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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 11 avril 2000

• 0952

[Traduction]

Le président (l'honorable Andy Scott (Fredericton, Lib.)): À l'ordre. Nous étudions le projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

La parole est à M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci, monsieur le président. J'ai donné avis d'une motion le 5 avril 2000. Je la propose maintenant et je vous la lis. La motion est rédigée de la façon suivante:

    Que l'examen article par article du projet de loi C-3, intitulé Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit reporté au mardi 2 mai 2000, à 9 h 30.

Monsieur le président, j'ai pris connaissance de la brique d'amendements du gouvernement. Je pense que tout le monde s'entend pour dire que la Loi sur les jeunes contrevenants est une loi extrêmement importante. La ministre nous a même dit que c'est sans doute la loi la plus importante sur laquelle le Parlement aura à se pencher durant cette législature. Le projet de loi qu'on nous propose est extrêmement complexe et les amendements que la ministre a déposés ne la simplifient en rien. Au contraire, je pense que cela la complexifie encore davantage.

Ce que je demande finalement, c'est du temps. Je demande jusqu'au 2 mai 2000, afin de permettre au comité de revoir toute la question des jeunes contrevenants et pour permettre également à la ministre de voir, dans son agenda, quand elle pourra revenir devant le comité pour répondre à certaines questions que les membres du comité auront à lui poser.

Entre autres, elle nous a dit à plusieurs reprises lors de son témoignage d'attendre de voir les amendements. Elle nous a dit être disposée à faire des amendements afin de répondre aux questions de l'opposition, ainsi qu'à certaines demandes du Québec, etc. Cela semble être la réponse aux demandes du Québec relativement à la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents.

À première vue, je ne prétends pas être un expert en la matière. Cependant, j'ai examiné ces amendements en détail. Je pense que c'est comme si on avait voulu finalement mettre un petit peu de maquillage et du rouge à lèvres sur la face de Frankenstein. Cela ne change pas grand chose au personnage. Je pense que cela ne change absolument rien au projet de loi qu'on nous propose.

• 0955

Les vacances de Pâques vont sûrement éclairer la ministre. Elle va peut-être ressusciter et devenir une ministre de la Justice plus à l'écoute de la population. Il manque des choses dans ce dossier-là. Il y a des choses dont la ministre ou son personnel font fi, ou des choses qu'ils ne regardent pas. Il y a des problèmes dans ce ministère. Je ne sais pas ce que c'est exactement, monsieur le président, mais il y a quelque chose qui cloche. Le gouvernement n'a sûrement pas toutes les données que j'ai. Le gouvernement n'a sûrement pas fait la lecture des bons documents.

J'ai pratiquement relu toutes les notes des gens qui sont venus témoigner ici, monsieur le président. Je pense que la meilleure journée a été celle où les juges qui sont venus témoigner ici ont sorti un peu de leurs réserves face à des commentaires à saveur politique, ou quoi que ce soit, et sont venus ici pour nous parler du projet de loi. Que ce soit le juge Michel Jasmin, qui a une très grande réputation et un savoir-faire dans ce domaine—il faut le rencontrer pour se rendre compte à quel point il aime les jeunes et à quel point il croit en eux également—ou les autres juges, que je ne connaissais pas—dont un juge à la retraite que j'aimerais bien rencontrer un jour, le juge Allard—, tous ont soulevé d'énormes questions, de très bonnes questions.

Je crois sincèrement, monsieur le président, qu'il faut du temps pour que le comité puisse étudier ces questions et examiner convenablement toute la question.

Je vais vous citer seulement un petit passage du témoignage du juge Allard, qui est venu témoigner le mardi 22 février 2000, vers 16 h 15 selon mes notes. Il a dit:

    Le débat qui s'est engagé au Canada sur ces questions a été mené par des personnes qui ne disposent pas de l'information voulue.

Je pense qu'il a raison.

    Ainsi, pourquoi voudrions-nous reproduire le système pour adultes? Tout le monde s'entend pour dire qu'il est un échec. Dans ce cas, pourquoi voudrions-nous appliquer aux enfants les mêmes mesures qu'aux adultes? Est-ce tout ce que nous pouvons faire pour les enfants de ce pays?

Je pense que le juge Allard, avec toute l'expérience qu'il a dans le domaine, soulève une très bonne question pour finir cette citation.

Le juge Jasmin, juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec, est un excellent juriste dont la réputation dépasse les frontières du Québec et même du Canada, puisqu'il me disait que plusieurs ministères de la justice d'Europe l'ont consulté. Il y a des Américains qui sont venus passer des semaines complètes dans son centre à Montréal pour voir comment il fonctionnait. Le juge Jasmin nous disait ceci, toujours le 22 février 2000: «Vous ne vous attaquez pas au vrai problème à ce moment-là. Si j'étais législateur fédéral...» Malheureusement pour lui, il ne l'est pas. C'est malheureux aussi pour nous du Québec qu'il ne le soit pas, parce que ça se passerait différemment. Mais nous, on est le législateur fédéral, monsieur le président, et je pense qu'on a une responsabilité. Il disait donc:

    Si j'étais législateur fédéral, je suspendrais mon projet de loi pour l'instant et je demanderais aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques jeunesse elles ont chez elles.

Comment fait-il pour en arriver à cette conclusion, monsieur le président? Il a continué en disant:

    Dans notre groupe de travail, nous sommes allés voir le gouvernement du Québec et nous l'avons interrogé sur ses politiques jeunesse. Nous lui avons demandé comment il agissait avec les jeunes.

    On a demandé aux policiers comment ils intervenaient avec les jeunes et quelles étaient leurs politiques jeunesse.

Oui, c'est très complexe, monsieur le président, cette loi-là. Oui, c'est important parce que les jeunes qui sont en difficulté sont les dirigeants de demain. Il n'y a pas que les meurtriers qui auront affaire à cette loi-là. On a donc demandé aux policiers comment ils intervenaient auprès des jeunes et quelles étaient leurs politiques jeunesse. On a demandé au Barreau du Québec comment ses avocats agissaient avec les jeunes et s'il avait des politiques jeunesse.

Vous voyez où je veux en venir. Vous voyez la problématique: les politiques jeunesse. Est-ce qu'une province a des politiques jeunesse? Ce n'est pas à nous du fédéral de dicter des politiques jeunesse.

C'est à nous cependant d'aller voir dans les provinces si elles ont des politiques jeunesse et d'interroger les législatures provinciales. C'est bien beau de construire des prisons et d'investir dans le béton, mais il faut aller à la source du problème: la jeunesse. Avez-vous des politiques jeunesse?

• 1000

Donc, il disait:

    On a demandé au Barreau du Québec comment ses avocats agissaient avec les jeunes et s'il avait des politiques jeunesse. Il n'avait pas alors de politiques jeunesse, mais il en a maintenant. L'avocat qui représente maintenant un jeune doit suivre des règles de déontologie, par exemple sur le plea bargaining. Les jeunes apprennent que la justice est un bargain. On a sensibilisé les personnes. Les procureurs de la Couronne sont maintenant sensibilisés à la jeunesse. Quand ils plaident, ils ont en tête la Loi sur les jeunes contrevenants et non pas le Code criminel.

Et c'est là une remarque des juges.

Le projet de loi que nous avons devant nous ressemble au Code criminel. C'est un petit Code criminel. Il n'y a qu'un seul système de justice maintenant. On ne fait pas de distinction entre des jeunes aux prises avec des problèmes de criminalité et les adultes.

Je le dis depuis belle lurette. Je l'ai même dit quand on a étudié tout le projet de loi, lorsque votre prédécesseure était présidente, et il me semble que je l'avais convaincue. C'était mon approche de dire qu'il fallait maintenir deux systèmes distincts. Que je le dise et que vous ne me croyiez pas, c'est une chose. Ce n'est pas la première fois que je dis quelque chose devant ce comité et que personne ne me croit. Cela fait partie du jeu. Je fais partie de l'opposition et tout ce que je dis n'est pas bon. Mais là, des juges qui appliquent régulièrement la loi viennent ici pour le dire et je pense que vous devez les écouter, monsieur le président. Il termine en disant: «Si on n'a pas de politiques jeunesse sur le terrain, on ne pourra pas réussir, quelle que soit la loi.» Et ce juge-là, le juge Michel Jasmin, a passé beaucoup de temps au Québec à étudier toute cette question-là.

Il existe un excellent document intitulé Les jeunes contrevenants: au nom et au-delà de la loi. On a tous étudié le système au niveau de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je vois, monsieur le président, que vous froncez les sourcils. Je suis persuadé que vous n'avez pas pris connaissance de ce document, qui est excellent. Ce n'est pas parce qu'il vient du Québec que je le dis, mais il est excellent. Je pense qu'on a fait le tour de la question amplement. On a examiné la Loi sur les jeunes contrevenants dans l'optique de son application au Québec. Oui, monsieur le président, cela a pris du temps. Cela a pris du temps pour faire ce document-là.

On est allé interroger, comme je l'ai dit tout à l'heure, toutes les personnes qui avaient appliqué de près ou de loin cette loi, la Loi sur les jeunes contrevenants, et il y a d'énormes et d'importantes conclusions. Il y a des remarques extrêmement importantes et je suis persuadé que personne n'a lu ce document, ou du moins que la ministre de la Justice du Canada ne l'a sûrement pas lu. Et je demande du temps pour lui permettre de le lire. Elle n'est pas là, mais j'aimerais lui parler. Je vais sûrement la revoir lorsqu'elle reviendra témoigner.

Mais les membres du Comité de la justice: les libéraux, l'Alliance canadienne, les conservateurs et le NPD n'ont sûrement pas, je pense, pris connaissance de ce document-là. Ils ne l'ont sûrement pas lu, monsieur le président. Il y a des passages extrêmement importants. Je n'ai peut-être pas trop de difficulté avec le NPD. Je pense que je vais être capable de le convaincre que ce n'est pas une bonne loi.

Au niveau de l'application de la loi, il y a des choses fantastiques dans ce document, dont vous devriez prendre connaissance. Je vais tenter de vous en résumer certaines parties, mais j'ose espérer que je vais susciter en vous le désir d'en apprendre davantage sur ce qui se fait au Québec. J'espère susciter un petit peu en vous le désir de faire appliquer l'approche québécoise dans les autres provinces canadiennes.

Vous savez, au Québec, on fait une application distincte de cela et sincèrement, je ne comprends pas pourquoi je dois plaider ainsi devant vous, surtout les libéraux, compte tenu du fait que vous avez même adopté une résolution en Chambre pour dire que le Québec était distinct et qu'à l'avenir, dans toutes les lois que vous adopteriez, vous prendriez en considération le fait qu'au Québec, on est distincts.

• 1005

Pas un seul Québécois n'est venu témoigner ici pour dire que c'était une bonne loi et qu'on devait l'adopter. Il y a des Québécois qui sont venus ici, puis finalement, avec l'usure et la bataille... Ils ont parlé pendant des mois. Il y a eu des rencontres secrètes, entre guillemets, parce que tout se sait, avec les membres du comité et certaines personnes que je vois ici. Il y avait Mme Lafontaine ainsi que Penella. Je ne sais pas qui elle est, mais elle était dans le coin avec quelqu'un du Conseil privé. Ils ont rencontré les gens de la coalition pour tenter de les convaincre que c'était une bonne loi. Ils n'ont pas réussi parce que ce n'est pas une bonne loi, monsieur le président, et parce qu'au Québec, on est distincts.

On a appliqué la loi différemment des autres provinces. On investit pour les jeunes depuis 30 ans, non seulement dans le domaine judiciaire, mais dans toutes sortes de domaines. On a été très avant-gardistes à ce niveau. Aujourd'hui, on souhaiterait, et c'est un méchant souverainiste qui le dit, que les autres provinces adoptent l'approche québécoise. Mais pour ce faire, elles doivent s'interroger elles-mêmes en tout premier lieu. Il faut qu'elles voient ce qui se fait ou ce qui ne se fait pas dans la province. Les provinces doivent se poser des questions extrêmement importantes.

Je sais qu'elles n'auront pas le temps de le faire d'ici le 2 mai 2000, comme je le demande, mais j'ose espérer que les remarques que je fais ce matin vont soulever en elles un doute assez important pour qu'elles se disent: «Oui, effectivement, ça nous prend du temps.» Avant de faire quoi que ce soit d'irréparable, avant de modifier une loi qui fonctionne au Québec, avant de faire quoi que ce soit, qu'elles regardent donc ce que nous faisons chez nous et qu'elles essaient d'en faire autant. Qu'elles se donnent, non pas autant de temps qu'il nous a fallu, parce que c'est un travail qui s'est échelonné sur plusieurs années, mais qu'elles se donnent du temps. Il n'y a rien qui presse. Il y a une loi qui est appliquée à l'heure actuelle. Les statistiques que la ministre a déposées démontrent que le taux de criminalité est à la baisse présentement, même au niveau des crimes violents.

Plusieurs témoins ont même pointé les partis politiques, ce que je ne ferai pas. Ils ont dit que certains partis politiques exagéraient la problématique et montaient en épingle ce qui ne devait pas être monté en épingle. On a parlé seulement du mauvais côté de la loi. On n'a pas parlé du bon côté de la loi. On n'a pas dit qu'il y avait des réussites.

J'ai rencontré au Québec quelqu'un qui avait commis un double meurtre. Il avait tué son voisin, pour toutes sortes de raisons que je ne dévoilerai pas par souci de confidentialité. Aujourd'hui, cet individu est un citoyen anonyme. Il a un enfant, il est marié, et il est boucher dans un supermarché. Il a été pris à temps et il a eu une bonne réinsertion sociale. Il aurait aimé venir témoigner, mais il s'en est abstenu parce que son employeur ne savait pas qu'il avait déjà commis un homicide. Il serait venu témoigner pour nous dire de ne pas changer la loi parce que cette loi l'a sauvé. Les proches à qui j'ai parlé, les juges, les gens de la coalition et ceux de l'Institut Philippe Pinel, parce qu'il est passé par là, me disent que cette loi est dangereuse. Si j'avais fait le même coup au même âge, après l'adoption de cette loi, j'aurais peut-être été stigmatisé à vie, entre autres par la publication des noms et par la façon dont on veut traiter les jeunes qui ont commis des homicides. Il aurait pu venir, mais il n'est malheureusement pas venu.

