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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 16 mars 2000

• 1535

[Traduction]

Le président (M. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Bonjour et bienvenue. Nous poursuivons nos audiences sur le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les lois du Canada.

Cet après-midi nous entendrons deux témoins: M. Nicholas Bala de l'université Queen's. Est-ce que j'ai prononcé votre nom correctement?

M. Nicholas Bala (professeur; témoignage à titre personnel): Oui.

Le président: Il est professeur à la faculté de droit.

[Français]

Nous recevons aussi Claudine Ouellet de la Coalition gaie et lesbienne du Québec.

[Traduction]

Je crois vous avoir déjà vus; donc vous devez savoir que selon notre procédure nous donnons à chaque témoin dix minutes. Après quoi nous passons au dialogue, aux questions et réponses avec les membres du comité.

Sans plus attendre, je cède donc la parole, pour dix minutes, à M. Bala, professeur à la faculté de droit de l'université Queen's.

M. Nicholas Bala: Merci. Je me sens très honoré de venir vous parler.

Je suis professeur de droit à l'université Queen's, et ma spécialité est le droit de la famille et des enfants. J'ai écrit plusieurs articles sur divers aspects du droit de la famille, et tout particulièrement sur l'évolution du concept de famille dans le droit canadien. Un de mes articles a été utilisé par la requérante de M. c. H. pour soutenir sa demande de statut de conjoint.

J'ajoute que je suis tout à fait favorable à une reconnaissance juridique des relations homosexuelles, bien que je sois marié et père de quatre enfants.

Je vous ai envoyé un mémoire, que vous devez avoir, qui expose certaines de mes vues. J'aimerais vous parler plus particulièrement de certaines d'entre elles.

Je commencerai par dire que le concept juridique de famille ou la définition juridique de conjoint connaît une évolution constante au Canada depuis une trentaine d'années. Nous avons une notion souple et fonctionnelle de ce que constitue une relation familiale. Au Canada, en particulier, notre approche du concept de famille est plus libérale, plus fonctionnelle, qu'aux États-Unis, par exemple. Notre droit reconnaît un certain nombre de relations qui ne sont pas reconnues aux États-Unis. Nous accordons une plus grande reconnaissance à la cohabitation entre hétérosexuels non mariés. Nous accordons plus de reconnaissance aux rôles, aux droits et aux responsabilités des beaux-parents, des parents psychologiques et autres en reconnaissant que la famille est un concept beaucoup plus large et en constante évolution.

La Charte des droits oblige tous les politiciens canadiens à prendre en compte et à régler des questions qui auparavant n'étaient pas considérées par les législateurs. Dans ce contexte, en particulier, il y a la reconnaissance juridique des relations homosexuelles.

Lorsque nous pensons législation dans ce domaine, il importe de comprendre qu'il y a un certain nombre de raisons différentes justifiant une réévaluation de nos lois. Un argument de poids reposant sur la protection des droits de la personne permet de dire que les couples de même sexe, les lesbiennes et les gais, devraient jouir des mêmes droits que les couples de sexe opposé en termes de mariage légal. Il y a également toute une série d'arguments de politique sociale qui viennent soutenir la reconnaissance des relations homosexuelles. Je crois que nous voulons une société qui reconnaisse que ceux dont la relation est vulnérable, qui apportent leur contribution, qui assument une part sociale importante, en particulier parce qu'ils élèvent des enfants ou qu'ils s'occupent de personnes âgées ou de personnes vulnérables, méritent une reconnaissance et un soutien juridique.

Il nous faut toute une gamme de régimes et de mécanismes juridiques pour réglementer et soutenir les relations familiales. Il y a une place importante pour les contrats familiaux. Il y a place pour l'attribution, et j'en parlerai un peu plus tout à l'heure. Je crois que votre loi, le projet de loi C-23, est un exemple de législation d'attribution qui impose des droits et des obligations dans le contexte de relations informelles. Mais il y a aussi un rôle important pour les relations formelles et juridiquement reconnues. Pour les hétérosexuels, nous avons la relation du mariage. Nous n'avons pas de relation analogue pour les personnes du même sexe qui souhaitent former ce genre de relation, et je crois que nous le devrions.

• 1540

Il est clair que la majorité des Canadiens sont désormais disposés à reconnaître ce qu'on pourrait appeler des mariages homosexuels. J'invite le Parlement à prendre en compte et à soutenir l'opinion de cette majorité ainsi que l'opinion des tribunaux et à reconnaître ce genre de relation.

Pour ce qui est du projet dont vous êtes saisis, le projet de loi C-23, je crois qu'il apporte une solution adéquate à la contestation juridique immédiate posée au gouvernement fédéral par l'affaire M. c. H. À de nombreux égards, c'est probablement préférable à la solution ontarienne à cause de la terminologie utilisée. Cependant, j'estime que le Parlement devrait en profiter pour aller plus loin et reconnaître un statut officiel qui permettrait aux personnes du même sexe de contracter une relation qui serait équivalente au mariage.

À mon avis, il serait acceptable et justifié en pratique qu'un nom différent soit choisi pour ce genre de relation. Le Vermont est sur le point d'adopter une loi qui confère le nom d'«union civile» à ce genre de relation—c'est-à-dire le nom donné à un mariage homosexuel. Si d'aucuns estiment que le mot «mariage» a une connotation traditionnelle hétérosexuelle et ne devrait pas convenir, on pourrait penser à un statut juridique totalement équivalent portant peut-être un nom différent.

Si le Parlement ne reconnaît pas aujourd'hui ce qui pourrait prendre le nom de mariage homosexuel, d'union civile ou d'un concept analogue, il ouvrira simplement la porte à de nouvelles contestations constitutionnelles et à d'autres dépenses tant pour les plaideurs que pour notre société tant que la question ne sera pas réglée. Je suis convaincu que si vous n'agissez pas maintenant et ne reconnaissez pas les mariages homosexuels aujourd'hui, cette question vous reviendra d'ici quelques années, renvoyée par les tribunaux.

Il y a place pour une attribution. Votre loi, le projet de loi C-23, est un exemple de législation d'attribution qui impose des droits et des obligations à ceux qui vivent une relation conjugale, un relation informelle. Socialement, juridiquement, psychologiquement, ce n'est pas la même chose qu'une loi qui reconnaîtrait les mariages homosexuels.

Il serait peut-être utile aussi qu'un autre statut soit créé. Je sais qu'il y a certaines discussions à Ottawa et ailleurs sur une mesure législative donnant un statut reconnu aux partenariats civils enregistrés. Il est fort possible qu'il y ait place pour une autre sorte de statut juridique qui aurait moins de force qu'un mariage et qui, par exemple, s'appliquerait aux couples sans enfant. Il pourrait être appliqué à un enfant adulte qui vit avec un parent quand le souhait est de donner au parent certains droits découlant de l'emploi de l'enfant de l'autre partenaire. Ce genre de partenariat civil enregistré pourrait avoir une certaine utilité, mais je ne pense pas qu'il réglerait les questions dont vous êtes actuellement saisis.

Il a été dit, par exemple, qu'un enfant adulte vivant avec un parent pourrait vouloir contracter une relation qui donnerait tous les droits et toutes les obligations du mariage. Dans ce genre de relation, je crois que le problème, réel, serait de contracter une relation ou d'adopter un statut juridique ayant des obligations à long terme.

Dans une relation homosexuelle où il y a imbrication des rôles et des contributions économiques et psychologiques, une forme de soutien conjugal semble désormais tout à fait justifiée, comme le réclame le projet de loi 5 ontarien. Par contre, il me semble que si un enfant adulte vit avec un parent dans un tel contexte de relation en cohabitation, celle-ci ne devrait pas être accompagnée de l'équivalent d'une obligation conjugale permanente quand l'une des deux parties déménage. Cela me semble suggérer la nécessité d'une nouvelle sorte de statut.

C'est le résumé de ce que je voulais vous dire. Je vous remercie de votre attention.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Madame Ouellet.

Mme Claudine Ouellet (directrice générale, Coalition gaie et lesbienne du Québec): Bon après-midi à tous. Au nom de la Coalition gaie et lesbienne du Québec et en mon nom personnel, je tiens à remercier le comité de nous donner l'occasion de comparaître et d'être entendus sur le projet de loi C-23.

Pour les gens qui ne connaissent pas la Coalition gaie et lesbienne du Québec, je dirai que la coalition est un organisme national québécois de défense de droits. Elle a été fondée au début des années 1990 avec le mandat de représenter, défendre et promouvoir les droits de la communauté gaie et lesbienne du Québec. Nous regroupons plus de 200 membres individuels et collectifs de toutes les régions du Québec. J'en suis la directrice générale depuis quelque temps et j'ai également une formation en droit; je suis avocate.

• 1545

Bien que nous appuyions l'intention du législateur de moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les lois du Canada, il en va tout autrement de la lettre du projet.

Puisque la révision de la jurisprudence pertinente a été faite brièvement hier, entre autres par Mme Holland, on ne va pas s'attarder cet après-midi à refaire le débat sur chaque article.

Nous croyons plutôt qu'il est de la plus haute importance de rappeler sa mission au comité devant lequel nous comparaissons aujourd'hui, à savoir de situer le débat en droit et surtout de remettre dans le contexte approprié le but du projet C-23. Pour ce faire, nous insisterons sur la notion du droit à l'égalité énoncée dans plusieurs actes constitutionnels et traités internationaux dont le Canada est signataire, ainsi que sur les chartes de droits et libertés qui s'appliquent au cas qui nous occupe. Nous croyons que le fait de reconnaître les droits des gais et lesbiennes comme étant des droits humains apparaîtra logique et raisonnable et que les modifications que nous proposons se révéleront non seulement pertinentes, mais aussi évidentes.

Dans l'une des premières pages de mon mémoire, on trouve la nomenclature des traités internationaux pertinents, notamment la Déclaration universelle des droits de l'homme. La notion d'égalité remonte à 1766 et apparaît dans la Déclaration d'indépendance des États-Unis d'Amérique. Donc, ce n'est pas une notion nouvelle. C'est une chose qui devrait être familière aux juristes, entre autres.

La question qui se pose principalement est celle-ci: qu'en est-il de la notion d'égalité en droit canadien? Depuis 1995, l'orientation sexuelle est un motif analogue de discrimination inclus à l'article 15 de la Charte. La question qui se pose aujourd'hui, dans le cadre du projet de loi C-23, est de savoir si on doit considérer les homosexuels et les lesbiennes comme des personnes au sens de la Charte. Bien que le but du projet de loi soit de moderniser les lois du Canada, il nous semble plutôt refaire le débat d'il y a plus de 100 ans, au moment où les juristes anglais se demandaient si les femmes étaient des personnes et pouvaient de ce fait exercer leurs droits.

Si le fait d'être citoyen canadien confère des droits et obligations aux personnes, alors pourquoi s'évertuer à faire une catégorie à part pour les couples de même sexe? Si le fait d'être reconnu comme un être humain implique la capacité juridique et le pouvoir d'exercer ses droits, alors pourquoi en restreindre la portée? La réponse est simple. À notre avis, c'est pour perpétuer la discrimination et l'exclusion de plus de 10 p. 100 de la population, soit plus de 3 millions de personnes au Canada.

Ainsi, le refus systématique d'utiliser le terme «conjoint» pour décrire le lien qui unit deux personnes de même sexe dans une relation est en soi insultant et discriminatoire. Dans le même esprit, ramener nos relations de couple à un simple partenariat est offensant. À ce sujet, je vous renvoie au commentaire du juge Iacobucci dans M. c. H. concernant la définition de «conjoint», qui inclut les partenaires de même sexe. À mon avis, vous ne pouvez limiter la capacité juridique des lesbiennes et des homosexuels sans risquer de vous retrouver encore devant la cour et d'essuyer une autre défaite. Le droit à l'égalité est un droit inaliénable et ne peut être limité sous aucun prétexte quand il s'agit de citoyens d'un même État.

Le projet de loi C-23 crée une catégorie de citoyens de seconde classe en se basant uniquement sur l'orientation sexuelle et, de ce fait, est contraire à l'article 15 de la Charte. C'est pourquoi nous sommes d'avis que le mot «conjoint» doit nécessairement inclure les conjoints de même sexe.

Depuis quelques années, nous assistons à une recrudescence de la violence envers les communautés gaies et lesbiennes et contre les différentes minorités partout en Amérique du Nord. Une des causes de cette violence est le discours radical de la droite américaine. Malheureusement, il semble que son message ait traversé la frontière et que nous soyons de plus en plus confrontés aux conséquences de cette propagande haineuse.

Au moment où le Canada doit se définir une identité propre et résister à l'américanisation, les influences négatives du Sud freinent l'avancement des droits et libertés de ce côté-ci de la frontière et polarisent l'opinion. Nous croyons que le débat sur la moralité alimenté par les diverses dénominations religieuses et par les extrémistes politiques ne mènera nulle part. La question de la reconnaissance des conjoints de même sexe est une question de droit et de justice fondamentale, et rien d'autre.

Le droit d'un État de droit ne doit pas être soumis aux humeurs du moment des différents leaders. Si on écoutait certains d'entre eux, il faudrait abolir les unions de fait, les relations sexuelles hors mariage, le divorce, la contraception et le droit à l'avortement, et il faudrait aussi rétablir la peine de mort. Le droit d'un État de droit n'appartient pas qu'à un groupe de personnes, mais à l'ensemble de ses citoyens.

• 1550

C'est à nous tous de définir dans quelle sorte de société nous voulons vivre et prospérer. C'est à nous tous qu'appartient la responsabilité de notre liberté individuelle et collective. C'est pourquoi nous pensons que pour contrer le discours haineux, il faudra promptement inclure l'orientation sexuelle dans les dispositions relatives à la loi régissant la propagande haineuse, soit le Code criminel.

Le gouvernement canadien a une occasion unique d'en finir avec la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle tel que demandé par la récente décision M. c. H. Bien que le projet de loi C-23 soit un bon début, il ne va pas assez loin dans cette voie. En effet, qu'en est-il de la Loi sur l'immigration et des dispositions relatives au mariage et au divorce? Si la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle est illégale, alors pourquoi s'entêter à exclure les lesbiennes et les homosexuels des institutions accessibles aux hétérosexuels?

