La Chambre passe à l'étude du projet de loi , dont le comité a fait rapport avec une proposition d'amendement.
propose que le projet de loi soit lu pour la troisième fois et adopté.
— Monsieur le Président, le projet de loi C‑233 est désormais à la dernière étape de son étude dans cette honorable Chambre. L'immense appui que cette initiative législative a reçu jusqu'à présent me comble d'une immense joie. Je tiens à remercier tous mes honorables collègues du fond du cœur de leur soutien pour ce projet de loi.
Mes collègues et moi-même, qui avons travaillé sur ce projet de loi, recevons régulièrement des courriels et des appels de la part de femmes et d'organismes qui militent pour la protection des femmes victimes de violence conjugale, afin de nous exprimer leur contentement quant à ce projet de loi. Mes collègues de tous les partis politiques ont également reçu d'innombrables messages de ces groupes de défense des droits des victimes pour aider à faire passer cette mesure législative.
Le projet de loi C‑233 a bénéficié d'un soutien pancanadien. Je tiens à remercier les gens de partout au pays qui m'ont écrit et qui ont partagé avec moi leur récit tragique et déchirant. Je suis très touchée de la confiance qu'ils m'ont témoignée. Il n'y a pas l'ombre d'un doute qu'il faut en faire davantage pour aider les personnes qui subissent de la violence physique et psychologique dans un contexte familial.
[Traduction]
Ce fut un parcours du combattant pour faire reconnaître non seulement les droits des femmes, mais aussi le danger réel qui guette souvent les femmes qui se retrouvent dans une situation de violence familiale. Jusqu'à tout récemment, on ne parlait pas aussi ouvertement de la violence familiale. À bien des endroits, il y avait — et je crois qu'il y a encore — un préjugé lié à ce type de violence. Qu'il s'agisse des reproches adressés aux victimes ou à leur sentiment de honte, il aurait toujours fallu accorder la priorité à ces événements horribles. Si quelqu'un doit avoir honte, c'est la personne qui a tourmenté la victime, et non celle-ci. Peu importe ce qui explique cette énorme injustice, il est maintenant temps de la combattre de toutes nos forces sans jamais reculer.
La violence familiale a touché de nombreuses femmes, et je le précise parce que ce sont souvent des femmes qui sont victimes de violence familiale et qui se retrouvent dans les situations les plus affligeantes qui existent. Qu'il s'agisse de violence psychologique, de violence physique ou de menaces de violence physique, ou de coercition, soit le fait de se faire imposer des contraintes ou d'être réduit en esclavage financier, beaucoup trop de femmes ont été victimes et continuent d'être victimes de ce type de violence. Aujourd'hui, les statistiques sont très claires à ce sujet et au sujet des antécédents de violence familiale que les victimes ont endurée. Il est arrivé très souvent que ces femmes ne soient pas entendues parce qu'elles ont été réduites au silence ou parce que personne n'écoutait. Elles n'étaient pas prises au sérieux, alors elles ont vécu sans faire de bruit, avec leurs rêves anéantis et leurs souvenirs douloureux.
[Français]
Je pense à d'autres coins du monde où il y a des prises de position partisanes fermement ancrées, où les ruptures profondes à l'intérieur même d'une société freinent le progrès et empêchent les dialogues importants sur des questions de société qui touchent un grand nombre de personnes.
Notre force, en tant que Canadiennes et Canadiens, et ce, peu importe nos affiliations politiques, nos valeurs et nos croyances, est de toujours garder à l'esprit le fil conducteur de la société dans laquelle nous voulons tous vivre et que nous voulons laisser aux générations futures.
Un des piliers de notre pays est d'assurer la sécurité de toutes et de tous. Lorsque nous regardons le nombre de féminicides et de filicides qui font régulièrement les manchettes, nous sommes tous d'accord qu'il faut en faire plus pour protéger ces personnes vulnérables.
Je suis consciente que mon projet de loi est une pierre ajoutée à l'édifice. Toutefois, sans cette mesure législative, le projet de faire mieux en tant que société pour protéger les victimes de violence conjugale ne sera pas aussi solide. Le temps est venu de consolider ce projet commun en appuyant le projet de loi C‑233.
[Traduction]
J'aimerais présenter un aperçu des éléments qui militent en faveur de ce projet de loi.
Il existe une période critique pendant laquelle la plupart des victimes de féminicide perdent la vie. Il s'agit des 18 premiers mois suivant la séparation. Après cette période critique, les choses commencent à se calmer, et les victimes sont capables de refaire leur vie, lentement mais sûrement.
Cependant, certains individus très perturbés n'arrivent tout simplement pas à rester loin de leur cible, quel que soit le nombre d'ordonnances restrictives émises par le tribunal, comme l'individu dont j'ai parlé lors d'un débat précédent. Cet homme a enfreint un grand nombre d'ordonnances restrictives et est même allé en prison pour cette raison, d'où il a continué à harceler son ex-conjointe. À sa sortie, il l'a suivie et a réussi à trouver l'endroit où elle se cachait avec sa fille. Une fois qu'il les a trouvées, il les a harcelées. Il restait assis devant leur maison pendant des heures, les observant, attendant la bonne occasion. Il a tourmenté son ex-femme et a essayé de la tuer, ainsi que leur fille, avant de se suicider.
Dans une telle situation, seul un moniteur électronique pourrait dissuader le harceleur de s'approcher de la victime, car sa position serait divulguée électroniquement. Du même coup, cela procurerait à la victime plaignante une certaine sérénité et la possibilité de mieux se préparer au cas où l'accusé se trouverait à proximité. Cette mesure législative est pour les victimes.
