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PROC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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Emblème de la Chambre des communes

Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre


NUMÉRO 070 
l
1re SESSION 
l
44e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 9 mai 2023

[Enregistrement électronique]

  (1110)  

[Traduction]

    Le Comité se réunit aujourd'hui pour poursuivre son étude sur l'ingérence étrangère dans les élections.
    Avant tout, je vous rappelle que vous devez toujours vous adresser à la présidence.
    La greffière et moi-même tiendrons une liste consolidée d'intervenants qui souhaitent s'adresser au Comité.
    Nous accueillons aujourd'hui les représentantes de l'Alliance Canada Hong Kong: la directrice exécutive Cherie Wong, et la conseillère Ai‑Men Lau, qui témoigne par vidéoconférence.
    Je crois savoir que vous prononcerez une déclaration liminaire commune.
    Nous allons commencer par Mme Lau, qui cédera automatiquement la parole à Mme Wong.
    Je vous souhaite la bienvenue au Comité, madame Lau.
     Je vous remercie, madame la présidente.
     Bonjour. Je m'appelle Ai‑Men Lau. Je suis conseillère à l'Alliance Canada Hong Kong et analyste de recherche auprès de l'organisation de la société civile taïwanaise Doublethink Lab, qui étudie les opérations d'influence du Parti communiste chinois, ou PCC, et les campagnes de désinformation.
    Je suis la directrice exécutive de l'Alliance Canada Hong Kong.
    L'appareil de l'État-parti chinois est l'une des entités d'ingérence étrangère les plus avancées. Pékin s'immisce activement dans les systèmes politiques démocratiques libéraux afin d'infléchir les environnements sociaux au moyen de politiques et de discours favorables à la capitale chinoise. L'ingérence du Département du travail du Front uni, ou DTFU, est fondée sur l'interrelation entre la politique, l'économie, la culture, la technologie, le milieu universitaire, le gouvernement et la collectivité, ce que la plupart des pays occidentaux ne saisissent pas.
    L'influence étrangère s'étend à l'ensemble des paliers de gouvernement et des allégeances politiques. Elle cible de nombreux politiciens, fonctionnaires, membres du personnel politique, anciens fonctionnaires et diplomates.
    Ceux qui ne font pas partie de la diaspora et qui n'ont pas de perspective culturelle ont du mal à déceler l'ingérence étrangère, surtout lorsque des moyens secrets et clandestins sont employés. Sans connaissances ni lignes directrices adéquates, bien des gens s'engagent sur un terrain glissant et se rendent vulnérables.
    Au sein de la communauté, Pékin a recours à une combinaison de mesures incitatives, d'intimidation, de fausses informations et de pressions sociales. Le Front uni fait également passer ses activités pour des initiatives qui servent les intérêts de la communauté chinoise. Le Front uni mobilise les communautés chinoises pour qu'elles soutiennent les candidats qui correspondent aux intérêts de Pékin, mais en plus, il sabote les candidats par la publication de renseignements inexacts sur les médias sociaux.
    Même si les contributions financières sont réglementées, la mobilisation des bénévoles, les investissements des entreprises et des communautés, de même que les activités de sensibilisation sont des contributions qui ne peuvent et ne doivent pas être encadrées.
    Le Front uni présente également à tort les communautés de la diaspora chinoise comme un seul bloc pour discréditer les voix dissidentes. Après des années de désinformation populaire planifiée, la diaspora peut difficilement se mobiliser sans l’ingérence de Pékin. Même s'ils ont peur d'exprimer leurs craintes publiquement, de nombreux membres de la communauté se méfient des élus en raison des relations étroites qu'ils semblent entretenir avec les représentants de la République populaire de Chine, ou RPC, les organisations favorables à Pékin et leurs mandataires.
    Nous avons soumis un rapport à l'examen du Comité. Ce document récent donne un aperçu de l'influence de Pékin sur les processus électoraux et démocratiques du Canada.
     Le Canada a besoin d'une solution holistique dans l'ensemble de la société pour contrer durablement l'influence étrangère tout en renforçant les institutions démocratiques canadiennes. Il est essentiel de créer du matériel et des campagnes de sensibilisation sur les enjeux d'ingérence étrangère et d'investir dans des activités de mobilisation citoyenne adaptées à la culture et à la langue des communautés vulnérables et potentiellement ciblées.
     À plus grande échelle, nous devons fournir aux Canadiens les outils et les connaissances nécessaires pour qu'ils participent à ces activités de façon à déceler l'influence étrangère et les faussetés. Grâce à la résilience accrue de la communauté au moyen de l'éducation sur le monde numérique et les médias, les Canadiens pourront prendre des décisions éclairées, tant devant un bulletin de vote qu'en consommant de l'information en ligne.
    La transparence et la clarté sont essentielles. L'Alliance Canada Hong Kong, ou ACHK, est favorable à un régime de transparence des influences étrangères faisant abstraction du pays d'origine. Il doit garantir que les commettants étrangers et leurs mandataires enregistrent leurs activités, y compris les agents politiques, les universitaires et ceux qui évoluent dans les secteurs de la société civile, des affaires, de l'investissement et des médias. Le régime de transparence doit être assorti de pouvoirs d'enquête et d'exécution, de sorte que les infractions soient punies. Le régime doit également être accompagné d'un mécanisme de recours équitable et transparent.
    Même si nous n'avons pas encore pris connaissance de son mandat, le bureau national de lutte contre l'ingérence étrangère proposé par le gouvernement devrait coordonner la diffusion de l'information. Nous demandons instamment à la nouvelle entité de créer des documents sur les autorisations de sécurité entourant les questions d'ingérence étrangère afin de sensibiliser la population canadienne, et de formuler des conseils sectoriels pour les institutions canadiennes.
    Je vous remercie de nous avoir accueillis. Nous répondrons à vos questions avec plaisir.

  (1115)  

    Je vous remercie toutes les deux de vous joindre au Comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
    Nous allons maintenant amorcer la première série de questions. Notre premier intervenant est M. Nater, qui sera suivi de M. Fergus.

[Français]

ainsi que de Mme Gaudreau et de Mme Blaney.

[Traduction]

    La parole est à vous, monsieur Nater.
    Je vous remercie, madame la présidente.
    Par votre entremise, madame la présidente, je remercie nos témoins de se joindre à nous en personne et virtuellement depuis Taïwan, où il doit être très tôt en ce moment. Je vous remercie donc de vous être couchée tard ou levée tôt pour discuter avec nous aujourd'hui.
    J'aimerais d'abord m'adresser à Mme Wong.
    Vous avez parlé dans votre déclaration liminaire de la désinformation populaire planifiée. C'est un concept que quelques témoins ont abordé dans le cadre de notre étude. Pourriez-vous expliquer au Comité ce que vous entendez par là?
    Pékin cherche à utiliser ce qui semble être des organismes communautaires pour mettre en œuvre le programme de l'État ou du parti. Il tente donc de prendre le contrôle d'organismes communautaires en place ou de créer des organismes fictifs qui se font passer pour un organisme communautaire local.
    Vous réclamez avec beaucoup d'insistance la création d'un registre visant la transparence en matière d'influence étrangère. En quoi un tel outil aiderait‑il à prévenir la culture de désinformation populaire planifiée ou le recours à des méthodes semblables au sein des communautés ici, au Canada?
    Je crois que ma collègue, Mme Lau, pourra en parler un peu.
    Permettez-moi d'apporter une précision sur la première partie.
    Tout d'abord, il n'y a pas vraiment de moyen infaillible d'enrayer complètement l'ingérence étrangère, mais nous pouvons essayer d'en réduire au minimum les répercussions. Selon moi, un régime de transparence en matière d’influence étrangère permet aux Canadiens de comprendre le fonctionnement de ces opérations, leur modus operandi et leur incidence possible sur la société canadienne. Un tel régime protégerait nos institutions démocratiques.
    Je pense qu'il faudrait plutôt se demander comment mieux informer les Canadiens sur la présence de désinformation populaire planifiée et sur la forme qu'elle prend, parce que le concept semble être mal compris. Cette solution pourrait aussi être une sorte de mécanisme de dissuasion.
    Madame la présidente...?
    Monsieur Nater, nous allons faire une pause, car vous nous avez mentionné que les gens qui regardent la diffusion publique n'entendent peut-être pas de son. Faisons une courte pause pour corriger la situation, si cela vous convient.

  (1115)  


  (1140)  

    Reprenons. Je crois savoir que les problèmes ont été réglés. Je m'en excuse, et j'espère que les gens qui nous écoutent en ligne peuvent maintenant nous entendre clairement.
    Afin de nous assurer de surmonter l'écueil de façon constructive, monsieur Nater, nous allons reprendre du début les six minutes qui vous sont allouées, puis nous poursuivrons avec M. Fergus.

  (1145)  

