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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 063 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 avril 2023

[Enregistrement électronique]

  (1830)  

[Traduction]

    Bienvenue à la 63e séance du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Le Comité se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.
     Avant de commencer, je vous rappelle que tous les commentaires doivent être adressés à la présidence. La greffière et moi-même tiendrons une liste consolidée des députés qui souhaitent prendre la parole.
    Nous accueillons ce soir M. Michael Wernick, titulaire de la chaire sur la gestion dans le secteur public de l'Université d'Ottawa.
    Monsieur Wernick, tout d'abord, je suis ravie de vous revoir. Cela fait un certain temps que nous ne vous avions pas reçu, alors je vous remercie d'avoir pris le temps de venir. Merci d'avoir répondu si rapidement à notre demande. C'est très important pour nous.
    Je vais vous céder la parole pour votre déclaration préliminaire.
    C'est un privilège d'être de retour sur la Colline après des années d'appels sur Zoom.
    Je n'ai pas préparé d'exposé. Je n'ai pas de déclaration préliminaire à faire. Je me ferai un plaisir de répondre immédiatement à vos questions.
    Merci beaucoup.
    Je vais devoir suspendre la séance pendant deux minutes pour des raisons techniques.
    Merci de bien vouloir patienter.

  (1830)  


  (1835)  

    Toutes mes excuses. Nous allons reprendre.
    Nous allons commencer la première série de questions, d'une durée de six minutes, par M. Cooper.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, merci d'être venu.
    Dans la réponse que vous avez présentée au Comité, vous avez indiqué que vous ne vous souvenez pas d'avoir vu, vers juin 2017, une note de service intitulée « Note de service au premier ministre » concernant, de façon générale, les questions entourant l'ingérence de Pékin dans notre démocratie.
    Pouvez-vous nous dire pourquoi vous ne vous en souvenez pas? Est‑ce parce que vous receviez beaucoup de notes de service et assistiez à de nombreuses séances d'information au sujet de l'ingérence de Pékin à l'époque?
    Je vous remercie de la question.
    J'ai quitté le gouvernement il y a quatre ans jour pour jour. Je n'ai pas emporté de dossiers ou de documents secrets. Je n'ai pas accès aux registres des documents. Je n'ai pas accès à mes anciens calendriers et je n'ai accès à aucun dossier. Je m'appuie sur les reportages des médias et les recherches dans Google.
    Comme je l'ai indiqué en répondant à la greffière, je ne me souviens pas d'avoir vu cette note dont il est question dans une coupure de presse. Si je l'ai lue, et c'est probablement le cas, c'était il y a six ans.
    Merci.
    À cette époque, aviez-vous des informations selon lesquelles les représentants de Pékin suivaient activement une stratégie visant à s'infiltrer ou à s'immiscer dans nos processus démocratiques?
    Pas que je me souvienne.
    Vous n'avez aucune information indiquant que des agents du régime de Pékin aidaient des candidats à des élections au Canada. Vous ne vous souvenez pas d'avoir eu des conversations au sujet d'ingérences de la part de Pékin.
    Non. À l'époque, la principale préoccupation était la Russie. C'était un mois après l'élection présidentielle française. Nous étions très préoccupés par la perturbation des élections, mais l'attention portait surtout sur la Russie à l'époque.
    Le premier ministre vous a‑t‑il déjà dit que certains sujets ne devaient pas être abordés avec lui?
    Jamais.
     Est‑ce que cela s'applique également aux fonctionnaires du Cabinet du premier ministre? Personne au Cabinet du premier ministre ne vous a jamais dit qu'il y avait certains sujets à ne pas aborder.
    Je ne recevais pas de directives du personnel politique du premier ministre.
    Quelqu'un vous a‑t‑il déjà demandé de le faire même si vous ne receviez pas de directives?
    Non, jamais.
    D'accord. Merci.
    À votre connaissance, quelqu'un au Cabinet du premier ministre ou dans la fonction publique a‑t‑il intentionnellement caché au premier ministre des renseignements sur la sécurité nationale?
    Non.
    D'accord.
    En ce qui concerne le rapport quotidien sur le renseignement préparé par le Secrétariat de l'évaluation du renseignement du BCP, à part le premier ministre, qui reçoit ce rapport quotidien?
    Je ne connais pas la réponse à cette question.
    Vous devriez probablement demander à M. Jean lorsqu'il comparaîtra. Il y avait une liste de distribution indiquant les personnes qui, au sein du Bureau du Conseil privé et dans d'autres ministères, avaient la cote de sécurité appropriée.
    Dans votre réponse, vous avez mentionné le registre des documents du BCP et indiqué que le Comité pourrait demander des extraits pour obtenir plus de renseignements ou pour retrouver cette note de service de juin 2017.
    Avez-vous des observations à faire au sujet des paramètres à prendre en compte pour effectuer une recherche dans ce registre? Comment procéderiez-vous?
     Je pense qu'il faudrait poser la question au Bureau du Conseil privé. Je sais seulement que le BCP a envoyé des notes au Cabinet du premier ministre. Nous les envoyions et le Cabinet du premier ministre les recevait.
    Par votre entremise, madame la présidente, nous avons formulé une demande assez simple auprès du BCP concernant les dates auxquelles le premier ministre a été informé. Il a fallu un mois pour obtenir la réponse. Avez-vous quelque chose à dire au sujet du délai de réponse à prévoir pour une demande de recherche dans ce système?
    Je ne peux pas vraiment me prononcer sur le fonctionnement actuel du Bureau du Conseil privé. Je l'ai quitté il y a quatre ans. Il faudrait poser la question au BCP actuel.
    Qui décide quels renseignements sont réunis dans la liasse de documents qui sont remis chaque jour au premier ministre?
    Il y a toutes sortes de documents et de notes à l'intention du premier ministre. C'est le Cabinet du premier ministre qui organise cela et qui décide ce qu'il faut envoyer et quand il faut le faire.

  (1840)  

    Quel est le processus d'élaboration de la liasse quotidienne?
    Je pense que vous devriez poser la question à M. Jean.
    D'accord. Je vais poser la question à M. Jean. Vous ne savez pas.
    Dans votre réponse au Comité, vous avez fait allusion à une note d'information politique. Est‑il habituel que le Cabinet du premier ministre fournisse une note d'information politique en plus des renseignements sur la sécurité nationale?
    Il faudrait poser la question à Mme Telford. Je ne sais pas.
    Vous ne savez pas. D'accord.
    À l'époque où vous étiez greffier du Conseil privé, lors des séances d'information destinées au premier ministre sur des questions de sécurité nationale, les noms des personnes présentes étaient-ils généralement consignés?
    Encore une fois, vous devriez poser la question à M. Jean. Lorsque j'étais greffier — je ne sais pas comment cela fonctionne maintenant —, j'ai veillé à ce que le conseiller à la sécurité nationale bénéficie d'un accès direct et sans entrave au premier ministre et à son équipe. Si quelqu'un tenait des procès-verbaux, des registres, des listes des personnes présentes ou quoi que ce soit de ce genre, c'était le conseiller à la sécurité nationale.
    Merci.
    La parole est maintenant à M. Fergus.
    Monsieur Wernick, je vous remercie d'être revenu. Je vous remercie d'avoir été au service de notre pays pendant si longtemps et, surtout, du rôle très important que vous avez joué pour le Canada lors de votre dernière fonction au titre de greffier du Conseil privé.
    Je ne vais pas vous poser de questions précises qui vous feraient peut-être risquer de révéler des renseignements qui pourraient être liés à la sécurité nationale. J'aimerais que nous parlions un peu plus du processus, si vous me le permettez.
    Si je me souviens bien, vous êtes devenu greffier quelques mois après le début du mandat du nouveau gouvernement, en 2015. À peu près à cette époque, le gouvernement a établi un certain nombre de processus pour répondre aux préoccupations relatives à l'ingérence étrangère dans les élections, comme nous l'avons vu en France, comme vous l'avez mentionné, aux États-Unis et en Grande-Bretagne — au Royaume-Uni, devrais‑je dire.
    Pourriez-vous nous décrire certains des processus que vous avez supervisés ou dont vous avez été chargé en prenant vos nouvelles fonctions de greffier du Conseil privé?
    Je vais faire de mon mieux pour reconstituer une chronologie à l'aide de Google. Je vais peut-être me tromper dans l'ordre.
    Oui, j'étais sous-greffier en 2015. J'ai été nommé sous-greffier par le premier ministre Harper et je suis resté pour la transition et les premiers jours du mandat de M. Trudeau. Il m'a nommé greffier en janvier 2016, et j'ai assumé ce rôle durant les trois années suivantes.
    Il y avait plusieurs choses en jeu à l'époque.
    Une des premières priorités du gouvernement, vous vous en souviendrez peut-être, a été de créer le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement afin de donner à un groupe de parlementaires ayant les autorisations de sécurité appropriées un aperçu des questions de sécurité nationale et de renseignement. Le projet de loi C‑22 était une des premières initiatives du gouvernement.
    De plus, un certain nombre d'initiatives étaient en cours, de sorte que lorsque nous sommes arrivés en 2017, la période qui vous intéresse ici, il y avait pas mal de choses en jeu. Le projet de loi C‑59, qui était une refonte complète de la législation sur la sécurité nationale, a été lancé fin 2016 ou début 2017. Nous étions très préoccupés par les questions de désinformation. Il est de notoriété publique que la Russie de Poutine a tenté de perturber les élections en France en mai 2017 et qu'elle a tenté de perturber les élections en Allemagne en septembre 2017.
     À l'époque, la cybersécurité était un enjeu de taille. Les députés qui sont ici depuis assez longtemps se souviendront des cyberattaques de la Chine contre le Conseil national de recherches qui ont été dénoncées par le gouvernement Harper — par le ministre Baird — au début 2014. Personnellement, j'ai beaucoup mis l'accent sur la cybersécurité, les communications sécurisées pour le premier ministre et pour le Cabinet, ainsi que les investissements dans la cybersécurité, qui ont abouti au budget de 2018.
    Je pourrais continuer, mais cela vous donne une idée de ce qui se passait à ce moment‑là.
     Cela me donne une très bonne idée.
    Je ne vais pas critiquer les mesures du gouvernement précédent parce que je suis certain qu'il a pris les meilleures décisions possible à l'époque, mais il me semble clair que le nouveau gouvernement de l'époque, en 2015‑2016, a jugé qu'il était nécessaire d'ajouter ces nouveaux outils et ces nouvelles possibilités robustes pour aider à préparer la sécurité du gouvernement.
     Compte tenu de votre rôle de greffier adjoint du gouvernement précédent... Encore une fois, je ne critique rien. Je veux simplement comprendre pourquoi ce n'était pas un enjeu majeur à l'époque. Le gouvernement estimait‑il que les outils dont il disposait à l'époque étaient suffisants pour protéger les Canadiens contre cette nouvelle menace?

  (1845)  

    Le contexte est toujours différent. J'étais sous-greffier et j'ai aidé le gouvernement Harper à adopter le projet de loi C-51 à la fin de son mandat. Un peu plus tard, j'ai aidé le gouvernement Trudeau à l'amender par l'entremise du projet de loi C-59.
     À l'époque, en 2015‑2016, on mettait encore beaucoup l'accent sur l'antiterrorisme. C'est le moment où Daech a envahi la majeure partie du Nord de l'Irak. Il y avait toutes sortes de problèmes au Moyen-Orient à l'époque.
    Comme M. Jean et d'autres pourront vous l'expliquer, le gouvernement du Canada se préoccupe d'un large éventail de menaces, du terrorisme international au terrorisme national, en passant par la cybersécurité et l'ingérence étrangère, entre autres. C'est pourquoi nous avons un conseiller à la sécurité nationale. C'est pourquoi nous avons le Comité du Cabinet chargé de la sécurité et du renseignement, et c'est pourquoi le gouvernement voulait que le Secrétariat du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, le CPSNR, soit créé.

[Français]

    J'aimerais connaître la raison pour laquelle on a mis l'accent sur les menaces à la sécurité extérieures, et pas forcément sur les menaces intérieures. Est-ce parce qu'on n'avait pas prévu qu'il puisse y avoir des menaces intérieures?
    Je vous demanderais de donner une brève réponse, car il ne me reste qu'une minute de temps de parole.
    Il faut être vigilants quant aux deux types de menaces. Probablement que tous les députés qui sont ici étaient présents lors de l'attaque sur la Colline du Parlement, à l'automne 2014. Il y a aussi eu des attaques à Toronto et ailleurs. Toute une gamme de menaces pèse sur la sécurité des Canadiens et des Canadiennes. Je pense notamment au terrorisme, à l'ingérence étrangère et à la violence exercée à l'intérieur du pays.
    Merci beaucoup.
    Madame Normandin, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, je vous remercie d'être avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais poser quelques questions en lien avec l'entrevue que vous avez accordée à Mme Esther Bégin, qui a été diffusée sur la Chaîne parlementaire canadienne, ou Cpac, il y a environ un mois. J'aimerais rebondir sur les questions posées et sur les réponses que vous aviez données.
    Vous aviez notamment mentionné que l'idéal ne serait pas qu'un juge préside l'éventuelle commission d'enquête publique, mais plutôt quelqu'un qui a une bonne connaissance en matière d'analyse de renseignements.
    Est-ce exact et, si c'est le cas, pourquoi?
    C'est une bonne question.
    Trouver une personne assez indépendante et qui connaît bien le sujet à l'étude est toujours un défi. Ce n'est pas facile de trouver une telle personne. Au Canada, on a tendance à se tourner vers des juges pour présider les enquêtes. Selon mon expérience, cela fonctionne parfois très bien et, d'autres fois, cela ne fonctionne pas du tout.
    Une des raisons souvent évoquées pour écarter la tenue d'une enquête publique indépendante, c'est le fait qu'on risque de dévoiler de l'information susceptible de porter atteinte à la sécurité nationale.
    Si la personne à la tête de cette commission comprend bien l'information qui est reçue, cela nous donnerait-il la certitude qu'elle est en mesure de bien analyser l'information et de faire le tri entre ce qui peut être dévoilé et ce qui ne peut pas l'être?
    Oui, mais trouver une personne qui fait l'unanimité, dans un contexte politique très partisan, est toujours un défi. Combien de Canadiens pourraient participer au processus de sélection et être acceptés comme personnes fiables? Je pense que ce serait plus innovateur de chercher quelqu'un de l'extérieur. Ce pourrait être, par exemple, un Australien ou un Britannique, une personne qui n'est pas sur la scène politique canadienne.
    Si je comprends bien votre réponse, le frein à la tenue d'une enquête publique indépendante n'est pas lié au risque de fuites d'information, mais au fait de trouver la bonne personne. Est-ce que cela traduit bien vos propos?
     C'est à vous, comme législateurs, de décider si une enquête publique est nécessaire. Il y aura toujours certaines limites à l'utilité d'une telle enquête, le noeud de l'affaire étant le fait qu'il y a certains renseignements qu'on ne doit pas dévoiler, parce que cela minerait notre capacité à collecter le même type d'information à l'avenir. L'autre difficulté consiste à déterminer qui seront les témoins.

