Que, de l’avis de la Chambre:
a) tout scénario de redécoupage de la carte électorale fédérale qui aurait pour effet de faire perdre une ou des circonscriptions électorales au Québec ou de diminuer le poids politique du Québec à la Chambre des communes doit être rejeté;
b) la formule de répartition des sièges à la Chambre doit être modifiée et elle demande au gouvernement d’agir en conséquence.
— Monsieur le Président, je vous transmets mes vœux pour que vous passiez une fort agréable journée. De plus, je vous avise que je vais partager mon temps de parole.
Les discussions sur le redécoupage ont lieu depuis un certain temps. Or, ces temps-ci, l'actualité a la douloureuse tendance à occuper autrement l'espace public et, à bien des égards, l'espace de nos débats et de nos discussions.
Le Bloc québécois présente une motion visant à protéger le poids politique de la nation québécoise au sein de la fédération canadienne, tant et aussi longtemps que les Québécois n'auront pas choisi quelque chose d'autre, qui fera de la nation québécoise une amie de la nation canadienne et non une nation assujettie à une autre nation. Dans l'intervalle, il faut protéger le poids politique du Québec.
J'entends déjà certains analystes et certains estimés collègues, qui sont malgré tout des adversaires, dire que ce n'est pas le moment de faire cela, puisqu'il y a une pandémie. Je rappelle qu'il y a aussi une crise climatique. On va aussi dire que ce n'est pas le temps de le faire, puisqu'il y a une guerre. Il n'y a pas si longtemps, on évoquait les mesures d'urgence, mais on a changé d'idée 44 heures plus tard. Ce ne serait donc pas le temps de parler du poids politique du Québec.
J'ai envie de dire que c'est justement le temps d'en parler. C'est à la lumière des grands enjeux qu'il faut mesurer l'importance du poids du Québec; c'est lorsque l'on est confrontés à des défis que l'on pourrait relever ensemble, de façon librement consentie et non assujettie au nombre au sein d'institutions où la nation québécoise occupe de moins en moins d'espace.
Si les affaires de l'État pouvaient n'être gérées que par des statistiques, il faudrait nous demander ce que nous faisons ici. Si le fait d'aligner trois colonnes de chiffres fait que l'on a déjà programmé le résultat et les conséquences, nous devons nous demander ce que nous faisons ici.
C'est parce qu'il y a des décisions qui vont parfois un peu à l'écart de la sainte colonne de chiffres qu'il y a des gens qui sont élus. Ces derniers sont élus pour leur jugement, pour la représentativité des gens qui les élisent, mais ils sont aussi élus pour leur conscience lorsqu'une situation que personne n'avait anticipée émerge.
À cause des gens qui doivent intervenir, des valeurs dont ils sont les porteurs et les porteuses et de l'histoire, on ne peut pas laisser décider les statistiques. C'est l'histoire qui nous mène là où nous sommes.
Pour toutes ces raisons, c'est inadmissible que le poids du Québec puisse être appelé à être réduit au sein de toute espèce d'institution canadienne pour le temps où nous y sommes. D'ailleurs, c'est vrai pour tout le monde.
Imaginons que je suis un fédéraliste — il faut beaucoup d'imagination pour le faire, mais les députés n'ont pas à retenir pas leur souffle, car cela ne se produira pas —, un Québécois aspirant à la direction du Parti conservateur tenté de remettre ses vieux patins. Si c'était le cas, je dirais que c'est important de préserver le poids politique du Québec, car c'est la preuve que le Canada aime beaucoup le Québec. Après tout, il était présent au love-in qui a eu lieu en 1995. Je suis à l'autre bout du spectre, dans une zone beaucoup plus confortable, presque en béatitude, et j'affirme que je suis indépendantiste.
En attendant, il ne faut pas se laisser affaiblir. L'idée de protéger le poids du Québec sert tout le monde qui reconnaît l'existence de la nation québécoise. Il n'y a pas si longtemps, soit le 16 juin 2021, la Chambre des communes a voté sur la reconnaissance du Québec en tant que nation; 281 députés étaient en faveur et quelques députés étaient en défaveur. Il y en a une poignée qui a soudainement eu mal au ventre. La Chambre votait pour reconnaître le Québec en tant que nation, dont la seule langue officielle et la seule langue commune est le français.
Si cela veut dire quelque chose, il faudra l'assumer d'une quelconque façon. Pour aujourd'hui, nous y allons avec modération. Nous voulons juste dire qu'on ne peut pas faire diminuer le poids du Québec. On ne peut pas faire en sorte que nous perdions un siège. Cela ne s'est pas produit depuis 1966, comme le répétera mon estimé ami et leader parlementaire.
Bientôt, nous déposerons un projet de loi dont l'objet sera d'assurer que le poids du Québec…
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Madame la Présidente, ces gens-là ont une course à la chefferie à organiser. Il faut leur donner une petite chance.
Je reviens à mon propos sérieux. Je veux simplement dire que nous allons en effet déposer un projet de loi et que cette loi va assurer la pérennité du poids du Québec à l'intérieur des institutions canadiennes. Il ne faut pas l'interpréter comme étant une renonciation à la volonté amicale de bons voisins qui, de façon librement consentie, voudront continuer à collaborer avec l'entité canadienne, quelle que soit la façon dont elle voudra se définir ultérieurement.
Le Bloc québécois déposera un projet de loi, parce que, dans l'intervalle, il nous faut un poids pour protéger les intérêts supérieurs des Québécois, promouvoir le Québec et être capables de défendre des idées, dont celles qui seront étudiées prochainement. La Loi sur les langues officielles ne devrait pas s'appliquer au Québec, qui gère très bien la langue française et qui, en plus, est le gouvernement au monde qui protège le mieux sa minorité historique, c'est-à-dire la minorité anglaise.
Il nous faut un poids pour défendre la culture, les arts et les communications, notamment en matière de radiodiffusion. Ce sera discuté bientôt et cela devrait aussi être fait dans une perspective particulière pour le Québec.
Pour faire tout cela, il nous faut une voix qui ne peut pas, à l'intérieur des institutions canadiennes, diminuer et se ratatiner de jour en jour. Nous voudrons au moins la même chose et, qu'on s'y attende, nous en voudrons davantage.
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Madame la Présidente, je trouve important de lire la motion pour qu'on comprenne bien de quoi nous parlons:
Que, de l’avis de la Chambre: a) tout scénario de redécoupage de la carte électorale fédérale qui aurait pour effet de faire perdre une ou des circonscriptions électorales au Québec ou de diminuer le poids politique du Québec à la Chambre des communes doit être rejeté;
Dans la motion, il y a un « ou ». Or, d'après ce qu'on observe actuellement, il y a un « et ». Le Québec perd de sa représentativité politique à la Chambre des communes, mais, en plus — fait historique —, le Québec va perdre un siège. Cela ne s'était pas vu depuis 1966.
Les gens se disent que c'est un peu normal que la représentation démographique du Québec fasse qu'on vive une telle baisse. Dans le fond, on traite le Québec comme une province, sauf que nous ne sommes pas une province. Nous sommes une nation et nous devons être traités comme une nation.
Notre culture est différente, notre langue est différente, nos façons de faire et de vivre sont différentes, et notre économie est structurée de façon différente. Nous sommes davantage en faveur de la lutte contre les changements climatiques. En tout cas, cela semble évident pour une partie de la Chambre des communes.
Quand j'étais jeune, car je l'ai déjà été, Félix Leclerc est décédé. En 1988, le Québec pleurait la mort de son poète. Le reste du Canada se demandait qui donc était Félix Leclerc.
Cela montre à quel point nous sommes éloignés. Nous ne sommes pas mieux, nous sommes juste différents. Il faut que cette différence se sente à la Chambre des communes pendant que nous sommes encore ici. Le rêve de tout souverainiste et de tout bloquiste est de perdre notre job et d'aller à Québec pour que la moitié des impôts que nous versons ne soit pas défendue par 22,5 % des gens ici, mais par 100 % des gens à Québec. Voilà ce que nous voulons.
J'ai parlé de Félix Leclerc. Les gens peuvent se dire que c'était normal en 1988, mais qu'il y a eu depuis un référendum et qu'ils se sont rapprochés un peu, surtout après le love-in avec Jean Charest.
L'année passée est décédé Michel Louvain. Nous avons fait une déclaration de député au sujet de Michel Louvain. À la Chambre, on sentait les gens se demander « who's that guy? », « qui est Michael Luvine? ». Demandons à n'importe quel Québécois « qui est la belle inconnue ». Ils répondront que c'est « la dame en bleu seule à sa table ». Voilà ce qu'est le Québec.
Notre collègue le député de a prononcé un discours de 10 minutes tout à fait exceptionnel, la semaine passée, pour justement expliquer ce qu'est le Québec. J'invite tout le monde à le réentendre. C'était tout simplement magnifique.
Revenons sur le fait que le Québec forme une nation. Nous avons adopté l'année passée une motion reconnaissant que le Québec forme une nation. Nous l'avons adoptée ici, à la Chambre. En plus, nous avons poussé le bouchon loin. Quand je suis parti de chez nous, ma femme m'a dit: « ils ne feront jamais ça ». Je lui ai répondu que j'avais confiance et que cela allait fonctionner, parce que nous avons un bon chef. Finalement, non seulement on a reconnu le Québec comme une nation, mais on a aussi reconnu que le français est la langue commune de la nation québécoise.
En votant en faveur de cette motion, on s'est sûrement dit qu'on nous donnait un hochet. Il se peut qu'on nous trouve fatigants à force de nous entendre dire que nous sommes différents. On nous a peut-être dit que nous étions une nation tout simplement pour nous faire plaisir, mais en pensant que cela ne servirait à rien.
Or non, cela sert à quelque chose. Il faut donner suite à des paroles, à une étiquette. Il faut que cela serve. Il faut être conséquent lorsqu'on vote à la Chambre de façon solennelle sur des opinions, sur des idées.
Le temps est venu pour que ces gens se prononcent. Je parle entre autres des 35 députés libéraux québécois à la Chambre. Je ne peux pas considérer que ces gens puissent voter contre l'idée que le Québec mérite d'avoir, au pire, un maintien de son poids politique à la Chambre, au mieux, une amélioration de la situation. Nous allons les regarder attentivement. Il est temps de donner suite à ce sur quoi ils ont voté.
Hier, à la Chambre, nous parlions de l'Ukraine, au grand bonheur du député de Winnipeg. J’ai posé une question à la , qui s’est levée à la Chambre et a affirmé que le Québec formait une nation. Elle a dit cela candidement à la Chambre, alors que nous parlions de politique internationale. Il faut joindre le geste à la parole, et c’est le moment de le faire.
Selon les calculs, le Québec perdrait un député, alors que l’ensemble de la Chambre se verrait ajouter quatre députés. Nous perdons sur tous les fronts et ce n’est pas acceptable. Les gens diront que c’est normal, parce que notre poids démographique diminue. Cependant, le Québec ne peut pas subir les foudres d’une statistique de ce genre, parce que le Québec est une nation, je le répète. C’est ce qui est important.
On nous dira aussi que c'est normal, parce que nous n’accueillons pas assez d’immigrants. Le gouvernement libéral veut accueillir 430 000 immigrants. Il n'est pas nécessaire d’avoir un doctorat en mathématiques pour comprendre que, si le Canada en accepte 430 000, le Québec doit en accepter 100 000 pour maintenir son poids politique. Nous aimons les immigrants, bien entendu, mais, pour protéger le fait français au Québec, il faut les accueillir et leur permettre de s’intégrer pour qu’ils puissent s’épanouir au Québec. Il faut donc faire en sorte que ces 100 000 personnes puissent s’intégrer à la vie québécoise.
Or, notre Assemblée nationale, avec l’accord de tous les partis, a affirmé que le fait d'en accueillir plus de 50 000 relèverait de l’exploit. Ce n'est donc pas tellement possible d'en accueillir 100 000, et nous sommes confrontés à un dilemme cornélien. Si nous jouons au jeu de la statistique, que nous acceptons d'accueillir des gens, que nous ouvrons la machine, nous aurons des problèmes avec le visage français du Québec, qui risque de péricliter. Cela nous permettrait de maintenir notre pouvoir à la Chambre, mais cela ferait diminuer de plus en plus l’utilisation de la langue française, qui doit être protégée. Tout le monde en convient.
Or nous sommes obligés de choisir entre les deux. Nous pouvons respecter les doléances de l’Assemblée nationale et admettre que, pour qu'une immigration soit réussie, il faut accueillir les gens et nous assurer de bien les intégrer. Cela voudrait dire que le poids politique du Québec diminuerait inéluctablement comme peau de chagrin, comme il le fait depuis 1867. De moins en moins de Québécois prennent la parole à la Chambre. Le pouvoir politique du Québec dans le Canada qu’on connaît est déjà très faible et il s’affaiblit de plus en plus.
Il faut absolument qu’on freine cet étiolement. La seule façon de le faire, c’est en éliminant la responsabilité des statistiques quand vient le temps d’évaluer le poids politique d’une nation. C’est ce qu’il faut faire maintenant. Il faut comprendre d’abord comment le problème touche les Québécois et ensuite arriver avec un correctif comme celui qui est proposé par le député de . Ce dernier a déposé un projet de loi à la Chambre qui garantirait le maintien du poids politique du Québec au fil du temps, parce que le Québec forme une nation. D'une certaine façon, la nation québécoise est dominée à 77 % par une nation qui n’est pas la nôtre. Quand on regarde les chiffres, on se dit assurément que, la meilleure façon de protéger la nation québécoise, c’est de faire la souveraineté.
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Madame la Présidente, je vous remercie.
Je me lève donc à la Chambre non seulement comme titulaire des rôles que j'ai ici au Parlement, mais, surtout, je me lève comme Québécois, comme fier député du Québec, ma province natale, où j'ai grandi et où mes parents ont immigré de l'extérieur du pays. Ils se sont établis et fondé leur famille au Québec. C'est là où j'ai eu le plaisir de passer presque toute ma vie, à part quelques années d'études universitaires. C'est ici que j'ai fondé ma famille. C'est ici que mon épouse et moi avons élevé nos trois enfants. C'est ici que mes deux petits-enfants sont nés. Je suis entièrement et à 100 % un fier Québécois.
Or, en écoutant le discours très enflammé de mon collègue de , dont j'adore la passion, j'ai trouvé à quelques reprises qu'il passait juste à côté de la question. Je m'explique.
Examinons le texte de la motion du Bloc québécois qui a été présentée à la Chambre aujourd'hui par le député de .
Que, de l’avis de la Chambre:
a) tout scénario de redécoupage de la carte électorale fédérale qui aurait pour effet de faire perdre une ou des circonscriptions électorales au Québec ou de diminuer le poids politique du Québec à la Chambre des communes doit être rejeté;
b) la formule de répartition des sièges à la Chambre doit être modifiée et elle demande au gouvernement d’agir en conséquence.
