Passer au contenu
Début du contenu

STFC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE

SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le lundi 10 mai 1999

• 0906

[Français]

Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour. Conformément à la motion adoptée le 17 mars 1999 par le Comité permanent des finances, le Sous-comité sur les finances reprend son étude sur l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec des enfants à charge.

[Traduction]

J'aimerais commencer par vous signaler que nous avons un changement de dernière minute et que M. John Weir, le directeur de la B.C. Federation of Labour remplacera Angela Schira, la secrétaire-trésorière de cet organisme. J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Weir.

Nous commençons aujourd'hui la première audience d'une série de cinq qui seront tenues dans toutes les régions du Canada. Le sous-comité a prévu de présenter un rapport au comité plénier d'ici la fin du mois de mai ou vers le début de juin. Nous espérons que ce rapport sera ensuite intégré au rapport final sur les consultations prébudgétaires à l'automne.

Avant de commencer, j'aimerais présenter les membres du comité: M. Paul Forseth, réformiste, de New Westminster—Coquitlam;

[Français]

de la ville de Sherbrooke, au Québec, M. Serge Cardin;

[Traduction]

Michelle Dockrill, de Bras d'Or, Nouvelle-Écosse, M. John Herron, de Fundy—Royal, Nouveau-Brunswick et M. Paul Szabo, libéral, de Mississauga-Sud. Je représente la circonscription de Vaudreuil—Soulanges.

M. Weir, habituellement les témoins ont entre cinq et dix minutes pour présenter leur exposé de façon à nous laisser suffisamment de temps pour avoir ensuite une bonne discussion. Bienvenue donc au comité. J'espère que vous allez nous mettre sur la bonne piste. Je vous invite à nous livrer votre exposé.

M. John Weir (directeur, B.C. Federation of Labour): Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, permettez-moi de vous remercier.

Je dois d'abord vous dire que j'ai accepté de remplacer Mme Angela Schira, à la toute dernière minute. J'ai reçu le mémoire il y a une heure environ et je suis venu de North Delta en voiture ce qui, comme M. Forseth le sait fort bien, veut dire que je suis venu directement. C'est pourquoi je vous propose de consigner le mémoire au compte rendu; je prendrai ensuite note de vos questions et mes collègues vous répondront par écrit par la suite parce que je ne suis pas un spécialiste de cette question. Les deux collègues qui ont préparé ce mémoire pour le compte du comité des femmes et de notre comité de la recherche et des affaires législatives ne sont pas là aujourd'hui. Voici donc comment je me propose de procéder.

Pour les membres du sous-comité qui ne connaissent pas le rôle qui est le nôtre en Colombie-Britannique, je dirais que nous représentons près de 450 000 travailleurs syndiqués des divers secteurs de l'économie et que la moitié de nos membres environ sont des femmes. Nos membres affiliés exercent leurs activités dans le monde de travail et dans nos collectivités. Nous savons que l'amélioration du niveau de vie n'est pas quelque chose qui s'obtient uniquement à la table de négociation et qu'elle dépend également des politiques législatives, réglementaires et sociales. Nous participons régulièrement aux consultations prébudgétaires du comité permanent et nous sommes heureux d'avoir l'occasion de parler plus précisément des questions qui touchent l'équité fiscale.

Je tiens à dire dès le départ que la fédération est un peu déçue de voir que le mandat du comité est si restreint. L'équité fiscale est une question très importante, qui mérite de faire l'objet de discussions mais le mandat donné ne nous permettra pas d'aborder certaines questions.

• 0910

Par exemple, avant de parler d'équité fiscale pour les familles, il faudrait examiner le fait que depuis quelques dizaines d'années les sociétés paient moins d'impôt et que les contribuables individuels en paient davantage. En 1997, plus de 81 000 sociétés canadiennes n'ont payé aucun impôt malgré des bénéfices d'exploitation s'élevant à 17 milliards de dollars au total. L'examen de l'équité fiscale devrait, d'après nous, prendre en compte ce genre de déséquilibre. Je suis sûr que si c'était le cas, la situation des familles canadiennes serait moins difficile.

Nous pensons qu'effectivement la situation des familles canadiennes n'est pas facile de nos jours. Le revenu familial moyen a chuté de près de 4,5 p. 100 depuis 1989 et la pauvreté chez les enfants a augmenté, passant de 15 p. 100 il y a dix ans à 20 p. 100 aujourd'hui.

Nous estimons que les principaux coupables sont un taux de chômage inacceptable et l'attitude passive qu'a adoptée le gouvernement fédéral qui s'est refusé à prendre les mesures nécessaires pour réduire le chômage. Le taux de chômage a diminué récemment, ce qui a eu un effet positif mais pendant les huit premières années de la dernière décennie, le chômage est demeuré en moyenne de près de 10 p. 100. Pendant toute cette période, les politiques qu'a adoptées le gouvernement fédéral n'ont pas modifié cette donnée. En fait, plusieurs éléments indiquent que les politiques fédérales ont quelque peu aggravé la situation.

La fédération estime que le gouvernement devrait d'abord adopter des politiques visant à garantir aux familles canadiennes un revenu décent. Le fait que trop souvent il faut deux revenus dans une famille pour pouvoir joindre les deux bouts fait clairement ressortir l'insuffisance de nos stratégies nationales.

Nous pensons également qu'il est important de bien comprendre que ce n'est pas en modifiant uniquement les politiques fiscales que l'on pourra améliorer la situation des familles canadiennes. Nous avons besoin de mesures législatives qui permettent à tous les travailleurs, travailleurs à temps partiel, des travailleurs temporaires ou contractuels, d'avoir accès aux mêmes avantages sociaux que les employés à temps plein.

Les Canadiens ont besoin d'un programme national de garderies pour que les parents qui travaillent puissent, quel que soit leur revenu, avoir accès à des services de garde de qualité.

Les structures actuelles, qu'elles soient formelles ou non, ne facilitent pas le retour au travail des femmes.

En matière d'équité salariale, nous avons besoin de mesures législatives qui garantissent à tous un salaire égal pour un travail de valeur égale. Nous avons été déçus de voir que le gouvernement fédéral n'avait pris aucune initiative en matière d'équité salariale dans la fonction publique, malgré la décision qu'a prononcée la Cour suprême sur ce point.

Il faut également améliorer la législation du travail des différentes provinces pour que les travailleurs puissent effectivement exercer leur droit de négocier des conventions collectives avec leur employeur. La plupart des problèmes que nous avons mentionnés, comme les avantages sociaux pour les travailleurs à temps partiel et l'équité salariale, pourraient être résolus si l'on donnait aux travailleurs les moyens de négocier efficacement avec leur employeur.

Votre mandat soulève toutefois un certain nombre de questions essentielles que j'aimerais aborder. Tout d'abord, certains ont affirmé qu'un impôt personnel basé sur le revenu familial, comme cela existe aux États-Unis, favoriserait l'équité fiscale pour les familles. Nous pensons qu'une telle solution ne peut être retenue parce qu'elle est basée sur l'idée que l'homme et la femme partagent le revenu du ménage. Les études effectuées ne permettent pas d'affirmer que ce soit le cas. Beaucoup de femmes souhaitent conserver leur autonomie financière au sein d'un couple ou d'une famille. En outre, avec un système basé sur le revenu familial, le conjoint qui gagne le moins est imposé au taux applicable à l'autre conjoint, c'est-à-dire à un taux plus élevé. Bien souvent, ce sont les femmes qui ont le revenu le plus faible et un tel changement dissuaderait les femmes de travailler à l'extérieur. Nous pensons que le régime fiscal devrait au départ favoriser l'autonomie financière des femmes. Un modèle basé sur le revenu familial constituerait un obstacle pour cette autonomie.

Votre sous-comité est également chargé d'évaluer l'effet de la prestation fiscale pour enfants. Selon la formule actuelle, la prestation maximum est accordée aux familles à faible revenu et elle diminue à mesure que le revenu du ménage augmente. Si cette mesure vise à relever les revenus les plus faibles et à réduire la pauvreté chez les enfants, nous préférerions que l'on revienne au système des allocations familiales qui a été remplacé par la prestation pour enfants. Il faudrait améliorer ces allocations familiales, en augmentant le montant de base pour qu'il couvre les dépenses liées aux enfants et réviser entièrement le régime fiscal pour en accentuer l'aspect progressif.

Si l'on ne procède pas à ces changements, le système actuel devrait être modifié de la façon suivante:

Premièrement, les prestataires de l'aide sociale devraient avoir droit au montant maximum de la prestation et cette prestation ne devrait pas tenir compte du revenu. Ces Canadiens sont ceux qui ont les revenus les plus faibles et les mesures qui leur bénéficient directement aideraient beaucoup à réduire la pauvreté chez les enfants.

• 0915

Deuxièmement, la prestation pour enfants et le crédit de TPS pour enfants devraient être indexés à 100 p. 100 pour que leur valeur réelle ne soit pas touchée par l'inflation.

Troisièmement, il faudrait renforcer le caractère progressif de notre régime fiscal. Nous pourrions commencer par augmenter le nombre des tranches d'imposition. Lorsque nous sommes passés d'environ 12 tranches à la fin des années 80 aux quatre tranches actuelles, nous avons gravement réduit le caractère progressif de notre fiscalité. Cela doit changer, et nous pensons que cela doit changer rapidement.

Pour ce qui est du système actuel des déductions pour frais de garde d'enfants, nous pensons que le système actuel n'est pas équitable. Ces frais étant déduits par le conjoint ayant le revenu le plus faible, ce sont les familles les plus riches où la personne qui gagne le revenu le plus faible est en fait dans la tranche d'imposition la plus élevée qui bénéficient de façon disproportionnée de cette déduction. En outre, les milliers de familles qui ont recours à des arrangements informels pour faire garder leurs enfants n'ont pas droit à cette déduction.

Il nous paraît plus logique d'adopter une norme uniforme qui bénéficierait à tous. Il faudrait remplacer le système actuel par un programme national de service de garderies sans but non lucratif.

Nous aimerions aborder d'autres questions au cours de la période de discussion mais, malheureusement, je ne suis pas en position de le faire et je me propose de transmettre les questions que vous aimeriez nous poser et de demander à notre bureau de préparer les réponses.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Weir.

Nous allons maintenant passer à une période de questions de dix minutes. Monsieur Forseth, vous avez la parole.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci beaucoup.

Vous avez passé en revue une liste de sujets assez traditionnels, dont on nous a déjà parlé. Vous représentez la B.C. Federation of Labour et j'ai déjà entendu des arguments semblables, comme vous l'avez mentionné, lors des consultations prébudgétaires.

Je me demande si vous pouvez m'en dire davantage sur la réduction du chômage. Il est tout à fait vrai que, si l'on examine les facteurs de stress qui touchent les familles, on constate que les difficultés économiques qu'entraînent le chômage et la précarité des emplois sont une grande source de stress pour les familles. Vous avez dit que le gouvernement devrait se fixer un objectif social général... Vous essayez de jouer sur les deux tableaux. Vous avez parlé d'augmenter les prestations mais bien sûr, la meilleure prestation, ce n'est pas l'assurance-chômage ou l'aide sociale, c'est avoir du travail et gagner un bon salaire.

C'est pourquoi je vous demande de préciser les méthodes que vous proposeriez pour lutter contre le chômage? Je crois avoir assez bien compris ce que vous proposez au sujet des prestations sociales.

M. John Weir: Il faut reconnaître, je crois, que la situation des travailleuses est difficile, en particulier à cause des emplois qui se créent dans la nouvelle économie.

Il existe beaucoup d'emplois marginaux qui n'offrent pas la stabilité et la sécurité nécessaires pour que les familles puissent gagner un revenu décent. Les femmes en particulier sont désavantagées plus que les autres par les nouveaux types d'emplois qui sont pour nous des sous-emplois. Si vous regardez la répartition et la croissance des emplois au cours des dix dernières années, vous constatez que bien souvent les mères qui travaillent ne gagnent pas un revenu décent. Cela s'explique en partie par le fait que les femmes n'ont guère de pouvoir de négociation et aussi par l'absence de mesures législatives efficaces visant à assurer l'équité salariale et le respect des conditions de travail de base.

M. Paul Forseth: Vous pourriez peut-être revenir sur la déduction pour frais de garde d'enfants dans le cas où les services de garde permettent aux parents d'obtenir des reçus, pour cette catégorie. Vous dites que cela n'aide aucunement les familles et vous avez mentionné d'autres solutions que la création d'un programme national de services de garde, projet qui n'est guère susceptible de se réaliser à cause de la situation économique et, je crois également, à cause des négociations fédérales-provinciales auxquelles il faudrait procéder. Étant donné qu'il est peu probable que nous réussissions à mettre sur pied un programme national l'année prochaine ou d'ici deux ans, quelles sont les autres propositions que vous pourriez formuler au sujet de cet aspect particulier de la déclaration d'impôt sur le revenu?

• 0920

M. John Weir: Là encore, je ne me sens pas sur un terrain très solide parce que je n'ai personne à ma charge et que je ne connais pas très bien le système lui-même; je crois toutefois que selon notre comité sur le travail des femmes, il faudrait reconnaître le rôle que jouent les services de garde informels, étant donné que le nombre des places qu'offrent les services de garde formels sont insuffisants et que les parents ont donc besoin d'utiliser d'autres services. D'après ce que je sais, c'est sans doute là le principal aspect mais je pourrais leur demander de vous fournir d'autres éléments.

M. Paul Forseth: Merci, monsieur le président. Je laisse la parole au membre suivant.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

Je vais limiter les interventions à six minutes, parce que nous n'avons qu'une demi-heure. Je vous ai donné trop de temps mais vous ne l'avez pas utilisé complètement. Cela ne fait rien.

[Français]

Monsieur Cardin, je vous accorde six minutes.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Je vous remercie de votre présentation. Vous avez dit d'entrée de jeu que votre association était déçue de la portée limitée du mandat de notre comité. J'aimerais que vous précisiez votre pensée. Bien que notre mandat puisse sembler limité, les propositions qu'a reçues le comité de la part des nombreux témoins qui sont venus comparaître ou celles dont on lui a fait part dans les mémoires qu'on lui a fait parvenir sont loin d'être limitées.

[Traduction]

M. John Weir: Notre fédération aimerait que l'on examine de façon plus large l'ensemble du régime fiscal pour déterminer s'il est vraiment équitable. Cela serait particulièrement utile pour élaborer des politiques en matière de revenu et pour assurer aux familles canadiennes un revenu suffisant. Mes collègues ont compris que le mandat du comité était beaucoup plus restreint que cela.

[Français]

M. Serge Cardin: La fiscalité au sens large pourrait n'avoir aucune limite. En nous confiant le mandat d'étudier l'équité fiscale pour les familles canadiennes avec enfants à charge, on a circonscrit plus précisément un problème de fiscalité.

Lorsque vous parlez d'équité, vous faites allusion à l'équité en termes de revenu pour l'ensemble de la population, des possibilités de travail et de l'accès au travail. On peut comprendre ce point de vue, mais la question de l'équité fiscale pour les familles ayant des enfants à charge est une question importante. Certains parents veulent rester à la maison, tandis que d'autres préfèrent travailler à l'extérieur.

Dans le cadre de notre étude sur l'équité, nous sommes davantage préoccupés d'assurer le bien-être des enfants dès leur jeune enfance et de nous assurer qu'ils auront toutes les chances de se développer. On ne peut atteindre une telle équité fiscale qu'en adoptant des politiques fiscales qui favoriseront ces aspects. Même si notre mandat ne vous apparaît pas assez large, je crois qu'il est relativement précis et important.

• 0925

Lorsque nous parlons d'équité fiscale, nous discutons des besoins des enfants dès leur jeune âge, des facteurs qui vont les marquer pour la vie, qui vont les guider, comme disait mon collègue Szabo, qui vont contribuer à leur formation et qui les aideront à réussir plus tard.

Ne croyez-vous pas qu'il s'agit d'un bon mandat?

[Traduction]

M. John Weir: Là encore, je dois vous avouer que je ne suis pas le spécialiste de notre organisme sur ces questions. Je ne m'opposerai certainement pas à une telle solution mais c'est le point de vue que l'on m'a demandé de présenter.

[Français]

M. Serge Cardin: D'accord. Merci.

Le président: Merci, monsieur Cardin.

[Traduction]

Monsieur Weir, n'oubliez pas que vous parlez à un sous-comité. Nous disposons de très peu de temps, on nous a confié un mandat très précis sur un sujet vraiment essentiel, comme l'ont indiqué certains membres du comité, mais à l'automne, le comité plénier va se déplacer et entendra des témoins qui pourront présenter toutes les recommandations que vous ou votre association souhaiterez présenter au sujet du budget. Vous aurez alors la possibilité d'assister à ces audiences et de présenter vos observations. Je vous invite cependant, comme vous l'avez d'ailleurs offert, à communiquer au greffier du comité par écrit tout ce que vous souhaitez ajouter concernant notre mandat actuel. Nous en serions très heureux.

[Français]

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Merci, monsieur le président.

Monsieur Weir, on a parlé récemment des changements qui ont été apportés à la Loi sur l'assurance-emploi et des effets que ces changements ont eus sur les femmes, qu'il s'agisse du droit aux prestations de maternité ou de la possibilité pour les femmes de rester à la maison pour élever leurs enfants pendant une certaine période. Je me demande si vous êtes favorable à ces changements et si vous pensez que certaines de ces mesures devraient être modifiées.

M. John Weir: J'ai examiné certaines données au sujet de l'effet qu'ont eu ces changements sur les femmes d'après lesquelles ces changements ont eu un effet disproportionné sur les travailleuses. Par contre, je n'ai pas vraiment examiné les répercussions qu'ont eu les changements apportés à l'assurance-emploi sur le régime fiscal. Je m'occupais auparavant de ces questions et j'ai d'ailleurs comparu un certain nombre de fois devant le comité jusqu'en 1990 pour en parler. Je pense toutefois que ces changements ont eu un effet important sur les revenus des familles où les deux parents travaillent, pour ce qui est de leur possibilité d'obtenir un revenu décent.

Là encore, si l'on regarde le genre d'emploi que l'on crée, on constate que la moitié de ces emplois sont à temps partiel, de sorte qu'en passant à une base horaire, un certain nombre de personnes ont perdu le droit à des prestations, si j'ai bien compris le système, et que cela a donc eu un effet important. En particulier, dans le cas des personnes qui ont des enfants à charge, qui entrent habituellement sur le marché du travail, je pense qu'on ne tient pas suffisamment compte de l'aspect suivant, à savoir que pour ces familles, c'est une période particulièrement difficile sur le plan financier. Je sais que de nos jours les gens ont des enfants un peu plus tard mais de toute façon, ils entrent aussi sur le marché du travail un peu plus tard.

Au moment où ces personnes doivent subvenir aux besoins de leur famille et de leurs enfants, elles se heurtent à de grosses difficultés lorsqu'elles essaient de se trouver un emploi qui leur permettrait d'y parvenir.

Mme Michelle Dockrill: Sur ce point, pensez-vous qu'au sujet des répercussions que ces changements ont eu sur les femmes, l'on devrait introduire une certaine souplesse pour que celles-ci aient la possibilité de rester à la maison pour élever leurs enfants, tout en obtenant des prestations pour une période plus longue que celle qui est prévue actuellement?

• 0930

M. John Weir: Je crois que nous essayons d'atteindre avec ce système des objectifs qui sont contradictoires. Je pense néanmoins qu'il y a de plus en plus... Je crois que les gens estiment qu'il faut aider davantage les familles et leur donner la possibilité de participer davantage à l'éducation de leurs enfants, tout en leur donnant un revenu décent.

Mme Michelle Dockrill: Vous avez parlé d'un programme national de garderies. Mon collègue, M. Forseth, a déclaré qu'il ne voyait pas comment un tel programme pourrait être mis en place avant deux ans et j'espère qu'il se trompe. Mais s'il va falloir effectivement attendre deux ans, pensez-vous que l'absence d'un tel programme national va entraîner des difficultés financières pour les familles?

M. John Weir: Eh bien, si je me base sur ma propre expérience, je connais plusieurs personnes qui n'ont pu accepter un emploi parce qu'elles n'arrivaient pas à trouver des services de garde qui leur convenaient. Là encore, je me base sur ma propre expérience. Mais je connais des gens, en particulier ceux qui travaillent en dehors des heures normales, c'est-à-dire de 9 heures à 17 heures, du lundi au vendredi, ce qui représentaient il n'y a pas si longtemps le genre de travail idéal, qui ont beaucoup de mal à trouver des services de garde pour ces heures-là. Il y a aussi le fait que le nombre des familles où les deux conjoints effectuent un travail par poste augmente. Les gens qui se trouvent dans cette situation éprouvent toutes sortes de difficultés à faire garder leurs enfants.

Mme Michelle Dockrill: J'aurais une dernière question, monsieur le président.

Vous avez parlé du fait que vous trouviez que le mandat confié au comité était quelque peu limité. Je me demandais si vous pensiez que le comité pourrait amener le gouvernement fédéral à élaborer une stratégie nationale concernant les services de garderie qui tiendrait compte de tous les aspects que vous avez mentionnés aujourd'hui et de ceux que les autres témoins nous ont signalé.

M. John Weir: Il serait certainement préférable d'examiner d'une façon plus générale les programmes destinés à aider les familles plutôt que de ne s'intéresser qu'à certains aspects, comme par exemple, l'équité fiscale pour les familles avec des enfants à charge. Je crois que cela revient à isoler des aspects qu'il faudrait plutôt examiner ensemble pour donner aux familles le genre de soutien dont elles ont besoin de nos jours pour élever leurs enfants.

Mme Michelle Dockrill: Merci.

Le président: Et j'espère que les autres provinces pourraient s'inspirer de ce que fait le Québec, ma province d'origine, pour ce qui est des services de garderie. Ce programme a commencé dans cette province. Il n'a démarré que depuis un an et il a été très très bien accepté, même s'il y a eu quelques ratés au début, je le reconnais. Mais cela a été fait.

Monsieur Herron, allez-y.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président.

Il a souvent été dit au cours des audiences du sous-comité que le fait de calculer l'impôt sur le revenu familial au lieu d'avoir un régime fiscal progressif serait discriminatoire à l'endroit des femmes parce que cela les dissuaderait de se trouver un travail.

Il y a également un autre débat public sur... Vous avez parlé de la nouvelle économie. J'ai tendance à croire que votre analyse comporte certains aspects sexistes, compte tenu de la nouvelle économie vers laquelle nous nous dirigeons. En effet, les couples décident que l'un des conjoints va rester à la maison et que l'autre va travailler à l'extérieur en se fondant sur leur capacité de gagner un certain revenu. C'est habituellement de cette façon que les couples ou les partenaires prennent ce genre de décision. Je pense toutefois qu'à l'ère de l'information, que dans cette nouvelle économie, il est tout aussi probable que ce soit la femme qui ait la capacité de gagner un revenu supérieur. C'est pourquoi j'aimerais savoir ce que la B.C. Federation of Labour pense de cette question.

M. John Weir: Nous sommes en train d'étudier de très près ce qui se passe dans cette nouvelle économie, et en fait, nous allons tenir une conférence à ce sujet en automne. L'économie postindustrielle comporte certaines caractéristiques qu'il convient d'examiner en détail. Je crois qu'il existe certaines idées à son sujet qui ne correspondent pas aux faits.

• 0935

Si vous lisez un ouvrage comme The Rise of the Network Society, je crois que le chapitre quatre traite de la transformation du travail. L'auteur affirme que les statistiques démontrent que certaines idées que nous nous faisons au sujet du travail et de ses modalités dans l'économie postindustrielle en Amérique du Nord sont en fait tout à fait fausses.

Vos affirmations valent peut-être pour les femmes très instruites mais je ne suis pas sûr qu'elles s'appliquent à toutes les femmes. Je crois que c'est un aspect qu'il va falloir examiner attentivement pour comprendre ce qui se passe avec les emplois dans cette nouvelle économie.

J'ai examiné certaines statistiques au début de l'année qui indiquaient que, si l'écart entre les hommes et les femmes avait eu tendance à se combler jusqu'en 1992 environ, il semblait que cette tendance se soit inversée et que le taux de participation des femmes au monde du travail ou l'augmentation de ce taux soit en diminution. Il se produit donc des changements en ce moment et je crois qu'il va falloir examiner de très près les tendances qui sont apparues ces dernières années.

M. John Herron: L'aspect central de la mission confiée au sous-comité est la question de l'équité. J'ai aimé l'une de vos observations, celle où vous dites qu'il faudrait élaborer des politiques fiscales ou des normes générales qui avantagent toutes les familles. Dans notre société actuelle, la famille traditionnelle a disparu, et nous voulons donner aux familles la possibilité de faire des choix.

À l'heure actuelle, le gouvernement fédéral avantage, pour ce qui est des prestations, les familles dont les deux parents travaillent à l'extérieur. Mais celui-ci n'accorde pas le même avantage aux familles qui disposent d'un revenu familial suffisant et qui ont choisi d'utiliser des services de garde non officiels ou décidé qu'un des parents resterait à la maison pour élever les enfants.

Compte tenu du fait que le gouvernement n'accorde un avantage aux familles dans le seul cas où les deux parents travaillent à l'extérieur, pensez-vous que cela rend le système inéquitable?

M. John Weir: Je crois qu'il faut tenir compte de la valeur que représente le travail non rémunéré dans le revenu familial et que c'est un aspect de la question qu'il faut examiner. Je suis convaincu que le fait d'adopter des politiques qui garantissent aux familles un revenu décent donne à ces personnes la possibilité de faire des choix. Cette possibilité dépend en fait de l'autonomie financière de la famille. Si la famille traditionnelle est effectivement une chose du passé, je suis sûr qu'il y a beaucoup de familles qui aimeraient pouvoir se prévaloir de cette possibilité. Nous estimons que ce n'est pas le cas ou du moins qu'avec le système actuel, cela est plus difficile, compte tenu du genre d'économie dans laquelle nous vivons.

M. John Herron: Ai-je raison d'affirmer qu'il faut introduire davantage de souplesse dans ce système pour tenir compte du choix que les parents font sur la façon d'élever leurs enfants, pour accorder un traitement équitable aux familles dont un des parents travaille à la maison et pour tenir compte également des arrangements de garde informels, comme lorsque l'on confie les enfants aux grands-parents, ainsi que les autres solutions de ce genre?