  (1850)  

    D'accord, je comprends que tout cela pourra faire l'objet d'une convocation par un commissaire.
    Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées. Vous avez parlé du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR. On présente souvent cet outil comme étant le meilleur moyen d'analyser ce qui s'est passé concernant l'ingérence en remplacement d'une enquête publique indépendante.
    À votre avis, ces deux outils ne pourraient-ils pas plutôt être complémentaires?
    Ils pourraient l'être, en principe. L'autre chose qui pourrait être faite en parallèle, c'est légiférer. Il est inévitable qu'une enquête publique va mener à la recommandation selon laquelle il faudrait bonifier et renforcer les lois canadiennes dans ce domaine. Cela pourrait se faire parallèlement à une enquête. N'importe quel comité parlementaire ou interlocuteur ou n'importe quelle enquête recommanderait de légiférer.
    En ce qui a trait à la législation, au Parlement, nous demandons la création d'un registre des agents étrangers depuis novembre 2020. Cela aurait pu être fait. Si nous avions déjà un tel registre, cela ne nous empêcherait pas de tenir une enquête publique indépendante, par exemple, sur le reste du dossier.
    Est-ce que j'ai bien compris?
    On peut effectivement poursuivre les deux axes de travail en parallèle. Il ne reste que deux ans avant les prochaines élections. Le vrai défi est de protéger les prochaines élections.
     Justement, lors d'une entrevue, vous avez parlé de la nomination éventuelle d'un rapporteur spécial, dont on ne connaissait pas l'identité à ce moment-là.
    Compte tenu de tout ce qu'on entend sur la personne qui a été nommée et sur la possibilité qu'elle ait eu des liens avec la Fondation Pierre Elliot Trudeau, n'est-on pas en train de retarder indûment la tenue d'une enquête publique dont le but serait de redonner confiance à la population quant à ses institutions démocratiques et de faire le ménage avant les prochaines élections? Cette personne ne redonnera pas nécessairement confiance à la population.
    C'est une question à poser au gouvernement, et non à moi.
    J'aimerais revenir sur les qualités d'un éventuel commissaire. Une personne de l'extérieur qui aurait une bonne connaissance de l'analyse des données ne serait-elle pas la meilleure personne pour déterminer si le gouvernement, avec les renseignements dont il disposait à l'époque, a pris les bonnes décisions et a posé les bons gestes?
    Serait-il bien de refaire ce travail avec un regard externe, en tenant compte de l'analyse de l'information reçue à l'époque?
    Vous pouvez juger, comme parlementaires, de l'utilité de revoir le passé. Moi, je recommande d'aller de l'avant et de légiférer pour protéger les élections dans l'avenir.
    Dans la mesure où nous voulons apprendre de nos erreurs, la tenue d'une enquête publique indépendante ne serait-elle pas la preuve que nous ne voulons pas refaire ce qui a déjà peut-être été fait, et cela ne nous permettrait-il pas de mieux nous préparer pour l'avenir?
    Oui, mais une enquête ne va pas mener à une recommandation concernant le texte ou le contenu d'une loi. Elle va inévitablement mener à la recommandation voulant que le Parlement canadien adopte des lois plus fortes, en suivant le modèle britannique ou australien. C'est aux parlementaires de le faire.
    Merci beaucoup.
    Merci.

[Traduction]

     Madame Blaney, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Comme toujours, toutes mes questions s'adressent à la présidence.
    Je remercie le témoin d'être ici aujourd'hui. J'ai vraiment apprécié certains éléments de son témoignage.
    Je pense que c'est difficile. C'est une discussion difficile. Au bout du compte, ce qui me préoccupe, c'est que les Canadiens se méfient de plus en plus de nos systèmes. Cela m'inquiète. Il est difficile de trouver un moyen de composer avec cette situation très précaire.
    Je tiens tout d'abord à remercier le témoin d'avoir servi le Canada.
    J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je pense que la meilleure façon d'aller de l'avant, c'est de poursuivre le processus.
    Je sais que le président des États-Unis a la capacité de déclassifier des renseignements au besoin, par exemple, lorsque le gouvernement a des renseignements classifiés qui pourraient être communiqués et qui permettraient de tirer les choses au clair et de rassurer les gens sur ce qui se passe. Sans parler, bien sûr, des sources ni divulguer des renseignements sur les méthodes de collecte. Je sais que cela impliquerait d'y réfléchir sérieusement.
    Pensez-vous que nous devrions explorer cette piste au Canada? Vous avez beaucoup parlé d'examiner la législation et d'aller de l'avant. Je pense à certaines de ces situations. Si des renseignements recueillis dans le cadre de la sécurité nationale peuvent être divulgués sans risquer de nuire à qui que ce soit, ni à nos relations avec d'autres pays, y a‑t‑il un moyen de le faire en temps opportun afin de réduire les tensions?
    Avez-vous des remarques à formuler au sujet de ce processus aux États-Unis et de ce que nous pourrions mettre en place au Canada?

  (1855)  

     C'est une très bonne question.
    Je pense que c'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons un comité de parlementaires auxquels des renseignements classifiés peuvent être divulgués. Cela crée un dilemme, comme nous l'avons constaté, car que peuvent faire alors ces parlementaires de cette information? Je pense qu'il est utile que les chefs des partis de l'opposition soient informés et acceptent les séances d'information sur la sécurité lorsqu'elles leur sont recommandées.
    Je ne suis pas avocat, mais je sais que la loi canadienne prévoit la déclassification et la communication de renseignements. C'est en fait le greffier du Conseil privé, qui est le secrétaire des documents du Cabinet, qui en est le gardien.
    J'ai approuvé la publication des documents pour le procès du vice-amiral Norman. J'ai autorisé la divulgation de documents pour d'autres raisons. En ce qui concerne la commission Rouleau qui a examiné les événements survenus à Ottawa l'an dernier, je crois que mon successeur aux fonctions de greffier a remis des documents classifiés au juge Rouleau. Il y a des mécanismes au Canada pour cela. Il est toujours possible de les modifier.
    Soyez prudents parce que l'une des conventions veut que vous ne divulguiez pas les documents d'un gouvernement précédent. J'étais le gardien des documents des gouvernements précédents lorsque j'étais greffier et il y a eu des demandes de divulgation de documents datant du gouvernement Harper pour ce procès. J'ai dû communiquer avec M. Harper pour obtenir son consentement.
    Merci. C'est extrêmement utile.
    En ce qui concerne les questions que mon collègue vous a posées tout à l'heure au sujet des enquêtes publiques et du fait que, peut-être, quelqu'un de l'extérieur du pays soit à la tête de ces enquêtes, je pense que c'est une idée novatrice et intéressante.
    Nous avons entendu beaucoup de témoignages selon lesquels l'ingérence étrangère est en train de changer. Il y a de nombreux pays — vous y avez fait allusion dans votre témoignage —, alors je pense qu'il est injuste de se concentrer sur un seul pays en particulier. Nous savons que les choses changent rapidement et que nous devons réagir de façon très énergique et travailler en étroite collaboration avec les pays avec lesquels nous avons des partenariats.
    Compte tenu de l'évolution constante de la situation, devrions-nous discuter des processus qui nous permettent d'établir des partenariats avec d'autres pays avec lesquels nous entretenons des relations étroites. Cela nous permettrait de surveiller la situation si elle devient problématique dans notre propre pays?
    Nous avons des partenariats. Nous avons le partenariat de sécurité du Groupe des cinq avec certains pays pour l'échange de renseignements et de données sur les menaces. Nous échangeons des renseignements avec d'autres pays. C'est plutôt le domaine de M. Jean. Vous pouvez lui poser des questions précises à ce sujet.
    Je crois qu'il y a eu une initiative du G7 portant spécifiquement sur l'ingérence étrangère après les attaques russes contre les élections françaises et allemandes.
    Il y a une collaboration entre les pays alliés et les démocraties pour essayer de protéger les processus démocratiques.
    Ce serait peut-être une bonne idée que nos pays se réunissent pour discuter de la façon dont nous pourrions régler ces problèmes à l'interne, parce que, bien sûr, ce qui préoccupe les Canadiens, c'est le sentiment de méfiance. Vous avez parlé du CPSNR. C'est un lieu de discussion, mais cette information n'est pas publique.
     J'essaie simplement de comprendre comment nous pouvons divulguer de l'information qui apporte une réponse suffisante pour rassurer les gens sans créer ce sentiment d'aliénation. Je trouve intéressant que vous ayez parlé tout à l'heure de systèmes dans lesquels tous les chefs de l'opposition sont informés afin de pouvoir éventuellement exercer un leadership indirect dans leur propre caucus.
    Avez-vous une idée de la façon dont ces systèmes peuvent fonctionner ensemble et pensez-vous que les processus dont les libéraux ne cessent de parler sont suffisamment transparents pour que les Canadiens aient l'assurance que le système fonctionne?
    Vous devrez décider quel est le juste équilibre entre la protection de l'information protégée et notre capacité de nous défendre d'une part, et la transparence destinée à rassurer les Canadiens d'autre part. C'est un point de référence pour lequel les lois ont évolué au fil des ans, et vous pouvez les examiner de nouveau et rajuster ce point de repère.
    Je profite de l'occasion pour dire que l'une des choses qui rassureraient probablement les Canadiens au sujet de la santé de leur démocratie, c'est de voir les partis politiques travailler ensemble pour faire adopter une loi sur l'ingérence étrangère. Il n'y a aucune raison, dans un Parlement minoritaire, qu'un projet de loi ne puisse pas être déposé, étudié, débattu, amendé et adopté avant Noël.

  (1900)  

    Merci.
    Nous allons passer à M. Calkins, suivi de Mme Romanado.
    Allez‑y, monsieur Calkins.
     Merci, madame la présidente, et merci à notre témoin.
    Merci, monsieur Wernick, d'avoir prouvé que lorsque l'on quitte la fonction publique, on ne le fait jamais complètement. Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous poser des questions.
    Vous étiez greffier du Conseil privé en janvier 2019. Est‑ce exact?
    M. Michael Wernick: Oui.
    M. Blaine Calkins: Dans le courriel que vous avez envoyé au Comité, vous avez dit que pour: « la production des documents, il serait peut-être plus utile de demander les extraits du registre des documents ». Dans ce paragraphe, vous dites:
Le bureau du greffier tenait un registre de tous les documents transmis au PM par le BCP. Ces documents sont de deux types: notes pour décision et notes pour information ne nécessitant pas la prise d'une décision. Le BCP doit constamment faire des démarches pour obtenir un « retour » du Cabinet du premier ministre. Le CPM accuse réception de la plupart des notes ou les retourne, mais certainement pas dans tous les cas.
    J'ai en main un document émis par le Bureau du Conseil privé en date du 17 janvier 2019, date à laquelle vous étiez greffier du Conseil privé. On peut y lire:
Activités d'espionnage et d'ingérence étrangère
La Chine est toujours l'auteur le plus actif et le plus sophistiqué des activités d'espionnage et d'ingérence étrangère au Canada.
L'espionnage est la collecte parrainée par un État et par des moyens clandestins, d'informations politiques, économiques ou de sécurité sensibles.
Les activités d'ingérence étrangère désignent les actions d'acteurs étatiques, de mandataires ou d'acteurs cooptés qui sont secrètes, trompeuses ou coercitives, qui vont au‑delà des activités diplomatiques normales ou acceptables et qui visent à induire en erreur ou à compromettre activement l'État hôte.
    Il s'agit en gros d'un document caviardé, mais je n'ai lu que les parties auxquelles j'ai accès en tant que parlementaire. Dans vos réponses précédentes aux questions de M. Cooper, vous avez soutenu au Comité que vous ne vous souvenez d'aucune façon d'avoir eu des discussions au sujet de l'ingérence étrangère de la Chine. Cependant, j'ai ici un document émanant de votre bureau, dont vous étiez le greffier à l'époque, qui dit: « La Chine est toujours l'auteur le plus actif et le plus sophistiqué des activités d'espionnage et d'ingérence étrangère au Canada », activités que le document définit ensuite.
    Pouvez-vous m'expliquer cela, monsieur Wernick? Comment est‑ce possible que vous ne soyez pas au courant de l'ingérence étrangère de la Chine, étant donné que vous étiez greffier du Conseil privé à l'époque?
    Je l'ai peut-être lu. C'était il y a quatre ans. Je ne me souviens pas d'avoir vu cette note en avril 2023. Peut-être que oui, peut-être que non. Je ne m'en souviens tout simplement pas.
    D'accord.
    Dans plusieurs de vos réponses aux questions de mon collègue, vous avez dit qu'on devrait poser des questions précises au conseiller à la sécurité nationale, mais votre rôle, en tant que greffier du Conseil privé, était d'exécuter toute instruction donnée par le premier ministre dans le cadre des décisions du Cabinet. N'est‑ce pas?
    Cela dépend. Bon nombre d'entre elles pouvaient être communiquées directement à la personne qui informait le premier ministre à l'époque. J'ai veillé...
    Le conseiller à la sécurité nationale exécute‑t‑il des décisions, ou...
    Comme je l'ai dit, lorsque j'étais greffier du Conseil privé — je ne sais pas comment cela fonctionne maintenant —, il y avait un lien direct entre le conseiller à la sécurité nationale et le premier ministre.
    À mon avis, et corrigez-moi si je me trompe, c'est une source d'information, mais le conseiller à la sécurité nationale n'exécute pas nécessairement les décisions du gouvernement. Le conseiller à la sécurité nationale est‑il responsable d'un ministère et de plusieurs autres employés qui exécutent les décisions prises par le gouvernement, ou est‑il simplement le destinataire de la collecte de renseignements en vue de fournir de l'information et des renseignements au premier ministre?
     Non. Le conseiller à la sécurité nationale est aussi essentiellement le directeur et le doyen des dirigeants des divers organismes et il a la capacité de communiquer avec le chef du SCRS, le chef du Centre de la sécurité des télécommunications, le chef de la GRC et ainsi de suite. Cela dépend de ce que vous entendez par instructions. Ce pourrait être « Je veux en savoir plus sur ceci » ou « Je suis d'accord avec cela ».
    Je n'ai pas fait obstacle à la circulation d'informations venant du premier ministre ou à destination de celui‑ci.
    Dans votre rôle de greffier du Conseil privé, le Bureau du Conseil privé faisant abstraction de tout intérêt partisan, vous étiez le plus haut fonctionnaire du gouvernement du Canada titulaire d'une charge non politique. Êtes-vous d'accord avec ma définition du greffier du Conseil privé?
    Oui. C'est certainement l'une des définitions possibles.
    Dans ce cas, pourriez-vous me décrire le rôle du Bureau du Conseil privé dans le cadre d'un scénario de sécurité nationale? Il me semble que le Bureau du Conseil privé, d'après ce que vous m'avez dit, n'a absolument aucun rôle à jouer pour ce qui est de conseiller ou d'exécuter les instructions du Cabinet du premier ministre en matière de sécurité nationale. Est‑ce vrai?
    Non. Ce n'est pas une interprétation correcte. Je peux vous recommander mon livre de 2021, Governing Canada, qui décrit cela en détail.
    Le Bureau du Conseil privé est le ministère du premier ministre. Le premier ministre a sept rôles distincts au gouvernement. Il est le président du Cabinet, le premier ministre de la fédération, le chef de file international pour traiter avec d'autres pays et ainsi de suite. Le Bureau du Conseil privé est un ensemble de secrétariats et d'équipes qui appuient ces sept rôles. L'une de ces équipes est la Direction générale de la sécurité et du renseignement.

