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STFC Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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SUB-COMMITTEE ON TAX EQUITY FOR CANADIAN FAMILIES WITH DEPENDENT CHILDREN OF THE STANDING COMMITTEE ON FINANCE

SOUS-COMITÉ SUR L'ÉQUITÉ FISCALE POUR LES FAMILLES CANADIENNES AVEC DES ENFANTS À CHARGE DU COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 mai 1999

• 0903

[Traduction]

Le président (M. Nick Discepola (Vaudreuil—Soulanges, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Je déclare la séance ouverte.

En conformité avec la motion adoptée par le Comité permanent des finances le 17 mars 1999, le sous-comité reprend son étude de l'équité fiscale pour les familles canadiennes ayant des enfants à charge.

Nous siégeons aujourd'hui à Calgary. C'est la deuxième journée de nos audiences pancanadiennes. Hier, nous étions à Vancouver. Ce soir, nous partirons pour Toronto, Halifax et Montréal.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Ritchie, qui témoignera à titre personnel.

Il nous tarde d'entendre votre exposé, monsieur. Je vous demanderais de le faire en 10 minutes environ pour que les membres aient le temps de vous poser des questions.

Monsieur Ritchie, vous êtes le bienvenu.

M. Randy Ritchie (témoignage à titre personnel): Je vous souhaite à tous la bienvenue à Calgary. Je me réjouis de voir que vous vous préoccupez du bien-être des familles ayant des enfants à charge.

J'ai cru bon, au départ, de vous donner quelques renseignements sur ma situation particulière en tant que Canadien concerné. En d'autres mots, pour comprendre ce dont je veux vous parler, il faut comprendre ma famille.

Je m'appelle Randy Ritchie. J'ai 39 ans. J'ai un bac en commerce de l'Université de la Saskatchewan. Je travaille comme consultant dans l'industrie du recrutement de cadres.

Mon épouse, Diane, a travaillé à la Banque Royale pendant plusieurs années. Elle y est entrée dès la fin de ses études de niveau secondaire. Mariés depuis sept ans, nous avons deux enfants. Jusqu'en juillet dernier, nous étions un couple biactif utilisant des services de garde. Puis, Diane a quitté son emploi à la banque.

Jusqu'à l'an dernier, quand ma propre carrière s'est stabilisée, nous n'avions pas vraiment le choix. Nous ne pouvions nous permettre que Diane demeure à la maison avec les enfants. Maintenant, nous sommes devenus un couple monoactif.

Nous avions un merveilleux service de garde, mais nous avions la conviction intime que nos enfants souffraient de l'absence de parents à plein temps. C'est pourquoi nous avons décidé que Diane sacrifierait sa carrière, son revenu et son régime de retraite pour nos enfants. Après avoir travaillé pendant presque 20 ans, elle a remis sa démission.

Toutefois, nous sommes obligés de retirer 850 $ par mois du REER de mon épouse pour combler le manque à gagner. Nous ne vivons pas dans l'extravagance. Nous n'avons jamais pris de vacances exotiques. Nous avons une mini-fourgonnette de sept ans et une Thunderbird de neuf ans.

• 0905

Nous nous efforçons essentiellement d'offrir à nos enfants les petits luxes ordinaires de la classe moyenne, analogues à ceux que nos pères et mères nous ont offerts. Nos enfants jouent au hockey et au soccer, ils font de la natation, ils prennent des leçons de musique et, parfois, nous les emmenons assister à un match des Flames ou de baseball. Voilà pour le contexte.

Parmi les questions que je décris dans ma documentation, la première en est une qui touche selon moi tous les Canadiens, qu'ils aient une famille ou pas—les cotisations à l'assurance-emploi, incluses dans les recettes générales du gouvernement. De toute évidence, les cotisations versées à l'assurance-emploi sont donc une taxe.

À mon avis, les Canadiens en ont assez des discours trompeurs que leur servent les élus, qu'ils soient bloquistes, libéraux, néo- démocrates, conservateurs ou réformistes. Si vous venez chercher de l'argent dans nos poches, que ce soit pour le Régime de pensions du Canada, l'assurance-emploi ou les impôts, le résultat, c'est que nous en avons moins pour vivre. En bout de ligne, il n'y a qu'un seul contribuable.

Le gouvernement semble tromper les Canadiens depuis beaucoup trop longtemps en leur disant qu'il a réduit les impôts, alors qu'il augmente les cotisations au Régime de pensions du Canada et à l'assurance-emploi depuis des années. De plus, les cotisations versées à l'assurance-emploi vont dans les coffres du gouvernement.

On a demandé récemment aux hommes de loi de simplifier le libellé des contrats, et il faudrait que le gouvernement envisage de faire la même chose pour communiquer la politique fiscale aux Canadiens. Ne pas le faire est malhonnête. Je vous demanderais de mettre fin à cette méthode discrète de taxation.

Quand la paye nette que nous ramenons à la maison augmentera, vous pourrez vraiment parler d'une réduction des impôts. À nouveau, je reconnais qu'on a réduit les cotisations à l'assurance-emploi en 1999, mais celles du Régime de pensions du Canada continuent d'augmenter.

De nombreux groupes d'intérêt font des démarches pour obtenir une réduction des impôts, mais j'ai été particulièrement attristé, l'an dernier, de constater dans le budget que les familles ayant des enfants étaient imposées au même taux essentiellement que les familles sans enfant. Pendant 10 ans, j'ai vu mes amis ayant des enfants profiter d'allégements fiscaux pour les aider à les élever. Puis, vers 1993, c'est-à-dire l'année où mon fils est né, j'ai été éberlué de voir le gouvernement décider de traiter tous les contribuables, qu'ils aient des enfants ou non, sur le même pied presque.

Je vous le demande: en quoi cela est-il équitable et juste? Il est impossible que des couples mariés sans enfant aient autant si ce n'est plus de dépenses que les familles avec des enfants. C'est tout simplement impossible.

Aux hommes et femmes politiques et aux autres Canadiens qui seraient tentés de dire que j'ai choisi d'avoir des enfants, je rappelle que ce sont les enfants d'aujourd'hui qui cotiseront au Régime de pensions du Canada dans quelques années, quand ils commenceront à travailler. En somme, si les Canadiens sans enfant vont profiter du travail de mes enfants et des cotisations au Régime de pensions du Canada qui a tant besoin de fonds, ne faudrait-il pas en tenir compte lorsqu'on calcule les impôts d'un particulier, en ce sens qu'il fait un investissement pour le Canada? On consent des dégrèvements fiscaux à bien d'autres genres d'investissement au Canada. Pourquoi ne pourrait-on pas à tout le moins considérer les enfants comme un investissement très rudimentaire, je vous le consens?

Ce qui m'a vraiment irrité, durant l'année qui se termine, c'est que le gouvernement ait envisagé et envisage probablement encore la possibilité de consentir un dégrèvement fiscal aux équipes sportives dont le marché est restreint alors qu'il ne fait absolument rien pour la famille canadienne. Nul ne se rend-il compte que, si nous avions plus d'argent dans nos poches, nous pourrions assister à un match des Flames plus qu'une fois par année et sauver peut-être une équipe sportive professionnelle canadienne sans qu'il soit nécessaire de la subventionner?

Je suis un chaud partisan des sports. Je joue encore au hockey. J'aimerais que les Flames demeurent à Calgary. Toutefois, il faut établir ses priorités et agir avec gros bon sens. Il s'agit simplement d'une question de principe. Le traitement fiscal équitable des familles doit primer au Canada, avant les allégements envisagés et consentis aux riches propriétaires d'équipes sportives et aux athlètes professionnels.

Les propos tenus par le libéral Jim Peterson, ce printemps, au sujet des parents qui demeurent à la maison pour élever les enfants étaient encore plus déconcertants et décevants. Ses déclarations m'ont révélé à quel point le gouvernement était ignorant en la matière.

Comment le gouvernement peut-il justifier de consentir une réduction de 14 000 $ à une famille biactive qui gagne 70 000 $ par année tout en ignorant complètement les contributions sociales faites par une famille monoactive? Si le gouvernement peut additionner nos revenus pour calculer les prestations fiscales pour enfant et les prestations pour personnes âgées, pourquoi ne peut-il pas le faire pour calculer l'impôt sur le revenu familial?

À nouveau, le gouvernement a semblé berner la plupart des Canadiens par ses déclarations tentant de justifier les déductions consenties aux familles biactives. Les familles biactives méritent effectivement une pareille déduction pour des dépenses comme les frais de garde. Toutefois, là n'est pas la question. La question est la surtaxation de tous les Canadiens et le traitement fiscal inéquitable des familles ayant une seule source de revenu.

Il est assez décourageant de constater qu'il a fallu soulever ce dernier point aux Nations Unies pour que notre gouvernement envisage sérieusement la possibilité d'en faire l'étude. On ne peut qu'espérer que qu'il ne négligera pas davantage la question.

• 0910

Si nous admettons le fait que les enfants sont le meilleur investissement que nous puissions faire au Canada, il faut alors se demander, tout d'abord, quelle serait la manière la plus équitable ou la plus juste de le faire? Quelle serait la méthode la plus efficace ou la moins coûteuse? Qu'est-ce qui serait le plus efficace, qui entraînerait le moins de problèmes et qui serait le plus sensé?

En tant que Canadiens et politiciens, vous ne pouvez sûrement pas croire qu'il faudrait maintenir ou accroître le niveau de taxation pour que le gouvernement fédéral puisse offrir des programmes comme celui des garderies à 5 $ par jour au Québec. Cela ne fonctionne tout simplement pas. La qualité des services de garde est médiocre, et l'impôt payé par les Québécois est scandaleux. Tous les Canadiens ont besoin de plus de choix en vue de réduire leurs impôts. Moins de choix, en maintenant ou en accroissant les impôts pour payer des programmes gouvernementaux qui nous sont imposés, ne correspond pas à ce que je désire.

Heureusement, notre famille jouit d'une certaine souplesse, sur le plan pécuniaire, qui lui permet de choisir de dépenser ses propres ressources budgétaires à maintenir un train de vie modeste de famille monoactive. Nous sommes loin de vivre les difficultés financières qu'éprouvent de nombreuses autres familles canadiennes. Toutefois, quand il faut qu'une famille retire de l'argent d'un REER pour maintenir un mode de vie canadien ordinaire, comment peut-on parler de traitement fiscal équitable? Ne vous inquiétez pas si les familles à un seul revenu disposent de plus d'argent; il sera réinjecté dans l'économie pour l'acquisition de biens et de services dont elles ont bien besoin, selon les choix qu'elles ont fait.

Je vous demande de sonder votre conscience et d'agir de manière simple, directe et juste. Soutenez les familles qui ont besoin de deux revenus, mais cessez de pénaliser les familles à un seul revenu en adoptant des lois fiscales discriminatoires. Reconnaissez les sacrifices que font les familles canadiennes à un seul revenu pour leurs enfants et pour le Canada. Je vous encourage à donner aux familles à un seul revenu une réduction d'impôt et à leur offrir un scénario financier équitable pour élever des enfants.

Je vous remercie beaucoup de m'avoir permis de vous adresser la parole, ce matin.

Le président: Monsieur Ritchie, je vous remercie beaucoup.

Chers collègues, je vous demanderais de limiter vos questions à six minutes.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Réf.): Merci, monsieur le président.

À vous écouter, à entendre votre thème général, soit que les impôts personnels sont trop élevés, je crois réentendre mes propres discours à la Chambre des communes.

Vous avez parlé entre autres de l'écart, en droit fiscal, entre une unité économique familiale à deux revenus et une unité économique familiale à revenu simple. Les écarts fiscaux découlent du système d'impôt progressif et n'ont rien à voir avec les prestations pour enfants.

Ainsi, il y a une différence entre un couple à deux revenus et un couple à un seul revenu, tous deux sans enfants. Les écarts les plus importants sont dus à notre système d'impôt progressif, écarts qui ne peuvent être comblés qu'au moyen d'un impôt uniforme et d'une approche fondamentalement différente.

Il est intéressant de voir que vous avez fait le choix économique et social de laisser un des parents à la maison pour élever les enfants, quitte à renoncer à une source de revenu. Avez-vous examiné le formulaire d'impôt sur le revenu que vous avez rempli ce mois-ci pour voir comment on pourrait faire des rajustements pour reconnaître la valeur sociale, pourrait-on dire, du parent qui demeure à la maison, sans égard aux iniquités que j'ai mentionnées entre la famille à un seul revenu et celle qui en a deux?

Avez-vous examiné les divers points, pourrait-on dire, qui sont prévus sur le formulaire en rapport avec les enfants, par exemple la prestation fiscale pour enfants, la déduction des frais de garde et ainsi de suite? Comment pourrait-on modifier le formulaire pour au moins atténuer l'impact que vous nous avez décrit?

• 0915

M. Randy Ritchie: Je ne sais pas si j'ai des recommandations à vous faire en rapport direct avec la structure fiscale. Le point que j'essayais de faire valoir en vous donnant ces renseignements, c'est qu'on nous demande d'épargner en vue de notre retraite à mesure que nous vieillissons et que nous contribuons donc à un REER. Le taux marginal d'imposition le plus élevé s'applique dès que le revenu annuel atteint 60 000 $ environ. Il me semble que quelque part, dans cette fourchette de revenu, quand on épargne pour sa retraite...

Je crois que le taux est de 13 p. 100. On peut donc ajouter un autre taux de 13 p. 100, ce qui donne approximativement 7 000 ou 8 000 $. Cela fait en tout 68 000 $ environ.

Si vous déduisez à nouveau le montant, dans la fourchette de 75 000 à 80 000 $, il faudrait tenir compte de ceux qui ont un revenu familial inférieur et dont l'un des deux époux demeure à la maison.

À ce stade-là, nous épargnons pour la retraite en économisant le taux de 13 p. 100. Il y a un certain avantage. J'ignore si c'est une pleine déduction de 14 000 $. Je ne suis pas un expert de la fiscalité, de sorte que je puis pas vous donner un taux d'imposition uniforme. Cependant, ceux qui gagnent moins que ce montant... Vous nous demandez d'économiser pour notre retraite, d'élever des enfants et de faire plein de choses.

M. Paul Forseth: Je peux peut-être vous interrompre ici et vous demander simplement si, dans votre ménage, quand est venu le temps de prendre cette décision, vous avez calculé avec soin le coût de chaque option, de la mère qui continue de travailler et la prise d'autres arrangements, si vous avez examiné les chiffres? Était-ce davantage une décision de principe, de ce que vous estimiez être bon pour votre enfant, selon votre conception sociale de la vie?

J'essaie de voir quels ont été les facteurs déterminants de votre décision.

M. Randy Ritchie: Compte tenu de la course folle à laquelle nous devions nous livrer tous les matins—laisser les enfants à la garderie et tout le reste—, quand nous avons calculé ce que nous obtenions en retour, après la déduction, ce mode de vie n'avait plus aucun sens pour nous. Maintenant que ma carrière s'est stabilisée et que j'ai un avenir professionnel, nous avons jugé qu'il n'était pas rentable de continuer ainsi pour les quelques dollars de plus que cela nous rapportait. C'était la décision la plus sensée pour tous, y compris pour mon épouse et mes enfants.

C'est le niveau de stress subi par la famille qui nous a fait prendre cette décision, du moins pour les quatre ou cinq prochaines années, jusqu'à ce que les enfants aient vieilli et qu'ils soient plus autonomes. Je suppose que nous jugeons qu'ainsi, ils seront mieux élevés et mieux formés pour la vie.

M. Paul Forseth: Je vous remercie.

Je n'ai plus de question.

Le président: Monsieur Forseth, je vous remercie.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin (Sherbrooke, BQ): Monsieur Ritchie, bonjour. Permettez-moi de vous féliciter pour votre participation à ces audiences. Vous venez de dire que vous avez fait un choix basé sur des valeurs humaines et des valeurs parentales. C'est aussi une décision économique parce qu'il ne valait pas la peine de dépenser toutes cette énergie pour cette qualité de vie que vous pouviez atteindre pour quelques dollars de plus.

Dans vos recommandations, vous demandez, dans un premier temps, une diminution des impôts globale pour l'ensemble des Canadiens et des Canadiennes, qu'ils soient mariés ou non, qu'ils aient des enfants ou non. Cette demande est légitime. Mon collègue a aussi mentionné cela dans ses discours, je crois; il le répète souvent.

Vous faites une deuxième recommandation au niveau de l'aide à la famille. Lorsqu'un des conjoints décide de rester à la maison, c'est un choix. Les gens aimeraient que le gouvernement prenne ce choix en considération parce qu'à mon avis, le parent contribue mieux à l'éducation de l'enfant que ne peuvent le faire les garderie ou d'autres personnes.

Pour regrouper tout cela au niveau fiscal, est-ce que, selon vous, le gouvernement—ce sont des recommandations qui nous ont été faites, des choix possibles à faire—devrait porter les exemptions de base pour enfants au même niveau que celles pour adultes?

• 0920

Au fédéral, ce serait environ 6 450 $ par année. Cette exemption supplémentaire contribuerait automatiquement à alléger le fardeau fiscal des familles et permettrait, avec le temps, de rendre possibles certaines économies pour les études des enfants. On nous a fait cette suggestion hier; je ne sais pas ce que vous en pensez.

[Traduction]

M. Randy Ritchie: Je n'ai pas vu la recommandation.

Vous savez, il y a bien des façons de le faire. Je sais qu'on a fait des démarches en vue d'inclure la déduction maximale de 14 000 $ pour des frais de garde pour les familles à double revenu ou les familles à simple revenu. J'ignore si c'est équitable ou pas. Je ne peux pas le dire, parce que je ne suis pas un expert de la fiscalité, mais rien n'est injuste, assurément. Qu'il n'y ait rien ou qu'on puisse déduire 14 000 $, il doit y avoir quelque part un juste milieu qui reconnaît que cela comporte des avantages.

Je n'ai pas vu l'information hier. Je suppose qu'elle a dû être fournie à Vancouver.

[Français]

M. Serge Cardin: Effectivement, c'est une recommandation qui a été faite; c'est un calcul. Il est évident que cela implique un coût au niveau des recettes du gouvernement. On n'en connaît pas l'ampleur. Monsieur Szabo, j'imagine que vous n'avez pas évalué cela hier soir, mais cela représente probablement plusieurs milliards de dollars. Quoi qu'il en soit, je m'aperçois que, de plus en plus, les gens veulent avoir le choix et être soutenus dans leur choix sans qu'il ne leur soit dicté par le gouvernement. Donc, le gouvernement doit laisser les gens libres de choisir d'être à la maison pour élever leurs enfants ou d'être sur le marché du travail et d'avoir accès à des garderies. La volonté des gens est que la famille soit l'une des priorités du gouvernement.

Le président: Pour votre information, monsieur Cardin, le Globe and Mail a publié hier un tableau qui indiquait qu'il en coûterait 7 milliards de dollars pour donner 1 000 $ de crédit par enfant.

M. Serge Cardin: Cela veut dire que toutes les avenues sont possibles avec la marge de manoeuvre du gouvernement. Il s'agit de faire des choix.

Le président: Merci.

[Traduction]

Madame Dockrill.

Mme Michelle Dockrill (Bras d'Or—Cape Breton, NPD): Non, monsieur le président.

Le président: Monsieur Herron.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Je n'ai pas eu le privilège d'entendre votre exposé. Je suis désolé, mais il fallait que je prenne un appel. Je viens tout juste de feuilleter votre mémoire.

Je me demande si vous pouvez me donner votre impression d'un débat qui commence à prendre de l'ampleur au sujet de la division des revenus. D'après certains groupes, c'est la mesure manifestement la plus équitable, alors que d'autres l'ont opposée avec véhémence.

M. Randy Ritchie: À nouveau, je dirais qu'il est difficile de juger de la meilleure méthode. Je ne suis pas un expert du domaine, bien que j'aie un baccalauréat en commerce spécialisé en comptabilité. Je comprends donc les grands principes.

La façon dont on fonctionne actuellement, je crois que tout ce qu'on accomplit, c'est de stresser les familles. Elles cherchent des moyens de s'en tirer. Elles cherchent des moyens de réduire leurs impôts. Elles examinent les moyens de faire des économies, de parvenir aux fins qu'elles jugent importantes, quitte à s'y prendre par d'autres moyens étranges. Selon moi, elles ne devraient pas avoir à faire cela. Cela ne devrait pas être nécessaire. Il faut qu'il y ait un moyen simple de régler cette question.

Pour en revenir à ce que vous avez dit, divisons-nous nos revenus? Je ne sais pas. Je ne le sais vraiment pas. Je suppose qu'on pourrait le faire, mais vous en décevrez probablement quelques-uns, et cela en mettra probablement d'autres en colère.

