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JUST Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON JUSTICE AND HUMAN RIGHTS

COMITÉ PERMANENT DE LA JUSTICE ET DES DROITS DE LA PERSONNE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 12 avril 2000

• 1540

[Traduction]

Le président (l'hon. Andy Scott (Fredericton, Lib.)): Cette séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne est ouverte. Nous examinons le projet de loi C-3.

Je cède la parole à Michel Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Merci beaucoup, monsieur le président.

Le président: Juste un moment, s'il vous plaît.

[Traduction]

Je voudrais aussi signaler la présence de membres du Forum pour jeunes Canadiens. La personne qui m'envoie la main est du Nouveau-Brunswick. Bonjour. Je suis certain que M. Bellehumeur profitera de l'occasion pour vous éclairer sur ce qui se passe ici.

Sur cette subtile suggestion, je cède la parole à M. Bellehumeur.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Merci beaucoup, monsieur le président.

Écoutez, nous sommes effectivement à discuter depuis hier d'une motion extrêmement importante qui a été déposée dans le délai prescrit et qui est libellée de la façon qui suit:

    Que l'examen article par article du projet de loi C-3, intitulé Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence, soit reporté au mardi 2 mai 2000 à 9 h 30.

Monsieur le président, je dépose cette motion pour permettre aux députés du gouvernement et aux députés des partis de l'opposition d'étudier la question plus en profondeur avant d'entreprendre l'adoption du projet de loi article par article, projet de loi qui, comme tout le monde le sait, est fort complexe, surtout à la suite du dépôt de certains amendements par le gouvernement.

Monsieur le président, j'ai discouru hier pendant près de cinq heures et j'ai eu la surprise de voir certains députés qui étaient présents me poser des questions par la suite. C'est la preuve que ce que je fais aujourd'hui est pertinent et qu'il faut que ce soit fait. On n'a jamais pris le temps de le faire, monsieur le président. Il y a un député qui m'a demandé de lui brosser rapidement l'historique de la Loi sur les jeunes contrevenants et de lui dire pourquoi, au Québec, on tenait tant à la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je l'ai invité à lire le document que je n'ai fait qu'effleurer depuis hier. Ce document a été préparé par un groupe de travail dirigé par le juge en chef adjoint du Tribunal de la jeunesse du Québec, l'honorable juge Michel Jasmin, qui a étudié toute la question des jeunes contrevenants. C'est un sujet aux multiples facettes. On ne peut pas s'en tenir à l'aspect judiciaire ou au strict point de vue du législateur fédéral dans le cas d'une loi qui sera appliquée par les provinces. Dans la province, monsieur le président, il y a une série d'interventions qui ont été faites.

Le député du NPD, pour ne pas nommer le parti, qui m'a posé cette question en a posé une excellente et très pertinente. Pourquoi au Québec tient-on tant à la Loi sur les jeunes contrevenants, monsieur le président? Parce qu'elle est appuyée sur de longs antécédents. La loi est le résultat de plusieurs années d'évolution. Elle n'a pas toujours porté le même titre, monsieur le président.

On sait que cette Loi sur les jeunes contrevenants a été adoptée en 1982. C'est seulement après deux années qu'on l'a mise en vigueur. Elle n'était pas exactement ce qu'elle est devenue par la suite. Elle a en effet subi des modifications, comme tout le monde le sait. Mais c'est en 1984 qu'elle a été mise en vigueur la première fois sous le nom de Loi sur les jeunes contrevenants.

Depuis, il y a eu une évolution. Et on est arrivé à la Loi sur les jeunes contrevenants telle qu'on la connaît après une très longue évolution. Il faut, pour comprendre la Loi sur les jeunes contrevenants, connaître son histoire. De toute évidence, pour qu'un député me pose la question, pour qu'il ait eu l'honnêteté de me poser la question, il faut que les gens ne la connaissent pas.

Est-ce qu'on va commencer à étudier article par article un projet de loi important, qui va modifier de fond en comble un régime qui fonctionne bien et qui a fait ses preuves, au Québec entre autres? Est-ce qu'on va adopter article par article un projet de loi semblable sans en connaître l'historique? J'espère que non.

Aujourd'hui, grâce à ma motion, je vais tenter de vous esquisser cet historique pour bien vous mettre dans la tête que c'est important. J'espère que je vais susciter chez vous l'intérêt de connaître la loi et son historique.

Savez-vous en quelle année les premiers jalons d'un statut spécial pour les délinquants mineurs ont été posés au Canada? Je suis sûr que les gens du ministère le savent. Je ne suis pas certain que les députés du gouvernement le sachent, cependant. C'est en 1857 qu'on a parlé de jeunes délinquants pour la première fois, de jeunes qui avaient certains problèmes avec la justice au Canada.

• 1545

On a alors fait une loi, justement la Loi sur les jeunes délinquants, qui mettait en place les fondements d'un système de justice pour mineurs qui allait être élaboré au cours des années, au cours du XXe siècle plus précisément. On a adopté, en 1908, cette Loi sur les jeunes délinquants qui rendait possible l'instauration de tribunaux pour mineurs, au sein desquels un juge paternel et bienveillant, assisté d'agents de probation, dispensait une justice où la prise en compte des intérêts des enfants apparaissait comme la meilleure façon de protéger la société.

C'est en 1908, monsieur le président, qu'on a commencé à se dire qu'il fallait s'occuper des jeunes aux prises avec certains problèmes de délinquance. Pourquoi? Pour protéger la société. Ce n'est pas un élément nouveau. C'est une chose qu'il faut savoir quand on se prépare à adopter article par article un projet de loi, ce que, j'ose l'espérer, nous ne ferons jamais. J'espère que je vais vous convaincre, au cours des minutes et des heures à venir, de ne jamais adopter ce projet de loi et, surtout, de prendre le temps de l'étudier attentivement. C'est à partir de 1908 qu'on a commencé à s'intéresser à la question, en ayant un objectif précis en tête, soit la la protection de la société.

C'est également la première fois qu'on mettait en veilleuse la responsabilité du jeune en considérant qu'il devait être traité. Ceci est fort important. Je pense qu'on l'a considérablement oublié, sinon complètement omis dans le projet de loi qu'on a devant nous. On doit considérer un enfant comme ayant été mal dirigé, ayant besoin d'aide, d'encouragement et de secours. C'est ainsi qu'à l'époque, on qualifiait ou on percevait le jeune. On mettait en veilleuse sa responsabilité et on considérait qu'il devait être traité comme un enfant mal dirigé, ayant besoin d'aide, d'encouragement et de secours.

Je vais sûrement surprendre les députés libéraux qui sont de l'Ontario. Savez-vous, monsieur le président, quelle province a été la première à réclamer qu'on mette de côté la responsabilité du jeune et qu'on mette plutôt l'accent sur sa rééducation, la première à voir que l'enfant ayant fait un mauvais coup a été mal dirigé et a besoin d'aide, d'encouragement et de secours? Savez-vous quelle est la province qui a demandé cela la première fois? C'est l'Ontario, monsieur le président. C'est l'Ontario, agissant selon sa façon de voir les choses à l'époque. Il faut se reporter à l'époque de 1908 et aux années suivantes. À l'époque, on demandait de mieux encadrer les enfants. Cela venait surtout du ministère ontarien qui s'occupait à l'époque de la protection de l'enfance.

Les temps ont changé. En effet, aujourd'hui, le gouvernement de Mike Harris et les députés libéraux de l'Ontario, qui forment pratiquement 100 p. 100 de la députation de l'Ontario à la Chambre des communes, demandent une loi qui parle de répression, de régression, qui va condamner des gens... C'était pire: on infligeait des sentences aux jeunes adolescents aux prises avec des problèmes de criminalité juvénile.

Je sais qu'avec les amendements proposés, on va «imposer» des sentences au lieu de les «infliger». Mais le texte de départ n'a été aucunement modifié. Je suis sûr qu'il y a des linguistes, des gens qui font de la sémantique dans ce ministère, qui savent fort bien que ce n'est pas en modifiant un mot qu'on change le sens et la portée des mots qui le suivent.

C'est donc dire, monsieur le président, que graduellement, la Loi sur les jeunes délinquants a été mise en vigueur au Québec et au Canada au fur et à mesure que les divers districts pouvaient mettre sur pied ce qu'on appelait, à cette époque, la cour des jeunes délinquants.

Monsieur le président, je suis avocat de formation. Je me souviens fort bien d'avoir cité, lors de plaidoyers devant des tribunaux pour adultes et des tribunaux pour jeunes contrevenants, des décisions qui provenaient de la cour des jeunes délinquants. Ce n'est pas d'hier qu'on s'occupe des jeunes, qu'on travaille pour eux et qu'on établit, au fur et à mesure des années, une jurisprudence qui se tient et qui se lit très bien.

• 1550

Au Québec, ce tribunal était chargé d'appliquer la Loi sur les jeunes délinquants et l'Acte concernant les Écoles d'industrie. Là, je remonte en 1910 ou 1912. Les députés du Québec savent de quoi je parle. On a construit petit à petit le système pour lequel on est obligés de se battre aujourd'hui afin d'empêcher le fédéral d'adopter des mesures législatives qui saperaient les piliers extrêmement importants que nous avons construits, au Québec, à la sueur de notre front.

Les membres québécois de la Coalition pour la justice des mineurs sont venus témoigner l'un après l'autre. C'est le message qu'ils nous ont lancé et qui, de toute évidence, n'a pas été compris. Encore ce midi, monsieur le président, j'ai vu M. Jacques Saada à une émission de télé. En l'entendant, je me disais que, bien que la coalition m'ait dit qu'elle l'avait rencontré, il n'avait rien compris ou que le message n'avait pas passé. Il ne défendait pas les intérêts de la coalition.

D'ailleurs, M. Pierre Lamarche, président de la coalition, était son vis-à-vis et expliquait la position du Québec. Il peut bien rire, mais défendre le projet de loi C-3, qui porte sur quelque chose d'aussi fondamental, ce n'est pas défendre les intérêts du Québec. Ce projet de loi porte sur quelque chose qui fait consensus au Québec. L'aviez-vous oublié, monsieur Saada, lorsque vous avez parlé à la télévision?

Le président: Point of order.

M. Jacques Saada (Brossard—La Prairie, Lib.): Je vous ferai remarquer qu'il serait plus élégant de s'abstenir de parler de moi alors que je n'ai pas le droit de répondre.

M. Michel Bellehumeur: Effectivement, monsieur le président, je vais me montrer beau joueur et tenter de vous adresser à vous les remarques que j'aurai à faire, monsieur le président. Je vais me dispenser de nommer certains députés qui ont agi dans ce dossier de façon à défendre la position de leur parti. Effectivement, monsieur le président, je serai beau joueur.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, vous êtes tellement habitué, je suis certain que vous savez comment faire.