  (1905)  

     Merci.
    Merci, monsieur Wernick.
    Voulez-vous achever votre pensée?
    Non, je suis sûr que j'aurai plus de temps.
    D'accord.
    Madame Romanado, vous avez la parole.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais, par votre entremise, remercier le témoin de sa présence avec nous ce soir. Ma première question, madame la présidente, s'adresse à M. Wernick.
     Dans vos fonctions antérieures, vous avez participé à l'élaboration de la première version du plan de protection de la démocratie. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet? Qu'est‑ce qui a amené cette réflexion?
    Je peux reconstruire la séquence des faits.
    Nous avions vu les Russes s'ingérer dans les élections françaises de 2017, ainsi que dans les élections allemandes de 2017. Nous avons appris un peu plus tard qu'ils s'étaient aussi ingérés dans les élections américaines de novembre 2016. En Australie, on avait fait grand cas d'une possible ingérence de la Chine dans la politique australienne. Je suis certain que quelques-uns d'entre vous ont lu le livre qui est paru en 2018 en Australie à ce sujet. L'Australie a légiféré sur l'ingérence étrangère aux alentours de décembre 2017 ou janvier 2018.
    La question qui se posait était la suivante: si les services de sécurité et de renseignement avaient connaissance de tentatives visant à perturber les élections... et cela pourrait se faire de façon très subtile par la désinformation. C'est ce qui s'est passé dans les élections en France, de la désinformation par des cyberattaques et dans les médias sociaux. Il pouvait y avoir aussi des attaques par déni de service contre Élections Canada, ou par toute sorte de moyen d'ingérence dans le processus électoral. Qui allait s'en occuper?
    Si c'était le ministre du moment ou le premier ministre du moment, ils étaient en pleine campagne électorale. On aurait pu les accuser de sonner l'alarme pour des raisons politiques ou de retenir des renseignements pour des raisons politiques. Il était donc important de trouver quelqu'un qui puisse donner l'alerte d'ingérence étrangère pendant une campagne électorale, pendant la période de transition.
    Les idées que je me rappelle avoir proposées étaient la nomination d'un commissaire indépendant, ou le groupe de hauts fonctionnaires que nous avons constitué en janvier 2019. J'ai recommandé au premier ministre d'y aller avec ce groupe qui a été créé en 2019 et qui est en place depuis.
    Merci beaucoup.
    À ce propos, j'aimerais parler un peu du CPSNR, le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Quelques collègues en ont parlé. On entend souvent dire que c'est un comité secret qui fait du travail clandestin. Vous étiez là au moment de sa création.
    Plus tôt aujourd'hui, je regardais les délibérations du comité de la sécurité, où le président du CPSNR faisait un exposé et répondait à des questions sur le CPSNR. Je crois que vous étiez greffier à l'époque de sa création et que vous avez reçu quelques-uns de ses premiers rapports. Lorsqu'on entend les mots « comité secret », l'idée qui vient à l'esprit est qu'il s'y fait du travail clandestin et qu'on ne veut pas que cela se sache.
    Pour le bénéfice de ceux qui nous écoutent, pouvez-vous expliquer un peu la différence entre un comité secret clandestin et l'importance de comprendre les renseignements classifiés en ce qui concerne la sécurité nationale et nos partenaires du Groupe des cinq, et ce qui pourrait s'ensuivre pour la communauté du renseignement si nous manquons de rigueur avec des renseignements sensibles?
    La partie secrète de l'information du comité tient aux renseignements qu'il doit traiter parfois. Ce sont des renseignements classifiés, parfois avec une cote très élevée. Le CPSNR a la possibilité d'y accéder.
    Il existe un comité semblable aux États-Unis, composé de sénateurs américains. Il en existe un au Royaume-Uni, composé de députés. Je crois qu'il y en a un semblable en France aussi, et je vais m'arrêter ici, mais c'est une pratique courante dans d'autres pays de ménager aux législateurs un accès au monde de la sécurité et du renseignement.
    Je ne sais pas si j'ai répondu à votre question. Je suis désolé; allez‑y.

  (1910)  

     Vous avez parlé un peu d'« aller devant », de se tourner vers l'avenir. Nous avons mis en place le groupe de hauts fonctionnaires, puis le Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections. Nous avons créé le CPSNR et l'office de surveillance OSSNR. Nous voyons les menaces évoluer. À l'époque où nous avons mis cela en place, nous avions l'œil sur des agents de l'État russe. Nous voyons maintenant d'autres agents étatiques tenter de s'ingérer dans nos institutions démocratiques.
    Je ne sais pas si vous suivez beaucoup notre comité, mais d'après ce que vous avez entendu, qu'est‑ce que vous nous recommanderiez de faire pour améliorer la situation?
    Vous avez parlé de renforcer la loi. Y a‑t‑il autre chose que vous nous recommanderiez pour décourager, détecter ou contrer l'ingérence étrangère?
     Le problème qu'il y a à divulguer des renseignements secrets — et bien sûr, on veut toujours plus de transparence —, c'est que cela peut dévoiler les méthodes de collecte. Cela peut mettre au jour vos méthodes de collecte, quelles qu'elles soient: le renseignement humain, le renseignement électromagnétique, les interceptions et ainsi de suite. Une source dévoilée est une source compromise. Tout journaliste qui nous regarde comprend l'importance des sources confidentielles et les risques qu'il y a à les dévoiler: le flux de renseignements s'arrête. Si nous voulons faire partie du Groupe des cinq, nous devons présenter des systèmes sécurisés où l'information recueillie par nos partenaires ne risque pas de se retrouver dans le domaine public.
     Ce que je vous recommanderais, c'est d'aller sur Google chercher le projet de loi sur la sécurité nationale du Royaume-Uni — qui est actuellement à l'étude devant le Parlement britannique —, de le copier-coller et d'en faire un pareil au Canada.
    Merci.

[Français]

    Madame Gaudreau, la parole est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Wernick, je dois vous avouer que je suis très soucieuse quant à la perte de confiance des Canadiens. Selon un sondage, 72 % des Canadiens ont perdu confiance en l'étanchéité de notre système démocratique.
    J'aimerais vous lire un extrait de l'édition du 9 mars dernier du quotidien La Presse:
Dans une note à l'intention de Justin Trudeau, la greffière du Conseil privé, Janice Charette, affirme que ce registre a fait ses preuves dans les pays qui l'ont adopté. Cet outil permet, sans l'ombre d'un doute, de mettre en lumière les activités que mènent des individus ou des entités au nom des pays autoritaires, y soutient-elle.
    Tantôt, vous avez mentionné que ce registre était nécessaire, important, voire urgent. Au cours des années, vous avez été de bon conseil. Avez-vous recommandé au premier ministre de créer ce registre?
    Non, je ne me souviens pas de l'avoir fait. Cependant, je recommande fortement qu'on adopte un tel registre. Nous pouvons suivre le modèle australien ou le modèle britannique.
    Précédemment, vous avez mentionné qu'il était important d'avoir des lois robustes. Avez-vous déjà fait des propositions en ce sens?
    Certains pas ont été faits, particulièrement en ce qui touche les élections. Je pense au Groupe de travail sur les menaces en matière de sécurité et de renseignements visant les élections et au Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement, ou CPSNR.
    Outre cela, en vous fondant sur l'ensemble de vos connaissances et dans une perspective tournée vers l'avenir, que suggérez-vous?
    Lorsque j'étais greffier, j'ai contribué à trois textes de loi, soit les projets de loi C‑22, C‑59 et C‑76. Les investissements prévus dans le budget de 2018 font partie des priorités en faveur desquelles j'ai milité. C'est le budget qui a permis de créer le Centre canadien pour la cybersécurité, ou CCC. Ce budget prévoyait aussi d'importants investissements dans le Centre de la sécurité des télécommunications, ou CSTC.
    J'ai poursuivi la création du protocole sur les élections qui a été annoncé en janvier 2019. L'ingérence était toujours une préoccupation. Le gouvernement avait pourtant déposé le projet de loi C‑59 en juin 2017.

  (1915)  

    Merci.

[Traduction]

    Madame Blaney, c'est à vous.
    Merci, madame la présidente.
    J'ai bien aimé les commentaires formulés plus tôt au sujet de la nécessité de protéger les élections futures. Il y a eu des problèmes lors d'élections précédentes, mais nous savons qu'ils n'ont pas eu d'incidence sur les résultats. Tous les partis en ont convenu.
    J'entends très clairement qu'il faut renforcer nos lois. Vous avez parlé du Royaume-Uni, de copier simplement son projet de loi et de nous mettre au travail là‑dessus le plus rapidement possible au Canada. Je ne m'attends pas à ce que vous soyez un expert des lois du Royaume-Uni, mais y a‑t‑il des éléments particuliers dans votre recommandation que vous jugez importants de nous signaler?
     C'est une très bonne question. Je recommande d'aller télécharger le projet de loi et d'y jeter un coup d'œil.
    Essentiellement, toute loi canadienne suivrait à peu près le même modèle. Tout d'abord, vous devez créer une nouvelle infraction et un ensemble de peines. Cela vous amène aux définitions. Qu'est‑ce qu'on entend par « ingérence étrangère »? C'est différent de l'espionnage, de la trahison, du sabotage, de la déception ou de la désinformation. La loi britannique et la loi australienne définissent l'ingérence étrangère.
    Votre comité pourrait recommander au gouvernement une définition de l'ingérence étrangère. Vous devez définir ce qu'est un agent étranger. Est‑ce que c'est toujours un agent de l'État? Qu'en est‑il des activités étrangères qui sont blanchies par des cabinets d'avocats, des sociétés, des groupes de réflexion, etc.? Est‑ce que l'Institut Confucius ou l'Alliance française font de l'ingérence ou s'agit‑il seulement de diplomatie culturelle?
    Il ne sera pas facile de trouver les définitions justes. Le projet de loi australien entraînait des modifications à une vingtaine d'autres lois australiennes. Il y a toutes sortes de répercussions à prévoir pour d'autres lois. Vous devez déterminer si quelqu'un a agi en pleine connaissance de cause ou s'il l'a fait sans se soucier des conséquences.
    Je ne me lancerai pas dans la rédaction — ce n'est pas mon fort —, mais vous pouvez suivre le modèle australien et le modèle britannique et voir le genre de problèmes que vous, les parlementaires, aurez à régler. Il y a 39 millions de Canadiens et vous êtes seulement 338 à pouvoir rédiger des lois. Vous pourriez prendre la loi britannique comme première ébauche et, en travaillant de concert, je pense que vous pourriez régler ces problèmes dans une loi de facture canadienne en l'espace de quelques mois.
    Je crois que mon temps est écoulé.
    En effet. Merci.
    Monsieur Berthold, vous avez la parole.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie M. Wernick d'être là.
    Monsieur Wernick, vous parlez beaucoup de préparer l'avenir, mais je pense que la meilleure façon de le préparer est de se baser sur l'expérience et la sagesse des gens qui ont été là avant nous.
    J'ai une question pour vous. Je ne veux pas parler ici d'une note de service en particulier ni d'une quelconque information précise, mais vous souvenez-vous du moment où vous avez été informé de l'ampleur de l'ingérence du régime communiste chinois dans le système démocratique au pays?
    Je me souviens de cette époque. Il y a quatre, cinq ou six ans, on voyait la Chine plutôt comme une cybermenace. Il y avait des attaques sur les réseaux, de l'espionnage industriel, des attaques visant le Conseil national de recherches du Canada. De plus, des compagnies chinoises avaient investi dans les ressources naturelles du pays, ce qui a été un sujet très controversé à l'époque. Je pense que des discussions ont eu lieu dans les universités canadiennes sur le fait d'avoir des partenariats avec la Chine. Il y a aussi eu des menaces à l'été 2017 ou 2018, lorsqu'un brise-glace chinois a circulé dans le Nord.
    Vous aviez donc de l'information de façon générale. Cependant, avez-vous le souvenir d'en avoir reçu en ce qui concerne le processus électoral précisément?
    Je pose la question parce que l'information qui a été diffusée dans les médias est quand même assez claire et précise. On dit que l'ingérence a augmenté pendant les années où vous étiez là et qu'elle devenait de plus en plus inquiétante.
    À quel moment avez-vous senti vous-même qu'il y avait vraiment un problème et que le gouvernement du Canada devait se préoccuper de l'ingérence du régime de Pékin dans nos élections?
    C'est une des raisons pour lesquelles j'ai exercé des pressions à cet égard. Par la suite, on a investi davantage dans le budget de 2018, parce qu'on a vu la...