• 0925

Il importe de reconnaître que, pour certains, les avantages que procurent deux revenus sont essentiels, qu'il leur faut deux revenus. Il faut le reconnaître. Toutefois, quelle valeur accorder aux familles à simple revenu?

Comme vous dites, nous pouvons combiner les deux revenus pour déterminer la prestation fiscale pour enfants. Nous pouvons combiner les deux revenus pour les personnes âgées afin de déterminer la prestation aux aînés. Pourquoi ne pas combiner le revenu d'une famille et avoir un taux d'imposition et une méthode qui soit conçue pour cette réalité?

Spontanément, c'est le genre de choses que je proposerais. C'est facile, c'est simple: un taux d'imposition familial. De plus, cela incite la famille à rester unie, ce que j'estime important au Canada.

M. John Herron: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Herron.

Madame Redman, s'il vous plaît.

Mme Karen Redman (Kitchener-Centre, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Ritchie, je vous remercie beaucoup d'être venu nous exposer votre point de vue. Votre intervention a suscité quelques questions dans mon esprit. C'est bien de pouvoir dialoguer avec un Canadien ordinaire.

Vous avez parlé d'une solution simple. À vrai dire, c'est notre problème: il n'existe pas de solution simple. Le visage de la famille canadienne, que cela nous plaise ou non, traverse une période de changement profond. Je sais que vous nous apportez votre propre perspective, et je l'apprécie, mais il faut que vous compreniez également que nous, législateurs, devons présenter un projet qui englobe toutes les familles.

Personnellement, je pense qu'il faut éviter l'ingénierie sociale. Vous avez évoqué le cas d'une famille de deux parents avec un revenu, mais un sixième de toutes les familles canadiennes sont monoparentales et le chef de cette famille n'a pas le choix d'aller travailler ou non. Quels que soient les changements que nous apporterons à la loi, nous devons essayer de tenir compte de toutes les préoccupations.

D'après ce que vous avez dit, il me semble que vous vous interrogez sur la possibilité d'être traité comme une entité familiale avec, peut-être, un partage du revenu. Cela atténuerait-il certaines de vos inquiétudes?

M. Randy Ritchie: Je ne sais pas ce qu'il en est au sujet du partage du revenu. Encore une fois, on peut faire ces calculs, la prestation fiscale pour enfants et le revenu combiné, la prestation pour aînés et le revenu combiné. Pourquoi ne pas calculer un revenu combiné pour une famille? Si l'on fait ces calculs dans le cadre de certains programmes offerts à la population, pourquoi ne pas le faire dans le cadre du régime fiscal?

Je ne sais pas comment vous définissez le partage du revenu ou comment procéder à un tel calcul. Dans le contexte du régime fiscal actuel, j'imagine que cela serait considéré comme un partage du revenu, mais j'estime qu'il serait valable de promouvoir un régime fiscal à l'intention des familles, ces dernières étant considérées comme une entité de revenu unique. Cela apporterait un aspect social.

Je ne suis pas un expert en la matière. C'est simplement ma conviction personnelle.

Mme Karen Redman: D'autres témoins ont préconisé l'étalement du revenu. Ainsi, dans le cas de votre femme, qui a quitté le marché du travail, au lieu de payer la totalité de ses impôts en un an, sa charge fiscale serait étalée sur plusieurs années. Auparavant, je pense qu'on envisageait un étalement du revenu sur un créneau de cinq ans. Je me demande si vous avez déjà réfléchi à cette possibilité.

M. Randy Ritchie: Il est intéressant que vous mentionniez cela. Lorsque j'ai terminé mes études universitaires en 1982, en tant que nouveau salarié, j'ai raté de deux ans, je crois, la prestation d'étalement du revenu. Par conséquent, une fois que j'ai commencé à toucher mon salaire, il n'y avait aucun avantage lié à cela. Je sais que c'est une chose qui existait auparavant au Canada.

Ce pourrait être une option, mais à mon avis, cela complique encore les choses. Vous le savez, on remonte à cinq ans. C'est possible, mais je dirais, d'entrée de jeu, que ce ne serait pas mon premier choix.

Mme Karen Redman: Dans votre mémoire, vous faites allusion au Québec. Vous dites que le système en vigueur au Québec a donné lieu à de piètres services de garde pour enfants et à des impôts scandaleux. Je voudrais savoir sur quoi vous vous basez pour dire cela.

Sur quoi fondez-vous cette affirmation?

M. Randy Ritchie: Il y a trois ou quatre mois, j'ai vu un documentaire, présenté à Radio-Canada, qui montrait clairement que les garderies sont surpeuplées et qu'il y a une longue liste d'attente pour y accéder.

C'est une très bonne idée. Lorsque ma femme et moi-même travaillions tous les deux, il y a quatre ans, nous avons entendu le gouvernement annoncer un programme de services de garde. Nous nous sommes réjouis en nous disant qu'enfin notre situation allait être reconnue. Mais au fil des ans, alors que même que nos enfants ont accédé à ces services—et la dame qui dirigeait notre garderie, et qui faisait de l'excellent travail, pourrait le confirmer—nous avons acquis la conviction que nos enfants avaient besoin de leurs parents à temps plein.

Vous voulez savoir sur quoi je fonde cette affirmation? Sur ma propre situation et sur ce que je lis. Je lis beaucoup. J'aime bien lire The Globe, prendre connaissance de tout un éventail d'articles. J'aime bien me tenir au courant de ce qui se passe au Canada. Je m'intéresse particulièrement à la situation au Québec et au programme de services de garde.

• 0930

Plus précisément, un documentaire de Radio-Canada diffusé au printemps cette année a montré clairement qu'il existait certains problèmes liés à ce programme. Malheureusement, nous savons tous que le Québec a le taux d'imposition le plus élevé, ce qui n'est pas sans m'inquiéter. Je ne veux pas que le gouvernement mette en oeuvre à l'échelle du Canada un programme qui ferait grimper nos impôts.

Mme Karen Redman: Vous avez dit tout à l'heure qu'il fallait traiter la cellule familiale comme une entité unique en ce qui a trait à la prestation pour aînés. Nous n'avons pas encore apporté de réforme pour ce qui est de la prestation pour aînés; nous avons toujours la Sécurité de la vieillesse et le Supplément du revenu garanti.

Encore une fois, une des choses qui me préoccupe personnellement, c'est que l'Association canadienne des individus retraités et bien d'autres groupes représentant des personnes âgées qui sont très au fait de ce dossier ont pris position au sujet des ramifications des changements proposés. En tant que gouvernement, nous avons constaté que la situation financière s'améliorait et que nous n'avions pas besoin d'intervenir dans ce dossier, mais ces changements auraient aidé les personnes seules, qui sont généralement des femmes âgées vivant au seuil de la pauvreté.

Vous avez durement attaqué le Régime de pensions du Canada, ainsi que les initiatives et les changements du gouvernement à cet égard. Pourtant, c'est un régime sur lequel tous les Canadiens doivent pouvoir compter. Vous avez mentionné le fait que vous retiriez 850 $ par mois de votre REER, mais pour ce qui est du RPC, nous avons apporté ces changements pour que les personnes qui ne peuvent même pas se permettre d'investir dans un REER puissent à tout le moins avoir un revenu de remplacement lorsqu'ils prennent de l'âge et cessent de travailler.

Les changements en question ont été apportés pour faire en sorte d'amener le régime à s'autofinancer. Ce n'est pas encore le cas, mais il sera autosuffisant pour vos enfants et vos petits- enfants.

Avez-vous pris en compte toute l'équation dans le dossier du RPC, y compris certains changements législatifs que nous avons apportés?

M. Randy Ritchie: Oui, je le pense, et c'est pourquoi j'ai fait ce commentaire. Je sais que le RPC est sous-financé. Nous savons qu'il y a un déficit. Les citoyens canadiens doivent être productifs pour pouvoir contribuer à ce programme. Plus ils seront productifs, mieux la population en général s'en portera.

Si l'on considère cela dans une perspective économique ou d'investissement, si nos enfants vont faire cela, pourquoi ne pas le reconnaître? Nous avons toutes sortes de scénarios d'abris fiscaux.

Encore une fois, pour ce qui est de la prestation aux aînés, je peux vous dire spontanément qu'Alberta, je suis convaincu que si une personne âgée a un revenu X, le gouvernement commence à rogner ses prestations. Pour ce qui est des personnes âgées, le gouvernement considère que ce sont deux sources de revenu séparées, au total.

À mon avis, c'est un précédent dangereux. J'ai entendu dire que certaines personnes âgées divorcent afin de recevoir davantage d'argent. En effet, en tant que personnes seules, elles ne seront pas assujetties au calcul du revenu combiné. Quant à savoir si c'est vrai ou non, je n'en sais rien. C'est une tierce partie qui m'a dit cela, mais cette possibilité existe.

Mme Karen Redman: Le fait est que la prestation est réduite, mais selon le niveau de revenu. Je peux vous dire que cela vise surtout les personnes âgées ayant un revenu élevé. La fourchette va de 54 000 $ à 79 000 $, ce qui signifie que cela vise bon nombre de personnes âgées bien nanties. En effet, il y a énormément de personnes âgées dont le revenu annuel est inférieur à cela.

Mon temps de parole est-il écoulé, monsieur le président?

Le président: Il est écoulé, mais nous serons généreux étant donné que vous n'étiez pas là hier.

Mme Karen Redman: Merci beaucoup.

J'apprécie les faits que vous avez énoncés dans votre proposition. Étant donné que dans ma perspective, il n'existe pas de réponse simple, s'il y avait trois choses que nous pouvions faire pour améliorer le sort des familles monoparentales, quelles seraient-elles, à votre avis?

M. Randy Ritchie: Il faudrait, d'une façon ou d'une autre, leur fournir des services de garde. Ces personnes sont obligées de travailler. Il devrait y avoir un moyen de les indemniser et de reconnaître le fait qu'elles sont chefs de familles monoparentales. Nous devons les appuyer. Si nous ne le faisons pas, en bout de piste, elles-mêmes ou leurs enfants deviendront des fardeaux pour la société. Il faut le reconnaître.

• 0935

Que faire? Je sais qu'ici, en Alberta, quiconque gagne moins de 20 000 $ n'est pas tenu de payer des impôts. Si ce n'est pas le cas maintenant, ce le sera sous peu, de toute façon.

En fait, c'est toujours une question d'argent, d'économie. D'une façon ou d'une autre, il faut aider ces personnes.

Je n'ai pas réfléchi aux moyens précis qu'il faudrait prendre, à savoir s'il convient que l'Etat paie leurs services de garde ou s'abstienne de leur faire payer des impôts. Je n'ai pas de réponse. Nous avons deux enfants, de sorte qu'il y a quatre personnes dans notre famille.

À mon avis, il est important que ces personnes soient reconnues. Chose certaine, toute intervention ne devrait pas être à leurs dépens pour améliorer la situation d'autres citoyens. Manifestement, ces personnes sont plus importantes que nous, et je le reconnais.

Mme Karen Redman: Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Redman.

Monsieur Ritchie, j'aimerais apporter une précision. Comme vous l'avez dit à juste titre, les revenus de l'assurance-emploi constituent le fond du revenu consolidé général. C'est à la suite d'une directive du Vérificateur général du Canada, en 1986, que tous les gouvernements ont été tenus de faire état de ce passif. Jusqu'alors, l'assurance-emploi était financée par les contribuables canadiens et affichait un déficit.

Ce n'est donc pas que les politiciens essaient de tromper qui que ce soit; c'est simplement une façon adéquate de faire rapport. Je crois savoir que sur 11 des 17 dernières années, la caisse de l'assurance-emploi a affiché un déficit. Le Vérificateur général a estimé qu'il était préférable que cela soit inclus dans les états financiers du pays afin qu'ils soient plus fidèles. C'est pour cette raison que ce changement a été apporté.

J'aimerais poser une question dans la même veine de celle de Mme Redman. En tant que pays, nous souhaitons donner aux familles et aux particuliers des choix—par exemple, le choix pour un parent de retourner sur le marché du travail ou de rester à la maison. Quelles mesures recommanderiez-vous pour rendre ces choix plus faciles? Vous-même et d'autres témoins que nous avons entendus sont d'avis...

Je ne veux pas aborder l'angle fiscal. Si nous réduisions les impôts ou si personne ne devait en payer, il va de soi que nous aurions le meilleur des mondes.

Si nous voulons assouplir le système pour les familles et leur faciliter un choix personnel, que devrait faire à votre avis le comité pour les aider à faire ce choix selon leurs besoins?

M. Randy Ritchie: Je pense qu'il faut faire une étude et voir ce qui est juste. Il faut voir ce dont a besoin une famille pour élever ses enfants. Il ne faut pas qu'elle soit confrontée à des tas de problèmes. L'idéal serait de lui permettre d'avoir quelques petits avantages, comme je l'ai mentionné dans mon mémoire. À mon avis, les familles dont le revenu dépasse 100 000 $ par an n'ont pas besoin des mêmes allégements fiscaux. D'ailleurs, je ne pense pas qu'elles en aient besoin du tout.

Il me semble que pour les familles dont le revenu combiné se situe entre 40 000 $ et 80 000 $, c'est un choix difficile à faire. Bien des gens n'ont pas le choix. Il faut que les deux conjoints travaillent.

Je pense qu'on verrait davantage de familles avec un seul conjoint sur le marché du travail si cela présentait un léger avantage. Par exemple, s'ils pouvaient calculer qu'en faisant ceci ou cela, ils ne perdraient que 400 $ ou 500 $ et qu'ils pourraient se débrouiller avec cela. Maintenant, avec le régime actuel, les gens sont à court de 850 $ à 1 000 $ par mois et il est difficile de choisir de rester à la maison si l'on veut maintenir sa qualité de vie et ne pas léser sa famille.

Qu'est-ce que je ferais? Je pense que le chiffre magique se situe autour de 75 000 $. Encore là, je ne suis pas un expert mais il faut que le gouvernement intervienne et reconnaissance la valeur de la contribution des personnes dont le revenu familial total se situe entre 40 000 $ et 75 000 $.

• 0940

Le président: Pour ce qui est des mesures que vous proposez, viseraient-elles le dispensateur de soins, l'enfant ou la famille?

M. Randy Ritchie: Je pense que cet avantage devrait être conféré à la famille. Je sais que nous ne sommes pas censés discuter des aspects sociaux, mais à mon avis, cela apporte des avantages connexes. Il faut s'en tenir aux enfants et au régime fiscal, mais si nous intervenons de façon à inciter les gens à penser famille...

Lorsqu'on parle de familles monoparentales dans notre société, malheureusement, on parle le plus souvent d'une jeune fille ou d'une jeune femme qui doit élever toute seule sa famille. Si un taux d'imposition familial était en place—je ne sais pas, je ne suis pas un expert—peut-être que les mâles ou les hommes ne seraient pas aussi pressés de partir.

Si le gouvernement veut intervenir, je pense qu'il importe qu'il adhère à une perspective familiale.

Le président: Merci.

Collègues, en votre nom, je remercie M. Ritchie de nous avoir communiqué sa vision des choses.

Nous vous remercions beaucoup et nous sommes impatients de présenter notre rapport au Comité des finances à l'automne. Si vous avez d'autres suggestions, sentez-vous bien libre d'écrire à la greffière du comité. Le comité plénier entendra des témoins de nouveau à l'automne au sujet des recommandations budgétaires et vous avez le loisir de présenter un mémoire à ce moment-là également.

Madame Redman.

Mme Karen Redman: Merci.

J'ai déjà eu mes six minutes, mais j'aimerais ajouter une chose.

Monsieur Ritchie, j'apprécie le fait que vous partagiez votre point de vue avec nous, mais je me dois de relever votre dernier commentaire. Nous sommes tous la somme de notre expérience de vie. J'ai quatre enfants et j'ai eu le privilège de pouvoir choisir de rester à la maison avec eux. Cela a très bien fonctionné pour notre famille. Cela s'intégrait à nos valeurs familiales.

J'apprécie les sacrifices que vous-même et votre femme faites pour vos deux enfants, mais implicitement, dans votre dernier commentaire, vous laissez entendre que c'est pour des raisons économiques que les couples restent ensemble dans une entité familiale ou qu'ils se séparent. Je me dois de contester cela. La liberté économique dont jouissent les femmes qui travaillent...

À l'heure actuelle, certains groupes critiquent le fait que d'après eux, le régime fiscal semble encourager les femmes à aller sur le marché du travail en raison des allégements fiscaux accordés aux parents pour les services de garde, et d'une certaine façon, cela peut être interprété comme de l'ingénierie sociale.

Personnellement, en tant que députée du Parlement, l'un de mes principes de base, c'est que peu importe les réformes que nous apporterons à la Loi de l'impôt sur le revenu, il ne faudrait pas qu'elles constituent un exercice d'ingénierie sociale.

Vous avez laissé entendre que si la prestation était une prestation familiale, et qu'on ne se souciait pas qu'elle soit versée à des travailleurs à revenu élevé ou faible, cela aiderait les familles à rester ensemble. Implicitement, vous semblez dire que c'est pour des raisons économiques que les familles restent ensemble.

D'une certaine façon, je ne suis pas en désaccord avec vous car c'est l'indépendance économique qui permet à certaines personnes de s'extirper de situations maritales qui leur étaient préjudiciables, à elles ou à leurs enfants. En tant que gouvernement, notre responsabilité est de protéger les enfants qui ont très peu à dire sur l'évolution de la cellule familiale. Cela dit, il n'appartient pas au gouvernement de dicter aux familles de rester ensemble ou non par le biais de la Loi de l'impôt sur le revenu ou de toute autre mesure législative.

M. Randy Ritchie: Je suis d'accord avec cela. Ce que je propose, c'est que le gouvernement ne fasse rien d'autre que de rester neutre. Un rapport qui vient de sortir indique que les familles divorcées sont pauvres. Je ne me souviens pas quels en étaient les auteurs, mais il est paru il y a une semaine ou deux. Il provient d'un groupe de réflexion.

En tant que divorcé, votre vie sera difficile et vous serez pauvre. Encore là, je ne suis pas un expert, mais on doit prendre en compte ce facteur et intervenir à ce niveau. Quant à savoir si cela doit être à 10, 50 ou 80 p. 100, je l'ignore, mais cela représente une certaine valeur. Je pense qu'il est valable d'inculquer cela aux gens.

Je ne voudrais pas que vous fassiez une mauvaise interprétation de mes propos. Je ne dis pas que deux personnes doivent rester ensemble à tout prix. Ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Il y a évidemment des circonstances ou des situations où cela n'a absolument aucun sens.

• 0945

Le gouvernement tente-t-il de faire de l'ingénierie sociale? Je ne sais pas s'il essaie de le faire maintenant, mais pour moi qui élève une famille, je ne pense pas qu'il fasse tout en son pouvoir pour traiter de façon juste et équitable les familles qui élèvent des enfants. Voilà mon argument.

Mme Karen Redman: Je le comprends, mais j'ai jugé bon de réagir. Je suis plutôt sensible au fait que de façon générale, c'est la femme dans le couple qui gagne moins et nous devons faire attention à la façon dont nous verserons une éventuelle prestation. À mon avis, c'est crucial.

M. Randy Ritchie: Je suis d'accord. Comme je l'ai mentionné tout à l'heure, je pense que les chefs de familles monoparentales doivent avoir la priorité par rapport à quelqu'un comme moi. Cela ne me dérange absolument pas. Si nous ne prenons pas des mesures pour venir en aide à ces familles, cela ne sera à l'avantage de personne.

Je suis donc d'accord avec vous. Encore une fois, je pense que la famille, peu importe la définition qu'on voudra en donner, pourrait être le catalyseur pour prodiguer à la société d'autres avantages. Pour ce faire, il nous faut employer une autre méthodologie dans le domaine fiscal.

Mme Karen Redman: Merci.

Le président: Encore une fois, monsieur Ritchie, je vous remercie et je vous souhaite bonne chance dans vos entreprises.

Au nom de mes collègues—et je sais que je peux parler en leur nom—, nous allons certainement essayer de mettre la famille et les enfants au premier rang de toute intervention du gouvernement fédéral, avec les moyens limités qui sont les siens. Grâce aux sacrifices que les Canadiens ont fait depuis quatre ou cinq ans, nous avons une certaine latitude que nous n'avions pas auparavant.

M. Randy Ritchie: Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole et je vous souhaite bonne chance dans votre travail.

Le président: Merci.

Notre prochain témoin représente l'Alberta Federation of Women United for Families. Nous avons le plaisir d'accueillir ce matin la directrice exécutive, Mme Hermina Dykxhoorn.

Je crois, madame Dykxhoorn, que vous savez comment nous procédons. Si vous pouvez faire votre exposé en 10 minutes environ, cela nous laissera amplement de temps pour les questions des députés.

