu'il existe une lacune réglementaire générale ou peut-être un manque de diligence ou d'attention à l'égard de la surveillance des complications liées aux instruments médicaux en général?
    Ces deux affirmations sont vraies.
    C'est un problème d'inégalité entre les sexes. Il y a 30 ans... Certains règlements concernant les implants mammaires — un historique à ce sujet se trouve dans le document que je vous ai remis — montrent clairement que vous avez tardé à inclure les implants mammaires, entre autres, dans la réglementation au Canada.
    Je pense qu'il y a également un problème primordial concernant les instruments médicaux en général. Nous devons améliorer considérablement ces systèmes. Ce n'est pas la moindre des choses que d'inclure les questions liées au sexe et au genre dans les données et de faire davantage d'efforts pour obtenir ces mesures dans les présentations par l'industrie et d'autres secteurs.
    Je pense que le recours aux implants mammaires doit faire l'objet de recherches — qualitatives et quantitatives — sur les raisons et les motivations de celles qui en demandent. Je pense que nous avons la responsabilité, par l'entremise de Santé Canada et d'autres efforts déployés au Canada, de diffuser les connaissances et de soulever des questions au sujet du recours aux implants et de savoir s'il existe ou non des solutions de rechange pour les femmes qui choisissent d'obtenir de telles chirurgies à des fins esthétiques ou de reconstruction.
    Merci, madame Greaves.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président. Je vais tâcher d'intervenir rapidement.
    Je vais m'adresser au Dr Cohen Tervaert.
    Lorsqu'il a comparu devant notre comité, M. Boudreau, de Santé Canada, nous a dit qu'il n'y avait pas assez de données probantes pour reconnaître la maladie des implants mammaires comme le fait la Food and Drug Administration.
    Vous avez publié, dans la revue d'experts en immunologie clinique, un article qui s'intitule « Breast implant illness: scientific evidence of its existence ». Je vous demanderais de le soumettre au Comité. Vous pourrez nous parler de la conclusion de votre article.
    Je disais à M. Boudreau que, lorsqu'on n'a pas de données probantes, mais qu'on doit assurer la sécurité des femmes eu égard à un instrument à haut risque, on applique le principe de précaution.
    Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

     Je suis parfaitement d'accord.
    L'un des problèmes que l'on observe avec la maladie des implants mammaires, c'est qu'il est clair que les patientes s'en sortent mieux après l'exérèse. La plupart des symptômes disparaissent. Nous avons récemment publié, il y a à peine quelques mois, qu'une réintroduction d'implants, c'est‑à‑dire d'autres implants, avait échoué dans 70 % des cas. Les problèmes observés à l'introduction, au retrait et à la réintroduction constituent un très solide argument scientifique.
    Je pense que Santé Canada a tort. La maladie des implants mammaires constitue un problème évident. Dans le domaine des maladies auto-immunes, il n'y a pas de débat. Il est clair que cette maladie est réelle. Nous nous penchons de plus en plus sur la pathologie de cette maladie. Lors de la dernière conférence à Athènes, il y a eu des affiches, des discussions sur les modèles animaux, où l'on a pu constater que des animaux auxquels on avait injecté le sérum de patientes malades pouvaient développer une maladie semblable à celle des implants mammaires.
    Ce n'est qu'une question de temps, je crois, pour convaincre le monde qu'il s'agit d'une maladie bien réelle qui peut être traitée par l'exérèse.

  (1210)  

    Merci, docteur Cohen Tervaert.
    Monsieur Davies, vous avez deux minutes et demie.
    Merci.
    Docteur Cohen Tervaert, pour revenir à la question de mon collègue, je pense que la première mission d'un médecin est de ne pas faire de mal au patient.
    À moins que je ne me trompe, j'entends un peu de divergence d'opinions entre le Dr Morris et vous sur la validité de ces liens.
    Ma question est la suivante: en savons-nous assez? Y a‑t‑il suffisamment de documentation à l'heure actuelle pour au moins donner à un médecin ou chirurgien spécialiste des implants mammaires suffisamment de renseignements pour laisser entendre qu'il y a un risque important de maladie si l'on greffe ces implants chez des femmes ou d'autres personnes?
    Oui, c'est clair. Aux Pays-Bas, déjà en 2013, les autorités sanitaires ont mis en garde tous les chirurgiens plasticiens contre la maladie des implants mammaires, en particulier chez les patientes qui ont des antécédents d'allergies. Un autre groupe important de femmes est celui de celles qui souffrent déjà d'une maladie auto-immune ou celles de familles ayant un historique de maladies auto-immunes. Ce sont des facteurs de risque clairement décrits. Bien sûr, il faut approfondir la recherche afin de mettre au point de meilleurs marqueurs pour celles qui sont vraiment à risque de développer cette maladie.
    Oui, il faut prendre ces risques au sérieux.
    Je suis curieux de savoir à quel point nous sommes vigilants à cet égard au Canada aujourd'hui? Quelles sont les lignes directrices?
    Qu'est‑ce qu'un chirurgien plasticien canadien moyen dirait à une femme ou à une autre personne qui pourrait demander des implants mammaires? Lui demanderait‑il si elle présente un de ces trois signes? Doit‑il le faire? Que lui dirait‑il?
    La question devrait être posée au Dr Morris.
    Dans une situation de consentement éclairé concernant des implants mammaires, un chirurgien discute généralement de la contracture capsulaire, premièrement, de la malposition ou des problèmes mécaniques qui empêcheraient d'obtenir un bon résultat, des risques d'infection, d'hématome, qui est l'accumulation de sang autour de l'implant; des problèmes liés aux cicatrices; et de l'extrusion, qui est un problème du passé et qui ne se présente plus aujourd'hui selon moi. Nous discutons aussi d'autres rares possibilités, comme le lymphome anaplasique à grandes cellules ou des maladies auto-immunes, ou d'autres risques encore inconnus. Nous ne savons pas tout dans le domaine de la chirurgie, quelle qu'elle soit, en particulier dans le cas de celles où l'on insère dans l'organisme un corps étranger qui est censé y rester de façon permanente.
    En ce qui concerne la maladie des implants mammaires, je pratique des chirurgies depuis 30 ans, mais nous n'en avons entendu parler qu'au cours des cinq dernières années. Avant cela, j'avais beaucoup de patientes portant des implants mammaires que je suivais chaque année, et elles ne présentaient aucun problème.
     Quel est le sous-ensemble? Qui est à risque? Si quelqu'un a des antécédents de maladie auto-immune, cela doit assurément sonner l'alarme, mais nous n'en savons vraiment rien. Ce n'est pas que nous cachions quoi que ce soit. Nous ne sommes pas des fabricants d'implants; nous n'avons rien à gagner. Nous répondons aux besoins des patientes qui nous demandent certaines interventions.
    Vous dites que les chirurgiens plasticiens n'ont rien à gagner?
    Merci, monsieur Davies. Votre temps est écoulé.
    Monsieur Aboultaif, vous avez cinq minutes.
    Merci aux témoins de ce matin. J'ai quelques brèves questions à poser pour obtenir quelques réponses brèves, si cela vous convient. Pardonnez-moi, car j'ai beaucoup de questions à poser par la suite.
    La première question que je vous pose à tous est la suivante: un registre est‑il obligatoire, oui ou non?
    Dr Jan Willem Cohen Tervaert: Oui.
    Dr Steven Morris: Oui.
    Mme Lorraine Greaves: Oui.
    M. Ziad Aboultaif: Le registre devrait‑il couvrir les implants fabriqués à l'extérieur du Canada?
    Dr Jan Willem Cohen Tervaert: Oui.
    Mme Lorraine Greaves: Oui.