Le juge Jasmin a également rencontré ces individus, non seulement ceux qui appliquent la loi, mais aussi ceux à qui on veut appliquer cette loi. Il leur a demandé ce dont ils avaient besoin pour leur réintégration, pour leur réadaptation.

On ne peut pas y arriver seulement en changeant des paragraphes, comme on veut le faire avec les amendements proposés. Ce n'est pas parce que, dans le projet de loi C-3, le troisième paragraphe devient le premier paragraphe du préambule que cela m'impressionne et que je me dis que vous avez répondu aux revendications du Québec. Ce n'est pas parce qu'on met le mot «besoins» dans le projet de loi que toutes mes remarques deviennent inutiles. Le mot «besoins» est toujours subordonné au même paragraphe. Qu'est-ce que cela change, monsieur le président? Les gens ne l'ont sans doute pas lu. Les gens ne savent sans doute pas ce qu'on fait au Québec. Autrement, ils auraient proposé des amendements plus sérieux que ceux-là.

• 1010

C'est de la provocation, monsieur le président. Ce style d'amendement est de la provocation. Il est vrai que j'ai fait des remarques sur le terme «infliger» et que vous avez compris le message. Vous avez remplacé ce terme par «imposer». Cependant, vous n'avez pas compris tout ce qu'il y avait derrière le mot «infliger», que vous n'avez pas changé. Vous êtes peut-être allés au plus court pour répondre à une demande de je ne sais trop qui, pour répondre à des exigences, non pas politiques, mais des exigences autres que celles liées au sérieux de l'affaire. C'est sérieux, un projet de loi semblable, très sérieux.

Lorsque j'ai lu les amendements, j'ai vu qu'il y en avait au moins cinq ou six qui avaient pour but d'introduire des virgules, monsieur le président. On introduit des virgules, et je vais me contenter de cela? C'est sûr et certain qu'ils ne savent pas ce qu'on fait au Québec. Le juge Jasmin et beaucoup d'autres gens ont étudié cette question. Le juge Michel Jasmin, qui est juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec, était président du groupe de travail. Il y a aussi Normand Bastien, qui est directeur de la Division jeunesse au Centre communautaire juridique de Montréal, qui a étudié toute cette question. Il y a eu aussi Maurice Boisvert, sous-ministre au ministère de la Famille et de l'Enfance. Vous voyez que c'est un problème complexe. Ce n'est pas seulement une question juridique, mais aussi une question sociale. C'est une approche que le ministère a complètement négligée. Il nous propose quelque chose de carrément juridique, point à la ligne.

On veut en finir. Le titre de ce projet de loi devrait être: «On veut en finir une fois pour toutes avec les jeunes». Si j'avais un titre à donner à ce projet de loi, ce serait celui-là. Ce n'est pas ainsi qu'on règle la problématique de la jeunesse.

Pierre Lamarche, directeur général de l'Association des centres jeunesse du Québec, a également siégé à ce comité, de même que Jean Turmel, directeur de la Direction du droit de la jeunesse, qui est maintenant au ministère de la Justice du Québec. C'est juste pour vous dire qu'il y a une suite. Au Québec, on s'est entouré de gens qui comprenaient la problématique des jeunes contrevenants.

Je ne veux pas dire que les gens qui travaillent au ministère fédéral de la Justice ne comprennent pas. Au contraire, je pense qu'ils ont très bien compris la problématique. Cependant, ont-ils pris connaissance de la façon dont il fallait s'y prendre pour la régler adéquatement? C'est une autre chose. Je pense que les gens du Québec ont rencontré suffisamment de gens qui ont voulu tenter de les convaincre que le projet de loi C-3 était une bonne loi qu'ils se convaincus eux-mêmes que le projet de loi C-3 n'était pas une bonne loi.

Je suis persuadé que tous ceux qui, entre autres, travaillent au ministère de la Justice et qui viennent du Québec ne peuvent pas appuyer un projet de loi semblable. C'est faire fi de tout ce qui se fait au Québec. C'est ignorer ses origines. Pour en finir avec la question de la société distincte, je dirai que je ne comprends pas que je doive aujourd'hui vous convaincre que ce n'est pas une bonne loi pour le Québec.

Monsieur Saada, vous allez tenter de faire adopter article par article ce projet de loi. Belle promotion! Vous êtes avec les gens du ministère de la Justice. Je suis sûr et certain que si on a des questions, c'est vous qui allez défendre les amendements de la ministre. Très sincèrement, monsieur Saada, à titre de député du Québec, j'ai de la difficulté. Je sais que je ne suis pas ici pour vous convaincre, mais vous vivrez avec les conséquences de vos gestes.

Je crois sincèrement que ce n'est pas une bonne loi. Les gens du Québec l'ont dit haut et fort et ils sont solidaires du consensus québécois, auquel adhère même Jean Charest, chef du Parti libéral à l'Assemblée nationale. Lorsque Jean Charest était au fédéral, sa position était très différente de celle qu'il a présentement relativement à l'approche quant aux jeunes contrevenants, et c'est normal. Il s'est adapté à la situation québécoise. Il a peut-être de la difficulté sous d'autres aspects, mais pour ce qui est de l'approche de la Loi sur les jeunes contrevenants, il ne peut pas faire autrement que d'appuyer ce qui se fait au Québec depuis 30 ans et de comprendre que l'approche québécoise est la meilleure, compte tenu des résultats que nous avons. Les Québécoises et les Québécois ne souhaitent pas qu'on modifie cette loi.

• 1015

Bien sûr, si on crie au loup, au loup, quelqu'un, quelque part, va voir le loup même s'il n'existe pas. Sincèrement, depuis 1994, c'est ce que j'entends de la part des députés, entre autres des députés réformistes et même de certains libéraux qui crient au loup, au loup sans avoir la moindre idée de la façon dont on applique cette loi dans une province où les choses fonctionnent bien.

Qui a rencontré Michel Jasmin parmi les membres de ce comité? Qui a rencontré Michel Jasmin, juge en chef de la Cour du Québec? Vous, madame Lafortune, est-ce que vous l'avez convaincu de ce que le projet de loi C-3 était un bon projet de loi? Non, vous ne l'en avez pas convaincu. Madame Lafortune, si vous avez visité le centre, si vous avez visité M. Jasmin et qu'il vous a expliqué comment les choses fonctionnaient, à partir du moment où le jeune avait un problème avec la justice jusqu'à son procès, s'il vous a expliqué toute la question des délais et de la prise en charge du jeune le plus rapidement possible, s'il vous a expliqué tout cela, madame Lafortune, vous devriez être assise à côté de moi pour dire que ce projet de loi n'est pas un bon projet de loi.

Je suis persuadé que lorsque vous êtes sortie de la rencontre avec M. Jasmin, vous étiez convaincue, en votre for intérieur, que ce n'était pas un bon projet de loi. Vous êtes probablement une des personnes qui ont tenté de modifier certaines choses, mais on ne peut pas faire une belle loi avec quelque chose qui n'est pas regardable, avec quelque chose qui va à l'encontre des principes québécois.

Je parle des principes québécois, mais j'aimerais aussi parler d'une autre province. Je sais que la Colombie-Britannique tente de plus en plus d'adopter une approche semblable à celle du Québec. Je ne peux pas en dire autant de l'Ontario. Je suis sûr qu'il y a des députés de l'Ontario, du Parti libéral, qui se sentent très mal à l'aise devant le projet de loi C-3 parce qu'il donne la bénédiction à l'approche de Mike Harris. Je suis sûr que certains parmi vous, dans leur for intérieur, ne peuvent pas appuyer le projet de loi C-3 dans sa forme actuelle. Je parle de sa forme actuelle, mais on ne peut pas modifier un projet de loi qui est tout croche. On ne peut pas modifier un projet de loi tel que C-3, avec toutes les orientations qu'on veut lui donner et avec toutes les approches qu'on veut maintenant appliquer aux jeunes contrevenants. C'est impossible. Il ne faut pas toucher à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Il y a peut-être des dispositions de cette loi à modifier pour aider davantage les jeunes. Il y a peut-être toute la question de délais. Je pense que c'est un des problèmes qu'il y a avait dans la Loi sur les jeunes contrevenants: on ne parlait pas suffisamment des délais. Il serait urgent d'intervenir rapidement. À ce que je sache, les délais ne seront pas réduits avec C-3. Au contraire, je pense qu'ils vont s'allonger.

Au Québec, quand il s'écoule plus de 30 jours entre le moment de la comparution et le procès, il y a une cloche qui sonne et il y a urgence. Il ne doit pas s'écouler plus de 30 jours entre la comparution et le procès. Le juge Jasmin et d'autres de la coalition nous ont dit qu'ils avaient visité certains endroits au Canada—je ne me souviens plus de quels districts il s'agissait—où tout était très moderne. On faisait un classement avec des petites fiches rouges, bleues, jaunes et vertes, avec de beaux numéros et de belles rangées. Il y avait un beau plancher bien verni, un beau comptoir et tout. Je juge en chef était très très fier de son palais de justice et de la façon dont il fonctionnait. Le juge Jasmin lui a demandé: «Voulez-vous me dire quel est le délai entre le moment où le jeune comparaît pour une infraction et le moment son procès?» Le juge a été très fier de répondre: «Écoutez, avec le système que nous avons ici, un système très sophistiqué...». Ils étaient au mois de novembre. Il a dit: «Avec le système qu'on a, il aura peut-être son procès en juin ou en septembre de l'année prochaine.» Le délai était de sept mois dans la meilleure hypothèse et de dix mois dans la pire hypothèse. Ils étaient fiers de leur système et il faut dire que c'était rapide pour eux.

• 1020

Je pense que vous avez compris, en écoutant les témoignages, que plus on retarde le moment du procès, plus le jeune en vient à avoir le sentiment que l'infraction qu'il a commise est moins grave. Si c'était grave, on m'aurait traité ou on m'aurait pris immédiatement, se dit-il. Quand le jeune attend depuis six ou dix mois, il s'endurcit par rapport au crime qu'il a commis. Je ne sais pas si vous avez des enfants. Moi, j'ai deux jeunes enfants. Si je ne les reprends pas immédiatement quand ils ont fait la plus petite erreur ou la plus petite faute, ils se disent que ce n'est pas grave parce que papa n'a rien dit et ils tentent de refaire la même chose. Qu'il s'agisse d'enfants de 5 ou 10 ans ou de jeunes ados de 14 ou 15 ans, c'est la même chose. Quand le jeune a comparu très rapidement et a eu son procès très rapidement, il n'est pas encore sorti de son infraction. Il la vit quotidiennement et on le traite rapidement.

Donc, dans la Loi sur les jeunes contrevenants, on aurait pu modifier toute la question du délai. Je sais fort bien que je ne ferai pas plaisir aux provinces, mais je vous dirai que vous avez une arme que je n'ai pas et que les provinces n'ont pas non plus: vous avez le carnet de chèques. Pourquoi ne changez-vous pas tout simplement les programmes?

Je pense que c'est vous, monsieur Saada, qui disiez au juge Jasmin... L'un des témoins que nous avons entendus autour de cette table, il y a quelques jours, nous a dit que l'Ontario avait décidé de consacrer 80 p. 100 de l'argent que lui envoie le fédéral au chapitre de la justice pour les jeunes à la construction d'installations d'incarcération et de mise sous garde. Vous connaissez donc les chiffres. Vous savez que l'Ontario et d'autres provinces consacrent plus de 50 p. 100 de l'argent que leur envoie le fédéral au béton, alors que vous n'envoyez pas au Québec suffisamment d'argent pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a une facture de 77 ou 80 millions de dollars qui traîne depuis 1994. En plus, on s'était même entendus avec l'autre ministre de la Justice, M. Allan Rock, lors d'une conférence fédérale-provinciale, pour dire que le Québec avait raison de dire qu'on ne lui donnait pas suffisamment d'argent pour appliquer la loi comme il le faisait. Malheureusement, il a été changé. S'il était encore là, le Québec aurait peut-être 77 millions de dollars de plus dans ses coffres, parce que le ministre semblait donner raison au Québec.

Donc, les chiffres, vous les connaissez. Vous savez que dans les autre provinces, on n'applique pas correctement le programme. Vous avez une arme fantastique entre les mains. Au lieu de tenter d'imposer une loi dont personne ne veut au Québec... Votre seul allié dans l'approche des jeunes contrevenants, c'est le Québec. Le Québec est le seul à appliquer correctement la loi, comme l'a dit le ministre de la Justice. La seule province à appliquer correctement tous les critères pour obtenir de bons résultats est le Québec. Et maintenant vous voulez le pénaliser en adoptant un projet de loi dont personne ne veut au Québec. Il y a un consensus au Québec: personne ne veut un projet de loi semblable; personne ne veut qu'on touche à la Loi sur les jeunes contrevenants. Ce n'est pas d'hier qu'on parle de cela au Québec. Ce n'est pas d'hier. Depuis ce temps-là, vous ne semblez pas vouloir comprendre, ou vous ne comprenez pas. Vous n'avez pas pris connaissance de ce qui existe.

Dans le document Les jeunes contrevenants: au nom et au-delà de la loi, le comité québécois a fait un résumé fantastique de la situation des jeunes contrevenants. C'est en 1995 qu'on a produit ce document qui fait un excellent résumé de la situation. Sincèrement, cela devrait être le point de départ du ministère fédéral de la Justice. Aucune autre province n'a investi pour savoir ce qui se passait dans son territoire face aux jeunes contrevenants. Si une autre province a fait une étude semblable et est arrivée à une conclusion différente, dites-le moi. Je ne l'ai pas lue et je vais m'empresser de la lire.

• 1025

À ma connaissance, aucune autre province ne s'est penchée sur cette question comme l'a fait le Québec au cours des années 1990. Il en est arrivé à une conclusion qui ne devrait nullement nous surprendre. Le Québec est arrivé à une conclusion très réfléchie qui a fait l'objet d'un très grand consensus au Québec: ne touchez pas à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Dans cette approche-là, monsieur le président, nous avons étudié toute la question de la délinquance et de la protection de la société. Nous nous sommes penchés sur les infractions, la responsabilité des adolescents, les droits des adolescents—parce qu'ils ont des droits qu'on doit reconnaître—et les besoins des adolescents.

