Que, étant donné que la Chambre respecte les croyances et les non-croyances de l’ensemble des parlementaires ainsi que de la population, et qu’elle a un attachement au principe de séparation de la religion et de l’État, à la diversité des opinions et à la liberté de conscience, tout en respectant la laïcité et la neutralité religieuse de l’État et par souci d’inclusion, la lecture de la prière à l’ouverture d’une séance soit abolie et remplacée par un moment de réflexion; et qu’en conséquence, l’article 30 du Règlement soit modifié par substitution, aux paragraphes (1) et (2), de ce qui suit: « (1) un moment de réflexion soit observé, chaque jour de séance, avant que la Chambre entame ses travaux. (2) Les travaux de la Chambre débuteront au plus tard deux minutes après le moment de réflexion. »
— Madame la Présidente, je suis très fier de présenter aujourd’hui une motion au nom du Bloc québécois concernant la pratique traditionnelle de la Chambre qui consiste à réciter une prière avant d’ouvrir les portes, et ce, chaque jour que le Bon Dieu amène.
Je voudrais clarifier quelque chose avant de commencer. Je sais que certains vont peut-être voir dans cette manœuvre quelque chose de malsain qui vise à faire du trouble, une passe dans les patins, comme le dit l'expression, ou quelque chose de pas très catholique, mais cela n'est absolument pas le cas. En fait, c’est tout le contraire d’un piège, pour dire vrai. Aujourd'hui, nous lançons un appel à une discussion saine sur un sujet délicat. Certaines personnes à la Chambre pourraient sentir que nous empiétons un peu sur leurs convictions et que nous nous y attaquons, mais je veux vraiment préciser que ce n’est pas le cas.
Ce que nous proposons aujourd’hui, c’est de réfléchir à une pratique qui a peut-être survécu à son époque, et qui n’a peut‑être plus la pertinence qu’elle avait au moment où elle a été instaurée. Le sujet est délicat, c’est peut-être la raison pour laquelle personne n’avait vraiment jugé opportun de soumettre la question à une discussion franche et ouverte comme je le fais aujourd'hui. C'est peut-être aussi la raison pour laquelle personne n'avait osé le faire. Personne n’a osé remettre la prière en question, et pourtant, je pense humblement que c’est une bonne chose à faire. C'est une bonne chose de le faire aujourd'hui, mais c'est une bonne chose aussi de remettre nos pratiques et nos traditions en question à l'occasion.
La Chambre décidera, au terme de nos échanges, s’il est pertinent de maintenir la récitation de la prière en préambule de nos travaux, ou si, comme je le crois, il serait plus raisonnable, plus approprié et plus inclusif d’abolir ce rituel et de le remplacer simplement par un moment de réflexion personnelle.
Je tiens à assurer aux députés de la Chambre que notre but n’est pas de manquer de respect à l'égard des convictions religieuses de qui que ce soit et je confirme que nos propos refléteront cette affirmation tout au long de nos débats en ce jour.
Nous faisons montre de respect pour les religions, mais j’en appelle aussi au respect de ceux qui n’adhèrent à aucune religion. C’est un peu l’objet de mon propos: je prône une inclusion qui tient aussi compte de ceux et celles qui sont non-croyants.
Comme je le disais tantôt, le contexte d’aujourd’hui est différent de celui dans lequel se sont établies nombre de traditions de cette nature au Parlement. Je vais citer, avec la gorge un peu mal à l'aise, un certain John A. Macdonald qui, en 1877, justifiait sa motion proposant la lecture de la prière quotidienne à la Chambre en disant « que tous les Canadiens sont chrétiens. »
Admettons que cette affirmation est vraie, ce dont je doute, même dans le contexte de l'époque, cela démontre quand même que le contexte était très différent de celui dans lequel on se trouve aujourd’hui. En effet, aucun député de la Chambre n’oserait prétendre que tous les Canadiens sont chrétiens. Même que, au contraire, depuis le père Trudeau et son multiculturalisme, il s'en trouve qui se vantent du fait que toutes les religions sont égales et doivent être les bienvenues dans la sphère publique. N’est-ce pas là un argument de plus pour ouvrir le débat sur la question?
Les années passent et les coutumes changent. Il est du devoir de nos institutions de s’adapter à la réalité des gens, des citoyens et de la population qu'elles servent et d’accepter, pour ce faire, de se remettre en question régulièrement.
À titre d’exemple de la pertinence de cette motion déposée aujourd'hui, je citerai quelques données d'un sondage publié par la firme Léger en octobre 2019, qui montrait que seulement 51 % des Québécois affirmaient croire en Dieu. Dans le reste du Canada, ce sont des chiffres qui sont aussi éloquents, même si cela varie selon les régions. Il n'en demeure pas moins qu'on peut dénombrer, au Québec et au Canada, une importante proportion de citoyens qui affirment ni croire en Dieu, ni adhérer à une religion, quelle qu'elle soit.
À une époque où on tente d’être le plus inclusif possible, est‑ce que quelqu’un à la Chambre peut prétendre en toute honnêteté que la prière avant les travaux de la Chambre respecte les croyances et les non-croyances de tout un chacun?
Par exemple, dans l’état actuel des choses, un député athée qui se sent heurté dans ses convictions personnelles par la prière a le choix d’endurer l’exercice en attendant la fin de la prière ou d’attendre la fin de cette dernière avant d’entrer à la Chambre. Dans les deux cas, est-ce qu’on ne porte pas atteinte à sa liberté de conscience?
Ce même député athée pourrait au contraire apprécier ce moment de réflexion qu'on propose, qu'il pourrait utiliser pour méditer, pour réfléchir aux travaux du jour, à sa liste d'épicerie ou à ce qu'il va faire en fin de semaine. C'est un moment de réflexion qui lui revient. En fait, la prière, dans sa forme actuelle, ne rejoint même pas toutes les religions. C'est une prière chrétienne, récitée dans une assemblée qui regroupe des gens de toutes sortes de confessions différentes: les Sikhs, les Musulmans, les Juifs, les Bouddhistes, les Hindous. Est-ce que tous s'y reconnaissent vraiment?
Je pose la question très candidement, avec curiosité. J'ai l'impression qu'on aura des éléments de réponse dans le courant des débats de la journée.
Le gros avantage de notre proposition, c'est que, avec un moment de réflexion en lieu et place de la prière, chacun d'entre nous pourrait utiliser ce moment pour y aller selon ses convictions personnelles. Mes collègues n'ont pas besoin de moi pour prier. Ils n'ont pas besoin que je les entende. Ils peuvent le faire en privé, dans leur tête, en silence. Je pense que cela a la même valeur pour le Dieu qu'ils vénèrent. L'un des principes fondamentaux de la laïcité, telle que je la conçois, c'est que l'État ne devrait jamais favoriser une religion par rapport aux autres religions. La meilleure façon de traiter toutes les religions sur un pied d'égalité est de n'en favoriser aucune.
Le principe de la séparation de la religion et de l'État n'est pas nouveau. Ce sont des débats qui ont eu lieu dans le passé, à plusieurs époques. Son application concrète dans les pratiques des différentes législatures canadiennes s'est faite à vitesse variable. Par exemple, en Colombie‑Britannique, c'est en 2019 qu'on a aboli la prière. La Nouvelle‑Écosse, elle, récitait la prière depuis plus longtemps que toutes les législatures canadiennes, soit depuis 1758. En octobre 2021, la Nouvelle‑Écosse a aboli la prière à son assemblée législative. Tant les libéraux que les conservateurs avaient déposé une motion en ce sens, et les trois partis en présence, libéraux, conservateurs et néo‑démocrates, ont tous appuyé la motion. Le premier ministre de cette province, Tim Houston, a expliqué que ce changement visait à faire en sorte que les néo‑écossais se sentent représentés à l'assemblée législative sans égard à leur race, leur genre, leur préférence sexuelle, leur langue ou leur religion. Je précise ici que M. Houston est un premier ministre conservateur, et je ne pensais jamais que je citerais un jour un conservateur pour appuyer mon argumentaire sur la laïcité, mais c'est une époque surprenante. Il faut être ouvert et s'attendre à toutes sortes de surprises.
À Terre‑Neuve‑et‑Labrador, fait intéressant, on n'a jamais récité la prière avant les travaux. À Québec, c'est en 1972 que l'Assemblée nationale a décrété que la prière devait être abolie et être remplacée par un moment de réflexion, et ce n'est qu'en 1976, le 15 décembre, un mois seulement après l'élection du premier gouvernement de René Lévesque, que la prière a été officiellement abolie en pratique. Je tiens à noter, parce que c'est peut-être un moment de l'honorer, que le président de l'Assemblée nationale à ce moment était Clément Richard. Ce dernier nous a quittés en mars, un peu plus tôt cette année.
Au Québec, cela s'inscrivait dans un contexte de changements sociaux importants, à une époque où les Québécoises et les Québécois décidaient, après des générations de mainmise de l'Église catholique sur à peu près toutes les sphères de la société civile et tous les aspects de notre vie, de réserver la religion à la sphère privée, hors des affaires de l'État. J'ai grandi dans une famille catholique pratiquante, dans les années 1970, à Québec. Ma famille allait à l'église. J'ai servi la messe. Toutefois, j'ai aussi la chance d'avoir des parents qui m'ont toujours encouragé à réfléchir, à analyser, à façonner mes propres opinions. De fil en aiguille, j'ai développé ma propre zone de confort spirituel, loin de la religion. Je dis loin, mais proche en même temps, parce que certaines des valeurs véhiculées par l'enseignement religieux sont des valeurs qui me sont chères, notamment le respect, l'amour de son prochain et le partage. Si certains les associent à un enseignement religieux, je pense que ce sont des valeurs humaines de base pour vivre en société.
Je vais terminer avec une phrase de ma défunte grand-maman. C'était une grande croyante, mais elle terrorisait les curés par son esprit libre et son anticonformisme. Grand-maman est celle qui avait répondu au curé, qui lui suggérait de faire plus d'enfants que les neuf qu'elle avait déjà et de se mêler de ses sermons, qui lui disait qu'il pourrait se permettre de donner des conseils sur les enfants quand lui-même en ferait et qu'il saurait comment s'en occuper. Elle lui disait de s'occuper de faire la morale à d'autres en attendant parce qu'elle ne recevait pas cela. Elle en a remis plusieurs à leur place, des curés moralisateurs. Chez nous, quand grand-maman est partie, nous nous sommes dit que deux ou trois curés au ciel devaient avoir les fesses serrées en sachant qu'elle s'en venait.
Ma grand-maman me disait que la spiritualité est comme les choses intimes, qu'elle ne se vit pas dans l'ostentation et que seuls les gestes peuvent influencer. Dans cet esprit, je suis fier de déposer la motion que nous présentons aujourd'hui et j'ai bien hâte d'entendre les débats.
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Madame la Présidente, mes premières amours, comme étudiante, comme professeure, et même comme enfant, ont été la littérature. En quelque sorte, cela a été mon
alma mater.
Par la littérature, ce sont les lettres elles-mêmes que j'ai aperçues — je devrais peut-être dire entraperçues, pour être plus juste —, parce que les lettres embrassent tant volontairement qu'involontairement l'ensemble du savoir humain.
C'est peut-être pour cela même que j'ai toujours voué une admiration empreinte de reconnaissance et que j'ai toujours porté une curiosité insatiable au XVIIIe siècle, nommément le XVIIIe siècle français: le siècle des Lumières qui s'est décliné en Enlightenment ou Erklärung, selon que l'on soit en Angleterre ou en Allemagne. C'est le siècle de la raison, du savoir et de l'intelligence.
Les Lumières, c'est le siècle de l'Encyclopédie ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers, le siècle des philosophes, de Rousseau, de Voltaire, de Diderot, le siècle qui scandera haut et fort « Liberté, Égalité, Fraternité ».
C'est le siècle de l'homme guidé par les lumières de l'esprit, celui de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen, mais aussi celui de la femme et de la citoyenne, avec Olympe de Gouges, celui de la démocratie, celui de l'accès au savoir, celui des sciences, celui de l'idéal du progrès, celui de la tolérance et de l'humanisme, celui de l'égalité. C'est le siècle de la Révolution française, mais aussi celui de la Révolution américaine.
C'est un siècle d'affranchissement. C'est celui qui amorce en France la longue séparation entre l'Église et l'État. À la suite de la Révolution française, en l'espace d'un peu plus d'un siècle, pour que le peuple remporte la lutte afin que ce soient les hommes eux-mêmes qui gèrent les choses de l'État, il a dû prendre le pouvoir de ceux qu'il ne pouvait alors que regarder d'en bas. C'est le siècle de l'aube du peuple.
C'est un héritage majeur que nous ont légué ces hommes et ces femmes. Celui selon lequel ce sont tous les hommes qui décident pour tous les hommes, non pas un dieu. C'est cet héritage même qui me donne aujourd'hui le droit légitime de me tenir debout devant les parlementaires, à la Chambre des communes, pour représenter les quelque 100 000 citoyens de la circonscription de Manicouagan.
On comprendra donc mon étonnement lorsque, à l'automne 2015, plus de trois siècles après la Révolution française, au moment où j'allais prendre mon siège à la Chambre, j'ai entendu les paroles suivantes résonner avant l'ouverture de la séance:
Dieu tout‑puissant, nous te remercions des nombreuses grâces que tu as accordées au Canada et à ses citoyens, dont la liberté, les possibilités d’épanouissement et la paix. Nous te prions pour notre Souveraine, la Reine Elizabeth, et le (la) Gouverneur(e) général(e). Guide-nous dans nos délibérations à titre de députés et aide-nous à bien prendre conscience de nos devoirs et responsabilités. Accorde-nous la sagesse, les connaissances et la compréhension qui nous permettront de préserver les faveurs dont jouit notre pays afin que tous puissent en profiter, ainsi que de faire de bonnes lois et prendre de sages décisions. Amen.
On m'obligeait à prier le Dieu chrétien. J'ai regardé autour de moi et presque tous se prêtaient à l'exercice, chrétiens, mais aussi, possiblement, juifs, musulmans, hindous ou bouddhistes, agnostiques ou athées. Je n'arrivais pas à comprendre, et je n'y arrive toujours pas, qu'un Parlement impose, même dans la plus noble des intentions, à moins que ce ne soit inconsciemment, non seulement la foi, mais sa foi, à l'ensemble des parlementaires, des employés de la Chambre et, par extrapolation, des Québécois, bien sûr, et des Canadiens. La Chambre des communes me privait de ma liberté de conscience.
Il est patent que le Parlement canadien n'a pas encore consommé le divorce, à mon sens nécessaire, entre l'Église et l'État, parce que toute croyance porte en elle-même son hégémonie.
Comme être pensant, doué de raison et doté de liberté conscience, m'en remettre à une puissance supérieure, laquelle aurait le pouvoir de m'octroyer « sagesse, connaissances et compréhension », laquelle saurait me « guider dans mes délibérations pour prendre conscience de mes responsabilités et de mes devoirs » constitue à mon sens une pleine déresponsabilisation.
Les grâces accordées au Canada ne dépendent pas d’une volonté divine chrétienne dont les parlementaires chrétiens pratiquants seraient le truchement.