Pendant longtemps, le système de justice canadien a considéré que ce n'était pas parce qu'une personne était violente envers son ou sa partenaire qu'elle était incapable d'être un bon parent pour ses enfants. Certaines modifications ont été apportées à la Loi sur le divorce afin de mieux traiter cet aspect. Il est toutefois impossible d'appliquer pleinement cette initiative juridique tant que ceux qui décident du sort de ces enfants ne comprennent pas parfaitement les ravages que la violence familiale cause à toutes les victimes, y compris les enfants, qui vivent parfois eux aussi directement ou indirectement cette violence. Ceux qui s'attribuent le droit d'agresser physiquement ou de terroriser un autre être humain, souvent devant les enfants, ont beaucoup de travail à faire pour changer, et il arrive qu'ils ne le puissent ou ne le veuillent tout simplement pas. Voilà un élément que tous les juges doivent bien reconnaître et comprendre avant de décider de ce qui est dans l'intérêt supérieur des enfants.
[Français]
En conclusion, ce projet de loi non partisan contribuera à prévenir des homicides et à sauver des vies. Il constitue une étape essentielle pour mieux soutenir et protéger les victimes les plus vulnérables de violence familiale, ainsi que leurs enfants. Nous devons aider à briser le cycle de la violence et de traumatismes, y compris pour les enfants qui y sont exposés.
Le projet de loi aidera les juges à mieux cerner le phénomène de violence conjugale et ses répercussions, ainsi que le contrôle coercitif dans un contexte de relations familiales afin de prendre les meilleures décisions qui touchent aux enfants de ces relations.
L'autre angle de cette mesure législative concerne l'introduction officielle de la surveillance électronique dans le Code criminel à titre de condition additionnelle pendant la phase de mise en liberté provisoire par voie judiciaire. Il s'agit d'un autre outil parmi les moyens mis à la disposition d'un juge lorsqu'il estime que la sécurité de toute personne, y compris celle d'un partenaire intime plaignant, pourrait être compromise si l'accusé est libéré en attente de son procès. Cette disposition garantirait une meilleure protection lorsqu'un doute subsiste quant à la sécurité d'une personne, notamment les victimes de violence conjugale et leurs enfants. Il est important de relever une fois de plus que de 20 à 22 % des féminicides et filicides perpétrés dans le cadre de violence familiale ont été commis par d'anciens partenaires intimes dans les 18 mois suivant la séparation.
En tant que société, il est primordial de poursuivre notre quête de solutions pour réduire de façon significative la violence à l'encontre des femmes et des enfants au Canada. Mon initiative législative est une mesure concrète qui contribuera à sauver des vies et qui permettra de mieux protéger les victimes de maltraitance familiale.
J'espère sincèrement que les députés sont toujours convaincus de l'urgence et de la nécessité du projet de loi et qu'ils voteront en ce sens.
:
Madame la Présidente, je suis ravie de vous voir occuper le fauteuil ce matin alors que j'aborde un sujet qui vous tient personnellement à cœur, comme à tous les députés.
Je tiens vraiment à parler de l'expérience que je vis à titre de députée depuis sept ans. J'ai l'honneur de siéger au Comité permanent de la condition féminine, qui a mené plusieurs études liées à la violence entre partenaires intimes. Le comité a notamment discuté de cet enjeu lorsqu'il s'est penché sur les Forces armées canadiennes et sur les refuges.
C'est toutefois l'étude consacrée au projet de loi qui m'a le plus marquée depuis mon arrivée à la Chambre. J'ai pris conscience de la bulle dans laquelle nous vivons et de l'importance de cette étude. Je siège à la Chambre depuis sept ans et, pendant toutes ces années, j'ai entendu les récits de témoins. Après avoir entendu ce que j'ai entendu dans le cadre de l'étude du projet de loi C‑233 et de l'étude sur la violence entre partenaires intimes et la violence domestique, pour laquelle nous déposerons notre rapport d'ici l'été, je peux affirmer qu'il y a encore énormément de travail à faire au Canada au sujet de la violence entre partenaires intimes et de la violence domestique.
Nous devons tous travailler ensemble. En tant que présidente du comité de la condition féminine, je ne saurais être plus fière de ce que les membres du comité réussissent à accomplir lorsqu'ils unissent leurs efforts, comme dans le cas de cet important projet de loi, connu sous le nom de loi de Keira.
J'aimerais lire un extrait du témoignage de la mère de Keira. Je demande aussi à toutes les mères d'imaginer comment elles se sentiraient si elles perdaient un enfant. Cette femme se bat pour le bien de tous les enfants de la société. Ce texte porte peut-être le nom de Keira, mais en réalité, c'est au nom de toutes les femmes, de tous les enfants et de toutes les familles que nous agissons.
Voici ce que la mère de Keira a dit au comité:
Essentiellement, je vais vous raconter mon histoire et la raison pour laquelle elle n'est pas inhabituelle, mais plutôt typique d'un problème plus général, à savoir la façon dont le système des tribunaux de la famille traite les cas de violence familiale, et elle illustre le manque de compréhension des questions de violence familiale et de contrôle coercitif au sein de la magistrature.
J'ai été victime de violence familiale dans mon mariage précédent. Il a été court, et j'ai fait l'objet de différents types de violence, dont des épisodes isolés de violence physique de même que du contrôle coercitif.
J'avais une petite fille et j'ai pu fuir mon agresseur en toute sécurité, mais quand j'ai eu recours au système des tribunaux de la famille pour protéger Keira, j'ai constaté qu'il n'était pas outillé pour protéger un jeune enfant. Si ma mémoire est bonne, j'ai comparu devant 10 à 12 juges, aucun d'eux ne saisissant bien ce que sont la violence familiale et le contrôle coercitif. Pendant mon procès, quand je suis allée à la barre pour parler de la violence que j'ai vécue, j'ai été interrompue par le juge qui m'a dit que la violence n'était pas pertinente du point de vue de la parentalité et qu'il n'allait pas en tenir compte.