Allez-y.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: C'est exact. Je vais continuer, monsieur le président. Excusez-moi.

Donc, avant de m'éloigner quelque peu de mon historique, je disais qu'au Québec, on appliquait la Loi sur les jeunes délinquants, qui était de juridiction fédérale, qui avait été conçue par le fédéral, mais que nous avions aussi parallèlement l'Acte concernant les Écoles d'industrie. On croyait qu'il y avait quelque chose à faire dans les écoles. C'était dès l'année 1908 et dès les années suivantes, monsieur le président.

Avec le temps, la cour des jeunes délinquants est devenue la cour du bien-être social. Pourquoi le bien-être social? Parce qu'on avait créé un autre ministère au Québec, celui de la Santé et des Services sociaux. On a continué à évoluer lentement au Québec, pour finir par la mise sur pied du Tribunal de la jeunesse. C'était à l'époque où j'ai commencé à pratiquer, monsieur le président.

Par la suite, on a graduellement doté d'un statut particulier la juridiction québécoise qui traitait les cas des jeunes délinquants, parce qu'on voulait en faire une cour spécialisée qui ne traiterait que de tels cas. Plusieurs spécialistes pouvaient intervenir sur le plan social ou économique, sur le plan des instituts dédiés à la réhabilitation et à la réinsertion sociale. Ce pouvait être des policiers ou toutes sortes d'autres intervenants. On l'a appelée comme elle s'appelle encore aujourd'hui, c'est-à-dire la Chambre de la jeunesse de la Cour du Québec.

On a vu aussi se produire une autre évolution. Comme on voulait faire intervenir de plus en plus l'État par rapport aux besoins de l'enfant en ayant toujours pour objectif la protection de la société, on a créé une nouvelle loi. L'Acte concernant les Écoles d'industrie s'est successivement modifié pour devenir la Loi de la protection de la jeunesse; aujourd'hui, on parle de la Loi sur la protection de la jeunesse.

Telle a été l'évolution au cours de toutes ces années-là. Cette évolution a été commandée, si je puis dire, par les résultats qu'a donnés l'application de ces lois et surtout par les résultats que nous obtenions au Québec. On se rendait compte que le dollar investi dans l'enfant était un dollar qu'on avait à payer en moins ailleurs, entre autres dans les services de police, dans le béton pour construire des centres de détention pour les jeunes, dans l'aide sociale et dans toutes sortes d'autres programmes. On a vu qu'il était rentable d'investir dans le jeune et surtout que la Loi sur les jeunes contrevenants commençait tranquillement à avoir certaines obligations.

• 1555

Monsieur le président, saviez-vous qu'en 1961, un comité semblable au nôtre aujourd'hui a étudié toute cette question? On a demandé à un dénommé MacLeod d'étudier toute cette question. Il a fait un excellent rapport où j'ai trouvé des citations très intéressantes lorsque j'en ai fait la lecture. Pour les gens qui voudraient consulter ce rapport au cours des deux semaines de sursis que je demande avant qu'on passe à l'étude article par article, je préciserai qu'il s'agit d'un rapport du ministère de la Justice intitulé Délinquance juvénile au Canada; rapport du comité du ministère de la Justice sur la délinquance juvénile, Ottawa, Imprimeurs de la Reine, 1965, mieux connu sous le nom du rapport MacLeod.

Après ce rapport, monsieur le président, on a tenté de modifier la loi pour la faire évoluer. À cette époque-là également, le rapport MacLeod s'était déjà penché sur ce qui se faisait dans les provinces, y compris au Québec, et déjà, à la lecture de ce rapport, on voit que l'approche québécoise avait dépassé le désir de l'Ontario d'intervenir au niveau des jeunes et de la protection de la société.

On a qu'à lire le rapport MacLeod pour se rendre compte de cela. Le Québec avait compris rapidement et avait décidé d'investir rapidement pour la protection de la société, de telle sorte qu'au cours des années 1970, on a déposé un projet de loi. C'était le projet de loi C-192 concernant les jeunes délinquants et abrogeant l'ancienne Loi sur les jeunes délinquants. La première lecture a eu lieu le 16 novembre 1970. Cela n'a pas fait long feu. On ne s'est pas entendus. Toutes sortes de choses se sont produites, deux gouvernements successifs ont pris le pouvoir à Ottawa de sorte qu'on a repoussé ces intentions législatives, et c'est finalement le projet de loi sur les jeunes contrevenants, qui a été déposé pratiquement une dizaine d'années plus tard, en 1981, qu'on a adopté en 1982.

Mais durant cette période, le Québec ne s'est pas croisé les bras en se demandant quoi faire avec les jeunes. On a établi des fondements extrêmement importants sur lesquels on peut se fier aujourd'hui. On a investi beaucoup d'argent et beaucoup d'énergie dans l'application de la Loi sur les jeunes délinquants, ainsi que, depuis 1982 et de façon plus intensive encore, dans l'application juste et correcte de la Loi sur les jeunes contrevenants, comme on se doit de le faire, monsieur le président.

J'invite encore les députés d'en face et les députés de l'opposition, lorsqu'ils auront deux semaines supplémentaires avant le mardi 2 mai, comme je le demande dans ma motion qu'on étudie aujourd'hui, à relire la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants et à me dire par la suite où on la retrouve dans le projet de loi C-3. La déclaration de principes qu'on retrouve au paragraphe 3(1) de la loi actuelle est extrêmement importante. Comme je le disais hier, il a fallu environ 10 ans à la Cour suprême du Canada pour vraiment mettre des balises importantes et faire en sorte qu'il y ait un corridor étroit au niveau de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Je vais vous lire un paragraphe important.

Monsieur le président, est-ce que vous pouvez me dire si on a le quorum? C'est extrêmement important, ce que je vais lire.

[Traduction]

Le président: Huit.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Un, deux, trois, quatre, cinq, six, sept, huit. J'aimerais qu'on ait le quorum, parce que c'est très important, ce que je vais lire.

[Traduction]

Le président: M. Grose vient de sortir.

• 1600

[Français]

M. Michel Bellehumeur: On va l'attendre. On va l'attendre.

Monsieur le président, je ne sais pas combien de temps on va attendre, mais si on n'a pas le quorum, il va falloir ajourner la séance.

[Traduction]

Le président: Je suis prêt à suspendre nos travaux jusqu'à ce qu'il y ait quorum.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Pour combien de temps suspend-on les travaux, monsieur le président?

[Traduction]

Le président: Nous allons suspendre la séance jusqu'au retour de M. Grose.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Pour combien de temps, dites-vous?

[Traduction]

Le président: Jusqu'au retour de M. Grose.

• 1601




• 1604

Le président: Le comité reprend ses travaux. Je cède la parole à Michel Bellehumeur.

[Français]

Un moment, s'il vous plaît. Il y a un appel au Règlement.

M. Jacques Saada: Je voudrais seulement qu'on note au procès-verbal que la représentation libérale autour de cette table est supérieure à la moitié de la délégation prévue, ce qui n'est pas forcément le cas de tous les partis d'opposition.

M. Michel Bellehumeur: J'aimerais qu'on indique au procès-verbal que les libéraux voyagent beaucoup. Ils font toutes sortes de choses à part écouter ce qui se passe ici.

Bon, on va continuer.

J'en étais donc rendu, monsieur le président, à un point extrêmement important. Je disais qu'après le rapport MacLeod, des choses avaient été faites au Québec. On a continué à faire évoluer le droit et, surtout, on a continué à appliquer la Loi sur les jeunes délinquants de façon à protéger la société, mais aussi en tentant de voir ce qu'on pouvait faire pour le jeune. Il y avait toutes sortes de choses. On était en période de révolution tranquille au Québec, et tout était à refaire. Effectivement, il fallait voir ce qu'on pouvait améliorer dans à peu près tous les domaines, y compris dans le domaine de la justice pour les jeunes.

• 1605

C'est pendant cette période et même dans les années 1970 qu'on a eu la Charte des droits et libertés de la personne au Québec, qui prévoyait certaines choses pour la justice en général, mais aussi pour les jeunes. On a fait évoluer cela progressivement. Plusieurs ministères ont déterminé ce qu'ils pouvaient faire pour les jeunes, pour une sécurité accrue du public, pour la réintégration et pour la réinsertion sociale. Parallèlement, au fédéral, après des élections générales et après certaines discussions, on a déposé le projet de loi sur les jeunes contrevenants en 1981, on l'a adopté en 1982 et la loi est entrée en vigueur le 2 avril 1984.

À cette époque, le Québec était très heureux de la Loi sur les jeunes contrevenants. Il était très heureux de sa rédaction en 1981-1982 et de son entrée en vigueur en 1984. Pourquoi? Parce que la Loi sur les jeunes contrevenants correspondait à ce qui se faisait réellement au Québec. On mettait de la chair sur l'os, sur la structure québécoise, et on voulait, en quelque sorte, que ça se répande partout au Canada.

Une de nos garanties au Québec était la déclaration de principes que l'on retrouve au paragraphe 3(1) de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je comprends que la Loi sur les jeunes contrevenants de l'an 2000, celle qu'on connaît aujourd'hui, qui est toujours en vigueur et qui, je l'espère, le sera toujours—du moins au Québec—, a connu certaines modifications. Tout le monde le sait. Mais ce n'étaient pas des modifications fondamentales. Ce n'étaient pas des modifications qui changeaient toute la déclaration de principes ou qui changeaient l'orientation de la loi et qui, dans les faits, changeaient son application, monsieur le président.

La déclaration de principes qu'on retrouve au paragraphe 3(1) est très importante. Je suis persuadé qu'il n'y a pas beaucoup de députés ici autour de la table qui connaissent cet article. Je vais vous en lire seulement trois petits bouts et, durant les deux semaines de sursis que je vous demande de nous accorder avant que nous entamions l'étude article par article, je suis persuadé que vous irez voir la Loi sur les jeunes contrevenants afin de déterminer si vous serez capables d'adopter, en votre âme et conscience, les modifications du projet de loi C-3. À l'alinéa 3(1)a.1), qui a été ajouté au cours des années, on dit:

      a.1) les adolescents ne sauraient, dans tous les cas, être assimilés aux adultes quant à leur degré de responsabilité et aux conséquences de leurs actes; toutefois, les jeunes contrevenants doivent assumer la responsabilité de leurs délits;

Ou retrouve-t-on quelque chose semblable dans le projet de loi qu'on nous propose, monsieur le président?