Au nom de mes collègues, je vous souhaite la bienvenue. Veuillez commencer votre déclaration, je vous prie.

Mme Hermina Dykxhoorn (directrice exécutive, Alberta Federation of Women United for Families): Mesdames et messieurs, merci de nous donner la possibilité de vous faire part de certaines des préoccupations que nous avons à propos du régime fiscal tel qu'il s'applique aux familles canadiennes.

La Alberta Federation of Women United for Families est un groupe de base populaire non sectaire de femmes de l'Alberta qui a été formé en 1982. Nous n'avons jamais reçu de subventions de quelque gouvernement que ce soit et dépendons uniquement des cotisations de nos membres et de dons. Nous sommes en faveur d'une législation qui appuie la famille en tant que cellule fondamentale de la société.

En 1966, la Commission royale d'enquête sur la fiscalité, la Commission Carter, a déclaré que la famille est la cellule fondamentale de la société.

    Nous sommes convaincus que la famille constitue aujourd'hui, comme elle l'a été depuis bien des siècles, la cellule économique fondamentale de la société [...] L'intérêt porte avant tout sur la régularité du revenu et sur la situation financière de la famille, et non pas sur le revenu et la situation financière de ses membres pris individuellement.

Les gouvernements ont toujours essayé d'influer sur le comportement des citoyens par l'entremise du régime fiscal. Il suffit de penser aux taxes importantes sur l'alcool et le tabac, les soi-disant saintes taxes. Par ailleurs, près de 50 p. 100 du coût du litre d'essence représente des taxes imposées par le gouvernement pour décourager la conduite automobile et éviter la pollution atmosphérique.

Jusqu'à tout récemment, comme en témoigne la citation de la Commission Carter de 1966, la politique fiscale a favorisé le mariage et la famille. En effet, en 1950, la déduction de l'enfant et du conjoint à charge correspondait à 30 p. 100 du revenu personnel. En 1990, soit 40 ans plus tard, elle est tombée à 9,5 p. 100, soit une chute de 60 p. 100. Le mariage et la famille étaient favorisés pour deux raisons fort importantes—la stabilité que le mariage apporte à la collectivité et le fait que les couples mariés aient des enfants. Dans le passé, le régime fiscal canadien récompensait ceux qui avaient des enfants et se chargeaient d'élever la génération suivante dans un environnement stable pour le bien social et collectif.

• 0950

Malheureusement, ce n'est plus le cas. Ces 30 dernières années, la politique fiscale a de plus en plus été dominée par un esprit d'individualisme plutôt que par le souci de la formation et du maintien de la famille.

En novembre 1998, le C.D. Howe Institute a exprimé cette réalité, 32 années après la Commission Carter, en écrivant: «La partie «prélèvement» du régime fiscal canadien détermine l'impôt à payer de manière individuelle». Il semble qu'il y ait un nouvel objectif et que l'on se serve du régime fiscal pour l'atteindre.

Le Canada a le plus haut taux d'imposition du revenu dans le monde industrialisé. Je ne vous dis probablement rien de ce que vous ne sachiez déjà, car je suis sûre que les témoins qui vont comparaître devant vous vont vous répéter bien de ces statistiques au cours de vos déplacements dans notre pays. Je vais toutefois les répéter.

L'impôt sur le revenu des Canadiens est 56 p. 100 plus élevé que celui de la moyenne du G-7. D'après le Fraser Forum de juillet 1998, 48 p. 100 du revenu annuel de la famille canadienne moyenne est absorbé par les taxes, visibles et invisibles. Les divers paliers de gouvernement du Canada prétendent dépenser leurs recettes fiscales pour le bien des familles canadiennes, mais, en fait, la majeure partie des recettes fiscales provient des familles, lesquelles sans doute connaissent beaucoup mieux leurs besoins que le gouvernement.

Je pense qu'un comité de députés ne peut que reconnaître que les coûts administratifs de la plupart des familles sont bien inférieurs à ceux du gouvernement. A cause des impôts élevés, la famille canadienne moyenne dispose de beaucoup moins de son revenu durement gagné pour élever ses enfants, si bien qu'il est pratiquement inévitable que les deux parents doivent travailler pour acquérir les biens de première nécessité.

En plus du problème des impôts élevés, le régime fiscal lui- même est structuré de manière que les familles à deux revenus paient beaucoup moins d'impôt que les familles à revenu unique disposant d'un revenu équivalent.

Par exemple, en 1998, une famille à deux revenus qui gagnait 30 000 $ payait 3 492 $ d'impôt sur le revenu, tandis que la famille équivalente à revenu unique en payait 4 317 $, ce qui représente 24 p. 100 ou 825 $ de plus. Cela ne semble pas beaucoup d'argent, mais lorsque vous gagnez dans les 30 000 $, 825 $ font toute la différence entre le fait de pouvoir sortir au restaurant une fois de temps en temps, ou aller au cinéma ou autre chose du genre, et le fait d'avoir à rester à la maison sans avoir accès à ces petits plaisirs.

En 1998, une famille gagnant 60 000 $ payait 6 383 $ en impôt fédéral sur le revenu s'il s'agissait d'une famille à deux revenus, mais 10 300 $, s'il s'agissait d'une famille à revenu unique. Cela correspond à 60 p. 100 de plus, soit 3 417 $. Cette discrimination à l'égard des familles à revenu unique se retrouve à tous les niveaux de revenu.

Je suis sûre que vous avez entendu parler de l'affaire judiciaire de Kids First—qui va témoigner après nous—il y a plusieurs années de cela. Ces couples contestaient la Loi de l'impôt sur le revenu en invoquant l'article de la Charte des droits et libertés sur l'égalité, et prétendaient que cette loi était discriminatoire à l'égard des familles à revenu unique. Ils ont perdu, non pas à cause des faits présentés—ces couples avaient effectivement payé plus d'impôt que leurs contreparties à deux revenus—mais parce que, de l'avis des juges de la Cour suprême, la famille ne représente pas traditionnellement un groupe lésé.

C'est vrai, mais compte tenu de la situation actuelle, la famille devient rapidement un nouveau groupe lésé.

En tant que groupe de femmes s'intéressant aux questions de la famille, nous ne cessons de demander au gouvernement de permettre aux familles à revenu unique de demander la déduction pour frais de garde d'enfants. Cela permettrait à la mère de rester à la maison si tel est le choix du couple. Le fractionnement du revenu ou la déclaration conjointe—la femme déclarant une partie du revenu de son mari—est une autre solution qui rendrait le régime plus équitable pour toutes les familles canadiennes.

Le gouvernement canadien s'est servi du régime fiscal pour favoriser un choix: les deux conjoints travaillent à l'extérieur au lieu que ce soit le cas pour l'un d'eux seulement, l'autre restant à la maison pour élever les enfants.

Mme Hedy Fry, secrétaire d'État—Multiculturalisme et Condition féminine—expose dans une lettre les deux objectifs du gouvernement fédéral en matière de régime fiscal.

Le premier vise à encourager une répartition plus équitable du travail rémunéré et non rémunéré entre hommes et femmes. L'AFWUF est d'avis que ce n'est pas au gouvernement de décider qui a un travail rémunéré ou non rémunéré. Il appartient à la famille de prendre une telle décision. Il faudrait une intervention massive de l'État dans le processus de décision de la famille pour atteindre cet objectif relatif à une répartition plus équitable du travail rémunéré et non rémunéré. Le régime fiscal est considéré comme un outil permettant d'atteindre un résultat voulu en récompensant financièrement un comportement approuvé et en l'encourageant, tout en pénalisant un comportement non approuvé.

Le deuxième objectif, d'après Mme Fry, consiste à assurer la reconnaissance sociale et économique de travail non rémunéré qui contribue au bien-être de la société.

• 0955

Cet objectif semble fort noble, mais l'AFWUF pense que les parents qui s'occupent de leurs enfants à la maison gratuitement et de façon non égoïste ne s'attendent pas à être rémunérés. Toutefois, nous ne croyons pas que les familles qui font un tel choix—fort coûteux—devraient payer plus d'impôt par rapport aux familles à revenu équivalent, ou être forcées par le régime fiscal de subventionner le choix de la famille à deux revenus d'à côté en matière de garde d'enfants par l'entremise du crédit d'impôt pour la garde d'enfants.

Le fait que ce sous-comité soit prêt à écouter les préoccupations de tous les Canadiens nous permet d'espérer que ces inégalités vont bientôt être rectifiées. Nous recommandons vivement au gouvernement de traiter toutes les familles équitablement au chapitre de l'impôt.

Voici les quatre propositions que nous faisons:

(1) rendre l'exemption du conjoint égale à l'exemption personnelle, contrairement à ce qui se passe aujourd'hui;

(2) calculer l'impôt en fonction du revenu familial, par le biais du fractionnement du revenu ou de la déclaration conjointe;

(3) convertir la déduction pour frais de garde d'enfants en un crédit d'impôt remboursable pour tous les enfants, indépendamment de l'endroit où ils sont gardés;

(4) donner aux personnes au foyer accès à des REER indépendants.

Ces changements permettraient à tous les couples canadiens de faire le choix qui convient à leur famille sans pénalité financière, même si ce choix ne correspond pas à l'idéal d'un bureaucrate ou d'un politicien.

Je suis accompagnée par quelques membres de notre organisation qui sont directement visés par la question et j'aimerais maintenant vous les présenter, si vous permettez.

Mme Tracey Lawrence est assise derrière. Son fils Oliver vient juste de sortir de la salle avec sa grand-mère, car il faisait un peu trop de bruit.

Tracey et James Lawrence sont un jeune couple dont l'enfant a un peu plus d'un an. James vient de devenir mécanicien qualifié et ce couple a décidé que Tracey resterait à la maison, sans travailler. Il s'agit donc très certainement d'un couple à revenu peu élevé ou à revenu moyen. Ils bénéficieraient directement de tout changement apporté au régime fiscal. Tracey attend également un autre enfant d'ici sept mois environ.

Kathy Woodward est l'autre membre de notre organisation qui nous accompagne. Kathy et Joe Woodward ont six enfants dont trois d'entre eux sont ici—Beth, Ceci et Jane. Joe Woodward est écrivain et a été universitaire. Ils sont également touchés par le régime fiscal.

Je suis heureuse que Tracey et Kathy soient avec nous aujourd'hui et elles représentent en fait notre première «pièce à conviction». Des centaines de femmes de notre groupe subissent les effets néfastes du régime fiscal actuel.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, madame Dykxhoorn.

Pour ce comité, ces dames ne représentent pas une pièce à conviction, ce sont plutôt des Canadiennes typiques.

Des voix: Oh, oh.

Mme Hermina Dykxhoorn: Elles le sont, effectivement.

Le président: Merci, beaucoup.

Collègues, six minutes, s'il vous plaît.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup de votre présence. Je suis heureux que vous nous ayez amené aujourd'hui des parents avec leurs enfants, car en tant que société, je crois que nous devons continuer à nous efforcer de rendre nos institutions ou nos forums publics beaucoup plus conviviaux pour les enfants, que l'on y parle de l'allaitement en public ou que l'on inclut tout simplement des enfants dans diverses manifestations sociales. Notre société doit changer d'attitude, montrer qu'elle se soucie de ses enfants et qu'elle les accepte socialement partout.

Votre exposé m'a beaucoup intéressé et vos remarques sont pertinentes.

Avant de vous demander d'étoffer certaines de vos recommandations particulières, je m'arrête à la page 2. En général, vous dites: «il semble qu'il y ait un nouvel objectif et que l'on se serve du régime fiscal pour l'atteindre.»

Pouvez-vous nous dire clairement quel est ce nouvel objectif, d'après vous? J'imagine que vous voulez parler en quelque sorte de la préférence sociale ou de la sociologie appliquée du gouvernement qui apparaît de manière implicite dans le régime fiscal. Il se peut qu'il y ait un fondement idéologique, mais j'imagine que c'est ce que vous voulez dire si l'on s'en tient aux résultats.

Peut-être pourriez-vous répondre à la question de façon générale, car les idées et la philosophie donnent éventuellement une nouvelle interprétation du monde et produisent des chiffres et des résultats ainsi que des effets pragmatiques; au bout du compte, la pensée positive se traduit par un comportement positif.

• 1000

J'imagine que vous pensez aux bases philosophiques lorsque vous dites qu'il semble qu'il y ait un nouvel objectif et que l'on se sert du régime fiscal pour l'atteindre. Quel est cet objectif, selon vous?

Mme Hermina Dykxhoorn: Cet objectif, je crois, consiste à favoriser les femmes ou les conjoints—peu importe le sexe, mais en général il s'agit des femmes—qui choisissent de travailler à l'extérieur de la maison.

Ces points de vue s'appuient sur un échange de lettres et des discussions que j'ai eues avec Hedy Fry, secrétaire d'État—Condition féminine.

J'ai repris une observation faite à propos d'une répartition plus équitable dans la société, mais j'aurais pu en citer d'autres—par exemple:

    Dans un foyer où un seul des conjoints touche un revenu, le fait de permettre au contribuable (habituellement le père) de payer moins d'impôt par le biais du fractionnement du revenu avec l'autre conjoint (habituellement la mère) ne favoriserait pas directement la personne qui s'occupe des enfants et pourrait se traduire par un partage moindre des responsabilités dans ce domaine.

En d'autres termes, le fractionnement du revenu ne permettrait pas à la femme d'avoir un chèque si bien qu'elle serait financièrement à la charge de son mari.

Pour nous, ce n'est pas un problème. En effet, nous sommes interdépendants. Nous nous appuyons l'un sur l'autre. Je m'appuie sur lui, il s'appuie pour moi et dans la grande majorité des cas, cela fonctionne. Or, vous jugez que pour obtenir son indépendance économique, la femme doit travailler à l'extérieur. C'est notre point de vue.

La secrétaire d'État a dit également que le fractionnement du revenu renforcerait «une répartition du travail qui attribue le soin des enfants aux femmes, trop souvent à l'exclusion d'autres sphères d'activité».

À mon avis, confier le soin des enfants aux femmes n'est pas un problème. La plupart des femmes, si elles le font, ont choisi de le faire. Cela devrait être leur droit et elles ne devraient pas en être pénalisées par le biais du régime fiscal. Il faudrait que les règles du jeu soient équitables, peu importe le choix en matière de garde d'enfants.

Je pourrais vous donner d'autres citations, si vous voulez, mais c'est ce que nous avons pu observer.

M. Paul Forseth: D'accord.

Dans votre liste de quatre recommandations, la troisième se lit comme suit: «Convertir la déduction pour frais de garde d'enfants en un crédit d'impôt remboursable pour tous les enfants»—ou familles—«indépendamment de l'endroit où ils sont gardés.»

Avez-vous pensé comment cela pourrait techniquement se faire? La déduction pour frais de garde d'enfants est bien sûr assujettie à la production de reçus, et la famille moyenne ne cherche à s'en prévaloir qu'à 50 p. 100. Si vous n'avez pas de dépenses identifiables, comment faire les calculs? Avez-vous pensé à un système susceptible de marcher?

Mme Hermina Dykxhoorn: Je n'en suis pas sûre. Je ne suis pas une technocrate ni une spécialiste financière. Je suis simplement une femme qui recherche le bien de la famille. Je pense qu'il faudrait le prévoir d'une façon qui serait équitable pour tous.

M. Paul Forseth: Eh bien, prenons l'exemple d'un parent qui décide de renoncer à sa carrière pendant dix ans pour rester à la maison. Ce système permettrait-il d'une façon ou d'une autre de payer le parent qui reste à la maison?

Mme Hermina Dykxhoorn: Je n'en vois pas la nécessité si le régime fiscal est juste. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous ne pensons pas que le gouvernement doive envisager de verser de l'argent.

M. Paul Forseth: D'accord.

Selon certains témoins, le parent qui reste à la maison ne cherche pas à ce que l'on retire la déduction pour frais de garde d'enfants à d'autres parents, mais veut une certaine reconnaissance pour le choix qu'il a fait. Comment y parvenir sans d'une part, anéantir le programme dont certains objectifs sont valables et, d'autre part, comment reconnaître financièrement la contribution du parent qui reste à la maison? Pouvons-nous lui envoyer un chèque? Comment calculer le montant de ce chèque?

Mme Hermina Dykxhoorn: Il faudrait décider de la valeur de ce travail. Je ne suis pas vraiment sûre des détails, mais je pense qu'il faudrait réfléchir à la question.

• 1005

M. Paul Forseth: C'est le problème auquel nous sommes confrontés. Il s'agit justement de savoir comment procéder. Philosophiquement, nous pouvons dire que nous devons, en tant que société, essayer d'attribuer une valeur économique à ce travail, mais comment le faire à toutes fins pratiques?

Mme Hermina Dykxhoorn: Nous disons simplement que si un avantage est donné à l'un, il faut le donner à tous. S'il est retiré à l'un, il faut le retirer à tous. La déduction d'impôt pour la garde d'enfants serait une autre solution—par enfant.

M. Paul Forseth: On reviendrait en quelque sorte à l'ancien régime qui prévoyait une déduction de base par enfant.

Mme Hermina Dykxhoorn: Oui.

M. Paul Forseth: D'après vous, à combien devrait-elle s'élever aujourd'hui?

Mme Hermina Dykxhoorn: Qu'est-il prévu en ce moment? Je ne suis pas dans le système et il faudrait décider, en tant que société, la valeur de ce travail.

M. Paul Forseth: D'accord. Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Merci.

Au Québec, la déduction d'impôt pour enfants existe toujours et augmente en fonction des dépenses d'éducation, par exemple. Peut-être le comité pourrait-il également examiner ce modèle comme point de départ de la discussion.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Madame, merci de votre présentation. Il me vient à l'esprit, surtout en fonction de vos propositions, un élément important qui touche l'ensemble des familles. À un certain moment, un couple fait le choix d'avoir ou de ne pas avoir d'enfants.

Depuis qu'on a commencé les consultations, on fait une différence entre les personnes qui n'ont pas beaucoup de ressources financières et celles qui en ont beaucoup plus. On se tient peut-être dans la moyenne élevée parce que souvent, quand des propositions nous sont faites au niveau fiscal, il faut avoir un certain niveau de revenu pour vraiment en profiter. Mais il y a des familles dont le père et la mère gagnent des salaires assez bas, ce qui peut jouer de façon très importante dans leur décision d'avoir ou non des enfants parce qu'ils ont de la misère à joindre les deux bouts. Pour eux, la famille est une valeur importante mais ils n'y ont quasiment pas accès.

Comme je le disais tout à l'heure, les propositions qui sont faites sont souvent avantageuses seulement pour les personnes qui ont un revenu assez intéressant.

Dans une grande politique de la famille, comment pourrait-on rejoindre aussi les gens qui ont des revenus beaucoup moins élevés et des moyens financiers beaucoup moins importants, mais qui doivent aussi avoir le droit d'avoir des enfants?

[Traduction]

Mme Hermina Dykxhoorn: Pour ce qui est des solutions à apporter au régime fiscal en général, je ne peux que faire des suggestions à propos de l'impôt des familles. Pour ce qui est des Canadiens à faible revenu, j'ai appris—je ne suis pas sûre des statistiques—que ceux qui gagnent moins de 20 000 ou 25 000 $ payent toujours de l'impôt. Dans certains cas, c'est 1 000 ou 1 500 $ par année. Il faudrait trouver un moyen pour que ces familles et ces personnes n'aient pas à payer d'impôt. Je n'en ai pas parlé ici, car je me suis attardée sur l'imposition des familles plus particulièrement.

Je crois que vous avez parfaitement raison. Il y a des couples et des particuliers canadiens qui font beaucoup moins d'argent et qui ont du mal à joindre les deux bouts. C'est la raison pour laquelle il faut repenser le régime fiscal. Le taux d'imposition est trop élevé pour ces gens-là. Je ne l'ai pas proposé, mais j'aurais dû le faire. Dans d'autres documents que nous avons publiés, nous disons qu'en dessous d'un certain niveau de revenu, il ne faudrait pas payer d'impôt sur le revenu. C'est en fait un élément de l'ensemble du régime d'imposition. Je crois également que le Parlement doit examiner les conséquences de l'impôt et de l'impôt élevé sur les familles en général.

Je ne sais pas si cela répond à votre question.

[Français]

M. Serge Cardin: Oui, merci.

Le président: Merci, monsieur Cardin.

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Il est important, je crois, de reprendre un point dont a parlé ma collègue, Mme Redman, avec le dernier témoin. Je crois que nous convenons tous, alors que nous voyageons dans ce merveilleux pays, qu'il n'y a pas de solution universelle aux inégalités du régime fiscal tel qu'il s'applique aux familles.

