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PRHA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 11 février 1999

• 1109

[Traduction]

Le président (M. Peter Adams (Peterborough, Lib.)): Chers collègues, nous pouvons commencer. Nous avons à l'ordre du jour l'examen d'une demande reçue conformément au paragraphe 106(3) du Règlement au sujet de fuites des rapports de comités avant leur présentation à la Chambre.

Avant de commencer et avant de céder la parole à Stéphane—si cela vous va, Stéphane—peut-être pourrais-je vous indiquer rapidement la façon dont l'enquête devrait se dérouler selon moi, et vous faire part des plans prévus pour les prochaines semaines.

Nous commençons aujourd'hui cette enquête sur la question des fuites des rapports et la poursuivrons mardi. Pour l'instant, le principal témoin que nous accueillons mardi est Bill Graham, président du comité de liaison, qui est le comité des présidents des comités permanents de la Chambre des communes.

• 1110

Dans une semaine, à la même heure et au même endroit, nous accueillerons comme témoins Doug Fisher, journaliste qui a une expérience parlementaire et qui, dans un certain sens, représente tous les journalistes, et Jules Richer, qui est président de la Tribune de la presse parlementaire canadienne et qui en sera le représentant officiel au cours de notre enquête.

Nous aurons alors une pause. Le mardi suivant, jour où siège la Chambre, soit le 2 mars, la séance prévue est pour l'instant une séance publique. Cela dépendra de la façon dont se dérouleront les choses à ce moment-là. Il y a d'autres personnes que nous aimerions recevoir. Nous pouvons le décider d'ici la fin de la semaine prochaine. Le 4 mars, nous accueillons comme témoin Joseph Maingot, à cause de son expertise particulière, bien évidemment.

Nous penserons ensuite à un rapport—et soit dit en passant, nous verrons s'il doit faire l'objet de fuites ou non. Je suis sûr que nous en discuterons au moment voulu.

Des voix: Oh, oh.

Le président: Pendant que nous ferons tout cela et comme le budget aura été adopté, nous passerons—nous en avons déjà parlé—à l'examen du budget principal dont nous sommes responsables, tout d'abord celui de la Chambre des communes. Nous serons heureux de recevoir le président et d'autres personnes le 11 mars. Puis, le 18 mars, nous examinerons le budget principal d'Élections Canada. Cette séance a deux objets: premièrement bien sûr l'examen du budget principal d'Élections Canada, et deuxièmement, l'examen probable de la Loi électorale du Canada.

Cela vous convient-il?

[Français]

Stéphane Bergeron.

M. Stéphane Bergeron (Verchères—Les-Patriotes, BQ): Monsieur le président, mon intervention ne porte pas sur le calendrier. Avant qu'on procède à l'étude des affaires prévues à l'ordre du jour, j'aurais un petit point d'information à soulever. Je serai bref car je ne veux pas prendre trop du temps réservé à nos distingués témoins et aux questions des députés.

Ma question porte sur la préparation en vue de la séance du comité d'aujourd'hui. Vous savez que je n'ai toujours que des commentaires élogieux à l'égard du personnel du comité, mais je m'interroge sur l'absence de notes de préparation pour la séance d'aujourd'hui, d'autant plus que lorsque nous nous étions réunis le 3 décembre dernier, vous aviez vous-même dit que d'ici la séance d'aujourd'hui, notre personnel de recherche pourrait étudier la question des fuites et relever le nombre de fuites et d'autres données du genre. Cette absence de notes de préparation venant du personnel de recherche du comité est-elle motivée par l'absence de données sur ce sujet-là ou est-ce plutôt, comme on l'a laissé entendre, attribuable au fait qu'il s'agit d'une question hautement politique?

Que je sache, il y a fort peu des questions qui sont abordées dans les comités qui ne sont pas hautement politiques. Alors, je ne comprends pas une telle justification et j'en viens quasiment à la conclusion, monsieur le président, que s'il n'y a pas de notes de préparation, c'est qu'il n'y a aucune donnée disponible sur la question des fuites. À mon avis, il y a des précédents facilement documentables. J'aurais aimé savoir si c'était un phénomène récent ou si on pouvait retracer de nombreux phénomènes dans le passé. Malheureusement, nous n'avons aucune documentation pour appuyer notre travail ce matin.

[Traduction]

Le président: Stéphane, je crains devoir en prendre la responsabilité. Nous en avons parlé lors de la séance du comité de direction et en comité et j'avais l'impression, pour être franc, qu'il y a eu tellement de débats à la Chambre des communes elle- même... Comme c'était une demande bien particulière, qui découle de plusieurs articles du Règlement et qui a été débattue dans divers comités permanents, j'ai supposé que les députés en étaient suffisamment informés pour que l'on entre directement dans le vif du sujet.

Je comprends ce que vous voulez dire, mais c'est la raison pour laquelle il n'y a pas de notes aujourd'hui.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Compte tenu de la réponse que vous m'avez donnée, monsieur le président, je ne suis pas sûr que vous ayez bien saisi la nature de mon intervention. Nous serions effectivement tous en mesure de faire une thèse sur les fuites, mais j'aurais souhaité qu'on nous fasse part de l'historique du problème et de toute donnée à ce sujet, comme vous l'aviez vous-même indiqué le 3 décembre dernier. Je suis un petit peu déçu de voir que c'est le désert ce matin.

• 1115

[Traduction]

Le président: Stéphane, je vous remercie une nouvelle fois et je comprends ce que vous voulez dire. Autant que je sache, la Chambre des communes et nos témoins d'aujourd'hui ont préparé quelques notes que nous allons faire circuler dans quelques minutes. Peut-être pourriez-vous y jeter un coup d'oeil.

Chers collègues, gardons ceci à l'esprit et si, à la fin de la matinée, nous pensons en avoir besoin de plus encore, je me ferais un plaisir d'essayer de vous en fournir.

Stéphane, pourriez-vous attendre quelques minutes et examiner les documents que les témoins vont nous faire circuler?

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Comme je n'ai pas de machine à reculer dans le temps, on va devoir vivre avec ça, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup. Chers collègues, gardez cela à l'esprit; j'y reviendrai à la fin de la séance.

Nous recevons comme témoins aujourd'hui Bob Marleau, greffier de la Chambre des communes, qui est ici vu son extraordinaire importance; Rob Walsh, greffier adjoint et conseiller législatif général des comités et des services législatifs, qui est là car, autant que je sache, Rob représente nos greffiers de comités; Diane Davidson, avocate générale, Services juridiques, qui, je suis sûr, nous donnera des conseils éclairés sur les aspects juridiques de la question.

Nous vous souhaitons la bienvenue.

Monsieur Marleau, à vous la parole.

M. Robert Marleau (greffier de la Chambre des communes): Merci beaucoup, monsieur le président.

J'aimerais simplement ajouter qu'en plus de l'aspect juridique, Diane est également notre conseillère en matière de privilège et d'outrage. Il y a des connotations de privilège et d'outrage lorsque l'on examine la question des fuites des rapports de comités.

[Français]

Si je puis me permettre de répondre indirectement à M. Bergeron, je lui dirai que nous distribuerons dans quelques minutes un document qui énumère les rapports ou autres documents qui ont fait l'objet de fuites au cours de la présente législature. Je soulignerai aux membres du comité qu'ils doivent comprendre que l'administration de la Chambre ne garde pas de façon systématique de statistiques sur les fuites. D'une part, notre personnel qui appuie les différents comités prend des mesures afin de prévenir de telles fuites et, d'autre part, il nous est plutôt difficile de déterminer ce qui constitue une fuite.

Ainsi, le document que nous vous distribuons ne fait état que des fuites qui ont attiré l'attention de la présidence en Chambre, qui ont fait l'objet d'un rapport, qui ont été relevées dans les médias—je reviendrai là-dessus plus tard—et qui ont été identifiées par un député. Comme vous le savez, ce n'est pas toujours le rapport en entier qui fait l'objet d'une fuite, mais parfois une recommandation ou un autre détail.

[Traduction]

Si vous permettez, monsieur le président, je vais vous situer dans le contexte en faisant un survol de quelques-unes des discussions que nous avons eues entre nous à ce sujet. De notre point de vue, et encore plus du vôtre, c'est un sujet difficile à traiter. Ce qui constitue une fuite pour un député équivaut simplement pour un autre à partager des renseignements de temps à autre. Nous avons eu ce débat à la Chambre: un député prend la parole et dit: «Bien sûr, je ne suis pas l'auteur d'une fuite. J'ai fait simplement allusion à cette partie de la discussion que vous retrouverez d'ailleurs dans les débats publics du comité.» Il y a une certaine subjectivité ou interprétation quant à ce qui constitue une fuite et, malheureusement, nous ne vous aiderions pas beaucoup en trouvant un modèle particulier qui servirait à définir ce qu'est une fuite ou ce qui ne l'est pas.

Je pense que lorsque cela se produit, un député prend inévitablement la parole à la Chambre, sinon devant le comité directement. Comme vous avez tous entendu le président le dire, le président est très peu guidé par la Chambre sur les mesures à prendre, à moins qu'il ne dispose d'un rapport renfermant une recommandation spécifique du comité. Le président est complètement impuissant. Il n'y a pas d'article du Règlement—je le souligne—qui réglemente la conduite des comités en matière de rapports.

Il y a des conventions de confidentialité et nous allons aborder la question; je crois d'ailleurs que Mme Davidson en parlera également. En général toutefois, les comités sont maîtres de leurs propres destinés. Ils siègent en public et adoptent des rapports en public, et pourtant le document réel, en vertu de la convention qui existe depuis des années, reste confidentiel jusqu'à ce qu'il soit déposé à la Chambre. Vous ne trouverez aucun article du Règlement et aucune instruction de la Chambre au comité ou aux présidents de comité à propos de ce point particulier.

• 1120

Soit dit entre parenthèses, si vous permettez, d'après certains médias, le président actuel, dans un moment que je qualifierais probablement de frustration, est censé avoir préconisé une loi sur ce point. J'étais à la Chambre à ce moment-là, et je ne pense pas que le président ait recommandé pareille chose. Il a semblé dire plutôt qu'il s'agit d'une question que les députés eux- mêmes doivent régler, puisque lui-même se sent quelque peu impuissant en l'absence d'un rapport de comité ou de recommandations à cet égard.