  (1215)  

    Il devrait y avoir un registre international, oui.
    Il y a beaucoup d'intervenants au sujet du registre, certains pour et d'autres contre. Qui, selon vous, préférerait qu'il n'y ait pas de registre ou ne serait pas d'accord pour qu'il y ait un registre au Canada?
    Le principal obstacle à la création d'un registre a toujours été le financement. Comment l'organiser? Comment faire pour qu'il soit de portée vraiment nationale? Ce sont des obstacles que nous pouvons surmonter.
    Ce sont les chirurgiens, surtout ceux qui travaillent dans des cliniques privées, qui peuvent être un peu plus réfractaires. C'est pourquoi, aux Pays-Bas, on dit que les chirurgiens qui négligent le registre risquent de perdre leur permis de pratiquer.
    Je suis d'accord. Les chirurgies pratiquées dans des cliniques privées sont probablement les plus difficiles à suivre, et c'est probablement là qu'il y a le plus de résistance.
    On a dit que 33 ans se sont écoulés depuis la première discussion sur la création d'un registre, et jusqu'à maintenant, rien n'a été fait. Entretemps, d'ici à ce que nous nous entendions sur un registre, et compte tenu de toutes les complications liées à la recherche d'une loi appropriée, les règlements gouvernementaux ou ministériels peuvent-ils remplacer certaines des conditions qu'un registre peut établir?
    C'est du gouvernement que relève l'octroi de licences à des cliniques privées. Il faut se rendre compte qu'il existe déjà depuis longtemps un registre des prothèses de la hanche et du genou. Dans beaucoup de pays, il y a des registres du cancer, alors pourquoi pas pour les implants?
    La conformité est toujours le principal problème concernant les registres, et sans une conformité de plus de 90 %, le registre aurait peu de valeur. Il pourrait être critiqué ou il pourrait être mis en doute. Pour que la population canadienne ait confiance en la sécurité des implants mammaires, il incombe au gouvernement de l'établir. Je pense que vous avez un grand pouvoir législatif pour assurer la conformité.
    Comme je l'ai déjà dit, l'amélioration de la déclaration obligatoire des incidents indésirables concernant tous les instruments médicaux doit se faire rapidement. En particulier, elle doit être étendue au‑delà des hôpitaux et des fabricants aux praticiens individuels, aux cliniques privées et aux établissements privés, y compris les foyers de soins de longue durée et les cliniques privées qui ont été promis, mais que nous attendons encore.
    L'autre aspect à prendre en considération, c'est le consommateur. Jusqu'à tout récemment, la façon de présenter une déclaration d'incidents indésirables pour un consommateur était très difficile à comprendre et plutôt obscure. La situation s'est améliorée, mais il y a encore beaucoup de chemin à faire pour que ce soit un système beaucoup plus transparent et mieux compris du public, afin d'améliorer aussi la déclaration de cette façon.
    Merci, et vous n'êtes pas obligés de répondre à la prochaine question.
    L'industrie est-elle en faveur d'un registre, oui ou non?
     Je ne leur ai jamais posé la question.
    Je ne peux évidemment pas parler au nom de l'industrie. J'ai parfois observé des cas où l'industrie s'est montrée favorable, mais je n'ai pas de réponse à cette question.
    Docteur Tervaert, en ce qui concerne le syndrome auto-immunitaire induit par les adjuvants, ou syndrome ASIA, dans vos propres mots, pouvez-vous nous en dire davantage sur les répercussions des différentes propriétés des implants mammaires en ce qui concerne un risque accru de développer ce syndrome?
    Lorsqu'on insère un corps étranger, quel qu'il soit, dans le corps humain, on observe une réaction immunitaire. Ce n'est donc pas une caractéristique propre aux implants mammaires. On observe cette réaction plus souvent avec les implants mammaires qu'avec les autres implants, mais elle n'est tout de même pas présente uniquement avec les implants mammaires. C'est aussi la même inflammation qui cause les contractures et la même inflammation cause en fin de compte le lymphome anaplasique à grandes cellules, ou LAGC. Le LAGC est en fait une erreur causée par une attaque du système immunitaire. La division des cellules ne fonctionne pas et un lymphome est ainsi créé. C'est un mécanisme semblable qui existe chez ces patientes.