• 1010

Vous avez fait mention dans votre exposé du fractionnement du revenu. Un certain nombre de témoins que nous avons reçus jusqu'à présent—la plupart étant des organisations et des groupes de femmes—ont fait part de leur préoccupation à cet égard, à savoir que le fractionnement du revenu est une question d'égalité des sexes. Je me demande ce que vous en pensez.

Par ailleurs, étant donné que nous savons maintenant que 50 p. 100 des enfants de notre pays qui vivent dans la pauvreté viennent de familles monoparentales et que le fractionnement du revenu n'aurait aucun effet sur ces familles, j'aimerais également savoir ce que vous en pensez.

Mme Hermina Dykxhoorn: Tout d'abord, notre organisation ne pense pas que le fractionnement du revenu soit une question d'égalité des sexes. Nous ne voyons rien de mal au fait qu'un couple partage le revenu ainsi que les biens. Nous pensons qu'à un certain moment, dans la vie d'une femme... cela s'applique essentiellement aux femmes; je ne connais qu'un seul exemple d'un homme qui reste à la maison pour s'occuper de ses enfants, mais cela s'appliquerait à lui également. Il ne s'agit pas d'un avilissement pour l'homme ou la femme. Ce partage fait partie du partage entre conjoints et c'est ainsi que cela doit se passer.

Pour ce qui est de votre dernière question, pouvez-vous répéter?

Mme Michelle Dockrill: Cinquante pour cent des enfants qui vivent dans la pauvreté...

Mme Hermina Dykxhoorn: Les familles monoparentales. Ce n'est pas parce qu'une question fiscale ne vise pas un groupe particulier qu'il ne faut pas l'aborder. Il faut bien sûr faire quelque chose pour aider ces gens également, mais ce n'est pas parce que ces gens existent qu'il ne faut pas s'occuper de ceux qui ne se trouvent pas dans la même situation. Il faut s'occuper de tous les groupes.

Ce n'est pas parce que nous parlons du fractionnement du revenu et d'autres choses du genre que nous ne voulons pas que les mères monoparentales soient traitées de façon équitable. Nous nous penchons simplement sur les questions sur lesquelles on nous a demandé de nous pencher et il s'agit de questions relatives aux familles. Ces questions nous préoccupent, en tant qu'organisation.

Mme Michelle Dockrill: Si je vous comprends bien, vous dites que le régime fiscal ne peut pas, à lui seul, aplanir les inégalités qui existent actuellement. Il y a d'autres questions...

Mme Hermina Dykxhoorn: Surtout pour les familles monoparentales. Ce sont des problèmes liés à l'éclatement de la famille. Comme le témoin avant moi l'a dit—je suis arrivée à la toute fin de son exposé—beaucoup de ces problèmes ne peuvent même pas être réglés par le gouvernement. Ce sont des problèmes humains. Chacun d'entre nous doit régler ses problèmes à sa façon. Le gouvernement ne peut aider que d'un point de vue financier. On ne peut pas forcer les gens à rester ensemble ou à se séparer. C'est la vie.

Nous devons être conscients du fait que le mariage est un facteur très important pour le bien-être matériel et la santé des enfants. Les trente dernières années ont plutôt prouvé que la rupture des mariages est très néfaste pour les enfants. Je ne dis pas que je forcerais les gens à rester ensemble, mais je pense que notre société prend un peu à la légère l'éclatement de la famille. Évidemment, les gens ont de très bonnes raisons de se laisser dans certains cas, quand il y a de la violence, par exemple. Mais certains couples pourraient se faire aider. Je pense, toutefois, qu'on commence à chercher d'autres solutions parce que les gens constatent que les conséquences sont terribles pour les enfants. C'est cependant quelque chose qui échappe au contrôle du gouvernement.

Mme Michelle Dockrill: Des canadiennes m'ont dit qu'elles craignaient que le partage du revenu nuise à leur indépendance financière et les empêche de choisir. Qu'en pensez-vous?

Mme Hermina Dykxhoorn: Je ne vois pas vraiment comment le partage du revenu dans un couple pourrait être désavantageux sur le plan financier, si les femmes ont le choix et le droit de travailler. Je ne vois pas comment le fait d'accorder des avantages à un groupe de la société empêcherait qui que ce soit de travailler et d'avoir une carrière si c'est son choix. Je ne pense pas que l'un empêche l'autre. Les deux sont possibles.

• 1015

D'après ce qu'a dit Hedy Fry, je constate ce qui reçoit un accueil plus favorable de la part du gouvernement. Vous reprenez en grande partie ce que Hedy Fry croit être bon pour les femmes. Il y a un passage qui parle de l'aspect économique.

Selon moi, si les femmes veulent rester à la maison pour s'occuper de leurs enfants, elles devraient pouvoir le faire sans être pénalisées sur le plan fiscal. Cela ne désavantagerait en rien les femmes qui choisissent de faire le contraire. Elles peuvent toujours faire ce qu'elles veulent. C'est libre à elles. Elles peuvent poursuivre une carrière sans être pénalisées, si c'est ce qu'elles veulent faire. Mais, pour nous, les autres doivent pouvoir rester à la maison et s'occuper de leurs enfants.

Le président: Merci madame Dockrill.

Monsieur Herron, allez-y.

M. John Herron: Merci monsieur le président.

D'abord, j'aimerais vous remercier au nom de tout le monde d'avoir pensé à amener quatre personnes. Cela montre que c'est un problème qui touche beaucoup les enfants, autant que la fiscalité, sinon plus. Je pense que cela nous aide à comprendre.

Mme Hermina Dykxhoorn: Merci. J'ai y pensé seulement hier, et j'ai réuni quelques personnes du jour au lendemain.

M. John Herron: J'ai trouvé que c'était une bonne idée.

Au sujet de ce que vous avez exposé, j'aimerais partager avec vous ce que me disent un bon nombre de mes électeurs et amis. Vous connaissez un cas où c'est l'homme qui reste à la maison, mais je pense que, dans la nouvelle économie et avec les progrès de la technologie de l'information, les femmes vont pouvoir tout autant poursuivre leur carrière. Si le couple ou la famille en décide ainsi, l'autre conjoint peut rester à la maison. Cela sera de plus en plus fréquent.

Je suis aussi d'accord avec vous pour dire que le régime fiscal doit être revu pour corriger certaines inégalités, notamment pour les familles monoparentales.

J'ai une question à poser. Je pense qu'il s'agit d'un problème qui concerne les enfants. Vous avez proposé en premier lieu que l'exemption du conjoint soit égale à l'exemption personnelle. Pourrais-je ajouter «quand il y a des enfants»? Dans mon cas—je n'ai pas la chance d'avoir d'enfants, mais je suis encore jeune—je ne vois pas nécessairement pourquoi nous devrions offrir cette mesure à ceux qui n'ont pas d'enfant.

Mme Hermina Dykxhoorn: Je vous remercie de poser la question parce que c'est un aspect très important. Je ne parle pas au nom des membres de mon organisme, même si je pense que la plupart d'entre eux seraient d'accord avec moi. Les avantages seraient offerts seulement à ceux qui ont des enfants. Je pense que, de nos jours, il est évident que les femmes sont en mesure de travailler. C'est bien accepté et même encouragé, et c'est une bonne chose. On ne devrait donc pas offrir d'avantages aux couples qui n'ont pas l'intention d'avoir d'enfant ou même à ceux qui sont incapables d'en avoir, pour une raison quelconque. Les avantages devraient vraiment être offerts à ceux qui ont des enfants. Ce sont les enfants qui nous préoccupent. Les femmes peuvent, en général, se débrouiller sur le marché du travail.

Je pense que vous avez tout à fait raison à ce sujet. Évidemment, je fais cette proposition dans le cas où il y a des enfants à la maison, pour que les femmes ou les hommes qui restent à la maison pour s'occuper des enfants ne soient pas désavantagés financièrement pour cela.

M. John Herron: Je pense que l'important c'est l'équité et le fait d'avoir le choix. C'est aux familles de déterminer comment elles vont s'occuper de leurs enfants. Les parents doivent pouvoir choisir, en toute équité, si un des deux conjoints va rester à la maison ou s'ils vont faire garder les enfants par un tiers.

• 1020

Dans sa réponse aux communications de Beverly Smith de la Commission de la condition de la femme des Nations Unies, le gouvernement considère le partage du revenu sous l'angle de l'égalité entre l'homme et la femme:

    [...] le partage du revenu entre le parent qui travaille et le parent qui reste à la maison soulève plusieurs préoccupations: a) il décourage le partage du travail non rémunéré entre l'homme et la femme; [...] e) il exigerait l'établissement d'une relation employeur-employé entre les conjoints, où le partenaire masculin remplirait le plus souvent le rôle d'«employeur».

Je trouve que c'est un point de vue assez surprenant. On insinue presque que, si le revenu disponible est plus élevé, les femmes vont nécessairement refuser de poursuivre une carrière pour rester à la maison. Je ne pense pas vraiment que ce soit le cas parce que, d'après des témoignages que nous avons entendus, la proportion des femmes sur le marché du travail est la même quel que soit le niveau de revenu.

Mme Hermina Dykxhoorn: Oui, c'est juste. Il ne suffit pas seulement de modifier le régime fiscal, bien sûr. Il y aura des femmes qui voudront rester à la maison.

Ce matin, j'ai participé à l'émission Calgary Eyeopener, à CBC, qui traitait de cette question et, avant l'émission, Jeff Collins m'a dit avoir été très surpris des réactions de beaucoup de ses amies qui travaillent et qu'il considère féministes quand il a discuté du sujet avec elles. J'imagine qu'il a dit que ce serait le sujet de l'émission de ce matin. Il a dit que la majorité de ses amies aimeraient vraiment rester à la maison avec leurs enfants.

Il y a donc des femmes qui vont choisir de rester à la maison pendant quelques années pour s'occuper de leurs enfants. C'est une possibilité. Mais pour les autres, je ne pense pas que ce sera un obstacle. Je pense qu'elles vont continuer de travailler, assurément.

M. John Herron: Merci.

Le président: Merci monsieur Herron.

Monsieur Szabo, c'est à votre tour.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Merci de votre exposé. Je pense que vos propos vont recueillir un appui important de la part de notre comité.

Mme Hermina Dykxhoorn: Merci.

M. Paul Szabo: Nous recherchons l'équité d'une façon qui soit raisonnable sur les plans fiscal et social.

Beaucoup de gens nous ont fait des propositions. Nous nous rendons compte qu'il n'y a pas de solution facile et que ce sera très difficile de concilier tous les moyens de permettre aux gens d'obtenir des avantages fiscaux.

Pour ce qui est de l'exemption du conjoint, le crédit d'impôt non remboursable du conjoint, le montant du conjoint, des gens nous ont proposé de simplement l'augmenter de 5 380 $ à 6 456 $, sans tenir compte du fait que nous venons d'accorder une hausse de 750 $ dans le dernier budget pour l'année qui vient. Au sujet du montant du conjoint, le conjoint qui reste à la maison peut gagner 538 $ avant que le montant que l'autre conjoint peut réclamer soit réduit. Ainsi, les deux montants ne peuvent se comparer; c'est une autre subtilité de cette mesure.

Mme Hermina Dykxhoorn: Je sais. C'est compliqué.

M. Paul Szabo: Le deuxième problème à ce sujet c'est que, si vous augmentez le montant, l'augmentation va s'appliquer aussi aux couples sans enfant ou à ceux dont les enfants ont quitté la maison. Cette mesure coûterait, d'après ce qu'on m'a dit, 430 millions de dollars, dont probablement seulement la moitié serait vraiment versée à des parents qui s'occupent de leurs enfants à la maison, ce qui n'est pas une mesure vraiment ciblée. Il faut repenser cette mesure.

Pour ce qui est du partage du revenu, il va permettre au conjoint qui a un revenu moyen et un taux d'imposition fédéral de 26 p. 100 de réduire son taux d'imposition à celui des bas salariés et de faire réaliser des économies à sa famille.

Mais il faut aussi comprendre que le partage du revenu ne fait rien gagner à une famille qui a un revenu unique de 30 000 $, parce que ce salaire est déjà imposé au taux le plus bas, et que le taux d'imposition sera le même, même si le revenu est partagé en deux montants plus petits. On ne fait donc rien pour ceux qui ont probablement les plus grands besoins.

• 1025

Les gens qui ont un salaire moyen vont réduire leur taux d'imposition fédéral de 26 à 17 p. 100. C'est sûrement avantageux pour ces familles, mais les plus grandes économies seront réalisées par ceux qui ont des revenus élevés, parce que leur taux d'imposition fédéral est de 29 p. 100.

Le partage du revenu est donc une mesure régressive. Il avantage les salariés à revenu élevé plutôt que les bas salariés, ce qui n'est pas une très bonne idée. Cette mesure est aussi très coûteuse, elle réduit énormément les recettes et n'atteint pas vraiment sa cible. Donc, si elle comporte certains avantages, elle a aussi des conséquences dont nous devons tenir compte. Pour ce qui est de la déduction pour frais de garde d'enfants, je ne sais pas si la majorité des Canadiens le savent, mais je pense que notre rapport va indiquer qu'il y a, au Canada, quatre millions de familles ayant des enfants de moins de 18 ans et que près des deux tiers d'entre elles, environ 3,2 millions de familles, peuvent réclamer la déduction pour frais de garde d'enfants parce qu'elles ont deux revenus.

Pourtant, en 1996, qui est la dernière année pour laquelle nous avons des données de Revenu Canada à ce sujet, seulement le tiers des familles qui pouvaient réclamer cette déduction l'ont fait. Il y a environ 759 000 familles sur les 3,2 millions admissibles qui ont réclamé cette déduction. Pour l'année d'imposition 1996, la déduction moyenne était établie à 5 000 $ pour les enfants d'âge préscolaire et à 3 000 $ pour les enfants d'âge scolaire. Néanmoins, la déduction réclamée n'a été que de 2 600 $ en moyenne, soit la moitié de ce qu'elle aurait pu être. La famille qui réclame la déduction pour frais de garde d'enfants récupère en moyenne 700 $.

Mme Hermina Dykxhoorn: Je pense que cela montre, bien sûr, que les gens savent que les garderies ne sont pas probablement pas idéales pour leurs enfants. La plupart des gens choisissent de faire garder leurs enfants par un membre de la famille ou un bon ami ou encore, comme beaucoup de familles le font, d'organiser leurs heures de travail pour qu'un des deux parents puisse être à la maison durant la journée ou le soir.

Mais je pense que vous avez raison. Cela montre que les Canadiens ne se servent pas du système autant qu'ils le pourraient mais aussi que les familles canadiennes sont assez sages.

M. Paul Szabo: Même si la déclaration d'impôt permet de déduire 7 000 $, les faits montrent que les gens n'en profitent pas.

Mme Hermina Dykxhoorn: C'est juste. Je le sais.

M. Paula Szabo: Il y a les garderies non officielles et beaucoup de gens parlent des gardiennes qui ne donnent pas de reçu, c'est-à-dire que s'il y a pas de reçu ou si on ne déclare pas le revenu... c'est ce qu'on appelle de l'évasion fiscale.

Mme Hermina Dykxhoorn: Évidemment.

M. Paul Szabo: C'est de la fraude. C'est vraiment de la fraude, et...

Mme Hermina Dykxhoorn: Mais comme le taux d'imposition est très élevé... je ne dis pas que c'est bien d'agir ainsi, mais on s'attire des ennuis quand le taux d'imposition des familles est aussi élevé. Vous les forcez à trouver un moyen...

M. Paul Szabo: Je pense que bien des gens, quand ils prendront connaissance de ces données, vont reconnaître que la déduction pour frais de garde d'enfants comporte des lacunes. Cette mesure privilégie les gros salariés par rapport aux bas salariés, parce que la déduction est fondée sur le taux marginal d'imposition. Un haut salarié va obtenir un remboursement de 3 500 $ pour des dépenses de 7 000 $. Un bas salarié ne touchera peut-être que 350 $ pour des dépenses du même montant. C'est aussi une mesure régressive. Nous devons nous attaquer à ce problème. Il ne s'agit pas seulement de...

Mme Hermina Dykxhoorn: Non, je le sais.

M. Paul Szabo: Une dernière chose... et j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

Mme Hermina Dykxhoorn: Oui.

M. Paul Szabo: Vous parlez des REER. Selon vous, le travail non rémunéré est tout de même du travail; il mérite d'être reconnu et on ne doit pas négliger la pension. Le montant qu'on peut verser dans un REER est établi en fonction du salaire des années précédentes. L'objectif est le report des impôts et c'est pourquoi il faut gagner un revenu pour contribuer. Donc, dans les faits, je pense qu'un REER pour les mères qui restent à la maison n'est probablement pas une mesure utile.

Mais que penseriez-vous de la possibilité d'offrir aux parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants pendant un certain temps le droit de racheter des prestations du Régime de pension du Canada pour les années non travaillées? Par exemple, s'ils ne travaillaient pas pendant un an, à leur retour au travail, ou plus tard quand la famille en serait capable financièrement, ils pourraient racheter l'année de prestations.

• 1030

Mme Hermina Dykxhoorn: C'est une autre solution à ce problème. Je n'y avais pas pensé. Notre organisation n'a pas étudié la question. Mais c'est sûrement quelques choses à discuter, parce que tous les éléments que vous avez soulevés... ce n'est pas parce que certaines mesures ne sont pas parfaites... Évidemment, nous proposons des changements, et même s'ils ne sont pas parfaits, cela ne veut pas dire qu'il ne faut pas corriger le système. C'est ce que je pense. Nos propositions nous paraissent les mieux adaptées à la situation, pour les membres de notre organisme et compte tenu des besoins qu'ils ont. Mais nous sommes prêts à étudier d'autres propositions, et celle que vous faites semble valable.

Le président: Merci beaucoup monsieur Szabo.

Madame Redman, vous pouvez poser une très brève question.

Mme Karen Redman: Merci monsieur le président. J'ai aussi un bref commentaire à faire.

Le président: Ce n'est pas ce que vous avez demandé; vous avez demandé de poser une brève question.

Mme Karen Redman: Je vous remercie d'avoir fait valoir votre point de vue. Je dois réagir à ce qu'on a dit au sujet des garderies officielles et du fait que les contribuables ne profitent pas autant qu'ils le pourraient de la déduction pour frais de garde d'enfants. J'ai déjà dirigé cinq garderies et nous avions de longues listes d'attente; le personnel était compétent et nous offrions beaucoup de latitude aux parents; je pense donc qu'il est injuste de sous-entendre que les garderies sont des services de deuxième ordre. Beaucoup de parents voulaient inscrire leurs enfants dans nos centres, surtout des enfants d'âge scolaire. Nous ne pouvions simplement pas tous les recevoir. Je conviendrais donc comme vous qu'il s'agit d'un sujet très complexe. Je ne pense pas que cela ait quelque chose à voir avec la qualité des garderies officielles.

M. Herron a dit que ce problème concernait les enfants et, à certains égards, c'est vrai, mais je pense que, comme c'est souvent la femme qui s'occupe des enfants, on peut aussi dire que c'est une question qui concerne les femmes. Condition féminine nous a demandé d'examiner la question de la garde des personnes à charge. Selon les statistiques, beaucoup de femmes élèvent leurs enfants, travaillent et s'occupent aussi d'une personne handicapée, à charge, ou d'un parent âgé.

Dans votre milieu, avez-vous étudié la pression subie par les femmes et les soins qu'elles doivent dispenser à d'autres personnes que leurs enfants?

Mme Hermina Dykxhoorn: Nous sommes au courant de la situation parce que c'est de plus en plus fréquent, et les gens doivent s'occuper de leurs parents âgés tout en élevant leurs enfants, habituellement d'âge scolaire. Mais je pense que pour notre organisme, cela fait partie de la vie de famille. Comme vous le savez, le gouvernement devrait s'immiscer le moins possible dans ce genre de choses. Pour moi, cela fait partie de la vie de famille et n'exige pas nécessairement l'intervention du gouvernement.

Mme Karen Redman: Le montant de 400 $ accordé par le régime fiscal pour les personnes qui dispensent des soins à des membres de leur famille malades ou handicapés n'est pas nécessairement une bonne chose selon vous?

Mme Hermina Dykxhoorn: C'est une petite somme qui ne change pas grand-chose en réalité, et je pense que les familles doivent se prendre en charge avec le moins d'intervention possible de la part du gouvernement.

Le président: Merci beaucoup madame Redman.

Là-dessus, j'aimerais vous remercier de votre précieuse contribution à un problème très complexe.

Mme Hermina Dykxhoorn: Merci Nick. Au revoir.

Le président: Nous vous souhaitons bonne chance et merci de nous avoir amener un enfant surtout.

