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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 mars 1999

• 1537

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier (Brampton-Ouest—Mississauga, Lib.)): Nous avons le quorum; je déclare donc ouverte cette séance du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international.

Aujourd'hui nous avons le plaisir d'accueillir Mme Kathleen Mahoney afin d'examiner sa nomination à la présidence du conseil d'administration du Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. Elle est venue accompagnée de l'honorable Warren Allmand, son adjoint, dont nous avons déjà décrété qu'il n'était pas seulement mignon.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Qui a décrété ça?

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Bonjour, Kathleen, et bonjour, Warren.

Kathleen, je crois comprendre que vous aimeriez faire une petite déclaration avant de vous faire passer sur le gril.

Mme Kathleen Mahoney (présidente, conseil d'administration, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Je peux donc m'y attendre. Oui, j'aimerais dire quelques mots avant le supplice du gril, mais je ne m'en fais pas trop.

Je tenais simplement à vous dire combien je suis heureuse d'être ici et combien je suis honorée de pouvoir vous parler. Je voulais vous donner quelques renseignements sur mes antécédents afin que cela vous aide dans les questions que vous voudrez me poser.

Pour commencer, je tiens à dire que ma nomination à ce poste a été une très agréable surprise. Ce centre est un lieu que j'admire énormément depuis des années, compte tenu des intérêts que je défends dans le domaine des droits de la personne. Comme vous le savez probablement, je suis professeure de droit, et ce, depuis presque 20 ans maintenant, ce qui fait de moi, si vous voulez, un vétéran. Mon domaine d'intérêt et d'étude depuis le début est celui des droits de la personne. En fait, je me suis spécialisée dès le début dans l'enseignement des droits de la personne.

J'ai un baccalauréat en droit de l'Université de la Colombie-Britannique. J'ai une maîtrise en droit de Cambridge, en Angleterre. J'ai un diplôme d'études comparatives sur les droits de l'homme de l'Institut international des droits de l'homme de Strasbourg, en France. De toute évidence, j'ai enseigné au Canada, à Calgary, mais j'ai aussi enseigné ailleurs. J'ai enseigné pendant une session à la faculté de droit de l'Université de Chicago. J'ai enseigné à l'Université d'Adelaide, en Australie. J'ai enseigné à l'Université nationale australienne de Canberra, en Australie. J'ai également été professeure invitée à l'Université Griffith. Plus dernièrement, j'ai été professeure invitée dans le cadre du programme sur les droits de l'homme de Harvard, où j'ai aussi donné quelques cours.

• 1540

Pour ce qui est de mon expérience dans le domaine des droits de la personne, on pourrait dire que j'ai pratiquement tout fait. J'ai fait de l'organisation au niveau de la base, notamment dans le domaine de l'égalité des droits des femmes, et surtout dans le domaine de la pornographie. Il y a de nombreuses années, j'ai participé au mouvement pour que la pornographie soit considérée et traitée comme une question d'égalité et de violence envers les femmes plutôt que comme une question morale, comme, bien entendu, beaucoup de gens la considèrent. Quoi qu'il en soit, à des fins juridiques, il importait que ce genre de matériel soit compris dans cette perspective afin que d'autres droits puissent être invoqués quand ce genre de discours abusif était utilisé contre les femmes et les enfants.

Mes activités militantes ont tout englobé, de l'organisation aux réunions, des campagnes de publicité aux marches, pratiquement tout ce qui est possible, et j'ai fini par me servir, si vous voulez, de mon expertise et de mon expérience de manière très concrète. C'est moi qui ai défendu l'arrêt Butler devant la Cour suprême du Canada, qui bien entendu est l'arrêt qui fait autorité dans ce domaine. Je n'ai pas besoin de vous dire que cela s'est très bien terminé, puisque l'argument de préjudice a été accepté par la Cour suprême.

Mes travaux touchent toutes sortes de questions, et je suis publiée dans de nombreux journaux au Canada et dans le monde. Pour l'essentiel, mes travaux portent principalement sur les droits de la personne, les questions d'égalité, la théorie de l'égalité, la théorie juridique féministe et d'autres questions plus particulières relevant de ces domaines.

Dans ma carrière, j'ai organisé nombre de conférences sur divers sujets, la plus importante étant peut-être celle sur les droits de la personne au XXIe siècle organisée au début des années 90 et qui a donné naissance à un livre majeur.

Il vous intéressera peut-être de savoir que depuis une dizaine d'années je m'intéresse surtout à l'éducation judiciaire, et aux partis pris fondés sur le sexe, la race et la catégorie sociale dans les doctrines juridiques et dans les décisions judiciaires. Il est intéressant que nous nous trouvions actuellement en plein milieu d'un débat national majeur sur cette question, mais c'est justement le genre de travail que je fais depuis des années: identifier les domaines dans lesquels le droit est devenu quelque peu dépassé ou ne correspond plus à la situation où la population se trouve en termes de mythes, de stéréotypes et de valeurs culturelles qui ne sont plus acceptés et qui ne sont plus certes compatibles avec la loi canadienne. En fait, j'arrive tout juste d'une session au Mont-Tremblant avec des juges fédéraux nouvellement nommés qui chaque année participent à une session d'éducation d'une semaine à laquelle je participe.

Je connais aussi le centre vu de l'extérieur. Il y a un certain nombre d'années, j'ai fait une demande d'aide au centre pour un projet à Genève qui a été accepté. C'était un projet sur la violence contre les femmes. Cette conférence avait pour but de montrer que la violence contre les femmes et son traitement dans les systèmes juridiques semblent transcender la culture, les systèmes juridiques, etc., dans le monde. Nous avons organisé là-bas une conférence avec l'aide du centre afin de montrer aux membres de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies que c'était un problème de proportions mondiales et qu'il était nécessaire de faire quelque chose. J'ai eu des rapports très étroits avec le centre à ce sujet, et je leur serai éternellement reconnaissante de leur sagesse et de leur compréhension du projet, parce qu'il était en avance sur son temps en termes d'acceptation générale de la communauté. Ce genre de travail était extrêmement important, il était universel, et c'était une question de droits de la personne.

Pour ce qui est de mes autres activités de défense des droits—et je pourrais ajouter que presque toutes ces activités sont bénévoles—j'ai été membre de l'équipe juridique représentant la Bosnie devant la Cour mondiale contre la Serbie avant la création du Tribunal pénal international. J'avais pour tâche au sein de cette équipe de préparer des arguments sur les garanties d'égalité et sur la violence contre les femmes dans les conflits, afin de convaincre le tribunal que les crimes commis contre un seul sexe, en particulier les viols collectifs, les grossesses forcées, etc., peuvent être considérés comme des actes génocidaires. Ce genre de crimes pourraient être tout autant génocidaires que peuvent l'être les crimes plus traditionnels que nous qualifions de génocides.

J'ai été nommé membre de la Société royale du Canada il y a deux ans en reconnaissance de mon travail pour les droits de la personne, et j'en ai été très honorée.

Pour conclure, je dirais simplement que je suis très impatiente de travailler pour le centre. Je l'ai déjà visité plusieurs fois et j'ai appris à connaître son personnel aux compétences impressionnantes, qui fait un merveilleux travail. J'espère travailler en étroite collaboration avec ce personnel et faire profiter le centre de mon expérience. Je suis certaine que l'entrée dans le nouveau siècle sera jalonnée d'événements fort intéressants.

Sur ce, je vous remercie, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions si vous en avez.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci beaucoup.

Monsieur Mills.

• 1545

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Merci.

Je profite de cette occasion pour vous souhaiter la bienvenue. Je n'ai pas vraiment de questions à vous poser sur vos qualifications. Je crois qu'elles parlent d'elles-mêmes. J'ai des questions auxquelles—comment l'avez-vous qualifié?—le beau jeune homme à côté de vous pourra peut-être aussi répondre.

M. Jerry Pickard: Le mignon jeune homme.

M. Bob Mills: Oui, le mignon jeune homme que vous avez amené avec vous voudra peut-être aussi y répondre.

Il y a en fait trois domaines dans lesquels j'aimerais poser des questions concernant les droits de l'homme internationaux. Pour commencer, il me semble que nous n'en finissons pas avec les situations du genre de l'Érythrée, du Kosovo et du Rwanda-Ouganda. Voir ces images m'a beaucoup touché. J'étais dans ce camp. J'étais dans cette région en 1985. J'ai vu ces gorilles. Voir ce qui s'est passé hier m'a rappelé beaucoup de souvenirs. Mais je vois cela, je vois la Malaisie et la persécution de la communauté chinoise dans ce pays, je vois les persécutions religieuses, et je suis sûr que tous les membres de ce comité reçoivent des lettres à ce sujet en permanence. Comment pensez-vous que nous allons pouvoir régler ces problèmes? Comment pouvons-nous améliorer la situation? Je veux dire, c'est une liste d'un mille de long. Que peut faire de plus le Canada pour réveiller la conscience des Canadiens et du monde?

Deuxièmement, j'aimerais vous poser une question plus précise à propos de l'Irak. De toute évidence, une équipe de Radio-Canada vient d'y séjourner. Des reportages ont été diffusés dans les deux ou trois derniers journaux du soir. Je connais les gens qui ont organisé ce voyage, et je me demandais simplement ce que nous pouvons faire. Il me semble que si nous levons les sanctions, nous donnons à Saddam Hussein plus d'argent avec lequel il pourra faire ce qu'il veut. Si nous maintenons les sanctions, ce sont les enfants qui souffrent. Quelle est la solution?

Enfin, Cuba est encore une fois à la une. Cela fait 20 ou 30 ans que nous essayons de changer Fidel Castro. Il semble d'après ses actions de cette semaine qu'il n'a pas appris grand-chose. Encore une fois, nous sommes-nous trompés dans le jeu que nous avons mené avec lui? Les dollars du tourisme semblent l'aider à financer son régime toujours brutal, sans liberté de la presse, sans liberté d'assemblée, etc.

Voilà donc trois questions que je vous lance ainsi qu'au mignon jeune homme qui vous accompagne—pardon, Warren.

M. Warren Allmand (président, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Madame la présidente, je voudrais simplement apporter une petite précision. Le greffier nous avait informés qu'il y aurait deux audiences, qu'il y aurait une audience au début consacrée aux qualifications de Mme Mahoney en tant que nouvelle présidente de notre conseil d'administration et qu'ensuite je ferais un exposé, en tant que président du centre, sur le travail du centre. Je me demande s'il ne serait pas préférable d'attendre la deuxième partie pour poser ces questions.

M. Bob Mills: Oui, tout à fait, Warren. Je n'étais pas au courant de l'organisation de la réunion.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Cela montre peut-être que Mme Mahoney a fortement impressionné le comité avec ses qualifications.

Est-ce que quelqu'un a des questions qui s'adressent directement à Mme Mahoney?

