Passer au contenu
Début du contenu

PROC Rapport du Comité

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

PDF

HOC_crest

41e Législature, Première Session

Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a l’honneur de présenter son

QUARANTE-DEUXIÈME RAPPORT

Le Comité, responsable des questions concernant le Règlement, la procédure et les pratiques de la Chambre et de ses comités aux termes du sous-alinéa 108(3)a)(iii) du Règlement, a commencé une  étude sur le privilège parlementaire dans le contexte des demandes d’accès à l’information, et il est heureux de présenter le rapport suivant à ce sujet.

Le privilège parlementaire et l’accès à l’information gouvernementale sont deux principes fondamentaux du régime gouvernemental canadien qui permettent de garantir que notre démocratie est et demeure saine et vigoureuse.

Dans un régime parlementaire de type britannique comme le nôtre, il est acquis que la Chambre des communes et les députés jouissent de certains droits, exemptions, immunités et privilèges qui protègent leur indépendance dans le contexte de leurs fonctions constitutionnelles. Le privilège parlementaire et les droits et immunités qu’il confère sont le produit d’une lutte de plusieurs siècles menée par la Chambre des communes britannique pour affirmer son indépendance et définir son rôle particulier au sein du Parlement.

Édictée en 1982, la Loi sur l’accès à l’information concrétise le principe que l’information détenue par le gouvernement doit être mise à la disposition de la population. C’est un instrument essentiel qui renforce certains des droits et libertés garantis par la Charte canadienne des droits et libertés comme les droits démocratiques et la liberté d’expression. L’accès à l’information gouvernementale constitue par ailleurs un outil efficace dans un régime où les élus et les fonctionnaires doivent rendre compte à la population.

Le privilège parlementaire peut parfois sembler incompatible avec les valeurs et principes modernes. Le Comité estime pour sa part que les droits et immunités que confère le privilège parlementaire continuent d’être utiles aux députés dans l’exercice de leurs fonctions constitutionnelles. Par ailleurs, votre Comité est d’avis que le privilège parlementaire peut être exercé sans pour autant porter atteinte indûment à d’autres principes fondamentaux de notre régime démocratique, comme la liberté d’accès à l’information que possède le gouvernement, même quand celle-ci concerne les délibérations parlementaires.

Contexte

En juin 2012, le Bureau du vérificateur général a reçu une demande aux termes de la Loi sur l’accès à l’information sollicitant la production de « tous les courriels relatifs à la comparution du vérificateur général devant des comités parlementaires entre le 17 janvier et le 17 avril 2012 ». Les 20 et 21 juin 2012, cinq comités permanents ont reçu un avis aux tiers adressé à leur greffier et les informant, aux termes de l’article 27 de la Loi sur l’accès à l’information, du contenu de la demande d’accès à l’information. Le 21 juin 2012, la Chambre des communes s’est ajournée au 17 septembre 2012. Des échanges se sont ensuivis entre le vérificateur général et le Bureau du légiste et conseiller parlementaire, ce dernier s’opposant à la remise des documents en question au demandeur au motif qu’ils relèvent des délibérations parlementaires et sont par conséquent protégés par le privilège parlementaire. Le 21 août 2012, la Chambre des communes a été informée de la décision du vérificateur général de communiquer les documents demandés malgré les arguments fondés sur le privilège parlementaire puisque le privilège ne figurait pas parmi les exceptions énumérées dans la Loi. Le 7 septembre 2012, le Bureau du légiste et conseiller parlementaire a déposé auprès de la Cour fédérale un avis de demande de contrôle judiciaire pour le compte de la Chambre des communes afin d’empêcher la communication des documents tant que la question constitutionnelle de l’application du privilège parlementaire aux demandes d’accès à l’information n’aurait pas été résolue.

Le 17 septembre 2012, le premier jour de séance après le congé d’été, la Chambre des communes a, par résolution, renoncer à son privilège concernant la demande d’information. Ainsi, il a été résolu à l’unanimité :

Que, ayant étudié la nature d'une demande faite au vérificateur général en vertu de la Loi sur l'accès à l'information, la Chambre des communes renonce à ses privilèges relativement à tous les courriels transmis entre le 17 janvier et le 17 avril 2012 et portant sur la comparution du vérificateur général devant un comité parlementaire; que le Président soit autorisé à communiquer cette résolution au vérificateur général.