Les faveurs dont jouit le Canada sont préservées par les choix que font les représentants du peuple, selon la volonté même du peuple. Le gouvernement est responsable; les élus, imputables.
Évidemment, cette prière pose une apparente aporie, en ce qui me concerne, pour ce qui est de la liberté de conscience et en ce qui a trait à la responsabilisation et donc à ce caractère imputable.
Nul ne croit de façon obligée, tout au plus peut-il feindre. Nul ne débat de façon saine, si la conclusion participe d’une vérité antérieure et immanente qui lui échappe. C’est ce que symbolise cette prière quotidienne. C’est d’ailleurs essentiellement ces deux raisons qui m’ont poussée, le 12 juin 2019, à tenter de déposer une motion au nom du Bloc québécois, afin de substituer un moment de réflexion à la présente prière.
En tout respect sincère et bienveillant pour l’ensemble des religions et en toute humilité, parce que loin de moi l’idée de me penser une espèce de voleuse de feu du ciel, comme le Prométhée la mythologie, la communion à une prière qui exige que je cède ma liberté de conscience et ma raison aux mains invisibles d’un dieu, du dieu chrétien, m’est viscéralement et en toute conscience impossible.
Pour paraphraser Étienne de La Boétie, la servitude — celle de l’esprit — ne peut être que volontaire. Je refuse que l’on pense pour, par, et à travers moi. Je refuse d’être pensée. Je choisis et j’assume.
On aura déduit qu’à mon sens la religion appartient à la sphère de vie privée. Ce choix que certains font de croire, — parce qu’avoir la foi est un choix conscient, délibéré — ce choix que font certains de suivre les préceptes et les valeurs d’un discours déiste afin de déterminer leur existence, ils le font intimement, personnellement.
La foi relève de l’individu, non de la société. Une croyance ne s’impose pas. On ne peut obliger la société à agir selon des croyances individuelles imposées. L’État doit être neutre, l’État doit être laïque.
Je ne dévoilerai donc pas à mes collègues si je suis de telle ou telle confession, pratiquante ou non, athée ou agnostique, ni ce que je pense de la religion des dieux ou de celle des hommes. Je me contenterais de réitérer le respect que j’ai de ces grands discours qui font d’ailleurs écho les uns aux autres — amour, paix, partage — et dont les valeurs focales façonnent le monde depuis la nuit des temps, discours qui au demeurant visent une transcendance et qui nous distinguent du règne animal, comme, du reste, notre intelligence et notre humanité.
En terminant, on comprendra pourquoi je me tiens derrière les rideaux, lorsqu’on doit réciter la prière. Je me dis que je ne dois pas être la seule à demeurer en retrait, que ce soit par respect de soi ou par respect de l’autre, par respect de nos croyances ou de notre raison, de façon discrète ou peut-être même ostentatoire. La religion relève de la vie privée. Elle devrait demeurer comme moi derrière les rideaux, derrière les portes de nos maisons ou de nos lieux de culte.
Parlementaires, rassemblons-nous plutôt réellement autour d’un moment de réflexion libre où d’aucuns auront l’occasion de dialoguer avec leur conscience ou avec Dieu. J’entrerai alors à la Chambre et la Chambre entrera au XXIe siècle.
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Madame la Présidente, je ne sais pas trop quoi penser du débat que nous avons aujourd'hui. J'ai demandé à la députée bloquiste si son parti avait soulevé cette question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Elle a répondu que non parce qu'il s'agit d'une question importante et que tous les députés devraient être en mesure de participer au débat. La députée ne se rend‑elle pas compte de toutes les discussions ayant lieu dans les comités permanents et de toutes les questions auxquelles ses remarques pourraient s'appliquer?
Mon collègue de a parlé des enjeux qui préoccupent les Québécois en ce moment. Or, malgré toutes mes années de vie parlementaire, je ne comprends pas vraiment le raisonnement sur lequel se fonde la présentation d'une telle motion.
Le Bloc aurait pu envisager beaucoup d'autres options. J'en conclus que ses députés n'ont absolument aucune idée des problèmes qui revêtent de l'importance pour le Québec et le Canada dans son ensemble. En effet, au cours des six dernières années, et surtout des deux dernières, pas un électeur ne m'a dit que c'était un dossier sur lequel nous devions nous pencher.
Le Canada se relève à peine d’une pandémie, qui connaît encore des soubresauts. À l’heure actuelle, le port du masque demeure obligatoire au Québec. Les députés peuvent-ils s’imaginer ce qui occupe l’esprit des Québécois et des députés du Bloc? Le député a même pris la parole pour déclarer que sont parti ne dispose que de deux occasions par session pour déterminer le sujet des débats, pourtant, c’est ce sujet qui a été choisi.
Il n'y a pas que la pandémie. Nous aurions pu parler des événements qui se déroulent en Europe. Des gens meurent à l’heure actuelle en Ukraine. Ce sont les héros de l’Ukraine. Nous pourrions parler, ici, au Canada, de ce qui se passe en Europe. Cependant, le Bloc québécois montre qu’il ne s’intéresse pas à la pandémie, ni à ce qui se passe au Québec, ni à ce qui se passe en Europe ou en Ukraine, où la guerre sévit. Qu’en est-il des autres sujets qui, je le sais, préoccupent les Québécois?
Même si c'est ce que le Bloc québécois affirme, ce ne sont pas ses députés qui défendent les intérêts du Québec et des Québécois, mais plutôt les députés de ce côté-ci de la Chambre. Ce sont eux que j'entends parler d'environnement dans cette enceinte. Je rappelle à mes collègues du Bloc que les Québécois se soucient de l'environnement. Je le sais, même si je ne viens pas du Québec, parce que j'écoute les députés du caucus québécois du Parti libéral, et je sais que l'environnement leur tient à cœur. Les députés conservateurs en parlent souvent. Nous sommes parfois en désaccord, mais c'est une question qui préoccupe le Québec. C'est une question dont la province se soucie vraiment. Pourquoi les députés du Bloc québécois ne voudraient-ils pas parler de la crise climatique ou d'autres problèmes environnementaux auxquels le Québec fait face aujourd'hui?
Nous entendons souvent des députés du Bloc québécois poser des questions sur la santé. C'est un dossier qui me tient beaucoup à cœur. D'ailleurs, j'ai présenté des pétitions qui soulignent à quel point il est important que le gouvernement du pays apporte une contribution en santé qui va au-delà du financement. Le Bloc québécois se contente de réclamer de l'argent, et il n'a jamais bien expliqué pourquoi à la Chambre. Pourquoi ne veut-il pas parler de santé? Dans toutes les régions du pays, les gens se préoccupent des questions liées à la santé mentale et aux soins de longue durée.
Ce sont des dossiers qui comptent, peu importe la région où nous habitons au Canada; certains députés en parlent, mais pas ceux du Bloc, bien évidemment, parce que, aujourd'hui, ils disent que ce ne sont pas des sujets importants. Ils ne sont pas assez importants et les députés du Bloc veulent parler de la prière...
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Madame la Présidente, je peux assurer au député que je parlerai de foi et que je parlerai de motions. Je suis vraiment contrarié, parce qu'il y aurait tellement d'autres façons d'aborder ce sujet. C'est pour cette raison que j'ai commencé par poser une question à députée d'en face: le Bloc a-t-il soulevé la question au comité de la procédure?
Il ne faut pas oublier qu'il s'agit ici de modifier le Règlement. Quel comité permanent est responsable des modifications au Règlement? C'est le comité de la procédure et des affaires de la Chambre. Il se réunit deux fois par semaine et une députée du Bloc en est membre. S'il s'agit d'une question tellement importante, pourquoi les députés du Bloc n'ont-ils au moins pas tenté de la régler ou de la soulever au comité de la procédure? Je crois qu'ils sont à côté de la plaque.
Nous avons tous des questions à poser au sujet du Règlement. En fait, il y a même un règlement qui prévoit qu’à intervalles réguliers, nous devons discuter de la nécessité de modifier le Règlement, et c’est exactement ce que les députés du Bloc sont en train de faire aujourd’hui. C’est ce qui est prévu pour le mois de juin, et nous allons consacrer une journée particulière à l'étude de changements possibles au Règlement. Pourquoi les députés du Bloc n’attendent-ils pas ce jour-là pour discuter sérieusement de la question? S’ils se plaignent de ne pas pouvoir présenter de motion, pourquoi ne soulèvent-ils pas cette question au comité de la procédure? Ils disent vouloir un débat approfondi ici, à la Chambre des communes, mais on pourrait en dire autant de beaucoup de questions qui sont actuellement à l’étude par les comités permanents. Je pense que c’est un prétexte.
S’agissant des questions que j’aurais aimé aborder pendant le débat d’aujourd’hui, j’ai mentionné la pandémie et la guerre, l’environnement et le changement climatique, sans oublier les soins de santé. Et pourquoi pas aussi les personnes âgées, qui ont besoin d’un ardent défenseur sur la scène politique? Le gouvernement s’est montré très proactif et très progressiste dans la mise en place de politiques pragmatiques pour les personnes âgées. On parle de modifier le Règlement, mais il vaudrait mieux discuter de la situation réelle de nos aînés dans les collectivités.
S’agissant maintenant de religion, je me suis rendu, il y a deux semaines, au gurdwara Kalgidhar Darbar. Ensuite, je suis allé à celui de la Sikh Society, sur Mollard. Mon coprésident de campagne, Ashas, connaît le Coran par cœur. Et tout récemment, j’ai fait une courte déclaration à l’occasion du 30e anniversaire du Falun Gong, qui va avoir lieu cette semaine. J’ai un très bon ami depuis plus de 30 ans qui m’a emmené, il y a quelque temps, dans un temple bouddhiste.
Je dis tout ça pour montrer que le Canada est un beau pays qui présente une grande diversité. Je comprends et je respecte l’importance de la spiritualité et son rôle dans la société. C’est vrai que je suis de confession catholique, et l’Église de Saint-Pierre ne cesse de se développer, avec plus de 5 000 paroissiens pratiquants dans la circonscription de Winnipeg-Nord. Je suis conscient du rôle que les nombreuses confessions jouent dans la société, mais je tiens à dire ceci: chaque fois que je me suis rendu dans un gurdwara, un temple, une église ou une maison où l’on parlait de religion, pas une seule personne, au cours des 10 dernières années, n’a soulevé la question de la prière prononcée à la Chambre des communes. Pour moi, c’est très révélateur.
Tout récemment, j’ai eu l’occasion de dire combien il était important qu’on puisse avoir un débat approfondi sur un grand nombre de questions qui ont un impact sur la vie des Canadiens. C’est l’une des raisons pour lesquelles le gouvernement a reconnu que, puisque la durée des discussions à la Chambre était limitée, il était prêt à prolonger les heures de débat. Avec le soutien, non pas du Bloc mais des néo-démocrates, nous avons réussi à faire adopter une motion permettant d’avoir plus de débats sur les questions qui préoccupent les Canadiens au quotidien.
Je n’en suis pas absolument sûr, mais je crois bien que le Bloc a voté contre cette motion. Les députés pourront me corriger lorsque nous passerons aux questions et réponses, mais je crois bien qu’ils ont voté contre. Pourtant, ils n’hésitent pas à dire qu’on ne devrait pas adopter les projets de loi à toute vitesse, qu’il faudrait pouvoir en discuter plus longuement. J’en conclus, et je m’en réjouis, qu’ils reconnaissent l’importance du débat.
Nous avons constaté, dans le passé, que le Bloc semble également reconnaître le rôle et l’importance d’un comité permanent. Par conséquent, le comité de la procédure pourrait fort bien être saisi de la question; en fait, ce serait beaucoup plus simple que d’en saisir la Chambre. Je crois qu’ils en sont conscients. Après tout, lorsque nous avons examiné le projet de loi sur l’aide médicale à mourir, les députés du Bloc avaient proposé de siéger pendant tout l’été. Et comme le gouvernement est toujours prêt à écouter et à collaborer avec l’opposition dans toute la mesure du possible, le comité spécial sur l’aide médicale à mourir a siégé pendant tout l’été. Cela montre que le Bloc, ou tout au moins son leader à la Chambre, comprend la procédure.
Mais alors, pourquoi le Bloc propose-t-il cette motion aujourd’hui? Je ne peux qu’essayer de deviner, au risque d’avoir des ennuis. Au fond, je crois que le Bloc essaie de faire son petit malin, au lieu de discuter des questions qui sont à l’ordre du jour, et il y en a beaucoup.
Avant d’entrer dans ce débat, j’ai présenté une pétition signée par des résidants de Winnipeg-Nord, dont l’objectif est de souligner l’importance, pour eux, de la Sécurité de la vieillesse et du Supplément de revenu garanti. La pétition met en exergue le programme du gouvernement Nouveaux Horizons, et fait mention de l’organisation Age and Opportunity. L’objectif de cette pétition est de demander aux parlementaires de défendre les intérêts des personnes âgées.
J’en arrive au passage de la pétition qui va vraiment intéresser le Bloc. Il y est dit que, s’agissant des personnes âgées et des prières, il est important…
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Madame la Présidente, j'ai parlé de la pétition seulement parce que j'ai présenté celle-ci plus tôt aujourd’hui. J’y ai peut-être consacré une minute, mais je pense qu’elle était pertinente, parce que le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces est un enjeu dont le Bloc rappelle souvent l’importance. La pétition invitait notamment tous les parlementaires à défendre les intérêts des aînés et tous les ordres de gouvernement à travailler ensemble. C’est une idée novatrice que je proposerais à mes collègues du Bloc. C’est représentatif de l'opinion de bon nombre de mes électeurs, dont certains ont d’ailleurs signé la pétition.
C’est le point que j’essaie de faire valoir. Nous disposons d’un temps très limité pour débattre d’importantes questions d’intérêt public. Le Bloc est en très bonne position en ce sens que, comme deuxième parti de l’opposition, il peut présenter des motions dans le cadre d'une journée de l’opposition. Cependant, je crois sincèrement que, au bout du compte, la motion sur laquelle le Bloc nous propose de débattre et de voter aujourd’hui est bien loin du sujet qui préoccupe les Canadiens.
Lorsque nous parlons de modifier le Règlement — et c’est ce que j’inciterais mes collègues et les autres députés à préconiser lorsqu’ils prendront la parole pour contribuer à ce débat —, c’est pour l’élargir. Nous pouvons parler des priorités, mais nous pouvons aussi parler des changements au Règlement, car je crois que nous devons trouver un moyen d’améliorer la fonctionnalité de la Chambre des communes.
Comme nous avons là une motion qui modifierait le Règlement, j’aurais quelques réflexions à exprimer sur ce dont nous aurions pu parler, et dont nous parlerons sans doute en juin lors du débat sur le Règlement.
J’aimerais quelques changements très simples. Par exemple, j’aime l’idée d’avoir une sorte d’horloge numérique, pour aider les députés à suivre eux-mêmes leur temps de parole pour voir combien il leur en reste. Je pense que nous obtiendrions un accord universel pour cela.
