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INAN Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent des affaires autochtones et du Nord


NUMÉRO 064 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mercredi 10 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1630)  

[Traduction]

[Français]

     Je vous souhaite la bienvenue à la 64e réunion du Comité permanent des affaires autochtones et du Nord.
    La réunion d'aujourd'hui se déroule sous forme hybride, conformément à l'ordre de la Chambre adopté le jeudi 23 juin 2022. Les membres peuvent y participer en personne ou par l'intermédiaire de l'application Zoom.
    Les délibérations seront publiées sur le site Web de la Chambre des communes. À titre d'information, la diffusion Web montrera toujours la personne qui parle plutôt que l'ensemble du Comité.

[Traduction]

    Voici quelques règles à suivre pour ceux qui participent à la séance en mode virtuel.
    Chacun peut s'exprimer dans la langue officielle de son choix. Au cours de cette séance‑ci, des services d'interprétation sont offerts en français, en anglais et en inuktitut. On peut, au bas de l'écran, choisir entre l'anglais et le français. Je vous invite à faire ce choix dès maintenant.
    Si le service d'interprétation vient à manquer, on me le signalera immédiatement et nous rétablirons le service avant de reprendre les délibérations...
    La greffière du Comité (Vanessa Davies): Madame la présidente, je suis désolée de vous interrompre. Pour quelque raison, nous sommes en mode huis clos. Il faut changer les réglages techniques.
    La présidente: D'accord. Nous allons suspendre brièvement la séance.
    La greffière: Merci.
    Veuillez poursuivre, madame la présidente.
    La présidente: D'accord.
    Les députés qui participent à la séance en personne font les choses comme ils le font lorsque l'ensemble du Comité siège en personne dans une salle.
     Avant de prendre la parole, veuillez attendre que je vous désigne par votre nom. Si vous participez par vidéoconférence, veuillez cliquer sur l'icône pour activer le micro. Le micro de ceux qui sont présents dans la salle est contrôlé comme d'habitude par l'agent des délibérations et de la vérification.

[Français]

     S'il vous plaît, veuillez adresser vos interventions à la présidence.

[Traduction]

    Il faut parler lentement et clairement. Lorsque vous ne parlez pas, votre micro doit être en sourdine.
    Quant à la liste des intervenants, la greffière et moi-même ferons de notre mieux pour maintenir un ordre d'intervention global pour tous les députés, qu'ils participent en mode virtuel ou en personne.
    Je voudrais demander au Comité d'envisager l'adoption d'un budget pour les études sur la restitution des terres. Ce sera notre premier point à l'ordre du jour. Vous devriez tous avoir reçu le budget par courriel. Il couvre les coûts liés à nos séances, ce qui comprend les dépenses des témoins, les repas et les lignes téléphoniques.
     Je vous demande votre accord maintenant.
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Deuxièmement, on a manifesté un certain intérêt pour la tenue d'une séance non officielle dans les bureaux de l'Association des femmes autochtones du Canada le 21 juin pour célébrer la Journée nationale des peuples autochtones. Pour siéger à l'extérieur, il faudrait préparer un budget de déplacements qui couvrirait les services de transport et d'interprétation.
    Le Comité souhaite‑t‑il participer à une telle séance et demander à la greffière de préparer un budget?
    Des députés: D'accord.
    La présidente: Très bien. Nous nous en occuperons.
    Maintenant, conformément au paragraphe 108(2) du Règlement et à la motion qu'il a adoptée le 21 novembre 2022, le Comité entreprend son importante étude sur la restitution des terres aux Premières Nations, aux Inuits et aux Métis.
    Nous accueillons aujourd'hui Mme Ellen Gabriel, qui témoignera à titre personnel par vidéoconférence. Il se peut que nous entendions aussi M. Hayden King, directeur général du Yellowhead Institute, qui se joindra peut-être à nous sous peu.
    Madame Gabriel, vous avez cinq minutes pour présenter votre exposé.
    Merci.
    Désolée de vous interrompre, madame la présidente, mais je dois signaler avant que nous ne commencions que M. King ne se joindra pas à nous. Il n'a pas l'équipement nécessaire pour participer à la séance.
    D'accord. Merci.
    Madame Gabriel, vous serez le seul témoin du groupe, mais je serai très consciente de la durée de votre témoignage et de votre degré d'énergie. Je vais surveiller le chronomètre de près, et si nous devons écourter le témoignage, c'est ce que nous ferons. Si vous avez besoin d'une pause ou de quoi que ce soit, n'hésitez pas à le signaler.
    Voulez-vous faire votre déclaration liminaire de cinq minutes?

  (1635)  

     Je tiens à préciser que je ne porte pas le titre de docteur. Seul M. King est docteur.
    Je vais vous saluer dans ma langue.
    [Le témoin s'exprime en mohawk.]
    [Traduction]
    Je tenais à vous saluer dans ma langue, car il y a un lien entre langue et territoire.
    Je tiens à signaler aux interprètes que je vais peut-être m'écarter du texte qu'ils ont reçu. Merci.
    Les Autochtones vivent dans des réserves. Ce sont de minuscules parcelles de terre de la taille d'un timbre-poste sur lesquelles le gouvernement nous a permis de vivre et qu'il a mises de côté pour nous, mais les colons et leurs gouvernements veulent quand même rogner sur nos terres ancestrales. Nos terres ancestrales s'étendent sur des millions de milles carrés, pas sur quelques milles carrés. Le mouvement Land Back vise à rétablir nos lois autochtones et notre relation avec la Terre Mère, nous-mêmes et tous ceux avec qui nous avons des liens.
    Si vous me le permettez, je vais commencer par parler de ce qui se passe dans ma communauté, Kanesatake. La semaine dernière, Radio-Canada a décrit la situation qui existe à Kanesatake, qui est ni plus ni moins qu'un État en déroute. La situation est attribuable à la collusion entre les gouvernements fédéral et provincial, l'administration municipale et le conseil de bande visant à nous priver de nos droits sur nos terres, à les voler et à les vendre. Des membres anonymes et courageux de la collectivité ont ressenti le besoin de cacher leur identité pour dénoncer les fusillades, les actes d'intimidation et l'incapacité du conseil de bande de faire respecter la loi face à un crime organisé omniprésent. Les facteurs en cause sont nombreux.
     Je tiens à dire que Kanesatake a été abandonnée par ceux qui prétendent faire respecter la primauté du droit. Qu'il s'agisse de la question des terres, du traumatisme multigénérationnel ou de la lutte contre l'anarchie dans notre communauté, les autorités fédérales, provinciales et municipales ont baissé les bras. Nos communautés sont donc plongées dans la précarité, l'incertitude et l'insécurité.
    Le fait est que, depuis que le gouvernement a laissé notre communauté en proie au crime organisé et qu'il a toléré que les gangsters se protègent en invoquant la souveraineté autochtone, il est de notre responsabilité d'essayer de créer une espèce de gouvernance et de cohésion, ce qui est impossible dans la situation actuelle. Pendant la plus grande partie de ma vie, je me suis battue pour nos terres, notre culture, notre langue, l'autodétermination et les droits de la personne.
    Cela me ramène à la question de la restitution des terres. La terre demeure le fondement des langues et des cultures autochtones, et elle est le fondement de notre relation avec tous ceux avec qui nous avons des liens. C'est essentiellement le pilier de notre identité et de notre structure de gouvernance. Tout programme sérieux de restitution des terres qui vise véritablement à restaurer la dignité et la santé des communautés autochtones doit situer cette restitution dans une approche plus large, multigénérationnelle et intersectionnelle dont l'objectif est de rétablir les relations, la culture et la langue au sein des communautés autochtones.
    En 1985, lorsque les femmes autochtones qui avaient perdu leur statut parce qu'elles avaient épousé un homme non autochtone ont recouvré ce statut en vertu de la Loi sur les Indiens, il n'y a pas eu d'indemnisation et les réserves n'ont pas été agrandies pour qu'elles puissent accueillir les milliers de personnes qui avaient recouvré leur statut et qui voulaient retourner vivre dans les communautés de leurs mères. En fait, la population, autochtone est celle qui connaît la croissance la plus rapide, mais son assise territoriale n'a pas changé depuis la création des réserves. Si nous voulons contester le développement, nous sommes sans cesse forcés de recourir à des systèmes judiciaires coloniaux coûteux qui exigent des avocats qui font respecter les lois coloniales. Les défenseurs de nos terres n'ont pas le budget nécessaire pour défendre leur cause. Nous sommes donc considérés comme les fauteurs de troubles dans nos communautés.
    J'ai passé ma vie à dénoncer et à combattre le gouvernement du Canada, parce qu'il nous vole nos terres, mais je vais ouvrir la main à quiconque...
    Lorsque nous défendons nos droits, nous sommes criminalisés. À l'inverse, je dénoncerai avec véhémence l'approche fondée sur les relations publiques à l'égard des cadeaux symboliques à la pièce qui répondent aux slogans #LandBack sur Twitter sans que soit compris le contexte plus sérieux dans lequel un tel projet deviendrait vraiment transformationnel. Le droit au consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause est constamment attaqué, dilué en un droit à la consultation au service de ceux qui veulent profiter du vol des terres ancestrales des peuples autochtones. Ne tolérons pas que la même chose se produise pour la restitution des terres.
    Que la situation soit difficile, complexe et sombre ne signifie pas qu'elle est sans espoir. Les peuples autochtones trouvent de l'espoir en des lieux désespérants depuis l'arrivée des colons sur ces terres. Un travail sérieux et à long terme est nécessaire, et il est possible de le faire ensemble.
    En terminant, je voudrais recommander qu'il y ait une enquête indépendante sur la collusion du Canada, du Québec, d'Oka et du Conseil des Mohawks de Kanesatake pour frauder les Kanienkehaka de Kanesatake de leurs terres ancestrales et de leurs droits fondamentaux. Je vais vous poser la question suivante: quelle souveraineté protégeons-nous, si c'est deux poids, deux mesures lorsqu'il s'agit des droits fondamentaux des peuples autochtones et de leurs droits à l'autodétermination?
    Skén:nen. Merci.
    Merci, madame Gabriel. C'est un honneur d'écouter votre point de vue.
    Nous allons entamer la première série de questions, en commençant par les conservateurs et M. Schmale. Six minutes.
    En fait, c'est moi qui vais intervenir — je suis Eric Melillo, madame la présidente — si cela vous convient.

  (1640)  

