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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 31 mars 1998

• 0905

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): La séance est ouverte.

Comme vous le savez, notre ordre de renvoi, conformément au paragraphe l08(2) du Règlement, porte sur les dispositions de la Loi sur les banques relatives aux ventes liées.

Je souhaite la bienvenue à tout le monde. Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin, du Bureau du surintendant des institutions financières du Canada, MM. John Thompson, surintendant adjoint, Secteur de la politique, et André Girard, directeur des Communications externes et des relations avec les médias.

Comme vous le savez, vous avez une quinzaine de minutes pour faire votre déclaration liminaire, après quoi nous vous poserons des questions. Vous avez la parole.

M. John Thompson (surintendant adjoint, Secteur de la politique, Bureau du surintendant des institutions financières): Merci beaucoup, monsieur le président. Nous n'avons pas préparé de mémoire mais, si cela vous convient, je pensais consacrer quelques minutes à une présentation générale du BSIF et au lien qui existe entre notre travail et le mandat de votre comité.

Le mandat du BSIF, qui est énoncé dans notre loi organique, est d'assurer la sécurité et la solidité des établissements financiers régis au palier fédéral. Cela comprend toutes les banques présentes au Canada, aussi bien de l'Annexe I que de l'Annexe II, ainsi qu'un certain nombre de sociétés de fiducie, dont la plupart appartiennent aujourd'hui aux banques, la plupart des compagnies d'assurance-vie et à peu près la moitié, si ce n'est plus, des compagnies d'assurances multirisques.

En outre, nous supervisons les régimes de retraite réglementés au palier fédéral, c'est-à-dire ceux concernant les employeurs faisant du commerce transfrontalier, comme les compagnies de chemin de fer, les compagnies aériennes, les ports et les camionneurs interprovinciaux.

Comme la séance d'aujourd'hui est consacrée aux ventes liées dans le secteur bancaire, je vais me limiter au rôle que nous jouons dans ce secteur, si vous n'y voyez pas d'inconvénient.

Pour assurer une bonne supervision des banques, nous analysons les états financiers qu'elles doivent nous adresser, afin d'évaluer leur solidité financière, et nous effectuons au moins une fois par an des examens sur place dans chacune d'entre elles.

Suite à cet examen, nous préparons un rapport sur la gestion et sur le conseil d'administration de chaque banque, en indiquant les domaines dans lesquels nous pensons qu'il serait possible d'améliorer les contrôles internes, la gestion des risques, voire la qualité des opérations générales pour qu'elles correspondent mieux aux meilleures pratiques de leurs homologues.

Nous effectuons ce que nous appelons un examen fondé sur le risque. Cela veut dire que nous concentrons notre attention sur les secteurs de la banque que nous jugeons les plus risqués, c'est-à-dire ceux qui sont à notre avis le plus susceptibles de causer des problèmes financiers à la banque. Je dois dire que nous n'avons pas les ressources, ni nécessairement l'expérience requise, pour étudier tous les aspects des activités de chaque banque.

Les banques du Canada sont très complexes. Elles ont de nombreuses filiales. Dans bien des cas, elles sont présentes dans plusieurs pays et nous avons le mandat, en vertu de la Loi sur les banques, d'assurer leur supervision sur une base globale. Nous devons donc superviser toutes les entités qui relèvent de chaque banque, pas seulement les entités opérant au Canada. Cela correspond d'ailleurs à la norme établie dans le monde entier en matière de supervision des banques, c'est-à-dire que l'organisme de supervision de chaque pays doit assurer la sécurité et la solidité des activités des établissements financiers au nom de tous les superviseurs des territoires et pays où ils sont présents.

En conséquence, nous avons tendance à nous pencher sur les activités aux États-Unis, au Royaume-Uni et dans d'autres pays. Nous avons tendance à nous pencher sur les différentes parties de chaque entité bancaire car nous ne savons jamais où des problèmes risquent d'éclater.

Comme notre but est de contrôler la sécurité et la solidité des activités bancaires, nous nous penchons sur la solidité financière, la capitalisation, l'accès aux marchés financiers, la possibilité qu'a la banque de recueillir de l'argent, son taux de rentabilité et les principaux éléments de ses activités qui fondent cette rentabilité, afin de déterminer si cette rentabilité se maintiendra probablement à l'avenir. Évidemment, le profit est la source la plus fiable d'expansion du capital d'une banque.

• 0910

On trouve dans la Loi sur les banques certaines dispositions concernant ce que j'appellerais la conduite de la banque sur le marché, ce qui est directement relié au thème de vos travaux, les ventes liées. Nous assumons certaines responsabilités dans ce domaine mais notre objectif primordial, comme je l'ai dit, est d'évaluer la solidité financière des banques et de consacrer nos ressources aux questions fondamentales qui nous permettent d'effectuer cette évaluation afin de vérifier la viabilité future des banques.

En vertu de notre loi organique, nous adressons un rapport annuel au Parlement dans lequel nous faisons état des plaintes que nous avons reçues du public au sujet des établissements financiers que nous supervisons. La disposition dont vous êtes saisis renvoie à un rapport spécifique que nous devons produire dans le cadre de ce rapport annuel adressé au Parlement.

Les recherches effectuées par notre personnel nous ont montré que nous avons reçu au cours des derniers mois plus de 4 000 questions, plaintes ou demandes d'information sur les banques. De ce nombre, 24 portaient sur les ventes liées. Cependant, si nous examinons ces 24 questions d'un oeil critique, il faut dire que certaines concernaient la clause d'exception, selon la terminologie de la législation, étant donné qu'il s'agissait de formes autorisées de vente d'un produit liée à la vente d'un autre.

Nous ne savons pas combien de ces plaintes concernaient effectivement des ventes de nature coercitive ou des ventes sous pression mais nous avons identifié 24 plaintes concernant des ventes liées.

C'est tout ce que je voulais dire en guise d'introduction, monsieur le président. Nous sommes maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Thompson.

Nous allons ouvrir immédiatement la période des questions, en commençant avec M. Schmidt ou M. Solberg. Qui veut commencer?

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Je n'ai qu'une brève question à poser, après quoi je donnerai volontiers la parole à Werner.

Quand vous recevez ces plaintes, que faites-vous?

M. John Thompson: Quand nous recevons une plainte, dans ce domaine ou dans un autre, nous traitons directement avec la banque concernée et, si nous ne pouvons obtenir satisfaction, avec son médiateur. Si le plaignant n'est toujours pas satisfait, nous portons l'affaire devant le médiateur bancaire, qui a témoigné hier devant votre comité si je comprends bien. Il nous est arrivé de temps en temps de renvoyer la plainte d'un particulier devant le médiateur bancaire.

En dernière analyse, si ceci fait partie de la loi et qu'il est établi que les banques ne peuvent pas faire de ventes liées, il y a dans la loi d'autres dispositions qui donnent au BSIF le pouvoir de prendre des mesures, c'est-à-dire d'ordonner à la banque concernée de changer ses méthodes. Si cet ordre n'est pas respecté, nous pouvons avoir recours aux tribunaux.

M. Monte Solberg: À l'heure actuelle, dans certains domaines, les banques font essentiellement leur autoréglementation. À votre avis, est-ce efficace?

• 0915

M. John Thompson: Nous estimons que l'autoréglementation est généralement efficace. Sans vouloir exagérer mon pouvoir, je crois pouvoir dire que, lorsque le surintendant dit à une banque qu'il n'est pas satisfait de ses méthodes et qu'il souhaite qu'elle les change, cela suffit généralement pour régler le problème. Je ne connais pas beaucoup d'établissements financiers qui souhaitent aller à l'encontre de l'organisme de réglementation.

M. Monte Solberg: Allez-y, Werner. Avez-vous une question?

M. Werner Schmidt (Kelowna, Réf.): J'ai une question concernant le type d'établissements financiers que supervise le BSIF. Supervisez-vous aussi les courtiers en valeurs mobilières?

M. John Thompson: Non, ils relèvent de la législation provinciale. Nous avons signé des protocoles d'entente pour collaborer avec les commissions boursières afin d'assurer la supervision des courtiers en valeurs mobilières.

M. Werner Schmidt: Est-ce la même chose pour les compagnies de fiducie?

M. John Thompson: Non, nous assurons la supervision directe des compagnies de fiducie fédérales. Pour ce qui est des compagnies de fiducie provinciales, nous supervisons—non, en fait, nous ne les supervisons pas, c'est la province qui le fait, mais nous avons accès aux superviseurs des provinces et, dans certains cas, nous examinons des compagnies de fiducie provinciales au nom de la SADC.

M. Werner Schmidt: Que faites-vous s'il y a un conflit entre votre supervision d'un groupe d'établissements financiers et un autre?

M. John Thompson: Excellente question. Je ne peux vous donner de réponse définitive sans connaître les circonstances exactes.

Il nous est arrivé de négocier un arrangement entre les deux établissements financiers afin de corriger en quelque sorte le problème de l'un sans pénaliser indûment l'autre. Dans certains cas, nous avons encouragé la vente d'un établissement en difficulté, lorsque l'autre établissement financier du groupe n'avait pas les moyens de résoudre un problème financier sans se causer un tort indu.

M. Werner Schmidt: Toute cette question des ventes liées concerne précisément ce genre de conflit, lorsqu'un établissement financier exige qu'un client achète un autre produit pour pouvoir obtenir un prêt.

Si cet autre établissement, qui peut relever de votre supervision, est la victime, en quelque sorte, de cette exigence de la banque—de cette condition que le client transfère son REER, par exemple, ou d'autres biens d'un autre établissement financier à cet établissement particulier pour pouvoir obtenir un prêt, dans un sens ou dans l'autre, car les deux pourraient le faire—que faites-vous?

M. John Thompson: Si c'est à l'intérieur d'un groupe de compagnies qui sont un groupe relié de compagnies, j'allais dire qu'il serait peu probable que nous obtenions une plainte de ventes liées...

M. Werner Schmidt: Bien sûr, bien sûr que non.

M. John Thompson: S'il s'agissait d'entreprises non reliées, nous traiterions cela comme une plainte normale. Nous irions voir l'établissement qui a fait la demande de transfert de fonds pour lui demander de corriger le problème. Ensuite, nous continuerions sur cette piste.

Je ne peux vous donner de réponse définitive sur ce que nous ferions parce que tout dépendrait des circonstances, et aussi du fait qu'il s'agit ou non d'une pratique habituelle.

M. Werner Schmidt: Bien sûr.

Est-ce que l'adoption de l'article 459.1, qui figurait dans le projet de loi C-82 de la dernière session, vous aurait facilité les choses pour régler ce genre de conflit?

M. John Thompson: Veuillez m'excuser, je ne me souviens plus de ce qu'il y avait exactement dans cet article. Vous devrez me rafraîchir la mémoire.

M. Werner Schmidt: Voici ce que disait cet article:

    459.1(1) Il est interdit à la banque d'exercer des pressions indues pour forcer une personne à obtenir un produit ou service auprès d'une personne donnée, y compris elle-même ou une de ses filiales, pour obtenir un prêt de la banque.

C'est le paragraphe important. Il y en a deux autres, que l'on a appelé des paragraphes d'interprétation, mais limitons-nous à celui que je viens de citer. Est-ce qu'il vous aiderait?

• 0920

M. John Thompson: On ne parle pas ici d'une question de sécurité et de solidité financière mais d'une question de conduite commerciale.

M. Werner Schmidt: C'est exact.

M. John Thompson: C'est une question importante, certes, mais ce n'est généralement pas le genre de problème que nous essayons de repérer. Nous nous en occupons lorsqu'on nous en parle. Cet article nous donnerait le pouvoir d'intervenir lorsque nous recevons des plaintes, étant donné qu'il serait clairement indiqué dans la loi qu'il s'agit d'une manière interdite de faire affaire, à condition que des expressions telles que «pression indue» et «forcer» soient clairement et correctement définies.

M. Werner Schmidt: Donc, pour résumer, vous dites que cet article vous aiderait, mais à condition que les expressions pertinentes soient clairement définies dans le règlement.

M. John Thompson: C'est cela.

M. Werner Schmidt: Mais, en soi, l'article vous serait utile?

M. John Thompson: Il nous serait utile pour les très rares plaintes que nous recevons.

M. Werner Schmidt: Merci.

Le président: Merci, monsieur Schmidt. Merci, monsieur Solberg.

Madame Redman.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président. À votre avis, est-ce que les ventes liées sont quelque chose de répréhensible et d'indésirable dans le système bancaire?

M. John Thompson: Si vous voulez mon avis personnel, je vous dirais que c'est répréhensible s'il y a des pressions indues qui sont faites pour relier la vente d'un produit à la vente d'un autre.

Il y a des gens qui pensent que c'est une question très complexe à définir, c'est-à-dire qu'il est difficile de faire une distinction entre la vente liée et l'octroi d'un traitement préférentiel au client. Il faudrait sans doute faire une distinction entre une incitation à faire affaire avec un établissement donné et l'exercice de pressions indues dans différents secteurs, selon que vous préférez personnellement être un consommateur de services ou être une personne à la recherche de conseils, par exemple.

Mon opinion personnelle est que, si vous vous situez à l'extrême...

Le président: Veuillez m'excuser, quand vous dites «mon opinion personnelle»...

M. John Thompson: Je m'exprime en mon nom propre.

Le président: Et pas au nom du BSIF?

M. John Thompson: C'est exact. C'est ce qu'on m'a demandé et c'est pourquoi j'ai dit que je répondais en mon nom personnel.

Le président: Peut-être, mais c'est l'opinion du BSIF qui nous intéresse.

M. John Thompson: Nous croyons que la vente liée n'est pas acceptable.

Mme Karen Redman: Si vous me permettez de continuer, nous n'avons entendu personne dire que la vente liée soit une bonne chose. Évidemment, il y a un problème autant de perception que de réalité. Vous avez cependant dit que vous n'avez reçu que 24 plaintes à ce sujet, après quoi vous avez parlé de la notion de vente liée ou sous coercition. Quel est le critère pertinent, selon le BSIF?

M. John Thompson: Nous n'avons pas de définition à ce sujet.

Mme Karen Redman: Donc, quand vous avez dit que vous aviez reçu des plaintes au sujet de ventes liées, c'est parce que le plaignant avait dit qu'il s'agissait de cela. Le BSIF a-t-il une définition de la vente liée?

M. John Thompson: Nous utilisions en fait la définition du plaignant, quelle qu'elle ait pu être. Si le plaignant pensait qu'il s'agissait de vente liée, de vente sous coercition ou de pression indue, nous avons accepté son opinion. Nous n'avons pas appliqué nos propres normes.

Mme Karen Redman: Et, après enquête, vous avez estimé qu'il ne s'agissait pas vraiment de ventes liées?

M. John Thompson: Non. Je dis que la personne qui s'est plainte a dit qu'elle avait fait l'objet de vente liée, de pression indue ou de toutes sortes de choses correspondant à ces catégories.

Ce que j'ai dit plus tôt, c'est que, si nous avions appliqué les deux dispositions qui suivent immédiatement celle qui a été citée il y a quelques instants, qui permet la vente liée d'un produit avec un autre, certaines des plaintes que nous avons reçues seraient en fait tombées dans cette catégorie si nous les avions examinées d'un oeil critique. Mais nous ne l'avons pas fait. Nous avons accepté leur définition. S'ils pensaient qu'ils avaient fait l'objet de pression indue, nous avons estimé avoir reçu une plainte à ce sujet.

Mme Karen Redman: Je vais vous poser une dernière question. Il semble y avoir une différence marquée entre la nature apparemment omniprésente de la vente liée dans le secteur bancaire et ce que nous lisons dans les rapports. Pouvez-vous l'expliquer? Votre organisation s'est-elle demandé pourquoi il semble y avoir cette différence?

M. John Thompson: Voulez-vous parler de l'impression qu'il y a beaucoup de ventes liées, alors qu'il n'y aurait pas beaucoup de plaintes?

Mme Karen Redman: Oui.

• 0925

M. John Thompson: Non, je ne peux pas l'expliquer. Nous n'avons pas étudié cette question en particulier.

Mme Karen Redman: Bien.

Le président: Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Je vais poursuivre dans le même ordre d'idées que Mme Redman.