Je dois faire la juste part des choses et dire que je suis d'accord avec une partie de la motion, mais en désaccord avec une autre partie. Je vais m'expliquer et fournir mes raisons afin, je l'espère, de convaincre tous mes collègues de toutes les formations politiques, surtout ceux de l'extérieur du Québec, de voir les choses comme je les perçois.
Je vais commencer par établir les bases de mon argumentation. Ensuite, je vais expliquer les options qui s'offrent. C'est là que je ne suis pas d'accord avec la motion du Bloc. Enfin, j'aimerais proposer une solution pour laquelle, je l'espère, le Bloc va jouer un rôle constructif.
Voici d'abord là où je suis d'accord: le Québec ne devrait pas perdre un siège à la Chambre des communes. Tout comme l'a dit mon collègue le leader parlementaire du NPD et député de , il y a moyen d'établir un seuil, un plancher, qui permettrait au Québec de ne pas perdre un siège. Je pense d'ailleurs qu'il est possible de dire qu'aucune province ne devrait perdre de sièges.
Mon désaccord touche à la deuxième partie, implicite, de la motion du Bloc, pour lequel le fait « de diminuer le poids politique du Québec à la Chambre des communes doit être rejeté ». Je ne veux absolument pas que le Québec perde son poids démographique. Toutefois, il y a une solution assez simple pour s'assurer que le Québec ne perde pas son poids démographique: il faut qu'il le garde.
On est loin du Canada de 1867. La façon dont on doit faire cela en 2022, c'est de trouver une solution en essayant de faire augmenter le taux de natalité et le taux d'immigration. Il faut encourager les gens à venir s'installer au Québec, soit d'ailleurs au pays, mais surtout les gens francophones. J'ai un bon exemple à donner, mais avant, j'aimerais établir des faits.
Il y a quatre formules pour déterminer le nombre de sièges à la Chambre des communes. C'est un système non partisan et très exact qui a été développé au cours des années. La formule de répartition des sièges a évolué depuis la Confédération en 1867. On s'entend qu'à cette époque il y avait beaucoup de ce qu'on appelle politicaillerie, il y avait beaucoup de gerrymandering pour déterminer les circonscriptions. Heureusement, cette histoire est révolue et on a maintenant un système strictement non partisan pour déterminer les circonscriptions au Canada.
Sur quoi base-t-on le nombre de sièges dans chaque province et territoire?
Il y a quatre étapes. Premièrement, il faut établir le nombre initial de sièges. « Le nombre de sièges attribués initialement à chaque province se calcule en divisant le chiffre de la population de chacune d'elles par le quotient électoral. » Le quotient électoral pour l'année 2022 est de 121 891 personnes. « Le quotient électoral est obtenu en multipliant le quotient du dernier redécoupage décennal (111 166) par la moyenne des taux de croissance de la population des 10 provinces au cours des 10 dernières années (9,647 %). » Le dernier redécoupage décennal a eu lieu en 2011.
C'est incroyable, le Canada est un pays en pleine croissance. C'est presque 10 % en 10 ans. Le Québec aussi est en croissance. Malheureusement, il ne l'est pas au même rythme que la moyenne nationale.
La deuxième étape pour déterminer les sièges est l'application des clauses spéciales qu'on a établies au cours des années. Donc, « des rajustements sont faits pour tenir compte de la “clause sénatoriale” [...] La clause sénatoriale garantit qu'aucune province ne peut avoir à la Chambre des communes moins de sièges qu'au Sénat. » On voit cela dans le cas de l'Île-du-Prince-Édouard. C'est une île qui faisait partie de la fondation du Canada. Pour garantir son entrée dans la Confédération, elle s'est fait promettre quatre sièges à la Chambre des communes et quatre sièges au Sénat.
Non seulement il y a cette clause sénatoriale, mais il y a aussi la clause des droits acquis. « La clause des droits acquis garantit quant à elle qu'aucune province ne peut avoir moins de sièges qu'elle n'en avait en 1985. »
À l’époque, si je ne me trompe pas, c’était la Saskatchewan qui perdait un siège à cause de la décroissance démographique. On avait alors établi la disposition des droits acquis.
À la troisième étape, il y avait les règles de représentation. À la suite de l’application des dispositions spéciales, si une province surreprésentée à la Chambre des communes à la fin du dernier processus de remaniement électoral devient sous-représentée par rapport à sa population, des sièges supplémentaires lui sont attribués pour s’assurer que sa part des sièges correspond à sa part de la population. Cela est très important et cette règle n’a été appliquée qu’au Québec. Cela date d’une bonne trentaine d’années. C’est important de renforcer cela, si sa part des sièges ne correspond pas à sa part de la population.
À la quatrième étape, on traite la question des sièges territoriaux et le calcul final. En somme, il s'agit de garantir que chaque territoire aura un siège à la Chambre des communes. C’est une façon de s’assurer qu’il va toujours y avoir au moins trois sièges.
En vertu de cette formule, la commission nous suggère qu’il faut enlever un siège au Québec. Comme je l’ai dit d’emblée, en tant que Québécois, je ne pense pas que c’est souhaitable. C’est la raison pour laquelle il faut tout faire pour éviter cette situation. Il faut donc voir comment on peut l'éviter, compte tenu de ce qu’il y a devant nous.
Je pense que, la façon d'y arriver, c’est de revenir à cette disposition des droits acquis. C’est important, et je pense que c’est la solution. Malheureusement, la motion du Bloc québécois va un peu plus loin que cela. Non seulement elle demande que le Québec ne perde pas de siège, mais elle veut également que le poids politique du Québec ne soit pas diminué à la Chambre des communes.
Il y a une province qui n’a pas perdu de siège, et c’est l’Île-du-Prince-Édouard. Chaque député de cette province représente environ 40 000 personnes. Je ne veux pas que cela arrive au Québec. Le Québec n’est pas l’Île-du-Prince-Édouard. J’ai beaucoup de respect pour mes amis insulaires. Je les aime, j’adore visiter leur province. Toutefois, je pense que le Québec est distinct, et, ce faisant, je ne veux pas qu’on s'engage à toujours garantir que le Québec va maintenir le quart des sièges de la Chambre des communes, peu importe sa population. On pourrait finir par se retrouver dans une situation où des députés vont représenter très peu de personnes par comparaison avec leurs collègues des autres provinces. Je pense que cela diminue notre légitimité. Comme je l’ai dit au début, je parle en tant que fier député de Hull—Aylmer et fier Québécois.
Je pense que la solution consiste à établir un seuil pour le Québec, pour nous assurer que le Québec ne perdra pas de siège. Entretemps, j’espère que le Bloc québécois se joindra à moi pour promouvoir la solution à long terme. La solution, c’est de penser à faire en sorte que plus de gens viennent au Québec pour apprendre la langue française, pour embrasser notre belle culture, notre belle langue. Je pense que c’est vraiment la solution.
C'est vraiment la solution et j'invite le Bloc québécois à appuyer cette idée. J'ai entendu le député de La Prairie parler de son amour pour l'immigration et les néo-Québécois. Je partage entièrement son sentiment. Il faut que nous allions un peu plus loin, que nous encouragions cela, que nous demandions notre part de l'immigration et que nous visions les pays du monde où se trouvent des gens qui aimeraient s'établir au Canada ou au Québec et y vivre en français.
Je prendrai les cinq minutes qu'il me reste pour vous donner le bel exemple de ma circonscription, Hull—Aylmer, qui connaît une croissance fulgurante. Or, d'où vient cette croissance? Elle vient de l'immigration, plus précisément de l'Afrique francophone. Ces gens s'installent au Québec et connaissent très bien la langue française, puisque c'est leur langue maternelle. Ils sont prêts à modifier leur culture et à adopter celle de notre belle région, l'Outaouais.
D'ailleurs, plusieurs de mes collègues du Bloc québécois deviennent en quelque sorte des citoyens de ma circonscription cinq jours par semaine pendant la session parlementaire. J'apprécie beaucoup leur présence et le fait d'être leur député ici, à la Chambre des communes.
L'Outaouais, surtout Hull—Aylmer, est le deuxième pôle migratoire au Québec. Oui, il y a plus d'immigrants qui arrivent à Montréal, mais seulement les deux tiers y restent. Par contre, dans l'Outaouais et surtout dans l'ouest de cette région, à Hull—Aylmer, 98 % des immigrants en provenance de l'Afrique francophone y restent. Nous sommes très accueillants. Nous sommes le modèle à suivre pour le Québec. Nous sommes très reconnaissants envers ces gens de leur contribution à notre joie de vivre et à notre façon de voir les choses. Eux aussi sont de fiers Québécois et de fières Québécoises. Eux aussi sont de fiers Canadiens et de fières Canadiennes.
Ce que je propose est le modèle à suivre et c'est réalisable. Personne ne réussira à me convaincre qu'il n'y a pas 100 000 francophones dans le monde qui souhaitent s'installer ici et avoir ce que nous avons au Québec. C'est évident.
C'est la solution à long terme. J'invite mes collègues du Bloc québécois à se joindre à moi et à faire partie de cette solution, comme ils l'ont fait hier avec leur excellent travail durant le débat sur l'Ukraine. J'ai vu la volonté des députés du Bloc de faire partie de la solution.
Ils pourraient modifier leur motion avant la fin de la journée. Je leur tends la main et je les invite à faire partie de la solution. Il faut trouver le moyen pour que tous les députés appuient la motion, afin de s'assurer que le Québec gardera son nombre de sièges. Il faut chercher une solution pour s'assurer non seulement que le Québec maintient son poids démographique au Canada, mais qu'il occupe encore plus de place, comme il le devrait. Je serai fier d'en être.
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Madame la Présidente, je veux remercier le député d'Hull—Aylmer de son discours. Comme il est aussi mon député, cela me donne une idée. Je pourrais lui transférer quelques cas de circonscription. Nous pourrions joindre les forces.
J'ai trouvé plusieurs parties du discours de mon collègue très intéressantes, notamment celle où il proposait, parmi les solutions, de faire plus de bébés. Je tiens à lui dire que, au Québec, nous avons connu cela avec la « revanche des berceaux ». À une certaine époque, les curés insistaient auprès des mères de famille qui avaient déjà sept, huit ou neuf enfants pour qu'elles en fassent davantage. De ce côté, le Québec a fait son effort de guerre.
J'ai l'impression que mon collègue mélange aussi poids démographique et poids politique. J'aimerais peut-être apporter une petite nuance dans la perception qu'il semble avoir de la motion déposée aujourd'hui par mon collègue le chef du Bloc québécois et député de .
On ne parle pas du Québec comme une province. On définit le Québec comme une nation. De ce point de vue, la motion présentée aujourd'hui par le Bloc québécois est parfaite telle qu'elle est.
Mon collègue de Hull—Aylmer reconnaît-il lui aussi, tel que l'a fait la Chambre des communes le 16 juin 2021, que le Québec forme une nation dont la seule langue officielle et commune est le français, une nation accueillante qui souhaite effectivement accueillir davantage d'immigrants francophones, idéalement pour faciliter l'intégration de ces précieux nouveaux futurs concitoyens?
Au bout de la réponse qu'il me fournira, peut-il aussi me dire comment il explique que si on veut ouvrir les portes du Québec à l'immigration francophone, son gouvernement, par l'entremise du ministère de l'Immigration, pratique une discrimination quasi systématique à l'endroit des étudiants africains francophones qui souhaitent, comme mon collègue le souhaite lui-même, venir s'installer au Québec?
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
C'est avec plaisir que je prends part au débat sur cette motion. J'aurais adoré pouvoir être présent à la Chambre, mais les députés peuvent probablement entendre que mon timbre de voix n'est pas comme d'habitude. J'ai un rhume, alors je ne peux prendre l'avion pour participer au débat en personne.
J'aimerais expliquer à mes concitoyens, aux Albertains, aux habitants de l'Ouest et aux Canadiens comment fonctionne le processus. Il existe un proverbe yiddish pour cela, mais je dois d'abord établir certains faits. Selon la Constitution canadienne, il faut procéder à une redistribution des sièges tous les 10 ans. Cette redistribution s'effectue en fonction du poids politique des diverses provinces. Statistique Canada effectue un recensement, dont les données ont été publiées en février dernier.
Deux de ces données m'intéressent particulièrement. En tant qu'Albertain, je représente la deuxième circonscription la plus populeuse au Canada; elle compte 163 447 habitants. De nombreux députés savent que ce chiffre est supérieur de 40 % au quotient provincial moyen prévu. La circonscription de mon collègue d', elle, compte 209 431 habitants, soit le double du nombre d'habitants d'une circonscription moyenne au Canada. Cela signifie deux fois plus de dossiers à traiter, deux fois plus de courriels et deux fois plus d'appels téléphoniques. Essentiellement, le travail à abattre est deux fois plus grand, mais avec les mêmes ressources et une seule personne pour représenter tous ces gens.
Voilà ce qu'est la vie d'un député d'une circonscription urbaine de Calgary. est l'une de ces rares circonscriptions « rurbaines »: on y trouve à la fois des régions rurales et une zone urbaine, soit la ville d'Edmonton. Cette ville s'étend de plus en plus vers les régions rurales, à mesure que sont construites de nouvelles banlieues, que l'on peut voir en circulant en direction nord sur la route 2. Cela fait partie des défis d'un député de zones urbaines.
Puis, il y a les défis des députés des zones rurales. Ces circonscriptions ont peut-être une plus petite population, mais elles comptent un plus grand nombre de maires, de conseillers municipaux et de clubs locaux. Mes collègues seront probablement surpris d'apprendre que, jusqu'à tout récemment, il n'y avait même pas d'école secondaire dans ma circonscription. Jusqu'en 2018, il n'y avait aucune école secondaire dans ma circonscription de la ville de Calgary. Je sais que c'est étonnant, mais il en va autrement pour les députés des zones rurales. En effet, leur circonscription compte parfois trois, quatre, cinq ou six écoles secondaires, selon la superficie des comtés et des zones qu'ils touchent. Parfois, on retrouve tous les niveaux dans les petites localités, de la maternelle jusqu'à la 11e ou la 12e année, et ce, dans une seule circonscription. Cette situation apporte son lot de défis en matière de représentation.
Lorsque nous procédons, tous les 10 ans, au redécoupage prévu par la Constitution, celui-ci est strictement fondé sur le poids démographique des diverses régions du pays et non sur leur poids politique. Le redécoupage suit quatre règles. J'ai mentionné, plus tôt, que j'avais un proverbe yiddish à présenter. Il dit ceci: « Il ne faut pas me donner le miel, mais m'éviter les piqûres. »
Nous venons de l'Ouest tous les deux et nous représentons des provinces qui sont sous-représentées. Pour nous, le « miel » serait d'obtenir plus de sièges. L'Alberta compte obtenir trois sièges du fait de ce redécoupage électoral. La « piqûre », quant à elle, vient du fait que chaque redécoupage fait de nombreux mécontents. Tout le monde ne réussit pas à obtenir ce qu'il souhaiterait avec la formule utilisée.