Cela est très révélateur, selon moi. Un juge qui décide que c'est acceptable parce que la parentalité n'a rien à voir avec la violence. Je regrette de devoir signaler que ce juge devrait peut-être considérer la formation. Comme je l'ai mentionné, je suis députée depuis sept ans et après avoir entendu des témoignages, je peux affirmer que cela a des répercussions. Peut-être ont-ils besoin de sortir de leur bulle et de se pencher sur la question. Peut-être ont-ils besoin de voir et de ressentir ce que Keira et sa famille ont vécu, de même que des centaines d'autres familles au pays.
Pour son étude sur la violence entre partenaires intimes, le comité a reçu 137 mémoires. La majorité d’entre eux portaient sur le projet de loi , car il avait été présenté à la Chambre des communes. Ce problème ne touche pas seulement la famille de Keira. Il sévit partout au pays, et nous devons faire en sorte que les gens le comprennent. Nous devons comprendre ce qui arrive à un jeune enfant qui est témoin de violence conjugale, quelles répercussions cela a sur lui et comment veiller à sa sécurité.
Le juge a laissé tomber Keira. Il a laissé tomber cette famille. Je suis certaine que d’autres juges ont laissé tomber d’autres familles également.
Je ne dis pas cela pour m’en prendre aux juges. Je leur demande seulement de prendre du recul et de reconnaître qu’ils sont dans leur bulle. Nous vivons tous dans une bulle. Quand nous sommes ici, nous sommes dans la bulle d’Ottawa. Quand nous sommes chez nous avec notre famille, nous sommes dans notre bulle familiale. Cependant, en nous informant sur des enjeux comme celui-ci et en nous mettant à la place de personnes qui ont vécu des choses que nous n’avons jamais connues, nous pouvons apprendre.
Je demande instamment à tous les juges de comprendre le projet de loi et je les prie de lire le rapport que déposera le comité de la condition féminine en juin 2022. Son étude porte sur le contrôle coercitif, la violence physique et psychologique, ainsi que l’exploitation financière. Partout au pays, des familles canadiennes vivent de tels problèmes, et nous pouvons en faire plus pour les aider.
Je vais laisser les députés avec une dernière pensée. Hier, Keira aurait célébré son septième anniversaire. Elle n’a pas pu le passer avec sa famille.
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Madame la Présidente, en tant que porte-parole du Bloc québécois pour la condition féminine et vice-présidente du Comité permanent de la condition féminine, je prends la parole concernant le projet de loi pour une nouvelle fois.
Le projet de loi est maintenant rendu à l'étape du rapport. Le texte modifie le Code criminel afin que les juges aient l'obligation, avant de rendre une ordonnance de mise en liberté, à l'égard d'un prévenu inculpé d'une infraction contre son partenaire intime, de considérer qu'il est souhaitable pour la sécurité de toute personne d'imposer au prévenu, comme condition dans l'ordonnance, de porter un dispositif de surveillance à distance. Le texte modifie aussi la Loi sur les juges pour prévoir la tenue de colloques sur des questions liées à la violence entre partenaires intimes et le contrôle coercitif en vue de la formation continue des juges.
Je peux confirmer que l'étude article par article s'est déroulée dans un grand esprit de collaboration au Comité permanent de la condition féminine. Les membres n'avaient qu'une seule préoccupation en tête, puisque la vie de femmes et d'enfants, et d'hommes aussi, il ne faut pas l'oublier, en dépend.
Au risque de me répéter, le Bloc québécois votera en faveur du projet de loi C‑233. Pour débuter, mon discours abordera l'importance de ce projet de loi dans le dossier des violences conjugales avec le bracelet antirapprochement. Je poursuivrai avec la notion de contrôle coercitif et je terminerai en offrant quelques autres propositions pour compléter le continuum d'aide aux femmes et à leurs enfants victimes de violence conjugale.
Tout d'abord, voyons comment ce projet de loi peut jouer un rôle dans les cas de violence conjugale. Récemment, Québec faisait appel et demandait à Ottawa d'agir. Il y a quelques jours, la ministre de la Sécurité publique à l'Assemblée nationale expliquait que seules les autorités et les peines soumises à la juridiction québécoise pourraient recourir aux bracelets antirapprochement. C'est donc de dire que seules les peines provinciales de deux ans moins un jour seront couvertes, et que les délinquants qui reçoivent des sentences plus longues dans les pénitenciers fédéraux seront exemptés. La semaine dernière, la ministre Geneviève Guilbault a donc ouvertement invité le gouvernement fédéral à emboîter le pas au Québec en rappelant qu'au Québec il y a un contrôle sur ce qui est sous notre champ de compétence. Mme Guilbault affirme en avoir parlé avec le ministre fédéral .
Dans le projet de loi C‑233, l'utilisation du bracelet antirapprochement concerne les délinquants sexuels graves condamnés à des peines de plus de deux ans à purger dans les établissements carcéraux fédéraux, parce que les peines de moins de deux ans sont purgées dans des établissements gérer par Québec. Bref, le fédéral devait suivre, surtout que les bracelets antirapprochement sont déjà utilisés en Espagne et en France. Il faudrait être capables de s'en inspirer. J'ai déjà eu des discussions également avec le consulat australien au sujet du contrôle coercitif et de sa criminalisation potentielle. Nous y reviendrons.