Il y a ensuite la question de la dynamique avec les médias. Les Présidents Fraser et Jerome ont indiqué dans le passé, dans le cadre de décisions et de déclarations à la Chambre, qu'il ne sert pas à grand chose de faire une chasse aux sorcières parmi les médias si la Chambre ne s'est pas tout d'abord et avant tout demandée, à l'interne, si c'est un député ou un membre du personnel qui est à l'origine de la fuite. Je crois que dans le contexte actuel, il est assez difficile d'accuser un membre des médias de publier quelque chose qu'il peut avoir obtenu d'une personne de la Chambre.

J'aimerais, si vous permettez, revenir sur toute la genèse des relations entre la Chambre et ses comités et essayer de vous exposer certains des changements qui sont intervenus.

[Français]

Au départ, c'est la Chambre qui crée le comité, et le comité en est un subalterne. Le comité en est une créature. C'est de cela qu'émane le principe selon lequel un rapport doit être gardé confidentiel jusqu'à ce qu'il soit déposé en Chambre, justement à cause de cette relation de confiance qui doit exister entre le comité et la Chambre.

[Traduction]

À une époque, les comités étaient très importants. Dans les années 20 et 30, le Comité de l'agriculture comptait 145 membres, et il y avait bien sûr une relation de confiance entre ce comité et la Chambre, lorsque celle-ci lui donnait un ordre de renvoi. La Chambre confiait à un petit nombre de députés une question importante que la Chambre aurait dû normalement examiner. Par conséquent, le comité devait présenter un rapport à la Chambre, celle-ci devant être la première à connaître la teneur d'un tel rapport, étant donné que d'autres députés de la Chambre n'avaient pas le privilège de participer au même genre d'étude et d'enquête. Cette convention de confidentialité est, je crois, ancrée dans ces traditions.

Les choses ont toutefois changé dans ce domaine. Les comités sont maintenant très autonomes; ils ont des pouvoirs en vertu du Règlement. Ils ont toujours une relation de dépendance réciproque avec la Chambre, mais ils sont parfaitement libres de mener des enquêtes ou de traiter des sujets qui auparavant leur étaient simplement confiés par la Chambre comme s'il s'agissait d'un privilège. Aujourd'hui, les comités disposent d'une marge de manoeuvre beaucoup plus grande pour leurs enquêtes et donc pour leurs rapports.

Ils peuvent présenter des rapports à la Chambre de temps à autre, même si la Chambre n'en a pas demandé. Vous pouvez vous poser la question suivante: est-ce qu'un rapport que la Chambre n'a pas demandé a la même importance qu'un rapport que la Chambre a demandé? Les choses ont changé.

L'autre changement je crois, si nous examinons la dynamique des relations entre la Chambre et les comités, c'est la question des rapports minoritaires. Avant le Comité McGrath, dont les recommandations ont été adoptées en 1987, mais qui découlent du Comité Lefebvre de 1980-1983, l'opposition de l'époque exerçait beaucoup de pressions pour inclure dans les rapports de comités des rapports minoritaires où la minorité adopte une position différente de la majorité du comité, sinon une position contraire.

D'après moi, cette dynamique a également modifié ou contribué à modifier l'approche en matière de rapport consensuel, ou de compromis, qu'il s'agisse de séances à huis clos ou de séances publiques, car si l'opposition ou le gouvernement voulait donner un aspect plus unanime ou plus consensuel à ses recommandations, cela lui était, je crois, plus facile d'y parvenir vu qu'il n'existait pas de disposition relative à l'inclusion d'un rapport minoritaire dans le rapport du comité. Un président aurait déclaré irrecevable le rapport entier s'il avait renfermé une recommandation minoritaire. C'était le pouvoir de refus du Parlement qui existe toujours dans certaines assemblées législatives du Commonwealth.

• 1125

Je ne recommande pas de revenir à cela. Je crois que nous avons plus de dix années d'expérience en matière de rapports minoritaires, et je ne recommande certainement pas de revenir en arrière. Cela peut toutefois conduire à une éventuelle divulgation prématurée de renseignements des deux côtés du débat, lorsqu'un comité envisage un tel rapport.

L'autre grand changement se manifeste dans le rapport avec la tribune de la presse et les médias. Au fil des ans, les choses ont évolué au point où je ne suis pas si sûr de pouvoir dire que, en tant qu'institution, nous pouvons continuer à favoriser des relations avec certains journalistes de la tribune, comme par le passé.

Les comités l'ont fait et ce que vous dira probablement M. Fisher qui, d'après ce que vous avez annoncé au comité, sera l'un de vos témoins. La Presse canadienne n'a plus de correspondant en chef dans la tribune de la presse sur la Colline parlementaire. Par conséquent, lorsque vous examinez les relations et la façon dont un comité va examiner une question particulière—et je n'accuse nullement les médias à cet égard—je dis qu'il s'agit d'une nouvelle dynamique. Les médias ont subi des changements difficiles au fil des ans, pour ne parler que de l'explosion de l'information qu'ils doivent vivre, gérer et commenter. Je crois donc que vous devez reconnaître que la nature de cette relation a changé également. Peut-être cela rend-il le scoop plus tentant, la fuite plus tentante, je ne le sais pas, mais la dynamique et l'instauration de telles relations ont considérablement changé au fil des ans.

Enfin, si vous permettez, j'aimerais non pas proposer de solutions ni faire de recommandations particulières, mais plutôt vous présenter certains points sur lesquels vous voudrez peut-être vous pencher au cours de cet examen.

Tout d'abord, je vous inviterais certainement à réfléchir à certains articles du Règlement que la Chambre pourrait adopter pour ses comités, indiquant clairement ce qu'elle attend d'eux en matière de rapports. J'ai abordé la question un peu plus tôt. En effet, les rapports demandés par la Chambre sont plus importants au point de vue confidentialité que les rapports que la Chambre n'a pas demandés. C'est un point. Par ailleurs, en ce qui concerne les présidents de comités, vous avez maintenant un comité de liaison inscrit dans le Règlement et qui a plus de 12 années d'expérience et de pratique. Par l'entremise du Règlement, la Chambre pourrait peut-être élargir le mandat de ce comité.

Quelles sont les attentes de la Chambre en ce qui concerne les membres du comité à cet égard? Nous avons bien sûr plus de contrôle administratif sur le personnel parlementaire et pouvons prendre des mesures disciplinaires, si vous voulez, mais je vous conseillerais aussi d'éviter de penser à une loi à cet égard, comme cela l'a été fait en Australie. Je pense que vous devez vous pencher sur la question, car cette loi et l'expérience australienne pourraient vous guider et vous montrer les pièges à éviter. Nous avons une Charte au Canada et Mme Davidson va sans doute en parler, tout comme elle va parler du rapport entre la Charte et une loi éventuelle. Même si vous pouvez en examiner l'éventualité, je vous conseillerais cependant de ne pas opter pour cette voie.

En ce qui concerne le Règlement, vous pourriez autoriser le débat public de certains rapports. Ils doivent tous être rendus publics. À l'âge de l'information que nous connaissons, nous devons continuer à respecter certaines de ces conventions qui peuvent être vues comme archaïques. Je vais vous donner un exemple. Vous n'êtes pas censé dire à la Chambre ce qui s'est passé au Sénat la veille. Nous devons respecter l'intégrité et ne pas nous mêler de ces délibérations, comme nous ne voudrions pas que le Sénat se mêle des nôtres. Toutefois, tout le monde en parle. Un des éléments de votre enquête consiste à décider jusqu'à quel point vous voulez examiner ces genres de questions par rapport aux séances publiques de comités sur des recommandations ou des rapports à la Chambre.

Un autre élément consiste à savoir comment régler la question de certaines de ces fuites, si vous décidez de le faire. Une fuite n'en est pas toujours une. J'ai cherché des exemples de fuites qui n'en sont pas et je ne voulais surtout pas parler de celles qui figurent sur la liste qui vous a été distribuée, vu que l'on pourrait croire que je donne un avis personnel sur telle ou telle fuite ou sur un député en particulier; c'est la raison pour laquelle j'ai choisi un exemple personnel.

• 1130

Dans les années 70, j'étais greffier du Comité des budgets divers, qui n'existe plus depuis longtemps; nous examinions le bilinguisme, le biculturalisme et la prime au bilinguisme. Nous avions eu quelques séances à huis clos très intensives à propos du président du Conseil du Trésor. Une séance de sous-comité à huis clos était prévue le vendredi après-midi et il avait été décidé de convoquer le président du Conseil du Trésor le mardi suivant.

Comme bon greffier de comité, j'ai publié l'avis habituel le vendredi après-midi où l'on pouvait lire: «Témoin: président du Conseil du Trésor».

[Français]

Le journaliste du journal Le Droit en avait fait la manchette le samedi matin en disant: «Drury devant le comité mardi». Son article commençait par ceci: «Robert Marleau, le greffier du comité, a dévoilé que...», alors que je n'avais envoyé que l'avis. J'ai passé la pire demi-heure de ma vie le mardi matin, lorsque j'ai dû répondre aux questions des députés membres du comité et les assurer que je n'avais pas dévoilé la décision du comité. Je n'avais que suivi ses instructions en rendant public, pour les fins de la réunion du mardi, le nom du témoin.

[Traduction]

Une fuite n'en est donc pas toujours une—c'est une question sur laquelle, je crois, vous devez vous pencher—même si elle est perçue par d'autres comme étant une fuite.

Enfin, nous arrivons aux questions administratives parlementaires—à mon avis, il faudrait examiner le rôle du comité de liaison. Vous tous autour de cette table êtes probablement les meilleurs spécialistes des relations avec les médias au pays.

M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.): Vous le pensez vraiment?

M. Robert Marleau: L'administration peut le prétendre aussi, mais je ne pense que nous avons fait preuve de beaucoup de clairvoyance lorsque nous avons examiné toute la question des communications par rapport aux comités. Je ne veux pas simplement parler des communications par rapport aux médias, mais par rapport aux collectivités que vous représentez, aux groupes avec lesquels vous dialoguez et aux objectifs que vous vous fixez en tant que comité. Il faut, je crois, examiner de très près la façon dont nous gérons les huis clos et dont nous formons les présidents en communication avec les médias.

Il existe de très bonnes entreprises dans notre ville qui pourraient vous aider à cet égard ainsi que pour vous permettre d'instaurer de meilleures relations avec vos collectivités au fur et à mesure de l'examen d'une question particulière. Bien sûr, une certaine ouverture s'impose dans cette relation et si vous optez pour un processus public, il est plus facile de le gérer que si vous optez pour un processus secret.

[Français]

Voilà, monsieur le président, ma réflexion sur ce sujet un peu difficile pour nous, au plan de la procédure. J'invite mes collègues à intervenir à leur tour s'ils le désirent.