Le mariage est un contrat par lequel deux personnes s'engagent à vivre ensemble et à partager les bénéfices et les responsabilités de cette union. La condition de base de la validité de ce contrat est la capacité légale des parties à contracter. Si on nous reconnaît la capacité de former des contrats au sens général du terme, alors pourquoi devenons-nous incapables de contracter le mariage de la même façon? Le seul secteur d'activité où la communauté gaie et lesbienne a un statut égal est celui des taxes et des impôts. Si nous n'avons pas les mêmes droits et les mêmes choix, il faudra nous donner une exemption d'impôt.

En terminant, un État de droit qui permet la discrimination est, à notre sens, une institution irresponsable et indigne de l'appui de ses citoyens. Puisque, à notre avis, le projet de loi C-23 est discriminatoire à l'égard d'une partie des citoyens et consacre le principe «séparé mais égal» en instituant une catégorie à part pour les couples de même sexe, nous croyons qu'il est contraire au droit à l'égalité et contraire à la Charte. L'égalité, c'est non seulement avoir les mêmes droits, mais aussi pouvoir jouir des mêmes choix sans discrimination. L'État a la responsabilité de mettre ces choix à la disposition de tous ses citoyens, sans égard à l'âge, au sexe, à la race et aussi à l'orientation sexuelle.

C'est pourquoi la Coalition gaie et lesbienne du Québec donne un appui réservé au projet de loi C-23 et formule les recommandations suivantes: tout d'abord, utiliser le mot «conjoint» et inclure dans la notion de «conjoint» les conjoints de même sexe; chaque fois que le contexte le justifie, inclure dans chacune des lois modifiées les mots «qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe» après le mot «conjoint»; inclure dans les lois à modifier les dispositions relatives à la propagande haineuse et y inclure l'orientation sexuelle; amender au même titre que les autres lois les dispositions relatives au mariage et la Loi sur le divorce afin de permettre à tous les conjoints, incluant les conjoints de même sexe qui le désirent, de se marier civilement dans leur province de résidence; inclure la Loi sur l'immigration dans le projet de loi C-23; traiter dans une loi séparée des personnes qui ont une relation économique interdépendante—à ce sujet, nous vous suggérons la lecture du projet de loi dont M. Bala faisait état plus tôt, qui est le H.847 de l'État du Vermont.

Merci.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie tous les deux. Nous passons maintenant aux questions posées par les membres du comité. Le premier sera M. Lowther, pour sept minutes.

M. Eric Lowther (Calgary-Centre, Réf.): Merci, monsieur le président, et merci aux témoins. J'ai apprécié vos exposés et je vous remercie du temps que vous avez consacré à leur présentation.

Je voudrais poser quelques questions à M. Bala. Je crois relever un certain nombre de contradictions dans ses déclarations. Peut-être est-ce parce qu'il paraphrasait son texte écrit, qu'il n'a pas eu le temps de lire mot à mot, mais je l'ai entendu dire qu'une nette majorité de Canadiens étaient prêts à reconnaître le mariage entre personnes du même sexe.

Je me souviens qu'il y a neuf mois, à la Chambre des communes, les élus qui représentent les Canadiens ont déclaré qu'il y avait quatre fois plus de Canadiens qui n'étaient pas prêts à accepter une définition du mariage applicable aux personnes de même sexe. De deux choses l'une: soit ces élus se sont grossièrement trompés en pensant représenter leurs électeurs, soit ils les représentent effectivement, et ces Canadiens ne sont pas prêts à accepter un mariage entre personnes de même sexe.

• 1555

Je considère que vos déclarations sont peut-être contradictoires, du moins par rapport à ce qui s'est passé à la Chambre des communes en juin 1999.

Je remarque également que M. Bala a fait référence à un arrêt rendu au Vermont, où l'on accorde un certain statut juridique à des unions non consacrées par le mariage, que l'on désigne par un autre nom. Le projet de loi C-23 n'a pas le même effet. En fait, toutes les possibilités restent ouvertes. Nous avons parlé aujourd'hui du fait que la seule exigence pour bénéficier de ces avantages, c'est ce qu'on appelle une «relation conjugale». Même si certains font confiance aux tribunaux pour savoir de quoi il s'agit, la législation n'énonce rien de précis à ce sujet, et il semble que chacun puisse revendiquer ces avantages à loisir.

La situation canadienne est certainement bien loin de ce qui se passe au Vermont; pourtant M. Bala semble favorable à ce projet de loi. Je suis étonné qu'il accueille favorablement le projet de loi C-23, alors même qu'il est dépourvu de certains éléments de fond dont M. Bala dit ensuite qu'ils constituent la clé du succès, ajoutant qu'il faut reconnaître les relations entre personnes de même sexe dans les mêmes conditions.

Finalement, je dirai à M. Bala que même si nous avons entendu ici une pléthore d'avocats qui se font les défenseurs du droit, pour les tribunaux, d'imposer des politiques sociales aux Canadiens, je crois qu'en tant qu'élus chargés de la législation et de la représentation du point de vue des Canadiens nous avons un rôle à jouer à cet égard. De façon générale, j'ai toujours estimé que la politique sociale et la législation devaient être structurées de façon à servir des objectifs dont on sait de façon empirique qu'ils sont efficaces.

On a cité tout à l'heure—et je ne reviendrai pas là- dessus—certaines études qui montrent que les enfants et les familles—en particulier les enfants—s'épanouissent davantage dans le cadre du mariage, c'est-à-dire auprès d'un homme et d'une femme unis par une convention juridique, dans une union à perpétuité, pour ainsi dire—ou c'est du moins ce qu'on peut espérer. Les données empiriques indiquent que ce genre d'union donne de bien meilleurs résultats pour les enfants.

Or, lorsque vous dites qu'il faut considérer toutes les formes de relations sur un pied d'égalité dans la politique sociale, alors même que nous savons que les résultats ne sont pas toujours les mêmes, vous semblez nous inviter à renoncer à notre devoir et à tout mettre à plat, comme si toutes les unions étaient les mêmes. C'est ce que l'on appelle l'égalité; et oublions qu'il existe des différences. Mais il y a des différences de résultats, et la politique sociale doit être là pour proposer des récompenses, des incitatifs et des éléments de motivation en faveur de tout ce qui peut renforcer la famille et garantir de meilleurs résultats pour les enfants, etc.; tout cela peut être prouvé empiriquement, comme on le voit dans les études en question.

Je trouve donc que votre point de vue est assez confus, et j'ai bien du mal à en dégager un thème central.

M. Nicholas Bala: Je suis prêt à reprendre chacun des cinq éléments.

M. Eric Lowther: Vraiment? J'ai cru comprendre dans vos propos que vous êtes favorable au mariage entre personnes de même sexe. Vous l'avez dit à plusieurs reprises dans votre exposé.

Il ne s'agit pas de tolérance. Lorsque la ministre de la Justice a présenté ce projet de loi, on a beaucoup parlé de tolérance. C'est le thème de ce projet de loi. Or, d'après ce que je crois comprendre, la tolérance signifie supporter quelque chose qui ne me paraît pas très intéressant ou qui ne me plaît même pas, mais que je tolérerai, n'est-ce pas?

Mais ici il ne s'agit pas de tolérance; il s'agit de légitimer une politique sociale quelconque et de considérer qu'il s'agit d'une bonne chose. Vous savez, les tribunaux disent aux Canadiens qu'ils doivent considérer qu'il s'agit d'une bonne chose, mais les Canadiens ne sont peut-être pas prêts à le faire. Il s'agit donc d'une minorité de gens qui imposent leur point de vue aux Canadiens par le biais des tribunaux: il ne s'agit pas de tolérance, mais d'enchâssement.

Je considère que c'est tout à fait inacceptable et que ce n'est pas conforme à la justice et à l'équité que promeut si résolument ce projet de loi. J'arrêterai ici.

• 1600

Le président: Il nous reste une minute. Cela signifie environ vingt secondes pour chaque réponse.

M. Nicholas Bala: L'un de nos anciens diplômés, d'ailleurs illustre.

J'aimerais faire quelques observations. Tout d'abord, selon les résultats de sondages d'opinion publique que je cite dans le document, lorsque l'on demande aux Canadiens s'ils appuient le mariage de personnes du même sexe, une majorité y est favorable. Il y a aussi une importante minorité qui n'y est pas favorable. Donc nous parlons de majorité/minorité. Je ne crois pas que les politiciens devraient se fonder entièrement sur les sondages d'opinion publique, mais c'est un facteur qu'il ne faudrait pas négliger.

M. Eric Lowther: Je suppose que nous avons fait fausse route en juin dernier à la Chambre des communes.

M. Nicholas Bala: En un mot, oui.

Cela dit, je crois que l'on peut présenter un argument à cet égard, et ce que je propose, c'est qu'il pourrait fort bien convenir de dire que si vous avez l'intention de reconnaître le mariage de personnes de même sexe, vous pourriez utiliser un mot différent.

La Cour suprême du Vermont a rendu une décision dont vous êtes probablement au courant. L'une des choses que j'ai trouvées intéressantes comme professeur de droit, c'est qu'il s'agit de l'un des rares cas aux États-Unis où les tribunaux citent la jurisprudence canadienne et considèrent comme intéressante la démarche adoptée par certains des tribunaux inférieurs au Canada. Ils s'en sont donc inspirés et ont déclaré dans une contestation particulière qu'au Vermont l'Assemblée législative doit adopter des lois qui reconnaissent à l'union de personnes de même sexe un statut légal équivalent à celui du mariage. L'Assemblée législative de l'État du Vermont a répondu qu'elle le ferait, mais qu'elle utiliserait un terme différent, soit l'union civile.

L'utilisation d'un terme différent est une façon de répondre à ceux qui considèrent que le mariage a un sens particulier et qu'historiquement il ne comprend pas les relations homosexuelles. Il existe peut-être aussi certaines situations pour ce qui est de la reconnaissance internationale où il conviendrait d'utiliser un terme différent.

Je crois qu'il convient de reconnaître le mariage entre personnes de même sexe, et ce, en partie pour des raisons très solides de respect des droits de la personne. Je pense qu'il faut aussi reconnaître la réalité sociale voulant que de nombreux couples dans notre pays ont des relations à long terme.

Vous avez parlé de la question des enfants. J'estime que le Parlement est tout à fait en droit de privilégier les couples avec enfants. Il existe des lois dans le domaine de la fiscalité et d'autres lois qui prévoient que si vous avez un enfant à charge, vous recevrez une foule d'avantages, particulièrement sous la forme d'une aide gouvernementale, ce qui existe déjà. Par exemple, nous avons l'enseignement public, comme il se doit.

Mais, en réalité, il y a de nombreux couples hétérosexuels qui n'ont pas d'enfants et, inversement, il y a un certain nombre de couples homosexuels qui ont des enfants. Nous devrions mettre l'accent sur ces relations, et ce sont celles que nous voulons appuyer. En disant aux couples du même sexe que nous n'allons pas reconnaître leur relation, nous ne les empêcherons pas d'avoir des enfants. Nous allons uniquement les pénaliser et faire en sorte qu'il leur sera plus difficile d'avoir des relations, et de ce fait nous les traiterons de façon inéquitable.

Quant à la question des rapports entre les tribunaux et le Parlement, c'est un dialogue difficile et permanent, puisqu'on parle bien de dialogue à l'heure actuelle. Toutefois, même si la décision dans l'affaire M. c. H. a porté essentiellement sur la reconnaissance du statut attributif, la reconnaissance de rapports officieux non enregistrés accompagnés de cohabitation entre pairs, la discussion actuelle me porte clairement à croire que la Cour suprême, si elle est appelée la prochaine fois à se prononcer, lorsqu'une personne déclarera vouloir être autorisée à épouser un partenaire de même sexe, statuera qu'il faut reconnaître ce... C'est ce qu'a déclaré la Cour suprême du Vermont.

Cela répond à certaines questions que vous avez soulevées.

Le président: Il faut espérer que cela répond à toutes les questions, car nous passons maintenant à M. Ménard.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le président. Je vous rappelle que vous me devez cinq minutes à la suite du legs de M. Grose. J'échangerai d'abord avec Mme Ouellet, qui est une personnalité bien connue du milieu gai québécois. J'aimerais que vous précisiez votre première recommandation, où vous dites que nous devrions inclure dans la définition de «conjoint» les conjoints de même sexe. Vous souhaitez donc qu'on retrouve dans le projet de loi une allusion explicite aux conjoints de même sexe. En quoi votre proposition est-elle supérieure, au plan juridique, à la définition qu'on retrouve dans le projet de loi?

• 1605

Mme Claudine Ouellet: Comme je l'ai déjà expliqué brièvement, lorsqu'on réduit la relation aimante et durable d'un couple à un partenariat dans ce projet de loi, on rétrograde la relation du couple, y compris la relation d'union de fait d'un couple hétérosexuel. On prend des détours très compliqués pour en arriver finalement à n'exclure qu'une catégorie de conjoints.

La voie la plus simple serait, si je puis me permettre de vous suggérer une excellente idée qui vient du Québec et dont je suis très fière, de reprendre la terminologie qu'on a utilisée dans la Loi 32. Lorsqu'on a rédigé cette loi, on a répertorié toutes les lois et règlements où figurait le mot «conjoint» et on a proposé d'y ajouter l'expression «qu'ils soient de sexe différent ou de même sexe», point. En incluant toutes les possibilités de relations conjugales existantes, on a procédé à une reconnaissance des conjoints de même sexe. On a adopté une loi empreinte d'un esprit égalitaire, tant dans sa pensée que dans ses modalités d'application. Voilà la recette que vous propose notre coalition. Pourquoi vous casseriez-vous la tête alors que vous pouvez simplifier cet exercice? Il existe déjà des dispositions qui touchent les conjoints de fait, et vous n'avez qu'à y ajouter la notion de conjoints de fait de même sexe. Cela vous coûterait moins cher.

M. Réal Ménard: Je veux bien comprendre votre point de vue. Pourrait-on m'apporter un exemplaire du projet de loi? Je crois que dans la définition qui est actuellement inscrite dans le projet de loi, on parle des personnes.

Mme Claudine Ouellet: Oui.