Vous dites que certaines des 24 plaintes—et je suppose qu'il s'agit d'une seule année—auraient été légitimes si nous avions accepté cela. Vous serait-il possible de décrire ces 24 plaintes et de nous dire lesquelles auraient été vraiment justifiées? Serait-il déraisonnable de vous le demander?

M. John Thompson: Nous n'avons probablement pas assez de détails dans nos dossiers pour vous le dire. Lorsque nous recevons une plainte, nous prenons note des informations qui nous sont communiquées, par téléphone ou par écrit.

Mme Paddy Torsney: Bien.

M. John Thompson: Ensuite, nous communiquons ces informations à l'établissement qui a fait l'objet de la plainte. Il est donc possible que nous n'ayons pas recueilli assez d'informations pour faire une évaluation exhaustive. Nous ne faisons pas d'enquête nous-mêmes. En fait, nous jouons le rôle d'intermédiaire pour essayer d'obtenir une résolution de la plainte.

Mme Paddy Torsney: Donc, vous avez le sentiment que certaines de ces 24 plaintes, et ça ne peut pas être en fait la totalité des 24...

M. John Thompson: Non, je ne le pense pas.

Mme Paddy Torsney: Pourquoi en êtes-vous si sûr? Certaines semblent être extrêmement coercitives.

M. John Thompson: Non, je ne pense pas qu'il y en ait eu dans la catégorie de la coercition extrême. Les plaintes que nous recevons sont similaires à ce que nous lisons dans les journaux.

Mme Paddy Torsney: Bien.

M. John Thompson: Elles tombent donc dans cette catégorie et, pour certaines d'entre elles, il est clair qu'on a exercé un peu de pression pour amener la personne concernée à transférer son RER pour obtenir une hypothèque, par exemple. Dans d'autres cas, il est moins clair que des pressions quelconques ont été exercées sur le client, ou que le lien entre les deux produits proposés aurait en fait été conforme aux exceptions, comme obtenir un taux préférentiel dans un domaine pour être effectivement un client préférentiel...

Mme Paddy Torsney: D'accord.

M. John Thompson: ... de l'établissement. Certaines personnes considèrent qu'il s'agit là de vente liée. D'autres peuvent considérer qu'il s'agit d'un traitement préférentiel. C'est une distinction qu'il est très difficile de faire sans avoir plus d'informations que nous n'en avons.

Pour ce qui est de la première catégorie, c'est-à-dire se faire demander de transférer son RER pour obtenir un prêt, je pense que c'est manifestement une infraction.

Mme Paddy Torsney: Quelle est la solution, dans ce cas? Six mois plus tard, quand la personne a finalement décidé de vous écrire ou d'écrire au médiateur, quelle peut être la solution? À quoi cela sert-il? La banque reçoit une légère admonestation, l'employé concerné se fait dire de changer ses méthodes et...

M. John Thompson: La solution est de corriger les choses pour l'avenir, afin que ça ne se reproduise pas, ou au moins pas si souvent, si c'est en fait une habitude. Il est difficile de dire quel pourrait être le recours pour un particulier qui a déjà signé une entente de cette nature et qui pense avoir fait l'objet de pressions indues, ou quel pourrait être le recours pour une personne qui pense qu'elle va faire l'objet de pressions indues et qui n'a en fait pas accepté la proposition. Il est très difficile de voir quel pourrait être le recours dans chacun de ces cas.

Mme Paddy Torsney: Vous avez dit qu'il est difficile de savoir combien il peut y avoir eu de cas de ce genre, étant donné que certaines personnes ont peut-être fort bien accepté la vente liée et en ont été tout à fait satisfaites ou que cela ne leur a en tout cas pas causé beaucoup de difficultés. Le problème est-il que les gens ne connaissent pas assez bien leurs droits et qu'il faudrait en faire des consommateurs avertis pour qu'ils sachent comment réagir quand ils s'adressent à une banque?

M. John Thompson: Cela ferait probablement beaucoup pour remédier au genre de problèmes dont nous parlons.

L'une des choses que beaucoup de gens ne savent sans doute pas est que bon nombre de services bancaires peuvent aujourd'hui être négociés. De fait, on peut même négocier les taux hypothécaires. On peut négocier le prix de bon nombre des services fournis par les banques. Il est donc compréhensible que la personne avec qui vous allez négocier va demander quelque chose en contrepartie. Il se peut que cela fasse partie des questions dont nous parlons aujourd'hui. Je pense que le problème vient en partie du fait que le public comprend peut-être mal ce qui se passe vraiment, parce que l'activité bancaire est en pleine évolution.

• 0930

Mme Paddy Torsney: Et que dites-vous de l'affaire de la CAIFA? Étiez-vous ici hier soir quand la CAIFA a témoigné?

M. John Thompson: Non, veuillez m'excuser, je n'y étais pas.

Mme Paddy Torsney: Ces gens-là croient que ça se fait constamment. Avez-vous un avis là-dessus?

M. John Thompson: Je ne peux faire de commentaires.

Le président: Vous avez parlé de 24 cas. Combien y en avait-il qui portaient sur des ventes croisées plutôt que sur des ventes liées?

M. John Thompson: Comment faites-vous la différence?

Le président: Si mon directeur de banque me dit que je ne pourrais avoir un prêt que si j'accepte d'acheter d'autres produits, c'est de la vente liée. S'il me dit qu'il m'accorde mon prêt et que nous parlons ensuite d'autres produits, cela ne me semble poser aucun problème. C'est parfaitement clair.

Dans le premier cas, il exerce des pressions sur moi en me disant que je ne pourrai pas obtenir le prêt si je n'achète pas autre chose.

M. John Thompson: Si vous me permettez de reformuler ce que vous avez dit, il s'agit dans le premier cas d'un ultimatum puisqu'il dit qu'il ne peut faire affaire avec vous si... Et dans l'autre, il dit qu'il va vous offrir d'autres services parce que vous faites affaire avec lui. C'est plus une opportunité qui vous est offerte. Certains des mots qui nous ont été signalés comprennent le mot «forcé», la banque refusant de faire certaines choses.

Donc, sur la liste que j'ai—et je n'ai pas une liste des 24; on essaie d'identifier la gamme des problèmes—peut-être un tiers d'entre eux utilisent ce genre de mots. L'un d'entre eux parle de... Le mot «RER» figure probablement dans un quart. La banque voulait l'argent du RER pour faire quelque chose d'autre, soit une hypothèque, une carte de crédit ou autre chose. Donc, ce genre de problème et le mot «forcé» sont probablement associés à un tiers des cas que nous avons reçus.

Le président: Veuillez m'excuser, madame Redman.

Mme Karen Redman: Je voudrais vous poser une question supplémentaire car vous avez dit que, lorsque les banques apprennent que le Bureau du surintendant n'est pas content, les choses sont vite corrigées, ce qui est de l'autoréglementation. Et j'interprète cela dans le contexte du fait que l'activité bancaire se fait différemment, et du fait que les gens qui travaillent dans les banques ont été invités à tenir compte d'un large éventail de services, et qui ne tiennent pas compte des silos et qu'il y a X, Y et Z pour obtenir l'hypothèque, et que tout n'est pas clair et simple.

Je réalise qu'il y a toutes sortes de choses qui tombent dans les zones grises, et je pense que c'est pour cela que nous tenons ces réunions parce que, si c'était vraiment simple, ce serait facile à régler. Et, quand on entend les gens, c'est leur vulnérabilité qui nous frappe. On peut imaginer les gens, la casquette à la main, dire: j'ai besoin de ce petit prêt commercial, j'ai besoin de ce crédit, ou j'ai besoin de crédit supplémentaire parce que je veux développer mon commerce. Voilà le genre de choses dont nous devons nous occuper, la perception de la personne.

Donc, si je me place du point de vue du banquier, je vais peut-être accepter la demande du client mais, en même temps, je vais me mettre à penser aux autres besoins que je pourrais satisfaire. Mais le client, de son côté, reçoit peut-être le message subliminal qu'il ferait mieux de transférer son REER dans cette banque pour être plus sûr d'obtenir son prêt, parce qu'il n'a pas d'autre option. Si on se place du point de vue des régions rurales, où il peut n'y avoir qu'un seul établissement bancaire, c'est encore plus difficile parce qu'il n'y a pas vraiment de concurrence.

• 0935

Donc, si nous voulons être justes envers tout le monde, mais certainement protéger les droits des consommateurs... pour moi, c'est le coeur du problème. Et votre réponse, c'est?

M. John Thompson: Vous avez raison. En fait, ce que vous dites correspond tout à fait à nos informations. Si le client a pensé avoir fait l'objet de pressions indues ou de coercition à un point tel qu'il a jugé bon de nous écrire, c'est ce que nous avons utilisé comme définition de la vente liée, sans nous demander si cela était conforme à nos critères ou à un critère légaliste.

Comme je l'ai dit plus tôt, il peut aussi y avoir une partie de ces personnes qui, même si elles pensent avoir fait l'objet de pressions, ne répondraient pas aux critères juridiques relatifs aux pressions indues. Et il se peut que nous devions nous attendre—je choisis ici un chiffre au hasard car nous n'avons évidemment pas de tel critère—à en avoir six ou huit par an.

Le président: Merci, madame Redman. Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je voudrais reprendre le sujet abordé par Karen, mais sous un angle différent, c'est-à-dire celui des petites collectivités du pays. Il y a peut-être 15 p. 100 à 20 p. 100 de la population qui vit dans des petites collectivités, et puis il y a l'autre pourcentage. Et les prêts sont généralement plus petits dans les petites collectivités, beaucoup plus petits que dans 80 p. 100 du Canada, ce que M. BSIF, il y a une minute... et je vais poser une question à M. BSIF.

Le président: M. BSIF?

Des voix: Oh!

Une voix: M. Thompson.

M. Gary Pillitteri: Je sais. Il a fait plus tôt une distinction entre lui-même et le BSIF. Je veux poser ma question au BSIF.

Vous avez dit il y a une minute que l'activité bancaire change et qu'il y a beaucoup de négociations. Maintenant, ce que vous me donnez par rapport à ce que je vous donne.. Si on joue le même jeu, avec les compagnies d'assurances ou d'autres établissements de prêt, lorsqu'ils offrent un groupe de deux ou trois choses réunies, ou que la banque offre la même chose... à moins qu'il s'agisse d'un prêt personnel, vous n'entendrez pas de plaintes. Si vous receviez des plaintes concernant le fait que l'autre partie a offert un groupe de deux ou trois choses différentes, mais comme il n'y avait pas de prêt à vue... mais vous recevez des plaintes disant que l'autre partie offre deux ou trois choses sous forme de groupe de produits. Ou les plaintes portent-elles strictement sur les prêts et les banques?

M. John Thompson: Nous avons reçu quelques plaintes concernant les cartes de crédit, par exemple lorsqu'une personne a demandé une carte de crédit à un établissement particulier et que celui-ci a répondu que la demande serait envisagée si la personne avait son REER dans l'établissement. Il y a donc d'autres types de groupes.

Mme Paddy Torsney: Une carte de crédit, c'est un prêt, cependant.

M. Gary Pillitteri: Ce n'est donc pas seulement les banques.

M. John Thompson: C'était une banque.

M. Gary Pillitteri: C'est une banque.

Ce sont donc les seules plaintes que vous ayez reçues. Vous n'avez pas reçu de plaintes, par exemple, concernant une compagnie d'assurances vendant un groupe de trois produits différents et disant: «Mais, si vous aviez ceci, nous pourrions vous donner un meilleur taux et, si vous aviez cela, nous pourrions l'améliorer encore». Vous n'avez pas reçu de plaintes?

M. John Thompson: Nous avons reçu une plainte de vente liée dans l'assurance. Je n'en connais pas les détails. La personne pensait s'être trouvée dans une situation de vente liée.

M. Gary Pillitteri: Mais comme il y a peu de gens... d'après vous, quel est le pourcentage de gens qui empruntent ou qui essaient de négocier quelque chose dans le cadre d'une vente liée d'une compagnie d'assurances par rapport à une banque? Quel est le pourcentage?

M. John Thompson: Je ne saurais le dire. Je devrais essayer de deviner pour vous répondre. Je ne sais pas.

M. Gary Pillitteri: Autrement dit, si vous dites que vous avez reçu une plainte concernant une compagnie d'assurances et que c'est peut-être juste une centaine de personnes... et ici, où il y a 10 000 personnes, vous avez 24 plaintes, c'est donc presque la même chose.

• 0940

M. John Thompson: Dans les statistiques que nous avons publiées il y a à peu près un an, il y avait probablement deux fois plus de demandes de renseignements ou de plaintes concernant les banques que les compagnies d'assurances. Relativement parlant, la seule plainte de vente liée concernant l'assurance représente en fait un pourcentage inférieur que 24 plaintes concernant les banques, si je peux vous répondre de cette manière.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Le président: J'aimerais vous poser quelques questions.

Certaines personnes, comme M. Clark—vous êtes probablement au courant de son cas—affirment que nous devrions établir une sorte de système double en ce qui concerne la vente liée, c'est-à-dire un système d'autoréglementation doublé du bâton législatif fédéral. Est-ce réaliste?

M. John Thompson: Veuillez m'excuser, pour être tout à fait franc, je ne connais pas les détails de cette proposition. Est-ce que nous serions le bâton législatif, l'organisme d'exécution?

Le président: C'est ça.

M. John Thompson: C'est ce que nous sommes déjà avec la loi actuelle.

Le président: À condition que la recommandation soit adoptée.

M. John Thompson: Mais c'est déjà le cas. Nous sommes l'intermédiaire qui reçoit les plaintes des clients mécontents. Dans ce cas, nous traitons avec le médiateur de la banque concernée pour régler le problème. S'il n'est pas réglé de manière satisfaisante, nous nous adressons au médiateur bancaire. Si tout cela ne produisait pas de solution et que le problème se répétait, nous devrions le prendre très au sérieux. Nous avons donc déjà le bâton nécessaire pour imposer des correctifs.

Le président: Si l'article 459.1 est adopté, qui sera chargé de sa mise en oeuvre? Vous?

M. John Thompson: Oui. En fait, notre rôle est d'appliquer toutes les dispositions de la loi.

Le président: Expliquez-moi donc quelque chose. Vous avez dit plus tôt que vous avez envoyé certaines de ces plaintes au médiateur bancaire, n'est-ce pas?

M. John Thompson: Au médiateur de la banque concernée?

Le président: Oui.

M. John Thompson: Nous avons transmis des plaintes aux établissements eux-mêmes et, dans beaucoup de cas, nous n'en avons jamais plus entendu parler.

Le président: Le problème a donc été réglé.

M. John Thompson: Nous supposons qu'il a été réglé à la satisfaction du client.

Le président: Vous pourriez donc intervenir à l'étape suivante, n'est-ce pas?

M. John Thompson: Oui.

Le président: Au fait, combien de gens savent que vous existez?

M. John Thompson: Toutes les banques le savent.

Le président: C'est une question qui concerne le secteur et les consommateurs. C'est une question très sérieuse.

M. John Thompson: C'est une vraie question.

Le président: Vous n'êtes pas bien connus, n'est-ce pas?

M. John Thompson: Je ne pense pas. Quiconque connaît la presse financière sait probablement qui nous sommes. Quiconque connaît le secteur bancaire et les assurances sait probablement qui nous sommes. Pour ce qui est du simple citoyen, il ne sait probablement pas qui nous sommes. Même si vous décriviez ce que nous faisons, il ne saurait probablement pas qui nous sommes.

Le président: Iriez-vous jusqu'à dire que le médiateur bancaire est mieux connu que vous?

M. John Thompson: C'est bien possible.

Le président: Bien. Monsieur Valeri.

M. Tony Valeri (Stoney Creek, Lib.): Je crois que le médiateur bancaire a obtenu sa visibilité du comité sectoriel. C'est probablement pour cela qu'il est mieux connu que le BSIF.

Vous avez dit il y a quelques secondes que vous seriez chargés de la mise en oeuvre de cette disposition si elle était adoptée. Si tel est le cas, je suppose que vous voudriez que la vente liée et les pressions indues soient très clairement définies. Comment les définiriez-vous?