Le président: Diane Davidson.

Mme Diane Davidson (avocate générale, Services juridiques, Chambre des communes): J'aimerais apporter quelques précisions. Mon ton sera peut-être moins optimiste que celui du greffier parce que je vais traiter de principes juridiques.

Sans faire un survol de la jurisprudence parlementaire et des principes juridiques en cause quand il y a une fuite d'un rapport de comité, il faut quand même établir très clairement que, selon la jurisprudence parlementaire, il s'agit d'un outrage. Un outrage, défini en termes très simples, est tout acte ou omission qui est susceptible de porter atteinte à la dignité et à l'intégrité de la Chambre des communes. Il appartient évidemment à la Chambre, selon chaque époque, de déterminer ce qui constitue un outrage. Cela peut changer et cela peut évoluer au cours des différentes législatures.

Dans le cas qui nous préoccupe, la divulgation prématurée d'un rapport peut très bien constituer un outrage. Je me fonde sur des principes reconnus récemment par la Cour suprême du Canada, dans l'affaire Donahoe contre CBC, à savoir que dans le cadre de ses travaux, la Chambre possède certains pouvoirs, soit le pouvoir de contrôler la conduite et la publication de ses travaux. Ce sont des pouvoirs de nature constitutionnelle qui ne sont pas incompatibles avec un système démocratique comme le nôtre.

À mon avis, c'est de l'atteinte à ces deux principes qu'il s'agit quand il y a divulgation prématurée d'un rapport de comité. Cette atteinte va au coeur même du fonctionnement de notre institution parlementaire. En d'autres mots, lorsqu'il y a une divulgation, il y a des risques sérieux pour l'intégrité du processus parlementaire; il y a entre autres des risques de désinformation, de fausse représentation et d'atteinte à la vie privée des personnes qui ont pu témoigner à huis clos.

• 1135

Il y a aussi atteinte à la capacité de la Chambre de contrôler la bonne marche de ses travaux et à la capacité de tous les parlementaires de commenter convenablement des rapports complets reflétant fidèlement le travail des comités parlementaires qui ont été mandatés par la Chambre, dans la plupart des cas, pour faire l'examen d'une question. C'est d'ailleurs pour cette raison que les rapports d'un comité sont confidentiels jusqu'à leur dépôt devant la Chambre; c'est afin de permettre à tous les parlementaires de réagir à partir d'une information complète et fidèle au sujet de ce que le comité recommande.

[Traduction]

Un examen de la situation dans d'autres pays—je n'entrerai pas dans les détails ce matin, car je veux laisser du temps pour les questions—révèle que notre Parlement n'est pas le seul à faire face à de tels outrages.

Comme l'a indiqué le greffier, cette question importante a fait l'objet d'innombrables discussions, débats et rapports. Les attachés de recherche pourraient certainement vous fournir des copies de ces rapports. Je fais surtout allusion ici à l'Australie et au Royaume-Uni.

M. Stéphane Bergeron: Éventuellement.

Mme Diane Davidson: Toutefois, comme il est difficile de découvrir la source des fuites, la plupart des parlements, sinon tous, hésitent, tout comme la Chambre, à sanctionner l'éditeur. C'est pourquoi la plupart des pays ont établi des règles pour encourager le comité dont les travaux font l'objet d'une fuite à identifier la source avant de saisir la Chambre de la question.

Néanmoins, la plupart des parlements ont choisi de garder la convention de confidentialité des renseignements fournis au comité ou examinés par celui-ci, et des rapports préliminaires avant leur dépôt à la Chambre. Ils ont choisi de réitérer cette règle.

Avant de répondre aux questions, j'aimerais faire la suggestion suivante au comité. Il se peut que la règle régissant la confidentialité des délibérations à huis clos et des rapports de comités ne soit pas bien comprise. Comme l'a proposé le greffier, il faudrait peut-être envisager d'inclure cette règle dans le Règlement afin que tous comprennent que la divulgation de renseignements confidentiels constitue un geste grave. Je crois que ce serait utile dans certains cas.

Je propose également que les documents confidentiels émanant d'un comité soient clairement identifiés comme tels. Il serait possible, si le comité est d'accord, d'inclure ce principe dans le Règlement. Nous pourrions également préciser que ces documents appartiennent à la Chambre et qu'ils doivent être remis à celle-ci, surtout quand il est question de rapports préliminaires.

Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.

[Français]

Le président: Je vous remercie, Diane. Rob.

M. Rob Walsh (greffier adjoint et conseiller législatif général, Comités et Services législatifs, Chambre des communes): Monsieur le président, j'aimerais faire quelques commentaires au sujet de la liste des rapports ayant fait l'objet d'une fuite que nous avons distribuée à tous les membres de votre comité.

Je suis d'accord avec le greffier qu'il faut définir ce qui constitue vraiment une fuite.

[Traduction]

Nous ne cherchons pas, dans cette liste, à donner un sens juridique au mot «fuite». Nous avons tout simplement essayé d'identifier les médias qui ont divulgué le contenu ou des extraits de rapports avant que le comité ne décide de les rendre publics. Nous avons essayé d'identifier les journaux qui ont publié des informations sur les rapports. Or, cette liste n'est pas exhaustive, puisque nous n'examinons pas les journaux régulièrement afin de voir s'ils contiennent des extraits des rapports des comités. Toutefois, cette liste nous donne une idée des rapports qui ont fait l'objet de fuites au cours de la présente session. Elle vous donne une très bonne idée de la situation.

• 1140

Nous n'avons tenu compte que des rapports de fond, puisque dans ce cas-ci, nous présumons que ce ne sont pas les rapports sur les mesures législatives ou autres questions, comme la composition des comités, qui vous intéressent. Ces rapports peuvent être confidentiels pour les raisons que le greffier a mentionnées, sauf que, dans la plupart des cas, ils ne suscitent pas le même intérêt chez les médias et ne font pas, habituellement, l'objet de fuites. Toutefois, sur les 50 rapports de fond qui ont été préparés, jusqu'à 19 ont fait l'objet de fuites.

Je tiens également à signaler qu'il y a un comité qui, à deux reprises au cours de la présente session, a adopté une résolution sur la question. Néanmoins, dans les deux cas, il y a eu des fuites. Sans donner un sens particulier à ce mot, je ne peux vous dire comment ou pourquoi ces renseignements ont été divulgués. Je sais tout simplement qu'il y a des fuites. Je suppose que, dans une certaine mesure, c'est une réalité avec laquelle vous devez composer, monsieur le président. La situation n'est guère encourageante.

Le président: Merci beaucoup.

Avant de passer à la liste—et jusqu'à maintenant, Randy White, Stéphane Bergeron et Joe Fontana ont dit vouloir prendre la parole, et je noterai le nom des autres au fur et à mesure qu'ils se manifestent—j'aimerais souhaiter la bienvenue à Roy Bailey. Il est ici à titre d'invité, mais je crois comprendre qu'il va faire partie du comité. Roy, nous sommes heureux de vous accueillir parmi nous.

Diane, j'ai une question un peu idiote à vous poser. J'essaie toujours d'écouter les exposés dans la langue dans laquelle ils sont présentés. Est-ce que outrage veut dire «contempt»?

Mme Diane Davidson: Oui.

Le président: D'accord. J'aimerais également dire, Rob, que je suis heureux de constater qu'aucun des 56 rapports que nous avons préparés ne figure sur cette liste. Je félicite mes collègues, sauf que je soupçonne que c'est parce que nos rapports sont si ennuyeux que personne d'autre ne s'y intéresse.

Randy White.

M. Randy White (Langley—Abbotsfort, Réf.): Merci, monsieur le président. Je vais vous dire ce que signifie pour moi le mot fuite, vous exposer mon point de vue, et vous dire comment nous pouvons éviter ces fuites.

Je suis intervenu sept fois à la Chambre sur une question de privilège. J'en ai assez; je n'ai plus l'intention de le faire. J'ai invoqué le troisième rapport du Comité de la justice, le quatrième rapport du Comité des pêches, le deuxième rapport du Comité de la santé, le rapport sur la garde des enfants, le septième rapport du Comité des affaires étrangères, le rapport du Sous-comité sur les sports, des rapports qui ont tous fait l'objet de fuites.

Je vais vous décrire le processus tel que je le conçois, mais je vais d'abord vous donner ma définition du mot fuite. Il y a fuite quand des délibérations à huis clos sont divulguées ou des rapports sont rendus publics avant leur dépôt devant le comité ou à la Chambre. C'est l'intégrité de tous les partis qui est en cause. Hors, il ne peut y avoir d'intégrité quand 19 rapports de fond sur 50, en plus des autres rapports que nous avons mentionnés, ont fait l'objet de fuites.

Par exemple, nous n'avons même pas eu la possibilité récemment, au sein du Comité des pêches, de déposer un rapport minoritaire. Or, j'ai informé le comité que je compte non seulement soulever, à la Chambre, la question de ses déplacements, mais également exiger que tous ses rapports soient dorénavant rendus publics. Nous avons constaté que, quand nous demandons au comité de convoquer, par exemple, des réunions pour discuter de sujets particuliers en vertu du paragraphe 106(3) du Règlement, les réunions, quand vient le temps de discuter du sujet, se déroulent à huis clos. Cela va à l'encontre du but recherché, qui est d'avoir une discussion sur un sujet précis.

Je peux également vous dire que ces réunions seront publiques. L'intégrité, à mon avis, est un principe auquel doivent souscrire tous les députés et tous les partis. Hors, cette intégrité ferait présentement défaut.

Il y a une façon de prévenir les fuites, et c'est en supprimant tout processus pouvant donner lieu à des fuites. S'il n'y a pas de délibérations à huis clos ou de rapports qui sont examinés derrière des portes closes, il ne peut y avoir de fuites. Je tiens donc pour acquis qu'il n'y aura plus de fuites.

Je n'ai jamais été à l'aise avec la façon dont fonctionnent les comités. Je suppose que c'est pour cette raison que nous avons des fuites.

• 1145

Les comités discutent de questions diverses. Ils se réunissent à huis clos pour discuter de points abordés lors d'audiences publiques. Ils tiennent ensuite un vote. Comme ils sont peu nombreux, les partis de l'opposition, plus souvent qu'autrement, n'arrivent pas à faire inclure dans les rapports les questions qui les intéressent. Alors, comme par hasard, le rapport fait l'objet d'une fuite, la discussion est lancée à l'échelle du pays, et on assiste alors à toute une série de conférences de presse.