    Je vous remercie, madame la présidente. Je remercie également nos témoins par votre entremise.
    Je vais combiner mes deux premières questions en une seule.
    Vous l'avez déjà entendue. Elle portait sur le concept de désinformation populaire planifiée et visait à savoir ce qu'il représente dans le contexte où nous en avons déjà entendu parler. De plus, comment un registre visant la transparence en matière d'influence étrangère pourrait‑il être employé pour contrer ces efforts?
    Je vais d'abord écouter la réponse de Mme Wong, qui est dans la salle, après quoi ce sera au tour de Mme Lau, qui est en ligne.
    La désinformation populaire planifiée désigne les initiatives prises par Pékin pour donner l'impression qu'il s'agit d'un organisme communautaire ethnique. Les responsables y arrivent soit en utilisant un nom ou un acronyme semblable à celui d'un organisme réel, soit en créant un organisme fictif qui semble être communautaire.
    Je vais céder la parole à Mme Lau.
    La première chose que je veux dire au Comité, c'est qu'il n'y a selon moi aucun moyen infaillible d'enrayer complètement l'ingérence étrangère, mais qu'il existe des façons d'en minimiser les répercussions.
    Nous croyons qu'un régime de transparence en matière d'influence étrangère fournirait aux Canadiens les connaissances dont ils ont grandement besoin sur le fonctionnement des opérations de désinformation populaire planifiée au sein de la société canadienne. Ainsi, les Canadiens auraient plus d'information sur les organisations avec lesquelles ils collaborent et pourraient décider s'ils souhaitent poursuivre la relation à l'avenir.
    À mon avis, la transparence a bel et bien un effet dissuasif; toutefois, elle n'empêchera peut-être pas complètement ces stratagèmes à l'avenir.
    Encore une fois, la clarté et la transparence sont essentielles.
    Je vous remercie.
    Je veux maintenant aborder un volet personnel avec vous deux.
    Vous avez toutes les deux vivement critiqué le Parti communiste chinois à Pékin. J'aimerais savoir si vous avez personnellement rencontré des défis ou subi de l'intimidation pour avoir fait entendre vos voix aussi fermement.
    Je peux commencer.
    Lorsque j'ai fondé l'Alliance Canada Hong Kong il y a trois ans, j'ai passé une semaine à Vancouver. C'est un collègue qui a réservé ma chambre d'hôtel sous un nom différent du mien. Le lendemain du lancement de l'ACHK, j'ai tenu une conférence de presse. À 7 heures du matin, quelqu'un a appelé à ma chambre d'hôtel, m'a interpellée par mon nom, a révélé mon numéro de chambre, puis m'a dit: « Nous venons vous chercher. »
    Je peux maintenant le raconter calmement aujourd'hui, mais ce jour‑là, ce matin‑là il y a quelques années, j'ai tremblé dans cette chambre d'hôtel. J'ai fait ce qu'il fallait. J'ai appelé la police de Vancouver. J'ai demandé de l'aide en disant: « Je pense que quelqu'un me menace. Ils savent où je suis et qui je suis, et je ne me sens pas en sécurité. »
    À ce jour, je n'ai rencontré aucun représentant du service de police de Vancouver. Ils n'ont jamais envoyé d'agent pour me rencontrer ou m'en parler. J'ai un numéro de dossier, mais je n'ai rien eu su d'autre. Les autorités m'ont simplement avisée qu'il ne s'agit pas d'une urgence, et que je ne devrais pas les appeler pour une situation semblable. À leurs yeux, ce n'était pas une menace.
    Madame Lau, avez-vous quelque chose à ajouter?
    Je n'ai certes pas subi le même type de harcèlement que Mme Wong. Or, au plus fort de mon militantisme, certains de mes amis ont reçu des appels incroyablement étranges d'une personne qui se contentait de respirer à l'autre bout du fil. J'ai alors été prise de panique. Sur le plan personnel, la défense des droits en public met certainement à rude épreuve les relations personnelles. Je m'inquiète encore à ce jour pour mes proches.
    Je tiens à vous remercier toutes les deux de votre militantisme. Selon moi, personne à la table ne peut imaginer ce que vous avez vécu.
    Nous avons appris hier à la Chambre des communes que M. Chong, qui est député — il a une plateforme et une voix forte —, a été la cible de menaces et d'intimidation.
    Il y a ensuite toute la diaspora ici, au Canada.
    Pourriez-vous nous parler de la façon dont les membres de la communauté ici au Canada subissent continuellement des menaces et de l'intimidation de la part de Pékin?

  (1150)  

    Il est très dangereux pour les membres de la diaspora et des communautés ethniques de dénoncer la situation. Il est important de savoir que les personnes qui se sentent suffisamment en sécurité pour s'exprimer dans les sphères publiques sont souvent à l'abri des représailles d'acteurs étatiques. Il est donc incroyablement dangereux pour les dissidents comme nous de prendre la parole. Puisqu'ils s'exposent à un tel harcèlement, les membres de notre communauté savent qu'aucun protocole de sécurité n'est prévu pour eux. Ils ont donc de plus en plus peur de dénoncer. C'est une source d'isolement et de solitude.
    J'espère que nous pourrons compter sur vous pour nous aider et comprendre que la diaspora et les communautés ethniques éprouvent une inquiétude et subissent des menaces réelles qui les empêchent de s'acquitter de leurs devoirs civiques en toute sécurité dans ce pays.
    Je vous remercie.
    Dans le même ordre d'idées, nous savons que des postes de police étrangers ont été créés dans certaines grandes régions métropolitaines du Canada. Quelle est l'incidence d'une telle entité sur les Canadiens?
    C'est évidemment très épeurant. Ces présumés postes de police effraient encore plus les membres de la communauté et les incitent à se taire.
    Je vous remercie.
    C'est à votre tour, monsieur Fergus.

[Français]

    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais remercier Mme Wong et Mme Lau d'être avec nous aujourd'hui. Je les remercie aussi de leur témoignage et, surtout, d'avoir répondu aux questions de mon collègue au sujet de leur situation personnelle.

[Traduction]

    Je vais commencer par vous, madame Wong. Dans votre témoignage et votre déclaration liminaire, vous avez toutes les deux parlé des diverses manières de mieux informer l'ensemble des Canadiens sur la façon de déceler...

[Français]

    J'invoque le Règlement, madame la présidente.
    Je suis désolée, mais on me dit que l'information n'est pas correctement diffusée sur ParlVU. Je me soucie des témoins et des personnes qui s'y sont branchés, en ce moment.
    Peut-on vérifier s'il ne s'agit que du signal, et non de l'interprétation des propos?

[Traduction]

    Madame Sahota, pouvez-vous m'entendre?
    C'est excellent. Nous voulions simplement nous assurer que vous m'entendiez aussi.
    Madame Lau, entendez-vous le son de la salle?
    Oui, je vous entends.
    C'est parfait.
    Nous voulons uniquement confirmer que le son parvient aussi aux gens qui sont en ligne. Veuillez rester à l'écoute encore quelques secondes.
    Je vous remercie.

[Français]

    Nous allons vérifier cela.

    


    

  (1155)  

    Nous allons reprendre la discussion.
    Monsieur Fergus, vous avez de nouveau la parole pour six minutes. Vous regagnez donc vos 39 secondes.
    Merci beaucoup, madame la présidente.
    J'aimerais tout d'abord remercier les témoins qui sont avec nous aujourd'hui.
    Je vous remercie aussi, mesdames Wong et Lau, d'avoir répondu aux questions posées par mon collègue. Je salue votre courage. Vous êtes venues ici pour nous faire part non seulement de votre expertise, mais aussi de situations fâcheuses liées à l'intimidation dont vous avez fait l'objet.

[Traduction]

    Madame Wong, vous avez abordé dans votre témoignage la façon de mieux informer les Canadiens en général. Je me demande si nous pourrions parler plus particulièrement de la diaspora sino-canadienne et des moyens de mieux l'informer sur la manière de déceler toute forme d'intimidation qu'elle pourrait subir de la part des autorités de Pékin, de la contrer et de la dénoncer en toute transparence.
    Tout d'abord, nous devons parler des actes criminels qui ciblent actuellement les dissidents et les membres de la diaspora d'ici. Ces enjeux doivent être résolus pour que nous fassions confiance au système judiciaire, qui a le devoir de protéger les Canadiens qui subissent du harcèlement et des menaces, parfois même physiques.
    À plus grande échelle, pour protéger la diaspora, nous devons investir dans l'infrastructure sociale qui permettrait aux Sino-Canadiens de se défaire des sources de financement louches ou liées à des commettants étrangers.
    Je vais céder la parole à ma collègue, Mme Lau, qui vous décrira en détail les ressources et les outils dont notre communauté a besoin.
    Permettez-moi d'abord de rappeler aux membres du Comité que la communauté sino-canadienne n'est pas monolithique. Elle est en réalité très diversifiée. Certains de nos membres ont une vie bien établie au Canada depuis fort longtemps, alors que d'autres membres de la communauté chinoise viennent de communautés de la diaspora à l'étranger. Bon nombre d'entre eux n'ont pas de liens avec la RPC.
    Les investissements dans la diaspora pourraient aussi nous obliger à adopter une approche plus holistique. Il s'agirait de financer des écoles de langue, y compris des langues autres que le mandarin, ainsi que de renforcer nos échanges linguistiques en mandarin.
    Les médias ethniques sont un volet important. Je pense que nous devons également avoir à l'œil les médias de langue chinoise au Canada. Il faut comprendre leur fonctionnement et leur mode de diffusion de l'information afin de voir s'il est possible pour le Canada et le gouvernement canadien d'encourager et de renforcer une présence médiatique ethnique beaucoup plus diversifiée.
    Par ailleurs, nous devons déceler les lacunes dans les services sociaux, et aider les nouveaux arrivants, surtout les nouveaux Canadiens d'origine chinoise, à trouver des services de formation professionnelle, de réinstallation, d'aide aux aînés et de traduction. Nous pensons qu'il faut commencer à intégrer ces éléments à l'infrastructure sociale.
    Il faut une solution holistique. Ces domaines sont souvent négligés. Étant donné que l'ingérence et l'influence étrangères ciblent l'ensemble de la société canadienne plutôt qu'un secteur donné, nous ne pouvons pas évaluer les éléments un à la fois. C'est une solution holistique.

  (1200)  

    Je pense que les exemples précis que vous avez donnés — les écoles de langue, les médias ethniques, les lacunes dans les services sociaux — sont d'excellentes suggestions. Madame la présidente, par votre entremise, si nos témoins ont d'autres propositions, je leur demande de les transmettre par écrit à la greffière du Comité. Voilà qui nous serait très utile.
    Permettez-moi de revenir sur la façon dont le gouvernement du Canada devrait aider à protéger ces communautés. Lors de témoignages précédents, il a été question de l'importance d'avoir des services de renseignement issus de la diversité afin que l'équipe saisisse mieux la réalité des différentes communautés du Canada. Êtes-vous d'accord avec cette proposition? Dans l'affirmative, comment amélioreriez-vous les services?
    Je pense qu'il est essentiel de commencer par rétablir la confiance. De nombreux membres de la diaspora ne croient plus dans ces agences de renseignement ou de sécurité, car lorsque nous signalons des incidents, elles ne nous informent pas de l'évolution de la situation ou de quoi que ce soit.
    La première étape serait donc de réparer cette relation. Ces agences doivent notamment faire preuve de transparence par rapport à la manière dont elles opèrent et à l'évolution des dossiers lorsque nous faisons l'objet de harcèlement ou d'intimidation. La diaspora mérite de savoir quels types de menaces pèsent sur elle.
    J'hésite également à tout envisager sous l'angle du renseignement, car certaines de ces activités dépassent le cadre de la compétence juridique. Lorsque j'ai reçu des menaces, par exemple, ils ont simplement dit: « Nous allons t'attaquer », mais ils n'ont jamais dit pourquoi. On se retrouve donc dans une zone grise: Si je signale ces menaces aux services de renseignement ou à la GRC, il se peut qu'ils ne fassent rien parce qu'ils ne considèrent pas qu'il s'agisse d'une activité criminelle.
    Je pense que nous devons être un peu plus créatifs et envisager d'autres solutions.

[Français]

    Merci, madame Wong.
    Madame Gaudreau, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    J'aimerais saluer le courage et l'audace des témoins.
    D'entrée de jeu, je vais poser une question bien simple.
    En ce moment même, madame Wong, vous sentez-vous menacée?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Vous êtes-vous sentie menacée lorsque vous êtes venue en personne à la Chambre des communes?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Avez-vous eu d'autres convocations pour comparaître par visioconférence?