J'aime les propositions susceptibles de permettre à davantage de députés de participer aux débats. Par exemple, de nombreux députés de part et d'autre de la Chambre soutiendraient que nous devrions travailler le vendredi, alors que d'autres affirmeraient que le vendredi devrait être réservé au travail en circonscription. Personnellement, je dirais que nous devrions commencer à 8 heures du matin et siéger jusqu'à 20 ou 21 heures le soir, mais à une petite condition, soit que le député avise la présidence à l'avance, disons au plus tard le mercredi, de son intention d'aborder une question ne faisant pas l'objet d'un vote, mais pouvant être débattue. Le député concerné pourrait décider de ce qu'il souhaite débattre, par exemple une mesure qui en est à l'étape de la deuxième lecture. Cette formule permettrait au député en question d'exprimer son point de vue sur d'importantes mesures législatives et elle pourrait aussi s'appliquer aux affaires émanant des députés.
En fait, de nombreuses modifications au Règlement pourraient améliorer le déroulement des travaux de la Chambre, et nous en débattrons en juin. J'invite mes estimés collègues bloquistes à prendre en considération la motion dont nous sommes saisis aujourd'hui, qui porte sur la prière, et à la ramener sur le tapis à ce moment-là. Aujourd'hui, je serais ravi de donner au Bloc québécois la permission de changer de sujet; nous pourrions alors parler de l'environnement, du logement, de la guerre ou de la pandémie. Nous pouvons discuter de nombreuses autres questions aujourd'hui et nous pourrions poursuivre le présent débat quand...
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Madame la Présidente, c'est encore une fois un plaisir de prendre la parole à la Chambre au nom de gens de ma circonscription, Barrie—Innisfil. Je vais partager mon temps de parole avec mon collègue de .
[Traduction]
C’est aujourd’hui une journée de l’opposition, ce qui signifie que c’est l’un des partis d’opposition qui décide du sujet qui sera discuté dans cette Chambre. Il s’agit là de l’une des deux motions de l’opposition que le Bloc a présentées ce printemps, pour nous permettre de discuter de questions qui sont importantes pour le Bloc et, je suppose, pour le peuple québécois. Avec tout le respect que je dois à mes collègues, et je le dis en toute sincérité, nous sommes là pour discuter de questions qui ont un impact important sur les Canadiens et sur les Québécois, comme le pouvoir d’achat, l’enquête de la GRC sur les agissements frauduleux du , qui a eu la chance de s’en sortir, la politique étrangère des libéraux et l’impéritie du gouvernement en matière de redevabilité. Il y a aussi le fiasco des passeports, dont on devrait sérieusement discuter. Sans parler des arguments de plus en plus spécieux que le gouvernement a invoqués pour justifier le recours à la Loi sur les mesures d’urgence. La liste est longue.
Depuis six ans et demi, notre pays n’a jamais été aussi divisé sur des questions régionales, raciales, ethniques et confessionnelles. Cette fracture est le résultat du clivage opéré par le , qui s’est employé à stigmatiser et à diviser les Canadiens. Dans cette Chambre, les députés ministériels pratiquent activement la désinformation, et franchement, c’est inquiétant. Je veux parler du recours à la Loi sur les mesures d’urgence. Parler aujourd’hui de l’article 30 du Règlement ne va guère susciter l’intérêt de la population canadienne, à l’exception peut-être de la Chambre des communes.
Je ne sais pas ce qu’il en est pour les autres députés, mais quand j’étais dans ma circonscription cette dernière fin de semaine, comme je le suis toutes les fins de semaine, il n’y a personne qui soit venu me voir pour me demander ce que je pensais de l’article 30 du Règlement. Qu’est-ce que l’article 30 du Règlement? En un mot comme en cent, il enjoint le Président de lire une prière au commencement de chaque journée de séance, avant que les caméras de télévision ne soient branchées. Personne ne le voit. Pour les 338 députés qui siègent dans cette Chambre, c’est un moment de réflexion personnel, à l’abri des regards. C’est la raison pour laquelle le Président clôt toujours ce moment de réflexion par la phrase « Que l’on ouvre les portes ». Les portes sont alors ouvertes et le public peut entrer.
Ce n’est que dans de très rares occasions que le public a pu y assister. Mes collaborateurs m’ont dit, et certains d’entre eux sont ici depuis plus de 40 ans, cela fait un bail, que la dernière fois que la prière a été lue en public, c’était le 23 octobre 2014. C’était le lendemain de l’attaque terroriste contre l’édifice du Centre et le Monument commémoratif de guerre du Canada. Ce jour-là, Kevin Vickers, sergent d’armes, avait réussi à désarmer le terroriste dans le Hall d’honneur alors qu’il conduisait le cortège du Président vers la Chambre des communes.
Le lendemain matin, M. Vickers a été ovationné, comme il le méritait, pendant trois minutes, par une Chambre remplie à craquer. Le Président a lu la prière, et je crois pouvoir dire que les incidents de cette semaine-là donnaient un nouvel éclairage à la phrase: « nous te remercions des nombreuses grâces que tu as accordées au Canada et à ses citoyens, dont la liberté, les possibilités d’épanouissement et la paix ».
Après la prière, l’assemblée a entonné l’Ô Canada, de façon spontanée et passionnée. M. Vickers, qui s’était pourtant comporté en véritable héros, n’a affiché ni arrogance ni orgueil. Bien au contraire, il a vaillamment lutté pour contenir ses larmes, comme le ferait n’importe quel héros canadien authentique: d’allure modeste, il s’est montré profondément honoré par les manifestations de gratitude.
Ce jour-là, tout cela a pu être vu par les Canadiens parce que le député de , qui était alors Président, avait pris la décision d’autoriser les Canadiens à pénétrer dans les tribunes, et les caméras de télévision, à filmer la scène, afin que nous puissions en être témoins. La Chambre en avait besoin, et la nation en avait besoin, surtout après cette journée d’épouvante à Ottawa, alors que personne ne savait vraiment ce qui se passait.
Je ressens encore des frissons lorsque je regarde la vidéo de cette matinée d’émotions à l’état pur, quand le public a été autorisé à entendre la prière. La lecture en privé de la prière est prescrite, comme je l’ai dit, par l’article 30 du Règlement, dont l’origine remonte à 1927, date à laquelle notre Règlement a fait l’objet d’une refonte complète par un comité spécial présidé par ce qu’on appelait à l’époque l’Orateur. Il s’agissait tout simplement de codifier une pratique qui existait depuis les années 1870, après l’adoption d’une recommandation d’un autre comité spécial.
La prière qui est lue chaque jour a été formulée en 1994 par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, sous la présidence de Peter Milliken, l’objectif étant d’avoir une prière relativement courte, mais reflétant la diversité des religions pratiquées au Canada. Que peut-on en conclure? Que ces décisions ont été le fruit de comités et d’un consensus.
Le Parti conservateur a toujours été d’avis qu’il était important et nécessaire de modifier nos règles et nos procédures internes par consensus. C’est d’autant plus important qu’il s’agit d’établir un équilibre entre les gouvernements et les oppositions, et que les Canadiens sont en faveur d’une alternance régulière entre les conservateurs et les libéraux, ce qui ne saurait tarder, à mon avis.
Cette approche s’applique également aux questions de conscience, comme la prière. Il ne faut pas oublier que notre propre règlement nous oblige à faire un examen de nos procédures après chaque élection. Il me semble que la motion aurait dû tout naturellement être présentée à ce moment-là.
L’article 51 du Règlement enjoint la Chambre d’avoir un débat d’une journée entre le 60e et le 90e jour de séance de la législature. Les résultats de ce débat sont ensuite transmis au comité de la procédure et des affaires de la Chambre.
C’est aujourd’hui le 68e jour de séance de la Chambre depuis les élections. Selon notre calendrier, le 90e jour de séance sera le 16 juin. Nous allons, littéralement, tenir une discussion exhaustive sur les changements à apporter à nos procédures au cours des cinq prochaines semaines.
Un député du Bloc aurait pu utiliser quelques minutes de son temps de parole de 10 minutes pour faire la suggestion et voir ensuite ce qu’aurait fait le comité de cette idée. Peut-être qu’un consensus se formerait autour de la proposition contenue dans la motion du Bloc d’aujourd’hui. Peut-être que ce consensus appuierait le statu quo ou pourrait même recommander une troisième approche à laquelle nous n’avons pas encore pensé. Cela en dit long sur le pouvoir des comités parlementaires et sur l’établissement de règles par consensus, et cela devrait se faire dans ce cas-ci également.
Par conséquent, je voterai contre la motion du Bloc, parce que je crois sincèrement que des changements permanents à nos règles de procédure, surtout sur un sujet comme celui-ci, devraient vraiment découler d’un processus d’examen du Règlement, être examinés par un comité et être mis en œuvre à la suite d’une recommandation consensuelle émanant de ce comité de députés, comme cela a toujours été le cas.
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Madame la Présidente, je tiens à remercier mon collègue le leader parlementaire de l'opposition officielle de son discours très éclairant sur la procédure parlementaire. C'est ce dont il est question ici.
Aujourd'hui, nous sommes rassemblés pour discuter d'un changement au Règlement de la Chambre des communes, soit le Règlement 30. Celui-ci prévoit, depuis 1927, la lecture d'une prière de quatre phrases. Cette tradition est établie depuis 1877.
J'ai chronométré, hier, le temps qu'il faut pour lire la prière. Cela prend exactement 28 secondes. Quand j'ai bafouillé, cela m'a pris 31 secondes pour la lire. Nous sommes donc rassemblés pour parler de cela aujourd'hui.
Pour bien situer les gens, j'aimerais faire une récapitulation.
Juste avant qu'on ouvre les portes à tous les gens qui entrent à la Chambre des communes et que la télévision commence à diffuser les débats, la présidence arrive à la Chambre et s'installe dans le fauteuil. Les discussions se tiennent à huis clos. Le Président fait lecture d'une prière qui, comme je le disais tantôt, dure environ 30 secondes. La lecture de la prière est suivie d'un moment de réflexion. C'est la tradition. Une fois que cela est fait, on ouvre les portes.
J'ai assisté à une telle procédure des centaines de fois. Je ne me souviens pas que quelqu'un ait soulevé un problème par rapport à cela. À la Chambre se trouve la mosaïque canadienne dans toute sa splendeur. On y retrouve des gens qui sont athées et des gens de confession chrétienne, musulmane ou de toute autre confession. Je ne me souviens pas que quelqu'un ait été mal à l'aise lors de cette procédure. C'est la situation telle que je la vois.
Il y a deux éléments de la démarche du Bloc québécois auxquels je porte attention. Le Bloc québécois suggère d'abolir la prière pour la remplacer par un moment de réflexion. C'est comme courir à toutes jambes dans une porte ouverte pour essayer de l'ouvrir. Il y a déjà un moment de réflexion. Le Bloc québécois suggère de remplacer quelque chose par quelque chose qui existe déjà. Ce n'est quand même pas mineur dans l'équation.
L'autre élément est le suivant: lorsqu'on veut changer le Règlement de la Chambre des communes, c'est normalement par l'entremise du Comité du bureau des organisations de travail parlementaire, qui se réunit chaque semaine et qui rassemble tous les leaders parlementaires, les whips, les gens qui s'occupent de la sécurité et la présidence. Ce comité débat, à huis clos, de certaines idées. Selon la tradition, on en arrive à une décision au moyen d'un consensus. Il s'agit d'une façon de faire établie et régulière.
Je ne dis pas que la façon de faire du Bloc québécois est illégale, au contraire. Ce dernier a le droit de faire ce qu'il veut lors du jour consacré à l'opposition, mais j'y reviendrai plus tard.
Tel que l'a mentionné mon collègue le leader parlementaire de l'opposition officielle, la façon de faire, c'est d'en débattre dans le forum prévu, toutes les semaines où cela a lieu. Le Comité du Bureau des organisations du travail parlementaire favorise un consensus où tous les partis politiques peuvent s'exprimer. Le Bloc québécois a décidé d'agir autrement.
À mon avis, il y a deux points de vue un peu surprenants. D'abord, je trouve surprenant que le Bloc québécois ait choisi d'utiliser une telle procédure, car cela devrait être fait par consensus. Ensuite, il suggère de remplacer la prière par un moment de réflexion, alors qu'il y en a déjà un. Je trouve cela un peu surprenant.
Il y a autre chose de plus surprenant. J'ai le grand privilège d'être en politique, d'avoir été élu par les gens de Louis-Saint-Laurent, et ce, depuis bientôt sept ans. Auparavant, j'ai été élu à l'Assemblée nationale du Québec. Puisque j'ai aussi été journaliste, j'ai suivi l'actualité politique depuis des années. Sincèrement, personne ne m'a parlé de la prière à la Chambre des communes. C'est possible que certains soient préoccupés par cela, et je ne veux surtout pas minimiser leurs préoccupations. En 35 ou 40 ans de suivi politique, comme journaliste et comme élu, jamais quelqu'un ne m'a interpellé en me disant que cela n'avait d'allure qu'on fasse la prière à la Chambre des communes. Cela n'est pas arrivé, mais cela ne veut pas dire que c'est une mauvaise idée de réfléchir à cela. Maintenant, le Bloc québécois présente une motion.
Par contre, il y a une préoccupation dont on nous parle régulièrement. À mon avis, ce qui préoccupe tous les Canadiens, c'est la question de l'inflation. Cela rejoint tout le monde.
J'aurais beaucoup aimé voir le député de , une recrue percutante du Bloc québécois à la dernière élection et un atout majeur pour son équipe, déposer une motion. On aurait pu débattre des préoccupations en lien avec l'inflation, des problèmes engendrés par l'inflation et des solutions proposées par le Bloc québécois, mais ce n'est pas le cas. Plutôt que du dossier de l'inflation, porté par le député de Mirabel, nous parlons de la prière à la Chambre des communes.
Nous aurions très bien pu parler également du prix des maisons qui ne cesse d'augmenter et qui inquiète les gens. Les gens de la jeune génération n'ont pas accès à ce rêve que nous avons tous eu dans nos vies, à ce privilège que nous avons eu de pouvoir acheter une propriété quand c'était achetable. Maintenant, ce ne l'est plus. Quelles auraient été les propositions du Bloc, du parti ministériel, de l'opposition officielle et du NPD à cet égard? Nous aurions pu en débattre toute la journée. Or nous parlons plutôt de la prière qui a cours pendant 28 secondes à la Chambre des communes.
Nous aurions très bien pu parler de la taxe sur le carbone ou de la hausse du prix de l'essence. Aujourd'hui, quand les Québécois de partout au Québec se sont levés, ils ont pu constater que le prix de l'essence avait atteint plus de 2 $ le litre. Qui l'eût cru? Le député de , qui siège ici à la Chambre depuis 2015 et qui fait bien son travail, aurait très bien pu soulever une telle question, et nous aurions pu en débattre aujourd'hui. Non, le député de Joliette ne peut pas parler du coût de l'essence ou de l'inflation, lui qui est spécialiste en matière de finances, car, aujourd'hui, nous parlons de la prière à la Chambre des communes.