Si vous aviez lu le chapitre sur les besoins des adolescents, vous ne présenteriez pas des amendements semblables. Je vous dis honnêtement que vous faites fausse route et j'espère qu'aujourd'hui je saurai vous convaincre que vous faites fausse route. Je ne me fais pas d'illusion, mais je poursuis mon intervention.

J'espère que vous êtes conscients que l'étude d'une question aussi importante mérite que le comité y accorde le temps nécessaire. C'est pourquoi je vous demande, monsieur le président, de reporter l'étude article par article au 2 mai. J'ose espérer que vous aurez le temps relire les documents que j'ai cités et que je vais vous citer, et que vous le ferez en gardant en tête la notion de protection de la société, oui, mais avant cela, le besoin des individus. Il y a toute une philosophie qui gravite autour du projet de loi sur les jeunes contrevenants que, de toute évidence, vous n'avez pas saisie.

Je reprendrai quelques réflexions utiles qu'on a entendues à ce comité avant d'entreprendre notre étude approfondie de ce projet de loi. Nous nous sommes penchés sur les besoins des adolescents et ceux des victimes. Il n'y a rien de nouveau dans l'étude que nous avons faite. Certains députés de l'Alliance canadienne nous ont beaucoup parlé des victimes et nous reconnaissons l'importance qu'on doit accorder à ces dernières. L'approche québécoise tient également compte des victimes. Nous nous sommes également interrogés sur la problématique entourant les victimes et les familles des victimes. On traite de cette question dans notre document.

Bien qu'un drame semblable ne soit pas arrivé au Canada au cours des dernières années, des jeunes de sept ou huit ans ont enlevé un jeune enfant dans un centre commercial en Grande-Bretagne et l'ont tué. C'est une situation extrêmement grave, monsieur le président, mais je pense qu'il y a un élément plus grave encore. Que dire des parents? Dans quelle société vivons-nous lorsque des jeunes de sept ou huit ans tuent une personne? Quelle éducation ont-ils reçue?

Au Canada, nous ne sommes pas à l'abri de cela non plus. Il faut aller voir ce qui se passe dans les écoles. J'ai peut-être de la chance d'avoir de jeunes enfants et de fréquenter les intervenants du milieu de l'éducation, y compris les gens des commissions scolaires. J'ai également l'occasion de discuter de ces questions avec un de mes amis, M. François Legault, le ministre de l'Éducation, afin de cerner les problèmes qui existent. J'ai également parlé à Mme Linda Goupil, la ministre de la Justice. Il y a un grave problème dans la société: les parents n'assument pas le rôle qu'ils devraient jouer, ou le rôle qu'ils pourraient mieux jouer s'ils étaient mieux encadrés.

À la suite de cette étude dans le cadre de laquelle on s'était penchés sur ces éléments-là, nous avons modifié le système d'éducation afin que les parents s'engagent davantage, nous appuyant ainsi à faire de la prévention. Je crois qu'un bon point de départ en termes de justice pour les adolescents, c'est d'intervenir auprès des jeunes avant même avant qu'ils n'aient fait un mauvais coup. Il faut tenter de leur donner une bonne éducation, un rôle qui incombe entre autres aux parents. Oui, je reconnais que c'est également le rôle de la société et des gouvernements, mais je crains qu'on attende peut-être trop de la part des gouvernements. Tout le monde est d'accord autour de cette table pour dire qu'il faut impliquer les parents. On a étudié cette question-là, monsieur le président, dans le rapport que le juge Jasmin a rédigé.

J'ai parlé brièvement de la célérité des interventions un peu plus tôt. Il faut agir rapidement si on veut que nos interventions portent fruit. La cohérence est une responsabilité qui incombe à tous les intervenants. Il est également important que le bras gauche n'ignore pas ce que fait le bras droit dans un système de justice. Que font les policiers quand ils arrêtent un jeune qui vient de commettre un délit?

Que fait le système de justice lorsqu'il traite de tout le volet social? Comment le gouvernement traite-t-il ces gens-là? Comment les personnes qui s'occupent des jeunes traitent-elles ces derniers lorsqu'ils viennent de faire un vol ou de commettre une meurtre?

• 1030

On se retrouve peut-être devant un jeune qui vit pratiquement seul, qui est issu d'une famille monoparentale qui vit sous le seuil de la pauvreté et dont le père avait des antécédents longs comme le bras. Il faut également connaître le contexte dans lequel un jeune vit.

Le juge Jasmin et la coalition vous ont présenté un tableau et cité des pourcentages. Ils vous disaient qu'à la lumière de leur expérience, ces trois critères s'appliquent à une catégorie très précise: des jeunes qui vivent sous le seuil de la pauvreté, qui ont de la difficulté à l'école et qui éprouvent des problèmes majeurs dans un autre domaine. Lorsqu'il y a un problème, les familles aisées ont les moyens d'aller chercher des conseils, de consulter un avocat, de faire des sorties avec leurs enfants et de les inscrire à toutes sortes d'activités telles que le hockey et le karaté afin de sortir leurs jeunes d'un milieu qui a certaines tendances néfastes et criminelles.

On pourrait compléter le titre de ce projet de loi comme je vous l'indiquais plus tôt. On pourrait en finir une fois pour toutes avec les problèmes qui touchent les jeunes qui vivent sous le seuil de la pauvreté si le ministère voulait faire preuve de sérieux et dire vraiment ce qui en est de cela. Je sais que ces problèmes arrivent aussi dans les bonnes familles et dans des familles aisées, mais la majeure partie de la clientèle à qui s'applique la Loi sur les jeunes contrevenants, ce sont des jeunes issus de familles qui ont des difficultés financières, sociales et autres. Ce projet de loi semble tout indiqué pour ces familles-là.

Afin de pouvoir intervenir efficacement, il faut cerner toute cette problématique, monsieur le président, et c'est pourquoi on a étudié la question de la cohérence et de la responsabilité des intervenants qui agissent auprès des jeunes. Lorsqu'on prend une décision, il est très important de tenir compte de l'ensemble de la situation. Quand la ministre est venue témoigner, j'ai tenté par tous les moyens de lui faire comprendre l'importance des besoins des jeunes et les lacunes que renferme le projet de loi C-3. Cet examen de l'ensemble de la situation du jeune était la grande qualité de la Loi sur les jeunes contrevenants. On n'y citait pas un besoin qui était subordonné à d'autres critères de proportionnalité ou une foule d'autres facteurs, mais on parlait du besoin, à l'état pur, du jeune. Il n'y a rien d'autre qui entrait en ligne de compte pour la réinsertion et la réintégration du jeune. Ce n'est pas un principe qu'on retrouve dans le projet de loi C-3, ni dans une version du projet de loi C-3 qui renfermera les amendements qu'a proposés la ministre.

Il me semble que vous n'avez pas saisi l'approche que je vous ai présentée, ni les objections qu'ont formulées la vingtaine de membres de la coalition, des avocats, des juges, des procureurs de la Couronne, des gens des centres jeunesse et de l'Institut Philippe Pinel, tous des gens qui appliquent quotidiennement la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je ne voudrais déplaire à personne, ni provoquer qui que ce soit, mais nous devons reconnaître que nous ne sommes pas, y compris moi, des experts de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants ou des dispositions du projet de loi C-3 lorsqu'on se compare aux membres de la Coalition pour la justice des mineurs au Québec, au juge Jasmin, au juge Allard ou au juge Heino Lilles qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants à tous les jours. On peut répéter ce qu'on a entendu, prendre connaissance d'un texte et avoir chacun une expérience familiale et professionnelle. J'ai pratiqué la profession d'avocat pendant 8 ou 9 ans et défendu des causes au niveau criminel. Je connais donc la machine et tout ça.

• 1035

Mais il y a des gens autour de cette table qui n'ont même pas cette chance, pourrais-je dire. Ils peuvent avoir eu des chances dans d'autres domaines mais, par rapport à la Loi sur les jeunes contrevenants, je pense avoir eu celle de connaître le milieu juridique et d'être mieux en mesure d'apprécier les amendements proposés.

Je pense qu'il faut se fier à des témoignages comme ceux des membres de la coalition ou comme ceux des juges qui ont couramment à mettre la loi en application, monsieur le président. Ils disent justement qu'on fait fausse route en proposant cette approche ainsi que des amendements «esthétiques», qui semblent répondre aux demandes des Québécois et des Québécoises. Je peux vous dire que non. Je n'ai pas fait le tour, mais jusqu'à présent, toutes les personnes à qui j'ai envoyé ces amendements et qui en ont pris connaissance ont tiré la même conclusion: ce sont des amendements «esthétiques».

Je ne vous dis pas qu'ils ont été analysés en détail et dans tout le contexte. Vous comprendrez qu'on ne peut le faire, pour 100 amendements, en cinq ou six jours. Mais simplement en lisant les amendements, et en oubliant ceux où on a ajouté des virgules, il ne faut pas avoir la tête à Papineau pour comprendre. Lorsqu'on change le mot «infliger» par le mot «imposer», il en va de même. Il y a peut-être deux ou trois articles qui sont plus laborieux. Il y a tout le volet de la complexité; certains articles sont encore plus complexes que ce qui existe.

Pour certains autres articles, vous avez fait un énorme effort; vous avez ajouté le mot «besoin» dans l'article de loi, pour tenir compte des besoins des jeunes. C'est un mot que je ne pensais jamais être capable de faire sortir de votre bouche. Il est sorti du bout de votre crayon. Vous avez ajouté le mot «besoin» quelque part. Je pense que vous n'êtes pas conscient qu'il ne veut rien dire dans le contexte de l'article 3, où il est subordonné à un paragraphe qui vient tout démolir.

Je ne comprends pas votre logique. Agir ainsi et tenter de nous faire croire que vous répondez aux besoins ne peut être que de l'arrogance envers le Québec. C'est pourquoi j'ai hâte d'entendre la ministre venir défendre ses amendements qui sont aussi complexes que son projet de loi. La ministre dépose pratiquement plus d'amendements qu'il y a d'articles de loi. De deux choses l'une: ou bien elle s'était trompée carrément et elle a maintenant entre les mains un produit tout croche qu'elle tente de redresser, ou bien elle a fait un projet de loi sans s'arrêter cinq minutes à ses conséquences, ce qui m'inquiète davantage.

Je pense que si la ministre et son personnel avaient examiné un tant soit peu les quelques réflexions utiles que je vous ai faites relativement au sujet mentionné, et s'étaient renseignés sur ce qui se fait au Québec, si elle avait pris le temps de voir sur place... C'est bien beau que des gens de son ministère soient allés rencontrer des Québécois pour examiner ce qui se fait, mais rien ne remplace l'observation qu'on fait soi-même d'un mode de fonctionnement.

Tout compte rendu, si bon soit-il, tout rapport de fonctionnaire sur la situation québécoise ne peuvent remplacer une visite où on voit de ses propres yeux ce qui se passe, où on discute directement sur place avec les principaux intéressés. C'est une des choses que je reproche également à la ministre. Je veux lui donner un peu de temps pour qu'elle le fasse.

Une autre chose que je lui reproche également, c'est la rédaction même de ce projet de loi C-3. Plusieurs provinces, dont le Québec, ont mentionné qu'elles n'avaient pas été consultées sur le texte ou qu'elles l'avaient été très peu. Je peux vous affirmer que, sur les amendements, Québec n'a pas été consulté, mais pas du tout.

Lorsqu'on me dit qu'on veut répondre à des demandes du Québec, je trouve étrange qu'on n'ait même pas pris la peine de soumettre les amendements à ceux qui en demandaient pour s'assurer qu'on répond bien à leurs demandes. Je pense qu'il y a de la mauvaise foi quelque part.

Habituellement, je m'entends très bien avec le ministère de la Justice, entre autres avec M. Yvan Roy. Nous nous entendons assez bien sur des projets de loi. Toutefois, dans le cas de celui-ci, je ne sais pas si c'est dû à des interventions politiques, je ne sais pas si c'est parce que le point de vue est trop politique, mais vous ne semblez pas comprendre. Il existe un mur et il y a quelque chose d'illogique.

• 1040

Vous avez l'habitude d'être plus logiques que cela. Ou bien il y a des interventions politiques qui jouent, ou bien vous n'avez pas toutes les données en main. Je vais tenter de vous les faire connaître pendant que vous êtes devant moi. On va essayer d'examiner certains points qui ont déjà été analysés au Québec.

Au chapitre 2 du rapport, on parle de la prévention. Je vous le disais tout à l'heure; il faut commencer le plus tôt possible à chercher avec le jeune quel est son problème, pourquoi il agit ainsi, pourquoi dans telle ou telle couche de la société on agit de la sorte. Il faut voir venir et tenter de prévenir les coups. Pour cela, il faut avoir une politique pour la jeunesse; il faut avoir une politique de prévention. Il faut également connaître les divers types de prévention. Et je pense qu'il n'y a pas plusieurs personnes autour de cette table qui se sont arrêtées à la question, monsieur le président.

[Traduction]

Le président: Je veux féliciter M. Saada pour ce travail bien fait.

[Français]

Des voix: Ah, ah!

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur Saada, vous aurez sûrement la chance de revenir.

C'est très sérieux; attendons que le secrétaire parlementaire s'installe. Est-ce qu'il doit s'installer? Parce que j'aimerais qu'il m'entende, qu'il m'écoute, que la personne qui aura à répondre aux questions puisse m'écouter.

Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]

M. Michel Bellehumeur: Ah, il m'entend, mais peut-être qu'il ne veut pas m'écouter. Peut-être est-ce cela.

Très sincèrement, monsieur DeVillers, c'est depuis 1994 qu'avec la présence du Parti libéral au pouvoir, on m'entend mais on ne veut pas m'écouter.

Une voix: C'est possible.

M. Michel Bellehumeur: C'est une possibilité, effectivement.

La prévention est un sujet très sérieux sur lequel je veux revenir. On peut peut-être le faire gaiement et voir cela d'un autre oeil, mais c'est une problématique très sérieuse. Peut-être ne l'ai-je pas présentée adéquatement dans le passé, c'est pourquoi, sûrement, je n'ai pas réussi à vous convaincre. C'est pourquoi ce matin, je veux qu'on reprenne de A à Z toute cette question. Au moins, je pourrai me dire que j'ai fait tout mon possible pour tenter de vous convaincre et surtout de vous faire comprendre l'approche québécoise, le modèle québécois, ce qui n'est pas qu'une formule, mais quelque chose d'extrêmement important.