[Traduction]

    Oui. J'ai comparu virtuellement devant le Comité spécial sur les relations sino-canadiennes, le comité d'Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada et le comité sur l'éthique, et à chaque fois, il y a eu des problèmes techniques.

[Français]

    Ce que nous vivons en ce moment, est-ce du déjà vu? Je parle des problèmes techniques. Ce type d'incident vous est-il arrivé auparavant?

[Traduction]

    Oui.

[Français]

    Y a-t-il lieu de s'inquiéter?

[Traduction]

    Je pense
    Quelques minutes après avoir reçu un courriel de ce comité m'invitant à comparaître, mon Internet a cessé de fonctionner, en particulier sur mon ordinateur portable. Je pouvais toujours accéder à Internet sur mon téléphone, mon iPad ou d'autres appareils, mais mon ordinateur ne se connectait plus au réseau WiFi de mon domicile.
    Ce n'était pas la première fois. Souvent, lorsque je reçois un courriel du bureau d'un député ou d'un comité, j'ai des difficultés techniques avec mon Internet ou mes appareils.

[Français]

    Désormais, que devons-nous faire?
    Dans vos remarques préliminaires, vous avez parlé de l'éducation de la population, notamment celle des gens faisant partie de la diaspora.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur l'éducation de nos spécialistes en la matière. Qu'en pensez-vous?

  (1205)  

[Traduction]

    Je pense que c'est nécessaire.
    Cette nécessité découle en partie du fait qu'il y a des incidents très précis qui déclenchent ces types de problèmes de cybersécurité. C'est souvent lorsque nous apparaissons dans les médias ou en public pour tenir des discussions qui sont perçues comme défavorables à Pékin. Si nous pouvions bénéficier d'une assistance technique spécialisée pour nous aider à cerner nos vulnérabilités et à les surmonter afin de participer pleinement, non seulement en comité, mais aussi dans d'autres contextes — notamment des réunions de plaidoyer avec des députés ou des réunions avec des représentants du gouvernement — cela nous serait très utile.

[Français]

     Selon ce que je comprends, il y a des lacunes en ce qui a trait à l'expertise en la matière.
    En tant qu'experte et victime, avez-vous d'autres recommandations à formuler pour nous aider à trouver les moyens nécessaires pour contrer l'ingérence, en ce moment même?

[Traduction]

    Je pense que c'est précisément pour cette raison que nous sommes les experts et que nous possédons les connaissances nécessaires. Merci de nous accueillir à nouveau.
     Je pense que le renforcement de la diaspora et des communautés dissidentes, afin que nous soyons plus libres de participer à la société civile et aux activités civiques, constitue une réponse proactive à l'ingérence étrangère. Si nous participons davantage à la prise de décisions, nous serons mieux en mesure de remarquer les incidents ou les choses qui se passent.
     Je pense que nous devons trouver une solution à long terme, mais que nous devons aussi faire des efforts concrets pour que les diasporas participent au processus décisionnel, en particulier en ce qui a trait à l'ingérence étrangère, domaine dans lequel nous sommes les experts. Nous en sommes constamment témoins. Faites-nous participer. Nous vous informerons. Nous vous dirons ce qui doit être fait.
    Tout d'abord, je répète que nous devons rétablir la confiance avec les communautés. Il y a eu une négligence continue et nous devons d'abord bâtir des ponts avec les diasporas et leur dire: « Nous vous écoutons et nous sommes prêts à changer certaines de nos façons de faire pour vous intégrer dans notre travail. »

[Français]

    Sur une échelle de 1 à 10, comment évaluez-vous la confiance de la diaspora envers les moyens dont nous disposons en ce moment, pour vous aider à contrer l'ingérence?

[Traduction]

    Je pense qu'il est très difficile de répondre. Je pense que beaucoup de mes collègues et de mes bénévoles estiment que ce type de consultations, ces réunions, sont un pas en avant, mais ce ne sont que des consultations. Il faut prendre des mesures. Les mesures entraînent des changements.
    Je ne veux pas parler au nom de la diaspora et vous dire dans quelle mesure nous vous faisons confiance, car l'idéologie politique de la diaspora est très large, mais je pense que nous commençons lentement à regagner une certaine confiance.

[Français]

    Je vous invite à nous envoyer toute information supplémentaire sur la manifestation, sur l'éducation des gens et sur les façons de bonifier les moyens dont nous disposons.
    Quels seraient, par exemple, les nouveaux seuils qui nous permettraient d'intervenir en amont?
    Il serait vraiment important que nous recevions ces éléments d'information ici, au Comité, pour que nous puissions vous aider.

[Traduction]

    Nous avons présenté un mémoire. Nous serions heureux de soumettre des observations supplémentaires si nécessaire.

[Français]

    Merci.
    En fait, ce matin, nous avons reçu un document de plusieurs pages que nous avons transmis aux interprètes des deux langues officielles et que nous transmettrons à tout le monde par la suite.
    Madame Blaney, vous avez la parole.

[Traduction]

    Merci, madame la présidente.
    Comme toujours, par votre intermédiaire, je tiens tout d'abord à remercier nos témoins d'être présents. Je vous suis très reconnaissante d'être ici, surtout dans le contexte actuel. Merci.
    Je vais adresser ma première question à Mme Wong. Si Mme Lau souhaite ajouter quelque chose, je l'invite à le faire.
    Je pense réellement — et je l'ai entendu dans d'autres témoignages — que l'un des problèmes est qu'il semble que les services de police et la GRC ne sont pas préparés, et qu'ils ne comprennent pas comment réagir face à ce problème particulier. Nous savons que la diaspora ne se sent pas toujours connectée à ces groupes. Je me pose donc deux questions: Premièrement, avez-vous des recommandations ou des idées quant à ce que nous devrions faire pour que ces groupes soient mieux formés et comprennent ces plaintes lorsqu'elles sont déposées? Deuxièmement, comment pouvons-nous instaurer une confiance entre ces communautés pour que les personnes sachent que si elles se manifestent...? Vous avez raconté votre expérience et vous avez divulgué quelque chose, puis vous n'avez jamais eu de nouvelles. La confiance a donc été rompue.
    Quel est votre avis sur la question?

  (1210)  

    La réponse à cette question comporte plusieurs volets.
    Tout d'abord, les agents de police et les organismes chargés de l'application de la loi doivent faire respecter les lois en cas d'activité criminelle évidente, par exemple le harcèlement, l'agression et la destruction de biens. Ces activités surviennent déjà et doivent être traitées avec sérieux.
    Le deuxième volet est l'application d'une lentille de l'ingérence étrangère. Les organismes chargés de l'application de la loi doivent être formés à la détection des tendances et des signes d'ingérence étrangère le cas échéant. Sans une formation adéquate, ils ne seront pas en mesure de déterminer l'existence d'un problème.
    Une autre facette de ce problème est... Il ne faut pas se voiler la face, les services de police exercent une violence institutionnalisée et systémique à l'encontre des personnes racisées. C'est un fait. Lorsqu'il s'agit d'interagir avec les forces de l'ordre, il faut comprendre que certains membres des communautés racisées et de la diaspora ne se sentent pas en sécurité. Nous devons donc trouver des solutions de rechange pour que tous les membres de la communauté disposent d'un moyen sûr de se manifester et de demander de l'aide. Cela ne signifie pas nécessairement qu'ils doivent s'adresser à des personnes en qui ils n'ont pas confiance, mais plutôt à celles avec lesquelles ils ont eu de bonnes interactions par le passé.
    Merci.
    Allez‑y, madame Lau.
    En tant que chercheuse, j'aimerais demander aux membres du Comité quelle est selon eux la fréquence des incidents d'intimidation, d'influence, de surveillance ou d'ingérence étrangères au Canada. Pouvez-vous nous communiquer le nombre de cas?
    Nous avons soumis au Comité spécial sur les relations sino-canadiennes un rapport intitulé In Plain Sight qui contient des recommandations. L'une d'entre elles était la création d'un comité public sur l'influence étrangère. Nous voulions recueillir des données sur l'influence étrangère et mettre en place un mécanisme de signalement public. On permettrait ainsi aux communautés de la diaspora, qui sont confrontées au poids de l'influence et de l'intimidation étrangères, de signaler ces incidents. Nous pourrions recueillir ces données et non seulement constater l'ampleur du problème au Canada, mais aussi établir les tendances, cerner les méthodes utilisées et déterminer comment ils procèdent afin de mieux informer nos dirigeants de la manière dont ces choses surviennent.
    En outre, je tiens à souligner que l'intimidation et la surveillance étrangères ne sont pas une stratégie utilisée uniquement par la RPC. D'autres pays ont eu recours à ces mêmes tactiques. Le Citizen Lab a publié un rapport fantastique intitulé Digital Transnational Repression in Canada. Ils ont interrogé des dissidents canadiens victimes de harcèlement de la part de pays étrangers. Cet aspect doit faire l'objet d'une approche indépendante du pays. Nous devons examiner comment cette répression affecte également d'autres communautés.
    Voilà les recommandations que je ferais au Comité.
    Je vous remercie.
    Madame Wong, dans ce que j'ai lu sur le travail que vous effectuez, j'ai relevé les objectifs précis liés aux communautés rurales et éloignées. Pourriez-vous nous en parler?
    Je représente une région rurale et éloignée. Je suis préoccupée par le fait que l'information n'est pas toujours accessible et qu'elle ne provient pas toujours de sources fiables, d'autant plus que beaucoup de journaux locaux et autres ferment dans nos communautés. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
    Le risque est plus élevé dans les communautés rurales, éloignées et du Nord. L'ingérence étrangère y est plus efficace, car des ressources limitées peuvent avoir une incidence disproportionnée sur elles. Nous devons envisager les communautés rurales et du Nord sous un angle particulier lorsque nous parlons d'engagement civique et de la manière dont nous pouvons fournir des renseignements exacts à ces communautés, tout en veillant à ne pas permettre à des activités d'influence étrangère d'avoir lieu sans que nous les détections.

  (1215)  

    Merci.
    Ma prochaine question porte sur les élections canadiennes. J'ai également lu les documents que vous avez soumis à ce sujet. À l'heure actuelle beaucoup de renseignements sont évidemment transmis en français et en anglais, mais c'est tout. En quoi le fait de proposer un plus grand nombre de langues pour rendre compte de la diversité des communautés du Canada aiderait‑il à lutter contre l'ingérence étrangère et à renforcer les élections canadiennes?
    Tout d'abord, nous devons cesser de traduire les documents, car lorsqu'on les traduit, ils sortent de leur contexte linguistique et culturel. Nous devons en fait produire des documents avec une optique culturelle et sensible qui atteignent les communautés auxquelles ils s'adressent et qui parlent de choses qui leur tiennent à cœur.