Le rapport ayant ait l'objet d'une fuite, il est rendu public et le gouvernement tient une conférence de presse. Le ministre répond au rapport, et une conférence de presse est organisée pour discuter de sa réponse. Les partis de l'opposition sont habituellement laissés de côté. Bien entendu, plus tard, le ministre dépose son projet de loi et tient ensuite une longue conférence de presse où il déclare—«Quelle bonne idée que nous avons eue. Notre comité s'est penché là-dessus.»

Le processus est inéquitable, et je tiens à vous dire que j'ai l'intention de m'en occuper. J'ai déjà pris des mesures. Il n'y aura plus de rapports qui vont faire l'objet de fuites.

Je tiens à demander à M. Marleau s'il juge ma définition adéquate. Je vais la relire: Il y a fuite quand les délibérations à huis clos sont divulguées ou des rapports sont rendus publics avant leur dépôt devant le comité ou à la Chambre. C'est l'intégrité de tous les partis qui est en cause.

Si je vous pose cette question, monsieur Marleau, c'est parce que je pense que la première partie de l'énoncé est très claire. En fait, l'intégrité d'un rapport ou des délibérations à huis clos est aussi importante que celle des participants à la discussion.

Le président: Monsieur Marleau.

M. Robert Marleau: C'est une définition qui, à mon avis, résume assez bien ce que vous considérez comme étant une fuite.

Pour ce qui est de l'intégrité des partis, j'aimerais faire une petite suggestion à ce sujet. Il serait peut-être préférable de parler de l'intégrité de tous les députés et non des partis représentés à la Chambre. Il serait peut-être un peu difficile de défendre cette définition ou ce principe devant les tribunaux, un parti n'étant pas une personne morale. Il faut tenir compte de ce facteur. Je pense qu'il faut plutôt mettre l'accent sur les honorables députés.

M. Randy White: J'ai toujours pensé que, si l'on veut éviter une fuite, il faut avoir quelque chose qui peut faire l'objet d'une fuite. Certains députés du parti ministériel—leur personnel, en fait—se sont demandé pourquoi, de toute façon, les comités se réunissaient à huis clos pour discuter de certains de ces rapports. Pourquoi le contenu d'un rapport sur les pêches ou sur un autre sujet ne devrait-il pas être rendu public? Expliquons clairement notre position. Elle ne sera peut-être pas retenue, mais elle figurera au moins dans un rapport.

Pour ce qui est de l'idée de discuter des rapports à huis clos, on pourrait tenir ce genre de discussions quand il est question du budget, pour empêcher les opérations entre initiés ou éviter qu'une personne n'utilise ces renseignements pour vendre des biens et ainsi obtenir un avantage fiscal, ainsi de suite. Ne serait-il pas plus important de tenir des réunions à huis clos pour discuter du budget, et non d'un rapport sur l'environnement ou sur les pêches?

M. Robert Marleau: J'en ai déjà parlé dans ma déclaration liminaire. Si je puis me permettre, je vais vous expliquer quel était l'objectif de ces réunions à l'origine, et l'utilisation qu'on en fait maintenant.

À l'origine, les réunions à huis clos, surtout quand un comité avait terminé son étude et qu'il voulait rédiger un rapport, avaient pour but de permettre aux personnes assises autour de la table d'exposer leurs vues sans craindre de devoir payer un prix politique parce qu'elles ont changé de position, adopté une position différente de celle de leur parti, ou encore fait une déclaration publique sur laquelle elles doivent revenir parce que l'étude leur a permis de voir les choses sous un éclairage neuf. Je pense que le fait d'essayer d'arriver à un consensus et de permettre aux membres de le faire derrière des portes closes constitue l'essence même des réunions à huis clos.

• 1150

En ce qui concerne les médias, je sais que les réunions à huis clos demeurent, pour eux, un concept difficile à accepter. Je ne leur demande pas de le faire, mais c'est quelque chose qu'ils doivent reconnaître. Sans qualifier celles-ci de réunions où l'on négocie des ententes secrètes, il est beaucoup plus facile pour les députés d'arriver à des compromis, au nom de l'intérêt public, quand ils se trouvent réunis autour d'une même table. Il n'y a pas beaucoup de personnes qui sont de cet avis, mais c'est mon interprétation puisque j'ai participé, en tant greffier, à de nombreuses réunions à huis clos.

M. Randy White: C'est le prix qu'on doit payer quand on est élu.

Le président: Merci beaucoup. Vous pourrez intervenir à nouveau, au besoin, Randy.

Nous allons maintenant donner la parole à Stéphane Bergeron, Joe Fontana, John Solomon, George Baker, André Harvey.

[Français]

M. Stéphane Bergeron: Monsieur le président, à la lumière de ce que Randy vient de déclarer, j'ai l'impression que dans son esprit, avant même que les travaux de ce comité ne se soient véritablement mis en branle, l'affaire a été entendue et jugée et les solutions sont déjà trouvées. J'aimerais toutefois revenir aux présentations de nos témoins puisqu'ils ont eu l'amabilité de se présenter ici et de nous livrer leur message.

À défaut de mieux, on est allé consulter les classiques. Mme Davidson a bien signalé que dans son esprit, il s'agissait d'un outrage à la Chambre et d'une atteinte au privilège de la Chambre. On signale bien sûr cette communication prématurée du rapport d'un comité dans la sixième édition de Beauchesne, au commentaire 877.1) où on dit:

    877. 1) Rien de ce qui s'est déroulé en comité ne doit être divulgué avant que le comité n'ait fait rapport à la Chambre.

Un peu plus loin on dit:

    Constitue une atteinte au privilège le fait de publier les délibérations d'un comité tenues à huis clos ou des rapports de comités avant qu'ils n'aient été mis à la disposition des députés.

On poursuit en disant au 2e paragraphe:

    2) Il est arrivé, au Canada, qu'on a soulevé la question de privilège par suite de la publication du rapport d'un comité avant son dépôt devant la Chambre.

C'est ce à quoi je faisais allusion au tout début, plutôt qu'à une liste statistique des cas antérieurs. Je recherche plutôt véritablement l'évolution de la question en termes de jurisprudence parlementaire.

Ce que je constate, et Mme Davidson y a fait allusion, c'est que jusqu'à présent, lorsque les cas se sont présentés—et ils tendent actuellement à se multiplier—, on a été très réticent à condamner la presse pour avoir publié cette fuite. Mme Davidson nous signalait que dans certaines législatures—et je ne crois pas qu'il s'agisse de la nôtre puisque depuis quelques années, il ne semble pas qu'on ait fait grand cas de cela—, il y a une volonté de retracer la source puisqu'il y a atteinte au privilège. En ne sanctionnant pas cette atteinte au privilège, on encourage la multiplication des atteintes au privilège puisqu'il s'agit d'une infraction sans sanction. Depuis un certain nombre d'années, ici même au Canada, cette infraction semble se multiplier puisqu'il n'y a pas de sanctions.

Alors, soit qu'on explore l'avenue que nous suggère Randy, soit qu'on explore un certain nombre des avenues qui nous ont été suggérées par le greffier pour faire face à cette nouvelle réalité, avec les moyens qui sont les nôtres, soit qu'on cherche à faire respecter le privilège de la Chambre. Conséquemment, on ne peut pas, à la présentation d'un cas, simplement dire, comme le signalait le greffier à juste titre: «Je suis impuissant, je n'ai pas de moyens et je ne peux rien faire» et laisser le privilège de la Chambre être impunément violé, comme c'est le cas depuis un certain nombre d'années.

Conséquemment, je pose une question strictement de procédure. Pourrions-nous envisager que dans l'éventualité d'une fuite qui donne lieu à une question de privilège en Chambre, le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre soit saisi de l'affaire pour que nous puissions tenter de retracer la source et éventuellement suggérer une sanction? Est-ce une possibilité que nous pouvons envisager?

• 1155

M. Robert Marleau: C'est envisageable, bien que cela comporte un risque. Si on regarde les déclarations que les présidents de la Chambre ont faites depuis les années 1950, on constate qu'ils ont toujours éprouvé des craintes face à l'enquête d'un comité sur les activités d'un autre comité. Au sujet de l'identification de l'auteur d'une fuite, les présidents n'ont jamais hésité à dire: Si vous identifiez l'auteur de cette fuite, je n'aurai d'autre choix que de déclarer qu'il y a, prima facie, un outrage et cette question sera renvoyée au comité. Ce mécanisme existe déjà, et la procédure est quand même assez bien établie pour tous les outrages et toutes les questions de privilège.

La problématique se situe au niveau de l'enquête préliminaire. On doit déterminer qui doit la faire et décider si on devrait pointer du doigt une personne précise, que ce soit un député ou un membre du personnel. Comme le disait Mme Davidson, dans les autres juridictions du Commonwealth, on a toujours hésité avant de s'en prendre à celui qui en a fait la publication dans les médias sans d'abord faire cette première enquête préliminaire.

Nous devons donc peut-être débattre de la question de celui qui sera mandaté pour faire cette enquête préliminaire et pour déterminer s'il y a matière à y donner suite, sans nécessairement qu'un comité fasse enquête sur un autre comité.

Comme le disent Beauchesne et d'autres experts, les comités sont maîtres de leur propre destinée. C'est le comité qui se sent outragé qui devrait être le premier à se pencher sur cette question. Par exemple, si un député ou un membre du personnel du Comité de la santé est l'auteur d'une fuite, il appartient à ce comité-là de s'en saisir et d'en faire rapport à la Chambre. La procédure à suivre est bien établie dans de tels cas.

Est-ce qu'on doit donner aux comités le mandat de s'autogérer plus sévèrement dans ces domaines ou si on doit prévoir un autre mécanisme d'enquête préliminaire? Vos commentaires me semblaient aller dans cette direction. Faudrait-il songer à créer un comité spécial de la Chambre doté d'un mandat beaucoup plus général que le comité particulier qui est l'objet de la fuite? Ce sont des options.

Mme Diane Davidson: J'aimerais ajouter quelques commentaires. Effectivement, comme le greffier vient de le souligner, il est souvent plus compatible avec notre pratique parlementaire que le comité qui a subi la fuite soit responsable d'en faire l'examen, parce que le comité est maître de ses travaux et que c'est à lui de faire son autoréglementation et son auto-examen d'abord.

J'aimerais ouvrir une parenthèse et préciser que cette pratique qu'on énonce est compatible avec celles qu'ont adoptées d'autres parlements, entre autres l'Australie et la Grande-Bretagne, à savoir qu'on commence d'abord par demander au comité où la fuite a été faite d'essayer de trouver la source de la fuite. C'est là le point de départ dans d'autres parlements.