M. John Thompson: Spontanément, je dirais que ce serait très difficile. Il faudrait y consacrer beaucoup de temps.

M. Tony Valeri: C'est pour ça que nous sommes ici.

M. John Thompson: Honnêtement, je ne sais pas comment on pourrait définir ça.

M. Tony Valeri: Pourriez-vous aider le comité à définir ces termes? C'est essentiellement pour ça que vous êtes ici. C'est ce que nous essayons de faire et j'espérais que vous pourriez au moins donner au comité une idée de la manière dont vous définiriez ces deux expressions, grâce à votre expérience.

• 0945

M. John Thompson: En tant qu'organisation, nous n'avons pas essayé de définir ces expressions. Nous avons supposé que nous pourrions collaborer avec le ministère des Finances et avec d'autres fonctionnaires pour inclure une définition dans les règlements. Nous n'avons pas essayé de produire une définition nous-mêmes.

M. Tony Valeri: Pourriez-vous donc revenir devant ce comité pour nous donner des précisions sur le travail que vous faites dans ce domaine?

M. John Thompson: Comme je l'ai dit, nous ne faisons rien à l'heure actuelle pour essayer de définir ces expressions. Si ce projet de loi était adopté, le Règlement serait un outil très important pour en assurer la mise en oeuvre. De ce fait, nous devrions collaborer très étroitement avec le ministère des Finances pour produire ces définitions. Mais, pour le moment, nous n'avons pas encore essayé de le faire.

Le président: Je vais passer à M. Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci. Pour revenir à la réponse que vous avez donnée il y a un instant, êtes-vous le tribunal d'appel de dernière instance par rapport au médiateur bancaire?

M. John Thompson: Je pense que la réponse à la question est non, mais je dois préciser que je ne suis pas expert en la matière. Le médiateur bancaire est présent dans la salle et il pourrait probablement vous répondre lui-même.

M. Werner Schmidt: C'est une réponse très intéressante car il me semble que vous venez de me dire exactement le contraire de ce que vous disiez au président il y a un instant. Je crois percevoir une contradiction. Vous pourriez peut-être expliquer votre réponse.

Il n'y a peut-être pas de contradiction mais, si je me souviens bien, vous avez dit que, si le médiateur bancaire ne règle pas le problème, celui-ci est transmis au médiateur de l'Association des banquiers canadiens et, s'il n'est toujours réglé à ce niveau, il vous est adressé. Cela me porte à croire que vous jouez le rôle de tribunal d'appel de dernière instance.

En revanche, quand on vous demande si vous êtes le tribunal d'appel de dernière instance, vous dites que non. J'aimerais donc savoir qui est chargé de trouver une solution définitive aux problèmes. Lorsqu'un problème ne peut pas être réglé par la banque elle-même ou par le médiateur global, qui s'en charge si ce n'est vous?

M. John Thompson: C'est en fait une très bonne question. En réfléchissant à ce projet de loi, nous avons conclu que nous serions chargés d'obliger la banque concernée à modifier ses méthodes s'il y a avait un problème répétitif, et pas un problème seulement ponctuel.

M. Werner Schmidt: Bien.

M. John Thompson: Le médiateur bancaire serait beaucoup mieux placé pour s'occuper de chaque plainte qui lui est adressée.

En ce qui concerne la décision finale, si vous parlez de problèmes ponctuels...

M. Werner Schmidt: C'est ça.

M. John Thompson: ... je pense qu'il s'agit du médiateur bancaire. Si vous parlez d'un changement de méthodes de la part de la banque, je pense que nous aurions un rôle à jouer à cet égard. Notre rôle serait de changer les méthodes pour l'avenir. Le rôle du médiateur bancaire serait de trouver une solution à un problème existant.

M. Werner Schmidt: Si un problème ne pouvait pas être réglé au niveau du médiateur, quel recours y aurait-il pour les dommages causés par l'infraction, disons par une chose telle que la vente liée?

M. John Thompson: Je suppose qu'il faudrait s'adresser aux tribunaux.

M. Werner Schmidt: Bien.

Le président: Merci, monsieur Schmidt. Si je vous comprends bien, vous pensez que le client qui n'obtient pas satisfaction devrait s'adresser aux tribunaux.

M. John Thompson: De fait, si nous demandions à une banque de changer de méthode et qu'elle refusait, et si nous constations un problème répétitif, nous devrions nous aussi nous adresser aux tribunaux pour imposer une solution.

Le président: Veuillez m'expliquer quelque chose. Vous avez renvoyé des dossiers devant le médiateur bancaire et, pour reprendre votre expression, votre rôle à vous est de «changer les méthodes». Quand avez-vous été saisis pour la première d'un problème de vente liée?

M. John Thompson: Le savons-nous?

M. André Girard (directeur, Communications externes et relations avec les médias, Division des initiatives de politiques et des communications, Secteur des politiques, Bureau du surintendant des institutions financières): Nous n'avons de données que pour l'an dernier.

M. John Thompson: Nous n'avons pas de cas précis.

Le président: Était-ce l'an dernier? Était-ce avant?

M. John Thompson: Je pense que c'est l'an dernier que nous avons commencé à recueillir des informations sur la vente liée.

Le président: Pourtant, vous avez du mal à définir la coercition, si je comprends bien le fait que vous utilisez simplement la définition du client.

M. John Thompson: Nous utilisons cette définition, quelle qu'elle soit. Nous ne lui demandons pas de la définir. S'il dit qu'il a fait l'objet de vente liée ou de vente sous pression, nous classons le dossier dans cette catégorie.

• 0950

Le président: Puisque vous dites que votre rôle est de changer les méthodes, comment mesurez-vous votre succès? Quel a été votre degré de succès l'an dernier?

M. John Thompson: Dans ce domaine particulier?

Le président: Oui.

M. John Thompson: Lorsque nous avons renvoyé des plaintes devant une banque ou un médiateur bancaire, aucune ne nous a été renvoyée parce qu'elle n'avait pas été réglée. J'en conclus que le client a dû être satisfait du résultat ou qu'il a pu se faire entendre par la personne compétente.

Si l'on constatait des abus répétitifs, nous pourrions, dans le cadre de nos examens annuels, examiner ce qui se passe et analyser les mesures prises par la banque concernée. Notre premier objectif serait d'assurer l'existence de mesures de contrôle internes pour surveiller le personnel, pour s'assurer qu'il respecte la loi. S'il n'y avait pas de telles mesures de contrôle, ou si les méthodes utilisées constituaient une infraction, c'est à ce moment-là que nous prendrions des mesures.

Le président: Laissez-moi vous poser une question. Tout cela est arrivé avant l'article 459.1, n'est-ce pas?

M. John Thompson: Oui.

Le président: Aucun des clients n'est revenu vous voir?

M. John Thompson: Non.

Le président: Avez-vous repris contact avec eux?

M. John Thompson: Non.

Le président: Vous ne l'avez pas fait. Et, comme ils ne sont pas revenus vous voir, vous avez conclu qu'ils avaient dû être satisfaits. C'est une sorte de réaction naturelle, n'est-ce pas?

M. André Girard: Nous avons des exemplaires des lettres envoyées par les banques aux clients, ce qui nous permet de suivre le dossier.

M. John Thompson: Elles sont censées nous dire comment elles ont réglé le problème.

Le président: Comme c'est l'intérêt du client qui vous préoccupe avant tout—je n'ai aucune raison de penser le contraire—et comme tous ces gens ne reprennent pas contact avec vous, la question que vous devez vous poser est celle-ci: l'article 459.1 est-il vraiment nécessaire?

Au fond, ce que vous nous dites, c'est que, tant que vous êtes là et tant que les gens savent que vous êtes là—je précise en passant que je ne suis pas convaincu que les gens savent que vous êtes là.

M. John Thompson: Je suis d'accord.

Le président: Il vous appartient donc de vous faire mieux connaître à la population. Quoi qu'il en soit, vous supposez que les banques règlent ces problèmes sur le plan interne.

M. John Thompson: Oui, nous le pensons.

Le président: Et vous êtes satisfait du système.

M. John Thompson: Eh bien, oui.

Le président: Pourtant, vous dites que nous devrions adopter l'article 459.1.

M. John Thompson: Non. Vous m'avez demandé si ce serait un outil utile. Il nous aiderait à résoudre quelques-uns des problèmes. Si certains problèmes ne pouvaient être réglés par le cours normal des choses, cela nous donnerait un outil supplémentaire pour régler une infraction de cette nature.

Le président: Quels sont les cas que vous n'avez pas pu régler parce qu'il n'y avait pas cet article?

M. John Thompson: Aucun, jusqu'à présent.

Le président: Aucun. Donc, jusqu'à présent, vous dites que vous avez pu faire votre travail dans la structure actuelle.

M. John Thompson: Le système de médiation semble efficace pour trouver des solutions raisonnables à ce genre de problèmes.

Le président: Merci.

Madame Torsney.

Mme Paddy Torsney: Selon vous, les gens qui vous connaissent sont ceux qui connaissent bien le secteur financier. Pourtant, 24 personnes pensent avoir fait l'objet de vente sous pression. Ça ne vous inquiète pas qu'il y ait tout ce groupe de gens qui, même s'ils ne vous connaissent pas, vous ont quand même écrit parce qu'ils pensent avoir fait l'objet de vente sous pression ou qu'ils ne savent même pas qu'ils ont fait l'objet de vente sous pression?

M. John Thompson: Parmi les informations que nous recueillons, nous enregistrons le nom de la personne qui nous a contactés. Était-ce le client lui-même ou quelqu'un d'autre en son nom?

Mme Paddy Torsney: D'accord.

M. John Thompson: Il est probable que la moitié des appels que nous avons reçus dans ce domaine émanaient de personnes qui appelaient au nom d'un client.

Mme Paddy Torsney: Quel genre de personnes?

M. John Thompson: Un courtier, un agent d'assurance, un comptable ou quelqu'un de ce genre. C'était probablement quelqu'un qui connaissait bien le rôle du BSIF dans ce domaine.

Mme Paddy Torsney: Vous voulez changer les méthodes et vous ne savez même pas comment les dossiers sont réglés.

• 0955

M. John Thompson: Mais les banques nous indiquent comment elles règlent les problèmes puisqu'elles nous donnent une copie du message qu'elles envoient au client. En revanche, nous ne reprenons pas contact nous-mêmes avec les clients pour savoir s'ils sont satisfaits des solutions.

Mme Paddy Torsney: Donc, comment changez-vous les méthodes?

M. John Thompson: Pour le moment, nous ne changeons pas beaucoup les méthodes.

Mme Paddy Torsney: Ne pensez-vous pas qu'il y a un certain nombre de gens dont vous n'avez jamais entendu parler parce qu'ils en ont eu assez? Ils se sont adressés au BSIF, celui-ci les a renvoyés au médiateur, ils ont alors... Apparemment, personne ne s'est adressé au médiateur puisqu'il n'a reçu qu'une plainte. Bref, ces gens ont constaté que le processus ne menait à rien. Ils ont eu le sentiment que ça ne valait pas la peine de reprendre contact avec vous. En effet, quand ils vous avaient adressé une plainte, vous les aviez envoyés voir quelqu'un d'autre.

Je crains que les problèmes ne soient pas vraiment réglés. Certes, la banque peut bien vous dire qu'ils l'ont été mais, dans les 23 cas en instance, vous n'en avez aucune idée réelle.

Vous dites que vous soulevez ces problèmes lors de votre examen des banques. Le faites-vous s'ils n'ont pas été réglés ou s'ils l'ont été?

M. John Thompson: Nous le faisons si nous estimons qu'il y a encore un problème avec la banque. Dans tous les cas où l'on a attiré notre attention sur une infraction à la loi, nous veillons à ce que l'établissement concerné prenne des mesures. Ce projet de loi irait dans le même sens. Donc, si nous constatons qu'il y a infraction répétée, ou faute, dans ce domaine, nous allons vérifier ce que fait la banque pour s'assurer qu'elle respecte la loi. C'est essentiellement une question d'exécution de la loi.

Mme Paddy Torsney: Bien. Je ne demande quelles étaient les banques des 23.

M. John Thompson: Je ne le sais pas. Je suppose que c'est assez également réparti. C'est généralement le cas.

Mme Paddy Torsney: Mais vous ne savez pas comment les problèmes ont été réglés et vous avez besoin de ce projet de loi pour examiner les problèmes pendant vos examens. Vous ne savez pas comment les résoudre.

M. John Thompson: Non, ce n'est pas le cas. Cela nous donnerait une mesure supplémentaire, ou un bâton supplémentaire, que nous n'avons pas encore. Mais nous n'avons pas constaté jusqu'à présent qu'il serait nécessaire d'appliquer ce genre de mécanisme.

Mme Paddy Torsney: Bien.

M. John Thompson: Cela indiquerait clairement que l'on commet une infraction à la loi en faisant ça, et cela donnerait des pouvoirs d'exécution d'autres articles de la loi. Sans cela, nous pouvons faire des pressions morales. Or, jusqu'à présent, les pressions morales ont suffi.

Mme Paddy Torsney: C'est ce que vous croyez mais vous n'en savez rien.

M. John Thompson: Nous ne le savons pas mais, si cette loi était adoptée, nous ne le saurions pas non plus.

Le président: Je voudrais revenir sur une question de Mme Torsney.

Il s'agit de votre rôle pour changer les méthodes, car je crois que c'est très important si la vente liée se pratique. C'est quelque chose qui est inacceptable, ça ne fait aucun doute. Tout le monde en convient. Vous avez dit cependant que votre rôle est de changer les méthodes. Ensuite, en réponse à une autre question, vous avez dit que vous ne le faites pas encore. Que voulez-vous dire, si c'est votre rôle? Est-ce parce qu'il n'y a eu que 24 plaintes, ce qui est trop peu? Que va-t-il falloir pour que vous interveniez auprès des banques afin qu'elles changent leurs méthodes?

M. John Thompson: Il va nous falloir la preuve que ces incidents ne sont pas des cas exceptionnels, c'est-à-dire la preuve que c'est une habitude. C'est dans ce cas que nous agirions pour changer les méthodes, parce qu'il s'agirait alors d'une habitude de l'établissement et pas seulement d'un employé particulièrement zélé s'efforçant d'améliorer ses résultats. C'est ce genre de zèle qui peut provoquer le genre de situation dont nous parlons, et il faut que ce soit plus que des cas ponctuels.

S'il s'agissait d'un comportement habituel, c'est alors que nous essaierions d'obtenir un changement.

Le président: Vous pensez manifestement...

M. John Thompson: Que cette loi soit adoptée ou non, c'est ce que nous ferions.

Le président: Vous pensez manifestement que ça ne se fait pas encore. Vous ne pensez pas que ce soit une pratique généralisée.

M. John Thompson: Je ne pense pas que ce soit un comportement généralisé.

Le président: Bien.

Monsieur Brison.

M. Scott Brison (Kings—Hants, PC): Merci, monsieur le président.

Nous savons qu'aucune banque n'a pour politique officielle de faire de la vente liée. Il peut par contre y avoir des incitations, dans certaines succursales, qui amènent les gens à agir ainsi. Je sais que des gens appellent mon bureau à ce sujet. On peut peut-être dire que c'est ponctuel mais je crois que ça arrive assez souvent pour pouvoir dire que c'est une pratique connue.

• 1000

Avez-vous cependant examiné le problème dans le contexte de la globalisation? Avez-vous examiné la vente liée du point de vue de ce à quoi sont aujourd'hui exposées les banques canadiennes, du fait de la concurrence étrangère, par exemple de Wells Fargo ou de ING Bank, qui choisissent attentivement les secteurs les plus lucratifs qui étaient autrefois le domaine exclusif des banques canadiennes? Si vous le faisiez, vous constateriez peut-être que la globalisation et la concurrence offrent plus de possibilités d'autoréglementation de cette activité que n'importe quel organisme gouvernemental.

Deuxièmement, si vous examiniez aussi la vente liée dans pratiquement chaque industrie, et pas seulement dans le domaine des établissements financiers... examinez-vous par exemple la situation chez une entreprise comme GMAC? Il y a à côté de moi quelqu'un qui a travaillé assez longtemps dans le secteur de l'automobile et je suppose que GMAC pratique aussi la vente liée, pour le financement des automobiles.