    Oui. Veuillez poursuivre.
    Même sans votre accord, je pense que je vais le faire de toute façon.
    Merci beaucoup.
    Merci au témoin, Mme Gabriel, d'être là.
    Nous apprécions ce que nous avons entendu de votre témoignage jusqu'à maintenant. De toute évidence, il s'agit d'échanges très importants. Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps d'y participer aujourd'hui.
    Une question m'a été posée chez moi... Je viens de Kenora, en Ontario, dans le district de Kenora. Il y a 42 Premières Nations dans cette circonscription électorale qui sont visées par le Traité no 3, le Traité no 5 et le Traité no 9. Une grande préoccupation revient constamment: la grande difficulté, pour les Premières Nations, de se développer et de construire sur leurs terres. Elles ont du mal à assurer leur croissance. Elles sont limitées, comme vous l'avez dit — je ne me souviens pas du terme exact que vous avez utilisé — à une petite parcelle de terre.
    Dans le Nord de l'Ontario, nous ne manquons pas de terres. Il y en a partout, mais il est très difficile pour les Premières Nations que j'ai l'honneur de représenter d'y avoir accès pour prendre de l'expansion. Par conséquent, bien des gens doivent quitter leur communauté. Parfois, ils se retrouvent dans de grands centres urbains et dans un monde complètement différent, ce qui suscite malheureusement un certain nombre d'autres difficultés. Mais c'est là une digression.
    Voici à quoi je veux en venir: bien entendu, nous avons un débat très large sur la restitution des terres pour permettre la croissance des Premières Nations et ajouter des terres aux réserves. Je sais aussi que le processus est extrêmement long. Avez-vous quelque chose à dire sur cette question précise? Comment le gouvernement peut‑il faciliter ce processus pour que les Premières Nations puissent avoir accès aux terres — dont une bonne partie leur appartenait par le passé — afin de poursuivre leur croissance et de prendre de l'expansion?
    Bonne question. C'est même la question à 22 billions de dollars.
    Les hommes et les femmes politiques se préoccupent des priorités de leurs électeurs, et les Autochtones ne sont pas une priorité au Canada. C'est assez évident. Nous avons parlé de la restitution des terres, ce qui comprend les parcs nationaux. Je vis dans la plus ancienne communauté mohawk existante. Elle était là bien avant l'arrivée des Européens. Nous avons le parc national d'Oka. Le gouvernement a déclaré de façon catégorique que cette parcelle de terre ne fait pas partie des discussions sur les terres à restituer.
    Nos terres ancestrales doivent être accessibles. Nous devons avoir notre mot à dire sur ce qui se passe sur ces terres, mais nous devons rétablir une assise territoriale communautaire qui permette un développement durable et une sécurité économique durable, ainsi que la sécurité alimentaire — et pas seulement pour nous, les humains. Nous chassons le cerf et l'orignal, et nous pêchons. Là d'où je viens, on ne peut plus faire cela, tellement le développement a envahi les terres.
    Si le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux veulent collaborer pour racheter des terres qui n'auraient jamais dû nous échapper, c'est une mesure de réconciliation qu'ils pourraient prendre. Cependant, nous sommes toujours soumis à un encadrement raciste. Chez nous, la municipalité voisine d'Oka nous considère comme des méchants et des criminels. Il y a des méchants et des criminels dans la communauté et à l'extérieur. Nous essayons de rétablir l'utilisation de nos terres traditionnelles et d'obtenir des garanties à cet égard. C'est un élément que vous pourriez aborder dans toute discussion, mais on en revient toujours aux lois coloniales. Il faut tenir compte des lois autochtones et de la façon dont nous nous occupons des terres.
    J'ignore si j'ai répondu à votre question.
     Tout à fait. Je vous en suis très reconnaissant.
    Vous avez évoqué une question qui m'a particulièrement intéressé, celle de la sécurité alimentaire. Intuitivement, on ne serait pas porté à rattacher ce sujet au débat en cours, mais c'est assurément un sujet très important, comme vous l'avez dit. Bien des nations de ma circonscription n'ont qu'un seul marché d'alimentation, et les prix y sont gonflés. Les Autochtones doivent pratiquer la chasse. Ils chassent sur le territoire et c'est ainsi qu'ils nourrissent leur famille.
    Comme il ne me reste pas beaucoup de temps, je vais couper court à mes propos.
    Pourriez-vous nous parler davantage de la sécurité alimentaire et de l'importance du droit de chasser sur les terres?

  (1645)  

    Oui, la chasse et la pêche sont des moyens de se nourrir, d'autant plus que la vie coûte cher et que la pandémie a provoqué des pénuries... C'est un enjeu multigénérationnel. Pour pouvoir chasser, il faut avoir accès au territoire. Les parcs nationaux situés dans notre territoire traditionnel nous bloquent l'accès au mode de vie traditionnel qui contribuait à la souveraineté alimentaire.
    De plus, nous trouvons dans les forêts et sur les terres nos remèdes traditionnels qui nous aident à rester en bonne santé mentale, spirituelle et physique. Ils sont détruits par le développement, les copropriétés, l'exploitation des ressources ou la pêche. Les eaux sont polluées par les eaux d'égout brutes ou toutes sortes de déchets. Tout ce qui est possible dans une communauté du Nord, par exemple, ne l'est pas dans la mienne. Vous devez savoir qu'il n'y a pas de solution universelle.
    Merci, monsieur Melillo.
    Nous passons maintenant à M. Battiste, du Parti libéral. Six minutes.
    Merci, madame Gabriel, d'être le premier témoin qui participe à ce que je considère comme une étude historique sur la restitution des terres.
    Je ne peux m'empêcher de penser que j'avais 10 ans au moment de la crise d'Oka, provoquée par un différend sur des terres. Elle a mobilisé l'attention de tout le pays.
     Le fait que je sois un député micmac en train de poser, 33 ans plus tard, des questions à un témoin haudenosaunee au sujet des terres et de leur restitution met très bien en lumière les progrès que nous avons réalisés au Canada, bien qu'il reste encore beaucoup de travail à faire.
    Comme point de départ de la restitution des terres, je crois comprendre que la Proclamation royale de 1763 a interdit aux colons de revendiquer des terres occupées par des Autochtones, à moins qu'elles n'aient d'abord été achetées par la Couronne, puis vendues aux colons.
    À votre connaissance, dans vos communautés et dans les nations environnantes, des terres ont-elles jamais été achetées à des nations ou cédées par des traités antérieurs à la Confédération?
    Je dirai pour commencer que je ne suis pas visée par un traité. Les Haudenosaunee ne sont pas visés par un traité. Nous avions des traités comme le Two Row Wampum Treaty, dont on parle souvent. Nous savons que la proclamation royale ne visait pas le Québec. Elle ne s'y applique donc pas.
    Pour ce qui est de l'utilisation des terres par le peuple haudenosaunee, ce sont les femmes qui détiennent le titre de propriété. C'est cette rupture de l'unité familiale qui a amené la colonisation à s'attaquer non seulement à l'unité familiale, mais aussi à la terre elle-même. Nous voyons comment les terres ont été détruites et contaminées. C'est ce qui est arrivé aux peuples autochtones. On pourrait y voir une représentation symbolique de ce qui est arrivé à l'identité des peuples autochtones.
    Pour moi, le fondement, ce ne sont pas les lois coloniales. À mes yeux, c'est plutôt la Kaianere'kó:wa, la Grande loi de la Paix. Elle nous enseigne à travailler avec la terre, à l'aimer, à aimer nos relations et à essayer de trouver des solutions pacifiques, mais le système actuel rend cela impossible. C'est impossible parce que les avocats coûtent cher et que bien des gens n'ont pas les ressources nécessaires. Les terres, qui sont une partie importante de notre identité — en fait, elles en sont le pilier —, nous en perdons davantage, de sorte que les générations futures ne pourront pas en profiter.
    Dans ma communauté, nous nous battons encore pour obtenir ces mêmes terres. Oka les revendique toujours. On joue encore sur ce terrain de golf de huit trous. La solution est encore loin.
    Lorsque j'ai parlé à Marc Miller du crime organisé, du manque de sécurité et de la vulnérabilité de gens comme moi et d'autres, il m'a répondu que nous ne pouvions rien faire, mais nous ne pouvons pas ne rien faire. À mon avis, c'est vraiment la preuve que la bonne volonté nécessaire pour discuter du sens de la restitution des terres n'est pas là.

  (1650)  

     Madame Gabriel, pour faire suite à la question que j'ai posée, à votre connaissance, votre nation a-t-elle jamais cédé, abandonné ou vendu les terres accordées au départ?
    À ma connaissance, non, aucune terre n'a été donnée ni cédée. En fait, nous avons perdu beaucoup de vies à cause de cela, surtout après la guerre de 1812, au moment où la population de notre communauté a été décimée. À deux reprises, ma communauté a été frappée par une épidémie de variole, cadeau des Britanniques.
    Merci, madame Gabriel.
    Je suis heureux que vous ayez parlé des connaissances autochtones et de la recherche de solutions pacifiques. Pensez-vous que la restitution de terres soit une idée que le Canada doit redouter?
    J'ai une question à vous poser. Pourquoi auriez-vous peur?
    Je suis Micmac. Ma question concerne tous les autres Canadiens, si vous pouvez y répondre. Les Canadiens devraient-ils avoir peur que les peuples autochtones cherchent à obtenir des terres?
    C'est une question très complexe, dire que...
    Non, vous ne devriez pas avoir peur. Nous ne voulons pas les clés de votre maison, mais nous voulons aussi mettre fin au vol de nos terres. Si vous estimez que c'est une menace pour votre sécurité, pensez à ce que nous ressentons lorsque nous pensons à toutes les terres qui ont été prises sous le couvert de la primauté du droit.
    Devriez-vous avoir peur? Seulement si vous ne croyez pas aux droits de la personne, seulement si vous ne croyez pas à la paix et seulement si vous vous croyez supérieurs aux peuples autochtones, comme le dit la doctrine de la découverte vantée pour tous les monarques d'Europe.
    Merci beaucoup.
    Merci, monsieur Battiste.

[Français]

    Je cède maintenant la parole à Mme Bérubé, du Bloc québécois.
    Vous disposez de six minutes, madame Bérubé.
    Je tiens à remercier Mme Gabriel de son témoignage.
    En ce début d'étude, je tiens à dire que vous brisez la glace, madame Gabriel. Ces débuts d'étude sont d'ailleurs très stimulants, parce qu'on sait qu'on entendra des témoins de partout, qui fourniront chacun un point de vue différent.
    Je suis ici au Comité en remplacement de ma collègue Marilène Gill, et je suis toujours heureuse d'y participer.
    Ma circonscription regroupe le Nord du Québec. Elle représente 800 000 kilomètres carrés, donc la moitié du Québec. On y retrouve plusieurs Cris, Inuits et Anishinabes, ainsi que plusieurs communautés autochtones. Dans ma circonscription, il y a des problèmes de sécurité alimentaire et des taux de suicide en Eeyou Istchee, sans compter les changements climatiques, ce qui apporte des changements aux modes ancestraux et beaucoup d'isolement.
    Il y a aussi beaucoup de problèmes liés au transport, autant terrestre qu'aérien. Je tiens à ajouter qu'il ne faut pas oublier de parler des femmes disparues et assassinées, et que les appels à l'action ne progressent pas beaucoup.
    Les questions autochtones m'interpellent particulièrement en raison de ce que je viens de vous expliquer. Même si les enjeux sont différents dans votre communauté, l'éloignement pèse toujours très lourd dans ma région, comme je le disais. Il y a des difficultés liées aux coûts de la construction, aux transports et aux matériaux.
    J'aimerais que vous me disiez quels sont les problèmes que vous vivez actuellement et que vous n'avez pas eu l'occasion de mentionner plus tôt.

[Traduction]

     Il y a plusieurs problèmes.
    Lorsque les promoteurs viennent dans les communautés... Une entreprise souhaite rouvrir une mine d'uranium fermée en 1980. Nos voisins québécois ont participé aux consultations. Ce qui importe vraiment, c'est de savoir qui sont ceux qui détiennent au départ la propriété des terres, et ce sont les femmes des nations haudenosaunee, dont le territoire traditionnel englobe ces terres. Il faut aussi savoir qu'on n'applique pas le principe du consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause. Les gouvernements, qu'ils soient provinciaux ou fédéral, semblent se contenter de mener des consultations pour la forme jusqu'à ce qu'ils obtiennent la réponse qu'ils recherchent.
    Lorsque je pense que les membres de ma communauté ont été abandonnés par les gouvernements fédéral et provinciaux et par les autorités, face au crime organisé, je me demande ce qu'il faudrait faire pour attirer leur attention et leur faire comprendre que nos problèmes sont aussi importants que la guerre en Ukraine. Nos problèmes sont aussi importants que l'anarchie en Haïti. Pourquoi le gouvernement ne consacre‑t‑il pas un peu de temps à essayer de régler les problèmes qui se posent chez lui?
    Nous avons encore un promoteur qui s'est emparé de terres et les a vendues, en toute connaissance de cause, après que nous lui avons parlé. Nous n'avons pas accès à d'autres mécanismes de règlement des différends. Nous devons toujours passer par le conseil de bande, qui est une création du pouvoir colonial. J'appartiens au peuple haudenosaunee, un gouvernement traditionnel qui était là avant l'arrivée des Européens.
    En 1924, au moment où les cérémonies du potlatch sont devenues illégales, les gouvernements traditionnels étaient criminalisés. L'an dernier, en juin, le Parlement a légiféré pour mettre en œuvre la Déclaration des Nations unies sur les droits des peuples autochtones. Il ne s'agit pas d'une étude de deux ans. Il s'agit d'une loi qui n'est pas respectée par les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral, pas plus que par les municipalités et les conseils de bande.
    Tout cela est lié aux droits de la personne, et nous ne devrions pas y voir un enjeu économique. C'est un problème qui ne se limite pas aux droits de la personne. Comme vous l'avez dit, il s'agit de voir comment mobiliser les connaissances des Autochtones pour protéger l'environnement et régler les problèmes liés aux changements climatiques?
    L'ONU a déclaré à maintes reprises que les connaissances autochtones comptent. Par conséquent, pourquoi sommes-nous encore en train de nous demander si les lois autochtones sont pertinentes ou si nous devrions même étudier les droits fondamentaux des peuples autochtones? Il ne faut pas s'en remettre aux seuls environnementalistes. C'est essentiellement ce qui est à la base de la philosophie et du mode de vie de nombreux peuples autochtones. Comment utilisons-nous les terres aujourd'hui, de façon que, dans sept générations, elles soient toujours utilisables?