[Français]

    Merci.
    Nous passons maintenant aux prochains intervenants. J'accorderai cinq minutes à M. Gourde, cinq minutes à Mme Sahota, puis deux minutes et demie à Mme Normandin.

[Traduction]

    Madame Blaney, vous disposez de deux minutes et demie. Nous accueillerons ensuite le groupe de témoins suivant.

[Français]

    Monsieur Gourde, vous avez la parole.
    Merci, madame la présidente.
    Ma première question s'adressera à Mme Wong.
    Madame Wong, toute forme d'intimidation, qu'elle soit légère, agressive ou grave, constitue de l'ingérence, que ce soit pour limiter les actions d'une personne ou l'information qu'elle veut divulguer.
    Pouvez-vous donner un exemple d'intimidation? Tout à l'heure, vous avez mentionné que vos ordinateurs semblaient être surveillés. Il existe des légendes urbaines à ce sujet. Par exemple, des gens disent avoir l'impression qu'on photographiait leur maison ou leur appartement et qu'ils étaient suivis dans la rue.
    Est-ce le genre de choses que vous avez ressenties? Connaissez-vous des gens à qui c'est arrivé et qui ont voulu restreindre leur liberté d'expression pour cette raison?

[Traduction]

    L'intimidation et le harcèlement sont les extrêmes de la manière dont le comportement de la diaspora est contrôlé au Canada, mais il existe des moyens plus subtils et que l'on pourrait juger plus inoffensifs d'influer sur la diaspora et de la gouverner.
    Tout d'abord, de nombreux membres de la diaspora savent déjà qu'ils ne peuvent pas aborder certains sujets et certaines questions, sans provoquer la colère de Pékin ou attirer l'attention de la RPC. Je ne parle même pas de comportements dissidents ou de critiques formulées au sujet de l'État, mais simplement d'activités et de questions sociales considérées comme sensibles par l'État et qu'il convient d'éviter.
    Il y a également le fait que les membres de la diaspora sont encouragés à se surveiller mutuellement et à se dénoncer. Si vous êtes associé à quelqu'un qui est considéré comme un fauteur de troubles, vous avez moins de chances d'obtenir une promotion. On pourrait vous refuser des services. Vous, votre travail, vos amis et votre famille pourraient en subir les conséquences, et c'est dans cette optique qu'intervient la surveillance latérale. Vos amis et votre famille pourraient ainsi vous dénoncer pour être considérés comme des citoyens loyaux envers le régime.
    Ils pourraient prendre ces initiatives de leur propre gré, mais il s'agit parfois d'autocensure et d'autoprotection, car ils pensent que s'ils dénoncent quelqu'un, ils pourront échapper au radar de la RPC.
    Je tiens à souligner à nouveau que la diaspora utilise tous les moyens possibles pour survivre à la violence de la RPC ici au Canada. Nous n'accusons pas la diaspora, mais nous devons nous attaquer à ce type de comportement, qu'il s'agisse de surveillance latérale ou de ce type de pression sociale et d'exclusion. Au bout du compte, c'est l'État étranger qui fait pression sur la communauté pour qu'elle adopte ce type de comportement violent et odieux.

[Français]

    Est-il courant que des gens fassent pression sur les enfants, les parents, le conjoint ou la conjointe ou d'autres membres de la famille d'une personne qui a, en raison de ses fonctions ou de ce qu'elle fait dans la vie, une certaine influence dans notre société pour limiter sa liberté d'expression?

[Traduction]

    Oui, et ce type d'activité s'étend également aux personnes qui se trouvent au Canada.
    Par exemple, j'ai parlé avec une étudiante étrangère chinoise qui a participé à une manifestation et qui a ensuite été convoquée à l'ambassade pour discuter du statut de son visa. Voilà le type d'activités utilisées pour réprimer et gouverner non seulement nos proches canadiens à l'étranger, mais aussi les personnes qui sont ici, afin de maintenir le contrôle sur la diaspora.

  (1220)  

[Français]

    Avez-vous l'impression qu'il y a de l'infiltration, de l'ingérence étrangère dans toutes les sphères de la société au Canada, que ce soit la sphère politique ou économique, par exemple? Cela semble systématique.
    Je pense qu'il y a beaucoup plus de gens qui nous surveillent que de gens que nous prenons le temps de surveiller.
    Est-ce un phénomène généralisé dans la société canadienne?

[Traduction]

    Dans notre rapport précédent, In Plain Sight, publié il y a deux ans, nous avons beaucoup parlé de l'influence politique, des aspects liés à l'établissement de liens avec des personnes influentes pour s'assurer que les décisions politiques sont favorables à Pékin.
    Il existe également d'autres aspects de l'infiltration et de l'ingérence dans pratiquement tous les secteurs du Canada, comme la technologie, la recherche, le milieu universitaire, la société civile et les médias. Ce problème est présent dans toute la société. Nous devons l'aborder comme une question qui concerne l'ensemble de la société.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Sahota.
    Je tiens tout d'abord à remercier les deux témoins. Mme Wong et Mme Lau, vous faites preuve d'un courage exceptionnel. Merci d'être présentes.
    Vous avez mentionné les tactiques flagrantes, mais aussi parfois subtiles utilisées, comme la convocation d'une étudiante étrangère au consulat.
    D'après votre expérience, les tactiques étaient assez flagrantes. Vous avez ressenti l'intimidation de Pékin. Avez-vous constaté que d'autres personnes qui contredisent les intérêts du régime sont également confrontées à ce type de tactiques flagrantes de la part du régime? Pourriez-vous donner d'autres exemples au Comité?
    Oui.
    J'ai interrogé un certain nombre de membres de la diaspora hongkongaise dans le monde entier, et pas seulement au Canada. Nous avons cerné un modèle de comportement en vertu duquel beaucoup de ces dissidents qui ont quitté Hong Kong après les manifestations de 2019 et la répression de 2020 ont été victimes de divulgation de données personnelles. Ils ont également eu l'impression d'être suivis physiquement ou ont été témoins d'incidents de ce type.
    Un grand nombre des personnes que j'ai interrogées ont également signalé que sur des sites publics, comme les sites de protestation, elles se faisaient souvent prendre en photo. On les menaçait d'envoyer leur photo aux ambassades pour qu'elles aient de l'information sur elles. En outre, elles ont reçu beaucoup de menaces par messages texte, par courriel et en ligne. Ce genre de comportement est donc courant.
    Un grand nombre des personnes interrogées ont souligné qu'elles vivent avec cette paranoïa rampante, qui imprègne également toute la communauté même. Il y a beaucoup de contrôles. Nous appliquons de nombreux protocoles de sécurité au sein de la communauté pour nous protéger, parce que nous avons l'impression que nous ne pouvons faire confiance à personne. Il n'y a aucun soutien adéquat.
    En outre, de nombreux militants ont pris d'autres mesures proactives, comme le fait de rompre les liens avec leur famille leurs proches ou leurs amis qui vivent encore en RPC ou dans des territoires contrôlés par la RPC.
    Madame Wong, voulez-vous ajouter quelque chose?
    Oui, j'ai aussi interviewé des membres de la diaspora ici au Canada.
    Quand les gens qui trouvent un rat mort devant leur porte prennent la chose à la légère en se disant qu'on essaie de les intimider et que c'est sans conséquence, ou qu'ils voient que leurs pneus ont été tailladés et qu'ils se disent simplement qu'ils vont devoir en acheter de nouveaux, c'est très inquiétant. Les membres de la diaspora et les dissidents vivent ce genre de situation si souvent qu'ils commencent à voir cela comme une blague, comme faisant partie de la vie de tous les jours. C'est terriblement injuste pour tous nos alliés, car nous ne devrions pas avoir peur de sortir à l'extérieur. Nous ne devrions pas craindre de trouver un rat mort devant notre porte ou de voir nos pneus tailladés parce que nous avons l'intention de participer à une manifestation, mais c'est le genre de situation que continuent de vivre de nombreux dissidents.

  (1225)  

    Je dois admettre que c'est terriblement inquiétant, et cela peut causer de la paranoïa à juste titre.
    Le régime intimide les gens ou exerce des pressions sur eux pour qu'ils ne posent pas de gestes allant à l'encontre de ses intérêts, en faisant en sorte que la personne soit consciente qu'il se passe une chose qu'elle ne peut pas vraiment expliquer ou signaler à la police, mais qui constitue néanmoins de l'intimidation.
     Je tiens à insister encore une fois sur le fait qu'une culture du silence existe déjà, car la participation à ce genre d'activités est vue comme un tabou ou comme une chose qu'une personne saine d'esprit évite de faire en politique. L'idée est qu'on ne devrait pas se mêler de cela. Beaucoup de membres de la communauté qui sont témoins de cas très graves d'intimidation et de harcèlement se disent qu'ils n'ont pas le courage de participer à ce genre d'activités et qu'ils ne le feront pas. Ils s'autocensurent avant de verser dans la dissidence.
    J'ajouterais très rapidement que beaucoup de membres de notre communauté n'ont pas le choix parce qu'ils doivent retourner en République populaire de Chine ou dans des territoires qu'elle contrôle comme Hong Kong. Cela les met encore plus à risque.
    Je vous remercie.
     Madame Normandin, allez‑y.

[Français]

    Je réitère les mots de mes collègues concernant votre courage, mesdames. Merci d'être avec nous aujourd'hui.
    Cela a déjà été évoqué, mais j'aimerais que vous nous en disiez davantage sur l'importance d'avoir une lorgnette culturelle différente quand on analyse les tentatives d'ingérence et qu'on évalue les menaces visant la communauté.
    Devrions-nous mettre davantage à contribution les membres de la communauté pour mieux cerner ce qu'ils jugent être des menaces et tenir un registre afin de les consigner, même si cela n'en constitue peut-être pas, vu de l'extérieur?

[Traduction]

    Les membres de la communauté sont les experts à consulter, tout à fait, et notre contribution ne peut qu'apporter plus de solutions. Nous avons un point de vue différent, une lorgnette culturelle et linguistique différente sur ces situations.

[Français]

    De façon plus globale, j'aimerais que vous nous parliez des messages que nous envoyons quant à l'expulsion récente d'un diplomate chinois. Avant de procéder à l'expulsion, nous avons entendu le gouvernement dire qu'il fallait vérifier s'il y avait un risque que la Chine exerce des représailles économiques ou diplomatiques.
    D'une part, cela envoie-t-il à la Chine le message que les menaces et la peur fonctionnent, même au Canada? D'autre part, en tenant ce discours, nous donnons un peu la priorité au maintien de nos intérêts plutôt qu'à la protection de la diaspora. Est-ce un mauvais message qui a été envoyé?