À l'alinéa 3(1)c), on mentionne:

      c) la situation des jeunes contrevenants requiert surveillance, discipline et encadrement; toutefois, l'état de dépendance où ils se trouvent, leur degré de développement et de maturité leur créent des besoins spéciaux qui exigent conseils et assistance;

Où trouve-t-on quelque chose de semblable dans le projet de loi C-3? On verra que la ministre a finalement déposé des amendements, mais on verra également qu'ils sont subordonnés à toutes sortes d'autres conditions qu'on n'a pas à l'heure actuelle dans la Loi sur les jeunes contrevenants. J'ose espérer que les députés vont faire la concordance, qu'ils vont vérifier de ce qui existe dans la Loi sur les jeunes contrevenants et ce qui existe dans le projet de loi C-3, qu'ils constateront qu'il y a véritablement une différence et qu'au moment où on fera l'étude article par article, ils sauront sur quoi ils votent.

• 1610

Monsieur le président, à l'alinéa 3(1)c.1), on mentionne:

      c.1) la protection de la société, qui est l'un des buts premiers du droit pénal applicable aux jeunes, est mieux servie par la réinsertion sociale du jeune contrevenant chaque fois que cela est possible, et le meilleur moyen d'y parvenir est de tenir compte des besoins et des circonstances pouvant expliquer son comportement;

On voit que la Loi sur les jeunes contrevenants est centrée sur le jeune, sur les besoins du jeune, pour permettre, par la suite, de lui imposer des peines, de lui imposer certains traitements ou de le mettre en contact avec les spécialistes et les intervenants sociaux dont il a besoin. On se concentre, en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants, sur les besoins et non pas sur l'infraction. En quoi cela change-t-il la sécurité du public que de prendre le dossier de la façon dont on le propose au ministère? On va évaluer l'infraction, déterminer sa gravité et tenter de trouver quelque chose de proportionnel: tu as fait quelque chose de mal, on va te faire mal aussi; tu as fait un mauvais coup, on va publier ton nom et te marquer au fer rouge. À quoi cela sert-il? Comment la société va-t-elle être mieux protégée de cette façon? Par ailleurs, avec la Loi sur les jeunes contrevenants, on se penchait sur les besoins de l'enfant. Bien souvent, ce sont des enfants, des adolescents, des gens qui n'ont pas de famille et qui ont vécu difficilement.

À ce sujet, monsieur le président, j'ai trouvé de façon accidentelle—et j'espère que je l'ai ici, le voici—un texte fort intéressant qui s'intitule Justice juvénile: gagner la course. C'est sûr qu'il y a des passages où on parle de Dieu, et vous comprendrez pourquoi quand je vous dirai qui l'a rédigé. Je suis croyant, mais peut-être pas au même titre que l'individu qui a écrit ce texte. Je ne peux donc pas l'appuyer entièrement. Mais lorsqu'il parle des jeunes des années 2000, c'est vraiment une bonne évaluation de ce qui arrive à l'heure actuelle. C'est un Américain qui a écrit cela lors des Jeux olympiques de 1996 à Atlanta. Il a fait un discours fantastique. J'ai trouvé cela tellement bon quand j'ai écouté la cassette que je me suis procuré les notes, que je pourrai vous faire parvenir si vous les voulez. Il disait ceci au sujet des jeunes, monsieur le président:

    Mais les jeunes qui n'ont aucune philosophie existentielle, mais qui ont plutôt une conception de la vie matérialiste, au ras du sol, qui ne savent pas que de l'autre côté du décor et de la situation présente, il y a l'éternité et l'absolu, un facteur dont il faut tenir compte et qui donne un sens à la vie, se contenteront toujours de vivre dans l'instant présent, poussés par des motivations élémentaires.

Avant cela, il parle de la famille. Il dit, finalement, que c'est la première fois que cela arrive, qu'on est la première génération de ce genre. Il dit:

    En effet, voici la première génération d'enfants et de jeunes de l'histoire, dont la vision existentielle est plus restreinte que celle de la génération qui l'a précédée.

C'est la première fois qu'il y a une telle génération. Il parle même d'orphelins avec parents. C'est un texte écrit par un Américain, un pasteur baptiste. Il parle souvent de Dieu, mais il a une perception juste de la réalité contemporaine, de ce qui existe et de ce qui se fait et, surtout, il comprend bien la problématique des jeunes de la société américaine et même canadienne, puisqu'on est très américanisés; il suffit de se promener dans les rues pour le voir. Il dit qu'on est une des premières générations d'orphelins, malgré la présence de l'un ou des deux parents. Cela, je pense, est un peu la faute de la société.

C'est comme la question de la poule et de l'oeuf: où est-ce que ça commence et où est-ce que ça finit? Je pense qu'on avait bien saisi cela lors de l'adoption, en 1982, de la Loi sur les jeunes contrevenants et de son entrée en vigueur le 2 avril 1984, parce qu'on centrait très bien toute la question de la prévention du crime, de la protection de la société, de la responsabilisation du jeune et de l'importance de lui faire comprendre les conséquences de son geste. On parlait très bien de la maturité. On disait qu'on ne pouvait pas comparer un adolescent à une personne adulte. On faisait, finalement, monsieur le président, deux systèmes distincts: un pour les adultes et un pour les jeunes contrevenants, pour les adolescents, ce que nous ne retrouvons malheureusement pas dans le projet de loi C-3.

• 1615

Ce n'est pas seulement le méchant séparatiste qui le dit. Ce n'est pas seulement un député du Bloc québécois qui le dit. On a entendu plusieurs témoins le dire. Tous les membres de la coalition l'ont dit. Les juges l'ont dit également. Une des trois choses qu'on reproche le plus au projet de loi C-3, c'est qu'on ne fera plus la différence, après l'adoption de ce projet de loi, entre le système pour adultes et le système pour adolescents.

J'espère que le député du NPD va relire ce que j'ai dit aujourd'hui afin de comprendre l'évolution. Il va comprendre, entre autres, monsieur le président, pourquoi on se bat tellement au Québec pour le maintien de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est parce qu'il y a justement un historique extrêmement important derrière tout cela.

Malgré le fait qu'on a investi, malgré le fait qu'on a appliqué adéquatement la loi, malgré le fait que plusieurs ministères sont intervenus, malgré le fait qu'il y a eu une multitude de comités à l'Assemblée nationale qui ont été formés pour étudier cette problématique, pour tenter d'investir davantage là où il le faut, malgré tout ce qu'on a fait, durant ces années-là, on a quand même créé un comité présidé par le juge Michel Jasmin afin de répondre à une question. Cette question, monsieur le président, a été posée de nouveau devant ce comité par le même juge qui avait reçu le mandat de l'Assemblée nationale.

Je ne suis pas historien, mais j'aime que les choses soient claires. Je rappelle encore une fois à ceux qui n'étaient pas là que lorsqu'on a donné ce mandat au juge Michel Jasmin, ce n'étaient pas les péquistes qui étaient au pouvoir à Québec, mais bien les libéraux. Cependant, lorsqu'on a déposé le rapport en 1995, il y avait eu un changement de gouvernement à Québec; à ce moment-là, le gouvernement de Jacques Parizeau était au pouvoir. Mais ça ne change rien à la question des jeunes contrevenants.

À cette époque, dans les années 1990, il y avait consensus et unanimité. On retrouve encore ce consensus et cette unanimité au Québec. J'y reviendrai tantôt, lorsque je parlerai du débat qui s'est tenu à l'Assemblée nationale. Je vais vous le rappeler afin que vous puissiez lire toutes ces choses durant les deux semaines du congé pascal et que vous soyez plus éclairés à votre retour, quand on se penchera de nouveau sur ce dossier, le 2 mai prochain.

Celui qui a eu le mandat du gouvernement du Québec, le juge Jasmin, est venu témoigner ici. Il a posé de nouveau exactement la même question, ou plutôt il souhaitait que le législateur fédéral que nous sommes—la Chambre des communes est le législateur fédéral—pose cette question à ceux et celles qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants dans les autres provinces. Cette question, on la retrouve dans le compte rendu de la séance du Comité permanent de la justice et des droits de la personne qui a été tenue le mardi 22 février 2000, à la page 26. Il était 16 h 56 lorsque le juge a posé cette question:

    Vous ne vous attaquez pas au vrai problème à ce moment-là.

Il dit cela aux membres du comité, à tous ceux qui étaient autour de la table: vous prenez le bébé par le mauvais bout. C'est ainsi que cela se traduit en québécois.

    Si j'étais législateur fédéral, je suspendrais mon projet de loi pour l'instant...

Il ne dit pas de ne plus rien faire dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Il ne dit pas de ne plus y toucher. Il dit:

    Si j'étais législateur fédéral, je suspendrais mon projet de loi pour l'instant et je demanderais aux provinces comment elles appliquent la loi actuelle et quelles politiques jeunesse elles ont chez elle.

• 1620

C'est là qu'il faut commencer. Il ne faut pas tenter de solutionner des problèmes qu'on imagine ou tenter de solutionner des problèmes qu'on a créés.

Je pense que le gouvernement d'en face a créé certains problèmes. Il a peut-être eu l'aide de l'aile de droite du Canada anglais. Lorsqu'on monte en épingle des situations impliquant des jeunes, il est évident qu'on commence à créer des circonstances qui font en sorte que tout le monde pense que la situation des jeunes contrevenants est très grave.

Il suffit d'un cas pour qu'on en parle d'un bout à l'autre du pays. C'est sûr que c'est écoeurant. C'est sûr que ça ne devrait jamais exister, mais ce sont des choses qui existent malheureusement.

Donc, avant de toucher à la Loi sur les jeunes contrevenants, il faut d'abord demander aux provinces comment elles l'appliquent et quelles sont leurs politiques jeunesse, si elles en ont.

Malgré tout ce que nous avons faisons depuis des années au Québec, depuis 1908, le gouvernement libéral à l'Assemblée nationale a, dans les années 1990, confié à un comité le mandat d'étudier deux questions, à savoir: «Comment applique-t-on la Loi sur les jeunes contrevenants chez nous? Avons-nous des politiques jeunesse?»

En réponse à ces questions-là, le comité d'étude sur la Loi sur les jeunes contrevenants a soumis un rapport intitulé Les jeunes contrevenants: Au nom... et au-delà de la loi. On avait posé ces questions à toutes les personnes qui étaient intervenues à partir de la commission de l'infraction jusqu'à la remise en liberté du jeune, après qu'il soit passé par toutes les filières et par tout le système, après avoir eu un dossier, une comparution, un procès, après s'être vu imposer une peine, une sentence, après avoir séjourné dans une maison de réinsertion sociale, etc. On leur a posé les questions suivantes: «Comment applique-t-on la Loi sur les jeunes contrevenants? Quelles sont nos politiques jeunesse?»