  (1920)  

    Vous avez donc travaillé à l'élaboration de notes de service pour essayer de convaincre le premier ministre d'investir dans cette direction. Vous avez été impliqué directement dans tout le processus.
    Il s'agissait de discussions continues plutôt que de notes de service.
    Lorsqu'on élabore un budget, il faut choisir des priorités. Dans le budget de 2018, on a engagé des investissements importants dans le domaine de la cybersécurité. Si je me souviens bien, il y avait un autre élément prioritaire: il s'agissait de vraiment impliquer les Canadiennes et les Canadiens. C'est pourquoi le Centre canadien pour la cybersécurité a été créé.
    Je comprends donc que vous avez eu plusieurs échanges informels, mais pas par voie de notes de service, avec le bureau du premier ministre sur...
    C'est possible, mais...
    C'est ce que vous venez de dire, monsieur Wernick.
    J'en comprends donc qu'il y a eu des échanges informels sur l'ingérence dans les élections.
    Il se peut qu'il existe des notes de service ou des notes d'information, mais je ne le sais pas.
    Ce n'est pas ce que je vous demande.

[Traduction]

    Je demande seulement ce dont vous vous souvenez.

[Français]

    J'ai une autre question.
    Avez-vous participé à l'élaboration du Protocole public en cas d'incident électoral majeur, qui a été mis en place justement pour ces élections?
    Oui, je suis l'un des architectes de ce protocole.
    À aucun moment ce protocole n'a généré d'alerte pour le public.
    Vous avez été l'un des architectes de ce système. À votre avis, quel doit être l'élément déclencheur pour que le groupe qui administre ce protocole avertisse le public ou un parti politique qu'il y a ingérence ou qu'il y a une activité étrangère vraiment importante?
    Nous avons créé un groupe composé de cinq experts justement pour avoir la sagesse d'un groupe, au lieu que cela repose sur une seule personne, par exemple un commissaire, qui risquerait de tomber dans l'erreur.
    Certains membres de ce groupe sont des chefs d'agences du renseignement. Ils ont l'expérience et le jugement nécessaires pour interpréter les renseignements, juger s'ils sont solides et savoir lorsqu'il faut prendre certaines décisions.
    Le groupe se compose aussi du greffier et de sous-ministres. Je pense qu'il y a celui des Affaires étrangères, mais je ne me souviens pas. Ces personnes peuvent aussi donner leur point de vue lorsqu'il faut décider si on devrait intervenir publiquement pendant une campagne électorale et créer un enjeu électoral.
    Cependant, le fait de ne pas intervenir cause aussi un enjeu électoral dans certaines situations. Donc, la ligne est mince. Le Protocole n'a jamais mené à la décision d'intervenir et d'aviser les gens qu'il y avait ingérence.
    Justement, cela veut dire que ce groupe a exercé son jugement professionnel et a décidé de ne pas intervenir dans la campagne électorale. Vous pouvez poser la question à mes successeurs, mais ils ont reçu les rapports des services du renseignement, en ont discuté, ont exercé leur jugement professionnel et ont décidé de ne pas intervenir.
    Est-ce que la décision...
    Merci...
    C'est vraiment une question très facile, madame la présidente.
    D'accord, vous pouvez la poser.
    Monsieur Wernick, qui a le dernier mot? Est-ce que ce groupe d'experts va faire une recommandation au bureau du premier ministre, après quoi c'est le premier ministre qui prend la décision définitive?
    Non, c'est un rôle exercé par le greffier du Conseil privé, indépendamment de toute directive ou de tout filtre du premier ministre à ce moment. Le greffier est responsable de la continuité du gouvernement pendant une période électorale. Il y a une convention de transition, c'est-à-dire que le gouvernement continue de fonctionner pendant une période électorale et la transition du gouvernement est gérée par le greffier.
    C'est donc un rôle naturel attribué au greffier.
    Merci beaucoup.
    Je cède la parole à Mme Sahota.

[Traduction]

     Merci, madame la présidente. [Difficultés techniques] de bonnes recommandations que le Comité pourrait formuler et que le gouvernement pourrait tirer de cette réunion également.
    Je tiens aussi à remercier le témoin d'avoir contribué à la création du centre de cybersécurité. Brampton, la ville d'où je viens, a pu bénéficier d'une partie du financement prévu dans ce budget‑là, en obtenant un centre de formation en cybersécurité, une chose dont nous avons grand besoin, je crois.
    Ce sont justement des questions comme celles‑là qui m'empêchent de dormir la nuit. Comme je siège à ce comité depuis de nombreuses années, je sais que la façon dont nous protégeons nos institutions démocratiques et notre processus démocratique, et l'incidence que la désinformation et toutes ces choses peuvent avoir sur nos comportements et nos réactions, ont vraiment changé et infléchi le cours des choses.
    J'ai aussi été très touchée par des propos que vous avez tenus au comité de la justice en 2019. Vous avez dit:
Je suis actuellement très préoccupé par rapport à mon pays, à ses politiques et à son orientation. Je m'inquiète au sujet de l'ingérence étrangère au cours des prochaines élections, et nous travaillons d'arrache-pied à ce sujet. Je m'inquiète de la montée en puissance des incitations à la violence lorsque des gens utilisent des termes comme « trahison » et « traître » dans des discours ouverts. Ce sont les mots qui mènent à des assassinats. Je m'inquiète du fait que quelqu'un puisse se faire abattre au pays durant la campagne politique cette année.
    Cela fait plus de quatre ans que vous avez tenu ces propos. Avez-vous l'impression que les choses se sont améliorées, ou est‑ce qu'elles ont empiré?

  (1925)  

    Merci pour ce retour en arrière.
    De toute évidence, les choses ne se sont pas améliorées. Le climat politique s'est détérioré, le pouvoir de la désinformation s'est accru, et nous devrions tous nous en inquiéter. Ce n'est pas facile à enrayer. S'il y avait des solutions faciles à la désinformation dans les médias sociaux, on les aurait appliquées dans d'autres pays. Il n'y en a pas, et vous allez devoir continuer à vous débattre avec cela pendant de nombreuses années.
    Ce que vous pouvez faire par contre, c'est changer la teneur du discours politique entre vous. Avec tout le respect qui vous est dû, je pense que les Canadiens ont besoin de voir leurs élus — vous, qu'ils ont choisis — travailler dans la collaboration et le respect. Bien sûr, il faut demander des comptes au gouvernement, mais il y a des moments où l'intérêt national commande de faire cause commune et de rédiger les lois qui touchent les autres Canadiens.
     Je suis tout à fait d'accord avec vous. Ces derniers temps, et même actuellement, nous voyons des députés s'abaisser à des comportements indignes de leur rôle, en utilisant quantité de mots de ce genre.
    Vous êtes passé par là vous-même. Lorsque vous étiez greffier du Conseil privé, on vous a aussitôt accusé d'être partisan, même si vous avez occupé cette fonction sous deux partis différents. Morris Rosenberg aussi a été accusé de copinage libéral. Le chef de l'opposition ne s'est pas gêné non plus pour décrire le très honorable David Johnston comme le « compagnon de ski » et le « voisin » du premier ministre.
    Beaucoup de ces attaques partisanes contre des personnes crédibles et de ces campagnes de dénigrement menées contre des fonctionnaires de longue date... Il semble qu'il n'y ait plus de limite à ce que les gens peuvent dire si cela sert leurs intérêts politiques, jusqu'à salir les médias, comme nous le voyons maintenant. Cela n'a pas aidé que Twitter ait créé ses propres politiques qui poussent à imaginer encore des théories complotistes pour s'en prendre aux médias.
    Où en sommes-nous maintenant? Selon vous, comment pouvons-nous nous éloigner de tout cela et faire en sorte qu'on fasse confiance à nos journalistes indépendants, qu'on respecte nos fonctionnaires et qu'on défende nos institutions?
    C'est toute une question.
    Je ne suis pas certain qu'il suffise de rédiger des lois et des règles. Il s'agit vraiment de la conduite et du comportement des gens et de la façon dont ils choisissent de faire de la politique. Les attaques vont dans les deux sens, et il y a eu une dégradation des manières et du décorum à la Chambre depuis que je suis arrivé ici dans les années 1990. Je ne sais pas ce que vous pouvez y faire, à part surveiller vos propres comportements, votre propre conduite et votre propre pratique de la politique.
    Merci, monsieur Wernick.
    Sur ce, nous vous remercions tous, monsieur Wernick, d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui, de votre service et de votre disponibilité. Nous vous souhaitons une bonne fin de journée. Nous espérons que tout ira bien pour vous. Si vous pensez à autre chose que vous aimeriez soumettre à l'examen du Comité, n'hésitez pas à l'envoyer à la greffière, qui s'occupera d'en faire la distribution à tous les membres.
    Je vais garder la séance ouverte, c'est‑à‑dire que je vais simplement faire une pause et que nous allons accueillir notre prochain témoin, au lieu de suspendre et de devoir reprendre nos travaux.
    Passez une excellente soirée, monsieur Wernick.
    Monsieur Jean, veuillez vous approcher pour que nous puissions continuer.

  (1925)  


  (1930)  

[Français]

    Nous reprenons la séance.
    Nous accueillons maintenant M. Daniel Jean, ancien conseiller du premier ministre en matière de sécurité nationale et de renseignement.
    Bienvenue, monsieur Jean. Merci d'être ici ce soir.
    Je vous donne la parole pour faire votre déclaration d'ouverture, après quoi nous passerons aux questions des membres du Comité.
    Je vous remercie de l'invitation.
    Je félicite le Comité pour cette étude. Il est primordial que les Canadiens puissent compter sur une démocratie exempte d'ingérence étrangère, autant lors d'élections que dans son expression quotidienne.
    Je suis heureux de vous rencontrer, mais je ne peux divulguer d'informations classifiées, comme vous le savez. Je suis tenu au secret comme les autres. Par conséquent, j'ai choisi de discuter de certains épisodes en matière d'ingérence étrangère qui sont du domaine public et qui pourraient vous être utiles dans vos travaux.
    Bien que je sois retraité depuis cinq ans, je demeure impliqué dans ces dossiers comme professionnel en résidence à l'École supérieure d'affaires publiques et internationales de l'Université d'Ottawa et comme administrateur du conseil d'administration de l'Institut de la Conférence des associations de la défense.

[Traduction]

    Examinons quelques épisodes qui appartiennent au domaine public.
     Le 15 juillet 2015, deux semaines avant le début de la campagne électorale, alors que j'étais sous-ministre des Affaires étrangères, le bureau du protocole du ministère des Affaires étrangères a tenu à rappeler aux missions diplomatiques étrangères l'obligation de la Convention de Vienne de ne pas s'ingérer dans les affaires du pays hôte. À une époque où le public n'était pas aussi sensibilisé à l'ingérence étrangère au Canada, on nous a reproché d'avoir servi cette mise en garde.
    En septembre 2016, un des premiers actes majeurs de cyberingérence étrangère visait une institution internationale, soit l'Agence mondiale antidopage à Montréal, ainsi que plusieurs de ses partenaires internationaux, dont le Centre canadien pour l'éthique dans le sport, dans le cadre d'une importante campagne de désinformation visant à riposter aux sanctions imposées à la Russie par l'AMA et le mouvement olympique. Bien que de nombreux médias étrangers aient fait état de l'incident, les médias canadiens ne s'y sont pas intéressés avant octobre 2018, lorsque le Canada et d'autres pays ont attribué cet acte d'ingérence au GRU, l'organisme russe de renseignement militaire.
     Peu de temps après, les mêmes agents du GRU étaient de nouveau à l'œuvre lors des élections américaines de 2016, avec des méthodes et des tactiques semblables. En janvier 2017, quelques jours avant la transition, le président Obama a déclassifié une partie des renseignements recueillis par les organismes de sécurité nationale des États‑Unis. Son geste a eu une incidence limitée, ce qui soulève des questions importantes pour votre travail, comme l'indépendance de la personne qui va intervenir pour divulguer l'information; la fiabilité des renseignements, parce qu'ils étaient vraiment de fraîche date; et le moment choisi pour agir de la sorte, quelques jours à peine avant l'arrivée d'un président issu d'un autre parti.
    En juillet 2018, à la suite d'une enquête approfondie, l'avocat spécial Robert Mueller a porté des accusations contre 12 officiers du renseignement militaire russe, appartenant au même GRU.
    En octobre 2018, les États‑Unis et plusieurs pays dont le Canada ont condamné les agissements d'agents russes dans l'empoisonnement de la famille Skripal au Royaume‑Uni, leurs tentatives d'ingérence dans l'enquête de l'Organisation pour l'interdiction des armes chimiques aux Pays‑Bas; et l'attaque contre l'AMA de Montréal et ses partenaires, dont le Centre canadien pour l'éthique dans le sport. Les autorités américaines ont porté de nouvelles accusations contre sept agents russes du GRU. Trois d'entre eux avaient aussi été inculpés dans le contexte des élections américaines.

  (1935)  

[Français]

    Parlons un peu des mesures.
    Ces divers incidents ont motivé plusieurs des mesures discutées récemment dans vos réunions, par exemple: des modifications à la Loi électorale du Canada; une évaluation annuelle par le Centre de la sécurité des télécommunications, le CST, des risques de cyberingérence étrangère; de même que des séances d'information offertes à tous les partis politiques. Par la suite, puisque ces risques sont tout aussi présents dans l'univers analogique, des mesures semblables ont été prises par le Service canadien du renseignement de sécurité. Ces mesures ont progressivement évolué vers les mécanismes d'observation et la directive sur le protocole d'intervention en période électorale, dont vous avez discuté au cours des dernières séances et dont vous venez de discuter avec M. Wernick à la fin de sa comparution.
    Cela m'amène aux questions soulevées dans les publications du Globe and Mail et de Global News. D'une part, je ne peux discuter des informations de juin 2017 alléguées dans un des articles de Sam Cooper de février 2023. D'autre part, j'ai pris ma retraite en mai 2018, soit avant la date des autres informations alléguées. Dans ce contexte, mes propos se basent strictement sur mon expérience professionnelle et sur l'intérêt que je maintiens pour ces questions à titre personnel.