Immédiatement après l’adoption de cette résolution, le Président de la Chambre des communes a fait une déclaration spéciale dans laquelle il expliquait que les fonctionnaires de la Chambre et lui avaient agi conformément aux précédents établis dans des cas similaires. Il a souligné que, en tant que Président, il était le gardien des droits et privilèges de la Chambre et des députés. Il a aussi proposé que « le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre examine la question rapidement et de manière approfondie » (Débats, p. 10004‑10006). En conséquence, le Comité a décidé d’entreprendre l’étude de la question.

Témoignages

Le 16 octobre 2012, le sous-greffier de la Chambre des communes, M. Marc Bosc, et le légiste adjoint et conseiller parlementaire, M. Richard Denis, ont comparu devant le Comité auquel ils ont fait le compte rendu des faits pertinents dans cette affaire et donné un aperçu des règles qui régissent l’accès à l’information, et des rapports entre l’accès à l’information et le privilège parlementaire. Le 22 novembre 2012, Suzanne Legault, commissaire à l’information du Canada, et Michel W. Drapeau, professeur à la Faculté de droit de l’Université d’Ottawa, se sont présentés devant le Comité. Mme Legault a aussi fait des représentations écrites au Comité. M. Drapeau et elle ont parlé du régime d’accès à l’information au Canada. Le 6 décembre 2012, Audrey O’Brien, greffière de la Chambre des communes et, encore une fois, Richard Denis, légiste adjoint et conseiller parlementaire, ont comparu devant le Comité.

Il ressort des témoignages présentés au Comité deux approches différentes concernant la relation entre le privilège parlementaire et l’accès à l’information. Mme Legault et M. Drapeau ont affirmé qu’il n’existe pas de fondement juridique permettant d’interdire la communication de documents visés par le privilège parlementaire, car le privilège parlementaire n’est pas une exemption ou une exception prévue par la Loi sur l’accès à l’information. En revanche, la greffière, le sous‑greffier et le légiste adjoint et conseiller parlementaire de la Chambre des communes ont indiqué, en se référant au caractère constitutionnel du privilège parlementaire, que la Loi doit être appliquée et interprétée en conformité avec la Constitution et qu’elle ne doit donc pas porter atteinte aux privilèges de la Chambre et de ses députés.

Le Comité sait gré aux témoins de leur apport.

Le privilège parlementaire

Suivant Erskine May’s Treatise on the Law, Privileges, Proceedings and Usage of Parliament (« Parliamentary Practice »), le privilège parlementaire « est la somme des droits particuliers à chaque chambre, collectivement […] et aux membres de chaque chambre individuellement, faute desquels il leur serait impossible de s’acquitter de leurs fonctions. Ces droits dépassent ceux dont sont investis d’autres organismes ou particuliers » (24e éd. (2011), p. 203).

Le privilège parlementaire est issu des dispositions de la Loi constitutionnelle de 1867, plus précisément celles qui figurent dans le préambule et à l’article 18. Ainsi, s’appuyant sur ce dernier, les deux Chambres du Parlement ont revendiqué l’intégralité des privilèges parlementaires dont jouissait la Chambre des communes du Royaume-Uni à l’époque de la Confédération par l’article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada. Le privilège parlementaire étant ancré dans la Loi constitutionnelle de 1867, il jouit d’un statut constitutionnel égal à celui des autres éléments de la Constitution du Canada, incluant la Charte canadienne des droits et libertés.

Puisque les privilèges parlementaires font partie de la Constitution, les lois doivent être interprétées et appliquées en conformité avec eux, et si des dispositions législatives sont incompatibles, elles deviennent « inopérantes » dans la mesure de cette incompatibilité. Le principe du constitutionnalisme est un postulat fondamental et un principe organisateur de la structure constitutionnelle du Canada, et il est clairement énoncé au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982 : « La Constitution du Canada est la loi suprême du Canada; elle rend inopérantes les dispositions incompatibles de toute autre règle de droit. »

Les tribunaux ont reconnu le statut constitutionnel particulier du privilège parlementaire et les limites qu’il impose à leur propre compétence et à celle du pouvoir exécutif. Ils acceptent de ne pouvoir remettre en question le bien-fondé de l’exercice d’un privilège une fois qu’il est établi. Seul le Parlement peut juger du caractère approprié de l’exercice des privilèges.