[Traduction]

    Pékin considère l'inaction comme une faiblesse. Il ne réagit qu'à la force, ce qui veut dire qu'il faut parfois prendre des mesures exceptionnelles qui peuvent nous pénaliser, par exemple, imposition de sanctions commerciales ou expulsion d'un diplomate de la Chine. Nous devons démontrer de la force dans nos interactions avec le régime, car il considère notre inaction comme allant de soi et va continuer d'exercer des pressions.
    C'est ce que fait Pékin au sein des institutions multilatérales. Il étire les règles jusqu'à ce qu'elles ne s'appliquent plus, jusqu'à ce qu'elles servent ses intérêts. C'est ce qui se produit à l'Organisation mondiale de la santé, à l'ONU, à Hollywood et à Wall Street. Je pense que le Canada doit tracer une ligne quelque part et dire que c'est ici que les choses s'arrêtent et défendre ses intérêts.
    Je vous remercie.
    Madame Blaney, allez‑y.

  (1230)  

    Je vous remercie, madame la présidente.
    Par votre entremise, je vais revenir à Mme Wong, puis demander à Mme Lau de commenter aussi.
    Dans votre exposé, vous avez parlé de conseils adaptés à chaque secteur. En vous écoutant, je pensais à toutes les discussions que nous avons eues autour de cette table à propos des mesures que nous devons prendre pendant les périodes électorales, mais aussi entre les périodes électorales. Vous avez fait allusion à différents secteurs — et il n'y en a que trois qui me viennent à l'esprit — comme les universités, les médias, le milieu des affaires, etc. Pourriez-vous nous donner des exemples de ces types de conseils ou nous dire comment ils seraient fournis?
    Au sujet des médias ethniques, Pékin envoie, en fait, des journalistes qui travaillent dans ces médias au Canada suivre une formation à Pékin pour parler en bien de la Chine, en faveur du régime. Les Canadiens doivent savoir que, même s'il s'agit d'échanges tout à fait normaux, ces journalistes sont formés par des acteurs étatiques. Nous devrions donc avoir un plan ou une stratégie pour informer les Canadiens qui lisent ces nouvelles que l'organisme qui les publie à l'appui du Parti communiste chinois et de la République populaire de Chine, et que ces journalistes sont formés et financés par eux.
     Dans le cas des médias, il faut avoir une stratégie précise: comprendre qui les finance et qui forme les journalistes.
    Dans le cas des universités, des initiatives sont déjà en cours, mais il faut aller au‑delà des établissements. Il faut aussi sensibiliser les chercheurs et les étudiants pour les aider à comprendre que les recherches qu'ils mènent en collaboration avec des mandants étrangers et leurs mandataires peuvent servir à mettre au point plus tard des technologies à double usage qui s'appliquent au domaine civil ou militaire.
    Il faut essentiellement consulter des experts dans chaque secteur afin de comprendre les influences étrangères auxquelles le secteur fait face et créer des solutions qui sont propres à ce secteur pour contrer les problèmes.
    Ma dernière question porte sur la création d'un registre.
    Beaucoup de communautés s'inquiètent des noms qu'on pourrait y inscrire. Je sais qu'on parle d'avoir un solide processus d'appels.
    J'aimerais savoir comment trouver un équilibre entre le besoin de rendre des comptes et le besoin de défendre les droits de la personne.
    Je pense qu'il est très important de comprendre les messages au sujet de la création d'un registre des agents étrangers. Il se peut qu'on ait un peu oublié ce qu'il est censé être. Les gens ont commencé, bien sûr, à se faire leurs propres idées à ce sujet. J'insiste encore sur le fait que ce registre ne vise pas un pays en particulier et vise la dissuasion.
    De plus, je crois que les consultations entreprises auprès des communautés de la diaspora sont une bonne première étape. Encore une fois, il faut tenir des consultations avec un plus grand nombre de groupes. Il ne faut pas voir qu'une facette des préoccupations, mais aussi les autres facettes. Vous devez comprendre, en particulier pour ce qui est de la communauté chinoise canadienne, que nous faisons face à des problèmes multiples qui ne concernent pas uniquement la République populaire de Chine. Pendant la pandémie de la COVID, nous avons été témoins de la montée d'un sentiment anti-asiatique. C'est un fait. Ce discours maladroit a conduit à des actes de discrimination et de violence contre les communautés chinoises canadiennes et l'ensemble de la diaspora asiatique canadienne.
    Je pense, de plus, qu'il faut comprendre que ce registre doit être une solution à long terme, et non pas à court terme, et se pencher également sur les possibles ingérences étrangères d'autres pays.
    Je vous remercie.
    Sur ce, j'aimerais vous remercier toutes les deux, madame Lau et madame Wong, d'avoir été avec nous aujourd'hui et d'avoir témoigné.
    Je mentionne encore une fois que vous nous avez présenté un mémoire ce matin. Une fois qu'il aura été traduit, il sera acheminé aux membres du Comité. Comme toujours, si vous voulez nous faire part d'autres renseignements, n'hésitez pas à les faire parvenir à la greffière qui nous les acheminera.
    Je vais maintenant suspendre la séance brièvement pour procéder aux vérifications du son et accueillir nos prochains témoins.
    Nous serons de retour dans quelques minutes. Je vous remercie.

  (1230)  


  (1235)  

    Nous reprenons.
    Nous accueillons maintenant M. Duff Conacher, coordonnateur de Démocratie en surveillance, et M. Andrew Mitrovica, rédacteur, qui témoigne à titre personnel.
    Nous allons écouter vos déclarations liminaires, et Mme Wong restera avec nous pour la période de questions.
    Monsieur Conacher, je vous souhaite la bienvenue à notre comité et vous cède la parole.

  (1240)  

    Je vous remercie beaucoup, madame la présidente.
    Je remercie les membres du Comité de me donner l'occasion de témoigner aujourd'hui sur cet important sujet.
    Comme il a été mentionné, je représente Démocratie en surveillance, mais je représente aussi pour plusieurs des changements que je vais proposer au Comité de recommander à l'égard de problèmes relevés, des groupes de citoyens de Démocratie en surveillance qui réunissent environ 1,5 million de Canadiens et qui unissent leur voix pour réclamer ces changements.
     Je tiens à mentionner principalement que la création d'un registre des agents étrangers, en particulier s'il contient une foule d'échappatoires, ne permettra pas vraiment de mettre un frein à l'ingérence étrangère. Les échappatoires dans les dépenses et les contributions électorales et les règles d'éthique facilitent grandement à l'heure actuelle l'ingérence étrangère secrète, tout comme le fait que les chiens de garde nommés par le Cabinet disposent de très faibles pouvoirs coercitifs. En général, leurs positions et pratiques en la matière manquent aussi cruellement de mordant.
    Premièrement, on doit exiger que toute personne ou entité qui est rémunérée ou compensée d'une quelconque façon, directement ou indirectement, par un gouvernement étranger, une entité étrangère ou un étranger, s'inscrive au registre. On doit également exiger que ces personnes s'inscrivent au registre si elles ont des ententes avec eux liées à des activités de relations publiques ou de communications ou des activités politiques visant à influencer un politicien, un parti politique ou un gouvernement. Si on exige uniquement que les personnes ou les entités rémunérées pour influencer directement les politiciens canadiens s'inscrivent au registre, elles pourront facilement contourner cette exigence en s'organisant pour être compensées pour d'autres services, ou d'une autre manière, et en exerçant leurs activités d'influence gratuitement.
    Deuxièmement, plus de 40 avocats et professeurs, 26 groupes de citoyens et le Globe and Mail, dans deux éditoriaux, ont demandé à vos collègues du comité de l'éthique de la Chambre — et j'espère que vous le ferez aussi — de revenir sur leur position et de rejeter la proposition de la commissaire au lobbying fédérale Nancy Bélanger de vider de leur substance des règles importantes du lobbying éthique contenues dans le Code de déontologie des lobbyistes, faisant ainsi en sorte que les gouvernements étrangers pourront plus facilement mener secrètement des activités d'ingérence dans les élections et des activités secrètes pour influencer des députés et des chefs de parti fédéraux. La commissaire Bélanger et le comité proposent essentiellement de vider de leur substance les principales règles du lobbying éthique en permettant que des lobbyistes puissent soudoyer des députés.
    Troisièmement, les échappatoires dans la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes font en sorte de permettre le lobbying secret. Si une personne peut faire du lobbying sans s'enregistrer, elle peut donc faire du lobbying de manière non éthique, car le Code de déontologie des lobbyistes ne s'applique pas à elle. Cela n'a même pas d'importance, en fait, s'il est vidé de sa substance, car il ne s'applique pas aux lobbyistes qui ne sont pas tenus de s'inscrire. Cela facilite également le lobbying secret des agents et intérêts étrangers.
    Quatrièmement, les échappatoires et les plafonds de contributions et de dépenses trop élevés permettent aux bien nantis, y compris aux groupes de pression parrainés par des intérêts étrangers, d'exercer une influence indue sur les élections et les processus d'élaboration des politiques.
    Cinquièmement, les lobbyistes et les groupes de pression, y compris ceux parrainés par des intérêts étrangers, peuvent s'associer avec des candidats à l'investiture ou à la direction d'un parti en secret, et les non-citoyens peuvent voter tant lors des courses à l'investiture que des courses à la direction d'un parti. Ce sont des échappatoires qui facilitent l'ingérence étrangère.
    Sixièmement, les règles d'éthique fédérales ont des échappatoires béantes qui permettent aux députés d'agir de manière non éthique, ainsi qu'aux ministres et aux cadres supérieurs du gouvernement d'avoir des investissements secrets et de participer à des décisions dont ils tirent profit. On ouvre ainsi la porte à des accords non éthiques, y compris avec des groupes de pression étrangers et des groupes parrainés par des intérêts étrangers. Le Comité n'a pas réussi à fermer ces échappatoires lorsqu'il a procédé à l'examen du code d'éthique des députés l'an dernier, en grande partie en secret, et a publié son rapport initial en juin dernier.
    En fait, le Comité — qui dit s'inquiéter de l'ingérence étrangère — a proposé, et la Chambre a approuvé le 30 mars une nouvelle échappatoire dans le code d'éthique des députés qui permet maintenant aux groupes de pression, y compris ceux parrainés par des intérêts étrangers, de payer en secret des stagiaires dans vos bureaux. En somme, vous avez légalisé le fait pour des groupes parrainés par des intérêts étrangers d'introduire des espions dans les bureaux des députés et de les payer en secret, sans divulgation.
    Septièmement, de nombreuses fausses affirmations peuvent être véhiculées concernant des candidats aux élections, des chefs de parti et des députés. Aucun organisme d'application de la loi n'a le pouvoir d'ordonner à une entreprise de médias sociaux de supprimer de fausses publicités ou publications en ligne.