  (1655)  

[Français]

     Vous soulevez des points très importants. Nous savons ce qui se passe présentement au Canada. À plusieurs reprises, des témoins ont donné des exemples d'autres pays, dont le gouvernement fédéral pourrait s'inspirer.
    Connaissez-vous des exemples de restitution des terres?

[Traduction]

    Je suis désolée. Je n'en ai aucun.
    Nous devons faire preuve de créativité lorsque nous appliquons ce genre d'idée au Canada et aux provinces. Au Canada, il y a des compétences fédérales et provinciales, et les compétences autochtones n'ont pas encore été prises en compte. Alors comment pouvons-nous régler ce problème? Nous devons sortir des sentiers battus.
    Je suis désolée. Je ne sais pas s'il y a d'excellents exemples. Je sais qu'en Nouvelle-Zélande, les Maoris ont fait beaucoup de progrès en matière de restitution des terres. Il n'y a pas vraiment beaucoup d'exemples, à part les réserves qui existent depuis des siècles pour les peuples autochtones.
    C'est ce qui m'amène à penser que, si nous voulons régler le problème, il nous faut un véritable partenariat. Ce n'est pas seulement un partenariat pour la forme, une façon de dire que nous nous sommes réunis dans une même salle. Nous avons besoin d'un partenariat qui repose sur une compréhension vraie du droit autochtone. Il faut renoncer à la pensée coloniale et être ouvert aux idées que mes ancêtres essayaient de communiquer aux vôtres.

[Français]

     Merci, madame Bérubé.

[Traduction]

    Je donne maintenant la parole à Mme Idlout. Six minutes.
    [La députée s'exprime en inuktitut et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
     Tout d'abord, merci.
    Je propose instamment que M. Hayden King soit invité à la prochaine séance. J'aurais aimé l'entendre. Veuillez l'inviter de nouveau.
    Ellen Gabriel, merci beaucoup de votre exposé. Je suis très heureuse de vous revoir. Ce que vous venez de dire est extrêmement important. Malheureusement, vous avez vécu des situations très difficiles.
    J'ai une question à vous poser. À propos de la recommandation que vous avez formulée plus tôt, pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous l'avez faite, afin que nous puissions mieux en comprendre l'importance?

  (1700)  

    Merci de cette question, madame Idlout.
    C'est une question importante. Si j'ai fait cette recommandation, c'est parce que nous n'allons nulle part avec le prétendu système de justice du Canada, avec Affaires indiennes Canada ou, pour employer son nouveau nom, Affaires autochtones et du Nord Canada.
     On s'en remet constamment au conseil de bande, dont le leadership est faible, comme vous le savez. Il a baissé les bras, disant qu'il ne ferait rien contre le crime organisé. Il ne fera rien parce que c'est trop dangereux pour lui.
    Ma communauté est en proie à toutes sortes de problèmes sociaux et il y a encore des promoteurs qui viennent. Ils prennent nos terres. Il y a des Mohawks qui prennent des terres sans consultation et qui ne respectent pas nos propres lois et nos propres protocoles.
    Je m'intéresse à tout cela depuis plus de 30 ans. Je n'ai constaté aucun progrès. La Commission royale sur les peuples autochtones est une conséquence du siège de notre communauté, en 1990. Tout cela découle de lois coloniales racistes. Le Canada a collaboré avec le séminaire de Saint-Sulpice, les aristocrates de France. Il a été de collusion avec la Municipalité d'Oka, avec les autorités et le crime organisé de notre communauté pour ne rien faire. Nous sommes distraits par toutes ces menaces à notre sécurité, mais on continue de nous prendre nos terres. On nous répète sans cesse que nous ne valons rien, que nous sommes sans importance et que nous n'avons aucun droit à cette terre.
    Le système ne fonctionne pas dans notre intérêt. Nous avons besoin d'une enquête indépendante sur le rôle du gouvernement fédéral, des provinces, des municipalités et des conseils de bande, vu la situation où nous nous trouvons aujourd'hui, privés de toute sécurité dans notre communauté. La démocratie n'existe pas, car quiconque ose s'exprimer s'expose à des représailles.
    Je veux une enquête indépendante sur la collusion du Canada avec le crime organisé pour créer la situation dans laquelle nous sommes aujourd'hui.
    [La députée s'exprime en inuktitut et l’interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci.
    Voici ma deuxième question. Je voudrais que l'avocat de Mike Morrice s'exprime également, si possible.
     Ma deuxième question porte sur les traditions juridiques des Premières Nations. Devraient-elles être utilisées de nouveau? Avez-vous une recommandation à faire sur la façon dont elles pourraient être utilisées ou reconnues au sein du gouvernement du Canada?
     Oui, il y a longtemps, dans les années 1990, il y a eu ce qu'on a appelé l'enquête sur la justice au Manitoba. Il y a été question de recourir aux lois autochtones dans la pratique de la justice réparatrice.
    Pour ce qui est des lois autochtones, je ne peux parler que de la Grande loi de la Paix: les clans se réunissent et nous parlons. Nous discutons jusqu'à ce qu'émerge un consensus entre tous les clans au sujet de la question étudiée. En vertu des lois coloniales, il y a un délai, il y a une limite de temps après laquelle on ne peut plus rien dire. Tout repose toujours sur les limites de temps fixées par le gouvernement fédéral.
    Les peuples autochtones ont les 13 lunes comme repère. Que nous apporte chaque lune? Aujourd'hui, en mai, nous voyons les fleurs éclore.
    Nous sommes censés prendre soin de la terre. Nous en sommes les intendants. Nous détenons des titres fonciers, mais combien de femmes assistent aux négociations territoriales? Les avocats sont plus nombreux que les Autochtones dans les discussions. Ils ne connaissent pas les lois autochtones. Nous avons besoin de la présence des aînés parce que nous sommes censés réfléchir à la façon dont nous vivons, à ce que nous faisons aujourd'hui. Comment aide-t‑on les gens aujourd'hui, mais aussi comment aide-t‑on ceux qui viendront après eux?
    Il ne s'agit pas seulement d'êtres humains. Il s'agit de toutes nos relations: le poisson, l'eau, les quadrupèdes, les oiseaux. Ce sont des lois autochtones, et c'est ce qui a été attaqué par l'exploitation, surtout l'exploitation des ressources et la construction de copropriétés.
    Je me dépêche parce que je sais qu'il y a d'autres questions, mais je vous remercie. Ce sont des questions vraiment importantes.

  (1705)  

    Merci, madame Idlout.
    Nous allons maintenant passer au deuxième tour.
    Monsieur Schmale, je crois? Vous avez cinq minutes.
    Oui. Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, madame Gabriel, d'être parmi nous pour discuter de ce sujet très important.
    Madame Gabriel, à propos de l'expansion du pipeline sur le territoire des Wet'suwet'en, nous avons vu un conflit, et vous êtes tout à fait au courant. Il y a eu un différend entre les dirigeants héréditaires et les chefs élus. Essentiellement, d'un côté ou de l'autre, la position adoptée dépendait de ce qu'ils pensaient de l'exploitation des ressources.
    Je reconnais tout à fait, et je suis parfaitement d'accord avec vous, que la Loi sur les Indiens est paternaliste. Elle est archaïque. Elle n'a pas répondu aux besoins des Autochtones, et je voudrais qu'elle soit abolie un jour, et le plus tôt sera le mieux.
    Quant à la restitution et à l'utilisation des terres, comment pouvons-nous avoir l'assurance que, à l'avenir, il y ait un consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause, surtout dans les nations où tous ne sont pas d'accord sur l'un ou l'autre des modèles?
    Oui, c'est aussi une excellente question, et on me l'a souvent posée.
    Qu'on se débarrasse de la Loi sur les Indiens et qu'on nous traite comme des nations. Traitez-nous comme il se doit en nous donnant accès à nos terres ancestrales, qui représentent des milliers de milles carrés pour certains et des millions de milles carrés pour d'autres.
    Bien sûr, depuis plus de 500 ans, la stratégie consiste à diviser pour régner. Au besoin, le gouvernement trouve des peuples autochtones qui ne sont que trop bien disposés à adopter les valeurs d'un colonisateur, car l'argent est ce qui compte le plus. Pour les gouvernements traditionnels autochtones, il est important d'assurer la qualité de vie. Il est important d'avoir la souveraineté alimentaire, d'être en bonne santé, mais cela veut aussi dire que la terre doit être en bonne santé.
    Un pouvoir colonial...
    Madame Gabriel, puis‑je vous poser une question à ce sujet...
    Les conseils de bande...
    Je veux simplement apporter une précision. Donnez-moi un instant pour terminer.
    Le conseil de bande a été créé par le gouvernement du Canada pour supplanter les formes traditionnelles de leadership. C'est toujours le gouvernement qui choisit et il dit aux traditionalistes que le conseil est l'autorité légale qu'il reconnaît et que c'est le conseil qui décide.
    Dans ma communauté, le tiers des membres inscrits de la bande votent. Ce groupe rassemble bien des gens différents. Il y a opposition entre le leadership traditionnel et le conseil de bande, alors qu'il s'agit vraiment d'une nation. Ce système de conseil de bande est asservi aux ordres des gouvernements coloniaux. Il s'est retiré du Two Row Wampum Treaty et est devenu membre du gouvernement colonial. Il ne devrait même pas être consulté.
    Je voudrais vous demander des précisions. Lorsqu'il y a eu des élections dans les bandes, les différentes bandes des Wet'suwet'en ont participé et tous ceux qui ont fait campagne en faveur du développement des ressources ont gagné lors de ces élections.
    Ne serait‑ce pas la démocratie à l'œuvre? Ne serait‑ce pas ces personnes qui vivent dans les réserves, qui parlent de réconciliation économique, qui veulent des emplois et des débouchés pour elles-mêmes?
     Est‑ce le plus important? Demandez-vous dans quelle mesure ils sont informés. Y a‑t‑il de la coercition? Le consentement préalable, donné librement et en connaissance de cause permet de dissiper ces préoccupations. Je sais — parce que je vis dans des communautés et que j'ai parlé à d'autres personnes — que certains votent et d'autres non. Certains refusent d'assister à ces réunions, parce qu'ils disent que si nous utilisons les terres, si nous en abusons, les générations futures ne pourront pas subvenir à leurs besoins.
    L'exploitation des ressources rapporte beaucoup d'argent.