• 1040

Nous avons un petit problème avec notre prochain témoin et nous allons donc changer l'ordre des témoins si c'est possible.

J'aimerais accueillir Mme Heather Gore-Hickman, qui témoigne à titre personnel. Nous allons commencer tout de suite. Vous avez une dizaine de minutes pour faire un exposé et les membres du comité vont ensuite vous poser des questions.

Mme Heather Gore-Hickman (témoignage à titre personnel): Bien.

Ma déclaration figure dans le document qui, j'espère, vous a été distribué.

Le fardeau fiscal des familles canadiennes est indûment influencé par les choix personnels que les gens font au sujet de leur travail et de la garde des enfants. Si on limite le problème aux familles monoparentales, on ne tient pas compte du fait que le régime fiscal est plus largement discriminatoire. Ceux qui sont les plus désavantagés sont les familles biparentales à un seul soutien, qui représentent 44 p. 100 de toutes les familles ayant des enfants.

Ce sont les familles à double revenu dont les salaires plus ou moins comparables sont assujettis au même taux marginal d'imposition, qui bénéficient du traitement fiscal le plus favorable. Ce groupe ne représente qu'environ 11 p. 100 des familles. Certains ont droit à des allégements fiscaux supplémentaires, comme la déduction pour frais de garde d'enfants.

La majorité des couples à double revenu sont exposés, à des degrés variables, aux mêmes éléments de discrimination que les couples à revenu unique. La plupart des familles ne peuvent espérer bénéficier d'un traitement fiscal optimal, où les deux conjoints sont assujettis au même taux marginal d'imposition, en raison des restrictions quant au revenu que génèrent les emplois réservés aux dispensateurs de soins ou les emplois traditionnellement féminins par opposition aux emplois traditionnellement masculins. Habituellement, le fait qu'il y ait des personnes à charge influe sur la décision d'aller ou non chercher un deuxième revenu.

Pour atténuer les iniquités, il faut modifier la politique sur deux plans. D'abord, il faut reconnaître de façon générale le coût associé au fait d'élever des enfants. Ensuite, le régime fiscal doit mettre l'accent sur l'imposition équitable des revenus familiaux comparables.

D'après le rapport Investir dans les enfants et valoriser les dispensateurs de soins, l'écart existant entre les familles qui font des choix différents en matière de soins aux enfants n'a pas de justification rationnelle. De plus, les politiques devraient être justes et équitables et ne devraient ni pénaliser ni encourager les choix en matière de soins aux enfants. Malheureusement, dans son budget de 1999, M. Martin a choisi de ne pas tenir compte des recommandations formulées par le comité de son propre caucus.

Le ministère des Finances possède de nombreux documents qui décrivent non seulement la nature des iniquités observées, mais également, dans certains cas, les arguments invoqués par le gouvernement à l'appui des politiques discriminatoires. Ces iniquités ont été mises en lumière par des universitaires et des médias de toutes les allégeances politiques. M. Martin a l'habitude de gaspiller l'argent des contribuables en créant des comités chargés d'examiner l'impôt sur le revenu et des particuliers et des sociétés, et ensuite en faisant fi des recommandations de ces comités.

Le gouvernement du Canada, s'il veut uniformiser les règles du jeu, doit commencer à apporter des changements majeurs au régime. Bien qu'il soit impossible d'avoir des politiques qui n'influenceront pas les choix que font les familles en matière d'emploi rémunéré et non rémunéré et de soins aux enfants, le fait de justifier l'existence d'une telle discrimination transforme les enfants en pions et compromet leur bien-être.

Vous trouverez à l'annexe A de mon rapport des exemples de la discrimination dont sont victimes les familles à revenu unique et à revenu double qui font des choix différents en matière de travail et de soins aux enfants.

L'annexe B décrit le raisonnement défectueux qui sous-tend l'analyse du gouvernement sur le salaire net, et englobe une analyse plus pertinente qui démontre à quel point les couples à revenu unique sont défavorisés pour ce qui est de leur revenu discrétionnaire. La DFGE est une dépense légitime du revenu gagné dont ne bénéficient que 17 p. 100 des familles. Je ne prône pas l'abolition de cette déduction. Toutefois, j'estime qu'il doit y avoir une certaine équité et qu'il faut reconnaître les coûts associés à l'éducation des enfants qu'assument 83 p. 100 des familles qui ne peuvent bénéficier d'allégements fiscaux.

• 1045

La DFGE, dans sa forme actuelle, présente des lacunes. Les taux marginaux ont un impact sur le montant de la prestation. La plupart des demandeurs touchent des revenus relativement élevés. Seuls quelques privilégiés peuvent demander une déduction pour les dépenses élevées liées aux cours de danse et de piano, aux camps de golf et aux programmes de garde parascolaire, le midi, pour les jeunes de 16 ans. La DFGE permet à une famille de toucher des prestations supplémentaires. Les professionnels qui fractionnent leur revenu avec leur conjoint peuvent demander une déduction pour les coûts liés au fait d'avoir une gardienne à domicile. Il serait illogique de priver les mieux nantis de la DFGE, eux qui paient déjà plus que leur juste part d'impôts et dont les votes influent sur l'élaboration des politiques. Toutefois, cette déduction ne devrait pas être perçue à tort comme un allégement fiscal qui vise à fournir une aide importante aux familles ayant des enfants à charge.

Même si entre 40 et 50 p. 100 des familles ont deux revenus et choisissent de ne pas envoyer leurs enfants dans des garderies à but lucratif, le gouvernement a décidé de ne pas tenir compte de ces familles et de privilégier plutôt les politiques fiscales discriminatoires qui ont été mises de l'avant. Les politiques fiscales qui favorisent les soins non parentaux vont à l'encontre de l'esprit des conventions sur les droits de la personne que le Canada a signées, et qui disposent qu'un enfant a le droit, si possible, d'être soigné par ses parents.

L'imposition des couples est liée de façon inextricable aux décisions touchant les soins à donner aux enfants et aux autres membres de la famille. Le revenu discrétionnaire peu élevé dont disposent les familles imposées à un taux plus élevé par rapport aux familles ayant des revenus comparables pénalise sans justification aucune les enfants de ces familles. On soutient que le régime fiscal axé sur l'individu permet d'éviter la prétendue iniquité fiscale dont sont victimes les couples mariés. Comme le régime ne tient pas compte des réalités économiques, il impose tout simplement une pénalité à 89 p. 100 des familles, sous forme de taux marginaux et généraux plus élevés, parce qu'elles ont un ou deux revenus assujettis à des taux marginaux différents.

Dans de nombreuses familles à double revenu, un des conjoints va choisir de travailler à temps partiel, et non à temps plein, pour pouvoir s'occuper des enfants, surtout pendant les années préscolaires, qui sont très exigeantes. Seulement 35 p. 100 des enfants ont des parents qui travaillent tous les deux à temps plein. Les femmes représentent 70 p. 100 des travailleurs à temps partiel et touchent en moyenne 10 400 $ par année. Or, la plupart de ces familles assument un fardeau fiscal aussi lourd que celui des familles à revenu unique.

Le revenu moyen des femmes au Canada s'élève à 20 902 $, ce qui est modeste. En raison de leur instinct maternel, 70 p. 100 des femmes vont choisir des emplois où elles sont appelées à dispenser des soins, des emplois peu rémunérateurs par rapport aux emplois traditionnellement masculins. Comme aucune valeur n'est attribuée au travail non rémunéré, les employeurs y accordent peu d'importance. Par conséquent, toutes les familles, sauf 11 p. 100 d'entre elles, assument un fardeau fiscal inéquitable, parce que la plupart des femmes choisissent des emplois où elles ne pourraient jamais toucher un revenu comparable à celui de leur conjoint. Ces femmes, de même que les femmes dans les familles à revenu unique, disposent d'un revenu après impôt moins élevé pour répondre aux besoins de leurs enfants et pour pourvoir à leur retraite. La féminisation accrue de la pauvreté en est une conséquence. Le crédit pour conjoint donne à penser que la contribution qu'apporte un conjoint à la famille vaut moins s'il effectue du travail non rémunéré à temps plein à domicile.

Les familles ont tendance à voir leur revenu comme un revenu familial, non individuel. Or, le revenu familial sert de fondement à bon nombre des politiques du gouvernement, qui persiste à percevoir de l'impôt sur la base du revenu individuel. La capacité de payer devrait être fonction non seulement du revenu gagné, mais également du nombre de personnes qui dépendent de ce revenu. On pourrait assurer la progressivité du régime et traiter les familles de manière plus équitable si on accordait des déductions pour chacun des membres de la famille et si on considérait la famille comme unité d'imposition. Les enfants deviendraient ainsi le meilleur abri fiscal des familles à revenu moyen.

Si on parvenait à alléger le stress économique des familles qui assument un fardeau fiscal plus lourd par rapport aux contribuables célibataires et aux couples sans enfants, il y aurait moins de ruptures de mariage et, partant, moins d'enfants vivant dans la pauvreté. La progressivité du régime fiscal dans les autres pays du G-7 est beaucoup plus uniforme. Les universitaires et les médias ont appuyé d'emblée le principe de l'impôt uniforme adopté par l'Alberta. Un tel plan permettrait d'éviter l'iniquité fiscale dont sont victimes les couples mariés. Il pourrait aussi être structuré de manière à ce que tous les contribuables puissent en bénéficier. Un impôt uniforme assorti d'exemptions personnelles généreuses continuerait de consommer un pourcentage plus élevé du revenu des riches.

Les familles aujourd'hui sont dynamiques. Au cours des 20 dernières années, les employeurs ont offert un menu sans cesse croissant d'options alliant souplesse et choix pour aider les parents à atteindre un certain équilibre. Malheureusement, le gouvernement n'a pas suivi le mouvement, puisqu'il ne tient pas compte des nombreux choix que font aujourd'hui les familles.

Le fait que le pourcentage de familles à double revenu soit passé de 62 à 56 p. 100 depuis 1990 révèle que même l'imposition d'un taux marginal peu élevé au revenu supplémentaire et le financement des garderies à but lucratif n'incitent pas le deuxième soutien à rester sur le marché du travail. Compte tenu de la gamme d'options qui s'offrent aux parents en matière de services de garde et de travail, il est inutile d'essayer d'atteindre l'équité en ciblent des activités parentales.

Le président: Puis-je vous interrompre une minute et vous demander de ralentir un peu. Je ne crois pas que l'interprète puisse...

Mme Heather Gore-Hickman: Elle n'arrive pas à me suivre?

Le président: Non. Prenez votre temps.

Mme Heather Gore-Hickman: D'accord. J'ai presque terminé.

La solution passe par le ciblage des enfants—vous avez entendu cette expression à maintes reprises. C'est pourquoi je vais en parler rapidement. Le gouvernement ne tient pas compte du fait que, même si l'on n'a pas de frais de garde en dehors du foyer, les enfants coûtent cher. La reconnaissance générale de ces coûts permettrait, dans une certaine mesure, de traiter tous les enfants de façon équitable. D'autres pays, comme l'Australie et le Royaume- Uni, ont introduit des réformes fiscales qui ont eu pour effet de traiter les familles de manière équitable. Le Canada est le seul pays industrialisé du monde occidental à ne pas reconnaître les coûts associés à l'éducation des enfants.

• 1050

Les chefs de familles monoparentales représentent environ 22 p. 100 des familles ayant des enfants. La plupart des mères seules sont pauvres et n'ont d'autre choix que de travailler. La plupart choisissent d'utiliser des services de garde qui ne donnent aucun reçu. Malgré les résultats peu satisfaisants qu'ont donné les programmes de travail obligatoire, ces mères ne peuvent s'occuper elles-mêmes de leurs enfants. Si le crédit d'impôt pour les aidants naturels comprenait les soins donnés aux enfants en santé, le seul travail à domicile exclu du crédit, de nombreuses mères seules en bénéficieraient. Si le crédit équivalent pour personne entièrement à charge était majoré de manière à ce qu'il corresponde au crédit personnel, les parents seuls en seraient les uniques bénéficiaires. Les parents à revenu faible font face aux mêmes éléments de discrimination que les familles biparentales. Il est ridicule d'imposer les familles à faible revenu et de leur verser plus tard les prestations pour enfants. C'est maintenant que ces familles ont besoin d'argent. Les familles à faible revenu sont assujetties à des taux marginaux d'imposition de plus de 70 p. 100.

Même si elle n'est appliquée que lorsque le revenu familial atteint environ 70 000 $, la récupération des prestations pour enfants à un niveau de revenu supérieur à 21 000 $ fait que seules les familles dont le revenu est véritablement faible reçoivent une aide importante dans le cadre du programme qui a été crée à cette fin.

En résumé, pour encourager les futurs contribuables productifs, il faudrait reconnaître de façon générale les coûts qu'assument les parents pour élever leurs enfants. Le gouvernement, s'il accorde vraiment de l'importance aux enfants et aux pourvoyeurs de soins, doit assujettir le revenu familial à un régime plus équitable. En cette ère de surplus budgétaires, les coûts projetés des diverses solutions proposées par les secteurs privé et public sont raisonnables. Or, ces solutions, au lieu d'encourager de nouvelles dépenses gouvernementales, devraient permettre aux familles de garder une part plus grande du revenu qu'elles gagnent.

L'augmentation des plafonds et la baisse des taux marginaux, tout en étant bien accueillies, ne mettent pas fin à la discrimination sous-jacente qui existe. Engager de nouvelles dépenses pour créer un poste de protecteur de l'enfant ou assurer le développement de la petite enfance au lieu d'accorder des allégements fiscaux équitables aux familles ne fera que rendre la situation encore plus frustrante. Les services assurés par l'État se sont avérés très coûteux dans les pays qui ont introduit de tels programmes. Les incitatifs visant à encourager les parents à rester sur le marché du travail ne devraient pas être perçus comme une solution au problème de discrimination qui résulte des choix que font les parents en matière de soins aux enfants ou des disparités de revenu.

Les parents ont besoin d'un régime fiscal moins désavantageux, pas d'une intervention accrue de la part du gouvernement dans le développement des enfants. Le régime fiscal doit faire l'objet de réformes en profondeur, non pas de simples ajustements. Comme l'ont proposé les ministères de la Santé et de la Justice, il faut offrir des allégements fiscaux équitables à l'égard de tous les choix en matière de soins aux enfants. Les recettes fiscales ainsi cédées devraient être considérées comme un investissement dans le capital humain, ce qui aura pour effet de consolider l'assiette fiscale et de réduire les dépenses de santé ainsi que les coûts sociaux.

Comme l'indique le rapport sur la valorisation des dispensateurs de soins, les politiques sociales devraient partir du principe que ce sont les parents, et non les gouvernements, qui sont les mieux placés pour décider des meilleurs arrangements pour leurs enfants. De plus, le gouvernement devrait chercher à donner aux parents le plus de souplesse possible, d'options et de choix.

Merci beaucoup.

Le président: Merci beaucoup pour cet exposé très détaillé. Vous y avez consacré beaucoup d'efforts, et c'est pour cela que je ne voulais pas vous bousculer.

Chers collègues, vous avez six minutes.

M. Paul Forseth: Merci d'avoir comparu devant nous aujourd'hui et de nous avoir présenté un exposé très intéressant.

J'aimerais vous poser une question précise au sujet de la déduction pour frais de garde d'enfants et des services de garde pour lesquels vous obtenez un reçu. Nous avons entendu beaucoup de témoignages contradictoires à ce sujet. Comment peut-on reconnaître de manière générale les soins de même nature qui sont dispensés au foyer par un parent et pour lesquels vous ne pouvez obtenir aucun reçu, des soins auxquels vous ne pouvez attribuer aucune valeur? On a laissé entendre que le régime fiscal doit tenir compte de ce type de soins. Je ne cherche pas à minimiser l'importance de la déduction pour frais de garde d'enfants, mais nous devons reconnaître, en tant que société, que les mêmes soins peuvent être donnés au foyer par un parent, plutôt que par une garderie.

Le problème qui se pose est le suivant: comment reconnaître les soins donnés au foyer? Si vous partez du principe que nous devrions reconnaître ce type d'arrangement, comment proposez-vous qu'on le fasse? Devrait-on peut-être envoyer un chèque à la mère ou au père qui reste au foyer? Avez-vous essayé de déterminer comment nous pouvons atteindre cet objectif social?

• 1055

Mme Heather Gore-Hickman: L'élaboration de politiques n'est pas mon domaine de spécialisation. Nous avons eu des programmes dans le passé qui offraient une prestation universelle. L'allocation familiale en est un exemple. Nous avions également la déduction pour enfants à charge, mais elle a été abolie en 1993. Ces deux programmes prévoyaient le versement d'une prestation universelle aux familles. Ils ont été ensuite amalgamés en un seul, soit la prestation fiscale pour enfants, qui a été établie dans le but de fournir une aide financière aux familles dans le besoin.

Nous avons essayé de calculer les dépenses qu'engagent les parents à domicile pendant les heures durant lesquelles les enfants se trouvent dans une garderie à but lucratif. Nous avons essayé de quantifier les dépenses supplémentaires que cela entraîne à domicile, les services d'utilité publique, la nourriture, les dépenses directes que cela représente pour une famille. Il est vrai qu'une personne qui offre des services de garde à domicile peut déduire une partie de ses dépenses de ses impôts fonciers. Voilà pourquoi je pense qu'il serait raisonnable d'essayer de compenser les familles pour toutes les dépenses associées au fait d'élever des enfants, parce que chaque famille attache une valeur différente...

M. Paul Forseth: Si vous ne pouvez pas calculer toutes les dépenses, avez-vous au moins un chiffre en tête?

Mme Heather Gore-Hickman: Quand la déduction pour enfants à charge a été abolie, les coûts étaient évalués à environ 3 500ts$ par enfant. L'Institut C.D. Howe a proposé une déduction de 2 000 $ par enfant, montant qui, combiné à la déduction pour frais de garde d'enfants, représenterait des dépenses d'environ 3 milliards de dollars. Je ne saurais vous dire ce qui serait considéré comme un montant approprié. Toutefois, je pense que nous pouvons commencer à prendre des mesures en vue de reconnaître les dépenses qu'engagent toutes les familles à ce chapitre.

M. Paul Forseth: Bien. Merci, monsieur le président.

Le président: Est-ce que cela se ferait sous forme de crédit d'impôt ou d'exemption pour les enfants?

Mme Heather Gore-Hickman: Les déductions et les crédits présentent des avantages et des inconvénients. Si les particuliers à revenu supérieur peuvent bénéficier injustement d'une déduction, alors le crédit, lui, est accordé en fonction du revenu gagné.

Le président: Les 2 000 $ que l'Institut C.D. Howe a...

Mme Heather Gore-Hickman: C'était une déduction que l'Institut avait proposée.

Le président: Une déduction. Merci.

[Français]

Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Bonjour, madame. Soyez la bienvenue. Je m'excuse d'avoir manqué une partie de votre présentation. Je n'ai pas eu le temps de lire tout votre document. À la page 8 de ce document, à l'annexe A, vous faites des comparaisons entre différents niveaux de revenus partagés par deux conjoints. À la dernière ligne, on voit le revenu net après les taxes, mais je crois que vous n'avez pas pris en considération les frais de garde d'enfants déboursés par les parents qui réclament la déduction. Dans cet exemple-là, quel montant de frais de garde d'enfants les parents devaient-ils payer?

[Traduction]

Mme Heather Gore-Hickman: Vous allez trouver à l'annexe B une analyse qui devrait être considérée conjointement avec celle-ci. J'utilise comme exemple la province de la Colombie-Britannique parce que les chiffres pour l'impôt et le revenu après impôt correspondent à ceux qu'a fournis Mme Fry, de Condition féminine Canada, dans son analyse comparative. J'ai relevé les inexactitudes que présentent ses chiffres et j'ai démontré que si l'on tient compte des dépenses engagées au foyer, les dépenses supplémentaires, celles-ci compensent largement les prétendus avantages après impôt qu'indiquent les calculs de Mme Fry. Je pense que c'est essentiellement cela qui vous intéresse.

Plus loin dans l'annexe B, j'explique que Mme Fry utilisait la somme de 8 000 $ comme point de départ, et je pense qu'elle partait du principe que cela s'appliquait à deux enfants âgés de plus de sept ans, ce qui reviendrait à plus de 4 000 $ par enfant. Il y a très peu de programmes de garde parascolaire qui représenteraient une dépense additionnelle pouvant aller jusqu'à 4 000 $ par année. J'ai évalué les frais de garde pour enfants qu'imposent plusieurs garderies du centre-ville de Calgary, et je ne suis pas d'accord avec la moyenne de 8 000 $. Si c'est le chiffre qu'elle utilise pour les enfants âgés de moins de sept ans, alors je n'ai pas réussi à trouver une seule qui garderie qui impose de tels frais.