L'autre problème concerne Internet et le trou technologique, car il demeure irréaliste que se développent des services de radiodiffusion sur l'ensemble du territoire canadien à court terme. Plusieurs témoins sont venus nous dire en comité que cela était un aspect inquiétant pour la mise en œuvre de la mesure et que la sécurité des femmes ne devait pas dépendre de leur code postal. Cependant, ce bracelet ne devrait en aucune circonstance être un incitatif à diminuer le financement d'autres mesures visant à réduire la violence conjugale. Ces mesures d'aide et de soutien sont gérées par le gouvernement du Québec, et les fonds nécessaires à leur mise en œuvre doivent continuer de lui être transférés.
Concernant l'autre volet du projet de loi, il faut remarquer ici que le contrôle coercitif n'est abordé qu'en regard de la formation des juges. La modification au Code criminel proposée dans le présent projet de loi ne porte pas sur la criminalisation du contrôle coercitif, bien que cette recommandation a été faite à plusieurs reprises au Comité permanent de la condition féminine et à celui de la justice par de nombreux experts, même à l'international. Ces experts insistent sur le fait que la notion de contrôle coercitif est indissociable avec la définition de la violence conjugale et qu'une reconnaissance de cette notion dans le Code criminel canadien aurait aussi pour conséquence de déclencher les mécanismes de sensibilisation et de formation nécessaires aux professionnels et intervenants des milieux qui travailleront directement auprès des victimes ainsi qu'aux fonds afférents.
C'est sans oublier qu'il faudra avoir une réflexion sur la violence familiale. En plus des féminicides, 14 enfants seraient morts l'an dernier dans un contexte de violence conjugale.
Sur l'importance de l'utilisation du bracelet, Mme Lemeltier du Regroupement des maisons pour femmes victimes de violence conjugale précise qu'on peut penser que la violence conjugale s'arrête au moment où la femme quitte le domicile conjugal, mais ce n'est pas le cas. La violence prend plutôt une autre forme, qu'on appelle la violence conjugale postséparation. Cette forme de violence peut se traduire par plusieurs gestes, notamment le harcèlement sur les médias sociaux, le fait de continuer d'exercer un contrôle financier, de garder les documents d'immigration de la femme ou de refuser la supervision des droits d'accès, laquelle permet d'assurer aussi la sécurité des enfants.
Le contrôle se poursuit et s'accentue au fil du temps. Le moment qui suit la séparation est le plus dangereux pour les femmes et pour leurs enfants. Les modifications proposées par le projet de loi à la Loi sur les juges sont donc en conformité avec les positions du Bloc québécois dans la mesure où elles servent à accroître la protection des plaignantes et des plaignants. Cette question de la sécurité des victimes est cruciale.
Ici, la modification vise à étendre la formation des juges en matière d'agressions sexuelles de sorte qu'ils aient une compréhension plus approfondie lorsqu'il s'agit de violence entre partenaires intimes, en y ajoutant la notion de contrôle coercitif.
On est en droit de croire qu'une meilleure compréhension de la part des juges améliorera la protection et la sécurité des victimes de violence de la part d'un partenaire intime, notion que j'ai tenu à ajouter dans notre étude en comité.
Ma formation politique accueille toute mesure qui vise à augmenter la sécurité des partenaires victimes de violence conjugale et déplore du fait même toute violence entre partenaires intimes, dont les victimes sont le plus souvent des femmes. Nous sommes solidaires de la lutte contre la violence conjugale et contre les féminicides, qui ont connu une triste et inacceptable recrudescence durant cette pandémie.
Nous souhaitons également la tenue d'une commission d'enquête sur la prévention, l'encadrement législatif et la lutte contre les violences familiales qualifiées de crimes d'honneur. Ce sont d'autres souhaits que nous avons pour le futur.
De plus, nous exigeons que le fédéral contribue financièrement aux efforts du gouvernement du Québec en matière de prévention de la violence. Durant la campagne électorale de l'automne 2021, le Bloc a soutenu que les fonds pour la lutte contre la violence conjugale devraient être puisés à même les transferts canadiens en matière de santé, dont l'augmentation de 28 milliards de dollars devrait être immédiate et sans condition. Des investissements à long terme permettront aussi un changement générationnel essentiel dans cette lutte.
De plus, les procès touchant aux crimes de nature sexuelle sont très influencés par la formation et la compétence des juges. II va de soi que la formation continue des juges sur le droit relatif aux agressions sexuelles doit être actualisée. Le Bloc appuie ce type de projet sans équivoque depuis que le sujet a été abordé à la Chambre en 2020.
Ce projet de loi respecte une récente recommandation du Comité permanent de la justice et des droits de la personne. Dans son rapport publié le 7 avril 2022, intitulé La pandémie de l'ombre: mettre fin aux comportements coercitifs et contrôlants dans les relations intimes, le Comité recommande que le gouvernement fédéral engage un dialogue avec les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que d'autres intervenants touchés pour promouvoir et financer une campagne pour sensibiliser le public aux comportements coercitifs et contrôlants et offrir une formation sur la dynamique de ces comportements aux acteurs du système judiciaire, notamment aux corps policiers, aux avocats et aux juges. La formation doit être adaptée aux traumatismes vécus, intégrer les perspectives intersectionnelles et être accompagnée d'outils et de politiques pour appuyer les interventions à cet égard.
Au Comité permanent de la condition féminine, Mme Pamela Cross, directrice juridique de Luke's Place, un centre d'aide et de services pour les femmes et les enfants, a même rappelé que tant que les intervenants des systèmes de justice criminelle et de droit de la famille ne saisiront pas complètement la réalité de la violence familiale et à quel point elle est répandue, tant qu'ils ne comprendront pas qu'elle ne se termine pas avec la séparation et que beaucoup de pères utilisent leurs enfants et en font des armes pour s'en prendre à leurs partenaires, les refuges canadiens continueront de refuser chaque année 500 femmes et leurs enfants et les décès de telles femmes et de leurs enfants se poursuivront.