  (1710)  

    À propos du pipeline — puisqu'il s'agit ici précisément de cette question —, dites-vous que ceux qui étaient en faveur de ce projet n'ont pas été informés, et que ceux qui étaient contre étaient les seuls à connaître toute l'histoire? Est‑ce bien ce que vous dites?
    Pas du tout, monsieur.
    C'est ce que je croyais avoir entendu.
    Non, ce qu'il faut comprendre, c'est que lorsque le gouvernement dit qu'il va mener des consultations, si personne ne se présente, il considère qu'il y a eu consultation. Par le passé, ceux qui veulent exploiter les ressources ont appelé le bureau du conseil de bande et demandé à voir le grand chef, le « Grand Poobah ». Ils ont décrit le projet et demandé s'il était d'accord ou non. La consultation se résume parfois à un simple appel téléphonique. Le gouvernement n'est pas le seul responsable. Les promoteurs ont aussi leur part de responsabilité. Ce qui se passe, c'est qu'on ne respecte pas le droit autochtone, qui dit que nous devons nous battre pour protéger les eaux, le poisson, les oiseaux, les terres, tout, pour que subsiste à l'avenir un mode de vie durable.
    Dans l'état actuel des choses, la majorité de l'eau que nous voyons n'est pas potable et nous devons donc la faire passer par un réseau d'égout... Je ne vais pas parler au nom des Wet'suwet'en, mais je sais qu'il ne s'agit pas d'une définition de la démocratie. Il s'agit davantage d'une définition des bonnes pratiques commerciales. Même là, il y a un manque cruel de bonne foi et de bonne volonté. C'est vraiment une question d'argent, et au bout du compte — je vais utiliser un cliché —, l'argent ne se mange pas.
    Ceux d'entre nous qui défendent les terres sont considérés comme des fauteurs de troubles. On nous considère comme des gens déraisonnables qui refusent le progrès. Je ne refuse pas le progrès. Je comparais en me servant de Zoom. Je ne tiens pas à vivre comme mes ancêtres, pas du tout, mais je veux un environnement sûr et sain pour que les enfants et les jeunes puissent y grandir. Je ne pense pas que vivre à côté d'une raffinerie de pétrole ou des bassins de décantation nécessaires pour l'extraction des ressources soit bon pour la santé. Je ne pense pas que nuire à la migration des saumons soit aussi une façon très intelligente et brillante d'utiliser la terre.
    Merci, monsieur Schmale.
    Nous passons maintenant à M. Aldag. Cinq minutes.
    Je tiens à remercier le témoin d'être là et de nous avoir fait part de ses observations et de ses expériences. Il est très important que nous entendions divers points de vue, dont le vôtre.
    Vous pouvez comprendre, d'après les questions déjà posées par les députés présents, à quel point les circonscriptions que nous représentons sont complexes. Lori Idlout représente un territoire visé par une entente particulière. Nous avons de grandes régions, comme celle que représente M. Melillo, où vivent de nombreuses communautés autochtones. Il y a aussi des régions comme celle d'où je viens, c'est-à-dire la banlieue de Vancouver et le Lower Mainland de la Colombie-Britannique. Cela ressemble probablement davantage à la communauté du témoin. Il y a là beaucoup de terres occupées, beaucoup de terres où des populations sont établies, et pas autant de possibilités pour les trois nations de l'intérieur des terres qui vivent dans ma région de chercher la réconciliation économique et la restitution de terres.
    Qu'en pense le témoin? Autour des grandes villes quelles sont les possibilités de restitution de terres? Comment est‑ce possible?
     Plus particulièrement, dans votre déclaration liminaire, vous avez parlé des parcs nationaux. Je précise que, avant ma carrière en politique, j'ai passé plus de 30 ans à Parcs Canada et j'ai travaillé dans un certain nombre de parcs nationaux. Je dirais qu'il y a eu de bons exemples, et d'autres moins bons, d'initiatives comme la cogestion. J'ai également siégé au Comité de l'environnement, où nous avons mené une étude sur les aires protégées et soumis des recommandations au gouvernement sur d'autres formes d'aires protégées — autres que les parcs nationaux — comme les aires de conservation protégées autochtones.
    En ce moment, Parcs Canada est chargé, par exemple, de la création de parcs nationaux urbains, ce qui m'intéresse vivement pour la région que je représente, et je m'entretiens avec les trois nations de l'intérieur des terres — Semiahmoo, Kwantlen et Katzie — au sujet des débouchés économiques et des possibilités de restitution de terres.
    Qu'en pense le témoin? Dans des situations comme la nôtre, dans ces régions très peuplées, il arrive parfois que le recours soit une indemnisation pécuniaire, mais y a‑t‑il d'autres moyens de restituer des terres qui ne soient pas nécessairement une expansion des terres de réserve existantes ou l'ajout de nouvelles terres de réserve? Y a‑t‑il place pour d'autres modèles?
    Le dernier élément contextuel que je vais vous donner, c'est que, dans l'étude que nous avons réalisée au cours de la 42e législature, certains renseignements nous sont venus d'Australie. On y disait que le rendement des investissements sociaux liés aux aires protégées dépassait de loin les investissements dans les programmes sociaux. En fait, cela a beaucoup contribué à la guérison qui devait avoir lieu au sein de la communauté autochtone en Australie. Les Australiens ont constaté qu'il y avait un énorme rendement sur l'investissement pour ceux qui géraient les aires protégées autochtones.
    Je vais m'arrêter là. Que pensez-vous de la façon de restituer des terres dans ces régions très peuplées comme la vôtre et la mienne? Y a‑t‑il un espoir que des choses comme les aires protégées autochtones urbaines, peut-être, soient réalisables de concert avec des initiatives du gouvernement fédéral?

  (1715)  

    La question semble très complexe. Je ne sais pas si je peux répondre, mais je ferai de mon mieux.
    Il y a beaucoup de choses dans ma question. Veuillez m'en excuser.
     Je vis dans une petite communauté où la population a augmenté. C'est à une heure au nord de Montréal, et nous accueillons beaucoup de touristes qui ne savent même pas que nous sommes là.
     À mon avis, une chose très modeste qu'on pourrait faire, à propos de restitution et de parcs, c'est d'adopter des désignations et des noms de rue en langues autochtones. Ce n'est vraiment pas grand-chose. À l'aéroport de Montréal, je vois « bonjour » et « bienvenue » dans une multitude de langues, sauf dans des langues autochtones. C'est une toute petite chose.
    C'est une mesure nécessaire, vous savez. Pour que les Autochtones des régions métropolitaines voient que leur identité a sa place, eux qui ont parfois dû quitter leur milieu parce qu'ils n'avaient pas d'emploi... La plupart de ceux qui font des études ne peuvent pas travailler dans la communauté. Ce n'est pas qu'ils soient... Ils ne peuvent pas travailler pour le conseil de bande à moins d'être avocats. Beaucoup d'emplois se trouvent dans le secteur des services.
    Il serait bien de donner aux Autochtones qui vivent dans ces régions urbaines un endroit où ils se sentent chez eux, que ce soit un centre communautaire ou une parcelle de terrain où ils peuvent voir les remèdes traditionnels et les plantes traditionnelles indigènes. Ce sont des choses très modestes.
    Nous sommes colonisés depuis si longtemps. Il se peut qu'il faille encore 150 ans avant que nous n'arrivions là où nous voulons vraiment aller, mais nous devons en discuter entre nous. Je n'ai pas toutes les réponses et vous non plus. J'ai l'impression que nous patinons toujours dans la boue et que nous réfléchissons simplement aux gestes vraiment minimes, alors que la population, la société elle-même, ne sait rien de l'histoire coloniale du territoire où elle vit ou n'est même pas au courant du génocide qui a eu lieu.
     Pensons aux jeunes enfants qui ne sont jamais revenus des pensionnats indiens. Il ne devrait pas y avoir une seule journée, un seul mois de commémoration. La réalité autochtone devrait faire partie intégrante de tous les aspects de la société canadienne, au niveau fédéral, au niveau provincial et même au niveau local.
     Merci de vos réflexions. Je crois que mon temps de parole est écoulé. Alors je vous remercie.
    Merci.
    Merci, monsieur Aldag.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Plus tôt, en réponse aux questions de mes collègues, vous avez parlé de l'importance des aînés dans la communauté.
    J'aimerais vous donner l'occasion de parler davantage du rôle qu'ils jouent dans la communauté.

[Traduction]

    Quand je dis « aînés », je ne parle pas des gens qui sont simplement âgés. Je parle de ceux qui ont des connaissances traditionnelles et qui ont la sagesse de dire... J'entends des histoires, mettons, d'un aîné qui dit: « Quand j'étais enfant, c'est ce que nous prenions pour soulager un mal d'estomac. »
     L'une des raisons pour lesquelles, chez les Haudenosaunees, les femmes sont propriétaires de la terre, c'est que l'homme qui épouse une femme va la rejoindre dans sa communauté, sur sa terre, à elle. La Loi sur les Indiens a annulé cela. La Loi sur les Indiens a imposé une culture patrilinéaire aux peuples autochtones.
    Ce sont les femmes qui donnent naissance, et la terre aussi. Elle fournit la nourriture. Elle nous fournit beaucoup de choses. Le symbolisme qui est ancré dans les peuples autochtones vient des gardiens du savoir autochtone. La personne que nous appelons un « aîné » pourrait avoir 30, voire 20 ans. Elle pourrait être un enfant. C'est simplement que parfois elle est une vieille âme. Pour nous, c'est notre philosophie. Vous pouvez trouver cela bizarre, mais c'est ainsi que nous pensons. Un aîné est quelqu'un qui comprend exactement ce dont je parlais. C'est ainsi qu'on respecte la terre. Telle est notre relation avec la terre, une relation que nous devons nourrir. C'est autre chose que merci, bonjour. C'est aussi ce qu'on redonne à la terre. Qu'est‑ce que le chasseur redonne à la terre? La coutume veut que l'on fournisse du tabac au cerf ou à l'orignal que l'on tue pour libérer cet esprit.
    Être aîné suppose tellement de choses à faire; c'est autre chose que de faire la prière d'ouverture, avant de s'asseoir au fond pour écouter tout le monde. Il faut faire participer les aînés aux processus décisionnels.

  (1720)  

[Français]

     Merci, madame Bérubé.

[Traduction]

     Nous passons maintenant à Mme Idlout, pour deux minutes et demie.
    [La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci.
    J'allais réserver cela, mais j'ai plutôt une question, à part celle que j'ai déjà réservée.
    Je sais pertinemment que la Baffinland Iron Mines Corporation au Nunavut... Cela dit, j'ai une question à vous poser au sujet des Premières Nations qui appuient les activités minières à cause du manque de possibilités d'emploi, du manque d'aide du gouvernement fédéral, du manque de logements et d'aide de soutien des gouvernements provinciaux.
    Les sociétés minières demandent l'appui des communautés. Êtes-vous d'accord? C'est la question que je vous pose.
    Je ne sais pas si la traduction était correcte. Voulez-vous savoir si les sociétés minières qui demandent le consentement des communautés font la bonne chose? Je pense... Pourriez-vous préciser?
    [La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Non, ce n'est pas ce que je vous ai demandé.
    Je vous demande... Par exemple, vous êtes ici pour parler. Savez-vous si les Autochtones appuient les activités minières en échange d'avantages monétaires? Nous connaissons tous des Autochtones qui appuient les activités minières. C'est parce qu'ils n'ont pas d'autres possibilités d'emploi ni d'autres sources de revenu ou d'aide. Ils n'ont pas d'aide suffisante des gouvernements, si bien qu'ils cherchent de l'emploi.
    Est‑ce bien ce que vous comprenez? C'est ma question.
    C'est ce que font les promoteurs et les sociétés minières, selon moi. Ils savent que la crise économique afflige beaucoup de communautés, qu'elles soient éloignées ou non — comme la mienne. Ils manipulent les peuples autochtones en invoquant des arguments économiques et parlant d'emploi. Pour les Autochtones de cette communauté — vous excuserez l'expression —, il n'y a rien d'autre que pousser des brouettes. Nous n'avons pas les emplois haut de gamme et nous nous tirons dans le pied parce que, lorsque la société minière est partie et qu'ils sont finis, notre eau est contaminée et nos terres polluées. Que reste-t‑il aux générations futures? Rien d'autre qu'un environnement pollué où vivre.
    C'est ce que j'entends tout le temps.
    Il y a une entreprise appelée Niocan qui veut rouvrir la vieille mine d'uranium. Elle va prendre plus de deux millions de gallons d'eau par jour. Nous utilisons des aquifères. Le puits qui me procure de l'eau est en péril, mais les sociétés minières ont plus de droits que nous. Elles ont plus de droits qu'un hôpital.
    Il y a quelque chose qui ne va pas du tout dans ce tableau. C'est pourquoi je réclame une enquête indépendante sur les lois coloniales qui permettent ce genre d'activité corrompue malsaine pour l'environnement. Bien sûr, nous voulons des emplois. Nous voulons pouvoir acheter de belles choses pour notre famille, mais au bout du compte, c'est au prix de la santé et de la prospérité des générations futures.

  (1725)  

     Merci beaucoup, madame Idlout.
    Nous avons très peu de temps. Pas assez pour un autre tour de questions.
    Je remercie sincèrement Mme Gabriel de son témoignage d'aujourd'hui.
    J'apprécie vraiment votre contribution à notre journée d'ouverture de cette étude extrêmement importante. Merci beaucoup de votre temps et de vos efforts.
    Nous allons suspendre brièvement la séance pour nous préparer à accueillir notre deuxième groupe de témoins.