• 1100

L'analyse, si on veut la pousser plus loin, doit tenir compte des dépenses engagées au foyer, c'est-à-dire les dépenses directes, et des dépenses moyennes raisonnables des garderies à but lucratif.

[Français]

M. Serge Cardin: On peut donc supposer que les dépenses de garderie, dans le cas de E, pourraient faire en sorte que les revenus, après impôt et après dépenses, seraient sensiblement pareils.

[Traduction]

Mme Heather Gore-Hickman: Non, pas après impôt. Il y a une différence d'environ 7 000 $ entre le chiffre le plus élevé et le moins élevé.

[Français]

M. Serge Cardin: Ce que je veux dire, c'est qu'une fois les frais de garde enlevés des revenus du cas E, après l'impôt et le paiement des frais de garde, on aurait un revenu sensiblement pareil. C'est un coût que doivent débourser les personnes obligées de faire garder leurs enfants pour aller gagner un revenu à l'extérieur. Quand on est obligé de faire garder ses enfants, cela représente une dépense importante.

[Traduction]

Mme Heather Gore-Hickman: Permettez-moi alors d'ajouter un dernier commentaire. Comme je l'ai dit plus tôt dans mon exposé, les familles dans ce diagramme qui ont des frais de garde en dehors du foyer ne représentent que 17 p. 100 des familles—877 000 familles sur 5,1 millions de familles ayant des enfants. Donc, même si nous avons un pourcentage important de familles à double revenu, elles n'ont pas à assumer les dépenses directes qu'engagent les garderies à but lucratif.

[Français]

M. Serge Cardin: Je n'ai rien entendu de l'interprétation de votre réponse, mais je ne vous demanderai pas de répéter.

Le président: Voulez-vous qu'elle répète?

M. Serge Cardin: J'ai quand même saisi un peu l'idée de madame. Je vais me contenter de cela. Merci.

Le président: Merci.

Madame Dockrill, s'il vous plaît.

[Traduction]

Mme Heather Gore-Hickman: Voulez-vous que je répète la réponse?

Le président: Non.

Mme Heather Gore-Hickman: D'accord. Je suis désolée.

Mme Michelle Dockrill: Merci, monsieur le président.

Vous avez parlé de frais de garde raisonnables. Pouvez-vous me donner une idée de ce que constituent en moyenne, d'après vous, des frais raisonnables de garde d'enfants?

Mme Heather Gore-Hickman: Non. Je ne suis pas spécialiste du domaine. Entendez-vous par là des frais raisonnables de garde d'enfants à domicile ou dans une garderie?

Mme Michelle Dockrill: Oui.

Mme Heather Gore-Hickman: À l'annexe B je fais état des coûts pour les nourrissons, les tout petits et les enfants d'âge préscolaire dans différentes garderies du centre-ville de Calgary. Cela devrait être représentatif de ce qu'est la moyenne.

Je fais ressortir un point en ce qui concerne les soins aux nouaisons. Trente-cinq pour cent seulement des enfants d'âge préscolaire ont deux parents qui travaillent à temps plein. Lorsque vous voulez établir une moyenne raisonnable, il faut vous demander si l'enfant fréquente la garderie à temps plein ou non. Ce serait une tâche colossale que d'essayer de procéder à cette analyse.

Même avec la déduction pour frais de garde d'enfants, la famille ne dispose d'aucun mécanisme pour indiquer ce qu'il lui en coûte au-delà du montant de la déduction. Mais le fait que la déduction n'est que d'environ 2 600 $ en moyenne par réclamation indique que si les familles réclamaient les 5 000 $ et 7 000 $ au complet, la déduction moyenne pour frais de garde d'enfants serait de loin plus élevée. Il faut donc en déduire soit qu'elle paie beaucoup moins pour des services de garde commerciaux soit qu'il y a beaucoup plus de garde à temps partiel, ce qui devrait être le cas puisque 70 p. 100 de la main-d'oeuvre rémunérée est composée de femmes.

• 1105

Mme Michelle Dockrill: Cela m'amène à ma deuxième question. Je pense que vous avez dit que 877 000 familles n'avaient pas engagé de frais de garde d'enfants.

Mme Heather Gore-Hickman: Qu'un grand nombre réclament des frais de garde.

Mme Michelle Dockrill: Avez-vous une idée du rôle informel que les services de garde qui n'émettent pas de reçus jouent dans tout cela?

Mme Heather Gore-Hickman: Je sais qu'un nombre important de services de garde en milieu familial font partie de l'économie souterraine. Cela ne semble pas inquiéter le ministère des Finances en raison du fait qu'il n'y a pas de coût net pour le Trésor. Le ministère ne perçoit pas d'impôt de la personne qui fournit les soins et ne dépense rien pour une déduction pour frais de garde d'enfants. Dans la mesure où les coûts qu'assument ces familles ne sont aucunement reconnus, elles sont en outre victimes de discrimination.

Mme Michelle Dockrill: Ce qui m'inquiète, ce n'est pas nécessairement qu'elles n'ont pas de dépenses. Elles ne les réclament tout simplement pas.

Mme Heather Gore-Hickman: Je reconnais cela et je le signale dans mon document.

Mme Michelle Dockrill: Je viens tout juste moi-même, au cours des six derniers mois, d'essayer de trouver des services de garde pour un nourrisson et j'ai eu de la difficulté à trouver quelqu'un qui acceptait que je déclare mes dépenses.

Mme Heather Gore-Hickman: Exact. Cela rejoint un sujet que M. Szabo a abordé avec le témoin précédent. Le système admis est perçu comme injuste et les gens se sentent alors plus libres d'essayer de tourner le système et de ne pas s'y conformer. C'est de toute évidence un des problèmes avec lesquels nous sommes aux prises.

Mme Michelle Dockrill: Je me demande simplement, vu que 50 p. 100 des enfants qui vivent dans la pauvreté viennent de familles monoparentales, si vous pensez que cela joue un rôle dans ces centres de garde qui ne produisent pas de reçus. Le gouvernement récupérerait ce montant auprès de certains de ces parents uniques qui touchent des prestations d'aide sociale de la province s'ils devaient le déclarer.

Mme Heather Gore-Hickman: Vingt-deux pour cent des familles ayant des enfants sont des familles monoparentales, elles ont donc des préoccupations, dans la mesure où j'ai pu évaluer le système. Elles sont aux prises avec les mêmes éléments de discrimination. J'ai parlé du taux marginal effectif exorbitant que les gagne-petit doivent en fait verser. Si vous ne pouvez conserver que 30 cents sur chaque dollar supplémentaire que vous gagnez, vous ne serez jamais autre chose qu'un salarié à faible revenu.

Mme Michelle Dockrill: Merci.

Le président: Merci, madame Dockrill.

Monsieur Herron, vous avez la parole.

M. John Herron: D'aucuns prétendent qu'une meilleure façon de rétablir l'équité au sein du système, en ce qui concerne la déduction pour frais de garde d'enfants, c'est d'opter pour un crédit d'impôt remboursable qui serait universel et lié aux enfants. Seriez-vous en faveur de cela?

Mme Heather Gore-Hickman: Tout à fait. Il s'agit effectivement d'argent versé par l'État lorsque cela devient un crédit d'impôt remboursable. Vous l'obtenez que vous ayez ou non un revenu salarial. M. Szabo a déjà parlé des conjoints d'agriculteurs et il est certain qu'un crédit d'impôt remboursable répondrait à leurs besoins.

Je le vois un peu différemment d'une allocation familiale. Cela ne relèverait pas du régime fiscal. Nombreux sont ceux qui préconisent de simplifier le régime fiscal et d'en écarter ces fonds ou ces paiements. Je suis en faveur d'une simplification du régime fiscal. Certains ont l'impression que si cela relève du régime fiscal, dans la mesure où les contribuables gagnent en fait un revenu salarial et paient de l'impôt, on le perçoit moins comme de l'argent versé par l'État. Mais d'un point de vue pratique, c'est la même chose.

M. John Herron: De nombreuses études ont démontré que les trois premières années de la période préscolaire sont les plus cruciales dans le développement de l'enfant.

Mme Heather Gore-Hickman: Exact.

M. John Herron: Si vous deviez opter pour quelque chose de semblable à l'allocation familiale et faisiez peser ce choix lourdement—peut-être pas exclusivement, mais cela serait peut-être un sujet de discussion pour les groupes de défense des politiques gouvernementales—en mettant l'accent sur les enfants d'âge préscolaire, s'agit-il selon vous de quelque chose qui serait mieux reçu par le public, si nous avions un programme universel? Parce que ce serait en fait beaucoup plus important que peut-être...

• 1110

Mme Heather Gore-Hickman: Tout à fait. Je serais en faveur de cela. Ce sont les années cruciales. D'après les statistiques, le temps que les enfants soient à l'école, la proportion de familles à double revenu augmente sensiblement. Ainsi il s'agirait certainement d'une période à cibler.

Mais je dois aussi dire que plus les enfants grandissent plus cela coûte cher. Je le répète, il s'agit de valeurs familiales et de décisions à prendre au sujet de ce qu'une famille choisit d'acheter pour ses enfants ou que sais-je encore, mais je ne ciblerais pas que la période préscolaire.

Mais si vous cherchez la volonté politique, je crois qu'un programme qui ciblerait au moins les enfants d'âge préscolaire recevrait un grand appui.

M. John Herron: D'accord.

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Herron.

Monsieur Szabo, vous avez la parole.

M. Paul Szabo: Merci, Heather de votre exposé. J'ai vu d'autres travaux que vous avez faits sur le sujet et je sais que beaucoup de gens partagent vos préoccupations.

Comme vous êtes également comptable agréé, vous pouvez peut- être nous donner votre point de vue sur cette idée de comparer deux familles différentes ayant le même revenu familial, mais dont la configuration est différente, et de montrer que, d'une certaine façon, il y a une différence entre les deux.

Une famille à deux revenus doit contribuer deux fois au RPC et à l'AE. Il y a une dépense d'emploi théorique à laquelle renoncerait un couple à revenu unique. En outre, comme vous l'avez dit, le montant de la déduction pour frais de garde est de loin plus élevé que ce que les contribuables semblent en fait réclamer.

J'ai toujours cru que la véritable analyse économique porte sur un couple qui travaille et qui a ensuite un enfant. Il doit alors analyser la situation et se demander s'il vaut mieux que le couple continue de travailler et embauche quelqu'un pour s'occuper de l'enfant ou que l'un des deux reste à la maison. Peu importe la façon dont j'analyse cette chose, il me semble qu'indépendamment des frais de garde qui les attendent, il y a toujours un revenu net ou la possibilité d'un gain économique si les deux travaillent.

Mme Heather Gore-Hickman: Je n'ai pas bien compris la fin de la phrase?

M. Paul Szabo: Un gain économique. Il y a un revenu net. Si je gagne 20 000 $ et que j'en dépense 4 000 $ pour les frais de garde, après impôt, je continue de ramener à la maison 12 000 $. Je renonce à ce gain économique, si je décide de rester à la maison pour m'occuper moi-même de mon enfant.

Mais il y a une autre valeur immatérielle et c'est là où l'aspect social et l'aspect fiscal se rencontrent. Vous pouvez peut-être ajouter quelque chose à la liste, si vous avez quelque chose à ajouter. Vous avez non seulement renoncé à un revenu en assumant vous-mêmes la garde de l'enfant, mais probablement aussi à l'avancement professionnel et au rachat du droit à pension que vous auriez probablement pu accumuler. La clause d'exclusion pour élever des enfants n'est pas la cause. Comparativement aux autres couples dont les deux parents travaillent, vous rendez probablement plus de services bénévoles, communautaires et ainsi de suite. Vous faites beaucoup plus que simplement garder votre propre enfant.

L'analyse économique qu'a fait circuler C.D. Howe et Condition féminine Canada dans leur réponse aux Nations Unies constituait- elle une comparaison appropriée ou diriez-vous qu'il vaudrait mieux prendre une famille en particulier et procéder à l'analyse économique de ses choix?

Mme Heather Gore-Hickman: Vous avez abordé tellement de points.

L'analyse de Condition féminine Canada n'était pas pertinente. On a pu lire certains articles à ce sujet dans les médias et j'ai essayé d'en parler ici.

Les familles qui décident de réduire leur revenu, de revenir à un revenu unique ou à un emploi minimal pendant les années consacrées à l'éducation des enfants, finissent par en subir les conséquences le reste de leur vie étant donné qu'elles n'ont pas été en mesure de prendre des dispositions pour leur retraite.

• 1115

Vous avez parlé de la double contribution au RPC et à l'AE des familles à deux revenus. Elles obtiennent quelque chose en retour de cette deuxième série de paiements: la protection d'emploi et une pension double à la retraite. Dans votre merveilleux document sur les dispensateurs de soins, vous signalez que si une femme gagne 18 000 $—et nous savons que le salaire moyen des femmes est de 20 000 $—si elle a deux enfants dans une garderie, son salaire net équivaut à zéro.

Il n'est pas facile d'être une femme dans ce pays à moins de faire des choix du genre de celui que j'ai fait, être comme un homme.

M. Paul Szabo: Vous ne voulez pas être comme un homme.

Mme Heather Gore-Hickman: Non, je ne le veux pas, mais les choses sont très compliquées ici.

M. Paul Szabo: C'est ma dernière question.

Vous savez que l'on dispose d'un certain nombre de moyens pour verser aux Canadiens des prestations pour enfants. Des gens ont parlé de toutes sortes de choses et on dispose de certains moyens. Disons que nous devions répondre à la question brutale que posent les gens: notre régime, fiscal ou autre, est-il inéquitable dans la mesure où les familles à double revenu obtiennent quelque avantage financier et où un avantage équivalent ou quelque avantage théorique n'est pas accordé à celles qui décident de s'occuper personnellement de l'éducation de leurs enfants? Recommanderiez- vous de modifier les programmes existants pour offrir cet avantage à ce groupe ou serait-il plus sage de concevoir une prestation unique qui serait versée directement à la personne qui s'occupe personnellement de l'enfant, par exemple une prestation pour la sollicitude parentale semblable à la prestation destinée aux soignants qui a été mise en place en 1998 pour les personnes qui prennent soin d'un parent âgé au domicile de ce dernier?

Mme Heather Gore-Hickman: Une très petite prestation.

M. Paul Szabo: C'est tout de même quelque chose.

Mme Heather Gore-Hickman: Tout à fait. Je ne voudrais toutefois pas que l'on pense qu'il s'agit de quelque chose qui est d'un grand secours à quiconque. Votre revenu familial doit être inférieur à 13 850 $ ou à quelque chose du genre. On parle de quelque chose de très mineur.

Comme je l'ai dit, j'aimerais que l'aide soit directement liée à l'existence des enfants. Il est futile d'essayer de cibler l'activité des parents. Les femmes sont sporadiquement employées. Elles font des choix différents. Les circonstances familiales, les dispositions que les familles prennent pour la garde des enfants, la situation du conjoint évoluent. Il est futile d'essayer de cibler l'activité parentale.

L'existence des enfants entraîne des dépenses. La déduction pour frais de garde d'enfants est une dépense légitime. C'est une dépense d'entreprise. On ne devrait pas traiter les enfants comme une dépense d'entreprise. Les enfants, de par leur existence même, entraînent de grosses dépenses. Les familles qui recourent à des services de garderie commerciaux engagent d'autres dépenses en dehors des heures où leurs enfants sont à la garderie. La reconnaissance de l'existence des enfants est l'approche la plus équitable à adopter.

Le président: Madame Redman, vous avez la parole.

Mme Karen Redman: Je suis d'accord avec vous lorsque vous dites à la page 5 qu'il serait très louable de simplifier le régime fiscal. Ce qui me gêne à l'avant-dernier paragraphe, c'est que vous semblez croire qu'un impôt uniforme serait la panacée.

Sans distinction de sexe, les gens qui se situent dans la tranche supérieure d'imposition, alors qu'ils ne représentent que 13 p. 100 de tous les contribuables, paient en fait 37 p. 100 de tous les impôts et donnent 42 p. 100 de tous les dons de bienfaisance. Ainsi,

Mme Heather Gore-Hickman: J'essaie de concevoir des options de sorte que je reconnais quelque chose qu'a fait l'Alberta. Par l'entremise de déductions personnelles élevées, d'exemptions personnelles, la province élimine des rôles d'imposition un fort pourcentage de salariés à faible revenu et, étant donné l'existence de ces crédits personnels, la progressivité du régime fiscal continuerait de faire en sorte que les salariés à revenu élevé versent un pourcentage sans cesse plus élevé de leur revenu dans la mesure où ils gagnent davantage. Le régime fiscal conserve donc cette progressivité et les salariés à revenu moyen sont moins sollicités dans la mesure où ils ont aussi accès à ces exemptions personnelles.

Mme Karen Redman: Mais vous vous occupez vraiment des plus bas salariés, et je suis d'accord avec vous sur ce plan, parce que la classe moyenne...

Si vous tendez vers la neutralité des revenus, où allez-vous trouver l'argent que ne versent plus les 13 p. 100 des salariés de la tranche d'imposition supérieure?

• 1120

Mme Heather Gore-Hickman: D'après de nombreuses analyses économiques, lorsque vous réduisez les impôts, vous obtenez plus. Les écrits ne manquent pas sur toute la question de la productivité et du niveau de vie. Ce n'est pas l'endroit pour discuter de tout cela, mais...

Mme Karen Redman: Je soulève simplement, la question parce que vous l'avez abordée dans votre mémoire. Je crois qu'il s'agit là d'un document très sérieux et je vous remercie de votre contribution.

Mme Heather Gore-Hickman: Merci.

Le président: Merci, madame Redman.

Dans votre analyse à l'annexe B, vous attirer l'attention sur la comparaison injuste faite par Condition féminine Canada et semblez dire qu'il serait plus juste de prendre le revenu familial de 60 000 $ et de le fractionner entre les deux soutiens de famille, chacun gagnant 30 000 $. Je me demande si c'est réaliste. Je ne décide pas, si je suis le soutien de famille principal, de renoncer tout à coups à 60 000 $ et d'opter plutôt pour deux revenus de 30 000 $.

Mme Heather Gore-Hickman: Exact.

Le président: Je vais vous donner un exemple. Si je gagne à l'heure actuelle 60 000 $, je me demanderais s'il vaut la peine que mon épouse aille travailler. Il est à espérer que le revenu familial augmente de 80 000, 30 000 ou 90 000 $. Exact? Je me demande donc...

Mme Heather Gore-Hickman: Je n'ai pas dit qu'ils gagneraient chacun 30 000 $. Vous avez fait ressortir un des points faibles inhérents de l'analyse de Condition féminine Canada. On y présume que la famille à revenu unique réduirait son revenu si le conjoint allait travailler, ce qui est déraisonnable. Il n'en serait pas ainsi.

Je prends deux familles avec le même revenu et je me demande quelle serait la différence dans le cas de celle qui n'a qu'un seul revenu et dont le soutien de famille obtient une augmentation. Vous jetez donc au traitement fiscal différent dont ferait l'objet le revenu additionnel de ces deux familles. Dans le cas de la famille à double revenu, on parle d'un taux d'imposition marginal d'environ 23,5 p. 100. Quant à la famille à revenu unique, elle finirait part se voir imposer un taux marginal de 46 p. 100. Je ne sais pas ce que je dois dire de plus. Il va sans dire que l'impact différentiel pour la famille à revenu unique est plus grand.

Le président: Notre comité a surtout été frappé par l'apparente injustice entre la combinaison de familles différentes—un seul soutien de famille par rapport à deux soutiens de famille. Je me demande si vous croyez que nous devrions nous attacher à mettre en place des mesures visant à réparer cette apparente injustice ou des mesures qui viennent en aide à tout le monde.

Mme Heather Gore-Hickman: Comme je vous l'ai dit, la plupart des familles à double revenu sont victimes des mêmes mesures discriminatoires que les familles à un seul revenu. C'est un ensemble de mesures discriminatoires, si vous voulez. Les couples où un seul des conjoints touche un revenu sont les plus touchés, mais la plupart des familles où les deux parents travaillent n'ont pas droit à la déduction pour frais de garde et, comme les deux revenus ne sont pas imposés au même taux marginal, elles ne profitent pas de la taxation optimale. Si elles ont pour voisin une famille dont les deux parents gagnent le même salaire, leur fardeau fiscal est plus élevé, même si elles ont deux revenus.

Alors j'aimerais que toutes les familles soient visées. Cibler les enfants constitue la façon la plus pratique de le faire.

Le président: Donc, vous n'êtes pas aussi préoccupée que les membres de l'opposition par l'iniquité qui semble...