Vous vous êtes demandé quelles pourraient être les sanctions si on découvrait éventuellement la source de la fuite. Je pense que l'approche qu'on vous suggère aujourd'hui consiste peut-être à prévenir plutôt qu'à guérir. Il serait peut-être souhaitable de considérer l'inclusion de cet outrage dans le Règlement de la Chambre, d'y reconnaître qu'il s'agit d'un outrage lorsqu'il y a fuite de rapports confidentiels ou de témoignages confidentiels. On devrait énoncer clairement dans le Règlement qu'il y aura des conséquences et que ce sera pris au sérieux. Je pense qu'une approche visant à prévenir plutôt qu'à guérir serait préférable. Et si éventuellement la Chambre devait guérir, il y aurait bien évidemment des sanctions compatibles avec notre pratique parlementaire, lesquelles seraient de l'ordre de la réprimande, de la censure ou de l'exclusion. Tout déprendrait des circonstances de chaque cas. Le recours à ces sanctions devrait être, selon moi, très bien encadré et faire l'objet de l'enquête la plus complète possible.

M. Stéphane Bergeron: Oui, c'est un fait. Je crains que si on l'indique simplement dans le Règlement plutôt que de l'avoir simplement dans la jurisprudence, ça n'ait pas plus de force s'il n'y a pas de suite, comme c'est le cas actuellement. La question est de savoir, comme le disait le greffier, qui sera chargé d'assurer la suite.

• 1200

Il y a le principe qui veut que les comités soient maîtres de leur propre destinée. Ce principe me cause souvent des difficultés. À certains égards et à certaines occasions, nous sommes soumis à l'arbitraire de la majorité du comité, et parfois à l'arbitraire du jugement du président du comité. Ce sont des cas qui se sont présentés dans le passé. En effet, contrairement à ce qui se passe en Chambre, le président d'un comité n'est pas élu au suffrage secret, et ainsi de suite. Alors, il y a des distinctions.

Cela dit, j'avais cru comprendre que ce comité-ci était une sorte de supercomité du genre dont vous nous parliez, qui était responsable de traiter des questions d'atteinte au privilège. En dépit du fait qu'il ne s'agit que d'un comité, il n'en demeure pas moins que même les privilèges en Chambre sont traités par ce comité puisqu'une atteinte au privilège n'est pas une atteinte au privilège des membres du comité mais une atteinte au privilège des députés de la Chambre dans leur ensemble.

On pourrait juger qu'il revient au comité qui a été victime de la fuite de traiter de cette question-là. Cependant, je soumets respectueusement l'avis que l'atteinte au privilège a été subie par la Chambre dans son ensemble.

[Traduction]

Le président: Stéphane, je regrette de vous interrompre, mais nous pourrions peut-être donner la parole aux autres, et ensuite reprendre le tour de table. Je sais que ce sujet vous intéresse beaucoup.

Nous allons maintenant entendre Joe Fontana, suivi de John Solomon, George Baker et André Harvey.

M. Joe Fontana: Si nous pensons pouvoir régler le problème des fuites au sein des comités et à la Chambre, alors nous pouvons peut-être transmettre nos solutions brillantes au cabinet et aux caucus, qui font toujours l'objet de fuites.

Le président: En passant, je suis toujours là.

M. Joe Fontana: Oui, je suis heureux de vous voir.

Le président: Vous pourriez m'adresser la parole à l'occasion.

M. Joe Fontana: Cela ne vous dérange pas si je parle à Stéphane...

Le président: Eh bien, faites-le en vous adressant à moi.

M. Joe Fontana: D'accord.

M. Stéphane Bergeron: Je ne m'en formalise pas.

Des voix: Oh, oh.

M. Joe Fontana: J'espère, monsieur le président, que l'on ne se contentera pas uniquement de discuter des moyens qu'il convient de prendre pour découvrir la source d'une fuite et des sanctions qu'il faut imposer en s'inspirant de concepts dépassés comme le privilège et l'outrage. Je crois que le greffier a exposé le problème plus vaste sur lequel nous devons nous pencher—et Randy a commencé à en parler—à savoir, la communication.

Dans la plupart des cas, je pense que toutes les discussions devraient être publiques. J'ai fait partie de comités qui n'ont jamais siégé à huis clos pour discuter de leur rapport final. Il est vrai que, vu la nature délicate de certains sujets, et je songe ici au Comité des finances, entre autres, il peut être nécessaire de tenir des réunions à huis clos pour rédiger un rapport en attendant son dépôt devant le comité ou à la Chambre. Toutefois, nous devrions ouvrir le processus. C'est d'ailleurs là où le greffier voulait en venir.

Nous sommes conscients du fait qu'il va toujours y avoir des fuites. Il y en a partout. Ce ne sont pas toujours les membres du parti ministériel qui sont à l'origine des fuites. Dans la plupart des cas, vous partez du principe que les rapports qui font l'objet de fuites sont favorables au gouvernement. Or, parfois, l'opposition peut elle aussi gagner au change, car l'objectif du jeu est de mal faire paraître le gouvernement au moyen de fuites. Voilà le jeu auquel nous jouons.

Je pense que nous avons évolué, que le public sait comment les choses se passent en politique. Les sénateurs américains ne s'en rendent peut-être pas compte, parce qu'ils siègent à huis clos pour décider de la culpabilité d'une personne, comme on le faisait dans l'ancien temps. Le public, lui, est nettement plus intelligent.

Il est inutile d'essayer de blâmer les médias ou les administrateurs ou de chercher l'auteur des fuites. Étant donné que 38 p. 100 des rapports font déjà l'objet de fuites, devons-nous tenir des réunions spéciales pour trouver les auteurs de ces fuites? Qu'allons-nous faire quand nous aurons démasqué les coupables? Allons-nous les expulser de la Chambre? Leur imposer des sanctions? Leur dire qu'ils ne peuvent plus se cacher? Allons-nous les destituer? Qu'allons-nous faire avec ces gens?

Je propose...

Le président: La décapitation, comme cela ils ne diraient plus rien.

M. Joe Fontana: J'ai proposé qu'on aborde le problème sous un angle plus vaste, et j'espère que c'est ce que nous allons faire. On a laissé entendre que le Règlement et nos méthodes de travail ne sont peut-être plus valables aujourd'hui.

Randy a dit qu'il n'y aurait plus de fuites dorénavant. Je ne sais pas ce qu'il entend par cela. Est-ce que cela veut dire, Randy, que vous allez proposer que toutes les réunions soient publiques? Si c'est ce que vous proposez, je suis d'accord.

M. Randy White: Oui, c'est ce que je propose.

M. Joe Fontana: Par conséquent, il n'y aura plus de fuites. Cela n'aura plus d'importance, puisque les réunions seront publiques.

• 1205

Il devrait toujours y avoir une exception. Oui, il devrait y en avoir une s'il y a désaccord du côté des présidents ou des membres au sujet du code de déontologie et des fonctions que nous acceptons de remplir quand nous prêtons serment. Certaines questions seront plus délicates que d'autres. Mais vu l'importance que nous accordons à la communication, la plupart des sujets devraient être débattus en public. Seuls les questions délicates devraient être débattues à huis clos.

Le débat, aujourd'hui, doit porter sur la façon dont nous allons changer le processus. Je ne veux pas qu'on perde notre temps à chercher l'auteur de telle fuite, à trouver un bouc émissaire et à lui imposer des sanctions. Je m'en remets donc à vous, monsieur le président.

Le président: En tant que président, je crois que c'est l'objet de notre enquête, et je pense que Randy est d'accord avec moi. Il ne s'agit pas de pointer du doigt des coupables ou des fuites spécifiques; il s'agit de régler la question en général.

M. Joe Fontana: Le renvoi sembler plus précisément indiquer que nous allions entamer une chasse aux sorcières pour essayer de trouver un coupable.

Le président: Non, d'après ce que j'ai entendu aujourd'hui, ce n'est pas cela. Ce n'est pas une sorte de chasse aux sorcières ou aux magiciens, n'est-ce pas?

M. Stéphane Bergeron: Nous n'en sommes pas encore là aujourd'hui.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest—Nepean, Lib.): Merci, Peter.

Le président: Ça va. Je suis heureux que vous l'ayez remarqué, Marlene.

M. Joe Fontana: La seule question que j'ai à poser, c'est quand les comités entendent des témoins. Le plus souvent, ces témoins comparaissent en public. Ce qui m'intrigue, c'est surtout de savoir si la règle de la confidentialité s'applique, plus que les questions de privilège ou de manque de respect à l'égard des membres de la Chambre.

Peut-être pourriez-vous donner des précisions sur nos responsabilités à l'égard de ces témoins qui pourraient témoigner en public alors que lorsque nous rédigeons un rapport, ce n'est pas encore du domaine public, pour ainsi dire, tant qu'il n'a pas été rendu au comité ou déposé devant la Chambre des communes. Est-ce que cela pourrait nous causer des ennuis à cause de l'aspect de la confidentialité de ces témoignages? Ou est-ce que, lorsqu'on accepte de comparaître en public et que l'on dit quelque chose en public, on n'a pas vraiment à s'inquiéter de la confidentialité?

Le président: Madame Davidson.

Mme Diane Davidson: Si quelqu'un comparaît en public et que le comité insiste pour que le témoignage soit public, je ne crois pas qu'aucune règle relative à la confidentialité s'applique. Cependant, là où je voulais en venir, c'est qu'il pourrait arriver que le comité soit d'avis que les témoignages doivent être entendus à huis clos pour des raisons de confidentialité. Ce pourrait aussi être pour des questions de sécurité nationale ou d'autres motifs.

M. Joe Fontana: C'est exactement ce que je dis, mais ce devrait être annoncé dès le départ. Peut-être devrions-nous insérer de nouvelles directives dans le règlement tandis que nous discutons de ce qui devrait être entendu à huis clos ou non. Nous devrions peut-être établir les critères sur ce qui devrait être entendu confidentiellement...

Mme Diane Davidson: C'est juste.

M. Joe Fontana: ...à huis clos jusque là, pour des raisons de protection des renseignements personnels ou de sécurité nationale, comme le disait très justement Randy.

J'étais là lorsqu'a eu lieu cette fuite de triste mémoire, à propos du budget de Michael Wilson et qu'ils ont essayé de traîner le gars de Global devant les tribunaux et tout cela...

Le président: Est-ce que c'était un comité?