Les privilèges de la Chambre confèrent à celle-ci notamment le droit exclusif de réglementer ses affaires internes, ce qui englobe le droit d’être maître de ses débats dans l’exécution de ses fonctions constitutionnelles. Comme on l’indique dans Erskine May’s Parliamentary Practice, la Chambre jouit d’une « compétence exclusive sur ses propres délibérations » et elle conserve « le droit d’être seul juge du caractère licite de ses délibérations et d’établir ses propres codes de procédure, ainsi que de déroger à ceux-ci » (24e éd. (2011), p. 227). Ce privilège est bien ancré dans notre régime parlementaire. En 1689, le Bill of Rights du Royaume-Uni conférait au Parlement une compétence exclusive sur ses propres délibérations, précisant que les délibérations du Parlement ne pouvaient être contestées ou mises en cause devant un tribunal quelconque ni ailleurs qu’au Parlement (article 9). Le droit de la Chambre de réglementer ses propres délibérations est au cœur de la séparation des pouvoirs fondamentale prévue dans la Constitution et garantit l’autonomie du pouvoir législatif vis-à-vis du pouvoir exécutif et du pouvoir judiciaire.

Le droit exclusif de la Chambre de réglementer ses délibérations s’étend aussi aux comités et est à la base du principe souvent entendu voulant que les comités « sont maîtres de leurs délibérations » ou « sont maîtres de leur procédure », sous réserve évidemment des limites imposées par la Chambre. Les comités parlementaires sont une création de la Chambre, et leurs pouvoirs sont ceux que la Chambre leur a conférés aux termes du Règlement ou d’un ordre spécial. Ils répondent de leurs délibérations devant la Chambre, et seulement devant la Chambre.

La lex parliamentaria canadienne ne contient pas de définition de référence unique de ce que l’on entend par « délibérations parlementaires ».

Dans Le privilège parlementaire au Canada, Joseph Maingot explique que, « [a]u sens parlementaire, les « délibérations » désignent les événements et les actions conduisant à une mesure officielle, notamment une décision, prise collectivement par la Chambre. Ces actions et ces événements, ainsi que l'ensemble du processus par lequel la Chambre prend une décision (dont la partie principale est appelée « débats »), constituent des « délibérations ». Maingot précise aussi que toutes les activités secondaires qui accompagnent nécessairement l’adoption des lois, de même que les autres éléments de procédure comme les pétitions, les questions, les avis de motion, et ainsi de suite, font aussi partie des « délibérations parlementaires » (2e éd. (1997), p. 82).

La procédure et les usages de la Chambre des communes (2e éd. (2009), p. 91-92) et Maingot (2e éd. (1997) p. 82) renvoient aussi à la définition énoncée dans Erskine May’s Parliamentary Practice :

Le mot « délibérations », dans le sens premier qu’on lui donne dans le langage parlementaire [...], désigne une activité officielle, généralement en vue de prendre une décision, accomplie par la Chambre dans l’exercice de sa compétence collective. Si les activités qui entourent les actions et les décisions de la Chambre font indiscutablement partie des délibérations, le débat en est un élément intrinsèque reconnu comme tel par son inclusion dans le libellé de l’article IX [du Bill of Rights de 1689]. C’est généralement en s’exprimant verbalement qu’un député prend part à ces délibérations, mais également en posant divers actes officiellement reconnus, comme voter, donner avis d’une motion ou encore présenter une pétition ou un rapport de comité, la plupart de ces actes permettant de faire l’économie du temps de parole au cours des délibérations.

Les fonctionnaires de la Chambre participent à ses délibérations principalement en donnant suite aux ordres de la Chambre, qu’ils soient généraux ou particuliers. Les simples citoyens peuvent également participer aux délibérations de la Chambre, par exemple en comparaissant devant elle ou devant l’un de ses comités, ou encore en veillant à la présentation de pétitions (24e éd. (2011), p. 235-236).