M. Réal Ménard: On ne parle pas du tout des conjoints, si je ne me trompe pas. Les définitions portent sur les notions de groupe et d'union de fait. On définit une union de fait comme étant la «relation qui existe entre deux personnes qui vivent ensemble dans une relation conjugale depuis au moins un an». Vous me dites que cette définition serait supérieure, au plan juridique, si on ajoutait au mot «personnes» la notion de conjoints de même sexe.

Mme Claudine Ouellet: On devrait se référer précisément au terme «conjoints» pour qualifier le genre de relation. En anglais, on utilise toujours le mot «spouse», tandis qu'en français, nous parlons d'époux, d'épouse et aussi de conjoint. Dans la culture québécoise, on peut faire une distinction entre les conjoints et les gens mariés puisqu'on emploie une terminologie différente. C'est pourquoi la coalition vous recommande d'utiliser le mot «conjoint» pour décrire la nature de la relation que deux personnes peuvent entretenir. Ma partenaire, ce n'est pas une partenaire de tennis ou de travail; c'est ma conjointe.

M. Réal Ménard: Je vous sais très amoureuse puisque j'ai eu l'occasion d'être un témoin privilégié, mais je ne voudrais pas entrer dans votre relation privée.

En tout cas, on pourra peut-être en parler plus tard avec les fonctionnaires qui ont rédigé cette proposition, parce que vous avez raison de dire que le terme «conjoint» donne une orientation très précise à l'égard du type de relation qu'on entretient avec la personne x, tandis que le mot «personne» est, selon vous, moins précis et moins bien défini.

Mme Claudine Ouellet: Si vous me le permettez, je soulignerai le fait qu'en reconnaissant la nature conjugale d'une relation, il est beaucoup plus facile, dans l'évolution de la pensée, de reconnaître également l'unité familiale. Des partenaires peuvent être des partenaires dans toutes sortes de choses, mais quand on parle de conjoints, on fait également allusion, dans de nombreux cas, à la notion d'une unité familiale incluant des enfants. On sait très bien qu'au Québec, 30 p. 100 des couples de femmes ont déjà des enfants. C'est dans cet esprit-là que l'intervention est plus pointue.

M. Réal Ménard: D'accord. Ce serait intéressant qu'on puisse en parler davantage si vous pouviez m'accorder cinq minutes après la séance.

Je vais vous poser une deuxième question. Vous êtes favorable au geste que s'apprête à poser le gouvernement fédéral, mais vous nous recommandez d'utiliser une meilleure terminologie. C'est le rôle des témoins que nous entendons que de nous aider bonifier un projet de loi.

Votre quatrième proposition m'étonne un peu. Remarquez qu'il y a place pour un peu de suspense dans ma vie, mais vous nous proposez d'amender ce projet de loi pour qu'il s'inscrive dans le sens d'autres lois telles la Loi sur le mariage et la Loi sur le divorce. Puisque je sais que vous êtes une juriste et que vous êtes de quelques années mon aînée, vous vous rappelez....

Mme Claudine Ouellet: C'est gentil.

M. Réal Ménard: Rassurez-vous, rien n'y paraît. Vous vous rappelez que lorsque le gouvernement du Québec a revu toute la législation concernant la politique familiale, il a inscrit dans son Code civil les conditions du mariage. Il y a un contentieux juridique parce qu'on dit que stricto sensu, les conditions de forme relèvent des provinces alors que les conditions de fond relèvent des différentes législatures. Or, vous savez que dans le Code civil, il y a des dispositions qui concernent à la fois la forme et le fond, et vous comprenez pourquoi.

• 1610

Mme Claudine Ouellet: Ce sont malheureusement les reliquats de la réforme du Code civil qui s'est terminée en 1994—si je me souviens bien—et dont les dispositions ont été mises en vigueur. C'est l'héritage que nous a laissé le gouvernement de M. Robert Bourassa.

L'article du Code civil auquel vous faites allusion porte sur les conditions de célébration du mariage et stipule que deux personnes consentantes peuvent donner leur consentement publiquement et se marier. On a ajouté ces dispositions par la suite dans le cadre de la réforme du Code civil. Je m'en souviens très bien. On avait prévu que le mariage ne devait avoir lieu qu'entre un homme et une femme. C'était l'équivalent du Defense of Marriage Act qu'on avait inscrit dans le Code civil du Québec à cette époque-là.

M. Réal Ménard: Tout comme moi, vous connaissez les dispositions de l'article 365, que conteste actuellement un couple gai de Montréal. J'ai cru comprendre que vous souhaitiez que le projet de loi que nous étudions renferme des dispositions visant à modifier la Loi sur le mariage, qui est actuellement une loi fédérale où l'on ne précise pas une telle définition. Bien que ce soit dans la common law qu'on retrouve une telle définition, vous voulez qu'elle soit explicitement inscrite dans le projet de loi.

Mme Claudine Ouellet: Pourquoi n'en finirions-nous pas une fois pour toutes avec la discrimination fondée sur l'orientation sexuelle? Pourquoi ne le ferions-nous pas au complet et une seule fois? Comme mon collègue M. Bala le disait, si nous ne faisons pas ce travail au complet et si nous n'incluons pas les conjoints de même sexe dans les dispositions relatives aux conditions de fond qui régissent actuellement le mariage et le divorce, nous finirons par nous retrouver devant les tribunaux encore une autre fois. Malheureusement, quand on se retrouve devant la cour, il y a toujours des gagnants, bien sûr, mais aussi des perdants.

Pourquoi ne saisirions-nous pas ce moment privilégié qui nous est donné pour travailler ensemble et pour en finir une fois pour toutes, ce qui nous permettrait de passer à autre chose dans nos vies? J'ai un jardin que j'aimerais bien voir pousser. Je suis sûre que vous avez également des choses plus intéressantes à faire que de toujours vous chicaner au sujet de détails qui relèvent finalement du bon sens. On n'a qu'à penser au droit et à l'égalité. On aurait dû comprendre cela il y a bien longtemps, dès 1766.

Le président: Merci.

[Traduction]

Merci, monsieur Ménard.

J'ai pensé pendant toute la journée comment j'allais faire pour placer dans la conversation que c'est aujourd'hui mon anniversaire. Vous êtes beaucoup plus jeune que moi.

Mme Claudine Ouellet: Joyeux anniversaire, monsieur le président.

Le président: Monsieur McKay, pour sept minutes.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Merci, monsieur le président, et je vous souhaite un joyeux anniversaire. Par contre, je m'interroge sur votre mode de vie, car vous pourriez être en train de faire du jardinage, et vous êtes ici.

[Français]

M. Réal Ménard: Mon cher Andy, c'est à ton tour de te laisser parler d'amour...

[Traduction]

M. John McKay: Il faudrait faire une pause pour chanter joyeux anniversaire au président.

J'aimerais poser mes questions à M. Bala. Elles portent sur la déclaration qu'il a faite au début de son introduction, lorsqu'il a fait allusion à l'affaire M. c. H. en disant:

    [...] les tribunaux ne sont pas des institutions suffisamment structurées pour élaborer des systèmes juridiques cohérents permettant de régler la myriade de questions qui peuvent se poser.

Je ne vous cacherai pas que je suis d'accord sur ce point.

Je voudrais parler de votre déclaration selon laquelle la définition du mariage va être contestée; d'autres témoins qui ont comparu devant le comité ont dit la même chose. Serait-il utile pour le Parlement de se prononcer sur cette question?

M. Nicholas Bala: À mon avis, il est opportun que le Parlement se penche sur la question de façon proactive, au lieu d'attendre une autre contestation judiciaire. Il y a plusieurs façons, outre les moyens techniques, de s'attaquer au problème. Par exemple, nous avons abordé rapidement la question de savoir comment décrire ce genre de relation. Va-t-on parler de «mariage entre personnes du même sexe» ou, comme au Vermont, va-t-on utiliser une terminologie différente qui prévoira une série de droits et d'obligations tout à fait équivalents? C'est une question qui ne fait pas l'unanimité.

À certains égards, le Parlement a eu une réaction qu'on pourrait qualifier de réflexe à la décision rendue dans l'affaire M. c. H., et la Chambre a adopté sa résolution. Celle-ci se fonde sur une série d'idées importantes et une gamme de sentiments positifs, c'est-à-dire que nous reconnaissons que la majorité des cellules familiales dans notre pays se composent d'hommes et de femmes qui ont des enfants ensemble, et que nous voulons soutenir et reconnaître ce genre de relation, mais il y a d'autres genres de rapports minoritaires sur le plan statistique qui sont tout aussi importants et méritent la même reconnaissance et le même soutien. C'est pourquoi je vous dis que, à mon avis, vous devriez faire quelque chose.

• 1615

D'après mon interprétation des règlements en vigueur, votre comité a une marge de manoeuvre limitée pour modifier ce projet de loi. Je ne suis pas convaincu qu'il soit facile à modifier, au lieu de s'attaquer à la question...

M. John McKay: C'est un problème d'ordre technique, et nous pourrons peut-être y remédier dans la Loi d'interprétation, si nous optons pour cette solution.

M. Nicholas Bala: Il a été fait allusion à la Loi sur le mariage, je pense. Il y a quelques années, le Parlement a modifié cette loi et les règlements qui en découlent en ce qui a trait à la capacité de se marier. Par exemple, par le passé, dans notre pays, les cousins n'avaient pas le droit de se marier. Le Parlement a déclaré qu'un grand nombre de cousins souhaitaient se marier, et nous nous sommes penchés sur la question génétique; il s'est avéré que cela ne pose pas un énorme problème et que, pour toutes sortes de raisons d'ordre social, il faut désormais autoriser les cousins à se marier. L'histoire nous révèle pourquoi, il y a 300 ans, ce n'était peut-être pas une très bonne idée que de permettre à des cousins de se marier, mais dans le contexte contemporain nous devrions autoriser ce genre de chose. Il y a divers motifs d'ordre social qui justifient cette autorisation.

De même, je vous dirais qu'il existait de toute évidence une série de motifs d'ordre historique, religieux et culturel pour lesquels on ne pouvait pas autoriser le mariage entre deux personnes du même sexe il y a cent ans, ou même à l'heure actuelle. Toutefois, j'estime que ces circonstances et notre entendement des questions liées au sexe et à la race, et à d'autres facteurs, ont évolué, et le moment est maintenant venu de reconnaître ces rapports et d'autoriser ce genre de mariages.

Il se pose ici des questions complexes en rapport avec les articles 91 et 92 de la Loi constitutionnelle, mais c'est principalement une question du ressort fédéral. Le mariage et le divorce relèvent de la compétence fédérale.

Sur un plan plus technique, il ne s'agit pas selon moi de modifier la Loi sur le divorce, mais plutôt la Loi sur le mariage. Si l'on modifie la Loi sur le mariage pour permettre à deux personnes du même sexe de se marier, il est inutile de modifier l'autre loi; toutes les autres définitions sont modifiées automatiquement. Toute mention faite du conjoint englobera les partenaires de même sexe qui auront officialisé leur union.

À l'heure actuelle, aux termes de la loi en vigueur, si deux hommes décident de vivre ensemble et s'engagent à s'aimer mutuellement de façon durable, ils ne peuvent pas obtenir de reconnaissance juridique avant un an de vie commune. En Ontario, il faut même trois ans pour que ces droits soient reconnus à des fins provinciales. Ils disent qu'ils veulent que cette relation soit reconnue dès à présent, car certains problèmes pourraient se poser d'ici les six prochains mois, ou ils voudront peut-être faire certaines choses dans l'intervalle, et notamment immigrer. Ils veulent avoir la possibilité d'avoir accès à ce genre de services officiels.

M. John McKay: Je suppose que vous admettrez que les questions de politique publique sont plus complexes que les simples notions d'équité.

M. Nicholas Bala: Oui. J'ajoute que pour certaines questions les arguments relatifs à la Charte et à l'égalité l'emporteront. Toutefois, je suis convaincu qu'il existe une série de...

M. John McKay: Vous admettez que le Parlement a un rôle à jouer pour analyser toute la gamme de problèmes, au lieu de se limiter aux conséquences que cela peut avoir pour la charte et les problèmes en rapport avec celle-ci...

M. Nicholas Bala: De façon générale, oui; dans le cas précis...

M. John McKay: ... et qu'il faut tenir compte d'autres questions, comme les facteurs religieux ou sociaux, ou l'incidence économique ou diverses autres considérations, comme l'a dit M. Lowther au sujet du genre de cellule familiale que le gouvernement souhaite promouvoir, étant donné que, d'après toutes les données dont nous disposons en ce qui a trait aux autres types de familles, les résultats ne sont pas aussi souhaitables.

Est-ce là un rôle légitime pour le Parlement? Et ce dernier devrait-il se prononcer sur ces questions générales, sachant parfaitement que, quelle que soit la décision du Parlement, celle- ci sera contestée dès le lendemain?

M. Nicholas Bala: Vous soulevez la question du type de cellule familiale que nous souhaitons promouvoir. Il a été question des enfants. D'après mon interprétation des données—et j'ai examiné la question—si l'on compare un enfant élevé dans un milieu familial stable, où il y a un mari, une femme et des enfants, c'est préférable à une famille monoparentale pour diverses raisons. Selon les données relatives aux enfants élevés par des conjoints de même sexe, soit des mères lesbiennes notamment, il n'y a aucune différence notable, selon toute une gamme de critères—et il existe une documentation volumineuse à ce sujet—pour les enfants élevés dans ce genre de milieu. Cette relation n'a pas d'effet néfaste du point de vue social; bien au contraire, elle est tout aussi fonctionnelle. Il existe des rapports dysfonctionnels, mais il y a tout autant de rapports fonctionnels, de résultats positifs sur le plan de l'éducation, de la criminalité, ou plutôt de l'absence de criminalité, et des avantages économiques. En fait, tout tend à prouver que les enfants élevés par des conjoints de même sexe sont aussi susceptibles d'être hétérosexuels une fois adultes que ceux qui sont élevés par des couples hétérosexuels sont susceptibles de devenir homosexuels une fois adultes.

• 1620

Cela me surprendrait que vous trouviez un seul témoin pour vous dire qu'il dispose de données sociales importantes prouvant que les enfants élevés par les couples de même sexe sont pénalisés par rapport à ceux qui sont élevés dans une famille hétérosexuelle, si ce n'est que les enfants élevés par un couple de même sexe subissent une certaine forme de discrimination sociale et sont parfois confrontés à des problèmes. Là encore, toutefois, les résultats dans l'ensemble sont très positifs.