  (1725)  


  (1730)  

    Nous allons reprendre.
    Nous avons maintenant notre deuxième groupe de témoins avec M. Bruce McIvor, associé, First Peoples Law, qui est ici en personne, et Mme Dahti Tsetso, directrice adjointe, Initiative de leadership autochtone, également ici en personne.
    Je vous informe que nous avons l'interprétation en inuktitut, en français et en anglais. Veuillez choisir votre langue maintenant sur votre console dans la salle. Si vous perdez l'interprétation à un moment donné, veuillez m'en informer et nous arrêterons les travaux.
    Nous allons commencer par une déclaration préliminaire de cinq minutes chacun.
    Madame Tsetso, nous allons commencer par vous. Vous avez la parole.
    [Le témoin s'exprime en déné zhatié et fournit le texte suivant :]
    Dahti Tsetso suzhe, si Tli cho Dene ot'e, Lliidlii Kue gots'eh at'e, Indigenous Leadership Initiative Gogha eghalenga.
    [Le témoin fournit un texte en anglais dont voici la traduction:]
    Bonsoir à tous. Je m'appelle Dahti Tsetso. Je suis dénée tli cho de Fort Simpson, dans les Territoires du Nord-Ouest, et je travaille avec l'Initiative de leadership autochtone.
    [Traduction]
    Je vous remercie de m'avoir invitée à prendre la parole aujourd'hui. Le sujet de cette étude est important, et vous avez tous la responsabilité unique de faire avancer le dialogue de façon significative. Je vous suis très reconnaissante de l'occasion que vous offrez aux Autochtones de se faire entendre pour éclairer votre rapport et le dialogue plus général sur la restitution des terres.
    Pour ceux d'entre vous qui ne le savent pas, l'Initiative de leadership autochtone, ou l'ILA, a pour rôle d'aider les nations autochtones et à faire entendre leurs voix pour honorer leur responsabilité à l'égard des terres et des eaux.
    Dans notre perspective, la conservation et l'intendance dirigées par les Autochtones peuvent et devraient jouer un rôle essentiel dans la voie et le dialogue vers la réconciliation et la restitution des terres. Les aires protégées et de conservation autochtones, c'est-à-dire les APCA, en sont un excellent exemple. Ce sont des endroits qui sont désignés par les nations autochtones selon les valeurs et les autorités autochtones.
    Dans son rapport historique de 2018, le Cercle autochtone d'experts a souligné que les APCA sont des terres et des eaux où les gouvernements autochtones affirment leurs droits et leur responsabilité de protéger et de conserver les écosystèmes au moyen de lois, de gouvernance et de systèmes de connaissances autochtones. La culture et la langue sont le cœur et l'âme d'une APCA.
    Les gardiens autochtones sont une autre expression de l'identité nationale qui renforce les relations avec la terre et honore la responsabilité d'intendance sacrée des peuples autochtones. Les gardiens contribuent à l'édification de la nation et représentent une occasion pour le Canada de travailler en partenariat avec les communautés autochtones de tout le pays.
    Il y a des rendements positifs des investissements dans les programmes autochtones d'intendance et de gardiens. Les premières recherches menées dans les Territoires du Nord-Ouest ont démontré que chaque dollar investi peut produire un rendement de l'investissement de 2,5 pour 1, qui peut aller jusqu'à 4 pour 1. En fait, les recherches effectuées sur la côte de la Colombie-Britannique montrent que ce rendement de l'investissement peut atteindre 20 pour 1.
    Le rendement de l'investissement est directement lié au potentiel de transformation de ces programmes, qui peuvent avoir des retombées positives et en cascade sur de vastes secteurs socioéconomiques de nos communautés, comme la santé, l'éducation, la gouvernance et la réconciliation. J'ai moi-même été témoin de ces avantages.
    Pour aller de l'avant, il est essentiel de voir comment le financement des communautés autochtones leur permet d'exercer leur leadership dans ce travail en fonction de résultats durables. Les possibilités de financement novatrices en cours dans les Territoires du Nord-Ouest sont un exemple de nouvel outil axé sur les partenariats qui peut constituer une partie de la solution, mais les investissements du gouvernement du Canada sont un ingrédient essentiel du succès. Un financement permanent efficace transformerait notre pays.
    Il y a de plus en plus d'APCA et de gardiens au Canada. De fait, des nations autochtones de tout le pays sont réunies à Ottawa cette semaine pour partager leurs expériences au Rassemblement national des gardiens des Premières Nations, sous les auspices conjoints de l'Initiative de leadership autochtone et du nouveau réseau national. L'énergie et l'enthousiasme augmentent et cela se voit dans cette salle.
    Cette énergie est nécessaire maintenant. Nous sommes au début de mai, et des feux de forêt sans précédent font rage en Alberta. Il est évident que rien de moins que l'avenir de nos collectivités, la santé de notre planète et la viabilité future de nos petits-enfants sont en jeu. Nous devons faire mieux, et cela commence par l'élargissement de notre dialogue pour trouver des solutions qui profiteront à tous. Les communautés et le leadership autochtones sont essentiels.
    La restitution des terres et la relation des Autochtones avec ces terres grâce à l'intendance qu'exercent les Autochtones donnent de quoi espérer. Le Canada doit accroître les investissements dans les nations autochtones afin de réaliser notre vision, car si nous accordons de l'importance au savoir autochtone et à nos systèmes de connaissances comme moyen de soutenir les terres et les eaux dont nous dépendons tous, nous nous devons de les exploiter.
    Masì.

  (1735)  

    Merci, madame Tsetso.
    Nous passons maintenant à M. McIvor, pour cinq minutes.
    Merci beaucoup, mesdames et messieurs membres du Comité, de m'avoir invité aujourd'hui.
    Hier, dans l'avion qui m'amenait de Vancouver, j'écoutais le balado que je vous recommanderais d'écouter: « Empire ». Il y a une nouvelle série sur l'esclavage. Or, l'une des choses dont on parlait, c'est que c'est un jour de vérité en Grande-Bretagne. C'est une journée de réflexion sur la façon dont la richesse et le pouvoir de la Grande-Bretagne sont fondés sur l'esclavage et la colonisation.
    À certains égards, je pensais — à environ 35 000 pieds au‑dessus du territoire visé par le Traité no 4, je crois — que c'était un jour de vérité ici au Canada. Il faut que ce soit un jour de vérité pour ce qui est du pouvoir et de la richesse sur lesquels repose la nation, qui est bâtie sur des terres autochtones. Elle est bâtie sur la richesse des terres autochtones. Elle est fondée sur le déplacement des peuples autochtones qui ont perdu leurs terres et sur la prise de cette richesse.
    Je pense qu'il est important de comprendre qu'il n'y a pas d'autorité légitime à cet égard. Le Canada aime se présenter comme pays ou règne la primauté du droit, mais quelle est donc la loi qui permet à des colonisateurs de s'amener ici et d'usurper les terres d'autrui, d'en accaparer la richesse et de décider de l'avenir de ces terres? Ce n'est pas cela, la primauté du droit.
    Au Canada, nous parlons de l'« affirmation de la souveraineté de la Couronne ». C'est une expression favorite pour qui effectue une recherche dans CanLII sur les décisions des tribunaux. À mon avis, c'est un euphémisme canadien pour la doctrine de la découverte, le principe selon lequel les colonisateurs peuvent venir s'emparer des terres d'autrui. Vous avez entendu de ces personnes ici aujourd'hui, et ce n'est pas fini.
    Je pense qu'il faut décortiquer tout cela. Si nous voulons parler de réconciliation, demandons-nous de quoi il s'agit. La réconciliation ne peut être fondée sur un mensonge. Il faut commencer par dire la vérité. C'est essentiel.
    Le mois dernier, le Vatican a renoncé à cette doctrine. Dans ma perspective, il n'y avait pas beaucoup de vérité ce côté‑là. J'espère que le Canada pourra faire mieux. J'espère que le Parlement pourra faire mieux pour avoir une véritable conversation ouverte pour trancher la question de savoir à qui le territoire appartient.
    Comment les gouvernements fédéral et provinciaux ont-ils obtenu le droit d'extraire la richesse de ces terres? Je ne parle pas seulement des situations que les traités ne couvrent pas. Je travaille pour des nations signataires de traités partout au pays dans des situations semblables. J'ai eu la chance, la semaine dernière, d'être invité dans la communauté micmaque de Listuguj, et nous avons parlé de la question suivante: à qui cette terre appartient-elle?
    Après des centaines d'années de colonisation, il est temps de dire la vérité. Pour commencer, il faut vraiment s'attaquer à ce problème, selon moi. Si nous devons retracer des terres, si nous allons dans cette direction, cela ne peut pas être à partir des vieux modèles de revendications globales que le gouvernement fédéral privilégie actuellement.
     Pour les Autochtones qui en ont conclu, je peux comprendre pourquoi, mais au bout du compte, y a‑t‑il vraiment une grande différence entre cela et ce que John A. Macdonald faisait avec la politique nationale? On chasse les peuples autochtones de leurs terres au profit des peuples non autochtones. Voilà de quoi il s'agit.
     Nous devons changer de direction et reconnaître le titre autochtone. Pas besoin de vous adresser aux tribunaux pour cela. Les tribunaux disent depuis des années que vous pouvez trouver une solution entre vous. Le gouvernement fédéral doit prendre le parti de la reconnaissance du titre.

  (1740)  

     Alors, comment allez-vous faire pour la mise en œuvre? Pas par les revendications globales avec droits d'échange. C'est par la reconnaissance et la mise en œuvre.
    Merci de votre temps.
    Je suis désolé. J'ai dépassé de 10 secondes mes cinq minutes.
    Merci, monsieur McIvor.
    Nous allons maintenant passer à notre première série de questions, en commençant par les conservateurs et M. Vidal, pour six minutes.
     Je remercie nos deux témoins de leur contribution.
    Je commence par vous, monsieur McIvor.
    Monsieur McIvor, on peut voir sur votre site Web que les Canadiens sont assez braves pour faire face à la réalité du passé et du présent coloniaux du pays, et réclament des politiciens qu'ils remplacent les promesses creuses par des changements concrets et significatifs. La voie réaliste à suivre est fondée sur le respect, la reconnaissance et la mise en œuvre des droits des Autochtones.
    Je pense que c'est ce que vous prônez, même dans vos observations d'aujourd'hui. La question que j'aimerais vous poser est la suivante: Quelles sont les prochaines étapes? À quoi ressemble cette voie à suivre? Nous parlons beaucoup d'essayer de trouver des résultats. Cela a donné lieu à beaucoup de tergiversations au cours de l'histoire. Quelles sont les prochaines étapes dans le contexte des progrès vers des résultats qui sont bons pour tous?
     Il est bon de voir qu'au moins une personne consulte notre site Web. Merci.
    Je dirai deux choses. Il y a bien des façons de régler cela, mais deux choses me viennent à l'esprit pour commencer.
    Je pense qu'il est important de dire la vérité. Depuis la déclaration du Vatican, je préconise l'organisation d'un rassemblement national qui déterminerait à qui appartient le territoire. La doctrine de la découverte, l'affirmation de la souveraineté de la Couronne — disons la vérité à ce sujet, parce que beaucoup de Canadiens ne la comprennent pas. Ils se promèneront avec leur certificat de titre inattaquable. Ils seront ravis de l'augmentation de valeur de leur propriété. Ils ne savent pas sur quoi cela repose. Je pense qu'il faudrait commencer par dire la vérité.
    Deuxièmement, et j'en ai parlé au cabinet du ministre, le gouvernement fédéral devrait aller de l'avant et reconnaître le titre de propriété de certaines parcelles de terre. Il peut le faire. Il n'a pas besoin d'une revendication globale. Il n'est pas nécessaire de traîner les Autochtones devant les tribunaux pendant 10, 15 ou 20 ans pour leur titre autochtone. Ils peuvent conclure une entente qui reconnaîtrait le titre ancestral sur les terres et ensuite la mettre en œuvre. C'est faisable, et c'est dans cette direction que nous devrions aller.
    Je pense que ce serait très important. Vous voulez des Autochtones de tout le pays, pas seulement les Tsilhqot'in, qui peuvent occuper des terres dont ils détiennent le titre de propriété. Je pense que tous les peuples autochtones du Canada ont le droit de faire de même.