En résumé, les « délibérations parlementaires » englobent toutes les actions accomplies dans le contexte du déroulement des travaux de la Chambre et de ses comités, ainsi que toutes celles qui y sont accessoires ou incidentes. Ainsi, les discours (débats), les avis de motion, les témoignages verbaux, les mémoires, pour ne donner que ces exemples, font tous partie des délibérations. Les documents rédigés en prévision des travaux de la Chambre ou d’un comité comme des notes d’information, des notes de discours ou des échanges de courrier avec des fonctionnaires de la Chambre ou d’un comité font aussi partie des délibérations parlementaires (voir Erskine May’s Parliamentary Practice, 24e éd. (2011), p. 237-238).

Procédure relative aux demandes d’accès à l’information

La Chambre des communes n’est pas assujettie aux dispositions de la Loi sur l’accès à l’information. Elle reçoit néanmoins à l’occasion des avis aux tiers aux termes de l’article 27 de la Loi quand les documents demandés d’une institution fédérale contiennent des informations concernant les travaux de la Chambre. Dans ces cas-là, les documents demandés sont en la possession d’une institution fédérale assujettie à la Loi, mais peuvent en même temps ressortir aux délibérations parlementaires. C’était le cas des documents visés dans l’avis aux tiers précité émanant du Bureau du vérificateur général. L’usage veut, d’une part, que la Chambre refuse la communication de documents qui font partie de ses délibérations ou des délibérations de ses comités au motif qu’ils sont protégés par le privilège parlementaire et, d’autre part, qu’elle fasse savoir à l’institution fédérale que toutes demandes de documents relatifs aux délibérations parlementaires doivent lui être adressées directement. Jusqu’à présent, sauf dans le cas récent du Bureau du vérificateur général, les institutions fédérales ont toujours respecté la position de la Chambre, fondée sur le droit constitutionnel. Durant leur comparution, Mme Legault et M. Drapeau partageaient la position du vérificateur général : ils soutenaient que, à moins d’une exemption ou d’une exception prévue dans la loi à l’appui du refus de communication, les documents visés par le privilège parlementaire doivent être communiqués malgré les objections de la Chambre. 

Le Comité déplore que cette position ne tienne pas compte du caractère constitutionnel du privilège parlementaire et du principe du constitutionnalisme établi au paragraphe 52(1) de la Loi constitutionnelle de 1982. Au même titre que la Loi sur l’accès à l’information doit être interprétée et appliquée en conformité avec la Constitution, incluant la Charte canadienne des droits et libertés, la Loi sur l’accès à l’information doit aussi être interprétée et appliquée sans porter atteinte au privilège parlementaire. La position soutenue par le vérificateur général, par Mme Legault et par M. Drapeau compromettrait considérablement l’indépendance de la Chambre et de ses comités en mettant potentiellement en péril leur capacité d’exercer leurs fonctions constitutionnelles. Elle risquerait, par exemple, de rendre futile la décision prise par un comité de tenir ses réunions à huis clos, puisqu’une demande d’accès à l’information pourrait faire en sorte qu’un document qui se trouve en la possession d’une institution gouvernementale ayant un lien avec la réunion soit rendu public.

Les documents qui ressortent des délibérations parlementaires de la Chambre et de ses comités doivent être considérés comme faisant l’objet d’une exemption en vertu de la Loi; ils doivent être communiqués uniquement avec l’autorisation de la Chambre ou de ses comités, conformément aux lignes directrices adoptées par la Chambre comme celles proposées dans le présent rapport. Pour exercer leurs privilèges constitutionnels, la Chambre et ses comités doivent être avisés que des documents demandés ressortent de leurs délibérations parlementaires. Bien que les dispositions de la Loi relatives aux tiers ne fassent pas explicitement mention de la communication d’un avis à la Chambre ou à ses comités lorsque des documents visés par le privilège parlementaire sont demandés, donner un tel avis est conforme à l’esprit de la Loi et permet à la Chambre d’avoir compétence sur ses délibérations conformément à son privilège constitutionnel.

Mme Legault et M. Drapeau ont déploré le fait qu’il n’est nullement fait mention du privilège parlementaire dans la Loi. Pour les raisons exposées précédemment, le Comité ne peut pas souscrire à leur point de vue à cet égard.