M. Julian Reed (Halton, Lib.): Sur les qualifications de Mme Mahoney?

M. Jerry Pickard: Je crois que ses qualifications sont extraordinaires, mais je pourrais peut-être demander...

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Un instant.

Vous vouliez aussi faire une petite allocution, n'est-ce pas?

M. Warren Allmand: J'ai une petite allocution à faire sur le travail du centre. Mme Mahoney vous a parlé de ses antécédents et de ses compétences pour le poste. Lorsque vous en aurez terminé avec cela, je vous ferai un petit exposé traitant de certaines des questions soulevées par M. Mills.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Donc, cela vous dérange-t-il que nous reportions vos questions à la deuxième partie, monsieur Mills?

M. Bob Mills: Pas du tout.

M. Warren Allmand: J'ai pris note des questions de M. Mills.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Très bien.

Monsieur Pickard.

M. Jerry Pickard: Madame Mahoney, je suis certain que si nous faisions un tour de table, tout le monde—et tout le monde dans le pays—exprimerait sa satisfaction de vous voir assumer ce rôle et que vous êtes prête à travailler pour le centre et à mettre votre expérience à son service. Cependant, je suis curieux: qu'espérez-vous accomplir? Quels objectifs vous êtes-vous fixés en acceptant de travailler pour ce centre, et qu'est-ce qui vous fait penser que vous êtes en mesure de le faire progresser dans ses travaux? Vous exercerez, je crois, une très forte influence sur nos orientations et le règlement de certaines de ces questions.

• 1550

Mme Kathleen Mahoney: Je pourrais vous répondre de la manière suivante. Bien entendu, c'est un peu tôt—je viens tout juste de commencer—mais il est certain que j'y ai réfléchi. Il est évident que mes ambitions et mes idées devront être entérinées par le conseil d'administration et par M. Allmand et son personnel.

Cela dit, j'aimerais dire qu'à mon avis le centre est extrêmement bien positionné pour jouer un rôle international majeur en matière de droits de la personne. Son personnel est merveilleux. Il est très bien situé, il a un excellent mandat, et sa souplesse lui permet de faire beaucoup de choses.

Personnellement, j'estime que le centre pourrait être plus directement lié aux ressources canadiennes du monde des droits de la personne, et nous en avons d'ailleurs fait un objectif. Nous pourrions établir un réseau universitaire plus dense de spécialistes, nous pourrions toucher plus d'étudiants en offrant des stages, des bourses ou des contrats de congé sabbatique.

Le centre pourrait être un centre intelligent, un lieu où trouver les réponses au genre de questions posées tout à l'heure, où trouver les positions ou les arguments pour ou contre, grâce à son réseau... Maintenant que nous pouvons établir instantanément des liaisons électroniques avec tout un tas de gens non seulement chez nous, mais aussi dans le monde entier, il me semble que s'il y avait un lieu tel que le centre pour organiser ce genre d'échanges, nous pourrions devenir connus, devenir un centre intelligent à la disposition de gens comme vous-mêmes, comme à celle des ONG, comme à celle de tous les gens de la communauté internationale qui s'intéressent aux droits de la personne, comme un lieu auquel ils pourraient s'adresser pour avoir des renseignements, des conseils peut-être, des indications sur les arguments courants, leur solidité—ce genre de choses.

J'aimerais utiliser mes compétences pour favoriser cette extension des ressources actuelles du centre, parce que je sais que c'est possible, pour un coût très minime, et que les ressources sont immenses. Comme vous le savez, le Canada est connu dans le monde entier pour son expertise dans ce domaine, et à mon avis nous devrions en faire une plus grande utilisation.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Madame Debien, votre question s'adresse à Mme Mahoney?

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): J'aimerais souhaiter la bienvenue à Mme la présidente et à M. Allmand. Je voudrais vous féliciter tout d'abord, madame Mahoney, pour votre nomination. J'ai été impressionnée par votre curriculum vitae, ainsi que par votre engagement envers l'amélioration de la condition des femmes.

Bien que ma question soit peut-être un peu technique et que M. Allmand soit possiblement mieux en mesure d'y répondre, j'aimerais vous demander quel pourcentage de l'enveloppe budgétaire de vos programmes est affecté plus spécifiquement à l'amélioration de la condition des femmes dans les pays où votre centre intervient. Je suis consciente que vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre à cette question aujourd'hui. Si tel est le cas, vous pourrez nous transmettre ces renseignements un peu plus tard. Enfin, tout ce que je souhaite, c'est que, compte tenu de votre curriculum vitae, vous conserviez vos préoccupations quant à l'amélioration de la condition des femmes dans le cadre de votre travail au Centre international des droits de la personne et du développement démocratique. C'était ma seule question à l'intention de Mme Mahoney. J'aimerais aussi poser une question à M. Allmand, mais il est peut-être préférable que j'attende qu'il ait prononcé son allocution.

[Traduction]

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Comme c'est une question technique qui concerne plus le centre que Mme Mahoney, il serait peut-être préférable d'y revenir tout à l'heure, si cela ne vous dérange pas.

S'il n'y a pas d'autres questions qui s'adressent directement à Mme Mahoney, nous pourrions peut-être maintenant entendre M. Allmand.

M. Warren Allmand: Merci beaucoup, madame la présidente.

• 1555

Je suis très heureux de vous revoir. C'est pour moi un grand plaisir de vous rencontrer aujourd'hui, en compagnie de la nouvelle présidente du conseil d'administration du centre, Mme Kathleen Mahoney. Nous sommes extrêmement heureux de la nomination de Mme Mahoney, qui possède une vaste expérience dans la défense et la promotion des droits de la personne. C'est une universitaire reconnue qui a publié de nombreux ouvrages sur le sujet. Elle a travaillé dans plusieurs pays, et sa présence contribuera à augmenter la visibilité du centre dans l'ouest du Canada.

[Français]

Le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique a été institué par une loi du Parlement en 1988, à la suite d'une résolution de ce comité qui avait reçu l'aval de tous les partis politiques. Les parlementaires ressentaient en effet le besoin de créer un organisme indépendant investi d'un rôle clé dans le domaine des droits de la personne et du développement démocratique, au Canada et partout dans le monde.

Le centre a officiellement ouvert ses portes en 1990, ce qui veut dire que nous célébrerons notre dixième anniversaire l'an prochain. Notre mandat, tel que défini dans la loi, consiste à défendre et à promouvoir tous les droits inscrits dans la Charte internationale des droits de l'homme, y compris les droits économiques et sociaux.

[Traduction]

Notre stratégie, enracinée dans le travail d'intervention et le renforcement des capacités, s'articule en quatre thèmes: les droits fondamentaux des femmes, les droits des peuples autochtones, la justice et le développement démocratique et, enfin, la mondialisation et les droits humains. Ce travail s'effectue essentiellement dans une douzaine de pays prioritaires d'Asie, d'Afrique et des Amériques, ainsi qu'auprès d'organismes internationaux et régionaux. Ces pays prioritaires sont le Guatemala, le Mexique, le Pérou, Haïti, le Kenya, le Rwanda (et la région des Grands Lacs africains), le Togo, le Nigéria, la Birmanie, l'Indonésie, le Pakistan et la Thaïlande. Certains pays cibles peuvent changer et changeront si la situation évolue et si nos ressources nous permettent de relever de nouveaux défis.

[Français]

Notre personnel travaille en collaboration avec des partenaires au Canada et dans ces pays, fournissant assistance technique et financement de projets, toujours dans le but de renforcer les capacités de ces groupes et de défendre leur cause. Notre objectif consiste à les aider à promouvoir et à défendre leurs droits dans leur pays et sur la scène internationale, que ce soit en s'adressant à leurs gouvernements respectifs ou à la Commission des droits de l'homme des Nations unies, ou encore à d'autres organes des Nations unies qui s'occupent de droits humains ou à des organisations régionales comme la Commission interaméricaine des droits de l'homme.

Disons simplement que pour nous, les mouvements et institutions qui défendent les droits humains sont la fondation même des sociétés démocratiques. Sans sociétés civiles dynamiques dans lesquelles les citoyens ont leur mot à dire sur les orientations et politiques gouvernementales, il ne peut exister de véritable développement démocratique.

[Traduction]

C'est dans cet esprit que nous avons organisé un certain nombre de forums démocratiques, les derniers en date au Pakistan et au Pérou. Nous avons un gestionnaire de projets au Guatemala qui s'emploie à favoriser la participation de la société civile aux suites des accords de paix. Nous poursuivons en outre notre politique d'appui au gouvernement démocratiquement élu de la Birmanie en exil.

Au cours des années le Programme des droits des femmes du centre a obtenu un certain nombre de gains substantiels, comme la nomination d'un rapporteur spécial des Nations Unies sur la violence à l'égard des femmes. Il a contribué par ce programme à la création de la Coalition sur les femmes en situation de conflit dont le centre assure la coordination. C'est à la suite de ses pressions et interventions que le viol a pu être reconnu comme un crime de guerre dans le jugement Akayesu rendu en septembre dernier par le Tribunal pénal international pour le Rwanda, une décision marquante qui fera jurisprudence.

La lutte contre l'impunité constitue une dimension importante de notre travail et recoupe un grand nombre de nos programmes. Notre travail d'intervention auprès du tribunal d'Arusha pour le Rwanda s'inscrit dans le cadre de cette campagne. Le centre a été l'un des chefs de file pour la création d'une cour criminelle internationale, qui va donner à la communauté internationale les outils nécessaires pour juger les crimes les plus atroces, le génocide, les crimes de guerre et les crimes contre l'humanité. Le centre a travaillé avec le gouvernement fédéral dans ce dossier, et il est un membre actif d'une coalition internationale qui fait campagne en faveur d'une ratification rapide du traité de Rome relatif au statut de la cour criminelle internationale.

• 1600

Avec d'autres intervenants, notamment des Églises et des syndicats, le centre a également participé à deux années de campagne internationale en faveur de la libération du dirigeant syndical indonésien, Muchtar Pakpahan, qui, pour le simple fait d'avoir formé un syndicat libre, a été accusé de subversion, un crime passible de la peine de mort dans son pays. En mai dernier, après la démission du président Suharto, M. Pakpahan a finalement été libéré, et son organisation syndicale devrait être bientôt légalement reconnue.

J'ai d'ailleurs le plaisir de vous annoncer que M. Pakpahan a accepté de venir au Canada et qu'il fêtera sa première année complète de liberté avec nous au mois de mai. Il séjournera à Toronto, Montréal et Ottawa. Nous serions très heureux d'essayer d'organiser une rencontre avec cet homme exceptionnel et courageux, qui a un important message à transmettre de la part des travailleurs et travailleuses d'Indonésie.