Le Parlement a-t-il un rôle à jouer dans ce processus? Absolument. La décision finale lui appartiendrait-elle? Non, il y aura un dialogue continu. La Cour suprême va certainement se demander pourquoi le Parlement a décidé d'exclure ce genre de relations. Vous avez les données pertinentes. Si vous n'en tenez pas compte, la Cour suprême va certainement examiner certaines des prémisses sur lesquelles on s'est fondé pour prendre cette décision. La cour va certainement prendre note des recommandations que pourrait faire le comité dans son rapport.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Je vous remercie. Ai-je trois minutes, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Eric Lowther: Monsieur Bala, avez-vous dit plus tôt que vous êtes marié et aviez des enfants?

M. Nicholas Bala: Oui.

M. Eric Lowther: Très bien. D'après ce que vous avez dit à M. McKay, vous pensez que vos enfants pourraient tout aussi bien être élevés par deux hommes que par un homme et une femme, n'est-ce pas? Est-ce ce que vous nous dites? C'est certainement l'impression que vous nous avez donnée il y a cinq minutes.

M. Nicholas Bala: Je ne sais pas quel est le sens de cette question hypothétique... Je veux élever mes enfants moi-même. Si je mourais, aurais-je des objections à ce que deux...

M. Eric Lowther: Ne prenons pas votre cas comme exemple. Il y a quelques minutes, vous avez dit qu'il n'y avait aucune preuve permettant d'affirmer que le fait que deux hommes élèvent un enfant, plutôt qu'un homme et une femme, change quoi que ce soit pour cet enfant. Pour vous, c'est du pareil au même. Pour vous, peu importe que deux hommes ou qu'un homme et une femme élèvent un enfant. Vous ai-je bien compris?

M. Nicholas Bala: Je disais essentiellement que, oui... Passablement de recherches ont été faites pour établir ce qu'il advient d'un enfant qui est élevé... La plupart de ces recherches portent, pour diverses raisons, sur des enfants qui ont été élevés par des lesbiennes. Nous n'avons pas beaucoup de recherches qui portent sur des enfants qui sont élevés par des gais. Il est donc permis de se demander ce qu'il en serait à ce sujet.

M. Eric Lowther: Vous avez cependant répondu oui à la question que je vous posais qui était de savoir s'il y avait une différence pour vous entre le fait que deux hommes élèvent un enfant ou qu'un homme et une femme le fassent. Vous avez dit que vous ne voyez aucune différence.

M. Nicholas Bala: Oui, c'est ce que j'ai dit.

M. Eric Lowther: Je sais que vous avez déjà comparu devant de nombreux comités, mais je ne sais pas quel poste vous occupez à la faculté de droit. Êtes-vous professeur?

M. Nicholas Bala: Oui, je suis professeur.

M. Eric Lowther: À quelle faculté de droit?

M. Nicholas Bala: À Queen's.

M. Eric Lowther: Très bien. Vous y enseignez depuis longtemps?

M. Nicholas Bala: Vingt ans.

M. Eric Lowther: Très bien. Êtes-vous doyen de la faculté?

M. Nicholas Bala: J'étais doyen associé... Je voudrais cependant préciser que je parle en mon nom personnel. Je ne parle pas au nom de la faculté de droit de l'université.

M. Eric Lowther: Dites-vous à vos étudiants qu'il n'y a pas de différence entre le fait que deux hommes élèvent un enfant et qu'un homme et une femme le fassent?

M. Nicholas Bala: Je n'essaie pas d'imposer mes valeurs personnelles. Dans mon mémoire, je cite les recherches menées par des psychologues. La position que je vous présente aujourd'hui fait certainement l'objet de discussions dans le cours de droit de la famille, et j'ai fait des sondages à ce sujet auprès des étudiants au fil des ans—et je rappelle que nous jouissons de la liberté d'opinion à l'université et que les étudiants peuvent ne pas être d'accord avec moi. Aujourd'hui, la vaste majorité d'entre eux sont favorables à ce que la société reconnaisse pleinement les relations entre conjoints de même sexe, ce qui n'était probablement pas le cas à la faculté de droit il y a 20 ans. À cette époque, cette question suscitait plus d'inquiétude, et, pour être franc, ma propre position sur cette question a sans doute changé au cours des 20 dernières années à mesure que je me suis familiarisé avec les recherches et à mesure que notre jurisprudence a évolué.

M. Eric Lowther: Je vous remercie, monsieur le président.

Le président: Monsieur DeVillers.

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

• 1625

MM. Lowther et Bala ont fait allusion à la résolution sur le mariage dont a été saisie la Chambre. Je crois que M. Bala a parlé d'une réaction instinctive. J'aimerais préciser qu'il s'agit d'une motion qui a été présentée par l'opposition, et je cherche toujours les pièges que l'opposition essaie alors de nous tendre par ce genre de motion. J'ai voté contre cette motion parce que j'ai estimé qu'elle constituait une attaque à l'endroit de la magistrature—le Parti réformiste s'étant élevé contre l'activisme des juges—plutôt qu'une motion en faveur du mariage.

Je m'adresse au professeur de droit. À votre avis, quelle importance les tribunaux accordent-ils aux résolutions de l'opposition adoptées par le Parlement?

M. Nicholas Bala: Je n'ai pas beaucoup étudié cette question, mais je ne pense pas que les tribunaux y attachent beaucoup d'importance. Ce n'est pas tant que cette motion ait été adoptée lors d'un jour réservé à l'opposition plutôt qu'un autre jour, mais comme le Parlement est habilité à adopter des lois, les tribunaux accordent beaucoup moins d'importance à tout ce qui n'est pas une loi.

À mon avis, cette motion, que je n'aurais peut-être pas appuyée sans réserve, ne va pas à l'encontre de la position que je viens de vous exposer. Je suis prêt à admettre que le mot «mariage» a un sens religieux, historique, social et psychologique pour beaucoup de gens, dont je suis. Suffirait-il, comme on l'a fait au Vermont, d'appeler par un autre nom la relation entre des personnes de même sexe qui souhaitent avoir les mêmes droits et les mêmes obligations que les personnes mariées?

Autrement dit, voici la solution que je vous propose. La résolution qui a été adoptée jouit sans doute d'un large appui parmi la population. Pour de bonnes raisons sociales, économiques et politiques, la majorité des gens sont en faveur du maintien du mariage. Dans ce cas, pourquoi ne pas appeler par un autre nom une relation entre des personnes de même sexe qui comporterait les mêmes droits et les mêmes obligations que le mariage? À mon avis, ce compromis serait sans doute acceptable en vertu de la Charte des droits et libertés et serait aussi conforme à la résolution que la majorité d'entre vous ont appuyée.

D'autres personnes ne partagent peut-être pas mon point de vue, mais je pense qu'il y a des gais et des lesbiennes qui seraient en faveur de cette solution. Comme je l'ai dit, c'est ce que l'Assemblée législative du Vermont a fait. Il y a peut-être aussi des raisons pratiques qui militent en faveur de cette solution, étant donné que d'autres pays ne sont peut-être pas prêts comme nous à reconnaître le mariage de personnes du même sexe. En appelant ce genre de relation par un autre nom que le mariage, nous indiquerions qu'il s'agit d'un autre type de relation. Quant à moi, je suis tout à fait prêt à ce qu'on appelle cette relation un mariage.

Comme un nombre suffisamment élevé de gens au pays ne semblent pas très à l'aise avec cette notion, peut-être que la solution que je vous propose serait un bon compromis pour l'instant.

M. Paul DeVillers: Me reste-t-il du temps, monsieur le président?

Le président: Non.

M. Paul DeVillers: Très bien.

Le président: Monsieur Ménard, vous avez la parole.

[Français]

M. Réal Ménard: Vous auriez dû nous le dire que c'était votre anniversaire. On vous aurait offert un petit quelque chose. On n'est pas chiches, mais on n'en avait pas entendu parler.

Je veux poser ma question à nos deux témoins. Vous êtes, monsieur Bala, de la même faculté que Mme Martha Bailey qui a fait un excellent rapport pour la Commission de réforme du droit. Ma question porte sur la recommandation 6 de Claudine.

Les opposants au projet de loi disent qu'il faut reconnaître les autres formes d'interdépendance. Il y a tout un courant d'opinion, auquel j'appartiens—et je pense que Claudine y appartient aussi—, qui dit qu'il faut que cela fasse l'objet d'un projet de loi séparé. J'aimerais que vous nous fassiez valoir, de part et d'autre, monsieur Bala et madame Ouellet, les arguments qui militent en faveur d'une reconnaissance distincte des différentes formes d'interdépendance économique.

[Traduction]

M. Nicholas Bala: Au fur et à mesure que nous réfléchissons à la nouvelle façon dont on peut interpréter les relations familiales, nous en arrivons à reconnaître qu'il existe effectivement toute une gamme de relations différentes. Ainsi, tandis que je prône la reconnaissance du mariage entre deux personnes du même sexe, en lui donnant peut-être un nom différent, je dois également reconnaître le rôle qu'ont joué de tout temps les unions de fait. Il ne s'agit pas de se débarrasser complètement de ces unions de fait, car les gens vivent ensemble pour toutes sortes de raisons, qu'ils soient du même sexe ou de sexe différent, sans pour autant se marier. Ils devraient donc être soumis aux mêmes obligations et avoir les mêmes droits.

• 1630

On pourrait se demander pourquoi ce régime devrait exister désormais au Canada, alors que ce ne sont pas tous les pays qui le reconnaissent. Mais il me semble qu'en nous dirigeant dans cette voie nous avons été sages.

Si l'on regarde l'évolution historique de la société canadienne, il y a 25 ans on ne voulait pas reconnaître la cohabitation de deux personnes de sexe opposé qui n'étaient pas mariées, c'est-à-dire les unions de fait. La société n'était pas d'accord, ne voulait pas les reconnaître et ne voulait leur accorder aucun droit ni les soumettre à aucune obligation. En 25 ans à peine, l'opinion a changé. De plus en plus de gens cohabitent, ont des enfants et maintiennent une interdépendance les uns envers les autres. Il faut reconnaître ce type de relation.

Il faut également reconnaître le rôle que joue ce que j'appellerais les partenariats civils enregistrés, qui sont des relations avec interdépendance économique, à qui nous voudrions peut-être accorder un statut moindre. Comment y parvenir? Il y a plusieurs opinions là-dessus, et cela dépend de ce que l'on veut obtenir.

Si l'on regarde les pays qui reconnaissent ce type de situation, on constate qu'un modèle intéressant permettrait de reconnaître les personnes qui cohabitent, mais qui ne sont pas dans une situation assimilable à une union conjugale. En effet, ces gens ne s'engagent pas nécessairement l'un envers l'autre du point de vue émotif et social comme on le ferait dans une union. J'ai donné l'exemple d'un enfant adulte qui vivrait avec un parent âgé, ou de deux frères qui cohabitent parce qu'ils n'ont personne d'autre dans leur vie à ce moment-là; cela ne les empêche aucunement de se marier plus tard, mais ils peuvent décider pour le moment de cohabiter, soit de façon permanente, soit tant que rien ne changera dans leur vie, et ils peuvent souhaiter profiter des avantages que l'État confère à d'autres types de relations. En effet, l'État peut souhaiter les encourager à cohabiter, car cela lui permet d'économiser en ressources sociales. Si l'un d'entre eux tombe malade, par exemple, c'est l'autre qui s'occupe de lui. Il faut donc reconnaître ce type de relation et la protéger, de même que reconnaître les droits et les obligations qui peuvent découler de ce type de relation.

Mais je crois que, par définition, il ne doit pas y avoir d'enfants dans ce type de relation. Dès qu'il y a des enfants, on parle d'autre chose. Mais on pourrait songer à accorder des avantages sociaux à deux personnes qui auraient ce type de relation, tout comme on les accorde à ceux qui sont mariés. Un parent et son enfant pourraient vivre dans ce genre de relation, et l'enfant pourrait demander à accorder ces avantages à son parent âgé. Je pense que la société devrait envisager d'élargir l'application de ces avantages et de ces droits à ce genre de relation, qui serait définie de façon beaucoup plus limitée.

Ainsi, ce type de relation pourrait être définie de façon que les parties souscriraient à une entente juridique portant que dès lors qu'ils cessent de cohabiter aucun des deux n'a d'obligation future envers l'autre. Reprenons le cas précédent d'un enfant adulte cohabitant avec un parent âgé: ni l'un ni l'autre ne devrait s'attendre à ce que, dès lors que l'un des deux déménage, l'autre devrait être assujetti à des obligations permanentes équivalant à l'entretien d'un conjoint. En effet, étant donné la nature de la relation, cela ne conviendrait pas, d'une façon générale.

Le président: Madame Ouellet.

Mme Claudine Ouellet: Et on prétend que les femmes sont bavardes!

[Français]

À mon avis, les commentaires de la ministre de la Justice, Mme McLellan, ont été fort éloquents au moment où elle a comparu devant ce comité-ci concernant, justement, la problématique de la reconnaissance de ce que les Vermontois vont maintenant appeler les bénéficiaires réciproques.

Toute la question de savoir si on va pénaliser les enfants qui désirent prendre soin de leurs parents ou d'une personne avec qui ils ont un lien de parenté quelconque en leur imposant une responsabilité financière plus grande mérite qu'on y réfléchisse. On doit entendre les parties intéressées, et c'est la raison pour laquelle je ne pense pas que l'on puisse traiter de cela dans une même mesure législative.

Je pense aussi qu'on est prêts à aller de l'avant avec la reconnaissance des conjoints de même sexe. Cela étant fait, on pourra, en tant que société, voir ensemble comment on pourra inciter les gens à s'entraider et à prendre soin les uns des autres, et voir aussi comment on fera pour offrir un cadre suffisamment souple pour permettre de répondre aux besoins qu'on aura à étudier à ce moment-là.

[Traduction]

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Grose.

M. Ivan Grose (Oshawa, Lib.): Merci, monsieur le président.

• 1635

Est-ce que le fait d'être le plus âgé me donne droit à autre chose que de la sympathie?