M. John Weir: Je crois que cela dépend en partie de la façon dont on définit le travail. J'essaie toujours d'être prudent lorsque j'essaie de définir cette notion. Je ne dirais pas que les personnes qui ne travaillent pas à l'extérieur et qui restent à la maison ne travaillent pas.

M. John Herron: Je suis sûr que j'ai dit «qui travaillent à la maison.»

M. John Weir: L'autre aspect est que les gens qui travaillent à la maison assument en fait un fardeau très lourd parce qu'ils essaient souvent d'exercer des activités rémunérées à la maison, tout en s'acquittant de la plupart des tâches familiales, ce qui représentent un travail non rémunéré.

• 0940

Il faut examiner tous les scénarios possibles et essayer de formuler un plan qui ne vienne pas limiter les choix de ces personnes et qui, en fin de compte, permette à celles-ci d'avoir une vie familiale décente.

M. John Herron: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Herron.

M. Paul Szabo, pour la conclusion.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci.

Merci d'être venu. Je sais qu'il n'est pas facile de remplacer quelqu'un mais je suis heureux que vous l'ayez fait.

Monsieur le président, il y a beaucoup de points intéressants dans ce document. Je pense que le rapport a été consigné au procès-verbal mais la plupart de ces points...

Le président: C'est le suivant.

M. Paul Szabo: C'est le suivant?

Le président: Oui.

M. Paul Szabo: Oh, très bien. J'ai cru comprendre au début qu'il y avait un rapport.

Le président: Nous ne l'avons pas encore reçu.

M. Paul Szabo: Nous ne l'avons pas encore?

M. John Weir: J'ai avec moi quelques notes que je vais vous laisser.

M. Paul Szabo: Très bien.

Tout d'abord, vous avez parlé de l'écart entre l'impôt des sociétés et l'impôt des particuliers. Vous avez parlé, je crois, du fait qu'il y avait 87 000 sociétés qui avaient gagné un revenu mais n'avaient pas payé d'impôt. Vous avez dit que nous devrions examiner d'abord cet aspect et que cela réglerait un certain nombre de problèmes. Si cela est exact, c'est probablement ce qui se passerait. Savez-vous pourquoi 87 000 sociétés n'ont pas payé d'impôt?

M. John Weir: Je sais qu'il existe diverses raisons pour lesquelles les sociétés qui font des bénéfices ne paient pas d'impôt et certaines de ces raisons sont manifestement...

M. Paul Szabo: Pourriez-vous me donner un exemple?

M. John Weir: Pas immédiatement, non.

M. Paul Szabo: Très bien. Je vais vous en donner un.

Le président: Surprise.

Des voix: Oh, oh!

M. Paul Szabo: Il est très intéressant de noter que les gens se contentent souvent de regarder le rapport annuel et les états financiers des sociétés mais s'ils examinaient les déclarations d'impôt, ils s'apercevraient qu'on y mentionne un revenu imposable égal à zéro, qui représente un chiffre différent de ceux du rapport annuel, ou l'existence d'un revenu imposable compensé par le report de pertes, la société en question ayant perdu beaucoup d'argent l'année précédente. En fait, les sociétés peuvent reporter leurs pertes pendant sept ans. Il n'y a rien d'illégal à cela et en fait, celles qui le font appliquent correctement la loi. Une bonne partie de la situation s'explique donc par le report des pertes.

L'autre aspect vient du fait que l'amortissement fiscal est souvent plus rapide que l'amortissement comptable. C'est ce qu'on appelle le report de l'impôt. Le report de l'impôt est une notion comptable et non pas fiscale. C'est ce qui explique que ces 87 000 sociétés ne doivent aucun argent au gouvernement aujourd'hui. Cela indique que ces sociétés devront probablement verser davantage d'impôt à l'avenir à cause des montants reportés.

Je voulais apporter cette précision, parce que cela semblait indiquer qu'il existait une solution simple à nos problèmes financiers, et je ne pense pas que ce soit le cas.

Le président: Pourquoi ne laissez-vous pas le témoin vous répondre, Paul?

M. John Weir: Tout d'abord, c'est une question fort intéressante. Il est dommage que les familles n'aient pas la possibilité de reporter leurs pertes lorsqu'elles ont des revenus très faibles certaines années. Elles pourraient reporter ces pertes et étaler leurs impôts.

Le président: Cela est possible pour les gains en capital.

M. John Weir: Eh bien, cela est vrai pour les gains en capital mais la plupart des familles de travailleurs n'ont pas à s'inquiéter des gains en capital.

M. Paul Szabo: Et pour les travailleurs autonomes aussi.

M. John Weir: Les travailleurs autonomes représentent à peu près 20 p. 100 des travailleurs.

M. Paul Szabo: J'aimerais passer à la question que nous sommes en train d'étudier.

Je suis content que vous ayez mentionné le fait que la déduction des frais de garde d'enfants profite davantage aux personnes qui ont un revenu élevé qu'à celles qui ont un revenu faible, tout simplement à cause d'un taux d'imposition marginal plus élevé. Cela me paraît contradictoire parce qu'on s'attendrait à ce que les avantages fiscaux visent davantage les personnes à revenu faible et moyen que celles qui ont un revenu élevé; alors que c'est en réalité tout à fait le contraire. C'est une mesure que je voudrais voir examiner de façon beaucoup plus détaillée et qui devrait profiter à tous les Canadiens, quel que soit leur revenu.

La seule question dont j'aimerais parler avec vous est que vos observations semblent se baser sur l'idée que la déduction pour frais de garde d'enfants est nécessaire, parce qu'elle constitue une dépense liée à l'emploi, parce que les femmes en ont besoin pour pouvoir travailler à l'extérieur, etc.

• 0945

Nous avons constaté que moins d'un tiers des familles ayant deux revenus et des enfants à charge de moins de 18 ans demandent la déduction des frais de garde d'enfants et que cette déduction ne s'élevait en moyenne qu'à 2 600 $, d'après les chiffres les plus récents, qui étaient ceux de 1996. Cela montre que cette déduction est rarement demandée et qu'elle n'est guère nécessaire, si l'on tient compte du fait que moins d'un tiers des personnes l'utilisent.

Vous avez également déclaré que la plupart des familles ont aujourd'hui besoin de deux revenus, que la famille traditionnelle est une chose du passé, et des choses de ce genre. Nous avons également constaté que, quel que soit le niveau de revenu, disons, du mari, la répartition des ménages où le deuxième conjoint travaillait à l'extérieur à temps plein ou à temps partiel ou restait à la maison était pratiquement identique. Autrement dit, un tiers des femmes ayant des enfants et un mari possédant un emploi décident de travailler; un tiers d'entre elles ont un emploi à temps partiel, et gagnent un certain revenu et un tiers d'entre elles travaillent à temps plein sans gagner de revenu.

Compte tenu de cette répartition, il me semble possible d'affirmer que même les mères qui ont un emploi à temps partiel travaillent probablement d'une façon très irrégulière et qu'elles consacrent une partie importante de leur temps à s'occuper de leurs enfants. Cela veut dire, d'après moi, que près de la moitié des femmes ont décidé de s'occuper elles-mêmes de leurs enfants. Je crois que l'on peut en conclure que ce choix ne tient pas compte du revenu, ni de la déduction pour frais de garde d'enfants.

C'est pourquoi je vous demande, et si vous n'êtes pas en mesure de répondre à cette question, vous pourriez peut-être en parler à vos collègues, d'examiner quel est le nombre réel des parents qui demandent cette déduction, les avantages fiscaux qu'ils obtiennent, les choix qui sont effectués, et de voir ensuite si vous ne souhaitez pas revoir votre affirmation selon laquelle le traitement accordé aux personnes qui s'occupent elles-mêmes d'élever leurs enfants et celles qui choisissent de travailler et de confier cette tâche à d'autres personnes est vraiment équitable.

M. John Weir: Il est très intéressant de parler de statistiques. Je le faisais souvent lorsque je négociais des conventions collectives et je demandais toujours «Combien êtes-vous prêt à mettre?»

On peut toujours lancer des chiffres mais il est important d'examiner les caractéristiques du tiers de la population qui demande la déduction dont vous avez parlé. Il me paraît difficile d'étudier les statistiques sans examiner plus précisément quelles sont les situations familiales... Évidemment, ces données vous donnent une idée des modifications que l'on pourrait apporter au système et je m'intéresse toujours à ce que disent les moyennes, mais habituellement, je constate qu'elles ne sont guère éclairantes.

M. Paul Szabo: Statistique Canada mentionne, et c'est la Condition féminine et le ministère du Développement des ressources humaines qui nous ont fourni ces statistiques, qu'un tiers des familles avec enfants ont un parent qui s'occupe d'élever les enfants à la maison et qui ne gagne aucun revenu. Cela représente un tiers des familles. Ce n'est pas une simple statistique, c'est un fait. C'est une partie de la population.

Très brièvement, pourriez-vous me dire ce que vous entendez par «arrangements informels»? Vous avez dit quelque chose à ce sujet.

Le président: C'était votre dernière question, monsieur Szabo.

M. John Weir: C'est lorsqu'un grand-parent ou un autre membre de la famille s'occupe d'un enfant, et de plus en plus, d'une personne âgée. Cela désigne les arrangements autres que le recours aux garderies.

M. Paul Szabo: Contre rémunération?

M. John Weir: Dans certains cas, il y a une certaine indemnisation.

M. Paul Szabo: Mais le revenu n'est pas déclaré. Cela se fait sous la table.

M. John Weir: Eh bien, je ne sais pas très bien.

M. Paul Szabo: Parfait.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Monsieur Weir, je sais que vous allez nous fournir des réponses par écrit, ou que votre association va le faire. J'aimerais parler d'une question que vous avez abordée, lorsque vous avez dit que la solution n'était pas d'imposer les particuliers en se basant sur le revenu familial.

Le comité examine les façons de renforcer l'équité fiscale et si l'on examine les avantages fiscaux, par exemple le crédit de TPS, le crédit d'impôt pour enfants, et la récupération des sommes versées aux personnes âgées, on constate que la plupart de ces mesures sont calculées en fonction du revenu familial. Nous avons également parlé de la possibilité de fractionner le revenu. Tout ceci, dans le but d'essayer de réduire le caractère inéquitable, qu'il soit apparent ou réel, du système.

• 0950

Si vous nous fournissez une réponse par écrit, j'aimerais que vous abordiez également ces deux aspects et que vous nous communiquiez vos commentaires sur ces sujets.

Au nom du comité, je vous remercie. On vous a fait jouer le rôle de frappeur suppléant et vous vous en êtes très bien tiré. Au nom du comité, je vous remercie d'avoir pris le temps de venir nous présenter vos commentaires.

M. John Weir: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

J'invite les deux prochains intervenants à prendre place à table. Nous allons entendre ce matin Marjorie Griffin-Cohen et Margot E. Young, toutes deux recherchistes associées du Centre canadien de politiques alternatives ainsi que M. John Hof, le président de la Campaign Life Coalition of British Columbia.

J'aimerais poursuivre avec la formule actuelle et je vais demander aux représentantes du Centre canadien de politiques alternatives de commencer. M. Hof parlera ensuite.

Bienvenue.

Mme Marjorie Griffin-Cohen (recherchiste associée, Centre canadien de politiques alternatives): Merci beaucoup.

Je m'appelle Marjorie Griffin-Cohen. Je suis la présidente du Centre canadien de politiques alternatives en Colombie-Britannique. Nous sommes un institut de recherche économique qui s'intéresse à la justice sociale et économique dans les politiques sociales et économique. C'est pourquoi nous nous intéressons particulièrement aux questions liées à l'équité.

Je suis accompagnée aujourd'hui d'une professeure de droit de l'Université de Victoria, Mme Margot Young. Je suis également économiste et professeure de sciences politiques et je dirige le département des études sur la condition féminine de l'université Simon Fraser.

Je vous demande de bien vouloir excuser le fait que notre mémoire n'est pas en français. Nous n'avons pas eu le temps de le faire; je suis désolée.

Le Centre canadien de politiques alternatives félicite le Parlement d'avoir reconnu que les questions d'équité fiscale pour les familles constituent un aspect important de nos orientations fiscales et sociales. Par contre, nous pensons également que ces questions ont été formulées de façon particulièrement étroite et en fait, négative.

Il est vrai que les inégalités dans la répartition du revenu après impôt entre les familles se sont aggravées au cours des années 90 et que c'est un aspect qui nous inquiète beaucoup. Les familles à revenu faible et moyen ont été particulièrement touchées par les politiques du gouvernement pendant cette période et ce n'est pas parce que les familles avec enfants et dont les deux parents travaillent ont obtenu certains avantages fiscaux à cause des frais qu'entraîne le travail à l'extérieur de la maison rémunéré.

Depuis 1994, l'écart entre le revenu après impôt des familles les plus riches et celui des plus pauvres a atteint son plus haut sommet depuis 1973. Ce changement est dû au budget désastreux de l'année 1995, qui a incorporé des changements considérables aux politiques du gouvernement fédéral. En particulier, les coupures faites dans les paiements de transfert et dans les services publics ont touché très durement les familles et les jeunes les plus pauvres.

La question de l'équité du régime fiscal est une question extrêmement importante. En dix ans, le régime fiscal est devenu nettement plus régressif puisque le fardeau fiscal est passé des sociétés et des individus riches aux personnes et aux familles à revenu faible et moyen. Il y aurait beaucoup de choses à signaler à ce sujet mais nous allons nous contenter d'en mentionner quelques-unes.

• 0955

En 1988, le gouvernement a modifié profondément l'imposition du revenu des particuliers lorsqu'il est passé de dix tranches d'imposition, dont la première était de six pour cent pour les revenus faibles et la plus élevée de 34 p. 100, à trois allant de 17 à 39 p. 100. Nous avons également mis en place la taxe sur les biens et les services, qui est une taxe très régressive et qui touche particulièrement les familles, en particulier, celles qui ont de faibles revenus.

Il y a également le fait que l'impôt sur le revenu des sociétés a subi des réductions importantes. Il y a eu la désindexation de toutes sortes de crédits d'impôt et d'exemptions d'impôt personnel. Il y a eu la suppression des allocations familiales en 1993. Il y a eu les frais imposés pour les demandes d'immigration, qui représentent un lourd fardeau pour les personnes pauvres qui veulent émigrer dans notre pays. Il y a eu aussi la suspension du financement du logement social. Il y a eu également le gel des salaires des fonctionnaires qui ont des familles.

C'est pourquoi parler d'équité fiscale du point de vue de la discrimination dont font l'objet les familles où la femme élève les enfants à temps plein risque d'opposer de façon inutile et dangereuse les familles où une personne travaille et celle dans laquelle il y en a deux. Parler de discrimination fiscale contre les familles où la femme s'occupe des enfants risque de fausser complètement le débat, en plus d'être injustifié.

Nous estimons que le traitement fiscal accordé aux deux types de familles que vous examinez est pour l'essentiel équitable, du moins en ce qui concerne les couples hétérosexuels. Pour le reste, nous ne pensons pas qu'il soit équitable.

J'aimerais vous rappeler que le Canada a accepté d'assumer diverses obligations, dans le cadre d'organismes nationaux et internationaux, dans le domaine de l'égalité des femmes et de l'accès à un travail rémunéré. L'égalité des femmes, notamment l'égalité d'accès au marché du travail, est une valeur fondamentale reconnue par le droit canadien, notamment par la Charte canadienne des droits et libertés, ainsi que par les lois fédérales et provinciales sur les droits de la personne. Le gouvernement canadien est également tenu d'assurer l'égalité des femmes en vertu des obligations internationales que lui imposent les documents sur les droits de la personne comme le Pacte international sur les droits économiques, sociaux et culturels, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination contre les femmes.

La déduction pour frais de garde d'enfant favorise l'égalité d'accès des femmes au marché du travail et répond à un certain nombre de ces besoins. Cette déduction constitue une importante mesure visant à supprimer les obstacles financiers que doivent surmonter les femmes qui veulent travailler à l'extérieur. Nous tenons à souligner qu'il s'agit là d'une dépense liée à l'emploi. C'est une des très rares dépenses liées à l'emploi que les salariés peuvent déduire. Cette mesure joue donc un rôle particulier. La déduction pour frais de garde d'enfant n'a pas pour effet d'augmenter les dépenses discrétionnaires destinées aux familles de salariés. Elle ne fait que compenser, dans une faible mesure, les frais qu'exposent les personnes qui ont un enfant et qui travaillent à l'extérieur.

Il paraît très important de noter que le parent qui reste à la maison renonce à gagner un revenu mais qu'il produit des biens et des services pour sa famille qui ont une grande valeur économique. Les économistes parlent dans ce cas de revenu imputé et nous notons que ces biens et ces services ont une valeur matérielle et améliorent la situation financière et le niveau de vie de la famille. Lorsque les deux parents travaillent, ils renoncent à cet avantage financier.

Nous tenons également à signaler que le fait pour un deuxième parent de travailler à l'extérieur entraîne des coûts marginaux très élevés. Les familles où les deux parents travaillent doivent acheter de nombreux biens et services pour remplacer ce que générait le parent qui restait à la maison. Il y a également les dépenses liées à l'emploi qui n'auraient pas été autrement encourues. Cela demeure malgré la déduction accordée actuellement par les frais de garde d'enfants, puisque cette déduction ne couvre pas intégralement le montant des frais de garde à temps plein d'un enfant d'âge préscolaire, sans parler des autres coûts supplémentaires qu'entraîne le fait de travailler à l'extérieur.

Étant donné que ce sont principalement les femmes qui s'occupent d'élever les enfants, il est évident que le fait d'augmenter le coût marginal du travail à l'extérieur en réduisant la déduction pour frais de garde d'enfant serait discriminatoire envers les femmes. Cela créerait un obstacle pour les femmes qui décident ou ont besoin de travailler à l'extérieur.

• 1000

Nous pensons qu'il existe une meilleure solution, à savoir la création d'un réseau de garderies public et universel. Je suis sûre que vous avez déjà souvent entendu cette recommandation, parce que les groupes de femmes le demandent depuis au moins 20 ou 25 ans mais il est vrai que nous avons besoin de garderies financées par l'État. Avec un tel système universel, et accessible, les femmes dépendraient moins de la déduction pour frais de garde d'enfant même si nous estimons qu'avec un réseau de garderies universel, il faudrait tout de même conserver la possibilité de déduire les frais de garde d'enfant. Cela intéresse principalement les femmes qui habitent des régions isolées et qui n'auraient pas, même si nous avons utilisé le mot «universel», accès à des services de garde. Nous pensons aux femmes d'agriculteurs et aux autres femmes qui habitent dans les régions isolées. Cela fait donc partie des revendications que font depuis très longtemps les groupes de défense des droits des femmes.

Le problème que pose cette déduction ne vient pas du fait qu'elle n'est pas accordée aux parents qui restent à la maison mais du fait que la plupart des parents ne peuvent la demander parce qu'il n'existe pas suffisamment de place dans les garderies pour les gens qui en ont besoin. C'est pourquoi nous demandons d'accorder cette déduction à un plus grand nombre de femmes qui travaillent. Cette déduction n'est accordée à l'heure actuelle que dans des cas très précis, de sorte qu'il y a beaucoup de familles qui assument des frais de garde sans pouvoir s'en prévaloir.

Nous demandons que le gouvernement finance des services de garde publics qui donneraient à tous les enfants canadiens un accès à des services de qualité. Cependant, tant que ce système ne sera pas mis en place, et j'ai été très heureuse d'apprendre que cela pourrait se faire d'ici deux ans, nous recommandons que l'on maintienne la déduction pour frais de garde d'enfant, même si le gouvernement adopte d'autres mesures fiscales.

Je vais maintenant passer la parole à Margot Young, qui va vous présenter la deuxième partie de notre mémoire.

Le président: Avant de commencer, madame Young, je dois vous dire que notre temps est limité et qu'il ne nous reste qu'environ 25 minutes. M. Hof va également présenter un exposé et j'aimerais réserver au moins 20 minutes aux questions. J'ai examiné votre mémoire et il est assez long; j'aimerais que vous ne preniez que cinq minutes environ.

Mme Margot E. Young (recherchiste associée, Centre canadien de politiques alternatives): Je vais essayer de me limiter aux points essentiels et je m'en remettrai pour le reste au mémoire.

Le président: Merci.

Mme Margot Young: Je passe maintenant aux questions dont nous traitons à la page 3 et je m'attarde à certains des critères essentiels dans le cas d'autres mesures fiscales susceptibles de régler les questions liées à l'équité fiscale et au bien-être des familles canadiennes.

Je vous signale le paragraphe 17 de notre mémoire, où nous mentionnons que nous recommandons d'appliquer les critères suivants si une nouvelle mesure fiscale pour enfants était adoptée. Premièrement, nous recommandons que cette mesure prenne la forme d'un crédit remboursable. En effet, les crédits non remboursables et les déductions ne profitent pas aux personnes à très faible revenu, un groupe qui comprend une très forte proportion de femmes chefs de famille monoparentale, et la question doit évidemment préoccuper les membres du comité.

Nous recommandons en outre avec insistance que la déduction pour frais de garde d'enfants soit maintenue séparément, et ce pour les raisons que ma collègue a soulevées.

La section suivante de notre mémoire porte sur les mesures qui reconnaissent le travail non rémunéré des femmes qui fournissent des soins. Nous dressons au paragraphe 18, une liste de mesures qui corrigeraient les inégalités qui font que notre système ne reconnaît pas et n'apprécie pas le travail que représentent les soins donnés par les femmes. Je ne vais pas passer toute la liste en revue, elle figure dans notre mémoire, mais j'aimerais signaler que nous insistons sur le fait que les mesures fiscales doivent se conjuguer à des mesures d'autre nature, par exemple des politiques visant à mieux rémunérer et à prolonger les congés de maternité et parentaux.

Nous demandons aussi que les travailleurs à domicile ainsi que les travailleurs de la population active aient accès à des avantages sociaux et à des prestations liées à l'emploi, par exemple l'indemnisation des accidentés du travail, les pensions, les prestations de retraite, les prestations d'invalidité, l'assurance-emploi et les programmes de recyclage.

• 1005

Nous proposons, et cela figure au paragraphe 19, deux mesures qui, à notre avis, calmeraient les graves préoccupations actuelles en ce qui concerne le bien-être des familles canadiennes. La première permettrait de rétablir la prestation universelle d'allocation familiale. Cette prestation imposable serait versée à toutes les familles et établie d'après un pourcentage du salaire moyen. Elle reconnaîtrait officiellement la contribution des parents à la société et permettrait de traiter plus équitablement, sur le plan fiscal, les familles qui ont des enfants et celles qui n'en ont pas. Parce qu'il s'agit d'une prestation imposable, la mesure respecterait aussi l'objectif d'équité verticale au sein du système fiscal.

Nous voulons aussi proposer un crédit d'impôt remboursable assujetti au revenu, qui ne ferait, au fond, qu'améliorer le crédit d'impôt pour enfants déjà en place mais permettrait d'octroyer des prestations sensiblement plus élevées. Nous voulons de plus souligner que ce crédit doit être entièrement indexé, pour ce qui est tant du niveau de la prestation que du revenu limite au-delà duquel la prestation ne serait plus versée, et offert à tous les types de familles, qu'une famille tire ou non l'essentiel de son revenu des programmes provinciaux d'aide au revenu.

J'en arrive maintenant à la dernière de nos sections consacrées aux objectifs qui structurent notre exposé. Elle se trouve à la page 5 de notre mémoire. Au paragraphe 20, nous insistons pour que soit rejeté tout ensemble de propositions favorisant un modèle de famille ou de compétences parentales sur la base d'une supériorité morale supposée. Un tel traitement préférentiel serait contraire à la Charte et à la Loi sur les droits de la personne en vigueur au Canada ainsi qu'aux obligations internationales que le Canada a contractées en vertu de deux pactes et de la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.

Je ne vais pas développer ce thème, mais nous exposons dans le paragraphe nos préoccupations au sujet des propositions actuellement envisagées et de la façon dont elles pourraient s'avérer discriminatoires.

En ce qui concerne les propositions qui visent à accroître le crédit d'impôt pour conjoint, nous indiquons au paragraphe 21 que la CCPA-BC s'oppose fermement aux propositions qui relèveraient la valeur du crédit pour conjoint. Nous signalons que le montant moindre du crédit pour conjoint est tout à fait justifié en raison des économies d'échelle que permet la cohabitation. Pour parler simplement, les dépenses fondamentales d'un ménage de deux personnes ne sont pas deux fois plus lourdes que celles d'un ménage formé d'une seule personne, et le fait d'augmenter le crédit pour conjoint constituerait une discrimination contre les ménages composés d'une seule personne et ceux où les deux partenaires travaillent et touchent un salaire.

Nous voulons aussi mentionner que l'augmentation du crédit pour conjoint n'a aucun effet sur la sous-évaluation du travail non rémunéré des femmes qui fournissent des soins, ni sur l'indépendance économique du conjoint à charge. Il ne s'agit que d'une réduction d'impôt pour le conjoint qui touche un revenu, généralement l'homme dans un couple hétérosexuel. La mesure ne fait donc que perpétuer le stéréotype patriarcal des relations familiales où les femmes sont forcées de compter exclusivement sur la capacité de l'homme de subvenir à leurs besoins économiques.

J'aimerais aussi mentionner un point important que nous soulevons au paragraphe 24. En effet, le crédit pour conjoint devrait être offert aussi aux couples de lesbiennes ou de gais. Chaque fois que le terme «conjoint» est utilisé dans la Loi de l'impôt sur le revenu, il faudrait le modifier pour englober les relations homosexuelles et les relations hétérosexuelles. Il s'agit à notre avis d'exigence de la Constitution que le gouvernement fédéral sera bientôt obligé de reconnaître, sinon de son propre gré, du moins à la suite d'une décision judiciaire.

Je vais rapidement traiter du partage du revenu, puis je terminerai mon exposé. Je vois que vous regardez vos montres, mais j'ai le sentiment qu'il s'agit d'une partie très importante de notre exposé. Je vais d'abord reprendre un point antérieur, il ne doit exister aucune discrimination fiscale entre les familles à deux revenus et les familles à un seul revenu, en partie en raison de la production domestique du conjoint qui reste à la maison.