  (1745)  

    Merci.
    Je vais changer un peu de sujet, car je connais vos antécédents d'avocat. Vous avez parlé de recherches dans des affaires judiciaires et ce genre de choses.
    J'aimerais parler un peu du processus actuel d'ajout aux réserves. Lorsque j'ai été nommé porte-parole pour l'un des dossiers, j'ai eu droit à une présentation ou à une séance d'information du ministère. J'ai été renversé par la durée du processus suivi pour les différents types de revendications: les revendications particulières, etc.
    En ce qui concerne le processus d'ajout aux réserves, si je comprends bien, il y a trois raisons principales pour lesquelles un ajout aux réserves est proposé. Il y a une obligation légale, il y a un ajout ou une croissance communautaire, et il y a un tribunal. Il y a des raisons pour cela, mais le processus est tellement long. Il a changé ces dernières années, mais il prend encore beaucoup de temps.
    Avez-vous des idées sur la façon dont nous pourrions accélérer certains de ces processus? Vous n'êtes peut-être pas d'accord sur ce qui se passe déjà, mais nous avons des processus en place. Comment pourrions-nous les accélérer pour tenir compte de certaines des solutions dont nous avons besoin pour ces collectivités, où les terres représentent la capacité de construire des maisons, ainsi que la capacité de créer une économie pour répondre aux besoins de leur communauté? Les terres sont vraiment critiques dans bon nombre des enjeux à démêler pour la communauté; alors comment pouvons-nous accélérer certains de ces processus?
     Il ne manquera pas de personnes qui auront de meilleures idées sur la façon de les accélérer, et j'ai moi-même quelques idées là‑dessus.
    Tout d'abord, comment peut‑on faire des ajouts aux réserves? Il est très difficile pour les Autochtones de tout le pays de justifier un ajout à une réserve. Cela est un obstacle.
    Deuxièmement, les rétrocessions et les restitutions de terres, ce n'est pas cela des ajouts aux réserves. Ce n'est pas de cela qu'il s'agit, parce que les réserves finissent par être des terres de réserve en vertu de la Loi sur les Indiens. Elles sont vraiment détenues par le roi. La plupart des Autochtones, du moins mes clients, ne voient pas cela comme des terres récupérées. Ce peut être une étape importante, mais ce n'est pas une récupération.
    Pour revenir à une question déjà posée au sujet de qui décide, votre collègue a posé une question au sujet des Wet'suwet'en, en donnant à entendre que c'est la démocratie en jeu. Non. Ce n'est pas la démocratie en action, car à qui revient le droit? Ce sont les personnes qui figurent sur la liste des bandes de la Loi sur les Indiens, et non de la somme totale des membres de la nation.
    La liste de membres de bandes qui votent pour quelque chose ne comprend qu'une infime partie des membres de la nation. Ce n'est pas de la démocratie en action. Il est important de comprendre qu'il y a un collectif plus large, une nation plus vaste, et que ce ne sont pas eux qui vont tirer parti ou profiter des terres de réserve parce qu'il s'agissait de bandes assujetties à la Loi sur les Indiens.
    Merci.
    Merci, monsieur Vidal.
    Nous passons maintenant à M. McLeod, pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    C'est la première journée de notre étude, et je pense qu'elle sera intéressante. Je tiens à souhaiter la bienvenue à nos témoins d'aujourd'hui.
    J'aimerais poser ma première question à Dahti Tsetso, des Territoires du Nord-Ouest.
    Il y a un rappel au Règlement.

[Français]

     Le son est mauvais.

[Traduction]

    Monsieur McLeod, nous nous inquiétons seulement de la qualité du son. Il y a des coupures par moments.
    Je porte le casque d'écoute. Attendez un peu...
    Cela semble mieux, si vous voulez procéder, nous verrons comment cela ira.
    Nous allons essayer de nouveau.
    Je vais commencer par remercier les témoins de leur présentation.
    Ma question s'adresse à Dahti Tsetso et porte sur l'initiative à laquelle elle participe. Elle est des Territoires du Nord-Ouest, d'où je viens également, et nous avons 15 tables de négociation en cours à l'heure actuelle. Elles visent toutes à protéger le mode de vie des Autochtones.
    De nombreux gouvernements autochtones ont exprimé des préoccupations au sujet du régime foncier ou de la superficie des terres offertes par le gouvernement territorial ou fédéral. Le résultat final sera un petit pourcentage offert dans le cadre du processus des revendications globales, et les gouvernements autochtones prétendent qu'ils seraient forcés de les aménager parce qu'il n'y a pas d'autre mécanisme pour payer leur système de gouvernance une fois qu'ils sont une nation autonome.
    Dans 100 ans ou à peu près, il ne resterait plus rien d'une nation. Il n'est pas possible de reconstituer une nation sans terres.
    Je suis très heureux d'entendre parler de Dahti Tsetso et de l'initiative à laquelle elle travaille. Cela sort des sentiers battus. Pourrait-elle expliquer un peu...

  (1750)  

[Français]

    Madame la présidente, j'invoque le Règlement.
    Il n'y a pas d'interprétation.
    Madame la présidente, les interprètes ne peuvent pas continuer parce que la connexion de M. McLeod n'est pas bonne.

[Traduction]

    D'accord.
    Nous allons passer à Patrick Weiler, du Parti libéral. Nous allons vous donner cinq minutes pour récupérer votre temps.
    Monsieur McLeod, nous devrons vous revenir.
    Je remercie les témoins d'être parmi nous aujourd'hui.
    Je suis en fait un ancien de la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique, mais malheureusement, monsieur McIvor, je n'ai pas pu suivre votre cours lorsque j'ai obtenu mon diplôme il y a plus de 10 ans.
    Dans votre déclaration préliminaire, vous avez mentionné des choses très intéressantes que j'aimerais relever, surtout en ce qui concerne la primauté du droit et la nécessité de décortiquer tout cela.
    Une des choses très difficiles à voir dans le cadre de notre étude est les perspectives très différentes sur ce que signifie la propriété foncière. Pour de nombreuses cultures autochtones, la propriété des terres est collective. Évidemment, pour les pays européens et les pays occidentaux, la propriété est individuelle.
    J'aimerais que vous nous expliquiez en quoi cela complique les discussions que nous aurons pendant notre étude. Quels sont les moyens que nous pouvons prendre à cet égard, surtout lorsque nous pensons à des choses comme le pluralisme juridique?
    Merci beaucoup de la question. J'ai deux ou trois choses à dire à ce sujet.
    L'un des problèmes que nous avons constamment dans l'élaboration du droit autochtone au Canada est que les tribunaux ont dit qu'il doit y avoir de la traduction. Les concepts autochtones de la terre, de la propriété et de la façon de faire les choses doivent être traduits en quelque chose d'identifiable — pour parler comme un avocat — dans la common law. Tant qu'ils ne le seront pas, ils ne pourront pas être reconnus et mis en œuvre.
    Le pluralisme juridique est un problème fondamental. C'est un problème fondamental que ces choses‑là n'aient pas de légitimité si elles ne sont pas compréhensibles dans le contexte de la common law canadienne.
    Cela me fait penser au célèbre ouvrage d'Edward Said sur l'orientalisme et les « Autres ». Les tribunaux ont approché l'enjeu en étudiant les peuples autochtones et en essayant de les transposer en quelque chose que les non-Autochtones comprendraient et qui cadrerait bien. Si nous voulons trouver de meilleures façons de reconnaître les droits des Autochtones, nous devons accepter que ce soit un problème. Cela ne peut pas se faire par les yeux des colonisateurs.
    Nous devons commencer par là et trouver une façon d'aller de l'avant en respectant vraiment le fait que les peuples autochtones sur le territoire n'avaient, avant que les nations colonisatrices n'arrivent avec leurs propres lois, pas seulement leurs propres cultures et langues, mais aussi leurs propres lois dans le territoire. Ces lois elles-mêmes doivent être respectées.
    J'espère que cela répond à votre question.

  (1755)  

    Certainement.
    Pendant mon stage en droit autochtone, l'une des affaires qui venaient d'être jugées était celle des Tsilhqot'in.
    J'espérais que vous pourriez nous expliquer plus à fond, s'il vous plaît, comment cela est devenu un changement dans la façon d'aller de l'avant avec les accords de règlement et les traités. En réalité, compte tenu du changement des résultats qui sont disponibles de façon très concrète pour les nations, comment pourrions-nous aborder cela pour vraiment avancer dans notre discussion d'aujourd'hui?
     Il y a beaucoup de choses à analyser, et une foule de possibilités.
    Du temps de la décision rendue en 2014 dans l'affaire Tsilhqot'in, c'était très important, parce qu'un tribunal avait enfin fait une déclaration: Oui, ces terres sont couvertes par un titre ancestral. C'était un pas en avant extrêmement important, mais en même temps, où cela nous mène‑t‑il? Où sont les Tsilhqot'in aujourd'hui? Ils négocient. Ils négocient ce que cela signifie. Ils négocient avec les gouvernements fédéral et provincial. C'est ce qu'ils font depuis des années.
    J'ai fait valoir que nous ne devrions pas traîner les Autochtones devant les tribunaux dans une situation semblable. Je ne pense pas que cela préserve l'honneur de la Couronne. Je ne pense pas que ce soit la meilleure utilisation à faire du temps et des ressources. Tenez-vous vraiment à ce que les avocats reçoivent encore plus d'argent pour faire ce genre de travail? Inutile de vous battre devant les tribunaux pour régler cela. Je pense que le gouvernement fédéral a la responsabilité d'intervenir et de trouver une solution du même type sans faire subir à chaque nation autochtone ce que les Tsilhqot'in ont dû vivre.
    La deuxième question concerne le rôle des gouvernements provinciaux. La loi a changé à cet égard en 2014. Je pense qu'il est vraiment important de garder à l'esprit qu'en vertu de la Constitution canadienne, bien sûr, les gouvernements provinciaux disent que c'est leur terre, que c'est leur terre de la Couronne. Je ferai venir les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral à la table avec mes clients pour dire: « Nous sommes là pour discuter de votre revendication territoriale. » Quand ils feront cela, je m'arrêterai et dirai — de façon respectueuse, je l'espère — « Mes clients n'ont pas de revendication territoriale. C'est vous qui réclamez leurs terres. Lorsque vous aurez compris ce point fondamental, nous pourrons avoir une vraie conversation. » La revendication territoriale est celle des gouvernements provincial et fédéral.
    Il n'est pas nécessaire de faire passer tout le monde dans le collimateur des Tsilhqot'in. Je pense qu'il y a une meilleure façon de reconnaître à qui appartient le territoire et de trouver une formule pour avancer, plutôt que de substituer des droits, dans le sens de la politique sur les revendications globales. À la place de la substitution, comment pouvons-nous mettre en œuvre ces droits?
    Merci, monsieur Weiler.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci, madame la présidente.
    Je remercie encore les témoins de leurs témoignages et des précieuses informations qu'ils ont fournies plus tôt.
    Dans les études de ce comité, il est souvent question du droit des Autochtones. Peu importe le sujet sur lequel se penche le Comité, les témoins nous parlent presque invariablement de ce droit. J'aimerais demander à M. McIvor...
    Ça va? M'entendez-vous?

  (1800)  

[Traduction]

    Madame la présidente, je ne sais pas ce qui se passe. On dirait que l'interprétation a cessé.
    D'accord.
    Nous allons suspendre brièvement la séance.

  (1800)  


  (1800)  

[Français]

    Nous sommes maintenant de retour.
    Madame Bérubé, veuillez continuer, s'il vous plaît. Vous pouvez répéter votre question, si vous voulez.
    Je tiens d'abord à vous remercier d'être présents aujourd'hui pour témoigner, parce que les informations que vous avez fournies sont très importantes. Lors des réunions de ce comité, le droit des Autochtones est souvent mentionné. Peu importe le sujet de l'étude, les témoins nous parlent presque invariablement de ce droit.
    J'aimerais vous demander, monsieur McIvor et madame Tsetso, de nous dresser le portrait de la situation. Vous l'avez fait plus tôt, monsieur McIvor, mais pourriez-vous nous résumer l'historique du droit des Autochtones et décrire son utilisation actuelle?
    Où en est le droit des Autochtones et quel est son rôle dans la restitution des terres au Comité consultatif autochtone?