  (1220)  

     S'il y a...
    Merci. Votre temps est écoulé.
    Monsieur van Koeverden, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Merci à nos témoins. C'est extrêmement intéressant.
     J'aimerais d'abord me joindre à mes collègues pour signaler que c'est la Semaine nationale des soins infirmiers. Merci de le souligner.
     J'aimerais également dire ceci au Dr Tervaert, puisque la semaine dernière a eu lieu la Journée du patrimoine néerlandais au Canada et la Journée de la libération en Hollande: en tant que Canadien d'origine néerlandaise, je suis heureux de vous souhaiter une bonne Journée du patrimoine néerlandais.
    Je pense que maintenant que nous avons eu quelques réunions sur cette question, nous ne devons plus parler du « si » mais bien du « comment ». Nous n'en sommes plus à l'étape où nous nous demandions s'il fallait envisager ou mettre en œuvre un registre. Nous devons maintenant commencer à discuter des détails et des prochaines étapes.
    Je pense qu'il est important de reconnaître que le Canada a des défis assez particuliers à relever en ce qui concerne les données sur la santé. Le fédéralisme peut parfois nuire à beaucoup d'excellentes idées. Au Canada, nous avons un ensemble disparate de lois sur la protection des renseignements personnels. Nous sommes très en retard — d'une décennie, sinon plus — pour ce qui est de rendre ces données interopérables et de pouvoir les communiquer.
    J'ai récemment rencontré des spécialistes de l'intelligence artificielle pour discuter du fait qu'il pourrait y avoir une solution plus rapide que d'attendre 10 ans pour que tous les systèmes soient modifiés. Il vaut la peine de reconnaître que notre gouvernement a reconnu les défis liés aux données en février et a fait des données un pilier de notre investissement de 198,6 milliards de dollars, dans la prochaine décennie, dans notre système de soins de santé grâce à la normalisation des données sur la santé et des outils numériques.
    En même temps, la collecte, l'utilisation et la divulgation de toutes ces données relèvent toujours des provinces et des territoires, qui ne se parlent pas nécessairement dans la bonne langue ou dans la même langue. De plus, ces règlements sont régis par les lois provinciales et territoriales sur la protection des renseignements personnels en matière de santé.
     Ce sont des défis propres au Canada. On dit souvent que le Canada est composé de 13 pays qui prétendent et essaient d'en être un. Voilà les défis que nous devons relever en tant que législateurs. Le fait que les lois sur la protection des renseignements personnels et les données varient grandement d'une région à l'autre du pays pourrait poser de nouveaux défis, mais nous devons nous y attaquer. Par exemple, certaines provinces pourraient aussi devoir adopter des lois pour se conformer à la loi, car il existe assurément des problèmes en ce qui concerne la protection de la vie privée. Il faudra plus d'une loi pour obtenir un registre dans chaque province et territoire.
    Avez-vous des suggestions ou des solutions pour régler certains de ces problèmes de compétence dans le contexte d'un registre au Canada?
    C'est une question qui s'adresse à tout le monde, de façon assez générale. Par exemple, avez-vous déjà assisté à une réunion d'un comité provincial comme celui‑ci pour discuter de ces problèmes dans le domaine de la santé?
    L'inscription au registre en Alberta fonctionne à merveille. C'est l'un des meilleurs registres au monde. Je ne suis pas certain que les autres provinces puissent en faire autant.
    Je peux vous dire que l'Australie a peut-être traité de certaines de ces questions dans le cadre d'échanges entre États. Il vaudrait peut-être la peine que le Comité se penche là‑dessus.
    Deuxièmement, comme l'un des projets de loi d'initiative parlementaire dont j'ai parlé dans mon exposé a été présenté en Ontario, il y avait, du moins à ce moment‑là, un certain intérêt dans une province à cet égard, en plus de ce qui s'est déjà produit.
    Je pense que c'est un dossier fédéral-provincial-territorial, ou FPT, mais cela ne devrait pas nous arrêter.
    Je croyais que c'était ici que toutes les décisions importantes étaient prises.
    Des voix: Oh, oh!
    Nous essayons très fort.
    L'autre question qui a été soulevée concernait les coûts.
    Pouvez-vous nommer des administrations qui ont réussi à surmonter ces coûts? Le gouvernement est‑il habituellement tenu de payer pour ces inscriptions au registre ou pour le registre dans son ensemble, ou est‑ce une responsabilité que l'industrie ou d'autres peuvent assumer?

  (1225)  