Nous sommes opposés aux modifications de la Loi de l'impôt qui permettraient aux couples à un seul revenu de partager le revenu ou de présenter une déclaration conjointe afin d'alléger leur fardeau fiscal global. Nous avons trois raisons pour nous opposer à cette proposition. Je ne vais pas les expliquer ici en détail, mais je signalerai que tous ces points appuient l'affirmation que le partage du revenu crée des inégalités entre les sexes et des inégalités entre les classes, c'est-à-dire des inégalités verticales, au sein de notre système. Nous serions heureux de préciser ces aspects pendant la période de questions.

Notre dernière section importante porte sur la prestation nationale pour enfants. Pour résumer, nous signalons qu'il s'agit d'une mesure qui suscite des problèmes sur le plan constitutionnel, en particulier compte tenu du fait que neuf des dix provinces récupèrent la prestation pour enfants des familles inscrites à l'aide sociale. Nous pressons le gouvernement fédéral de veiller à ce que les ententes avec les gouvernements provinciaux interdisent cette récupération et à ce que les familles canadiennes soient toutes traitées équitablement, indépendamment de leur source de revenu.

Je veux aussi signaler qu'il s'agit d'une forme particulière de discrimination contre les femmes, puisque les familles auxquelles on refuse le droit à cette prestation par une manipulation des règles de l'aide au revenu sont surtout des familles dirigées par des femmes seules. L'égalité entre les sexes est donc en jeu.

• 1010

Je vais conclure en vous signalant qu'à partir du paragraphe 32, nous présentons une liste qui résume nos recommandations, des recommandations que nous avons toutes mentionnées. Comme le temps presse, je ne vais pas les répéter, mais je vous supplie de les examiner avec soin sous leur forme écrite.

Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Young.

Monsieur Hof, la parole est à vous.

M. John Hof (président, Campaign Life Coalition of British Columbia): Merci beaucoup.

Je vous prie de nous excuser de ne pas avoir de traduction française. Nous n'avons pas eu le temps de faire traduire, et il s'agit en outre de ma toute première comparution devant un sous-comité quelconque. Je vous remercie beaucoup de me donner cette occasion.

Je suis ici aujourd'hui en tant que Canadien inquiet, père et grand-père. C'est à ce dernier titre surtout que je suis venu.

Mon jeune fils, son épouse et leurs deux enfants en bas âge sont victimes de l'iniquité de notre régime fiscal. En tant que jeune apprenti à Calgary, mon fils ne peut gagner assez d'argent pour faire vivre sa jeune famille. L'impôt lui enlève une grande partie de son chèque de paie, et lui et sa famille traversent, à l'heure actuelle, une période très difficile. Sa jeune épouse a été forcée d'accepter un poste à temps partiel simplement pour joindre les deux bouts. Les enfants, qui ont trois ans et demi et deux ans et demi, sont maintenant placés en garderie. La garderie coûte cher en comparaison des revenus, et mon fils et son épouse commencent à se demander s'ils devront toujours vivre de chèque de paie en chèque de paie. Il doit y avoir une meilleure façon de faire.

Plutôt que d'imposer ces deux jeunes à tel point qu'ils sont pauvres et sans recours, et je dois ajouter pratiquement sans espoir, est-ce qu'il ne vaudrait pas mieux leur accorder le privilège de déduire le temps qu'ils consacrent aux soins de leurs enfants parce qu'il s'agit d'une dépense légitime entraînée par les enfants? Andrew, mon fils, pourrait ainsi commencer à mettre un peu d'argent de côté en vue de fréquenter une école de métiers. La famille aurait aussi au moins un parent au foyer en permanence, et cela serait indéniablement préférable.

Comme je l'ai dit, c'est surtout parce que je suis grand-père que je suis ici aujourd'hui. Je me soucie de la façon dont notre régime fiscal traite les familles. J'ai souvent entendu dire qu'un gouvernement ne devrait pas faire pour les familles ce que les familles peuvent faire pour elles-mêmes. Cela s'applique spécifiquement à l'imposition et à l'équité ou à l'iniquité du système fiscal pour les familles à un revenu et les familles à deux revenus. La question a fait l'objet de débats à la Chambre des communes, au printemps. J'ai lu le hansard. Je n'ai pas à vous le souligner, puisque vous avez tous suivi ces débats.

Il faut effectuer des changements dramatiques. Le fait de pénaliser les parents qui restent à la maison, par l'entremise d'un système fiscal inéquitable, mine nos familles et notre patrimoine. Quelqu'un a mentionné le cas des Cleaver. Imposer des contraintes supplémentaires à la famille en vertu d'une discrimination fiscale va à l'encontre de ce que le gouvernement aimerait faire pour aider les familles.

En tant que société, nous devons nous demander si nous pouvons nous permettre de ne pas régler cette question. Tout ce que le gouvernement peut faire pour aider ne serait-ce qu'un parent à rester au foyer devrait, de toute évidence, créer un milieu plus propice à l'épanouissement des enfants. Le gouvernement doit examiner des initiatives comme le partage du revenu, la déduction de l'hypothèque, les cotisations au RPC pour le parent qui reste au foyer, et j'ai entendu nombre d'autres suggestions merveilleuses ici aujourd'hui. Nous devons encourager et appuyer les familles dont un parent se sacrifie dans l'intérêt des enfants et reste à la maison plutôt que d'aller travailler.

Des initiatives comme celles-là peuvent avoir un double avantage: les familles seraient naturellement plus fortes, mais les jeunes auraient aussi, parce qu'il y aurait plus d'emplois, moins de difficulté à se trouver un premier travail.

Nous voulons que les Canadiens progressent, mais pas au prix de la disparition de la famille. C'est un prix que nous ne pouvons pas nous permettre de payer. Les familles doivent être appuyées, reconnues et encouragées. Les enfants sont une bénédiction et non pas un fardeau qui mène à la pauvreté familiale.

• 1015

Pour modifier cette perception, le gouvernement peut d'abord interrompre immédiatement les pénalités imposées aux parents qui restent au foyer. Les gouvernements doivent équilibrer le système fiscal et accorder des règles équitables aux parents qui choisissent de s'occuper eux-mêmes de leurs enfants. Je ne préconise pas que le Trésor fasse la charité. Je veux simplement un régime fiscal équitable, qui n'accorde pas davantage à certains alors qu'il nuit à d'autres.

Je ne suis pas un expert en matière fiscale; je ne peux pas citer toutes sortes d'études et de statistiques. Mais il ne manque pas de gens qui vous fourniront les statistiques pertinentes. En tant que simple citoyen, objectivement, il me semble tout simplement injuste que les familles à un seul revenu ne puissent pas recevoir les mêmes allégements fiscaux parce qu'elles décident qu'un des parents doit rester à la maison pour s'occuper des enfants. Je crois qu'il faut louer, appuyer et bénir les parents qui agissent ainsi, plutôt que de les traiter comme s'ils étaient des citoyens de seconde zone.

Les familles sont le fondement de notre société, et un gouvernement qui ignore leur importance le fait à ses propres risques. Nous pouvons faire mieux, et j'espère que les recommandations du sous-comité iront en ce sens.

Je vous remercie à nouveau de m'avoir donné cette occasion d'exprimer mon point de vue.

Le président: Merci, monsieur Hof.

Nous allons nous allouer 25 minutes. Nous allons un peu dépasser notre horaire et accorder cinq minutes à chaque membre du comité. Je vous demande donc d'être bref, que vous posiez les questions ou que vous y répondiez.

Monsieur Forseth.

M. Paul Forseth: Merci. Je vais d'abord adresser mes commentaires au Centre canadien de politiques alternatives.

À la page 8, au paragraphe 32(v), vous affirmez:

    L'État canadien doit offrir des congés de maternité et parentaux améliorés (plus long et mieux payés), à tous les parents, quels que soient leurs antécédents d'emploi.

J'aimerais que vous soyez un peu plus précis. Je crois comprendre que vous faites allusion à l'assurance-emploi. Est-ce que vous avez songé à examiner la situation à l'étranger pour fixer ce qui vous semblerait un seuil raisonnable? Il faut aussi tenir compte de la capacité de payer, mais je regarde la disposition et je voudrais que vous étoffiez un peu votre position.

Mme Margot Young: Certainement, je serai heureuse de le faire.

En comparaison des niveaux que l'on trouve en Europe, le Canada accorde des congés beaucoup plus courts. De fait, je pense que seule la période autorisée aux États-Unis est plus courte que la nôtre, et il n'y a vraiment pas de quoi être fiers. J'aimerais que l'on envisage quelque chose comme des congés parentaux de 52 semaines ou une disposition combinant le congé de maternité et le congé parental, pour que le Canada se rapproche des normes en vigueur dans d'autres pays du monde industrialisé.

Le problème en ce qui concerne l'assurance-emploi, qui administre les prestations de congé de maternité et de congé parental, c'est que les critères d'admissibilité sont les mêmes que pour l'assurance-emploi. Nous savons, d'après des données récentes de Statistique Canada, que les femmes sont beaucoup plus souvent non admissibles à l'assurance-emploi. Surtout depuis que nous sommes passés d'une formule d'admissibilité basée sur les semaines travaillées à une formule basée sur les heures travaillées, nous constatons une réduction sensible du nombre de femmes qui ont droit à des prestations d'assurance-emploi.

Je ne crois pas qu'il y ait déjà des données au sujet de l'accès des femmes aux prestations de congé de maternité accordées en vertu de la Loi, mais je pense qu'il est raisonnable de supposer qu'il y a aussi une diminution de l'accès des femmes à ces prestations, puisque les critères d'admissibilité sont les mêmes. Il est très inquiétant que si peu de femmes aient droit à des congés de maternité et que si peu d'hommes et de femmes aient droit à des congés parentaux.

À l'heure actuelle dans le système canadien, il y a d'autres éléments du régime d'assurance-emploi qui s'appliquent de façon tout à fait impropre, par exemple la période d'attente de deux semaines et la récupération d'une partie des prestations versées en fonction du revenu, que ces mesures soient valables ou non dans le cadre de l'assurance-emploi. Il s'agit d'une autre question, d'un débat que je ne vais pas lancer ici, mais les mesures sont nettement impropres dans le cas des prestations de congé de maternité et de congé parental.

M. Paul Forseth: Un autre aspect de la question dont on nous a beaucoup parlé ou qu'on a mentionné dans le mémoire est le fait que les mesures ne ciblent pas nécessairement les enfants naturels mais aussi les enfants adoptés, et les groupes qui prônent l'adoption ont demandé un traitement similaire. Est-ce que vous seriez en faveur, en vertu des règles qui seront adoptées, que l'on abolisse toute distinction entre les enfants naturels et les enfants adoptés.

Mme Margot Young: Non, je ne suis pas en faveur d'abolir cette distinction. Je crois que ces deux situations différentes présentent des besoins différents. Je ne suis pas en faveur d'un congé pour adoption, d'un congé parental pour adoption. Les tribunaux canadiens ont décrété que la grossesse et l'accouchement créaient des besoins distincts, qui sont reconnus dans les politiques sur les congés de maternité. Je suis toutefois en faveur de la reconnaissance des besoins des parents adoptifs pour ce qui est du congé parental, c'est certain.

• 1020

M. Paul Forseth: À la même page, à la page 8, au sous-paragraphe (viii), vous affirmez que «Le montant du crédit pour conjoint actuel ne devrait pas être relevé.» Est-ce que vous pouvez nous expliquer un peu cette affirmation?

Mme Margot Young: Je le peux, et de fait nous détaillons nos raisons dans le mémoire.

M. Paul Forseth: Très bien.

Mme Margot Young: Cela se trouve à la page 5, à partir du paragraphe 21. Essentiellement, nous soutenons que la cohabitation entraîne des économies d'échelle. Comme je l'ai dit, il en coûte moins cher de vivre pour un ménage de deux personnes que pour une personne seule. Le fait de bonifier le crédit pour conjoint équivaudrait à établir une discrimination contre les ménages d'une seule personne et les ménages où les deux partenaires effectuent un travail rémunéré.

Par ailleurs, la mesure ne règle pas les préoccupations qui sont à l'origine de l'enquête du sous-comité, c'est-à-dire une indépendance économique accrue et la comptabilisation du travail effectué par les femmes, parce qu'elle ne remet pas d'argent directement entre les mains du fournisseur de soins au foyer. Nous savons que ces fournisseurs de soins sont surtout des femmes.

M. Paul Forseth: Très bien, merci.

Le président: Merci, monsieur Forseth.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Je vous remercie de votre présentation. Vous avez dit que notre mandat était limité. Par contre, vos recommandations ne le sont pas. Vous avez étudié une panoplie de possibilités. Vous affirmez que le principal objectif consiste à assurer l'accès à des soins de qualité pour l'ensemble des enfants.

Vous dites aussi qu'il ne devrait pas y avoir de discrimination face aux choix qui reviennent aux familles et que le gouvernement ne devrait pas intervenir à ce niveau et favoriser un choix plutôt qu'un autre. Est-ce que le gouvernement, par ses politiques fiscales, est automatiquement responsable des choix que feront les familles?

[Traduction]

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Je suis désolée; est-ce qu'on m'a posé une question?

[Français]

M. Serge Cardin: Croyez-vous que ce soit la responsabilité du gouvernement que de répondre au nom des familles à l'ensemble des choix qui s'offrent à elles?

[Traduction]

Mme Marjorie Griffin-Cohen: La question est intéressante. De toute évidence, nous voulons que les citoyens puissent faire des choix qui touchent le déroulement de leur vie, mais la politique gouvernementale, que nous le voulions ou non, façonne les choix des Canadiens.

Nous voulons être certains que le gouvernement ne prend pas de mesures qui limitent nos choix. Cela, à notre avis, se produit depuis une décennie et même depuis plus longtemps, en raison du manque de soutien accordé aux familles et parce que la répartition de l'impôt sur le revenu et d'autres types d'impôts se répercute de telle sorte que les familles à revenu moyen ou faible ont de moins en moins de choix quant à la façon dont leurs enfants seront élevés et au genre de travail qu'elles accompliront.

Nous constatons aussi qu'il se produit énormément de changements sur le marché du travail au Canada, et que de moins en moins de personnes peuvent occuper des emplois à temps plein toute l'année. Il s'agit maintenant d'un groupe inhabituel de personnes, de fait, il s'agit d'une minorité dans notre pays. Il n'est donc pas étonnant de constater qu'une proportion plus faible de citoyens ont droit aux déductions dont vous avez parlées pour le soin des enfants.

Notre objectif est véritablement l'équité, mais nous avons le sentiment que si vous vous en tenez simplement à cet argument qui concerne les familles à deux revenus par opposition aux familles à un seul revenu, quand la femme reste au foyer et s'occupe des enfants—si vous vous en tenez à cela et que vous considérez qu'il s'agit d'une solution hermétique et qu'on ne peut rien changer à la façon dont l'argent est distribué—alors vous n'avez pas compris l'essentiel de la question de l'iniquité entre les familles du Canada.

Mme Margot Young: Pourrais-je ajouter quelque chose à cela?

Évidemment, nous n'affirmons pas que la politique financière n'offre aucun encouragement. Nous affirmons simplement qu'il ne faudrait pas fournir ces encouragements de façon discriminatoire, qu'il faudrait les offrir en fonction de buts liés à l'égalité des femmes et aux valeurs qui appuient cet objectif public.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: J'aimerais ajouter encore une chose à ce sujet.

• 1025

Nous croyons que la déduction pour les soins octroyés aux enfants ne donne pas de choix aux femmes. Elle permet aux femmes qui veulent travailler de traiter cette dépense comme une dépense liée à l'emploi, c'est-à-dire à un travail rémunéré, ce qui est fort différent de deux autres types de questions. Cela ne donne pas à ces familles de somme discrétionnaire distincte et différente de ce qui est accordé aux autres familles. Il s'agit d'une mesure spécifiquement liée à leur travail. Alors cela leur donne la possibilité de choisir de travailler.

[Français]

M. Serge Cardin: Afin d'établir le montant des crédits d'impôt auxquels vous faites allusion, devrait-on, à des fins d'équité, calculer les coûts moyens qu'une famille doit assumer pour élever ses enfants convenablement et leur donner des soins adéquats? Bien qu'on sache que ces coûts varient d'une région à l'autre, on pourrait peut-être en arriver à une somme moyenne qui servirait à ajuster de façon plus équitable les crédits d'impôt auxquels les familles ont droit.

Vous affirmez que les exemptions de base d'un conjoint ne devraient pas être aussi élevées parce que lorsque deux personnes vivent sous le même toit, leurs dépenses sont moindres. Vous croyez que nous devrions identifier les coûts réels moyens afin d'établir déterminer les déductions et crédits d'impôts et que nous devrions tenir compte de toutes les dépenses liées aux enfants, y compris les frais de garde. Si les dépenses moyennes d'une famille sont plus élevées que ses revenus réels, cette famille devrait pouvoir bénéficier d'une aide supplémentaire afin qu'elle soit en mesure de faire ses propres choix.

[Traduction]

Mme Marjorie Griffin-Cohen: J'aimerais bien préciser que nous ne considérons pas que les familles sont toutes égales, alors nous demandons deux choses. Nous croyons qu'il devrait y avoir un crédit d'impôt pour enfants qui va... Vous aviez un très bon système. Vous aviez les allocations familiales qui étaient versées à toutes les mères. C'était excellent. Et puis on a éliminé la mesure. Il s'agit d'un modèle qui aide les personnes et les familles à élever les enfants. En outre, il y a divers types de besoins spéciaux, des personnes qui travaillent et qui ont des enfants. Par conséquent, nous croyons qu'il nous faut une déduction pour reconnaître les coûts découlant de cette situation.

Nous demandons donc deux choses. Essentiellement, nous croyons que toutes les familles devraient recevoir le même type de soutien pour élever les enfants, et que cela peut être financé grâce à l'impôt aux niveaux de revenus les plus élevés.

Le président: Merci beaucoup.

Madame Dockrill, je vous en prie.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Merci beaucoup de votre exposé. Je dois dire que je l'ai trouvé fort intéressant.

Une des questions que j'ai posées à notre dernier témoin portait sur la connaissance que certains témoins ont de la portée du mandat du sous-comité. J'aimerais savoir si vous jugez important que les travaux du sous-comité puissent mener à l'élaboration d'une stratégie nationale en matière de garde d'enfants, car votre exposé couvre tout un éventail de questions.

Mme Margot Young: Oui. Je pense que notre exposé insistait clairement sur le fait qu'une stratégie nationale pour les enfants devrait être adoptée, et c'est l'une des déceptions que nous a causées le gouvernement actuel, le fait qu'il n'ait pas agi en ce sens malgré les promesses qu'il nous avait faites. Je pense que les questions sont très nettement liées.

Mme Michelle Dockrill: Vous avez mentionné le travail non rémunéré dans votre exposé. Je me demande simplement si vous croyez qu'il n'est pas très important de trouver une façon d'attacher une valeur économique quelconque au travail non rémunéré. Je sais que récemment, en Nouvelle-Écosse, certaines études ont été réalisées au sujet de la valeur économique du travail non rémunéré. Il me paraît fort intéressant que les chiffres compilés en Nouvelle-Écosse indiquent que s'il fallait remplacer le travail rémunéré il en coûterait 8,5 milliards de dollars.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Certaines études très intéressantes ont été réalisées ces dernières années. La dernière en date au Canada, à ma connaissance, a été menée par Statistique Canada. Le ministère a calculé cela de toutes sortes de façons, mais il croit que le coût de remplacement du travail des femmes, en moyenne, s'établirait entre 25 et 30 000 $, selon que vous êtes un spécialiste ou un généraliste. Je ne suis pas certaine de la façon dont on arrive à ces chiffres. Il s'agit d'une moyenne par famille. C'est la valeur que l'on attribue au travail des femmes.

• 1030

Cela a été fait. On s'est suffisamment penché sur le type de travail exécuté par les femmes au foyer et sur la quantité de temps et la proportion du temps total qui sont consacrées aux soins des enfants. Il s'agit d'une somme considérable. Là encore, ce ne sont que des moyennes. Toutes les familles ne sont pas égales et, de toute évidence, nous devons examiner la question sous divers angles.

Mme Michelle Dockrill: Est-ce que vous croyez qu'il doit y avoir un mécanisme qui nous permette de reconnaître cela, cette valeur économique?

Mme Margot Young: En effet. J'allais poursuivre et dire que de fait, Statistique Canada est l'un des chefs de file dans le monde pour ce qui est de tenter d'attribuer une valeur au travail non rémunéré des femmes. Mais le véritable défi repose maintenant dans l'élaboration d'une politique publique qui reflète cet aspect. C'est une question difficile, une question vraiment très difficile, mais je crois que cela s'inscrit dans le mandat du sous-comité—le type de mesure gouvernementale qui devrait être mise en oeuvre pour reconnaître cet état de chose.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Pour l'instant, l'essentiel serait de reconnaître que le fait d'avoir des enfants coûte de l'argent et d'inverser la notion que... De rétablir quelque chose comme les allocations familiales, cela serait très important.

Mme Margot Young: Nous croyons que les deux mesures que nous avons définies dans notre mémoire—le rétablissement des allocations familiales et un net relèvement de la prestation fiscale pour enfants—sont des mesures qui corrigent déjà un peu cette grave inégalité.

Mme Michelle Dockrill: Je n'aurais qu'une question à poser à monsieur Hof.

Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Vous avez parlé du temps que les parents consacrent aux soins de leurs enfants comme d'une dépense légitime. Je me demande simplement si vous avez des idées au sujet de la façon dont nous pourrions faire une distinction, je pense à ce que Marjorie disait, ce qui peut être considéré comme une dépense d'emploi relativement aux soins des enfants.

M. John Hof: Premièrement, j'ai bien expliqué que je n'étais pas un spécialiste. Comme j'ai vécu au sein d'une famille à un seul revenu pendant 27 ans, je crois que si j'avais choisi de rester à la maison ou si ma femme a choisi de rester à la maison, le temps qu'elle consacrait au foyer était utile—il avait une valeur. Au fil des ans, lorsque nous étions—et nous le sommes encore—une famille à un seul revenu, nous avons été incapables... Nous avions les allocations familiales. Je pouvais déduire ma femme en tant que principale personne à charge. Mais il n'y avait pas de valeur accordée au travail qu'elle accomplissait. Sa seule existence nous donnait droit à tout cela. Si elle avait été mauvaise mère, mauvaise épouse, j'aurais encore eu droit à ces déductions. Il n'y avait pas de valeur accordée à son travail. Nos voisins travaillaient tous deux, et ils étaient en mesure de déduire le salaire de la gouvernante qu'ils employaient, le coût de la voiture de la gouvernante et la moitié de leur hypothèque, parce que l'épouse avait son bureau au domicile familial. Toutes ces choses étaient autorisées, et on reconnaissait la valeur du travail de la femme et de l'homme.

Nous avons l'impression d'avoir été pénalisés à cet égard. Nous avons fait un sacrifice librement consenti. Mais pourquoi le gouvernement pourrait-il imposer des pénalités aux parents qui font ces choix qui, à long terme, sont très favorables au gouvernement, le fait d'élever eux-mêmes leurs familles plutôt que de demander à l'État—je suis bien sûr opposé à un système national de garderies—de faire à leur place ce qu'ils peuvent et devraient faire pour eux-mêmes.

Le président: Merci. Le temps commence vraiment à nous manquer.

Allez-y, monsieur Herron.

M. John Herron: Je crois qu'on nous a présenté des exposés extrêmement intéressants. Ce que j'aimerais faire, c'est de vous accorder à tous le temps de développer un peu certains des points que je sais que vous vous êtes efforcés de nous expliquer à toute vitesse. J'ai simplement senti leur présence. Premièrement, j'aimerais voir si vous pourriez consacrer un peu plus de temps aux sections 11 et 12, à la page 2, votre solution préférée, la prestation fiscale pour enfants.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Il y a deux angles à cette question. Nous sommes convaincus qu'il est nécessaire d'avoir un système de garderies national, un système quelconque, qui nous est promis depuis bien longtemps déjà. Je me souviens des élections de 1985, et les trois partis étaient alors d'accord et promettaient que s'ils étaient élus ils y veilleraient. À cette époque, l'augmentation du crédit d'impôt pour enfants est venue se substituer à la mesure visant le système de garderies national. C'est une véritable honte, parce qu'il est très important d'avoir un tel système.

• 1035

Il nous faut des services de garderie publics et universels et des services d'éducation préscolaire. C'est essentiellement ce que nous réclamons. Même si nous l'obtenons, nous croyons que nous devrions maintenir... Nous ne voudrions pas que la déduction pour les frais de garde d'enfants soit réduite ou éliminée—pour toutes les femmes—parce qu'il y aura encore des femmes qui ont besoin de cette déduction. Il s'agit essentiellement de femmes qui n'auraient pas, en raison du milieu où elles vivent, accès à des programmes de garde d'enfants.

M. John Herron: Je crois que c'est la raison pour laquelle je l'ai mentionné. Vous êtes l'un des premiers groupes à vraiment mettre l'accent sur la nécessité de reconnaître que le Canada n'est pas entièrement urbain.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: En effet.

Mme Margot Young: Si quelqu'un travaille de nuit, par exemple, il n'y a pas accès non plus aux garderies.

M. John Herron: Je crois que l'essentiel—et je vais laisser monsieur Hof nous en dire un mot, puis je vous laisserai y revenir—c'est l'une des questions que vous abordez dans votre mémoire, le fait qu'une façon de prendre soin des enfants ne devrait pas être considérée comme moralement supérieure ou préférable à d'autres. Pour certains, peut-être même pour moi, il s'agit essentiellement d'une question de choix. Les parents devraient être en mesure de décider de quelle façon ils vont assumer le soin de leurs enfants.

Selon vous, le gouvernement intervient plus dans le cas des familles à double revenu que dans celui des familles à un seul revenu. Est-ce que vous voulez prendre position à ce sujet?

M. John Hof: Oui.

Margot a aussi mentionné que le fournisseur—j'allais utiliser le mot «normal», mais ce n'est pas le mot qui convient ici—disons le «principal» fournisseur de soins de la famille est la mère. Bien des pères assurent des soins aux enfants, mais le principal fournisseur de soins est la mère. Il en découle donc que les familles sont surtout—et je ne veux pas pencher en faveur de l'une ou l'autre formule, comme vous pourriez le laisser entendre—ou la majorité, une bonne partie d'entre elles, quels que soient les mots choisis, ont un père qui va travailler et une mère qui reste à la maison. C'est simplement la tendance dominante. Il ne s'agit pas de décréter qu'une formule est préférable à l'autre, comme vous l'avez indiqué.