Encore une fois, je ne devrais même pas avoir à vous expliquer toute cette approche, compte tenu que avez vous-même reconnu, dans une résolution qui, semble-t-il, selon vous, est très importante et a toute sa raison d'être, à l'effet que le Québec est une société distincte. Si cela est vrai, cela devrait toucher tout le domaine juridique et on devrait en tenir compte dans la législation. Je pense que vous pourriez fournir une bonne preuve, donner un bon exemple aux Québécois et aux Québécoises, que vous avez voulu tenir compte de cette résolution dans le projet de loi C-3, en excluant le Québec de son application ou, carrément, en retirant le projet de loi C-3. Je serais le premier à vous en féliciter.

Je m'engage aujourd'hui, si la ministre retire le projet de loi C-3, à l'accompagner sur la même plate-forme, dans le même forum et à la féliciter. Vous ne pourrez pas dire que je fais preuve d'un esprit partisan sur le sujet. Je remercierais la ministre d'avoir compris le Québec et je reconnaîtrais que, finalement, le système fédéral ne fonctionne pas si mal.

J'avance qu'il faut bien que vous donniez quelque part l'exemple de ce que vous professez. Et le plus bel exemple pourrait en être le projet de loi C-3. Retirez le projet de loi C-3. Allez refaire vos devoirs. Lisez ce document, parce que ce que je vais vous en communiquer ce matin n'est qu'une infime partie de ce qu'il contient. Je ne pourrai jamais rendre son contenu aussi bien que la façon dont il est rédigé. Je vais essayer, mais je ne serai jamais capable de vous le communiquer comme si vous en faisiez la lecture vous-même, ni comme si vous preniez le téléphone et appeliez une des cinq personnes qui ont travaillé à sa rédaction pour en obtenir des précisions.

Avant de me faire interrompre par l'arrivée du secrétaire parlementaire et des fonctionnaires, je disais donc qu'il fallait tenir compte de la prévention, que c'était très important et surtout qu'il fallait connaître les divers types de prévention. Lorsqu'on les connaît, on voit peut-être d'un autre oeil l'intervention policière. On voit peut-être différemment les mesures de rechange, les mesures que nous devons prendre face au jeune qui est en difficulté. De même, monsieur le président, on ne voit pas du même oeil tout le déroulement des procédures et du procès lorsqu'on sait qu'il existe des types de prévention et qu'on aurait dû faire telle ou telle chose avant que ne se produise l'inévitable. Il faut s'arrêter à cela.

• 1045

Donc, il existe la prévention, des types de prévention, monsieur le président, qui sont en rapport avec les situations. J'aurai tout à l'heure la chance de donner plus de détails. Il existe des types de prévention en rapport avec les individus. Vous comprenez. Vous faites la différence entre la prévention axée sur la situation et la prévention axée sur l'individu.

Il y a des situations à risque, comme je le disais plus tôt, celles des familles monoparentales, de ceux qui vivent sous le seuil de la pauvreté, de ceux dont les parents ne s'inquiètent pas qu'à l'âge de 12 ans ils rentrent à minuit, de ceux chez qui on entre ou on sort comme dans un moulin. Ce sont des situations beaucoup plus à risque. On doit,—les provinces entre autres, et là je vous parle d'un rapport du Québec,— saisir cela pour comprendre par la suite ce que nous pouvons faire à titre de ministère de la Justice ou de législateur fédéral, comme le juge Jasmin nous le disait.

Donc, cette situation que je viens d'expliquer est très problématique pour le jeune. Il faut prévenir certaines choses, il faut avoir une approche préventive dans ces cas-là.

Il y a des formes de prévention centrées sur les individus. Il y a des gens qui naissent foncièrement méchants selon moi. Ce n'est pas dit dans le rapport, c'est moi qui le dis. Cependant, une fois qu'on a admis le fait qu'il y a des gens qui sont malicieux de naissance, il y a une approche préventive à à adopter. J'aurai la chance aussi tout à l'heure d'en parler de façon plus détaillée.

Il existe aussi des catégories de prévention primaires—je vous les expliquerai tout à l'heure parce qu'elles sont plus complexes—, les préventions secondaires et les préventions tertiaires. Chacune de ces catégories comporte des pistes d'action. Il est important d'en tenir compte avant de modifier une loi qui est appliquée et applicable, et qui réussit bien au Québec.

J'ai glissé un mot tout à l'heure au sujet des interventions policières. Personnellement, je crois que dans d'autres provinces, on ne confie pas un rôle suffisant aux policiers. C'est une des catégories de personnes sur lesquelles nous devons travailler. Quand je dis «nous», j'inclus les provinces. Les policiers jouent un rôle important vis-à-vis des jeunes contrevenants. Dans tout le système de justice pour les jeunes, les policiers ont un rôle de premier plan. Je crois sincèrement que le législateur fédéral, mais aussi les provinces, ne les engagent pas suffisamment dans le système de justice. Je ne suis pas sûr, moi, que le ministère de la Justice a dit aux provinces leurs quatre vérités en ce qui concerne les policiers.

Pour ma part, je crois que celui qui fait le chèque pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants devrait au moins être capable de dire que ce chèque est destiné à l'application de l'actuelle Loi sur les jeunes contrevenants, dans laquelle on voit dès le début, entre autres dans l'article 3, que les jeunes et les policiers ont leur rôle à jouer. La déclaration de principes, où on parle du besoin et où on dit que les jeunes sont en évolution, que c'est important et qu'il faut s'y intéresser, inclut tous les intervenants, dont les policiers.

Donc, l'intervention policière est très importante et les personnes qui font le chèque pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants devraient être capables de dire à la province, au ministère de la Sécurité publique ou au ministère qui s'appelle autrement dans les autres provinces, vous ne faites pas bien votre job dans l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants; vous devriez les approcher selon une méthode X, Y ou Z, si vous voulez réussir. C'est pour cela qu'on vous paye.

• 1050

Je comprends que c'est très complexe, monsieur le président, et que la solution la plus simple serait que le fédéral se retire de toute la question des jeunes contrevenants, tout comme aux États-Unis où chaque État s'occupe de ses jeunes. Ce n'est pas l'État central qui dicte aux États ce qu'ils doivent faire. Ce serait peut-être une solution qu'on pourrait adopter ici au Canada en permettant à chaque province de faire ce qu'elle veut avec les jeunes contrevenants.

J'ouvre une parenthèse ici. Dans l'État de la Floride, la peine de mort peut être prononcée pour un jeune de 14 ans, alors que dans les États de la Nouvelle-Angleterre cela est interdit et qu'on a adopté une approche beaucoup plus rapprochée de celle du Canada. Chaque État américain a sa propre loi qui s'applique aux jeunes contrevenants. Pourtant tous ces États font partie des États-Unis. Pourquoi cette solution ne serait-elle pas applicable au Canada? Pourquoi dans les Maritimes, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick et à l'Île-du-Prince-Édouard, n'aurait-on pas sa propre loi? Pourquoi le Québec n'aurait-il pas sa loi?

Je vous dis d'avance qu'au Québec, on adopterait la Loi sur les jeunes contrevenants et qu'on n'en formulerait pas une qui soit différente. On l'appliquerait telle quelle, en n'y modifiant que les délais, comme je vous l'indiquais plus tôt, afin que nous puissions intervenir le plus rapidement possible.

L'Ontario pourrait faire ce qu'il veut et bâtir des grandes chapelles pour y mettre tous les jeunes contrevenants, les corder comme il veut le faire et s'en débarrasser pendant cinq, 10 ou 15 ans. Par contre, il aura un autre problème lorsque ces jeunes vont en sortir parce qu'il devra construire de plus grosses prisons puisqu'il devra les faire entrer dans les prisons pour adultes. Qu'il fasse ce qu'il veut. Moi, je ne déménagerai jamais en Ontario. Les autres provinces qui le désirent pourraient faire la même chose.

C'est peut-être la solution la plus facile que chaque province ait sa loi sur les jeunes contrevenants. J'ai déjà proposé cette solution, bien qu'elle semble être entrée par une oreille puis sortie par l'autre. Si vous aviez accepté cette solution, vous ne seriez pas ici en train de m'entendre aujourd'hui. Je sais que vous appréciez beaucoup mon intervention, mais je pense que tout le monde aurait autre chose à faire.

Lorsque je sortirai de ce comité, je veux pouvoir dire que j'aurai fait mon 150 p. 100 pour tenter de vous convaincre. Je sais que c'est difficile de convaincre un gars comme M. Alcock, mais j'ose espérer qu'un jour, je pourrai le convaincre qu'au Québec, on fait les choses différemment, qu'on voudrait continuer à les faire différemment et que vous devriez nous permettre de les faire différemment si, entre autres, la résolution sur la société distincte veut dire quelque chose. Vous qui êtes très américanisés dans l'Ouest canadien, suivez l'exemple des Américains. Ils font ce qu'ils veulent dans les États américains. Pourquoi ne pourrait-on pas faire cela chez nous?

Je reviens ici à mon point de départ au sujet de l'intervention policière. On pourrait dire à nos policiers qu'ils ne font pas bien leur travail parce que c'est nous qui paierions 100 p. 100 de la note. On n'aurait pas besoin du grand frère fédéral. Il y aurait juste des paiements de transfert et on se débrouillerait. On ferait ce qu'on veut de la partie des taxes et impôts que le fédéral nous remettrait pour nous acquitter de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Après cette séance, je suis convaincu que vous allez courir pour obtenir un exemplaire de ce rapport que je vous invite à lire. On y traite entre autres de l'intervention policière et de la prise de déclaration. On voit fort bien à la lecture du projet de loi que j'ai devant moi que vous n'avez pas compris ou que vous n'avez pas tenu compte de toute la question de la déclaration des jeunes. Il y a des choses aberrantes dans certaines dispositions et je n'ai pas hâte du tout d'en voir l'application si, comme je le crains, vous n'avez pas trop l'intention de modifier quoi que ce soit ou de retirer ce projet de loi. Les dispositions relatives à la déclaration vont même à l'encontre de certains droits dont les adultes bénéficient. Vous n'avez sûrement pas compris la problématique.

La discrétion policière fait également partie, si je puis dire, de la prévention primaire et du début de tout le cheminement. Il y a des choses qui restent dans le poste de police, des choses qui restent entre les intervenants sociaux et des choses qui restent entre les divisions, afin justement d'aider le jeune, de faciliter sa réintégration et sa réinsertion sociale, d'éviter qu'il soit stigmatisé, de ne pas le marquer du fer rouge «jeune délinquant», «jeune contrevenant» ou «jeune criminel», parce que c'est ça, en fin de compte, le bout de la ligne de tout ça. Ils portent cette étiquette-là dans le front et ressemblent à du bétail de l'Ouest canadien. Ça doit être une approche de l'Ouest canadien, là d'où vient la ministre. On semble vouloir marquer définitivement les jeunes qui sont de jeunes contrevenants, des jeunes qui ont eu des problèmes. Est-ce que cela contribuera à notre sécurité? Est-ce que la société va en sortir gagnante? Bien non, monsieur le président.

• 1055

Il faut connaître toute l'approche et aller voir ce qui se passe au Québec, ce que, de toute évidence, vous ne connaissez pas. Notre approche au niveau de l'intervention policière, de la prise de déclaration, de la discrétion policière, de la mise en liberté et de la détention avant la comparution est nettement différente de celle des autres provinces. Nos statistiques nous le démontrent. Un des députés libéraux avait demandé à un témoin de lui expliquer pourquoi il y a au Québec moins de mises en détention avant la comparution qu'ailleurs. On avait répondu que c'est parce qu'il y a tout un système qui prend en charge les individus aux prises avec des problèmes de justice, un système qui n'existe malheureusement pas dans d'autres provinces.

La participation des parents au niveau de l'intervention policière est également très importante. Cela rejoint ce que je disais tout à l'heure au sujet du rôle des parents. Je comprends que ce n'est pas au législateur fédéral d'intervenir à ce niveau-là. Afin de faire une bonne loi, il faut toutefois savoir ce qui se passe.

Nous tenons également compte des victimes au niveau de l'intervention policière. Cela répond aux interrogations qu'a soulevées l'Alliance canadienne par rapport aux victimes. Je sais que les droits de la victime représentent le cheval de bataille de Peter. J'affirme moi aussi que les droits des victimes sont importants et qu'on devrait peut-être tenter de les impliquer dans le processus, chercher à savoir ce qu'elles veulent vraiment et satisfaire à leurs besoins. Elles ne vivent pas une situation facile. Il y a des choses qu'on peut faire, mais d'autres qu'on ne peut pas faire. Il y a des limites. Il faut étudier tous ces aspects avant de proposer des modifications et de formuler des dispositions semblables à celles qu'on retrouve dans le projet de loi.

Le taux de solution des enquêtes policières, les informations à transmettre et les délais, y compris au niveau de l'intervention policière, sont des facteurs importants. Il faut parfois six mois pour faire une enquête, deux ou trois mois avant la comparution, six mois ou encore plus longtemps avant qu'on entame un procès, comme c'est parfois le cas dans l'Ouest. Lorsqu'un an ou un an et demi s'est écoulé depuis qu'un jeune a commis une infraction, je pense qu'il commence à oublier la gravité de son infraction et qu'il commence à se dire que le système n'est pas trop sérieux. Même les délais au niveau de l'intervention policière sont importants.

Je traiterai maintenant du programme des mesures de rechange. Je me demande d'ailleurs pourquoi vous avez changé cette expression et l'avez remplacée par «des sanctions extrajudiciaires». Je concède que c'est un langage qu'on retrouve dans le code criminel et l'approche qu'on y adopte. Je crois cependant que c'est une modification qui est très provocatrice face à ce qui se fait au Québec et tout ce qu'il y a derrière tout ce jargon-là.