On est allé voir les policiers et on leur a demandé: qu'est-ce que vous faites quand vous arrêtez un jeune de 12 ans qui vient de faire un mauvais coup? Comment le traitez-vous? Quelles questions lui posez-vous? Où l'amenez-vous? Qu'est-ce que vous en faites?

Avec les intervenants sociaux, on a fait la même chose. Avec divers ministères, on a fait la même chose. Même chez nous, alors qu'on sait qu'on applique la loi et qu'on investit beaucoup d'argent, on s'est penchés sur cette question, alors qu'on sait qu'il y a des provinces qui n'appliquent pas du tout la loi, ou très peu, ou surtout très mal.

On va modifier la loi pour leur faire plaisir et on ne prendra même pas le temps de leur demander comment elles appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants à l'heure actuelle, comment elles l'appliquent dans leur quotidien et si elles ont des politiques jeunesse pour les jeunes qui sont aux prises avec un problème de justice.

Mais non. On veut faire plaisir à une certaine catégorie d'électeurs et tenter d'aller jouer sur la même patinoire qu'un autre parti politique. C'est tellement facile de faire de la politique sur le dos des jeunes et c'est tellement vendable dans l'Ouest canadien qu'on va modifier la loi sans poser de questions. Or, c'est vous qui avez le carnet de chèques. Vous avez fait des chèques. Vous avez donné de l'argent pour l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Je ne répéterai jamais suffisamment que vous devez 77 millions de dollars au Québec parce qu'au Québec, on applique la loi. Tout le monde est conscient qu'au Québec, on applique cette loi-là.

Il y a même des ministres de la Justice qui, depuis que je suis député, depuis 1993, ont reconnu qu'au Québec on l'appliquait bien et que c'était même un modèle à suivre. Ils ont reconnu que le programme qui existe ne favorise pas le Québec parce qu'on l'applique et qu'on investit dans le jeune plutôt que d'investir dans le béton. De la façon dont le programme est conçu, il est plus généreux pour une province qui construit des prisons et des bâtiments pour incarcérer les jeunes plutôt que d'investir dans la personne et de tenter de la réintégrer et de la réhabiliter. C'est cela, la vérité.

• 1625

Malgré tout cela, monsieur le président, on a quand même fait chez nous une certaine autopsie de l'expérience pour voir s'il y avait possibilité d'améliorer encore l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants et tous les chaînons de la chaîne, la chaîne étant l'ensemble du système de justice pour les jeunes contrevenants. Est-ce que ce système pouvait être amélioré?

Un rapport a été fait, monsieur le président. Le Québec a fait un rapport qui a été déposé en 1995 et remis au ministre de la Justice de l'époque, Paul Bégin, et au ministre de la Santé et des Services sociaux, qui était à l'époque Jean Rochon.

Quant à l'application de la loi, quelles ont été les conclusions? On trouve la conclusion à laquelle on est arrivé dans trois petites lignes de la page 5:

    La démarche que nous avons faite depuis deux ans et demi...

Il a fallu deux ans et demi pour faire le tour de la question au Québec, pour interroger les intervenants et toutes les personnes qui appliquaient au quotidien la Loi sur les jeunes contrevenants et dont le travail était de travailler sur la personne du jeune contrevenant en vue de le réintégrer et de le réadapter, afin d'en faire un citoyen parmi d'autres. Ils ont mené cette étude pendant deux ans et demi. Ils disent:

    ...nous a convaincus que la Loi sur les jeunes contrevenants est une bonne loi. Nous avons d'ailleurs été frappés par le consensus qui existe dans les divers milieux d'intervention québécois à ce sujet.

Monsieur le président, deux ans après la rédaction de ce rapport qu'on avait publié en 1995, on se rendait compte qu'on avait fait beaucoup de choses et qu'on devait continuer à en faire. Est-ce que plusieurs provinces se sont autant questionnées, monsieur le président? Dites-le moi. Je suis peut-être dans l'erreur. J'ai lu beaucoup de choses mais, à un moment donné, un homme ne peut pas aller au-delà de ses capacités. Il y a des choses que je peux ne pas connaître.

A-t-on fait une telle étude en Alberta? A-t-on des conclusions importantes dont je devrais être saisi? Dites-le moi. Ce sera un plaisir pour moi de les lire durant les deux semaines qui s'en viennent pour que je sois prêt moi aussi le 2 mai prochain, lorsqu'on fera l'étude article par article, si ma motion est acceptée. Cependant, je pense que non. Je pense que non.

Au Québec, nous nous sommes penchés sur ces questions, monsieur le président. J'invite les députés à lire, avant d'adopter article par article le projet de loi C-3, ces quelques réflexions utiles que les députés d'en face devraient prendre en considération avant de voter sur chacun des articles du projet de loi C-3.

Au Québec, monsieur le président, on a étudié toute la question de la délinquance. La conclusion du rapport Jasmin se lit ainsi:

    La délinquance des adolescents est un phénomène préoccupant, qui doit être pris au sérieux. Elle doit cependant être vue de manière réaliste, sans la dramatisation qu'on y met trop souvent. Pour être adéquates, les politiques et les pratiques doivent reposer sur une perception juste du problème auquel elles s'adressent.

    Pour la majorité des adolescents, la commission d'une infraction est une occasion de tester et d'intérioriser les normes sociales: la réaction de leur entourage et de la société contribue à leur faire intégrer les normes qu'ils ont transgressées et à leur apprendre le respect de la loi. On ne saurait qualifier ce phénomène d'anormal.

    Le problème est autre en ce qui concerne la minorité des adolescents qui, à des degrés divers, s'engage de façon plus importante dans des activités délinquantes. Ce sont eux qui, le plus souvent, sont touchés par les interventions policières, sociales et judiciaires.

Monsieur le président, pour ce qui est de la délinquance, il y a des choses extrêmement importantes qui sont apparues, même au Québec, à la suite de tout le travail qu'on a fait. On a pu tirer des conclusions importantes.

• 1630

C'est une minorité de jeunes qui se rendent coupables d'infractions. C'est un problème qui concerne une minorité d'adolescents à des degrés divers, monsieur le président.

On se demande aujourd'hui si on avait en tête tous ces aspects de la délinquance quand on a rédigé le projet de loi de la ministre. Est-ce que la délinquance doit être vue comme un phénomène nécessairement anormal à l'âge de l'adolescence, particulièrement chez les garçons, monsieur le président?

Les diverses études qui portent sur la délinquance autorévélée permettent d'affirmer que 90 p. 100 des adolescents commettent annuellement des actes qui pourraient les conduire devant les tribunaux pour mineurs. On sait cela, mais on sait également que s'ils sont pris à temps, si on met en branle toutes sortes de mesures pour prévoir et prévenir ces agissements...

La lecture de ces études nous apprend qu'il existe de telles mesures, qu'il y a des choses qu'on peut faire, monsieur le président, pour enrayer le plus possible la délinquance et surtout ses conséquences. Une question a été posée en 1995 et on lui a donné une certaine réponse qui, aujourd'hui, se confirme. Est-ce que la délinquance des jeunes augmente? En 1995, on avait des statistiques. Lors du dépôt du projet de loi C-3 par la ministre, on en a eu d'autres.

Monsieur le président, je suis persuadé que la ministre envisage son travail de la même façon que moi. Personnellement, j'interviens dans un dossier ou dans un domaine lorsque je sais que c'est important de le faire, lorsque je sais que je vais répondre à un besoin, monsieur le président. Lorsque je vois qu'une loi s'appliquant aux jeunes est durcie, qu'elle cherche à enrayer par des moyens draconiens la criminalité chez les jeunes, je me dis qu'il y a sans doute augmentation de la criminalité juvénile et que la ministre cherche à répondre à un besoin extrêmement important. Je me demande si je vis dans une bulle de verre au Québec, car je ne vois pas cela se passer.

Je regarde la fiche documentaire technique que la ministre a déposée avec le projet de loi C-3. Je considère qu'elle a probablement fait un faux pas car elle ne semble pas avoir vu la contradiction qui existe entre son projet de loi et les statistiques qu'elle a elle-même fournies et citées.

Qu'en est-il du taux de criminalité chez les adolescents du Canada? C'est encore une chose que les députés d'en face devront garder en tête au moment où on étudiera le projet article par article. J'espère qu'ils prendront le temps de les lire attentivement durant les deux semaines du congé pascal.

Écoutez bien ce qui suit quant au taux de criminalité chez les adolescents du Canada:

    Que ce soit dans les campagnes ou dans les villes, le taux global de criminalité chez les jeunes est à la baisse. Entre 1990 et 1991, le taux d'accusation visant les jeunes a baissé de 643 à 495 (sur 10 000 jeunes), soit une diminution de 23 p. 100.

Ce que je dis est-il exact, selon les gens du ministère? Est-ce que je cite correctement la ministre?

    Cette baisse a été surtout marquée dans le secteur des crimes contre les biens. Le taux des adolescents accusés de crimes avec violence...

C'est ce qu'on veut viser et ce sur quoi on sent le besoin d'intervenir, car les crimes avec violence sont quelque chose d'intolérable et il y en aura toujours trop. Mais est-ce le bon moment? Est-ce que cela justifie une intervention à l'heure actuelle? Regardons les statistiques.

    Le taux d'adolescents accusés de crimes avec violence a augmenté au cours de cette même période de 83 à 91 par 10 000. Toutefois, depuis, après avoir atteint son sommet en 1995, le taux d'accusation pour les crimes violents parmi les jeunes a baissé de 3,2 p. 100.

• 1635

Il faut peut-être voir ce qui est arrivé au cours de ces années. Est-ce seulement chez les jeunes que le taux de criminalité a augmenté de 83 à 91 pour 10 000 durant cette courte période? Jusqu'en 1995, cela semble avoir augmenté un peu. Est-ce que, durant cette même période, ce taux baissait chez les adultes? Au cours de ces années, il a augmenté également.

Dans la société, certains effets néfastes qu'on ne peut prévoir se produisent en réaction à je ne sais trop quoi. Si l'augmentation s'était produite seulement chez les jeunes alors qu'il y avait une baisse chez les adultes, on pourrait s'interroger sur l'application ou l'objectif de la Loi sur les jeunes contrevenants. Or, l'augmentation s'est fait sentir chez les jeunes comme chez les adultes. Qu'est-ce qui s'est passé sur le plan sociologique durant ces années-là? Fouillez-moi.

Cependant, alors que l'augmentation se poursuivait chez les adultes, à partir de 1995, c'est une baisse de 3,2 p. 100 qu'on pouvait observer chez les adolescents. Ce ne sont pas des statistiques que j'avance, mais les statistiques fournies par la ministre de la Justice.