C'est très difficile à réglementer. Qu'est-ce que la vente liée et qu'est-ce que la vente d'affinité? Je dois dire que je suis déçu que l'on n'ait pas déployé plus d'efforts pour définir ces deux choses, étant donné qu'il est très facile à des politiciens de monter sur leurs grands chevaux pour clamer haut et fort que c'est une pratique foncièrement inacceptable alors que personne ne l'a même jamais vraiment définie.

Le président: Je l'ai déjà fait. Vous n'étiez pas ici.

Des voix: Oh!

M. Scott Brison: Si j'en crois ce que j'ai entendu, il n'y a pas encore de définition. Quelqu'un a posé la question en ma présence. Le fait est que c'est très difficile à définir. C'est une pratique qui se fait mais je ne sais pas comment on peut la contrôler. Avez-vous cependant envisagé le problème du point de vue de la globalisation, en vous demandant si celle-ci a eu une incidence sur les banques canadiennes en les amenant à fournir de meilleurs services dans certains domaines?

M. John Thompson: Nous n'avons pas exactement examiné cette chose d'un point de vue analytique sous cet angle. Nous parlons ici d'une disposition de la Loi sur les banques, pas d'une disposition de la Loi sur les sociétés d'assurances ou de n'importe laquelle des autres lois que nous supervisons, où il se passe peut-être la même chose. C'est une disposition de la Loi sur les banques, ce n'est pas quelque chose qui sera ajouté à la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt ou à la Loi sur les sociétés d'assurances.

Vous avez cependant tout à fait raison de dire que ce n'est pas un problème particulier au secteur bancaire.

M. Scott Brison: Merci.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Cela met fin aux questions, à moins que M. Casey n'ait quelque chose à demander.

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Voyons... ai-je une question?

Le président: Je suppose que non.

Des voix: Oh!

M. Bill Casey: Je suppose que non.

Le président: Monsieur Thompson et monsieur Girard, je vous remercie beaucoup de vos témoignages. Je crois que vous avez été très utiles. Nous reprendrons peut-être contact avec vous pour d'autres questions à ce sujet. Il est évident que ce n'est pas un domaine où tout est noir et blanc. Il y a beaucoup de zones grises. Merci beaucoup.

M. John Thompson: Merci.

M. André Girard: Merci.

Le président: Nous allons faire une pause de deux minutes et demie.

• 1004




• 1011

Le président: Nous allons maintenant reprendre nos travaux avec les représentants de l'Association des banquiers canadiens. Il s'agit d'Alan Young, vice-président, Division de la politique; Mme Anne Lamont, vice-présidente, Affaires externes et gouvernementales; Kelly Shaughnessy, première vice-présidente, CIBC; et Brian Haier, vice-président senior, Ventes nationales, Banque Toronto Dominion.

Je vous souhaite la bienvenue à tous. Vous connaissez sans doute notre procédure. Vous aurez une dizaine de minutes pour faire vos exposés, après quoi nous vous poserons des questions. Vous avez la parole.

M. Alan Young (vice-président, Division de la politique, Association des banquiers canadiens): Merci, monsieur le président. Nous avons remis au greffier un exemplaire du mémoire que nous avons préparé, intitulé «Pour mieux se comprendre».

L'ABC est heureuse d'avoir l'occasion d'exposer au comité son point de vue sur la question importante de la vente liée, et nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître aujourd'hui. C'est avec plaisir que nous répondrons à vos questions après mes brèves remarques.

Nous croyons comprendre que votre comité a pour mandat de recommander si l'article 459.1 de la Loi sur les banques, concernant la vente liée, devrait être adopté ou non.

Notre message d'aujourd'hui est simple et il comprend deux volets. Premièrement, nous croyons que l'autoréglementation responsable reste le meilleur moyen de régler le problème de la vente liée coercitive. Deuxièmement, si les membres du comité ne pensent pas comme nous que l'autoréglementation est suffisante et que cette disposition législative s'impose, nous estimons que celle-ci devrait s'appliquer à tous les établissements financiers régis au palier fédéral qui consentent des prêts à la consommation.

Comme l'ont souligné l'an dernier vos prédécesseurs au sein de ce comité, et comme vous le constaterez peut-être vous-mêmes, le problème de la vente liée est extrêmement complexe. Deux exemples très simples en seront l'illustration.

Dans le premier, un client se présente dans une banque pour obtenir un prêt hypothécaire. L'employée lui dit qu'elle serait ravie de lui fournir une hypothèque à un taux qu'elle indique. Elle ajoute ensuite que, si le client accepte de se procurer aussi une carte de crédit, le taux hypothécaire sera réduit de 0,5 p. 100. Il ne s'agit pas de vente liée coercitive.

Dans le deuxième exemple, le même client sollicite la même hypothèque à la même banque. L'employée lui dit qu'il est admissible à un prêt hypothécaire à un taux d'intérêt qu'elle indique, mais elle ajoute que l'hypothèque ne sera consentie que si le client prend aussi une carte de crédit. Il s'agit ici d'un exemple de vente liée coercitive étant donné que le client ne peut obtenir l'hypothèque sans se procurer aussi une carte de crédit.

Dans le premier exemple, l'offre est clairement avantageuse pour le client puisqu'il peut de toute façon obtenir l'hypothèque, qu'il se procure ou non la carte de crédit. Évidemment, s'il accepte volontairement de prendre aussi la carte de crédit, il obtiendra un taux réduit pour son hypothèque. Ce type d'avantage offert au client est jugé acceptable par le Bureau de la concurrence, qui a déclaré l'an dernier ce qui suit, devant le Groupe de travail sur l'avenir du secteur des services financiers:

    À un certain stade du processus au cours duquel elle procure des produits de crédit, l'institution financière doit engager des frais pour évaluer la solvabilité du client. Une fois qu'une institution a engagé ces frais pour fournir un produit, elle n'a pas besoin de le faire de nouveau pour procurer au même client d'autres produits de crédit. En les regroupant, l'institution dispense ces services au client à un coût plus faible que si chaque produit était acquis séparément.

Le Bureau de la concurrence ajoutait ensuite:

    Le Bureau de la concurrence recommande par conséquent que l'on n'interdise pas d'office la vente liée sur quelque marché que ce soit, à moins qu'il ne soit clairement établi que la seule motivation du lien soit d'empêcher la concurrence.

Vos prédécesseurs au sein de ce comité ont avancé un argument similaire en 1996 lorsqu'ils ont dit, dans leur rapport sur le Livre blanc du gouvernement fédéral portant sur les services financiers, que la vente croisée non coercitive peut se traduire par des économies pour les clients qui, souvent, trouvent les produits groupés plus attrayants. Ce type d'avantage offert aux clients a également été reconnu lors des audiences tenues par votre comité l'an dernier sur le projet de loi C-82, qui portait en partie sur la vente liée.

• 1015

Un représentant de l'Independent Investment Dealers Association, M. Robert Schultz, de Midland Walwyn, a déclaré qu'il est normal qu'un client faisant des affaires plus importantes avec un établissement financier donné puisse obtenir de meilleurs taux. Voici sa conclusion: «Pour moi, il s'agit de vente croisée, pas de coercition. Le client peut faire un choix.» Nous sommes d'accord. Qu'il s'agisse d'un «joyeux festin» chez McDonald ou d'une baisse de taux hypothécaire conjuguée à l'achat d'autres produits, le consommateur veut profiter des innovations et des rabais que lui procurent la tarification sur mesure, la vente croisée et les produits groupés. Notre défi, et c'est aussi le vôtre, est de veiller à ce que les mesures prises à ce sujet ne privent pas les consommateurs de ces avantages financiers. Voilà le noeud du problème.

C'est un problème qui est également complexe à d'autres égards. Il y a par exemple des cas où il est légitime, voire nécessaire, de lier des produits ou des services. Les banques doivent assurer la garde de l'épargne des clients. En conséquence, elles doivent veiller à ce que chaque demande de crédit soit évaluée en fonction de la capacité du client de rembourser sa dette. Dans certains cas, la banque peut demander à l'emprunteur d'ouvrir chez elle un compte courant ou un compte d'exploitation, de ne pas s'endetter davantage ou de fournir des garanties adéquates comme condition d'obtention du prêt.

Notre politique relative à la vente liée, dont vous avez reçu des exemplaires, indique très clairement que ces exigences doivent servir uniquement à assurer une bonne gestion du risque de crédit et doivent être conformes au niveau de crédit demandé. Il s'agit là simplement de gestion prudente et saine du crédit.

Il s'agit aussi d'une pratique qui est clairement entérinée par la Loi sur la concurrence, dont l'article 77 prévoit une exemption autorisant les établissements financiers octroyant des prêts à pratiquer la vente liée dans le but de mieux garantir les prêts consentis. Elle est aussi admise en vertu de l'article 459.1 de la Loi sur les banques, dont vous êtes saisis aujourd'hui.

Comme vous le savez, l'honorable Jim Peterson, qui présidait auparavant votre comité, a invité en avril 1997 tous les établissements financiers à adopter un code de conduite sur la vente liée. Bien que nous pensions que les cas réels et légitimes de vente liée soient rares, nous avons relevé ce défi. Après de larges consultations entre les banques canadiennes, nous sommes devenus le premier secteur des services financiers, et nous restons le seul, à avoir adopté et publié une politique sur la vente liée.

Nous avons publiquement invité les autres parties du secteur des services financiers à nous emboîter le pas en adoptant un code de conduite sur la vente liée et un mécanisme de règlement des plaintes. Nous espérons que les membres de votre comité appuieront le défi que nous avons lancé au reste de ce secteur. La politique que nous avons adoptée expose l'engagement des banques et notre garantie qu'aucune banque n'exercera de pressions indues ou de coercition sur un client pour qu'il se procure un produit ou un service auprès de qui que ce soit, y compris de cette banque ou de ses filiales, comme condition d'obtention d'un prêt de cette banque.

Nous avons délibérément conçu notre politique en fonction de l'article 459.1 afin de nous assurer qu'elle serait conforme aux objectifs établis par le législateur dans ce contexte. Notre politique a reçu l'appui des banques du Canada et elle contient l'engagement clair de celles-ci à former leur personnel au sujet de la vente liée. La politique est mise à la disposition des clients et on peut se la procurer dans les succursales bancaires du Canada, sur les sites Internet des banques et sur le propre site de l'ABC.

Les banques suivent attentivement les réactions des consommateurs et elles renforcent la formation de leurs équipes de vente pour veiller à ce que celles-ci comprennent bien l'engagement que nous avons pris. S'il y a des plaintes—et, comme nous l'avons entendu dire depuis un jour et demi, il y en a—les banques ont établi un mécanisme de médiation pour faire enquête et pour trouver des solutions.

On peut également obtenir des informations sur les médiateurs particuliers des banques et sur le médiateur bancaire canadien par le truchement des succursales bancaires, et nous nous employons actuellement à faire mieux connaître ce processus de règlement des litiges. Les banques canadiennes encouragent les clients qui se posent des questions au sujet de leurs pratiques de vente à les soulever au sein de leur succursale et, si les questions ne sont pas réglées à cette étape, d'avoir recours au médiateur de la banque concernée. Le processus est en place et fonctionne. S'il y a des plaintes, les clients bénéficient donc d'un recours clair, efficace et gratuit.

Nous estimons que l'autoréglementation est le moyen le plus efficace de réduire la vente liée sur un marché des services financiers qui change de plus en plus rapidement.

• 1020

Nous partageons l'opinion exposée l'an dernier par le président de votre comité:

    Nous pressons toutes les institutions financières d'adopter, au cours de la prochaine année, leur propre code de conduite en la matière, de former leurs employés et d'informer leurs clients. Nous exhortons les banques, à tout le moins, dans le cas de plaintes provenant de clients ou de personnes indirectement touchés par la vente liée, à leur permettre d'avoir recours à leur ombudsman interne ou à l'ombudsman de l'industrie.

M. Peterson ajoutait ensuite:

    Je souhaite qu'après mûre réflexion on en arrive à la conclusion qu'il n'y a pas de problème et que, s'il y a problème, les institutions aient établi des règles et en assurent le respect. Je préférerais de beaucoup que le présent processus donne lieu à un régime d'autoréglementation.

Il a finalement conclu en ces termes:

    Légiférer en matière de vente liée pourrait donner lieu à quantité de modifications législatives coûteuses et chronophages, les tribunaux tentant de déterminer si telle ou telle activité constitue une vente liée coercitive.

Nous estimons que cette démarche est tout à fait la bonne, et c'est pourquoi nous avons mis en oeuvre un régime d'autoréglementation assorti d'un mécanisme de règlement des plaintes des clients, grâce au système de médiation. Selon nous, la législation ne devrait être qu'un dernier recours, si les efforts déployés par le secteur pour régler le problème s'avèrent insuffisants après avoir été adéquatement mis à l'épreuve.

L'un de nos objectifs est de veiller à ce que la loi et la jurisprudence qui en découlera n'aient pas pour effet d'entraver la concurrence, d'étouffer l'innovation ou de limiter la possibilité, pour les établissements financiers, d'offrir des dispositions bénéfiques à leurs clients. Traiter du problème éventuel de la vente liée par voie législative, ce qui suppose qu'il faudra passer par un nouvel organisme de réglementation ou un nouveau BSIF, voire devant les tribunaux, risquerait d'accroître la complexité du problème, d'alourdir le processus et d'imposer des coûts aux consommateurs.

Notre souci doit être de chercher un mécanisme efficace, simple et peu coûteux pour résoudre les cas relativement peu nombreux qui risquent d'apparaître. Nous croyons que cet objectif est atteint avec notre politique sur la vente liée et avec notre régime d'autoréglementation.

Les banques du Canada pensent qu'il convient de laisser le régime d'autoréglementation envisagé l'an dernier faire ses preuves. Toutefois, quelle que soit la décision du comité, nous vous exhortons de recommander qu'il s'applique de la même manière à tous les établissements financiers régis au palier fédéral qui offrent des prêts à la consommation. Toute entreprise offrant plus d'un produit ou service risque de pratiquer la vente liée coercitive. Il serait déloyal et injuste de prétendre que seules les banques sont susceptibles d'exercer ce type d'activité.

Ne pas appliquer les mêmes dispositions législatives à tous les autres établissements régis au palier fédéral reviendrait à établir des règles différentes de protection des consommateurs pour des secteurs différents d'un marché offrant la même gamme de produits et de services. Les clients des banques auraient un recours légal, mais pas ceux des autres établissements. Un tel régime à deux paliers de protection des consommateurs ne serait pas rationnel et, très franchement, reviendrait à limiter injustement la compétitivité d'un secteur en particulier.

Nous savons que, lors des audiences de l'an dernier, d'aucuns ont exprimé l'avis que ce sont des facteurs d'ordre constitutionnel qui ont amené le gouvernement fédéral à limiter la réglementation de la vente liée à la seule Loi sur les banques. Force nous est de dire, très respectueusement, que cet argument ne tient pas. Le gouvernement fédéral est parfaitement capable de légiférer dans ce domaine en ce qui concerne les sociétés de fiducie fédérales, les compagnies d'assurances fédérales et les caisses de crédit coopératives fédérales. De fait, le paragraphe 416(5) actuel de la Loi sur les sociétés de fiducie et de prêt et le paragraphe 381(5) de la Loi sur les associations coopératives de crédit interdisent l'exercice d'une pression quelconque sur un emprunteur pour qu'il souscrive une police d'assurance auprès d'un établissement de dépôt.

L'an dernier, le projet de loi C-82, qui a modifié la Loi sur les banques, a aussi modifié la Loi fédérale sur les sociétés d'assurances et la Loi fédérale sur les sociétés de fiducie et de prêt en ce qui concerne la divulgation du coût d'emprunt aux consommateurs, ainsi que la collecte, l'utilisation et la divulgation de renseignements sur les consommateurs. Le gouvernement fédéral a donc déjà établi son pouvoir constitutionnel de protéger les clients des établissements financiers du palier fédéral.