J'ai pris connaissance des amendements que la ministre a proposés et constaté qu'on donne une certaine liberté au directeur provincial—je ne me rappelle pas exactement comment on l'appelle—. Puisque certaines provinces n'ont pas de programmes, il me semble inutile d'inscrire dans le projet de loi que le juge doit tenir compte de ceci ou cela à cet égard. De quelle façon le ministère peut-il obliger les provinces à mettre sur pied de tels programmes? Il n'a aucun pouvoir à ce niveau.

Au Québec, on a mis en oeuvre une série de programmes. J'ai ici en main petit livre très important que j'ai reçu en cadeau de la part du juge Jasmin. C'est un livre qu'on donne à tous les juges et dans lequel on retrouve tous les documents importants, dont le Programme de mesures de rechange autorisé par le ministère de la Justice et le ministre de la Santé et des Services sociaux. On y retrouve toutes sortes de mesures de rechange et des renseignements au sujet de divers programmes.

En notre qualité de législateurs au palier fédéral, nous devrions peut-être nous demander combien de provinces ont une telle approche et de tels programmes. Il ne s'agit pas d'un droit nouveau. Il n'est pas inconstitutionnel, ni contre la loi de faire de telles choses. C'est la Loi sur les jeunes contrevenants, la loi qu'on applique actuellement, qui nous en donne la possibilité. Au Québec, on l'a fait.

• 1100

J'aimerais faire le tour de la salle et demander aux députés de quelle province ils sont et s'ils savent s'il existe de tels programmes dans leur province. Je suis sûr qu'il y en a qui ne le savent pas, mais je suis sûr aussi qu'il y en a qui savent qu'il n'en existe pas. Et avant de faire une loi pour modifier certaines choses, il faudrait peut-être vérifier ce qui se fait dans chacune des ces provinces. Donnez au moins le bénéfice du doute aux provinces où ça fonctionne. Ne prenez pas la hache, ni ne rendez pas cela périlleux. On n'est certain de rien. On risque d'ébranler un système qui fonctionne pour faire plaisir à je ne sais trop qui. Vérifiez dans vos propres provinces si on a des mesures de rechange et des programmes de réinsertion sociale.

Je sais qu'il y en a. J'en ai entendu parler. Il y a des gens qui sont venus témoigner qu'il existait des choses. Mais il y a des provinces qui n'en ont pas. Et ce sont les provinces qui crient le plus fort au loup. Il faudrait avant toute chose, je pense, vérifier ce qui se fait au niveau des mesures de rechange et au niveau des programmes. Alors ici, chez nous, le comité de travail présidé par le juge Jasmin a examiné ce qui existait au Québec au niveau des programmes de mesures de rechange. Il a fait un certain inventaire de l'application de ces programmes et compilé des statistiques pour comprendre ce qui se fait. Il faut au moins avoir des statistiques pour voir si cela fonctionne ou si cela ne fonctionne pas. J'y reviendrai un petit peu plus loin.

Au Québec, le substitut du procureur général a un rôle beaucoup plus interventionniste, je pense, qu'à d'autres endroits. Mais au bout de la ligne, cela apporte sûrement de bons résultats puisque nos statistiques le démontrent. On a un taux de criminalité moins élevé au Québec que dans les autres provinces qui appliquent durement la Loi sur les jeunes contrevenants ou qui ne l'appliquent pas du tout, ou qui travaillent avec les jeunes comme s'il s'agissait d'adultes, comme si les jeunes étaient de gros méchants criminels et qu'on devait les traiter comme tels. Au Québec, on a fait le relevé. C'est pour cela, monsieur le président, que je demande un peu de temps.

J'espère que durant le congé de Pâques, les membres du comité vont y réfléchir, qu'ils vont penser à moi et qu'ils vont dire: Bellehumeur a raison et que le 2 mai, à 9 h 30, ils vont arriver en disant que premièrement, la ministre doit venir témoigner pour nous expliquer ses amendements et que deuxièmement, ils ont pris connaissance du rapport du juge Jasmin et qu'effectivement, ils font fausse route. J'ose espérer que mon intervention aura au moins servi à cela: que vous puissiez réfléchir sur la question et vérifier l'approche québécoise.

Je vais vous dire toutes sortes de choses ce matin et je sais que vous allez prendre cela avec un grain de sel, mais allez lire. Allez voir ce que les gens ont écrit là-dedans. Soit dit en passant, peut-être vous vous dites que c'est une approche péquiste et que ce sont des méchants PQ, comme le disait un député du Québec, Maurice Bellemare, dans les années 1976—je sais que personne ne le connaît—, mais lorsque le juge Jasmin a reçu le mandat de faire cette étude, c'étaient des libéraux qui étaient à l'Assemblée nationale. Ça s'adonne mal, n'est-ce pas? Même les libéraux voyaient qu'il y avait une tendance, au niveau fédéral, à durcir la Loi sur les jeunes contrevenants. Même les libéraux ont à l'époque sonné l'alarme. Ils ont mis sur pied un comité pour étudier toute cette question afin de réveiller leurs grands frères fédéralistes à Ottawa.

Le rapport a été remis en 1995. C'était un gouvernement péquiste qui était au pouvoir. Il a appuyé le rapport à 100 p. 100 et amélioré certaines choses depuis ce temps, de telle sorte qu'il n'est pas surprenant qu'aujourd'hui, l'Assemblée nationale ait adopté une résolution à l'unanimité pour dire au fédéral de retirer son projet de loi, de retourner faire ses devoirs, de consulter les provinces et d'aller voir ce qui se fait dans les provinces. C'est ça, le message.

C'est le même message que celui du juge Jasmin qui a dit, lorsqu'il est venu témoigner, que s'il était législateur fédéral, il suspendrait l'étude de son projet de loi et demanderait aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques jeunesse elles ont. C'est ce que je veux que vous compreniez. C'est ce que je veux que vous fassiez. C'est ce sur quoi je veux que vous réfléchissiez durant le congé pascal.

• 1105

Votre réponse, je vais l'attendre impatiemment, le mardi 2 mai 2000, à 9 h 30. J'espère que vous allez dire oui. J'espère que vous allez comprendre qu'il faut avoir du temps, qu'il faut donner raison à l'Assemblée nationale dans sa façon d'appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants. Le temps que vous aurez servira, entre autres, à examiner ce qui se fait, comme on l'a fait au Québec dans les années 1990.

Donc, au niveau des programmes de mesures de rechange, l'intervention du substitut du procureur général du Québec est très importante. Il ne se gêne pas pour intervenir. Tout le monde le sait.

Quant à l'intervention du directeur provincial, pour qu'il y ait une intervention de sa part, il faut encore qu'il y ait des programmes. Il faut qu'il ait des outils pour intervenir. Il ne s'agit pas seulement d'inclure le directeur provincial dans un projet de loi, mais la première chose qu'il faut se demander, c'est si le directeur provincial a quelque chose à dire dans telle ou telle autre province. Il faut se demander s'il y a, dans telle ou telle autre province, des programmes adaptables, des programmes adaptés ou des programmes, tout court, pour les jeunes contrevenants.

Dans votre projet de loi, vous mentionnez le directeur provincial. Ce que les provinces qui crient au loup présentement ne font pas avec la Loi sur les jeunes contrevenants, voulez-vous bien me dire où elles trouveront dans le projet de loi C-3 ce qu'il faut pour le faire correctement? Les provinces où il y a des problèmes à l'heure actuelle, ce seront les provinces qui auront des problèmes plus tard, même si ce projet de loi était adopté. Je vous prédis que les provinces qui vont adopter ce projet de loi, après qu'il aura force de loi, seront les mêmes qui auront de la difficulté et qui demanderont des amendements parce que ça ne répondra pas encore à leurs besoins, ou que ça ne répondra pas encore à leur soif d'incarcérer les jeunes. Ce seront les mêmes provinces. On va vous demander encore de durcir la loi. On va vous demander, entres autres choses, de réduire encore l'âge. Les jeunes de six ou sept ans, on va les incarcérer tant qu'à y être. J'exagère, elles s'arrêteront probablement à 10 ans. Mais ce seront les mêmes provinces qui vont vous demander de durcir davantage. Pourquoi? Parce qu'elles ne se seront pas arrêtées pour examiner ce qui se fait chez elles.

Pourquoi aurez-vous une oreille attentive? Pour les mêmes raisons politiques et mercantiles que la ministre invoque actuellement pour répondre à une demande qui vient de l'Ouest canadien. Les mêmes questions seront soulevées. Les mêmes approches seront proposées et elles auront la même écoute de la ou du ministre de la Justice de l'époque.

Je le répète, il faut commencer par savoir ce qui se fait dans les provinces pour être en mesure d'apporter des choses, des modifications. Quand une province dit être insatisfaite du projet de loi, si j'étais le ministre de la Justice du Canada, je demanderais qu'elle me donne des exemples qui expliquent pourquoi ça ne marche pas. Je tenterais de voir comment il se fait qu'en Alberta, par exemple, ou en Ontario, ça ne fonctionne pas, alors que la même disposition fonctionne au Québec.

Si j'étais le ministre de la Justice du Canada, j'essaierais de convaincre mon homologue de la province qu'il applique mal ou qu'il n'applique pas la Loi sur les jeunes contrevenants. Je tenterais de l'en convaincre, mais pour ce faire, monsieur le président, il me faudrait avoir fait une étude approfondie de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il me faudrait savoir ce qui se fait exactement dans sa province. Il n'y a pas 36 solutions. Il faut faire l'étude que Québec a faite pour savoir ce qui existe, entre autres au niveau des programmes de mesures de rechange.

L'autre point extrêmement important, une fois qu'on a examiné l'intervention policière et une fois qu'on a examiné les programmes de mesures de rechange, c'est l'intervention judiciaire. J'en ai glissé un mot tout à l'heure. L'intervention judiciaire est de loin, je pense, la plus importante. Plus on approche de l'intervention judiciaire, plus on est en train de toucher à notre juridiction, à la loi qu'on veut modifier et au projet de loi qu'on étudie.

Toute la question du rapport prédécisionnel est très importante parce que cela va influencer le juge et la décision qu'il rendra. Mais dans un tel rapport, il faut véritablement connaître les besoins du jeune. Il faut connaître la situation dans laquelle il vit. Il faut connaître l'individu. Il faut s'arrêter un instant pour avoir un rapport prédécisionnel adéquat qui respecte la loi, mais qui répond également à l'approche qu'on préconise au Québec, entre autres.

• 1110

Vous comprendrez que le rapport prédécisionnel au Québec est différent de celui d'une autre province. Si on n'a pas les mêmes préoccupations, si on n'a pas une idée du système de prévention ou si on n'a pas une idée de toute l'intervention policière, si on ne met pas dans un fichier quelconque l'historique du jeune ou qu'on ne prend pas la peine de répertorier certaines approches, certaines décisions qu'on a déjà prises pour un jeune, et qu'on n'essaie pas de comprendre le pourquoi et qu'on n'est pas influencés en plus—comme le projet de loi C-3 le fera—par la loi pour nous dire que le besoin du jeune est prédominant dans l'approche que nous allons adopter, dans la sentence que nous allons prononcer pour telle ou telle infraction, il est évident que le rapport prédécisionnel sera différent. Pour cela, il faut savoir ce qui se fait dans notre province.

Le juge Jasmin aurait pu venir témoigner le 22 février et dire seulement une phrase de deux lignes qui résumerait très, très bien ma pensée: il faut demander aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques jeunesse elles ont chez elles. C'est le point de départ que personne au ministère n'a soulevé. C'est surprenant, et aucun député ici n'a soulevé cette question, à savoir que font les provinces. J'ai énuméré une foule de choses sur lesquelles au Québec on s'est penchés et il y en a d'autres également.

Donc, le rapport prédécisionnel est très important. Pour avoir un bon rapport, il faut avoir de bonnes sources également. C'est la source d'information qui va contribuer à faire un bon rapport. C'est là que tous les intervenants de la coalition qui sont venus témoigner ont un rôle à jouer. Il y a une source d'information fantastique.

Lorsqu'un jeune vient de tuer une personne et qu'il passe du temps à l'Institut Philippe Pinel, le rapport que fera l'institut est drôlement important. C'est drôlement important de savoir ce qui s'est passé, la motivation du jeune, le pourquoi, d'où il vient, où il vit, ce qu'il va faire, etc. Je ne suis pas sûr qu'il y ait plusieurs provinces qui s'arrêtent à cela. Pourtant, c'est comme une chaîne. La chaîne étant la Loi sur les jeunes contrevenants, tous les maillons sont importants. Si un maillon est faible ou qu'il y ait un maillon manquant, la loi est comme la chaîne, elle pend. Elle n'a aucune rigidité, aucune application. Ça ne fonctionne pas. Donc, chacun des intervenants ou chacune des personnes qui s'occupe du jeune constitue un maillon de cette chaîne et il faut que tous les maillons résistent.

Pour savoir si on a un maillon faible ou pas, il faut examiner ou il faut se questionner sur ce qui se fait dans la province, et je ne suis pas sûr qu'on l'ait fait. Donc, la source d'information est primordiale. Elle est très importante.

Au Québec, on a cette coopération entre les divers intervenants. Ce n'est pas un hasard si, au Québec, on a la coalition. Ce n'est pas un hasard ni un secret de Polichinelle que ces gens se parlent, que ces gens discutent, que ces gens, de façon spontanée, se sont quasiment révoltés par rapport à l'approche du fédéral sur ce projet de loi. Ce n'est pas un hasard si on a produit un mémoire de tous ces membres de la coalition dans lequel ils sont unanimes pour dire de ne pas toucher pas à la Loi sur les jeunes contrevenants, qu'on fait fausse route. Nous avons une approche différente au Québec et nous croyons que c'est la bonne. S'il y en a une meilleure, faites-en la preuve, mais ce n'est pas le projet de loi qui va améliorer la façon dont on fonctionne au Québec. Nous croyons que c'est la bonne. S'il y a en une meilleure, faites-nous en la preuve. Mais ce n'est pas le projet de loi qui va améliorer la façon dont on fonctionne au Québec. Au contraire, ce sera plus complexe que jamais.