Parlons un peu de la formule qui a été utilisée. Elle a été adoptée en 2011 et a reçu la sanction royale en 2012. C'est ce qu'on appelle la Loi sur la représentation équitable. Celle-ci a reconnu, fondamentalement, que les provinces affichant la croissance la plus rapide au pays n'obtenaient pas assez de sièges supplémentaires pour arriver à une représentation équitable selon la population. Trois provinces étaient dans cette situation, soit l'Ontario, la Colombie-Britannique et ma province, l'Alberta. Le redécoupage visait donc à rééquilibrer leur part respective. C'est ce qui a mené à l'ajout de 30 nouvelles circonscriptions en 2015. On cherchait ainsi à se rapprocher d'une véritable « représentation selon la population » et de la représentation prévue par la Constitution.
Dans cette redistribution, le quotient électoral utilisé par Élections Canada est 121 891. Bien entendu, il y aura des échanges pour assurer une bonne représentation aux localités, comtés et régions de moindre taille et réduire le plus possible la distance que les députés ont à parcourir pour représenter les gens de leur circonscription.
Au Canada, il y a quatre règles. La première concerne le quotient utilisé par Élections Canada pour déterminer le nombre de sièges par circonscription. On applique ensuite la clause sénatoriale, pour éviter qu'une province ait moins de députés que de représentants à l'autre endroit, au Sénat du Canada. Vient ensuite la clause de droits acquis. En 1985, il fut essentiellement convenu qu'aucune province ne devrait perdre un siège en fonction de ce qu'elle avait en 1985. Certaines provinces connaissent une croissance moins rapide. Aujourd'hui, cela touche principalement la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. Enfin, en 2011-2012, on a ajouté la règle de représentation, qui concerne le Québec en particulier, pour faire en sorte que cette province soit toujours représentée selon sa population.
Je dois noter qu’après cette redistribution, le nombre de députés de la province équivaudra à 22,71 % de la Chambre alors que la population du Québec, selon Statistique Canada, représente 22,57 % de celle du pays. Dans cette situation, l’objectif est d’atteindre une représentation proportionnelle à la population.
Nous avons entendu certaines des difficultés de représenter de très grandes circonscriptions et des circonscriptions urbaines, et, en général, de représenter ses concitoyens en tant que député. Je trouve que c’est un grand défi. Chaque formule dont nous convenons à un moment donné fera des gagnants et des perdants, et nous essayons toujours de trouver le meilleur compromis.
En me préparant pour ce débat, je suis allé consulter les débats qui ont eu lieu à ce sujet en 2011 et 2012, et les députés parlaient des façons de procéder pour éviter de toujours augmenter le nombre de députés, comme certains autres Parlements de type britannique l’ont fait, parce que nous avons convenu de ces règles au cours des 40 ou 50 dernières années. Cependant, les changements qui résultent parfois de l’utilisation d’une formule font toujours mal.
Il est difficile de prédire ce qui se passera dans quelques semaines ou dans 10 ans. L'économie a un effet important sur les mouvements de population au Canada. Au début des années 2000, ma province, l'Alberta, a connu une période de prospérité qui a attiré énormément de gens, qui s'y sont installés avec leur famille. Nous avons construit des écoles, des routes et tout le reste. C'était un endroit très attrayant où déménager, et la population de la province a donc augmenté très rapidement.
C'est ce qui se passe en Colombie-Britannique aujourd'hui. C'est encore le cas en Ontario. Bon nombre de personnes qui viennent au Canada s'installent d'abord dans les grandes villes, et la plus grande région urbaine du Canada, c'est Toronto et la région du Grand Toronto, qui attirent encore de nombreuses personnes en raison des débouchés économiques qu'on y trouve. C'est aussi un endroit formidable où vivre, travailler et s'amuser, et je dirais que cela vaut aussi pour l'ensemble du pays. Nous vivons dans le meilleur pays du monde, et cela devrait nous tenir à cœur et nous amener à répondre ici aux préoccupations des gens afin que ce pays demeure le meilleur endroit où vivre pour les générations à venir.
La partie b) de la motion que le Bloc a présentée ne propose pas vraiment de solution pour corriger le problème que les députés du Bloc ont identifié. La motion parle de « poids politique », mais je crois que l'on devrait plutôt parler de « poids démocratique » qui s'appliquerait à une seule province. Par ailleurs, la deuxième partie de la motion n'offre pas de solution pour la formule, et la Commission de délimitation des circonscriptions électorales, qui est indépendante, a déjà entrepris le travail.
Cette Commission a commencé à faire son travail, elle offre un site Web qui nous est accessible et elle a publié des rapports. La Commission a donc déjà entrepris son travail. Le Bloc demande essentiellement de changer les règles du jeu en cours de route, et il serait difficile d'exiger que la Commission le fasse. Je crois que nous en sommes encore au tout début du processus. Je ne crois pas que cela soit impossible, mais il faut reconnaître que, depuis octobre, les commissaires ont été nommés et ils ont déjà tenu des consultations. Au plus tard en août, ils sont censés divulguer publiquement les cartes qui serviront à la nouvelle répartition, à temps — espérons-le — pour les prochaines élections fédérales.
Toutefois, les sites Web d'Élections Canada et de la Commission de délimitation des circonscriptions électorales indiquent que ces changements pourraient ne pas entrer en vigueur avant le 1er avril 2024. N'oublions pas que nous avons un gouvernement minoritaire. La dernière fois que le Parlement a pris l'initiative de débattre de cette question, c'était pendant la législature de 2008 à 2011. Comme il n'avait pas pu terminer son étude à l'époque, les modifications sont entrées en vigueur en 2012.
Je voulais expliquer le contexte. Logiquement, aucune province ne devrait voir sa situation empirer après le redécoupage. Par contre, il y a la formule, qui a reçu la sanction royale en 2012. Nous pouvons dire qu'il est minuit moins une, et je comprends que ceux qui croient qu'aucune province ne devrait perdre de siège pourraient voir là un affront. Différentes règles et conventions constitutionnelles sont en place pour s'assurer que cela n'arrive pas.
Je serai heureux de répondre aux questions et de poursuivre le débat avec mes collègues de la Chambre.
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Madame la Présidente, tout d'abord je tiens à réitérer l'appui du Parti conservateur à la population ukrainienne. Je pense qu'on traverse présentement une période extrêmement sombre de notre histoire. Ces gens qui, hier encore, vivaient dans le bonheur vivent aujourd'hui dans la peur. Je crois qu'il est important que l'on saisisse chaque occasion qui s'offre d'appuyer ces gens, de saluer le courage des gens qui résistent présentement à l'envahisseur Poutine et de faire en sorte qu'ils sentent bien à quel point l'ensemble de la population canadienne les soutient.
On est ici pour discuter de la démocratie au Canada et de la façon dont les Canadiens et les Canadiennes sont représentés à la Chambre des communes. Cette occasion nous en a été offerte par la motion du Bloc québécois que nous débattons. La révision de la carte électorale fédérale est un exercice qui arrive tous les dix ans et qui remet chaque fois en cause beaucoup de nos idées préconçues. On doit effectivement avoir ces discussions, mais on doit également en profiter chaque fois pour rappeler l'importance du rôle des députés à la Chambre des communes.
Pour mettre les gens dans le contexte, je rappelle qu'Élections Canada a estimé que le nombre de députés provenant du Québec devrait diminuer en 2024, passant de 78 à 77 sièges. À l'inverse, l'Ontario et la Colombie-Britannique gagneraient chacun un siège, alors que l'Alberta compterait trois députés de plus.
Au-delà des débats politiques partisans, je vais parler du rôle d'un député. La perte d'un député, de quelque province ou région qu'il s'agisse, a des conséquences néfastes pour les gens représentés, surtout dans le cas des régions rurales. C'est dans ces régions que disparaissent les circonscriptions la majorité du temps.
Tous les jours, les Canadiens sont en quête de réponses à leurs questions et à leurs préoccupations. Plusieurs sont frustrés du manque d'information en provenance des différents ministères. C'est sans oublier la lenteur des réponses, particulièrement au cours des deux dernières années, où l’on a été pris dans la crise de la COVID-19 et où les gens ne savaient plus vers qui se tourner. Souvent, les bureaux de chacun des députés présents à la Chambre des communes ont été appelés à jouer un rôle prépondérant auprès des gens pour les aider à s'y retrouver dans toutes les mesures annoncées par les différents gouvernements pendant cette période.
Naturellement, ces gens s'en sont remis à leurs députés. Dans plusieurs cas, ce dernier était le seul lien entre l'électeur et le gouvernement parce qu'il n'était tout simplement plus possible d'avoir de réponses à un moment donné. Nos députés ont donc pris la relève du gouvernement, faute de réponses rapides. Ce lien extrêmement important entre le citoyen et son député risque d'être plus difficile à maintenir si aucune norme n'est mise en place pour assurer aux citoyens de chaque région rurale qu'ils pourront conserver un véritable accès à leur député.
Comme député de Mégantic—L'Érable, je représente un peu moins d'électeurs qu'une circonscription montréalaise, évidemment. Cependant, j'ai un territoire 500 fois plus grand à couvrir, regroupant 50 municipalités. Cela représente 50 maires, 50 conseils municipaux, des centaines de clubs sociaux ou même d'associations représentant les aînés. C'est sans oublier les dizaines de chambres de commerce, d'associations d'affaires, d'associations agricoles et j'en passe.
Comment un député peut-il discuter et échanger avec 50 maires et plus et prendre le temps de les rencontrer? Même en ne rencontrant chaque mois qu'un seul des conseils municipaux, puisqu'ils se réunissent tous à peu près en même temps, il est presque impossible de tous les rencontrer durant un seul mandat de quatre ans. Il n'y a pas assez de mois: quatre ans, c'est 48 mois, mais j'ai 50 municipalités. Si je veux voir chaque conseil municipal, je ne serai donc pas capable de rencontrer tout mon monde en un seul mandat.
Heureusement, maintenant, on a Zoom et des outils électroniques qui nous permettent de rencontrer plus de gens en même temps, mais rien ne vaut une vraie rencontre, une belle rencontre et des échanges avec les gens qu'on représente. Comment alors assurer le suivi de projets de développement ou d'infrastructure? Comment surmonter la difficulté qu'on a à rejoindre tout cela, à faire tout ce travail?
Poser la question, c'est y répondre. Ma circonscription n'est pas la seule comme cela. Les circonscriptions de plusieurs de mes collègues sont exactement dans la même situation.
Un redécoupage de la carte électorale risque de remodeler ces circonscriptions, lesquelles seront encore plus grandes à couvrir, ce qui limitera l'accès des citoyens à leur député et aux services du gouvernement fédéral.
En fait, un député, c'est comme un médecin de famille: quand il a trop de patients, il est difficile d'obtenir un rendez-vous. Plus un député a de concitoyens et de territoire à couvrir, plus il est difficile pour lui d'entendre leurs préoccupations. À l'inverse, il est aussi plus difficile pour les citoyens d'avoir accès à leur député, au gouvernement ou à la Chambre des communes pour faire connaître ce qu'ils veulent. Les Québécois des régions, surtout des régions rurales, méritent aussi de conserver leur poids politique à Ottawa, tout comme les Canadiens des régions rurales de tout le pays.
Je redoute les conséquences du redécoupage électoral sur les gens de ma circonscription et de celles des régions du Québec et du Canada. Si on commence à diminuer le nombre de députés, les gens ne pourront plus se faire entendre comme avant. Pour le bien-être de la représentativité des députés et du travail dans les circonscriptions rurales en plus, je pense que le doit considérer la ruralité canadienne et québécoise dans ses critères.
Toute réforme de la carte électorale qui ne tient pas compte de la géographie, de la démographie ou des besoins de la population locale est vouée, selon moi, à diminuer la démocratie canadienne. Tout redécoupage qui ne tient pas compte de la réalité régionale est également condamné à changer notre vie démocratique. Au risque de me répéter, la redistribution proposée fera diminuer le poids des régions rurales, rien de moins. Celles-ci seront moins représentées, et ce, au détriment des circonscriptions urbaines.
Je vais faire une comparaison. Il n'y a pas un meilleur député en ville ou en région qu'un autre. Le travail est simplement différent. Quand on vit dans une grande ville, on peut avoir accès au bureau du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, parce qu'il y a un bureau de ce ministère dans la ville. Les questions des citoyens ne se rendront pas au député, c'est le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration qui les recevra. Quand il y a trop de problèmes, cela va aboutir au député, mais le premier point de contact des citoyens des grandes villes avec le gouvernement, c'est souvent les bureaux gouvernementaux qui sont installés dans les grandes villes.
Il n'y a pas de bureaux fédéraux de l'immigration ou du transport dans la circonscription de Mégantic—L'Érable. De tels bureaux n'existent pas. La porte d'entrée qui donne accès à un service fédéral, c'est le bureau du député. Le volume d'appels est donc très grand. Je comprends que notre travail n'est pas de représenter le gouvernement dans nos circonscriptions, sauf que, quand les gens ont des questions à poser au gouvernement fédéral, comme ils n'ont pas un accès direct au gouvernement dans leur circonscription, ils passent par leur député. C'est la réalité dans laquelle on se trouve actuellement.
Le premier ministre peut prendre la décision de maintenir le nombre de sièges dans chacune des circonscriptions s'il le désire et de ne pas diminuer le nombre de sièges dans tout le redécoupage de la carte électorale qui est en cours. Je pense que le premier ministre devrait prendre en considération ce que je dis: aucune province ne devrait subir la perte d'un siège dans n'importe quel scénario. Si cela commence aujourd'hui, cela peut se reproduire dans 10 ou 20 ans, et on ne sait pas quelles provinces seront les prochaines à être affectées par cette situation.
Il n'y a pas que le Québec qui est en jeu, il y a quatre autres provinces dont le poids de la représentation est supérieur à leur poids démographique: la Saskatchewan, le Manitoba, la Nouvelle-Écosse et Terre-Neuve-et-Labrador. C'est un pensez-y bien.
On doit maintenir la représentativité des régions au sein du Parlement pour que la voix de tous les Canadiens, quelle qu'elle soit, puisse continuer d'être entendue par leur député. C'est la chose à faire pour protéger les régions rurales, mais aussi pour préserver la spécificité du Québec comme nation au sein du Canada.
Je pense sincèrement que le premier ministre a une occasion en ce moment de faire ce qui est juste et de ne pas diminuer de 78 à 77 le nombre de députés au Québec tout en permettant aux autres provinces qui vont avoir plus de députés d'obtenir les députés dont ils ont besoin pour être mieux représentées.
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Madame la Présidente, je suis très heureux de prendre la parole dans le cadre de cet important débat. Je vais partager mon temps de parole avec mon formidable collègue le député de , qui va avoir des choses fort intéressantes à nous dire. J'ai bien hâte de l'entendre.
Comme plusieurs collègues à la Chambre, je veux prendre quelques instants pour exprimer toute notre solidarité envers le peuple ukrainien qui vit des jours très sombres depuis presque une semaine. Il est soumis à la violence d'un assaut brutal de la part d'un dictateur, Vladimir Poutine. Je me sens particulièrement concerné, comme député de Rosemont—La Petite-Patrie, puisque ma circonscription est le quartier à Montréal où il y a le parc de l'Ukraine, la basilique ukrainienne orthodoxe et le festival ukrainien chaque année, auquel je participe avec des Québécois et des Montréalais d'origine ukrainienne. Nous sommes tous très ébranlés. Nous sommes là pour soutenir les Ukrainiens et pour soutenir le processus de paix également.