Les experts entendus au Comité permanent de la condition féminine soutiennent tous l'importance de la formation. Comme l'a martelé M. Simon Lapierre, professeur titulaire en service social à l'Université d'Ottawa et qui a aussi témoigné au Comité permanent de la justice et des droits de la personne:
Le fait de mieux arrimer le système judiciaire et le domaine psychosocial m'apparaît très important. Par-dessus tout, il faut comprendre que, même si on met en place beaucoup de mesures, bon nombre d'entre elles n'atteindront malheureusement pas leur plein potentiel si ce n'est pas accompagné de formation adéquate destinée à l'ensemble des acteurs du système, notamment les intervenants sociaux, les policiers, les avocats et les juges.
La question de la formation est extrêmement importante et elle devrait s'étendre partout au pays. M. Simon Lapierre soulignait aussi qu'il est important de renforcer la notion même de contrôle coercitif. Cette notion a déjà été mise en place avant l'entrée en vigueur de la Loi sur le divorce, mais il soutient qu'on devrait l'inscrire aussi dans le Code criminel. De plus, elle doit absolument être accompagnée de programmes de formation destinés à l'ensemble des acteurs des différents secteurs, ce qui inclut les juges, et il faudrait avoir une vision cohérente de la violence conjugale, notamment en ce qui concerne les services de protection de la jeunesse, partout au pays.
En terminant, je tiens à souligner le travail incroyable de toute l'équipe d'un organisme de chez nous, la Maison Alice-Desmarais, qui vient en aide aux femmes victimes de violence conjugale et à leurs enfants. La semaine dernière, l'organisme ouvrait un nouveau duplex. C'est une bonne nouvelle, parce que toute une communauté s'est mobilisée pour la cause, mais c'est en même temps une mauvaise nouvelle, parce que les besoins demeurent grands. Une victime de plus, c'est une de trop.
Tous étaient d'accord pour dire que les organismes communautaires qui viennent en aide aux femmes victimes de violence conjugale ont besoin d'aide supplémentaire. Nous aurons beau avoir la meilleure formation des juges possible et des bracelets électroniques pour un meilleur suivi de sécurité, il faut des organismes pour venir en aide aux victimes et il faut les soutenir en tant que société.
Aidons-nous ici à la Chambre à les aider sur le terrain au quotidien, ainsi que les victimes et leurs enfants.
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Madame la Présidente, c'est un honneur de prendre la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi , Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les juges, qui exigera que les nouveaux juges reçoivent une formation continue sur la violence entre partenaires intimes et, lorsque c'est nécessaire, que les personnes reconnues coupables de violence contre un partenaire intime portent un bracelet électronique.
Avant d'entrer dans le vif du sujet, j'aimerais saluer Jennifer Kagan-Viater, qui a perdu sa fille Keira Kagan, victime de la violence entre partenaires intimes. Je sais que le projet de loi ne va pas assez loin pour rendre réellement hommage à sa fille. Ce n'est que le premier de plusieurs pas qu'il faudra faire pour mettre fin à la violence contre les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre.
C'est un problème qui s'est aggravé pendant la pandémie, à l'égard duquel les tenants du pouvoir font la sourde oreille et continuent de nous forcer à réclamer une justice graduelle alors que la violence coûte des vies. Cette violence est souvent cachée parce que les victimes sont stigmatisées et que sa gravité est minimisée par les personnes chargées d'assurer la sécurité, notamment les juges, qui sont souvent peu sensibilisés au problème et ignorent les signes qui accompagnent ce genre de comportement. C'est ce qui est arrivé dans le cas de Jennifer Kagan-Viater, qui a exprimé ses inquiétudes au sujet de la sécurité de sa fille lors de ses rencontres avec son père. Malheureusement, les juges ont ignoré les inquiétudes de cette mère qu'ils ont considérée comme une manipulatrice et une ex-épouse vindicative, stéréotype qu'on accole souvent aux femmes qui expriment des craintes de violence. Or, cette attitude a coûté la vie à Keira. Par conséquent, ce projet de loi ne va pas assez loin, dans la mesure où il exige uniquement que les nouveaux juges, non les juges déjà en fonction, suivent une formation qui, de toute évidence, aurait permis de sauver la vie de Keira.
La formation des juges doit être adaptée en fonction des réalités culturelles et de la réalité des personnes qui sont victimes de violence. Il doit s'agir d'une formation complète qui tient compte des différents contextes sociaux et culturels. La formation doit aussi mieux renseigner les juges sur la corrélation entre la violence conjugale et d'autres formes d'oppression, y compris le racisme, le sexisme, le capacitisme et l'homophobie. Par exemple, lorsqu'il est question de la violence fondée sur le sexe envers les femmes, les enfants et d'autres personnes au sein d'un groupe d'immigrants ou de réfugiés, le juge doit être bien au fait non seulement de la façon dont cette violence touche les personnes, mais aussi de la façon dont la corrélation entre diverses identités a pour effet de marginaliser encore davantage ces personnes, au point de causer, dans bien des cas, des inégalités d'accès à des ressources, des services et des mesures d'aide adaptées en fonction des réalités culturelles.
Il est bien connu que les femmes, les filles, les Autochtones et les membres de la communauté 2ELGBTQQIA+ sont déjà mal accueillis au sein des systèmes judiciaires. Pour s'en convaincre, il suffit de lire le rapport de l'enquête sur la justice autochtone, le rapport de la Commission de vérité et réconciliation, le rapport de l'Enquête nationale sur les femmes et les filles autochtones disparues et assassinées ainsi que le rapport produit plus récemment par l'Alliance canadienne féministe pour l'action internationale. Il est temps que les juges reçoivent une formation pour être mieux renseignés sur les traumatismes. Cette initiative doit être menée par des survivants d'actes de violence et des travailleurs de première ligne. La formation doit s'appuyer sur des approches de lutte contre le racisme et l'oppression.