[Traduction]

    D'une part, il est essentiel d'assurer aux Canadiens que toute allégation grave d'ingérence étrangère, que ce soit lors d'une élection ou dans un autre aspect de notre vie démocratique, fera l'objet d'un examen rigoureux. J'espère que les différents examens qui ont été entrepris feront la lumière sur les informations alléguées et, ce qui est tout aussi important, qu'ils sauront éclairer la politique publique sur les mesures nécessaires pour équiper les agents institutionnels compétents en matière de prévention, de dissuasion et d'application des conséquences.
    La proposition d'un registre de l'influence étrangère mérite considération, mais ce ne peut être qu'un élément d'une stratégie plus vaste, comme le suggèrent des rapports antérieurs d'organisations comme le groupe de travail sur la sécurité nationale de l'École supérieure d'affaires publiques et internationales à l'Université d'Ottawa, ou le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement.
    Cependant, la lecture des différents articles fait courir le risque de confondre renseignement et preuve. Je vous encourage à lire attentivement la lettre d'opinion de la professeure Stephanie Carvin sur ce qu'est le renseignement et ce qu'il n'est pas.
    Je détiens une cote de sécurité de niveau très secret depuis plus de 25 ans. Bien que le renseignement soit essentiel pour mieux comprendre une menace, il n'y a pas grand-chose dans ce que nous pourrions recueillir qui justifie l'intervention d'autorités compétentes. Même dans ce cas, il y a souvent des réticences à s'en servir en raison de la nécessité de protéger les méthodes et les sources, ou de la lacune législative qui empêche de présenter des renseignements comme éléments de preuve tout en permettant une défense équitable.
    Dans ce contexte, votre examen et tous les autres en cours sont non seulement essentiels pour faire la lumière sur l'information alléguée, mais aussi pour procurer au Canada et aux Canadiens la trousse d'outils qui leur permettra de contrer l'ingérence étrangère dans tous les aspects de leur vie démocratique.

[Français]

    Merci.
     Je vous remercie.
    Nous entamons notre premier tour de questions en commençant par M. Cooper.

[Traduction]

     Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci, monsieur Jean, de bien vouloir comparaître devant le Comité.
    Aux alentours de juin 2017, avez-vous rédigé une note de service à l'intention du premier ministre concernant l'ingérence étrangère du régime communiste de Pékin?
    J'aurais quelques points à soulever. Tout d'abord, je suis en dehors du gouvernement depuis cinq ans. Je ne suis plus au Bureau du Conseil privé depuis cinq ans. Je n'ai pas accès à mes dossiers. Même si c'était le cas, je ne serais pas en mesure de discuter d'une note de service classifiée.
    Je ne veux pas donner l'impression de vouloir éluder la question, aussi je tiens à préciser que, pendant ma période de conseiller à la sécurité nationale, nous informions effectivement le premier ministre sur l'ingérence de la Chine et d'autres pays, parce que, bien sûr, la Chine n'est pas seule en cause. Nous l'informions lors de discussions plus vastes sur la Chine. Nous l'informions dans des notes où nous faisions part de nos préoccupations croissantes, les nôtres mais aussi celles de certains de nos alliés.
    Monsieur Jean, par votre entremise, madame la présidente, je veux être clair. Je ne vous demande pas de confirmer ou de décrire le contenu d'une note de service. Je vous demande de façon très générale si une note de service a été rédigée en juin 2017, ou si, compte tenu du point que vous soulevez, vous pourriez nous en dire plus sur la fréquence, par exemple, à laquelle vous informiez le premier ministre au sujet des activités d'ingérence du régime de Pékin aux alentours de juin 2017 ou à cette époque.

  (1940)  

    J'ai occupé ce poste pendant deux ans, du printemps 2016 à 2018. Nous avions de nombreuses conversations sur la Chine, dont certaines portaient sur l'ingérence étrangère. Nous envoyions des notes au premier ministre à ce moment‑là qui parlaient de ce sujet de préoccupation, oui. Nous avions aussi d'autres outils de renseignement, comme vous le savez.
    Parmi les préoccupations que vous aviez à cette époque, il y aurait eu, par exemple, une stratégie des agents de Pékin pour s'introduire ou s'ingérer dans nos processus démocratiques. Est‑ce qu'il y avait là un enjeu du jour en 2017?
    Dans la menace d'ingérence étrangère d'un pays comme la Chine, il est très important de ne pas voir quelque chose de tout noir ou tout blanc. Ce n'est pas une menace qui prend congé une journée et qui reprend le lendemain. Ces choses‑là se construisent avec le temps.
    Pendant la période où j'étais en poste, nos préoccupations portaient beaucoup plus sur des questions comme l'acquisition de technologies sensibles, ce que nous aimons appeler la sécurité économique. Nous avons pris un certain nombre de mesures pour suivre cela de plus près.
     Nous avions d'autres préoccupations au sujet de la Chine. L'ingérence étrangère en faisait partie, mais ce n'était pas une période où il y avait... Il y avait des signaux d'alarme. Ce n'est pas pour rien qu'en 2015, le ministère des Affaires étrangères a décidé d'être plus direct en mettant des pays en garde contre l'ingérence. Cependant, il n'y avait pas de preuve tangible. Il y avait seulement des activités dont nous voulions nous assurer qu'elles ne déboucheraient sur aucune forme d'ingérence.
    En 2017, le régime de Pékin était l'instigateur des activités d'ingérence les plus avancées au Canada. Êtes-vous d'accord?
    À l'époque, la Russie nous préoccupait aussi beaucoup. Je viens de vous donner quelques exemples.
    Je comprends, monsieur Jean, mais j'ai posé une question précise.
    Absolument, Pékin nous préoccupait plus en plus. À propos de l'ingérence étrangère, nous surveillions particulièrement ce qui se faisait dans d'autres pays. Il suffit de consulter une source ouverte pour voir ce qui se passait en Australie en 2017 et ce qui a amené ce pays à prendre beaucoup de mesures énergiques.
    J'ai posé une question, mais j'aimerais en savoir plus sur la fréquence des séances d'information avec le premier ministre. Je sais que certaines se faisaient oralement. Il y avait aussi des notes de service et ainsi de suite. J'essaie de mieux comprendre à quelle fréquence cela se produisait.
    Le conseiller à la sécurité nationale envoie plusieurs notes de service au premier ministre en une semaine, mais il n'y en a pas tant sur l'ingérence étrangère, et encore moins sur l'ingérence étrangère dans les élections.
     Je tiens à être clair. Si vous avez entendu mes observations, les problèmes d'ingérence étrangère au Canada ne portent pas seulement sur les élections, loin de là. En fait, l'intimidation et la surveillance de la diaspora sont, depuis un certain temps, une préoccupation majeure.
     D'accord.
     Le premier ministre vous a‑t‑il jamais dit qu'il y avait certains sujets dont on ne devait pas discuter avec lui?
    Absolument pas. Le premier ministre et son cabinet ont toujours été ouverts à tous les genres de menaces dont je voulais les avertir.
    Merci, monsieur Jean.
    M. Wernick, dans son témoignage, a parlé des mécanismes de déclassification de l'information. Êtes-vous d'accord avec lui?
    Je m'en venais ici pendant cette partie de son témoignage.
    Tout ce que peux dire, c'est que je vous ai donné un exemple — deux en fait — dans mon exposé. Le président Obama a décidé de le faire. Nous pouvons déterminer si le moment choisi et le fait que ce soit lui qui l'ait fait avaient du sens à la suite des élections américaines.
    Quand le Canada a décidé d'attribuer à la Russie...
    Monsieur Jean, je veux être clair. M. Wernick a dit qu'il existait des mécanismes de déclassification. Êtes-vous d'accord avec lui, oui ou non?
    Oui, il y a des mécanismes. En fait, lorsque nous décidons d'attribuer, cela signifie que nous déclassifions certains renseignements.

  (1945)  

    Merci.
    Monsieur Fergus, c'est à vous.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Monsieur Jean, je vous remercie de votre travail pour notre pays et de votre rôle névralgique sur le plan de la sécurité des Canadiens. Je vous en suis très reconnaissant, tout comme le sont certainement tous mes collègues du Comité.
    Depuis 2015, le gouvernement a notamment créé le Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement ainsi que l'Office de surveillance des activités en matière de sécurité nationale et de renseignement, c'est-à-dire le CPSNR et l'OSSNR, afin qu'ils examinent les questions liées à la sécurité nationale du Canada.
    Diriez-vous qu'il s'agit des meilleures tribunes pour parler d'ingérence étrangère et des mesures prises par le gouvernement, compte tenu de la nature délicate de la situation? Pourriez-vous nous expliquer pourquoi?
    Ces personnes sont les mieux placées parce qu'elles ont les cotes de sécurité nécessaires et parce que la loi leur donne accès aux informations. D'ailleurs, vous constaterez que les rapports du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement contiennent des recommandations intéressantes en matière d'ingérence étrangère.
    Effectivement.
    D'ailleurs, ce matin, les membres du Comité permanent de la sécurité publique et nationale ont eu une belle discussion à ce sujet précisément avec le président du CPSNR, qui était venu témoigner.
    Monsieur Jean, j'aimerais vous poser une question que j'ai aussi posée à M. Wernick. Vous ne l'avez pas entendue, car vous n'étiez pas encore dans la salle. Je ne vous demande pas de dévoiler des secrets nationaux, mais simplement de parler du processus.
    Le gouvernement actuel a mis en place un groupe non partisan composé de sous-ministres et d'experts ayant pour mandat de se pencher sur les incidents électoraux majeurs, dans le contexte de la Directive du Cabinet sur le Protocole public en cas d’incident électoral majeur. Le gouvernement a aussi mis en place le CPSNR et l'OSSNR.
    S'il était à ce point nécessaire, en 2015, de mettre ces outils en place, comment se fait-il que ce besoin n'ait pas existé avant? Pourquoi n'a-t-on pas créé ces institutions avant l'arrivée au pouvoir du présent gouvernement? Est-ce que le contexte avait changé?
    Le contexte avait changé et évolué, en effet. Comme je le disais tout à l'heure, ce n'est pas quelque chose de tout noir ou tout blanc. Ce n'est pas comme si l'ingérence étrangère était apparue soudainement, du jour au lendemain; elle existe depuis longtemps. La différence, c'est qu'on la pratique maintenant de façon plus systémique et plus stratégique, pour faire avancer ses intérêts. La Russie a fait de l'ingérence par l'entremise du cyberespace. La Chine, quant à elle, en a fait en exerçant des influences ou en utilisant des mandataires. L'ingérence étrangère a énormément évolué au cours des dernières années. C'est pour cette raison qu'il est important d'affûter les outils et de continuer à les affûter.
    Ces lacunes n'étaient donc pas évidentes avant 2015. C'est quelque chose qui a évolué. C'est la raison pour laquelle c'était devenu nécessaire en 2016.
    Comme je le disais tout à l'heure, par le passé, Affaires mondiales Canada n'aurait pas publié sur son site un avis public rappelant aux missions diplomatiques canadiennes qu'elles ne doivent pas s'ingérer dans les affaires du pays hôte. Auparavant, cela se faisait, de façon générale. L'avis publié par le Bureau du protocole en 2015 était très pointu. Le public canadien n'était pas sensibilisé à cela, alors nous avons été critiqués pour cela. Des gens se demandaient pourquoi le ministère faisait cela. Ils trouvaient que ce n'était pas poli envers les missions étrangères.
    Aurais-je raison de dire que l'ingérence étrangère n'est pas quelque chose de nouveau et que cela existe depuis longtemps?
    Ce n'est pas nouveau, en effet. Cela existe depuis longtemps. Par contre, les pratiques et les méthodes employées évoluent, assurément.
    Vous avez dit qu'il fallait s'adapter à cette situation, qui évolue. Je sais que vous êtes maintenant un simple citoyen et que vous n'avez plus accès aux documents et aux renseignements auxquels vous aviez accès dans votre fonction. Cependant, comme citoyen informé et expérimenté, pouvez-vous nous indiquer des pistes de solution que vous aimeriez que nous explorions pour adapter nos institutions aux réalités de l'avenir?
    Je pense que vous avez répondu à cette question, mais j'aimerais vous offrir une chance d'approfondir votre réponse.