Le débat que nous tenons aujourd'hui est important, parce que cela ramène la question de la place du Québec au sein de la fédération et de la signature de la Constitution par le Québec, ainsi que de la place politique du Québec au sein de la Chambre et du Parlement. Je vais y revenir un peu plus tard.
Cela pose des questions fondamentales en ce qui concerne la démocratie et l'égalité des citoyens et des citoyennes. Si on a la chance de vivre dans un système démocratique où les gens s'expriment, c'est qu'il y a une notion de souveraineté populaire voulant que ce soit au peuple de décider. Il faut respecter l'égalité des gens, des hommes et des femmes. Les êtres humains naissent libres et égaux en droits. L'idée démocratique vient de là.
L'idée démocratique d'égalité — un citoyen, un vote — n'est pas toujours respectée dans un certain sens, parfois pour de mauvaises raisons, mais parfois pour de bonnes raisons. Ces mauvaises raisons, on les oublie, parce qu'on est habitué, malheureusement, trop souvent. Notre système électoral est fait de sorte que tous les votes ne sont pas égaux. Certains votes sont perdus ou ne comptent pas dans un système uninominal à un tour comme le nôtre, plutôt que dans un système proportionnel. Il y a un paquet de votes qui ne se retrouvent pas au Parlement. Ils ne s'expriment pas.
Je donne l'exemple de Rosemont—La Petite-Patrie. L'automne dernier, il y a eu une élection générale. J'ai eu la chance d'être réélu pour une quatrième fois, mais avec un peu moins de 50 % des votes. Il s'agit de 49 % des votes, pour être précis. Donc, 50 % des gens de Rosemont—La Petite-Patrie n'ont pas voté pour le NPD. Ces gens sont-ils représentés à la Chambre des communes? Il faut espérer que leur vote a été repris ailleurs dans d'autres circonscriptions.
Comme on peut être élu avec 35 % ou 40 % des votes, souvent, la majorité des citoyens qui se sont exprimés lors d'une élection n'est pas représentée par ceux qui siègent ici, à la Chambre. Cela se multiplie et très souvent, c'est pratiquement la règle, on se retrouve avec un gouvernement qui représente une minorité de citoyens qui ont voté pour lui. On peut remporter des élections avec 37 % ou 38 % des votes et avoir un gouvernement majoritaire avec 65 % des sièges à la Chambre et imposer ses points de vue pendant quatre ans au Parlement.
Si on avait un système proportionnel, si les libéraux avaient tenu leur promesse et qu'ils avaient changé le système électoral comme ils l'avaient promis en 2015, on n'en serait peut-être pas là aujourd'hui. Il y a même eu des situations dans notre histoire, c'est arrivé à quelques reprises, où le parti qui avait obtenu le plus de votes n'a pas formé le gouvernement. C'est le parti qui est arrivé deuxième, selon le nombre total des votes, qui avait la majorité des sièges. C'est une contradiction démocratique absurde. Je ne comprends pas d'ailleurs comment il se fait que le Parti conservateur ne déchire pas plus sa chemise, parce qu'il a obtenu, aux deux dernières élections, plus de votes que le Parti libéral. Pourtant, les conservateurs sont dans l'opposition au lieu de former le gouvernement. Cela ne semble pas les déranger. Nous, les néo-démocrates, cela nous dérange, parce que c'est un enjeu fondamental d'égalité des citoyens et des citoyennes.
Il peut y avoir de bonnes raisons pour ne pas respecter cette égalité des votes. Le système électoral en est une très mauvaise raison, parce qu'on pourrait le changer assez facilement. La majorité des démocraties dans le monde l'a fait. Pourtant, il y a de bonnes raisons. Il y a des critères sur lesquels on peut décider comment et quand les gens vont être représentés.
On en a déjà parlé dans ce débat, certains critères existent déjà dans notre système. Par exemple, on doit évaluer plusieurs choses. Certains de mes collègues du Parti libéral et du Parti conservateur en ont parlé, la clause sénatoriale fait en sorte que, par exemple, que l'Île-du-Prince-Édouard ne peut pas avoir moins de députés qu'elle n'a de sénateurs. D'ailleurs, c'était une condition à son adhésion à la Confédération. Il y a la disposition des droits acquis qui s'applique à certaines provinces; on en a également parlé. Finalement, il y a la disposition territoriale, qui fait en sorte que les territoires doivent être représentés, peu importe que leur population soit moindre, et de manière considérable parfois, que certaines circonscriptions qui sont très densément peuplées, comme la mienne. Il faut quand même souligner que la circonscription de Rosemont—La Petite-Patrie est toute petite, mais qu'elle héberge quand même 110 000 personnes. Cela fait beaucoup de gens au kilomètre carré. C'est normal que les territoires puissent avoir un député même s'ils ont moins de la moitié de cette population à représenter, mais sur un territoire immense, parfois grand comme plusieurs pays européens. De plus, ces députés représentent des communautés autochtones ou inuites, entre autres, qui doivent être représentées pour avoir une voix au sein de la Chambre.
Tous ces critères sont à examiner. On trouve cela correct et normal. C'est pourquoi on n'applique pas un principe de ratio démographique automatique comme une règle mathématique de base. Il s'agit plutôt d'un régime d'exceptions. Une multiplication des critères sont appliqués, et parfois pour de fort bonnes raisons.
Ce régime d'accommodements fait en sorte qu'on peut et qu'on doit avoir ce genre de discussion, qui est amenée par la motion présentée aujourd'hui.
Je ne veux pas donner un grand cours d'histoire et remonter au Haut-Canada et au Bas-Canada, mais rappelons tout de même que le Québec n'est toujours pas signataire de la Constitution de 1982. C'est problématique. Je suis très fier du chef du NPD qui avait affirmé, lors d'un congrès fédéral de ma formation politique, que c'était d'ailleurs une erreur historique, laquelle il faudra bien régler un jour, d'une manière ou d'une autre. Cela dit, il y a eu des tentatives de régler cette meurtrissure, cette blessure qu'on a infligée à René Lévesque et à l'ensemble du peuple québécois. Il y a eu deux tentatives, j'étais adolescent, alors, et je commençais à m'intéresser à la politique. Il y a eu la tentative de l'accord du lac Meech entre 1987 et 1990, lequel a été rejeté, et l'accord de Charlottetown qui a été négocié par la suite.
Je ne reviendrai pas sur toutes les demandes historiques du Québec et les critères. Il y en a plusieurs, et ils ne sont pas tous exclusifs les uns des autres. Cependant, une des considérations qu'il y avait dans l'accord de Charlottetown était le poids politique du Québec au sein du Parlement fixé à 25 %. Cela avait été négocié par le gouvernement conservateur du premier ministre de l'époque, M. Brian Mulroney. Cet accord avait été approuvé par ma formation politique, le NPD. Ce n'est donc pas nouveau. Il ne faut pas considérer que la question du poids politique du Québec au sein de la Chambre est une idée originale ou nouvelle. Il y a des précédents et il y a des antécédents qui ont été négociés par les conservateurs et appuyés par les néo-démocrates. Je pense que cela doit faire partie de nos discussions autour de cette motion.
Comme la Chambre a officiellement reconnu le Québec comme formant une nation, je pense qu'on pourrait avoir une clause Québec qui reconnaîtrait que le Québec est une nation et que, par conséquent, comme les autres dispositions sénatoriales, territoriales ou de droits acquis pourraient s'appliquer dans la distribution des sièges et que cela ne se fasse pas au détriment de la représentation d'autres provinces. Si le Parlement a reconnu que le Québec formait une nation et que, au départ, les Québécois ou les Canadiens français étaient un des deux peuples fondateurs, il faut que cela s'exprime de manière concrète et que cela ait des répercussions. Il serait logique qu'une clause Québec — je ne dis pas que ce serait la seule — soit l'une d'entre elles.
En tant que Québécois et fier de l'être, j'aurai le plaisir d'appuyer cette motion. Je ne voudrais pas appuyer un ratatinement politique du Québec.
J'espère que mes collègues québécois du Parti libéral et du Parti conservateur auront le même sentiment. L'immigration est un outil important et nécessaire pour maintenir le poids démographique du Québec, mais il y a aussi d'autres moyens, et celui-là en serait un très efficace.
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Madame la Présidente, je me lève aujourd'hui pour appuyer la motion, comme je l'ai déjà exprimé.
Comme d'autres intervenants, je me lève avec une énorme tristesse résultant des événements qui se déroulent, pas en Chambre ni à Ottawa, mais de l'autre côté du monde, en Ukraine, où des civils sont en train d'être massacrés sous la pluie de missiles et les bombardements qui s'abattent sur les villes de ce pays. Reprenant les propos de mon collègue de Rosemont—La Petite-Patrie, c'est avec le cœur lourd, comme tout le monde, que j'observe ces massacres, pas vus en Europe depuis près d'un siècle et dont on pensait qu'ils ne se reproduiraient plus jamais.
Nos pensées accompagnent les civils et les soldats ukrainiens. Nous espérons que le dictateur à l'origine de toute cette tragédie et de toutes ces souffrances et que les gens qui l'entourent verront à quel point ce qui est en train de se passer en Ukraine est épouvantable et mettront immédiatement fin à cette invasion. Tout le monde souhaite et le Canada est en train de remplir son rôle.
Pour revenir à la motion dont nous débattons aujourd'hui à la Chambre, l'idée d'un seuil pour leQuébec relève du gros bon sens. Je l'ai déjà mentionné à plusieurs reprises. L'idée que la présence du Québec à la Chambre exige qu'il ne perde pas de sièges est normale. Ces seuils existent déjà, comme je l'ai mentionné tout à l'heure. En effet, les territoires et les provinces comme le Nouveau-Brunswick, Terre-Neuve-et-Labrador, la Nouvelle-Écosse, l’Île-du-Prince-Édouard, le Manitoba et la Saskatchewan ont déjà des seuils qui leur garantissent de ne pas perdre de sièges. Si cela n'avait pas été le cas, on serait peut-être en train de discuter de la perte de sièges en Saskatchewan.
Le NPD soutient pleinement ces seuils pour assurer la poursuite de cette représentation si importante pour notre démocratie. En lien avec la motion d'aujourd'hui, il relève du gros bon sens que le Québec ait un tel seuil, une telle représentation minimum, afin d'assurer qu'il aura toujours le même poids à la Chambre, sans perdre de sièges. C'est normal.
Je représente la Colombie-Britannique et je souhaite que cette dernière ait plus de sièges, ce qui va vraisemblablement être le cas après le dernier recensement. La Colombie-Britannique et l'Alberta, qui sont les provinces les plus sous-représentées, vont recevoir des sièges supplémentaires. Par contre, à notre avis, cela ne devrait pas signifier que d'autres régions du pays doivent en perdre.
C'est donc pour cette raison que le NPD appuie la motion. Quand on regarde ce qui existe présentement pour la population, ces traditions établies depuis belle lurette sont importantes.
Au Canada atlantique, qui est surreprésenté et de loin, on parle d'un député fédéral pour 39 000 habitants à l’Île-du-Prince-Édouard. Au Nouveau-Brunswick, c'est un député pour 79 000 personnes. À Terre-Neuve-et-Labrador, c'est un député pour 74 000 habitants. En Nouvelle-Écosse, c'est un député pour 88 000 personnes.
Je ne parlerai pas des exceptions s'appliquant aux territoires, puisque ces derniers sont immenses et que leur représentation est extrêmement forte. Je pense ici à ma collègue députée de , qui fait un travail extraordinaire dans une circonscription couvrant une superficie plus vaste que la très grande majorité des nations sur Terre. Elle le fait très bien. Elle est extraordinaire et travaille sans cesse pour ses concitoyens du Nunavut.
D'autres provinces ont aussi bénéficié d'une exemption. Par exemple, au Manitoba, il y a un député par 98 000 personnes; en Saskatchewan, il y en a un par 84 000 personnes. Au Québec, présentement, il y a un député par 109 000 personnes. En Ontario, il y en a un par 123 000 personnes. En Colombie-Britannique, il y a un député par 125 000 personnes. Enfin, en Alberta, il y en a un par 130 000 personnes. Comme on peut le constater, il y a matière à révision. On fait des ajustements tous les 10 ans, au moyen du recensement.
Le principe relatif au seuil existe déjà. La motion présentée aujourd’hui relève du gros bon sens. Les exceptions actuelles sont en lien avec des seuils beaucoup plus petits que ce qui est envisagé par la motion d’aujourd’hui. C’est la raison pour laquelle cela relève du gros bon sens, et c'est la raison pour laquelle nous appuierons la motion.
L'autre raison relève de l’histoire. J'ai commencé à siéger à la Chambre en 2004, avec l’équipe de Jack Layton. En tant que néo-démocrate, je suis très fier de notre histoire, non seulement pour assurer une place à la nation québécoise au sein du Canada et de la Confédération canadienne, mais aussi pour le travail que le NPD a fait, différemment de tous les autres partis politiques du Canada, pour assurer le fait français au Canada.
Comme chacun le sait, je représente la Colombie-Britannique, une des provinces où le nombre de francophones augmente sans cesse. Plusieurs personnes qui proviennent de pays francophones immigrent en Colombie-Britannique. De plus, la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique peut attester la présence d'un réseau très énergique de commerçants qui parlent français. La Colombie-Britannique compte aussi un réseau de commissions scolaires, qui regroupe des douzaines d'écoles francophones. Je tiens à dire que cela a été mis en place par un gouvernement néo-démocrate.
En Colombie-Britannique, comme en Saskatchewan et au Manitoba, ce sont les gouvernements néo-démocrates qui ont ouvert la porte pour assurer l'éducation en français à tous les élèves francophones de la province. Nous sommes fiers de cet héritage. Le NPD ne dit pas une chose lorsqu'il est à Ottawa et une autre quand il est à New Westminster, à Winnipeg ou à Saskatoon. Nous sommes en accord avec nos valeurs pour ce qui est du renforcement des langues officielles partout au pays. C’est ce que les gouvernements néo-démocrates ont fait partout où ils ont été et partout où ils sont.
Léo Piquette, Elizabeth Weir ou Alexa McDonough, des néo-démocrates dans d'autres provinces, ont aussi fait avancer la cause de l'égalité des deux langues officielles. Peu importe où ils se trouvent au pays, les néo-démocrates ont toujours été là pour renforcer les langues officielles et le fait français.
L’héritage des néo-démocrates est différent de ceux des libéraux et des conservateurs, qui ont toujours tendance à renforcer les langues officielles quand ils sont à Ottawa, mais qui ne sont pas du même avis quand ils retournent dans leurs régions. Le NPD est consistant; il a des valeurs et des principes. Nous sommes très fiers de maintenir tous ces principes depuis des années.