M. John Herron: En ce qui concerne la disposition sur le partage du revenu, au point 26, vous affirmez que le partage du revenu ne fait qu'accorder un allégement fiscal au principal soutien de famille, généralement le partenaire masculin dans un couple hétérosexuel. Cela signifie qu'au bout du compte la mesure pourrait peut-être empêcher... On dit:

    La présentation d'une déclaration de revenus conjointe ou le partage du revenu assujettit à un taux d'imposition très élevé la mère qui décide d'entrer sur le marché du travail. Ses premiers dollars seront imposés au même taux que le revenu du principal soutien de famille.

Je crois que c'est une préoccupation tout à fait valable. Mais si le régime fiscal était assez souple pour reconnaître ce retour au sein de la population active?

Le président: Cette méthode vous permet de réduire votre niveau de revenu et de partager entièrement le revenu. À votre avis, cela n'est pas nécessairement idéal.

M. John Herron: Je lis un extrait du mémoire.

Le président: Mais le partage du revenu signifie que deux personnes partagent le même revenu.

M. John Herron: En effet.

Le président: Alors le niveau d'imposition global de la famille est inférieur.

M. John Herron: C'est exact.

Le président: Je voulais simplement préciser ce point.

Mme Margot Young: Je ne suis pas tout à fait sûre de la question que l'on discute, mais il y a deux ou trois points que j'aimerais aborder. Si je ne réponds pas à vos questions, dites-le-moi.

Premièrement, j'aimerais revenir à une affirmation précédente qui a été faite au sujet de la majorité des familles ayant la forme traditionnelle du père qui travaille et de la mère qui reste au foyer. Cela n'est tout simplement plus valable. Dans plus des deux tiers des familles canadiennes, les deux parents travaillent à l'extérieur, et cela vaut même pour les familles où les enfants ont moins de trois ans. De fait, les deux tiers de ces deux tiers de femmes qui travaillent à l'extérieur occupent un emploi à temps plein. Alors si nous prenons la majorité des familles canadiennes, nous constatons que ce sont des ménages à deux revenus.

Je crois qu'il ne faut surtout pas généraliser au sujet des caractéristiques de la famille canadienne type; il faut simplement reconnaître dans notre politique fiscale le principe du libre choix en matière de type de famille. Je pense que cela est vraiment très important.

Le président: Hâtons-nous, s'il vous plaît.

• 1040

Mme Margot Young: D'accord. Deuxièmement, je veux parler du partage de revenu. Je ne comprends pas très bien de quelle façon on peut régler ce problème que nous avons cerné, le problème de l'inégalité pour le conjoint qui a le moins de revenus et qui arrive sur le marché du travail. Elle—et je dis elle, parce qu'en général, c'est la femme—touche un revenu qui serait imposé à un taux marginal plus élevé en raison de l'effet de sa moitié sur le revenu de son partenaire. Je pense que si vous adoptez une mesure quelconque pour modifier le taux d'imposition de sa première paye, on ne peut plus vraiment parler de partage du revenu. De fait, si vous prenez des mesures pour éviter cette forte imposition, vous pourriez améliorer le traitement fiscal préférentiel déjà accordé à ces familles et, par conséquent, accentuer encore l'inégalité en faveur des familles à deux revenus.

Je ne suis pas certaine que notre régime fiscal puisse à la fois corriger cette injustice et maintenir le partage du revenu. Cela ne règle pas non plus divers autres problèmes qui nous semblent liés au partage du revenu.

Le président: Selon les fonctionnaires des finances qui ont comparu devant le comité, si vous permettez le partage du revenu, vous réglez entièrement les inégalités du système fiscal entre les ménages à deux revenus et les ménages à un seul revenu, parce que l'impôt est alors calculé en fonction du salaire total. Ils affirment que vous élimineriez ainsi les inégalités qui existent ou que l'on croit exister à l'heure actuelle.

Mme Margot Young: Je ne suis pas d'accord avec ces fonctionnaires des finances pour les raisons présentées dans notre mémoire.

Le président: Monsieur Szabo, je vous prie d'être bref.

M. Paul Szabo: Que pensez-vous du caractère régressif de la déduction pour frais de garde d'enfants? Quelle est votre position?

Mme Margot Young: Votre question fait ressortir qu'il s'agit d'une déduction et non pas d'un crédit d'impôt, et en tant que déduction la mesure s'adresse aux familles à revenu élevé.

M. Paul Szabo: C'est simplement qu'il y a la valeur...

M. Margot Young: Je crois que cela fait problème. C'est un problème qui est lié à toutes les déductions dans notre régime fiscal, et je pense qu'il est important d'en parler. Mais je ne crois pas que l'on puisse régler le problème en éliminant la déduction pour frais de garde d'enfants. La déduction pour la garde d'enfants constitue une reconnaissance importante des dépenses liées à l'emploi. Elle n'augmente pas le revenu disponible de la famille. Les propositions qui visent à l'éliminer ou à l'offrir dans les cas où le service est fourni au foyer comme pour les dépenses découlant de l'arrivée sur le marché du travail sont, à mon avis, inéquitables.

Je suis d'accord avec vous, il s'agit d'un problème distinct. Je ne crois tout simplement pas que la solution consiste à réduire ou à éliminer cette déduction.

M. Paul Szabo: Je ne propose rien. Si quelqu'un dépense cinq mille dollars au titre de la garde d'enfants, une famille pourrait avoir droit à un chèque de remboursement de 2 500 $ et une autre famille, à seulement 1 250 $. Il semble qu'en toute équité les familles devraient avoir droit aux mêmes prestations fiscales pour le même montant consacré à la garde des enfants. N'êtes-vous pas d'accord?

Mme Margot Young: Je suis d'accord, il existe un problème sur le plan de l'équité, et je pense que...

M. Paul Szabo: Mais si nous pouvons...

Mme Margot Young: Donnez-moi un instant. Je pense que l'une des propositions qui devrait peut-être être envisagée—et je suppose que puisque vous reconnaissez qu'il y a un problème, vous l'avez aussi envisagée—consiste à accorder un crédit pour les frais de garde d'enfants.

Évidemment, cette solution entraîne certains problèmes. Il faudra veiller à ce que le crédit soit accordé au plus fort taux d'imposition marginal, sinon sa valeur serait réduite pour nombre de femmes. Il ne serait pas accordé aux taux d'imposition les plus faibles, parce que cela entraînerait sa réduction. En outre, on ne perçoit plus les crédits de la même façon en comparaison des déductions, les crédits sont plus exposés aux mesures de récupération et nous ne voudrions pas que cela se produise.

M. Paul Szabo: Je veux simplement commenter un point qui se trouve à la toute dernière page de votre mémoire. Je suis tout à fait d'accord avec vous au sujet des choix et des besoins des femmes qui veulent rester au foyer pour élever les enfants ou qui veulent intégrer la population active. Je suppose que vous admettez que l'homme ou la femme peut décider de rester à la maison ou d'aller travailler. Le choix reste valable.

Mme Margot Young: Tout à fait, mais je pense en outre qu'il est important de reconnaître la réalité sociologique, le fait qu'à l'heure actuelle se sont surtout les femmes qui restent au foyer.

M. Paul Szabo: J'admets que le choix parental est un principe vraiment très important, un principe que nous devons appuyer.

Mme Margot Young: Oui, et nous exposons un autre principe important dans notre mémoire du fait que nous ne voulons pas consacrer la division du travail entre les sexes. Cela nous semble un problème.

M. Paul Szabo: Finalement, je veux vous demander si vous pensez que les couples homosexuels n'ayant aucune responsabilité à l'égard d'enfants devraient avoir droit à un montant pour le conjoint, un crédit d'impôt non remboursable, lorsque l'un d'eux reste à la maison et n'a aucun revenu?

Mme Margot Young: Oui. Si nous devons comptabiliser le travail domestique non rémunéré...

M. Paul Szabo: Il n'y a pas d'enfant dans ces cas.

Mme Margot Young: Non, c'est simplement une sorte de travail à domicile que les gens accomplissent. Si nous voulons reconnaître ce secteur de travail non rémunéré de notre économie, je ne vois pas pourquoi il faudrait tenir compte du sexe de la personne qui l'exécute ou de son orientation sexuelle.

• 1045

M. Paul Szabo: Alors vous voulez que les couples homosexuels et hétérosexuels soient traités de la même façon, qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, le partenaire de même sexe qui a, par exemple, un enfant d'un mariage antérieur, n'ait pas droit de payer son partenaire pour les soins dispensés à l'enfant. En vertu des lois actuelles, un partenaire de même sexe qui a un enfant peut déduire les montants versés à son conjoint au titre de la garde d'enfants, parce que ces personnes ne sont pas mariées.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Vous entamez un débat qui...

M. Paul Szabo: Vous voulez régler...

Mme Marjorie Griffin-Cohen: ...est fort complexe. Si vous voulez régler tout cela... Vous soulevez un point. Si vous aviez d'autres façons de dédommager ces personnes... Il faut regarder l'ensemble du problème, pas seulement certains aspects. Je pense que c'est là-dessus que nous insistons quand nous voulons traiter l'ensemble du problème. Certaines choses deviennent absurdes si vous...

M. Paul Szabo: Mais puisque le mari ne peut pas payer sa femme pour la garde d'enfants et déduire ses paiements en vertu de notre régime fiscal, comme vous le savez, pour être juste il ne faudrait pas non plus autoriser quelqu'un à payer son conjoint de même sexe pour la garde d'enfants.

Mme Margot Young: Je pense qu'il s'agit là de questions vraiment très complexes liées à la reconnaissance des couples homosexuels, et je ne crois pas que cela relève du mandat du comité ni qu'il s'agisse d'une question que nous sommes prêts à discuter en profondeur.

M. Paul Szabo: Vous l'avez soulevée vous-même.

Mme Margot Young: Très bien, mais je crois qu'il est injuste de s'attarder à certains détails pour essayer de nous prendre en défaut. Ce que nous disons, c'est que nous appuyons le principe de l'égalité en ce qui concerne la reconnaissance de toutes les formes de famille.

Le président: Merci beaucoup.

J'aurais une petite question à glisser, puisque le sujet a été abordé deux fois déjà, sur le concept d'un programme de garderies national. Est-ce que vous dites qu'il faudrait s'inspirer du modèle québécois, où on vient d'instaurer un service de garderies universel à cinq dollars par jour, par exemple? Est-ce que vous recommandez de financer entièrement ce système suivant le principe de l'utilisateur payeur, ou faudrait-il que le gouvernement le subventionne?

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Comme nous le savons tous, les problèmes au Québec viennent des salaires très bas accordés aux travailleurs de garderie, et il faut veiller à ne pas structurer un système où les salaires seront faibles. Les travailleurs de garderie ont fait la grève. Le problème était très grave au Québec parce que ces travailleurs étaient terriblement mal rémunérés. Mais il importe qu'il y ait...

Le président: Je ne sais pas de quoi vous voulez parler.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Les travailleurs de garderie ont fait la grève au Québec parce qu'ils étaient très mal payés, tout récemment.

Le président: Je parle du programme lui-même, et de payer cinq dollars par jour. Je ne parle pas des travailleurs qui dispensent les services.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Ce que je dis, c'est qu'il faut financer le système adéquatement, pour que les personnes qui y travaillent soient bien rémunérées. Je ne connais pas assez bien le programme québécois pour dire s'il faudrait s'en inspirer, mais le modèle qu'ont réclamé à maintes reprises les femmes de notre pays est un modèle d'accès universel à très faible coût. Que peut-on dire de plus à ce sujet? La question se résume à cela.

Le président: Le modèle québécois est à cinq dollars par jour. Ma question porte sur le financement, est-ce qu'il faudrait un système financé par l'utilisateur?

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Je crois que les utilisateurs peuvent en financer une modeste proportion, mais il est essentiel d'avoir un appui public, comme pour les écoles.

Le président: Est-ce que cela est juste, dans ce cas, car vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que les frais de garderie constituent une dépense liée à l'emploi, et c'est la raison pour laquelle il est opportun de pouvoir les déduire.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: C'est exact.

Le président: Pourquoi un parent qui reste au foyer devrait-il subventionner, par ses impôts, quelqu'un qui profite de subsides fiscaux indirects grâce aux garderies? Est-ce que cela est équitable? Les parents qui restent au foyer ont des frais eux aussi, mais ils ne sont jamais remboursés.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Nous avons toutes sortes de moyens dans...

Le président: C'est comme notre...

Mme Marjorie Griffin-Cohen: ...le régime fiscal... C'est exactement comme pour les personnes qui paient des taxes scolaires et qui n'ont pas d'enfant à l'école. C'est la façon dont tout notre système fiscal est conçu. Nous avons aussi des soins de santé. Bien des gens utilisent plus que leur juste part de services qui sont essentiels pour chacun de nous.

Ce qui compte, c'est qu'un système pour la petite enfance, un système de garderie, profite aux enfants et aux familles. Dans la plupart des familles, les parents travaillent. Certaines personnes ont la nostalgie du passé et aimeraient bien que les choses soient comme autrefois, mais les choses sont comme elles sont maintenant, et les parents ont besoin de soutien. Les frais de garderie sont extrêmement élevés. C'est là toute la question.

Le même raisonnement s'applique à d'autres impôts qui permettent de créer des services publics que tous les citoyens n'utilisent pas également. Il n'y a rien que nous puissions utiliser également, alors c'est une question de principe.

Le président: Merci beaucoup. Je tiens à vous remercier de la très grande contribution que vous avez apportée à un problème fort complexe, comme vous avez pu le constater. D'ici la fin des audiences du comité, nous y verrons peut-être un peu plus clair. Merci beaucoup.

Mme Marjorie Griffin-Cohen: Merci de nous avoir écoutés.

• 1050

Le président: J'aimerais demander au prochain groupe de témoins de s'avancer immédiatement, s'il vous plaît.

Nos prochains invités, représentant l'Association pour la promotion des services de garde à l'enfance, sont Rita Chudnovski et Lynell Anderson. Pour le Social Planning and Research Council of British Columbia, nous accueillons la directrice exécutive, Mme Nancy Henderson, ainsi que le directeur de la recherche, M. Michael Goldberg Jane Pulkingham, elle, est présidente sortante du Income security and labour market.

Nous sommes en retard sur l'horaire. Tous ceux qui ont pris la parole auparavant ont utilisé plus que le temps alloué, et nous avons maintenant 20 minutes de retard. Je vous prie donc de présenter rapidement vos exposés. Vous avez de cinq à sept minutes chacun, pour que nous ayons le temps de poser des questions.

Nous allons commencer par l'Association pour la promotion des services de garde à l'enfance. Soyez les bienvenus.

Mme Rita Chudnovski (membre, Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance): L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance est heureuse de présenter ses vues au sous-comité aujourd'hui. Je m'appelle Rita Chudnovski et je représente la Colombie-Britannique au conseil d'administration de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance. Je suis heureuse de vous présenter ma collègue, Lynell Anderson, qui est membre de l'Association. Lynell m'appuiera au moment de répondre aux questions, mais je vais faire moi-même notre exposé.

Permettez-moi de commencer en exprimant les préoccupations de l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance au sujet de la façon dont se déroule le débat public sur la question de l'équité fiscale pour les familles ayant des enfants à charge. Les médias et les discussions publiques, jusqu'à maintenant, laissent croire que la principale question, le problème, auquel nous sommes confrontés en ce qui concerne l'équité entre les familles découle, en quelque sorte, d'un conflit entre les intérêts et les besoins des familles dont un parent—essentiellement la mère—reste au foyer, et les familles dont la mère fait partie de la population active. Cette caractérisation des familles canadiennes opposées les unes aux autres crée une fausse dichotomie, elle est source de division et elle a peut-être été adéquate par le passé mais elle ne reflète certainement plus la réalité actuelle de la plupart des familles.

Le fait est que la très grande majorité des familles à faible revenu et à revenu moyen ou modéré au Canada, si elles ont des enfants à charge—et ne nous leurrons pas, il s'agit de la majorité—, ont toutes de la difficulté à gagner suffisamment pour élever correctement leurs enfants. Elles ont toutes de la difficulté à équilibrer leurs obligations de parents, leurs études et leur vie professionnelle.

Les familles, quel que soit l'adulte membre de la population active, ont plus en commun qu'elles n'ont de caractéristiques distinctives. Tous leurs enfants ont besoin d'expériences et de services de qualité en bas âge, quelle que soit la formation, la profession ou la situation économique de leurs parents. Tous les parents, qu'ils soient au foyer à temps plein ou qu'ils travaillent à l'extérieur, accomplissent d'innombrables heures de travail non rémunéré pour prendre soin de leurs enfants, et ce travail doit être reconnu. Toutes les familles ont besoin de politiques sociales, financières et fiscales complémentaires et cohérentes, en premier lieu pour élargir et appuyer des choix parentaux véritables quant à l'équilibre qu'il convient d'établir entre les soins à prodiguer à domicile et la participation à l'activité économique.

Elles ont toutes besoin de politiques cohérentes qui favorisent l'équité économique et sociale pour les femmes. Et par-dessus tout, toutes les familles ont besoin de politiques cohérentes qui reconnaissent la responsabilité sociale partagée en ce qui concerne la croissance et l'épanouissement de tous les enfants du Canada. Pour l'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance, les discussions sur l'équité du régime fiscal ne peuvent que s'inscrire dans ce contexte plus large.

• 1055

Comme nous l'avons constaté pendant votre discussion précédente, à laquelle nous avons eu la chance d'assister, si les détails des politiques fiscales semblent complexes notre message d'aujourd'hui est fort simple: pour que les familles canadiennes qui ont des enfants à charge soient véritablement soutenues et aient vraiment des choix, il faut élaborer un système complet de services éducatifs et de garde à la petite enfance. Notre organisation a déjà décrit le type de système que nous souhaitons, à de nombreuses occasions, mais je veux faire valoir quelques caractéristiques importantes de ce système qui me paraissent particulièrement pertinentes dans le contexte de notre discussion aujourd'hui.

Premièrement, le système que nous envisageons comprendrait une vaste gamme de programmes conçus en fonction des besoins de tous les enfants. Il y aurait entre autres des services de garderie à temps plein et à temps partiel, en groupe ou en milieu familial ainsi qu'au foyer même de l'enfant. Ces programmes comprendraient des programmes de ressources familiales, des haltes-garderies, des programmes de formation au rôle de parents et, si je peux l'ajouter, des programmes spécifiquement conçus en fonction des besoins des collectivités rurales et des collectivités présentant une grande diversité sur les plans linguistique et culturel.

La gamme des programmes que nous envisageons répondrait, de fait, à la diversité des besoins dans tout le Canada et dans toutes les familles. Ces programmes seraient accessibles à tous les enfants, indépendamment de la situation d'emploi ou du niveau d'instruction de leurs parents, ce qui, si je peux me permettre de le mentionner, est le cas actuellement dans le système du Québec. Les services seraient financés en vertu d'ententes de partage des coûts entre le gouvernement fédéral, les provinces et territoires et les parents, et le reste de la société ferait une contribution répartie dans l'ensemble du système fiscal, année après année, comme c'est le cas pour nombre de nos autres programmes, y compris les programmes destinés aux personnes âgées, les programmes de santé et les programmes d'éducation.

Le gouvernement fédéral doit s'engager fermement à élaborer une stratégie nationale afin de créer un système intégré de garde et de services éducatifs à l'intention de la petite enfance—un pivot de sa politique familiale—si nous voulons vraiment commencer à répondre équitablement aux besoins des familles. Celles-ci pourront alors vraiment choisir de recourir à des services de qualité pour leurs enfants lorsque les parents travaillent ou étudient, ou d'utiliser les mêmes services si les parents décident de rester au foyer et en ont les moyens. Ce n'est qu'alors que les femmes seront en mesure de travailler ou de fréquenter un établissement d'enseignement tout en étant certaines que leurs enfants sont bien encadrés et sans être pénalisées pour cette raison. Comme le rapport récent du Conseil national du Bien-être le précise, «de nombreux programmes sociaux appuient les familles, mais la garde d'enfants en est toujours le fondement.»

L'Association canadienne de promotion des services de garde à l'enfance demande donc au gouvernement fédéral de s'engager à créer un fonds pluriannuel pour les services à la petite enfance et à le doter, à compter du prochain budget fédéral que nous espérons accueillir comme le budget des enfants, d'un montant de deux milliards de dollars pour commencer à mettre sur pied des systèmes provinciaux et territoriaux.

Deuxièmement, dans son message relativement simple, notre organisation reconnaît qu'un programme national de garde et de services éducatifs à l'intention de la petite enfance doit être complété par de vigoureuses politiques familiales et en matière de travail, pour améliorer sensiblement notre système actuel, improvisé et inadéquat, de prestations de congés de maternité, parentaux et familiaux. Nous aimerions certainement aussi que la question soit abordée dans le prochain budget fédéral.

Il n'est possible d'examiner les mesures fiscales visant l'équité que dans un contexte plus large. Même si notre organisation ne s'y intéresse pas au premier chef, nous aimerions faire mention du rapport qui s'établit entre les politiques fiscales actuelles et la vision de l'équité familiale et des services de garde et d'éducation que nous préconisons pour la petite enfance.

Premièrement, les mesures fiscales actuelles touchant la garde d'enfants, en particulier la déduction pour frais de garde d'enfants et la prestation fiscale pour enfants, sont essentielles à de nombreuses familles mais ne sauraient remplacer un programme et une politique en matière de services à l'enfance. La déduction pour frais de garde d'enfants, qui est la mesure fiscale la plus directement liée aux services de garde, ne peut être considérée comme un programme d'appui aux enfants. Comme d'autres l'ont affirmé, il s'agit d'une dépense liée à l'emploi. En l'absence d'un système public de développement de la petite enfance, la mesure reconnaît que les parents qui travaillent assument des coûts privés supplémentaires. Comme la mesure est fondée sur des dépenses réelles, attestées par des reçus, en matière de garde d'enfant, elle n'accroît pas le revenu disponible des familles qui s'en prévalent.

Je ne suis pas fiscaliste, mais il y a dans le débat actuel une question que je n'arrive vraiment pas à comprendre. Vous ne pouvez demander la déduction pour frais de garde d'enfants que si vous avez effectivement dépensé l'argent. Dans ce cas, vous ne pouvez demander la déduction que si vous avez dépensé cet argent dans le secteur officiel, réglementé, trop cher pour nombre de familles, et dont la capacité est insuffisante. Il y a donc toutes sortes de frais de garde d'enfants pour lesquels la déduction ne peut être demandée, les services ayant été fournis en dehors du système officiel.

• 1100

Il ne s'agit pas d'une prestation aux familles au sens où il n'y a pas d'augmentation du revenu des familles. Les familles doivent dépenser de l'argent pour pouvoir toucher un revenu qui est ensuite imposé. D'une certaine façon, dans le cadre du débat, on a suggéré qu'il s'agissait d'un traitement spécial accordé aux familles qui ont des enfants, mais le coût réel assumé par les familles—et bon nombre de familles en Colombie-Britannique paient plus de sept mille dollars par année pour la garde d'enfants d'âge préscolaire—ne semble pas entrer dans les calculs.

Notre organisation n'a jamais considéré la déduction des frais de garde d'enfant comme une politique acceptable en matière de garde d'enfant ni comme une mesure de rechange acceptable à un engagement gouvernemental en vue d'instaurer un programme national de garderies. Toutefois, tant et aussi longtemps que nous n'aurons pas un régime de services abordables, de qualité et accessibles pour le développement de la petite enfance, la déduction pour frais de garde d'enfants demeurera une nécessité pour les parents qui travaillent et qui ont des enfants à charge.

Pour conclure, nous estimons que l'équité fiscale pour les familles canadiennes ayant des enfants à charge doit être envisagée dans le contexte plus large de l'équité, du soutien et des choix valables offerts à toutes les familles canadiennes et à leurs enfants. Nous croyons qu'un système de garde d'enfants financé par le Trésor, et appuyé par des régimes de congés parentaux et familiaux et des politiques fiscales améliorées reconnaissant la responsabilité commune que nous avons à l'égard de tous les enfants, favorisera la croissance et l'épanouissement des enfants en bas âge. Un tel système renforcera la capacité des parents d'élever leurs enfants en fonction de leurs besoins et de leurs capacités et il nous permettra effectivement d'assurer à toutes les familles canadiennes un traitement équitable. Un pays comme le Canada, qui prétend accorder une grande valeur aux enfants, peut indubitablement parvenir à ce résultat.

Nous vous remercions de nous avoir invités à exprimer nos opinions et nous répondrons avec plaisir à vos questions.

Le président: Merci beaucoup.

Je demande maintenant aux membres du Social Planning and Research Council de nous présenter leurs exposés.

Mme Nancy Henderson (directrice exécutive, Social Planning and Research Council of British Columbia): Merci.

Le Social Planning and Research Council est un organisme provincial sans but lucratif. Il s'efforce depuis 32 ans de promouvoir la participation des citoyens au bien-être économique, social et environnemental de nos collectivités. Nous appuyons les principes de justice sociale, d'égalité et de dignité pour tous les membres de notre société multiculturelle. Les membres de nos conseils d'administration régionaux et environ 9 000 membres dans l'ensemble de la province nous tiennent au courant des dossiers communautaires.

Notre organisation est politiquement indépendante et tire son soutien financier de deux sources principales: les membres et donateurs et l'organisation Centraide du Lower Mainland.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. Je suis venue avec Jane Pulkingham, qui est présidente sortante et membre en règle du Comité de la sécurité du revenu et du marché du travail au SPARC—Jane est également professeur associée de sociologie à l'Université Simon Fraser—et avec Michael Goldberg, directeur de la recherche au SPARC. Jane va vous présenter notre exposé, puis nous répondrons à vos questions.

Mme Jane Pulkingham (présidente sortante, Income Security and Labour Market Committee, Social Planning and Research Council of British Columbia): Merci.

Je signale aux membres du comité deux documents que nous avons déposés. Le premier est constitué d'une série de paragraphes numérotés, et j'aimerais que vous y jetiez un oeil pendant l'exposé que je présente en fonction de ce document.