[Français]

Plus récemment, le centre s'est employé à recenser les violations des droits de la personne dans l'ex-Zaïre, aujourd'hui appelé la République démocratique du Congo, et il a organisé, en janvier dernier, une conférence très fructueuse avec les leaders de l'opposition et d'éminents représentants de la société civile de ce pays. Les participants ont formulé une déclaration finale et un plan d'action destiné à instaurer une paix durable et la démocratie dans ce pays déchiré par la guerre. Le centre s'occupe de coordonner le travail de suivi et poursuivra sa collaboration avec des groupes partenaires pour essayer d'apporter un règlement au conflit qui déstabilise toute la région des Grands Lacs africains.

[Traduction]

La semaine dernière, notre programme sur les droits humains et la mondialisation réunissait ici, à Ottawa, des représentants du monde des affaires, du gouvernement, des syndicats et des ONG, dans le cadre d'un séminaire sur l'éthique du commerce à l'étranger. Le centre a publié deux études sur la question et découvert que les entreprises canadiennes traînaient les pieds dans le dossier des codes de conduite. Une étude sur les 98 plus importantes entreprises canadiennes a montré en effet que la plupart d'entre elles ne suivaient aucune ligne de conduite en matière de respect des droits humains fondamentaux dans les pays où elles font affaires.

Nous sommes également intervenus pour qu'il y ait consultation de la société civile lors de l'élaboration d'accords commerciaux, et nous avons exercé de fortes pressions pour l'inclusion de normes fondamentales de travail et d'une clause sociale dans l'Organisation mondiale du commerce, l'Accord de libre-échange des Amériques et l'APEC (Coopération économique Asie-Pacifique). A cet égard, nous avons demandé à être entendus par votre comité au sujet de l'OMC et de l'ALEA. Le Canada et 130 autres États ont ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, des droits qui ne doivent pas être mis au rancart par des accords commerciaux.

Le mois prochain le centre organise une importante rencontre internationale qui réunira une cinquantaine de femmes autochtones des Amériques. Ces artisanes autochtones de 13 pays, le Canada inclus, ont assisté dernièrement à la commercialisation massive de copies non autorisées de leurs produits. Elles se rencontreront à Ottawa pour envisager une stratégie afin de protéger leur travail et de préserver de ce fait leur créativité et leur culture.

Ce ne sont là que quelques-unes des activités et programmes que le centre organise et poursuit à l'heure actuelle. Il y en a beaucoup d'autres que j'aimerais mentionner, qu'il s'agisse par exemple de notre soutien aux forces démocratiques au Nigéria et aux peuples autochtones du Chiapas, ou du travail que nous menons avec d'autres groupes en faveur de l'abrogation des lois sur la sécurité nationale en Asie, sans oublier notre travail d'intervention devant les diverses instances de l'ONU.

[Français]

Mais nous n'avons jamais assez de temps, d'argent ou de personnel pour faire tout ce qu'il faut faire, ou même pour envisager la mise sur pied de nouveaux projets. Pas une journée ne se passe sans que quelqu'un, quelque part, nous demande de faire plus. Les besoins sont si nombreux: la guerre civile en Algérie, les horribles massacres en Colombie, la situation critique des femmes en Afghanistan, les difficultés des nouvelles démocraties dans l'ex-Union soviétique et le problème des minorités en Europe centrale et de l'Est. Vous devez aussi avoir votre liste.

Les célébrations entourant le cinquantième anniversaire de la Déclaration universelle des droits de l'homme, en décembre dernier, nous ont donné l'occasion de réfléchir sur ce qui a été accompli, mais aussi de mesurer l'écart énorme qui existe entre le discours et la réalité dans un trop grand nombre de sociétés où la Déclaration universelle demeure une coquille vide.

• 1605

[Traduction]

Lors de sa création, le centre bénéficiait d'un financement pluriannuel, et il entamait ses activités avec un budget quinquennal totalisant 15 millions de dollars, avec moins de trois ans pour le dépenser. Les années suivantes, l'enveloppe budgétaire allouée par le Parlement s'élevait à cinq millions par année, mais ce montant a malheureusement été ramené à 4,6 millions en 1997-1998 et à 4,3 millions en 1998-1999. À ces restrictions budgétaires, qui ont affecté la programmation du centre, il faut ajouter l'inflation et l'érosion de la devise canadienne, qui ont aggravé nos difficultés financières.

Telle était la situation lors de ma nomination à la présidence du centre, en février 1997. De plus, avec l'accréditation du syndicat durant l'été 1996, j'ai dû négocier une première convention collective dans ce contexte d'austérité budgétaire. Ce fut une expérience extrêmement difficile pour une petite organisation comme la nôtre, dépourvue de spécialistes en relations de travail, mais nous avons réussi à accomplir notre tâche.

Le centre a dû réduire ses effectifs, laisser partir certains membres du personnel et restreindre ses programmes. Il a fallu suspendre la publication d'un important bulletin d'information sur l'impunité et réduire sensiblement le programme de publication. Nous avons en outre signé une convention collective de trois ans le 13 février 1998 et poursuivons nos activités, depuis le 1er avril 1998, avec une organisation plus modeste et mieux ciblée.

Nous avons fait ce que d'autres organismes fédéraux ont fait: couper rogner et tirer le maximum de chaque dollar. Nous avons été contents d'apprendre que l'aide pour le développement international allait augmenter, mais nous avons été très déçus lundi de constater que notre allocation budgétaire restera au même niveau que l'année passée. La demande d'aide en matière de promotion des droits et de construction de sociétés démocratiques n'a jamais été aussi forte, et on fait continuellement appel à nous pour obtenir notre soutien.

Le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique est un organisme unique en son genre au Canada qui a développé d'importants partenariats avec des gouvernements et des acteurs de la société civile du monde entier. Nos programmes et nos partenariats avec les groupes de femmes au Pakistan, les militants des droits humains au Congo-Kinshasa ou les Guatémaltèques, qui essaient de reconstruire leur société après des années de guerre civile, sont des gestes modestes, mais essentiels, de solidarité posés par les Canadiens et les Canadiennes pour que les choses changent.

Madame la présidente, merci de m'avoir donné l'occasion de vous présenter notre travail. Je me ferai un plaisir de répondre à toutes vos questions. Je pourrais peut-être commencer par répondre immédiatement à celles de M. Mills.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Oui.

M. Warren Allmand: Les trois exemples qu'il a donnés—l'Érythrée, l'Irak et Cuba—concernent malheureusement des pays dans lesquels nous ne travaillons pas et pour lesquels nous n'avons pas de spécialité. Il y a des gens dans mon bureau presque quotidiennement qui me demandent d'intervenir dans des pays comme l'Érythrée, l'Irak, les territoires palestiniens, l'Afghanistan. Comme je viens de le dire, nous n'avons pas les ressources nécessaires. On nous a demandé de concentrer nos ressources limitées. Nous nous concentrons sur les 12 pays que j'ai mentionnés. Nous nous concentrons sur les quatre thèmes, mais il reste tellement d'autres situations horribles de droits de la personne dont nous n'avons pas les moyens de nous occuper.

Chaque année le conseil d'administration—et Kathleen et le conseil se réunissent vendredi et samedi—examine les pays dans lesquels nous travaillons et où nous avons des possibilités d'intervenir. Il peut nous donner pour instructions de partir de ces pays et d'aller ailleurs. J'ai vu les mêmes images et les mêmes films mentionnés par M. Mills, et c'est un véritable supplice quand nous devons dire non, mais nous ne pouvons être partout et tout faire avec les ressources à notre disposition.

Pour ce qui est de la question de Mme Debien à propos du pourcentage du budget pour les femmes, nous avons avec nous notre contrôleur, notre directrice des services financiers, notre directrice des programmes et notre directrice des communications. Elles pourront peut-être vous aider pour ces questions.

Est-ce que mes trois directrices pourraient venir à la table, s'il vous plaît? Cela ne vous dérange pas?

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): À la bonne heure. Pouvez-vous les présenter?

M. Warren Allmand: Marie-France Cloutier, directrice des services financiers, ou Iris Almeida, directrice des programmes, répondront à la question de Mme Debien.

Mme Iris Almeida (directrice des programmes, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Merci beaucoup.

[Français]

Douze pour cent de l'enveloppe budgétaire des programmes du centre sont consacrés à des projets à l'intention des femmes.

• 1610

De plus, conformément à sa philosophie, le centre voit à ce que chacun de ses programmes tienne compte de l'intégration des droits des femmes.

[Traduction]

Cela va dans le sens du travail de Mary Robinson, de la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, qui va dans le même sens que le nôtre, à savoir l'intégration des droits des femmes dans le système des Nations Unies. Par conséquent, outre les 12 p. 100 de notre budget réservés aux projets qui concernent directement les femmes, un fort pourcentage de chacun des programmes que nous avons en Asie, en Afrique et dans les Amériques sert à appuyer les groupes locaux et les réseaux régionaux de femmes.

Par exemple, nous avons un projet très important dans les Amériques, intitulé Femmes indigènes des Amériques. M. Allmand en a parlé. Il s'agit d'un réseau de femmes indigènes de tout le continent, relié très étroitement aux groupes autochtones canadiens.

Au total, au cours du dernier exercice financier, nous avons consacré environ un demi-million de dollars en aide financière directe, mais l'effort est encore plus considérable quand on tient compte du temps de notre personnel qui a prêté son soutien à l'organisation de ces groupes.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Robinson.

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Merci, madame la présidente. Excusez mon retard. Malheureusement, j'ai dû m'occuper d'une question grave soulevée à la période des questions. Je regrette de ne pas avoir pu venir plus tôt, particulièrement parce que j'ai raté la déclaration d'une vieille amie et ancienne camarade de classe à la faculté de droit de l'Université de la Colombie-Britannique, la diplômée la plus méritante de la classe de 1976, Mme Mahoney. Il me faut absolument signaler que l'année où elle a reçu son diplôme, la même année que moi à la même faculté, Mme Mahoney a reçu un prix d'excellence et une reconnaissance de son potentiel pour l'excellence et le leadership. Je dois reconnaître que sur ce plan elle n'a pas causé de déceptions, et je me suis réjoui quand j'ai appris sa nomination.

Je voudrais poser une question à M. Allmand, qui est aussi un ami et un ancien collègue ici, car j'aimerais savoir comment les pays sont choisis. Naturellement, à bien des égards, c'est la décision la plus capitale que vous prenez, car vous devez rejeter certains pays et en accepter d'autres. La décision est-elle prise par le conseil d'administration? La décision est-elle prise sur recommandation de votre personnel? Bien entendu, les choses évoluent. L'exemple le plus frappant—et il y a bien d'autres pays dont on pourrait vous demander de vous occuper—est celui des Kurdes, qui sont dans une situation tragique. Nous en avons pris connaissance d'une façon particulièrement poignante récemment lors de l'arrestation de Abdullah Ocalan.

Au lieu de vous en tenir aux Kurdes, je vous dirais respectueusement qu'il faudrait regarder du côté de la Turquie, concentrer sur ce que les rapports de PEN International signalent, notamment le harcèlement intensif, la violence et les arrestations visant des journalistes indépendants, l'attaque du mouvement syndical, et particulièrement la situation des Kurdes, dont les villages sont détruits, etc.