  (1245)  

    Huitièmement, enfin, comme je l'ai mentionné au début, l'application des lois concernant les dépenses et les contributions électorales et politiques, et les lois sur l'éthique et le lobbying manquent cruellement de mordant. Tous les chiens de garde sont choisis par le Cabinet du parti au pouvoir dans le cadre de processus politiques partisans et secrets. Ils sont tous dépourvus de pouvoirs importants et ne sont même pas tenus de faire rapport sur les plaintes ou les situations qu'ils examinent ou font l'objet d'une enquête. Ils peuvent donc échouer totalement dans leurs fonctions.
    Cela comprend le soi-disant Groupe d'experts indépendants du Protocole public en cas d'incident électoral majeur, qui n'a rien d'indépendant, car il est composé de fonctionnaires qui ont été choisis et sont nommés à titre amovible par le premier ministre. La directive du Cabinet concernant le Protocole comporte plusieurs lacunes qui permettent essentiellement le camouflage de l'ingérence étrangère...
    Monsieur Conacher...
    Je vais m'arrêter ici. Je serai heureux de répondre à vos questions.
    Nous vous en savons gré. Je vois que vous n'avez pas eu le temps de terminer votre déclaration liminaire, alors n'hésitez pas à mentionner vos autres observations en répondant aux questions des membres du Comité, car il est important que nous les entendions.
    En fait, j'avais terminé. J'ai un mémoire que je vais déposer et qui contient plus de détails.
    Nous vous en sommes reconnaissants. Merci beaucoup.
    Monsieur Mitrovica, je vous souhaite la bienvenue.
    Je vous remercie, madame la présidente, et bonjour à tous.
    Je suis journaliste et écrivain depuis près de 40 ans. Pendant une grande partie de cette période, j'ai été journaliste d'enquête pour CTV, CBC, le Globe and Mail et le magazine The Walrus.
     J'ai beaucoup écrit sur les services de renseignement. Ce travail a donné lieu à un livre intitulé Entrée clandestine: Crimes et mensonges dans les services secrets canadiens. Il s'agit de l'un des deux seuls livres d'importance écrits sur le SCRS. Ce fait montre à quel point les journalistes canadiens sont peu nombreux à savoir comment fonctionne réellement le service national d'espionnage de notre pays.
     Bien que j'aie refusé de nombreuses demandes de comparution en tant que témoin expert devant un tribunal, pourquoi ai‑je accepté de venir témoigner ici? J'ai été troublé par une grande partie des reportages récents sur l'ingérence présumée de la Chine dans les élections canadiennes. J'ai été particulièrement troublé par le recours à des sources anonymes pour accuser des Canadiens d'origine chinoise d'être déloyaux à l'égard de l'unifolié. Cette allégation grave et aux séquelles permanentes devrait nécessiter plus que les dires d'espions confortablement tapis dans l'ombre pour accuser d'autres Canadiens d'être l'instrument d'une puissance étrangère.
     Je connais l'ingérence de la Chine au Canada. J'ai écrit une série d'articles de première page sur l'ingérence de la Chine dans la société canadienne lorsque je travaillais au Globe à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Ces reportages ont abouti à un article sur une enquête conjointe de la GRC et du SCRS appelée « projet Sidewinder ».
    Le projet Sidewinder était intrigant pour plusieurs raisons. Sa principale conclusion — que la République populaire de Chine travaillait avec des triades pour infiltrer presque tous les aspects de la vie canadienne — était si controversée que le directeur du SCRS de l'époque, Ward Elcock, a fait quelque chose qu'aucun directeur n'avait fait, à ma connaissance, avant ou depuis: il a publiquement rejeté le travail de ses agents du renseignement en le qualifiant, en fait, de foutaise. Bien sûr, il a utilisé un langage beaucoup plus diplomatique. Il a parlé d'une théorie intéressante.
    La curieuse histoire du projet Sidewinder ne s'arrête pas là. Un haut fonctionnaire du SCRS a ordonné la destruction de tous les exemplaires du rapport. C'était aussi, je crois, un fait sans précédent. Quoi qu'il en soit, un exemplaire du rapport a survécu et est parvenu jusqu'à moi et, par la suite, a fait la première page du Globe.
     C'est ici que mon rapport et la plupart des rapports récents sur l'ingérence chinoise diffèrent. Le projet Sidewinder contenait les noms d'un grand nombre d'entreprises, d'organisations et de personnalités connues dont la GRC et le SCRS pensaient qu'elles avaient été compromises par la République populaire de Chine. À l'époque, mes éditeurs et moi avions convenu qu'il serait irresponsable de publier leur identité en s'appuyant uniquement sur un rapport de 23 pages, même s'il portait la mention « très secret ».
     Voici l'autre raison principale pour laquelle j'ai accepté de témoigner. Une sorte d'hystérie est entretenue par des journalistes assoiffés de primeurs et par ce qui est probablement une poignée de membres de la vaste infrastructure du renseignement de sécurité du Canada, qui n'a guère de comptes à rendre. C'est dangereux, et la réputation et les moyens de subsistance de certaines personnes sont mis à mal. Je vous conseille de faire preuve de prudence et de scepticisme à l'égard des soi-disant renseignements, même s'ils sont présentés comme très secrets, ce qui, soit dit en passant, est une classification de sécurité standard.
     Le fait est que le SCRS se trompe souvent. Dans le climat actuel, quelque peu hystérique, il est bon de rappeler ce qu'Eva Plunkett, ancienne inspectrice générale du SCRS, a écrit en 2010 et qui se traduirait ainsi:
Les examens [...] ont permis de recenser à nouveau ce que je considère comme un grand nombre [...] d'erreurs dans les fonds de renseignements du SCRS. Bien que mon bureau n'examine qu'un échantillon des activités du SCRS, ces [...] erreurs ne se limitent pas à un programme ou un ensemble de processus. Elles se retrouvent dans l'ensemble des activités de base du Service et dans toutes les régions.
    Ces erreurs ont eu des conséquences humaines profondes et durables. Il suffit de demander à Maher Arar.
     Enfin, je travaille sur un article concernant deux policiers dévoués dont la loyauté envers le Canada a été remise en question par des agents du SCRS, franchement incompétents et conspirateurs. Leurs vies et leurs moyens de subsistance ont également été mis à mal. Il s'agit d'une mise en garde et, après la publication de l'article, je vous demande instamment de les inviter devant le Comité pour qu'ils vous racontent directement l'horreur de ce qui peut se produire lorsque le SCRS se trompe à ce point.
     Je vous remercie du temps que vous m'avez accordé.

  (1250)  

    Je vous remercie de vos observations.
    Nous allons maintenant amorcer les interventions de six minutes en commençant par donner la parole à M. Calkins, qui sera suivi de M. Turnbull,

[Français]

puis de Mme Normandin et de Mme Blaney.

[Traduction]

    Vous avez la parole, monsieur Calkins.
    Merci, madame la présidente.
    Je m'adresserai aux nouveaux témoins qui viennent de se joindre à nous, mais j'aimerais d'abord poser une question à Mme Wong, et je crois que mon collègue du Bloc s'apprêtait aussi à aborder ce sujet.
    Madame Wong, vous avez déclaré non seulement devant notre comité mais aussi devant d'autres comités que vous pensiez que votre ordinateur portatif et votre service Internet avaient été perturbés ou piratés et qu'il ne s'agissait pas d'une coïncidence. Pouvez-vous nous parler d'autres occasions, en dehors de cet incident particulier, où vous pensez que vous ou un membre de votre organisation avez été entravés parce que vous avez été invité au Parlement ou à assister à une séance d'un comité parlementaire?
    Oui. En août 2020, notre organisation a été invitée à s'exprimer devant le Comité sur les relations sino-canadiennes. Après notre témoignage, notre site Web et notre réseau informatique ont été pratiquement mis hors services par des pirates informatiques russes et chinois. Nous avons enregistré en détail les cyberattaques et les adresses IP d'où elles provenaient, dont certaines sont des entreprises d'État de Pékin. Grâce à ces attaques, ils ont réussi à faire tomber notre site Web.
    Nous avons depuis amélioré notre dispositif de sécurité afin de prévenir ces intrusions. Nous avons présenté aux membres de nos organismes de sécurité un rapport contenant les détails des cyberattaques, mais nous n'avons jamais eu de réponse de leur part.
    Merci.
    J'ai une question complémentaire à vous poser. Au cours de votre déclaration préliminaire, vous avez parlé des médias canadiens en mandarin ou en cantonais. Par l'entremise de personnes qui communiquent avec moi, j'ai entendu dire que la grande majorité des médias en mandarin ou en cantonais sont directement ou indirectement détenus, exploités ou influencés par Pékin. Pouvez-vous le confirmer?
    Je ne pourrais pas le confirmer, car je n'ai pas de connaissances approfondies dans ce domaine, mais je peux dire que la plupart des membres de la diaspora qui sont au courant des tactiques d'information utilisées par le Front uni du travail considèrent que les médias ethniques canadiens sont compromis et majoritairement favorables à Pékin.
    Cela découle aussi de l'autocensure des journalistes qui travaillent dans ces organisations médiatiques.
    D'accord. Je vous remercie de ces réponses.
    Monsieur Conacher, le 24 avril, Démocratie en surveillance a publié une lettre de six pages adressée au bureau du commissaire à l'éthique fédéral, dans laquelle l'organisation demande qu'une enquête indépendante soit menée et qu'une décision soit rendue sur la question de savoir si le premier ministre a enfreint la Loi sur les conflits d'intérêts en accordant un contrat à un rapporteur spécial du nom de David Johnston. Pouvez-vous nous parler de cette lettre et nous dire ce que vous en pensez?
    Oui.
    Selon le premier ministre Trudeau et David Johnston, ils sont amis, et la Loi sur les conflits d'intérêts stipule très clairement que vous n'êtes pas autorisé à participer à un processus décisionnel qui vous donne l'occasion de favoriser vos intérêts, ceux de membres de votre famille ou de vos amis, ou de favoriser indûment les intérêts d'une autre personne, et j'estime donc qu'il s'agit d'une violation évidente de la loi.
    Le fait de confier un contrat gouvernemental de 1 400 à 1 600 $ par jour à quelqu'un favorise ses intérêts financiers, et le premier ministre et David Johnston disent qu'ils sont amis. Même s'il ne s'agissait que d'amis de la famille, il serait toujours inapproprié d'accorder un contrat gouvernemental à un de ces amis si le commissaire à l'éthique — quand il y en a un — en décidait ainsi, et c'est une violation de la Loi sur les conflits d'intérêts que de favoriser de façon inappropriée les intérêts d'une autre personne. Il serait à nouveau inapproprié d'accorder un contrat gouvernemental à un ami de la famille.
    Comme je l'ai mentionné, en ce qui concerne le commissaire à l'éthique, tous les soi-disant chiens de garde prévus par nos lois démocratiques clés sont triés sur le volet par le Cabinet au moyen de processus secrets, partisans, politiques et contrôlés par le Cabinet, comme nous l'avons vu dans le cas du commissaire à l'éthique intérimaire. Le Cabinet est actuellement en voie de choisir le commissaire à l'intégrité, le commissaire de la GRC et le commissaire à l'éthique, ainsi que le commissaire à l'éthique par intérim.
    On ne peut pas choisir son propre juge et, en choisissant David Johnston, le premier ministre Trudeau a en fait choisi son propre juge, mais maintenant, le premier ministre Trudeau choisira aussi son propre commissaire à l'éthique, son commissaire à l'intégrité, son commissaire de la GRC et tous les autres commissaires à mesure qu'ils devront être remplacés. C'est un système très imparfait, et la Cour d'appel fédérale a statué à l'unanimité que le Cabinet était partial lorsqu'il procédait à ces nominations. Le système de nomination doit être modifié afin de le rendre indépendant, de faire participer tous les partis et une commission indépendante à une recherche fondée sur le mérite — une véritable recherche fondée sur le mérite —, et de permettre qu'une décision fondée sur le mérite soit prise en ce qui concerne le choix de la personne qui surveillera et appliquera ces lois clés qui protègent notre démocratie, y compris en nous protégeant contre l'ingérence étrangère.