La violence contre un partenaire intime constitue une crise au pays, et l'inaction gouvernementale pour la contrer est révélatrice. Aujourd'hui, nous avons l'occasion de promulguer une nouvelle loi. Il s'agit d'un petit pas en soi, mais d'une étape importante pour s'attaquer à la violence.
Au Canada, tous les six jours, une femme est tuée par son partenaire intime. En 2018, 44 % des femmes disaient avoir subi au cours de leur vie une forme quelconque de violence psychologique, physique ou sexuelle commise par un partenaire intime. Ces taux de violence augmentent dans certaines régions du Canada. Par exemple, les femmes et les filles du Nord sont victimes de crimes violents quatre fois plus que l'ensemble de la population canadienne, et les taux de violence contre un partenaire intime que subissent les femmes vivant en région rurale sont 75 % plus élevés que ceux des femmes vivant en région urbaine. Pourtant, rien n'est fait. Nous traversons une épidémie de violence, et la réponse du gouvernement continue de ne pas tenir compte de la gravité de la crise dans laquelle nous nous trouvons. Les exhortations au soutien et à la modification des lois pour mieux protéger les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre se butent à des excuses cherchant à expliquer leur empêchement. Tout cela est particulièrement alarmant, étant donné que le actuel se proclame féministe et chef d'un gouvernement prétendument féministe. Pourtant, les demandes d'action et de soutien à l'égard de cette violence tombent souvent dans l'oreille d'un sourd.
Trop peu de fonds sont investis pour s'attaquer à ce problème. Pourtant, le gouvernement arrive à réserver une enveloppe de 2,6 milliards de dollars dans le budget de cette année pour les subventions aux combustibles fossiles. Combien de milliards de dollars ont servi à remplir les poches des grandes pétrolières depuis 2015 alors que des femmes, des filles et des personnes de diverses identités de genre continuent à être victimes de violence, parfois au prix de leur vie? Combien de milliards de dollars ont servi à acheter des armes militaires alors que cette violence continue de causer la mort de femmes, de filles et de personnes de diverses identités de genre?
L'inaction et le soutien inadéquat dans ce dossier sont injustifiables, que l'on pense au renforcement des lois pour contrer les problèmes de violence ou à l'octroi des ressources nécessaires afin que les collectivités puissent offrir l'aide et les services requis pour sauver des vies.
Ces problèmes sont encore plus criants dans certaines populations, y compris les communautés autochtones, noires et de couleur, les femmes trans et les femmes handicapées. Selon Statistique Canada, au moins 25 % des femmes noires, autochtones ou racisées ont été victimes de violence entre partenaires intimes au cours des 12 derniers mois; trois femmes trans sur cinq ont subi ce type de violence avant l'âge de 16 ans; les femmes handicapées sont trois fois plus susceptibles d'être victimes de cette violence que les femmes qui vivent sans handicap, une situation qui est aggravée par les obstacles supplémentaires à l'accès aux services.
Ces chiffres sont encore plus alarmants pour les femmes autochtones. Au total, 61 % des femmes autochtones ont déclaré avoir subi une forme ou une autre de violence entre partenaires intimes au cours de leur vie. Le taux de meurtre des femmes autochtones est près de sept fois plus élevé que celui des femmes non autochtones. Les femmes et les filles autochtones sont 12 fois plus susceptibles d'être assassinées ou portées disparues que toute autre femme au Canada. Par rapport aux femmes blanches, elles sont 16 fois plus susceptibles d'être assassinées ou portées disparues.
Combien d'argent a été prévu dans le budget de 2022 pour lutter contre le génocide qui continue d'être perpétré contre les femmes et les filles autochtones, ainsi que les personnes 2ELGBTQQIA+? Pas un sou. Pourtant, les besoins sont grands, surtout dans ma circonscription, Winnipeg—Centre, où notre population supplie depuis plus de 10 ans qu'on crée un espace sûr peu restrictif ouvert 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Nous attendons encore. Entretemps, les femmes continuent d'être assassinées, comme c'est arrivé à deux femmes la semaine dernière.
Je souhaite rendre hommage à Rebecca Contois et à Doris Trout, qui ont été abandonnées par le système et les gens au pouvoir. Aujourd'hui, je tiens à leur rendre hommage, à elles, à leurs amis et à leur famille. Je continuerai à me battre pour que ma collectivité obtienne l'espace sûr qu'elle réclame afin que les esprits de ces deux femmes y soient toujours à l'abri.
Tel que je j'ai indiqué au début de mon intervention, ce projet de loi est un début, mais le gouvernement doit en faire davantage pour s'assurer que toutes les femmes, les filles et les personnes de diverses identités de genre puissent vivre dans la dignité et dans la sécurité. C'est un début.
Il a été démontré que l'utilisation de dispositifs de surveillance à distance aide les survivants d'actes de violence à se sentir plus en sécurité, en plus de dissuader les agresseurs de s'approcher des victimes de violence et de les blesser. Nous devons veiller à ce que ces dispositifs soient disponibles partout au Canada, y compris dans les régions rurales et éloignées.
Le gouvernement doit aussi appuyer sans délai l'accès équitable aux services, car même si les problèmes liés à l'infrastructure pour les dispositifs de surveillance électronique sont réglés, s'il n'y a pas d'améliorations et de fonds supplémentaires pour les ressources, les services de soutien communautaires, les services d'urgences — et des formations adaptées aux différences culturelles pour ces services —, les dispositifs de surveillance électronique ne pourront pas répondre à eux seuls aux besoins des victimes d'actes violents dans les régions rurales et éloignées.