Je me reporte à la liste des pays dont vous vous occupez, et je constate que le Nigéria s'y trouve, alors qu'il y a eu là-bas des progrès marqués. Ainsi donc, si vous en avez la possibilité, j'exhorte le centre, qui jouit d'une réputation impeccable, à envisager de jouer un rôle constructif et positif en Turquie.

Il y a deux autres choses que je souhaiterais soulever. Je voudrais demander à M. Allmand de nous parler un peu de la situation qui existe au Mexique actuellement sur le plan des entraves que l'on impose aux observateurs du respect des droits de l'homme. Le Mexique est un de vos pays de concentration. En décembre de l'année dernière, je suis allé moi-même au Chiapas pour rencontrer des groupes de défense des droits de la personne, et tous sans exception ont dit être gravement inquiets de l'incidence des nouvelles exigences concernant les visas qui pourraient empêcher les gens d'aller surveiller la situation au Chiapas sur le plan des droits de l'homme. Il est ironique de constater qu'au moment où la Commission des droits de l'homme des Nations Unies a adopté finalement la déclaration sur les défenseurs des droits de l'homme, le Mexique procède à un recul. Je voudrais recueillir votre avis là-dessus et que vous nous disiez si vous avez fait, par l'intermédiaire du centre, des démarches à ce propos auprès des autorités mexicaines, et auprès de notre propre gouvernement, bien sûr.

• 1615

Ma dernière question s'adresse à Mme Mahoney ou à M. Allmand. Elle porte sur toute la question des droits économiques, sociaux et culturels. Comme vous le savez, il existe des pactes internationaux, et parfois nous avons tendance à laisser pour compte les droits économiques, sociaux et culturels. Le Canada s'est attiré récemment des critiques sévères quant à son rôle à cet égard. Je sais que vous assumez vos fonctions depuis tout récemment, mais pourriez-vous nous dire si vous envisagez de vous pencher sur cette question-là? Il s'agit en fait de l'importance relative que nous accordons aux droits économiques, sociaux et culturels et aux droits civils et politiques.

M. Warren Allmand: Vous avez posé une variété de questions.

Tout d'abord, quant aux pays de concentration, il faut rappeler que dans ses premières années le centre finançait jusqu'à 40 pays. On a ensuite procédé à une évaluation et on a estimé que nous pourrions avoir une incidence plus marquée dans un moins grand nombre de pays. Au lieu donc de distribuer l'argent un peu partout, le centre s'est dit qu'il valait mieux concentrer ses efforts financiers et ses projets dans quelques pays seulement.

À ce moment-là, le président, en consultation avec le conseil d'administration... Soit dit en passant, c'est le conseil d'administration qui choisit les pays, sur les conseils du personnel, et bien entendu le personnel peut recommander tel ou tel pays, mais le conseil d'administration pourra, lui, décider d'en ajouter un autre ou d'en retrancher un. Cependant, il y a quelques années, on a décidé de dresser une liste de pays, qui est celle qui prévaut actuellement, mais l'année dernière nous y avons ajouté l'Indonésie et le Nigéria. C'était avant le changement de gouvernement au Nigéria. À ce moment-là, nous aidions une station radiophonique d'opposition basée à l'extérieur du pays, la Norvège, la Hollande et quelques autres pays nous aidant à le faire, afin de diffuser au Nigéria des bulletins de nouvelles démocratiques, sans soutenir un parti politique en particulier, mais purement la démocratie.

Quand je suis arrivé au centre, il existait déjà des critères pour guider les choix des pays de concentration, critères que nous avons revus l'année dernière, lesquels ont été approuvés par le conseil d'administration et déterminent la durée et les modalités de notre activité. Il faut prendre des mesures spéciales quand on quitte un pays. Il ne faut pas laisser qui que ce soit en plan.

Nous avons donc des critères pour le choix des pays de concentration. Je vous ferai volontiers parvenir à vous et aux autres membres du comité la liste de ces critères. Le conseil d'administration va se réunir cette semaine pour examiner notre programme de l'année prochaine. Pour des raisons financières, nous allons réduire nos activités. Au lieu de 13 pays de concentration, nous n'en aurons plus que 12 l'année prochaine. La demande toutefois... Les pays dont M. Mills a parlé sont tous extrêmement importants.

Il y a environ un an, j'ai rencontré les représentants de la communauté kurde au Canada, des gens qui s'étaient échappés de Turquie et qui sont venus me voir. Ils ont réclamé notre intervention là-bas, et bien sûr, à les écouter, j'étais convaincu qu'il fallait faire quelque chose, mais j'ai dû leur dire que nous ne le pouvions pas.

Nous ne pouvons pas toujours compter sur d'autres organisations, mais nous essayons de les faire intervenir en attendant, des organismes comme l'ACDI, Paix et développement, certaines Églises, par exemple. Nous essayons d'organiser une action par l'intermédiaire d'autres groupes, mais hélas jusqu'à présent... On nous dit que les Kurdes ont appelé à l'aide il y a un an, il y a deux ans, il y a trois ans, et la communauté internationale n'a rien fait. Maintenant, on en constate les conséquences, une réaction violente dans le reste du monde parce que personne n'a voulu écouter. C'est un peu comme ce qui s'est passé au Rwanda.

Malheureusement, dans ce cas précis nous n'avons pu rien faire, mais nous réexaminons nos activités en permanence, à la lumière de nos critères.

À propos du Mexique, il se trouve que j'étais à Genève, à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies, quand la déclaration sur les droits des défenseurs des droits de l'homme a été adoptée. Le Mexique l'a appuyée, mais trois jours plus tard il expulsait deux Canadiens qui se trouvaient là-bas pour travailler à la promotion des droits de l'homme. Le prétexte était précisément le visa.

J'ai protesté auprès du président du Mexique et du ministre des Affaires étrangères. J'ai écrit à M. Axworthy en lui demandant de tenir des propos plus fermes sur cette question. Soit dit en passant, si nous sommes ici aujourd'hui, c'est parce que le centre doit participer pendant deux jours à des consultations annuelles avec le ministère des Affaires étrangères pour déterminer quelle sera la position de ce dernier à la commission des Nations Unies, qui doit commencer à se réunir le 22 mars, pour cinq semaines, à Genève. Ce dont nous parlerons demain portera précisément sur cette question. Je ne vais pas tout vous révéler maintenant, mais nous allons aborder les diverses violations des droits de l'homme au Mexique, violations des droits civils et politiques, et économiques, sociaux et culturels. Nous avons préparé une série de recommandations. Je peux vous les fournir si vous le souhaitez.

• 1620

En terminant, avant de donner la parole à Kathleen dans un instant, je précise qu'un de nos 14 programmes porte sur la mondialisation et les droits de l'homme, ce qui inclut les droits économiques et sociaux. Depuis quelques années, nous avons donné aux droits économiques et sociaux une place plus importante. On ne cesse de répéter que malheureusement, au Canada, dans aucune des provinces, nos lois sur les droits de la personne ne tiennent pas compte des droits économiques et sociaux. Il n'y est question que des droits civils et politiques, même si nous avons ratifié le Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, même si la Déclaration universelle des droits de l'homme, dont on a marqué le 50e anniversaire l'année dernière, traite aux articles 22 à 26 du droit au logement, à la nourriture, au travail, etc. Le Canada a appuyé avec enthousiasme la déclaration universelle et le pacte international, mais, hélas, le Canada n'est pas le seul pays où ces droits sont marginalisés. Nous, au centre, nous essayons de sensibiliser les gens, et je sais que Kathleen va vouloir ajouter quelque chose là-dessus.

Mme Kathleen Mahoney: Oui, en effet.

Tout d'abord, je tiens à remercier Svend, qui a eu de gentilles paroles à mon égard. Je voudrais ajouter qu'il est beaucoup trop modeste, car, à mon avis, c'est lui l'étoile de notre classe de diplômés.

J'ai longuement réfléchi à la question des droits économiques, sociaux et culturels, à l'indivisibilité des droits. Au centre, nous avons un objectif, que nous a fixé le ministre et que nous a recommandé une équipe d'évaluateurs, et c'est de mieux cibler notre action et de nous constituer une identité thématique. En fait, j'ai préparé quelque chose pour la réunion du conseil d'administration de vendredi sur la notion de l'indivisibilité des droits, qui pourrait constituer notre thème, notre approche, nous permettant de nous évaluer en permanence et d'en faire notre image de marque ailleurs. Nous pourrions donc expliquer très clairement à nos clients, aux ONG et aux autres, que la fin de la guerre froide a marqué la fin de la polarisation des idéologies, la fin du communisme face aux démocraties, et que la véritable démocratie exige l'indivisibilité des droits de la personne, c'est-à-dire les droits civils et politiques, sans oublier les droits économiques, sociaux et culturels.

À mon avis, des centres comme le nôtre sont appelés à jouer un rôle de plus en plus important sur le plan des droits de la personne. La notion d'indivisibilité peut être universalisée, et, pour qu'elle soit mieux comprise, notre centre pourrait l'intégrer à son identité, à sa programmation. C'est déjà fait, mais cela pourrait être encore plus marqué.

Je retiens donc votre conseil. Cette notion est capitale, et je vais certainement soulever la question au conseil d'administration vendredi.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Le 17, nous espérons que les représentants du ministère comparaîtront pour nous faire part des résultats des consultations qu'ils auront eues avec vous cette semaine. Vous pourriez suggérer des questions que nous pourrions leur poser à propos de dossiers difficiles.

Monsieur Reed.

M. Julian Reed: Merci, madame la présidente.

Bienvenue à tous. Même brièvement, c'est un honneur de pouvoir discuter cet après-midi avec vous.

Warren, il se peut que vous ne vouliez pas répondre immédiatement à ma question, car vous nous avez dit que vous alliez comparaître de nouveau devant le comité.

M. Warren Allmand: Nous avons demandé à comparaître à propos de l'Organisation mondiale du commerce et de l'Accord de libre- échange des Amériques.

M. Julian Reed: C'est précisément de cela que je voudrais parler. Je peux peut-être vous poser tout de suite mes questions.

Très souvent, nous avons l'impression d'être entre deux feux quand il s'agit de commerce et de droits de la personne. On se demande ce qui vient en premier, la poule ou l'oeuf. Autrement dit, si vous voulez être présent dans un pays, y apporter votre influence et faire progresser les droits économiques, le commerce est un élément central de la démarche. Toutefois, en même temps, on peut se demander ce qu'il faut faire pour exiger le respect des droits de la personne une fois les relations commerciales engagées. Nous trouvons tous que c'est une question difficile à résoudre.

• 1625

Vous parlez des droits économiques, du droit à la nourriture, au logement, au travail. Tout cela suppose une certaine activité économique. On ne peut créer un emploi à partir de rien, et on ne peut pas trouver un toit à moins qu'il n'existe une certaine base économique. Voilà donc ma question, mais sous forme de défi. Voilà avec quoi nous sommes aux prises en ce qui concerne l'OMC, à propos de laquelle nous allons devoir faire des recommandations dans quelques mois.