Le président: Non, mais cela vous donne droit à une tasse de café supplémentaire.

M. Ivan Grose: Je reviens aux témoins; vous pourrez répondre à cette observation si vous le voulez, mais je suis toujours étonné d'entendre les gens dire qu'ils sont en faveur du projet de loi d'une façon générale, et de les entendre ensuite parler de conjoints, de mariage et de divorce. Avez-vous la moindre idée des dangers auxquels vous exposez ce projet de loi, et, sinon, vous rendez-vous compte que vous diminuez de beaucoup les chances de voir ce projet de loi adopté? Chaque fois que nous entendons un témoignage, chaque fois... si vous ne soulevez pas cette question, M. Lowther vous mettra certainement sur la bonne voie. Les gens de ma circonscription, pas seulement les fanatiques, mais également les gens normaux, me téléphonent et me disent: «Écoutez, nous sommes prêts à aller jusqu'à un certain point, mais pas plus loin pour l'instant.» Je vous avouerai que c'est également mon attitude. Peut-être parce que c'est leur attitude à eux.

Cela dit, en soulevant toutes ces questions qui ne sont pas traitées dans le projet de loi, qui n'ont aucune chance d'y figurer, du moins à l'heure actuelle, si elles le sont un jour, vous diminuez énormément les chances de ce projet de loi. Je suis inquiet quand je vois les gens essayer d'aller plus loin. J'aimerais donc savoir si vous vous rendez compte de ce que vous faites.

Mme Claudine Ouellet: Je suis convaincue que le fait de vivre est déjà très dangereux et...

M. Ivan Grose: Pas en politique, pas du tout.

Mme Claudine Ouellet: C'est justement la raison pour laquelle je ne fais pas de politique.

[Français]

La question de fond, c'est de savoir—et c'est en toute honnêteté que je vous dis cela—si on s'est déplacés de Québec pour venir jusqu'ici, après avoir pris un bout de temps pour réfléchir sur la question, afin de dire au comité des choses qu'il veut entendre ou si on doit simplement lui faire part de la réaction de gens qui vivent cette situation discriminante tous les jours depuis leur naissance. Je trouve que le fait de se retrouver dans la même pièce constitue une occasion rêvée. On a des vues et des idées diamétralement opposées dans certains cas. C'est aussi différent que ça peut l'être. Cependant, quand on dit que cette conversation qu'on a ensemble, le temps que l'on y met, l'énergie que l'on dépense et, dans plusieurs cas, le coeur que l'on met à vouloir faire avancer le dossier des droits humains mettent en danger le projet de loi C-23, c'est une opinion que je ne partage pas. C'est à force de se parler que l'on pourra peut-être, à un moment donné, arriver à un consensus. Mais pour cela, il faut se parler.

Je viens probablement d'une culture un petit peu plus latine. On est habitués à lever les bras dans les airs et à gueuler longtemps, mais on finit par arriver à faire quelque chose ensemble. Je pense que c'est assez clair, ça aussi. Il est important qu'on prenne un moment pour se remettre en question. C'est comme cela qu'une société avance. Du moins, c'est comme cela que j'ai été élevée. Je continue de vivre dans cet environnement-là et je vous en souhaite autant de tout coeur.

Bien sûr, c'est dangereux de prendre des décisions, mais le simple fait de vivre et de se lever le matin peut aussi être dangereux.

[Traduction]

M. Ivan Grose: Je comprends cela, et je comprends également votre position, mais ce que je vous dis et répète, c'est qu'à l'heure actuelle, c'est une chose que je ne pourrais pas faire accepter.

Mme Claudine Ouellet: Je comprends votre position, mais j'espère que vous comprenez la mienne également. Nous ne sommes pas en train de réclamer le plus beau jouet du monde pour Noël; nous n'osons même pas espérer qu'on nous donne une pomme un jour.

Si je suis ici, c'est pour dire la vérité. Voilà des années que je vis dans cette situation, et je suis peut-être un peu plus jeune que vous, mais cela ne m'empêche pas de savoir de quoi je parle. Et je veux mettre fin à cette situation, peut-être autant que vous voulez y mettre fin vous-même.

M. Nicholas Bala: J'aimerais aborder la question sous un angle un peu différent. Pour commencer, je ne suis pas du tout convaincu que le projet de loi soit en danger, pas seulement à cause des considérations politiques, mais parce que si le gouvernement n'adoptait pas une loi comme celle-ci, ou du moins très semblable à celle-ci, comme nous l'avons vu en Ontario, les tribunaux vous forceraient à le faire, que cela vous plaise ou pas.

L'affaire M. v. H. est très claire. À mon avis, le libellé de ce projet de loi est légèrement meilleur que celui de la loi ontarienne, mais à part cela, sur le plan fonctionnel, c'est essentiellement la même chose. Je ne vois donc pas où est le danger.

• 1640

Comme on l'a dit, nous vivons dans une démocratie. À mon avis, et si vous voulez... À propos des relations entre personnes de même sexe, je crois pouvoir dire que nous avons assisté à un énorme changement social dans notre pays. Votre position est peut-être que vous ne voulez pas agir dans ce sens pour l'instant, mais je ne pense pas que vous soyez suffisamment âgé: il est certain que les choses vont changer pendant votre vie. En fait, quel que soit le parti au pouvoir, je serais très surpris qu'on ne reconnaisse pas d'ici dix ans...

M. Eric Lowther: Je suis content que vous ayez regardé de ce côté-ci.

M. Nicholas Bala: ... les relations entre personnes de même sexe. Simplement, je pense qu'il serait préférable d'agir le plus vite possible, et préférable aussi de le faire sans rancoeur.

Vous avez cité plusieurs groupes religieux; eh bien, beaucoup de groupes religieux ont fait beaucoup de chemin. En fait, on a assisté à une évolution considérable dans pratiquement tous les grands groupes religieux de notre pays. Ils n'en sont pas tous au même point, mais ils ont évolués.

Il n'est pas mauvais qu'un comité comme celui-ci, ou le public ou les médias discutent de la question; c'est de cette façon qu'on obtient des changements. Vous dites: «N'en parlez pas, parce qu'ils vont commencer à penser que nous allons changer les choses.» Mais les choses changent, et elles vont continuer à changer. La seule question est de savoir si vous avez l'intention de vous adapter maintenant ou si vous attendrez que les tribunaux vous y forcent plus tard.

M. Ivan Grose: Merci, monsieur Bala, et merci, monsieur le président.

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Je dois dire à Mme Ouellet que j'apprécie sa franchise, son honnêteté et la façon dont elle va indirectement au coeur du sujet.

Mme Claudine Ouellet: Merci.

M. Eric Lowther: Vous ne mâchez pas vos mots, on n'a pas besoin d'essayer de deviner votre pensée, et cela me plaît.

Ce n'est pas que vous mâchez vos mots, monsieur Bala, et je ne tente absolument pas de vous critiquer, mais vous avez 20 ans d'enseignement du droit derrière vous, et je ne suis pas un spécialiste, si bien que je dois trier ce que vous dites pour comprendre votre position. Si je ne me trompe pas, vous nous dites que notre travail, ici au Parlement, est théorique, que de toute façon ce sont les tribunaux qui vont faire avancer les choses, que nous aurons beau faire ce que nous voulons, le scénario existe déjà. Cela nous pend au nez, les mariages de personnes de même sexe vont être une réalité un jour ou l'autre, et nous ferions mieux de nous réveiller tout de suite.

M. Nicholas Bala: Est-ce que c'est une question?

M. Eric Lowther: Non, ce n'est pas une question.

M. Nicholas Bala: Cela avait l'air d'une question.

M. Eric Lowther: J'y reviendrai dans un instant. C'est ce que j'ai compris.

Cela dit, je reviens à ce que Mme Ouellet disait.

En fait, ce que vous voudriez vraiment, c'est qu'on contourne toute cette rhétorique, qu'on passe tout de suite aux mariages de personnes de même sexe, que les droits soient les mêmes pour tout le monde. Arrêtons de pinailler sur les définitions de conjoint, etc. C'est exactement la même chose, la même chose, la même chose, arrêtons de jouer au plus fin. C'est bien...?

Je regarde le témoignage du groupe EGALE et d'autres groupes qui défendent les intérêts des homosexuels, hommes ou femmes. En fait, c'est de cette façon que nous en sommes arrivés là, progressivement, pas à pas. En fin de compte, le plan d'EGALE—et j'imagine que c'est le vôtre aussi, et je vous pose la question—c'est de continuer à exercer ces pressions progressives jusqu'à ce qu'au Canada il devienne possible pour deux hommes de marcher jusqu'au pied de l'autel et de se marier. En fait, ce n'est peut-être pas l'autel c'est peut-être l'épicerie, le centre commercial, n'importe où. Tout est permis.

Est-ce bien le but ultime? Il ne s'agit plus vraiment de tolérance; ce qu'on veut, c'est que la société accepte les mariages de personnes de même sexe.

Mme Claudine Ouellet: Je comprends votre position, et moi aussi je respecte votre franchise.

Je n'ai pas un plan orchestré, et il n'y a pas de conspiration, etc., mais j'appartiens à une société qui continue à être distincte. Peut-être ne suis-je pas d'accord avec le plan des autres, mais j'appartiens à un groupe où les gens rêvent encore d'être traités également, avec respect. C'est déjà un rêve pour un Québécois, mais le fait d'être lesbienne donne une autre dimension à ce rêve. Ce que je veux, c'est qu'on me traite d'égal à égal, quelle que soit mon orientation sexuelle.

Si vous le permettez, nous allons faire un exercice ensemble: remplaçons simplement les mots «homosexuel ou lesbienne» par les mots «Noir», «Juif», «handicapé». Qu'est-ce que vous diriez s'il y avait des catégories séparées pour les Noirs, les Juifs et les handicapés? Difficile.

• 1645

Maintenant, je sais bien que la mentalité a évolué en Amérique du Nord, et en particulier aux États-Unis, en ce qui concerne les mariages interraciaux, l'esclave, etc. Aujourd'hui, il n'est plus acceptable de proférer des remarques racistes, mais où faut-il tirer un trait entre une discrimination acceptable et une discrimination qui ne l'est pas?

Les tribunaux, tout comme près de 80 p. 100 de la population québécoise, ont déclaré que la discrimination contre l'orientation sexuelle n'était plus acceptable. De plus, l'Assemblée nationale du Québec a voté l'été dernier à l'unanimité en faveur du projet de loi 32, qui reconnaît les couples de même sexe, exactement comme les couples hétérosexuels qui vivent ensemble.

Donc mon plan est simple: je veux simplement être égale aux autres. Je suis différente de vous, et j'imagine que cela se voit. Vous êtes blond, pas moi. Mais nous pouvons être égaux devant la loi dans le respect de nos différences. Voilà exactement en quoi consiste mon grand plan, ma conspiration.

C'est clair?

M. Eric Lowther: Oui.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: Je voudrais de nouveau poser ma question à M. Bala, à propos du mot «conjugal». Vous n'en avez pas parlé beaucoup dans vos remarques.

Nous avons entendu dire ce matin que le terme conjugal n'impliquait pas nécessairement un élément de sexualité dans la relation. On peut avoir une relation conjugale sans que cette relation comporte un aspect sexuel.

Pensez-vous que cela pourrait être la prochaine étape des contestations de la loi, cette expansion de la notion de rapport conjugal? Pensez-vous que des personnes ayant d'autres rapports de nature non sexuelle vont essayer de se placer sous la protection de la Charte pour obtenir des droits, des avantages et des obligations?

M. Nicholas Bala: Il y aura sans doute toute une gamme de possibilités de litiges, mais à mon avis—et j'en ai un peu parlé dans mon mémoire—il existe une abondante jurisprudence sur la notion de relation conjugale. Cela signifie vivre ensemble comme mari et femme. Cela n'implique pas nécessairement une connotation sexuelle.

Je pense qu'on pourra peut-être pousser un peu dans ce sens, mais je crois que la contestation sera beaucoup plus directe. Il y aura simplement des gens qui diront—et c'est une contestation qui a déjà été présentée au Québec—que deux personnes réclament le droit de se marier. Ce n'est pas au niveau provincial que cette contestation sera présentée. C'est un domaine qui relève de la compétence fédérale.

Vous vous demandez si vous allez avoir un rôle dans tout cela ou si vous allez vous contenter de faire ce que décideront les tribunaux. À mon avis, vous avez tout de même une certaine marge de manoeuvre, car vous pouvez déterminer en quoi va consister cette institution. Comme je le souligne dans mon mémoire, vous pourriez imposer, ou les provinces pourraient imposer, des exigences de résidence. Nous n'avons peut-être pas envie que tous les couples de même sexe du monde viennent au Canada pour vivre ce genre de rapports ou obtenir ce genre de cérémonie—encore que l'on puisse aussi souhaiter favoriser ce genre de choses pour des raisons touristiques par exemple.

Je ne crois pas que les gens choisissent de devenir gais et lesbiennes, en général. C'est quelque chose qui se produit au moment de la maturité sexuelle. Il ne s'agit donc pas de faire de la publicité ou du prosélytisme en faveur d'une orientation sexuelle quelconque. Nous ne comprenons pas bien les facteurs biologiques, psychologiques et environnementaux qui font que certains individus disent: oui, je me rends compte que je suis gai et je veux un partenaire du même sexe. Quel que soit le régime juridique qu'on m'impose, j'aurai ce partenaire.

Ne pas le reconnaître...

M. John McKay: Ce n'était pas dans ce sens qu'allait ma question. Elle allait dans l'autre sens. En fait, je voulais parler des personnes qui ont une relation à caractère non sexuel qui pourraient réclamer des droits, des avantages et des obligations par le biais de contestations en vertu de la Charte et qui demanderaient en fait un élargissement de la définition des rapports conjugaux, ce qui fait que le gouvernement serait exposé à ce genre de revendications. Autrement dit, cela devient une espèce de partenariat civil enregistré, même si l'on n'utilise jamais cette expression; disons qu'on parlerait d'un «partenariat civil».

• 1650

Ma question consiste donc à savoir s'il ne vaudrait pas mieux que le gouvernement s'occupe de ce problème tout de suite, alors que nous avons le problème sous les yeux, plutôt que d'attendre d'y être obligé par les tribunaux.