Nous aurions très bien pu parler du 76e jour de la guerre que subissent actuellement les Ukrainiens en raison de l'invasion de la Russie, alors que notre est allé à Kiev flanqué de la et de la . Voilà un sujet qui est d'actualité. Nous souhaitons tous la fin de cette guerre, mais, par malheur, l'ogre de la Russie décide de continuer à agir contre les Ukrainiens. Nous aurions pu en débattre à la Chambre, mais non, on a décidé de parler de la prière de 28 secondes qui est prononcée ici à la Chambre des communes.
Je le dis sincèrement, le député de a posé des dizaines de questions au sujet de l'Ukraine qui avaient un angle tout à fait intéressant, c'est-à-dire le transport des réfugiés, ici, au Canada. Il n'a eu de cesse de poser ces questions depuis des semaines et des semaines. On aurait très bien pu, aujourd'hui, saisir cette occasion, saisir cette journée entière de l'opposition du Bloc québécois pour aborder ce sujet que le député de Lac-Saint-Jean a décortiqué sous toutes ses moutures depuis le début. Non, nous parlons de la prière.
Malheureusement pour le député de Lac-Saint-Jean et pour toute la Chambre des communes, on aurait pu aborder ce sujet, mais on ne l'a pas fait. Cela nous aurait permis de démontrer la faille de ce gouvernement dans ce dossier. Est-ce que mes collègues savent que, hier, les Terre‑Neuviens ont accueilli des réfugiés d'Ukraine qui sont venus atterrir ici, au Canada, à Terre‑Neuve, sous l'égide du gouvernement provincial? Le gouvernement fédéral tarde à agir pour permettre aux réfugiés de venir ici tel que le demande tous les jours le député de Lac‑Saint‑Jean, du Bloc québécois. Par contre, Terre‑Neuve l'a fait. Il eût été intéressant d'entendre le Bloc québécois là-dessus toute la journée, mais non, nous parlons de la prière à la Chambre des communes.
Par ailleurs, il n'y a pas un député au Canada, actuellement, qui n'est pas inondé d'appels à son bureau de circonscription de la part de citoyens qui ont des problèmes avec leur passeport. Nous posons continuellement des questions, ici à la Chambre et nous parlons de cas précis provenant de chacune de nos circonscriptions. Voilà un sujet qui aurait pu être abordé, de la même manière que nous avons parlé hier des problèmes avec ArriveCAN, qui touchent tous les Canadiens qui veulent voyager.
Nous sommes à l'aube de la saison touristique. Dans ma région, à Québec, le tourisme est important. Il faut qu'ArriveCAN soit souple et prêt pour tous les Canadiens. Or ce n'est pas le cas. C'est un sujet que nous aurions pu aborder, mais, malheureusement, ce ne sera pas abordé aujourd'hui.
Fait très intéressant, hier, pendant la période des questions, deux députés se sont levés, soit la du Bloc québécois et le député de . Ils ont posé des questions sur l'anglicisation et sur la preuve que le français est en danger. Nous aurions pu en débattre aujourd'hui à la Chambre, mais, non, le Bloc en a décidé autrement.
Qu'en est-il du sujet brûlant d'actualité qui touche malheureusement nos jeunes dans certaines régions du Québec, soit la violence par armes à feu? Hier, à la période des questions, le député de a soulevé ce problème parce qu'il y a eu une fusillade dans la région de Laval. Hier encore, à Villeray, il y a eu une autre fusillade. C'est un sujet que le député de Rivière‑du‑Nord, vétéran depuis 2015, aurait très bien pu soulever à la Chambre afin d'en débattre, d'aller au fond des choses et de faire des propositions pour améliorer la situation. Non, le Bloc a décidé de parler d'un tout autre sujet. C'est son choix.
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Madame la Présidente, je tiens à souligner que je vais partager mon temps de parole avec mon honorable collègue le député de . J'ai très hâte d'entendre ce qu'il a à dire sur la motion que nous débattons aujourd'hui.
Mon exposé va se faire en deux temps. Je dois d'abord prendre la parole à la Chambre pour dire à quel point la neutralité de l'État est une valeur importante pour l'ensemble des hommes et des femmes de gauche et pour l'ensemble des progressistes. L'État n'est pas là pour faire la promotion d'une religion ou d'une croyance en particulier. Il doit même respecter les non-croyants.
Sur une note personnelle, cela fait 11 ans ce printemps que je suis député fédéral. J'ai l'honneur de représenter les gens de Rosemont—La Petite-Patrie. Je dois avouer de manière très candide que, quand je suis arrivé la première fois à la Chambre, au Parlement, et que j'ai entendu réciter cette prière matinale avant le début des travaux, j'ai été un peu surpris. Je ne pensais pas que cela existait. Je ne pensais pas que c'était encore une pratique courante. Il y a une connotation religieuse très claire. Cela commence par « Dieu, tout puissant » et finit par « Amen ». Il y a une connotation chrétienne qui, pour quelqu'un d'athée comme moi, peut choquer les membres de la Chambre qui sont non croyants. C'est un message important, parce qu'on vient de lier l'institution, le parlementarisme canadien, avec la religion et un courant religieux en particulier.
Je suis assez vieux pour me rappeler avoir été à l'école alors que la catéchèse était enseignée. Il y avait la commission scolaire catholique et la commission scolaire protestante. Je suis très content qu'en 1999 le gouvernement du Parti québécois ait déconfessionnalisé les commissions scolaires. Je pense que c'était important dans la séparation de l'Église et l'État pour la neutralité des institutions. Au NPD, on fait la différence entre les institutions et les travailleurs et les travailleuses. On pourra reprendre ce débat à un autre moment.
Des choses importantes ont été faites. Lors de son premier discours inaugural, le président Barack Obama, pour la première fois, soulignait la présence d'Américains non croyants. Je trouvais que c'était un geste important. C'était un symbole important. Les symboles sont importants. Nous sommes d'accord là-dessus. La séparation de l'Église et de l'État est un symbole majeur.
Cela mérite-t-il qu'on passe toute une journée de l'opposition sur ce sujet? La question est valable. La question se pose. Si le Bloc québécois voulait soulever cette question tout à fait valable, il aurait pu recourir à une multitude d'outils en place pour agir. Je trouve que la motion a du bon sens, mais le temps dans cette institution est précieux et limité. Une motion de consentement unanime prend à peu près une minute après la période des questions orales. Mes collègues du Bloc québécois l'utilisent souvent aussi. Elle a le même effet qu'une motion lors d'une journée de l'opposition. C'est une déclaration d'intention du Parlement. Si le Bloc québécois voulait parler de la question à l'étude, une motion de consentement unanime aurait été possible.
S'il avait voulu changer les règlements sur les règles internes de la Chambre, il pouvait se tourner vers le Bureau de régie interne. Il se réunit après chaque élection pour procéder à l'examen et à la révision obligatoire des règles de la Chambre. La prochaine fois doit avoir lieu d'ici la mi‑juin. On aurait pu avoir cette discussion pour déterminer si on veut continuer de réciter la prière ou plutôt avoir un moment de réflexion. Dans un souci de séparation de l'Église et de l'État plus claire et nette, on aurait pu avoir cette discussion et, si possible, en venir à un consensus parmi l'ensemble des parlementaires.
Nous prenons toute une journée pour discuter d'une chose qui peut me mettre mal à l'aise personnellement, mais qui ne change pas grand-chose dans la vie des Québécoises et des Québécois et des Montréalais et des Montréalaises que je représente. Je suis assez d'accord avec mon collègue le député de . Cela fait 11 ans que je suis député fédéral. Jamais personne ne m'a parlé de cela dans Rosemont—La Petite-Patrie. Je peux avoir une opinion là-dessus. Je peux trouver que c'est important. Je peux ne pas vouloir entrer à la Chambre parce que je ne suis pas à l'aise pendant la prière. J'attends dans l'antichambre et j'entre après que la prière est finie. La prière n'est même pas diffusée à la télévision, ce n'est pas public. Cette question concerne notre fonctionnement interne. Parlons-en entre nous.
À la Chambre, ayons des discussions sur des choses qui auront des effets sur la vie des familles. En ce moment, nous parlons de nous. Nous allons passer toute une journée à parler de nous pour savoir si nous sommes d'accord, pas d'accord, à l'aise ou pas à l'aise.
Beaucoup de gens dans ma circonscription demandent des choses. Ils souffrent, ils ont mal et ils sont désespérés parce que l'administration fédérale ne fonctionne pas ou que de mauvaises décisions sont prises. J'ai écrit aux employés de mon bureau à Montréal ce matin pour savoir de quoi les gens parlent quand ils appellent.
La première chose dont ils parlent, en ce moment, même s'il y a plusieurs choses dont nous aurions pu discuter aujourd'hui pour trouver des solutions, c'est le cafouillage épouvantable à l'assurance-emploi. Les délais de traitement pour recevoir un chèque d'assurance-emploi sont horribles en ce moment. Des dizaines et des dizaines de personnes appellent au bureau pour s'en plaindre. Ce ne sont pas de petits délais. La personne qui vient de perdre son emploi fait une demande et a besoin de cet argent pour continuer à vivre, à payer son loyer et son épicerie, mais elle se retrouve confrontée à des délais de trois mois, de trois mois et demi, voire de quatre mois. Comment fait-on pour s'entendre avec le propriétaire de son logement quand on n'a pas d'argent pendant quatre mois?
J'aurais aimé qu'on parle de cela aujourd'hui, parce que c'est cela, la priorité des gens de Rosemont—La Petite-Patrie en ce moment. Voilà ce qu'ils vivent, ce matin, pendant qu'on se parle. Ils sont aux abois et ils paniquent. C'est sans compter les délais en ce qui concerne les passeports et tout ce qui se rapporte à l'immigration: les visas étudiants, les visas de travail, les résidences permanentes, la citoyenneté. Les délais ont explosé au cours des deux dernières années. Cela n'a plus aucun sens. Les gens vivent dans l'incertitude. Ils se font dire qu'on va leur transmettre une décision d'ici deux ou trois mois, mais, dans certains cas, cela fait deux ans ou trois ans qu'ils n'ont pas reçu de réponse. On a appris récemment que cela fait parfois 10 ans qu'ils attendent de recevoir le document officiel qui leur permettra de dire qu'ils sont effectivement capables de faire leur vie ici, à Montréal ou au Québec. En ce moment, le gouvernement fédéral est aux abonnés absents. Pour les gens, le fait de ne pas avoir de réponse a des conséquences graves. Où vont-ils vivre? Doivent-ils retourner dans leur pays? Sont-ils capables ou non de travailler légalement ici?
Or non, on ne parle pas de ces choses-là. On veut parler de la prière. Je n'aime pas la prière, moi non plus, mais ce n'est pas ce dont les Québécois et les Québécoises me parlent dans la vraie vie, sur le terrain. Ils me parlent de leurs conditions de vie et de leurs conditions de travail.
Parlons de l'assurance-emploi, dont on attend encore la réforme. Il ne faut pas oublier que ce régime était déjà dysfonctionnel avant la pandémie et qu'on a réalisé à quel point il était inefficace. Quand la majorité des travailleurs et des travailleuses qui cotisent ne sont pas capables d'avoir un chèque parce que le nombre d'heures nécessaires pour obtenir la prestation d'assurance-emploi est trop élevé, et que c'est encore pire dans certaines régions et dans le cas du travail saisonnier, il faut s'attaquer à la réforme de l'assurance-emploi de manière prioritaire. Ceux qui cotisent à l'assurance-emploi ne sont pas capables d'avoir un chèque, et je ne parle même pas de ceux qui n'ont pas le droit de cotiser. Tous les travailleurs autonomes, tous les pigistes et tous les employés contractuels n'ont aucun filet de sécurité sociale et ne peuvent même pas participer au système — si seulement celui-ci fonctionnait, alors qu'il ne fonctionne même pas. J'aurais aimé qu'on puisse en parler, qu'on puisse dire au gouvernement: voici la réalité des travailleurs et des travailleuses, des chômeurs et des chômeuses au Québec, et comment peut-on travailler pour changer cela?
Parlons de logement. À Montréal et partout au Québec, il y a depuis des années une crise du logement, et elle s'aggrave. Le loyer est toujours la facture la plus importante pour un ménage, qu'il s'agisse d'un individu ou d'une famille. Pendant la dernière campagne électorale, l'automne dernier, les gens m'en ont constamment parlé sur la rue et dans les parcs, quand je faisais du porte-à-porte. Ils disaient avoir peur de devoir quitter le quartier qu'ils aiment, parce qu'ils ne sont plus capables de trouver un logement où ils ne sont pas en train de s'endetter ou d'être pris à la gorge. Les gens qui paient plus de 30 % de leurs revenus pour se loger sont en forte hausse. Dans ma circonscription, il y a des gens qui paient plus de 50 % de leurs revenus pour se loger. Jusqu'à récemment, la définition d'un logement abordable, pour le gouvernement libéral, à Montréal, c'était 2 225 $ par mois. Heureusement, grâce au travail du NPD, on a changé la définition d'un logement abordable. Pour les Montréalais, ce sera un maximum de 730 $ par mois. Voilà ce qui change la donne dans la vie des gens. On a changé la définition, et cela est conçu et payé par la SCHL: cela veut dire 1 500 $ de moins par mois pour les gens qui vont avoir accès à ces logements. Ce sont des investissements dans le programme de construction rapide de logements. Il manque de logements sur le marché, et nous avons négocié cela avec le gouvernement afin de pouvoir modifier la situation.
Il y a encore beaucoup d'autres choses. Nous avons réussi à avoir de l'argent pour les coopératives d'habitation. Cela faisait 20 ans qu'on n’avait pas vu cela. Les coopératives d'habitation sont un excellent système permettant d'avoir des logements qui sont hors marché, hors de la logique marchande et du marché lucratif. Ce sont des initiatives qui changent les choses dans la vie des gens et dont nous aurions aimé discuter, parce qu'il y a encore beaucoup de travail à faire.
Je pourrais également parler du climat, de la crise climatique, du prix des médicaments ou de la sécurité des cyclistes à Montréal, et un peu partout dans les centres urbains. Il y a beaucoup de choses dont j'aurais aimé parler aujourd'hui au lieu de parler d'un malaise que je peux éprouver dans certaines circonstances.
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Madame la Présidente, je vous demanderais de bien vouloir me faire signe quand il me restera une minute, car j'ai un amendement à présenter tout à l'heure.
Je n'ai aucun problème avec la motion et je vais probablement voter en faveur. Cependant, j'abonde dans le même sens que mon collègue de Rosemont—La Petite‑Patrie, dont j'ai beaucoup aimé le discours et qui a si bien parlé tout à l'heure, ainsi que mon collègue de .
Une journée est réservée au Bloc québécois durant laquelle il peut effectivement présenter des motions. Le Bloc ne dispose que d'une seule journée pour toute la session du printemps, durant laquelle il peut discuter de n'importe quel sujet important. Cette fois-ci, il a choisi de présenter une motion visant à modifier l'article 30 du Règlement, concernant la prière.