Il faut élaborer des approches holistiques pour contrer la violence entre partenaires intimes, notamment en s'appuyant sur les recommandations de l’organisme Ending Violence Association of Canada, qui a organisé une consultation des spécialistes des services de première ligne en matière de violence sexuelle et des organismes connexes partout au pays. Leurs recommandations ont permis d'établir les priorités suivantes pour élaborer un plan d'action national visant à mettre fin à la violence fondée sur le genre: fournir un financement de base stable; développer de solides infrastructures sociales intersectorielles, notamment pour créer un cadre environnemental qui sera indispensable pour la prévention et pour créer des logements à supervision minimale et des refuges sécuritaires; inclure les notions de surveillance et de transparence dans les formations à l'intention de l'appareil judiciaire, tout en luttant contre les obstacles systémiques qui marginalisent encore davantage les victimes de violence; soutenir les approches et les solutions proposées par les Autochtones; et pour finir, mettre en œuvre les 231 appels à la justice.
Si l'on ne déploie pas les moyens nécessaires pour développer, financer et créer des programmes et des services communautaires pour sortir les gens de leur situation et pour défendre leurs droits — en particulier ceux qui ont été victimes de violence —, on ne pourra pas mettre fin au cycle de la violence et de la maltraitance. Toutefois...
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Madame la Présidente, je suis honorée de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi . J'aimerais d'abord remercier la députée de d'avoir fait de ce projet de loi une priorité et de l'avoir présenté. Tout au long de sa carrière, elle a défendu avec ardeur l'intérêt des victimes de violence familiale ou de violence contre un partenaire intime, qu'elles subissent de la violence physique ou souffrent en silence en raison de mauvais traitements émotionnels et psychologiques, car le contrôle coercitif est tout aussi dommageable que la violence physique et mène, dans bien des cas, à des conséquences violentes, voire mortelles après de longues années de souffrance en silence.
La députée comprend que pour prévenir cette violence infligée derrière des portes closes à trop de partenaires et d'enfants au Canada, il faut éduquer et former les juges afin qu'ils utilisent efficacement les outils juridiques à leur disposition pour protéger les personnes les plus vulnérables, car, dans bien des cas, à l'heure actuelle, le système judiciaire abandonne ces personnes vulnérables à leur sort.
Lorsque la députée d' et moi avons parlé de l'histoire de Keira Kagan à la députée, elle a compris, elle a compati et elle a trouvé du temps pour la question dont nous débattons aujourd'hui. Nous connaissons l'histoire de Keira Kagan: c'est cette petite fille brillante comme une étoile qui a perdu la vie dans une tragédie qui aurait pu être évitée. Comme d'autres l'ont déjà fait, je souligne que, hier, cette petite fille aurait fêté ses 7 ans. Certains ont déjà parlé, à la Chambre, des innombrables efforts déployés par sa mère, la Dre Jennifer Kagan-Viater, et par son beau-père, Phil Viater. Il s'agissait d'un appel à la justice dans un système par des parents qui cherchaient à faire tout en leur pouvoir pour atteindre l'objectif que toute mère porte en son for intérieur: protéger son enfant.
Nous avons répondu à cet appel. Pour de nombreuses personnes, c'était comme une sonnette d'alarme, notamment pour de proéminents défenseurs des femmes de ma circonscription, York‑Centre, et d'ailleurs au pays qui ont cessé de demander et qui ont commencé à exiger que la lumière soit faite sur cette forme répandue de maltraitance afin qu'on la nomme et qu'on la connaisse pour ensuite utiliser les outils à notre disposition pour protéger la population.
À chacun des petits et grands organismes de ma circonscription, de Tikvah Toronto au North York Women’s Shelter, aux défenseurs locaux des femmes immigrantes et racialisées, au Conseil national des femmes juives du Canada, section de Toronto, ainsi qu’aux nombreux parents et aux organismes axés sur les victimes d’un océan à l’autre, je peux dire clairement et avec gratitude, alors que nous entamons les dernières heures de débat à la Chambre, qu’ils ont été entendus.
C’est un événement rare, mais incroyablement satisfaisant lorsque nous obtenons un consensus de part et d’autre de la Chambre. Lorsque nous y arrivons, nous savons que c’est parce que nous avons entendu l’appel de l’ensemble des Canadiens.
Le projet de loi a d’abord été déposé au début de février. Il a franchi l’étape de la deuxième lecture et a été renvoyé au comité en avril, dans un effort concerté visant à modifier le calendrier et à l’incorporer aux travaux importants du comité avant mai. Je remercie la députée d’, la présidente du comité de la condition féminine. Comme bon nombre d’entre nous, elle a compris l’importance du projet de loi et il faut souligner la coopération et le leadership dont elle et les députés d’en face ont fait preuve au moment où nous étudions le projet de loi.
Une grande partie du travail qui se fait dans le cadre du processus législatif comprend de nombreuses conversations et courriels, la coordination des témoins et des intervenants, la formulation des questions les plus difficiles et l’analyse des principaux enjeux ici et au comité. Chacun des députés dont j’ai parlé a joué un rôle clé dans l’apprentissage et l'information relativement au projet de loi .
Le projet de loi vise deux éléments clés de l’éducation et des outils législatifs. Il modifie la Loi sur les juges afin d’élargir la formation des juges, qui couvre actuellement des sujets comme les agressions sexuelles et le contexte social, pour inclure le contrôle coercitif dans un cadre de violence familiale. Il modifie le Code criminel afin que le juge ait l'obligation, avant de rendre une ordonnance de mise en liberté à l'égard d'un prévenu inculpé d'une infraction contre son partenaire intime, de considérer s'il est souhaitable d'imposer à ce prévenu de porter un dispositif de surveillance à distance.