Il convient cependant que, pour des raisons administratives à tout le moins, il serait  souhaitable de proposer des modifications législatives  afin de refléter  les obligations constitutionnelles imposées aux institutions gouvernementales en ce qui concerne les documents qui ressortent des délibérations de la Chambre et des comités. Cette modification faciliterait le traitement des demandes d’accès à l’information présentées par des institutions gouvernementales; elle permettrait aussi de les renseigner au sujet du privilège parlementaire.

Bien qu’on ne puisse mettre en doute le droit constitutionnel de la Chambre et de ses comités à l’égard de leurs délibérations parlementaires, le Comité estime que les comités parlementaires pourraient adopter une démarche plus transparente et fonctionnelle au sujet des avis aux tiers en vertu de la Loi sur l’accès à l’information sans pour autant compromettre le privilège parlementaire.

En conséquence, le Comité recommande l’adoption d’une nouvelle procédure relativement aux demandes d’accès à l’information dans lesquelles la Chambre est en cause en tant que tiers. Suivant cette procédure, les documents qui ressortent des délibérations de la Chambre seraient classés en quatre catégories, classement qui dicterait la réponse des fonctionnaires de la Chambre aux avis aux tiers. En cas de doute, ces derniers s’en remettraient au comité concerné. Il est important de souligner, dans tous les cas, que les documents demandés soient communiqués ou non au demandeur, la Chambre indiquerait clairement qu’ils demeurent assujettis au privilège parlementaire. Ainsi, en acceptant la communication des documents, la Chambre ne renoncerait pas pour autant à ses privilèges, et les protections normales dont jouissent les députés, le personnel et les témoins demeureraient.

Le Comité propose les quatre catégories suivantes :

  • Documents publics accessibles

Les documents publics accessibles comprennent, par exemple, les délibérations des comités de la Chambre des communes déjà imprimées, diffusées ou publiées sur le site du Parlement du Canada, comme les Procès-verbaux et les Témoignages des réunions de comité. Les notes et les documents remis par les témoins aux comités lors de leur comparution, de même que les mémoires remis à un comité dans le contexte d’une étude publique appartiennent aussi à cette catégorie. Les fonctionnaires de la Chambre autoriseraient automatiquement la communication de ces documents, car ils sont déjà publics et accessibles, et communiqueraient les documents promptement.

  • Documents relatifs à des réunions à huis clos

Cette catégorie englobe, par exemple, les transcriptions des délibérations lors de réunions à huis clos, les ébauches de rapport et les documents rédigés en vue d’une réunion à huis clos ou distribués durant une réunion à huis clos, ainsi que tout document qui fait mention de délibérations à huit clos ou à partir duquel il est possible de déduire la teneur d’une réunion à huis clos. La communication de ces documents ne doit jamais être autorisée par des fonctionnaires de la Chambre. Au demeurant, la communication d’informations relatives à des réunions à huis clos constitue une atteinte au privilège de la Chambre susceptible de donner lieu à une accusation d’outrage au Parlement. En conséquence, dans le cas des documents de cette catégorie, les fonctionnaires de la Chambre répondraient que la Chambre s’oppose à la communication des documents.

  • Autres documents non accessibles au public et qui ne sont pas des délibérations à huis clos

La communication de documents qui ne sont pas accessibles au public, mais qui n’ont aucun rapport avec des délibérations à huis clos serait déterminée au cas par cas suivant le contenu des documents demandés.

Nous recommandons que les fonctionnaires de la Chambre fassent opposition à la communication de documents qu’ils considèrent comme délicats. Cela comprendrait, par exemple, les conseils de procédure du greffier au président d’un comité, à un député, à un employé ou à un fonctionnaire fédéral. Cela comprendrait aussi les réponses de témoins potentiels qui contiennent des renseignements personnels (concernant une maladie, par exemple). Pour évaluer le degré de confidentialité de l’information, les fonctionnaires de la Chambre se fonderaient sur les exceptions prévues dans les lois sur l’accès à l’information et sur la protection des renseignements personnels.