Je vais d'abord dire que le mandat du sous-comité peut paraître simple, mais que la réalité est tout autre. Le comité a accepté une tâche extrêmement complexe, et toute tentative de présenter de façon simpliste la question de l'équité fiscale pour des familles différemment configurées et ayant des niveaux de revenus différents aurait des conséquences néfastes sur la politique. En réalité, le système fédéral d'impôts et de paiements de transfert fonctionne dans un contexte plus large, et son incidence ne peut être examinée indépendamment de la façon dont il s'harmonise à d'autres politiques et est modulé par la situation et les facteurs socio-économiques des familles.

À notre avis, la structure de l'impôt fédéral sur le revenu n'est pas et ne peut pas être neutre, en tant qu'instrument de la politique sociale, lorsqu'il s'agit du traitement accordé à des familles différemment configurées. Dans le cadre d'un système plus vaste de politiques sociales destinées aux familles, le régime fiscal crée des encouragements et des contre-incitations et influe sur la redistribution en fonction d'objectifs sociaux, économiques et politiques.

Le système fédéral d'impôt sur le revenu et de paiements de transfert se répercute sur la question de l'équité. Pour évaluer dans quelle mesure les impôts et les paiements de transfert fédéraux sont équitables, le comité doit tenir compte de l'équité verticale et de l'équité horizontale ainsi que du principe selon lequel la structure fiscale est progressive. Un régime fiscal progressif est un système où les contribuables sont imposés en fonction de leur capacité de payer.

En théorie, le régime fiscal canadien est progressif. L'équité verticale est la redistribution de ressources des segments nantis, à revenu élevé, vers les segments moins nantis, à revenu moindre.

• 1105

L'un des principes de notre système d'impôts et de paiements de transfert consiste à atténuer les inégalités produites par le marché. Comme de nombreuses études le révèlent, les inégalités de revenu attribuables au marché ont augmenté très sensiblement depuis une vingtaine d'années. Cette évolution a eu un énorme effet sur les familles et leur capacité de subvenir à leurs besoins.

L'équité horizontale correspond à la redistribution des ressources entre diverses catégories de personnes, non pas d'après la situation financière mais en fonction d'autres situations socialement reconnues de dépendance et de besoin. Il y a redistribution horizontale entre les personnes en âge de travailler et les personnes à la retraite, entre les personnes qui n'ont pas d'enfants à charge et celles qui en ont, et entre les personnes en assez bonne santé et celles qui sont malades ou infirmes.

La redistribution horizontale reconnaît les avantages sociaux, l'intérêt qu'il y a, pour la société, à appuyer financièrement ceux qui élèvent des enfants, ceux qui sont malades et ceux qui ont quitté le marché du travail. Il ne s'agit là que de quelques exemples des façons dont l'équité horizontale fonctionne par l'entremise du système d'impôts et de paiements de transfert.

L'effet du système fédéral d'impôts et de paiements de transfert sur des familles différemment configurées et ayant des niveaux de revenu différents ne peut être adéquatement défini si l'on n'examine pas d'abord de concert les questions d'équité horizontale et verticale. Nous pressons le comité de tenir compte des deux objectifs de la redistribution lorsqu'il étudiera le système actuel et toute proposition visant à le modifier.

La réalité socio-économique contemporaine des familles a été mentionnée en passant. On y a fait allusion, et certains des témoins d'aujourd'hui l'ont exposée plus en détail. Je veux répéter que le marché du travail compte sur le travail des membres de la famille, en particulier les mères. Les mères des familles biparentales viennent en tête de la croissance de la population active féminine et expliquent l'intensification de l'activité sur le marché du travail au cours des deux dernières décennies. Dans les familles biparentales, la norme est maintenant au double revenu. Chez les familles biparentales ayant des enfants à charge, les deux parents travaillent dans plus des deux tiers des cas. C'est là une réalité socio-économique. Le système d'impôts et de paiements de transfert doit être adapté à cette réalité.

Le travail rémunéré est également une nécessité financière pour la grande majorité des femmes ayant des familles. Leur travail empêche le revenu familial de décroître et protège la famille de la pauvreté. La combinaison de deux revenus dans les familles biparentales a énormément réduit les risques de pauvreté. En 1995, 27,4 p. 100 des familles biparentales à un seul revenu étaient pauvres, en comparaison de 7,3 p. 100 des familles à deux revenus.

Dans le cas des mères chefs de famille monoparentale, l'absence de travail rémunéré se traduit par des taux de pauvreté nettement plus marqués. En l'absence de travail rémunéré, plus de 90 p. 100 des mères qui élèvent seules leurs enfants vivent dans la pauvreté, et même lorsqu'elles ont un travail rémunéré l'incidence de la pauvreté pour elles est très élevée, soit 43 p. 100. Nous pouvons parler plus abondamment de certaines réalités socio-économiques au cours de la période de questions, si vous le souhaitez.

La grande question en ce qui concerne le programme d'équité fiscale pour les familles, comme des témoins précédents l'ont mentionné, est le fait que le système fiscal ne reconnaît pas les soins prodigués aux enfants par le parent qui reste à la maison, en général la mère, dans les familles biparentales à revenu élevé, c'est-à-dire les familles qui ne sont pas admissibles à la prestation fiscale pour enfants du Canada.

Par ailleurs, le système reconnaît la valeur des responsabilités liées à la garde des enfants dans les familles biparentales à deux revenus, à condition que les parents aient recours à des services pour lesquels des reçus sont fournis. Il permet en effet de déduire les frais de garde et accorde la prestation fiscale pour enfants à certaines familles. De cette façon, le système actuel d'impôts et de paiements de transfert semble favoriser les familles biparentales à deux revenus en comparaison des familles biparentales à un seul revenu, et donc ne pas accorder à toutes les familles la liberté de choisir de rester à temps plein avec les enfants à charge.

Il découle de ce problème deux ensembles de solutions largement diffusés. L'un autorise le partage du revenu dans les familles biparentales à un seul revenu qui ont des enfants à charge. L'autre prévoit la transformation de la déduction pour frais de garde d'enfants en un crédit d'impôt payable à toutes les familles qui ont des enfants à charge, quelle que soit la solution retenue par les parents en matière de garde d'enfants, et une augmentation du crédit d'impôt pour conjoint pour le porter à un niveau équivalent à l'exemption personnelle de base améliorée. Nous voulons faire ressortir un certain nombre de problèmes et d'injustices qui découleraient de l'un ou l'autre de ces ensembles de modifications.

Toute l'attention accordée aux supposées inégalités entre les familles biparentales à deux revenus et celles qui ont un seul revenu entraîne divers problèmes, dont le fait que les mères seules disparaissent complètement de l'équation, même si elles composent plus de 20 p. 100 de toutes les familles qui ont des enfants. Nous nous inquiétons de la tentative de masquer les graves injustices fiscales auxquelles sont exposés les chefs de famille monoparentale, en particulier les chefs de famille monoparentale à faible revenu, lorsque le débat porte essentiellement sur l'écart entre les familles biparentales à deux revenus et les familles biparentales à un seul revenu.

Dans le cas de la conversion de la déduction pour frais de garde d'enfants en crédit d'impôt remboursable, la difficulté vient de ce que la déduction ne compense pas les services de garde d'enfants non rémunérés, comme l'ont déjà mentionné plusieurs témoins. Il s'agit d'une dépense légitime liée au travail et il ne faut pas la confondre, et j'insiste sur ce point—il ne faut pas l'amalgamer avec le problème de la comptabilisation des services de garde non rémunérés.

• 1110

Pour ce qui est de la déduction pour frais de garde d'enfant, certaines familles peuvent se permettre de choisir qu'un des parents ne travaille pas ou ne travaille que quelques heures, mais ce n'est pas le cas de la majorité des familles. Par conséquent, la plupart des familles doivent engager des frais de garde d'enfants. Le fait de convertir ces frais en crédit d'impôt remboursable pour toutes les familles donne un avantage à celles qui sont suffisamment à l'aise pour qu'un des parents ne travaille pas à l'extérieur du foyer et qui n'ont pas à engager de frais de garde d'enfants. Cette approche contrevient au principe de l'équité verticale.

En outre, cela fait problème dans le cas des chefs de famille monoparentale parce que des niveaux sont définis. Si le régime fédéral d'impôt sur le revenu peut privilégier des personnes en mesure de s'abstenir de travailler et leur accorder un crédit, la majorité des mères seules doivent compter sur l'aide sociale, et le système ne reconnaît pas la valeur des services de garde d'enfants non rémunérés. Au contraire, il oblige les mères à aller travailler pour respecter le principe de l'intégration à la population active. Nous avons donc deux systèmes distincts basés sur des principes différents et qui ne s'harmonisent pas.

Passons maintenant à la question du partage du revenu, le partage du revenu contrevient essentiellement au principe de l'équité verticale. En règle générale, ce sont les familles à revenu élevé, plutôt que les familles à faible revenu, qui profiteront financièrement le plus de cette proposition. De fait, les familles à un seul revenu qui s'inscrivent dans la tranche d'imposition la plus basse ne profiteront pas du tout du partage du revenu, et il peut être extrêmement trompeur de soutenir que les familles biparentales à un seul revenu sont victimes d'un déséquilibre fiscal quand on compare leurs obligations fiscales sur la base d'un certain revenu à ces mêmes obligations fiscales en fonction d'un revenu divisé en deux.

Par ailleurs, le partage du revenu n'est pas une option pour les familles monoparentales. La mesure violerait gravement le principe de l'équité horizontale. Et parce que les chefs de famille monoparentale sont aussi les parents les plus pauvres, son effet pourrait compromettre aussi le principe de l'équité verticale. De toute évidence, le partage du revenu pénalise cette forme de famille particulière.

Nous croyons que les solutions à la question de l'équité entre les divers types de familles viendront dans une large mesure des programmes, et cela s'impose pour que les familles aient véritablement le choix en ce qui concerne la formule adoptée pour la garde des enfants à charge. À cette fin, nous recommandons les mesures suivantes et nous espérons parvenir ainsi à un traitement plus équitable de toutes les familles ayant des enfants à charge.

Sur ce point, je vais demander à Michael de prendre le relais.

M. Michael Goldberg (directeur de la recherche, Social Planning and Research Council of British Columbia): Comme nous l'indiquons dans notre mémoire, ce qui importe véritablement ici, lorsque l'on considère l'équité horizontale et l'équité verticale, ce sont aussi les liens qui s'établissent entre l'aspect programme et l'aspect financier des dépenses. Il existe une solution de programme, qui consiste à éliminer le coût direct de la garde d'enfants. Ici, nous n'examinons pas uniquement les services de garderie. La mesure concerne les parents qui ont des enfants à charge et qui auraient droit à des services universels de garde d'enfants et d'éducation de la petite enfance. Cet aspect a déjà été mentionné.

Comme nous l'avons signalé dans notre mémoire, la mesure permettrait de satisfaire les principes aussi bien de l'équité horizontale que de l'équité verticale au sein d'un système d'impôt progressif. Elle a un effet marqué sur l'équité horizontale, en ce sens que les personnes ayant des enfants à charge en profiteraient et que les prestations seraient en partie payées par ceux qui n'ont pas d'enfants à charge. De même, sur le plan de l'équité verticale, ce sont ceux qui ont les revenus les plus élevés qui paieraient le plus, par opposition à ceux qui ont des revenus moindres.

Puisque la déduction pour frais de garde d'enfants a été bonifiée, nous tenons à signaler que d'ici à ce qu'un système universel soit instauré, cette déduction devrait être maintenue. Il se peut qu'à l'occasion—et là encore, c'est plutôt marginal—il faille aussi envisager de maintenir l'exemption pour couvrir les quelques cas particuliers pour lesquels le système universel n'est pas vraiment rentable. Je pense par exemple aux travailleurs par poste, quand un très petit nombre de personnes ont besoin de services de garderie qu'il serait très coûteux d'offrir dans le cadre d'un système universel alors que si peu d'enfants en ont besoin—par exemple, dans une collectivité rurale.

Deuxièmement, et cela a aussi été mentionné par nombre des témoins qui nous ont précédés—et le Canada tire vraiment de l'arrière si on le compare aux autres pays de l'OCDE, sauf les États-Unis, qui remportent la palme à cet égard—il faudrait instaurer un système élargi de congés payés de maternité et parentaux.

• 1115

Un certain nombre d'études et de rapports ont été publiés. Pratiquement tous les pays européens, par exemple, accordent 52 semaines de congé payé—et je dis bien payé—contre notre total de 26 ou 27 semaines de congés de maternité et parentaux. En outre, ces congés de maternité ou parentaux devraient être prolongés non seulement grâce au régime de l'assurance-emploi mais aussi sous d'autres formes, pour les parents qui sont travailleurs autonomes, étudiants, etc.

Troisièmement, si nous parlons vraiment de choix pour ce qui est des services à la petite enfance, nous devrions adopter une allocation universelle pour enfant qui équivaudrait à une prestation fiscale améliorée pour les frais de garde d'enfants, mais qui serait offerte à tous. Le coût de cette mesure a été estimé à quelque 4 200 $ par enfant par année. Il s'agit d'une dépense importante.

Cependant, il convient de reconnaître que nous recommandons de considérer cette allocation comme un revenu imposable. Une partie des fonds serait donc récupérée grâce à un régime d'impôt progressif. Vous vous trouveriez aussi à éliminer un certain nombre d'autres dépenses liées à des mesures déjà en place. Le coût de cette mesure pourrait être en partie amorti par une mise en oeuvre en milieu d'année. Il s'agit vraiment plus d'une question de trésorerie que d'un coût réel, parce que là encore, au fil des ans, l'argent circule entre les familles.

Il y a deux ou trois choses que nous voulons signaler. Notamment, le fait que la famille biparentale à un seul revenu représente une minorité. Cette question que l'on soulève doit être envisagée non pas comme la réalité à laquelle sont actuellement confrontées la grande majorité des familles, mais plutôt comme la situation d'un nombre plutôt limité. En outre, en raison de changements qui touchent d'une part l'étape de la vie où l'on décide d'avoir des enfants et d'autre part les décisions que les familles prennent—quand elles ont ce choix—ou doivent prendre, parce qu'elles n'ont pas le choix sur le plan économique, les parents restent de moins en moins longtemps à l'écart du marché du travail.

Deux questions ont été soulevées précédemment, et nous les considérons nous aussi comme importantes. Quelqu'un a demandé ce qu'il en était de l'élargissement du mandat du comité. Cela nous amène, à notre avis, à la question de l'équité fiscale.

Nous utilisons actuellement ce que nous appelons un système mixte, qui permet d'imposer les personnes mais où la plupart des transferts sont basés sur les ménages. Il nous faut prendre une décision et utiliser la même base—ce que les chercheurs appellent une unité de mesure commune. Est-ce que vous allez imposer les ménages et accorder des prestations aux ménages, c'est-à-dire tenir compte uniquement du revenu des ménages, ou est-ce que vous allez imposer les particuliers et accorder des prestations aux particuliers? Une grande partie du problème, à notre avis, vient de cette dualité des mécanismes, qui crée un certain nombre d'inégalités et de difficultés au sein du système.

Deuxièmement, ce qui compte vraiment c'est la façon dont les revenus différents sont traités, ce qui fait qu'ils ne sont pas imposés équitablement et que nous produisons un certain nombre d'effets pervers. Cela devient particulièrement évident dans le cadre du système d'assurance-emploi, où il y a des taux de récupération plus élevés que ce que l'on calculerait si le système traitait simplement ces prestations comme un revenu imposable. À l'époque où le seuil était plus bas, les crédits d'impôt pour enfants créaient tôt ou tard des situations, surtout dans le cas des familles qui cessaient d'être tributaires des régimes de soutien du revenu, où le taux d'imposition marginal pouvait atteindre 126 p. 100. Même l'Institut Fraser considérerait qu'il s'agit là d'effets pervers.

Le président: Est-ce que vous avez terminé?

Un témoin: Oui, c'est tout.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Nous avons une quinzaine de minutes. Je demande donc à mes collègues d'être brefs lorsqu'ils poseront leurs questions. Je vais commencer par M. Szabo, qui a six minutes.

M. Paul Szabo: Parlons de l'équité verticale et horizontale. Certains points sont valables et j'aimerais que vous commentiez la question de la déduction des frais de garde d'enfants, qui serait plus profitable aux personnes à revenu élevé qu'aux personnes à faible revenu si les frais sont équivalents?

Mme Jane Pulkingham: Oui, et cela est injuste. D'une certaine façon, cela est injuste. Par contre, il y a deux ou trois réponses. Premièrement, si vous créez un système de garderies national ou un système d'éducation pour la petite enfance, vous évitez des frais directs aux parents et il n'est pas nécessaire de mettre sur pied un système de déduction qui risque de créer des inégalités en raison du caractère progressif de l'impôt.

Par ailleurs, à mon avis, si vous avez le même type de... Je veux dire, d'une certaine façon, il s'agit d'une dépense liée à l'emploi, et en vertu du système de reconnaissance fiscale des dépenses d'emploi, le problème existe de toute façon. Alors pour les travailleurs autonomes il y a de nombreuses dépenses liées à l'emploi. Plus votre revenu est élevé et plus ces dépenses sont importantes pour vous en tant qu'entrepreneur, que travailleur autonome. Il s'agit donc d'une mesure régressive. La seule façon de corriger cette régressivité, à mon avis, est d'éliminer les dépenses directes liées aux frais de garde et d'offrir un système entièrement financé.

• 1120

M. Paul Szabo: Un système national de garde d'enfants.

Mme Jane Pulkingham: En effet. Vous pouvez alors éliminer la déduction pour frais de garde d'enfants pour la majorité des gens. Le problème disparaît. C'est la façon la plus simple d'éliminer une mesure régressive.

M. Paul Szabo: De nombreuses personnes ont parlé de comparer une famille à un seul revenu avec une famille à deux revenus. Personnellement, j'ai toujours considéré que la question concernait les enfants. Prenons comme point de départ un couple où les deux parents travaillent, et qui a un enfant. La famille doit maintenant déterminer s'il est plus économique d'engager quelqu'un pour assurer les soins nécessaires à l'enfant ou que l'un des parents quitte temporairement la population active pour assurer ces soins. Nous savons que si nous engageons quelqu'un il y aura des frais salariaux, qu'il en coûte d'embaucher un fournisseur de soins. Par ailleurs, les deux choix entraînent d'autres coûts similaires. Il semble que la différence ne soit pas tant liée au montant consacré aux frais de garde d'enfants; la question principale porte sur le fait que le couple n'est peut-être pas disposé à renoncer au salaire net. C'est là le principal coût.

Alors la question n'est peut-être pas de comparer des revenus égaux pour une famille. Il faut peut-être voir si, comme nous le dit Statistique Canada, un tiers de toutes les familles ont un parent qui reste au foyer pour s'occuper des enfants d'âge préscolaire, et s'il convient de reconnaître d'une façon quelconque la valeur de cette qualité de services à l'enfance.

Mme Jane Pulkingham: Il s'agit de reconnaître les services de garde d'enfants non rémunérés, et je pense que c'est une question importante. Je ne crois pas qu'une révision mineure du régime fiscal puisse résoudre la question. Je pense que le problème est plus vaste. Ce qu'on ne reconnaît pas, c'est le fait que les services de garde d'enfants non rémunérés sont fournis par des mères qui travaillent à temps plein.

M. Paul Szabo: Non, je comprends cela.

Mme Jane Pulkingham: C'est une fausse dichotomie entre les femmes qui ne travaillent pas et celles qui travaillent. Le fait demeure, nous travaillons tous très fort. Et nous travaillons un plus grand nombre d'heures encore lorsque nous avons un emploi rémunéré.

M. Paul Szabo: Très bien. Je soupçonne que vous êtes fort consciente du fait que seulement un tiers des familles à deux revenus qui ont des enfants se prévalent effectivement de la déduction pour frais de garde d'enfants.

Mme Jane Pulkingham: Oui.

M. Paul Szabo: Je me demande ce qu'est votre position. Auriez-vous une suggestion à faire sur la manière de nous attaquer aux problèmes actuels de l'économie souterraine ou parallèle. En effet, celle-ci peut avoir des répercussions, par exemple, sur d'autres formes d'injustice telles que les dispositions de récupération relatives à l'AER ou à la SV, ou le montant des prestations pour enfants, si les gens ne déclarent pas l'argent qu'ils ont gagné en fournissant des services de garde d'enfants.

Mme Rita Chudnovski: J'ai deux ou trois observations à faire—et je vous encourage à ajouter les vôtres, car tout cela soulève une question très importante.

Nous considérons, en général, que l'on peut continuer à apporter des retouches au système ici et là mais fondamentalement, la déduction pour frais de garde d'enfants et l'utilisation de notre régime fiscal pour tenter de régler les problèmes de garde de nos jeunes enfants ne sont pas la bonne solution. On continue à voir que toutes les tentatives de réorganisation de ce régime pour en faire un système équitable, favorable au développement de ces enfants et à la préservation de leur santé ne fonctionne pas.

Je crois qu'à certains égards, cela nous ramène au problème du caractère extrêmement régressif du système fiscal. En effet, il est fort probable que se sont les familles aux revenus les plus élevés qui utilisent le type de service de garde qui leur permet d'obtenir un reçu, de préférence aux ressources du système informel. Ce sont les familles les plus pauvres qui n'ont pas les moyens de s'offrir des services de garde plus formels. Par contre, elles sont parfaitement capables de trouver, dans le cadre de l'économie parallèle, les services d'un prix abordable qui leur permettent de travailler à l'extérieur, mais, de par la nature même du système, ces familles ne peuvent pas obtenir de reçu pour la prestation de ces services.

Je crois donc que, dans une certaine mesure, l'importance de ces activités dans l'économie parallèle témoigne du caractère régressif du système. En effet, les femmes considèrent que c'est le coût de la garde d'enfants qui constitue l'obstacle le plus important à leur retour dans la population active. Après le logement et la nourriture, la garde d'enfants est le plus gros poste de dépenses familiales, coût particulièrement lourd pour les plus pauvres, alors que ce sont leurs enfants qui ont le plus besoin de soins de qualité.

• 1125

Donc, le cycle fonctionne à l'envers. Cela tient en partie à l'importance des services de garde dans l'économie parallèle, pour lesquels aucun reçu n'est délivré. L'argent gagné par le fournisseur de soins représente une perte de revenu fiscal puisque ses gains ne sont pas déclarés.

Une des notions qui justifient la déduction d'impôt est que l'argent doit être imposé quelque part. Si je comprends bien, lorsqu'une famille utilise une déduction pour frais de garde d'enfants, c'est parce que le revenu du fournisseur de soins est censé être imposé. Dans le cas dont je parle, la famille perd le bénéfice de la déduction et le revenu du fournisseur de soins n'est pas déclaré.

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Je vous remercie de votre présentation. J'aimerais poser une seule questions.

Madame Chudnovski, j'ai cru comprendre que vous aviez fait allusion à un élément qu'aucun autre témoin n'avait soulevé. Vous avez parlé non seulement des choix de la famille, du programme national de garde d'enfants et du développement de la petite enfance, mais aussi d'aide aux parents pour l'éducation de leurs enfants.

Le coeur du débat porte en quelque sorte sur les garderies, l'aide à la petite enfance et le développement des enfants. On sait que dans les garderies, on demande des éducateurs de plus en plus formés et capables d'élever convenablement les enfants et de favoriser leur développement. Vous avez également traité d'aide aux parents pour l'éducation de leurs enfants, ce qui est un sujet un peu délicat puisqu'on semble mettre en doute la capacité des parents d'éduquer leurs enfants. C'est ce que j'ai cru comprendre en vous écoutant. J'apprécierais que vous me donniez des éclaircissements.

[Traduction]

Mme Rita Chudnovski: Certainement. Ce que je voulais dire—et je crois que vous l'avez parfaitement compris—c'est que le système complet de services aux jeunes enfants que nous appuyons est censé répondre aux besoins des familles et à ceux de tous les enfants, qu'à un moment donné de la vie familiale les parents appartiennent à la population active ou non.

Nous n'envisageons pas un système dans lequel il y aurait seulement ou surtout des garderies de groupe à plein temps, bien que ce soit là un élément très important. Nous n'envisageons pas seulement des services destinés à répondre aux besoins des parents qui travaillent. Ce dont nous parlons c'est d'un système axé sur les besoins des enfants et sur le principe selon lequel la qualité des premières années dans la vie des jeunes enfants contribue au développement et à la santé de tous les enfants.

Ce que nous envisageons c'est un système de services, soutenus et financés par les ordres supérieurs de gouvernement, mais conçus au niveau communautaire afin de répondre à des besoins spécifiques. Ce système comprendrait des garderies de groupe et des services de garde à domicile à temps partiel et à plein temps, des centres d'information pour les familles, des programmes de formation au rôle de parents et des programmes de haltes-garderies pour les parents ou les autres fournisseurs de soins qui s'occupent des enfants chez eux. Cela enrichirait les enfants sur le plan social et permettrait d'aider dès le début les familles à élever leurs enfants, avant qu'elles ne se heurtent à des difficultés. Cela permettrait également d'offrir des services de garde de qualité pendant que les parents sont au travail ou à l'école.

Actuellement, le programme en vigueur au Québec offre un accès à ce genre de services pour ceux qui le désirent. Disons les choses bien clairement, nous n'avons jamais réclamé de programmes obligatoires. Les programmes dont je parle sont destinés aux personnes qui en ont besoin et qui décident de les utiliser. Le programme actuel au Québec permet de fournir une place d'accueil à un enfant pour cinq dollars par jour, qu'un parent soit à domicile ou qu'il travaille. À notre connaissance, il y a eu une forte participation à ce programme des parents qui restent au foyer et qui ne sont pas employés à plein temps, car ils apprécient les vertus sociales d'un système qui permet à leurs enfants de participer à des programmes de garde de qualité.

J'ai donc inclus dans un système complet les programmes de soutien aux enfants et aux familles qui n'appartiennent pas nécessairement pour l'instant à la population active. Sur ce plan vous m'avez parfaitement comprise.

• 1130

[Français]

Le président: Merci, monsieur Cardin.

[Traduction]

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Un des témoins a décrit la place que le Canada occupe sur le plan de l'aide aux familles, et il semble bien que nos résultats ne soient pas particulièrement brillants.