Il y a même une étude sur les types de crimes commis par les adolescents:

    Seulement un petit nombre d'adolescents sont impliqués dans des actes criminels graves et répétés, surtout dans des actes avec violence. En 1997, 82 p. 100 des accusations portées contre les adolescents visaient des crimes sans violence comme le vol, la possession de drogues et d'outrage au tribunal pour non-respect d'ordonnance. Dix-huit pour cent des accusations visaient des crimes avec violence—une baisse de 2 p. 100 par rapport à l'année précédente. Plus de la moitié des crimes avec violence étaient des agressions non sexuelles mineures, et un quart étaient des agressions non sexuelles plus graves.

    La majorité des accusations portées contre des adolescents visent des infractions sans violence contre les biens. Environ la moitié de celles-ci sont des vols de moins de 5 000 dollars. En 1997, le taux d'adolescents accusés de délits contre les biens a diminué pour la sixième année consécutive. Le taux d'adolescents accusés de vol, de vol d'auto et d'entrée par effraction a baissé de 35 p. 100 depuis 1991.

Est-ce que je viens de faire le portrait d'une situation intolérable? Est-ce que je viens de vous faire le portrait d'une situation qui demande une intervention importante du ministère de la Justice dans une loi qui a peut-être des failles, mais qui, somme toute, porte quand même ses fruits, monsieur le président? Ce sont là des statistiques pancanadiennes.

Si on s'arrête uniquement aux statistiques du Québec, on se rend compte que la province a le plus bas taux de criminalité au Canada. N'est-ce pas une drôle de coïncidence? C'est dans la province où on applique la Loi sur les jeunes contrevenants. N'est-il pas curieux que, dans les provinces où on ne l'applique pas, où on l'applique très mal ou très peu, le taux de criminalité soit plus important?

Il est certain, monsieur le président, que si j'étais membre du gouvernement libéral, je n'aimerais pas entendre ce que je suis en train de dire. J'ai beaucoup d'affection pour Mme Carroll, une personne intelligente qui voit très bien les conséquences de tout cela. Elle fait des gestes comme si je semblais parler pour ne rien dire. Pourtant, quand j'aurai terminé, monsieur le président, j'aurai, en mon âme et conscience, le sentiment d'avoir donné 150 p. 100 de ce que les Québécois et Québécoises attendent de moi.

Je suis ici pour représenter adéquatement les Québécois et Québécoises. Toutes les personnes qui ont suivi le débat sur le projet de loi C-3 depuis le début, toutes les personnes qui ont entendu les témoins du Québec et même certains témoins de l'Ontario—j'inviterais Mme Carroll à revoir les témoignages de certaines personnes de l'Ontario—vont voir que le travail que je fais aujourd'hui n'est certainement pas futile.

Je pense qu'un député de l'opposition fera rapport à son parti. On verra ce qu'il va faire, mais je pense avoir convaincu un député autour de cette table de regarder d'un autre oeil le projet de loi C-3.

Je ne me fais pas d'illusions; je sais bien que je ne vais pas convaincre les députés d'en face. Ils ont un mandat très précis, celui de faire adopter le projet de loi, et ça finit là.

• 1640

Quels sont les députés d'en face qui ont lu le projet de loi C-3? Je ne veux pas les insulter, mais qui sont ceux qui en ont compris toute la complexité? Moi-même, je l'ai lu une dizaine de fois et je peux vous dire que je ne suis pas capable de vous expliquer tous les articles, parce c'est trop complexe. J'ai une formation juridique et je connais plusieurs avocats au Québec qui se sont penchés sur cette question pour répondre à certaines de mes interrogations. Plusieurs de ces avocats ne partageaient pas la même interprétation, monsieur le président.

J'ose espérer que durant les deux semaines de sursis que je demande, les députés du gouvernement prendront au moins le temps de consulter des avocats pour leur demander quelle sera l'application de ce projet de loi, comment ils comprennent tel ou tel article, les sanctions, les mesures, les sanctions extrajudiciaires, qu'ils leur demanderont comment ils voient l'intégration des besoins de l'enfant dans le projet de loi C-3, même avec les amendements.

J'ose espérer, monsieur le président, que durant ces deux semaines, les députés d'en face vont réfléchir à cette question. La visite de la ministre de la Justice a été très courte. Elle est venue faire son témoignage à la sauvette. On voulait qu'elle reste un peu plus longtemps, mais elle ne l'a pas voulu. Même la ministre nous a dit, alors qu'elle était assise de l'autre côté, que c'était sans doute le projet de loi le plus important sur lequel on aurait à se pencher, que c'était un projet de loi extrêmement important.

Je fais mon travail de façon consciencieuse, de la façon la plus réfléchie possible, tentant d'y mettre le moins de partisanerie possible. Mais à l'étape où on en est rendus, je pense qu'à un moment donné, il faut que je fasse ce que je pense utile de faire. Je crois sincèrement que ce que je fais présentement est utile, parce que je veux vous convaincre que vous faites fausse route.

Il y a peut-être des choses dont vous n'avez jamais entendu parler. Il y a peut-être des choses qui se font au Québec dont vous ignoriez l'existence. Je vais tenter de vous en parler. Je vais tenter de vous les expliquer. Je vais tenter de vous donner le goût de prendre votre téléphone et de communiquer avec le juge Jasmin. Il vous invite tous à le faire. Il me l'a dit. Appelez-le. Si vous voulez son numéro de téléphone, appelez-moi. Je l'ai. Il est prêt à vous recevoir chez lui, au Palais de justice, et à vous montrer de A à Z ce que fait un jeune quand il entre dans l'édifice, n'importe quand. Votez en faveur de ma motion. On peut, du consentement unanime, changer la date si vous voulez avoir plus de temps pour visiter l'endroit. Il n'y a aucun problème. On n'a qu'à reporter cela au 22 juin 2000, si vous le voulez, pour nous permettre d'aller voir sur place ce qui se fait. Je sais, madame Bennett, que vous n'êtes pas tout à fait d'accord sur ce qui se fait présentement en Ontario, avec M. Mike Harris. Je sais, par les questions que vous avez posées, que vous avez des réticences face à l'approche Harris par rapport aux jeunes contrevenants.

Mais savez-vous, madame Bennett, que le projet de loi C-3 donne raison au premier ministre de l'Ontario? On peut faire signe que non, mais pour les gens du Québec qui sont venus témoigner, il ne fait aucun doute qu'on donne raison à la droite. On ne va pas se chicaner pour savoir lequel est le plus à droite, mais on sait que le projet de loi C-3 donne raison à la droite.

C'est parce que Mme Carolyn m'a fait signe que je jouais du violon que j'ai interrompu un bref instant l'explication que j'étais en train de donner, mais je vais retomber sur mes pieds, monsieur le président, pour vous parler d'un élément extrêmement important: la protection de la société.

Comme vous le voyez dans la déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants, il est question à l'article 3 de la protection de la société. La protection de la société a été un des points que le comité au Québec a examinés. On dit à la page 15:

    La protection de la société constitue une préoccupation centrale pour les mesures prises en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants. C'est par des mesures centrées d'abord sur l'éducation et la réadaptation que la justice des mineurs tente de l'atteindre. Ces mesures doivent favoriser un processus d'intégration qui va dans deux directions: les adolescents doivent intégrer les normes de la société qui, à son tour, doit intégrer ces jeunes pour en faire des citoyens responsables.

• 1645

J'ajouterais même pour en faire des citoyens anonymes.

Je profite de l'occasion pour féliciter et saluer les étudiants, les jeunes Canadiens qui sont de passage à ce comité. Ils ont vu que le travail au niveau de la justice est passionnant. Je ne veux pas perdre de temps. J'ai trop de choses à dire et j'aimerais passer tout mon message.

Donc, avec l'étude que nous avons faite, monsieur le président, nous avons vu que la protection de la société est un élément important. On le dit dans ce document, et j'aimerais que les députés d'en face se penchent aussi là-dessus et lisent ces choses très importantes. Ils auront deux semaines pour le faire, monsieur le président. Qu'ils se réservent, lors de ces deux semaines, cinq jours pour étudier cette question. C'est assez important pour cela.

    La déclaration de principes de la Loi sur les jeunes contrevenants affirme que «la société [...] doit pouvoir se protéger contre toute conduite illicite»; elle fait de la protection de la société le critère en fonction duquel on peut imposer des entraves à la liberté de l'adolescent—même s'il doit être tenu compte d'autres facteurs auxquels nous revenons plus loin—tout comme elle requiert que l'on tienne compte de la protection de la société pour décider de recourir à des mesures de rechange.

Pour pouvoir recourir à des mesures de rechange, monsieur le président, la province doit avoir de telles mesures. Une autre province ne peut pas arriver aux mêmes conclusions que le Québec si elle n'a pas de mesures de rechange, lorsqu'on étudie cette question. Donc, la protection de la société est un élément qu'on doit étudier en profondeur.

    Qu'elles soient imposées par les tribunaux ou acceptées par les adolescents à titre de mesures de rechange, les mesures qui sanctionnent la commission des infractions comptent parmi les moyens les plus visibles et les plus importants que se donne la société pour se protéger. Elles peuvent viser à cet objectif par plusieurs voies.

On peut chercher à protéger la société. Il est très important qu'on garde cela en tête.

    On peut chercher à protéger la société par des mesures qui visent à empêcher la délinquance chez l'ensemble des citoyens. Par la dissuasion générale, on vise à dissuader ceux-ci de commettre des infractions en créant chez eux la crainte de faire l'objet d'une sanction désagréable. Par la réaffirmation et le renforcement de la loi violée par l'infraction, on dénonce l'infraction comme un comportement inacceptable, visant par là à affirmer la primauté et la force de la loi.

    On peut aussi vouloir protéger la société par des mesures visant à amener le délinquant à ne pas récidiver.

Ce sont toutes des choses qu'il faut avoir en tête, monsieur le président, avant d'étudier ou avant de se pencher sérieusement sur l'étude de la question et, plus précisément, sur la protection de la société. Cela fait en sorte qu'on voit ce qui se passe et qu'on voit, finalement, si oui ou non la société est protégée, si oui ou non on respecte, par notre façon de faire au Québec, la déclaration de principes.

Donc, tout ce que je mentionne à ce niveau, ce sont quelques réflexions pour comprendre davantage ce qui se fait pour aider à voir ce qui est primordial ou ce qu'il faut prendre en considération pour savoir si oui ou non on atteint l'objectif ou si on vise bien l'objectif de la protection de la société.