Mme Heather Gore-Hickman: Il est impossible d'élaborer des politiques fiscales qui n'auraient absolument aucun impact sur les choix que font les familles. Mais il doit sûrement y avoir un moyen de réduire l'écart entre les familles.

Le président: Mais je veux savoir si cela devrait constituer l'élément moteur des réformes, ou si nous pouvons en quelque sorte verser 100 $ de plus à toutes les familles canadiennes, peu importe qu'elles soient à revenu unique ou non?

Mme Heather Gore-Hickman: Vous posez là une question difficile. À l'heure actuelle, 44 p. 100 des familles n'ont qu'un seul revenu et n'obtiennent absolument rien. Donc, pratiquement la moitié des familles ne sont victimes d'aucune iniquité. Toutefois, il y a beaucoup de familles à double revenu qui sont traitées de manière presque aussi inéquitable. Nous devions donc cibler les enfants, parce que c'est l'unique dénominateur commun qu'ont les familles, et chercher à réduire les iniquités. Je ne réponds peut- être pas à votre question de façon satisfaisante.

Le président: Non, c'est...

Mme Heather Gore-Hickman: Le chiffre 44 p. 100 vient du ministère des Finances et tient compte du fait que les femmes qui gagnent moins de 6 500 $ sont effectivement considérées comme des familles à revenu unique. D'après Statistique Canada, 32 p. 100 des familles n'ont qu'un seul revenu, et c'est là que se situe la différence. Vous ne le savez peut-être pas, mais c'était...

• 1125

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier. Vous y avez mis beaucoup de travail, et c'est un des meilleurs exposés que nous ayons entendus jusqu'ici.

Mme Heather Gore-Hickman: Je finirai un jour par trouver quelqu'un qui me paiera pour le travail que je fais.

Le président: Félicitations. Bien fait. Merci beaucoup.

Mme Heather Gore-Hickman: Merci.

Le président: Nous avons maintenant le plaisir d'accueillir l'Association de parents du Canada Kids First. Je désire souhaiter la bienvenue à Cathy Perri, qui est la présidente de l'Association. C'est Cathy Buchanan qui devait comparaître.

Mme Cathy Perri (présidente, Association de parents du Canada Kids First): Oui, sa belle-mère est décédée. Elle se trouve en Ontario.

Le président: Je m'excuse. Vous pouvez alors commencer. Je vous souhaite la bienvenue au nom du comité.

Mme Cathy Perri: Je tiens d'abord dire à quel point je suis déçue de me retrouver devant vous aujourd'hui. Cela fait douze ans que Kids First comparaît devant des comités du gouvernement et notre message est toujours le même. Je vous sais gré du temps que vous consacrez à cette question, et je suis consciente des inconvénients que présente pour vous le fait de vous déplacer dans de nombreuses villes dans un délai si court, surtout que vous devez passer beaucoup de temps loin de vos familles, mais je demeure sceptique quant aux changements qui seront apportés.

Bien que le ministre des Finances ait insisté sur l'importance que revêt cette question pour le gouvernement, je tiens à dire que cette étude n'a été entreprise que lorsque le ministre en second des Finances s'est mis les pieds dans le plat, que la secrétaire d'État pour la condition féminine s'est mise dans l'embarras et que l'opposition officielle a exercé des pressions. En fait, le comité a pour mandat d'examiner l'équité du système fiscal et du système de transferts canadiens en ce qui concerne les familles avec des enfants à charge. Son enquête a pour but de déterminer si les familles sont traitées de manière équitable.

Bien que la discrimination fiscale dont sont victimes les parents qui choisissent de rester au foyer soit bien documentée et qu'elle ait été reconnue par les comptables agréés, les gouvernements provinciaux, la Cour de l'impôt et le ministère des Finances lui-même—qui, en passant, a commandé une étude sur la question en 1996 à la demande de plusieurs provinces, étude qui a clairement démontré la discrimination dont étaient victimes ces personnes—le gouvernement n'a toujours pas admis qu'il existe un problème.

Paul Martin s'est rendu à Calgary à plusieurs reprises depuis qu'il a été nommé ministre des Finances. Il trouve toujours le temps de participer à des barbecues à Bragg Creek, de rencontrer des étudiants et des producteurs de pétrole, mais il ne semble jamais avoir le temps de rencontrer une organisation qui parle au nom de centaines de milliers de parents à domicile.

Je tiens à signaler que le trésorier de l'Alberta, l'honorable Stockwell Day, a eu le temps, lui, de nous rencontrer. En fait, il a pris le temps de le faire. Par conséquent, le gouvernement de l'Alberta a pris conscience du problème et adopté des mesures qui réduiront considérablement les iniquités dont sont victimes les familles dont un des parents reste au foyer. Dieu merci que j'habite en Alberta.

La politique fiscale a beaucoup évolué au cours des 50 dernières années. Nous sommes passés d'un régime qui s'inspirait du principe traditionnel de la capacité de payer et qui reconnaissait que le niveau d'imposition devrait non seulement être fonction du revenu, mais également du nombre de personnes qui dépendent de ce revenu, à un système qui perçoit les enfants comme une autre simple dépense personnelle. Par conséquent, le fait qu'un parent décide de rester au foyer pour s'occuper de ses enfants est perçu comme une perte de temps et de talent, et pour les femmes, comme un obstacle important à l'égalité et à l'épanouissement de soi.

Cette dépréciation des soins parentaux pas le biais de la politique fiscale survient, paradoxalement, au moment même où un nombre grandissant d'études confirment ce que nous savons depuis toujours: les parents sont essentiels au bien-être optimal de l'enfant. Ce dont les enfants ont besoin pour assurer leur épanouissement et leur développement, c'est passer beaucoup de temps avec leurs parents. Or, les familles aujourd'hui sont privées du temps précieux dont elles ont besoin pour tisser des liens et grandir ensemble.

• 1130

La solution logique serait d'éliminer les obstacles aux soins parentaux, de donner aux familles la souplesse dont elles ont besoin et la possibilité de décider ce qui convient le mieux aux membres de celles-ci. La vie de famille n'est pas quelque chose de statique, mais de dynamique. La combinaison travail-famille varie considérablement durant le cycle de la vie, selon les circonstances propres à chaque famille. Une famille peut avoir un parent qui reste au foyer à temps plein pendant les années préscolaires et qui décide de réintégrer progressivement le marché du travail une fois les enfants à l'école.

Les circonstances comme la maladie ou l'incapacité, une promotion ou la perte d'un emploi, la séparation, le divorce et la réinstallation peuvent entraîner des changements au niveau de la carrière et de la famille. Les politiques doivent tenir compte de la dynamique de la vie familiale et soutenir les familles, pas les frustrer en les faisant passer par toutes sortes de transitions. Le gouvernement, toutefois, s'est cantonné dans une attitude de défi et a refusé toute réforme fiscale qui mettrait fin à la discrimination contre les parents qui choisissent de rester au foyer. Ces réformes seraient trop coûteuses, trop ciblées et érigeraient des obstacles à l'égalité des femmes.

Oui, les réformes ont un prix. Il est vrai qu'il y aurait une baisse de revenu, mais seulement si nous ne considérons qu'un aspect du tableau financier. Tout investissement dans ce qui convient le mieux aux enfants présente peu de risques et des retombées importantes. Puisque les soins parentaux constituent le meilleur moyen de répondre aux besoins de développement de l'enfant, un parent qui reste au foyer pour s'occuper de ses enfants constitue un investissement social légitime dans l'avenir de notre pays.

Le gouvernement, par ses interventions, croit manifestement en ce type d'investissement. Les bourses du millénaire et le nouveau programme de nutrition prénatale ne sont que deux exemples d'initiatives récentes où le gouvernement a engagé des fonds importants tout en précisant aux Canadiens que ces mesures constituent des risques financiers sûrs qui produiront des retombées à long terme sur le plan aussi bien financier que social.

Le Comité permanent des finances, dans son rapport de 1998, a mis l'accent sur la nécessité d'augmenter la productivité et d'investir dans le capital humain. Notre prospérité future dépend des enfants, qui constituent notre capital humain. Leur productivité et, partant, celle du pays, ne saura être assurée que si leurs parents investissent de façon considérable dans leur éducation. L'idée voulant que l'économie tourne au ralenti parce que les parents s'occupent de leurs enfants ne tient pas compte de ce fait.

Le rapport précise qu'une productivité accrue passe par des investissements ciblés. Or, le ministère des Finances ne cesse de dire que toute mesure visant à inclure les parents au foyer, à l'intérieur d'un régime fiscal qui les mettrait sur un pied d'égalité avec les familles à double revenu, serait trop ciblée. Cet argument ne tient pas quand on jette un coup d'oeil aux autres mesures fiscales qui ont été adoptées. Les prestations pour personnes âgées visent à répondre aux besoins des personnes âgées. Les bourses du millénaire visent à répondre aux besoins des étudiants. La déduction pour frais de garde d'enfants vise à répondre aux besoins des familles à double revenu qui ont recours aux services de garderie. La prestation pour enfants vise à venir en aide aux familles à faible revenu qui ont des enfants. En fait, les crédits d'impôt ont pour but de permettre au système de répondre à des besoins particuliers.

L'argument le plus étonnant est peut-être celui du Bureau de la condition féminine, qui soutient que toute mesure ciblant les parents qui restent au foyer pour s'occuper de leurs enfants ne fait que renforcer les obstacles à l'emploi puisqu'elle n'encourage pas ceux-ci à se trouver un emploi rémunéré. Qui aurait cru que le fait de traiter les familles de manière équitable, de reconnaître que les parents au foyer sont des membres à part entière de la société, que la valorisation des soins donnés aux enfants constituerait un obstacle à l'égalité? Qui aurait cru que la discrimination dont sont victimes un grand nombre de femmes serait défendue, justifiée et encouragée par un organisme du gouvernement qui a pour mandat de promouvoir l'égalité des femmes? L'égalité pour toutes les femmes constitue maintenant un obstacle à la réalisation du nouvel objectif féministe de supériorité pour quelques privilégiées, pas pour celles qui restent au foyer.

Que pouvons-nous donc faire? De nombreuses initiatives ont été proposées par Kids First et d'autres organismes au fil des ans, mais elles ont toujours été écartées sans faire l'objet d'analyses de faisabilité. Le fractionnement du revenu et les déclarations conjointes sont les solutions qui reviennent le plus souvent. L'adoption, par l'Alberta, d'un impôt uniforme assorti de déductions généreuses et équitables pour les conjoints et pour les particuliers en est une autre. Le gouvernement considère la déduction pour frais de garde d'enfants comme un moyen d'aider les familles avec enfants à assumer les dépenses particulières qu'elles doivent engager du fait que les deux parents travaillent à l'extérieur du foyer.

Or, ces mesures ne tiennent pas compte du fait que les familles à revenu unique assument elles aussi des dépenses propres à leur situation. Fait ironique, le régime fiscal reconnaît que les dépenses engagées par une garderie sont légitimes, et autorise certaines déductions au motif que la garde des enfants entraîne des coûts. Les déductions permises englobent un pourcentage du coût d'utilisation des services d'utilité publique, des intérêts hypothécaires, des frais d'assurance, des frais d'entretien, des impôts fonciers. Les coûts associés à l'éducation des enfants à domicile qui sont reconnus par le gouvernement ne s'appliquent, toutefois, qu'aux situations où les enfants gardés ne sont pas ceux du dispensateur de soins.

L'association Kids First recommande que la déduction pour frais de garde d'enfants soit éliminée ou étendue à toutes les familles. Or, il y a peu de chances que cette option soit retenue. Après tout, ce sont les riches qui bénéficient avant tout de cette mesure, et ce sont les riches qui contribuent généreusement aux campagnes politiques. Ajoutons à cela le fait que, puisque seul un petit groupe de familles admissibles demandent cette déduction, il ne vaut pas le peine pour le gouvernement de faire des changements.

• 1135

Si la déduction pour frais de garde d'enfants semble être là pour rester, alors nous proposons que les critères soient resserrés. Les coûts admissibles devraient être limités aux frais de garde d'enfants, et ne devraient pas comprendre les dépenses engagées pour les camps de hockey, les frais de prématernelle, les frais pour les repas du midi, ainsi de suite. En outre, l'âge d'admissibilité qui est fixé à 16 ans est ridicule, puisqu'aucune garderie, à notre connaissance, n'accepte des jeunes de 16 ans, les enfants pouvant légalement faire du gardiennage à 12 ans. Ce critère n'a aucun sens, à moins qu'il ne s'agisse d'un stratagème pour financer les activités d'épanouissement des riches.

Le malentendu le plus courant entourant cette question est que les réformes accorderont un traitement préférentiel aux familles où un des parents reste à domicile, tout en pénalisant celles qui font des choix différents. C'est faux. Les réformes doivent avoir pour objectif le traitement juste et équitable des familles. Soudoyer les familles dans le but d'inciter un des parents à rester au foyer n'est pas le but recherché. Donner des choix familles l'est.

Le message que souhaite transmettre l'Association au gouvernement est simple. D'abord, il faut admettre l'existence d'un problème. Ensuite, il faut le corriger. Peu importe la façon dont vous vous y prenez; il faut le régler. Nous ne voulons plus d'études, de rapports, de rhétorique, de promesses vides. Comme le gouvernement est grandement responsable de ce problème, c'est à lui de trouver la solution. Il a les fonds, les experts, le temps et la main-d'oeuvre nécessaires pour le faire.

Merci.

Le président: Merci pour ce message très clair et concis.

Monsieur Forseth, vous avez six minutes.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Vous dites qu'il faut régler le problème. Or, ce comité a été créé, en partie, parce qu'on a reconnu qu'il existe peut-être un problème. Avant d'apporter des changements, il faut d'abord reconnaître qu'il y a bel et bien un problème.

Je n'ai qu'une seule question à vous poser, et je vais laisser aux autres le soin d'aller au fond des choses. Concernant la déduction pour frais de garde d'enfants, avez-vous songé à une façon de calculer les dépenses engagées par le parent qui reste au foyer pour s'occuper des enfants? Comment pouvons-nous reconnaître, sur le plan financier, le choix que fait un parent de s'occuper lui-même de ses enfants au lieu de les envoyer dans une garderie? Comment peut-on arriver à le faire sur le plan technique?

Mme Cathy Perri: Eh bien, je ne saurais vous le dire, puisque je ne suis pas une spécialiste du droit fiscal.

M. Paul Forseth: Puis-je vous interrompre un instant? C'est ce qu'on me répond chaque fois que j'ai posé la question: «Je ne suis pas un spécialiste du droit fiscal.» Mais il faut réfléchir à ce problème pour offrir, à tout le moins, certains scénarios possibles.

Mme Cathy Perri: Le gouvernement a accès à des experts, des personnes qui passent leur vie à examiner le régime fiscal et les divers changements qu'on peut y apporter. Ils ne font que ça.

M. Paul Forseth: D'accord, mais le public, à certains égards, a son mot à dire. Nous avons une vision, et je veux savoir quelle est la vôtre, ce que vous jugez que le gouvernement peut faire. Est-ce qu'il pourrait, par exemple, envoyer un chèque au dispensateur de soins? C'est une solution parmi d'autres.

Mme Cathy Perri: Vous pourriez également étendre la déduction à toutes les familles, ou transformer celle-ci en crédit qui serait offert à toutes les familles qui ont des enfants, ou quelque chose du genre.

Je suis d'accord avec Heather. Je pense qu'il serait très difficile d'envoyer un chèque aux parents et de cibler leurs activités. Si vous l'étendez à tout le monde...

M. Paul Forseth: Eh bien, comment pouvons-nous faire cela? Voilà ma question. Si vous achetez quelque chose, vous avez un reçu, le service a une valeur marchande, mais si vous vous occupez vous-même de vos enfants à la maison, comment calculez-vous la valeur des soins donnés? Nous savons que ceux qui achètent ces services le font à des degrés variables. Certains vont acheter tous les services offerts jusqu'à la limite autorisée, d'autres vont n'en acheter qu'une partie.

J'essaie de voir quel est l'envers de la médaille, la déduction pour frais de garde d'enfants. Comment pouvons-nous calculer la valeur des soins donnés aux enfants au foyer? Avez-vous une formule à nous proposer?

Mme Cathy Perri: Non, pas vraiment. À l'heure actuelle, la déduction est fixée à 7 000 $ pour les enfants de moins de sept ans, et à 4 000 $ pour les enfants de moins de 16 ans. Si vous étendez cela à tout le monde...

M. Paul Forseth: Mais comment?

Mme Cathy Perri: Il suffit qu'ils déduisent ce montant de...

Le président: Il nous faut quelque chose de concret, c'est ce que dit M. Forseth.

Mme Cathy Perri: Eh bien, nous pourrions... Je ne sais pas. Le gouvernement a l'argent, les experts et tout le reste pour le faire.

Vous parlez de reçus. Ce qu'il y a d'intéressant, c'est que, pour certains services de garde, les parents au foyer reçoivent des reçus. Nous avons des reçus pour les frais de garde parascolaire, les camps de hockey, la prématernelle. Nous pourrions demander des reçus pour toutes ces dépenses si nous le voulions. Nous ne le faisons pas parce qu'ils ne servent à rien.

M. Paul Forseth: D'accord, ça pourrait être une suggestion.

Le président: Ils peuvent déduire ces dépenses si un des parents travaille.

Mme Cathy Perri: Non. Si mon enfant va à la prématernelle et que je reste au foyer, mon mari ne peut déduire les frais de prématernelle.

• 1140

Le président: J'envoie mon garçon à un camp de jour pendant l'été, et j'ai le droit de déduire cette dépense. Et ma femme est à la maison.

Mme Cathy Perri: Je ne sais pas comment cela fonctionne.

Le président: M. Szabo abordera peut-être la question.

Mme Cathy Perri: Mme Gore-Hickman pourrait peut-être répondre à la question.

Mme Heather Gore-Hickman: Oui, si vous me le permettez.

Le président: Pourriez-vous, s'il vous plaît, utiliser le micro pour la traduction, et vous identifier.

Mme Heather Gore-Hickman: Je m'appelle Heather Gore-Hickman, et je ne veux pas empiéter sur le temps de Cathy.

La déduction vise à rembourser les frais de garde engagés pendant que le parent travaille, gagne le deuxième revenu. Alors j'espère que vous ne faites pas l'objet d'une vérification.

Je ne crois pas que cela soit légitime, sauf s'il y a un deuxième revenu. Les dépenses engagées pour les camps de hockey, les leçons de piano, la garde parascolaire sont assimilées aux frais de garde d'enfants. Techniquement, si une mère reste au foyer parce que c'est son jour de congé, elle ne peut réclamer une déduction pour les leçons de nage et autres.

Le président: Je ne le sais pas. Ils m'envoient un reçu et mes vérificateurs font le nécessaire.

Mme Heather Gore-Hickman: Eh bien, moi aussi j'ai des reçus, mais je ne peux pas demander une déduction pour ces dépenses si elles ne sont pas engagées pendant que je travaille.

Le président: Merci.

Voulez-vous ajouter quelque chose, madame Cathy?

Mme Cathy Perri: Non.

[Français]

Le président: Monsieur Cardin, s'il vous plaît.

M. Serge Cardin: Bonjour, madame, et merci d'être là même si vous n'êtes pas contente d'avoir à répéter souvent les mêmes demandes.

Plus nous avançons dans nos consultations et plus j'avance dans ma réflexion, plus je suis conscient que le problème ne réside pas dans l'équité entre une et deux sources de revenu. Le débat sur les éléments importants ne se situe plus là, mais surtout au niveau de l'enfant et du choix que doivent avoir les parents de s'occuper directement de leurs enfants ou d'aller travailler et de les mettre en garderie.

Selon ce que je comprends de l'ensemble des interventions, pour aider les gens qui décident de rester à la maison à s'occuper de leurs enfants, il faudrait un crédit basé sur ce qu'il faut réellement dépenser pour subvenir aux besoins d'un enfant et l'élever convenablement. Ce crédit pourrait être universel dans un premier temps mais aussi dégressif selon les revenus. Est-ce que ce serait un élément qui pourrait répondre, d'après vous, aux besoins des parents qui gardent les enfants à la maison?

[Traduction]

Mme Cathy Perri: Merci.

Je pense qu'un tel crédit permettre peut-être de répondre aux besoins d'une famille où un des parents reste à la maison. Je ne suis toutefois pas d'accord quand vous dites que le problème ne se situe pas au niveau de l'équité. Au contraire. Si je me fie à ce que disent les milliers de personnes qui communiquent avec nous, cela semble être leur plainte principale—la façon dont elles sont traitées sur le plan fiscal.