  (1950)  

    Oui, absolument.
    Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, de toute évidence, il faut avoir une stratégie qui doit comprendre certains éléments. Je vais parler de certains d'entre eux. Le registre des agents étrangers en est un, mais ce n'est pas une panacée en soi. Il est très important pour moi de rappeler que l'ingérence étrangère est beaucoup plus vaste que la seule question électorale. En fait, il peut y avoir de l'ingérence dans des partis politiques entre les élections. Il ne faut pas juste se concentrer sur les élections. Il faut donc une stratégie et certains outils doivent être affûtés.
    Par exemple, depuis la Commission d'enquête sur l'affaire Air India, on ne s'est pas encore donné les outils législatifs nécessaires pour aller chercher et protéger des renseignements qui sont assez solides pour être utilisés comme éléments de preuve et ainsi s'assurer d'une défense juste devant des personnes contre lesquelles on veut déposer des accusations. Ce qu'on a présentement, c'est une béquille. Cela doit donc être revu.
    Comme M. Wernick en a parlé, on a beaucoup renforcé les agences de cybersécurité par l'entremise de la Loi de 2017 sur la sécurité nationale, mais il n'y a pas eu de révision en profondeur de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité depuis sa création en 1984. Pendant ce temps-là, on a connu une évolution numérique très importante. Il y a donc énormément d'outils qui doivent être revus.
    J'ai participé à la rédaction du rapport qui a été fait par l'Université d'Ottawa, l'année dernière...
    Je m'excuse, monsieur Jean, mais je dois vous interrompre.
    Il n'y a pas de problème.
    Merci beaucoup, monsieur Jean.
    C'est toujours mieux de s'arrêter rapidement après le bip indiquant que le temps de parole est écoulé. Ainsi, je n'ai pas besoin d'intervenir.
    Madame Normandin, vous avez la parole pour six minutes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    Merci de votre présence, monsieur Jean.
    Vous avez mentionné que l'ingérence étrangère, notamment chinoise, n'était jamais tout noir ou tout blanc et qu'elle s'inscrivait dans un continuum. Vous avez parlé des atteintes à la sécurité économique, par exemple.
    Lors de votre passage, de 2016 à 2018, est-ce qu'il y avait des cas de coercition à l'endroit de membres de la diaspora chinoise au Canada, à votre connaissance? Est-ce que cela faisait partie des problèmes que vous aviez déjà commencé à voir?
    C'était effectivement parmi les préoccupations que nous examinions, tant du côté de la diaspora chinoise que d'autres diasporas.
    C'était donc déjà un problème, et maintenant on parle de menaces à la sécurité de personnes qui sont possiblement des citoyens ayant la double nationalité canadienne et chinoise.
    À l'époque, en étiez-vous plutôt à analyser la situation ou aviez-vous déjà déterminé qu'il fallait commencer à prendre des mesures pour contrer cela? Où en étiez-vous, dans ce continuum?
    À ce moment-là, nous étions plutôt au début du continuum. Nous commencions à voir de plus en plus de gestes de ce genre. Je dois dire que, par le passé, il y avait déjà eu des problèmes concernant certains pays, comme l'Iran et d'autres qui n'ont pas nécessairement été rendus publics, et des mesures avaient été prises. De façon plus récente, lorsque nous en étions aux balbutiements, nous avons effectivement essayé de contrer cela, mais ce n'est pas facile.
    J'aimerais en savoir plus au sujet des recommandations que vous auriez pu faire au premier ministre sur les façons de contrer cela. Est-ce que vous aviez l'impression que c'était pris au sérieux? Est-ce que l'information que vous donniez et les recommandations que vous faisiez étaient bien reçues, ou est-ce qu'on était encore un peu naïf en ce qui concerne la Chine?
    Non, je pense qu'il n'y avait plus de naïveté à partir de 2015, environ. Il faut rappeler qu'en 2014, les Chinois ont fait une cyberattaque qui leur a été attribuée. L'information a été déclassifiée, c'est-à-dire que nous avons reconnu publiquement que, selon nos experts, cette cyberattaque était attribuable à la Chine. Alors, la naïveté à l'égard de la Chine avait déjà commencé à perdre pas mal de ses plumes, même si ce n'était peut-être pas exprimé publiquement. Vous remarquerez que la Chine n'était pas nommée dans les rapports au début, mais qu'elle a commencé à l'être au fil du temps. De plus en plus, il y avait des préoccupations.
    En ce qui concerne la sécurité économique, des mesures ont été prises. Il suffit de regarder les statistiques annuelles pour s'apercevoir qu'il y a effectivement eu beaucoup de progrès.
    À l'égard des questions électorales, des mesures ont été prises.
    Quant à la question de la diaspora, c'est probablement le plus grand défi. Cela dit, lorsqu'un Canadien est intimidé ou surveillé par un pays étranger sur son propre territoire, il n'y a pas de doute que la situation est inacceptable.

  (1955)  

    C'était donc une préoccupation déjà connue. Vous aviez vous-même cette préoccupation. De plus, des recommandations ont été faites à cet égard. Alors, pourquoi est-ce qu'en 2023, nous attendons encore la mise sur pied d'un registre des agents étrangers, par exemple? Cela a pourtant été demandé par l'entremise d'une motion adoptée par la Chambre en novembre 2020, il y a près de trois ans. En 2020, cela faisait déjà cinq ans qu'on avait commencé à prendre connaissance de cette forme de coercition envers la diaspora chinoise.
    Qu'est-ce qui explique que le gouvernement n'ait toujours pas fait le travail?
    Je ne suis plus en poste depuis 2018, alors je ne peux certainement pas commenter là-dessus. Tout ce que je peux vous dire, c'est ce que j'ai dit tantôt. Il est important de ne pas se focaliser uniquement sur le registre. Il faut vraiment déterminer quels sont les fossés et quelles sont les mesures à prendre, et c'est exactement ce que l'Australie a fait. Soyons clairs, ses problèmes étaient beaucoup plus sérieux que ceux du Canada, notamment en raison de sa proximité avec la Chine, qui constitue son plus gros marché et qui représente des investissements importants. En 2017, de façon interne, le gouvernement australien a regardé quels étaient ses plus gros défis. Il a ensuite obtenu l'engagement du public et a annoncé toute une série de mesures. Le registre était l'une de ces mesures, mais il y en avait d'autres.
     Dans votre allocution d'ouverture, vous avez mentionné que, jusqu'à une certaine époque, la question de l'ingérence ne retenait peut-être pas l'attention des médias. Toutefois, aujourd'hui on est ailleurs. Environ 72 % des Canadiens demandent une commission d'enquête publique.
    On a parlé du rôle du Comité des parlementaires sur la sécurité nationale et le renseignement. Cependant, on sait que ce comité a de la difficulté à obtenir certaines informations de la part du gouvernement. Son président, David McGuinty, l'a lui-même mentionné.
    Ces deux éléments ne justifient-ils pas le besoin de mettre sur pied une enquête publique et indépendante sur l'ingérence électorale? D'une part, cela permettrait de maintenir la confiance de la population envers nos institutions démocratiques. D'autre part, l'éventuel commissaire ou président de cette commission aurait davantage de pouvoirs quant à l'obtention de documents.
    Ne croyez-vous pas que nous en sommes rendus là?
    Il y a deux éléments à préciser.
    Tout d'abord, en ce qui concerne la question de la société et des médias qui, progressivement, deviennent de plus en plus sensibilisés, je veux être très clair. Par exemple, The New York Times, The Guardian et plein d'autres réseaux dans le monde ont parlé de ce qui se passait à l'Agence mondiale antidopage, à Montréal, alors que les médias canadiens n'avaient pas vu cela. Pour moi, c'était un signe que, à ce moment-là, le public n'était pas sensibilisé à cela. Ce n'est pas différent de ce qui est arrivé aux États‑Unis lors des élections. Parmi les agences de nouvelles étrangères, une journaliste du Washington Post expliquait à un moment donné que les journalistes avaient l'impression d'être tombés dans la jarre à bonbons. Toutes ces informations visant les élections leur étaient communiquées et ils écrivaient des articles à ce sujet, jusqu'au jour où ils ont commencé à se demander qui leur envoyait ces informations et si quelqu'un était en train de les manipuler. C'est d'ailleurs ce que l'enquête a démontré plus tard.
    En ce qui concerne le deuxième élément que vous avez soulevé, je ne veux pas me prononcer sur le forum qui sera choisi. La préoccupation que j'ai quant aux commissions d'enquête, c'est le temps que cela prend, alors qu'à mon avis, il est urgent de prendre les bonnes mesures.
    C'est très bien, merci beaucoup.
    Madame Blaney, la parole est à vous.

[Traduction]

     Merci, madame la présidente.
    Bien sûr, c'est toujours à la présidence que je m'adresse, et je tiens à remercier le témoin de sa présence aujourd'hui.
    Je suis très heureuse de vous voir, car j'espère que vous pourrez clarifier un point.
    J'ai posé une question sur la capacité du président des États-Unis de déclassifier des informations au besoin. S'il se révélait possible de fournir des renseignements classifiés pour tirer au clair une question importante pour le pays, il est permis de les déclassifier sans toutefois divulguer les sources ou les méthodes de collecte.
    Mme Telford a répondu à ma question en disant qu'elle s'interrogeait à ce sujet. Je paraphrase. Lorsque j'ai posé une question semblable à M. Wernick, il a dit que cela pouvait arriver. Dans votre témoignage, vous avez donné des exemples précis pour illustrer comment cela s'est fait.
    Pourriez-vous nous expliquer, sans donner les détails, comment cela se ferait, et peut-être nous dire un mot des règles que nous avons déjà au Canada? Y a‑t‑il quoi que ce soit que nous devrions changer ou explorer à ce sujet? À votre avis?
    Je ne voudrais pas que l'information soit déclassifiée, c'est évident, mais si elle était révélée, cela pourrait calmer les esprits et rassurer un peu les Canadiens. Parce que nous n'avons pas les bons outils... mais je ne comprends plus très bien. Avons-nous les bons outils, et pourriez-vous nous dire si nous avons quelque chose à y ajouter pour les renforcer?

  (2000)  

    Soyons clairs. Dans les postes que j'ai occupés, je n'ai jamais eu à travailler dans le domaine de la collecte ou de la garde de renseignements. J'ai toujours été un consommateur. Je ne suis pas nécessairement le plus grand expert en la matière. C'est une question qu'il vaudrait beaucoup mieux poser à David Vigneault ou à Caroline Xavier du Centre de la sécurité des télécommunications, ou CST.
    Cela dit, de façon générale, si nous jugeons qu'il est dans l'intérêt public de... Lorsque nous disons « déclassifier », cela ne veut pas dire que nous allons vous remettre le document. Cela signifie simplement que nous allons décider que nous allons rendre publique une partie de l'information classifiée, parce que nous pensons qu'il y va de l'intérêt public, comme nous l'avons fait en 2014 dans le contexte de l'attaque contre le Conseil national de recherches et dans le contexte de l'attribution dont j'ai parlé dans mes remarques.
    Notre système est bien différent. Ces décisions ne viennent habituellement pas du côté politique. Elles découlent habituellement de conversations où les fonctionnaires donnent des avis sur ce qui serait dans l'intérêt public et sur le pour et le contre. Ils ont leur propre processus pour cela.
    Comme je l'ai dit, cela a été fait. Ce n'est jamais « voici le renseignement; lisez‑le », mais dans ce renseignement, pour cet élément, nous rendons la chose publique, parce que nous voulons mettre le public au courant. C'est pourquoi nous prenons ces mesures.
    Prenons l'exemple de Skripal... En mars 2018, nous nous sommes joints à de nombreux autres pays pour attribuer le coup à la Russie. Nous avons produit le PNG de quatre Russes. Dans le communiqué, le premier ministre a expliqué que ces gens‑là avaient participé à des activités d'ingérence étrangère en sol canadien.
    Merci. Cela me donne une petite idée.
    J'ai entendu ce que vous avez dit tout à l'heure au sujet des inquiétudes que nous inspire une enquête publique. Personnellement, je pense qu'elle reste nécessaire, parce que nous en sommes au point où les Canadiens sont tellement préoccupés qu'il m'apparaît impossible de faire autrement. C'est dommage que nous en soyons arrivés là, mais voilà. Je pense qu'une enquête publique est importante.
    Cependant, M. Wernick nous a aussi dit très clairement que la législation est une autre composante. Cela pourrait être rendu public et partagé avec les Canadiens. Sa recommandation, bien sûr, était de copier-coller ce que le Royaume-Uni fournit.
    Avez-vous songé aux mesures que nous devons prendre chez nous, surtout dans le cas précis que nous avons aujourd'hui? Je sais que vous n'avez pas d'informations classifiées ou très importantes, parce que vous ne faites plus le même travail qu'avant. Dans cette perspective — puisque vous avez exercé ces rôles —, quel genre de législation, selon vous, serait-il important d'envisager? Pensez-vous que le Royaume-Uni est le meilleur endroit où commencer? Y a‑t‑il d'autres pays qui font des choses novatrices qu'il serait important de faire pour régler ce problème au Canada?
    Pour commencer, je dirais qu'il faut s'inspirer des travaux menés l'an dernier par le groupe de travail sur la sécurité nationale de l'ÉSAPI, l'École supérieure d'affaires publiques et internationales, et de la lettre de la Conférence des associations de la défense du Canada publiée hier.
    Les Canadiens doivent reconnaître que nous vivons dans un monde différent. Pour que ce monde demeure libre et sûr et que notre vie privée soit protégée, il faudra trouver moyen de donner de meilleurs outils à nos services du renseignement de sécurité et à d'autres organismes, comme Élections Canada, et tout cela.
    En fait, j'aime bien que nous adoptions des lois et que nous y mettions ce qu'il y a de meilleur dans tous les pays, et pas seulement dans un seul. Prenons le meilleur dans l'un et le meilleur dans les autres. Nous devrions en tout cas avoir un registre étranger. Dans la plupart des pays, la sécurité nationale fait l'objet d'un examen tous les trois ans. Nous n'avons pas revu la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité depuis 1984. Nous devrions en faire un examen périodique, qui ne devrait pas se limiter à une revue mécanique de la loi, mais déboucher sur de nouvelles mesures.
    Merci.
    Passons maintenant à M. Berthold.

[Français]

    Merci, madame la présidente.
    Bonsoir, monsieur Jean.
    Tantôt, vous avez ouvert une porte en disant qu'il ne fallait pas se préoccuper uniquement des périodes électorales, mais aussi de ce qui se passe entre ces périodes pour les partis politiques. J'aimerais vous donner l'occasion de préciser votre pensée.
    Avez-vous quelque chose de particulier à nous dire à ce sujet?
    La démocratie, c'est plus que les quelques semaines que dure une campagne électorale. En tant que personne qui croit fondamentalement à la démocratie, j'espère que la démocratie ne se joue pas seulement lors des périodes électorales. Dans ce contexte...