M. Warren Allmand: Permettez-moi de vous répondre brièvement.

Nous sommes fermement convaincus que ce n'est pas une question de choix. Il ne s'agit pas de choisir entre le commerce et les droits de la personne. Nous sommes convaincus que le commerce va se développer bien davantage là où la règle de droit et les droits de la personne sont respectés que là où ils ne le sont pas. Quand les droits de la personne sont bafoués, on constate des conflits civils, des grèves, des émeutes dans la rue, et des maux encore plus graves qui rendent les choses très difficiles pour toute entreprise étrangère. En fait, dans les pays où l'on ne respecte pas les droits de la personne ou la règle de droit, l'investisseur ne sait même pas s'il va pouvoir toucher un rendement quelconque. Voilà pourquoi nous pensons qu'il faut développer le commerce et les droits de la personne. Il n'y a pas à choisir entre l'un ou l'autre.

Il est intéressant de rappeler que nous avons critiqué le gouvernement canadien il y a deux ans quand il a annulé son parrainage de la résolution qui condamnait la Chine à la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. En effet, M. Axworthy a alors fait savoir que l'accord bilatéral qu'il envisageait avec la Chine aboutirait au même résultat. Nous pensons qu'un accord bilatéral est avantageux, mais nous devrions travailler sur les deux fronts tant qu'il n'y a pas d'amélioration en Chine.

Certains pays ont annulé leur parrainage de la résolution sur la Chine, mais un petit pays comme le Danemark a repris le flambeau que le Canada avait laissé pour parrainer la résolution. Son commerce avec la Chine a augmenté l'année suivante. La Chine essaie de faire croire qu'elle n'achètera pas les produits des pays qui appuient cette résolution. On constate au contraire que le Danemark a vendu davantage en Chine, et on me dit que c'est vrai dans le cas d'un autre pays qui appuie la résolution. Le Danemark offre de bons produits que la Chine veut acheter et qu'elle a achetés même si le Danemark parrainait cette résolution.

Nous pourrons vous en dire plus long à ce sujet. En effet, nous préparons un mémoire très précis sur bon nombre de ces questions.

M. Julia Reed: Je vous remercie beaucoup. Tout le défi tourne autour de la façon de procéder: comment s'y prendre, dans quel cas dire oui, nous devrions faire des échanges, dans quelles circonstances dire non, nous ne devrions pas.

M. Warren Allmand: Nous ne disons pas qu'il ne faut pas faire du commerce. Le commerce, c'est une bonne chose, mais il faut essayer de s'assurer que nous n'appuyons pas des ateliers de misère qui exploitent les enfants ou emploient des esclaves. On entend parler de cas, en Chine, où les travailleurs sont enfermés 12 heures par jour. L'an dernier, certains témoins nous ont parlé d'un groupe de femmes qui sont mortes brûlées parce qu'elles avaient été enfermées dans une usine et qu'elles n'avaient pu échapper à l'incendie.

Les sociétés canadiennes ne peuvent imposer ce genre de conditions de travail au Canada et elles ne devraient pas investir à l'étranger dans des entreprises aux pratiques douteuses. Je pense que la plupart d'entre elles seraient d'accord. C'est d'ailleurs la raison pour laquelle nous avons tenu cette conférence la semaine dernière. Nous y avons parlé d'éthique et de commerce à l'étranger. Les entreprises canadiennes qui font des affaires au Canada ne peuvent recourir à de telles pratiques, et notre volume d'échanges est plus élevé au Canada qu'à l'intérieur de ces pays.

M. Julian Reed: Nous attendons avec impatience votre exposé. Je vous remercie.

Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Dans la même veine, je voudrais que Kathleen Mahoney me dise si, à son avis, le gouvernement pourrait imposer des critères de respect des droits fondamentaux de la personne à tout prêt consenti par l'entremise de la SEE, de l'APD ou de tout autre programme gouvernemental financé par les deniers publics. Pensez-vous que c'est faisable, qu'il serait possible de vendre cette idée à notre ministère du Commerce?

• 1630

Mme Kathleen Mahoney: Je suis d'accord avec M. Allmand.

A dire vrai, j'ai une expérience personnelle de la chose. J'ai organisé à Calgary un colloque réunissant des chefs de direction de sociétés et des dirigeants d'ONG oeuvrant dans le domaine des droits de la personne afin de discuter de cela et de voir si, dans leur esprit, c'était faisable. Je veux évidemment parler de l'esprit des chefs de direction, car comme vous le savez sans doute, il n'est pas courant que des chefs de direction et des dirigeants d'ONG dînent ensemble. Quoi qu'il en soit, après deux jours de discussions, il est ressorti de cet exercice, assez étonnamment, un certain nombre d'intérêts communs et de solutions communes.

L'un des thèmes récurrents au cours de ces deux jours de réunion a été la corruption, qui inquiète fort les entreprises. Après avoir défini ce qui constitue la corruption et cerné ses répercussions sur l'entreprise, il est devenu évident qu'il y avait un chevauchement marqué avec les violations des droits de la personne. Tout à coup, un domaine qui n'intéressait pas tellement les chefs d'entreprises, ou dont ils ne voulaient pas se préoccuper, a pris une grande importance. Tout est dans la façon de définir ce genre de choses. Dès qu'il a été possible d'associer ces infractions à la notion de corruption, elles sont devenues une question de rentabilité.

Les participants ont manifesté beaucoup d'intérêt pour certaines suggestions comme le sceau d'approbation du magazine Good Housekeeping que l'on trouve sur certains produits de consommation. On pourrait envisager une cote d'approbation analogue qui figurerait sur les produits pour indiquer que les fabricants, les distributeurs et les autres maillons de la chaîne ont observé les normes fondamentales de respect des droits de la personne énoncées dans la déclaration universelle ou dans d'autres conventions établissant des normes en la matière. L'intérêt des gens d'affaires a été piqué car ils ont entrevu la possibilité d'avoir un avantage concurrentiel lié à leur reconnaissance des droits de la personne au lieu de considérer cela comme gaspillage de leurs ressources.

Voici la conclusion que j'ai tirée de ces discussions. Premièrement, tout dépend de la communication. Il faut discuter d'intérêts communs sans appliquer aux notions des étiquettes qui risquent de susciter des résistances. Deuxièmement, il importe de dialoguer pour que les interlocuteurs soient convaincus qu'ils oeuvrent ensemble à un but commun. Troisièmement, il convient de faire comprendre aux milieux d'affaires que c'est une question de rentabilité et qu'une solution au problème améliorera leur situation au lieu de l'empirer.

Ainsi, c'est tout à fait réalisable. Naturellement, il faut la coopération de chacun, que l'on peut obtenir grâce à de bonnes communications et à une bonne compréhension de ce qui est important pour les affaires.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): D'accord. Merci.

M. Warren Allmand: Madame la présidente, permettez-moi de signaler ici un modèle prodigieux. À notre conférence la semaine dernière, nous avions des représentants britanniques à l'origine d'une initiative de commerce moral. La Grande-Bretagne est bien en avance sur nous à cet égard. En effet, grâce à cette initiative, 15 des plus grosses sociétés britanniques travaillent avec 15 des grandes ONG et 15 des principaux syndicats à l'élaboration d'un code de conduite et d'un système de surveillance, lesquels sont appliqués. Ces sociétés ont un chiffre d'affaires de milliards de livres. Une telle organisation est en train de se former aux États-Unis également. Nous avons trouvé fort intéressant d'écouter les Britanniques nous expliquer comment le patronat et les syndicats travaillent ensemble à mettre sur pied une telle initiative de commerce moral.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien: Monsieur Allmand, ma question s'inscrit un peu dans le prolongement de celles de M. Reed et de Mme la présidente. Vous nous avez dit que le centre avait déjà été critique quant à la position du gouvernement canadien face au respect des droits de la personne et à la suprématie du commerce sur celui-ci. Croyez-vous que cette situation-là prévaut encore? Selon vous, est-ce que le Canada est plus militant, si je puis dire, quant au respect des droits de la personne dans les pays où il entretient des relations commerciales?

[Traduction]

M. Warren Allmand: Je pense qu'il y a eu une amélioration.

• 1635

L'année dernière, quand on a instauré la zone de libre-échange des Amériques, je me trouvais à Santiago, au Chili. Je me trouvais en présence de représentants d'un grand nombre d'ONG et de sociétés civiles, et nous avons demandé à rencontrer MM. Axworthy et Marchi ainsi que leurs conseillers. La réunion a duré deux heures et aux réunions portant sur la création de la zone de libre-échange des Amériques, le Canada a défendu une excellente position. Tout d'abord, ils ont essayé de faire accepter qu'on inclue la participation de la société civile au développement de la ZLEA. Hélas, la proposition a été rejetée par presque tous les autres pays, même si les États-Unis étaient tentés par l'idée, car là-bas les syndicats exercent des pressions sur le président. L'AFL-CIO essaie de l'inciter à faire cela. Il faut dire cependant que le Brésil, le Pérou et le Mexique ne voulaient rien entendre. Récemment, le ministre m'a dit qu'il n'avait pas lâché ce cheval de bataille-là.

Autre chose encourageante, les déclarations du premier ministre à Kuala Lumpur et en Chine cette année, si on les compare à ses propos lors des réunions précédentes de l'APEC. J'ai le texte du discours que M. Chrétien a prononcé en Chine, à Beijing, et j'y constate une amélioration très nette, avec des propos en faveur des droits de la personne, et j'ai également un des discours qu'il a prononcés à Kuala Lumpur. Nous pensons que le lobbying... Je ne sais pas si c'est le crash en Asie ou la situation qui évolue, mais le gouvernement fait des progrès.

Je dois dire que je trouve que M. Axworthy s'est toujours révélé ouvert, mais je connais le fonctionnement du système: il y a le Conseil des ministres, la solidarité des ministres au sein du conseil, et c'est comme ça qu'on arrête une position. Je reconnais que le discours prononcé par M. Chrétien à Beijing représente une amélioration considérable.

À la réunion de l'APEC qui a eu lieu à Vancouver, nous n'avons pas réussi à ce que le premier ministre se porte fermement à la défense des droits de la personne. Nous n'avons cessé de le talonner, de lui présenter les arguments que j'ai fait valoir aujourd'hui, et il y a eu une petite amélioration. En fait, à Kuala Lumpur, le Canada a été un des quelques pays—voire le seul—à appuyer la tenue d'une réunion sur la société civile, qui a eu lieu avant la réunion officielle de l'APEC.

Il y a toutefois d'autres dossiers. Nous ne sommes pas encore très satisfaits de ce qui se passe en Chine et dans d'autres pays.