  (1255)  

    Même en faisant abstraction de la notion de relation d'amitié qui existe, comme l'ont noté les deux personnes, nous savons qu'un don de 200 000 $ ou 140 000 $, selon le chiffre que vous jugez approprié, et un autre don de 800 000 $ destiné à l'Université de Montréal ont été liés à M. Zhang Bin et, bien sûr, à ces agents de Pékin. Le SCRS pense que ces dons faisaient partie de l'influence que Pékin cherchait à exercer, et étant donné que M. Johnston était membre du conseil d'administration de la fondation Trudeau qui a reçu cet argent, distinguez-vous un autre conflit d'intérêts, en plus de la relation d'amitié?
    Oui, mais la notion d'amitié est le conflit d'intérêts le plus important, évidemment. La sonnette d'alarme a été déclenchée. Les médias ont beaucoup parlé de ce don en 2016, lorsqu'il a été révélé. Malheureusement, la sonnette d'alarme n'a été tirée que très récemment au sein de la fondation elle-même, mais tout indiquait que ce don n'aurait jamais dû être accepté.
    Je vous remercie.
    Le prochain intervenant est M. Turnbull.
    Merci, madame la présidente.
    Je vais d'abord m'adresser à M. Mitrovica.
    J'ai lu récemment un article d'Al Jazeera que vous avez écrit, monsieur, et qui a été publié en mars. Dans cet article, vous dites que ce n'est pas parce qu'une quelconque classification de sécurité est indiquée pour un document produit par un agent d'information du SCRS que c'est la vérité.
     Je voulais vous poser une question. Cela signifie‑t‑il que nous devrions contester la véracité des fuites qui ont été publiées sur des plateformes comme celle du Globe and Mail, par exemple, au cours des dernières semaines, ou du moins remettre en question leur véracité jusqu'à ce que l'information soit corroborée? Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?
     Oui, je pense qu'il s'agit d'un point essentiel. Les services de renseignement ne recueillent pas d'éléments de preuves. Ils recueillent des renseignements. Ces renseignements ne sont pas examinés de la même manière que les preuves recueillies par la police le sont devant les tribunaux. Ils ne sont pas examinés aussi rigoureusement que les éléments de preuve recueillis par la police. Il s'agit d'une distinction importante que le Comité devrait comprendre, que les Canadiens en général devraient comprendre et, pour être tout à fait franc, que les journalistes devraient comprendre, mais qu'ils ne semblent pas bien comprendre lorsqu'on voit leurs reportages sur ces questions.
    L'autre élément qui est au cœur de votre question, c'est que lorsque le SCRS recueille des renseignements, il le fait souvent sans contexte et, comme vous l'avez souligné à juste titre, sans qu'il y ait eu corroboration. Souvent, les termes utilisés sont embellis pour appuyer un certain discours qui pourrait être établi parmi quelques agents du renseignement au sein du SCRS. Ensuite, bien sûr, on modifie l'information qui, une fois encore, peut être formulée de manière à appuyer un discours particulier qui n'inclut pas de renseignements disculpatoires.
     Dans ma déclaration préliminaire, j'ai dit que les membres du Comité — et, plus généralement, les Canadiens et certains journalistes qui ne comprennent pas comment l'information est créée au sein du SCRS — doivent prendre du recul et comprendre qu'ils doivent être beaucoup plus prudents lorsqu'ils acceptent comme pure vérité des renseignements qui sont payés publiquement ou qui leur sont divulgués par le SCRS. Je pense que c'est un point très important.
     D'après ce que j'ai lu, regardé et écouté, on accepte ces renseignements comme la pure vérité. Cela peut être dangereux et, comme je l'ai dit dans ma déclaration préliminaire, a certainement nui à la réputation de certaines personnes et a conduit à au moins deux poursuites en libelle diffamatoire très sérieuses contre des journalistes qui ont produit ces histoires. Je pense qu'il s'agit là aussi d'une mise en garde.

  (1300)  

    Je vous remercie de cette réponse.
    Je sais que vous avez également donné d'autres exemples dans cet article. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit à juste titre que le SCRS se trompait parfois. En fait, je crois que vous avez dit qu'il se trompait souvent. Vous avez pris l'exemple de Maher Arar, que nous connaissons tous. Aimeriez-vous nous expliquer de quelle manière le SCRS s'est vraiment trompé dans ce cas précis?
    Avant que je réponde à cette question, il est important que vous sachiez que, à mon avis, vous devriez également inviter Eva Plunkett à comparaître devant le Comité pour qu'elle mette les choses en contexte. Bien sûr, le bureau de l'inspecteur général a été fermé par une administration précédente, en grande partie parce que Mme Plunkett faisait trop bien son travail. Dans son dernier rapport, elle a souligné qu'il y avait des problèmes systémiques dans l'ensemble des activités principales du SCRS, qu'on se trompait, et ce, de manière répétée, et elle a lancé un avertissement à ce sujet.
    En ce qui concerne Maher Arar, dans un très long article que j'ai écrit pour le magazine Walrus, j'ai décortiqué non seulement le rôle qu'a joué l'infrastructure du renseignement de sécurité dans le salissage de la réputation d'un Canadien innocent, mais aussi la manière dont ces renseignements ont été communiqués, littéralement communiqués, à certains journalistes — qui font aujourd'hui des reportages sur l'ingérence chinoise — sur le rôle présumé de M. Arar en tant que terroriste. Tout cela s'est révélé absolument faux.
    On observe la même dynamique aujourd'hui. Quelques sources anonymes au sein de la superstructure du renseignement de sécurité transmettent de l'information à des journalistes sélectionnés, qui les répètent ensuite comme des paroles d'évangile.
     Merci.
    Combien de temps me reste‑t‑il, madame la présidente?
    Il me reste 30 secondes.
    J'ai une brève question à vous poser, madame Wong. Pourriez-vous nous dire quels pays sont des chefs de file lorsqu'il s'agit de protéger leurs citoyens contre l'ingérence étrangère?
     Je pense qu'il y a des lacunes dans la plupart des pays occidentaux à cet égard, mais j'invite le Comité à se pencher sur Taïwan et sur certaines des tactiques les plus efficaces auxquelles on a recours pour protéger les collectivités.
    Aucun pays dans le monde ne se démarque comme étant le meneur.
    Pékin a une stratégie de mobilisation sur la sécurité nationale qui s'étend sur plusieurs décennies. En raison des cycles démocratiques, la plupart des pays occidentaux n'ont que des plans sur quatre ans, de sorte que la plupart des pays dans le monde sont en retard par rapport aux opérations d'ingérence de Pékin.
    Merci.
    C'est maintenant au tour de Mme Normandin.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Je vais poser ma première question à M. Conacher, mais je reviendrai ensuite à Mme Wong.
    Monsieur Conacher, vous avez beaucoup parlé, lors de votre allocution, de l'importance de l'impartialité lorsque des gens étaient nommés pour faire enquête sur divers sujets.
    J'aimerais que vous nous en disiez davantage sur une éventuelle commission d'enquête et sur la façon dont serait nommée la personne qui devrait présider une telle commission. Le Bloc québécois avait fait une suggestion, à savoir que cette personne devrait être nommée par l'ensemble des partis.
    J'aimerais avoir vos commentaires sur cette proposition et peut-être aussi sur une enquête publique indépendante, de façon générale.

  (1305)  

[Traduction]

    Je vous remercie beaucoup de...

[Français]

    Je devrais m'exercer à parler en français, mais je ne maîtrise pas la langue.

[Traduction]

Je vais répondre à votre question.
    L'essentiel, c'est que ce soit un comité totalement indépendant qui procède à la recherche fondée sur le mérite pour établir une courte liste de candidats. Il s'agira d'un comité qui n'est contrôlé par aucun parti, d'un comité composé de personnes qui ne sont liées à aucun parti politique. Ses membres peuvent être choisis avec l'approbation de tous les partis afin que ce soit impartial, ou en ayant recours à des personnes qui occupent des postes déterminés. Ils effectueront ensuite une recherche publique de candidats basée sur le mérite et établiront une liste restreinte qui sera renvoyée à un comité multipartite.
    Le Québec dispose de certains éléments de ce processus pour la nomination des juges provinciaux. Aucun des membres du comité consultatif qui effectue les recherches n'est nommé par le ministre.
    La Colombie-Britannique dispose d'un autre élément pour tous les chiens de garde de la démocratie de la province. Je ne pense pas que des politiciens devraient se charger de la recherche, car ces chiens de garde surveillent les politiciens de tous les partis. En Colombie-Britannique, un comité multipartite fait le choix final.
     C'est ainsi que les choses devraient se passer pour la nomination de tout commissaire d'enquête et de tout autre chien de garde, du commissaire de la GRC et de tous les agents du Parlement. Toute personne chargée de surveiller ou de juger un politicien doit être sélectionnée de cette manière. Sinon, nous n'aurons qu'un processus partial, partisan et contrôlé politiquement, dans le cadre duquel on finira par choisir des chiens de poche et non des chiens de garde.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'imagine que vous feriez une recommandation positive au sujet de la demande du Bloc québécois voulant qu'on modifie la Loi sur les enquêtes afin que l'ensemble des enquêtes publiques soient présidées de façon neutre et impartiale par une personne sélectionnée par l'ensemble des partis.
    N'est-ce pas?