M. Joe Fontana: Ce n'était pas un comité, mais c'était...

Le président: C'était une fuite.

M. Joe Fontana: C'était une fuite qui provenait de quelque part.

Mme Diane Davidson: J'aimerais seulement faire un bref commentaire sur la présentation publique des ébauches des rapports de comité. Il faudrait que ce soit clair que si c'est comme cela qu'on procès, les opinions exprimées en comité ne sont pas forcément celles du comité jusqu'au dépôt du rapport final devant la Chambre. Par conséquent, les comptes rendus des médias fondés sur les déclarations d'un membre de comité...

M. Joe Fontana: Il devrait y avoir une formule de déni de responsabilité.

Mme Diane Davidson: ...ne portent pas sur les opinions du comité. Il faudrait établir la distinction entre les comptes rendus des audiences publiques et ce qu'en disent les journalistes.

Le président: Joe, ça va?

M. Joe Fontana: Oui.

Le président: John Solomon, et puis George Baker.

M. John Solomon (Regina—Lumsden—Lake Centre, NPD): Merci, monsieur le président.

Le président: Désolé, John.

Monsieur Marleau, je vous ai interrompu?

M. Robert Marleau: Oui, je suis désolé, monsieur le président, mais avant que M. Solomon poursuive, je voulais seulement souligner quelque chose à propos de ces trois modifications. Je crois que ce pourrait être important pour votre enquête.

Ce que j'ai à dire se rapporte au contexte des audiences publiques ou à huis clos, des rapports confidentiels ou à deux niveaux, si vous voulez, ceux qui sont demandés et ceux qui ne le sont pas. Je crois qu'il vous faut vous arrêter à une question fondamentale. Si on présume d'une fuite qu'elle provient du noyau, la distinction qu'il faut faire entre ces trois types de position, c'est qu'une fuite constitue un abus de confiance, soit de la part d'un député, d'un employé ou d'un témoin qui est en posture d'abuser de la confiance du comité, ayant témoigné dans le cadre d'une réunion à huis clos, pour des raisons de sécurité nationale ou tout autre motif.

• 1210

Il n'y a qu'à voir le genre de sanctions, d'enquêtes ou ce genre de choses pour constater que le rapport est très étroit, il me semble, avec l'auteur de la fuite. C'est une toute autre histoire pour l'éditeur de cette fuite. Je crois que tout le monde autour de cette table partage cet avis—jusqu'ici du moins—, que c'est une toute autre chose pour l'éditeur. C'est encore autre chose pour l'employé. C'est aussi une question de discipline, de service professionnel, de serment, etc. Vous avez parlé des serments. Tout le monde, à la Chambre des communes, a fait serment de discrétion.

Je crois que vous pouvez débattre d'un aspect des audiences publiques et à huis clos selon ce genre de contexte, mais il pourrait arriver qu'un témoin abuse de votre confiance, et si quelqu'un abuse de la confiance du comité à propos d'une rencontre à huis clos avec un témoin, cela pourrait bien rebuter tout un tas de témoins avec lesquels vous aurez à traiter dans l'avenir.

Je n'essaie pas de traiter cette question à la légère, lorsque je dis que les communications sont un facteur important et que nous pourrions peut-être soutenir plus fermement les stratégies de communication, mais au bout du compte, je crois qu'une fuite est un abus de confiance, lorsque quelqu'un est blessé par une fuite, une fuite en bonne et due forme, quelle qu'en soit la définition.

Le président: John Solomon, vous avez la parole.

M. John Solomon: Merci, monsieur le président.

Je vous remercie de vos commentaires, monsieur Marleau, monsieur Walsh et madame Davidson.

Je vais exposer mon opinion personnelle de la question. Ce n'est pas celle du caucus ou du parti.

À propos des rapports du comité, je n'ai pas eu tellement à me plaindre de la parution des rapports avant qu'ils soient définitifs, principalement parce que ce qui se passe en comité, c'est qu'un certain nombre de témoins se présentent devant vous, monsieur le président, pour faire des recommandations. Ils font un tas de recommandations, puis les gens vous demandent «Et ces recommandations? Qu'en pensez-vous? Est-ce qu'elles devraient être dans le rapport?», ou encore ils disent qu'ils ont entendu dire que ces recommandations étaient dans le rapport et ils vous demandent ce que vous pensez de la recommandation de M. Dupont. Vous déclarez être favorable à la recommandation de M. Dupont, et que vous voudriez qu'elle soit dans le rapport, et voilà que votre déclaration est perçue comme une fuite.

Personnellement, je trouve que les rapports des comités ne sont pas, comme on l'a déjà dit, des politiques du gouvernement dont pourrait immédiatement tirer parti un particulier ou une société, comme d'un budget, par exemple. Un budget, c'est secret. Il doit en être ainsi, parce que lorsque vous devez présenter un budget et que vous allez augmenter ou réduire une taxe à minuit le 16 février, ou faire quelque chose qui aura une incidence sur le marché boursier, certains particuliers ou sociétés pourraient en tirer parti. À mon avis, ces choses devraient rester secrètes.

Lorsqu'un comité fait des recommandations, ces recommandations finissent à la bibliothèque, avec toutes les autres recommandations des comités qui ont été présentées depuis l'avènement du Parlement. Il peut arriver qu'une ou deux des 846 recommandations qui ont été faites dans le rapport soit mise en oeuvre.

Donc, les fuites ne me gênent pas tellement.

Ceci dit, ce qui me gêne et me préoccupe, ce sont les réunions à huis clos que tiennent les comités, dont émanent des recommandations qui n'ont rien à voir avec les interventions des témoins au cours des audiences. C'est déjà arrivé. À preuve, les recommandations sur la loi relative à l'homologation des narcotiques, qui ont été faites au Comité de l'industrie. Le rapport a été déposé au cours de la semaine où ont été annoncées les élections de 1997, et les recommandations qui s'y trouvaient avaient très peu en commun avec la plupart des opinions exprimées avant la tenue de la réunion à huis clos.

Ce que je veux souligner, c'est que je n'ai pas examiné ni analysé toutes ces fuites, donc je ne pourrais pas dire si elles sont importantes, si elles émanent des audiences à huis clos ou tout simplement de gens qui ont répondu à des questions sur les recommandations. J'aimerais que M. Walsh nous dise s'il s'agit seulement d'allusions des médias ou d'importantes fuites venant de réunions confidentielles à huis clos. De plus, pourquoi n'y a-t-il pas eu de fuite sur 62 p. 100 des rapports du comité? Étaient-ils aussi hors de propos que ceux qui ont fait l'objet de fuites?

M. Randy White: Soixante-deux pour cent d'ennui.

M. Rob Walsh: Vous demandez, monsieur Solomon, je crois, s'il faut présumer que l'ensemble de ces 19 rapports ont été examinés par un comité à huis clos, ce qui signifierait que leur divulgation a constitué une violation de leur confidentialité. Je ne peux pas affirmer que toutes les réunions se sont déroulées à huis clos. Je pourrai le vérifier si vous voulez.

• 1215

Il peut arriver, cependant, que le comité examine un rapport en public et l'adopte publiquement même si les discussions se sont déroulées à huis clos. Lors de la réunion publique où le comité adopte un rapport, celui-ci reste confidentiel conformément au Règlement, comme vous l'ont expliqué le greffier et Mme Davidson, jusqu'à son dépôt à la Chambre. Dans ce sens, donc, il y a effectivement divulgation de renseignements confidentiels.

Quoi qu'il en soit, si je devais examiner de plus près ces cas, je découvrirais certainement que la plupart du temps, nous donnons au terme confidentialité un sens ancien—c'est-à-dire que le rapport a été discuté dans le cadre d'audiences à huis clos, que son contenu est de nature délicate ou jugé comme tel par le comité et que l'on s'attendait à ce qu'il ne soit pas divulgué aux médias avant que le comité en ait décidé ainsi.

Je ne crois pas que nous trouverions beaucoup de cas où on appelle «fuite» une situation où le comité a adopté un rapport devant être déposé un jour ou deux plus tard tout au plus et où la presse en a eu vent avant son dépôt. Bien que cela constitue une divulgation de renseignements confidentiels au sens parlementaire, je ne crois pas que ce soit ce que nous avons appelle une «fuite» au sens de la divulgation de renseignements confidentiels à la presse. Il s'agit ici, dans la plupart des cas, d'informations que le comité souhaitait cacher aux médias tant qu'il n'avait pas encore pris de décision définitive, mais, d'une façon ou d'une autre, la presse a eu vent de ces informations avant cela.

Le président: John.

M. John Solomon: Les journalistes entretiennent des rapports particuliers avec les politiciens—du moins les journalistes politiques. Ils s'intéressent aux politiciens, et les politiciens veulent s'entretenir avec eux de ce qui se passe. Si un journaliste suit les délibérations d'un comité et que ces questions sont posées à un moment donné, je ne trouve pas très graves ce genre de commentaires préalables au dépôt du rapport.

Cependant, si les journalistes se mettent à suivre le rapport et cherchent à faire la manchette—parce qu'il y a beaucoup de compétition en journalisme de nos jours—ils parlent aux politiciens, et c'est peut-être cela, le problème. Je crois que nous devrions faire plus attention, en tant que politiciens qui entretiennent une relation d'interdépendance avec d'autres secteurs de l'économie, à ne pas nous laisser emporter.

Je suis plutôt favorable à une préparation plus ouverte des rapports, même avec des réunions à huis clos—comme le disait M. Marleau, cela a été la pratique et c'est très important—afin que les points de vue puissent être exprimés sans qu'ils soient entendus publiquement et qu'une une sorte de consensus puisse être atteint.

Je voudrais seulement que ce soit inscrit au registre, surtout parce que j'ai moi-même proposé un projet de loi pour rendre publiques les réunions du Bureau de régie interne. Elles sont publiques en Saskatchewan, par exemple, et cela ne pose pas de problème. De fait, le Bureau de régie interne de la Saskatchewan fonctionne beaucoup mieux, bien que l'intérêt que lui portaient les médias se soit en quelque sorte étiolé depuis qu'il se réunit régulièrement, comme nos comités.

Je ne veux pas prêcher pour ma paroisse en parlant de mon projet de loi pour rendre publiques les réunions du Bureau, mais j'appuie tout à fait une plus grande ouverture des comités afin qu'il y ait moins de risques de sanctions. Il pourrait y avoir de nombreux députés pénalisés. Je ne voudrais pas, par exemple, voir sept députés d'un gouvernement libéral à faible majorité aux bancs des pénalités lorsque doit avoir lieu un vote; cela pourrait mener à des élections. Nous devons donc être prudents sur ce plan.