• 1115

C'est une loi dont je devrais me réjouir, moi, à titre de membre du Barreau du Québec. C'est une mine d'or pour les avocats. Tout le monde le dit, ce sera tellement complexe que seulement les avocats spécialisés seront capables de se débrouiller là-dedans. Il y en aura de beaux procès, des approches et mesures dilatoires, et d'autres pour préciser certaines choses. C'est complexe.

Je me souviens très bien avoir demandé à la ministre de nous expliquer un article, l'article 42. Elle s'est contentée de dire,—après l'avoir péniblement trouvé, parce qu'il est difficile de trouver les articles dans un tel projet de loi,—que si j'avais une façon plus facile de dire les choses, une façon qui allégerait le texte, de le lui faire savoir. Elle n'a même pas tenté de me l'expliquer.

Je comprends pourquoi; cet article fait appel à trois ou quatre autres lois. C'est d'une telle complexité qu'il faudra des tableaux et des graphiques pour le comprendre. C'est un peu comme le guide Le calcul des peines qu'a publié le fédéral à l'intention des juges, des avocats et des responsables correctionnels. Il contient de beaux graphiques indiquant un an, deux ans, trois ans, etc. Je suis sûr et certain que le fédéral est en train de préparer quelque chose de semblable à l'intention des juges qui appliqueront la Loi sur les jeunes contrevenants, afin qu'ils puissent y comprendre quelque chose, ou plutôt afin qu'ils l'appliquent tous de la même façon. En effet, ses articles pourraient être interprétés de bien des façons.

Tout le chapitre sur la détermination de la peine est un enfer. On a voulu reprendre le Code criminel et l'adapter aux jeunes. On a fait une espèce de grosse pâte à gâteau qui n'a jamais levé et qui ne lèvera jamais, qui est incompréhensible, pas mangeable et indigeste. On va demander aux juges de mettre cela en application. C'est sûr qu'il leur faudra un petit document semblable pour arriver à comprendre la loi et qu'il faudra leur fournir des cas-type du genre monsieur Untel, un jeune, a commis telle infraction, il devrait donc être condamné à telle sentence, à des peines concurrentes ou consécutives, etc. Est-ce vraiment ce qu'on veut appliquer aux jeunes contrevenants?

Je ne crois pas que c'est ce que j'ai entendu de la part des témoins qu'on a reçus ici, même de ceux qui trouvaient que la loi n'était pas si mal. Je n'en ai pas vu un seul soutenir que c'était la loi qu'il nous fallait. En tout cas, s'ils sont venus, ils n'ont pas crié trop fort. Ceux du Québec étaient tous contre ce projet de loi. Est-ce bien ce qu'on veut, complexifier davantage l'affaire pour mieux mêler tout le monde, entre autres les juges concernant le calcul des peines et tout ça? C'est peut-être ce qu'on veut dans l'Ouest canadien, mais ce n'est pas ce qu'on veut au Québec.

Donc, la procédure relative à la décision sur mesure, c'est très important. Le rapport prédécisionnel, la source d'information, le contenu du rapport, il faut que ça réponde aux interrogations du juge. Le dépôt, la distribution, les commentaires, la communication du rapport, c'est très important. Si un jeune a des problèmes psychiatriques, il faut pouvoir mettre à sa disposition des experts en la matière. Il faut avoir, à côté de soi, quelqu'un qui a examiné le jeune, qui a vérifié s'il avait des problèmes psychiatriques et, en conséquence, des rapports psychiatriques. Il faut des psychiatres habitués à appliquer la Loi sur les jeunes contrevenants, qui connaissent sa philosophie et ses grands principes de base, qui en connaissent l'orientation et la façon dont les juges vont l'appliquer.

Il faut qu'il y ait concertation de tout ce beau monde. Est-ce cette loi-là qui va aider à cette concertation? Est-ce que cette loi, sincèrement, va aider l'Ontario à avoir une bonne coopération, une bonne collaboration entre tous les intervenants? Moi, je vous réponds que non puisqu'ils ne sont pas capables d'appliquer 97 articles, très applicables.

On ne s'entendra pas sur la clarté; depuis longtemps, libéraux et bloquistes ne s'entendent pas sur la clarté. À ma connaissance, la Loi sur les jeunes contrevenants était beaucoup plus claire que le projet de loi C-3, en tout cas beaucoup moins complexe. Ce ne sont pas les seuls méchants séparatistes qui le disent. Il y a des juges, des experts qui l'ont dit, des gens qui ne font pas de politique et qui s'en tiennent très loin, qui ne veulent pas se mêler au débat politique.

Sincèrement, je ne crois pas que le débat sur le projet de loi C-3 soit politique. À la longue, il pourrait le devenir. Je pense qu'au point de départ, on se l'était bien dit, et on avait travaillé souvent ensemble M. Saada et nous à d'autres projets de loi sans faire de politique. Sur ce projet de loi-ci, je ne voulais pas et je ne veux toujours pas faire de politique, parce que c'est un sujet trop important. Ce n'est pas un sujet sur lequel on devrait faire de la politique.

• 1120

La question qu'il faut se poser, maintenant qu'on l'a devant nous, c'est si le projet de loi C-3 va aider à faire en sorte que tous les intervenants et tous les spécialistes aient la complicité nécessaire pour prendre une bonne décision à la lumière d'un bon rapport, d'abord et avant tout, un rapport psychiatrique, un rapport prédécisionnel—un influence l'autre, naturellement—et surtout, en arriver à une décision sur les mesures à prendre afin de répondre adéquatement aux besoins du jeune qui est aux prises avec un problème de justice. Je ne le répéterai jamais suffisamment, parce qu'à l'heure actuelle, les besoins de l'enfant constituent la pierre angulaire de tout le système au Québec. Ensuite, je pense que le juge doit faire l'examen de tout cela et prendre une décision à la lumière de tous les rapports qui sont au dossier.

Une des problématiques sur laquelle ils se sont penchés avec raison, parce que c'est très important, je l'ai dit tantôt, ce sont les problèmes liés au déroulement de la procédure. En quoi le projet de loi C-3 va-t-il améliorer quoi que ce soit à la Loi sur les jeunes contrevenants quant aux problèmes liés au déroulement de la procédure? Si la ministre avait témoigné plus longtemps, je lui aurais posé cette question. Je lui en aurais posées plusieurs autres également, mais les règles étant ce qu'elles sont, je n'ai pu lui poser que deux ou trois questions seulement et elle a refusé de revenir témoigner aujourd'hui.

Peut-être que si elle était venue, j'aurais moins de choses à dire ce matin. Elle aurait répondu a un plus grand nombre de questions et elle m'aurait éclairé, rassuré ou inquiété davantage quant à son projet de loi C-3. Elle avait le droit et la liberté de refuser; c'est ce qu'elle a fait. J'ose espérer qu'elle va entendre mon appel et qu'elle sera disponible à compter du mardi 2 mai 2000 pour venir expliquer en quoi ses amendements répondent aux besoins du Québec et ceux de tous les intervenants, y compris les membres de la coalition.

Je pense qu'au niveau de toute la problématique liée au déroulement de la procédure, on fait fausse route. On n'en dit rien. Quant au délai, on en parle moins encore qu'on en parlait dans la Loi sur les jeunes contrevenants, alors que cela aurait peut-être été un des points à améliorer dans la loi actuelle. Donc, on passe à côté de la problématique en ce qui a trait à toute la question de délai.

Pour ce qui est de l'organisation des horaires, je comprends que c'est davantage un problème provincial, mais si on a une loi qui est difficile à interpréter, si on a une loi qui multiplie les interventions judiciaires, si on a une loi qui complexifie davantage les dossiers d'un jeune contrevenant, vous comprendrez que cela aura un effet direct sur l'organisation des horaires des tribunaux. Rendez la loi la plus complexe possible et directement vous influencerez ce qui se passera dans les tribunaux judiciaires du Québec et des autres juridictions provinciales, parce que l'administration de la justice relève des provinces.

On peut se fermer les yeux et vivre dans notre bulle de verre ici et dire que ce que l'on fait ne regarde que nous et que cela ait une influence les provinces ou non, on s'en fout. Nous, nous faisons une loi pour répondre politiquement à des demandes de l'Ouest canadien et aux grands dinosaures du domaine de la justice juvénile. On peut faire cela. Je pense que c'est ce que la ministre a fait.

Je souhaite que la ministre et les membres du comité étudieront la question durant la semaine du congé pascal, pour voir toutes les répercussions qu'aura le projet de loi C-3 sur les provinces s'il est adopté tel quel. C'est ce qu'il faut avoir en tête. Entre autres, je sais par expérience—et vous pouvez aller voir n'importe qui dans les tribunaux—qu'il est très important de tenir compte des délais et qu'il s'agit d'un problème majeur. Si on complexifie la loi comme on veut le faire avec le projet de loi C-3, plutôt que d'améliorer toute l'organisation des horaires dans les palais de justice, on va leur rendre la tâche plus complexe encore, ce qui entraînera aussi des coûts au niveau de l'organisation des horaires dans les tribunaux des provinces.

• 1125

Le décorum lors des audiences, je pense que tout le monde va comprendre que c'est important, mais ce n'est pas le point le plus important. Pour ce qui est des règles de pratique, là aussi, il y avait peut-être des choses à améliorer, ce qu'ils ont fait. Mais pour cela, il faut vérifier ce qui se fait dans les provinces. Il y a certaines règles de pratique qui ont été améliorées.

Passons maintenant à la place de certains acteurs au tribunal: les parents et les victimes. Encore une fois, on parle des victimes et encore une fois, on parle des parents. Je pense que l'approche québécoise ou le modèle québécois répond adéquatement aux revendications, ou plutôt aux remarques de l'Alliance canadienne et aux remarques du Parti conservateur relativement aux droits des victimes, aux obligations des parents, et vice versa aussi: aux droits des parents et aux obligations des victimes. L'approche québécoise répond à ces questions-là. Est-ce que l'approche ontarienne répond à ces demandes-là? Est-ce que les approches albertaine et manitobaine répondent à ces critères-là? Humblement, je vous dis non.

Alors, s'ils croient que c'est la loi qui empêche cela, ce n'est pas surprenant que l'Ouest canadien veuille qu'il y ait des modifications. Mais c'est au fédéral, c'est le rôle de la ministre de la Justice de dire aux provinces que les parents et les victimes ont des droits et des obligations.

Il y a des choses que vous pouvez faire avec la Loi sur les jeunes contrevenants. Il y a des choses qu'on fait au Québec. Il y a des programmes qui permettent de faire certaines choses. Il peut y avoir des projets-pilotes. Il peut y avoir toutes sortes de choses pour tenter d'améliorer l'approche ou améliorer la place que certains acteurs peuvent ou doivent avoir au tribunal. Pour cela, encore une fois, il faut s'être penché sur la question, il faut avoir répondu à la question du juge Jasmin, à savoir quelles politiques jeunesse y a-t-il dans la province.

On ne peut pas sortir cela d'un chapeau comme on en sort un lapin. Il faut se pencher là-dessus et sincèrement, je pense que la ministre ne l'a pas fait. J'ose espérer qu'elle va profiter du temps que je veux lui donner pour voir ce qui se passe dans les autres provinces et surtout leur demander quelles politiques jeunesse elles ont dans leur province. Je suis persuadé que plusieurs provinces ne sauront pas quoi dire. Cela va peut-être les inciter à tenter de faire l'étude de ce qui existe dans leur province pour qu'on ait quelque chose de plus cohérent, qu'on ait un projet de loi qui va satisfaire tout le monde.

Si après cette étude exhaustive, cette étude très sérieuse de la part de chacune des provinces, on en arrive à la conclusion qu'on ne s'entendra jamais, pourquoi la ministre de la Justice ne proposerait-elle pas, tout simplement, que toute la question des jeunes contrevenants relève des provinces? Cela se peut. Il se peut qu'elle en arrive à cette conclusion. Sur le chemin de Damas, il y en a plusieurs qui tombent et qui voient la vérité. Peut-être que la ministre va comprendre quelque chose qu'elle a de la difficulté à saisir à l'heure actuelle, parce qu'elle n'a peut-être pas posé les bonnes questions. Je le répète, quelles politiques jeunesse les provinces ont-elles? C'est la question primordiale.

Au niveau des mesures, il y a une étude approfondie dans ce document que je vous invite à lire durant votre congé pascal, malgré que je vais en faire un petit peu la nomenclature au cours de la semaine, pour voir tous les tenants et les aboutissants de ces remarques qui sont extrêmement importantes.

Donc, parmi les mesures qu'on retrouve au chapitre 6, il y a la mise sous garde. C'est une question que plusieurs libéraux ont posée. Comment se fait-il qu'il y a moins de mises sous garde au Québec? Comment se fait-il que les statistiques sont différentes au Québec? Comment se fait-il? Comment se fait-il? Comment se fait-il? Bien qu'ils aient répondu adéquatement à toutes les questions, je pense qu'il subsiste encore un doute dans votre esprit, sinon on ne serait pas ici ce matin. Je vous invite à regarder minutieusement, statistiques à l'appui—il y a plusieurs statistiques disponibles—, toute cette question de la mise sous garde, pour voir quels types de mises sous garde existent au Québec. Peut-être apprendrez-vous des choses. Peut-être qu'il y a des choses qui ne se font pas nécessairement chez vous.

En ce qui concerne le mode de désignation des milieux de garde fermée ou ouverte, je suis sûr qu'il y en a qui entendent ce jargon pour la première fois. Ce serait peut-être intéressant que vous preniez connaissance de ce qui se fait au Québec relativement à cela.

• 1130

Il existe des ordonnances mixtes également. Il y a aussi la mise sous garde discontinue. Ce serait peut-être intéressant de voir pourquoi cela fait partie des raisons pour lesquelles les statistiques sont moins élevées au Québec relativement à la mise sous garde. Peut-être qu'avec les mises sous garde discontinues, le jeune doit se rapporter à certains moments et qu'il a une certaine liberté.

Il y a peut-être des choses que vous devriez vérifier à cet effet. J'ose l'espérer. Aux dires de la ministre, ce projet de loi est extrêmement important, sans doute le plus important des projets de loi sur lesquels on aura à se pencher durant la présente législature. Je vous offre la possibilité de décider, en votre âme et conscience, du sort de ce projet de loi tout en connaissant les tenants et les aboutissants de chacun des articles sur lesquels vous voterez.