Nous partageons pleinement à ce sujet l'opinion exprimée par le président du comité l'an dernier:

    Je suis préoccupé par le fait que nos institutions financières, si elles doivent respecter des exigences en matière de vente liée, ne soient pas toutes assujetties au même régime. Je ne suis pas certain que les consommateurs sauront toujours faire la différence entre une banque, une société de fiducie, une société de prêt, voire une compagnie d'assurances ou une coopérative. Je pense que nous leur devons, en tant qu'autorités de réglementation fédérales et provinciales, d'établir un régime harmonisé et homogène.

• 1025

C'est en établissant et en entretenant de solides relations de confiance avec les clients que les banques connaissent du succès au Canada. Elles respectent le choix de chacun de leurs clients. Elles ont toujours réussi à se prémunir contre la vente liée, qui peut être jugée coercitive. L'autoréglementation a fait ses preuves et le secteur bancaire estime qu'une autoréglementation responsable peut continuer de protéger efficacement les intérêts des clients.

Merci beaucoup de votre attention. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Young.

Nous allons commencer avec M. Solberg, qui sera suivi de M. Schmidt.

M. Monte Solberg: Merci beaucoup, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à l'ABC.

Ma première question portera sur les allégations—qui sont plus aujourd'hui que des allégations, si je comprends bien—de M. Clark au sujet de ses relations avec la Banque Royale. Étant donné que l'industrie pratique l'autoréglementation depuis environ un an, en ce qui concerne la vente liée, comment ce qui est arrivé à M. Clark a-t-il pu se produire? Que répondez-vous aux gens qui disent: «L'autoréglementation ne marche manifestement pas puisqu'elle n'a pas pu empêcher cela»? Évidemment, je suppose que vous allez me dire que les banques ont répondu au problème.

M. Alan Young: Je dirai seulement quelques mots à ce sujet, après quoi je donnerai la parole à Mme Lamont.

Ma réaction au cas de M. Clark est qu'il démontre parfaitement l'efficacité de l'autoréglementation. À l'heure actuelle, il n'y a dans la Loi sur les banques aucune disposition qui porte sur ce cas particulier. Pourtant, grâce à l'autoréglementation, M. Clark a pu se faire entendre et a obtenu satisfaction, si j'ai bien compris.

Mme Anne Lamont (Association des banquiers canadiens): Je peux simplement répéter ce qui vient d'être dit, car je ne veux pas aborder le cas particulier de M. Clark. Quoi qu'il en soit, nos employés de première ligne reçoivent de la formation professionnelle depuis longtemps et, avec 55 000 employés, il est clair que nous avons mis en oeuvre de bonnes politiques. Il peut cependant arriver que quelqu'un fasse du zèle et utilise un langage qui ne corresponde pas nécessairement à nos lignes directrices.

Quoi qu'il en soit, pour revenir sur ce que disait M. Young, il est clair que M. Clark a écrit au président et que celui-ci a répondu. J'ai constaté que M. Clark vous a remis hier des documents comprenant notamment une réponse à notre président affirmant que le problème avait été réglé à son entière satisfaction et qu'il restait client de la banque.

Je profite de cette occasion pour vous dire que cet incident particulier, concernant M. Clark, a eu aussi pour effet de rehausser la sensibilisation de notre propre organisation à cette question. Nous en avons profité pour sensibiliser à nouveau tout notre personnel de vente. Une fois toutes les deux semaines, nous faisons un appel téléphonique général avec tout notre personnel de vente, en prenant contact avec chaque directeur supérieur des ventes du pays et, la dernière fois, nous en avons profité pour revenir sur le problème de la vente liée.

Dans le cadre du processus d'autoréglementation, notre président a aussi envoyé une lettre, fin janvier, réitérant notre engagement de traiter nos clients d'une certaine manière—avec respect et avec des comportements adéquats—et, comme vous le savez, nous avons aussi parlé de la vente liée dans une brochure intitulée Straight Talk destinée à nos clients. Nous avons donc profité du cas de M. Clark pour rappeler le sens de notre politique à toute notre organisation.

M. Monte Solberg: Pour changer un peu de sujet, vous avez dit que, selon vous, la règle devrait s'appliquer à tous les établissements financiers, si l'article dont nous parlons était adopté. Avez-vous des raisons quelconques de croire que d'autres établissements financiers pratiquent actuellement la vente liée?

M. Alan Young: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, il est clair que toute organisation offrant plus d'un seul produit pourrait pratiquer cette activité.

Pour ce qui est de mon cas personnel, ai-je connu cette expérience? Oui, j'ai eu l'expérience de la vente préférentielle. Quand j'ai renouvelé la prime d'assurance de mon automobile, l'an dernier, mon assureur m'a dit que j'aurais une réduction de 5 p. 100 si j'assurais aussi ma maison chez lui. Évidemment, j'ai sauté sur l'occasion.

M. Monte Solberg: Je voudrais vous poser ma dernière question. M. Clark a dit comment il voit l'autoréglementation. Il s'agirait d'autoréglementation, mais avec une sorte de loi fédérale en bout de course. Si les banques ne se comportaient pas comme il faut, si elles ne respectaient pas l'esprit de la discussion que nous avons eue depuis quelque temps au sujet de la vente liée, il y aurait un recours par le truchement du gouvernement fédéral. Je me demande si cela correspond à votre idée de l'autoréglementation.

• 1030

M. Alan Young: À mon sens, s'il y a une disposition législative, ce n'est pas de l'autoréglementation. Les deux ne vont pas ensemble.

Le président: Merci, monsieur Solberg.

Monsieur Shaughnessy.

M. Kelly Shaughnessy (Association des banquiers canadiens): J'aimerais ajouter un mot à cela.

Je suis entré pendant la comparution du BSIF. J'ai entendu dire que, même en l'absence de ce règlement, les banques prêtent une attention extrême à chaque remarque formulée par le BSIF, suite à ses examens, et je peux vous le confirmer.

Donc, même si cet article de loi n'était pas adopté, je sais qu'il n'y a aucun président de banque du Canada qui ne prêterait pas une attention extrême au Bureau du surintendant des institutions financières si celui-ci lui disait que sa banque a un problème sérieux à régler.

Je ne pense pas qu'il soit nécessaire que ce soit promulgué dans la Loi. Je pense que la pression morale que peut exercer l'organisme de réglementation de notre secteur est assez forte pour produire les résultats attendus.

Le président: Merci, monsieur Shaughnessy.

Monsieur Schmidt.

M. Werner Schmidt: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de comparaître devant le comité. Je suppose que c'est vraiment vous qui êtes la cible de tout ce débat et de toute cette attention.

J'ai apprécié que vous disiez qu'il faudrait appliquer ça à tous les établissements financiers. Ça me paraît tout à fait équitable. Personnellement, ça me plaît.

Je voudrais maintenant que vous nous expliquiez ce que vous avez dit ce matin, dans le contexte de la lettre que j'ai reçue de M. Protti. Je suis sûr que vous en avez un exemplaire car c'est vous qui nous l'avez distribuée ce matin.

Il s'agit de la gestion du risque de crédit. À mes yeux, les termes qui sont employés ici m'amènent à me demander s'il n'est pas parfaitement clair que vous pratiquez la vente liée.

Une bonne partie de ce qui est dit ici ne me pose pas de problème. Je lis ce qu'il y a sous «Managing Credit Risk»:

    Les banques ont le devoir de gérer le risque de crédit avec prudence;

—Je pense que nous sommes tous d'accord—

    tous les clients bénéficient [...]

—Je descends—

    En conséquence, pour gérer le risque de crédit, les banques peuvent imposer certaines exigences aux emprunteurs,

—c'est pour assurer une sécurité adéquate, ce que nous acceptons tous—

    comme condition à l'octroi de crédit.

Prenons maintenant l'exemple:

    Par exemple, une banque peut demander à un emprunteur d'obtenir un produit ou un service, par exemple d'ouvrir un compte courant

—de n'importe quelle nature—

    ou un compte d'exploitation,

—c'est parfaitement clair—

    ou de ne pas s'endetter davantage

—ce qui revient à la notion de sécurité, si on veut—

    comme condition d'octroi du prêt.

Il peut donc y avoir trois conditions d'octroi d'un prêt.

    En outre, une banque peut exiger qu'un produit ou un service obtenu par un emprunteur auprès d'une personne donnée, comme garantie d'un prêt, reçoive l'approbation de la banque.

À mon avis, c'est cette exigence particulière qui me semble établir un lien évident avec un autre établissement financier. Or, considérant la structure actuelle des banques, des compagnies de fiducie, des courtiers en investissement et de tout le secteur des établissements financiers, vous en êtes arrivés à posséder les quatre piliers. Ils étaient autrefois séparés et tous sont aujourd'hui des filiales de vos banques respectives.

Cela ne montre-t-il pas clairement non seulement qu'il est possible qu'il y ait de la vente liée mais que, dans certaines circonstances, ce soit en réalité une exigence? N'est-ce pas évident?

M. Alan Young: Je voudrais d'abord apporter une correction, après quoi je demanderai à Kelly de répondre à la question.

Dans votre question, vous avez séparé compte courant et compte d'exploitation. Je dois dire cependant qu'il peut s'agir indifféremment de l'un ou de l'autre.

Kelly, pouvez-vous répondre à la question?

M. Kelly Shaughnessy: Je vais essayer d'y répondre en parlant de la gestion du risque. Pour ce qui est du compte courant ou du compte d'exploitation, il arrive que la banque insiste pour que l'emprunteur...

Faisons marche arrière. Cela concerne invariablement les emprunteurs commerciaux, c'est-à-dire les entreprises petites, moyennes ou grandes. La banque peut tenir à ce que le prêt d'exploitation soit consenti par le truchement d'un compte courant. Chez nous, par exemple, la quasi-totalité de nos prêts d'exploitation sont octroyés sous forme de découvert. Donc, si un client n'a pas de compte courant, nous ne pouvons pas lui accorder ce type de prêt. Certains de nos concurrents accordent des prêts aux petites entreprises, pouvant descendre dans certains cas jusqu'à 35 000 $ ou 50 000 $, dans le cadre d'un compte VISA, qui devient alors la plate-forme d'octroi du prêt, mais je ne pense pas que l'on puisse dire qu'il s'agit là de vente liée.

• 1035

L'autre cas dans lequel nous insisterions pour que le client ouvre un compte courant est celui de l'obtention d'une garantie de prêt. Par exemple, on peut demander les comptes créditeurs ou l'inventaire en garantie. Dans ce cas, monsieur le président, la seule manière de surveiller la garantie est de voir les fonds qui passent dans le compte, puisque c'est cela qui nous permet de savoir si le client assure bien le recouvrement de ses comptes créditeurs. On demande que les sommes soient déposées dans le compte bancaire, étant donné qu'elles constituent la garantie du prêt.

Pour ce qui est de l'expression «personne donnée», je ne pense pas que l'on ait envisagé dans ce document que l'on oblige le client à obtenir de l'assurance-vie, par exemple, auprès de la filiale d'une banque. Je crois que l'intention est plutôt que, si une assurance-vie est nécessaire pour garantir le prêt, celle-ci doit être souscrite auprès d'une compagnie d'assurance-vie qui soit fiable sur le plan du crédit. Le seul but de cette expression est de veiller à ce que la garantie ou l'autre produit soit fourni par une entité qui sera là en cas de besoin.

M. Werner Schmidt: Je vous remercie de votre explication au sujet du compte courant. Je comprends parfaitement. Je n'ai aucun problème avec ça.

En revanche, c'est cette notion de «personne donnée», l'expression qui est employée dans l'autre législation, où l'on indique clairement qu'une «personne donnée» désigne toute entreprise ou toute personne qui fournit un service donné. C'est clairement l'objectif visé ici. Ce n'est peut-être pas celui que vous envisagiez, c'est-à-dire que la compagnie d'assurances soit une filiale de la banque, mais il n'en reste pas moins que ce texte n'exclut pas cette possibilité. Au contraire, il l'inclut.

Cela me porte à croire que c'est le client qui devrait décider lui-même s'il veut faire affaire ou non avec la filiale de la banque.

Il est parfaitement clair à mes yeux que, si l'employé de la banque veut faire preuve de loyauté envers celle-ci, et si ses promotions et son salaire dépendent de cette loyauté et du nombre de nouveaux comptes-clients ou de comptes REER qu'il aura attirés, il sera inévitablement porté à préciser la «personne donnée» de façon à ce que la transaction profite en fin de compte à la banque.

M. Kelly Shaughnessy: Je tiens à revenir sur le sens de cette expression. Si je me souviens bien, Mme Lamont a participé à la rédaction de ce texte et je suis sûr que ce n'était pas ce qu'elle voulait dire. Donc, si cette expression...

M. Werner Schmidt: Nous ne parlons pas de l'intention, nous parlons du texte lui-même. Qui va être chargé de l'appliquer?

Combien y a-t-il d'employés dans le secteur bancaire? Près de 25 000?

M. Alan Young: Près de 200 000.

M. Werner Schmidt: Près de 200 000. Multipliez donc cela par 10, vous voyez que le problème est encore plus gros. Combien de ces 22  000 employés vont lire ce texte et y voir l'intention que je viens d'indiquer?

Mme Anne Lamont: Je tiens à préciser aussi qu'il y a une autre disposition de la Loi sur les banques, le paragraphe 416(5)—dont je n'ai pas le texte exact sous les yeux—qui indique de manière explicite que, lorsque nous demandons ce genre de produit pour appuyer un autre produit, par exemple de l'assurance pour un prêt, l'approbation ne doit pas être déraisonnablement refusée. Il est donc admis qu'il peut y avoir d'autres fournisseurs. Ce ne serait pas nécessairement nous.

M. Werner Schmidt: C'est vrai, mais cela se limite à l'assurance. Ça ne s'applique à aucun autre produit. C'est très précisément limité à cela. Et c'est précisément ce qui inquiète le comité. Comme les banques s'occupent aujourd'hui non seulement d'activité bancaire mais aussi d'assurances, de fiducie et d'investissement, sans compter les produits dérivés, par exemple, car elles s'occupent de cela aussi, elles ont maintenant la possibilité non seulement d'exiger ça mais de le préciser.

Mme Anne Lamont: Quand nous avons rédigé le texte que vous avez lu, il était clair que notre intention était d'indiquer que, si quelqu'un d'autre—et c'est l'idée que ce doit être un fournisseur crédible, pour que nous sachions, dans le cas d'un contrat d'assurance ou de quelque chose d'autre, que ça ne serait pas déraisonnablement refusé en fonction de n'importe quelle sorte d'autres produits.

M. Werner Schmidt: Très respectueusement, monsieur le président, je dirais qu'il y a encore beaucoup de travail à faire sur ce texte si c'est vraiment ce qu'on voulait dire.

Si c'est ce que vous vouliez dire, pourquoi ne l'avez-vous pas dit?

Le président: Que voudriez-vous qu'ils disent? Je ne comprends pas bien.

M. Werner Schmidt: J'aimerais qu'il soit clair qu'ils ne peuvent préciser une «personne donnée». Ils ne peuvent pas faire cela. On dit très clairement ici: «d'une personne donnée, une garantie», ce qui veut dire qu'ils peuvent préciser une compagnie de fiducie particulière, ou une société hypothécaire particulière, ou une compagnie d'assurances particulière, pour fournir certains types—ou une compagnie de fonds commun de placement, si vous voulez, ou une compagnie de REER—qu'ils peuvent préciser. Vous voyez ce que je veux dire.

• 1040

Si l'on disait qu'il s'agit d'obtenir certains types de garantie qui doivent provenir d'un groupe enregistré de compagnies d'assurance, il n'y aurait pas de problème. Cela veut dire que toute compagnie d'assurance-vie qui est enregistrée et dont la légitimité est acceptée peut offrir une police. Parfait, il n'y a pas de problème. Mais dire qu'il faut s'adresser à Manufacturers Life... c'est ça le problème. Ou, qu'il faut acheter à telle ou telle compagnie d'automobiles qu'ils possèdent, c'est le problème.

Le président: Merci, monsieur Schmidt.

Monsieur Brison, souhaitez-vous poser une question?