[Français]

Mme Maud Debien: Svend a soulevé plus tôt la question du Chiapas, tandis que je vous parle de la situation du Mexique en général, que d'ailleurs le centre connaît très bien. Je crois que vous connaissez sans doute mieux que moi ce qui se passe dans les maquiladoras. Et pourtant, le Canada n'a jamais semblé élever la voix ou même lever le petit doigt pour dénoncer cette situation dramatique que vivent d'abord les Chiapanecos et les gens des maquiladoras. D'après vous, qu'est-ce que le Canada devrait faire en ce sens-là?

[Traduction]

M. Warren Allmand: Vous avez tout à fait raison à propos du Mexique. À maintes reprises, nous avons signalé au gouvernement du Canada et au gouvernement du Mexique la situation dans les maquiladoras et dans d'autres régions du Mexique également.

Même si nous avons réalisé des avancées considérables auprès du gouvernement à propos d'autres pays, le Canada n'a pas bougé en ce qui a trait au Mexique. Nous ne savons pas si le gouvernement exerce des pressions discrètes auprès du gouvernement mexicain, mais ce que nous savons, c'est qu'il n'a rien dit pour condamner les violations des droits de la personne au Mexique. Pourquoi? Est-ce parce que ce sont nos amis au sein de l'ALENA? Je n'en sais rien, mais il est vrai qu'il n'y a eu que des critiques voilées.

J'ai dit que nous tiendrions des consultations avec le gouvernement canadien au cours des deux prochains jours, et au sommet de notre liste... Dans notre déclaration sur le Mexique, nous nous montrons très critiques. J'en ai un exemplaire, puisque j'avais dit que j'en donnerais un à M. Robinson—en fait, je la ferais volontiers distribuer à tout le comité par l'intermédiaire du greffier. Nous estimons que le gouvernement canadien doit dénoncer ces abus du gouvernement mexicain.

Le Canada ne tolérerait jamais de telles choses sur son territoire. Les Canadiens ne toléreraient pas de telles situations. C'est donc l'un des pays où nous devons exercer des pressions pour que le gouvernement canadien... Ce n'est pas pour le bien du gouvernement canadien, non plus que pour celui du gouvernement mexicain, mais plutôt pour le bien des personnes qui sont exploitées dans ces régions. C'est vraiment de l'exploitation. Avant la réunion de la semaine dernière, quelqu'un a fait remarquer qu'une chemise fabriquée dans ces régions pour 10c. se vend 55 $ au Canada.

• 1640

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Monsieur Cannis.

M. John Cannis (Scarborough-Centre, Lib.): Merci, madame la présidente.

Permettez-moi de souhaiter à mon tour la bienvenue à notre groupe de témoins et à notre ancien collègue, Warren Allmand.

Madame Mahoney, je vous félicite également de votre nomination. Je suis convaincu que le bagage de qualifications et d'expérience dont vous êtes dotée vous permettra de faire de l'excellent travail à votre poste.

Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que vous avez réussi à faire inclure des actes comme la grossesse forcée, le viol, etc., dans la catégorie des actes de génocide. Vous avez accompli cela lorsque vous faisiez partie de l'équipe d'avocats qui représentait la Bosnie contre les Serbes. J'aimerais en savoir davantage à ce sujet.

Je vais vous dire où je veux en venir. Avant le début de la nouvelle année, nous avons eu la chance d'entendre Mme Robinson dans le cadre d'une séance mixte avec le Comité des affaires étrangères du Sénat. Dans son exposé, elle a dit que ses fonctions consistaient en partie à trouver des moyens de faire avancer les choses. Je lui ai parlé plus précisément de certaines résolutions. Nous célébrions le 50e anniversaire de la déclaration, et j'ai demandé pourquoi les Nations Unies avaient présenté à maintes reprises au fil des ans tant de résolutions sur tant de questions différentes alors qu'il semble ne pas exister de moyens de les faire appliquer. Sa réponse a été, si je puis me permettre une critique constructive, de la carabistouille... d'après ce qu'elle a dit, on ne prend pas de mesures concrètes lorsqu'on est en butte à de tels obstacles et l'on n'élabore pas de méthodes pour les surmonter ou pour exiger l'application ou le respect des résolutions. J'ai été très impressionné par votre déclaration.

À part cela, j'aimerais revenir sur l'observation de M. Mills concernant ce qui se fait actuellement. Je vous en ai déjà parlé, Warren. C'est un sujet dont nous discutons pour la plupart—c'est-à-dire les scènes que nous voyons à la télévision dans des reportages sur l'Irak. Il faut vraiment avoir un coeur de pierre pour ne pas être ému à la vue des centaines d'enfants, de jeunes et de femmes qui se font littéralement abattre. À votre avis, n'est-ce pas également un acte de génocide? J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Je sais que c'est difficile, et mon intervention ne signifie absolument pas que j'appuie Saddam Hussein.

J'aimerais également aborder les propos de M. Robinson au sujet des Kurdes. Comme bien d'autres, j'en suis sûr, les objectifs semblent être doubles. Il y a d'une part le bombardement des Kurdes et d'autre part la zone d'interdiction de vol, puis le gouvernement turc envoie également des troupes de l'autre côté. Mais ces gens-là sont partout. C'est bien beau de pleurer sur leur sort, mais je ne crois pas que nous soyons vraiment en mesure de faire bouger les choses.

J'aimerais également que vous m'expliquiez comment vous travaillez avec les ONG, comment la relation s'établit, etc.

Je suis impressionné, Warren, de voir que les directeurs qui vous accompagnent ici sont toutes des femmes. Mon personnel est composé à 90 p. 100 de femmes, et j'en suis très fier. Pourriez-vous nous donner un aperçu de l'organisation? Est-elle entièrement composée de femmes? C'est peut-être pour cette raison que vos réalisations sont aussi nombreuses—j'aimerais savoir également quelle est la répartition.

Pour conclure, je tiens à vous offrir mes meilleurs voeux, Kathleen, dans l'excellent travail que fait mon ancien collègue, Warren. Obtenir le poste, c'est une chose, obtenir le respect des règles, c'en est une autre. Vous savez sans doute que ce travail peut être très frustrant—je pourrais vous parler de divers cas partout dans le monde. Que feriez-vous, en entrant en fonction, pour faire progresser les choses vers le respect des règles—c'est-à-dire que les Nations Unies écoutent le centre, que celui-ci progresse et que son travail donne des résultats? Si le centre lance de tels messages, je suis certain que les gouvernements n'hésiteront pas à lui demander son aide. Nous devons trouver le moyen de leur apporter cette aide.

Merci.

Mme Kathleen Mahoney: Cela fait beaucoup de choses à commenter, mais je veux bien essayer.

• 1645

Tout d'abord, vous avez tout à fait raison lorsque vous parlez de mettre l'accent sur le respect des règles. Jusqu'à présent, dans toute l'histoire des Nations Unies et du mouvement des droits de la personne, on a surtout concentré les efforts sur l'établissement de normes plutôt que d'aller à l'étape suivante, c'est-à-dire la mise en oeuvre de ces normes. Il semble régner à l'échelle internationale un certain consensus sur le fait qu'il existe déjà suffisamment de normes. Il est certain que d'autres conventions seront négociées, mais pour l'essentiel tous les instruments sont déjà là.

On met beaucoup plus l'accent maintenant sur la mise en oeuvre, et c'est également l'orientation de notre centre. C'est important, et cela devrait demeurer l'orientation. Il n'est plus nécessaire d'aborder les questions et les réponses dans ce domaine au niveau théorique. Les normes ont été établies, et c'est maintenant le travail du centre d'essayer de son mieux de les mettre en oeuvre.

Pour ce qui est de votre question sur ma participation à l'équipe d'avocats représentant la Bosnie devant le tribunal international—et rappelez-vous, j'ai dit qu'on a présenté des plaidoyers—cette affaire a été mise de côté pour des raisons politiques. Elle n'a jamais été présentée de nouveau au tribunal. Néanmoins, dans cette équipe représentant la Bosnie, mon travail consistait à élaborer les arguments qui ont été repris avec succès devant le tribunal du Rwanda.

En fait, ces arguments étaient fort semblables à ceux que nous avons fait valoir ici, au Canada, par le truchement de divers organismes de défense des droits. J'ai été l'un des membres fondateurs du Fonds d'action et d'éducation juridiques pour les femmes. C'est exactement ce que faisait le fonds. Nous examinions les lois, dans leur état actuel, et nous essayions de voir comment il faudrait modifier ces lois pour tenir compte des droits des femmes.

C'est de cette façon que nos arguments ont été élaborés dans le cadre de la convention sur le génocide. Dans cette convention, on définit ce qu'est le génocide. On y parle de tuerie de masse, de torture, de destruction de l'identité culturelle et des artefacts du groupe. On y parle également d'ingérence dans la reproduction du groupe. Mais comme pour bon nombre d'autres mesures législatives, les rédacteurs n'ont pas nécessairement tenu compte de la situation des femmes; on s'est fondé sur la situation des hommes.

En fait, ma recherche m'a ramenée aux travaux préparatoires, ce qui est l'équivalent du hansard dans le langage international, pour voir ce qu'avait discuté le comité lors de la rédaction de cette mesure. Le comité n'a pas étudié les effets qu'un génocide pouvait avoir pour les femmes. Pour le groupe, l'ingérence dans la reproduction signifiait l'avortement forcé, ce qui est, si on y pense un instant, la conception masculine de la reproduction et de l'ingérence quant à la perpétuation du groupe.

Il n'a pas été difficile de montrer ce qui serait différent dans la convention sur le génocide si celle-ci était rédigée dans l'optique des droits des femmes. Nous avons fait valoir que la grossesse forcée et le viol, surtout dans le contexte de la religion musulmane et de l'ex-Yougoslavie, constituaient dans les faits une destruction de la capacité de reproduction et une destruction de l'identité des foetus, lorsque les femmes étaient violées et obligées de mener leur grossesse à terme, par exemple. Il n'a pas été difficile de faire valoir cet argument de façon très logique.

D'autres mesures ont également été très utiles, entre autres la Convention sur l'élimination de la discrimination à l'égard des femmes, qui préconise l'égalité. La déclaration universelle préconise l'égalité des sexes. Il en va de même, entre autres, de la convention sur les droits civils et politiques. Il était possible de montrer que ces droits étaient déjà garantis ailleurs et qu'ils devraient s'appliquer également dans la convention sur le génocide. En établissant le lien entre les deux, on obtenait le résultat.

En faisant valoir ces arguments devant un organisme qui pourrait réinterpréter la convention sur le génocide afin d'y inclure les femmes, on a pu, par exemple dans le cas du Rwanda, amener le tribunal à reconnaître que les viols de collectifs commis au Rwanda constituaient un génocide. C'était là une victoire juridique importante qui aura pour effet de protéger les femmes—du moins dans la loi.