  (2005)  

    Avez-vous été mis au courant de choses que nous devrions savoir? Est-ce un avertissement que vous nous lancez?
    Je pense, par exemple, à l'intimidation de la diaspora. Des gens essaient de contacter des personnes sur le plan politique ou autre. Ce sont des..
    Cela peut aussi être lié à des questions de financement.
    Cela peut aussi être lié à des questions de financement, en effet.
    J'ai lu les témoignages de différentes personnes. Si je me souviens bien, M. Perrault, le directeur général des élections, et Mme Simard, du Bureau du commissaire aux élections fédérales, ont parlé du fait que, présentement, les mécanismes sont limités à l'élection.
    En tant que conseiller en matière de sécurité nationale, vous receviez des informations de toutes les agences du renseignement de sécurité. C'était donc vous qui colligiez l'information, et vous faisiez rapport au bureau du premier ministre. Est-ce exact?
    Selon notre modèle de gouvernance, le Bureau du Conseil privé est le conseiller du premier ministre. Dans ce rôle, j'utilisais l'information que je recevais pour donner des conseils dans ce domaine. J'avais également un rôle de coordination auprès de ces agences.
    D'accord.
     M. Wernick a dit de façon très claire et a dit que cela ne relevait pas de lui.
    Tout à fait.
    Il a dit que c'était vous qui faisiez cela.
    Est-il raisonnable de croire que, depuis votre départ, en 2018, le premier ministre n'a été breffé que six fois sur l'ingérence électorale étrangère?
    Je ne pense pas pouvoir faire de commentaires à ce sujet.
    On parle de six breffages officiels sur l'ingérence étrangère en trois ans par le conseiller à la sécurité nationale.
    Vous savez, l'important, ce n'est pas tant la fréquence que le fait de s'assurer qu'on transmet la bonne information. On a un temps limité pour breffer le premier ministre sur un certain nombre de sujets.
    Je comprends, mais il me semble que vous avez quand même une hésitation. Je l'ai entendue dans votre réponse. Six breffages, cela semble peu.
    Ce qu'il faut comprendre, c'est que s'il y a un breffage sur la Chine, par exemple, on va parler d'ingérence étrangère, mais le titre du breffage ne sera pas « L'ingérence chinoise ».
    D'accord. Qu'on en ait parlé que six fois, cela semble peu.
    Je ne ferai pas de commentaires là-dessus.
    Je vais vous poser une série de questions hypothétiques.
     Imaginons, par exemple, que le Service canadien du renseignement de sécurité ait préparé des documents faisant état de renseignements sur un diplomate qui agit pour le compte d'un pays étranger en appuyant un parti politique ou un candidat à une élection. Le conseiller à la sécurité nationale aurait-il transmis cette information au bureau du premier ministre?
    C'est une question très hypothétique.
    Comme mon ancien collègue M. Vigneault le disait toujours, quand il s'agit de renseignement, il faut d'abord vérifier l'information avant de la transmettre. Si on pense que l'information est fiable... Comme je le disais, je vous invite vraiment à lire le...
    Qu'en est-il, si elle est fiable?
    Si elle est fiable et qu'il est important que le premier ministre la reçoive, car cela permettrait de prendre des mesures, la réponse est oui. Toutefois...
    M. Wernick a aussi dit que ce n'était ni à lui ni au Bureau du Conseil privé de prendre des mesures. Il a dit que c'était le conseiller à la sécurité nationale qui a l'autorité d'agir. Est-ce exact?
    Le conseiller à la sécurité nationale ne prend pas de mesures; ce sont les agences qui le font. Le conseiller à la sécurité nationale va amener les agences à discuter ensemble et à décider s'il y a matière à agir, dans le champ de compétences.
    Le conseiller à la sécurité nationale juge s'il est important d'informer le premier ministre, pour qu'il soit au moins au courant de la situation, mais ce n'est pas le conseiller à la sécurité nationale qui prend des mesures.
    Je suis un peu surpris, parce que M. Wernick a dit quelque chose d'un peu différent tout à l'heure. Il a dit que l'information partait aussi du haut vers le bas, par l'entremise du conseiller à la sécurité nationale.
    Pour ce qui est de l'information, c'est absolument le cas. Cependant, vous avez parlé de mesures, ce qui est différent.
    La question que nous avons posée à M. Wernick portait sur les mesures qui doivent être prises.
    Mettons cela au clair. Pour ce qui est de transmettre de l'information au premier ministre, lorsqu'elle est crédible et fiable et que le premier ministre devrait la connaître, c'est assurément le rôle du conseiller à la sécurité nationale. C'est différent lorsqu'on parle de prendre des mesures.
    J'ai une dernière question hypothétique, monsieur Jean.
    Si on apprend quelque chose sur un État étranger par l'entremise d'un agent qui décide de rendre publique son insatisfaction parce que cela ne va pas assez vite, comme on l'a vu lors d'une opération, comment le conseiller à la sécurité nationale va-t-il réagir à une telle publication?

  (2010)  

     J'ai lu la lettre que ce monsieur a écrite au Globe and Mail. D'ailleurs, en lisant sa lettre, on s'aperçoit qu'il se dit lui-même déçu de ce qui se passe, parce que ce n'est pas ce qu'il voulait.
    Je ne peux pas appuyer ce genre de démarche. Lorsqu'il y a des discussions sur le renseignement à l'interne, même si on occupe un poste de responsable, on accepte d'être contesté. Il y a des moyens d'avoir ces discussions.
    Une chose me fait très peur en ce qui concerne nos besoins pour peaufiner nos mesures. Lorsqu'on va aller au fond de l'affaire, si on s'aperçoit, comme beaucoup de gens l'ont dit jusqu'à maintenant, qu'il n'y avait pas vraiment matière à prendre des mesures, cela va-t-il ternir la réputation du Service canadien du renseignement de sécurité ou de l'agence d'où provient la fuite — en effet, on ne sait pas d'où elle vient — ou celle de la communauté de la sécurité et du renseignement en général? Cela va-t-il rendre encore plus difficile l'accès aux outils dont ils ont besoin?
    Il faut se rappeler la manière dont a été créé le Service canadien du renseignement de sécurité, en 1984, et tout ce qui est venu avec cela. Cela a créé des contraintes.
    Je pourrai en parler davantage plus tard.
    Merci beaucoup.
    C'est la deuxième fois que M. Berthold dépasse le temps qui lui est alloué. Le prochain intervenant des conservateurs ne pourra pas avoir tout son temps de parole prévu.
    Madame Sahota, vous avez la parole.

[Traduction]

     Merci, madame la présidente.
    Monsieur Jean, vous nous avez dit plus tôt aujourd'hui que l'ingérence étrangère ne s'arrête pas aux élections, mais qu'elle se produit entre les élections et touche beaucoup de personnes. De nombreux aspects de notre société, comme nos entreprises, nos organismes de bienfaisance, nos établissements d'enseignement postsecondaire, nos établissements de recherche, les députés et les diasporas, en particulier, sont souvent la cible d'ingérence étrangère. Souvent, ceux qui ont échappé à un régime peuvent se retrouver ciblés ici, au Canada. La menace est donc omniprésente.
    Vous avez mentionné des pays comme la Chine et la Russie dont nous devrions être au courant. Y a‑t‑il d'autres pays, d'autres États, dont nous pourrions être conscients? Avez-vous des conseils à donner aux diasporas et au sujet des différents aspects qui sont touchés?
    Les pays que le SCRS a nommés publiquement sont ces deux pays. Même s'il reconnaît qu'il y en a d'autres, je vais m'en tenir à ce que le SCRC a dit publiquement.
    Je pense qu'il est très important que, lorsque les membres de la diaspora... Comme vous pouvez le constater, cela semble se produire dans d'autres pays aussi, si vous avez lu ce qui s'est passé à New York cette semaine. Je pense qu'il est très important que les membres de la diaspora se sentent menacés ou intimidés par des agents étrangers puissent s'adresser en toute confiance à nos services de sécurité nationale.
    Devrions-nous créer un mécanisme — est‑ce ce que vous conseillez? — où ils pourraient venir et, en privé, en toute confidentialité, partager leurs informations? Devrait‑il y avoir un mécanisme quelconque?
    En principe, à l'heure actuelle, ils peuvent le faire, et certains le font. J'ai eu des conversations avec certaines diasporas qui disent le faire. Certaines d'entre elles estiment que ce n'est pas toujours pris assez au sérieux. Le défi est toujours, je le répète, que les informations dont on dispose ne sont peut-être pas toujours assez solides, suffisantes, pour appuyer une action? C'est là qu'il faut peaufiner certains de nos outils législatifs.
    Vous avez également mentionné dans vos réponses aux questions d'aujourd'hui que la mésinformation peut être coordonnée, car elle est par ailleurs appliquée à des reportages des médias selon lesquels des éléments de renseignement peuvent être mal interprétés ou il peut y avoir une campagne de mésinformation coordonnée active. Pouvez-vous nous parler des façons dont la mésinformation peut être mélangée ou poussée pour déformer les faits qui sous-tendent le discours du jour?
    Le cas de l'Agence mondiale antidopage, l'AMA, est un bon exemple en raison du registre des exemptions médicales de cette agence. Les athlètes qui bénéficient d'une exemption médicale pour prendre un certain médicament... Donnons un exemple, parce que c'est public. Simone Biles, la gymnaste qui a remporté tant de médailles d'or, a reçu un diagnostic de trouble déficitaire de l'attention dans son enfance, et elle prend des médicaments pour cela. Parce que c'est justifié, elle a une exemption.
    Les Russes ont divulgué cette information. Ils ont dévoilé de l'information sur d'autres athlètes, y compris des athlètes canadiens comme Christine Sinclair. Leur discours est devenu: « Si vous êtes un gymnaste, prendre ce genre de médicament peut vraiment accroître votre concentration. » C'est une campagne de désinformation. Cela ressemble beaucoup à la tactique qu'ils ont utilisée pour illustrer les conflits entre les camps Bernie Sanders et Clinton aux États-Unis.

  (2015)  

     Merci.
    Y a‑t‑il autre chose que le Comité devrait connaître, selon vous? De nombreux experts sont venus nous dire que, parce que la question des informations classifiées est tellement délicate à traiter sur la place publique, dans une enquête publique — même si le public en ressent peut-être le besoin et que les politiciens exercent des pressions pour qu'il y en ait une — ne donnerait peut-être pas les réponses que le public voudrait.
    Selon vous, outre la législation et le registre, que devrions-nous explorer d'autre? Y a‑t‑il autre chose que nous devrions examiner?
    Il faut faire de la sensibilisation. Il faut certains des outils que j'ai décrits tout à l'heure, mais les utiliser pour la sensibilisation. Je donne beaucoup de conférences dans les universités et sur la sécurité nationale, et je dis toujours que les joyaux de la Couronne étaient jadis au gouvernement, de sorte que nos organismes de sécurité essayaient tous de les protéger. De nos jours, les cibles sont à l'extérieur du gouvernement, et les organismes de sécurité nationale doivent donc s'y adapter.
    Merci.
    Madame Gaudreau.

[Français]

     Merci, madame la présidente.
    Bonjour, monsieur Jean.
     J'aimerais connaître votre avis sur ce que l'ancien directeur général d'Élections Canada, M. Jean-Pierre Kingsley, a déclaré à Radio‑Canada en réaction aux différentes fuites sur l'ingérence. Je le cite:
Les Canadiens doivent tout savoir de ce qui s’est passé. Tant qu’il n’y a pas d'enquête publique, on va procéder au compte goutte et des gens vont payer des prix énormes.
     J'aimerais connaître votre avis sur ces propos. Est-ce la seule façon de réellement nous en sortir?
    Je pense que les Canadiens ont besoin d'être rassurés.
    Les allégations d'ingérence étrangère étaient-elles vraiment fondées et auraient-elles dû atteindre le seuil établi? Beaucoup de gens nous ont dit que cela n'avait pas été le cas. Vous vous demandez sans doute si le seuil est trop élevé. Le seuil est élevé pour des raisons valables.
    Toutefois, les Canadiens ont le droit de savoir s'il aurait dû ou non y avoir une intervention, compte tenu des informations disponibles. C'est ce que j'appellerais des mesures à très court terme. Ce qui m'intéresse, c'est que notre coffre à outils permettant de prendre ces mesures n'est pas à jour.
    En général, une commission d'enquête demande quelques années. Cela demande même parfois quelques décennies, comme dans le cas de l'affaire d'Air India. C'est ce qui me tracasse au sujet des commissions d'enquête.
    Je pense qu'il existe d'autres moyens crédibles de faire la lumière sur des événements. Je comprends que les gens veulent des moyens crédibles et veulent savoir que les bonnes mesures ont été prises, mais n'avons-nous pas un moyen de trouver plus rapidement des solutions? Déjà, le processus législatif n'est pas rapide.
    Nous avons parlé de mesures parallèles. Maintenant, que pouvons-nous prendre comme mesures simultanées?
    Vous avez dit tantôt qu'une commission d'enquête était un long processus. Or, le 15 mars, on a nommé un rapporteur spécial, qui produira son rapport le 23 mai. On a bien dit au Comité que le rapporteur pourrait proposer une commission d'enquête publique. Si ces mesures sont prises en parallèle, que le processus législatif peut prendre jusqu'à 18 mois et que des conseils nous ont déjà été fournis, j'ose espérer que les bons coups se poursuivront.
    Bref, quelle est la solution gagnante?
    Pour ma part, j'établirais une stratégie qui comporterait seulement des mesures administratives, telles que breffer les partis politiques et sensibiliser davantage les communautés à la question de l'ingérence. Aucun processus législatif n'est nécessaire lorsqu'on prend de telles mesures. Commençons par celles-ci.
    Ensuite, déterminons les outils législatifs dont nous avons besoin. Nous en avons abordé plusieurs aujourd'hui. La plupart de ces éléments figurent dans des rapports existants.
    Une commission d'enquête contribuerait minimalement à rassurer les gens, parce qu'elle serait tenue au grand jour. Est-ce exact?
    Comme je l'ai dit plus tôt, je préfère ne pas m'immiscer dans ce débat.
    Je vous remercie.

[Traduction]

    Madame Blaney, vous avez la parole.