Comme les députés le savent, j'ai déjà vécu au Saguenay—Lac-Saint‑Jean, en Estrie, à Montréal et bien sûr en Outaouais. Durant toutes mes années au Québec, personne ne m'a parlé une seule fois de la prière à l'ouverture d'une séance de la Chambre des communes. Les gens me parlent plutôt d'autres sujets, qui sont importants. Je trouve donc triste que le Bloc, plutôt que de choisir un sujet qui touche vraiment les Québécois et les Québécoises, ait choisi la motion qu'il présente aujourd'hui.
La crise du logement au Québec frappe partout, y compris à Drummondville. Dans certaines villes, le taux d'inoccupation est maintenant rendu à moins de 1 %. Il y a une crise du logement abordable partout au Québec.
Le taux d'inoccupation à Drummondville est de 0,3 %. À Mirabel et à Granby, il est de 0,1 %. Dans des villes comme Rimouski, Rouyn‑Noranda, Blainville, Vaudreuil, Boucherville et Salaberry‑de‑Valleyfield, et partout au Québec, on vit présentement une crise du logement. Par contre, le Bloc n'a pas choisi d'en parler durant le seul jour de l'opposition auquel il a droit pour toute la session du printemps.
Comme la très grande majorité des Québécoises et des Québécois, je trouve le sujet de la crise des changements climatiques extrêmement important, parce qu'on voit les effets de cette crise sur les gens un peu partout au Québec et dans le monde.
Comme on le sait très bien, on a pu constater l'été passé tous les effets de la crise climatique avec ce qui est arrivé aux gens du Grand Vancouver. New Westminster et Burnaby ont été au cœur d'une vague de chaleur qui a tué 600 personnes, dont une soixantaine de personnes à New Westminster et une soixantaine à Burnaby. La chaleur a atteint un niveau qu'on n'avait jamais connu auparavant en Colombie‑Britannique. Des personnes étaient dans leur petit appartement, sans air climatisé ni ventilateur, surtout des personnes âgées ou en situation de handicap. Ces gens ont vécu cette crise et en ont vraiment payé le prix.
Quand je vois les effets des changements climatiques, je me demande comment le Bloc québécois, pour son seul jour de l'opposition de toute la session du printemps, a plutôt choisi de débattre pendant toute une journée de la prière à la Chambre des communes. Il y a beaucoup de sujets tous extrêmement importants et qui auraient dû être abordés durant cette journée.
Madame la Présidente, certains députés parlent très fort. Pourriez-vous les rappeler à l'ordre, s'il vous plaît?
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Madame la Présidente, quand on observe ce qui se passe aux États‑Unis en ce qui a trait au droit des femmes à l'avortement, on voit que cette crise a traversé la frontière. Au Canada, il y a un manque d'accessibilité à l'avortement pour les femmes. Dans plusieurs régions du pays, les femmes n'ont pas accès à ce soin de santé, qui est si important. Ce sujet est assez important pour que nous en débattions pendant toute une journée à la Chambre des communes. Cela nous aurait permis d'avoir un débat important et vigoureux.
Par ailleurs, comme tous le savent si bien, nous vivons une crise internationale en raison de l'invasion de l'Ukraine par la Russie et du manque de structures démocratiques dans plusieurs pays. De plus en plus, on voit que les dictatures s'imposent. Cela a aussi un impact partout dans le monde, au Canada et au Québec aussi. Le débat d'aujourd'hui aurait pu porter sur ces crises que l'on vit sur la scène internationale.
Il y a aussi la crise liée à la santé des enfants. On sait très bien que, aujourd'hui, à l'échelle planétaire, on va perdre 30 000 enfants. Cela touche plus ou moins l'ensemble des enfants de partout sur la planète et cela aurait pu faire partie des discussions d'aujourd'hui.
Je pense aussi à la pandémie, qui touche les Canadiennes et les Canadiens. Des gens en meurent toujours. Toutes les questions relatives à la pandémie et à la réponse à la pandémie sont importantes, et nous aurions pu en discuter pendant toute la journée.
Une journée de l'opposition est une journée durant laquelle nous devrions parler des vraies choses, c'est-à-dire des choses qui touchent les gens, qui touchent nos concitoyens. Comme je l'ai mentionné au début de mon discours, pendant toutes les années que j'ai passées au Québec, personne ne m'a dit que la question de la prière à l'ouverture de chaque séance de la Chambre des communes avait une importance dans sa vie.
Comme d'autres intervenants l'ont déjà dit, cette question aurait pu être abordée dans le cadre des débats sur le Règlement de la Chambre, qui vont débuter dans quelques semaines de toute façon. Bien que je trouve que la motion est acceptable et que je n'y voie aucun problème, j'aimerais souligner que toutes ces questions liées à la prière seront abordées dans quelques semaines de toute façon.
En ce qui concerne la motion d'aujourd'hui, je pense que nous devrions discuter de la reconnaissance des territoires autochtones, qui fait défaut depuis des années. C'est pourquoi je propose en terminant une modification, avec l'appui du député de . Je vous en fais la lecture.
Que la motion soit modifiée:
a. par adjonction, après les mots « abolie et remplacée par », des mots « une reconnaissance des territoires autochtones et »;
b. par substitution, aux mots « (1) Un moment de réflexion soit observé », des mots « (1) Une reconnaissance des territoires autochtones et un moment de réflexion soient observés ».
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Madame la Présidente, c'est avec plaisir que j'interviens aujourd'hui sur la motion. Je ne vais pas répéter le texte de la motion, puisque nous en discutons pas mal depuis deux heures.
Je n'ai pas été élu par Dieu, mais par des citoyens. Mon travail, c'est de représenter les citoyens de mon coin de pays. Évidemment, je ne parle pas de religion quand je fais du porte-à-porte. Je ne suis pas meilleur ou pire que les autres députés. En tant que députés, notre travail est aussi de rencontrer les gens que nous représentons. Jamais je n'ai demandé à quelqu'un quelle était sa religion. J'ai trop de respect pour la croyance des gens. La religion se vit à l'intérieur de soi, et ce n'est pas l'affaire des autres, surtout pas de l'État.
Personnellement, j'essaie de bien représenter les citoyens, de les représenter du mieux que je peux. Je suis allé voir des statistiques, mais je ne vais pas parler de chiffres, pour savoir quelles sont les croyances des différents individus. Je ne ferai pas part à la Chambre de tous les commentaires que j'ai eus en tête quand j'ai vu les différentes croyances, qui étaient extrêmement larges.
Commençons par les athées: ces gens ne croient pas en Dieu. Est‑ce qu'ils sont bons ou mauvais? Je n’en ai rien à cirer. Le fait est qu'il y a des athées, c'est‑à‑dire des gens qui ne croient pas en Dieu. Or nous faisons une prière à Dieu. Les athées doivent se dire qu'ils ne sont pas bien représentés.
Ensuite, il y a les agnostiques, soit les gens qui se demandent si Dieu existe ou non. Ces gens ne se préoccupent pas de l'existence de Dieu et se disent « qui suis‑je pour le savoir?»
Il y a aussi des gens qui croient en un dieu unique, c'est‑à‑dire les monothéistes. Plusieurs religions s'identifient au monothéisme. C'est le cas des religions les plus populaires, si l'on me permet l'expression.
Cependant, il y a aussi des religions où il y a plusieurs dieux. Cependant, dans la prière, on n'écrit pas « Dieux », mais « Dieu » — on écrit Dieu au singulier. Ceux qui croient en plusieurs dieux doivent donc se dire que la prière ne correspond pas à ce qu'ils sont, et ce, même s'ils sont des citoyens du Canada. Ils doivent se demander pourquoi les parlementaires d'une institution démocratique parlent d'une croyance qui n'est pas la leur. Ils doivent se sentir exclus.
Enfin, certaines personnes n'ont pas de croyances religieuses, mais d'autres croyances.
À la seconde où l'on intègre des éléments religieux, on perd de la représentativité. Nous nous époumonons pour dire que nous devons représenter le peuple, la population, et tous ses différents aspects. Peu importe où la personne se situe dans le spectre de la croyance, cela ne nous regarde pas.
Si l’on veut avoir un État qui respecte la religion, qui respecte les croyances et qui est inclusif — ce mot prend tout son sens —, il faut trouver une solution.
Par exemple, l'Assemblée législative de l'Ontario fait un cycle de prières. Une journée, ils offrent une prière à tel dieu. Le lendemain, ils offrent une prière à un autre dieu, et ainsi de suite. Cela hiérarchise les religions. Certaines personnes vont dire qu'elle fait le relais avec les différentes religions, mais pas la leur. Cela ne remplit donc pas les objectifs que devrait poursuivre l'État.
Je le donne en mille: la meilleure façon de respecter la religion, c'est que l'État n'en ait pas. Je pèse mes mots: il faut que l'État soit laïque et n'ait aucun signe religieux, sinon on exclut un pan de citoyens ou d'électeurs. Ce n'est vraiment pas cela qu'il faut faire.
Personnellement, c'est ce que je dis et ce que je pense. Est‑ce que les gens sont d'accord ou non? Nous allons voter à ce sujet.
Je me permets maintenant de lire quelques brèves citations qui vont en ce sens. Je tiens à montrer que je ne suis pas seul dans mon monde et que des gens ont réfléchi à cela avant moi.
Parfois, on se dit que l'on aurait aimé dire telle ou telle chose, que l'on aurait aimé être l'auteur de telle ou telle citation. Je ne veux pas m'approprier les citations, car il s'agirait de plagiat.
Dans le livre Laïcité et liberté de conscience, Charles Taylor et Jocelyn Maclure font une analyse conceptuelle des principes de la laïcité et disent:
Si l’on pense spontanément que l’objet d’un régime laïque demeure la relation appropriée entre l’État et les religions, sa tâche plus large et urgente aujourd’hui est de faire en sorte que les États démocratiques s’adaptent adéquatement à la diversité morale et spirituelle profonde qui s’anime au sein de leurs frontières. L’État doit traiter avec un respect égal toutes les convictions et engagements fondamentaux des citoyens qui sont compatibles avec les exigences de la vie en société.
Ils appellent donc à la laïcité de l’État.
Marie-Andrée Chouinard, dans Le Devoir du 1er juin 2013, a dit:
[...] la neutralité de l’État est assurée lorsque celui-ci ne favorise ni ne défavorise aucune conviction religieuse; en d’autres termes, lorsqu’il respecte toutes les positions à l’égard de la religion, y compris celle de n’en avoir aucune [...]
L’idée de la prière ne correspond pas donc à la neutralité religieuse.
J’ai siégé à l’Assemblée nationale du Québec durant six ans. À l'Assemblée nationale, comme on l'a mentionné tantôt, c’était un moment de réflexion, un moment de recueillement. Cela représente pour nous la solution.
Le 15 décembre 1976, l'Assemblée nationale a éliminé la prière de la routine quotidienne. À ce sujet, j’aimerais lire un passage qui va vraiment nous éclairer. Ce sont les mots prononcés par Clément Richard, président de l’Assemblée nationale à cette époque:
[...] C’est par respect pour les membres de cette Assemblée, qui ne sont pas nécessairement tous de la même dénomination religieuse, et c’est par respect pour l’Assemblée que j’ai choisi un mode de prière que je laisse à la liberté de chacun. Chacun aura le loisir, au moment de la période de recueillement, de faire la prière qu’il entend, et c’est par respect pour l’Assemblée que j’ai pris cette décision.
On peut en discuter longuement, mais chacun a sa religion. Grâce à un moment de recueillement, ces gens vont se recueillir et pouvoir prier s'ils le désirent. Ceux qui sont athées, agnostiques ou autre feront d'autres choses. Je suis toutefois convaincu que ce moment de recueillement les motivera à faire le travail encore plus adéquatement. C’est ce qu’on ose croire.
En 2015, la Cour suprême a dit:
[...] l’État ne doit pas s’ingérer dans le domaine de la religion et des croyances. L’État doit plutôt demeurer neutre à cet égard, ce qui exige qu’il ne favorise ni ne défavorise aucune croyance, pas plus que l’incroyance.
Je pense que la table est mise pour que nous en arrivions à cette situation.
Quand je suis arrivé à la Chambre des communes, en 2019, j’ai sursauté. En constatant qu'il y avait une prière, j’ai vraiment été impressionné. Honnêtement, je ne m’attendais pas à cela. Au Québec, quand les gens ont appris que la journée de l’opposition portait sur ce sujet, ils ont été stupéfaits. Ils ne savaient pas qu'il y avait une prière à la Chambre des communes et ont trouvé que c'était une aberration.
Quand on me dit que personne ne voit que nous faisons une prière, je réponds qu'on est dans les symboles, qu'on représente la démocratie canadienne et québécoise et qu'on se doit d’être respectueux envers ces gens. Au-delà des symboles, il y a les gens, et ce sont eux qu’il nous faut absolument respecter. La seule façon de respecter cela, c’est par la neutralité de l’État.
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Madame la Présidente, je recommence.
En tant que législateurs, rien de ce que nous faisons ne peut être pris à la légère. Chaque jour, nous devons prendre des décisions. Nous devons préférer. Nous devons choisir de faire une chose plutôt que l'autre. Choisir, c'est accepter de prendre un risque. C'est accepter autant de faire que de ne pas faire. C'est difficile.
Il est certain que lorsque nous faisons nos choix, nous avons en tête nos concitoyens qui ont voté pour nous, qui nous ont élus et qui nous ont envoyés ici pour les représenter. Cependant, il faut aussi avoir en tête la population en général. Surtout, il faut avoir en tête le futur de la nation et le bien commun.
Pour les législateurs que nous sommes, rien n'est simple et ce n'est pas facile. Parfois, nous avons besoin d'un éclairage pour guider notre choix. Certains d'entre nous sont animés par des convictions personnelles. D'autres s'inspirent de courants de pensée. D'autres encore préfèrent avoir recours à la prière ou aux préceptes de l'une des nombreuses religions.
Depuis 1877, la prière fait partie des rituels de la Chambre des communes. La Chambre, comme plusieurs autres parlements au Canada et tout autour de monde, a fait il y a longtemps le choix de réciter une prière avant le début de ses débats. Cette pratique, voire cette tradition, a encore cours dans de nombreuses législatures.
En arriver à parler de prière et à faire des choix est un questionnement hautement philosophique. En philosophie, trois questions se posent: qui suis-je; que puis-je faire; et que m'est-il permis d'espérer. Ces trois questions sont l'essence même de la philosophie. Si on applique l'essence de notre philosophie à notre motion, que doit-on penser de cette dernière et que doit-on en faire?
Avant toute chose, qu'est-ce qu'une prière? Une prière est une demande. On invoque toujours quelqu'un pour demander quelque chose. Souvent, on va dire qu'on demande grâce à Dieu. C'est souvent ce qui est invoqué dans les textes. De quel dieu s'agit-il, par contre: de « dieux » ou de « Dieu »?
Dans un monde de moins en moins religieux où plus de la moitié des Québécois disent ne pas croire en Dieu, la prière en tant que telle semble avoir perdu de sa popularité. Il est vrai que, depuis les années 1800, le monde a bien changé. Il s'est diversifié. Il s'est enrichi de l'Autre, souvent un nouvel arrivant. Je vous prie de croire que cette diversité est une richesse. Apprendre de l'Autre est essentiel à notre propre compréhension. Apprendre de l'Autre, c'est aussi la voie à suivre si on veut réellement parler de vivre ensemble.