[Traduction]

    Oui, c'est tout à fait vrai.
    Comme je l'ai mentionné, la Cour d'appel fédérale a conclu à l'unanimité que lorsque le Cabinet choisit ces personnes, il est partial. Malheureusement, selon une décision de longue date de la Cour suprême du Canada, la partialité est permise. Cela ne veut pas dire toutefois que cela n'existe pas. On parle d'un parti pris, et cela signifie qu'une multitude de conflits d'intérêts nuisent à l'efficacité de l'application de la loi, ce qui est très dangereux lorsque les lois appliquées concernent les ministres et qu'elles existent pour protéger notre démocratie.

[Français]

    Merci beaucoup.
    Madame Wong, j'aimerais revenir sur la création d'un registre. Vous avez dit lors de votre allocution qu'il ne fallait pas se limiter uniquement aux acteurs politiques, mais inclure également des acteurs du milieu universitaire, des médias et du domaine culturel.
    Quels seraient les critères à considérer pour l'inscription des noms dans ce registre? Avez-vous déjà des pistes de réflexion à suggérer afin qu'on puisse créer un registre efficace, en fonction decritères qui seraient universels quant aux gens à sélectionner?

[Traduction]

    Tout d'abord, nous ne cessons d'exhorter ce comité à adopter une approche indépendante des pays pour ce type de politique. C'est que nous ne voulons pas que le registre soit vu comme quelque chose qui tombe dans des stéréotypes raciaux qui font qu'il surcompense et ne s'applique qu'à des membres de groupes ethniques au Canada.
     Nous examinons les régimes de transparence qui permettent de savoir comment les personnes sont financées dans le cadre de leurs activités, avec qui elles sont en contact, à quelle fréquence les rencontres se tiennent et où l'argent est dépensé. Comme ma collègue l'a dit plus tôt, nous voulons recueillir ces données afin qu'elles puissent également servir de base à l'élaboration des politiques.

[Français]

    Merci beaucoup.
    J'aimerais quand même revenir un peu à la question des menaces.
    Vous avez parlé des menaces dont vous avez vous-même fait l'objet et d'autres menaces que la communauté a reçues, par exemple par le truchement d'appels téléphoniques ou sous la forme d'animaux morts déposés sur le perron de résidences.
    Avez-vous eu connaissance de menaces plus directes, voire d'atteintes à la sécurité physique visant des membres de la diaspora?
    J'aimerais savoir si elles ont été signalées aux autorités. Le cas échéant, y a-t-il eu des suivis?

[Traduction]

    Dans l'un de nos rapports datant de 2020, nous avons en fait relevé que des acteurs pro-Pékin avaient entrepris une opération mondiale contre des militants pour la démocratie à Hong Kong. Cette opération s'est déroulée dans sept provinces, au Royaume-Uni, en Australie, en Nouvelle-Zélande, en Allemagne, au Japon et à Taïwan. Ce que nous avons vu, c'est que les acteurs favorables à Pékin s'étaient en fait préparés avec des tapis en plastique rouge afin d'être prêts à affronter physiquement les militants pour la démocratie à Hong Kong lors de ces rassemblements.
     Bien sûr, ces événements sont enregistrés grâce aux caméras et aux téléphones cellulaires, mais bien souvent, les services de police considèrent qu'il s'agit d'un conflit au sein de la communauté. Ils ne considèrent pas qu'il s'agit d'intimidation physique ou d'agression.

  (1310)  

[Français]

    Merci.

[Traduction]

    C'est maintenant au tour de Mme Blaney.
    Merci, madame la présidente.
    Merci aux nouveaux témoins.
    Je remercie Mme Wong de rester avec nous un peu plus longtemps. Je lui en suis très reconnaissante.
    Tout d'abord, ma question s'adresse à vous, monsieur Mitrovica, et j'espère que j'ai bien prononcé votre nom.
     Je pense que c'est là que réside le défi. J'ai également lu vos articles. Tout au long de ce processus, j'ai l'impression que nous cherchons le croquemitaine dans le placard. On se dit « voilà ce que cela veut dire », et je sais que ce n'est pas forcément ce que cela veut dire. Il s'agit d'essayer de rassembler des renseignements d'une manière plus globale, d'adopter une approche sensée et de s'attaquer réellement à la question clé, à savoir comment faire en sorte que les Canadiens aient confiance en leurs systèmes. Qu'est‑ce que notre pays doit faire mieux à cet égard?
     J'ai lu votre article et je l'ai trouvé très intéressant. Vous avez beaucoup utilisé le mot « hystérie ». Ma question portera sur les lanceurs d'alerte. Je comprends ce que vous dites. Parce qu'il n'y a rien de rattaché à cette personne, nous acceptons cela comme des faits, et l'information devient préoccupante.
    Pourriez-vous en parler? Avons-nous suffisamment de règles en place pour soutenir les lanceurs d'alerte? Lorsqu'il s'agit d'obtenir de l'information, le problème est‑il en partie que le soutien est insuffisant?
    Il y a de nombreuses années, j'ai écrit un article sur les mesures de protection qui devraient être accordées aux lanceurs d'alerte qui se manifestent pour révéler, dans l'intérêt du public, des renseignements qui sont dans l'intérêt du public. Or, l'idée selon laquelle la source du Globe and Mail est un lanceur d'alerte me pose quelques problèmes.
    En première page de mon ancien journal, on vante cet individu comme étant un lanceur d'alerte. Généralement, les lanceurs d'alerte sortent de l'ombre. Ils ne portent pas d'accusations dans l'ombre.
    Cet individu fait des allégations très graves concernant des personnes, des organisations et des partis, et je pense qu'il doit se manifester, comme d'autres lanceurs d'alerte — des lanceurs d'alerte courageux — qui sont sortis de l'ombre et qui ont pointé un doigt accusateur vers les institutions au sein desquelles ils opéraient et qui étaient prêts à défendre publiquement leurs accusations, leurs motivations. Voilà ce qu'est un véritable lanceur d'alerte.
     La source du Globe n'est pas un lanceur d'alerte. Cette personne demeure une source anonyme qui provoque un grand chaos, à mon avis, et qui n'a pas à défendre ce qu'elle fait et n'est pas interrogée sur ses motivations, les sources de ses renseignements, la véracité de ses renseignements, la manière dont ils ont été corroborés — s'ils l'ont été — et la question de savoir si elle a embelli ou modifié les renseignements pour les faire correspondre à un certain discours.
     Je pense qu'il s'agit là d'un véritable point litigieux. Lorsqu'un journal offre ce type de protection à une source et qu'il la présente ensuite comme un lanceur d'alerte, c'est une situation qui me pose beaucoup de problèmes.
    Je vous remercie.
    Je pense qu'il est difficile d'essayer de s'orienter dans tout cela de manière à protéger les Canadiens et de s'assurer qu'ils disposent de l'information dont ils ont besoin. C'est, bien sûr, la raison pour laquelle nous appuyons la tenue d'une enquête publique.
     En ce qui concerne l'autre question dont je veux parler, vous avez dit — et nous l'avons souvent entendu — que bon nombre de nos lois relatives à ces questions sont en grande partie désuètes, ce qui constitue un grand problème pour nous, et que bon nombre des lois qui concernent le SCRS sont désuètes et ont besoin qu'on leur donne un nouveau souffle.
     Vous avez dit précédemment que l'on recueille des renseignements et que ce ne sont pas des éléments de preuve. Lorsque vous examinez ce processus et la façon dont l'ingérence étrangère et la désinformation évoluent, comment voyez-vous ces éléments se combiner?
     Il me semble que la désinformation est en grande partie au cœur du problème, comme dans bien d'autres pays. Il n'y a pas si longtemps, il y avait un convoi ici et des gens brandissaient des pancartes d'autres présidents. C'était comme s'ils n'étaient pas dans le bon pays.
     Nous devons nous pencher très sérieusement sur la question, car il ne s'agit pas d'un seul pays, mais de plusieurs pays qui font des choses pendant les élections et entre deux élections, et cela a d'importantes répercussions sur nous.
    Je me demande si vous pourriez nous parler de tout cela, du rôle du SCRS et de ce qui doit changer pour que le processus soit plus réfléchi.

  (1315)  

    C'est une grande question.
     Permettez-moi d'essayer d'y répondre de la façon suivante. Il y a beaucoup de désinformation au sujet du SCRS lui-même. J'ai écrit un livre qui dresse un portrait très peu élogieux du service d'espionnage canadien. L'une de mes principales conclusions devrait faire l'objet d'une enquête en quelque sorte, parce qu'elle montre que le SCRS lui-même — et je ne veux pas me lancer dans les hyperboles ici — peut être considéré comme une menace pour notre sécurité nationale.
     Permettez-moi de préciser ce que je veux dire. J'ai fait état d'une atteinte à la sécurité nationale qui n'a jamais fait l'objet d'une enquête en bonne et due forme par quelque autorité que ce soit, y compris le SCRS. J'y ai consacré un chapitre de mon livre. L'affaire concernait un haut responsable du SCRS à Toronto qui était membre des services opérationnels spéciaux, l'un des aspects les plus sensibles des activités du SCRS.
     J'ai rapporté qu'il échangeait des renseignements très confidentiels — qu'il les troquaient — avec des trafiquants de drogue liés à la mafia contre de l'héroïne. C'est à peu près au même moment que le joyau de l'organisme, le document de planification opérationnelle, a disparu. Il aurait été volé par trois toxicomanes selon le SCRS à l'époque. Il s'agissait d'un prétexte.
     Nous devons comprendre que le SCRS lui-même est... La désinformation actuelle consiste à dire que le SCRS est rempli de scouts et de guides qui chantent le Ô Canada le matin et avant de s'endormir le soir. Le fait est qu'il y a de véritables problèmes au sein de cet organisme. Cependant, si vous écoutez, regardez et lisez une grande partie de la couverture médiatique ces derniers temps, l'hagiographie doit être remise en question.
    Je vais devoir vous remercier. Je sais que votre réponse pourrait probablement être un peu plus longue.
     Monsieur Mitrovica, monsieur Conacher, madame Wong, merci de nous avoir consacré du temps aujourd'hui et de nous avoir donné votre point de vue.
     Il est fort possible que les membres du Comité aient d'autres questions à vous poser, et nous vous demanderons de nous fournir des réponses par écrit. Cela vous convient‑il? Nous vous les enverrons.
     Si vous souhaitez que le Comité examine d'autres renseignements, veuillez les envoyer par écrit à la greffière, qui les fera traduire et les distribuera à tous les membres du Comité.
    Sur ce, au nom des membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, je vous remercie encore une fois, monsieur Mitrovica, monsieur Conacher, madame Wong, du temps que vous nous avez consacré aujourd'hui. Nous vous souhaitons une bonne fin de journée.
    Nous nous reverrons ce soir, à 18 h 30. La séance est levée.
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