  (2020)  

     Merci, madame la présidente.
    Disons juste que je suis d'accord pour dire que 1984, c'était il y a longtemps, et que les changements que nous observons sur la planète nous obligent vraiment à mettre à jour notre loi.
     Je veux revenir au fait que l'ingérence étrangère a une énorme incidence sur les personnes des origines ethniques concernées qui sont déjà au pays depuis des générations. Je sais que le Canada a une très longue histoire de Canadiens d'origine chinoise qui sont là depuis fort longtemps, qui expriment leurs préoccupations et qui militent vraiment à tous les niveaux pour attirer l'attention du Canada sur leurs préoccupations. Je suis très préoccupée par le fait que bon nombre de ces collectivités sont confrontées à une discrimination très profonde.
    Pourriez-vous nous parler de cette réalité et du travail que vous avez fait. Quelle place avez-vous faite à ce facteur pour assurer la sécurité au Canada dans le contexte de nos interventions à l'extérieur de notre pays?
     Tout d'abord, je dois vous dire que la question me tient à cœur au plus haut point, parce que mes trois enfants ont des partenaires asiatiques, notamment d'origine chinoise dans un cas. J'ai une toute nouvelle petite-fille qui est à moitié chinoise et à moitié caucasienne.
    Je pense que les agences ont fait un bon effort pour essayer de rejoindre les collectivités. Le ministère de la Sécurité publique a des contacts avec ces groupes, le comité consultatif de la transparence, le sous-ministre de la Sécurité publique. Il se fait beaucoup de sensibilisation auprès de ces collectivités pour essayer de créer une relation de confiance afin qu'elles se sentent à l'aise de s'adresser aux organismes. C'est très important de le signaler.
    Le SCRS et d'autres organisations prennent parfois des mesures, dont nous ne pouvons pas parler dans un forum comme celui‑ci, afin d'essayer de perturber des initiatives comme l'intimidation de la diaspora. Pour moi, c'est très important. Avec les changements dynamiques constants au Canada, ce l'est encore plus.
     Merci.
    Je vous rends les cinq secondes qu'il me reste.
    Merci beaucoup, madame Blaney.
    Monsieur Jean, pouvez-vous faire semblant que j'ai un coupon et me donner cinq minutes de plus de votre temps ce soir?
    Bien sûr.
    Excellent. Je n'aurai donc pas à empiéter sur le temps de M. Calkins.
    Nous allons vous accorder cinq minutes, puis cinq minutes à M. Turnbull.
    Comme M. Fergus le sait, la seule chose que cela m'empêche de faire, c'est de savoir si notre équipe locale, actuellement classée au premier rang au Canada, les Olympiques de Gatineau, va bien, mais...
    Des députés: Ha, ha!
    Merci, madame la présidente.
    Loin de moi l'idée de m'ingérer dans les opérations de la Ligue de hockey junior majeur du Québec, mais j'ai une question à vous poser, monsieur Jean. Je sais que vous ne pouvez pas parler des détails de la note de service de juin 2017, et je suis certain que vous savez de quelle note de service je parle, mais pouvez-vous aider le Comité à comprendre à quelle fréquence le chef de cabinet du premier ministre vous demandait personnellement de préparer une note de service pour le premier ministre?
     Tout d'abord, pendant mon mandat de conseiller à la sécurité nationale et au renseignement, le personnel du Cabinet du premier ministre, y compris les cadres supérieurs, assistait à des séances hebdomadaires avec le chef du Secrétariat de l'évaluation du renseignement.
    Lorsqu'ils voyaient des choses susceptibles de présenter de l'intérêt, ils exprimaient certainement le désir d'avoir plus d'information. Cela pouvait se produire sous forme d'échanges, ou dans le contexte d'un breffage que je donnais, mettons, sur la Chine. Je disais: « Nous voyons de plus en plus de problèmes d'ingérence étrangère. Serait‑il possible d'obtenir plus d'information à ce sujet? Mais au bout du compte, c'est moi qui décidais quels renseignements et quels conseils j'allais donner au premier ministre. »
    Dans ce cas, ce que vous êtes en train de dire au Comité, c'est que vous transmettiez l'information au Cabinet du premier ministre, et que les seules fois où l'on vous demandait de l'information, c'était pour donner suite à celle que vous aviez transmise aux échelons supérieurs.
    Non, ce n'est pas ce que j'ai dit.
    Comme je l'ai dit, dans le cadre de la séance d'information quotidienne, de la séance d'information générale, on disait parfois: « C'est très intéressant, serait‑il possible...? »
    D'accord. Donc, mis à part le breffage quotidien sur le renseignement, on ne demandait pas de suivi. Il n'y a pas eu de demandes spéciales autres que ce genre de scénario. Est‑ce exact?

  (2025)  

    Je suis certain qu'il y a plusieurs dossiers, et pas seulement celui‑ci, où nous avions une conversation et où on disait: « Nous pensons qu'il est important d'informer le premier ministre », ce à quoi nous répondions: « Oui, bien sûr. »
     Pouvez-vous nous dire à quelle fréquence un cadre supérieur du Cabinet du premier ministre vous demandait d'informer le premier ministre au sujet de l'ingérence étrangère?
    Informer le premier ministre en privé...?
    Informer le premier ministre sur l'ingérence étrangère.
    Je ne me souviens pas. Je ne sais pas.
    L'ingérence étrangère était-elle un sujet de discussion fréquent lors de votre séance d'information sur la sécurité nationale, ou était‑ce un sujet peu fréquent? Quelle était la fréquence du sujet?
    La sécurité nationale est une grosse affaire...
     Je comprends.
    Il y a beaucoup de choses en jeu. Alors, il n'était pas rare que l'ingérence étrangère revienne dans la conversation, mais les séances d'information comme telles sur l'ingérence étrangère étaient beaucoup moins nombreuses.
    D'accord, mais y en a‑t‑il eu?
    Il y en a eu.
    Au printemps 2017, l'amie proche de Mme Telford, Mme Ng, a été élue au Parlement en remplacement de l'ancien député, John McCallum, devenu ambassadeur en Chine.
    Dans votre rôle de conseiller à la sécurité nationale, y a‑t‑il eu quoi que ce soit au sujet de cette élection partielle, dont vous vous souveniez, qui a suscité des préoccupations relativement à l'ingérence étrangère, parce qu'il y a des discussions dans les médias à propos de la participation de Michael Chan, qui présidait de la campagne de Mary Ng lors de cette élection partielle?
     Il ne conviendrait pas que je parle de cela d'une façon ou d'une autre, même si c'était le cas.
    Vous ne pouvez même pas nous dire s'il y a eu une conversation. Je ne demande pas de détails intimes, mais y avait‑il des préoccupations, parce que nous avons de l'information...
    Non, parce que vous entrez dans les détails, et je ne pense pas qu'il conviendrait que j'en parle dans une tribune ouverte.
    Dans votre déclaration d'ouverture, vous avez dit qu'il y avait eu des plaintes au sujet de l'avertissement donné en 2015 aux ambassades de ne pas s'ingérer dans les élections fédérales de cette année‑là. Était‑ce un gouvernement étranger ou s'agissait‑il plutôt d'une considération nationale? Vous rappelez-vous qui s'est plaint?
    J'ai pris cet exemple pour montrer comment la société a évolué.
    Lorsque nous avons envoyé cet avis en 2015, nous avons eu droit à quelques critiques. On les a trouvées dans les médias, et elles provenaient principalement d'anciens diplomates à la retraite qui estimaient qu'il était inconvenant de mettre directement en garde les missions étrangères.
    Dans votre témoignage d'aujourd'hui, vous avez parlé de l'importance pour les agents étrangers ou les États étrangers de pouvoir surveiller leur diaspora au Canada ou de mener des opérations d'intimidation à son encontre. Je suppose que cela vaut aussi pour la diaspora sinocanadienne. C'est bien cela?
    Cela vaut pour la Chine. Une diaspora ne devrait pas faire l'objet d'une surveillance ou d'une intimidation indue de la part d'un État étranger.
    Est‑il vrai que la loi en Chine interdit à tout jamais l'extradition d'un ressortissant?
    Je ne sais pas trop.
    Est‑ce qu'il me reste du temps, madame la présidente, ou non? C'était sur le point de devenir intéressant, madame la présidente.
    Allez‑y, monsieur Turnbull.
    Merci, madame la présidente.
    Monsieur Jean, merci d'être ici. Je vous remercie de votre témoignage.
    Vous avez mentionné à plusieurs reprises, en réponse à diverses questions au sujet de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité, que le SCRS est né en 1984. Je sais que notre gouvernement a ajouté des mesures de réduction de la menace dans le projet de loi C‑59, qui a été déposé à la Chambre en 2017. Je sais que ces mesures sont assujetties à une autorisation légale, si bien qu'il y a eu un certain renforcement des pouvoirs du Service canadien du renseignement de sécurité et du Centre de la sécurité des télécommunications, si je ne m'abuse, en ce qui concerne les mesures de réduction de la menace.
    Compte tenu de vos connaissances approfondies dans ce domaine et de la révision de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité — une révision que vous semblez juger nécessaire et sur laquelle je suis d'accord avec vous —, quels changements particuliers faudrait‑il apporter à la Loi sur le SCRS, à votre avis?
    La Loi sur le SCRS a été rédigée dans un monde non numérique. Très souvent, la Cour fédérale dit au SCRS: « Nous comprenons que vous voulez faire cela parce que c'est ainsi que les choses se font de nos jours, mais nous ne croyons pas que votre loi, dans la formulation actuelle, vous y autorise. » Les manchettes des médias diront: « La Cour fédérale blâme le SCRS. »
    Je pense qu'il est temps de vraiment la réviser pour la mettre à jour.
    Vous avez raison de dire que, lors de la dernière affaire de sécurité nationale, il y avait déjà la réduction de la menace qui codifiait ce qui nécessite un mandat et ce qui n'en exige pas. Il y a eu quelques raffinements mineurs. Les principales améliorations étaient d'ordre cybernétique.

  (2030)  

    Y a‑t‑il des menaces cybernétiques particulières ou des stratégies, des pouvoirs ou des outils qui sont indispensables pour que le SCRS puisse agir? Pouvez-vous m'en indiquer de vraiment particuliers?
    Je cherche, parce que j'aimerais savoir ce que vous recommanderiez.
    Nous devons absolument travailler sur certains des principaux outils d'accès numérique et fournir de meilleurs outils qui, en même temps, respectent nos valeurs et la vie privée. J'encourage les agences gouvernementales, les groupes de défense des libertés civiles et les groupes de protection de la vie privée à collaborer à cet égard.
    J'ai déjà parlé du renseignement et de la preuve. La question est importante. Nous aimons beaucoup la Cour pénale internationale, mais nous n'aurions pas les outils nécessaires pour poursuivre quelqu'un au Canada. C'est un autre exemple.
    Nous avons parlé du registre des étrangers. M. Perrault a dressé une liste de demandes concernant le site des élections. À mon avis, il y a beaucoup d'information dans divers rapports. Reste tout simplement à dégager la bonne stratégie.
    Merci.
    Vous avez également dit que la sensibilisation du public est essentielle, et je sais qu'elle est l'un des piliers de la stratégie à quatre piliers. L'Initiative de citoyenneté numérique et Pensez cybersécurité ont peut-être contribué à mieux sensibiliser le public. Vous avez aussi mentionné que les joyaux de la Couronne ne sont plus au gouvernement. Ils sont dans la société, si bien que les organismes doivent s'adapter.
     Y a‑t‑il des stratégies précises de sensibilisation du public qui doivent être élargies également?
     Vous m'avez donné l'occasion d'en dire plus à ce sujet. Ce que je dis habituellement, c'est que les joyaux de la Couronne sont désormais la propriété intellectuelle du côté de la sécurité économique. Les joyaux de la Couronne, ce sont les données, qui sont devenues un véritable actif. La souveraineté des données est un enjeu clé dans de nombreux pays. Nous n'avons pas commencé à nous concentrer là‑dessus autant que nous aurions dû au Canada. Les joyaux de la Couronne sont la menace de manipuler l'information ou les élections, et la menace de manipuler la recherche dans les universités.
    Si, soudain, la menace qui pesait principalement sur vos joyaux de la Couronne gouvernementaux se reporte sur tous ces autres joyaux hors Couronne, les services du renseignement de sécurité devront réoutiller leur approche. Ils devront être en mesure de « sensibiliser », ce qui signifie que certains de leurs renseignements devront être déclassifiés, non pas au point de tout dévoiler, mais juste assez pour qu'on sache quelle est la menace.
    Y a‑t‑il une approche plus collaborative avec les intervenants externes également? C'est ce que vous sembliez dire dans certaines de vos remarques précédentes. Pourriez-vous nous en parler un peu?
    Bien sûr. Prenez, par exemple, la stratégie cybernétique et les mesures mises en œuvre. Nous avons travaillé en étroite collaboration avec le gouverneur de la Banque du Canada et les grandes banques du Canada, parce qu'il fallait absolument protéger nos secteurs financiers. Aujourd'hui, on constate que bon nombre des cyberattaques nous arrivent par la chaîne d'approvisionnement, comme celle qui a frappé BRP au Québec cet été.
    Il faut avoir de bonnes mesures en place et il faut travailler avec elles.
    Merci beaucoup.
    Merci beaucoup.
    J'invoque le Règlement, madame la présidente. J'aimerais simplement informer le témoin.

[Français]

     En ce moment, Gatineau mène 5 à 2 contre Rouyn‑Noranda.
    Nous vous écoutons, monsieur Fergus.
    Je voulais faire exactement le même rappel au Règlement, madame la présidente.
    C'est la deuxième période.

[Traduction]

    Je ne veux pas refroidir votre optimisme, mais sachez, pour votre information, ce ne serait pas un rappel au Règlement.
    Des voix: Ha, ha!
    Savez-vous pourquoi Gatineau n'a pas d'équipe dans la LNH? C'est parce que Montréal en voudrait une aussi.
    Des voix: Ha, ha!
    Monsieur Jean, on vous rappellera peut-être pour une autre raison la prochaine fois, semble‑t‑il.
    Au nom des membres du comité de la procédure et des affaires de la Chambre, je tiens à vous remercier de votre disponibilité, surtout que nous nous réunissons en soirée. J'estime que vos commentaires ont été très éclairants, du moins pour moi.
    Je tiens également à féliciter les députés pour les échanges et pour le niveau des questions qui ont été soulevées. Cela en dit long sur la gravité de la situation.
    Monsieur Jean, si vous pensez à autre chose dont vous aimeriez faire part au Comité, veuillez l'envoyer à la greffière. Nous le distribuerons aux membres du Comité.
    Sur ce, nous vous souhaitons la meilleure des chances. Je vous félicite d'être redevenu grand-père. Votre petite est bien chanceuse.
    Portez-vous bien et soyez prudent. La séance est levée.
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