Les autres documents dont les fonctionnaires de la Chambre considèrent qu’ils ne présentent pas un caractère délicat, comme la correspondance courante sur des questions administratives, peuvent être communiqués, avec l’autorisation du comité concerné, si cela ne risque pas de causer un préjudice à la Chambre, à ses comités ou à une personne ayant participé à des délibérations parlementaires. La décision de communiquer le document, avec ou sans caviardage, serait prise par le comité concerné durant une réunion à huis clos dans la mesure du possible suffisamment rapidement pour que les échéances fixées dans la Loi sur l’accès à l’information puissent être respectées. Si le comité concerné n’existe plus (comme ce peut être le cas, par exemple, pour un comité législatif qui a présenté son rapport), la question serait renvoyée au Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Peu importe le comité cependant, la décision de communiquer un document doit être unanime. Cette exigence ne limite pour autant de quelque manière que ce soit l’aptitude de la Chambre à se prononcer sur ce genre de question. Si la demande de communication arrivait pendant que le Parlement est prorogé ou dissous (et non durant un long congé, comme le congé d’été), c’est le Président de la Chambre, en tant que gardien des droits et privilèges de la Chambre et des députés, qui déciderait si les documents doivent être communiqués au requérant.

  • Documents produits par des institutions fédérales en vue de délibérations parlementaires, mais jamais présentés

Comme on l’a vu plus haut, les documents comme les notes d’information, les aide-mémoire et les projets de déclaration rédigés par des institutions fédérales expressément en vue de leur comparution devant un comité ou dans le cadre d’autres travaux parlementaires font partie des délibérations parlementaires et, à ce titre, sont protégés par le privilège. Ces documents n’ont peut‑être pas été présentés en bonne et due forme à un comité, et peut-être que seuls le témoin et l’institution fédérale en connaissent l’existence, mais leur rédaction en vue d’une comparution devant un comité est prévue et conçue pour aider le comité dans ses travaux. Ces documents font partie des délibérations parlementaires et sont, de ce fait, protégés par le privilège parlementaire. Cependant, la Chambre ne s'objecte pas à la divulgation de ces documents qui seront ainsi communiqués sauf en cas d'exception ou d'exemption prévue à la Loi.

Dans tous les cas, les documents, lorsque communiqués, le seront suivant la condition, détaillée ci-dessous, que le requérant soit informé que les documents et leur contenu demeurent protégés par le privilège parlementaire.

Ce n’est pas le cas en revanche des documents qui sont la propriété exclusive d’une institution fédérale, mais qui ont été produits en vue des délibérations à huis clos d’un comité ou qui renvoient au contenu des délibérations à huis clos d’un comité. Dans ces cas-là, l’intérêt premier du comité est la protection de ses privilèges, et les documents en question ne peuvent en aucun cas être communiqués.

L’application du privilège aux documents communiqués

La Chambre et ses comités ignorant tout des raisons qui motivent une demande d’accès à l’information ou de l’usage qu’il sera fait des documents communiqués, ceux-ci doivent demeurer protégés par le privilège parlementaire. Ainsi, à l’instar des documents parlementaires imprimés ou publiés sur le site Web du Parlement du Canada, les documents communiqués à la suite d’une demande d’accès à l’information conservent la protection du privilège parlementaire. Par exemple, bien que les débats parlementaires (le hansard et les délibérations des comités) soient accessibles au public, le privilège parlementaire demeure et protège les députés, ainsi que toute personne participant aux délibérations, contre toute action en justice découlant de celles-ci. Comme on l’a vu précédemment, la Chambre est le seul juge de ses propres délibérations et toute personne qui participe aux délibérations de la Chambre n’en répond qu’à celle-ci.

En conséquence, quand elle remet ces documents au demandeur, l’institution fédérale concernée est encouragée à informer celui-ci que les documents en question demeurent protégés par le privilège parlementaire.

Conclusion

Pour toutes ces raisons, le Comité recommande que « La procédure relative aux demandes d’accès à l’information » décrite ci-dessus soit adoptée par la Chambre à l’égard de toutes les demandes qui concernent de l’information relevant des délibérations parlementaires.

La procédure recommandée par le Comité est conçue pour préserver l’indépendance et l’autonomie de la Chambre dans le contexte de ses délibérations tout en répondant aux attentes légitimes de la population en matière d’accès à l’information. Conscient de l’importance des valeurs et des droits en jeu, le Comité entend suivre de près la mise en œuvre de la procédure proposée et y apporter, au besoin, les corrections nécessaires.