Shelley Phipps vient de faire une étude que j'ai lue au cours de mes voyages. J'ai trouvé intéressant ce qu'elle disait d'une des initiatives de la Norvège. Ce pays verse des prestations intégrales pendant 42 semaines et, pendant les 52 semaines suivantes, ces prestations sont encore de 80 p. 100 du total. J'ai trouvé cette formule particulièrement intéressante, car elle permet aux femmes, si elles le souhaitent, de recommencer à travailler à temps partiel; c'est-à-dire qu'elles peuvent travailler 20 heures par semaines et toucher un salaire, bien que ces 20 heures hebdomadaires soient déduites des 52 semaines. Pensez-vous que nous devrions étudier cette possibilité, compte tenu du fait que vous avez dit que des changements s'imposaient en ce qui concerne le congé de maternité et le congé parental. Peut-être avons-nous besoin de ce genre de souplesse de fonctionnement pour les mamans.

Mme Jane Pulkingham: Oui, nous avons besoins de souplesse sous forme de dispositions plus généreuses à l'égard des congés de maternité et des congés parentaux payés. Nous avons aussi besoin d'un relèvement des prestations pour les personnes travaillant à temps partiel. L'enquête effectuée sur les horaires et les conditions de travail en 1995 nous fournit des statistiques sur l'attitude des femmes qui travaillent à l'égard du temps partiel, et sur le nombre de celles qui voudraient continuer à travailler ou préféreraient réduire leur horaire de travail.

En réalité, à certains moments, les femmes préféreraient travailler à temps partiel ou bénéficier de modalités de travail plus souples, ce qui n'est possible si l'on adopte une loi s'appliquant à tous les travailleurs. Pour le moment, on fonctionne un peu au coup par coup. Seules les personnes qui occupent de bons emplois peuvent bénéficier de telles dispositions. On pourrait donc inclure certains de ces éléments dans un système de congé de maternité et de congé parental. Je ne connais pas les détails du système norvégien à cet égard, mais il est important d'avoir une aide pour pouvoir effectuer cette transition.

Mme Michelle Dockrill: Si je voulais poser une question, ce n'était pas pour qu'on me propose une solution définitive à tous les systèmes mais pour parler d'une des nombreuses options qui mériteraient d'être examinées.

M. Michael Goldberg: Ce qui est probablement le plus important, qu'il s'agisse du système norvégien ou des programmes en vigueur en France, au Canada ou ailleurs, c'est de comprendre qu'il s'agit d'éléments interdépendants. Une des difficultés pour votre sous-comité tient à ce que vous considérez ce qui constitue probablement le plus petit des éléments d'un tout et que vous essayez de le changer. Quelle que soit votre façon de procéder, votre manière d'apporter des retouches ici ou là, cela entraînera toutes sortes de répercussions dans d'autres domaines, répercussions dont la plupart ne sont sans doute pas voulues par vous.

Il est absolument indispensable de comprendre les liens entre vos dépenses de programme—ce que vous appelez une enveloppe de politique sociale, les questions de politique financière, à savoir les impôts et les transferts, et bien entendu, la situation économique du moment. Ces liens deviennent vraiment essentiels, et de nombreux pays européens ont obtenu de bien meilleurs résultats que nous dans ce domaine.

Mme Michelle Dockrill: Je voudrais poser deux brèves questions.

Le président: Cela m'inquiète toujours lorsqu'un politicien dit qu'il a de brèves questions à poser.

Mme Michelle Dockrill: Je crois que mon collègue, M. Szabo, a parlé de l'économie souterraine et des services de garde d'enfants parallèles dont nous connaissons tous l'existence, parce qu'il est impossible pour les Canadiennes d'avoir accès à des services de qualité, à un prix raisonnable. Auriez-vous une idée du pourcentage de l'économie souterraine qui serait affecté par un programme national de garde d'enfants?

Mme Lynell Anderson (membre, Coalition on Child Care Advocacy): Une des difficultés, lorsque l'on veut répondre à cette question tient au fait que, de par la nature même de cette économie souterraine, il est difficile de la quantifier. Nous savons qu'elle est importante. Nous essayons de calculer ce qu'elle représente en considérant la situation dans son ensemble et en essayant de déterminer la part du secteur réglementé. Je n'ai pas ces statistiques—peut-être qu'un de mes collègues les a. Mais à l'expérience, nous savons que l'économie souveraine est importante et omniprésente.

• 1135

Je ne sais pas si cela vaut la peine de vous parler de notre expérience en Colombie-Britannique, mais dans notre province, nous avons l'impression que plus de 50 p. 100 de l'aide financière de la province aux familles à faible revenu va aux services de garde non autorisés. Cela donne une idée de la situation en Colombie-Britannique.

Mme Michelle Dockrill: Ma seconde question est tout aussi brève. Une des choses que j'ai entendu répéter par de nombreux témoins—et j'ai passé toute la matinée à poser cette question; je ne vous laisserai donc pas partir, mesdames et messieurs, sans vous la poser aussi—c'est que l'étroitesse du mandat du comité semble inquiéter beaucoup de gens, en ce sens qu'il essaie peut-être de trouver une formule passe-partout. À votre avis, le comité devrait-il constituer le point de départ de l'établissement d'une stratégie nationale de garde d'enfants qui intégrerait toutes les questions dont vous avez parlé ce matin?

Mme Rita Chudnovski: Mon organisation serait ravie si c'était le cas. Il y a 20 ans que nous cherchons à faire démarrer les choses. L'Association canadienne pour la promotion des services de garde à l'enfance serait certainement favorable à une recommandation visant à utiliser le comité comme point de départ d'un réexamen de toute la question de la politique familiale au Canada et, dans ce contexte, de la manière dont notre pays assume la responsabilité collective du soutien aux parents dans leur rôle de fournisseurs de soins à leurs enfants.

Aussi bien en Europe dans une certaine mesure et, comme nous le découvrons, dans une large mesure au Québec, il est de plus en plus important de comprendre, comme le disait Michael, que la garde des jeunes enfants et les responsabilités des familles à leur égard font partie d'une politique familiale plus générale. Cela nous oblige donc à traiter comme un tout les politiques sociale, financière et économique. Les enfants ne grandissent pas dans un monde à part; ils grandissent de manière holistique et il faudrait que les programmes qui leur sont destinés soient également holistiques.

Le président: Merci beaucoup.

M. Michael Goldberg: Un exemple de lien important qui pourrait se dégager des travaux du comité—et il ne s'agit pas uniquement de la garde d'enfants car nous avons également parlé des allocations familiales, etc.—est celui du lien avec ce que nous avait récemment annoncé dans le Projet national en faveur des enfants.

Le président: Merci.

Monsieur Herron, je vous en prie, vous disposez de cinq minutes.

M. John Herron: Ma première question porte sur le second paragraphe, à la page cinq de votre projet. Vous écrivez ceci «... Dans certaines circonstances tout à fait particulières, ou à cause des problèmes d'accès dans les régions rurales aux services ou à cause du travail en équipe de nuit, par exemple, un système universel n'est pas accessible». Une des questions soulevées au sujet de l'adoption d'un système universel de garde de jour est de savoir ce qu'il faut faire pour les zones rurales du Canada et ce que l'on pourrait faire pour les personnes qui travaillent de nuit. À mon avis, il n'y a rien de particulièrement exceptionnel dans tout cela. Avez-vous des statistiques sur le nombre d'enfants qui seraient concernés, sur les endroits où les gens tiennent vraiment un débat public sur le système national de garde d'enfants?

Mme Jane Pulkingham: Je ne dispose pas de statistiques sur les personnes qui vivent en milieu rural ou qui travaillent de nuit et qui ont besoin de services de garde de jour. Avez-vous une idée là-dessus?

Mme Rita Chudnovski: Je n'ai pas non plus de statistiques sous la main, mais il y a deux remarques importantes à faire à ce sujet. La première est que tout système de garde de jeunes enfants doit être conçu en fonction du nombre croissant de familles et de Canadiennes qui ne travaillent pas du lundi au vendredi, de 9 heures à 17 heures. On devra donc tenir compte des questions de flexibilité et de la façon de réagir aux changements de la vie de travail.

Deuxièmement, si je suis d'accord avec ceux qui ont dit plus tôt que dans certains cas, l'adoption de programmes de garde d'enfants posera des problèmes et ne sera pas rentable, il existe déjà des modèles qui fonctionnent au Canada et dans d'autres pays tels que la Mongolie, pays très pauvre qui consacre un plus grand pourcentage de son revenu que nous ne le faisons aux jeunes enfants. Il existe des exemples d'approches créatrices et souples qui permettent de répondre aux besoins des collectivités rurales et aux situations dans lesquelles un petit nombre d'enfants ont besoin de services de garde particuliers.

• 1140

Je pense donc que pour certains enfants, il faudra toujours un système de soins privés rémunérés. Mais je ne voudrais pas que l'on croie que les collectivités et nous-mêmes sont incapables de concevoir des programmes répondant à ce genre de besoins.

M. Michael Goldberg: Nous avons noté que toutes les collectivités rurales ont des garderies d'enfants. Certes, il existe des circonstances tout à fait particulières qui concernent peut-être deux à trois pour cent de la population à un moment donné, mais cela ne devrait pas être un élément déterminant du programme. Ce sont les 97 p. 100 restants qui devraient l'être.

Donc, si vous aviez vraiment un programme de garde d'enfants de grande qualité, d'un coût raisonnable, et pas simplement un service de garde de jour, comme Rita et d'autres l'ont dit, je crois, cela vaudrait pour l'ensemble du Canada. Pourtant, quel que soit le programme utilisé, il y aura toujours une petite minorité de personnes auxquelles ce programme ne conviendra pas. Il faudra donc prendre des mesures particulières à leur égard, mais ce n'est pas l'élément déterminant du programme.

Le président: John.

M. John Herron: Vous demeurez relativement ferme dans votre opposition au partage des revenus. Bien qu'il s'agisse seulement d'un mémoire, vous avez essayé d'y inclure autant d'information que possible. Pourtant, vous ne consacrez qu'un paragraphe à votre opposition au partage du revenu, ce qui est...

Mme Jane Pulkingham: Vous devriez avoir deux mémoires en main. Un des deux est numéroté.

M. John Herron: D'accord.

Mme Jane Pulkingham: Il n'a pas été distribué. C'est précisément celui que je voulais qu'on vous remette. Il offre beaucoup plus de détails sur la question du partage du revenu.

M. John Herron: La raison pour laquelle je pose cette question est que le ministère des Finances a suggéré que le modèle de partage du revenu permettrait de résoudre ce problème...

Mme Jane Pulkingham: Non, c'est une mesure très régressive.

M. John Herron: Permettez-moi de terminer.

Mme Jane Pulkingham: Bien sûr. Excusez-moi.

M. John Herron: Le ministère des Finances—ce n'est pas ce que je viens de dire—a déclaré que ce serait une solution possible. Manifestement, cela ne règle pas le problème des familles monoparentales. Voudriez-vous utiliser le temps qui vous reste pour mieux nous expliquer votre opposition au partage du revenu?

Mme Jane Pulkingham: Certainement. Merci de m'en offrir la possibilité. Je croyais que vous ne me poseriez jamais la question.

Il est bien clair que pour les parents seuls ce serait extrêmement inéquitable. Ça l'est également lorsque l'on considère le principe de l'équité verticale, parce que si vous partagez le revenu, vous réduisez celui du conjoint qui gagne le plus et vous le placez dans une tranche d'imposition plus basse. Ce ne serait pas juste à l'égard des autres familles qui ne sont pas en mesure de profiter d'une telle disposition.

Par exemple, si vous avez une famille biparentale dont un seul des deux membres est rémunéré et si celui-ci peut partager son revenu, cela réduit le montant de l'obligation fiscale de cette famille. Mais vous pourriez avoir une famille dans laquelle les deux conjoints ont un emploi rémunéré, avec un revenu global semblable. Ce revenu n'est pas également partagé entre les deux conjoints car, dans la pratique, les femmes gagnent moins que les hommes. Vous allez donc avoir un homme qui aura un revenu supérieur à celui de son conjoint.

Prenons un revenu global de 50 000 $. Vous n'aurez pas deux soutiens de famille qui gagnent 25 000 $ chacun mais un qui en gagne 40 000 $ et l'autre, 10 000 $, ou encore, un qui gagne 38 000 $ et l'autre, 12 000 $. Vous allez donc créer une injustice en permettant à quelqu'un qui gagne 50 000 $ de se retrouver dans une tranche d'imposition correspondant à un salaire de 25 000 $, alors que dans le cas des deux soutiens de famille, l'un demeurera dans la fourchette de 40 000 $ et l'autre dans celle de 10 000 $; cette famille devra donc payer un taux élevé d'impôt. Il y aura donc là une injustice.

D'autre part, même dans les familles biparentales avec un soutien de famille unique qui gagne 25 000 $ ou 30 000 $ au lieu de 50 000 $, le conjoint qui gagne 25 000 $ ne bénéficiera pas du partage du revenu sur le plan financier; seul celui qui gagne 50 000 $ en bénéficiera. Cela crée donc d'énormes injustices en ce qui concerne l'équité verticale.

Le président: Je voudrais faire une remarque. Je ne veux pas que l'on confonde le partage du revenu avec le revenu familial, car je trouve une certaine logique au regroupement du revenu familial. Mais pouvez-vous m'expliquer en quoi la famille serait défavorisée par le partage du revenu? L'objectif ultime n'est-il pas précisément d'améliorer la situation financière de la famille? Je ne vois pas en quoi le partage du revenu lui porterait préjudice.

• 1145

Mme Jane Pulkingham: Eh bien, la famille que vous créez ainsi... Il faut tenir compte des répercussions en matière d'équité verticale et horizontale. Le problème, lorsque vous partagez le revenu, vous créez un déséquilibre entre des familles ayant des revenus différents.

Le président: En fait, le ministère des Finances n'est pas d'accord avec vous. Selon lui, il serait possible d'éliminer cette injustice.

M. Michael Goldberg: Cela crée alors un dilemme. Ce serait vrai si, toutes choses étaient égales par ailleurs, vous étiez prêt à éponger la dépense fiscale sans être obligé d'opérer un transfert afin de récupérer le revenu supplémentaire qui serait autrement perdu. Donc, si vous partagez le revenu et si vous voulez conserver exactement le même revenu au lieu de perdre...

Le président: Selon le ministère des Finances, cela coûterait environ quatre milliards de dollars.

M. Michael Goldberg: Cela signifie donc que quatre milliards de dollars ne sont pas utilisés à d'autres fins. Il y a des compromis, et c'est la raison pour laquelle il faut tenir compte de l'interdépendance de tous ces éléments. Ainsi, les familles qui se trouvent au haut de l'échelle auraient l'avantage de pouvoir partager les revenus et seraient donc favorisées. C'est indiscutable. La famille dont un seul conjoint est salarié et qui a un revenu de 80 000 $ assuré verra son revenu après impôt augmenter de quatre mille à cinq mille dollars.

L'autre façon de voir les choses, et je ne sais pas si le ministère des Finances y a pensé—encore une fois, c'est une question très difficile et nous continuons à nous débattre avec le problème—c'est de savoir si l'on utilise le ménage comme unité plutôt que l'individu. Au lieu d'envisager la formule du partage du revenu, qui crée toutes sortes d'autres problèmes, on pourrait étudier ce qui se fait maintenant dans de nombreux autres pays: la déclaration d'impôt conjointe.

Bien sûr, la manière dont l'argent est réparti dans le ménage pose toutes sortes de problèmes. Donc, au lieu de considérer simplement les diverses situations familiales, ce qui se passe au sein des familles en termes de contrôle et de distribution... C'est une préoccupation sérieuse. De nombreux pays ont cependant essayé de régler le problème en adoptant la formule de la déclaration conjointe au lieu de la déclaration individuelle, ce qui permet d'éviter toutes ces injustices. Le partage du revenu est probablement la moins bonne des deux solutions.

Le président: Avez-vous des recommandations à faire au comité? Vous en avez fait mention au cours de votre exposé. Nous avons déjà des prestations, par exemple, qui sont fondées sur le revenu. Le système des transferts financiers est fondé sur le revenu, pourtant, dans notre système c'est l'individu qui est imposé. Avez-vous des recommandations à faire au comité?

M. Michael Goldberg: Quelqu'un a posé une question au sujet de l'extension du champ de l'étude confiée au comité. Ce serait probablement une des questions les plus difficiles à résoudre. C'est une question très complexe.

Encore une fois, il faut lier cela à vos objectifs plus généraux sur le plan social et économique. Le système fiscal ne fonctionne pas isolément. Le partage du revenu représente une dépense de quatre milliards de dollars. Cela constituerait une contribution importante au programme universel de garde d'enfants, et nous parlons là de compromis. Je suis moi-même partisan du programme universel. Arrachons tous les enfants à la pauvreté. Nous connaissons bien l'énorme coût de la pauvreté chez les enfants.

Le président: Pourriez-vous revenir à ma question?

M. Michael Goldberg: Oui.

Le président: Avez-vous des recommandations à faire?

M. Michael Goldberg: Tout ce que je peux vous dire c'est qu'à SPARC, les opinions sont divisées. C'est une question très difficile. Personnellement, je serais en faveur de la déclaration d'impôt conjointe et je préférerais que l'on traite les ménages comme un tout au lieu de partager le revenu. Je sais que Jane ne sera pas d'accord avec moi.

Mme Jane Pulkingham: En effet. Je fais partie des dissidents à ce sujet. J'ajouterai que si l'on adoptait la formule de la déclaration conjointe, il faudrait également que l'argent aille à la personne à laquelle le revenu est attribué.

Le président: La même logique ne vaudrait-elle pas aussi bien pour le revenu que pour le transfert d'impôt, ainsi que pour les prestations? Pourquoi les prestations seraient-elles fondées sur le revenu? Le crédit d'impôt pour enfants, par exemple, ou le crédit de TPS sont également calculés en fonction des revenus familiaux.

Mme Jane Pulkingham: Oui.

Le président: Donc, si vous voulez être logique, ne devrait-on pas faire les deux choses au lieu de l'une ou de l'autre? Voulez-vous dire qu'il faut maintenir la combinaison?

Mme Jane Pulkingham: Je ne comprends pas votre question. Je sais que pour certains programmes, on utilise le critère du revenu.

Le président: Certaines prestations sont fondées sur le revenu...

Mme Jane Pulkingham: Oui.

Le président: ...mais cela ne joue pas dans le cas du revenu. Faudrait-il donc faire les deux? Lorsque vous déclarez votre revenu, le critère du revenu familial n'est pas utilisé, alors qu'il joue pour les prestations. Où est la logique?

Mme Jane Pulkingham: Oui. En ce moment, le système de prestations et le système d'imposition fonctionnent différemment. Ce à quoi il faut faire attention c'est que lorsqu'on commence à étudier la question de la déclaration conjointe ou du traitement global du revenu familial, il faut aussi voir à qui va la prestation si...

Le président: On peut espérer qu'il ira à la famille.

Mme Jane Pulkingham: Oui, mais la famille ne constitue pas une unité en ce sens que—c'est ce que je souligne dans mon mémoire—si vous considérez qui dépense l'argent et où va l'argent selon qu'il est versé à l'un ou l'autre membre de la famille, cela crée une situation inéquitable, et si vous changez la manière dont cet argent est utilisé, cela a de très grosses conséquences.

• 1150

Les recherches économiques effectuées par Shelley Phipps ainsi que par des chercheurs britanniques montrent que si vous changez la manière dont l'argent est attribué, si vous augmentez la part du revenu qui va aux femmes plutôt que celle qui va aux hommes, vous constatez que les habitudes de dépense du ménage sont très différentes. Vous ne pouvez donc pas dire que le fait de donner de l'argent à la famille, c'est-à-dire, habituellement au membre qui gagne le plus ou à la personne qui a un revenu, c'est-à-dire l'homme, lorsqu'on utilise le système d'impôt... L'effet sur les habitudes de dépense et de consommation de la famille serait tout à fait différent de ce qu'il serait si l'argent était réparti d'une autre façon.

En Grande-Bretagne, lorsque l'on a modifié le système de prestations pour enfants, qui étaient versées par le biais du système fiscal sous forme d'une déduction dont bénéficiaient en général les hommes, pour adopter un nouveau système dans lequel l'argent était directement versé aux femmes, les habitudes de dépense ont été profondément modifiées. On a alors constaté qu'une plus grande partie du revenu était dépensé au profit des enfants, pour l'achat de vêtements, par exemple, plutôt que pour l'achat de boissons alcoolisées et de cigarettes.

Vous constatez donc que les habitudes de consommation sont très différentes selon que l'argent est versé à l'homme ou à d'autres membres de la famille.

M. Michael Goldberg: Ce problème serait partiellement réglé si l'on adoptait la formule de la déclaration conjointe car l'allocation pour les enfants que nous proposons serait alors directement versée à la mère.

Quel que soit leur groupe de revenu, toutes les mères vous diront que lorsqu'elles ont perdu les allocations familiales, elles ont également perdu le contrôle d'une somme d'argent d'ailleurs petite. Il est vraiment important de pouvoir exercer un contrôle sur une part plus grande du revenu. Il faut bien reconnaître que le modèle de la famille dans laquelle on prend toujours les décisions en commun est loin d'exister partout. Les données dont nous disposons sur les dépenses nous montrent que la réalité est tout autre. Il faut donc tenir compte de la notion de contrôle au sein de la famille et s'assurer qu'en cas de déclaration conjointe et de prestation conjointe, l'argent aille à la mère dans la plupart des cas. Il serait possible de le faire en lui versant une allocation, ce qui permettrait de se débarrasser des prestations fondées sur le revenu. C'est la formule que nous recommandons.

Le président: Merci beaucoup.

Je crois qu'on a également fait observer que les familles ne sont pas statiques, qu'avec le temps elles changent, et leurs besoins aussi. C'est un énorme problème lorsqu'on essaie d'établir une politique.

Je vous remercie. Vouliez-vous ajouter quelque chose?

Mme Rita Chudnovski: Peut-être une brève remarque pour conclure.

D'après ce que je comprends du débat actuel, il est probable que le partage du revenu sera plus profitable aux familles à revenu élevé, car le revenu sera alors divisé en deux parties qui tomberont dans une tranche de revenu plus basse. D'après ce que j'ai lu et d'après les autres mémoires que j'ai étudiés, la fusion des revenus dans le ménage à deux salaires signifiera en fait que dans la plupart des cas, le revenu de la femme sera plus lourdement imposé puisqu'il est le plus faible des deux. Donc, d'une part, le partage du revenu va favoriser les personnes qui ont déjà plus d'argent que les autres, et de l'autre, la fusion des deux revenus compromettra en fait l'autonomie financière des femmes et réduira leur revenu.

Étant donné que l'on estime que cela coûterait quatre milliards de dollars, nous pensons que notre solution est préférable. Elle consisterait à dégager deux milliards de dollars dans le prochain budget fédéral afin de créer un système de garde et d'éducation des jeunes enfants dans notre pays.

Le président: D'accord, mais n'oubliez surtout pas d'exercer les mêmes pressions sur les provinces, car malgré les bonnes intentions du gouvernement fédéral en 1993, lorsqu'il a décidé de créer un programme de garde d'enfants au moment où l'économie permettait de le faire—cela s'est déjà produit une fois, je crois, au cours de ce mandat—les provinces ont refusé de participer. Le problème existe toujours. En dépit de ces bonnes intentions, il reste que c'est aux provinces d'administrer un tel programme. Lorsqu'elles ne veulent pas coopérer, c'est nous qui en faisons les frais.

Mme Rita Chudnovski: L'accord sur l'union sociale et le projet national en faveur des enfants vous offrent une nouvelle possibilité de soumettre une proposition qui se tient. Nous nous chargerons de la province.

Le président: Merci beaucoup.

• 1155




• 1158

Le président: Nous allons reprendre la séance. Je vous prie de m'excuser du retard. Le sujet est tellement intéressant que nous avons apparemment pris un peu de retard au cours de la première audience, et pendant la seconde, nous avons déjà près d'une demi-heure de retard. Je m'en excuse.

Je souhaite la bienvenue à Cindy Carson, coordonnatrice provinciale de First Call; et aux représentantes de Westcoast Women for Life, Kathleen Higgins la présidente, et Cecilia Ziebart et Sheila Formby, directrices.

La méthode que nous avons adoptée est la suivante: cinq à dix minutes pour l'exposé, puis une période de questions. J'invite la représentante de First Call à prendre la parole. Soyez la bienvenue.

Mme Cindy Carson (coordonnatrice provinciale, First Call): Merci beaucoup.

Je suis la coordonnatrice provinciale de First Call. C'est une coalition pour la protection des enfants et des jeunes qui regroupe 40 organisations provinciales et des centaines de groupes communautaires de toute la province travaillant sur les questions qui ont des répercussions sur la santé et le bien-être des enfants et des jeunes.

En ce moment même nous participons à une campagne en faveur des enfants et des jeunes appelée Spotlight on children and youth campaign, en Colombie-Britannique. Cette campagne est une initiative communautaire globale dont l'objet est d'amener les particuliers, les collectivités, les entreprises et le gouvernement à collaborer afin d'assurer la santé et le bien-être des enfants et des jeunes.

Le Projet national en faveur des enfants, récemment rendu public, est fondé sur les recherches sur la santé de la population. Nous nous en sommes inspirés pour établir notre objectif, qui est de remettre aux enfants, aux jeunes et à leurs familles ce que nous appelons les «quatre clés du succès».

Nous considérons que les enfants, les jeunes et leurs familles ont besoin que l'on s'emploie résolument à promouvoir le développement des jeunes enfants; ils ont besoin d'être soutenus afin d'effectuer le passage de l'enfance à l'adolescence, puis à l'âge adulte; ils ont aussi besoin de jouir de plus d'égalité sur le plan économique et de vivre dans des communautés sûres, qui ont leur bien-être à coeur. Ces quatre clés me paraissent cruciales pour la santé et le bien-être des enfants. Je voudrais maintenant examiner les questions de l'équité en matière fiscale et de transfert, vues dans la perspective d'un enfant.