Mais il n'est pas très positif de faire reconnaître, après les faits, que les femmes sont victimes de génocide; cela constitue néanmoins une reconnaissance de ce que les femmes ont des droits de la personne. En gros, c'est de cette façon que nous avons procédé. Nous nous sommes servis des normes sur les droits de la personne et nous avons utilisé tous les moyens à notre disposition pour les faire appliquer dans la réalité.

Pour ce qui est des Kurdes, je suis d'accord avec tout ce que vous dites. Comme M. Allmand l'a déjà fait remarquer, le mandat du centre ne porte pas expressément sur les Kurdes, mais j'ajouterais que le centre peut prendre des initiatives qui ne l'obligent pas nécessairement à puiser dans son budget et dans les projets déjà en cours. Il peut faire des déclarations et énoncer sa position, par exemple, sur l'approche scandaleuse adoptée par le gouvernement turc dans le procès de M. Ocalan, une position entièrement inacceptable en regard des normes canadiennes ou autres d'équité procédurale.

• 1650

M. John Cannis: Vous venez de déclencher une initiative au sujet de ce procès.

Warren, recommanderiez-vous, pour le centre, que des observateurs ou des organismes internationaux comme le vôtre, par exemple, assistent au procès? D'après ce que nous lisons maintenant sur la façon dont l'intimé est interrogé, etc., personne n'est là pour surveiller la situation, et c'est vraiment sans précédent. Recommanderiez-vous que des organismes internationaux assistent au procès pour vérifier que la procédure est transparente et équitable?

M. Warren Allmand: Eh bien, comme Kathleen l'a fait remarquer, nous faisons et signons des déclarations et nous écrivons même des lettres aux présidents et aux premiers ministres de pays qui ne sont pas des pays de concentration. Mais nous ne dépensons pas l'argent des projets. Nous pouvons le faire, et nous l'avons d'ailleurs fait à trois ou quatre reprises dans le cas de l'Algérie. Je l'ai fait dans le cas de la Colombie et de certains autres pays. C'est possible. Je pourrais envoyer une lettre pour le proposer. C'est une excellente idée.

Vous aviez une autre question qui...

M. Svend Robinson: Pourriez-vous nous envoyer une copie de votre lettre également?

M. Warren Allmand: Oui.

Vous avez demandé quel était le pourcentage de femmes au centre, ou si tout le personnel était féminin. Je vous ferai remarquer...

M. John Cannis: J'aimerais connaître la structure.

M. Warren Allmand: ... qu'il ne nous reste que 25 employés après les compressions budgétaires: 20 femmes et cinq hommes. Toutefois, tous les postes du centre sont ouverts aux deux sexes. Il semble qu'il y ait davantage de postulantes féminines, même si nos cinq hommes sont très bien. Kathleen et moi n'avons pas été embauchés sous le régime des règles de la fonction publique—nous les appliquons néanmoins, même si nous ne faisons pas partie de la fonction publique—car nous avons été nommés par décret, et c'est le ministre qui a proposé nos candidatures.

À ce propos, dans notre loi, qui est différente de celle de bien d'autres organismes, il faut que l'opposition soit consultée. Cela permet d'éviter les nominations trop partisanes. C'est une disposition particulière à notre loi. Mais pour ce qui est des autres postes—Patricia, Marie-France et Iris—les titulaires sont nommés au moyen d'un concours interne et externe. À l'heure actuelle, nous annonçons un poste de coordonnateur adjoint à la mondialisation et aux droits de la personne. Nous sommes en train de recevoir les demandes. Mais pour ce qui est du centre, nous avons 20 femmes et cinq hommes.

Mme Kathleen Mahoney: Il a demandé comment vous travaillez avec les ONG.

M. Warren Allmand: Comment nous travaillons avec les ONG? À ce propos, l'une de nos règles de fonctionnement veut que nous n'intervenions jamais dans un pays à moins d'y être invités ou de le faire conjointement avec un partenaire dans ce pays. Pour ce qui est du partenaire, il peut s'agir d'une ONG, d'un syndicat, d'une Église, d'une entreprise, d'une association professionnelle, par exemple une association d'enseignants, ou encore du gouvernement. Nous ne nous arrogerions jamais le droit d'aller dans un pays pour dire aux gens ce qu'il faut faire, à moins d'avoir un appui dans ce pays.

Autrement dit, nous trouvons ces ONG. Comme je l'ai dit, ces Kurdes sont venus plaider leur cause à mon bureau. J'ai également entendu des organismes palestiniens. Des représentants des personnes handicapées d'Amérique centrale sont venus me demander d'intervenir dans le domaine des droits des personnes handicapées dans cette région. Ce sont les ONG qui communiquent avec nous. Souvent, elles sont renvoyées au centre. Nous en rencontrons également dans nos autres travaux et nous élaborons de nouveaux contacts. Nous travaillons donc avec des ONG, mais aussi avec des Églises et des syndicats. La semaine dernière, par exemple, nous avons travaillé avec des associations d'entreprises. À la conférence, nous étions accompagnés du Conseil canadien du commerce de détail. Nous nous fondons sur notre expérience, sur d'autres références, et sur les gens qui viennent nous rencontrer.

M. John Cannis: Merci, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Monsieur Mills.

M. Bob Mills: Warren, l'un des sujets sur lesquels nous recevons le plus de lettres, c'est probablement la persécution religieuse—dans diverses religions partout dans le monde. Que pouvez-vous faire pour nous aider, nous députés, à ce sujet, car dans un grand nombre de cas il est difficile de trouver des réponses. Que peut faire le centre pour aider les députés dans ce domaine?

• 1655

M. Warren Allmand: C'est une difficulté sur laquelle nous butons souvent dans nos pays de concentration. Par exemple, l'été dernier, nous avons tenu un forum sur le développement démocratique au Pakistan, et nous avons été en contact avec la minorité chrétienne de ce pays, ainsi qu'avec les musulmans Ahmadi, les hindous et les bouddhistes, qui sont également des minorités au Pakistan. Ces groupes nous ont fourni des exemples terribles de persécution. Nous avons aidé à financer la Commission des droits de la personne du Pakistan, qui est un organisme privé. Cette commission n'est pas comme la Commission canadienne des droits de la personne. Elle s'occupe de cas comme ceux-là.

Également, il y a actuellement en Indonésie des persécutions des chrétiens. Le Timor oriental est une région essentiellement chrétienne.

M. Bob Mills: La liste est fort longue. Ce que j'aimerais savoir, c'est ce que nous pouvons faire lorsque nous recevons ces lettres et que nous essayons d'y répondre... Avez-vous des documents sur les différentes régions?

M. Warren Allmand: Oui. Nous en avons pour les pays dans lesquels nous travaillons. Nous ne nous spécialisons pas dans la persécution religieuse d'une façon générale, mais dans les pays où nous travaillons, nous traitons les cas de persécution religieuse, car il s'agit d'une violation de la liberté de culte garantie dans la déclaration universelle et dans la convention sur les droits civils et politiques. Nous aidons à combattre ces persécutions en aidant les institutions qui s'occupent des droits de la personne d'une façon générale dans ces pays.

Nous serions en mesure de vous aider davantage dans certaines régions que dans d'autres. Il existe des conflits entre les régions chrétiennes et musulmanes ou animistes même dans les pays d'Afrique, et nous aidons les organisations à établir un consensus et à promouvoir la tolérance et l'acceptation des autres.

Cela dépendrait des cas, monsieur Mills. Nous serions heureux, en tout cas, de mettre nos ressources à votre disposition. En fait, nous invitons les députés de tous les partis à participer à certaines des tables rondes que nous organisons. Certains d'entre vous y ont participé. Je sais que Mme Debien y a participé à certaines occasions. Je sais que c'est difficile de venir à Montréal, mais nous sommes prêts à recevoir vos demandes et heureux de vous fournir toute l'aide que nous pouvons. Dans certains cas, ce sera possible, mais pour d'autres pays nous n'avons peut-être pas les renseignements nécessaires.

Mme Kathleen Mahoney: Vous vous rappellerez, monsieur Mills, que j'ai mentionné un projet que nous aimerions lancer au centre, un réseau universitaire pancanadien. Une fois ce réseau en place, il sera peut-être possible de trouver ce genre de renseignements en présentant une demande d'information sur une certaine religion dans un certain pays. Nous pourrions peut-être vous apporter une aide semblable, mais peut-être pas, une fois ce réseau activé.

C'est ce que j'entends par centre intelligent. Nous pourrions vous trouver ce genre de personnes-ressources.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Madame Almeida.

Mme Iris Almeida: J'ajouterais deux choses, brièvement. Premièrement, pour ce qui est de l'information, il existe un grand nombre de groupes dans tout le pays qui communiquent avec nous pour obtenir différents renseignements. Nous avons un centre de documentation, que Patricia dirige, où l'on trouve, par le truchement d'Internet, des renseignements et des sources possibles de renseignements. Les jeunes qui font des recherches dans les universités ou les militants communiquent avec nous régulièrement, tous les jours en fait.

J'ajouterais que pour ce qui est de notre discussion d'aujourd'hui et de notre avenir, il semble que trois principaux domaines influent sur le programme des droits de la personne. L'un de ces domaines, c'est l'évolution de la nature des conflits et des guerres. Dans de nombreux pays du monde, de nos jours... Une étude réalisée en 1996 montrait que 95 conflits armés sur 105 étaient des guerres civiles. C'est un élément très important pour les solutions ou la mise en oeuvre... les guerres sont maintenant des guerres intestines qui amènent des grands déplacements de populations et des migrations à l'intérieur des pays, en plus des réfugiés.

Le deuxième élément, c'est le fondamentalisme. Il y a une augmentation du fondamentalisme religieux, de l'intolérance, dont vous avez parlé, dans diverses religions, ce qui accroît le problème dans ce contexte.

Le troisième élément très important, c'est la nécessité d'établir des liens clairs et uniformes entre le commerce et les droits de la personne. Ces deux activités vont de pair, et, comme vous le savez, l'une n'a pas préséance sur l'autre. Voilà ce que je voulais ajouter pour résumer.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je vais vous poser quelques questions auxquelles vous devrez répondre par oui ou non. Je vous expliquerai pourquoi par la suite.

Tout d'abord, le gouvernement fédéral est-il votre seule source de financement?

• 1700

M. Warren Allmand: À peu près, mais la loi nous autorise à en avoir d'autres. De par sa constitution, le centre est un organisme caritatif. À deux reprises, lorsque M. Broadbent en était le président, le centre a lancé des campagnes de levée de fonds auprès du public. Il s'agissait de campagnes d'envoi postal chez les particuliers, mais cela a soulevé une controverse, car certaines des autres ONG estimaient que nous empiétions sur leur territoire ou que nous sollicitions leurs donateurs. Cela n'a pas donné de très bons résultats.

J'ai proposé que nous lancions une campagne de levée de fonds, mais auprès des fondations et des agences des Nations Unies plutôt qu'auprès des particuliers. C'est l'un des sujets que nous discuterons au conseil d'administration cette fin de semaine-ci.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Puisque le gouvernement fédéral est votre principale source de financement, faites-vous l'objet de vérifications financières plus rigoureuses que les ONG?