M. Nicholas Bala: À mon avis, il y a deux choses. Pour ce qui est de légiférer, je ne crois pas que nous soyons suffisamment avancés pour l'instant pour dire que nous avons un modèle de partenariat civil non conjugal enregistré et en déterminer toutes les conséquences. Je ne pense pas d'ailleurs que beaucoup de gens souhaitent opter pour ce modèle, si les dispositions fiscales, par exemple, sont généralement négatives. En fait, il y a beaucoup de gens qui ne veulent pas se marier parce qu'ils souhaitent échapper à toute une gamme d'obligations. Donc, cela m'étonnerait que beaucoup de personnes souhaitent opter pour cette formule.

Vu la façon dont votre définition est rédigée, je pense que le terme «conjugal» va avoir un effet dissuasif. Cela m'étonnerait qu'il y ait beaucoup de contestations en vertu de la Charte dans l'immédiat par des gens qui diraient: «Nous avons deux frères qui vivent ensemble et qui veulent obtenir ce statut. Pourquoi des personnes qui ont une relation conjugale jouissent-elles de ces droits et obligations, et pas eux?» Au stade actuel de la jurisprudence au Canada et dans d'autres pays, je n'ai pas l'impression que ce genre de revendications soit accueilli très favorablement.

Évidemment, les choses vont évoluer, et j'en parle dans mon document. On va parler de relations à trois personnes, de mariages de groupe, de mariages polygames. Il y a des gens qui ont des sites Web, plus aux États-Unis qu'au Canada. À mon avis, ce n'est pas ce que je recommanderais actuellement au Canada, mais la question sera peut-être soulevée en vertu de la constitution ailleurs. Y a-t-il des gens au Canada qui sont polygames? Oui.

Je ne crois pas que vous ayez besoin d'aller jusque-là. Je ne pense pas que les tribunaux vous y incitent. Je ne crois pas que le public le réclame à cor et à cri. Je pense qu'il y a peut-être de bonnes raisons de politique sociale pour dire que nous ne voulons pas encourager le mariage polygame et que nous avons de bonnes raisons de le traiter de manière différente. Mais il n'y a pas de raisons objectives de traiter de manière discriminatoire les relations entre personnes de même sexe; alors que ces raisons objectives peuvent exister dans le cas des mariages polygames, par exemple.

Le président: Merci beaucoup.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Je veux revenir très brièvement sur l'échange que M. Grose et Claudine ont eu et faire un commentaire qui va certainement inspirer une réponse à Claudine.

D'un strict point de vue stratégique, je sais qu'il faut respecter le droit. Vous avez raison de rappeler que c'est fondamentalement un projet de loi qui rétablit l'égalité. Je crois que c'est le meilleur discours qu'on puisse tenir auprès de l'ensemble de nos concitoyens et auprès de l'ensemble des parlementaires. Vous ne devez pas nous sous-estimer. Sachez que même si le Bloc québécois est un parti que se définit comme social-démocrate, un parti très ouvert, il n'en demeure pas moins que dans mon caucus, je dois travailler très fort pour tendre vers une unanimité à laquelle je n'arriverai peut-être pas.

Ce que je veux vous dire, c'est que si le gouvernement avait inscrit une référence au mariage dans le projet de loi, je crois qu'il aurait fait une très, très grave erreur, parce qu'il n'est pas du tout impensable—vous avez raison et Nicholas l'a aussi rappelé—qu'une cour de justice déclare inconstitutionnelles les dispositions réservées aux hétérosexuels. Mais en politique, il faut accepter de faire un travail d'animation. Dans l'opinion publique, y compris au Québec, on ratisse beaucoup moins large quand on parle de la reconnaissance du mariage chez les conjoints de même sexe que lorsqu'on parle de mettre fin à la discrimination, même si, et vous le savez comme moi, il y a sans doute une plus grande ouverture au Québec sur une question comme celle-là que dans d'autres provinces, cela en raison de ce que nous sommes, comme vous l'avez rappelé plus tôt.

Dans un premier temps, il faut faire valoir que c'est une question de discrimination, comme vous l'avez dit. Une fois que ce combat sera engagé, progressivement, avec votre sens de la pédagogie et l'association que vous représentez ainsi que d'autres parlementaires—pas tous, car vous aurez compris qu'il y a au moins une formation politique qui ne le fera pas—, il faudra convaincre les gens que l'étape subséquente est de mettre fin à d'autres types de discrimination. Mais pour l'heure, je crois que le gouvernement a été bien avisé de s'en tenir à une seule problématique. J'espère que je ne vous décevrai pas en disant cela et que vous ne verrez pas en moi qu'un être stratégique.

Mme Claudine Ouellet: Ne soyez pas inquiet. Vous faites partie des loyaux défenseurs de ce que nous croyons être un droit à l'égalité. Si j'avais mis de côté la question de l'ensemble de la discrimination, on aurait probablement pu me dire que j'avais un plan machiavélique, étapiste ou je ne sais trop quoi encore, puisque j'ignore ce qu'on a pu avoir comme conversation tout à l'heure.

• 1655

C'est par souci d'honnêteté et de franchise, par souci d'honnêteté intellectuelle en fait, que nous avons agi ainsi. Pourquoi prétendre que tout est correct, qu'on peut aller jusque-là et que peut-être l'année prochaine, si on est chanceux et qu'il fait beau, on ira plus loin? Comme je vous l'ai dit, je fais partie d'une société qui se distingue de plusieurs façons. On a un tempérament un peu latin. La patience n'est pas une de mes vertus. Vous pouvez demander à ma conjointe: elle va vous le dire. Je pense que, quand il s'agit de militantisme, la patience peut aussi raccourcir.

J'ai trouvé que ce forum était une occasion extraordinaire de se dire franchement, sincèrement, en toute honnêteté ce qu'on pouvait penser, autant des forces que des faiblesses du projet de loi, de ce qu'il peut faire et de ce qu'il ne fait pas. Au moins, on a profité de ce moment privilégié pour se dire les vrais choses.

M. Réal Ménard: Vous comprenez qu'il faut convaincre les gens.

Mme Claudine Ouellet: C'est votre travail et je vous fais confiance pour cela.

M. Réal Ménard: Le débat n'a pas lieu entre vous et moi, parce qu'on appartient aux deux mêmes communautés: à la même communauté nationale et à la même communauté sexuelle. Mais j'ai été élu pour représenter des gens, des gens qui me font confiance et qui, espérons-le, vont continuer à me faire confiance.

Mme Claudine Ouellet: Bien sûr.

M. Réal Ménard: Je sais très bien qu'il faut, pour l'aspect très singulier qu'est le mariage, tenir un long discours. C'est un pas à franchir pour mettre fin à la discrimination. On s'entend pour dire que c'est très discriminatoire, mais il n'est pas vrai qu'une majorité de nos concitoyens sont rendus là en ce moment. Il nous faut convaincre les gens et je sais que vous êtes douée pour cela. Je sais que vous aller continuer à le faire, mais je crois que, d'un point de vue stratégique, le gouvernement a été bien avisé, à ce moment-ci, de faire cette distinction.

Mme Claudine Ouellet: Et c'est la raison pour laquelle...

[Traduction]

Le président: Je pense que M. Ménard admettra que c'est sa dernière question.

[Français]

M. Réal Ménard: Voyons, monsieur le président. Happy birthday, monsieur le président.

[Traduction]

Des voix: Oh, oh!

Mme Claudine Ouellet: Je vais être brève et claire.

[Français]

En fait, je peux comprendre que votre travail est d'étudier un projet de loi en comité et d'entendre ce que la population a à dire. J'éprouve trop de respect pour la démocratie pour venir vous dire ici des demi-vérités. J'ai voulu vous livrer ce que les gens que je représente vivent et c'est par souci d'équité et d'honnêteté que j'ai dit exactement tout ce qu'on voulait plutôt que de procéder étape par étape, selon un plan machiavélique. C'est ce que l'on veut et un jour, on va l'avoir. J'espère qu'il est permis de rêver encore, ici. Oui? Merci.

On sait que le gouvernement peut avoir certaines limites. On sait que certaines populations, certaines provinces et certains pays ont des limites. En Ouganda, il y a une certaine limite de tolérance. Il est permis de penser que les gens peuvent avancer dans certains cas, mais il est aussi permis de penser que les gens qui sont victimes de cette discrimination peuvent souhaiter en voir la fin le plus tôt possible. C'est pour y arriver que nous avons dépensé de l'énergie, que nous avons collaboré à ce processus et que nous sommes venus vous dire quelle est notre liste d'épicerie. Elle comporte six choses dans ce cas-ci. Si vous arrivez avec quatre ou cinq choses, on vivra avec cela et on ira chercher la sixième plus tard.

Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

Paul, puis John.

M. Paul DeVillers: Merci, monsieur le président.

Dans son avant-dernière intervention, M. Lowther a dit à M. Bala qu'il ergotait sur des points juridiques, quelque chose comme cela. J'ai remarqué que M. Bala était prêt à répondre, mais il ne l'a finalement pas fait. J'aimerais bien avoir sa réponse.

M. Nicholas Bala: M. Lowther a dit tant de choses aujourd'hui que je ne sais pas exactement auquel de ses commentaires je devrais répondre, mais je crois que ce qui m'a particulièrement préoccupé, ce sont les problèmes qu'il a évoqués à propos des enfants.

Je voudrais le renvoyer à la note 29 de mon document, entre autres. J'y mentionne quelques documents—et il y en a beaucoup—qui établissent que les enfants élevés par des conjoints de même sexe ne deviennent pas particulièrement différents sur le plan social. Ces ouvrages montrent qu'ils ont une éducation normale, un faible taux de criminalité et qu'ils deviennent des citoyens sains et productifs, qu'en fait ils deviennent le plus souvent des hétérosexuels même s'ils ont été élevés par des parents de même sexe.

• 1700

Je ne pense donc pas que le traitement discriminatoire des gais et lesbiennes soit justifié, et je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de répondre. Bien franchement, je ne sais plus lequel de ses nombreux commentaires j'ai trouvé le plus choquant aujourd'hui.

[Français]

M. Paul DeVillers: Merci. J'ai une question pour Mme Ouellet. À la cinquième page de votre mémoire, vous parlez de la discrimination et de l'exclusion de plus de 10 p. 100 de la population, soit plus de 3 millions de Canadiens.

Mme Claudine Ouellet: Oui.

M. Paul DeVillers: Où avez-vous trouvé ces données?

Mme Claudine Ouellet: Ce sont des données qui ont été cumulées depuis Masters et Johnson, ainsi que Kinsey, je pense. Cela remonte aux années 1960. Certains chercheurs ont tenté de nous répertorier, de savoir combien nous étions. C'est un peu un mystère, mais je pense qu'on s'entend pour établir un pourcentage minimum de 10 p. 100. Dans certains milieux urbains, cela peut monter à 18 p. 100, alors dans certains autres milieux, cela peut être 6 p. 100, mais on ne se trompe pas beaucoup en disant que nous sommes en moyenne 10 p. 100 de la population en général.

M. Paul DeVillers: C'est la moyenne?

Mme Claudine Ouellet: C'est la moyenne. Cela fait 700 000 personnes au Québec et un peu plus de 3 millions de personnes au Canada qui votent, paient des taxes, contribuent à la société et...

M. Paul DeVillers: Merci.

[Traduction]

Monsieur Bala, vous avez une remarque à faire à ce propos?

M. Nicholas Bala: Je pense que la question de savoir quel est le pourcentage exact de gais, de lesbiennes ou d'individus bisexuels dans la population générale est une intéressante spéculation intellectuelle secondaire. En fait, personne ne connaît ces pourcentages. Les données de Kinsey ont été contestées.

Cela dépend. Si vous prenez le pourcentage des individus masculins qui ont eu au moins une fois dans leur vie des agissements homosexuels, vous pouvez probablement parler de 10 p. 100. Si vous prenez le pourcentage des individus adultes qui ont une relation conjugale à long terme avec une personne de même sexe, ce pourcentage est certainement beaucoup plus faible.

De fait, Revenu Canada vient d'achever une étude fort intéressante. D'après le ministère, cela représente entre 1 p. 100 et 2 p. 100 de la population adulte.

Ce genre d'enquête présente des problèmes de méthodologie. Si vous frappez aux portes pour demander aux gens s'ils cohabitent avec quelqu'un du sexe opposé, beaucoup hésiteront à répondre. Revenu Canada a fait quelque chose de très intéressant. Le ministère a décidé d'examiner le cas de personnes du même sexe qui habitent dans la même habitation, dont la déclaration porte la même adresse, à l'exclusion des fratries, des enfants qui vivent avec leurs parents et des étudiants. Prenons pour hypothèse que les étudiants... Cette formule qui est loin d'être parfaite a donné un résultat variant entre 1 p. 100 et 2 p. 100.

Cela veut donc dire que le chiffre de 10 p. 100 est peut-être un peu élevé, mais c'est quand même un pourcentage important de la population. Comme on l'a dit, cette population n'est pas répartie de façon aléatoire dans le pays à cause de la discrimination et d'autres facteurs. La concentration est sans doute plus élevée en zone urbaine.

En revanche, si vous êtes au centre-ville de Toronto le Jour de la fierté gaie et lesbienne, vous verrez quantité de gens qui sont homosexuels ou qui appuient ce mode de vie ou ce genre d'union et qui sont prêts à le manifester. Cela ne signifie pas...

Vous savez, j'appuie les gais et les lesbiennes, mais cela ne signifie pas que, si ma femme me quittait—pour répondre à M. Lowther—je me dirais que j'en sais assez et que je vais maintenant me trouver un partenaire de sexe masculin. Ce n'est pas ce que je dis. Ce que je dis, c'est qu'il faut reconnaître qu'il y a...

M. Eric Lowther: Je ne vous ai jamais posé cette question.

M. Nicholas Bala: Vous êtes passé bien proche, monsieur Lowther.

La question n'est pas de savoir ce que moi, je veux, c'est de savoir si je suis prêt à tolérer et appuyer ceux qui, pour quantité de raisons, sont dans ce genre d'union.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Maloney. Ce sera la dernière question.