    Je pense que la meilleure approche pour l'avenir est au niveau fédéral. Créer une initiative du gouvernement du Canada par l'entremise de n'importe quel organisme, puis faire payer l'industrie.
    Je ne suis pas certain que cela fasse payer l'industrie... Cela fait en sorte que les patients... Je veux dire que c'est un choix personnel de recourir à la chirurgie esthétique. Si vous devez obtenir une reconstruction, elle sera payée par l'assurance.
     En Alberta, docteur Tervaert, vous avez mentionné qu'il existe un registre de calibre mondial. Qui paie en Alberta?
    Ce n'est pas clair. Je ne sais pas.
    Merci à vous deux.
    Nous allons passer à M. Ellis, s'il vous plaît, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    Je remercie les témoins de leur présence.
    Nous parlons de ce problème depuis très longtemps. Ma question est en partie la suivante: qu'attendons-nous? Nous y voici. Des patientes se font poser des implants depuis des décennies. Nous savons évidemment qu'il s'agit de corps étrangers. Pourquoi ne voudrions-nous pas assurer un suivi de ces patientes et disposer ainsi de plus de données scientifiques?
     À mon avis, c'est très simple. Peut-être sommes-nous simplement en train de dire que la perfection est l'ennemi du progrès.
    J'aimerais beaucoup entendre les témoins à ce sujet. Y voyez-vous des objections? Quel serait l'inconvénient?
    Nous pourrions peut-être commencer par vous, docteur Morris.
    Monsieur Ellis, mon concitoyen de la Nouvelle-Écosse, il y a beaucoup d'obstacles. C'est pourquoi rien n'a encore été fait. C'est difficile. Il sera difficile et ardu de rallier tout le monde.
     La séance de remue-méninges a été excellente, mais nous y avons entendu des points de vue auxquels je n'avais même pas pensé auparavant. Je pense que nous devons réunir tous ceux qui ont quelque chose à offrir, trouver des améliorations aux registres qui existent à l'échelle internationale, trouver un modèle de financement et le mettre en oeuvre. Les chirurgiens vont embarquer, comme aux Pays-Bas, quand c'est obligatoire. On s'y conformera immédiatement. Je pense que tout le monde comprend que nous avons besoin des données, et que la seule façon de les obtenir est de retrousser nos manches et de passer à l'action. Ensuite, il doit y avoir une surveillance constante.
    L'inertie est la chose la plus difficile à surmonter.
    Je suis d'accord avec vous pour dire que la recherche de la perfection est un obstacle au lancement d'une initiative, même si ce ne devrait pas être le cas.
     Je préfère y penser du point de vue des femmes et des autres patientes qui reçoivent ces soins. À mon avis, nous avons envers elles une obligation énorme dont nous ne nous sommes pas acquittés au cours des 30 dernières années. Il faut agir, même si notre registre devait être imparfait au début.
    Oui. Je pense que le gros problème, par rapport aux Pays-Bas, c'est que les chirurgiens qui posent des implants mammaires ici sont moins bien organisés. Aux Pays-Bas, il est facile de décider de retirer leur permis de pratiquer aux chirurgiens plasticiens qui ne sont pas d'accord, mais ici, ce serait un peu plus difficile, selon moi.
    Merci à tous pour vos réponses.
    Par votre entremise, monsieur le président, nous avons entendu parler d'un registre des implants pour les appareils orthopédiques. Évidemment, ce registre existe depuis un certain temps. À mon avis, je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas nous appuyer — prêtez-moi l'expression — sur un tel registre. Dire que cela existe déjà... Je sais que c'est différent, mais cela dit, les renseignements de base qui sont recueillis...
     Vous n'êtes peut-être pas au courant, et il n'y a là rien d'anormal, mais cela vous semble‑t‑il un point de départ raisonnable, étant donné que ce registre existe déjà au niveau fédéral? Avez-vous des commentaires à ce sujet?
    Procédons dans le même ordre, s'il vous plaît.
    Merci.
    C'est un excellent modèle, parce qu'il a permis de relever des informations qui ont changé les soins aux patients et assuré une plus grande sécurité dans la salle d'opération. Je félicite les auteurs de ce registre, et je pense que ce serait un excellent modèle à implanter au Canada, ou du moins à étudier.
    Oui, je suis d'accord. Celui‑là et d'autres exemples internationaux de registres d'implants mammaires sont instructifs.
     Je pense que la question de l'utilisation des soins de santé devrait préoccuper Santé Canada et le reste d'entre nous, surtout compte tenu des crises actuelles dans le système de soins de santé. Il y a beaucoup de bonnes raisons d'assurer un suivi de ces questions, en plus d'essayer de réduire l'utilisation des implants mammaires en général en offrant une meilleure éducation aux patientes.

  (1230)  

    L'un des problèmes serait le tourisme médical, du moins d'après l'expérience de l'Alberta. Beaucoup de patientes avaient obtenu des implants mammaires au Mexique ou ailleurs dans le monde.
    C'est un excellent point. Merci.
    J'ai une autre question, monsieur le président.
    Docteur Morris, vous avez beaucoup parlé des solutions de rechange à la reconstruction. Évidemment, il y a les nouvelles chirurgies, le TRAM libre, et ainsi de suite, qui créent des problèmes importants en ce qui concerne le temps passé sous anesthésie, la récupération, et ainsi de suite. Si nous considérons que les nouvelles techniques prennent plus de temps et que les implants mammaires constituent une solution beaucoup plus rapide... Il y a peut-être là une explication.
    Cela dit, puisque nous ne verrons pas la chirurgie des implants mammaires disparaître de sitôt, nous devons évidemment régler certains de ces problèmes, comme le syndrome ASIA, la maladie des implants mammaires et le LAGC. Est‑il logique que nous examinions la question de plus près?
     Absolument. Je suis entièrement d'accord.
    Merci, docteurs Morris et Ellis.
    Monsieur Powlowski, vous avez la parole pour cinq minutes.
    J'ai toute une série de questions, dont certaines qui n'ont pas été soulevées plus tôt.
    Si j'ai bien compris, puisque les implants texturés entraînent une incidence beaucoup plus élevée de lymphome anaplasique à grandes cellules, je suppose que vous ne les utilisez plus. Les retirez-vous systématiquement chez les patientes qui en ont?
    Comme je n'en ai jamais posé, je n'ai heureusement pas eu à en retirer.
    Est‑ce que d'autres chirurgiens...?
    Cela pourrait certes se discuter. Les chirurgiens qui sont capables de suivre leurs patients et qui les ont suivis les consultent au bureau, en discutent et expliquent la situation. Cependant, cela laisse environ 80 % des patientes qui ne sont pas identifiées.
    D'accord, c'est exactement ce que je voulais dire.
    À l'heure actuelle — ou auparavant —, lorsqu'un chirurgien mettait ces implants en place, il n'était pas tenu d'aviser le fabricant de l'identité de la patiente. Est‑ce exact?
    La réponse à cela est à plusieurs niveaux.
    Au Canada, depuis le moratoire de 1990, nous soumettons nos données aux fabricants d'implants, mais cela demeure un trou noir. Nous ne recevons aucune donnée en retour. Les fabricants d'implants devraient avoir des dossiers à ce sujet au Canada, mais nous ne les recevons jamais.
    Certains dossiers... Cela signifie que lorsque — et je sais que vous n'avez pas posé ces implants — les chirurgiens posaient ces implants, on s'attendait à ce qu'ils... Envoyaient-ils le nom et l'adresse des personnes aux fabricants des implants?
    Je crois bien que oui.
    C'est ce que nous avons fait avec nos implants auprès d'une autre entreprise, mais je n'ai jamais reçu de réponse de la part de l'entreprise. Je ne sais pas pendant combien de temps ils conservent les dossiers, et je ne sais pas ce qu'ils font des données, mais le Comité pourrait le découvrir.
     Étant donné qu'ils ont peut-être une liste de gens qui avaient cet implant à risque élevé, savez-vous si les fabricants ont essayé activement de trouver et d'aviser ceux qui avaient ces implants?
    Je n'en suis pas certain, mais les chirurgiens que je connais qui avaient des patientes de ce genre passaient en revue leurs dossiers pour identifier ces patientes et leur offrir un suivi.
    En l'absence d'une prise en charge par l'industrie, on a laissé au chirurgien — et j'espère que la plupart d'entre eux avaient un bon sens des responsabilités — le soin d'examiner tous leurs dossiers pour découvrir qui avait ces implants et ensuite identifier... Étant donné que nous n'avons pas de registre, c'est le genre de système de facto que les gens utilisent.
    Je ne peux pas vous donner de détails précis, mais je pense que c'est le cas.
    D'accord.
    J'ai travaillé dans des pays en développement où j'ai fait pas mal de chirurgie. J'ai travaillé longtemps à l'urgence. En tant que médecins, nous faisons beaucoup de points de suture à nos patients, mais nous posons aussi des spirales, des stents et faisons des remplacements. N'y a‑t‑il pas une exigence selon laquelle les fabricants de ces produits que nous avons installés à des patients dans le passé doivent faire des essais préalables pour s'assurer de l'innocuité de ce que nous mettons en place, comme on le fait, par exemple, dans le cas des produits pharmaceutiques, où il doit y avoir des essais de phase un, de phase deux et de phase trois? N'y a‑t‑il pas d'équivalent pour les implants?
    Malheureusement, non.
    Cette exigence n'existe dans aucun pays au monde?
    Si un stent est déjà enregistré, un nouveau stent avec un autre... Il faut seulement démontrer que c'est l'équivalent de l'ancien stent. Il n'y a pas d'essais contrôlés randomisés de grande envergure avant leur mise en marché.