Notre pays a reconnu depuis longtemps la liberté de croyance de chacun. Cette liberté est d'ailleurs protégée sur le plan juridique. Le législateur a clairement affirmé qu'en matière de religion, chacun était autonome et libre de déterminer ce en quoi il choisissait de croire. En bref, la croyance dépend du croyant.
C'est ce qui nous amène à discuter de la motion d'aujourd'hui. Comme mon collègue tantôt, je ne reprendrai pas la lecture de la motion, car je pense que nos adversaires et les gens qui sont autour de nous l'ont bien lue. Nous demandons qu'un moment de réflexion soit observé chaque jour de séance avant que la Chambre n'entame ses travaux. Nous demandons de plus que les travaux de la Chambre débutent au plus tard deux minutes après ce moment de réflexion.
Selon le chercheur Martin Lanouette, afin de faire face au défi de la neutralité étatique contemporaine, les parlementaires ayant calqué leurs usages sur ceux de Westminster ont trois choix lorsque vient le temps d'aborder la question de la prière.
Le premier choix est le statu quo, demeurer tel quel. Le deuxième choix est une ouverture qui consiste à rendre la prière plus universelle en proposant l'alternance entre diverses confessions et en proposant un moment de silence et de réflexion. Je crois pour ma part que ce deuxième choix fait le choix de ne pas choisir. Le troisième choix consiste à éliminer cette pratique de l'espace public au nom du principe de la séparation de l'Église et de l'État, ainsi qu'au nom du principe de la liberté de chacun de croire en ce qu'il lui plaît.
Au Canada, les différentes assemblées législatives ont adopté l'une de ces trois options sous une forme ou l'autre. L'étude des différents modèles existants tend à démontrer que l'option la plus inclusive et respectueuse de la diversité des croyances des citoyens est l'option qui consiste à abandonner la pratique de la prière.
Pour aller encore un peu plus loin, je citerais quelques chiffres. Selon un sondage Léger-Le Devoir d'octobre 2019, à la question « Personnellement, croyez-vous en Dieu? », 51 % des Québécois ont répondu oui et 49 % ont répondu non. Chez les francophones du Canada et du Québec, la majorité des non-croyants est déjà atteinte. Un autre sondage, réalisé en ligne l'automne dernier auprès de 1 545 répondants canadiens, montrait des chiffres éloquents d'un océan à l'autre.
En Ontario comme en Alberta, deux personnes sur trois se déclarent croyantes, alors qu'en Colombie-Britannique, c'est à peu près une personne sur deux.
Partout au Canada, une part significative de la population ne croit plus en Dieu. La non-croyance de cette fraction importante de la population est complètement ignorée par la prière quotidienne à la Chambre. C'est donc là un motif valable pour remplacer la prière par un moment de réflexion. C'est le premier argument.
En second lieu, au Québec, au-delà de la croyance, il y a la question de l'appartenance religieuse. Toujours selon l'étude de la Commission des droits de la personne et des droits de la jeunesse au Québec, cette fois, en 2006, une proportion de 83,4 % de la population appartenait à la religion catholique, suivie par un taux de 5,8 %, qui n'appartenait à aucune religion. Cette étude date, quand même, mais je suis certain que si on refaisait l'étude de nos jours, on démontrerait assurément la présence d'autres croyances qui prennent également une place croissante. La non-croyance et la multiplication des croyances sont des mouvements mondiaux qui s'accélèrent.
Comme mon prédécesseur vient de le faire, je citerai à nouveau Clément Richard pour une autre raison, afin de contextualiser ce qui s'est passé en 1976. Il déclarait ceci:
C'est par respect pour les membres de cette Assemblée, qui ne sont pas nécessairement tous de la même dénomination religieuse, et c'est par respect pour l'Assemblée que j'ai choisi un mode de prière que je laisse à la liberté de chacun.
On pouvait donc choisir de faire la prière ou de se recueillir, et il a pris cette décision par respect pour les gens.
Notre motion a pour fondement la certitude que l'État devrait traiter avec une considération égale toutes les religions, les convictions et les engagements fondamentaux des citoyens qui sont compatibles avec la vie en société. Je crois toutefois que la prière ne correspond pas à un respect de la non-croyance, notamment.
Ainsi, tout en reconnaissant à chacun la liberté de choisir ses croyances ou ses non-croyances, ses convictions ou ses non-convictions, je crois que la pratique la plus inclusive et la plus respectueuse de la diversité consiste ici encore à abandonner la pratique de la prière et de la remplacer par un moment de réflexion.
Notre décision, aujourd'hui, sur laquelle nous voterons plus tard, doit être fondée sur le respect lui-même, et non sur le respect d'une croyance ou d'une conviction, mais simplement sur le respect.
Quand on joue un peu avec les mots, il est intéressant de voir que le mot « respect » est composé de deux particules. La première est « re », qui veut dire « deux fois », comme dans « recueillement » et « réflexion ». La deuxième est « spectre », qui veut dire « regard ». Le respect est un second regard que l'on porte afin de ne pas heurter inutilement. C'est la définition même d'un moment de réflexion: un second regard, prendre le temps, ne heurter personne inutilement.
C'est notre mission en tant que législateurs. Le recueillement, la réflexion et le respect devraient nous guider, considérant que la population se compose de non-croyants et de croyants qui ne partagent pas tous les mêmes croyances. De ne heurter personne inutilement devrait nous servir de guide vers l'abolition de la prière.
Si on veut parler pour vrai de vivre-ensemble, on doit commencer par accorder à tous et à chacun la liberté de réfléchir selon ses propres principes et convictions. Je demande aux députés de voter avec le Bloc québécois et d'adopter cette motion à l'unanimité.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de .
Je prends la parole aujourd’hui pour exprimer mon opinion sur la motion de l’opposition présentée par le Bloc québécois dans le but de mettre fin à la prière non confessionnelle que nous récitons au début de chaque séance de la Chambre.
Ce mois-ci, l’Institut Angus Reid, en partenariat avec Cardus, a publié un rapport qui présente un aperçu complet et inédit sur les parcours religieux des Canadiens, non seulement au sein des communautés religieuses majoritaires, mais dans l’ensemble du spectre religieux. Dix-neuf pour cent des Canadiens, soit un sur cinq, s’identifient comme des non croyants. Par contre, quatre sur cinq disent avoir une certaine ouverture à Dieu ou à la spiritualité. La mosaïque culturelle du Canada est en constante en évolution. Pendant que les Canadiens de naissance ne cessent d’évoluer vers une identité areligieuse, il est quand même courant, au Canada, d’avoir été élevé dans une tradition religieuse, puisque 72 % des Canadiens affirment avoir suivi un enseignement religieux dans leur jeunesse.
En tant que Canadien hindou, je reconnais que les Canadiens élevés dans la foi hindoue ont tendance à pratiquer leur religion en privé. Cela dit, je pense que la lecture de la prière est davantage une tradition inhérente au tissu social de la majorité chrétienne canadienne, et je suis pour le maintien de cette pratique.
Durant la période des Fêtes, de nombreux Canadiens hindous installent un arbre de Noël dans leur maison. Cela ne veut pas dire qu’ils pratiquent le christianisme; c’est une façon pour eux de célébrer la culture et le patrimoine de la société où ils vivent. La prière que nous récitons tous les jours, bien qu’elle reflète les différentes religions pratiquées par les Canadiens, fait également partie de la culture et du patrimoine de notre pays.
Examinons la lecture de la prière d’un point de vue historique. Même si la tradition de réciter la prière au début de chaque séance n’a pas été codifiée dans le Règlement avant 1927, elle fait partie de la procédure quotidienne de la Chambre depuis 1877. Bien des années plus tard, certains ont suggéré de réécrire ou de reformuler la prière dans un esprit œcuménique. Jusqu’en 1994, aucun changement majeur n’y a été apporté, à l’exception des mentions relatives à la royauté. À l’époque, la Chambre a adopté un rapport recommandant une nouvelle mouture de la prière reflétant mieux la diversité des cultes pratiqués par les Canadiens. La prière que nous récitons aujourd’hui a été lue pour la première fois à l’ouverture des travaux de la Chambre le 21 février 1994.
Voici ce que sir Gary Streeter, député du Parlement britannique, a déclaré en 2019 au sujet d’une motion semblable présentée à la Chambre des communes du Royaume‑Uni:
Le cœur même de l'argument en faveur de l'abolition des prières parlementaires est qu'en retirant toute référence à la religion et à Dieu de la politique et de la vie publique, nous aurons alors un espace public véritablement neutre. Cependant, cela reviendrait simplement à remplacer une vision du monde et un ensemble de croyances par un autre. En tant qu'êtres humains, nous apportons tous un ensemble de croyances sur le monde et la nature de la vie humaine à tout débat visant à servir le bien public. Les laïcs pourraient soutenir que leur vision du monde est la meilleure sur laquelle fonder la société, mais ils ne peuvent pas le faire en revendiquant la neutralité. Plutôt que d'aspirer à un espace public « neutre », nous devrions plutôt reconnaître que notre société devient de plus en plus pluraliste et qu'y coexistent une multitude de croyances et de visions du monde différentes. Dans une société pluraliste, la liberté de croyance est vitale, mais cela ne se fait pas en interdisant toutes les références à la religion et à Dieu dans la vie publique [...] Pour ceux qui s'y opposent, pour quelque raison que ce soit, il n'y a aucune obligation de participer aux prières.
Dans un article paru en 2009 dans la Revue parlementaire canadienne, Martin Lanouette écrit:
[...] la forme et le contenu de la prière dans les enceintes parlementaires s’inscrivent concrètement dans un débat qui cherche à opposer la relation privilégiée que chaque législature entretient avec son héritage religieux, d’une part, et le désir d’adapter cet héritage aux réalités culturelles contemporaines, d’autre part.
L'auteur poursuit en disant:
Pourquoi, alors, le besoin de réciter la prière résiste-t-il à cette tornade séculière, malgré les controverses qui ne cessent de s’accumuler? Comme il a été signalé dans la décision Marsh v. Chambers, ces traditions sont souvent considérées comme « une partie du tissu social ». À l’heure où les sociétés contemporaines tendent à se métisser, l’argument de la tradition continue d’occuper une place importante dans l’imaginaire collectif. S’agit-il d’une réaction défensive? Très probablement. Est-ce un rempart identitaire? Assurément. Cela n’a pas empêché de nombreux parlements à vouloir aller plus loin, non pas pour affaiblir la « vieille » identité, mais pour lui donner un nouveau souffle créateur.
Enfin, l'auteur dit:
Ce rituel, s’il doit être pratiqué, doit, avant tout, demeurer un acte de reconnaissance visant à regrouper et non à diviser. L’abolition pure simple, quant à elle, peut également être envisagée, mais n’est pas pour autant plus impartiale, car les croyants, sujets aux mêmes droits, se considéreront à leur tour victimes de discrimination.
De plus en plus, notre société cherche à cerner et à amplifier ce qui nous divise, plutôt que ce qui nous unit. L'intolérance propagée de nos jours par les partisans de l'extrême gauche du spectre politique est la même intolérance qui sert de pierre d'assise à l'extrême droite. Au nom de la rectitude politique, on fait taire des voix, on interdit des livres et on noie immédiatement tout point de vue ou toute opinion qui dévie ne serait-ce que d'un cheveu de l'idéologie de l'extrême gauche.
Le fait qu'une prière soit prononcée ne signifie pas que l'État et la religion vont main dans la main. Aucun des enjeux débattus et aucun des projets de loi adoptés ici n'impliquent l'existence d'un lien entre la religion et l'État. Je crois que nous devons maintenir cette pratique par respect pour les plus de 80 % des Canadiens qui pratiquent une religion ou une autre.
En tant que politicien, je me rends dans les temples, les mosquées, les synagogues, les églises, etc., mais cela ne signifie pas que j'associe l'État avec la religion. Depuis 2019, j'ai vu les motions de l'opposition présentées par le Bloc québécois, et pas une seule fois elles ne portaient sur des enjeux importants pour l'économie canadienne. Aujourd'hui, nous vivons des temps difficiles; la transition énergétique s'oriente vers l'utilisation des batteries, et le Québec et le Canada pourraient devenir des chefs de file mondiaux de cette technologie. Jamais le Bloc québécois n'a présenté de motion sur des enjeux économiques importants.
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Madame la Présidente, aujourd'hui, j'ai l'occasion de m'exprimer sur une motion de l'opposition concernant le texte de la prière religieuse avant nos activités à la Chambre.
Je dois admettre que j'ai été surpris, hier soir, quand j'ai reçu le texte de cette motion. Comme d'autres députés de la Chambre l'ont dit avant moi, il y a beaucoup de problèmes dans le monde, notamment la guerre en Ukraine, ou l'importance de combattre et de faire face aux changements climatiques, ou encore celle de nous assurer que nos programmes sociaux répondent aux besoins des Canadiens.
Mon honorable collègue de a présenté une motion qui, à mon avis, ne traite pas d'un problème très important aujourd'hui.
[Traduction]
J’ai eu l’occasion d’examiner le texte. Je dirai d’abord que cela m’a aussi donné l’occasion d’examiner l’histoire de notre prière quotidienne. À tout le moins, la motion m’a permis de jeter un coup d’œil à l’histoire de la Chambre des communes et, encore une fois, je félicite l’équipe de la Chambre des communes qui a contribué à retracer cette histoire. Je les ai remerciés de leur travail sur le découpage électoral et, lorsque nous discutions du projet de loi , sur la longue histoire de la Chambre. Je dois aussi les féliciter pour leur compréhension de l’historique de la prière quotidienne.
Il importe que la Chambre et le hansard reflètent le fait que c’est une pratique qui a commencé en 1877. C’est une pratique que les parlementaires ont jugé importante à l’époque, et que l'on me pardonne, mais je pense que le respect des traditions dans cette enceinte est très important. Oui, nous devons trouver des façons de nous moderniser et de nous adapter aux réalités d’aujourd’hui. Nous discuterons sans aucun doute de la nature du Parlement virtuel, de la capacité des parlementaires non seulement de faire leur travail ici, physiquement, dans cette enceinte, mais aussi d’utiliser certains outils virtuellement, pour rendre le processus plus moderne et peut-être même plus convivial pour nos collègues, particulièrement pour les groupes sous-représentés à la Chambre.
Il convient de signaler que la prière a évolué au fil des ans. Elle n’est pas restée statique depuis 1877. Elle a constamment évolué lorsque les parlementaires ont eu l’occasion de mieux refléter la diversité des religions que nous pratiquons et respectons ici, dans ce pays, et c’est là un aspect extrêmement important. Le député de a parlé de cette dynamique juste avant moi.
Au bout du compte, la Chambre des communes doit trouver un équilibre entre les députés qui ont des croyances religieuses et ceux qui ne croient pas à un dieu ou à une religion en particulier. Lorsque j’ai pris le temps de réfléchir à la façon dont nous nous comportons à la Chambre, mes réflexions ont été les suivantes. Lorsque nous examinons le texte en question, nous constatons, comme je l’ai dit, qu'il a été modifié au fil du temps par le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre pour essayer de refléter la grande diversité religieuse, mais il est aussi relativement court.