Pour ce faire, il faut lire. Il faut se documenter. Il faut voir ce qui se passe ailleurs. Je tente aujourd'hui d'apporter ma mince contribution à la réflexion approfondie que vous allez faire, mais j'ose espérer vous donner le goût d'en savoir davantage. Toute la question de la mise sous garde constitue un élément extrêmement important.

Tantôt, j'interviendrai davantage sur la question de la séparation entre la mise sous garde en milieu fermé et l'hébergement en vertu de la Loi sur la protection de la jeunesse. Je vais expliciter davantage les remarques que le comité a faites parce que je pense qu'une fois que vous aurez compris cela, vous comprendrez ensuite beaucoup de choses. Vous verrez peut-être toute la philosophie derrière l'approche québécoise.

Le contrôle des comportements pendant la mise sous garde, c'est un peu de la prévention. Vous comprenez que les grandes notions qu'on applique dans notre façon de faire au Québec s'entrecroisent. Il ne s'agit par de parler de prévention et une fois qu'elle est finie, tourner la page pour passer à d'autres mesures et une fois que ces autres mesures sont finies, tourner la page pour passer aux procédures judiciaires et une fois que les mesures judiciaires sont finies, tourner la page. Ce n'est pas ce que l'on fait.

Tout est interrelié. Ce n'est pas du jour au lendemain, qu'on arrive à ces résultats. Après avoir fait des études très approfondies, des études importantes de la part de chacun des intervenants, on arrive à certaines conclusions, à certaines orientations d'un système de justice pour les jeunes contrevenants. On n'improvise pas.

Au Québec, la position que nous avons, le modèle québécois que je défends, ou que je tente de défendre de mon mieux, est quand même fragile puisque tout est interrelié. Il ne faut pas tenter, comme je le disais tout à l'heure avec mon exemple de la chaîne, d'affaiblir un maillon de la chaîne, autrement, on va casser cette chaîne.

Je tente de vous dire que ce n'est pas du jour au lendemain qu'on est arrivé à cela. C'est parce qu'au Québec, on investit depuis au moins les 30 dernières années et on a une approche très spécifique sur la problématique des jeunes contrevenants. On se doit de consulter tout ce beau monde pour en arriver à une approche ou à un modèle qu'on qualifie aujourd'hui de modèle québécois.

C'est évident que ce n'est pas au cours de la semaine où je vous demande d'étudier cette question que vous allez arriver avec une approche pour l'Alberta qui ressemblerait à l'approche québécoise. C'est bien évident. Cependant, vous aurez peut-être le goût de poursuivre votre étude.

Si je réussi à faire cela ce matin, j'aurai réussi de grandes choses, comme le disait un premier ministre du Québec. Donc, tous les intervenants au niveau de la mesure sous garde sont interreliés et ils se parlent pour en arriver à la meilleure approche pour le jeune. Encore une fois, on parle des besoins des jeunes.

On va voir les comportements violents. Il y a des jeunes qui ont un comportement violent et c'est peut-être eux qui ont besoin davantage d'attention et c'est peut-être avec eux que les spécialistes doivent travailler davantage. On a des réussites. Je vous disais tout à l'heure que je connais quelqu'un qui a tué deux personnes et qui est aujourd'hui un citoyen anonyme. Il est boucher. Il travaille. Il n'est plus aux crochets de la société. Il a une femme. Il a un enfant. Tout va bien pour lui. Tant mieux. Je ne vous dirai pas qu'il n'avait pas un comportement violent auparavant, mais on a réussi, avec les outils qu'on avait à notre portée, avec la Loi sur les jeunes contrevenants, à faire en sorte que ce jeune-là, aujourd'hui, est entré dans le rang. Je parle des jeunes, mais ce n'est plus un jeune; il est plus âgé que moi. Il est devenu un citoyen anonyme, mais lorsqu'il a commis son crime, lorsqu'il a posé ce geste violent, c'était un jeune. Il avait moins de 18 ans. Il avait 16 ans exactement.

• 1135

Il y a des jeunes également pour qui l'incarcération est une partie de plaisir. Ils veulent en sortir au plus vite et ils vont manigancer ou réfléchir à toutes sortes de choses pour s'évader. Il faut également avoir le réflexe de comprendre cela, avoir l'expertise nécessaire pour diagnostiquer ou plutôt pour comprendre que ce jeune-là a un goût pour l'évasion et que cela le valorise de s'évader, puisqu'il déjoue le système. Donc, ça prend également des spécialistes et c'est dans tout le contrôle des comportements, pendant la mise sous garde, qu'on voit cela, qu'on observe cela.

Il y a aussi des jeunes avec lesquels il faut vraiment appliquer des mesures disciplinaires. Il y a des jeunes qui ont besoin de se faire dire non. Il y a des jeunes à qui on a besoin de dire: «Écoute, c'est comme cela que ça marche. Voici les règles. Tu as intérêt à les respecter, sinon telle chose va t'arriver.» Mais pour cela, il faut que la province ait des politiques jeunesse. Il faut que la province sache quoi faire avec un jeune en difficulté. Il ne suffit pas seulement d'avoir l'idée de l'incarcérer pour régler le problème pour les cinq ou six ans qu'il passera derrière les barreaux. Pour ce faire, ça prend des politiques jeunesse.

J'ose espérer que durant le congé pascal et jusqu'au mardi 2 mai 2000 à 9 h 30, vous, les libéraux d'en face, allez vous interroger là-dessus et surtout que vous allez, dans chacune de vos provinces respectives, communiquer avec les responsables, le ministre de la Justice ou le solliciteur général, pour leur demander quelles sont les politiques jeunesse, pour leur demander ce qu'ils font avec un jeune en difficulté. Et mardi le 2 mai, on va pouvoir discuter de ces choses et tout le monde va comprendre, tout le monde va savoir de quoi je parle, quelle est l'orientation préconisée par le Québec, quelle est la position du Québec et ce qu'est le modèle québécois pour les jeunes contrevenants.

Si je posais la question aujourd'hui aux députés réunis autour de cette table, je ne suis pas sûr qu'il y aurait des députés qui sauraient ce qu'est le modèle québécois. Je vous comprends, c'est très complexe. Il a fallu 30 ans à monter le modèle québécois pour les jeunes contrevenants. Vous ne le comprendrez pas du jour au lendemain.

Je dois ajouter, j'allais l'oublier—et je vais sûrement oublier certaines choses, mais au fur et à mesure que je parlerai, cela me reviendra—, mais le projet de loi C-3 modifie la Loi sur les jeunes contrevenants avant même qu'on ait obtenu les statistiques sur les dernières modifications qui ont été apportées relativement aux renvois. Vous modifiez coup sur coup la Loi sur les jeunes contrevenants et à chaque fois, c'est pour répondre aux demandes de l'Ouest canadien, pour répondre à certaines demandes du Canada anglais, sans même évaluer les conséquences des amendements que vous avez apportés.

La question du renvoi a fait l'objet de la dernière modification. On sait fort bien qu'au Québec, il y a très peu de renvois. La situation est différente dans l'Ouest canadien. Est-ce que vous avez des statistiques? Avez-vous le résultat de toute la question des renvois? Est-ce que cela a aidé la justice juvénile dans ces provinces-là? Est-ce que vous avez amélioré le système juvénile en modifiant la loi comme vous l'avez fait au cours des dernières années? Plusieurs témoins sont venus dire que vous modifiez la loi et que vous ne vous êtes même pas arrêtés pour savoir si les dernières modifications législatives sur la Loi sur les jeunes contrevenants ont porté fruit, si les objectifs avaient été atteints. Mais non, on tend l'oreille à l'Ouest canadien et on entend dire durcissement, durcissement.

Alors les élections sont dans l'air, semble-t-il. Selon le premier ministre, ce sera dans les 12 ou 15 prochains mois. Alors on se dit que ce serait peut-être important qu'on durcisse le ton au niveau de la Loi sur les jeunes contrevenants, ou plutôt qu'on donne suite au fameux Livre rouge. Je me souviens fort bien que dans le Livre rouge du Parti libéral, on accusait les jeunes contrevenants de tous les maux. C'est facile, on crée un problème qui n'existe pas et on trouve une solution imaginaire, qui est le projet de loi C-3, pour tenter de le résoudre.

• 1140

Le problème de jeunes existe et il faut sans cesse tenter de le régler. Il n'est toutefois pas aussi grave que le laissent entendre la ministre de la Justice et la population de l'Ouest canadien qui essaient de trouver une solution miracle par ce projet de loi C-3. Je ne sais pas qui saura appliquer ses dispositions qui sont très complexes.

C'est bien beau de modifier une loi, mais écoutez, il faut s'arrêter à un moment donné et examiner ce qu'on a fait jusqu'ici. Lorsque j'entends dire entre les branches que le comité de la Justice a déjà étudié toute cette question des jeunes contrevenants sous la présidence de Mme Cohen, je suis obligé de dire oui. Il y a toutefois un point sur lequel on ne s'entendra pas. Avant même que nous n'entamions notre étude, les conclusions avaient été dictées par le Livre rouge du Parti libéral du Canada. Ça ne va pas bien, n'est-ce pas? On s'est pété les cartoons pendant quelques semaines pour étudier la Loi sur les jeunes contrevenants, alors que dans la manche de quelqu'un, quelque part au ministère de la Justice, et plus précisément au cabinet de la ministre de la Justice libérale du Canada, les conclusions de l'étude étaient déjà rédigées en conformité—drôle de circonstance—avec le Livre rouge publié lors des dernières élections fédérales.

L'étude que nous avons faite est une étude bidon. Ce n'est pas la première fois que je le dis et que je le répète; les dés étaient pipés. On n'a pas écouté ce que les témoins, entre autres ceux du Québec, sont venus nous dire au sujet du projet de loi C-3. Je comprends que vous n'aviez en tête que le Livre rouge, dont l'objectif était le durcissement de la Loi sur les jeunes contrevenants. Bien qu'une bonne partie de l'électorat achète cela, ce n'est pas le cas du Québec. L'étude était pipée dès le départ. Je dois vous dire que vous ne connaissez pas toutes les répercussions des modifications que vous proposez. Vous ne pouvez pas nous donner de garanties, ni d'assurances parce que vous ne le savez pas non plus.

Je suis sûr que, de votre for intérieur, vous savez que vous mettez en péril l'approche québécoise, mais que vous souhaitez que, par la débrouillardise et la façon dont on applique les lois au Québec, nous saurons préserver notre volet social et nous débrouiller pour tenter d'avoir quelque chose qui ressemblera à ce qui existe présentement.

Vous souhaitez que dans l'Ouest canadien, on applique un tantinet les dispositions de la Loi C-3. Comme l'avait indiqué M. Allan Rock lors d'une rencontre, il serait tellement facile de faire l'inverse et de vendre l'approche québécoise dans les autres provinces. Je comprends cependant que M. Rock venait de l'Ontario, tandis que la ministre actuelle vient de l'Ouest canadien, où l'électorat adopte une position très différente face aux jeunes contrevenants.

Ce que j'offre, monsieur le président, par la motion que je présente ce matin, c'est la possibilité pour tout le monde autour de cette table de prendre connaissance du modèle québécois, de voir ce qui se passe et d'examiner en profondeur l'approche qu'on défend depuis longtemps au Québec. Je souhaite que toutes les provinces reconnaissent ce qu'on fait au Québec et qu'elles désirent s'en rapprocher le plus possible. Certains députés autour de cette table ont dit à quelques reprises qu'au Québec, on fait les choses différemment. Je les invite à aller jusqu'au bout de leur raisonnement, à être respectueux de ce qu'ils ont dit et faire preuve de logique en votant en faveur de ma motion. Nous pourrons profiter de ces deux semaines de congé pascal pour réexaminer l'approche québécoise et tenter de découvrir pourquoi on se bat avec acharnement depuis le début, on dit que c'est très important pour le Québec, on défend l'importance de maintenir notre approche différente et on dit que c'est un modèle québécois que l'on ne retrouve pas ailleurs.

Nous pourrions aller rencontrer les intervenants du milieu, dont ceux qui travaillent à l'Institut Philippe Pinel et dans les tribunaux, pour voir comment ça fonctionne de A à Z. Nous pourrions rencontrer sur place les policiers et les entendre nous expliquer leur approche bien spécifique. Nous pourrions aller voir ceux qui appliquent les mesures de rechange, ce qu'on n'a pas fait jusqu'ici. Nous pourrions aller entendre ce qu'on n'a pas bien entendu et essayer de comprendre ce qu'on n'a pas bien saisi. Si vous aviez compris, vous n'auriez pas présenté le projet de loi C-3. Vous vous opposeriez à un projet de loi semblable. Vous appuieriez ma position et défendriez le même point de vue si vous saviez comment on fait au Québec avec les jeunes contrevenants.

• 1145

Je parlerai ici de toute la question de la mise sous garde. Je disais au départ qu'il y avait une interrelation entre les différents intervenants, ce qui est bien vrai. Je conviens que c'est très complexe. Si on est de bonne foi et qu'on croit vraiment qu'au Québec, on fait certaines choses différemment—comme l'avait indiqué le ministère de la Justice par l'entremise de M. Allan Rock—, on voudra finalement que le Québec influence l'approche des autres provinces. On pourra aller voir ce qu'on fait réellement au Québec, et par la suite aller voir chacune des autres provinces et leur demander quelles politiques jeunesse elles ont adoptées. On pourra leur donner le Québec en exemple et les inciter à suivre ce modèle.

Existe-t-il ailleurs au pays des centre de réadaptation qui veillent à l'application de ces mesures, des centres où on a véritablement tenu compte des besoins du jeune et examiné sa vie familiale, sociale et personnelle? J'aimerais le savoir. Si tel est le cas, j'aimerais qu'on me dise ce qu'ils font et s'ils appliquent des politiques jeunesse différentes ou semblables à celles du Québec. Pourrait-on les influencer? Pourrait-on les aider à avoir une approche qui ressemble le plus possible à celle du Québec? Je ne le sais pas. Mais il faut savoir s'il en existe ou pas, monsieur le président.