Il y a diverses avenues qu'il faut examiner pour voir si on atteint cet objectif. Et ces diverses avenues n'ont pas la même importance aux yeux de la justice des mineurs qu'aux yeux de la justice pour les adultes. On va se comprendre, monsieur le président.

On s'est également penché sur l'infraction. Après la protection de la société, on a tenu compte de l'infraction afin de pouvoir faire une bonne évaluation de ce qui se passe. On a examiné la nature de l'infraction et on en arrive à la conclusion que la nature de l'infraction doit permettre de fixer les balises à l'intérieur desquelles les mesures éducatives et de réadaptation devraient être choisies et exécutées.

• 1650

On tient déjà compte de la nature de l'infraction pour aider le jeune, pour l'orienter différemment ou pour tenter de le réintégrer à la société. On examine la nature de l'infraction, la raison, etc. On examine toute cette question.

On n'a pas souvent examiné cette question en comité et, surtout, monsieur le président, on n'a pas examiné ce que la Cour suprême a dit sur tel ou tel autre sujet.

Monsieur le président, est-ce que nous avons quorum? Il n'y a pas quorum.

[Traduction]

Le président: Nous allons attendre le retour de M. Saada. C'est à vous de décider si vous voulez continuer ou non, mais puisque nous savons où il est...

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, je comprends que c'est désagréable que je vous demande souvent s'il y a quorum, mais si le gouvernement n'est pas intéressé à ce que le comité fonctionne, on a qu'à ajourner et à continuer demain. Peut-être que les députés d'en face sont fatigués.

Ajournons, monsieur le président, et recommençons demain matin, car il faut qu'on ait le quorum. Comme on n'a pas le quorum, je ne peux pas continuer, monsieur le président. Vous avez constaté qu'il n'y avait pas quorum.

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, comme vous l'avez fait remarquer hier, lorsqu'un téléphone sonne, vous préférez qu'on sorte de la salle pour prendre l'appel, et c'est précisément ce qu'a fait M. Saada. Il est revenu dans la salle en poursuivant son appel, pour satisfaire à votre demande. Je pense que nous faisons tout pour vous aider.

Poursuivez, je vous prie.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Monsieur le président, j'ai aussi un téléphone cellulaire. La technologie se rend aussi à la circonscription de Berthier—Montcalm. Je sais qu'il sonne de temps à autre. Je pèse sur un bouton et je transmets mes appels à ma boîte vocale. Quand je sortirai d'ici, je téléphonerai à ces gens. J'aimerais que mes collègues fassent exactement la même chose que moi s'ils ont à coeur le travail qu'on fait en comité. Si on n'a pas à coeur le travail qu'on fait en comité, c'est différent.

Voulez-vous dire que la personne qui jase au fond de la salle présentement fait partie du quorum?

Une voix: Oui.

M. Michel Bellehumeur: Est-ce que c'est le Règlement de cette Chambre?

[Traduction]

Le président: M. Saada fait partie du quorum.

[Français]

M. Michel Bellehumeur: Il est très productif. On voit comment vous travaillez, les libéraux. Vous êtes très productifs. Vous êtes capables de mâcher de la gomme et de marcher en même temps, mais parfois, il y a des petites jambettes que vous ne voyez pas.

Donc, monsieur le président, sachant que vous allez m'écouter avec beaucoup d'attention, je vais continuer.

J'en étais rendu à l'infraction.

Vous comprenez que lorsque je fais de telles interventions, à certains moments, j'atteins ma vitesse de croisière. Si je dois m'arrêter, il faut que je recommence et que je me réchauffe. C'est plus difficile pour moi.

On en est à l'infraction, monsieur le président. La nature de l'infraction doit permettre de fixer les balises à l'intérieur desquelles des mesures éducatives et de réadaptation doivent être choisies et exécutées.

Je disais qu'on a rarement cité des jugements de la Cour suprême sur toutes sortes de sujets reliés à la Loi sur les jeunes contrevenants. Je vais tenter de le faire un peu. J'ai quelques documents pour m'aider à citer des jugements de la Cour suprême qui ont orienté la Loi sur les jeunes contrevenants, des jugements qui ont démontré, que ce soit au Québec ou dans d'autres provinces, si ce qui se faisait au niveau de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants était acceptable ou non. Cela nous a aidés à comprendre certaines choses et, surtout, les juges de la Cour suprême ont éclairé ou défini davantage la déclaration de principes et la façon de faire des tribunaux québécois ou d'autres provinces.

Au niveau de l'infraction, la Cour suprême s'est prononcée dans un arrêt. Pour ceux qui voudraient voir la décision, c'est R. c. M., 1993, dans le volume 2 du rapport de la Cour suprême, à la page 421.

Comme je sais que les gens du ministère prennent tout en note, je vais les aider à le faire, monsieur le président. Je vais même leur dire que je vais citer un paragraphe qui est à la page 431 et qui se continue en haut de la page 432.

• 1655

Donc, la Cour suprême du Canada a, de façon plus générale, exprimé ainsi sa position sur le sujet:

    Il est vrai que, pour les adultes comme pour les mineurs, la peine doit être proportionnelle à l'infraction commise. Mais, dans la détermination de la peine de contrevenants adultes, le principe de proportionnalité est plus important qu'il ne l'est dans le cas des jeunes contrevenants. Pour les adolescents, une décision appropriée doit tenir compte non seulement de la gravité de l'infraction, mais aussi des autres facteurs pertinents.

À quoi les juges de la Cour suprême font-ils allusion lorsqu'ils parlent des autres facteurs pertinents? Ils font un lien direct avec la déclaration de principes, les besoins de l'enfant, le fait que l'enfant n'est pas une personne accomplie, développée et que, comme je le disais plus tôt, son degré de développement et de maturité requiert des mesures spéciales.

Cependant, les dispositions sur la proportionnalité qu'on voit dans le projet de loi C-3 ne sont pas utiles, puisque qu'avant même de penser à modifier la loi en vigueur, on appliquait cette question de proportionnalité, mais pas de la même façon que pour les adultes. On nous dit qu'on reprend seulement ce qui se fait; c'est une demi-vérité. Oui, cela se fait, mais dans un contexte qui est fort différent du contexte qu'on veut nous imposer avec le projet de loi C-3. C'est très différent. On dit très clairement, dans la décision de la Cour suprême de 1993, que la proportionnalité de la peine est quelque chose dont on tient compte, mais que cela doit être fait dans un contexte différent. Dans le cas d'un adolescent, il faut, pour que la décision soit appropriée, tenir compte d'une foule d'éléments.

Donc, on le fait déjà. Pourquoi tenter de déstabiliser avec de tels amendements un système qui fonctionne bien, monsieur le président?

Le rapport Jasmin mentionne également ceci:

    Il ne saurait être question de ramener le choix d'une mesure à l'application automatique d'un «tarif» en fonction duquel telle infraction commanderait telle punition.

Je peux vous dire qu'à la façon dont est rédigé le projet de loi C-3, même avec les amendements qu'on nous propose, cela ressemble de plus en plus à un tarif. C'est comme une grosse machine distributrice de sentences: on y met les données, comme on mettrait des pièces de 25 ¢, on pèse sur le bouton correspondant à l'infraction que l'adolescent a commise et le résultat tombe en bas. On lit la sentence et on dit: tenez, jeune adolescent, on va vous infliger telle ou telle autre sentence, telle ou telle autre peine.

Je pense que c'est contraire à l'approche québécoise et même contraire à l'approche de certains tribunaux à l'extérieur du Québec.

On dit même:

    Une telle position serait d'ailleurs contraire à celle qu'a exprimée la Cour suprême. On doit toutefois baliser le degré d'intervention en fonction de la gravité de l'infraction. On évite ainsi de faire disparaître le lien entre l'infraction et la mesure. Celle-ci peut apparaître juste et équitable, et ce d'une façon qui peut être comprise par le jeune qui en fait l'objet.

Un des objectifs de la proportionnalité—et c'est ce que l'on a conclu lorsqu'on a examiné toute la question au Québec—est que la peine soit en conséquence de l'infraction. Mais si on veut être en mesure de faire comprendre au jeune que ce qu'il a fait est mal, il faut également tenter de lui faire comprendre pourquoi il est devant les tribunaux. Il faut qu'il le comprenne.

On dit:

    On peut ainsi éviter les situations où un jeune pourrait faire l'objet d'une mesure importante à la suite d'une infraction sans gravité, ce qui pourrait créer chez lui le sentiment qu'il a subi une injustice...

À partir de là, c'est tout le système de justice qui est discrédité aux yeux du jeune. Il faut rappeler que ce jeune n'a que 14 ans. Il sera dans la société pendant encore longtemps. S'il pense qu'il a été maltraité ou qu'il a été injustement traité par les tribunaux lorsqu'il était jeune, toute sa vie, il va voir la justice d'un mauvais oeil. On sait que c'est extrêmement important.

• 1700

L'inverse est également vrai, monsieur le président. On évite qu'une mesure trop légère ne soit imposée à la suite d'une infraction grave, ce qui donnerait à l'adolescent l'impression qu'on ne prend pas son comportement suffisamment au sérieux. Toute la question de la proportionnalité est là. Mais on a justement les outils pour appliquer adéquatement toute cette question de la proportionnalité; ils permettent d'imposer une sanction ou une peine adéquate. La proportionnalité est nécessairement associée à la punition.

En vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants et de l'application qu'on en fait au Québec, on punit le jeune proportionnellement à la gravité de l'infraction qu'il a commise. Est-il nécessaire de modifier certains passages de la loi sans savoir comment ils seront interprétés?

Il faut examiner le projet de loi C-3 pour se rendre compte qu'il comporte des articles, des paragraphes, des alinéas, des sous-alinéas, etc. Comme il y a un principe de droit qui veut que le législateur ne parle pas pour ne rien dire et qu'on interprète un article de la loi en fonction de ce qui le précède et de ce qui le suit, on ne peut pas prendre un sous-alinéa et l'interpréter sans tenir compte de l'ensemble de loi. Il faut voir ce que mentionne l'alinéa précédent et il faut voir l'orientation générale de l'article même et du paragraphe traitant du même sujet.

Donc, pour toute cette question de l'infraction et de la peine, il faut voir ce qui existe à l'heure actuelle dans la Loi sur les jeunes contrevenants. On voit qu'on peut donner une peine proportionnelle à la gravité de l'infraction. On verra également qu'il y a différentes choses qui interviennent pour influencer le juge, pour l'aider à donner une peine qui est proportionnelle et qui répond aux besoins de l'enfant, pour, à la fin, assurer la protection de la société.