[Français]
Ce sont donc peut-être 30 secondes dont dispose la présidence pour réciter la prière à la Chambre. C'est très court. Après, nous avons un moment de silence et de réflexion.
Je pense que, de cette façon, dans ce lieu, nous avons la possibilité de reconnaître les personnes qui ont certaines valeurs religieuses, tout en respectant les personnes qui veulent réfléchir d'une manière non religieuse.
[Traduction]
La motion parle de diversité et d’inclusion. Selon le fonctionnement actuel de Chambre des communes, nous avons une courte prière pour ceux qui auraient des croyances religieuses, suivie d’un moment de réflexion pour donner à tous les députés la chance de réfléchir et de se donner la force de mener à bien tout ce qui pourrait les motiver dans leurs activités quotidiennes. En l’abolissant, je ne crois pas que nous accordions le même respect à ceux qui pourraient avoir des croyances religieuses.
J’ajouterai ceci: loin de moi l'idée de mettre mes collègues mal à l’aise ni de dire que c’est la seule façon de travailler, mais si quelqu’un est vraiment troublé par notre prière quotidienne de 30 secondes, cette personne pourrait toujours se retirer de la Chambre pendant les courtes 30 secondes que cela prend, pour ensuite revenir pour la minute où nous réfléchissons tous en silence. Cette personne ne participerait donc pas à la prière. Je pense qu’à l’heure actuelle, il y a un bon équilibre entre les deux.
C’est intentionnellement que j’ai commencé mon discours en français. En effet, j’ose dire qu’il y a très peu de Québécois, voire très peu de Canadiens, dont la priorité absolue est actuellement la prière. Avec tout le respect que je dois à mon collègue de , qui a soulevé cette question, comme il en a parfaitement le droit, c’est une journée entière que nous allons consacrer à ce sujet, alors que nous devrions travailler collectivement, comme parlementaires, à encourager le gouvernement à débattre des problèmes et des possibilités de la plus grande urgence et de la plus grande importance. Nous allons passer du temps, comme je le fais en ce moment, à essayer de trouver 10 minutes pour développer un argumentaire rationnel sur quelque chose qui, à mon avis, est assez frivole.
Je me permets de dire également que ce n’est pas le lieu pour tenir ce débat.
[Français]
Mon honorable collègue a la possibilité de présenter cette idée et ce changement au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, qui est responsable du travail parlementaire dont l'essentiel est d'examiner les actions de la Chambre.
Pourquoi mon honorable collègue ne présente-t-il pas sa motion au Comité?
[Traduction]
Comment se fait-il que nous ayons ce débat ici, alors que le comité de la procédure pourrait déjà s’en charger si la volonté de la majorité de ses membres était d’aller de l’avant avec une étude en particulier? Je sais que le comité fait déjà beaucoup de bon travail pour parler des enjeux de l’heure et de la façon d’améliorer les choses à la Chambre.
Je vais conclure là-dessus. Il y a la guerre en Ukraine; il y a les changements climatiques; il y a l’abordabilité pour les Canadiens; il y a toute une gamme d’enjeux à débattre dans le sillage de la pandémie. En effet, nous n’en avons pas complètement fini de la pandémie. Je suis un peu déçu — c’est le mot que je vais utiliser — que le député de ait choisi cette tribune pour faire avancer ce dossier. Je reconnais que c’est son privilège parlementaire et que le Bloc québécois a choisi cette tribune pour en débattre, mais je pense que la plupart des Canadiens, voire la plupart des Québécois, s’ils suivent notre débat, se grattent la tête en se demandant en quoi c’est une bonne utilisation du temps du Parlement. Je pense que la plupart en viendraient à la conclusion que ce n’est pas l’utilisation la plus judicieuse du temps du Parlement, que ce n’est pas la meilleure méthode, que ce n’est pas le lieu où présenter cette question. Malheureusement, nous avons perdu du temps que nous aurions pu consacrer à discuter et à débattre d’autres enjeux qui sont courants et plus urgents pour les Canadiens. Je vais en rester là.
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Madame la Présidente, je suis un peu perplexe par rapport à tout ce que j'ai entendu ce matin. Je suis perplexe et peut-être enragé aussi.
J'ai entendu des gens remettre en question la pertinence de tenir ce débat aujourd'hui. De grands démocrates du côté du Parti libéral et du Parti conservateur sont prêts à nous dire comment nous devrions utiliser notre journée de l'opposition, non pas pour parler d'une question qui touche la laïcité, mais pour parler des questions qui vont de pair avec l'actualité.
Je ferai remarquer à mes collègues que nous faisons cela constamment et que c'est une rhétorique que je vois à la Chambre. Je pense, entre autres, au . Si on lui parle de la langue française, si on lui parle de la place du Québec et si on lui parle d'immigration, il nous répond que le Bloc québécois cherche la chicane. Parler de questions qui touchent les Québécois, dans cette assemblée, c'est chercher la chicane. J'ai entendu cela à de nombreuses reprises.
Notre collègue de est venu nous demander pourquoi les députés du Bloc ne parlent pas de transferts en santé ou d'aînés. Je lui ferai remarquer que nous avons consacré deux journées de l'opposition à ces sujets qui ont débouché sur des motions. Or je n'ai jamais vu d'intervention gouvernementale.
Je veux aussi faire remarquer à mes collègues conservateurs que, en plein blocus des camionneurs au mois de février dernier, on a eu une journée de l'opposition sur le Canadien Pacifique en Saskatchewan. Ce n'est pas mon problème à moi et ce n'est pas à moi de décider ce que vont faire les conservateurs. J'ai déjà participé à un débat d'urgence du NPD au sujet de la pandémie en Alberta. Le système de soins de santé albertain, ce n'est pas mon affaire et ce n'est pas l'affaire de la Chambre. Cela leur a fait plaisir, grand bien leur fasse.
Le pire que j'ai entendu aujourd'hui, c'est que, la question de la prière est un point de clivage. C'est la manière commode par excellence pour ne pas se prononcer sur quelque chose. Pourquoi serait-ce un point de clivage? J'ai beaucoup de difficulté à saisir la logique de mes collègues quand ils nous disent que la prière ici est un sujet qui divise. La prière avant qu'on se réunisse à la période de questions, c'est un non-sens total. C'est l'inverse de ce qu'on voit dans la modernité, c'est-à-dire un État neutre.
Hier, je parlais à un ancien collègue universitaire français qui ne pouvait pas croire qu'il y avait encore, à la Chambre des communes, une prière avant de débuter nos séances. À son avis, c'est complètement archaïque et tout à fait impensable.
Plusieurs personnes sont venues nous demander pourquoi nous n'avions pas étudié cette question au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, ou pourquoi nos posions cette question aujourd'hui. Nous l'avons fait en 2019 en déposant une motion. Nous n'avons jamais eu le consentement unanime de la Chambre. Or c'est le genre de débats que nous devons faire au vu et au su du public.
Je veux entendre le Parti libéral sur la manière dont on peut ménager les différences religieuses dans cette assemblée. Comment notre Parlement, qui est l'institution des institutions, peut être neutre. Je veux entendre le Parti libéral là-dessus. Je veux entendre les conservateurs. Or leur réponse est tout autre. Ils répondent ce que débat est un point de clivage parce qu'ils veulent peut-être ménager le fait qu'ils aimeraient charmer certaines communautés religieuses dans leur circonscription, parce qu'ils ont l'impression qu'en parlant de cela, on revient à une évidence dont personne ne veut parler.
Je vais la nommer, cette évidence dont personne ne veut parler: c'est le débat sur la laïcité. À la Chambre, il y a des gens qui vivent très mal le débat sur la laïcité. J'aimerais l'aborder de front. Tout à l'heure, le député de Winnipeg-Nord nous a dit que cela n'intéressait personne au Québec. J'observe la politique québécoise depuis les 30 dernières années. Au cours des 30 dernières années, on a parlé abondamment de la question du religieux dans l'espace public au Québec. Il y a eu la Commission Bouchard‑Taylor sur les accommodements. Quelle était la pierre angulaire de cette commission? C'était la place du religieux. Comment peut-on accommoder les minorités ethnoculturelles dans le contexte québécois? Quelle sera la place du sacré dans le contexte québécois? On a fait cela, à la Commission Bouchard‑Taylor, en 2008, je le rappelle. On a traîné cela, au Québec, pendant plus d'une quinzaine d'années. Cela a débouché sur la loi 21, qui vient donner des repères clairs sur la place du religieux dans l'espace public au Québec.
Le conflit entre laïcité et identité, j'ai l'impression que c'est ce qui fait peur à mes collègues libéraux, conservateurs et néo-démocrates, qui ne veulent pas se prononcer sur cette particularité.
Pourtant, il y a beaucoup de matière à aborder. Ce que je me souviens de la commission Bouchard‑Taylor, c'est: comment accommoder les identités communautaires en lien avec leur religion?
Pour définir ce qu'est la laïcité, le rapport de la commission évoquait quatre grands principes.
Le premier principe, c'est l'égalité morale des personnes. Que l'on soit croyant ou que l'on pense que le platonisme, le néoplatonisme ou l'aristotélisme est ce qui donne un sens à sa vie, on est sur un pied d'égalité.
Le deuxième principe, c'est la liberté de conscience et de religion. En fait, c'est le principe premier de la séparation entre l'Église et l'État.
Le troisième principe, c'est la séparation de l'Église et de l'État.
Le quatrième principe, c'est la neutralité de l'État à l'égard des religions et des convictions profondes séculières.
J'aimerais comprendre en quoi faire une prière au début de l'une de nos assemblées répond aux quatre principes évoqués par le rapport Bouchard‑Taylor.
J'aimerais maintenant revenir sur quelque chose qui me paraît essentiel et qui n'a pas encore été abordé.
Le Saguenay—Lac-Saint-Jean a été confronté à la question de la prière au sein des institutions pendant trois ans. Je ne sais pas si mes collègues connaissent le jugement de la Cour suprême, émis en 2015 et intitulé Mouvement laïque québécois c Saguenay (Ville).
Je tiens à revenir sur deux éléments clés que l'on retrouve dans le jugement.
Premièrement, la définition de ce qu'est la neutralité, que l'on retrouve au paragraphe 74:
En n’exprimant aucune préférence, l’État s’assure de préserver un espace public neutre et sans discrimination à l’intérieur duquel tous bénéficient également d’une véritable liberté de croire ou ne pas croire, en ce que tous sont également valorisés. Je précise qu’un espace public neutre ne signifie pas l’homogénéisation des acteurs privés qui s’y trouvent. La neutralité est celle des institutions et de l’État, non celle des individus. Un espace public neutre, libre de contraintes, de pressions et de jugements de la part des pouvoirs publics en matière de spiritualité, tend au contraire à protéger la liberté et la dignité de chacun.
N'est-ce pas de cela qu'il est question aujourd'hui, à savoir protéger la liberté et la dignité de chacun? Cela, c'est la réponse sur ce que doit être la neutralité de la Cour suprême.
Un autre élément assez essentiel, c'est la définition de ce que représente la discrimination selon la Cour suprême.
On peut lire ce qui suit au paragraphe 64:
Le parrainage par l’État d’une tradition religieuse, en violation de son devoir de neutralité, constitue de la discrimination à l’endroit de toutes les autres. Si l’État favorise une religion au détriment des autres, il crée en effet une inégalité destructrice de la liberté de religion dans la société.
Le débat que nous essayons d'avoir aujourd'hui n'est-il pas celui de dire que nos institutions sont neutres à l'égard de la religion? Cela devrait être le principe premier. La solution facile, que tout le monde a utilisée aujourd'hui, c'est de dire que la prière est faite avant que les portes soient ouvertes et qu'elle n'incommode personne. Il ne s'agit pas d'incommoder des gens, mais bien d'envoyer le message clair que nos institutions sont neutres.
Personnellement, ce que je veux entendre dans les questions de mes collègues, pendant les prochaines minutes, ce que je veux savoir d'eux, c'est ce qu'est leur conception de la laïcité.
S'ils trouvent qu'il s'agit d'un débat dépassé et pas important, je n'ai qu'une seule chose à leur dire. Ils ne sont pas en phase avec ce que les gens au Québec pensent. J'ai hâte d'entendre mes collègues conservateurs du Québec se prononcer à ce sujet.
En terminant, je dirai ceci: quand il est question de l'éthique du , les libéraux nous disent qu'ils n'ont pas le temps de discuter de cela et que ce n'est pas le bon moment pour parler des dérives éthiques du premier ministre.
La semaine dernière, quand les conservateurs se sont fait parler d'avortement, ils ont dit la même chose, soit que ce n'est pas le temps de parler de l'avortement et qu'ils ont d'autres problèmes à traiter.
Cette fois-ci, que l'on ne me serve pas cette même médecine; c'est suranné en politique.
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Madame la Présidente, c'est un plaisir de prendre la parole aujourd'hui. Je ne savais pas où commencer et j'ai donc décidé de le faire en parlant de moi, ce qui est très rare.
J'ai grandi dans une petite ville de quelques milliers de personnes dans le nord du Québec, au nord de l'Abitibi, un endroit où la religion était bien présente dans la ville, dans la communauté et dans ma famille. Jeune, j'ai dû aller à la messe chaque dimanche. Il y avait du bon là-dedans et je conserve de très bons souvenirs des soupers et des discussions hautement constructives que nous avions quand Mgr Drainville, qui était évêque d'Amos, venait manger à la maison.
Évidemment, il y avait la religion à l'école. On avait au primaire ce qu'on appelle la catéchèse, quelques fois par semaine. Ces cours étaient dans le programme. Au mois de mai, le mois de Marie, certains de mes enseignants organisaient une dizaine de chapelets le matin avant le début des cours.
Au secondaire, nous avions des cours de religion catholique. Dans la classe de 30 ou 32 élèves, il y avait toujours trois, quatre ou cinq personnes étranges qui n'étaient pas de la même confession que les autres, qui quittaient la classe et qui allaient faire le cours de morale. On les regardait comme s'ils étaient des extra-terrestres.
À un moment donné, pendant que j'étais à l'école secondaire, on a aboli ces cours de religion et on a sécularisé l'école, décidant de laisser la religion aux familles et aux communautés.
Qu'est-ce qui est arrivé quand on a sécularisé l'école? Dieu, la religion et monsieur le curé n'ont pas quitté la ville. Les gens ont continué à pratiquer en privé, à l'église et dans l'espace privé qui était le leur. Pour moi, la laïcité, c'est exactement cela.
Pour moi, la laïcité, c'est respecter le culte particulier de chacun. Pour moi, la laïcité, c'est pouvoir aller à Mirabel, passer devant la magnifique église de Saint‑Benoît, mais ne pas êre obligé d'y rentrer pour les offices religieux si cela ne me tente pas. C'est la même chose pour l'église d'Oka. C'est aller me promener à Outremont, passer devant une synagogue et, avec tout le respect que j'ai pour la communauté juive, ne pas avoir à participer aux offices. C'est donner un gros coup de main — comme je le fais régulièrement — à ma communauté musulmane à Sainte‑Marthe‑sur‑le‑Lac, qui enseigne le Coran et qui donne des cours d'arabe, sans nécessairement que je veuille m'inviter à ses prières.