Comme je l'ai déjà dit, la motion d’aujourd’hui relève du gros bon sens.
Ma question s’adresse aux libéraux et aux conservateurs. Quand le NPD a présenté ce projet de loi, il y a 10 ans, les libéraux et les conservateurs s'y sont opposés, et ce, même si les libéraux appuient le principe d’un seuil pour le Canada atlantique et que les conservateurs appuient ce même principe pour la Saskatchewan et le Manitoba.
Il faut être logique et il faut être consistant. C’est pour cette raison que nous allons voter en faveur de la motion.
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Monsieur le Président, avant que je me fasse garnotter des pichenottes parce que j'aurais oublié de la faire, j'aimerais vous informer que j'entends partager mon temps de parole avec mon estimé et estimable collègue de .
Au sujet de la motion qui nous intéresse aujourd'hui, je serai bien candide en commençant et je ferai une confession. Sur le coup, je me suis demandé pourquoi il ne serait pas normal que le Québec perde un siège, car cela me semblait logique compte tenu de notre poids démographique moins important. C'était mon premier réflexe, à froid. Or à un moment donné, on se surprend à se poser des questions et à aller un peu plus loin, et c'est exactement ce à quoi servent les débats à la Chambre.
Je me suis demandé pourquoi il serait justifié que le Québec réclame un nombre de sièges qui n'est pas équivalent à son poids démographique. Le premier constat qu'on fait, c'est que, à la base, la formule qui est utilisée pour calculer le nombre de sièges que le Québec a n'est pas purement mathématique. Dans la formule de calcul actuelle, trois exemples matérialisent cette idée.
Premièrement, il y a la clause sénatoriale. Cette clause assure qu'aucune province n'aura moins de députés que de sénateurs. Elle assure entre autres quatre sièges à l'Île-du-Prince-Édouard même si, techniquement, sa population justifierait qu'elle en ait un seul.
Deuxièmement, une clause de droits acquis existe dans le calcul actuel, et elle permet qu'aucune province n'ait moins de députés après un éventuel redécoupage qu'elle en comptait en 1985, ce qui préserve entre autres le nombre de sièges des Maritimes et de la Saskatchewan.
Troisièmement, une clause concernant les territoires permet qu'ils aient tous un député même si, techniquement, la population totale des territoires justifierait qu'il n'y ait qu'un seul député pour l'ensemble des territoires.
On sort donc déjà du cadre purement mathématique, et on se demande si une clause permet au Québec de revendiquer un nombre de sièges qui n'équivaut pas à son poids démographique. La réponse est non, et c'est justement ce que nous tentons de régler aujourd'hui.
Certains se demanderont pourquoi nous le faisons. Comme nous l'indiquent nos livres d'histoire, il y avait deux peuples fondateurs lors de la création du Canada. En octobre dernier, nous avons souligné le triste anniversaire de la création de la politique canadienne du multiculturalisme, qui date de 1971. Dans l'histoire un peu plus récente, on a commencé à écarter la notion de peuple fondateur, qui donnait une certaine préséance au Québec, pour la remplacer par notre fameux multiculturalisme canadien. Le multiculturalisme est venu écarter le biculturalisme, noyer le poisson et rendre le Québec tout d'un coup un petit peu moins présent sur la carte canadienne.
Comme l'histoire se répète toujours un peu, en 1995, le gouvernement de Jean Chrétien a reconnu que le Québec était une société distincte, on ne sait pas trop pourquoi. Paraît-il que, quelques mois avant, le Canada avait failli perdre un référendum. Tout d'un coup, on a reconnu la société distincte, et le Bloc québécois a rétorqué que c'était de la poudre aux yeux. Je me permets de citer les propos tenus par Lucien Bouchard dans le cadre de ce débat le jour de l'adoption de cette résolution:
[...] de Meech 1 à Meech 2, de Meech 2 à Charlottetown, c'est une pente descendante: on offre de moins en moins au Québec. On est fatigué, peut-être de l'effort précédent; comme on est fatigué, on en offre un peu moins [...] Comment le premier ministre peut-il croire que les Québécois et les Québécoises vont être contents de se faire dire par lui: « Vous êtes distincts, je reconnais que vous êtes distincts? » Comment peut-il s'imaginer que cela va nous plaire, à nous, les Québécois? S'il y a une chose qu'on sait nous, c'est qu'on est distinct. Ça fait un bout de temps qu'on le sait qu'on est distinct. Ce qu'on veut, par exemple, c'est d'avoir les moyens de prendre nos décisions de façon distincte, d'orienter l'avenir du Québec dans le sens de sa distinction, dans le sens de ce qu'il est différent des autres, de nos différences. C'est ça qu'on veut, c'est ça qu'on n'a pas. Il n'y a rien comme ça dans la résolution, absolument rien.
En 2006, et rebelote: le gouvernement Harper reconnaît que le Québec est une nation. Je me suis amusée à aller voir sur Wikipédia, qui consacre une page à cette question. C'est très intéressant. Au haut de la page, on peut lire:
Il est important de préciser qu'il s'agit d'une motion symbolique, car elle ne modifie pas la Loi constitutionnelle de 1867, qui énonce que le Québec est l'une des provinces du Canada. Elle n'a pas été entérinée non plus par le Sénat, seconde branche de la législature fédérale. Il y a très peu d'engouement pour les modifications constitutionnelles depuis l'échec de l'accord du Lac Meech et les politiciens se trouvent dans une situation où ils ne peuvent que faire des déclarations symboliques.
Je reviendrai un peu plus tard sur l'aspect symbolique de ces diverses reconnaissances.
Pas plus tard qu'en juin 2021, le Bloc québécois fait adopter à la Chambre la motion suivante:
Que la Chambre convienne que l'article 45 de la Loi constitutionnelle de 1982 confère au Québec et aux provinces la compétence exclusive pour modifier leurs constitutions respectives, et prenne acte de la volonté du Québec d'inscrire dans sa constitution que les Québécoises et les Québécois forment une nation, que le français est la seule langue officielle du Québec et qu'il est aussi la langue commune de la nation québécoise.
Encore une fois, à ce moment, nous avons dit qu'il est important de passer de la parole aux gestes. Le fait d'être reconnu comme une nation ne doit pas demeurer stérile. C'est exactement le but de notre proposition d'aujourd'hui.
Je ferai un petit aparté en m'aventurant sur un autre sujet. Le Québec a son caractère distinct depuis quelques années sur la question de l'immigration. Les deux sujets sont intrinsèquement liés. Je les relierai à la fin de mon exposé. Le Québec partage cette compétence avec le fédéral. L'immigration est l'une des compétences qui relèvent des deux paliers de gouvernement. Depuis plusieurs années, il y a une décentralisation de certains de ces pouvoirs. Dans les premiers accords qui ont été signés, par exemple l'Entente Lang-Cloutier, en 1971, et l'Entente Andras-Bienvenue, en 1975, on apporte des changements de nature plus administrative. Par contre, on pose déjà un premier jalon important en matière de sélection de l'immigration. On force le Canada à considérer l'avis du Québec pour la première fois en ce qui concerne chaque nouvelle candidature destinée à son territoire. Un peu plus tard, en 1979, l'Entente Cullen-Couture a été signée. Dans ce cas-ci, on exige qu'en matière d'immigration temporaire il y ait discussions entre les deux paliers de gouvernement et cela les force encore un peu plus à travailler ensemble. La partie massive de cette consécration, c'est-à-dire le fait que Québec peut choisir une bonne partie de son immigration, provient de l'Accord Canada-Québec relatif à l'immigration et à l'admission des aubains, signé par Mmes McDougall et Gagnon-Tremblay, en 1991, et plus couramment connu sous le nom Accord Canada-Québec. Ce document donne au Québec des pouvoirs importants, afin d'accueillir les personnes qui sont en mesure de travailler. À la suite de l'entente, le Québec obtient enfin un contrôle total du processus de sélection des immigrants économiques, de même qu'il obtient des pouvoirs en matière d'intégration et de francisation. En d'autres mots, le Québec peut déterminer les volumes d'entrée de ces futurs résidents permanents.
Si nous débattons la question qui est devant nous aujourd'hui, c'est entre autres pour des questions d'immigration, parce qu'elle a une incidence sur le poids politique du Québec. Il y a quelques jours, M. Paul Journet signait un article intitulé « Le Québec, de moins en moins influent ». On débat souvent des seuils d'immigration, au Québec. On jase et on dit qu'il devrait se situer entre 40 000 et 50 000 immigrants. En se comparant avec ce que le Canada est en train de faire, on voit que finalement on est complètement dans un autre contexte. Le Canada parle d'augmenter de 280 000 à 430 000 le nombre d'immigrants qu'il recevra sur son territoire. En proportion, pour le Québec, 40 000 ou 50 000 immigrants sur 8,5 millions d'habitants représentent 5 % de la population. Pour le Canada, le seuil de 430 000 immigrants suggéré par les libéraux sur 38 millions d'habitants moins les 8,5 millions d'habitants du Québec représente à peu près 1,4 % de la population. La croissance démographique liée à l'immigration est trois fois plus rapide au Québec que sur le territoire canadien. C'est la résultante d'un choix fait par le Québec, qui veut s'assurer d'une bonne francisation et d'une bonne intégration de ses immigrants. C'est une contrainte que le Canada anglais n'a pas, puisque l'anglais est une langue plus facilement reconnue à l'international et utilisée plus couramment. Dans ce contexte, le Québec est donc légitimé de vouloir intervenir non pas sur le choix du Canada sur ses seuils d'immigration, mais sur les conséquences directes et indirectes que cela peut avoir sur lui. C'est exactement ce à quoi vient répondre la motion que le Bloc québécois présente aujourd'hui. Dans les faits, quand une décision du Canada a une résultante négative, par exemple, si on augmente les seuils d'immigration et que les ressources ne sont pas suffisantes, cela a une incidence au Québec sur le traitement de nos dossiers. Dans ce cas, nous souhaitons qu'il y ait plus d'argent alloué et plus de fonctionnaires investis à traiter ces dossiers. C'est le même scénario si la résultante fait baisser le poids démographique du Québec. Le fait que nous voulions une représentation proportionnelle à notre statut particulier est justifié. Ce n'est pas un caprice, il s'agit simplement d'inscrire dans le concret et dans l'actualité ce que veut vraiment dire « être une nation ».
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Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole pour vous donner quelques indications sur la perte de poids politique du Québec.
J'entends déjà le député de et ses commentaires désobligeants indiquer que mon poids est déjà élevé, mais il n'est pas question de mon surpoids; il est plutôt question du poids politique du Québec.
La perte d'influence du Québec est manifeste, et on peut le constater de plusieurs manières. La perte d'un siège à la Chambre en serait l'une des expressions. Cela dit, j'aimerais d'abord revenir sur autre chose.
Je vois la perte d'influence du Québec dans les courants de pensée majeurs qui s'expriment maintenant au Canada et qui ne s'appliquent pas spécifiquement au Québec. D'un côté, on voit la montée d'un populisme conservateur qui nie les changements climatiques, qui a une vision étriquée de ce qu'est la liberté, qui ne colle pas à la réalité québécoise et qui n'a rien à voir avec les intérêts des Québécois. De l'autre côté, on voit la montée d'une bien-pensance multiculturelle, qui voit la laïcité comme une entrave à la liberté et au pluralisme.
Ces deux grands courants politiques font la démonstration que la voix du Québec n'est peut-être pas suffisamment représentée dans cette assemblée. Il en va de même pour les intérêts économiques. La voix du Québec n'est pas bien représentée dans cette assemblée en ce qui a trait aux intérêts économiques. La majorité de nos débats se concentrent sur les hydrocarbures.
Il y a deux grands secteurs d'activités au Canada: d'un côté, le secteur de l'automobile, et de l'autre, le secteur des hydrocarbures. J'entends mes collègues conservateurs faire des liens avec la crise qui est en train de se produire en Ukraine et le programme des grandes pétrolières. Cela ne touche pas les Québécois. J'ai hâte que mes collègues conservateurs du Québec se lèvent pour aborder des questions qui touchent un peu plus le Québec. Vous n'avez qu'à regarder le secteur du bois d'œuvre. Jamais le Canada n'a voulu faire la bataille pour arriver à une entente avec les États-Unis qui serait intéressante pour le Québec. C'est une expression, c'est une des manifestations de la perte d'influence du Québec.
C'est la même chose du côté de nos aspirations légitimes. Je passe rapidement, mais je pense au projet de loi 96 sur la langue officielle et commune du Québec. Nous avons entendu des gens présenter cette loi comme étant discriminatoire envers la minorité anglophone, la minorité la mieux traitée dans le monde actuel. Cette minorité représente 8 % de la population au Québec et reçoit 32 ou 33 % du financement des études postsecondaires. On en reviendra.
C'est encore la même chose dans le cas de la contestation de la loi 21, la loi sur la laïcité de l'État, où on a vu des maires de certaines municipalités se mobiliser pour présenter une loi sur la laïcité comme étant quelque chose de raciste qu'il fallait combattre. C'est l'expression, d'une certaine façon, de la perte d'influence du Québec.
Qu'est-ce qui peut se poser comme rempart? Eh bien, c'est le nationalisme québécois. Or, malheureusement, le nationalisme québécois a mauvaise presse, et c'est peut-être de cela que je veux vous entretenir, aujourd'hui. Je veux arriver à ce qu'on définisse ensemble ce qu'est le nationalisme québécois. C'est important, parce que, dans le projet de loi de l'infâme député de Drummond, il y a une disposition sur la nation. J'aimerais donc qu'on s'entende sur ce qu'on entend par « nationalisme québécois ».
Tout d'abord, le nationalisme québécois n'est pas un nationalisme belliqueux. Il n'a jamais été question d'envahir l'Ontario ni de faire des rixes au Nouveau-Brunswick. Le nationalisme québécois n'a donc absolument rien à voir avec ce qu'on entend comme étant nationalisme belliqueux.
À mon avis, la thèse la plus intéressante du nationalisme québécois est celle de Léon Dion — le père de l'autre —, celui qui avait encore une conscience québécoise. Je le dis sans offense.
La thèse de Léon Dion nous dit qu'au cours de la première moitié du XXe siècle, un nationalisme conservateur s'est exprimé au Québec. C'est le nationalisme du mythe de la survivance. C'est vrai que c'est un nationalisme identitaire, où les Québécois se sont accrochés aux référents qu'ils avaient, c'est-à-dire leur langue et leur religion, religion qui a été dans notre histoire quelque chose d'assez problématique. Ma grand-mère, qui a été obligée d'avoir 18 enfants, en savait quelque chose. On comprend donc un peu, aujourd'hui, pourquoi nous avons une vision différente de celle des Canadiens lorsqu'il est question de religion.
Or il y a aussi, nous dit Léon Dion, le nationalisme libéral ou social-démocrate, qui est celui de la naissance de l'État québécois avec la Révolution tranquille.