M. Warren Allmand: Oui, le vérificateur général fait une vérification du centre chaque année, madame la présidente.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): D'accord. Si je vous pose ces questions, c'est que vous étiez député ministériel lorsque nous avons modifié notre politique. Comme le gouvernement avait moins d'argent, nous avons réparti les fonds et en avons octroyé davantage aux ONG qu'aux organismes qui dépendaient directement du gouvernement.

Croyez-vous que nous avons adopté la bonne méthode? En général, nous supposons que les ONG, de par leur nature, feront un meilleur usage des fonds. D'après ce que j'ai entendu, ce n'est pas nécessairement le cas, car, comme les ressources sont limitées, il est plus facile aux ONG de dépenser mal à propos. Croyez-vous que nous devrions renverser la vapeur et confier l'argent et les fonctions à des organismes comme le vôtre plutôt qu'aux ONG? Je ne parle pas nécessairement du centre, car sinon votre réponse serait évidente.

M. Warren Allmand: Je pense que nous travaillons avec certaines ONG qui sont excellentes. Il est vrai que nous sommes assujettis... Notre loi prévoit un examen complet tous les cinq ans—une vérification externe—et le vérificateur général du Canada procède à une vérification chez nous annuellement. Néanmoins, de façon générale, je ne peux pas critiquer l'efficacité des ONG. D'après ce que j'en sais, certaines d'entre elles sont extrêmement efficaces. Il y en a peut-être d'autres qui ne me sont pas familières. Il me semble qu'il y a 10 ans, lorsque notre centre a été établi, il y avait plus d'argent pour les ONG efficaces et pour des groupes comme le nôtre.

Au fait, les Nations Unies nous ont reconnus comme ONG parce que nous avons une relation d'autonomie vis-à-vis du gouvernement même si nous obtenons nos fonds du gouvernement, tout comme la SRC et d'autres organismes. Tout ce que je peux vous dire, c'est que les cinq millions de dollars par année que nous avons obtenus au début pourraient être indexés à l'inflation et notre dollar... en d'autres mots, si nous avions aujourd'hui le pouvoir d'achat que nous avions il y a 10 ans, nous serions parfaitement heureux.

M. John Cannis: Vous payez votre loyer en dollars canadiens, et non pas en dollars américains.

M. Warren Allmand: Non, mais nous travaillons dans divers pays. Par exemple, je dois aller à Genève pour comparaître devant la Commission des droits de l'homme des Nations Unies. Le billet d'avion pour Genève acheté avec des dollars canadiens coûte très cher. Il faut 1,08 $CAN pour acheter un franc suisse. Je me souviens qu'il y a plusieurs années le franc suisse s'achetait pour 75 ou 80c. Alors, si on tient compte de l'inflation...

Vous avez raison, John: au Canada nos achats ne nous causent pas trop de problèmes. Et puisque nous travaillons beaucoup à l'extérieur du pays... Si vous vous rendez dans un pays comme le Pakistan, c'est très peu dispendieux; mais si vous allez aux Nations Unies à New York ou à Genève, ou même dans d'autres pays, le vol coûte très cher. Marie-France pourrait vous fournir les chiffres.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Que faites-vous en Inde, et avec quelles ONG travaillez-vous?

M. Warren Allmand: Nous sommes au Pakistan, et non pas en Inde.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Ah, vous êtes au Pakistan.

M. Warren Allmand: Nous avons une nouvelle initiative qui a été mise sur pied par suite de notre travail au Pakistan. Au forum sur le développement démocratique que nous avons tenu au Pakistan l'automne dernier, on s'était entendu pour dire que les problèmes du Pakistan ne peuvent pas être résolus uniquement au Pakistan, à cause du conflit Inde-Pakistan. Donc, nous allons maintenant appuyer une initiative qui va tenter d'enseigner, par le biais de la télévision pour les jeunes, les droits de la personne et la démocratie aux jeunes de l'Inde, du Bangladesh, du Pakistan et du Sri Lanka. Nous sommes en train de mettre au point un projet avec les gens de la région afin d'informer les jeunes indirectement par le biais de ce réseau de télévision pour les jeunes. Nous croyons que pour changer les choses dans cette région du monde, nous devons commencer par la nouvelle génération. Cette proposition est venue d'eux; alors ces émissions seront diffusées en Inde, au Pakistan, au Bangladesh, au Sri Lanka et au Népal, dans le but d'essayer d'éduquer et d'informer les gens sur les raisons pour lesquelles il est bon de respecter les droits de la personne, pourquoi la démocratie signifie le respect des droits de la personne, etc.

• 1705

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Merci.

Y a-t-il d'autres questions? Madame Debien.

[Français]

Mme Maud Debien: J'aimerais revenir à la question que vous posiez, madame Beaumier. Dans votre rapport annuel figure un bilan financier qui indique des dépenses de l'ordre de 1 803 172 $ pour des projets. Est-ce qu'il s'agit de subventions accordées directement à des projets précis dans les pays avec lesquels vous travaillez?

Mme Marie-France Cloutier (contrôleure, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique ): Oui, cette somme de 1 803 172 $ représente les subventions accordées à des groupes dans les pays en voie de développement. Vous retrouverez juste en dessous une rubrique de projets. J'ai en main la version anglaise où l'on peut lire l'en-tête «Staff managed», tandis que dans la version française, on a probablement inscrit «Projets gérés par les employés» ou...

Mme Maud Debien: Par le personnel.

Mme Marie-France Cloutier: La somme de 564 000 $ a été affectée à des projets réalisés par le personnel du centre au bénéfice des pays en voie de développement. Par exemple, une partie de cette somme a servi à organiser la conférence qui a eu lieu ici, à Ottawa, la semaine dernière. Nous organisons de telles conférences afin de discuter de problèmes qui sévissent là-bas et d'y trouver des solutions.

Mme Maud Debien: Dois-je en conclure que les 1,8 million de dollars, soit presque 2 millions de dollars, sont affectés directement à des ONG là-bas?

Mme Marie-France Cloutier: Oui, ils sont affectés directement là-bas.

M. Warren Allmand: Ces sommes ont pu être versées à des ONG, ou peut-être encore à des syndicats, etc.

Mme Marie-France Cloutier: À des groupes.

Mme Maud Debien: Et la différence, soit 3 millions de dollars, sert à couvrir les frais d'administration. Enfin, je ne parle pas d'administration comme telle, mais plutôt des projets qui sont gérés par le personnel du centre, par les travailleurs et travailleuses du centre.

Mme Marie-France Cloutier: C'est exact.

Mme Maud Debien: Mais ces sommes sont toujours utilisées en fonction de projets dans les pays que vous desservez.

Mme Marie-France Cloutier: Ce sont des projets réalisés dans les pays ou des projets menés ici au bénéfice de ces pays ou de ces thématiques, évidemment. Il arrive souvent qu'on organise des conférences, qu'on entreprenne des projets de recherche ou des initiatives qui ne vont pas directement là-bas, mais qui visent toujours à aider ces pays.

Mme Maud Debien: D'accord.

M. Warren Allmand: Madame, quand nous finançons des projets dans ces pays, nos employés surveillent leur progression et exigent des évaluations. Même si l'argent est donné à ces groupes,...

Mme Maud Debien: Là-bas.

M. Warren Allmand: ...ils gèrent ces projets. Nous avons mis sur pied des systèmes de surveillance et d'évaluation.

Mme Maud Debien: D'accord. Le centre a publié un document très important qui s'intitule: Donner une conscience au commerce: Stratégies d'intégration des droits humains aux affaires courantes des entreprises. Je conseille à tous mes collègues de le lire. Lors de votre allocution, vous avez parlé d'un colloque qui avait eu lieu sur l'éthique et les pratiques commerciales des entreprises canadiennes et avez dit qu'il n'y avait effectivement presque pas de codes de conduite qui régissaient les entreprises canadiennes. J'aimerais savoir si vous avez distribué ce document, que je juge excellent, aux entreprises canadiennes. Est-ce que vous avez fait un certain marketing auprès des entreprises canadiennes? Je crois qu'il pourrait être un outil de base pour les entreprises qui veulent se doter d'un code de conduite. Je suis consciente que des coûts sont liés à la distribution d'un tel document, mais je crois qu'il devrait être distribué à très grande échelle.

[Traduction]

M. Warren Allmand: Nous avons deux volumes, dont le premier est intitulé Donner une conscience au commerce. Nous avons essayé de les distribuer très largement. En fait, nous devrions les distribuer chaque fois que nous en avons l'occasion.

Patricia, vous souvenez-vous...?

Mme Patricia Poirier (directrice des communications, Centre international des droits de la personne et du développement démocratique): Ils ont été distribués très largement lors d'autres colloques chaque fois que...

[Français]

Lorsqu'il y a des conférences, on les vend aux entreprises, tandis qu'on les donne aux ONG à l'étranger.

• 1710

La version française de la première publication que vous avez mentionnée est maintenant épuisée, bien qu'elle soit toujours disponible gratuitement sur notre site Web, comme toutes nos publications d'ailleurs. Lorsque les exemplaires imprimés sont épuisés, nos publications sont donc encore disponibles.

La demande pour ce document a été très forte au moment de sa publication, il y a un an, bien qu'elle se soit un peu résorbée au cours des six derniers mois. C'est d'ailleurs à cause de cet intérêt très marqué qu'aucun exemplaire imprimé n'est disponible en français.

Mme Maud Debien: Merci.

[Traduction]

M. Warren Allmand: Je voulais simplement signaler que ce sont là nos publications sur la conscience dans le commerce. J'ai ici le rapport sur le développement démocratique au Pakistan. Et trois fois par année, nous diffusons Libertas, notre bulletin de nouvelles sur les droits de la personne, publié en français et en anglais. Nous publiions autrefois ce bulletin en espagnol également pour l'envoyer en Amérique latine, mais, faute d'argent, nous ne pouvons le faire que dans deux langues maintenant. Nous avons donc ces publications, et elles sont disponibles. Comme quelqu'un l'a signalé, nous avons également un centre de documentation, dirigé par Patricia—cela fait partie de ses responsabilités—et ce centre contient beaucoup de documentation sur les droits de la personne au plan international et sur le développement démocratique. Les députés peuvent toujours s'en servir.

La vice-présidente (Mme Colleen Beaumier): Je pense que nous pourrions continuer longtemps, parce que nous avons toutes sortes de questions. Donc je vais simplement vous dire que j'ai bien hâte de vous rendre visite à Montréal afin que nous puissions continuer ce dialogue.

Je vous remercie beaucoup de vos exposés et de vos témoignages.

Au nom du comité, j'aimerais également dire à Kathleen que nous avons tous été très heureux d'apprendre la nouvelle de sa nomination.

Merci. La séance est levée.