• 1200

Robert a huit ans. Il vit dans une famille biparentale. La maman a un emploi à temps partiel. Le papa est étudiant. Le revenu combiné est très bas. Robert et ses frères et soeurs ont besoin d'être gardés. Ils ne bénéficieront pas des déductions pour frais de garde d'enfants parce que leurs parents ne gagnent pas suffisamment d'argent pour être imposables. En fait, le programme de déductions pour frais de garde d'enfants, par exemple, est plus rentable pour les familles à revenu élevé que pour les familles à faible revenu.

Ce que nous savons, c'est que l'accès à un service de garde d'enfants de qualité est un obstacle dans le cas des enfants appartenant à une famille à faible revenu. C'est en permettant à ces enfants d'avoir accès à de tels services que la société tirera le plus de profit; pourtant, ce sont ces enfants qui en sont privés ou en bénéficient le moins.

Jane vit dans une famille à deux revenus. Elle bénéficie d'un service de garde de qualité, mais sans la déduction pour garde d'enfants, ses parents n'auraient pas les moyens de lui offrir ce service et ils seraient obligés de se rabattre sur une formule moins désirable si bien que ce serait Jane qui en pâtirait.

En l'absence d'un service universel de garde d'enfants, la déduction pour frais de garde joue un rôle essentiel de soutien aux centres de garde d'enfants de qualité. Sans cette déduction, de nombreux centres ne pourraient pas continuer à fonctionner, car beaucoup de parents qui travaillent n'auraient pas les moyens de payer les services de qualité dont leurs enfants ont besoin.

On vous a demandé d'étudier le problème d'équité que pose le fait que certaines familles peuvent bénéficier de la déduction des frais de garde d'enfants, mais pas d'autres. À notre avis, la question est mal posée. Ce qui importe, c'est de savoir si le système est équitable à l'égard de nos enfants.

La déduction pour frais de garde d'enfants est fondée sur le principe que ces dépenses sont légitimes; mais elle ne tient pas compte du fait que le problème essentiel est celui de l'équité d'accès aux services de garde pour tous les enfants.

Dans le système actuel, certains enfants bénéficient de services de garde de qualité et d'autres pas. C'est là où il y a une injustice. Il faudrait que nous trouvions des moyens d'offrir à tous les enfants un service universel d'éducation et de garde. Cela permettrait à tous les enfants de réaliser leur potentiel, quelle que soit la situation de leurs parents sur le plan de l'emploi. La déduction des frais pour garde d'enfants pourrait alors être supprimée car elle n'aurait plus aucun sens.

Nous préférerions que cette déduction soit progressivement éliminée au fur et à mesure que des services de garde d'enfants de qualité deviendraient accessibles.

Comme certains l'ont dit, cette déduction n'est pas injuste sur le plan fiscal dans le cas des familles biparentales dont un seul membre est rémunéré, car la garde d'enfants constitue des frais relatifs à un emploi qui sont réels. Il ne faut cependant pas confondre cela avec l'obligation pour la société de reconnaître l'énorme charge financière qui pèse sur les familles qui élèvent des enfants. Les enfants et les jeunes sont la responsabilité de tous. Élever un enfant coûte cher. Les avantages que présentent pour la société des enfants qui ont reçu une bonne éducation sont incalculables. La société profite toujours de ses membres actifs et productifs, mais si nous n'apportons pas d'aide dans ce domaine, nous risquons d'être perdants à cause de l'augmentation des coûts d'éducation à la santé et de services sociaux. Il faut donc que nous partagions les frais engagés pour élever les enfants.

Pour cela, nous devrions utiliser une prestation pour enfants indexée et universelle. Cette prestation devrait être un droit inhérent de tous les enfants. Elle devrait être suffisante pour couvrir les coûts de leur éducation et celui des mesures nécessaires pour leur éviter de grandir dans la pauvreté. La prestation devrait aussi être considérée comme un revenu et être imposée dans le cadre d'un système fiscal plus progressif.

Pour aider les parents qui ont des enfants à charge, nous pourrions aussi prolonger la durée des congés de maternité et parental rémunérés. Comme on l'a déjà dit, nos dispositions concernant les congés sont beaucoup moins généreuses que celles des autres pays, en particulier celles des pays européens ou même du Québec. Par exemple, la Suède accorde un congé de maternité de 52 semaines. L'Allemagne verse une prestation de maternité correspondant à 100 p. 100 du salaire. Nous savons que les trois premières années jouent un rôle critique dans le développement social et physique cognitif des enfants. Il faut que nous veillions à ce que les parents aient la possibilité de faire garder leurs enfants à ce stade de leur vie. Nous pouvons le faire en élargissant les dispositions du régime d'assurance-emploi. Les prestations devraient être versées à tous les parents, y compris les parents adoptifs, les parents qui travaillent à leur compte, les étudiants, et les parents sans aucune expérience professionnelle antérieure, y compris les assistés sociaux.

Outre les congés de maternité et le congé parental, il faut que nous offrions la possibilité aux parents de prendre congé en cas de crise familiale. Si un enfant est malade ou handicapé, il faut qu'il existe des dispositions pour assurer sa garde.

En grandissant, les enfants passent par plusieurs étapes importantes. Certains ont plus de difficulté que d'autres à le faire et ont besoin d'un soutien supplémentaire de leurs parents. Il faut que nous reconnaissions ces réalités et que nous permettions aux parents qui travaillent de prendre un congé pour s'occuper de leurs enfants, même lorsque ceux-ci sont plus grands. Ce serait possible si, dans le cadre du régime d'assurance-emploi, on adoptait une formule de congé pour raisons familiales offrant des prestations analogues à celles du congé de maternité.

• 1205

Le projet national en faveur des enfants a été rendu public par les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux. Il met l'accent sur la responsabilité qui nous incombe de veiller à ce que les besoins de tous les enfants soient satisfaits. Nous pensons que le comité devrait saisir cette occasion d'assurer la justice sur le plan fiscal et celle des transferts et recommander que le Projet national en faveur des enfants soit mis en oeuvre. Il faudrait des transferts importants pour que ce projet devienne une réalité et pour que tous les enfants puissent également réaliser tout leur potentiel. Le budget fédéral de l'an 2000 offrira bientôt une excellente occasion de le faire. Ce budget pourrait comprendre un investissement important à long terme dans l'avenir de nos enfants. Nous vous encourageons à faire en sorte que cela se réalise.

En résumé, First Call estime que les enfants devraient être une priorité dans notre société. On devrait garantir à tous les enfants les conditions nécessaires pour assurer leur santé et leur développement. Le gouvernement fédéral peut rendre le système plus équitable et créer une situation dans laquelle tout le monde est gagnant en créant un système universel d'éducation et de garde d'enfants de qualité; deuxièmement, en versant des prestations de garde d'enfants universelles; troisièmement, en étendant notre système de prestations de maternité, de congé parental et de congé pour raisons familiales.

Nous avons besoin de leaders courageux qui écoutent l'appel de nos enfants. Nous vous invitons à devenir ces leaders et à utiliser votre position au sein du comité des finances pour veiller à ce que priorité soit donnée à tous les enfants.

Je vous remercie.

Le président: Merci, madame Carson.

Je vais maintenant inviter les représentantes de Westcoast Women for Family Life à présenter leur exposé.

Mme Cecilia Ziebart (directrice, Westcoast Women for Family Life): Merci.

Monsieur le président et membres du comité, nous comparaissons devant le sous-comité pour examiner trois domaines dans lesquels le système d'imposition fédéral pratique la discrimination à l'égard des familles biparentales à revenu unique ayant des enfants à charge. Nous proposons trois mesures pour rendre les lois fiscales actuelles plus équitables.

Permettez-moi de vous présenter nos témoins. Notre porte-parole principale, Kathleen Higgins, a un diplôme de droit et a été admise au barreau de la Colombie-Britannique. Kathleen a changé de carrière six semaines avant la naissance de son premier enfant afin d'être la principale personne à s'occuper des enfants dans sa famille. Je m'appelle Cecilia Ziebart. J'ai travaillé comme opératrice des communications dans la police et comme régulatrice des interventions d'urgence pendant un certain nombre d'années également. J'ai changé de carrière à la naissance de mon premier enfant et j'ai renoncé à la totalité de mon revenu pour devenir la principale prestataire de soins dans notre famille.

Mme Sheila Formby (directrice, Westcoast Women for Family Life): Je m'appelle Sheila Formby. J'ai pratiqué la médecine pendant de nombreuses années—je suis connue sous le nom de Dre Pride dans ma profession—avant de changer de carrière pour devenir la principale prestataire de soins à mes enfants.

Nous avons toutes trois renoncé à une carrière bien rémunérée pour adopter une autre carrière importante, celle qui consiste à élever nos enfants, et pourtant nous n'avons ni revenu ni avantages fiscaux. Pour nous, travailler au sein de notre famille, nous occuper de nos bébés, de nos enfants d'âge préscolaire, de nos enfants d'âge scolaire et de nos jeunes adultes, est une véritable occupation. C'est un travail très valable et difficile. Peut-être nous oblige-t-il à renoncer à la plus grande partie ou à la totalité de notre revenu, mais cela ne diminue en rien la qualité des services de garde que nous fournissons ni leur valeur pour notre société.

Les parents qui travaillent à temps partiel pour pouvoir s'occuper eux-mêmes de leurs enfants font partie du groupe de familles que nous représentons. Ceux qui travaillent à temps partiel et ceux qui restent au foyer à plein temps constituent les deux tiers des familles au Canada. Nous cherchons donc à obtenir que l'on corrige ce que nos lois fiscales actuelles ont de discriminatoire et de préjudiciable sur le plan financier.

Mme Kathleen Higgins (présidente, Westcoast Women for Family Life): Dans une famille où les deux parents ont un revenu important, chacun peut gagner un maximum de 29 590 $—c'est-à-dire 59 180 $ conjointement—avant de dépasser la tranche d'imposition de 17 p. 100. Comparez cela avec la famille à un seul revenu, qui commence à payer un impôt de 26 p. 100 sur la part du revenu qui dépasse 29 590 $. Outre que cela place plus tôt cette famille dans une tranche d'imposition plus élevée, le revenu auquel l'un des deux conjoints a renoncé représente le coût réel de la garde d'enfants parentale.

• 1210

Un parent qui paie une autre personne pour garder ses enfants peut demander une déduction d'impôt. Je crois que cette déduction peut atteindre un maximum de 7 000 $ pour un enfant d'âge préscolaire—ce chiffre a d'ailleurs peut-être augmenté—et 5 000 $ pour un enfant qui fréquente l'école, tant qu'il n'a pas plus de 16 ans, à moins que cette personne ne soit le conjoint du parent, c'est-à-dire, l'autre parent de l'enfant, auquel cas, il n'y a pas de déduction. En revanche, pour toutes les autres formes de service de garde d'enfants, la délivrance d'un reçu, constitue un avantage fiscal important.

En refusant de reconnaître les frais entraînés par un certain type de garde d'enfants, et par conséquent la valeur de ce service, en comparaison de tous les autres types de garde, notre système fiscal pénalise injustement certaines familles uniquement pour le choix fait par elles.

La seconde injustice de notre système fiscal est que, quel que soit le revenu, les reçus de garde sont considérés comme une déduction, plutôt que comme un crédit d'impôt. Les déductions réduisent le revenu imposable, les crédits réduisent l'impôt payable. Les déductions constituent donc une prestation régressive puisque plus la tranche d'imposition de la personne qui demande la déduction est élevée, plus cette déduction est importante.

À titre d'exemple, une personne qui gagne 29 590 $ et se trouve dans la tranche d'imposition de 17 p. 100 n'économiserait que 850 $ d'impôt en présentant un reçu de 5 000 $. Quelqu'un qui gagne 70 000 $ par an et se trouve dans la tranche d'imposition de 29 p. 100 économiserait au moins 1 450 $ au titre de l'impôt fédéral. C'est donc la famille dont les besoins financiers sont moindres qui réalise la plus grande économie d'impôt.

Par contre, le gouvernement fédéral tient compte de la taille et du revenu de la famille—c'est-à-dire qu'il utilise le critère des moyens—lorsqu'il détermine le bénéficiaire de la prestation pour enfants, paiement mensuel effectué par l'État. Seules les familles qui satisfont au critère des moyens peuvent prétendre à ce paiement pour couvrir les frais de nourriture, d'habillement, d'éducation et de logement de leurs enfants. Il est clair que si tous les autres frais encourus lorsqu'on élève des enfants sont soumis au critère des moyens, il est injuste que seules les dépenses de garde par un tiers ne soient pas soumises à ce critère. Dans la pratique, les dispositions légales dans ce domaine sont plus favorables aux personnes qui ont un revenu élevé qu'aux autres.

Un troisième aspect du système fiscal canadien accroît encore l'inégalité de traitement dans le cas des familles qui assurent elles-mêmes la garde de leurs enfants. Le gouvernement fédéral fonde l'admissibilité à la prestation pour enfants sur le revenu imposable net. La déduction pour frais de garde d'enfants (ligne 214 sur le formulaire de déclaration d'impôt) n'est accordée qu'aux familles qui paient des tiers pour ces services, ce qui leur permet de réduire leur revenu imposable en conséquence. Donc, une famille à deux revenus dont le revenu global est plus élevé peut bénéficier d'une prestation pour enfants plus importante qu'une famille biparentale dont un seul conjoint a un revenu, dont le revenu global est inférieur, qui ne fait pas garder ses enfants par une personne de l'extérieur et qui ne peut donc revendiquer aucune déduction.

Il faut donc que les lois fiscales actuelles soient modifiées de manière à ce que toutes les familles qui ont des enfants à charge soient traitées de manière équitable, quel que soit leur revenu ou la formule de garde choisie pour leurs enfants.

Je tenais simplement à souligner le fait que, dans la plupart des cas, les familles biparentales à revenu unique ne sont pas des familles aisées. Nous avons consenti des sacrifices sur les plans financier et professionnel pour pouvoir nous occuper nous-mêmes de nos enfants. Nous continuons à le faire.

Pour réduire l'injuste discrimination existant dans le système fiscal, nous vous présentons trois recommandations. Celles-ci consistent notamment à verser directement plus d'argent aux familles. Contrairement à l'attitude paternaliste de certains travailleurs sociaux, qui ne pensent pas que les familles sauront utiliser cet argent à bon escient, nous pensons que les familles savent au contraire fort bien gérer leurs propres ressources. Donc, donner plus d'argent aux familles et les laisser faire leur choix, est une façon de reconnaître la force qui les habite.

• 1215

Première recommandation: permettre au conjoint qui a un revenu de payer un salaire au conjoint qui s'occupe des enfants, conformément aux taux en vigueur pour les professionnels de la garde d'enfants.

Verser un salaire pour rendre de tels services est juste car c'est accepter le principe selon lequel s'occuper des enfants est également un travail pour le parent qui en est chargé. Peut-être pourrons-nous alors faire un sort à la question insultante si souvent posée: «Oh, vous travaillez?» «Touchez-vous un salaire pour un travail hors de chez vous?» J'ai sept enfants de trois à seize ans, et je travaille. Je ne travaille pas 40 heures par semaine, je travaille parfois près de 24 heures par jour. Donc, qu'il y ait des gens qui disent que travailler chez soi, ce n'est pas vraiment travailler parce qu'il n'y a pas de chèque de paie, est insultant pour un grand nombre de mères au Canada. Sur le plan fiscal, une formule équitable de partage du revenu familial consisterait à calculer la partie réservée à la garde d'enfants en fonction des taux de salaire en vigueur des fournisseurs de services de garde.

Notre deuxième recommandation a trait à la création d'un crédit d'impôt. Au lieu de déduire les dépenses de garde d'enfants, remplacez cela par un crédit d'impôt. Cela permettrait aux familles ayant des enfants à charge de bénéficier du même avantage fiscal, quelle que soit leur tranche d'imposition, et cette disposition s'appliquerait également aux familles dans lesquelles un conjoint paie l'autre pour les services de garde qu'il fournit.

Autrefois, il y avait une exemption personnelle sur la formule de déclaration d'impôt. Il y a quelques années, on l'a transformée en crédit d'impôt de manière à ce que tout le monde bénéficie de cette exonération multipliée par 17 p. 100, le taux d'imposition le plus bas. Si nous faisions la même chose pour la déduction pour frais de garde d'enfants, cela permettrait de l'aligner sur toutes les autres frais que nous assumons pour nous occuper de nous-mêmes et de notre famille.

Notre troisième recommandation concerne l'admissibilité en fonction du revenu et de la taille de la famille. Il faudrait fonder l'admissibilité au crédit d'impôt proposé pour frais de garde d'enfants sur le revenu familial et sur le nombre d'enfants à charge, en utilisant les mêmes critères que ceux qui jouent actuellement pour les prestations pour enfants. Autrement dit, il faudrait traiter les coûts de garde d'enfants de la même manière que toutes les autres dépenses encourues lorsqu'on élève des enfants. Si tous les coûts dans ce domaine sont fondés sur les moyens, cela permettra de disposer de recettes fiscales plus importantes et d'aider ceux qui sont vraiment dans le besoin et dont beaucoup sont des parents célibataires.

Je voudrais maintenant critiquer brièvement le système de garde d'enfants universel que l'on propose depuis 20 ans. Le défaut de ce système est qu'il n'est pas gratuit. Il absorbe une part importante des recettes fiscales. D'autre part, les familles qui ne veulent pas faire appel à des tiers pour faire garder leurs enfants sont obligées de payer, par le biais de leurs impôts, pour obtenir un système universel qu'elles n'utiliseront jamais. Donc, le système de garde d'enfants est, par définition, injuste à l'égard des familles qui veulent s'occuper elles-mêmes de leurs enfants.

Nous considérons que si ces trois recommandations étaient retenues, elles contribueront à une distribution plus équitable des mesures fiscales à l'égard des familles qui ont des enfants à charge et feront reconnaître dans notre système fiscal l'importance de la tâche du conjoint qui assure la garde des enfants.

Le président: Avez-vous terminé votre exposé?

Mme Kathleen Higgins: Oui.

Le président: Merci beaucoup.

Je vous invite maintenant à mettre vos écouteurs pour entendre une traduction du français vers l'anglais.

Mme Sheila Formby: Je vais être obligée de m'absenter cinq minutes pour éviter d'attraper une contravention.

Le président: Merci.

Je demande...

[Français]

M. Cardin s'il veut bien commencer cette période de questions. Je vous accorde cinq minutes.

M. Serge Cardin: Je vous remercie de votre présentation. Madame Higgins, je voudrais vous rassurer. On reconnaît que les parents qui décident de rester à la maison accomplissent un travail important. C'est ce qu'on appelle du travail non rémunéré. Votre première recommandation stipule que nous devrions tenir compte de ce fait et vous nous proposez une méthode à cette fin. Si un travailleur partageait ses revenus avec une personne qui travaille à la maison, cela aurait-il le même effet que la déduction d'impôt sur le revenu que vous proposez?

• 1220

[Traduction]

Mme Kathleen Higgins: Je ne suis pas certaine d'avoir bien compris la traduction. Vous nous demandez si nous voulons limiter le partage des revenus en fonction des salaires en vigueur pour la garde d'enfants.

Si le gouvernement accepte de le faire, quel que soit le revenu du conjoint salarié, cela déclenchera de nombreuses objections car... J'ai entendu quelqu'un déclarer que si quelqu'un gagne 100 000 $ par an, le travail effectué par la personne qui demeure au foyer ne vaut pas 50 000 $ par an. À cela, nous répondons que vous n'auriez certainement pas d'objection à un fractionnement limité du revenu selon lequel le conjoint salarié paierait le conjoint qui garde les enfants au tarif en vigueur pour les professionnels.

Lorsque vous disiez que vous reconnaissiez la valeur du travail du parent au foyer, je vous répondrai au contraire que le gouvernement ne la reconnaît pas du tout, ne la respecte pas, sans quoi il ne pénaliserait pas les familles telles que les nôtres qui assurent elles-mêmes la garde de leurs enfants.

[Français]

M. Serge Cardin: Vous semblez proposer que le conjoint qui travaille à l'extérieur verse, par l'entremise de sa déclaration d'impôt, un salaire à la personne qui travaille à la maison.

[Traduction]

Mme Kathleen Higgins: Absolument.

[Français]

M. Serge Cardin: Aurait-il droit à une déduction lorsqu'il soumettrait son rapport d'impôt?

[Traduction]

Mme Kathleen Higgins: Sur la déclaration d'impôt du conjoint salarié cela apparaîtrait comme une déduction, mais ce ne serait pas une déduction du salaire familial parce que cela reviendrait simplement à transférer l'argent de la déclaration d'impôt du conjoint salarié à la déclaration d'impôt du conjoint qui assure la garde des enfants. Donc, au maximum, le taux d'imposition serait ramené de 26 p. 100 à 17 p. 100. Nous ne demandons pas de déduction; ce que nous demandons, c'est un fractionnement limité du revenu.

Je voudrais vous faire remarquer que lorsque les deux parents ont un salaire élevé—par exemple, lorsqu'ils gagnent tous deux 70 000 $ par an, cela représente un salaire familial global de 140 000 $—ces personnes peuvent gagner jusqu'à 119 180 $ avant de se retrouver dans la tranche d'imposition la plus élevée. Elles demeureront dans la tranche de 26 p. 100 tant qu'elles n'auront pas dépassé le salaire de 119 000 $. Nous jugeons donc tout à fait raisonnable d'autoriser un fractionnement limité du revenu dans le cas des familles à faible revenu, car dans cette situation, c'est vraiment crucial.

Le président: Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Je dois dire que je viens d'une région de notre pays où le taux moyen de chômage est d'environ 40 à 45 p. 100. Je n'ai donc pas l'habitude d'entendre parler de salaires de 118 000 $.

Mme Kathleen Higgins: C'est la même chose pour nous. J'explique simplement pourquoi les familles qui ont un revenu élevé ne devraient pas être plus favorisées que les autres par les dispositions du système fiscal, ce qui est actuellement le cas.

• 1225

Mme Michelle Dockrill: À la seconde page de votre mémoire, vous comparez la situation d'une famille à un seul revenu avec celle d'une famille où il y en a deux. Lorsque vous avez fait des recherches pour préparer cet exposé, avez-vous tenu compte du nombre de parents seuls dans notre pays qui sont des assistés provinciaux, ainsi que des effets que notre système fiscal a sur ces personnes?

Mme Kathleen Higgins: Oui, je voudrais en parler. Il est absolument tragique que notre système fiscal soit si généreux à l'égard des familles à revenu élevé vu la déduction et le système de garde d'enfants alors qu'il n'utilise pas le critère des moyens dans ce cas. Nous accordons donc des avantages fiscaux généreux à des familles qui n'en ont pas besoin. Du même coup, nous disposons de moins de recettes fiscales pour aider les familles monoparentales qui ont vraiment besoin d'aide.

Plus nous pourrons utiliser le critère des moyens, plus nous pourrons aider les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle, qu'il s'agisse de familles monoparentales ou biparentales, et mieux notre système fiscal fédéral s'en portera. C'est à cela que servent les impôts; ils sont là pour aider ceux qui ne peuvent pas s'en sortir tout seuls. Les personnes qui appartiennent aux tranches d'imposition les plus élevées peuvent très bien s'en sortir elles-mêmes, quelle que soit la politique fiscale en vigueur. Nous ne devrions cependant pas avoir un système fiscal qui les avantage, qui leur permet de faire une économie de 1 400 $ sur leurs impôts lorsqu'elles présentent leurs reçus de garde de jour, alors que cette économie n'est que de 850 $ pour la personne qui appartient à la tranche d'imposition la plus basse. C'est injuste.

Mme Michelle Dockrill: Je tiens à vous féliciter d'avoir réussi à rester chez vous pour vous occuper de vos enfants. Je crois que beaucoup de mères voudraient pouvoir faire ce choix. C'est ce que je voulais dire. Après avoir entendu de nombreux témoins au cours des deux dernières semaines, j'ai le sentiment qu'il n'y a pas autant de femmes en mesure de faire ce choix qu'on pourrait le souhaiter, du fait du manque d'emplois rémunérés de qualité.

Je crois que dans la dernière section de votre mémoire, vous mentionnez le fait qu'il est tout à fait juste que les services rendus soient rémunérés. Vous écrivez «C'est une façon de reconnaître que le parent qui s'occupe de ses enfants travaille». Que diriez-vous d'un parent qui conduit ses enfants à la garderie le matin et qui revient les chercher à 17 heures, mais que le reste de la garde de cet enfant est la responsabilité d'une personne qui travaille aussi huit heures par jour? Comprenez-vous ce que je veux dire? Si je travaille de 9 heures à 17 heures et si je dépose mon enfant dans une garderie avant de me rendre à mon travail, pour revenir le chercher à 17 heures, cela signifie que je dois m'en occuper le reste du temps.

Mme Kathleen Higgins: Eh bien, vous ne vous occupez pas de l'enfant 10 heures par jour, ou en tout cas pas pendant toute la période où cet enfant est gardé par quelqu'un d'autre. Le montant équivalant au salaire que vous payez à cette personne pour qu'elle s'en occupe pendant les 10 heures où vous gagner un salaire est tout ce que nous demandons. Nous voulons que l'on autorise le conjoint salarié à payer de la même manière quelqu'un qui se trouve apparenté à l'enfant.

Le président: Puis-je intervenir, Michelle?

Vous ne pouvez pas insinuer que, sous prétexte qu'elle a un emploi, une personne a moins de responsabilités à assumer chez elle à l'égard de ses enfants. Je suis sûr que les responsabilités sont les mêmes. Donc, comment pouvez-vous rémunérer une personne pour la simple raison qu'elle travaille, alors que vous ne le ferez pas pour une autre personne, sous prétexte qu'elle tire son revenu d'un travail extérieur? Pour moi, les responsabilités sont les mêmes. Donc, comment calculer la valeur de ce travail?

Mme Kathleen Higgins: C'est la même chose. Si un parent confie son enfant à une garderie et compte sur l'employé de cette garderie pour nourrir l'enfant, lui parler, lui apprendre toutes les choses que le parent leur apprendrait s'il était là pendant la journée, si donc quelqu'un paie une gardienne pour le faire, pourquoi notre système fiscal ne devrait-il pas reconnaître l'existence des huit ou dix heures de la journée pendant lesquelles les gens consacrent leurs moments les plus productifs à accomplir ces tâches? Pourquoi notre système fiscal ne devrait-il pas reconnaître ce genre de travail?