  (1235)  

    À votre avis, devrait‑il y avoir une telle exigence avant de mettre un tel produit sur le marché?
    J'ai déjà été membre du comité des produits pharmaceutiques aux Pays-Bas. J'ai toujours été d'avis que les instruments médicaux devraient être au même niveau que les médicaments, mais ce n'est arrivé nulle part.
    Docteur Morris, vous avez la parole.
    C'est tout à fait logique, et je ne sais pas exactement ce que font les fabricants d'implants mammaires avant de mettre un produit sur le marché. Je ne sais pas vraiment ce qu'ils font.
    Je suis sûr qu'il y a des bêta-testeurs, mais je doute que ce soit un processus rigoureux.
    Tout cela vient du fait que nous étions très heureux de l'avènement des appareils médicaux. Il y avait un besoin tellement urgent, de nouvelles technologies pour les patients, que la FDA des États-Unis, en particulier, a décidé de ne pas mettre en place tous ces obstacles avant la mise en marché.
    Vous ai‑je bien entendu dire qu'aux États-Unis, seulement 3 % des femmes qui ont des implants...
     Merci, monsieur Powlowski.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Docteur Morris, vous avez parlé tout à l'heure des obstacles liés à la mise en place d'un registre. D'un côté, vous dites qu'il ne faut pas trop compter sur les fabricants. C'est ce qui est mentionné dans votre texte. D'un autre côté, en réponse à mon collègue M. Davies, vous avez indiqué que les chirurgiens n'avaient rien à perdre, mais que, si le registre n'était pas obligatoire, ils n'embarqueraient pas. Je n'essaie pas de vous prendre en défaut; je veux juste comprendre.
    Pourquoi n'embarqueraient-ils pas? Qu'est-ce qui cause cette résistance?

[Traduction]

    C'est parce que cela demande un effort. C'est du travail supplémentaire. Les chirurgiens sont très réticents à participer à des études, parce qu'il faut un effort supplémentaire pour recueillir les données et les soumettre. C'est le premier obstacle dans presque toutes les études cliniques selon mon expérience.
    Pour obtenir de bonnes données, il faut de la conformité, et celle‑ci ne peut pas être volontaire. Ce que je veux dire, c'est qu'il faut imposer aux chirurgiens une conformité obligatoire à la loi pour pouvoir recueillir les données.

[Français]

    Cette résistance pourrait nous faire douter quant au consentement éclairé. Ne faudrait-il pas un formulaire uniforme dans lequel l'ensemble des problèmes seraient bien énumérés et qui devrait être signé et par le chirurgien et par la patiente?
    S'il est compliqué de participer à un registre, il est aussi compliqué d'expliquer tous les risques associés aux implants, n'est-ce pas?
    Oui.
    Cela a le mérite d'être clair.
    Vous avez dit tout à l'heure qu'on avait peu de données et d'information. Depuis 10 ans, les chirurgiens ont-ils tendance à vouloir participer à des colloques pour se tenir informés et avoir une formation continue sur les problèmes liés aux implants, pour être en mesure d'informer leurs patientes de façon éclairée?
    Selon le modèle pharmacologique, ce sont souvent les compagnies pharmaceutiques qui donnent la formation continue aux médecins. Je le regrette, mais c'est la réalité. Les chirurgiens ont-ils une indépendance et un appétit qui les poussent à chercher davantage d'information pour être eux-mêmes éclairés afin d'éclairer leurs patientes par la suite?

[Traduction]

    Pourriez-vous nous donner une réponse brève, si possible?
    Je peux répondre à cette question. Des chirurgiens m'ont invité à parler des implants maillés. Des chirurgiens orthopédistes m'ont invité à parler des implants orthopédiques. Les chirurgiens plasticiens ne m'ont jamais invité à parler des implants mammaires.

  (1240)  