Je pense que c'est un point de départ très important, que la ministre a compris tardivement et, surtout, qu'elle a mal compris. Elle propose des amendements pour une loi mal faite, mal rédigée, complexe. Cette loi constitue une mine d'or pour les avocats. Si je pratiquais encore le droit dans une étude privée, je pense que je me spécialiserais dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Je sais que je ferais fortune.

Pourquoi faire une telle loi, monsieur le président, alors qu'on a déjà les outils nécessaires? Avant de passer aux autres articles de la Loi sur les jeunes contrevenants, je dirai que la raison pour laquelle je présente cette motion, qui vise à permettre aux députés de saisir toute l'importance du débat et d'être en mesure de voter sur chacun des articles, c'est qu'il faut qu'ils en connaissent les tenants et les aboutissants. Il faut qu'ils sachent ce qui s'est fait dans le passé.

Il y a aussi toute la question de la responsabilité des adolescents. On semble vouloir dire, dans le projet de loi C-3, qu'il s'agit d'une nouvelle orientation, que la responsabilité de l'adolescent est importante, etc. C'est comme si rien n'était fait au niveau de la responsabilité des jeunes contrevenants en vertu de la Loi sur les jeunes contrevenants actuelle. C'est faux. Mais pour être en mesure de dire si c'est vrai ou faux, il faut en faire l'étude. Il faut se pencher sur la question. Il faut répondre aux questions du juge Jasmin: «Quelles sont les politiques jeunesse dans votre province? Comment appliquez-vous la Loi sur les jeunes contrevenants?»

• 1705

Au Québec, à la suite de l'étude, nous avons dit ceci au niveau de la responsabilité des adolescents:

    Compte tenu de son âge et de son degré de maturité, un adolescent doit faire face aux conséquences qu'a eues l'infraction qu'il a commise, particulièrement pour la victime. Le fait d'assumer ses responsabilités peut par ailleurs contribuer à sa démarche de responsabilisation graduelle.

Est-ce assez beau, monsieur le président? C'est toute l'essence, toute la compréhension. On parle beaucoup de la responsabilisation du jeune; il semble que c'est une grande découverte. Et là, avec le projet de loi C-3, les jeunes vont être encore plus responsables et mieux saisir leur responsabilité face à leurs gestes et à leurs actes.

Monsieur le président, nous avons étudié la loi telle qu'elle est appliquée au Québec, avec ses faiblesses et ses forces, qui sont nombreuses, ainsi que les amendements qu'on a subis au fil des ans, y compris les derniers amendements qui, naturellement, ne font pas partie de cette étude-là, puisque depuis 1995, on a connu certains amendements, dont au chapitre de du renvoi, une question à laquelle je pourrai revenir ultérieurement, monsieur le président. Comment se fait-il que chez nous, on parlait déjà, dans les années 1990-1995, de toute la responsabilité des adolescents et qu'on disait même qu'elle était tellement importante qu'elle pouvait contribuer à la démarche du jeune vers sa responsabilisation graduelle, vers sa réadaptation, monsieur le président? C'est donc quelque chose qui existe. On n'a pas pris ça dans les nuages, monsieur le président. On n'a fait que regarder ce qui se passe.

Nous avons pu compter sur la bonne collaboration de tous les intervenants dans le milieu. Ils nous ont répondu le plus honnêtement possible, le plus précisément possible, lorsqu'on leur a demandé: «Comment appliquez-vous la Loi sur les jeunes contrevenants? Quelles sont vos politiques jeunesse?» Monsieur le président, on en est arrivé à la conclusion qu'on doit tenir compte de l'âge et du degré de maturité de l'adolescent et que ce dernier doit faire face aux conséquences qu'a eues l'infraction qu'il a commise, particulièrement pour la victime. C'est sa responsabilité qui va l'aider lorsqu'on l'examine, lorsqu'on le prend à temps, lorsqu'on étudie toute cette question et surtout lorsqu'on évalue le besoin du jeune et qu'on lui fait prendre conscience des gestes qu'il a posés. Cela va l'aider dans sa démarche de responsabilisation graduelle.

Mais qui dit responsabilité et obligations des adolescents dit également droits des adolescents. Comme nous l'avons vu tout à l'heure, monsieur le président, à la suite de l'adoption du rapport MacLeod en 1965, on ne s'était pas croisé les deux bras au Québec. Au contraire, on avait examiné certaines problématiques du système de justice, autant pour les adolescents que pour les adultes, et on avait constaté que pendant toute cette période de révolution tranquille—parce que là on commençait dans les années 1965 et ainsi de suite—, il nous avait manqué des outils, entre autres une charte des droits de la personne. C'est dans ces années-là qu'on a commencé à réfléchir à toute cette question. Dans les années 1970, on a eu vraiment le résultat de la réflexion qu'on avait faite au sujet de cette charte des droits et libertés de la personne.

Comme je vous l'indiquais plus tôt, lors de notre étude, bien que nous ayons examiné à peu près tout ce qui se fait dans le domaine juridique, autant pour les adultes que pour les enfants, nous nous sommes penchés plus précisément sur les adolescents. On a constaté, et c'est là qu'on en prend acte, que les adolescents ont des responsabilités, mais qu'ils ont également des droits, monsieur le président. Qu'a-t-on conclu au niveau des droits des adolescents? On a dit que la loi reconnaît aux citoyens, qu'ils soient adolescents ou adultes, des droits qui les protègent, notamment dans leur liberté et leur vie privée. Qu'elles soient policières, judiciaires ou sociales, les interventions doivent se faire dans le plus grand respect de ces droits, ce qui est également important.

• 1710

Monsieur le président, la question de la protection des droits des adolescents a fait l'objet d'une prise de conscience accrue lors de l'arrivée de la Loi sur l'aide juridique et de toutes les questions connexes. Les jeunes qui n'avaient pas de famille ou dont la famille ne pouvait se permettre de payer un avocat pour les défendre adéquatement pouvaient avoir recours à l'aide juridique.

Il faut bien comprendre toute la problématique, monsieur le président. Bien que je me répète, je crois qu'il est important qu'on comprenne toute la problématique de la Loi sur les jeunes contrevenants avant d'être en mesure d'entamer l'étude article par article du projet de loi C-3, comme nous le ferons à un moment donné. Il faut prendre connaissance de cela, et ma motion s'inscrit dans ce sens-là. Il faut permettre aux membres du comité de prendre du temps pour lire, s'instruire et approfondir cette question extrêmement importante.

Bien que j'aie déjà assez clairement exprimé ma position face au projet de loi C-3, je vais moi aussi faire de la lecture au cours des deux prochaines semaines pour tenter de comprendre ce qui cloche et la raison pour laquelle vous ne semblez pas saisir les remarques qu'on fait au Québec depuis plusieurs années, ni les raisons pour lesquelles on se bat au Québec.

Je veux essayer de trouver le moyen de vous transmettre ma passion, si je puis dire, de cette problématique-là, de cette application de la Loi sur les jeunes contrevenants, afin que le 2 mai nous puissions en arriver à quelque chose de commun, à des conclusions semblables en vue de reporter cette étude article par article afin que nous puissions d'abord faire une étude encore plus approfondie de la Loi sur les jeunes contrevenants.

On a donc étudié la question des droits des adolescents et on n'a pu que reconnaître le fait que les adolescents avaient des droits, conclusion à laquelle nous sommes arrivés très rapidement. Nous avions cependant examiné toutes les interventions, qu'elles soient policières, judiciaires ou sociales, et jugé qu'il fallait porter le plus grand respect possible à l'égard des droits de ces adolescents.

La protection des droits des adolescents est nettement plus présente dans la loi actuelle. Lorsque je parle de la loi actuelle, il s'agit de la Loi sur les jeunes contrevenants, que je compare à la Loi sur les jeunes délinquants. Il faut se reporter à 1995, année au cours de laquelle l'étude a été faite. La Loi sur les jeunes délinquants ne reconnaissait pas la protection des droits des adolescents. Adoptée au début du siècle, elle portait la marque d'une époque où l'on estimait contraire à l'intérêt d'un mineur de lui donner des droits qui lui auraient permis de se défendre contre des interventions que l'on voulait bienveillantes à son endroit.

La Loi sur les jeunes contrevenants date d'une période où l'on met l'accent sur les droits des individus, qu'il s'agisse de ceux des citoyens en général ou de ceux des enfants. Au Québec, je le répète, la Charte des droits et libertés de la personne qu'on a adoptée en 1975—on avait commencé à en discuter à la fin des années 1960 et au début des années 1970—et la Loi sur la protection de la jeunesse qu'on a adoptée en 1977 ont marqué au Québec des jalons majeurs dans la reconnaissance des droits des enfants.

À Ottawa, monsieur le président, puisqu'on est à Ottawa, la Charte canadienne des droits et libertés a été intégrée à la Constitution au moment où nous adoptions cette charte et au moment où l'on débattait du projet de loi qui allait devenir la Loi sur les jeunes contrevenants. Durant toute cette période-là, on avait tout cela en tête, tant la Charte des droits et libertés de la personne du Québec que la Charte canadienne des droits et libertés.

La déclaration de principes de la loi s'inscrit dans cette lignée lorsqu'elle énonce ce qui suit, monsieur le président:

      e) les adolescents jouissent, à titre propre, de droits et libertés, au nombre desquels figurent ceux qui sont énoncés dans la Charte canadienne des droits et libertés ou dans la Déclaration canadienne des droits, et notamment le droit de se faire entendre au cours du processus conduisant à des décisions qui les touchent et de prendre part à ce processus, ces droits et libertés étant assortis de garanties spéciales;

Je vais parler un peu plus lentement, monsieur le président, parce que je viens de penser aux interprètes dont le travail doit être difficile quand je lis rapidement. Lorsque je lirai certains passages de certains documents, je vais les lire un peu moins vite pour permettre aux interprètes de les interpréter correctement afin que les députés du gouvernement ici présents puissent comprendre toute la portée de ce que je vais lire, et surtout afin de contribuer à leur réflexion, monsieur le président, et de faire en sorte qu'on se retrouve, le 2 mai 2000 à 9 h 30, sur la même longueur d'ondes.

• 1715

Donc, je poursuis mon intervention. On dit que la déclaration de principes de la loi s'inscrit dans cette lignée parce qu'elle énonce:

    ...le droit des adolescents à la liberté ne peut souffrir que d'un minimum d'entraves commandées par la protection de la société, compte tenu des besoins des adolescents et des intérêts de leur famille;

On dit également:

      g) les adolescents ont le droit, chaque fois que la présente loi est susceptible de porter atteinte à certains de leurs droits et libertés, d'être informés du contenu de ces droits et libertés;

Vous savez qu'il y a longtemps qu'on se préoccupe de protéger les droits des adolescents au Québec. L'entrée en vigueur de la Loi sur les jeunes contrevenants nous a permis d'avancer davantage et de continuer à développer cette notion de la protection des droits des adolescents aux prises avec des problèmes.