J'aimerais revenir sur les mots de Jean Lesage, lorsqu'il dit: « Le seul moyen puissant que nous possédons, c'est l'État du Québec, c'est notre État. Nous ne pouvons pas nous payer le luxe de ne pas l'utiliser. » C'est l'expression de ce qu'est le nationalisme québécois. Quand Lesage dit cela, il fait référence aussi à un discours qu'il va tenir tout le long de ce que sera la Révolution tranquille: l'État québécois sera le moteur de notre émancipation.
Quand je pense au nationalisme, je pense à l'action de l'État québécois qui vise à protéger une minorité nationale qui a une culture différente. J'aimerais défaire un mythe sur le nationalisme québécois, mythe qui persiste depuis une cinquantaine d'années, selon lequel le nationalisme québécois représente une certaine forme de repli. Je ne suis pas d'accord là-dessus.
Celui qui a le mieux défait ce mythe est Hubert Aquin. En 1962, il défait le mythe du Québec replié sur lui-même. Il répond alors à Pierre Elliott Trudeau, le père d'une autre personne qu'on connait, qui avait publié, dans un petit texte qui s'intitule « La nouvelle trahison des clercs », une critique assez convaincue de ce qu'est le nationalisme québécois.
Cela me fait penser à une anecdote qu'il faut constamment souligner. Sait-on la différence entre M. Trudeau et René Lévesque? Pendant la Deuxième Guerre mondiale, M. Trudeau avait la chance d'être au Canada et de faire tous les lacs en canot, tandis que René Lévesque était correspondant de guerre pour des médias américains. René Lévesque va être un des premiers journalistes à entrer à Dachau. Pierre Elliott Trudeau, durant ce temps, fait du canot. René Lévesque ne fera jamais le parallèle entre le nationalisme québécois, un nationalisme de repli identitaire et un nationalisme belliqueux, tandis que le père Trudeau, qui pagaye, fera malheureusement ce rapprochement assez douteux. Fermons la parenthèse.
Pierre Elliott Trudeau, dans « La nouvelle trahison des clercs », dit qu'il n'en tient qu'à nous de nous faire valoir, car c'est en étant meilleur qu'on donnera au Canada anglais l'image d'une culture canadienne-française vigoureuse.
Hubert Aquin, dans le texte « La fatigue culturelle du Canada français », a cette magnifique réponse: « Mais pourquoi faut-il que les Canadiens français soient meilleurs? Pourquoi doivent-ils "percer" pour justifier leur existence? »
Voilà un des nœuds gordiens assez importants au Canada. Pourquoi devons-nous continuellement nous battre pour légitimer notre existence? C'est ce que dit Hubert Aquin.
Là où Hubert Aquin est fantastique, c'est dans le fait qu'il défait le mythe du nationalisme comme étant un repli identitaire en disant que l'État québécois n'a jamais été basé sur une simple ethnie; que l'État québécois est le résultat de diasporas de plusieurs nationalités; que c'est le résultat d'une histoire qui s'est fondée à partir de Canadiens français, bien sûr, mais à partir d'une pluralité ethnique. La seule chose que ces gens partagent, c'est une culture commune.
Lorsque Hubert Aquin répond au père Trudeau en 1962, il dit que la distinction fondamentale entre le Canada anglais et le Canada français est que le Canada français est monoculturel. Le Canada français repose sur une seule culture, tandis que le Canada anglais est biculturel. C'est en ce sens qu'il y a une ouverture, selon Hubert Aquin, à la diversité. Or cette ouverture se fait pour autant qu'on respecte la culture québécoise.
Je terminerai en disant que, la meilleure façon de protéger la culture québécoise, c'est en acceptant le nationalisme qui va avec.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec ma collègue d'.
C'est avec grand plaisir que je prends la parole pour discuter d'un sujet important, soit le redécoupage des circonscriptions électorales fédérales du Canada.
Mon intervention d'aujourd'hui portera sur un aspect essentiel du processus de révision des limites des circonscriptions électorales, qui a maintenant officiellement commencé.
La Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales établit le processus par lequel les sièges de la Chambre des communes sont redistribués tous les 10 ans. Pourquoi tous les 10 ans? Cela correspond au moment de la publication des données du recensement décennal, qui est utilisé par le directeur général des élections pour calculer l'attribution des sièges.
Comme tous les députés le savent, le directeur général des élections a utilisé ces données pour effectuer le calcul nécessaire en octobre 2021. Depuis, 10 commissions indépendantes ont été créées; il y en a une dans chaque province. Ces commissions formées de trois membres comprennent un président, qui est nommé par le juge en chef de la province, et deux membres, qui sont nommés par le Président de la Chambre des communes.
Je vais me permettre de prendre un moment pour remercier ces éminents Canadiens et Canadiennes d'avoir accepté de réaliser ce travail. On ne saurait trop insister sur l'engagement qu'ils ont pris, et je sais que tous mes collègues sont d'accord sur cela.
Un cynique pourrait dire que, en tant que députés, nous avons un intérêt disproportionné pour ce processus, mais je tiens à rappeler à tous que ce travail a des incidences directes sur la façon dont chacun d'entre nous sert les Canadiens. Par conséquent, la consultation publique joue un rôle essentiel dans le processus de redécoupage.
Je suis ravi de dire que, lorsque les commissions indépendantes de délimitation des circonscriptions électorales auront publié leurs premières propositions de limites, il y aura au moins une audience publique dans chacune des provinces. Grâce à ces consultations publiques, les Canadiens des 10 provinces auront l'occasion de donner leur avis sur les propositions. De plus, les députés de la Chambre des communes auront l'occasion non seulement d'apporter leur contribution lors des audiences publiques, mais aussi de faire part de leurs objections, s'ils le souhaitent.
Les commissions de délimitation des circonscriptions électorales ont commencé à élaborer une première série de cartes des circonscriptions électorales révisées; elles les publieront au cours des prochains mois.
Ensuite, conformément à l'article 19 de la Loi, les commissions publieront leur proposition respective dans la Gazette du Canada et dans au moins un journal à grand tirage. Il convient de noter que la proposition doit inclure l'heure et le lieu des audiences publiques. En vertu de la Loi, les commissions doivent organiser au moins une audience publique, et cette dernière doit avoir lieu 30 jours après la publication de la proposition.
Il est important de noter que les commissions peuvent organiser plus d'une audience publique. En effet, l'histoire le confirme. Au cours du processus de redécoupage de 2012, 132 audiences publiques ont été organisées dans les 10 provinces du Canada.
Sans grande surprise, les provinces de plus grande taille ont tenu plus d'audiences publiques que les petites provinces. Par exemple, il y a eu 31 audiences publiques en Ontario, 23 en Colombie-Britannique, 21 au Québec et 15 en Alberta. En outre, afin de favoriser la participation, bon nombre des audiences publiques ont eu lieu en soirée.
Outre les Canadiens et les députés qui ont présenté des exposés, par écrit ou oralement, lors des audiences publiques, les commissions ont accepté et pris en compte les commentaires reçus par courriel, par télécopieur et par d'autres moyens. En Saskatchewan, par exemple, la commission a reçu près de 3 000 exposés sous diverses formes, notamment des courriels, des lettres et des pétitions.
Il est donc fort probable que les commissions mettront tout en œuvre pour joindre le plus grand nombre possible de citoyens dans leur province.
Je pense qu'il est également juste de dire que, compte tenu de l'évolution rapide de l'environnement de l'information et des communications depuis 2012, les commissions peuvent probablement joindre un public encore plus vaste cette fois-ci. En d'autres termes, cette vaste consultation publique qui devrait commencer entre avril et octobre 2022 permettra aux commissions de recueillir de précieuses informations au moment elles révisent et finalisent leurs propositions.
Avant de parler de la possibilité qu'ont les députés de participer, je dois souligner qu'en 2012, des groupes communautaires, des municipalités et d'autres organisations ont déposé de nombreux exposés. Cette contribution est essentielle, car ces intervenants représentent les points de vue des communautés de manière différente, mais tout aussi importante pour les députés.
Comme je l'ai indiqué précédemment, tous les députés peuvent faire part de leurs observations lors de ces audiences publiques. Par conséquent, j'encourage tout député qui se sent interpellé à le faire, puisque nous avons une connaissance unique sur le terrain de nos circonscriptions et des besoins de nos électeurs.
En outre, une fois qu'une commission a soumis un rapport révisé, les députés peuvent également déposer des objections écrites auprès du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Lorsque le Comité aura examiné ces objections, une copie de celles-ci et du procès-verbal du Comité sera transmise à la commission concernée. Selon l'article 23 de la Loi, une commission peut ensuite étudier les objections qui peuvent entraîner des changements à sa proposition de délimitation ou au nom des circonscriptions électorales proposées.
Avant de conclure, je voudrais insister à nouveau sur un point que j'ai évoqué au début de mon intervention: les commissions de délimitation des circonscriptions électorales sont totalement indépendantes et responsables de la production et de la finalisation de leurs propositions de délimitation. Même si les commissions sont les seules responsables de cet important travail, comme j'ai tenté de l'expliquer pendant mon intervention, le public et chacun des députés à la Chambre ont de nombreuses possibilités d'y participer.
Je tiens à terminer en insistant sur le fait que tous les Canadiens méritent d'être représentés efficacement à la Chambre des communes. Cela signifie-t-il qu'il faut faire concorder parfaitement la population d'une province à la proportion de sièges attribués à cette province? La réponse est non, bien sûr. La représentation doit refléter le caractère unique du Canada.
Je pense que tous les députés seront d'accord pour dire que la notion de représentation efficace est ce qui est le plus important ici. Les commissions tiendront compte non seulement des données de recensement les plus récentes, mais aussi, entre autres, de l'importance de protéger les communautés d'intérêt et les limites historiques.
Qu'est-ce qu'une représentation efficace pour les Canadiens? C'est de savoir qu'ils ont un député qui est sensible à leurs préoccupations. Je sais que c'est une chose qui nous tient tous à cœur et c'est probablement ce qui a motivé chacun d'entre nous à se porter candidat à une charge publique: pour servir les Canadiens qui ont voté pour nous.
Chaque jour, les électeurs s'adressent aux députés pour obtenir des conseils sur un certain nombre de questions. Ces questions sont très variées. Cela pourrait concerner l'état d'avancement d'une demande d'immigration ou de visa d'un proche. D'autres veulent obtenir des renseignements sur les programmes d'aide du gouvernement fédéral. Je n'ai pas besoin de vous rappeler à quel point ce lien et cette représentation ont été essentiels au cours des deux années de cette pandémie de la COVID-19.
Maintenant, plus que jamais, nous devons faire preuve de leadership et aider tous les Canadiens à se faire entendre. J'espère que mes collègues se joindront à moi pour encourager un tel résultat.
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Monsieur le Président, aujourd'hui, c'est mon tour de me lever à la Chambre pour aborder un des processus importants de notre démocratie: le redécoupage électoral. En effet, le processus officiel de redécoupage des circonscriptions électorales doit, en vertu de la loi, avoir lieu tous les 10 ans.
Depuis 60 ans, des commissions de délimitation des circonscriptions indépendantes et non partisanes sont chargées de redessiner nos cartes électorales. Ces commissions ont été créées en 1964 lorsque le Parlement a adopté la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Cette approche indépendante a été introduite afin d'éviter le risque d'ingérence politique dans cet important processus. C'est une approche qui vise à maintenir l'intégrité et la transparence de nos systèmes et institutions démocratiques. D'ailleurs, on a vu, à travers plusieurs événements dans les dernières années, et encore tout récemment, à quel point la confiance de la population envers nos institutions démocratiques peut être fragile. C'est pourquoi le respect du processus dans le cadre de la refonte de la carte électorale est si important.
Alors que ce processus est déjà lancé, Élections Canada a déjà fait une proposition qui, en tant que députée du Québec, me paraît surprenante. Quoi que l'on dise et quoi que l'on fasse, ce n'est pas la décision du gouvernement fédéral de baisser le poids du Québec dans la Chambre. Cette proposition vient d'une institution complètement indépendante et celle-ci ne relève pas du politique. Or, pour le Bloc québécois, c'est encore une façon de tenter de créer des débats et des chicanes entre le Québec et le fédéral.
La réalité est que le Bloc québécois n'est pas le seul à faire entendre la voix du Québec à la Chambre. Le Bloc québécois n'est pas le seul à se battre pour le Québec. Le Bloc québécois n'a certainement pas le monopole d'être québécois. Me battre pour le Québec, c'est ce que je fais en tant que fière députée du Québec, en tant que fière Québécoise, et ce, tous les jours depuis mon élection. Agir pour le Québec, ce n'est pas dans les banquettes de l'opposition, c'est aussi, et surtout, au sein du gouvernement. Depuis 2015, c'est exactement ce que nous avons fait tous les jours: livrer des projets concrets.
Nous faisons une différence dans la vie de tous les Québécois et les Québécoises. Nous avons investi la somme record de 1,8 milliard de dollars pour créer plus de logements et nous attaquer de front à la crise du logement qui frappe partout au Québec, et surtout dans notre belle métropole. Nous avons signé une entente pour ajouter des milliers de places en garderie au Québec grâce à des investissements de 6 milliards de dollars, reconnaissant qu'il y a un manque de places pour les familles québécoises. Nous avons investi 172 millions de dollars pour lutter efficacement et en partenariat avec les villes contre l'itinérance à Montréal et ailleurs dans la province. Nous brancherons tous les Québécois à Internet haute vitesse grâce à des investissements record dans le cadre de l'Opération haute vitesse Canada-Québec. Nous avons répondu présents avec les Forces armées canadiennes afin de soutenir les aînés dans les CHSLD en pleine pandémie. Nos forces armées ont aussi appuyé l'effort de vaccination pendant la pandémie au Québec.
Voilà ce que nous faisons. Nous agissons concrètement pour le Québec tous les jours. Pour agir pour le Québec, cela prend des députés québécois au gouvernement. Je suis très fière de faire partie d'une équipe de 35 députés libéraux qui obtiennent des résultats tous les jours pour le Québec.
Tenter de démontrer que le fédéral est loin des Québécois, qu'il n'entend pas leurs préoccupations, c'est un peu ce que la motion d'aujourd'hui tente de faire. Le poids politique du Québec a toujours été important et ce n'est pas en 2022 qu'il sera effrité sous notre gouvernement qui répond présent pour le Québec. Il ne faut pas politiser ce débat. Malheureusement, on sous-entend que le fédéral méprise les Québécois, mais la réalité est tout autre. Je me souviens encore d'une annonce que notre gouvernement a faite en 2017. Pour la première fois, le gouvernement fédéral investissait 2,4 millions de dollars pour financer la Fête nationale du Québec. Le Bloc québécois a peut-être déjà oublié que c'était la première fois que le gouvernement fédéral finançait la Fête nationale du Québec, que de l'argent fédéral était investi dans la fête nationale.
C'est aussi notre gouvernement qui a investi 750 000 $ afin d'aménager l'Espace René-Lévesque à New Carlisle, dans le village natal d'un des grands démocrates que le Québec a vu naître. J'aimerais que le Bloc québécois l'avoue et félicite le gouvernement fédéral pour de telles initiatives qui préservent la mémoire de René Lévesque.