M. John Maloney (Erie—Lincoln, Lib.): Monsieur Bala, vous avez dit dans votre témoignage que de nombreux documents montrent que les enfants élevés dans une famille où les parents sont de même sexe ne sont pas indûment touchés. Pourriez-vous remettre au comité des exemplaires de ces documents, ou au moins leurs titres?

M. Nicholas Bala: Il existe une imposante documentation sur le sujet. Je serai heureux de faire parvenir à votre attaché de recherche une copie, par exemple, d'un article récent sur une enquête dans laquelle ont été passés en revue quantité de documents.

Il y a littéralement des dizaines d'études qui ont été réalisées sur les effets d'être élevé par un couple lesbien. Quantité d'indicateurs montrent que ce n'est pas socialement nocif, si vous voulez. Au contraire, les résultats sont aussi positifs et, j'ajouterai, aussi négatifs. Beaucoup d'enfants grandissent...

• 1705

Il y a quantité de raisons d'appuyer les familles hétérosexuelles qui ont des enfants, mais cela ne se pose pas aux couples de même sexe. Il y a beaucoup d'unions hétérosexuelles qui sont dysfonctionnelles et qui font beaucoup de tort aux enfants. Les comités parlementaires qui se sont penchés sur la maltraitance des enfants peuvent vous en dire long sur les effets négatifs.

Mais je serai heureux de vous en faire tenir copie.

M. John Maloney: Merci.

Dans votre exposé, vous avez parlé du projet de loi 5 du Parlement ontarien. Ce texte était meilleur à votre avis. Pourquoi?

Pourriez-vous nous en dire également un peu plus long sur le cas du Vermont?

M. Nicholas Bala: La loi ontarienne, qui à bien des égards est semblable, mais porte sur les secteurs de responsabilité provinciale, a un titre différent. Toute la façon de voir, même le titre de la loi ontarienne, n'est pas très accueillante. Cela ne dénote pas une vision accueillante.

Symboliquement, et linguistiquement, si vous voulez, ce n'est pas une terminologie très appropriée pour nos dirigeants politiques ontariens. Certaines des citations de mon mémoire montrent que certains des politiciens qui sont intervenus dans ce débat en Ontario n'ont pas tenu des propos très tolérants. Cela crée évidemment un environnement discriminatoire à l'endroit des gais et des lesbiennes en Ontario.

Dans la pratique, toutefois, c'est très semblable. Vous le savez peut-être déjà, mais l'avocat dans l'affaire M. c. H. veut contester la loi ontarienne parce qu'elle ne donne pas suffisamment suite à la décision dans cette affaire. Personnellement, je pense que la suite donnée représente sans doute le minimum acceptable et que la contestation n'aboutira pas. Par contre, je prédis également—et ce n'est pas très téméraire de ma part—qu'il y aura d'autres contestations qui, elles, pourront fort bien aboutir, à propos du mariage homosexuel.

Je pense que c'est un processus dynamique. Si ce n'est pas pour maintenant, c'est pour plus tard.

En ce qui concerne ce qui s'est produit au Vermont, il s'agit essentiellement d'un groupe de citoyens, gais et lesbiennes, qui ont contesté la loi sur le mariage du Vermont et affirmé qu'ils avaient le droit de se marier. La Cour suprême du Vermont, dans une décision rendue en novembre, a examiné la constitution du Vermont, qui est semblable à la législation canadienne sans y être identique.

Un des arguments avancés était que le Vermont existe depuis 200 ans et a l'une des plus vieilles constitutions d'Amérique du Nord et n'a jamais reconnu les unions de même sexe. Nous ne les reconnaissions pas en 1791, lorsque le Vermont est devenu un État. Comment pouvez-vous aujourd'hui prétendre que la constitution nous oblige à les reconnaître?

La Cour suprême du Vermont a répondu: «Eh bien, de la façon dont nous voyons les choses aujourd'hui, en 1999, la constitution vous oblige effectivement à accorder la protection égale de la loi aux personnes de même sexe, et en particulier la même possibilité de contracter une union assortie de tous les droits et avantages du mariage. Par contre, si vous voulez la désigner sous un autre nom, vous en avez le droit.»

Dans sa loi, le Vermont dit donc deux choses. Pour entrer dans les questions de droit, disons que deux personnes du même sexe qui ne sont pas unies par les liens du sang—ce qui exclut donc deux frères, et un père et son fils—peuvent contracter ce qu'ils appellent une «union civile». Dans certains États on appelle cela un partenariat civil enregistré ou un partenariat homosexuel. Quoi qu'il en soit, ils contractent une union assortie de tous les droits et obligations du mariage.

Voilà qui pourrait être une façon de procéder. La raison pour laquelle ils ont dit «ou vous pourriez appeler cela un mariage»... L'Assemblée législative du Vermont a dit vouloir une autre appellation. Les mêmes droits et obligations, mais une appellation différente. Quelqu'un a parlé des raisons religieuses, sociales ou psychologiques pour procéder de cette façon, et je trouve cela légitime. La Cour suprême du Vermont a dit que c'était possible de procéder ainsi.

Ils sont aussi allés plus loin et disent vouloir reconnaître certains types de liens avec interdépendance financière inspirés du partenariat civil enregistré.

Je suis d'accord avec cela. On a dit ici qu'il est peut-être prématuré d'en faire autant, parce qu'il reste un certain nombre de questions à régler, mais j'appuie l'idée d'aller dans ce sens. Il est peut-être prématuré pour le comité de s'engager immédiatement dans cette voie.

La Commission de réforme du droit étudie la chose. Le ministère de la Justice aussi. Chose certaine, je vous y encourage.

• 1710

Le président: Merci à tous. Je remercie beaucoup les deux témoins qui nous ont aidés dans nos délibérations, et je vous suis très reconnaissant d'avoir contribué à fêter mon anniversaire. Que puis-je vous dire de plus?

Mme Claudine Ouellet: Merci, et bon anniversaire.

Le président: Merci.

Avant que nous ne perdions le quorum ou que les gens s'éloignent trop, je sais que M. Lowther voudrait nous soumettre quelque chose.

M. Eric Lowther: Les témoins sont donc libérés?

Le président: Désolé, oui. Merci beaucoup. Les témoins sont libérés.

M. Eric Lowther: Je sais qu'il se fait tard et que nous sommes jeudi. Je vais donc entrer dans le vif du sujet.

Une voix: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Eric Lowther: Oui, et c'est l'anniversaire d'Andy, et je ne veux pas être un trouble-fête.

Le comité a été avisé de deux motions que j'aimerais maintenant déposer pour voir s'il accepte de les examiner et de les mettre aux voix. Je propose ces deux motions. J'espère que l'on pourra en discuter.

Je ne sais pas comment vous voulez procéder, monsieur le président. Préférez-vous que j'explique les motions ou que j'en fasse la lecture?

Le président: Veuillez la lire.

M. Eric Lowther: Ma première motion propose que le comité voyage et tienne des audiences publiques incluant les représentants de chaque législature provinciale et territoriale dans chacune des provinces et territoires respectifs sur le projet de loi C-23, Loi visant à moderniser le régime d'avantages et d'obligations dans les Lois du Canada. C'est tout.

La raison pour laquelle je demande que l'on examine immédiatement cette motion, c'est que nous avons entendu un grand nombre d'avocats qui nous ont dit que nous sommes assujettis aux diktats de la cour. C'est intéressant, mais nous sommes des parlementaires qui représentent leurs électeurs et nous avons donc des responsabilités. Les délais du comité sont stricts, et nous sommes tenus d'examiner les conséquences pour 68 lois dans 20 ministères, et en une seule petite semaine nous ne pouvons pas entendre le point de vue de tous les citoyens. Madame Ouellet, un témoin, vient de nous dire que nous devons être respectueux de la démocratie. Je pense qu'il faut écouter davantage les citoyens. Un groupe d'Autochtones nous a dit qu'il voudrait en discuter et tenir un référendum dans la Première nation qu'il représente.

M. Peter MacKay, du Parti conservateur, nous a également dit qu'il aimerait entendre ce que les représentants des provinces ont à dire sur le sujet.

Pour toutes ces raisons, je pense qu'il faut être plus ouvert aux contributions extérieures et entendre l'avis d'un plus grand nombre de citoyens sur une loi omnibus aux implications aussi vaste au lieu d'essayer de tout faire en une semaine. C'est le sens de ma première motion.

Le président: Merci. Nous avons entendu la motion et l'explication de M. Lowther. Êtes-vous prêts à passer au vote?

M. Eric Lowther: J'aimerais que nous votions par appel nominal, monsieur le président.

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: Je n'ai pas appuyé la façon de procéder du gouvernement sur ce que j'estime être une question importante et fondamentale. Je me retrouve dans une situation très inconfortable. Je suis député ministériel, mais favorable à la motion. De fait, je pense que je vais voter pour. Plus j'entends des témoignages et plus je trouve que le gouvernement a passé sous silence la question du mariage et des situations apparentées et ne s'est pas vraiment penché sur le partenariat civil enregistré.

Je souscris à une partie des témoignages entendus aujourd'hui. Comme certains l'ont dit, donnons aux citoyens la chance d'assimiler ce que Mme Ouellet et d'autres ont dit, pour qu'ils puissent y réagir. Je vais voter pour la motion en partie parce que nous avons alloué quatre jours de témoignages à la question, qui est ensuite transmise à la Chambre, et c'en est fait. Il faut être naïf pour ne pas voir ce qui se passe ici.

Aussi bizarre que cela puisse paraître, je vais appuyer la motion de M. Lowther.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions?

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Monsieur Lowther, souhaitez-vous que les représentants de toutes les provinces se prononcent sur le projet de loi qui est devant nous? Et de quelle importance serait le voyage que vous nous proposez d'entreprendre?

• 1715

[Traduction]

M. Eric Lowther: Ma réponse, c'est que j'aimerais que nous nous rendions au moins dans chacune des provinces, à l'exception peut- être des provinces de l'Atlantique... où trois pourraient être regroupées, puis une autre. J'aimerais à tout le moins inviter chaque parlement provincial à envoyer un représentant exprimer sa position, à l'exclusion sans doute des Territoires du Nord-Ouest ou des autres régions du Nord. Les territoires ne seraient pas inclus. Mais ce serait le minimum, je pense.

Le président: Y a-t-il d'autres interventions? Êtes-vous prêts à passer au vote? M. Lowther a demandé un vote par appel nominal.

(La motion est rejetée par 6 voix contre 4)

M. Eric Lowther: Si vous le permettez, monsieur le président, je vais passer tout de suite à notre deuxième motion.

Elle porte sur le même thème, mais...

M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): A-t-on donné avis?

Le président: Oui, on a donné avis.

M. Reg Alcock: Nous ne l'avons pas.

Le président: L'avis de motion a été donné verbalement à une séance antérieure. La motion figure au compte rendu. Mais il va nous en donner lecture.

M. Eric Lowther: Je vais la répéter pour ceux qui n'étaient pas là.

C'est dans le même esprit que la première motion, sauf qu'elle impose des obligations moins lourdes. J'espère que nous serons tous d'accord ici, parce que, comme je l'ai dit, c'est sur le même thème.

La motion porte que le comité soit autorisé à télédiffuser ses délibérations sur le projet de loi C-23, conformément aux principes et pratiques qui régissent la télédiffusion des délibérations de la Chambre des communes.

Encore là, la ministre de la Justice nous a dit elle-même que les Canadiens sont favorables au projet de loi C-23 et qu'ils sont prêts pour ce genre de loi. Des témoins nous ont dit que la majorité des Canadiens sont favorables au mariage homosexuel. Un témoin nous a répété la même chose aujourd'hui en citant des sondages.

Si tel est le cas, je me dis que si le comité ne peut pas aller à la rencontre des gens, il faudrait peut-être donner aux gens l'accès au comité en télédiffusant nos délibérations. Si c'est une si bonne chose pour les Canadiens, ils pourront le constater par eux-mêmes grâce à la télévision. À mon avis, cela permettrait aux Canadiens de voir le travail que nous accomplissons dans le cadre de cette série importante de modifications législatives, et j'espère que la Chambre adhérera à un tel processus de transparence démocratique.

Merci.

Le président: Nous avons entendu la motion ainsi que l'explication qu'a donnée M. Lowther. Y a-t-il des questions ou des observations?

M. Eric Lowther: Il faut un vote par appel nominal.

Le président: Nous n'avons pas encore voté.

[Français]

Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: Monsieur Lowther, vous voulez que l'on télédiffuse le reste des travaux, sachant qu'il reste, si mes renseignements sont exacts, une journée d'audition de témoins, mardi prochain, et l'étude article par article. Vous voulez que nos deux ou trois séances de la semaine prochaine soient télédiffusées. Est-ce bien ce que vous souhaitez?

[Traduction]

M. Eric Lowther: Oui.

[Français]

M. Réal Ménard: Mardi sera la dernière journée d'audition de témoins, et nous ferons mercredi l'étude article par article.

[Traduction]

Le président: J'aimerais faire quelques observations. Tout d'abord, dans le texte de la motion que M. Lowther nous a remis, il y a une divergence entre l'anglais et le français.

Dans la version anglaise, on mentionne les délibérations. Dans la version française, on mentionne l'audition des témoins. Ce n'est pas la même chose.

Je voudrais donc que M. Lowther clarifie tout d'abord s'il veut que nous entendions des témoins, que nos délibérations soient télévisées lorsque nous entendons des témoins, ou s'il parle de l'étude article par article, parce que la motion, telle qu'elle est maintenant, n'est pas claire sur ce point.

• 1720

M. Eric Lowther: Êtes-vous en train de dire, monsieur le président, que les délibérations se limitent strictement à l'étude article par article?

Le président: Non, les délibérations englobent tout. L'audition des témoins se limite à leur audition.

M. Eric Lowther: Je m'en tiens donc à la version anglaise de la motion, qui mentionne les délibérations.

Le président: Le greffier me signale également—et j'en informe seulement le comité dans le cadre de notre discussion—que nous pourrions probablement avoir accès à la télédiffusion le mardi après-midi, de manière certaine, et le soir aussi, je pense, mais en dehors de ces moments il est très difficile de garantir l'accès aux installations de télédiffusion. Voilà comment je comprends l'intervention de mon greffier. J'informe donc le comité qu'il nous faut tenir compte de cela.

Y a-t-il d'autres interventions? S'il n'y en a pas, êtes-vous prêts pour la mise aux voix?