Je pense que bon nombre des familles qui ont un parent à domicile accepte le fait que, lorsque nous choisissons de rester à la maison, nous nous privons d'un deuxième revenu. Nous acceptons le fait que notre niveau de vie va changer et diminuer, et nous sommes prêts à l'accepter. C'est un choix que nous faisons. Nous comprenons les conséquences de ce choix. Toutefois, nous ne nous attendons pas à subir les iniquités supplémentaires que nous impose le régime quand vient le temps de remplir la déclaration.

[Français]

M. Serge Cardin: Je voudrais revenir sur l'iniquité entre un revenu et deux revenus. Tel que je le vois, le système fiscal devrait normalement être basé sur un individu qui a un revenu X. Si deux individus ont des revenus différents qui équivalent à peu près à celui d'un individu seul, les deux personnes qui travaillent devraient nécessairement avoir une somme nette plus élevée en bout de ligne.

Deux personnes qui travaillent à plein temps pour un revenu de 60 000 $ devraient avoir techniquement plus d'argent dans leurs poches qu'une personne seule gagnant le même revenu, compte tenu de notre système fiscal à taux ascendant. Maintenant, si cette personne seule s'associe à une autre personne, par le mariage ou d'une autre façon, cela demeure quand même un revenu.

Je pense que le problème vient surtout des exemptions. On sait que les exemptions individuelles ne sont pas ajustées depuis plusieurs années et qu'un ajustement aurait un effet sur la facture fiscale en bout de ligne. L'exemption du conjoint qui reste à la maison pourrait aussi être ajustée ainsi que celles des enfants, qui pourraient l'être fortement pour donner un coup de main aux parents qui veulent rester à la maison pour prendre soin de leurs enfants.

• 1145

[Traduction]

Mme Cathy Perri: Il est vrai que l'exemption accordée n'est pas très élevée. Le montant aussi n'est pas le même, de sorte que vous valez plus si vous travaillez à l'extérieur. L'exemption personnelle est plus élevée que l'exemption du conjoint, et nous comprenons tout de suite que votre contribution à l'économie vaut plus que le travail que vous effectuez au foyer. C'est ce que nous voudrions, que l'exemption soit majorée et que le montant soit le même.

[Français]

Le président: Merci, monsieur Cardin.

[Traduction]

Madame Dykxhoorn.

Mme Hermina Dykxhoorn: Non.

Le président: Monsieur Herron.

M. John Herron: Vous avez dit, entre autres, que la déduction pour frais de garde d'enfants est extrêmement régressive, en ce sens que les personnes qui gagnent un revenu plus élevé en bénéficient davantage. Si nous voulons un système qui est juste, il faudrait, comme on l'a proposé aujourd'hui et même hier, revenir à l'ancienne formule de l'allocation familiale qui était versée au principal dispensateur de soins, de sorte que le système était équitable à cet égard, et aux familles avec enfants, en diminuant peut-être l'âge parce que les années critiques entre un an et trois ans, l'âge préscolaire... Est-ce quelque chose que vous et vos collègues, vos amis, avez envisagé?

Mme Cathy Perri: Ce serait une solution parmi d'autres, une solution qu'il faudrait examiner de près. En ce qui concerne la déduction, ce que nous avons dit, c'est qu'elle ne constitue pas la principale source d'iniquité dans le régime fiscal. L'iniquité vient du fait que le régime utilise l'individu comme unité d'imposition, et c'est là que se situe le problème. Même si la déduction était étendue à tous, à la fin de l'année fiscale, il y aurait encore des iniquités. Mais c'est quelque chose que nous devrions envisager, parce que cette formule reconnaîtrait que l'éducation des enfants coûte cher, que vous restiez ou non à la maison pour vous occuper d'eux.

M. John Herron: Certains s'opposent au partage du revenu en soutenant que c'est une mesure qui est presque aussi régressive parce qu'elle avantage ceux qui ont des revenus plus élevés. Que pensez-vous de ceux qui disent que ce serait une mesure régressive de ne pas permettre le partage du revenu parce qu'il y a beaucoup de professionnels, des dentistes ou des médecins, dont les conjointes sont souvent inscrites sur la liste de la paie, et que c'est seulement une petite élite qui a accès au partage du revenu, alors que les Canadiens ayant un revenu moyen n'y ont pas accès? Ne pas au moins tenir compte du partage du revenu ou du revenu familial est presque plus pénalisant, presque plus régressif, à cause des hauts salariés. Pensez-vous que cet argument n'est pas trop loin de la vérité?

Mme Cathy Perri: D'après ce que j'ai lu, c'est probablement vrai à certains égards mais, comme je l'ai dit, je viens du milieu infirmier; je suis infirmière et non pas fiscaliste ou comptable. Mais, selon moi, comme je l'ai dit dans le message de Kids First, nous savons qu'il y a un problème et nous aimerions simplement qu'il soit réglé. Peu importe pour nous comment c'est fait, d'abord que ça l'est. Je peux comprendre ce que fait l'Alberta. Je sais qu'il y a des problèmes à ce sujet, mais au moins on essaie de faire quelque chose. On pourrait peut-être envisager cette solution ou du moins étudier les résultats dans la province de l'Alberta.

M. John Herron: Étant donné que seulement le tiers des parents demandent la déduction pour frais de garde d'enfants et qu'ils réclament en moyenne environ 2 600 $, ce qui représente une économie d'à peu près 700 $ pour les familles, diriez-vous qu'une mesure destinée seulement aux parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants constituerait un obstacle de plus à l'emploi, en ne motivant pas les gens à avoir un travail rémunéré? Pensez-vous que les femmes, professionnelles ou non, qui étaient sur le marché du travail, pourraient presque se faire acheter pour 700 $, qu'elles ne sont pas capables de choisir à cet égard? Je pense que c'est presque du sexisme à l'envers.

Mme Cathy Perri: Vous parlez de ce qu'on a dit au sujet de l'obstacle que cela pourrait créer. Ce n'est pas moi qui l'ai dit, mais Condition féminine Canada.

M. John Herron: C'est exact. Je voulais simplement savoir si vous pourriez nous en dire plus long à ce sujet.

Mme Cathy Perri: Je pense que Condition féminine Canada est d'avis que toute mesure qui donnerait aux familles le choix, tout ce qui ne pénaliserait pas les familles dont un des parents reste à la maison, serait un obstacle, et que les femmes seraient légion à vouloir rester à la maison. D'après ce que Mme Hedy Fry et ses collaborateurs nous ont dit, il est clair que Condition féminine Canada ne veut pas que les femmes aient le choix de rester à la maison et que l'organisme va faire tout ce qu'il peut pour que le système reste inchangé, parce qu'il pénalise les familles dont un des parents reste à la maison. Pour l'organisme, c'est un obstacle, et il ne veut pas que les femmes aient le choix.

• 1150

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Szabo, allez-y.

M. Paul Szabo: Cathy, merci beaucoup d'être venue nous parler au nom de Kids First. Je pense que la plupart des membres connaissent bien Kids First parce que votre organisme profite de chaque occasion pour attirer notre attention sur ces questions. Merci beaucoup. Je pense que votre message a été entendu.

M. Forseth essayait de savoir quoi faire, si nous faisons quelque chose, pour ne pas insulter les mères à la maison. Je pense que c'est à ça que cela revient. Dans un article du Globe and Mail d'hier, on évaluait les coûts des mesures. Un crédit d'impôt remboursable de 1 000 $ comme la prestation fiscale pour enfants, coûterait 7 milliards de dollars. On ne peut tout simplement pas se le permettre. Nous ne pouvons pas dépenser 7 milliards de dollars. La prestation pour ceux qui dispensent des soins à un parent âgé permet de récupérer environ 400 $.

La déduction pour frais de garde d'enfants est plus difficile à évaluer parce qu'il faut émettre des hypothèses et que plusieurs scénarios sont possibles. Même si un couple ayant un enfant d'âge préscolaire peut déduire jusqu'à 7 000 $, le niveau de revenu du conjoint qui travaille est pris en considération. Au niveau le plus élevé, la déduction vaut 3 500 $ et, au niveau le plus bas, 1 750 $. Si les dépenses ne sont pas de 7 000 $, le montant peut être moindre.

Les données de 1996 montrent que moins de la moitié des couples qui peuvent déduire les frais de garde le font. Il y a donc d'autres problèmes à régler. C'est peut-être attribuable en partie aux frais de garde sans reçu que certains trouvent acceptables. Pour d'autres, c'est de la fraude fiscale parce qu'on accepte de ne pas réclamer la déduction pour qu'un revenu ne soit pas déclaré.

Il y a bien des façons d'accorder des avantages à la personne qui reste à la maison pour fournir des soins. Aucune de celles qui existent actuellement dans le système fiscal ou ailleurs n'est vraiment utile. Nous devrions peut-être indiquer les problèmes que nous avons à repenser les programmes en vigueur pour que d'autres examinent la situation et règlent le problème sur le plan fiscal ou autrement, et simplement dire que nous trouvons qu'il est temps de reconnaître la contribution des parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants et qu'il faut prévoir une indemnisation qui tient compte aussi de la situation des parents seuls, des mères agricultrices et des mères étudiantes sans revenu. Ce serait l'équivalent de la prestation fiscale pour enfant; l'indemnité ne serait pas imposable et serait versée tous les mois.

Quel en serait le montant ou quel serait le montant de base, en admettant qu'il pourrait y avoir un montant de base?

Mme Cathy Perri: Il est très difficile de répondre à cette question. Je pense que ce que je fais n'a pas de prix. C'est une question vraiment difficile et il faudrait réfléchir longtemps sur ce que ce montant de base pourrait être.

M. Paul Szabo: La première étape est la reconnaissance.

Mme Cathy Perri: Oui, et j'aimerais bien qu'il y en ait une. J'aimerais qu'on admette qu'il y a un problème et qu'on se demande comment le régler. Je pense moi aussi qu'il y a un coût. Comme je l'ai évoqué dans mon rapport, je pense qu'il faut songer à ce que peut rapporter l'argent investi pour permettre qu'un des deux parents puissent rester à la maison pour s'occuper des enfants.

Il faut réexaminer le crédit d'impôt des fournisseurs de soins, sur lequel vous vous êtes longuement penchés. Ce qui a déçu beaucoup de gens, je pense, c'est qu'on a délibérément exclu les familles dont un des parents reste à la maison. Nous savons que le projet de loi et la motion tenaient compte de ces familles au début. Mais quand on a mis en oeuvre la mesure, c'est le seul groupe qui a été exclu, ce qui a été durement accueilli par les parents qui restent à la maison. C'est très malheureux.

• 1155

M. Paul Szabo: Vous serez heureuse de savoir que nous avons entendu beaucoup de témoins nous parler des sacrifices financiers, des occasions auxquelles il faut renoncer et de la contribution des parents qui restent à la maison pour s'occuper de leurs enfants, qui sont appréciés par tous les Canadiens. Et j'ai le sentiment que nous avons toujours reconnu cette contribution, mais il y a d'autres intérêts en cause comme les soins de santé, l'éducation, le remboursement de la dette et la réduction des impôts. Je pense que l'arrivée du nouveau millénaire est probablement le meilleur moment pour reconnaître l'importance des enfants. Pour la plupart d'entre nous, c'est une question qui concerne les enfants.

Mme Cathy Perri: Tout à fait.

M. Paul Szabo: C'est une question qui concerne les enfants, et nous n'allons pas... J'espère que vous comprenez que nous ne voulons pas porter de jugement sur les choix que font les gens.

Mme Cathy Perri: Nous non plus. Kids First a toujours affirmé vouloir que les familles soient traitées équitablement, sans traitement de faveur. Nous savons très bien que la démarcation entre la mère à la maison et celle qui travaille à l'extérieur est très floue, et que celle qui reste à la maison aujourd'hui pourrait bien être sur le marché du travail demain, selon la situation familiale. Nous aimerions aussi qu'on reconnaisse le fait que, pour certaines familles, il faut qu'un des parents reste à la maison comme, pour d'autres, il faut qu'un des parents travaille à l'extérieur. Une foule de raisons peuvent expliquer pourquoi un des deux parents doit vraiment rester à la maison.

Les services sociaux le savent bien. Il arrive que les services sociaux cherchent des familles d'accueil dont un des parents reste à la maison parce qu'un enfant a besoin de beaucoup de soins à cause de divers problèmes. C'est formidable, mais le parent qui choisit de rester à la maison est pénalisé par le régime fiscal.

Il y a d'autres initiatives remarquables de la part du gouvernement sur le plan de la santé, quand on fait la promotion de l'allaitement des enfants jusqu'à l'âge de deux ans, et quand on constate l'importance des parents dans la prévention du crime. Le ministère du Développement des ressources humaines a effectué une enquête longitudinale nationale indiquant que le rôle des parents est important pour réduire d'autres facteurs de risque dans la vie de l'enfant.

On reconnaît le rôle des parents dans d'autres domaines. C'est simplement le régime fiscal qui pénalise ceux qui consacrent beaucoup de temps à leurs enfants. Je pense qu'il faut établir une certaine communication entre les ministères; ainsi, si Santé Canada conseille aux femmes d'allaiter leur enfant jusqu'à l'âge de deux ans, si on soutient que les parents jouent un rôle important et qu'ils doivent s'occuper davantage de leurs enfants, il faut trouver des moyens de ne pas les pénaliser.

M. Paul Szabo: Merci.

Mme Cathy Perri: Merci.

Le président: Madame Redman, c'est à votre tour.

Mme Karen Redman: Merci madame Perri. J'ai bien aimé votre intervention, et je dois dire que j'ai beaucoup de mal à ne pas réagir à certaines des déclarations qui figurent dans votre mémoire.

Je ne pense pas, effectivement, que le régime fiscal devrait servir à faire de la sociologie appliquée. Il devrait offrir aux parents le maximum de choix possible. Mais, dans le dernier paragraphe sur les solutions et les recommandations, vous utilisez des mots assez percutants. Vous dites que l'âge limite d'admissibilité de 16 ans est ridicule et vous ajoutez que les frais de garde ne devraient pas inclure les camps de hockey, les prématernelles et les frais de repas. Je dirais que certaines de ces mesures... Vous avez peut-être raison pour la limite d'âge de 16 ans. Par ailleurs, nous offrons aux familles dont les parents travaillent la possibilité de faire faire différentes activités à leurs enfants. Je suis heureuse de voir que vous semblez un peu plus nuancée dans vos réponses verbales et pas aussi rigide dans les solutions que vous envisagez.

Mme Cathy Perri: Karen, je pense que vous devez comprendre notre situation. La dernière fois que nous avons comparu devant le Comité des finances, on nous a dit que nous faisions partie d'une élite de femmes blanches, que les mères à la maison avaient la vie facile et que, quand nous disons que le rôle de parent est dévalorisé dans la société, c'est parce que nous n'avons pas assez confiance en nous. Quand on s'adresse au gouvernement, c'est toujours la façon dont on nous parle. Si nous semblons être cyniques ou un peu dures, je pense que c'est assez justifié parce que nous devons constamment expliquer ce que nous faisons et ce que nous disons.

Pour ce qui est des activités des enfants, les familles dont un des parents restent à la maison pour s'occuper des enfants inscrivent aussi leurs enfants à la prématernelle et paient aussi des frais de repas, mais ne sont pas indemnisées pour cela. C'est révoltant pour le mères qui restent à la maison de voir que les mères qui travaillent peuvent avoir des reçus et déduire les frais de prématernelle, peu importe le revenu de la famille. Quand vous avez du mal à arriver avec un seul revenu et que vous inscrivez votre enfant à la prématernelle pour l'aider à se développer, c'est assez frustrant de constater que le gouvernement ne reconnaît pas ce que cela vous coûte et ne vous permet pas de déduire ces dépenses. C'est ce que les gens nous disent constamment. On ne peut s'empêcher de se sentir révoltées et flouées, et d'avoir le sentiment d'être vraiment dévalorisées par la société et le gouvernement.

Mme Karen Redman: Ces commentaires venaient de députés qui ne parlent pas au nom de l'ensemble du Comité des finances. J'ai fait partie du groupe des membres du Comité permanent des finances qui a tenu des audiences dans l'est du pays. J'espère donc que vous n'attribuez pas...

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Nous avons tous notre bagage de connaissances et nos préjugés. Je suis restée à la maison pour élever quatre enfants pendant plusieurs années. Je crois que nous devons offrir la possibilité de choisir. C'est ce que nous pouvons offrir de mieux aux familles canadiennes.

Mme Cathy Perri: Je suis d'accord avec vous. C'est ce que Kids First a toujours défendu.

On a tendance à penser que notre organisme estime que les femmes devraient rester à la maison et que, si elles ne le font pas, leurs enfants seront mal élevés. Ce n'est assurément pas ce que prône notre organisme. Nous voulons que les familles aient le choix de décider si un des deux parents va rester à la maison pour s'occuper des enfants, et que les parents qui font ce choix soient respectés et considérés comme des gens qui jouent un rôle aussi utile que les autres dans la société.

La raison pour laquelle nous défendons la possibilité de choisir, c'est que nous ne savons pas ce que l'avenir nous réserve. Un divorce ou un décès peut survenir. Qui sait de quoi sera fait l'avenir? La situation pourrait être renversée et nous pourrions être des mères sur le marché du travail. Nous ne voulons pas non plus que ce choix soit pénalisé.

Mme Karen Redman: Je suis allée à Washington, avec une mission commerciale de femmes entrepreneures, et ces femmes disaient qu'elles aimeraient que ce soit possible d'inclure dans leurs dépenses d'affaires les frais d'une bonne d'enfants parce qu'elles doivent voyager, et que certaines d'entre elles sont chefs de famille monoparentale. Pour trouver des solutions, il faut tenir compte de toute une gamme de situations.

Mme Cathy Perri: Bien sûr. Je ne pense pas qu'une mesure puisse convenir à tout le monde. Il faut prévoir une certaine souplesse.

Mme Karen Redman: Merci d'être venue nous rencontrer. C'est une autre occasion pour vous de faire connaître votre point de vue.

Mme Cathy Perri: Merci.

Le président: Merci madame Redman.

J'aimerais vous demandez à combien vous évalueriez les soins que le parent qui reste à la maison dispense. Ne pensez-vous pas que si nous essayons d'établir la valeur de ce travail, il faudrait donner une certaine partie de ce montant au parent qui est sur le marché du travail? Quand ce parent rentre à la maison, il a tout de même des soins à donner à ses enfants. Il n'est pas libéré parce que ses enfants sont à la garderie de neuf à cinq ou de sept à cinq, par exemple.

Si on essaie de fixer la valeur de ce travail, les seules personnes pénalisées sont celles qui restent à la maison, et c'est seulement pour les soins qu'elles fournissent en plus qu'elles ne sont pas indemnisées, si vous me suivez. Sur l'ensemble des soins à donner aux enfants, avez-vous une idée de ce que vaut le temps de plus que consacre à ses enfants le parent qui reste à la maison par rapport à celui qui travaille à l'extérieur du foyer?

Mme Cathy Perri: Voulez-vous dire la valeur du travail des deux? Est-ce ce que vous...

Le président: De toute évidence, il y a des besoins à combler, n'est-ce pas?

Mme Cathy Perri: Oui.

Le président: Une personne répond à ces besoins à temps plein, mais cela ne veut pas dire que les besoins sont moins importants pour l'autre personne qui envoie ses enfants à la garderie, par exemple. Il faut toujours reconduire les enfants à la patinoire, au cours de piano, etc. Il y a d'autres responsabilités à assumer pour l'enfant, même si la mère travaille à temps plein.

Je veux dire qu'on ne peut pas seulement indemniser les mères qui restent à la maison.

Mme Cathy Perri: Selon nous, ce sont nous qui sommes pénalisées par le système fiscal tel qu'il est conçu actuellement, alors pourquoi ne pas simplement tenir compte de nous? Pourquoi ne peut-il pas y avoir une réforme fiscale qui tienne compte de nous?

La famille dont les deux parents travaillent à l'extérieur et dont les enfants vont à la garderie a droit au montant maximal du crédit fiscal et à des allégements fiscaux. Ce sont les familles dont un des parents reste à la maison qui n'y ont pas droit.

Pourquoi ne pas tenir compte de nous? Pourquoi devons-nous être pénalisés pour le choix que nous avons fait? On reconnaît à ceux qui travaillent à l'extérieur les coûts de la garde des enfants, les coûts liés au fait qu'ils sont sur le marché du travail.

Le président: On essaie toujours d'évaluer ce coût.

Mme Cathy Perri: Justement.

Le président: Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions?

J'aimerais vous remercier au nom du comité de nous avoir présenté un exposé très sérieux. Nous espérons ne pas être un des comités qui vous laissent tomber. Nous essaierons de formuler des recommandations qui...

Mme Cathy Perri: Je veux cesser mes activités bientôt et je ne veux pas avoir à revenir.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.