C'est ce type d'ouverture. Par extension, la laïcité, c'est ne pas transformer l'école en église, ne pas transformer l'apparence d'un tribunal en l'apparence d'une synagogue. C'est avoir l'assurance, en apparence et en substance, que les lois de l'État laïque sont au-dessus de celles de quelque dieu que ce soit. C'est un principe que je trouve extrêmement important.
Je vais dire quelque chose que je crois profondément. Je suis devenu catholique sans y avoir consenti. On m'a baptisé sans m'en avoir demandé la permission. Les premières fois que je suis rentré à l'église, j'y suis entré sans vraiment y consentir. Un jour dans ma vie, pour des raisons personnelles, j'ai décidé que je n'irais plus aux offices religieux, tout en respectant ceux qui le font. J'étais en paix avec cela.
Or, le jour de mon entrée à la Chambre des communes en 2021, ce sentiment que ma liberté de pensée et ma liberté de conscience étaient violées m'est revenu. Quand, à l'ouverture des travaux, je suis arrivé et qu'on m'a expliqué qu'il y avait une prière confessionnelle, je me suis rendu compte que je n'étais pas le bienvenu. J'ai vécu ce entiment que j'espérais ne plus jamais avoir à revivre de ma vie.
C'est pour cela que c'est important, la laïcité. C'est pour le respect des croyances de tout un chacun. On a déjà eu ce débat à toutes les instances judiciaires jusqu'à la Cour suprême, dans cette cause qui a mené à la fin de la prière à la Ville de Saguenay.
Le débat est donc encore bien présent et important au Québec. Comme l'a indiqué le juge LeBel, « l'évolution de la société canadienne a engendré une conception de la neutralité suivant laquelle l'État ne doit pas s'ingérer dans le domaine de la religion et des croyances. […] Elle requiert de l'État qu'il s'abstienne et évite ainsi d'adhérer à une croyance particulière. »
Le jugement final de la Cour suprême du Canada, tribunal qui appartient au Canada et qui invalide les articles de la loi 101, stipule donc que l'État ne peut, en raison de l'obligation de neutralité religieuse qui s'impose à lui, professer, adopter et favoriser une croyance à l'exclusion des autres.
Alors des députés viendront nous dire, comme les libéraux l'ont dit tantôt, que nous pouvons moderniser la prière, ajouter des confessions, la rendre plus neutre, etc. Par contre, cela reste une prière.
Le problème, c'est le jugement lui-même. Il reconnait l'athéisme comme une posture religieuse personnelle, qui doit être respectée à même titre que toute autre posture théologique qui appartient aux personnes.
La question qui se pose n'est pas de savoir si la prière est appropriée à la Chambre — elle ne l'est pas —, la question est plutôt de trouver comment la remplacer. Nous la prenons très au sérieux. Nous aurions pu blaguer là-dessus et proposer de fabriquer une prière qui plairait aux libéraux, par exemple, et qui aurait pu se lire comme suit: « Ne nous soumets pas à la tentation d'aller chez l'Aga Khan en vacances, mais délivre-nous du commissaire à l'éthique. Amen. » Nous aurions aussi pu en faire une pour les conservateurs: « Je vous salue, Suncor, pleine de gaz. Le pipeline est avec vous ».
Nous aurions pu suggérer de remplacer le temps de la prière par autre chose de plus utile, comme une séance d'instruction aux ministres sur comment répondre aux questions à la Chambre, plutôt que de lire les notes du premier ministre. Nous aurions pu proposer au député de de suivre un cours pour savoir comment faire un discours à la Chambre en moins de 300 minutes.
Or nous avons pris cela au sérieux. Nous disons qu'il faut aller de l'avant. Il est vrai que certaines législatures font encore la prière. Il est vrai que ce n'est pas tout le monde qui est rendu au bout du chemin qui mène vers la laïcité, vers la sécularisation. Le Québec n'est pas parfait non plus. Nous savons qu'il a encore des pas à faire pour y arriver. Toutefois, il a fait de grandes avancées. À l'Assemblée nationale, en 1976, on a pris une décision qui était celle de remplacer la prière par une minute de réflexion. Je vous fais la lecture de l'extrait de Journal des débats de l'Assemblée nationale. Voici ce que le Président a dit, le 15 décembre 1976. Je vous rappelle que la société était fortement catholique à ce moment.
C'est par respect pour les membres de cette Assemblée, qui ne sont pas nécessairement tous de la même dénomination religieuse, et c'est par respect pour l'Assemblée que j'ai choisi un mode de prière que je laisse à la liberté de chacun. Chacun aura le loisir, au moment de la période de recueillement, de faire la prière qu'il entend, et c'est par respect pour l'Assemblée que j'ai pris cette décision.
Maintenant, les conservateurs se lèvent et nous disent que ce n'est pas à l'ordre du jour, et que c'est une question de liberté. Ils parlaient de la liberté hier, avant-hier, et ils en parlent tous les jours. Le député de passe son temps, d'un océan à l'autre à l'autre, à dire qu'il va faire du Canada le pays le plus libre des pays libres. Tous les jours, la liberté est importante pour le député de Carleton. Cependant, la liberté de religion et la liberté de conscience s'appliquent aussi à la religion des autres. Elles s'appliquent aussi à la conscience des autres. Il est gênant de les voir invoquer le droit de faire une prière confessionnelle. Quand ces gens se promènent et parlent de liberté, ils défendent les convois au nom de la liberté et ils utilisent leur journée de l'opposition pour parler de la même chose que nous. C'est une honte!
Je pense à ceux qui, comme le député de nous l'a fait aujourd'hui, nous disent que dans le nom de nos villages il y a le mot « Saint », comme Saint‑Lin, Saint‑Clin‑Clin et Saint‑Meuh‑Meuh. Il y a une ligne très nette entre ce que sont le patrimoine et la neutralité de l'État.
Ce qui nous inquiète, au Québec, par exemple, c'est qu'un policier qui porte un signe religieux puisse laisser l'impression que ses croyances religieuses changent la façon dont il fait son travail. C'est ce qui nous inquiète, et non pas le fait qu'un policier qui ne porte pas de signe religieux risque de nous donner plus de contraventions sur la rue Saint‑Jean ou Saint‑Paul que sur l'avenue du Parc. Il faut comprendre qu'il y a la question du patrimoine. C'est fondamental de bien la comprendre. Toute personne qui invoque cette question pour mettre de côté la question de la neutralité de l'État est mal intentionnée.
Je finirai en disant que, d'abord, le fait de transformer cette prière en une minute ou deux minutes de réflexion — certains en auraient d'ailleurs besoin de trois ou quatre — est inclusif. C'est un moment, à la Chambre, où presque personne ne vient, parce qu'il y a tellement de gens mal à l'aise. C'est le seul moment non partisan de la journée. C'est le seul moment où tout le monde a la chance d'être ensemble. Tout le monde a la chance de réfléchir ensemble. Tout le monde a la chance d'être ensemble et de ne faire qu'un au-delà de toutes les lignes partisanes qui, parfois, détruisent nos journées, nos semaines, notre travail et notre vie démocratique.
C'est ce temps qu'il faut valoriser. C'est exactement l'intention de la motion et c'est pour cela que je voterai en sa faveur avec grand plaisir.
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Madame la Présidente, je vais partager mon temps de parole avec le député de . Je sais que le député de est déçu d’apprendre que je ne parlerai que pendant 10 minutes.
Je dois dire que j’ai été assez perplexe lorsque j’ai vu hier l’avis de motion de l’opposition qui devait être présenté aujourd’hui. Je ne dis pas du tout que le contenu n’est pas assez important pour que nous en discutions: les membres du Bloc sont très passionnés par ce sujet particulier. Je ne peux tout simplement pas comprendre comment cela a priorité sur certaines des choses qui se passent dans le monde en ce moment et, même, dans notre pays et au Québec.
J’écoute les députés du Bloc poser régulièrement leurs questions pendant la période des questions avec beaucoup de passion et soulever des sujets très importants. Je n’ai jamais entendu le Bloc poser une question pendant la période des questions au sujet de la prière, qui dure 30 secondes et est récitée au début de chaque journée à la Chambre.
La prière qui, je le précise, est de nature très générique n’appuie certainement pas une religion plus qu’une autre. Elle dure environ 30 secondes et est suivie d’un moment de silence et de réflexion personnelle. Si le Bloc avait dit que la motion visait à supprimer l’Ô Canada, je pense que j'aurais un peu mieux compris la passion qui l'anime. En effet, les députés ont choisi de critiquer avec véhémence une prière de 30 secondes sans aborder le fait que nous entonnons l’hymne national, une pratique à laquelle ils ne veulent pas participer et pendant laquelle ils restent volontairement à l’extérieur de la Chambre pendant que nous le chantons chaque mercredi, ce qui aurait été plus pertinent, du moins de mon point de vue, par rapport aux priorités du Bloc.
Néanmoins, il y a des enjeux très importants en ce moment. L’inflation, le logement et la guerre en Ukraine sont des questions qu’il faut aborder. Les partis de l’opposition ont très peu d’occasions de saisir la Chambre de motions. En fait, le Bloc québécois n’a que deux occasions entre janvier et juin au cours de cette session, mais les députés ont choisi d’utiliser une de ces occasions pour présenter cette motion et je ne peux tout simplement pas le comprendre. Je le répète, je peux comprendre l’intérêt que le Bloc porte à cette question. Je ne comprends tout simplement pas comment elle peut l'emporter sur tout ce qui se passe actuellement.
Ce qui est encore plus déroutant, à mon avis, c'est que lorsque j’ai interrogé des députés du Bloc à ce sujet, et qu’un certain nombre d’entre nous, y compris des conservateurs, ont demandé au cours des dernières heures pourquoi c’était si important et pourquoi c’était plus important que tout ce qui se passe dans le monde en ce moment, ils ont réagi en étant sur la défensive et en colère contre nous, disant: « C’est notre droit. Nous pouvons présenter ce que nous voulons ». Bien sûr, les députés du Bloc peuvent présenter ce qu’ils veulent. C’est leur prérogative de présenter la motion qu’ils jugent pertinente, mais ils ne répondent pas à la question. Ils refusent de répondre à la question. La question est de savoir pourquoi. Pourquoi cet enjeu précis est-il si important au point d'avoir préséance sur tous les autres enjeux dont nous traitons à la Chambre en ce moment?
Le député de l’a dit, et je ne pourrais être plus d’accord avec lui. Depuis mon arrivée ici, il y a sept ans, personne ne m’a jamais parlé de ce sujet. Aucun concitoyen ne m’a jamais appelé pour me dire: « Monsieur Gerretsen, je veux vous parler de la prière qui est dite chaque matin lorsque la Chambre commence à siéger ». Pas un seul concitoyen ne m’en a parlé. Cependant, nous savons que le Bloc et même les conservateurs aiment choisir des sujets qui sortent de nulle part…
Des voix: Oh, oh!
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Madame la Présidente, je pense avoir touché une corde sensible chez le député de . Cela m'arrive à l'occasion.
Des sujets soulevés quotidiennement à la Chambre pendant la période des questions passionnent énormément les députés du Bloc, et je ne comprends pas pourquoi ils ne profiteraient pas d’une de leurs deux journées de l’opposition pour soulever l’un de ceux-ci. En fait, je tiens à m’excuser auprès des conservateurs, car j’ai l’habitude de prendre la parole ici pour critiquer les conservateurs qui présentent des motions dénuées de substance. Je mentionne souvent le NPD et le Bloc comme des partis qui présentent des motions de fond. Je me corrige, car la motion que nous voyons aujourd’hui de la part du Bloc est de loin l’une des tentatives les plus farfelues de politiser une question que j’ai vue. Je ne saisis pas l’objectif. Je ne comprends pas ce que le Bloc espère accomplir ici.
Si cette question est si importante pour le Bloc, et je crois qu’elle l’est puisqu’il a utilisé une de ses journées pour la traiter, l’endroit approprié pour la présenter serait le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Je siège à ce comité, et ce, depuis les trois dernières années. Un député du Bloc siège à ce comité depuis 2019 et jamais on n’a soulevé cette question auparavant. Jamais un député du Bloc n’a dit: « Nous devons étudier la question de la prière que nous disons en début de journée et faire une recommandation à la Chambre ». Le fait que cette question n’a jamais été soulevée et que le Bloc l’aborde soudainement dans l’une de ces deux précieuses motions de l’opposition me laisse très perplexe. Je ne comprends pas ce qui le motive.
Le député de a rappelé tout à l’heure que le Québec avait une prière et qu’il l’a supprimée. Cette observation m’a paru très intéressante. J’aurais aimé qu’il nous donne le texte de cette prière pour que nous puissions le comparer avec celui de la prière récitée à la Chambre au début de la journée. Je me demande si elle avait une connotation plus confessionnelle, si elle penchait vers une religion en particulier ou si elle était plus générique, comme celle que nous avons. J’aurais aimé avoir cette précision.
À ma connaissance, l’Assemblée nationale du Québec s’est débarrassée de la prière, mais la croix se trouve toujours à l’Assemblée nationale. Si je comprends bien, et je peux me tromper, auquel cas j’espère que les députés du Bloc me corrigeront, la croix était accrochée dans la chambre. Les gens ne voulaient pas la sortir du bâtiment, ils voulaient juste la retirer de la chambre. Elle est donc toujours présente. Même à l’intérieur de l’Assemblée nationale, le Québec continue d’avoir des symboles religieux.
Au fond, en plus de la possibilité de soulever la question au comité compétent, le Bloc pouvait aussi la soulever pendant le débat de procédure normal que nous allons avoir. Il est de rigueur après l'inauguration d’une nouvelle législature que, dans les jours qui suivent, nous ayons un débat à la Chambre sur les procédures établies. Si ma mémoire est bonne, même si je n’y étais pas, mais je l’ai entendu dire, c’est l’ancien premier ministre Paul Martin qui a veillé à ce qu’il en soit ainsi. Nous n’avons pas encore eu ce débat, et il doit avoir lieu avant la suspension des travaux en juin.
Par conséquent, il y aura toute une journée où les députés du Bloc pourront soulever ce point particulier au sujet du Règlement et expliquer combien ils le trouvent préoccupant, et je les encourage à le faire. Ils y consacrent maintenant toute une journée, alors qu’ils auraient pu soulever des questions très importantes pour les Québécois qui tiennent particulièrement à cœur à leur parti. En fait, ils me donnent une occasion de ne pas m’acharner sur mes amis conservateurs d’en face pendant une journée. J’en vois plusieurs qui applaudissent.
En conclusion, je ne saisis pas l’importance du sujet. Je ne comprends pas pourquoi il a été décidé qu’il fallait en débattre et perdre toute une journée, au lieu de nous pencher sur certaines des questions très importantes qui intéressent, je le sais, le Bloc québécois. J’espère trouver une réponse à cette question plus tard dans le débat.