[Traduction]

     Merci. Je suis désolé du problème de fonctionnement. Ma mère serait gênée. Elle descend d'une vieille famille francophone qui a parlé français pendant 350 ans, et je suis le premier à en être incapable.
    À ce sujet, je pense qu'il est vraiment important de tenir compte de la différence entre les droits autochtones et les droits ancestraux.
    Les droits autochtones sont les droits que les peuples autochtones avaient avant que les nations colonisatrices ne débarquent sur leurs terres. Ils sont fondés sur leurs propres lois. Les droits ancestraux, dont le titre aborigène fait partie, sont un concept attribuable aux tribunaux canadiens. Ce sont les tribunaux canadiens qui ont créé cet ensemble de droits ancestraux en vertu de la Constitution canadienne, au titre de l'article 35.
    Tandis que je marchais non loin d'ici, je suis tombé sur une sculpture censée représenter un Autochtone décochant une flèche sur un cerf; vous l'avez probablement vue. Quand je songe à la façon dont les droits ancestraux ont évolué, c'est souvent cette représentation que les tribunaux canadiens se font des peuples autochtones, et c'est avec cette image en tête qu'ils ont essayé de déterminer ce qui leur est essentiel en tant que culture distincte. Ils se sont dit, préservons cela, leur caractère autochtone, et protégeons‑le en vertu de l'article 35 de la Constitution.
    Je pense que cela pose un problème fondamental, car il s'agit de traduire l'identité des peuples autochtones et leurs droits sous une forme reconnaissable. On dit souvent que l'article 35 de la Constitution est une boîte vide. C'était un problème au moment du rapatriement de la Constitution, en 1982. Les tribunaux ont parlé de boîte vide, avec de graves problèmes à la clé, mais ils ont ensuite rempli la boîte avec ce que les tribunaux canadiens — et la plupart de ceux qui siègent à ces tribunaux ne sont pas Autochtones — ont jugé comme étant ce qui caractérise essentiellement les Autochtones. Je pense que c'est là un problème fondamental.
    Quand je parle de cette question avec mes clients, nous faisons toujours une différence entre les droits autochtones et les droits ancestraux. Les droits des autochtones sont une construction en droit canadien qui pose de nombreux problèmes. Les droits autochtones sont propres aux nations autochtones. Il n'existe pas un seul ensemble de droits autochtones. Il y a les droits des Micmacs, les droits des Tsilhqot'in, les droits des Secwépemc, les droits des Anishinabe… tout l'éventail merveilleux des peuples autochtones à travers le pays. Je pense qu'à l'avenir, il est important que nous soyons tous conscients de ces différences.

  (1805)  

[Français]

     Madame Tsetso, qu'en pensez-vous?

[Traduction]

    Là d'où je viens, nos aînés racontent que nous sommes sur notre terre depuis des temps immémoriaux, c'est‑à‑dire avant la mémoire. C'est de cette relation avec notre terre que découlent ces droits. Comme l'a dit M. McIvor, ces droits existaient bien avant que quiconque ne vienne d'un autre pays sur cette terre.
    Avant l'existence du Canada, nos peuples avaient tous des façons de se gouverner, mais aussi d'interagir avec les autres nations. Il y a eu des périodes de conflit, des périodes de guerre, et comme pour n'importe quelle autre nation dans le monde, ces périodes ont contribué à façonner les peuples que nous sommes devenus.
    Nos droits, pour reprendre les mots de nos aînés, reviennent à dire que nous sommes issus de cette terre et que cette terre est issue de nous, et c'est de ce lien immémorial que découlent ces droits. Je suis d'accord pour dire qu'il y a une différence fondamentale de compréhension de nos droits entre les nations autochtones, et la compréhension que le gouvernement canadien en a. Je pense que c'est une considération très importante dans l'étude que vous entreprenez en tant que représentants fédéraux.

[Français]

     Je vous remercie, madame Bérubé.

[Traduction]

     Madame Idlout, vous avez six minutes.
    [La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci à vous deux pour vos exposés qui ont agréablement sonné à mes oreilles.
    Monsieur McIvor, j'ai une question pour vous. Vous avancez le fait que, dans les tribunaux, nos droits ne sont pas soutenus. Même quand nous intentons des poursuites, les procédures suivies sont catégorisées, et la catégorisation est préjudiciable. Pour moi qui suis Autochtone, cela m'apparaît très évident.
    J'ai une question pour vous. En tant que députés, pouvons-nous adopter…? Je crois que oui, mais j'ai une question à vous poser. Vous êtes avocat-conseil.
     En tant que peuples autochtones, si nous déposons les traditions juridiques autochtones, pouvons-nous les utiliser comme outil et comme munitions pour adopter une loi? J'ai cette question pour vous.
    Merci beaucoup.
     C'est une question très importante, qui se joue dans les tribunaux de tout le pays. Comme beaucoup d'entre vous le savent, nous nous orientons vers la reconnaissance des ordres juridiques autochtones.
    Dans mes cours sur ce sujet à la faculté de droit ou ailleurs, je dis toujours que nous sommes des avocats mal informés. Je sais que cela risque d'en surprendre plusieurs, mais on nous enseigne beaucoup de choses qui, à mon avis, sont erronées aujourd'hui. L'une d'entre elles, dont je me souviens, veut que tout pouvoir de décision et tout pouvoir législatif doit être d'une façon ou d'une autre lié à la Constitution canadienne. Il doit en être question soit dans l'article 91, soit dans l'article 92, soit dans les pouvoirs législatifs provinciaux ou fédéraux.
    C'est une erreur. C'est faux en droit canadien. Il est vraiment difficile de parler à des représentants du gouvernement qui ne reconnaissent pas cette erreur.
    J'ai un dossier sur les pêches dans le Canada atlantique. J'essaie de convaincre les représentants du gouvernement fédéral que les Micmacs ont leur propre pouvoir législatif, et on me répond: « Un instant. Nous devons d'abord leur déléguer un quelconque pouvoir législatif. » Il s'agit là d'une incompréhension fondamentale de la loi. Je pense donc qu'il faut que les représentants du gouvernement et les tribunaux reconnaissent ce pouvoir.
    Oui, vous pouvez vous fier à ces traditions et à ces principes juridiques. Le processus commence, mais il est très lent, et il faut agir plus rapidement.

  (1810)  

    Merci.
    Je crois possible que les parlementaires que nous sommes puissent présenter un projet de loi qui reconnaisse effectivement les traditions juridiques autochtones.
    Selon vous, quelle serait la façon la plus efficace pour les parlementaires de s'assurer… Quelle serait la meilleure façon de procéder pour signaler à nos gouvernements que nous voulons reconnaître les traditions juridiques autochtones?
    Nous vivons dans une démocratie parlementaire. C'est la suprématie parlementaire. Le Parlement peut aller de l'avant et faire ces choses‑là. Il peut le faire. Je suis d'avis qu'il ne suffit pas qu'il puisse faire ces choses, mais qu'il a la responsabilité d'aller de l'avant.
    Nous parlons constamment de réconciliation. Je peux vous affirmer que je me sens frustré. Les Autochtones de partout au pays sont frustrés. Que faisons-nous réellement? Il ne s'agit pas seulement de présenter des excuses. Que faisons-nous? L'une des choses les plus importantes à faire est de se sortir l'idée de la tête que tout le pouvoir de décision est entre les mains du gouvernement provincial ou fédéral. Nous devons abandonner cette idée.
    Je fais beaucoup de travail de consultation. Les gens s'étonnent que je n'aime pas vraiment ce type de travail. J'espère que nous avons dépassé ce stade. J'aimerais que ce soient les peuples autochtones qui mènent les consultations: « Nous allons prendre une décision. Qu'en pensez-vous, gouvernements fédéral et provinciaux? » Ensuite, nous prendrons une décision à huis clos, parce que c'est ainsi que les choses se passent habituellement.
    Je suis convaincu que le Parlement a un rôle important à jouer en légiférant, et il l'a fait de façon ponctuelle pour créer un espace propice à la prise de décisions autochtones dans l'exercice des lois.
     Merci, madame Idlout.
    Nous allons passer à notre deuxième tour, en commençant par M. Zimmer, pour cinq minutes.
    Merci à nos témoins.
    Madame Tsetso, je vous remercie de votre présence. Je vois dans votre curriculum vitæ que vous avez beaucoup de connaissances. Vous avez un diplôme en environnement et en conservation, et vous habitez actuellement à Fort Simpson, dans les Territoires du Nord-Ouest. Est‑ce exact?
     Oui.
    Nous avons un intérêt commun sur ce plan. Je copréside le caucus parlementaire du plein air, au sein duquel nous nous efforçons de transcender les clivages politiques pour représenter réellement les personnes qui pratiquent la pêche, la chasse, le tir sportif, et ainsi de suite. L'une des préoccupations dont nous ont fait part de nombreux Canadiens, c'est la perte de l'accès aux lieux de pêche et de chasse, entre autres.
    La lecture de votre curriculum vitæ m'a rappelé un souvenir. Nous étions récemment à Cambridge Bay, où nous avons entendu le témoignage de la Kitikmeot Inuit Association. Ses membres ont soulevé des préoccupations autour de l'objectif de 30 % d'ici 2030, et le gouvernement actuel vient nous dire qu'il compte interdire l'accès à toutes ces zones, même pour les Inuits locaux, pour des raisons de protection. J'ai trouvé intéressante la tournure des choses, parce que ce même gouvernement est censé céder l'accès aux populations des Premières Nations et des Inuits, et les membres d'une association inuite nous confient qu'ils craignent d'être exclus de leur propre arrière-cour.
    Le gouvernement a déjà affirmé qu'il allait écouter les territoires et les gouvernements locaux, mais il a imposé un moratoire sur l'ensemble des trois territoires sans même leur demander s'il pouvait effectivement le faire. Je pense que nous avons affaire à une ligne de pensée selon laquelle « Ottawa a toujours raison en ce qui concerne les territoires », et cela se perpétue même si c'est sous le couvert de la protection. Pouvez-vous nous en parler, et peut-être nous dire ce que vous savez au sujet de certaines de ces préoccupations à l'échelle locale dans les territoires?

  (1815)  

    Oui. Merci.
    Vous avez raison. Je viens d'un milieu très attaché à la conservation. Je me permettrai de réorienter quelque peu votre point de vue sur la conservation, car si je viens de ce genre de milieu, c'est du point de vue des communautés autochtones. Nos communautés, lorsqu'elles revendiquent la conservation, ne le font pas du point de vue de la conservation avec un grand « C », qui correspond probablement à la façon dont beaucoup de gens dans cette salle comprennent le terme, ce qui comprend l'expulsion des gens de la terre. Les outils canadiens — territoriaux et fédéraux —, reposent souvent sur la prémisse que, pour la conservation qui vise à protéger les terres, nous expulsons les gens. Du point de vue de nos communautés, cela va à l'encontre de la façon dont nous voyons les terres et dont nous nous acquittons de nos responsabilités en matière de protection et d'intendance de nos terres.
    Dans nos communautés et dans nos nations, lorsque nous parlons de protection, il s'agit en fait de renforcer notre relation avec notre terre. Pour renforcer notre relation avec notre terre, nous l'utilisons, de sorte que nous n'expulsons personne. C'est un point de discussion fort intéressant, parce qu'il renvoie à toute cette notion de pouvoir, d'affirmation des droits des autochtones, et à la question de savoir qui a le pouvoir de prendre des décisions au sujet de quoi.
    Au Canada, le mouvement en faveur des gardiens s'est développé. Il y a eu un mouvement croissant au sujet d'aspects comme les aires protégées et de conservation autochtones. Lorsque nos communautés affirment leur gouvernance ou leur droit à protéger leurs terres, ce n'est pas pour expulser les gens. Nous ne sommes pas menacés par d'autres qui pratiquent des droits de récolte. Ce que nous essayons de faire, c'est d'affirmer notre pouvoir décisionnel et de renforcer notre relation avec la terre. Nous le faisons en fonction de la culture, de la langue et de notre mode de vie.
    C'est la perspective de la conservation au sein de nos communautés, et la législation et l'importance de légiférer pour reconnaître le rôle que les aires protégées et de conservation autochtones pourraient jouer dans le paysage canadien pour s'adapter à des choses comme l'objectif de 30 % d'ici 2030, je pense, représentent un facteur très important à explorer.
    J'aimerais poser une autre question.
     Il vous reste 15 secondes, monsieur Zimmer.
    Je pense que c'est aussi ce qui nous préoccupe. Le gouvernement prétend discuter avec les associations inuites locales, alors qu'il met en œuvre sa propre version de la préservation et de la conservation…

[Français]

    Madame la présidente, l'interprète dit que M. Zimmer est trop éloigné du micro.