Demande de réponse du gouvernement

Conformément à l’article 109 du Règlement, le Comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale à ce rapport.

Un exemplaire des Procès-verbaux pertinents (réunions nos 46, 50, 51, 52, 54, 55, 57, 58, 60, 61 et 62) est déposé.

Respectueusement soumis,

Le président du Comité,

JOE PRESTON

_____________________________________________________________________________

ANNEXE

OPINION COMPLÉMENTAIRE – NOUVEAU PARTI DÉMOCRATIQUE DU CANADA

Les députés du Nouveau Parti démocratique du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre soumettent respectueusement cette opinion complémentaire :

Résumé

Bien que nous reconnaissions la protection constitutionnelle des privilèges de la Chambre des communes, nous ne pensons pas que la Chambre ou le Sénat doivent automatiquement outrepasser un autre droit quasi constitutionnel, soit celui de l’accès à l’information.

En septembre 2012, la Chambre a convenu unanimement que les documents portant sur une demande d’accès à l’information présentée au vérificateur général doivent être divulgués. Nous estimons qu’à l’avenir la Chambre devrait continuer à divulguer ses documents lorsque des circonstances similaires se présentent.

Les députés du Nouveau Parti démocratique du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre estiment aussi que la Chambre devrait considérer apporter des amendements à la Loi sur l’accès à l’information, et ce, de façon prioritaire, afin de préciser plus clairement quels documents sont protégés par le privilège et afin d'y préciser ce que constitue le privilège parlementaire.

Conflit entre les lois et les normes constitutionnelles

Les députés du Nouveau Parti démocratique membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre reconnaissent cependant qu’il est légitime de se demander jusqu’à quel point on peut supposer qu’une loi englobe des mécanismes ou des acteurs que le Parlement aurait pu expressément inclure, bien que ce ne soit pas le cas. 

Par exemple, l’interprétation d’une loi au regard des droits conférés par la Charte rencontre certaines limites, et il en va de même selon toute vraisemblance, pour les privilèges constitutionnels. Il existe des raisons bien fondées, dont celles issues de la primauté du droit, pour limiter le pouvoir des tribunaux, des titulaires d’une charge créée par une loi et des fonctionnaires d’inclure des dispositions non présentes dans une loi en invoquant le principe selon lequel les lois sont présumées être conformes à la Constitution.

Une de ces raisons est que les citoyens doivent être en mesure de connaître, moyennant un effort raisonnable, la portée et le contenu d’une loi lorsqu’ils veulent s’en prévaloir. La commissaire à l’information a accordé une certaine importance à cette raison.

Une autre raison est qu’une loi protège peut-être, du moins en partie, d’autres normes constitutionnelles prétendues implicites (dans le cas qui nous occupe, le privilège parlementaire). Dans de telles situations, il est peut-être nécessaire de reconnaître l’existence d’un conflit de normes constitutionnelles – et d’obliger le Parlement à le régler via la législation au lieu de laisser aux tribunaux ou à des fonctionnaires le soin d’y lire les éléments supposés implicites.

Bien que la liberté d’information ne constitue pas un droit à part entière protégé par la Charte, il est étroitement lié à liberté d’expression et au droit de vote, ainsi qu’à la notion plus vaste présentée dans l’arrêt R. c. Oakes (Cour suprême du Canada) voulant que lesà valeurs et les principes d’une « société libre et démocratique » reconnus à l’article 1 de la Charte soient la source des protections offertes par la Charte dans ses différents articles.

Il ne fait aucun doute que c’est en raison de ces liens entre la liberté d’information et la Charte, comme nous venons de le décrire – et peut-être aussi parce que le droit international des droits de la personne applicable au Canada protège la liberté d’expression et la liberté d’information de façon parallèle dans les mêmes dispositions (par ex. l’article 19 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques) – que le Parlement a conféré à la Loi sur l’accès à l’information des dispositions qui ont amené la Cour suprême du Canada à la décrire comme étant une loi à valeur quasi constitutionnelle.

Bien qu’on ne puisse mettre en doute le droit constitutionnel de la Chambre et de ses comités à l’égard de leurs délibérations parlementaires, les membres du NPD du Comité estiment que les comités parlementaires pourraient adopter une démarche plus transparente et plus fonctionnelle en ce qui concerne les avis aux tiers en vertu de la Loi sur l’accès à l’information sans pour autant compromettre le privilège parlementaire.