M. Joe Fontana: Je n'avais pas pensé à cela.

Le président: Merci. C'est maintenant au tour de George Baker, puis d'André Harvey, de Marlene Catterall, et s'il reste du temps, à moi.

M. George S. Baker (Gander—Grand Falls, Lib.): Plus d'un tiers des fuites recensées ici aujourd'hui proviennent du comité dont j'étais le président avant ma démission.

M. John Solomon: George pourrait passer un bon moment au banc des pénalités.

M. George Baker: Je peux voir la difficulté qu'il y aurait à élaborer un article au Règlement qui soit équitable. Je vais vous donner un exemple. L'un de ces liens touchait des rapports d'observation. Le gouvernement du Canada a dit aux membres du comité qu'ils pourraient consulter certains des rapports d'observation, mais ils ne pourraient en divulguer le contenu ni en discuter. Les rapports ont été présentés à huis clos. Il arrive que le gouvernement procède ainsi pour diverses raisons. Cette fois, c'était en raison de la confidentialité de renseignements commerciaux que demandait le comité, ce qui est absolument farfelu. Tous les gouvernements, et non seulement les gouvernements libéraux, mais aussi les gouvernements conservateurs et les autres, ont décrété la même chose au fil des années. Donc, bien sûr, le comité n'a pas jugé cela satisfaisant.

• 1220

Entre-temps, un observateur a divulgué le contenu des rapports de toute une année à un haut fonctionnaire du ministère des Pêches et Océans qui, il le savait, en parlerait au comité. Le comité a donc tout su, et nous avons examiné ces rapports à huis clos. Nous avons décidé, en tant que comité, d'en parler aux médias.

Des voix: Oh, oh.

M. Randy White: C'est un outrage au Parlement.

M. George Baker: Nous avons décidé d'en parler aux médias parce que nous ne pouvions pas en faire un rapport puisque ces renseignements commerciaux étaient considérés comme confidentiels, comme l'avait jugé le gouvernement. Mais nous n'avons pas eu l'occasion d'en parler aux médias puisque nous avons découvert dans les journaux du lendemain que cela avait déjà été fait.

Des voix: Oh, oh.

M. George Baker: Mais ce n'était pas venu d'un député. C'était l'oeuvre d'un reporter exubérant, un fouineur des médias. J'ai un...

Le président: Certains reporters sont plus de succès dans ce genre de chasse aux renseignements.

M. George Baker: Oui.

Il serait donc très difficile de concevoir un article au Règlement qui dirait à un comité permanent que si un rapport ou des renseignements qu'il contient sont divulgués avant son dépôt à la Chambre des communes, ce doit être considéré comme un outrage au Parlement. Dans ce cas particulier, le comité avait déjà décidé de s'adresser aux médias mais il ne l'a pas fait. Un membre des médias l'avait devancé.

Donc, je crois que dans beaucoup de cas, ça ne vient pas des députés. Je peux vous assurer que des sept principales fuites qu'il y a eu du Comité des pêches, au moins cinq n'en étaient absolument pas, mais étaient plutôt l'oeuvre de reporters qui fouillent toujours plus loin.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Qui faisaient leur travail.

M. George Baker: Oui, tout simplement. C'est un problème.

Quelle est la sanction la plus sévère imposée pour les fuites de rapports de comité dans les autres assemblées législatives de tradition parlementaire britannique? En Grande-Bretagne, en Australie et ailleurs...

M. Joe Fontana: L'exil.

M. George Baker: ...le député qui est reconnu avoir divulgué un rapport peut-il être expulsé du Parlement? Y a-t-il une assemblée où c'est possible?

Mme Diane Davidson: Bien, le Parlement a le contrôle sur ses membres, donc oui. En bout de ligne, le Parlement pourrait décider d'expulser un de ses membres.

Cependant, il y a des exemples dans d'autres assemblées. Vous avez demandé s'il y avait d'autres sanctions. Je peux vous dire qu'il existe en Australie un article de loi qui prévoit que quelqu'un peut se faire imposer une amende...

M. George Baker: Une amende de quelle nature?

Mme Diane Davidson: Allant jusqu'à 25 000 $. Ce n'était pas pour la fuite de rapports, mais celle de témoignages ou de preuves jugés très critiques. C'est la sanction la plus sévère.

M. George Baker: Mais bien sûr vous demandez au comité d'envisager l'amende de 25 000 $ parmi les options possibles. Y a- t-il une peine de prison parmi ces options?

Des voix: Oh, oh!

Mme Diane Davidson: Je tiens à dire que je ne suis pas en train de vous proposer d'adopter l'usage en vigueur en Australie.

M. George Baker: Non, vous nous demandez simplement d'examiner cette possibilité.

Le président: George, le président occupe ce fauteuil. Vous en savez quelque chose.

M. George Baker: Monsieur le président, je me demande si vous pouvez demander aux témoins s'il y a des peines de prison prévues parmi les sanctions imposées dans d'autres assemblées.

M. Robert Marleau: Je crois qu'il y a une peine de prison prévue dans le Privileges Act de la Chambre des représentants de l'Australie pour ceux qui enfreignent la loi.

M. George Baker: Bien sûr, l'Australie fait partie des pays de tradition parlementaire britannique.

Le président: Les Australiens sont des gens qui ont de très solides convictions.

M. George Baker: Ils se conforment à Erskine May et ils ont leur propre Beauchesne, c'est-à-dire des règles de base semblables aux nôtres.

Je pense que la plupart des observateurs conviendront qu'ils ont transformé leurs règles beaucoup plus que nous en ce qui concerne les comités, en permettant aux comités d'établir eux-mêmes leur mandat. C'est une opinion personnelle. J'aimerais vous demander... Autrement dit, en Australie, les députés d'arrière-ban du parti au pouvoir peuvent poser des questions au même titre...

Le président: Je suis sûr qu'ils s'adressent au président, George.

• 1225

Des voix: Oh, oh!

M. George Baker: Oui, sûrement.

Monsieur le président, ces sanctions s'appliquent-elles seulement aux comités spéciaux de la Chambre des communes à qui la Chambre a demandé de faire rapport d'une question en particulier, et pas aux comités permanents, qui jouissent d'une certaine indépendance et qui peuvent présenter un rapport de seulement deux lignes? La fuite d'un rapport de deux lignes qui dit essentiellement que les membres n'ont vraiment rien à signaler ne serait pas jugée très importante. Savez-vous si les sanctions s'appliquent seulement aux comités spéciaux chargés par la Chambre de déposer un rapport sur un sujet précis, ou si elles s'appliquent à l'ensemble des comités? Je parle ici des sanctions imposant une amende ou une peine de prison.

M. Robert Marleau: Il y a deux choses ici, je pense. En Australie, pays qui fait l'objet de votre question, on soulève la question de privilège quand la Chambre conclut qu'il y a eu atteinte au privilège et outrage. Puis, il y a la loi qui prévoit les conséquences de ces actes, dont l'une d'elles est l'emprisonnement. Ce sont en fait les tribunaux qui détermineraient la sanction une fois que la Chambre les aurait saisis de l'affaire.

J'aimerais revenir à ce que vous avez dit plus tôt, à savoir que ces pays se fondent sur un ensemble de règles, de précédents et d'usages semblables aux nôtres. Il n'existe pas au Canada de loi comme celle qui a été adoptée en Australie. Dans ma déclaration d'ouverture, j'ai d'ailleurs indiqué que ce ne serait pas une voie à suivre.

Le président: Très rapidement, George.

M. George Baker: M. Marleau a proposé au comité, tout comme le conseiller juridique, de rédiger un article dans le Règlement. C'est ce qu'ils ont proposé. Dans les autres assemblées, l'article du Règlement est complété par les lois qui définissent les sanctions correspondant à une peine de prison et à des amendes.

M. Marleau propose-t-il, monsieur le président, que nous présentions un article pour le Règlement mais aussi la loi consécutive nécessaire pour imposer une peine de prison ou une amende aux députés fautifs?

Le président: Je suis sûr que M. Marleau va y revenir dans ses réponses aux autres députés.

J'aimerais signaler, monsieur Marleau, que nous avons eu des cas de fuites préméditées, autrement dit, vraiment décidées par le comité. Vous devriez ajouter ces cas à votre liste.

André Harvey.

M. Randy White: Pouvons-nous jouer au golf et monter à cheval dans ces prisons?

Des voix: Oh, oh!

Le président: André Harvey.

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): Merci beaucoup, monsieur le président. Il arrive parfois—c'est du moins mon impression—qu'on cherche des réponses complexes à des problèmes relativement simples. Il y a peut-être quelques exemples de fuites qui ont eu des conséquences un peu graves dans l'histoire parlementaire. Il y a eu celle de M. Lalonde, qui avait entraîné à l'époque un ajout de quelque 200 millions de dollars au budget. Il y en a eu d'autres aussi.

Pour ma part, j'ai plutôt tendance à croire qu'il est difficile de ramifier davantage et plus précisément notre code de déontologie et d'appliquer des règles très rigides. Je pense que le travail qu'on veut s'imposer serait disproportionné par rapport à la gravité de l'affaire. Dans la question des fuites, comme le disait M. Baker, il y a aussi de la stratégie politique. Il y a de la mise à l'épreuve dans cela, et toutes sortes d'autres choses. Il y a peut-être une solution plus technique qui serait facilement contrôlable par le président et le greffier.

Il est évident qu'ici on travaille sur des rapports préliminaires et qu'on part avec ces rapports préliminaires, ces ébauches dans nos poches. On pourrait les donner à un journaliste. Il y a peut-être un contrôle technique plus rigoureux à exercer au sein des comités. On peut donner davantage de responsabilités aux greffiers et aux présidents de nos comités respectifs pour qu'ils puissent porter une attention spéciale au problème. On peut rappeler de temps à autre aux députés leur devoir de confidentialité, tout en sachant que très souvent,...

M. Stéphane Bergeron: Il y aura quand même du coulage.

M. André Harvey: Oui. Très souvent, cela ne vas pas nécessairement contre l'intérêt de nos concitoyens. Si un rapport partiel ou complet est divulgué à l'étape de l'ébauche, il arrive parfois que les réactions puissent avoir certains effets bénéfiques.