M. Scott Brison: Pour ce qui est de l'autoréglementation, étant donné qu'il n'y a pas de politique officielle des banques sur la vente liée, puisqu'il y a en fait une politique officielle disant de ne pas le faire, il y a des incitations. Vous savez ce que je veux dire. Au fond, il y a une organisation de vente qui est incitée à maximiser les ventes et à maximiser les profits. Si tel est le cas, s'il y a cette carotte, il y aura des gens qui adopteront des pratiques, au niveau de la base, qui ne seront peut-être pas conformes aux politiques globales de la banque.

Étant donné qu'il y a une carotte, quel est le bâton, du point de vue de votre politique d'autoréglementation? Comment pourriez-vous sanctionner quelqu'un qui agirait de cette manière? Quelle est votre politique officielle pour prévenir ce risque? Ça se produira s'il y a une forme quelconque d'incitation.

M. Brian Haier (Association des banquiers canadiens): Pour ce qui est des incitations—je parle de notre banque en particulier mais mes remarques s'appliquent généralement à tout le secteur—la plupart des employés de nos succursales dépendent aujourd'hui à 98 p. 100 de leur salaire de base. Il y a très peu d'incitations fondées sur la vente directe d'un produit.

Chaque emploi est différent. Nous avons des équipes de vendeurs dont le rôle est de vendre des produits particuliers, et ils sont manifestement traités de manière différente des personnes qui travaillent dans les succursales. La rémunération de ces gens-là dépend non seulement de leur rendement individuel mais aussi de choses telles que le rendement de l'équipe de la succursale, de la région ou d'une zone géographique plus vaste. En termes généraux, ce n'est pas spécifique. Nous employons l'expression «traction directe». Il n'y a pas de commission de traction directe qui soit versée à une personne en particulier, suite à la vente d'une hypothèque, et qui lui permettrait d'empocher une prime. Cela ne se fait pas.

Le service à la clientèle est un volet crucial des incitations qui sont versées à la fin de l'année. Notre défi, pour vous parler franchement, est de rendre la ligne de vision partant de l'employé individuel jusqu'à la grande banque beaucoup plus claire pour eux. Il n'y a donc aucun mouvement vers une concurrence en traction directe dans le personnel général.

M. Scott Brison: Et les promotions? Un employé qui aurait maximisé les profits d'une succursale donnée, éventuellement en pratiquant...? Je ne dis pas que cela se fasse nécessairement mais, comme j'ai dirigé une équipe de vente, je sais que les gens veulent maximiser leurs résultats, pas simplement à cause de leur chèque de paie mais aussi à cause des promotions. Ils veulent le prestige d'être le premier vendeur, par exemple. C'est une incitation. Cela ne donne peut-être pas de résultats financiers directs ou immédiats mais c'est certainement un incitatif du point de vue de la carrière.

Je vous demande donc à nouveau quelle procédure disciplinaire existe pour sanctionner les employés qui pratiquent incontestablement la vente liée?

M. Brian Haier: Pour ce qui est de mesures disciplinaires, s'il y avait dans notre organisation un cas de vente liée, nous le traiterions de la même manière que les autres, du point de vue des sanctions. Cela pourrait commencer par une discussion avec l'employé concerné, pour passer ensuite à une lettre de réprimande puis, éventuellement, à une décision de suspension, selon le rendement passé de l'employé, son ancienneté à la banque et la gravité de l'incident.

Autrement dit, du point de vue disciplinaire, un cas de vente liée serait traité en fonction de notre politique globale touchant toutes les questions de discipline.

M. Scott Brison: Et, comme vous l'avez dit, cela dépendrait de l'employé.

Donc, si vous aviez un employé vraiment exceptionnel qui s'était fait attraper, il pourrait ne pas être traité aussi sévèrement qu'un autre.

• 1045

M. Brian Haier: Il est difficile de généraliser. J'ai passé neuf ans au service des ressources humaines de ma banque. Si l'on pense à chaque cas qui peut se poser, il y a toujours un petit détail qui fait qu'il est différent des autres. Il n'empêche que les mesures disciplinaires sont appliquées de manière cohérente, en fonction des choses que j'ai indiquées.

M. Scott Brison: Par principe, je suis favorable à l'autoréglementation, par opposition à la réglementation imposée par le gouvernement mais, pour le secteur bancaire canadien, je pense qu'il faut une politique plus rigoureuse, mieux connue et appliquée de manière cohérente en ce qui concerne quelque chose d'aussi précis que la vente liée.

M. Brian Haier: Je précise que la politique relative à la vente liée, ou notre engagement envers cette politique et envers nos propres codes, ne remonte qu'à trois mois. En outre, il y a 221 000 personnes qui traitent chaque jour avec les clients. S'il est vrai que nous consacrons beaucoup d'argent et d'efforts à donner à nos vendeurs les outils nécessaires pour être efficaces, vous comprendrez qu'il faut un certain temps pour communiquer le message à 221 000 personnes et pour en assurer l'application cohérente aux millions de transactions mensuelles du secteur bancaire.

M. Scott Brison: Vous demandez donc un an pour pouvoir appliquer ces politiques de manière efficace.

M. Brian Haier: Si l'on parle d'autoréglementation, nous devons être cohérents pour être crédibles. Si l'on constate, au bout d'un certain temps, que nous n'avons pas de crédibilité du point de vue de l'autoréglementation, il sera toujours temps d'envisager le recours à la législation. Cependant, après trois mois seulement de mise en oeuvre du code, et considérant les engagements pris l'an dernier devant le comité, je peux dire que nous avons respecté ces engagements.

Nous avons fait de notre mieux pour les mettre en oeuvre dans le système. Trois mois, ça me semble un peu prématuré pour un secteur qui emploie 220 000 personnes.

M. Scott Brison: Une dernière chose, monsieur le président.

Je voudrais vous donner un exemple non pas nécessairement de vente liée mais de politique regrettable.

Je connais un groupe de courtiers qui ont quitté une grande maison de courtage lorsqu'une banque l'a achetée. Ils ont alors créé leur propre maison de courtage et on leur a clairement indiqué... En fait, ils ont commencé à traiter avec l'une des banques à charte qui n'avait pas encore racheté de maison de courtage. Lorsque cette banque l'a fait, leur relation de prêt avec cette banque a sensiblement changé. Le directeur de la succursale locale a fait des pressions sur les courtiers pour qu'ils envisagent sérieusement de se joindre à l'une des grandes maisons de courtage appartenant à une banque. Ce n'est peut-être pas de la vente liée mais, à mon avis, c'est sans doute pire.

Je connais fort bien cet exemple puisque mon père était l'une des personnes concernées. Il travaillait pour l'une des banques dans les années 30 et il avait décidé de ne plus jamais recommencer. Lorsque la banque a racheté la maison de courtage où il travaillait, il est parti avec quelques collègues pour créer sa propre firme.

Cela arrive parfois. Les banques exercent parfois des pressions sur le secteur du courtage ou sur des courtiers indépendants. À mon avis, c'est là une autre question sur laquelle nous devrions probablement aussi nous pencher.

Le président: Merci, monsieur Brison.

Des commentaires des témoins?

Mme Anne Lamont: La seule donnée anecdotique que je pourrais fournir en ce qui concerne les courtiers indépendants est qu'ils obtiennent d'excellents résultats. Ils ne semblent pas avoir été pénalisés par la restructuration du secteur des services financiers.

M. Scott Brison: Absolument.

Le président: Il ne fait aucun doute que vous êtes tous très prospères.

Monsieur Casey.

M. Bill Casey: Merci.

Bienvenue dans notre petit groupe. Je pense que votre témoignage était parfait car il a clairement confirmé la nature du problème qui, selon moi, relève des communications.

• 1050

Hier, un ancien employé de banque a témoigné en disant que le milieu de travail avait changé de manière spectaculaire dans les banques au cours des années et qu'il y a aujourd'hui beaucoup plus de pression pour vendre et pour faire de la vente liée. Nous avons entendu un comptable agréé relater sa propre expérience avec ses clients. Nous avons entendu un client de banque et des conseillers financiers. Tous nous ont dit qu'il s'agit là d'un sérieux problème alors que, selon vous, la vente liée est un problème tout à fait mineur. Il y a là clairement un manque de communication.

Le hasard faisant bien les choses, j'ai trouvé ce matin sur mon bureau cette lettre dans laquelle un avocat de ma ville dit ceci:

    Je devrais sans doute adresser cette lettre à Michael Lauber, que l'on dit être le médiateur bancaire canadien, mais je n'ai pas son adresse exacte.

Il évoque ensuite une série de problèmes qu'il a eus avec ses clients—et je peux vous dire que cet homme est un avocat de première qualité, qui a des principes très élevés et qui se soucie beaucoup du consommateur. Il s'occupe beaucoup d'héritages et de patrimoine. Dans cette lettre, il parle d'une dame qui faisait affaire avec le conseiller financier d'une banque et il dit que celui-ci a exercé des pressions sur elle pour qu'elle change son testament et qu'elle fasse de la société de fiducie affiliée à la banque son seul exécuteur testamentaire. La dame n'avait aucunement l'intention de confier ce rôle à la compagnie de fiducie de la banque mais elle a subi de fortes pressions à ce sujet.

Voilà donc un autre exemple, et je vais vous remettre la lettre pertinente. J'espère que vous ferez quelque chose et que vous téléphonerez ou écrirez à cet avocat.

Ma propre expérience de conseiller financier m'a amené à connaître des cas de ventes liées de nature rétroactive, si je puis m'exprimer ainsi. Quand quelqu'un s'adresse à une banque et dit—et j'en ai des exemples précis—«Je veux transférer mon REER parce que mes objectifs d'investissement ont changé et votre banque ne peut pas les satisfaire», celle-ci répond: «Pas de problème, mais où obtiendrez-vous votre hypothèque quand il faudra la renouveler?». De ce fait, la personne ne transfère pas son REER. Cette seule remarque l'a intimidée.

Autre exemple: le propriétaire d'une petite entreprise qui avait une marge de crédit avait emprunté auprès d'une banque et a dit à celle-ci qu'il allait changer ses REER parce que ses objectifs d'investissement avaient changé. Le directeur de la banque lui a dit: «Parfait, mais où trouverez-vous une marge de crédit pour votre entreprise»? Lui aussi a renoncé.

Il est clair que ce genre de chose arrive et, d'après moi, considérant mon expérience, c'est extrêmement répandu. C'est loin d'être un cas isolé. Les banques sont peut-être sincères quand elles disent qu'elles s'y opposent mais il ne semble pas y avoir de bonnes communications entre les cadres supérieurs qui proclament: «Nous avons une politique de prévention de la vente liée», et les gens qui traitent directement avec les consommateurs.

Je crois que l'on exerce beaucoup de pression sur les employés pour qu'ils fassent tout leur possible pour obtenir tous les comptes de leurs clients, ce qui les amène à faire ce genre de remarques.

Or, vous avez une relation spéciale avec vos clients. Les deux personnes que je viens de mentionner ne peuvent pas aller ailleurs. S'il s'agissait d'un concessionnaire automobile ou d'un magasin de vêtements, elles pourraient aller ailleurs. Dans les cas que je viens de mentionner, cependant, vous avez leurs hypothèques, leurs cartes de crédit et leurs marges de crédit. Elles ne peuvent pas aller ailleurs. Certes, elles n'ont pas adressé de plaintes à la banque, elles ne vous en ont pas adressé et elles n'en ont pas adressé non plus au médiateur. Elles sont simplement sorties de la banque mécontentes parce qu'elles ne peuvent pas faire ce qu'elles veulent de leur argent.

Je vais donc vous lancer un petit défi. Si vous êtes vraiment sincère quand vous dites que vous voulez améliorer vos relations avec vos clients et établir une ligne de communication pour recueillir les plaintes, et s'il est vrai que votre association va dépenser 20 millions de dollars pour rehausser votre image auprès des consommateurs, dites-moi pourquoi vous ne pourriez pas en donner 1 million à ce Michael Lauber, le médiateur, pour qu'il puisse faire connaître l'existence de ses services aux clients? Même un avocat qui oeuvre dans ce secteur ne connaît pas l'adresse de Michael Lauber. Donnez donc à ce dernier 1 million de dollars pour qu'il fasse sa publicité, et changez ensuite vos règles pour que le client puisse s'adresser directement à lui au lieu de passer d'abord par la banque.

On dit dans vos règles actuelles que les clients doivent s'adresser d'abord à la banque avant même de parler au médiateur. Cela filtre la plupart des gens car, comme les deux personnes que je viens de mentionner, la plupart ne vont pas aller se plaindre directement à la direction de la banque. Il me semble que vous devriez donc changer ces règles pour que les clients puissent s'adresser à quelqu'un d'autre, et vous devriez vous assurer que la population le sait.

Je n'ai aucune idée du nombre de transactions bancaires qui sont exécutées chaque année mais ce doit être de l'ordre de plusieurs milliards. Si l'enquêteur n'a fait que 96 enquêtes, c'est complètement dérisoire et ça n'a aucun sens.

Vous dites que votre système est efficace, monsieur Young. Je vous dis qu'il ne l'est pas, sinon il y aurait eu plus de 96 enquêtes. Même si vous faisiez tout de manière absolument parfaite, vous n'allez pas me dire qu'il ne doit y avoir que 96 plaintes sur des milliards et des milliards de transactions, des milliers de millions, et je ne sais combien de comptes, probablement une centaine de millions aussi. Cela veut dire que le système ne marche pas.

• 1055

Quoi qu'il en soit, je reviens à ma question. Pourquoi ne lui donnez-vous pas 1 million de dollars afin qu'il puisse faire connaître ses services, et êtes-vous prêts à autoriser les clients à s'adresser directement à lui sans passer d'abord par la banque?

M. Alan Young: Il y a plusieurs volets à votre question, monsieur Casey, et je vais essayer de répondre à certains. Je demanderais à mes collègues de répondre aux autres.

Si je peux reprendre au début, j'ai l'impression que vous pensez qu'il y a des millions et des millions de clients mécontents. Je vais vous donner une autre explication, et c'est que nous avons des millions et des millions de clients heureux.

Vous m'interrogez sur cette lettre, et j'aimerais en recevoir un exemplaire pour...

M. Bill Casey: Je vais en donner un exemplaire à tout le monde. Je viens de la recevoir.

M. Alan Young: Ce que cela indique, c'est que nous avons un processus dans lequel l'autoréglementation peut être efficace. Nous allons examiner cette lettre.

Vous m'avez posé une question au sujet de la campagne de 20 millions de dollars. Une petite partie des sommes qui seront dépensées au cours des trois à cinq prochaines années sera consacrée à de la publicité télévisée—une très petite partie. La majeure partie sera liée—je n'aurais pas dû utiliser le mot «liée»—sera associée à l'éducation des consommateurs, à l'éducation des clients. Vous, vos collègues et tous les Canadiens verront dans les prochains jours la phase suivante de notre campagne d'éducation des consommateurs sur nos services et sur les services financiers de manière générale. Je pense en conséquence que nous allons, au moins en partie, relever votre défi.

M. Bill Casey: Vous n'avez cependant pas répondu à ma question. Allez-vous spécifiquement faire la publicité des services du médiateur, et allez-vous encourager les gens à s'adresser directement à lui?

M. Alan Young: En ce qui concerne la publicité des services du médiateur, je dois vous dire que je vais soumettre cette idée à mes collègues de l'Association des banquiers car je pense qu'elle est tout à fait valide.

Nous avons déjà pris nous-mêmes des mesures pour rehausser sa visibilité. Notre association s'est associée avec 30 ou 50 autres associations industrielles, comme des chambres de commerce, des sociétés du Barreau et d'autres, pour envoyer des brochures et préparer des articles sur le processus de médiation, et pour faire la publicité du processus de médiation dans les revues spécialisées.

Dans son témoignage hier, M. Lauber a dit qu'il envoie 50 000 brochures à la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante.

Vous voyez donc que des mesures sont prises pour rehausser la visibilité du médiateur.

M. Brian Haier: J'aimerais répondre à certains éléments de vos questions. Vous avez dit que l'un des témoins d'hier avait parlé de pressions accrues ou de pression pour faire de la vente liée.