Amendements à la Loi sur l’accès à l’information

En raison des interprétations divergentes de la loi en vigueur et des normes constitutionnelles présentées par les témoins, nous pensons que la Chambre devrait considérer modifier la Loi sur l’accès à l’information afin d’y ajouter une exception discrétionnaire pour le privilège parlementaire.

Cette modification donnerait suite aux recommandations du rapport de 1987 du Comité permanent de la Justice et du solliciteur général, Une question à deux volets : comment améliorer le droit d’accès à l’information tout en renforçant les mesures de protection des renseignements personnels, ainsi qu’au rapport de 2002 du Groupe d’étude de l’accès à l’information, Accès à l’information : comment mieux servir les Canadiens.

D’autres systèmes de gouvernement britannique ont mis en place des exceptions discrétionnaires similaires. Un tel amendement permettrait d’éviter des batailles juridiques coûteuses et offrirait un fondement juridique aux actions de la Chambre des communes.

Une exception de la sorte permettrait aussi d’empêcher que les institutions fédérales se servent du privilège parlementaire pour faire exclure leurs propres documents.

Sans disposition législative et avec une interprétation trop large du privilège, les ministères pourraient essayer de refuser de divulguer de l’information qui a à voir avec le Parlement, soit par exemple les notes préparées pour les ministres pour la période de questions, les notes d’information préparées pour les fonctionnaires en vue de comparutions devant les comités parlementaires ou même des notes portant sur ce qui se passe au Parlement.

L’historique de la Loi sur l’accès à l’information au Canada démontre que même les exceptions et les exclusions mineures sont souvent interprétées de manière trop large lorsque le langage de la loi n’est pas clair et lorsqu’il qu’il n’y a pas de direction politique qui fasse passer la divulgation avant le secret. 

Il est important qu’une telle exception soit de nature discrétionnaire, c’est-à-dire que la Chambre ait le pouvoir de divulguer les documents et que le pouvoir discrétionnaire s’exerce de façon à favoriser la divulgation au public.

Définition du privilège dans la loi

Lors de la réunion du 6 décembre 2012, Richard Denis, légiste adjoint et conseiller parlementaire, a proposé « d'apporter une modification à la Loi sur le Parlement du Canada, qui est un texte législatif, mais qui reconnaît les privilèges de la Chambre, comme le fait la Constitution elle-même. Le lien avec la Constitution et le fait que le privilège est de cette nature seraient maintenus et clairement exprimés: le privilège doit l'emporter, si l'on veut, et doit être reconnu lors de l'application des différentes lois ou dans des situations où la question de privilège est soulevée. »

Nous estimons que le Parlement devrait considérer définir et inscrire la notion de privilège dans la législation, idéalement dans la Loi sur le Parlement du Canada, de manière conforme à la Constitution et de manière à ce qu’elle puisse être comparée aux lois actuelles et futures.

Conclusion

Cette étude s’est avérée éclairante et éducative pour les députés du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre. Comme l’a noté le président à plusieurs reprises, chaque point soulevé par les témoins générait davantage de questions. Nous sommes d’accord avec cette affirmation.

Cette étude ne devrait être que le début d’une discussion sur l’accès à l’information et le Parlement du Canada. Il doit exister d'autres façons pour le Parlement de se moderniser et de devenir plus transparent à l’égard du public.

Bien que des avancées aient été accomplies par la Chambre des communes quant à la divulgation de renseignements liés à ses dépenses et quant à l’accès par internet aux travaux des comités parlementaires, elle se doit d’en faire davantage. Par exemple, bien que les réponses du gouvernement aux questions au feuilleton soient maintenant numérisées, il n’y a toujours pas de système de recherche en place. Il pourrait s’agir d’une prochaine étape en faveur de la transparence.   

Le privilège parlementaire joue un rôle important dans la protection du droit à la liberté d’expression des députés, car il les protège de l’intimidation. Toutefois, lorsque le privilège sert à cacher de l’information que le public s’attend à voir accessible, l’invoquer nuit à la réputation du Parlement.