La réinsertion sociale des adolescents mis sous garde est une question importante. Nous tentons de leur imposer des programmes de réinsertion sociale. S'ils sont sous garde, c'est parce qu'ils ont commis une infraction assez grave. Nous avons prévu des mesures de réinsertion afin qu'ils puissent devenir des citoyens anonymes, payer leurs taxes et impôts, former une famille, faire rouler l'économie et ne plus être aux crochets de la société. Cette approche n'est-elle pas préférable à les mettre derrière les barreaux dans un bel édifice bien moderne en béton où ils serviraient leur peine, pour qu'ils fassent leur temps comme on le dit dans le jargon carcéral? Par la suite, lorsqu'ils en sortiront, qu'auront-ils appris? Il y a vraiment un questionnement qu'on doit faire. Nous devons demander aux autres provinces quelles sont leurs politiques jeunesse. On sait que dans certaines provinces, les jeunes adolescents sont incarcérés dans les même pénitenciers que les adultes.

De plus, les amendements qu'on propose dans le projet de loi C-3 feront en sorte qu'un jeune de 16 ans qui devra purger une peine de cinq ou six ans purgera une partie de sa peine dans un centre de réadaptation au Québec et le reste dans une prison pour adultes. Bien qu'on aura commencé à investir dans ce jeune en vue de sa réadaptation et de sa réinsertion sociale, lorsqu'il atteindra l'âge de 18 ans, on le transférera dans une prison pour adultes. C'est cela la grande logique du projet de loi C-3.

À quoi cela nous servira-t-il d'investir dans un jeune qui, une fois rendu dans les prisons pour adultes, sera influencé par des adultes qui ont commis des crimes graves? Pourquoi l'envoyer dans les petites universités du crime pour qu'il puisse apprendre comment faire un vol à la banque, à la caisse populaire et dans des dépanneurs, ou tout autre crime sans se faire prendre? Voilà la grande logique du projet de loi C-3. Pensez-vous que c'est ça qu'on veut au Québec? Croyez-vous que l'on souhaite de telles influences? Non. Il faudrait comprendre toute la problématique.

En plus des mesures relatives à la mise sous garde, il y a également la question des probations. Bien que j'en traite ici rapidement, je pourrai vous en parler un peu plus tard de façon beaucoup plus approfondie afin que vous la compreniez et que vous ayez le goût d'en savoir plus. Ce que je souhaite aujourd'hui, c'est de soulever des interrogations.

• 1150

Je veux vous inciter à faire chez vous le travail qu'on fait depuis longtemps au Québec. Il faut comparer ce qu'on fait au Québec et ce qu'on fait dans les autres provinces. Il faut examiner les mesures qui existent dans notre province d'origine qu'on pourrait reprendre et adapter ailleurs, dans les province où habitent les commettants et commettantes que nous représentons. Qu'on soit des Maritimes ou de l'Ouest canadien, on représente nos commettants et commettantes, et on recherche ce qu'il y a de mieux pour eux. En tout cas, moi, c'est ma philosophie. Je ne défendrai jamais un projet de loi si je crains qu'il puisse brimer les droits de mes commettants et mes commettantes, mes électeurs et mes électrices.

Au contraire, je vais déchirer ma chemise et je vais vous donner pendant le plus longtemps possible des arguments pour tenter de vous convaincre que vous faites fausse route. À la suite de mes discussions avec des député libéraux du Québec et de l'Ontario, je sais pertinemment que l'approche du projet de loi C-3 n'est pas la meilleure des approches, ni celle que vous souhaitez. Je sais pertinemment que s'il s'agissait d'un vote libre, certains de ces députés voteraient contre le projet de loi C-3.

Je leur demande aujourd'hui de revoir toute cette question-là et de chercher à savoir si le jeu en vaut la chandelle. Devrait-on faire de la petite politique sur cela? Je crois connaître suffisamment bien certains députés libéraux pour savoir que malgré notre opposition au niveau de plusieurs grandes questions nationales, certains députés libéraux ont une colonne vertébrale, ils sont intelligents et ils voient toute les conséquences qui découleront de ce projet de loi. J'ose espérer que lorsqu'ils vont se lever, ils diront haut et fort ce qu'ils me disent et ce qu'ils disent aux membres de la coalition dans les coulisses du Parlement et des palais de justice du Québec, à savoir que ce n'est pas une bonne loi, et qu'ils voteront contre.

Vous appuierez la motion que j'ai présentée ce matin afin qu'elle soit adoptée et qu'on enjoigne le ministère à faire ses devoirs. Il faut que le ministère et la ministre voient que les amendements qu'on nous propose équivalent à rire de nous autres. On rit de l'approche québécoise. On agit comme si on était des valises et on s'attend à ce qu'on digère tout ce qu'on nous a donné. C'est de penser qu'on est de beaux innocents, monsieur le président, et qu'on ne voit pas que ça change rien dans toute la philosophie que cette nouvelle approche du projet de loi C-3. On ne se rend pas compte que ces amendements, conjugués à la complexité du projet de loi, font en sorte que la Loi sur les jeunes contrevenants et l'approche qu'on a défendue au cours des 30 dernières années est en péril.

On semble penser, monsieur le président, qu'on est de beaux innocents et qu'on va dire oui à ces amendements-là sous prétexte qu'on a changé des paragraphes, ajouté des virgules ou remplacé un mot. Cette question est plus complexe que ça, et ils le savent. Monsieur Mancini, vous pouvez rester ici; j'étais en train de vous convaincre. Bon, il est parti. J'ose espérer que les députés libéraux du Québec et de l'Ontario voteront en faveur de la motion que j'ai présentée ce matin afin que nous puissions profiter de ces dix jours du congé pascal pour examiner toute cette question-là, afin que nous puissions évaluer l'importance et les conséquences des modifications que nous étudierons éventuellement, je ne sais trop quand, mais sur lesquelles on se penchera un jour ou l'autre, j'en suis persuadé.

J'espère sincèrement qu'on pourra étudier... Bon, M. Peter MacKay vient de partir également. J'ose espérer qu'il va relire tout le compte rendu de nos discussions de ce matin et qu'il se procurera la publication Les jeunes contrevenants: au nom et au-delà de la loi qu'a publiée en 1995 le gouvernement du Québec. Cette lecture lui permettra de comprendre que l'approche du projet de loi C-3 n'est pas une bonne approche pour différentes raisons, y compris certaines que j'ai mentionnées ce matin au niveau de la prévention, de l'intervention policière, du programme de mesures de rechange et de l'intervention judiciaire. Je traite présentement des mesures et il y a, monsieur le président, de nombreux autres éléments qui entrent en ligne de compte, dont la probation.

Je dois souligner que je suis en présence du président tout à fait idéal pour comprendre mon point de vue puisqu'il a déjà été solliciteur général du Canada. Il comprend toute la problématique et l'importance de la question de la probation. Vous connaissez toute la problématique et l'importance de la question de la probation. Je suis persuadé que vous savez que c'est important et qu'au Québec, encore à ce niveau-là, on a une approche qui est différente des autres provinces. Encore là, si je posais la question aux députés qui sont autour de le table, je ne suis pas sûr, monsieur le président, que j'obtiendrais des réponses probantes à ma question.

• 1155

Le contexte de la décision au niveau de la probation est très important. De quelle façon le projet de loi C-3 va-t-il nous aider relativement à cela, monsieur le président? De quelle façon? Si vraiment on veut améliorer le système, il va falloir qu'on réponde, à un moment donné, aux questions que j'ai posées. De quelle façon le projet de loi C-3 va-t-il aider les policiers, les mesures, les programmes de mesures de rechange, l'intervention judiciaire et la probation? En quoi le projet de loi C-3 va-t-il nous aider? En rien. Personne n'est venu nous dire que ça allait les aider.

Au niveau de la probation, du contexte entourant la décision, il y a toutes les conditions de l'ordonnance où les juges ont une certaine marge discrétionnaire, mais quand même, la loi va drôlement les influencer. Encore une fois, je pense que c'est le juge Jasmin qui nous l'a dit, en plus de nous dire qu'il y avait des contradictions dans la loi. Mais ça, c'est autre chose. J'y reviendrai un petit peu plus tard.

Toujours le 22 février 2000, à 17 h 15, à la page 32 de 41, le juge Jasmin dit:

    Si la loi stipule que c'est l'infraction qui prime, que notre premier critère, c'est la gravité de l'infraction, nous devrons modifier notre approche.

Mais notre approche va être influencée à tous les stades, y compris au stade des mesures de rechange ou au niveau de la probation. Monsieur le président, j'ai un sixième sens aujourd'hui et j'entends dire du côté du ministère devant moi, qu'il y a des amendements dans le projet de loi C-3, des amendements qui vont répondre à tous mes critères et à toutes mes interrogations, et que je ne dois pas avoir peur. J'ai drôlement peur avec les amendements qu'on nous propose. On a mis un peu plus de chocolat sur l'arachide pour nous la faire avaler, mais si on est allergique aux arachides, cela ne change pas le fait qu'on va être malade. Rien ne change, monsieur le président.

Ce n'est pas parce qu'on verra, un jour, les amendements en profondeur—et je pourrai plaider autre chose à ce moment-là—que les amendements qu'on nous propose vont répondre aux préoccupations du juge Jasmin, des autres juges ou des coalitions. C'est toute la philosophie qui va orienter, monsieur le président, l'application de la loi. C'est la philosophie qui va être influencée et j'espère que j'aurai réussi à faire comprendre aux gens que ce n'est pas en modifiant un mot ou un autre, en mettant une virgule ou deux ou cinq, comme la ministre le propose dans son projet de loi, qu'on change cette philosophie-là. On ne change rien.

Cette philosophie est différente, simplement différente, dans la Loi sur les jeunes contrevenants et dans le projet de loi qu'on nous propose, la Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence. La philosophie est différente. On va l'appliquer différemment. C'est tout simplement ça, mais c'est tout ça, monsieur le président, et on va l'appliquer différemment à toutes les instances, à toutes les étapes, y compris au niveau de la probation. Et cela, il faut s'en rendre compte avant d'adopter ce projet de loi.

Ma motion est directement reliée à cela, monsieur le président. Ma motion, c'est pour sauver le modèle, non pas seulement le modèle québécois, mais le modèle canadien, parce que d'une certaine façon, on fait partie de ce système et si on peut en quelque sorte influencer les autres provinces, c'est tant mieux. Si on peut vous laisser de bonnes choses lorsqu'on partira, tant mieux. Si on peut servir de modèle quand on n'y sera plus, tant mieux. Mais pour ça, il ne faut pas que le projet de loi C-3 soit adopté, monsieur le président, et je vais me battre avec toute l'énergie qu'il me reste, monsieur le président, et il m'en reste beaucoup.

On va revenir à la probation de façon très sérieuse parce que c'est important. Il y a toute la question du suivi de la probation. Il peut y avoir une probation sans suivi. Il peut y avoir une probation très suivie, mais encore là, monsieur le président, ça dépend du rapport prédécisionnel. Ça dépend s'il y a eu des rapports de spécialistes dans le dossier. Cela dépend de beaucoup de choses. Il peut y avoir aussi une probation intensive, monsieur le président. Il peut y avoir toutes sortes de choses relativement à cela.

• 1200

Ce qui est important, même au niveau de la probation, c'est de connaître les ressources à la disposition de l'adolescent. On donne une probation, soit. On détermine certains critères, soit. Quelles sont les ressources mises à la disposition du jeune? Quelles sont les ressources de la province pour faire le suivi? Cela revient exactement à la même question; on revient toujours au point de départ de mon argument, au point de départ du dépôt de ma motion. Il faut avoir du temps afin que les provinces répondent à la question que le juge Jasmin a posée le 22 février: quelles politiques jeunesse avez-vous? C'est ça la question, monsieur le président.

Quelles sont les ressources pour atteindre l'objectif, pour arriver à l'approche des politiques jeunesse. Pour cela, il faut du temps. Je le sais, monsieur le président, vous allez être le premier à me demander le 2 mai si je suis d'accord pour que l'étude article par article soit reportée au mois de septembre, afin de nous permettre d'étudier cet important projet de loi en profondeur. Je vous dis d'avance que si vous me demandez de reporter l'étude article par article au mois de septembre, je vais accepter. Ça me fera plaisir et je vais mettre toute la coalition québécoise à votre disposition. Je vais lui demander de travailler avec vous pour faire comprendre l'approche québécoise et tenter d'influencer le plus possible toute l'intervention dans les autres provinces. Ce serait souhaitable même, monsieur le président, que vous me fassiez la proposition de reporter l'étude article par article au mois de septembre. On aurait le temps d'élucider tout ça et d'examiner froidement, correctement, tout le système de justice juvénile qui est un système extrêmement important.

La condition de résidence, ça aussi, c'est important. Je me demande si dans les provinces, on s'arrête à cela. Les outils de gestion du déroulement de la probation et l'interrelation qui existe entre le rapport prédécisionnel et la probation sont des choses sur lesquelles il faut s'arrêter. À ma connaissance, on n'a pas examiné cela, monsieur le président, au cours de cette étude. J'étais là en 1993, 1994 et 1995 lorsqu'avec Mme Cohen on a fait la belle grande étude faussée au départ, puisque les conclusions étaient déjà écrites, comme je le disais tout à l'heure. On ne s'est pas vraiment arrêtés à chacun de ces points-là.

Je pense qu'on a pris le problème par le mauvais bout. C'est drôle à dire, mais on est arrivé à la Chambre des communes avec une solution et on a tenté de trouver le problème correspondant. Mais comme on a la mauvaise solution, on n'a jamais mis le doigt sur le vrai problème et ça, c'est préoccupant. C'est préoccupant parce que selon moi, on aurait pu économiser beaucoup d'énergie si on avait tenu compte d'une seule chose, c'est-à-dire que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Il y a un aspect qu'il est possible d'améliorer, comme je le disais plus tôt; c'est la question des délais, point final. Mais tantôt, on discutera du rapport plus aisément.

Monsieur le président, est-ce que nous avons le quorum?

Le président: Non.

M. Michel Bellehumeur: Non, est-ce qu'on peut avoir le quorum?

[Traduction]

Le président: Je signale l'absence du quorum.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est tellement passionnant ce que je dis.

[Traduction]

Le président: À vous de décider.

Puisqu'il n'y a pas quorum, la séance est levée jusqu'à 15 h 30 cet après-midi.

La séance est levée.