[Traduction]

    Espérons que je pourrai utiliser mes 20 dernières secondes ici.
    Je vais reprendre, très rapidement.
    Ce qui me préoccupe, c'est que le gouvernement dit qu'il fait de la conservation, mais il le fait à ses propres conditions. Il n'écoute pas vraiment les Inuits locaux et ne leur demande pas comment ils aimeraient que les choses se passent.
     Je vais peut-être m'arrêter sur cette dernière question.
    Il faut passer à la question suivante. Vous pourrez l'ajouter à votre réponse.
    Nous devons passer à M. Battiste, pour cinq minutes.
    Je vais essayer de reprendre là où la technologie de Michael McLeod a fait défaut, mais je suis certain que je ne serai pas aussi éloquent que lui.
    Ma question s'adresse à Mme Tsetso.
    Pourriez-vous décrire en quoi votre programme soutient le mouvement plus vaste de restitution des terres?
    Merci.
    Merci et bonjour à M. McLeod.
    Je travaille pour l'Indigenous Leadership Initiative, et notre objectif est d'augmenter le nombre de gardiens à travers le pays. Nous voulons faire en sorte que le rôle des aires protégées et de conservation autochtones soit fermement enchâssé dans la façon dont les gouvernements du pays — et quand je dis « les gouvernements », j'inclus les gouvernements autochtones dans cette description — s'occupent des terres et des eaux.
    Ce que j'allais dire tout à l'heure, et je pense que cela cadre bien avec cette réponse, c'est qu'une partie de la solution passe effectivement par les voies législatives, mais aussi par le biais de ressources permettant aux communautés autochtones d'être en position de travailler en partenariat avec d'autres ordres de gouvernement. Quand vous donnez à nos communautés les moyens de travailler en partenariat, c'est un avantage non seulement pour elles, mais aussi pour tous les Canadiens. Nous ne pouvons rien faire si nous ne disposons pas des ressources nécessaires.
    J'ai entendu de nombreux dirigeants fédéraux parler de l'importance de la réconciliation et de leur respect pour les peuples autochtones et nos nations, mais pour nos nations, les règles du jeu ne sont pas les mêmes. Dans le cadre de mon expérience de travail, je me suis efforcée de développer ce type de programmes et ce type de travail dans le Nord. Cela m'a permis d'accéder à ces postes au sein de l'Indigenous Leadership Initiative, mais je l'ai souvent fait en ayant l'impression d'avoir les deux mains liées dans le dos.
     Nous ne disposons pas des ressources nécessaires pour effectuer ce travail. Si nous voulons aborder ces questions et donner à nos nations les moyens d'agir, nous avons besoin d'investissements. Le gouvernement fédéral doit jouer un rôle très important en honorant les investissements dans des programmes comme les gardiens autochtones et dans l'exploration et l'établissement d'aires protégées et de conservation autochtones.
    À mon avis, il ne s'agit pas seulement de solutions législatives. Il s'agit aussi des investissements que le gouvernement fédéral devrait faire et qu'il doit augmenter dans ce genre de programmes.

  (1820)  

    Madame Tsetso, je vais vous garder sur la sellette à la demande de M. McLeod.
    C'est excellent de vous entendre parler de partenariats. Je pense que ma prochaine question porte sur ce sujet.
    Comment le gouvernement du Canada pourrait‑il mieux soutenir les peuples autochtones alors qu'ils étendent leurs droits et leur compétence sur leurs terres et territoires?
    Dans certains des travaux que nous menons… J'en reviens une autre fois, mais pas intentionnellement, sur la question des ressources.
     Nous avons constaté un mouvement croissant dans tout le pays. Dans ma déclaration liminaire, j'ai indiqué que des gardiens de partout au Canada sont réunis ici, à Ottawa. J'ai organisé une table ronde, juste avant de venir à cette audience, sur la gouvernance novatrice et les possibilités de financement. Nous comptons sur des gens qui travaillent très fort pour aller plus loin et pour donner à leurs communautés les moyens d'affirmer leurs responsabilités en matière d'intendance de leurs terres et de leurs eaux, mais ce sont ces gens qui ont le plus de mal à le faire de façon significative sans les ressources adéquates.
    Les ressources sont extrêmement importantes, voire essentielles pour permettre à nos communautés de jouer un rôle dans le cadre d'un partenariat. Ce n'est pas une relation équitable à l'heure actuelle, et cela doit changer. L'un des objectifs de notre organisation est de transmettre ces messages aux personnes occupant des postes de pouvoir, qui ont l'autorité et la responsabilité de faire changer les choses. Il existe actuellement au sein du gouvernement fédéral des moyens d'accroître ces investissements au fil du temps.
    De mon point de vue, si nous devons parler de restitution des terres, du respect des pouvoirs autochtones et des droits autochtones, et non des droits ancestraux, nous devons joindre le geste à la parole et investir dans ces approches et ces partenariats.
     Très rapidement, je pense que je vous comprends quand vous parlez d'intendance. Diriez-vous que le mouvement de restitution des terres concerne la gestion des terres, et non les produits de consommation?
    Oui.
    Dans mon milieu, la notion de « restitution des terres » a un contexte différent. Chez nous, les leaders disent que nous n'avons jamais renoncé à nos terres. Nous ne demandons pas à récupérer nos terres parce que nous ne les avons jamais cédées. Dans le cadre du travail auquel j'ai participé et des occasions que j'ai eues d'apprendre de nos leaders, tout tourne autour de cette relation à la terre. Il s'agit d'affirmer et de développer la vision du monde autochtone qui est fondée sur l'idée que nous sommes en relation avec nos terres et nos eaux, et qu'elles sont en relation avec nous.
    Selon moi, l'idée de « restitution des terres » permet de renforcer ce lien avec la terre. Il s'agit d'être en mesure d'affirmer des pouvoirs décisionnels sur nos terres et nos eaux.

  (1825)  

    Merci.
    Merci, monsieur Battiste.

[Français]

     Madame Bérubé, vous avez la parole pour deux minutes et demie.
    Merci, madame la présidente.
    Ma question s'adresse aux deux témoins.
    J'ai demandé à un précédent témoin s'il pouvait nous donner des exemples de pays dont les pratiques sont différentes de celles préconisées actuellement par le gouvernement fédéral en ce qui a trait à la restitution des terres.
     Pourriez-vous nous parler de pays dont le gouvernement fédéral pourrait suivre l'exemple et nous expliquer pourquoi il devrait le faire?

[Traduction]

    Oui, il y en a un dont j'aimerais parler. Pour en revenir à l'interprétation autochtone de la conservation et à la manière dont nous affirmons nos responsabilités sacrées en matière d'intendance des terres et de l'eau, partout dans le monde, je constate que cette conversation est le reflet de notre histoire.
    L'Australie est un modèle international à suivre. Le gouvernement fédéral y réalise des investissements importants. Là encore, on en revient à la notion d'investissement. L'Australie a également adopté des méthodes et des approches législatives pour reconnaître ses peuples autochtones et leur relation avec leurs terres par le biais des aires protégées. J'ai eu l'occasion à de nombreuses reprises d'entendre des rangers australiens partager leurs expériences en matière d'affirmation de leurs responsabilités d'intendance sur leurs terres d'origine. Ce qui est vraiment intéressant, c'est d'apprendre à connaître leurs relations avec leur propre gouvernement fédéral.
    Comme j'en ai parlé dans ma déclaration d'ouverture, j'ai adoré en apprendre plus au sujet du rendement du capital investi. L'une des choses que je n'ai pas complètement abordées est l'avantage que nous avons non seulement au sein de nos communautés, mais aussi dans la société canadienne en général, quand nous investissons dans ce type d'approches. Cela permet non seulement à nos communautés d'être dans de meilleures positions de partenariat, mais aussi de guérir nos communautés. Nous finissons par constater une retombée en ce qui concerne la santé et le bien-être de nos communautés. Nous sommes non seulement en meilleure santé physique, mais aussi beaucoup plus forts mentalement. Cela a ensuite un effet d'entraînement positif et transformateur dans nos communautés. On le voit dans le système d'éducation, dans le système de santé et dans la réduction de la toxicomanie.
    J'ai constaté ces avantages sur mon propre territoire, mais l'Australie les a également constatés. Ce qui est vraiment intéressant, c'est qu'il existe en Australie un modèle dans lequel le gouvernement fédéral investit de manière marquée dans ce type de programmes. Ce qui m'a vraiment plu à propos de l'Australie, c'est que la croissance de ces programmes s'est faite sous l'égide d'un parti fédéral. Un autre parti fédéral est arrivé au pouvoir, et son instinct l'a poussé à réduire le financement de ces types de programmes. Ce dernier parti a diligenté une étude qui a révélé exactement ce que je viens de déclarer. Les investissements dans ce type de travail ont accru les avantages non seulement pour les communautés, mais aussi pour le pays. Le nouveau gouvernement n'a finalement pas réduit le financement de ces programmes et il l'a même augmenté.
    J'ai fait passer ce message quand j'ai eu l'occasion de rencontrer différents représentants fédéraux au fil du temps, car je pense que le potentiel existe ici, au Canada. Nous sommes en train de rattraper le modèle australien, mais j'aimerais que nous l'éclipsions.
    Je suis désolée, madame Tsetso. Je dois donner la parole à Mme Idlout pour la dernière question de ce tour et elle aura deux minutes et demie.
     [La députée s'exprime en inuktitut et l'interprétation en anglais de ses propos est traduite ainsi:]
    Merci à vous deux de vos exposés. Ces sujets sont très importants.
    Je vais céder le micro à M. Morrice pour qu'il pose sa question.
    Merci beaucoup, madame Idlout. C'est un honneur de siéger à cette table à côté de vous.
    Je remercie également ce comité d'avoir mené une étude aussi importante.
    Merci, madame Tsetso et monsieur McIvor, pour vos témoignages de cet après-midi.
    Je représente une communauté qui fait partie du bloc deux de la concession de Haldimand. Il s'agit du territoire traditionnel des Haudenosaunee, des Anishinabes et des Neutres, de 950 000 acres de terres données aux Six Nations en 1784, soit 10 kilomètres de chaque côté de la rivière Grand. Aujourd'hui, les terres des Six Nations de la rivière Grand représentent moins de 5 % de ce qui leur a été accordé à l'origine en 1784.
    Quand je discute avec les leaders autochtones de ma circonscription, ils me disent très clairement que la réconciliation commence par la restitution des terres. Je tiens à leur répondre avec les outils parlementaires dont je dispose en tant que député; par exemple, en ce qui concerne le partage d'information sur des parcelles de terrain appartenant au gouvernement fédéral à Kitchener.
    J'aimerais que vous me donniez votre avis. Nous pourrions peut-être commencer par vous, madame Tsetso, à supposer que nous manquions de temps, si vous avez des conseils, sinon, je demanderai à M. McIvor. Je pose la question pour moi, pour ce comité et pour d'autres parlementaires qui occupent des postes comme le mien et qui veulent envisager de plaider pour des processus de restitution des terres fédérales aux communautés autochtones.

  (1830)  

    Merci.
    Vous savez, j'ai l'impression que je vais probablement revenir sur les mêmes types de messages. J'ai pu entrer en contact avec des communautés autochtones de tout le pays. Cet après-midi, j'ai entendu un chef autochtone de la banlieue de Winnipeg. C'est un contexte très similaire en ce sens qu'il s'agit d'une réalité plus urbaine.
    Pour moi, si l'on revient à l'idée de la restitution des terres, il s'agit vraiment de l'affirmation des pouvoirs de décision sur les terres. Comment aide‑t‑on cette communauté à exercer son pouvoir décisionnel sur ses terres? Quelles sont les ressources mises à sa disposition pour qu'elle soit en mesure d'y parvenir? D'après mon expérience, des programmes comme celui des gardiens redonnent aux communautés les moyens d'être dans cette position, d'être les yeux et les oreilles de leurs propres terres. Cela éclaire la prise de décisions concernant les ressources sur leurs territoires, mais cela leur permet également de se faire entendre lorsqu'elles traitent avec d'autres ordres de gouvernement.
    Pour moi, pour toutes les communautés avec lesquelles j'ai travaillé, des programmes comme celui des gardiens peuvent favoriser cette conversation, ce dialogue, mais pour toutes les communautés autochtones avec lesquelles j'ai travaillé, tout cela nous ramène tout à fait au pouvoir décisionnel. Comment leur donne‑t‑on les ressources nécessaires pour prendre leurs décisions sur leur territoire?
    Merci beaucoup, monsieur Morrice. Malheureusement, le temps est écoulé.
    Monsieur McIvor, si vous voulez répondre par écrit à cette question, nous serions ravis d'entendre ce que vous avez à dire.
    J'aimerais remercier tout le monde de s'être joint à nous aujourd'hui. Merci de votre témoignage dans le cadre de cette étude.
    Je remercie les membres du Comité. La séance est levée.
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