M. Bill Casey: Oui, un ancien employé de banque.

M. Brian Haier: Il se trouve que les banques existent depuis toujours pour faire des transactions. À cause de l'évolution des facteurs démographiques, nos clients nous demandent de plus en plus de leur donner des conseils. C'est quelque chose qui est tout à fait nouveau pour nous. Certes, on nous a toujours demandé de donner des conseils mais, dans le passé, nous nous en sommes toujours gardés.

Autrefois, nous parlions uniquement à nos clients de notre banque. Si un client voulait une hypothèque et demandait, à huis clos: «Dites-moi quoi faire. Devrais-je prendre cinq ans ou trois ans?», notre position était toujours d'éviter de répondre et de laisser le client décider.

Aujourd'hui, avec la concurrence accrue, que ce soit d'entités monovalentes comme la MBNA, qui s'occupe uniquement de cartes de crédit, ou d'entités comme Wells Cargo, dont quelqu'un a parlé, ou ING, qui a déjà recueilli un demi-milliard en dépôt et qui vise clairement un autre marché, nous devons changer nos méthodes. Nous devons changer nos méthodes. Nous évoluons clairement des transactions vers la prestation de conseils, ce qui est une réponse directe à cette menace concurrentielle.

Certains employés des banques qui étaient habitués à faire des transactions sont aujourd'hui invités à être un peu plus proactifs et cela en amène certains à partir. Bien que ce soit décevant, c'est une réalité.

Votre deuxième remarque concerne le fait que le système de médiation ne marche pas. Dans notre banque, nous faisons 10 millions de transactions par mois. Il y a des gens qui s'adressent à une caisse pour faire un dépôt ou un retrait ou pour payer une facture, et cela diminue peu à peu par rapport aux transactions électroniques.

L'an dernier, selon nos analyses, nous avons reçu 14 000 plaintes, soit plus de 70 par jour. Donc, quand nous entendons dire que 26 personnes n'étaient pas satisfaites, ou que les gens hésitent à se plaindre, je peux vous répondre qu'il y a manifestement un nombre assez élevé de gens, dans notre banque—14 000 l'an dernier—qui ont exprimé leur insatisfaction à l'égard du niveau de service. Nous avons un engagement et des normes pour réagir à ce type de problèmes et nous faisons de notre mieux.

• 1100

Sur les 14 000, environ 400—un peu moins, puisque c'était 370—ont pris contact avec le médiateur. Il y a donc pas mal de communication et d'interaction. Vous savez, avec 70 plaintes par jour, dont une par jour va devant le médiateur, cela représente un degré non négligeable de communication avec les «clients mécontents» pour essayer de résoudre leurs problèmes.

M. Bill Casey: Il a dit qu'il avait reçu 106 plaintes par an et vous parlez de 370. C'est plus que votre part. Quoi qu'il en soit, nous n'allons pas nous battre là-dessus.

M. Brian Haier: Non, c'était pour la banque.

M. Alan Young: C'était de la banque.

M. Bill Casey: Je comprends.

M. Brian Haier: Les 368 concernent le médiateur de la banque. Je ne saurais dire quelle était notre proportion par rapport au secteur dans son ensemble.

M. Bill Casey: Revenons au principe. Considérant ce qui s'est passé et ce que nous avons entendu, croyez-vous qu'il y a un manque de communication entre vos cadres supérieurs et vos employés de première ligne, dans les succursales? C'est ce que l'on nous dit et c'est ce que j'ai pu constater personnellement. Êtes-vous d'accord ou non avec ça?

M. Brian Haier: Je ne suis pas d'accord. En fait, je crois qu'il y a trop de communication. L'employé de succursale typique...

M. Bill Casey: Pas de communication, de compréhension.

M. Brian Haier: ... avec qui nous essayons de communiquer pour parler des changements de produits, des changements de services, des différents types de campagnes, du lancement de nouveaux produits ainsi que des codes du secteur—il faut reconnaître que c'est difficile d'assimiler tout ça. Quoi qu'il en soit, quand on veut changer la culture bancaire pour passer d'une culture de transactions à une culture de vente, quand on veut appliquer un nouveau code sur la vente liée ou sur la protection des renseignements personnels, cela prend un certain temps. Je dirais qu'il nous faut au minimum trois ans pour que les employés comprennent vraiment que ce message ne va pas changer.

Pour ce qui est de l'excès de communication, je pense que nous en faisons beaucoup, mais on peut toujours l'améliorer. On peut toujours en faire plus. Il s'agit en fait d'essayer de simplifier les choses pour la caissière qui s'occupe de ces 10 millions de transactions.

M. Bill Casey: Revenons à ma question...

Le président: Ce sera votre dernière question.

M. Bill Casey: La Banque Toronto Dominion accepterait-elle de modifier les règles du médiateur pour que les plaintes lui soient adressées directement? Êtes-vous prêts à appuyer la publicité de ses services? Je vous pose la question parce que j'étais moi-même ignorant à ce sujet. L'avocat dont j'ai parlé savait qu'il existe mais il ne connaissait pas son adresse. Il est donc évident que le médiateur n'est pas assez connu. Seriez-vous d'accord pour que l'on dépense de l'argent afin de mieux faire connaître ses services, et accepteriez-vous que les clients puissent s'adresser directement à lui?

M. Brian Haier: Pour ce qui concerne le secteur dans son ensemble, je crois que nous voudrions en traiter au niveau du secteur. Pour le moment, nous faisons déjà beaucoup pour faire connaître le médiateur. Nous en parlons sur notre page Internet, mais je crois que c'est une question au sujet de laquelle nous devrions mener des consultations et réfléchir.

Nous n'avons pas peur que le client s'adresse directement au médiateur. Évidemment, nous souhaiterions résoudre les problèmes des clients avant cela, mais ce n'est pas quelque chose qui nous fait peur.

M. Bill Casey: Toutefois, la règle est que le client ne peut pas s'adresser au médiateur.

M. Brian Haier: Je sais.

M. Bill Casey: Seriez-vous d'accord pour que cela change?

Le président: Merci, monsieur Casey.

M. Alan Young: Comme l'a dit M. Haier, c'est parce que, dans sa propre banque, il y a près de 70 plaintes par jour, dont très peu arrivent en fait sur le bureau de M. Lauber. Les problèmes sont réglés au niveau local, soit par la succursale, soit par le système de médiation de la banque. Le processus est donc...

Le président: Merci. Allez-y.

Mme Anne Lamont: Il me semble important de souligner qu'il y a dans toutes les banques ce que j'appellerais un système interne de règlement hiérarchique des plaintes. Manifestement, comme l'ont déjà dit mes collègues, nous préférons d'abord et avant tout que les problèmes soient réglés au niveau de la succursale, si le client se sent à l'aise avec cela.

D'autres organisations que nous avons étudiées ont d'autres systèmes de traitement des plaintes. Je crois cependant pouvoir dire que nous sommes manifestement une organisation qui encourage ses clients à formuler directement leurs plaintes, parce que nous tenons à éviter les problèmes systémiques. Nous voulons les résoudre nous-mêmes. Je dois cependant dire qu'une personne qui connaît le médiateur sectoriel—celui-ci doit toujours renvoyer le client à la banque pour pouvoir obtenir les détails complets de la transaction contestée ou du problème. À l'heure actuelle, les gens ont la possibilité de s'adresser au médiateur bancaire, même si celui-ci peut leur demander d'essayer d'abord de résoudre le problème par les voies internes. Cela ne veut pas nécessairement dire qu'il s'en désintéresse.

• 1105

M. Kelly Shaughnessy: Monsieur le président, je travaillais avec le comité sectoriel de la Chambre des communes lorsque nous avons convoqué le médiateur. Pour moi, dans un monde idéal, M. Lauber ne recevrait aucune plainte, pas une par an. La règle n'est pas que l'on doive passer par la banque, la règle est que l'on doit passer par le médiateur de la banque.

J'aimerais beaucoup demander aux divers médiateurs des banques de venir témoigner devant vous. Ce sont des gens tout à fait remarquables. J'ai demandé à notre propre médiateur, Milt MacLean—nous avons été la première banque à en avoir un—combien de fois il est parvenu à la conclusion que la banque avait fait une erreur et qu'elle devrait changer sa décision, et combien de fois sa recommandation n'avait pas été mise en oeuvre. Il m'a regardé droit dans les yeux en disant: «Jamais!». La banque a toujours accepté ses recommandations s'il avait conclu qu'elle avait fait quelque chose qui n'était pas dans le meilleur intérêt du client.

Cela dit, l'idéal serait que Mike ne reçoive jamais aucune plainte car cela voudrait dire que tous les problèmes ont été réglés par les médiateurs des diverses banques. Autrement dit, chaque fois qu'il en reçoit une, c'est que nous avons échoué. Croyez-moi, cela me tient beaucoup à coeur. On en a beaucoup discuté au comité sectoriel lorsqu'on a convoqué le médiateur.

Le président: Merci.

Avant de passer au député suivant, je voudrais revenir sur la réponse de M. Casey.

Comme mécanisme de résolution des litiges, monsieur Casey, ce serait la même chose que renvoyer chaque litige devant la Cour suprême du Canada au lieu de tenir d'abord un procès au niveau local ou provincial.

M. Bill Casey: C'est tout à fait différent.

Le président: Mais je crois qu'il convient de donner le choix au client, si c'est ce qu'il veut. En fin de compte, il me semble que l'objectif important est de résoudre le problème du client.

M. Bill Casey: Je sais que mon temps de parole est écoulé mais puis-je répondre à cette remarque?

Le président: Bien sûr.

M. Bill Casey: C'est complètement différent parce que les gens qui estiment avoir été mal traités par la banque ne veulent pas aller se plaindre à la banque. Ils n'apparaissent donc pas dans les statistiques. J'en ai toute une série d'exemples...

Mme Paddy Torsney: Il nous a dit que 70 personnes par jour se plaignent à sa banque, ce qui contredit votre affirmation.

M. Bill Casey: Avez-vous parlé d'un milliard de transactions par jour?

M. Brian Haier: Non, 10 millions par mois.

Le président: Monsieur Iftody.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Merci, monsieur le président. Je voudrais faire une remarque avant de poser ma question.

Mme Lamont voudra peut-être répondre à ma première remarque. Au sujet de M. Clark, vous avez dit que c'était un exemple montrant que l'autoréglementation est efficace. À mon sens, la raison pour laquelle le système a marché, dans son cas, c'est qu'il s'est adressé à la presse. On a beaucoup parlé de lui dans la presse et, comme cela a mis la banque dans l'embarras, c'est sans doute cela qui l'a amenée à trouver une solution.

Je crois cependant que toute personne raisonnable est de ce fait amenée à se demander combien il peut y avoir d'autres M. Clark, mais qui n'ont peut-être pas la même audace que lui qui n'a pas hésité à attirer l'attention de la presse sur son problème. À mon avis, l'autoréglementation n'a rien à voir avec cela.

Je voudrais maintenant adresser une deuxième question aux autres témoins. J'ai lu l'autre jour que l'Association des banquiers canadiens s'oppose à un projet de loi du gouvernement Harris. Je crois comprendre que M. Eves, le ministre des Finances, a récemment déposé un projet de loi interdisant la vente liée.

Vous avez fait une déclaration fort éloquente, monsieur Young, pour essayer de défendre l'autoréglementation. Pouvez-vous cependant me dire pourquoi l'Association des banquiers canadiens s'oppose à ce récent projet de loi de l'Ontario?

Madame Lamont, pourriez-vous essayer de répondre à ma première remarque? Les autres témoins pourront ensuite essayer d'expliquer aux membres du comité pourquoi leur association s'oppose vigoureusement au projet de loi de M. Eves sur la vente liée.

• 1110

Mme Anne Lamont: Je voudrais juste faire quelques remarques au sujet de votre première question. Je ne connais pas les détails exacts des dates mais je sais que M. Clark a écrit à notre président, et je peux vous dire que toute plainte qui est adressée au président fait l'objet d'une intervention directe et particulière de notre part. Le processus avait donc déjà été engagé dans notre propre système. Nous avons un mécanisme interne, que nous appelons notre «centre de solution», ainsi que notre médiateur, et des mesures étaient déjà en cours au moment où la presse a été alertée. C'est en tout cas ce que je crois comprendre.

Pour revenir à ce que je disais plutôt, il ne fait aucun doute que, lorsque le dossier de M. Clark a fait l'objet d'une attention supplémentaire, nous avons pu en profiter pour mettre nos préoccupations et notre intérêt en exergue, afin de faire en sorte que ce genre de comportement ne se reproduise pas. Comme je l'ai dit, nous avons pris contact avec nos vendeurs de tout le pays. Nous le faisons déjà régulièrement mais, cette fois-là, nous en avons profité pour mettre la question des ventes liées à l'ordre du jour de notre conférence téléphonique nationale avec les équipes de vente.

Comme je l'ai déjà dit, je crois que le processus était déjà engagé, de manière normale, mais le fait que son problème ait été traité dans la presse nous a offert l'occasion de renforcer vigoureusement le message au sein de notre propre organisation en mettant l'accent sur les politiques et méthodes adéquates.

M. Kelly Shaughnessy: Je confirme ce que vient de dire Mme Lamont. Je n'ai aucune idée des circonstances dans lesquelles M. Clark a formulé sa plainte. Je peux cependant affirmer que, dans notre organisation, toute plainte qui arrive au niveau de la haute direction fait l'objet d'une action immédiate. On accuse immédiatement réception de la lettre et un service séparé s'occupe tout de suite du problème. Si c'est une question grave, montrant qu'il y a une déconnexion évidente entre le client et la banque, le dossier passe directement au bureau de notre médiateur. Ces choses sont prises très au sérieux et je peux vous dire qu'en ce qui concerne quiconque prend la peine d'écrire au président de la banque ou au président du conseil, notre valeur corporative est que la personne doit obtenir une réponse immédiate, et que le problème doit être réglé sans retard.

M. David Iftody: Quelqu'un peut-il répondre à ma deuxième question, au sujet de l'opposition au projet de loi de l'Ontario...

M. Alan Young: Avec plaisir. En effet, je suis heureux de dire que nous sommes vraiment des modèles de cohérence. Le gouvernement de l'Ontario a sollicité nos commentaires sur sa proposition et nous lui avons répondu que la meilleure solution serait l'autoréglementation. Nous disons la même chose aujourd'hui. Nous croyons qu'il faut donner à un système d'autoréglementation la chance de prouver son efficacité, et c'est seulement s'il s'avère particulièrement déficient que l'on devrait avoir recours à la législation. Nous sommes donc cohérents.

C'est également la position que l'Association des banquiers canadiens a exprimée dans le mémoire assez long qu'elle avait adressé au groupe de travail MacKay, en disant qu'il fallait donner sa chance à l'autoréglementation. Nous sommes donc toujours cohérents.

En ce qui concerne le projet de loi particulier dont vous venez de parler, notre principale préoccupation, outre le problème général de l'autoréglementation, vient du fait qu'il ne fait aucune distinction entre la vente liée et la vente croisée préférentielle, qui donne un avantage au client, comme nous l'avons dit dans notre mémoire. C'était notre principale préoccupation.

Le président: D'autres questions?

M. David Iftody: Une dernière remarque. D'un point de vue conceptuel, il semble assez évident qu'il serait difficile de produire des lignes directrices satisfaisantes pour le comité ou pour le secteur dans son ensemble, en ce qui concerne les pratiques de vente. Je dirais simplement à cet égard—et c'est quelque chose que vous auriez peut-être intérêt à envisager dans vos propres plans de marketing—que cela soulève toute la question de la responsabilité fiduciaire des banques, ainsi que d'autres questions évidentes et délicates.

Si cette responsabilité fiduciaire existe, comment pouvez-vous... et dans quel autre contexte, canadien, les banques exercent-elles une responsabilité fiduciaire, et qui les supervise? Autrement dit, qui s'assure que cette responsabilité fiduciaire est exercée correctement?