    Allez‑y très brièvement, s'il vous plaît.
    Nous participons à des réunions chaque année et nous écoutons des exposés sur les questions de sécurité, sur les implants qui sont les meilleurs et qui présentent le taux de complication le plus faible. Cela fait absolument partie de notre ADN de toujours essayer de bien faire les choses et d'utiliser le bon matériel. C'est une discussion constante dans notre spécialité. Je peux assister à quatre ou cinq réunions scientifiques différentes par année pour chercher à améliorer les techniques. Cela fait partie de ce que nous faisons tout le temps.
    Merci, docteur Morris.
    Monsieur Davies, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Je suis curieux de savoir si l'un d'entre vous connaît la valeur économique mondiale des implants mammaires posés à des fins esthétiques et ce qu'elle pourrait être au Canada.
    J'ai une petite idée, mais comme je ne connais pas les chiffres de mémoire, il faudrait que je consulte mes dossiers. Je sais que cette valeur est très élevée.
    En me préparant pour cette comparution, j'ai entendu une estimation de deux millions d'implants mammaires par année dans le monde.
    Savez-vous combien au Canada?
    Non. Je suis désolé.
    Madame Greaves, le savez-vous?
     Non.
    D'accord.
    J'essaie de déterminer qui est ultimement responsable de la sécurité de ces implants. Est‑ce le chirurgien qui les installe? Est‑ce Santé Canada qui est chargé de les réglementer et, vraisemblablement, de protéger le public contre la pose d'implants dangereux? Est‑ce le fabricant ou les trois?
    Si vous comparez avec les médicaments, nous, les médecins, sommes responsables du médicament que nous prescrivons, bien que, bien sûr, le fabricant doive fournir le médicament tel quel. Si nous prescrivons, par exemple, de la pénicilline, ce doit être de la pénicilline. Cela ne doit pas être autre chose. Il y a le facteur réglementaire, mais en tant que médecin, nous sommes responsables des effets secondaires de la pénicilline. Il faut expliquer à un patient qu'il pourrait y avoir une réaction allergique et que sa réaction allergique pourrait même être très grave.
    Pensez-vous que Santé Canada pourrait être tenu responsable de ne pas avoir de registre des implants mammaires?
    Allez‑y, madame Greaves.
    Oui. Santé Canada est responsable, entre autres, de la gestion des médicaments et des instruments. Cela signifie qu'ils sont responsables de la qualité des données qu'ils demandent à l'industrie, de leur examen, de la collecte des effets indésirables, de la surveillance post-commercialisation, puis l'examen et peut-être la modification des règlements concernant les instruments et les médicaments à la suite de ce cercle de données probantes qui est constamment examiné.
    Santé Canada est responsable de ce règlement. Il est également responsable lorsque les choses tournent mal. C'est un autre aspect de la question. Il ne s'agit pas seulement des implants mammaires, loin de là, mais de tous les médicaments et instruments qui doivent être examinés. Nous pouvons certes penser à certains exemples, comme dans le cas de la thalidomide. Ce médicament a été utilisé au Canada dans les années 1950 et au début des années 1960, mais pas aux États-Unis en raison de décisions réglementaires différentes.
    Oui, Santé Canada en est responsable.
    Merci.
    Merci, madame Greaves.
    Monsieur Ellis, vous avez cinq minutes.
    Merci beaucoup, monsieur le président.
    C'est une discussion intéressante. Je suppose que je n'arrive toujours pas à comprendre que les chirurgiens veulent un registre et que les patientes en veulent probablement un, même s'ils ne sont pas vraiment certains d'en avoir besoin. Je suppose que je ne peux pas comprendre pourquoi nous ne passons pas à l'action. Je sais que cela coûte cher, et ainsi de suite, mais c'est tout à fait logique.
    L'autre chose que j'aimerais souligner, c'est qu'à mon avis, les fabricants sont complices de cette situation et doivent raisonnablement faire partie du système en ce sens que, si vous êtes propriétaire d'une voiture et qu'il arrive quelque chose, vous recevez un avis de rappel. Votre constructeur vous envoie un avis vous disant que vous feriez mieux d'aller faire réparer le véhicule. Je me rends compte qu'il y a une personne intermédiaire ici — un chirurgien — et cela peut compliquer les choses.
    Cela dit, docteur Morris, vous avez parlé un peu des implants texturés. Vous pourriez peut-être nous parler un peu de ce processus... Évidemment, comme il n'est pas texturé pour vous, vous n'aurez pas affaire aux fabricants. Cependant, si vous deviez choisir un implant particulier pour une patiente, parlez-nous un peu de la façon dont le processus est suivi ou de ce qui se passe à l'heure actuelle pour que nous puissions comprendre le processus.

  (1245)  

    C'est une question complexe. Vous savez, si vous avez grandi dans une famille qui possédait un véhicule Ford, vous aurez tendance à conduire une Ford. C'est le même genre d'analogie.
    Je ne suis pas... Je ne veux pas faire de la publicité pour Ford.
    Des voix: Oh, oh!
    Dr Steven Morris: Vous avez tendance à adopter beaucoup de choses qui ont fonctionné pour le chirurgien qui vous a formé. J'ai travaillé avec des chirurgiens qui aimaient les implants ronds de la compagnie A. C'est ce que j'ai utilisé. Je n'ai rien vu à toutes les réunions auxquelles j'ai assisté qui puisse m'en dissuader. C'était un bon choix, parce que ceux‑là n'avaient pas vraiment causé de problèmes à notre connaissance.
    Les implants texturés ont été introduits par la compagnie. Il ne semble pas qu'ils aient fait l'objet d'une évaluation aussi rigoureuse que celle des médicaments par la FDA, mais ils ont été introduits parce que l'interface entre la texture et la capsule du corps — la réaction — était censée réduire la contracture capsulaire. Il s'agissait d'essayer d'innover pour réduire une complication, mais ils ont créé une complication différente. C'est comme introduire un animal différent en Australie pour se débarrasser d'un problème: vous créez ainsi un autre problème.
    Le choix des implants a toujours été biaisé pour les chirurgiens. Pour répondre à la question de tout à l'heure à savoir s'il y a un parti pris dans la littérature, il y a des études bien documentées selon lesquelles il y a un parti pris dans tous les aspects de la littérature scientifique, qu'on le reconnaisse ou non. L'industrie est un exemple classique de résultats de recherche biaisés.
    Lorsqu'une patiente demande le service et que vous avez un nombre limité d'options, vous choisissez celle qui vous semble bonne. Vous vérifiez auprès de vos collègues, vous allez à des réunions et vous essayez de bien connaître les besoins de vos patientes.
    Lorsque vous choisissez cet implant A, appelons‑le ainsi, pour une patiente X, il doit y avoir un processus de documentation dans le dossier médical. Vous documentez le numéro de série, le fabricant et ainsi de suite. Qu'advient‑il ensuite de cette information?
    Je l'inscris dans le dossier d'opération. Je fournis à la patiente une copie des détails de l'implant, et nous en envoyons une copie au fabricant de l'implant.
    J'ai toujours pensé que c'était un peu bizarre et que cela devrait peut-être aller ailleurs qu'à la compagnie qui vient de nous vendre l'implant, surtout s'il y avait des défaillances. Nous les renvoyons à l'entreprise, mais ce n'est pas très transparent parce que nous devrions avoir accès à ces données.
    D'un point de vue réaliste, docteur Morris, la compagnie A sait que la patiente X a subi cette intervention implantaire particulière. Théoriquement, s'il y avait des problèmes avec son implant, pourrait-elle en informer la patiente indépendamment de vous?
    Je ne suis pas certain que la compagnie aurait toute l'information démographique, mais c'est possible.
    D'un autre côté, elle pourrait prévenir votre cabinet et dire qu'une patiente X a reçu un implant A, et que la compagnie a appris que cet implant pouvait poser certains problèmes. Ce serait une autre façon de procéder.
    Oui, c'est juste.
    Dans l'ensemble, il existe un registre quelconque. Il n'est tout simplement pas accessible à ceux qui voudraient obtenir les données scientifiques qui s'y rattachent pour peut-être mieux comprendre des maladies comme la maladie des implants mammaires, comme le Dr Tervaert.
    Est‑ce juste, docteur Tervaert?
    Non, je vois les choses dans l'autre sens.
    Des patientes viennent me voir pour se plaindre. Je leur demande ensuite quelle marque d'implants on leur a posés et s'ils sont texturés ou lisses. La plupart des patientes ne le savent pas. Je leur demande si elles peuvent communiquer avec leur plasticien. Même à ce moment‑là, plusieurs patientes reviennent à mon cabinet la fois suivante et disent qu'elles n'ont pas pu le trouver, qu'il n'y avait pas de registre et que ce n'est pas connu.
    Cela n'est pas aussi parfait que cela devrait l'être.
    Ce n'est pas du tout parfait. En fait, compte tenu des limites des dossiers médicaux, ces dossiers ne resteront au cabinet que sept ans. Le chirurgien peut ensuite prendre sa retraite, déménager ou mourir, et les dossiers sont perdus.