Par ce processus, nous avons fait la lumière sur la définition du contrôle coercitif. Une partie importante de ce projet de loi vise à sensibiliser les gens au fait que, même si les formes physiques de violence entre partenaires intimes et de violence familiale sont bien connues et faciles à détecter, il existe d’autres formes cachées de violence psychologique qui ne sont pas toujours reconnues comme de la violence.
Le contrôle coercitif peut souvent être un indicateur précoce que des relations abusives se transformeront en cas de violence physique, voire mortelle. Une étude sur les féminicides menée entre 2015 et 2019 a révélé que les comportements coercitifs et contrôlants, comme le harcèlement criminel, l’isolement et les menaces, étaient souvent présents dans de tels cas. En moyenne, une femme est tuée par un partenaire intime tous les six jours au Canada.
Les comportements de contrôle coercitif visent à isoler, humilier, exploiter ou dominer une victime. Cela peut comprendre la violence psychologique, verbale et financière, l’isolement, comme le fait d’empêcher quelqu’un d’aller au travail ou à l’école, ou le fait de limiter son accès aux ressources financières.
Cette chaîne invisible de comportements s’intensifie et peut se trahir par des signes avant-coureurs, lorsqu'on les connaît. Ces signes comprennent la surveillance des mouvements, la coercition sexuelle, les menaces de faire du mal à un enfant et la restriction de l’accès à l’argent ou même à la nourriture. Cette description du contrôle coercitif ne fait qu’effleurer le contenu de la formation que devront suivre les juges dans ce qui a été jusqu’à présent un aspect obscur du système judiciaire. Les victimes sont à cheval sur les systèmes de justice familiale et pénale, et les répercussions sur les enfants sont terribles, voire mortelles.
Nous comprenons maintenant la pathologie de cette forme de violence entre partenaires intimes. Elle est invisible et brutalement délétère. Ses victimes sont les partenaires et les enfants de ces couples au sein desquels la dépendance, la vulnérabilité et les enfants eux-mêmes deviennent des armes. Nous ne pouvons plus détourner le regard.
Le deuxième aspect du projet de loi concerne la possibilité d’utiliser la surveillance électronique comme outil de dissuasion. Dans le cas de Keira Kagan, son père faisait l’objet de 53 ordonnances des tribunaux. Aucune n’a finalement permis de la mettre à l’abri du danger. Ce que nous savons, c’est que la sensibilisation et la mise en œuvre vont de pair, et c’est l'objectif du projet de loi à l'étude. C’est un début.
Il y a ceux qui considèrent ces modifications comme une première étape. Nous avons entendu de nombreux défenseurs nationaux qui ont exprimé leurs préoccupations quant à la mise en œuvre de la surveillance électronique, ses paramètres et les personnes qui y seraient soumises. Il y a sans doute encore du travail à faire; il y en a toujours, mais nous devons commencer et nous l’avons fait.
Avec ce projet de loi, le contrôle coercitif et ce qu'il implique feraient partie intégrante de notre système législatif. On aurait ainsi les outils nécessaires pour sensibiliser les acteurs du système judiciaire à ce sujet et pour leur permettre de reconnaître sa présence, le cas échéant, dans les affaires saisies par les tribunaux. Ils disposeraient d’outils de dissuasion susceptibles de prévenir l’escalade de la violence dans un cycle qui ne s’arrête pas à la séparation d’un couple.
Nous devons en parler, et le projet de loi a ouvert la discussion à l’échelle nationale, de sorte que la formation des juges puisse créer un précédent pour la discussion du contrôle coercitif et des outils de dissuasion nécessaires dans d’autres aspects de notre système, notamment en ce qui concerne les avocats, les travailleurs sociaux, les travailleurs de la santé ou les nombreux aspects de notre système qui visent à protéger les victimes et les enfants.
Nous emboîtons le pas à d’autres pays qui font ce travail et explorent la sensibilisation au contrôle coercitif et, dans certains cas, sa criminalisation. Cela va de l’Australie, où des études ont été réalisées dès 2020 sur l’incidence et l’éventuelle criminalité de ce genre de comportements dans le cadre de la violence familiale, jusqu'au Royaume‑Uni, dont l’article 76 érige en infraction le comportement de contrôle coercitif dans une relation familiale intime.
Même ici, en Ontario, il y a un cas plus récent que ceux mentionnés précédemment: l’ancien projet de loi , qui visait à mettre à jour la définition de la « violence familiale » dans la Loi sur le divorce pour y inclure le « comportement coercitif et dominant ». Les discussions et le travail ont commencé afin qu'on puisse s'assurer que les victimes ne sont pas laissées sans protection.
Chaque matin, je me réveille et je consacre un peu de temps à la tradition juive du Daf Yomi, où une communauté entière étudie chaque jour une page du Talmud, dont l'étude complète se fera ainsi sur un cycle de sept ans et demi. Nous passons en revue le recueil de la loi juive qui a évolué au cours de milliers d’années, en étudiant chaque débat, chaque petit changement et sa préparation au suivant. On nous amène à apprendre d’abord beaucoup de choses, puis à chercher à les comprendre en profondeur.
Cette pratique quotidienne est une belle leçon d'humilité et me rappelle que, chaque jour à la Chambre, nous nous efforçons de créer le changement, et que le travail que nous accomplissons tous les jours ici est un petit pas qui ouvre des possibilités, comme l’a fait la députée de , et qui nous aide à mieux comprendre comment nous pouvons protéger notre collectivité et tous ses membres, surtout les plus vulnérables, et assurer leur sécurité. C’est une responsabilité profonde et un privilège de faire ce travail, et nous devons le faire. Pour les nombreuses victimes de maltraitance, les familles, les partenaires et les enfants, nous leur devons de les protéger et, oui, nous le devons à Keira Kagan.