Ce sera aussi notre gouvernement libéral qui mettra de l'avant la modernisation de la Loi sur les langues officielles afin de protéger notre belle langue française. C'est aussi nous qui agissons afin de protéger le français et la culture francophone sur les grandes plateformes numériques.
Ce sont là plusieurs exemples qui démontrent comment le Parti libéral agit concrètement pour le Québec.
Il nous reste encore beaucoup de travail à faire, mais je peux assurer à la Chambre que les 35 députés québécois de ce côté travaillent d'arrache-pied pour améliorer la vie des Québécois et des Québécoises. Que ce soit pour défendre notre culture, nos langues, nos valeurs progressistes ou le désir de léguer un avenir vert, nous serons toujours là pour nous battre pour le Québec.
Nous sommes tous d'accord qu'il faut préserver le poids démographique d'une nation francophone. Je trouve par contre dommage que nous ayons politisé ce débat aujourd'hui au lieu de le tenir de façon plus unanime.
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Monsieur le Président, je vais prendre une grande respiration avant de commencer mon discours.
Je partagerai mon temps de parole avec ma collègue de .
Une journaliste anglophone me demandait récemment si le projet de loi , que j'ai déposé dernièrement et qui vise à inclure une « clause nation » pour le Québec dans la Constitution, n'était pas juste un autre caprice du Québec. Après une hésitation polie, elle a ajouté que, selon des « gens », il s'agirait d'une autre crise du lardon de la part des Québécois qui rechignent à embrasser le concept du vivre-ensemble à la sauce canadienne.
Ces propos m'inspirent toute une liste de mots que la décence nous interdit de prononcer quand nous nous exprimons au nom de nos concitoyens dans cette enceinte. Même si les citoyens que je représente ne me tiendraient pas rigueur d'en faire un florilège qui viendrait bonifier la chrestomathie québécoise au bénéfice de mes nombreux collègues canadiens qui souhaitent apprendre la langue de Leclerc et de Vigneault, je m'abstiens de puiser dans ce vaste répertoire hérité de nos décennies passées à l'ombre des chasubles et des soutanes. Je préfère prendre un pas de recul.
Une fois ce pas de recul pris et une fois calmé, j'ai pu réaliser que le commentaire de cette jeune journaliste, loin de se vouloir irrespectueux envers la société québécoise, reflétait malheureusement un courant de pensée assez répandu dans les provinces canadiennes. Il est d'ailleurs le fruit de décennies d'efforts conscients et inconscients visant à anéantir les ardeurs de la nation québécoise dans sa quête d'autonomie et d'indépendance.
Je ne peux pas réellement reprocher à cette jeune journaliste ses propos, parce qu'elle est née à une époque où la trame narrative était déjà bien installée. La graine avait été semée et, quand le fruit est mûr, on ne se demande pas comment il a poussé. On est à une époque de paresse intellectuelle où on gobe tout ce qu'on nous sert sans trop poser de questions. En fait, j'irais jusqu'à dire qu'on est dans une époque un peu triste.
Que fait-on face à cela? Je pense que, face à cela, on doit éviter la confrontation et reprendre le bâton du pédagogue. On doit expliquer pourquoi le Québec insiste tant sur sa spécificité, ses différences culturelles et sa vision différente sur de nombreuses questions. On ne peut que déplorer cette conception un peu réductrice de la nation québécoise, de son héritage politique et culturel et de la place qu'elle occupe dans l'histoire de ce pays. On ne doit pas se surprendre de cette vision et de cette incompréhension à l'égard du Québec, de son poids historique et de ses aspirations légitimes qui en découlent, car tout cela repose avant tout sur des perceptions erronées de l'évolution institutionnelle et politique canadienne.
On peut remonter aussi loin qu'aux origines de la confédération en 1867 pour mieux comprendre la place qu'occupe le Québec au sein de la fédération canadienne. Le Québec, on le répète, n'est pas une province, il est le produit et le porte-étendard d'une des deux communautés nationales distinctes à l'origine même du Canada. Ce dualisme qu'on voudrait bien oublier ou réduire à si peu est en fait le socle même des institutions dont nous sommes membres aujourd'hui.
Au cours des 40 dernières années, les aspirations et les revendications du Québec au sein de la fédération canadienne ont presque toutes été rejetées. Après cette nuit de 1982, quand tout le Québec s'est fait jouer dans le dos, toutes les tentatives de réparation à cet égard ont échoué. Parfois, elles étaient de l'ordre du symbolique, et, d'autres fois, il ne s'agissait que d'accommodements administratifs. Les exemples sont légion.
Est-ce que tout cela rend la quête d'affirmation d'autonomie du peuple québécois moins légitime? Non, parce que, je le rappelle, le Québec est davantage qu'une province. Le Québec est une nation. C'est ce qui a été officiellement reconnu ici en 2006, comme le disait tout à l'heure mon collègue de . De plus, comme on l'a réaffirmé en juin 2021, il n'y a pas si longtemps, le Québec est une nation dont la seule langue officielle et commune est le français. C'est la seule sur le continent nord-américain.
Notre responsabilité, si ardue soit-elle, doit être de reprendre la discussion et les échanges sans relâche, sans partisanerie, pour faire passer ce message et faire reconnaître le Québec pour ce qu'il est.
En conséquence, la nation québécoise doit avoir une portée qui va bien au-delà du symbole.
Sa reconnaissance doit prendre corps dans des gestes et des dispositions concrètes, bien au-delà des déclarations et des intentions. C'est ce que nous aurons l'occasion de faire, dans quelques semaines, quand nous débattrons du projet de loi dont je vous parlais dans mon discours d'ouverture. Or c'est ce que nous faisons aujourd'hui aussi, en guise de préambule, en débattant de cette motion, qui a été déposée ce matin par mon chef et collègue, le député de Belœil—Chambly.
Au début de la Révolution tranquille, le Québec comptait pour près de 30 % de la population canadienne. Aujourd'hui, grosso modo, il compte pour 23 %, et cela ne va pas en s'améliorant. Effectivement, il y a des efforts que le Québec et le Canada doivent faire pour corriger cela. Ces efforts doivent se faire sur le plan de l'immigration. On parle de la volonté d'augmenter les seuils d'immigration. Le Québec a une vision qui lui est propre. Nous voulons être capables d'accueillir de façon cohérente et intelligente l'immigration qui s'installe au Québec. Nous sommes capables de dire qu'accueillir 100 000 nouveaux arrivants, c'est irréaliste si nous voulons les accueillir comme il faut. C'est au Québec de déterminer quel est le nombre ou le taux approprié pour ses capacités d'accueil. Cela dit, nous comptons aussi sur le fédéral pour ne pas mettre des bâtons dans les roues de l'immigration au Québec. Par exemple, comme l'a mentionné ma collègue de Saint-Jean tout à l'heure, le traitement qui est réservé aux demandeurs de visas étudiants originaires de l'Afrique francophone et la discrimination dont ils sont victimes, ma foi, laissent à réfléchir.
Quand le Québec recule, le français recule. La présence du français dans le Parlement fédéral recule. J'affirme cela avec tout le respect et toutes les considérations qui s'imposent envers les communautés francophones de partout au Canada, qui, à l'instar du Québec, luttent quotidiennement pour la survie de leur langue et le respect de leurs droits linguistiques au sein de la fédération canadienne. Il est reconnu que la nation québécoise est l'un des deux peuples fondateurs. Eh bien, cette réalité doit nous pousser à agir pour préserver le fait français, pour maintenir le poids de la nation québécoise ici, à la Chambre des communes, et partout dans le monde.
Le Canada se targue d'avoir deux langues officielles et on se plaît à dire qu'elles sont l'anglais et la traduction simultanée, mais il faut reconnaître que le français en est une aussi. La motion que nous avons déposée aujourd'hui vise à protéger l'identité du Québec, à protéger le poids politique du Québec, à faire en sorte que le Québec continue d'être représenté comme une nation, ici, à la Chambre des communes et au sein des institutions canadiennes tant et aussi longtemps que le Québec ne décidera pas de voler de ses propres ailes.
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Monsieur le Président, je me permets tout d'abord de saluer mon collègue de Drummond. Je l'admire — il faut parfois se le dire entre collègues — et je lui suis des plus reconnaissantes de son travail comme élu. Il accomplit ce dernier avec rigueur et avec cœur, qu'il s'agisse de son rôle de porte-parole en matière de patrimoine ou de parrain du projet de loi , qu'il a déposé le 8 février dernier.
C'est d'ailleurs pour promouvoir et protéger les intérêts des citoyens de sa circonscription, de la mienne et de tout le Québec qu'il a déposé ce projet de loi, pour protéger le poids du Québec à la Chambre en garantissant 25 % des sièges qui occupent cette enceinte aux Québécois, parce que le Québec est une nation.
C'est donc avec conviction, mais aussi avec la certitude de faire ce qui est juste pour les Québécois et le Québec, que je prends la parole aujourd'hui pour débattre de la motion du Bloc québécois. Cette dernière se penche elle aussi sur le poids politique du Québec à la Chambre des communes, et se lit ainsi:
Que, de l’avis de la Chambre:
a) tout scénario de redécoupage de la carte électorale fédérale qui aurait pour effet de faire perdre une ou des circonscriptions électorales au Québec ou de diminuer le poids politique du Québec à la Chambre des communes doit être rejeté;
b) la formule de répartition des sièges à la Chambre doit être modifiée et elle demande au gouvernement d’agir en conséquence.
En essence, ce que le Bloc québécois demande à la Chambre est de s'engager, comme nous, à exiger du gouvernement de protéger concrètement le poids du Québec. Je le répète, le Québec est une nation francophone dans un pays au bilinguisme de papier.
Si le Bloc québécois dépose cette motion, ce n'est pas le fruit du hasard ni un caprice. Les chiffres, comme les images, valent 1 000 mots. En effet, entre 1867 et 2021, le poids du Québec à la Chambre des communes s'est amenuisé, passant de 36 % en 1867 à 23,1 % en 2015, et il descend encore. En parallèle, le nombre d'élus du Québec a très lentement et très humblement grimpé, passant de 65 élus sur 181 en 1867 à 78 élus sur 338 en 2015.
Lors du prochain redécoupage, lequel serait en vigueur au plus tôt en 2024, le poids du Québec poursuivrait sa dégringolade pour aboutir à 22,5 %. De plus, pour la première fois de l'histoire, le Québec perdrait un siège, son nombre d'élus passant à 77 sur 342. Pour le Bloc québécois et le Québec, c'est inacceptable.
Bien sûr, le processus décennal de redécoupage de la carte électorale n'est pas une surprise, pas plus que sa mécanique. D'abord, le directeur général des élections détermine le quotient électoral, c'est-à-dire la population par circonscription, en évaluant la hausse de la population depuis le dernier exercice de répartition. Présentement, avec une hausse de population de près de 10 % en 10 ans, on arrive à presque 122 000 habitants par circonscription. Ensuite, le nombre de sièges attribués à chaque province et au Québec se calcule en divisant le total de la population du Québec et des provinces par le quotient électoral de 122 000.
Cependant, comme l'a répété à plusieurs reprises la ministre québécoise responsable des Relations canadiennes et de la Francophonie canadienne, Sonia LeBel, il faut tenir compte de plus qu'une simple formule mathématique. Il est important de prendre en compte le poids réel de la représentativité du Québec à la Chambre des communes: nous sommes francophones, nous avons un statut particulier et une nation à défendre. Notre spécificité québécoise doit nous éviter de perdre des sièges à la Chambre des communes.
En effet, le redécoupage ne se limite pas à l'application d'une simple règle de trois. Si c'était le cas, l’Île-du-Prince-Édouard ne compterait qu'un seul député au prochain redécoupage et certaines provinces des Prairies perdraient des députés. C'est pour cela qu'au quotient électoral s'ajoutent deux clauses: la clause sénatoriale et la clause des droits acquis. Je viens de l'illustrer en parlant des Prairies et de l’Île-du-Prince-Édouard.
Le troisième et dernier élément est le suivant — il s'agit du dernier élément pour l'instant, mais j'espère qu'il y en aura un autre.
Ce troisième élément conditionne le redécoupage électoral auquel doit s'astreindre le directeur général des élections, ce que l'on appelle la règle de représentation. Autrement dit, quand une province n'a pas assez d'élus pour représenter une circonscription, il faut ajouter des circonscriptions, des élus.
Ces clauses et ces règles ont été édictées au cours des 150 dernières années, environ, mais elles ne sont pas immuables. Je vais citer l'Encyclopédie canadienne, ce que je n'aurais jamais cru faire. Elle conclut son article sur le redécoupage des circonscriptions fédérales en insistant sur le principe d'équilibre:
On pourrait estimer, en première approximation, qu'il s'agit là d'un exercice mathématique relativement simple. Il ne faut pourtant pas oublier que ce principe d'égalité politique coexiste avec la réalité du Canada en tant qu'État fédéral et avec l'idée qu'une représentation efficace se doit également de reconnaître l'existence de communautés distinctes. L'atteinte d'un équilibre entre ces différents principes est au cœur du processus de redécoupage.
Le Québec, lui, n'est rien de moins qu'une nation, soit plus de 8 millions de personnes qui partagent un territoire, une langue, une culture et un projet. En 2006, la Chambre des communes a reconnu la nation québécoise. Il s'agit d'une nation dont la langue officielle et commune est le français, comme l'a reconnu la Chambre des communes, en 2021, alors que l'on a voté en faveur de la proposition du Bloc québécois à cet effet.
Tant que le Québec ne sera pas un pays, il ne disposera pas de tous les outils qui devraient être les siens pour s'autodéterminer, et cela aura des conséquences obligées sur le plan politique, nommément le respect de l'autonomie du Québec et de son assemblée nationale, la conclusion d'ententes asymétriques ou encore la prise en compte de la différence québécoise dans les lois et politiques du gouvernement fédéral.
C'est d'ailleurs ce que le Bloc québécois demande aujourd'hui. Il demande à la Chambre de prendre en compte notre nation et son corollaire, c'est-à-dire la défense de son poids politique.
Le Bloc québécois attend un engagement ferme et non équivoque de la part des parlementaires et souhaite clarifier la position des partis à la Chambre.
Souvenons-nous de ce qui suit. En 1992, l'Accord de Charlottetown garantissait la proportion de 25 % du poids de la Chambre des communes au Québec. L'ancien Parti progressiste-conservateur était en faveur de cela. Le Parti réformiste du Canada, quant à lui, était contre. John Turner était en faveur, mais Pierre Elliott Trudeau était contre. En 2006, le NPD appuyait cela, mais qu'en est-il maintenant?
Des partis politiques canadiens ont disparu et d'autres se sont transformés, mais le Bloc québécois est demeuré lui-même: conséquent, cohérent et toujours prêt à défendre les intérêts du Québec.
Nous voulons savoir si, comme les Québécois, les partis politiques canadiens sont inquiets du sort réservé au Québec, s'ils vont rejeter tout scénario de redécoupage électoral qui réduirait le poids politique du Québec et s'ils vont agir en conséquence. Pour ce faire, pourquoi ne pas ajouter une « clause nation »? C'est le rôle des parlementaires.