  (1250)  

    Merci.
    La dernière série de questions sera posée par M. Jowhari.
    Par la suite, il y aura une demande de documents également.
    La parole est à vous, monsieur Jowhari.
    Merci, monsieur le président.
    Je vais partager mon temps de parole avec le député Thériault.
    Docteur Morris, je vais vous adresser mes questions. Vous avez parlé de tourisme médical. Nous voyons beaucoup plus fréquemment des gens se rendre dans d'autres destinations pour combiner augmentation mammaire et escapade récréative. Vous avez parlé du Mexique. Nous savons que la Turquie est en train de devenir une plaque tournante pour beaucoup de chirurgies esthétiques, tout comme la Colombie.
    Quelles procédures devons-nous mettre en place pour les patientes qui cherchent à obtenir ces augmentations ou ces interventions pour nous assurer d'avoir accès à ces dossiers? Avons-nous des procédures en place pour savoir quel type d'implant a été inséré, s'il a été approuvé par le Canada, quand l'intervention a été faite et qui était le médecin? Pouvons-nous retracer cette information?
    Ce sont là quelques-uns des défis, et je pense que vous en avez parlé.
    Vous avez environ une minute pour répondre avant que je cède la parole à mon collègue. Je pense que c'est un aspect sur lequel nous devons vraiment nous pencher.
    C'est une question très intéressante et importante, à laquelle je ne peux pas répondre parce que ces patientes ne viennent même pas voir le chirurgien plasticien avant de partir. Elles entrent en contact avec un chirurgien d'un autre pays, probablement parce qu'un membre de leur famille y est déjà allé. Je pense que tout est question de sensibilisation. Je pense qu'il faut faire passer le message qu'il y a des conséquences potentielles.
    Nous voyons les complications de ces procédures. Nous allons relever certaines complications liées au tourisme médical.
     Docteur Tervaert, avez-vous observé une tendance semblable en Hollande, et comment avez-vous géré la situation?
    J'ai constaté que le tourisme médical est un enjeu important au Canada également. Nous voyons les complications.
    D'accord...
    En général, pour ce qui est de savoir si tous ces implants sont sur le marché ici, la réponse est non.
    Merci.
    Mes deux minutes et demie sont écoulées.
    Je vais céder la parole, monsieur le président.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, monsieur le président.
    Avant de faire mes demandes de documents, j'aimerais vous poser une courte question, docteur Morris: allez-vous inviter le Dr Cohen Tervaert à une prochaine communication scientifique afin qu'il puisse éclairer vos chirurgiens?
    Absolument.
    C'est très bien.
    Monsieur le président, j'ai peut-être fait les choses un peu rapidement tantôt. Je voudrais que la Dr Greaves puisse bien noter les documents que nous lui demandons de nous fournir.
    À la fin du document qui résume les observations et conseils formulés par votre comité consultatif scientifique lors de la rencontre virtuelle du 23 février 2021, on indique que le compte rendu des délibérations est disponible sur demande et on demande aux gens de soumettre leur demande à l'adresse courriel indiquée. C'est ce que nous avons fait il y a plus d'un mois déjà, mais nous n'avons encore rien reçu. Je vous demande donc d'envoyer au Comité le compte rendu des délibérations de toutes les rencontres de votre comité consultatif scientifique.
    Docteur Cohen Tervaert, vous nous avez parlé d'un article publié récemment. J'aimerais que cet article soit envoyé au Comité, afin que mes collègues et moi puissions en prendre connaissance.
    D'accord.

[Traduction]

    M. Powlowski cherchait également des documents, et nous pourrons ensuite conclure.
    Nous allons produire un rapport qui sera présenté au Parlement et qui, nous l'espérons, servira de base à d'autres mesures gouvernementales.
    Nous pouvons tenir compte à la fois des témoignages et de ce qui a été présenté. Je crois que c'est le Dr Tervaert qui a mentionné que seulement 3 % des femmes aux États-Unis qui reçoivent des implants sont inscrites au registre. Si vous avez de la documentation au sujet de ces chiffres et des raisons pour lesquelles il y en a si peu dans le registre, veuillez nous la faire parvenir, afin que cela fasse partie de notre rapport.
    Merci.

  (1255)  

    À ce sujet, j'aimerais dire à tous nos témoins que vous pouvez nous fournir par écrit tout autre document qui pourrait nous être utile, en plus de ce qui a été demandé. Si vous pensez qu'il y a autre chose que nous devrions avoir, nous aimerions l'obtenir.
    Chers collègues, il nous reste environ cinq minutes.
    Si quelqu'un d'autre veut poser une question au cours des dernières minutes, qu'il le fasse. Nous n'avons pas le temps de faire un tour complet. Sinon, j'aimerais soulever deux autres points avant de conclure.