Si on entreprend une campagne poussée de rédaction, d'encadrement plus rigoureux, on n'en finira pas, et je pense que c'est sans rapport avec la supposée gravité du problème. Il ne m'apparaît pas dramatique. On doit mettre davantage de responsabilités sur nos épaules, mais aussi sur celles du greffier. S'ils distribuent des ébauches à 22 heures pour qu'on puisse y travailler, c'est évidemment fini. Mais dans les simples petites villes, on dépose les rapports et ensuite on les ramasse. Il y en a 11 qui sont identifiées.

• 1230

Il me semble qu'on s'oriente trop ce soir en fonction d'une situation qui n'est pas du tout dramatique. Si cela s'est produit, ce n'est pas nécessairement dramatique sur le plan budgétaire ou sur le plan de l'étude du dossier.

Finalement, appliquons la solution technique qui consiste à ramasser nos ébauches de rapports. Après cela, les fuites qui se produiront ne seront que partielles et, au moins, verbales.

C'est mon point de vue, monsieur le président. Je pense qu'on exagère un petit peu. Il faut se surveiller en groupe parfois. On a une question bien simple à régler et on peut finir par la complexifier assez sérieusement. Cette question ne me fait pas peur.

M. Robert Marleau: Je vous rappelle brièvement, monsieur Harvey, et aussi à vous, monsieur Baker, qu'il est recommandable, dans vos commentaires, de vous en référer plus spécifiquement au Règlement. En effet, comme le Règlement est entièrement silencieux sur le sujet, je ne voudrais pas être interprété comme si j'avais une idée préconçue du texte de ce Règlement ou des sanctions qui y seraient incluses. Ce serait à la Chambre de définir et d'exprimer ses attentes dans certaines circonstances. Il pourrait y avoir une distinction entre un rapport que la Chambre a exigé et un rapport dont la Chambre n'est même pas intéressée à débattre dans l'avenir et qui émane d'un comité, rapport dont l'importance ne serait pas moindre dans l'optique du comité ou du public.

Quant à l'aspect législatif, au contraire, je crois avoir dit, dans mes commentaires du début, de ne pas poursuivre trop loin l'option législative parce que l'expérience australienne n'a pas eu des résultats très brillants.

[Traduction]

Je ne pense pas, monsieur Baker, que cette loi a fait emprisonner qui que ce soit. Elle n'a pas donné beaucoup de travail aux gardiens de prison.

Je dois admettre que je n'avais pas vu les fuites comme un moyen de réaliser le plan de communication. C'est un moyen qui peut s'avérer très efficace parce que les fuites présumées font la une des journaux tandis que l'annonce du dépôt d'un rapport figure à la page 44.

[Français]

Le président: Êtes-vous satisfait, monsieur Harvey?

M. André Harvey: Tout à fait, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: La parole est maintenant à Marlene Catterall et, s'il reste un peu de temps, j'aimerais poser quelques questions.

Mme Marlene Catterall: Comme je suis Poissons, je m'intéresse à tout ce que fait le Comité des pêches et à tout ce qui a trait à l'eau, et donc toute cette discussion sur les fuites me passionne.

Des voix: Oh, oh!

Mme Marlene Catterall: Mais d'habitude l'eau est assez homogène, et il me semble que nous devons à tout le moins clarifier la confusion et les contradictions dans nos usages.

Le commentaire 850 de Beauchesne dit: «Du droit qu'ont les comités... découle leur droit de siéger privément et de placer leurs délibérations sous l'égide d'une immunité parlementaire». Plus loin dans le même commentaire on dit: «La décision de siéger à huis clos appartient en dernier ressort aux membres du comité». Je n'ai jamais vu de comité décider de siéger à huis clos, mais cette règle suppose qu'un comité pourrait le décider.

Par contre, le commentaire 877 dit: «Rien de ce qui s'est déroulé en comité ne doit être divulgué avant que le comité n'ait fait rapport à la Chambre.» Maintenant, si un comité tient des audiences publiques, ce qui s'est discuté pendant ces audiences est connu. Il y a un compte rendu écrit de la séance qui fait état de tout ce qui s'est dit.

Il y a donc une contradiction évidente ici. Le comité peut décider de siéger à huis clos. On dit aussi qu'il peut décider de ne pas le faire. Par conséquent, il peut étudier un rapport sans siéger à huis clos. Par contre, vous dites qu'il y a outrage quand les rapports deviennent publics avant leur dépôt à la Chambre. Comment explique-t-on cette contradiction? Comment peut-on prétendre qu'il y a outrage quand un comité a le choix de siéger à huis clos ou non?

M. Robert Marleau: Il y a outrage quand la Chambre en décide ainsi. Il n'y a pas d'outrage avant cela, si je puis dire. Il peut y avoir outrage en cas de divulgation prématurée des travaux du comité.

• 1235

Vous avez tout à fait raison de dire que cela crée de la confusion. On ne peut pas parler à la Chambre des travaux d'un comité tant qu'il n'a pas été fait rapport à la Chambre des témoignages de ce comité. C'est ce qui permet de protéger l'intégrité des travaux du comité.

Mme Marlene Catterall: Mais c'est public.

M. Robert Marleau: Mais c'est une séance publique.

Mme Marlene Catterall: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Robert Marleau: C'est juste. Le Citizen peut écrire là- dessus, mais aucun député ne peut discuter à la Chambre de la question parce que l'intégrité des travaux du comité doit être respectée.

Ce que dit Beauchesne vise à protéger l'intégrité des travaux des comités. Si un comité décide de discuter de son rapport en public—et comme vous dites bien, il le «peut» et le Règlement ne dit rien à ce sujet—comme beaucoup de comités le font souvent quand ils discutent de projets de lois, le rapport est donc de notoriété publique. Mais vous ne pouvez pas soumettre ces délibérations à la Chambre avant que la Chambre ait été saisie du rapport au complet et des témoignages qui y sont associés.

Voilà pourquoi je pense qu'un énoncé dans le Règlement sur les attentes de la Chambre aiderait à clarifier la situation et peut- être à dissiper la confusion.

Mme Marlene Catterall: Ainsi Mike Scandiffio peut discuter du rapport dans le Hill Times, mais la Chambre, qui a créé le comité et lui a attribué son mandat, ne peut discuter de ses travaux.

M. Robert Marleau: C'est exact, elle ne peut le faire avant que le comité ait déposé son rapport et les témoignages devant elle.

Mme Marlene Catterall: Nous avons donc vraiment des choses à éclaircir. Donc, s'il y a une fuite ou autre chose, c'est... [Note de la rédaction: Inaudible]

J'aimerais bien que vous me disiez ce que les autres Parlements font, pour savoir quelles options nous pourrions envisager. J'aimerais aussi avoir d'autres renseignements, pas tout de suite, mais... Il est évident que des comités ont étudié le rapport en séance publique, rendant ainsi ces rapports publics par la force des choses. Cela a-t-il déjà causé un problème? Ces rapports ont-ils déjà fait l'objet de fuites?

M. Robert Marleau: Dans ce contexte, personne n'est offensé; il n'y a donc pas de plainte. La Chambre examinerait les témoignages du comité et, si le comité avait décidé dans sa sagesse de siéger en public, il ne peut pas y avoir d'outrage. C'est la Chambre qui décide.

Dans les autres assemblées législatives, d'après ce que je sais et pour en avoir parlé à certains de mes collègues des autres pays du Commonwealth et des autres provinces, sauf au Manitoba, qui n'a pas eu de problème de fuite de rapports... Je ne comprends pas pourquoi, mais les fonctionnaires de la province non plus. Mais dans l'ensemble des pays du Commonwealth, les règles sont assez semblables. La dernière fois qu'une fuite s'est produite en Grande- Bretagne, c'était en 1990, et on n'a pas réussi à découvrir la source de la fuite. On a soupçonné un député. Mais le comité n'a pas voulu imposer de sanction à l'éditeur. Il s'est toutefois réservé le droit de porter un jugement très sévère à l'endroit des députés qui abuseraient à l'avenir de sa confiance. C'est tout ce qu'il a dit.

Comme Mme Davidson l'a dit plus tôt, en bout de ligne, la Chambre peut expulser un député pour abus de confiance, si elle décide de le faire compte tenu des pouvoirs disciplinaires qui existent actuellement, mais elle ne peut imposer de peine d'emprisonnement.

Le président: Si je peux me permettre, j'aimerais demander à Rob Walsh, étant donné que nous allons recevoir à notre prochaine séance le président du comité de liaison, qui va représenter les présidents, s'il voudrait dire quelque chose au sujet des greffiers. J'ai pensé poser la question à Carol, mais vous êtes peut-être mieux placé pour répondre.

M. Rob Walsh: Je sais que la question est venue à l'esprit des membres... Je ne devrais pas dire que je sais. J'imagine que la question est venue à l'esprit des membres de votre comité et des autres comités victimes d'une fuite, à savoir si la source de la fuite était un membre du personnel. Je suis presque certain que, dans pratiquement tous les cas, sinon tous les cas, ce n'est pas le cas.

Les greffiers de comité sont bien au courant du caractère confidentiel des rapports, surtout les rapports de fond que le comité a étudiés à huis clos et qui sont de nature délicate, mais aussi les rapports qui ne sont pas étudiés à huis clos. Les rapports sont considérés comme des documents confidentiels. Ils ne sont pas distribués à des tiers. On en distribue une copie aux membres du comité qui en font la demande, mais ils sont considérés comme des documents confidentiels jusqu'à leur dépôt à la Chambre.

Je veux simplement assurer le comité que nous sommes très vigilants à ce sujet. Si nous avions le moindre doute que les rapports ne font pas l'objet de fuite mais qu'ils sont traités sans précaution, de façon à favoriser leur divulgation non autorisée, nous agirions très rapidement. Je n'ai rien entendu à ce sujet, mais nous sommes très vigilants.

• 1240

Le président: Je vous remercie de cette précision.

Collègues, j'aimerais remercier nos témoins, Robert Marleau, Rob Walsh et Diane Davidson. Ce fut une séance très intéressante.

Il se pourrait bien, monsieur le greffier, que nous vous demandions de revenir si cela s'avère nécessaire.

Collègues, Stéphane a demandé au début de la séance s'il y avait de la documentation. Il me semble que Marlene a demandé à notre attaché de recherche d'envisager la possibilité de produire des notes d'information, surtout en ce qui a trait aux usages en vigueur dans les autres assemblées législatives. Stéphane, nous verrons ce qu'il en est quand nous les aurons.

Je remercie encore nos témoins, ainsi que les membres du comité.

Nous nous retrouverons mardi prochain, à 11 heures, au même endroit; nous accueillerons alors Bill Graham, président du comité de liaison.

La séance est levée.