Je vous présente une autre piste de réflexion avant que nous nous penchions plus précisément sur le sujet qui nous concerne, soit l'adoption article par article du projet de loi C-3 et les dispositions qui existent à l'heure actuelle dans la Loi sur les jeunes contrevenants. Vous comprendrez que j'affirme que le noeud de l'incompréhension dont fait preuve le fédéral, c'est toute la question des besoins des adolescents. À toutes les phases du processus judiciaire, à toutes les fois qu'un intervenant social ou judiciaire agit dans un dossier, il pense et réfléchit en fonction d'un objectif précis, à savoir les besoins de l'adolescent.

Je vous lis deux extraits du rapport Jasmin, monsieur le président:

    Un adolescent est une personne qui est en processus de formation et d'éducation, qui présente des besoins spéciaux qui le distinguent des adultes...

    Les besoins à caractère éducatif viennent au premier rang de ces besoins spéciaux. La conscience de leur rôle éducatif doit orienter le travail et le comportement professionnel des personnes qui interviennent auprès des jeunes contrevenants. Les besoins d'un adolescent doivent contribuer à orienter le choix d'une décision parmi les options auxquelles la gravité de l'infraction donne ouverture. Ils peuvent par ailleurs justifier que l'on atténue la rigueur d'une décision que l'infraction pourrait légitimer, mais dont les conséquences seraient en contradiction avec les besoins de l'adolescent.

Vous comprendrez, monsieur le président, qu'à toutes les phases, on a toujours en tête les besoins de l'adolescent. Certains pourront dire, monsieur le président: mais quels sont ces besoins des adolescents? Il est évident, monsieur le président, que:

    Les besoins d'un adolescent peuvent être variés et présenter divers degrés. Ils sont reliés à la situation particulière de ce dernier et aux problèmes qu'elle nous révèle: difficultés scolaires, problèmes liés à la drogue, retards dans le développement psychosocial, manque de maturité et ainsi de suite. Il y a aussi des problèmes de famille, la pauvreté et l'influence des gangs. Monsieur le président, c'est une foule de données qu'il faut avoir en tête lorsqu'on se demande quels sont les besoins d'un enfant. À l'origine, on peut retrouver l'appartenance à un milieu socioéconomique défavorisé, un encadrement scolaire et parental inadéquat, une situation familiale très détériorée ou encore des conflits majeurs entre l'adolescent et ses parents qui peuvent faire en sorte que les parents refusent de recevoir l'adolescent à la maison.

Soit dit en passant, monsieur le président, j'admire le côté humain des juges du Tribunal de la jeunesse du Québec, ainsi que ceux des autres tribunaux qui appliquent la Loi sur les jeunes contrevenants. Bien que je connaisse moins ces derniers, je suis porté à croire qu'ils ont les mêmes qualités.

• 1720

Parlons des aspects humains. J'ai visité le Palais de justice et j'ai vu comment étaient traités les jeunes contrevenants au Québec. Le juge en chef adjoint, Michel Jasmin, m'expliquait aussi comment c'était fait. Il me disait qu'il recevait régulièrement de nombreux observateurs parmi lesquels beaucoup de députés du Québec, mais jamais ceux d'ailleurs au Canada. Il recevait également des députés ou des représentants de divers États américains. Il m'a dit que même des Européens venaient le consulter et voir comment il fonctionnait. Probablement qu'il faisait montre, avec eux, de la même énergie que j'avais pu constater chez lui et du même amour pour les jeunes.

Pourtant, ceux qu'il rencontre ne sont pas de petits coeurs. Il en voit des grands—j'allais dire des grands fouets—, des gars de 14 ou 15 ans qui veulent donner l'impression qu'ils sont tough. Il arrive qu'ils aient causé des dommages ou commis des crimes parfois graves. Pourtant, il a pour cette jeunesse un amour qu'il nous fait partager quand on le rencontre. C'est pourquoi je vous invite à aller le rencontrer. Vous verrez bien.

Vous verrez que pour déceler les besoins de l'enfant, il faut savoir d'où il sort, quelles sont ses origines. L'endroit que j'ai visité comportait, au premier étage, des installations carcérales, parce qu'il y a des jeunes qui viennent de différents centres pour comparaître en cour. Il y a également des jeunes qui viennent frapper à la porte, à l'heure du souper, parce qu'ils ne savent pas où aller. Certains se sont parfois presque rendus coupables d'une infraction afin de pouvoir y entrer. Le juge Jasmin me disait que quand on leur demande s'il faut informer leurs parents, ils répondent non. Donc, ces enfants d'environ 14 ans sont à la rue et s'adressent à la cour parce leurs parents ne s'en occupent pas et ne veulent rien savoir d'eux.

Je pense que la société a une certaine responsabilité par rapport à cela. Je ne prétends pas qu'on doive mettre toute la charge sur le dos du gouvernement et de la société en général. On a une certaine responsabilité lorsqu'on met des enfants au monde. Je le sais, car j'en ai. Mais je pense très sincèrement que la société a également une certaine responsabilité.

Pour connaître les besoins de ces adolescents, il faut prendre le temps de savoir d'où ils viennent, ce qu'ils ont fait, où ils vivent, dans quel milieu ils ont grandi, etc. Ce n'est pas le projet de loi C-3 qui va le permettre. Les provinces où cela ne se fait pas déjà et qui ne prennent pas en considération les besoins de l'enfant continueront de ne pas le faire. Le peu qui est mentionné dans le projet de loi ne sera pas appliqué davantage, monsieur le président.

Ce sont les provinces et les gens qui ont sacrifié du temps, de l'énergie et bien souvent des carrières complètes à l'édification d'un système qui fonctionne bien qui risquent de voir, après plusieurs années, des dizaines d'années de travail, tout ce qu'ils ont bâti tomber à l'eau. C'est inadmissible et je vais me battre jusqu'à la dernière énergie contre cela, monsieur le président. Je vais essayer de convaincre mes collègues d'en face qu'ils font fausse route. Je vais essayer de convaincre les ministères qu'ils font fausse route.

Je sais que le ministère a eu beaucoup d'échanges, beaucoup de discussions avec des gens de ce milieu au Québec. Malheureusement, ces gens ne semblent pas avoir convaincu les représentants du ministère. Pourtant, ces derniers ont semblé ébranlés après avoir été mis en contact avec l'approche employée au Québec et avoir compris pourquoi, au Québec, on ne voulait surtout pas toucher à la Loi sur les jeunes contrevenants. Surtout, ils ont pu voir pourquoi on ne voulait pas contribuer à la catastrophe qui se prépare avec le projet de loi C-3. On ne voulait pas participer à cette entreprise en présentant quelque amendement que ce soit à ce projet de loi qu'on juge foncièrement mal fait et inopportun, monsieur le président.

Donc, quels sont les besoins de l'enfant? Il faut véritablement y réfléchir, monsieur le président, pour en comprendre toute l'importance et pour être en mesure d'y répondre adéquatement et d'orienter l'enfant correctement, monsieur le président.

• 1725

S'il est un besoin qui en englobe plusieurs autres et sur lequel il nous apparaît important d'insister dans le contexte de l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants, c'est le besoin éducatif. Où et en quoi le projet de loi C-3 va-t-il améliorer la possibilité, pour le Québec entre autres mais aussi pour d'autres provinces, d'éduquer davantage les jeunes? Il n'y a rien de prévu pour cela dans ce projet de loi qui ne contient que des nouveaux principes dont on ne sait trop comment ils seront interprétés.

On dit qu'un jeune se distingue d'un adulte en ce qu'il est en processus d'éducation. L'éducation comporte divers apprentissages au terme desquels on s'attend à ce que l'adolescent ait intériorisé un certain nombre de normes sociales qui doivent orienter son comportement. On reconnaît que ces apprentissages sont en cours chez le mineur, alors qu'on s'attend d'un adulte qu'il les ait menés à terme. On doit attendre moins du comportement d'un adolescent ou d'un jeune que de celui d'un adulte. Je pense que cela va de soi. On n'a pas besoin d'un nouveau projet de loi pour le savoir. Ça ne prend pas la tête à Papineau non plus.

Donc, quelle est l'exigence de base pour examiner à fond la question des besoins qu'un jeune devra intérioriser? Il faut les analyser, les décortiquer et que tous les intervenants—policiers, avocats, travailleurs sociaux et juges—y travaillent, chacun dans un contexte différent et, surtout, selon son mandat propre.

Le travailleur social qui intervient dans un dossier va examiner les besoins de l'enfant dans le cadre de sa juridiction et de son mandat. L'avocat qui va défendre le jeune grâce à la Loi sur les jeunes contrevenants va regarder quels sont les besoins du jeune en fonction du mandat qu'il a d'assurer sa défense adéquatement, en fonction de ses droits mais aussi de ses obligations et en lui faisant comprendre ce que lui, l'avocat, peut faire pour protéger ses droits et ce qu'il ne peut pas faire compte tenu de l'infraction qui a été commise. Le juge, monsieur le président, doit examiner les besoins de l'enfant différemment et avec un autre oeil que celui du travailleur social, de l'avocat ou même du policier. Le policier qui arrête un jeune, un adolescent doit voir ses besoins d'un autre oeil. Chacun a son point de vue et c'est ainsi, monsieur le président, que ces points de vue se complètent.

Voilà l'importance de la question que le juge Jasmin posait au point de départ: «Quelle est votre politique jeunesse?» Tout se tient, monsieur le président. Le rôle que sont appelés à jouer tous ces intervenants est très exigeant, et on en convient. Il faut donc prendre en considération ce que nous exigeons d'eux avant d'adopter le projet de loi article par article.

Ceux qui assument cette fonction doivent l'exercer d'une manière qui commande le respect des adolescents. On ne peut provoquer l'adhésion aux normes sociales qu'on propose qu'en les incarnant de façon crédible. La conscience de ce rôle éducatif doit imprégner le travail et le comportement professionnel de ceux qui interviennent auprès des jeunes contrevenants. Cela nous apparaît essentiel, monsieur le président...

[Traduction]

Le président: Monsieur Bellehumeur, on me signale qu'il est maintenant 17 h 30, l'heure à laquelle nous levons généralement la séance. Des représentants du ministère étaient présents, croyant que votre motion serait peut-être mise aux voix. Puisque tel n'a pas été le cas, je lève la séance jusqu'à 9 h 30 demain matin. Nous siégerons demain de 9 h 30 à 12 h 30.

La séance est levée.