[Français]

    Monsieur Thériault, vous avez la parole.
    Je voudrais revenir sur ma question au sujet de l'indépendance de la formation continue offerte aux chirurgiens, comparativement à celle offerte par l'industrie.
    Est-ce que l'industrie est liée à bon nombre des colloques offerts aux chirurgiens pour assurer leur formation continue, comme c'est le cas dans le domaine pharmaceutique, ou est-ce que les chirurgiens ont une plus grande autonomie et peuvent participer à des colloques scientifiques qui sont vraiment indépendants des intérêts de l'industrie?

[Traduction]

    Ils sont complètement indépendants. Notre sensibilisation ne vient pas de l'industrie, mais bien d'autres chirurgiens. Il est mal vu que l'industrie appuie les activités de sensibilisation, mais ce n'était pas si rare autrefois. Il y a peut-être 10 ou 15 ans, il était courant pour l'industrie d'appuyer des activités de sensibilisation, mais maintenant, il y a une ligne de démarcation très stricte entre la sensibilisation et l'industrie.
    D'accord.
    J'ai ouvert cette porte. Allons‑y donc avec une question chacun.
    Nous allons commencer par M. Powlowski, suivi de M. Kitchen et de M. Davies.
    Je crois que c'est le Dr Tervaert qui a parlé de la maladie des implants mammaires.
    Avez-vous dit que c'était une sorte de neuropathie autonome liée à une inflammation? Est‑ce bien cela? Pourriez-vous le préciser, s'il vous plaît?
     C'est ce qu'on appelle la dysautonomie. C'est un dérèglement du système nerveux autonome. Par exemple, un problème typique est que vos yeux ou votre bouche sont très secs. C'est un problème du système nerveux autonome, et il peut être transféré à des modèles animaux.
    Vous avez la parole, monsieur Kitchen.
    Merci, monsieur le président.
    Merci à tous pour vos exposés. Nous vous en sommes reconnaissants.
    Ma question est en fait... Le président a indiqué que vous pourriez fournir de plus amples renseignements au Comité. J'aimerais savoir si vous seriez prêt à le faire et à fournir, sans entrer dans les détails, ce qui, selon vous, devrait être consigné dans ce registre — en particulier, les signes, les symptômes et les aspects qui, selon vous, devraient être déclarés, pour que les données soient incluses.
    Si vous pouviez fournir ces informations au greffier, nous vous en saurions gré.
    Merci, monsieur Kitchen.
    Pour conclure, c'est au tour de M. Davies.
    Je veux simplement donner à Mme Greaves la chance d'avoir le dernier mot.
    Parfois, lorsque vous êtes le témoin en ligne, vous n'avez pas la même présence. J'aimerais vous donner la dernière minute pour que vous puissiez nous faire part de vos réflexions.
    Merci. Je vous en suis reconnaissante.
    J'ai dit à quelques reprises qu'à mon avis, nous avons omis de prêter attention aux motifs qui incitent les patientes à demander des implants, que ce soit à des fins esthétiques ou de reconstruction. Je pense que c'est une grande omission qui pourrait contribuer à améliorer la santé générale des femmes au Canada et de celles qui ont besoin d'implants ou qui en demandent. Prêtez attention à ces motivations, puis faites de la sensibilisation à leur sujet. Ce n'est pas clair, mais certaines de ces motivations sont liées à l'image corporelle — principalement les pressions sur l'image corporelle auxquelles les filles et les femmes font face et qui mènent à des demandes d'interventions à des fins cosmétiques.
    En ce qui concerne la reconstruction, nous savons, d'après ce que nous ont dit certaines survivantes du cancer, qu'elles se demandent si elles devraient ou non en subir une. Les avantages et les inconvénients sont souvent liés aux problèmes d'image corporelle. Il y a tout un domaine de recherche dont je n'ai pas beaucoup entendu parler — et dont on n'a même pas parlé aujourd'hui — qui pourrait contribuer grandement à réduire le recours aux implants.
    Vous avez entendu un autre témoin dire qu'il ne recommanderait pas cela à sa fille. Je ne recommanderais certainement pas cet instrument à quiconque. Le meilleur implant mammaire est probablement celui qui est évité. Je pense que nous avons l'obligation de commencer à y réfléchir également et à recueillir des données sur les motivations des patientes. Ensuite, au sujet des personnes inscrites dans un registre qui ont reçu des implants, recueillir des données pour déterminer si les symptômes mentaux et physiques qui en découlent s'améliorent ou non.
    Ce sont là mes derniers commentaires. Merci.

  (1300)  

     Merci, madame Greaves.
    J'aimerais remercier nos témoins d'avoir participé à notre réunion aujourd'hui. La profondeur de leur expérience et de leur expertise est très claire, et les renseignements qu'ils nous ont fournis nous seront sans aucun doute précieux lorsque nous commencerons à formuler des recommandations pour l'avenir.
    Merci d'avoir pris le temps de répondre à nos questions avec autant de patience et de rigueur.
    J'ai deux points à aborder avant de lever la séance.
    Chers collègues, plus tard aujourd'hui, nous recevrons les documents des témoins qui ont comparu dans le cadre de l'étude du Conseil d'examen du prix des médicaments brevetés. Puisque ces documents devront être traduits, il y aura un retard. Nous demanderons au Bureau de la traduction d'établir l'ordre de priorité de cette demande afin que nous puissions la recevoir le plus tôt possible.
    Dans un autre ordre d'idées, c'est avec un certain regret que je dois vous informer que notre illustre analyste, Sarah Dodsworth, va nous quitter. Elle n'ira pas loin, mais elle n'assistera plus aux réunions du Comité et ne nous rendra plus l'excellent service que nous avons eu pendant son mandat. Je suis certain que vous vous joindrez à moi pour lui souhaiter la meilleure des chances dans ses nouvelles fonctions à la Bibliothèque du Parlement.
    Des voix: Bravo!
    Le président: Voulez-vous faire un discours, madame Dodsworth?
    Des voix: Oh, oh!
    Le président:Plaît‑il au Comité de lever la séance?
    Des députés:D'accord.
    Le président:La séance est levée.
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