Pour conclure, j'aimerais citer mon chef, le député de , et le premier ministre du Québec, François Legault, dont les paroles se sont fait écho depuis octobre dernier pour exprimer le sentiment du Québec par rapport à cette menace.
Le premier ministre du Québec a déclaré que « [...] la nation du Québec mérite une certaine représentation à la Chambre des communes, sans égard à l'évolution du nombre d'habitants dans chaque province ». Selon lui, « c'est un test pour [le premier ministre du Canada]. C'est beau de reconnaître que le Québec est une nation, maintenant, il faut qu'il y ait des conséquences ». Ce que l'on demande au premier ministre du Canada, « c'est de préserver le poids en pourcentage du Québec dans le nombre de députés québécois à Ottawa. »
Mon chef a également expliqué d'emblée que le poids du Québec est réduit. C'est forcément exclu que le Québec perde un siège, puisqu'un pays qui se prétend bilingue ne peut pas regarder ses institutions diminuer le poids relatif du territoire francophone de son pays.
Je vais reprendre ses mots à mon compte: on n'imagine pas la bataille que le Bloc québécois va livrer, si, pour le temps qu'il lui reste dans la fédération, il voit son poids constamment diminuer. À la limite, cela réduira le temps qu'il nous reste.
Je n'ai que trop hâte que seul le Québec décide pour le Québec.
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Monsieur le Président, je vais partager mon temps de parole avec la députée de Saint-Laurent.
Je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui sur diverses questions, et en particulier sur celle dont nous sommes saisis. Je ne peux m'empêcher de penser à ce qui se passe en Europe. Bien des députés qui ont pris la parole en ont parlé d'entrée de jeu. J'aimerais faire de même, sachant que ce qui se passe en Ukraine en ce moment occupe les pensées de millions de Canadiens d'un bout à l'autre du pays. Les répercussions seront profondes partout dans le monde. Hier soir, les députés ont été nombreux à vouloir prendre la parole lors du débat exploratoire.
Et je pense que bon nombre de Canadiens voudraient sans doute voir la Chambre passer plus de temps à débattre de ce genre d'enjeux. Quand le chef du Bloc a commencé son discours après avoir présenté la motion, on sentait que l'Ukraine était encore dans toutes les pensées, puisqu'il y a lui-même fait référence. Je le souligne parce qu'il faut comprendre que c'est la toute première fois en 2022 que le Bloc a l'occasion de présenter une motion de l'opposition. Ce qui rend la chose intéressante, c'est que le Bloc a présenté un projet de loi d'initiative parlementaire qui porte sur la même question et qui doit aussi faire l'objet d'un débat.
J'ai du mal à comprendre pourquoi le Bloc a choisi ce sujet: est-ce en raison de ce qui se passe actuellement dans le monde, la menace et la possibilité bien concrètes d'une troisième guerre mondiale et toutes les horreurs qui sont en train de se produire en Ukraine? Ou est-ce lié à des enjeux locaux? C'est peut-être en raison de la pandémie, pour soumettre des idées et des conseils. L'environnement, la crise du logement, etc., sont des sujets qui reviennent très souvent, mais le Bloc a choisi d'avoir un débat sur ce sujet particulier. Je pense malheureusement que c'est avant tout pour des raisons politiques.
Je voudrais faire part à la Chambre de quelques réflexions sur le sujet. Tous les 10 ans, un rajustement a lieu. Il y a une loi qui prévoit un examen indépendant de la délimitation des circonscriptions, puis la présentation de recommandations. Cet examen s'appuie, en partie, sur les déplacements de population. Nous savons tous que les données démographiques changent dans les municipalités, les provinces et les territoires, bien sûr, sans oublier la migration interprovinciale. On l'observe tous les ans.
Il y a quelques années, nous avons publié, par l'entremise de Recensement du Canada, un rapport qui indique clairement que l'immigration doit être prise en compte dans la croissance démographique au Canada, que l'on pense aux 10 dernières années ou à l'avenir. La future croissance démographique dépendra fortement de l'immigration. La migration interprovinciale et l'immigration des 10 dernières années expliquent en grande partie où nous en sommes aujourd'hui. En octobre dernier, si je ne me trompe pas, il a été recommandé d'enlever un siège au Québec.
J'en ai déjà parlé à la Chambre. Je suis très fier de mes origines qui remontent à la province de Québec. Il y a quelques centaines d'années, mes arrière-grands-pères et arrière-grands-mères ont fait partie des pionniers dans cette province. Nous n'étions pas les premiers. Comme nous le savons, les Premières Nations vivaient ici avant l'établissement des communautés francophones.
La migration s'est faite, du moins en partie, vers l'ouest, soit dans la province du Manitoba, où je vis aujourd'hui et que je suis fier de représenter.
Sur le plan des politiques nationales, mes passions sont fortement alimentées par la province du Québec. Je ne voudrais pas qu'un député laisse entendre que, à moins de représenter le Québec, personne dans cette enceinte ne se soucie vraiment de ce qui s'y passe. Je me soucie de la province du Québec au même titre que des provinces des Prairies, de l'Ontario, des provinces de l'Atlantique, de nos territoires et de la Colombie-Britannique.
Nous avons beaucoup en commun d'un point de vue économique, par exemple dans le secteur de l'aéronautique. Le français est une langue magnifique, une langue que nous souhaitons promouvoir et dont nous favorisons l'adoption.
La province du Manitoba, et plus particulièrement la collectivité de Saint-Boniface compte une communauté francophone épanouie et en croissance. Bien que les chiffres de la province en immigration se situaient quelque part autour des 3 000 ou 4 000 personnes par année dans les années 1990, ils ont pour ainsi dire quadruplé grâce au programme des candidats. Une attention particulière a été accordée aux francophones, dont la présence est très importante, que ce soit dans les milieux urbains de Winnipeg et de Saint-Boniface ou dans les collectivités rurales comme St-Pierre-Jolys, où mon arrière-arrière-grand-père est né.
J'estime qu'il est important d'examiner les mesures qui sont prises en ce moment. Un député du Bloc a parlé de l'importance d'agir. Aujourd'hui, la a présenté des modifications à la Loi sur les langues officielles qui auront une incidence positive sur le bilinguisme au Canada. Hier, nous avons débattu du projet de loi , qui vise à moderniser la Loi sur la radiodiffusion.
En effet, les gestes sont plus éloquents que les paroles. Je crois qu'iI est important de reconnaître que la province du Québec est effectivement distincte et contribue énormément à notre identité nationale.
Voilà pourquoi il est important que nous appuyions les arts et la culture, comme le propose le projet de loi . C'est également, en partie, la raison pour laquelle nous avons présenté plus tôt aujourd'hui le projet de loi dont la Chambre a fait la première lecture.
Je comprends que 78 est le nombre magique. Nous avons étudié la question par le passé. Prenons, par exemple, la province de l'Île-du-Prince-Édouard. Étant donné le nombre de sénateurs qui la représentent, la province doit avoir un nombre égal de députés. Je connais très bien la clause des droits acquis instaurée en 1985.
J'accueillerais volontiers un débat à ce sujet lorsque les députés d'en face présenteront ce projet de loi, car nous savons qu'ils le présenteront. Je m'interroge sur les motifs politiques qui les ont poussés à choisir cette motion, alors que tant d'autres choses se passent actuellement dans le monde et au Canada, sur les raisons pour lesquelles ce sujet représente pour eux la question de politique publique la plus importante à soulever en cette première journée de l'opposition qui leur est accordée.
Au bout du compte, c'est leur décision. Quoi qu'il en soit, j'attends avec impatience la présentation du projet de loi d'initiative parlementaire qui, à ce que je comprends, traite du même sujet.
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Monsieur le Président, je suis heureuse de discuter aujourd'hui de la formule de répartition des sièges à la Chambre des communes et du redécoupage de la carte électorale fédérale.
Le 15 octobre 2021, le directeur général des élections du Canada a annoncé la nouvelle répartition des sièges à la Chambre des communes.
Suivant le processus actuel de la révision des limites des circonscriptions électorales, les provinces et les territoires seront représentés à la Chambre des communes de la façon suivante: 43 sièges pour la Colombie-Britannique; 37 pour l'Alberta; 14 pour la Saskatchewan; 14 pour le Manitoba; 122 pour l'Ontario; 77 pour le Québec; 10 pour le Nouveau-Brunswick; 11 pour la Nouvelle-Écosse; 4 pour l'Île-du-Prince-Édouard; 7 pour Terre-Neuve-et-Labrador; 1 pour le Yukon; 1 pour les Territoires du Nord-Ouest; et 1 pour le Nunavut.
Cette répartition est le résultat d'un calcul à partir des estimations de la population fournies par le statisticien en chef du Canada et d'une formule prévue dans la Loi constitutionnelle de 1867.
[Traduction]
Depuis près de 60 ans, des commissions de délimitation des circonscriptions électorales indépendantes et non partisanes sont responsables du redécoupage des cartes électorales. Ces commissions ont été créées en 1964, lorsque le Parlement a adopté la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales. Cette loi définit les règles et les responsabilités, le processus et les critères entourant le redécoupage des circonscriptions fédérales par les commissions.
Cette approche indépendante a été mise en place à dessein dans le but de réduire le risque d'ingérence dans le processus et d'assurer l'intégrité et la transparence des systèmes et des institutions démocratiques du Canada. Avant 1964, c'est la Chambre des communes qui était chargée d'établir le tracé des circonscriptions par l'entremise d'un comité formé spécialement pour accomplir cette tâche. Cependant, le Parlement s'est rendu compte que la possibilité pour les députés du parti au pouvoir de déplacer le tracé des circonscriptions à leur avantage représentait un risque important pour l'intégrité du système canadien. Ce genre de pratiques était inacceptable à l'époque et l'est encore aujourd'hui.
L'adoption de la Loi sur la révision des limites des circonscriptions électorales a été une mesure essentielle pour régler ce problème. Comme c'est décrit dans la loi, une commission formée de trois membres doit être établie pour chaque province. Ces commissions sont formées d'un président et de deux commissaires. Je rappelle aux députés que, puisque ce processus se déroule aux 10 ans, le gouvernement ne fait pas de recommandations ni de nominations pour ces commissions provinciales. En fait, les nominations se font de façon indépendante. D'ailleurs, le rôle du gouvernement dans ce processus est extrêmement limité.
[Français]
J'aimerais parler maintenant de la formule utilisée pour la redistribution. Il y a quatre étapes. Voici comment le directeur général des élections est arrivé au résultat mentionné plus tôt.
Premièrement, le nombre initial de sièges attribué aux provinces est calculé. Pour ce faire, il faut tout d'abord calculer le quotient électoral. Celui-ci est obtenu par la moyenne des croissances de chaque province durant la dernière décennie. Le Québec, par exemple, a connu une croissance de 7,83 % entre 2011 et 2021. En revanche, l'Ontario a connu une croissance de 10,87 %; la Colombie-Britannique, 14,03 %; et l'Alberta, 17,56 %. Ensemble, les 10 provinces ont donné une croissance moyenne de 9,65 %.
Ensuite, le quotient électoral du redécoupage précédent, soit 111 116, est multiplié par cette moyenne pour obtenir un nouveau quotient de 121 891. Enfin, le calcul du nombre initial attribué aux provinces est calculé en divisant la population de chaque province par le nouveau quotient.
Cela nous donne 5 sièges pour Terre-Neuve-et-Labrador, 2 pour l'Île-du-Prince-Édouard, 9 pour la Nouvelle-Écosse, 7 pour le Nouveau-Brunswick, 71 pour le Québec, 122 pour l'Ontario, 12 pour le Manitoba, 10 pour la Saskatchewan, 37 pour l'Alberta, et finalement 43 pour la Colombie-Britannique, pour un total de 318 sièges.
Il est également important de noter que c'est cette étape qui détermine si de nouveaux députés s'ajouteront à la Chambre des communes. Bien que la croissance moyenne des provinces durant la décennie était de 9,65 %, la croissance des 10 provinces réunies était en fait de 10,90 % pour la même période.
Lorsque le quotient croît plus lentement que le Canada, on observe une augmentation à la Chambre. Par contre, si le quotient augmentait à la même vitesse que les 10 provinces, on n’observerait aucun changement au nombre total de sièges. Par conséquent, si le quotient augmentait plus rapidement que les 10 provinces, on observerait une réduction du nombre total de sièges.
Cela veut dire que l'endroit où la croissance est observée influence une grande partie de la taille de la Chambre.
Pour revenir à la formule, par suite du calcul du nombre initial des sièges attribués aux provinces, s'applique la deuxième étape, soit l'application des clauses spéciales, c'est-à-dire la clause sénatoriale et la clause des droits acquis. Cette étape garantit que les provinces n'ont pas moins de sièges qu'ils ont au Sénat et qu'ils en avaient en 1985 pendant la 33e législature.
Cette étape ajoute donc 2 sièges à Terre-Neuve-et-Labrador, pour un total de 7; 2 sièges à l'Île-du-Prince-Édouard, pour un total de 4; 2 sièges à la Nouvelle-Écosse, pour un total de 11;3 sièges au Nouveau-Brunswick, pour un total de 10; 4 sièges au Québec pour un total de 75; 2 sièges au Manitoba, pour un total de 14; et 4 sièges à la Saskatchewan, pour un total de 14.
La troisième étape, la règle de représentation, s'applique seulement à une province dont la population a été surreprésentée à la Chambre des communes au terme du dernier redécoupage. Si une telle province devient surreprésentée à la suite des calculs précédents, d'autres sièges lui sont attribués de façon à ce que sa part de sièges à la Chambre des communes soit proportionnelle à sa part de la population. Il est toutefois important de préciser que cette règle s'applique aux provinces, et non aux territoires. Ces derniers ne sont donc pas comptabilisés dans les calculs.
Les provinces à qui s'applique la règle de représentation sont Terre-Neuve-et-Labrador, l'Île-du-Prince-Édouard, la Nouvelle-Écosse, le Nouveau-Brunswick, le Québec, le Manitoba et la Saskatchewan. Toutefois, parmi ces provinces, seul Québec se voit avoir une part des sièges inférieure à sa part de la population suivant la deuxième étape. Deux sièges sont donc ajoutés au Québec pour un total de 77 sièges.
Finalement, à la quatrième étape, trois sièges sont attribués aux territoires: un au Yukon, un au Territoire du Nord-Ouest, et un au Nunavut. On obtient alors le nombre total de 342 sièges à la Chambre des communes, comme annoncé par le directeur général des élections.
Au cours des années, la formule a reçu plusieurs modifications, dont la dernière fut en 2011. Il ne s'agit pas simplement d'une attribution mathématique basée uniquement sur la population des provinces. Cette formule prend en compte et protège les provinces dont la part de la population diminue, tout en permettant aux provinces à croissance rapide d'obtenir plus de sièges. Pour terminer, il est important de souligner que le processus de redécoupage qui inclut la nouvelle répartition est fait de façon indépendante et hautement normative, afin d'empêcher une influence partisane.