Dire que si vous payez quelqu'un d'autre pour s'occuper de vos enfants pendant dix heures par jour, vous avez autant de travail à faire... Si vous avez quelqu'un d'autre qui change les couches, qui nourrit l'enfant, qui lui apprend à marcher ou autre chose—après tout, l'enfant continue bien à exister pendant ces dix heures; on s'occupe de lui—que la personne qui s'occupe de cet enfant lui soit apparentée ou non. Pourquoi y a-t-il discrimination sur ce point?

• 1230

Le président: Voulez-vous intervenir? Je le ferai moi-même ensuite.

Mme Michelle Dockrill: Allez-y, car vous avez les mêmes préoccupations que celles que la lecture de ce document m'a inspirées.

Le président: Oui.

Mme Michelle Dockrill: Je reconnais certainement la nécessité—et j'en ai d'ailleurs discuté avec d'autres témoins—d'attribuer un prix au «travail non rémunéré au foyer». Un petit exemple permettrait peut-être de rendre les choses plus claires.

Mon mari gagne 15 000 $ par an. Ce n'est pas suffisant pour s'occuper d'une famille de quatre personnes. Je suis donc obligée de réintégrer le marché du travail, ce qui entraîne du même coup des dépenses de garde. Je ne suis donc pas d'accord avec... Pour moi, cela représente une dépense d'emploi, car si je ne travaille pas à l'extérieur, je n'ai pas à assumer cette dépense.

Mme Sheila Formby: Voulez-vous dire par là qu'être employé dans une garderie de jour est une activité inférieure à d'autres types de travail?

Mme Michelle Dockrill: Non.

Mme Sheila Formby: Voulez-vous dire qu'une telle personne n'est pas employée?

Mme Michelle Dockrill: Non.

Le président: Non, ce n'est pas du tout ce qu'elle dit. Laissez-la préciser ce qu'elle veut dire, je vous en prie.

Continuez, madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill: Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis c'est que si mon mari à un salaire minimal de 15 000 $—c'est un chiffre que je prends au hasard—et que nous ne sommes pas capables de nous occuper de nos enfants comme des parents devraient le faire à notre avis, je me trouve contrainte de réintégrer le marché du travail pour arrondir les fins de mois et pour être sûre que l'on s'occupe de nos enfants comme ils le méritent. Mais en réintégrant la population active je suis obligée d'assumer les frais de garde de jour de mon enfant. Il y a donc là un lien direct avec mon retour à la vie active.

Mme Kathleen Higgins: Pourtant, si votre déduction pour dépenses de garde d'enfants est fondée sur vos moyens et si votre salaire est peu élevé, vous aurez droit à la déduction complète en vertu de notre plan. En revanche, si vous réintégriez la population active et aviez un salaire élevé, vous auriez besoin d'une déduction moins importante au titre de la garde d'enfants. Si les dépenses de garde d'enfants sont si élevées qu'il n'est plus rentable pour vous de travailler, vous vous retrouverez à un niveau de revenu plus bas. Mais lorsque votre revenu atteint 60, 80 ou 100 000 $ et que cela vous place dans la tranche d'imposition la plus élevée, vous n'avez pas autant besoin de l'aide du gouvernement que lorsque vous êtes dans la tranche d'imposition inférieure. Puisque la prestation pour enfants est structurée de cette manière, pourquoi ne pas structurer la déduction pour frais de garde d'enfants de la même façon?

Mme Michelle Dockrill: Je vais revenir encore une fois à ce que je disais au sujet de la nécessité de reconnaître la valeur de ce que nous appelons actuellement un travail non rémunéré. Ce que je veux éviter c'est qu'on établisse un lien entre le travail non rémunéré et les frais que je dois assumer en réintégrant la population active. Si je reste chez moi, cette dépense n'a plus lieu d'être. Je deviens une mère au foyer et comme c'est précisément ce que je suis, j'estime que le travail que je fais chez moi doit être reconnu d'une façon ou d'une autre dans le système fiscal.

Mme Kathleen Higgins: Mais la dépense que représente la décision de s'occuper soi-même de ses enfants signifie précisément cela: le renoncement au second revenu. Nous ne demandons pas que le revenu que nous aurions grâce au système fiscal soit comparable à celui d'un avocat ou d'un médecin. Nous demandons simplement qu'il soit reconnu comme comparable à celui d'autres fournisseurs de soins aux enfants. Le choix que nous avons fait est légitime, et il devrait être reconnu comme tel dans notre système fiscal, ce qui n'est pas le cas. En fait, ce choix est pénalisé.

Mme Michelle Dockrill: Ce que je voulais dire... Je considère que la déduction pour garde d'enfants correspond à une dépense d'emploi.

Le président: Merci.

Monsieur Herron, vous avez la parole.

M. John Herron: Vous recommandez donc essentiellement l'adoption d'une formule limitée de partage des revenus.

Mme Kathleen Higgins: Ce n'est pas notre seule recommandation.

M. John Herron: Mais une des principales que vous...

Mme Kathleen Higgins: Une des trois.

M. John Herron: D'accord. Au lieu de la formule que vous recommandez selon laquelle un conjoint paie l'autre, ou, je suppose pour compléter cette formule de partage du revenu, avez-vous songé à un seuil à partir duquel il n'y aurait plus de partage du revenu?

• 1235

Mme Kathleen Higgins: À mon avis, cela dépendrait du nombre d'enfants et des salaires des fournisseurs de soins. Dans le cas d'une famille nombreuse, le paiement au conjoint qui s'occupe des enfants serait probablement plus élevé que dans une famille de deux enfants, de la même manière que si vous placez plus d'enfants dans une garderie, vous serez obligé de payer plus cher la personne qui s'en occupe. La limitation du partage du revenu serait donc automatiquement déterminée en fonction de la taille de la famille.

M. John Herron: D'accord. Donc, il est bien clair—je vais essayer de vous donner un peu plus de temps pour vous permettre de développer certains des arguments que vous avez présentés tout à l'heure—vous considérez que dans le système actuel la famille qui décide qu'un des deux conjoints restera au foyer est défavorisée par rapport à la famille à double revenu.

Autrement dit, vous estimez que le système d'imposition est directement discriminatoire à l'égard du choix que vous avez fait.

Mme Kathleen Higgins: Oui. Je pense aussi que le caractère régressif de la déduction pour frais de garde d'enfants—même si son remplacement par un crédit d'impôt n'avantagerait pas directement notre famille—est une source permanente d'injustice dans notre système fiscal et qu'il faut changer cela pour aider les personnes les plus nécessiteuses. Or, cette déduction favorise les personnes qui en ont le moins besoin, ce qui ne devrait pas être le cas.

M. John Herron: D'autre part, ce système ne tient pas compte du sacrifice que font certaines familles lorsqu'elles renoncent à un second revenu pour s'occuper de leurs enfants comme elles le désirent.

Mme Kathleen Higgins: C'est vrai. Dans toutes les discussions sur la garde d'enfants, on parle constamment de choix, mais on est aujourd'hui pénalisé lorsqu'on décide d'assurer la garde de ses enfants chez soi. Tout ce que nous demandons c'est un peu plus de justice. Peut-être un système parfait est-il impossible, mais nous réclamons plus de justice, en particulier pour les personnes qui se trouvent dans la tranche d'imposition la plus basse.

M. John Herron: Merci.

Le président: Je voudrais poursuivre un point. Avez-vous une petite question à poser?

Mme Michelle Dockrill: Une toute petite question.

Reprenez-moi si je me trompe. J'ai cru vous entendre dire que nous n'étiez pas partisan d'un programme de garde d'enfants universel. Étant donné que vous avez déclaré à plusieurs reprises, au cours des dernières minutes, que le système doit être structuré de manière à aider ceux qui ne peuvent pas s'en sortir seuls, pourquoi ne seriez-vous pas favorable à un programme national de garde d'enfants?

Mme Kathleen Higgins: En 1991, En Colombie-Britannique, j'étais membre du groupe d'étude sur la garde d'enfants établi par Caroline Graer, ministre de la Condition féminine à l'époque. Un autre membre de ce comité et moi-même avions écrit un rapport minoritaire. Je suis certaine que vous pourriez encore l'obtenir du gouvernement provincial.

Le problème que pose la garde de jour universelle, la garde d'enfants universelle, tient au fait que tout le monde doit la payer, qu'aucun critère des moyens n'est appliqué à ses utilisateurs, et que les personnes qui ne veulent pas que leurs enfants soient gardés par des tiers sont imposées comme les autres. Lorsque vous avez un système de garde d'enfants gratuit, financé par le gouvernement, la famille à revenu élevé qui place son enfant dans une garderie obtient une prestation qu'à mon avis, à notre époque de déficits et de recettes fiscales limitées, nous n'avons pas les moyens de lui offrir. Pour aider les familles qui en ont vraiment besoin, il faut que les recettes fiscales ou les fonds destinés à la garde d'enfants aillent en priorité aux personnes nécessiteuses. Il est impossible de le faire lorsqu'on a un système universel.

Un système universel financé par le gouvernement pose un autre problème. Il n'est pas souple. En Colombie-Britannique, il est actuellement illégal d'assurer la garde de plus de deux enfants sans permis du gouvernement. Au Manitoba, le maximum est de quatre enfants et presque partout ailleurs, c'est à peu près pareil. Donc, si vous réglementez exagérément la garde d'enfants, vous faites du seul type de service disponible—celui qui est financé par le gouvernement—le système le plus coûteux et le moins flexible.

• 1240

Si vous avez une garderie au coin de la rue, qui, pour fonctionner, a besoin d'accueillir un nombre suffisamment important d'enfants et qui est totalement financée par le gouvernement, au fur et à mesure que les enfants du voisinage grandiront, cette garderie ne pourra pas fonctionner de manière aussi souple que si l'argent était versé à la famille ou si celle-ci pouvait décider du genre de garde qui lui convenait. Selon nous, il est possible de s'assurer que l'argent aille surtout aux nécessiteux. Il n'est pas nécessaire de créer un grand système tel que le système scolaire et d'obliger tout le monde à l'utiliser, quel que soit leur niveau de revenu. Il n'est pas non plus nécessaire d'obliger tout le monde à payer, même si un ou deux tiers des familles ne veulent pas l'utiliser.

Mme Michelle Dockrill: Avez-vous des statistiques sur le nombre de familles à revenu élevé qui utiliseraient le système public de garde d'enfants au lieu de rechercher d'autres solutions?

Mme Kathleen Higgins: Eh bien, je peux vous dire que...

Mme Michelle Dockrill: Avez-vous des chiffres?

Mme Kathleen Higgins: Je crois que vous pourriez les obtenir de Statistique Canada. Nous ne les avons pas ici.

Je crois que par principe, il faut éviter d'établir un système totalement financé par l'impôt et dont tout le monde pourra profiter, quel que soit le revenu ou la formule de garde choisie.

Mme Michelle Dockrill: Ce que je veux éviter, c'est de lancer des hypothèses sans pouvoir les appuyer sur des chiffres. On nous dit un peu à la légère que les familles à revenu élevé utiliseraient le système public de garde d'enfants alors qu'en fait nous ne disposons d'aucun chiffre qui le confirme. C'était la seule raison pour laquelle je vous ai posé cette question.

Le président: Merci.

M. John Herron: Mais la personne qui a un revenu élevé participerait aussi au système d'enseignement public, et il est donc probable que...

Mme Michelle Dockrill: Mais probablement...

Le président: Il se peut que les personnes à revenu élevé envoient leurs enfants dans des écoles privées.

Mme Kathleen Higgins: J'en doute, monsieur. Je ne pense pas que vous puissiez le prouver.

Mme Michelle Dockrill: C'est exactement ce que vous venez de dire, John—le terme «probable». Et je ne voudrais pas...

Le président: Merci. Nous ne voulons pas déclencher un débat, en tout cas pas entre les membres de ce comité.

Reconnaissez-vous que si quelqu'un utilise sa voiture, par exemple, pour gagner ne partie de son revenu, les dépenses liées à l'utilisation du véhicule devraient être déduites de son revenu gagné?

Mme Kathleen Higgins: Un enfant n'est pas une voiture.

Le président: Pourriez-vous répondre à la première question? Êtes-vous prête à reconnaître que si quelqu'un utilise un véhicule pour son travail, il est normal de pouvoir déduire les frais d'utilisation de son revenu brut?

Mme Kathleen Higgins: Actuellement, seules les personnes qui ont leur propre entreprise peuvent le faire. Les gens qui voyagent dans le cadre de leur travail...

Le président: Non. Les vendeurs à commission le font aussi.

Mme Kathleen Higgins: Oui, mais pas les employés. Les employés ne peuvent pas le faire.

Le président: En effet. Mais si vous êtes un employé à commission, vous pouvez... Pourquoi ne voulez-vous pas répondre à ma question?

Mme Kathleen Higgins: Mais les frais encourus pour faire la navette entre chez vous et votre lieu de travail ne sont pas déductibles.

Le président: Non, mais si vous gagnez une commission, toutes les dépenses liées à l'utilisation de votre véhicule peuvent être déduites. Cela fait partie de notre système d'imposition progressif. Si vous êtes machiniste, par exemple, et si vous êtes obligé d'utiliser vos propres outils pour fournir des services mécaniques, vous pouvez déduire l'utilisation de ces outils de vos dépenses. Il y a toutes sortes de...

Mme Kathleen Higgins: Mais vous n'utilisez pas vos enfants pour assurer votre revenu.

Le président: Mais ce que je veux dire c'est que—et c'est ce que disait Mme Dockrill—lorsqu'une personne décide de prendre un emploi rémunéré et doit assumer des dépenses supplémentaires pour cela, il est normal de l'autoriser à déduire ses dépenses de son revenu. C'est tout ce que je voulais dire.

Mme Kathleen Higgins: Nous choisissons de renoncer à un revenu. Nous choisissons d'abandonner...

Le président: C'est un autre aspect du débat. Si vous acceptez le principe selon lequel, pour avoir un salaire, toutes les dépenses liées à ce revenu... Si je travaille à mon compte, par exemple, et que cela m'oblige à consommer plus d'électricité chez moi... Une partie du paiement des intérêts, une partie des frais d'électricité et de téléphone peuvent être déduits du revenu...

Mme Kathleen Higgins: En partie seulement.

Le président: Oui. C'est vrai. C'est ce que nous disons. Mais je crois que c'est là un principe équitable de notre système d'imposition.

Mme Kathleen Higgins: Lorsque vous remplissez votre déclaration d'impôt sur le revenu, l'exemption personnelle n'est pas traitée comme cela. C'est un crédit d'impôt, pas une déduction.

Le président: Que voulez-vous dire?

Mme Kathleen Higgins: Les 6 456 $ multipliés par 17 p. 100 que vous pouvez déduire vos impôts est un crédit d'impôt. Ce montant n'est pas déduit de votre revenu; il est déduit de vos impôts.

Le président: Je crois que sur ce point le comité reconnaît avec vous qu'il devrait s'agir d'un crédit d'impôt qui serait le même pour tout le monde. Je crois que c'est là votre seconde recommandation et que la plupart des gens serait d'accord avec elle.

• 1245

En ce qui concerne votre première recommandation, cependant, comment établiriez-vous la valeur... Comme vous l'avez vous-même mentionné, je tiens compte du fait que les besoins familiaux ne sont pas statiques; qu'ils évoluent de jour en jour. Lorsque vous avez votre premier enfant, vous avez certains besoins en matière de garde. Lorsque cet enfant entre à l'école élémentaire, il y a d'autres besoins, et lorsqu'il fait des études secondaires puis rentre à l'université, les besoins sont encore une fois différents. Comment faire pour évaluer tout cela? Selon vous, il suffit d'utiliser le salaire horaire le plus bas des garderies d'enfants. Comment calculer tout cela?

Mme Kathleen Higgins: En utilisant seulement les taux en vigueur sur le marché de la garde d'enfants.

Le président: Comment calculer le nombre d'heures?

Mme Kathleen Higgins: En fonction du temps que le parent salarié passe hors de chez lui, ou encore, le gouvernement pourrait fixer une limite aux heures habituelles de travail d'un gardien ou d'une gardienne d'enfants, qui sont de huit à dix heures par jour.

Le président: Reconnaissez-vous, à propos de ces huit ou dix heures, qu'il n'y a pas de différence, qu'une personne travaille à domicile ou à l'extérieur? Les mêmes services de base doivent toujours être fournis. Ou voulez-vous dire au contraire que la personne qui travaille à l'extérieur ne dispose pas du même nombre d'heures qu'elle aurait à consacrer à la garde de ses enfants?

Mme Kathleen Higgins: Les personnes qui travaillent à l'extérieur ont l'avantage d'avoir quelqu'un qui s'occupe de leur enfant ou de leurs enfants.

Le président: Je ne vois pas comment quelqu'un qui travaille à l'extérieur pourrait laver ou changer les couches, ou faire la lessive chez lui. Il y a certains besoins de base qui...

Mme Kathleen Higgins: C'est la personne qui garde l'enfant qui changera les couches. On ne va pas attendre que le parent rentre chez lui au bout de huit heures de travail pour le faire.

Le président: D'accord, mais les obligations: travail à domicile, vêtements, éducation, transport des enfants à l'aréna ou à la patinoire, tous ces besoins demeurent.

Mme Kathleen Higgins: Garder des enfants après l'école ne coûte pas aussi cher que la garde à plein temps. C'est la raison pour laquelle une déduction de 7 000 $ est accordée pour les enfants d'âge préscolaire, alors qu'elle n'est plus que de 5 000 $ lorsqu'ils vont à l'école.

M. John Herron: Je crois que c'est la raison pour laquelle elle recommandait huit à dix heures au lieu de 24 heures.

Le président: La question fondamentale est que, selon vous, le parent qui décide de rester au foyer pour s'occuper de ses enfants dispose de plus d'heures pour cela que la personne qui fait garder ses enfants à l'extérieur et décide d'aller travailler.

Mme Kathleen Higgins: Quelqu'un qui assure la garde à plein temps de ses enfants fait exactement le même travail que les employés de garderie pendant la journée; or, ces employés sont rémunérés.

Le président: Revenons à vos recommandations. Vous voulez que nous indemnisions les personnes qui restent au foyer et, selon un taux horaire que nous avons maintenant établi, vous nous ayez donné la formule. Ce que je voudrais savoir, c'est comment vous calculez le nombre d'heures pour lesquelles vous devriez les payer?

Mme Kathleen Higgins: Quel est le nombre d'heures habituelles de travail des employés de garderie?

Le président: Nous connaissons le taux. Qu'entendez-vous par heures?

Mme Kathleen Higgins: Le nombre d'heures passées dans une garderie. Habituellement, une garderie est ouverte de 8 heures à 18 heures, ou parfois, de 8 h 30 à 17 h 30. C'est au gouvernement qu'il appartiendrait de régler les détails. Nous vous donnons les idées et c'est à vous de prendre...

Le président: Supposons que nous puissions établir le nombre d'heures ainsi que le taux de rémunération. Je ne comprends pas, si je suis le conjoint A à qui l'on donne 3 000 $ pour...

Mme Kathleen Higgins: Il s'agit en fait maintenant de 2 600 $.

Le président: Peu importe le montant. Le conjoint B me délivre un reçu que j'utilise comme dépense sur ma déclaration d'impôt; il faudra cependant alors que mon conjoint déclare ce montant comme revenu.

Mme Kathleen Higgins: Exactement.

Le président: Où donc est l'avantage?

Mme Kathleen Higgins: Parce qu'il y a alors plus de chances que la famille paie 17 p. 100 d'impôt jusqu'à concurrence de 59 180 $, comme le font actuellement les familles à double revenu.

Le président: C'est là où vous vous trompez.

Mme Kathleen Higgins: Non.

Le président: Parce que dans votre déclaration préliminaire vous avez dit que chaque parent peut gagner un maximum de 29 500 $ avant de dépasser la tranche d'imposition de 17 p. 100.

Mme Kathleen Higgins: Exactement.

Le président: Et vous dites ensuite qu'au contraire, une famille à revenu unique paie 26 p. 100 d'impôt sur un revenu de plus de 29 000 $. Le seuil est de 29 590 $. C'est le même...

Mme Kathleen Higgins: Pas pour la famille.

Le président: ...pourcentage, peu importe ce que vous gagnez.

Mme Kathleen Higgins: Non. Le revenu conjoint d'une famille, soit 29 590 $ plus 29 590 $, est imposé au taux de 17 p. 100.

Le président: Proposez-vous donc que l'impôt soit fondé sur le revenu familial plutôt que sur le revenu individuel?

Mme Kathleen Higgins: Ce que je demande c'est qu'un conjoint puisse rémunérer l'autre lorsque celui-ci garde les enfants. Indirectement, le résultat sera que les familles qui assurent leur propre service de garde d'enfants demeureront dans la tranche d'imposition de 17 p. 100 presque aussi longtemps que les familles à double revenu peuvent le faire actuellement.

Le président: Je ne vois pas comment, puisque l'autre personne ne déduit que...

Mme Kathleen Higgins: Je crois que John Herron comprend.

Le président: Expliquez-le-moi alors, John, s'il vous plaît.

• 1250

M. John Herron: Je crois que cela a pour effet de diluer le revenu imposable de la même manière que cela se fait pour les familles à double revenu paient des services de garde.

Le président: John, si je suis le seul salarié de la famille, que je gagne 50 000 $ et que j'ai une déduction supplémentaire de 3 000 $ parce que c'est ma femme qui garde nos enfants, par exemple, comment cela...

Mme Kathleen Higgins: Vous ne...

Le président: ... c'est le chiffre que j'ai choisi. Prenez 10 000 $ si vous préférez, ça m'est égal. Comment cela ramène-t-il mon taux d'imposition de 26 000 $ à 17 000 $? Ce n'est que si je gagne pas plus de 29 951 $ que cela réduira mon taux d'imposition.

Mme Kathleen Higgins: Si vous payez le fournisseur de soins au tarif actuel des services de garde d'enfants, cela vous coûtera 10 $ de l'heure, ou au moins le salaire minimum de 7 $ de l'heure, au lieu d'un reçu de 3 ou 4 000 $ aux fins de l'impôt.

Le président: Je reprends le même exemple: si je gagne 50 000 $, ce qui est tout à fait possible pour un salarié unique, et si j'utilise un de vos chiffres, peu importe lequel, ce n'est que le montant de 29 951 $ qui est imposé à 17 p. 100.

Mme Kathleen Higgins: Oui, mais lorsque vous versez 26 000 $ de votre revenu à votre conjoint pour garder vos enfants, celle-ci paiera 17 p. 100 d'impôt jusqu'à concurrence de 29 590 $. Vous aussi payerez 17 p. 100 d'impôt sur vos premiers 29 590 $, et 26 p. 100 sur ce qui reste de la différence entre 29 000 $ et 50 000 $ moins les 26 000 $.

Le président: Nous sommes à court de temps. Notre prochaine séance commence en effet à 13 heures, et il faut que nous déjeunions, mais je ferai faire les recherches nécessaires, je ferai étudier les chiffres et nous verrons quelle sera la réponse.

Mme Kathleen Higgins: Je voudrais faire une dernière remarque. Si vous gagnez 50 000 $ par an, vous ne payez pas 26 p. 100 d'impôt sur le montant total.

Le président: Je le sais bien. Ce sont les premiers 29 950 $ qui sont imposés à 17 p. 100...

Mme Kathleen Higgins: Oui.

Le président: ...et le reste, 29 950 $ à 39 000 $, est imposé à 26 p. 100...

Mme Kathleen Higgins: Jusqu'à concurrence de 59 000 $. Donc, si vous pouvez utiliser une partie de ce qui reste entre 29 000 $ et 50 000 $ et le remettre à quelqu'un d'autre qui peut être imposé à 17 p. 100...

Le président: C'est cela le partage du revenu.

Mme Kathleen Higgins: Oui, et le partage limité du revenu est, indirectement, le résultat du paiement par le conjoint salarié, des services fournis par l'autre conjoint au titre de la garde d'enfants.

Le président: C'est votre point de vue. Certains autres témoins, aujourd'hui, étaient totalement opposés au partage du revenu. Je crois que, pour diverses raisons, ils étaient unanimes à rejeter cette formule. Mais je ne voudrais pas me lancer dans un débat à ce sujet.

Je vous remercie de vos trois recommandations. Nous les examinerons, nous les étudierons, nous verrons ce qu'en seront les conséquences. Nous avons exprimé certaines réserves. Vous nous avez également fait part de vos préoccupations, et je ne pense pas que la tâche soit facile à cause de la question soulevée par vous-même au sujet du calcul de la valeur des heures de garde, etc. La difficulté est donc de fixer un nombre d'heures et un taux de rémunération qui nous permettraient de déterminer cette valeur. Je ne suis cependant pas certain que vous puissiez le faire, car je suis fermement convaincu que certains vont continuer à soutenir que les personnes qui demeurent au foyer ne devraient pas être les seules bénéficiaires, car les personnes qui ont un emploi s'occupent elles aussi de leurs enfants. Il faudrait donc alors les payer elles aussi pour établir le régime de justice et d'équité que vous réclamez. Comme vous le voyez, tout le débat porte là-dessus.

Je vous laisse le mot de la fin.

Mme Kathleen Higgins: Comme l'écrivait l'auteur de l'éditorial du Globe and Mail:

    Il y a une compensation pour ces personnes: les salaires qu'elles gagnent et le régime fiscal plus favorable dont elles bénéficient du fait du second revenu familial et du fait que quelqu'un d'autre garde leurs enfants pendant qu'elles occupent un emploi rémunéré. Refuser de reconnaître les heures pendant lesquelles un parent fournit des services de garde d'enfants à domicile signifie que vous ne reconnaissez pas non plus la valeur des services donnés dans les familles où ces services ne sont pas rémunérés.

Le président: Ce n'est pas du tout ce que je dis. Ce que je dis c'est que tout cela est difficile à quantifier, un point c'est tout.

Mme Kathleen Higgins: N'abandonnez surtout pas la partie, faites un effort.

• 1255

Le président: Bien, merci beaucoup.

Mes chers collègues, la séance est levée et reprendra à 13 h 15. Il faudra que nos bagages soient enlevés de la salle avant 13 heures. Nous disposons de sept minutes pour le faire. Nous reviendrons ensuite.