Que tous ceux qui sont en faveur de la motion telle qu'elle nous a été lue votent oui.

M. Eric Lowther: S'agit-il d'un vote par appel nominal?

Le président: M. Lowther voudrait avoir un vote par appel nominal.

(La motion est rejetée par 5 voix contre 5)

M. Eric Lowther: Si vous le permettez, je demanderais au comité de patienter encore un moment, s'il vous plaît, et toutes mes excuses...

Une voix: Le président a-t-il départagé les voix?

M. Jim Pankiw: Les voix sont à égalité.

Le greffier du comité: Toutes mes excuses au comité. Vous avez raison, c'était cinq à cinq.

Le président: J'imagine que je vais départager...

Le greffier: Oui, le président peut voter ici.

Le président: Je vote non.

(La motion est rejetée par 6 voix contre 5)

Le président: Poursuivons. Y a-t-il d'autres...

M. Reg Alcock: Le comité n'a donc plus à voter aujourd'hui?

M. John McKay: J'ai une autre motion qui ne nécessite pas d'avis de motion, étant donné qu'il s'agit d'une motion d'intérêt courant, n'est-ce pas? C'est ce que nous avons décidé...

Le président: Vous avez raison.

M. John McKay: ... au sujet des témoins, ce genre de choses.

M. Eric Lowther: La seule chose dont j'aimerais parler brièvement tient au fait que nous avons comprimé quelque peu la liste des témoins, et je comprends toutes les raisons pour lesquelles nous avons fait cela. Mais il y a une personne qui a proposé de témoigner et qui n'a pas encore été entendue, et qui ne sera pas entendue. Je demande au comité d'ajouter le nom de M. Iain Benson, constitutionnaliste bien connu...

Une voix: Pas un autre avocat.

M. Eric Lowther: Il faut écouter des gens qui peuvent nous donner des perspectives différentes. Je tiens vraiment à ce que le comité ajoute ce témoin à la liste que nous avons. Il a une longue expérience du droit de la famille, et il connaît également très bien les causes relatives au droit familial qui ont été soumises à la Cour suprême.

Le président: Il me faut votre consentement unanime pour accepter cela. Me le donnez-vous?

M. John McKay: Seulement parce qu'il est avocat.

Le greffier: À la condition qu'il puisse venir mardi.

Le président: Il faudra respecter l'horaire que nous avons. Tout dépend donc s'il nous reste du temps mardi.

Vous êtes d'accord?

Des voix: D'accord.

[Français]

M. Réal Ménard: Puis-je poser une question, monsieur le président?

Le président: Oui.

M. Réal Ménard: Le professeur de l'Université Laval dont nous avions soumis le nom va-t-il comparaître?

Le greffier: Quel est son nom?

M. Réal Ménard: C'est ce que je cherche. Il y avait M. McCutcheon et une deuxième personne de l'Université Laval.

• 1725

Le greffier: Il a été invité, mais je ne pense pas qu'il va comparaître parce que son nom n'est pas sur la liste.

M. Réal Ménard: Il était intéressé à venir. Je ne comprends pas.

Le greffier: Je sais qu'il a été invité. Je peux vérifier et vous répondre demain.

M. Réal Ménard: Parfait.

Le président: Merci.

[Traduction]

Monsieur McKay.

M. John McKay: Monsieur le président, j'ai proposé une motion la semaine dernière, je crois, ou dans ces eaux-là, et cette motion avait pour but de mieux répartir entre les députés ministériels et les députés de l'opposition le temps que nous avons pour les questions. Nous n'avons pas terminé cette discussion. Je pense que nous avons ajourné à cause du timbre, ou Dieu sait pourquoi.

La motion visait simplement à permettre aux députés ministériels et aux députés de l'opposition de poser des questions à tour de rôle. Je n'ai pas le texte de cette motion, et vous pourriez peut-être, monsieur le président, rafraîchir la mémoire des membres du comité à ce sujet.

Le président: D'accord. M. McKay nous a donné avis du fait qu'il entendait proposer une résolution qui aurait pour effet de modifier de la manière suivante l'interrogation des témoins. Vous voudrez peut-être prendre des notes, étant donné que c'est assez détaillé. Le premier tour se déroulerait ainsi: Réformiste, Libéral, Bloc, Libéral, NPD, Libéral, Conservateur, cinq minutes chacun. J'imagine que le deuxième tour se déroulerait de la même manière...

M. John McKay: Selon le même modèle.

Le président: ... mais ce serait un tour de trois minutes. C'est ce que M. McKay a proposé.

Monsieur McKay, en faites-vous une motion maintenant?

M. John McKay: Je propose cette motion maintenant.

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, je voudrais poser une question.

Le président: Monsieur Ménard.

M. Réal Ménard: J'ai généralement beaucoup de sympathie pour les motions de M. McKay, mais je ne comprends pas, car nous avons déjà discuté de cette question. Il y a une répartition du temps qui est en vigueur, dont nous avons discuté lors de l'organisation des travaux. En tout respect, je ne vois pas l'utilité de rouvrir cette question. On ne peut pas avoir le meilleur des deux mondes. On ne peut pas à la fois être au gouvernement, avoir accès au ministre et avoir accès à l'ensemble de l'information, et reproduire ce déséquilibre en comité.

M. John McKay: [Note de la rédaction: Inaudible].

M. Réal Ménard: Mais il faut maintenant changer de côté. Pour reprendre une expression utilisée en droit, la proposition, à sa face même, est déraisonnable. Je crois que ce serait profondément déraisonnable. Il y a une bonne atmosphère qui règne à ce comité, au-delà des divergences, et je trouve qu'on fait preuve d'une audace voisine de l'insolence en présentant une proposition aussi déséquilibrée. Nous avons déjà discuté de cela. Nous avons déjà, lors de l'organisation de nos travaux, réparti le temps et je crois que nous devons continuer de cette manière. M. McKay est un homme raisonnable. Je ne comprends pas.

[Traduction]

Le président: Monsieur Grose.

M. Ivan Grose: Même si je suis d'accord avec cette motion, je ne crois pas que le temps soit bien choisi pour la proposer.

[Français]

M. Réal Ménard: Eh bien, oui: an inappropriate time.

[Traduction]

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: À mon avis, le problème ici tient au fait que les membres du comité sont tellement habitués à ce genre de rotation qu'ils semblent s'imaginer que c'est semblable aux dix commandements qui nous sont venus du mont Sinaï. Ils...

M. Derrek Konrad (Prince Albert, Réf.): Vous proposerez votre motion après les prochaines élections, lorsque vous serez dans l'opposition.

Des voix: Oh, oh!

M. Réal Ménard: Allez-vous démissionner si...

M. John McKay: En fait, nous siégeons tous à divers comités, mais, à ce comité-ci, la réalité pour les députés ministériels, sauf pour l'heureux député qui pose la première question, est telle que le deuxième député libéral doit attendre de 35 à 40 minutes pour poser une question.

Pour ceux d'entre nous qui s'intéressent sérieusement aux travaux du comité et y participent régulièrement, c'est une longue attente, surtout s'il y a quatre témoins qui disposent chacun de dix minutes. Cette période de dix minutes se prolonge souvent—la générosité du président est parfois bien évidente—et le deuxième intervenant libéral doit attendre une heure, parfois une heure et demie, avant de pouvoir poser une question. C'est une marginalisation des députés ministériels sérieux, d'où le libellé de la motion.

• 1730

J'accepterais quelques assouplissements afin que les députés de l'opposition, qui n'ont pas le même accès que nous aux ministres... mais je ne suis pas disposé à compromettre le principe. Le principe, c'est que, à ce comité, on devrait répartir plus équitablement le temps disponible entre les députés ministériels et ceux de l'opposition.

Je sais que, pour les députés de l'opposition, c'est une occasion, et parfois la seule véritable occasion, pour eux d'interroger les témoins et, ainsi, d'établir leur position sur le projet de loi. Cela dit, je ne vois pas pourquoi les députés ministériels, à tout le moins, n'appuieraient pas une mesure qui leur permettrait de poser davantage de questions significatives. Sinon, soyons honnêtes, les ministériels pourraient aussi bien arriver une heure trente après le début de la séance, car ce n'est qu'alors qu'ils pourront intervenir.

M. Réal Ménard: Vous nous manquerez.

M. John McKay: Merci. Cela me touche.

M. Réal Ménard: Je sais qu'il est difficile d'être Libéral.

M. John McKay: Oui, il nous faut parfois faire aussi le travail de l'opposition.

Une voix: Merci, John.

M. Réal Ménard: Je vais aller aux nouvelles. N'êtes-vous pas censé être Libéral?

M. John McKay: Comme vous le savez, nous devons parfois faire aussi le travail de l'opposition.

Le président: Monsieur Lowther, suivi de Mme Carroll.

M. Eric Lowther: Merci, monsieur le président.

Je sympathise avec M. McKay, mais comme il l'a lui-même dit... J'ai deux choses à dire. Premièrement, les députés libéraux ont accès à des gens qui ne nous sont pas accessibles, sauf en comité. La répartition du temps actuellement prévue égalise les chances et nous permet de nous adresser directement aux ministres, etc. Deuxièmement, cette motion ne fait pas allusion au projet de loi C-23. Elle entraînerait un changement considérable du fonctionnement du comité pour toutes les études de projets de loi à venir; elle va bien au-delà du projet de loi C-23. C'est une autre de mes préoccupations.

Si cela intéresse le comité, on pourrait en discuter en comité directeur pour voir comment cela pourrait être structuré, faire une analyse à ce niveau pour présenter une proposition au comité plénier, mais, pour l'heure—un jeudi, en fin de journée, après l'audition de nombreux témoins—je ne crois pas que nous tranchions la question. C'est trop, trop vite, sans qu'on ait eu le temps d'y réfléchir.

Le président: Madame Carroll.

Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Merci, monsieur le président.

Je ne me prononcerai pas sur la question de savoir s'il est bien avisé de déposer cette motion au milieu de l'étude d'un projet de loi. Mettons cette question de côté. Mais puisque j'ai présenté une motion semblable au début de la session et qu'elle a été rejetée par une écrasante majorité—je n'ai peut-être pas su être convaincante—je me prononcerai pour cette motion-ci.

Je n'avais ni envisagé ni proposé cette formule, mais, comme M. McKay, j'ai une grande confiance dans le système des comités. C'est ici que nous pouvons contribuer à l'élaboration des meilleures politiques publiques et en faire la promotion.

Moi aussi, je suis un peu intimidée à ce comité-ci, pour les raisons que j'ai données. Je me sens tout aussi intimidée au Comité des affaires étrangères, pour la même raison. À ce comité-là, je suis peut-être mieux préparée que pour celui-ci, car je ne suis pas avocate, alors que j'ai étudié les affaires étrangères pendant plusieurs années. Je le répète, je veux simplement avoir la possibilité de contribuer au débat, de poser des questions, mais je dois toujours attendre, puis quand vient mon tour on doit aller voter.

Je sympathise avec mes honorables collègues d'en face, qui ne peuvent s'entretenir avec les ministres comme nous, mais j'estime que si nous croyons au rôle que jouent les comités et à notre capacité de rehausser ce rôle—et peut-être même de l'améliorer au niveau de la procédure—nous devrions le dire. Je suis personnellement tout à fait d'accord avec cette idée.

Le président: Je crois que tous ont été entendus.

Êtes-vous prêts pour la mise aux voix?

[Français]

M. Réal Ménard: Monsieur le président, je veux qu'on se comprenne bien. Vous devez être conscient que si le gouvernement utilise sa majorité pour changer les règles établies en cours d'auditions, il va se poser un problème de confiance. On a adopté les règles du jeu lors de l'organisation des travaux et on ne peut pas changer les règles en plein milieu. Je vais avoir un problème et je n'hésiterai pas à manifester. J'espère qu'on se comprend bien. Si les gens veulent avoir plus de temps, il faudra en discuter lorsqu'on étudiera un autre projet de loi. C'est comme pour un référendum, madame Aileen: on ne peut pas changer les règles en plein milieu.

• 1735

Mme Aileen Carroll: Comme je l'ai expliqué, je ne vois pas d'objection à ce qu'on discute de la situation une autre fois, pour la raison que vous avez donnée. Je suis seulement un membre du comité, mais je suis d'accord.

[Traduction]

Le président: Monsieur McKay.

M. John McKay: M. Grose fait preuve d'une grande sagesse dans cette affaire. Le moment choisi est en effet important. Mon intention n'était pas d'imposer cette répartition du temps pour l'étude de ce projet de loi-ci, mais nous ne pouvons continuer d'éluder la question. Je propose donc de retirer ma motion, de permettre des discussions à bâtons rompus pour voir s'il n'y aurait pas un consensus, mais que le comité tranche la question avant d'aborder l'étude du prochain projet de loi.

M. Eric Lowther: Puis-je intervenir, monsieur le président?

Le président: Monsieur Lowther.

M. Eric Lowther: Si le comité veut revenir sur cette question un jour, il suffit qu'un membre du comité dépose un avis de motion. Mais que la proposition reste en suspens... Elle vient de faire l'objet d'une motion. Pourquoi ne tenons-nous pas un vote pour régler la question et la présenter ensuite au comité directeur? Réglons donc cette affaire maintenant, une fois pour toutes.

Le président: Sauf votre respect, c'est M. McKay qui a présenté la motion. Il l'a retirée... pour l'instant.

M. John McKay: On peut être saisi d'une motion après un préavis de deux jours, plutôt que de tout reprendre à zéro, avec la distribution des documents et tout le reste.

Le président: J'aimerais aussi signaler à tous les membres—cela ne vise personne en particulier—que la décision que nous prendrons à ce sujet régira le fonctionnement de notre comité, dont les membres ne sont généralement pas ceux qui sont présents actuellement. J'aime bien la suggestion de M. McKay, ne serait-ce que par respect pour ceux qui participent à l'examen du projet de loi C-3 et aux autres travaux du comité et qui ne sont pas nécessairement ici présents aujourd'hui. C'est une sage décision, et sur ce...

M. Réal Ménard: J'ai de mauvaises nouvelles pour vous: je vous quitterai à l'issue de l'examen de ce projet de loi.

Des voix: Oh, non.

Le président: Sur ce, la séance est levée.