• 1115

Deuxièmement, considérant l'évolution récente du secteur bancaire, c'est-à-dire sa consolidation par les fusions avec les sociétés de fiducie, et la consolidation au sein du secteur bancaire lui-même, j'estime que toute la question de la responsabilité fiduciaire, la question du choix—et vous avez été plusieurs à utiliser fréquemment ce mot pour décrire la différence, en disant que vous tenez à ce que le consommateur ait le choix—cette liberté de choix est la variable déterminante pour savoir s'il y a eu ou non coercition. Ou peut-être ne s'agit-il pas de coercition mais de niveaux différents, par exemple, comme mon collègue le laissait entendre, de message subliminal disant, écoutez, vous avez franchi la porte et vous recevrez une marge de crédit supplémentaire si vous prenez aussi telle ou telle autre option.

Nous abordons des questions très délicates. J'affirme cependant que, dans la mesure où votre secteur poursuit sa consolidation, ou dans la mesure où vous le poussez vers la consolidation, ces questions de responsabilité fiduciaire et ces questions de choix prennent de plus en plus d'importance et exigent une supervision de plus en plus attentive, notamment avec ce changement législatif concernant la vente liée ou coercitive.

Voilà les remarques que je voulais faire, monsieur le président. J'espère que vous en tiendrez compte dans vos propres discussions, car la plupart de ces questions ont déjà été discutées très ouvertement, très honnêtement et très franchement en ce qui concerne la protection du consommateur.

Le président: Merci, monsieur Iftody.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci, monsieur le président.

Cette question est très complexe. Je lis dans votre mémoire: «Selon nous, la législation ne devrait être qu'un dernier recours, si les efforts déployés par le secteur pour régler le problème s'avèrent insuffisants après avoir été adéquatement mis à l'épreuve.»

On ne cesse en effet de revenir sur toute cette question de définitions claires pour tous les participants. Pouvez-vous donc me dire ce que vous entendez par «adéquatement mis à l'épreuve», et comment on pourra savoir si les mesures d'autoréglementation sont jugées insuffisantes? Quels sont les critères?

M. Alan Young: Tout d'abord, M. Haier a dit que nous en sommes aux tout débuts de la mise en oeuvre de notre régime d'autoréglementation de la vente liée et nous pensons que nos clients et les membres du comité ne pourront porter de jugement valable à cet égard que si le processus a eu un peu plus de temps pour faire ses preuves.

Quant à savoir comment décider si l'on a franchi la ligne de démarcation et s'il convient d'adopter une loi, il nous serait évidemment très difficile de le dire. Ce sera avant tout une question de jugement, c'est-à-dire une décision que les membres du comité et le gouvernement devront prendre en fonction de toute la masse de témoignages reçus des clients, de nous-mêmes, d'autres membres du secteur, du médiateur, du BSIF, etc.

Il sera très difficile de juger quand la ligne aura été franchie. Je suis conscient de cette difficulté que vous aurez.

Mme Karen Redman: Il y a beaucoup de subtilités, beaucoup de nuances, et nous avons entendu le surintendant des banques affirmer plus tôt qu'il ne suffit pas—ce que vous avez confirmé dans votre témoignage—de dire que les banques corrigeront d'office leurs méthodes s'il leur dit qu'il n'en est pas satisfait. Et j'ajoute qu'il peut y avoir une impression de coercition que la personne représentant la banque risque de ne pas percevoir.

L'une des autres critiques qui ont été formulées concerne le fait que les transactions doivent être effectuées de manière opportune. Si les gens acceptent le groupement ou les ventes croisées, dans les cas où il ne s'agit pas strictement parlant de ventes liées, ils constatent que leurs transactions, s'ils veulent transférer leur argent et investir leurs REER ailleurs qu'à la banque, ne sont pas exécutées de manière aussi rapide. Ce genre de problèmes me porte à croire qu'il est nécessaire de protéger le consommateur et d'assurer plus de cohérence.

Que pouvez-vous dire à ce sujet?

M. Kelly Shaughnessy: Ce qu'il faut comprendre, à mon avis, c'est qu'une banque ne peut être rentable à long terme si elle n'établit pas de relations de confiance avec ses clients. Donc, quand on parle de rémunération incitative et de choses de ce genre, cela doit aussi reposer sur le service à la clientèle.

• 1120

Dans notre organisation, nous avons un fonds d'incitation dont chaque employé peut profiter à la fin de l'année. Cette année, nous réduirons ce fonds de 10 p. 100 si nous n'atteignons pas l'objectif que nous nous sommes fixé du point de vue de la satisfaction des clients. Par contre, si nous obtenons le deuxième objectif établi à ce chapitre, nous l'augmenterons de 10 p. 100.

Cela montre bien que, lorsque nous parlons de la rémunération du personnel, celle-ci ne dépend pas uniquement des ventes car, si cela dépendait de chaque transaction, on risquerait de perdre les clients l'un après l'autre, à long terme. Il faut que les clients soient satisfaits.

Dans le cas que vous avez cité, et je crois qu'il y a eu des témoignages antérieurs au sujet de transferts de REER et de choses de cette nature, la plupart de ces plaintes viennent du fait qu'une personne peut entrer dans une banque, peut aller voir un autre vendeur de fonds commun de placement et de REER pendant le mois de février, pour faire sa cotisation de REER pour l'année et, pour une raison ou une autre, que ce soit à cause d'un changement dans son portefeuille ou pour une autre raison, décide de transférer son REER à un autre établissement. Ce qu'elle fait, c'est qu'elle entre dans le courant au moment le plus occupé de l'année.

En temps normal, il ne devrait pas y avoir de plaintes au sujet du transfert des REER—en temps normal. Quoi qu'il en soit, il n'y a aucune politique ou pratique des banques visant à faire traîner ces choses-là. Cela rend les clients très mécontents et on risquerait de les perdre, à long terme, ce qui n'est pas l'idéal pour gagner de l'argent.

M. Brian Haier: Je voudrais faire une autre remarque sur le transfert de REER.

Les transferts de REER se font manuellement. Je sais bien qu'il y a beaucoup d'investissements de REER dans des fonds communs de placement, et que 90 p. 100 des gens qui possèdent des parts de tels fonds aujourd'hui les ont achetées depuis 1990. Or, ce n'est pas un secteur qui a beaucoup investi dans la technologie, ce qui fait que les clients connaissent parfois certaines difficultés pendant la période de pointe. Bien que nous tentions d'étendre la campagne du 31 octobre jusqu'au 1er mars, la réalité est que la majeure partie des clients apportent leur cotisation pendant les dernières 72 heures.

Vous voyez donc le problème: le système n'existe pas depuis très longtemps et certains des investissements que l'on veut transférer sont relativement nouveaux, même s'ils sont aujourd'hui très répandus, et nous faisons face à un afflux considérable pendant les dernières 72 heures.

Mme Karen Redman: J'aimerais revenir à la situation du client. Dans le cas qui a été mentionné—et je crois que c'était hier matin—la personne avait l'impression qu'on lui avait répondu que le transfert prendrait plus longtemps parce qu'elle avait décidé de transférer son compte ailleurs.

Le président: Merci, madame Redman.

Monsieur Ritz, voulez-vous poser une dernière question?

M. Gerry Ritz (Battlefords—Lloydminster, Réf.): Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à tous les témoins.

Je voudrais aborder une question dont on n'a pas encore discuté ce matin. À l'aube du nouveau millénaire, nous entendons parler de fusions géantes—Banque Royale et Banque de Montréal, etc.—ce qui va manifestement vous causer des problèmes du point de vue de l'autoréglementation. Je songe surtout ici aux conséquences sur les régions rurales du pays, où beaucoup de collectivités vont se retrouver avec une seule banque, après les fusions, ou avec moins de personnel dans les succursales.

Pour que les succursales soient rentables, vous allez devoir y offrir le maximum de produits possible. Ce serait tout à fait normal. Comment pourra-t-on cependant protéger les habitants des régions rurales, des petites collectivités, afin qu'ils ne soient pas bombardés de propositions de vente liée, lesquelles seront faites parce que vous voudrez assurer la rentabilité de vos succursales?

Le président: Merci, monsieur Ritz.

M. Kelly Shaughnessy: Je vais commencer.

Le principal problème concernant le projet de loi, tout comme ce document, touche le secteur du prêt. Autrement dit, allons-nous refuser d'octroyer un prêt à un client parce que celui-ci ne traite pas ses autres activités financières avec nous?

Sur cette question, je peux vous dire, d'après mon portefeuille de petites entreprises—le portefeuille de l'agriculture fait partie de mon portefeuille—que nous faisons face à une concurrence de plus en plus vive, quotidiennement. Selon les statistiques du Conference Board—et je crois que cela s'applique autant au Canada rural qu'au Canada urbain—les sociétés financières spécialisées sont passées en deux ans d'une part de marché de 8 p. 100 à une part de marché de 15 p. 100. Je parle ici des Newcourts et des GE Capitals du monde. Cela comprend aussi les John Deeres du monde, et les gens de ce genre.

• 1125

Les communications étant ce qu'elles sont aujourd'hui, si une banque s'établissait dans une collectivité et disait aux gens qu'ils devront faire affaire avec elle parce qu'elle sera la seule à pouvoir leur donner des services, ce serait tout à fait stupide. Bien que certaines collectivités rurales n'aient pas encore de lignes téléphoniques numérisées et de choses de cette nature, elles les auront bientôt, à mesure que nous approchons de l'an 2000. Elles auront accès à des produits et services financiers de toute origine, quasiment globale.

En fait, cela revient à ceci: si vous voulez que les gens fassent affaire avec vous, vous devez leur fournir un bon service, même si vous êtes le seul en ville. Il faut que le service soit là.

Le président: Une dernière question de M. Pillitteri.

M. Gary Pillitteri: Merci, monsieur le président.

Je tiens tout d'abord à dire très clairement que je suis le seul membre qui reste du dernier Comité des finances, lequel était parvenu aux conclusions que vous avez mentionnées dans votre exposé.

Il est clair, monsieur Casey, que ce n'est pas de la vente liée. Je pense que les banques entrent dans des domaines où elles n'étaient pas présentes auparavant, ce qui les amène à être confrontées à une concurrence qu'elles n'ont jamais connue.

Ma question n'en est pas vraiment une, ce sera plutôt une affirmation. M. Schmidt avait posé une question au sujet de sa circonscription et de la vente liée. Je peux vous donner un exemple de vente liée.

Disons que j'ai une entreprise et que j'ai une propriété hypothéquée. J'ai aussi une marge de crédit. En 1992, 1991 et 1990, la valeur des propriétés a baissé. Les garanties fournies n'étaient plus suffisantes. Donc, ma propriété valait beaucoup moins que mon hypothèque. Ma marge de crédit était inutilisable, pour cette raison. Je suis donc venu vous voir pour vous demander un prêt supplémentaire, c'est-à-dire pour augmenter mon prêt à vue.

Supposons que j'avais d'autres titres dans un autre établissement: des obligations, des bons du Trésor, des fonds communs de placement, mais pas de REER. Si vous m'aviez dit de vous les apporter pour pouvoir accroître ma marge de crédit, cela aurait manifestement été de la vente liée. Mais quelle garantie auriez-vous pu obtenir?

Voilà les situations que l'on rencontre le plus souvent.

M. Kelly Shaughnessy: Je ne peux discuter... je ne sais pas si c'est un exemple purement théorique.

M. Gary Pillitteri: J'utilise cela simplement comme exemple, parce qu'il s'est produit souvent.

M. Kelly Shaughnessy: Dans ce cas—et, à cette époque, qui a sans doute été la plus difficile pour les régions du centre du pays, je travaillais dans le secteur de la gestion du risque—ce n'était pas de la vente liée. À mes yeux, c'était de la gestion du risque.

Ce qui se passe, juridiquement et techniquement, c'est que l'hypothèque arrive à maturité à une date donnée. À ce moment-là, la banque a le droit de la renouveler ou non. S'il n'y a pas de garantie, à cause de la dévalorisation des biens immobiliers par exemple, la banque a le droit de réclamer son argent. Si le client a besoin de plus d'argent et qu'il ne peut donner de garantie, je ne pense pas que la banque s'acquitterait de son devoir fiduciaire à l'égard de ses déposants et de ses actionnaires en accordant des fonds supplémentaires lorsque la garantie a manifestement coulé.

M. Gary Pillitteri: Merci.

Le président: Je tiens à remercier les témoins au nom du comité. Certes, il y a toujours deux faces à une médaille mais sachez bien que nous nous pencherons sur cette question dans un souci de justice et d'équité, notre objectif étant d'améliorer sensiblement le projet de loi qui nous est soumis.

Avant que les membres du comité ne partent, je voudrais leur demander l'autorisation de lire une lettre que j'ai reçue de M. R.B. Schultz, président-directeur général de Midland Walwyn.

Des voix: D'accord.

Le président: Merci.

[Note: Lettre lue par le président]

Strictement confidentiel

Madame Carole Chafe, Comité permanent des finances de la Chambre des communes, pièce 538N, édifice du Centre, Chambre des communes, Ottawa, Ontario, K1A 0A6

Madame Chafe,

Merci de m'avoir généreusement invité à comparaître devant le comité. Hélas, le préavis est tellement court que mes collègues du secteur des courtiers en valeurs mobilières n'appartenant pas à des banques et moi-même ne pouvons participer à la séance. Toutefois, pour communiquer nos opinions aux membres du comité, je prends la liberté de vous adresser les remarques qui suivent.

Le législateur a adopté le projet de loi C-82, Loi modifiant la Loi sur les banques. Une disposition de ce projet de loi, l'article 459.1, définit et interdit la vente liée. Le gouvernement a déclaré qu'il promulguera cet article au plus tard le 30 septembre 1998, ce qui veut dire que l'article entrera en vigueur à cette date.

Il existe une certaine confusion quant à la nature de l'engagement du gouvernement. D'aucuns pensent que celui-ci promulguera le paragraphe 459(1) si votre comité en fait la recommandation. Ce n'est pas le cas. Comme l'a dit le secrétaire parlementaire du ministre des Finances (Barry Campbell, député) au Comité des finances le 7 avril 1997: «... une disposition relative à la vente liée—je tiens à préciser—sera promulguée ce jour-là [30 septembre 1998], mais elle reflétera la recommandation de ce comité...»

En conséquence, les courtiers n'appartenant pas à des banques se réjouissent des délibérations du Comité concernant le paragraphe 459(1). Nous avons la conviction que le gouvernement respectera son engagement de promulguer cette disposition, qui a été adoptée par le Parlement.

Depuis l'adoption du projet de loi, l'inquiétude de la population et de la presse au sujet des ventes liées semble avoir augmenté. Il peut y avoir de nombreuses raisons à cela, notamment le projet de fusion de deux des plus grandes banques du pays, qui suscite des préoccupations croissantes en ce qui concerne le pouvoir que détiendront les banques sur le simple citoyen. Dans ce contexte, nous croyons qu'il est d'autant plus important que le gouvernement respecte son engagement et promulgue l'interdiction des ventes liées.

Les préoccupations croissantes de la population montrent clairement qu'une interdiction totale est nécessaire. On a fait grand cas des perspectives d'autoréglementation, ainsi que de l'établissement du Bureau du médiateur fédéral. Nous croyons cependant que ces mesures, aussi bienvenues soient-elles, ne sauraient être utiles au consommateur s'il n'y a pas d'interdiction législative. Le système de médiation est très complexe et très juridique. Il est très difficile de trouver le numéro de téléphone du médiateur dans l'annuaire téléphonique du Gouvernement du Canada! Imaginez ce qu'il en est pour le simple consommateur.

En outre, le flux constant de plaintes exposées dans la presse écrite et électronique montre que cette pratique n'est pas sur le point de disparaître. De fait, elle restera un problème tant que le gouvernement n'aura pas promulgué le paragraphe 459(1).

En conclusion, j'invite le Comité à bien réfléchir au signal qu'il va donner. Renoncer à l'interdiction des ventes liées à cette étape adresserait un message catastrophique aux consommateurs, à un moment où le pouvoir que détiennent les banques dans notre société est à son zénith. Renoncer à l'interdiction reviendrait à leur dire: «Débrouillez-vous tout seuls.»

La solution est claire et convaincante. Il appartient au Comité de réfléchir sérieusement au problème, d'en analyser attentivement toutes les conséquences et de recommander au gouvernement la promulgation immédiate de l'interdiction des ventes liées.

Sincères salutations,

(signature)

R.B. Schultz

Le président: La séance est levée.