Passer au contenu
;

FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

37e LÉGISLATURE, 1re SESSION

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le jeudi 13 juin 2002




¿ 0905
V         Le greffier du comité
V         Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.)
V         M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne)
V         Le greffier
V         M. Deepak Obhrai
V         Une voix
V         Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ)
V         M. Deepak Obhrai
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.))
V         M. Deepak Obhrai
V         Le président
V         M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.)
V         Le greffier
V         Le président
V         M. Deepak Obhrai
V         Le président

¿ 0910
V         M. Deepak Obhrai
V         Le président
V         Le président
V         

¿ 0915

¿ 0920

¿ 0925
V         Le président
V         M. Deepak Obhrai
V         M. Peter Harder
V         M. Deepak Obhrai
V         M. Peter Harder

¿ 0930
V         Le président
V         M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne)
V         M. Peter Harder
V         M. Keith Martin
V         Le président
V         M. Larry Shaw (directeur général, Affaires internationales, ministère de l'Industrie)
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

¿ 0935
V         M. Peter Harder

¿ 0940
V         Mme Francine Lalonde
V         Le président
V         M. Larry Shaw
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Larry Shaw
V         Le président
V         Mme Marlene Jennings

¿ 0945
V         Le président
V         M. Peter Harder
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Peter Harder
V         Mme Marlene Jennings
V         Le président

¿ 0950
V         M. Peter Harder
V         Le président
V         M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC)
V         M. Peter Harder
V         M. Bill Casey
V         M. Peter Harder
V         M. Bill Casey
V         M. Peter Harder

¿ 0955
V         M. Bill Casey
V         Le président
V         M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.)
V         Le président
V         M. Peter Harder

À 1000
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.)
V         Le président
V         M. Peter Harder
V         Le président
V         M. Larry Shaw
V         Le président
V         M. Keith Martin
V         M. Peter Harder

À 1005
V         Le président
V         Le président
V         M. Stephen Blank (professeur de commerce international et gestion, Université Pace (New York))

À 1020

À 1025
V         Le président
V         M. Guy Stanley (directeur, programme international MBA, Université d'Ottawa)

À 1030

À 1035
V         Le président
V         M. Keith Martin
V         Le président
V         M. Stephen Blank

À 1040
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde

À 1045
V         Le président
V         M. Guy Stanley
V         Le président
V         Mme Francine Lalonde
V         M. Pat O'Brien

À 1050
V         Le président
V         M. Pat O'Brien
V         Le président
V         M. Stephen Blank

À 1055
V         M. Pat O'Brien
V         M. Stephen Blank
V         Le président
V         M. Bill Casey
V         M. Stephen Blank
V         M. Bill Casey
V         M. Stephen Blank

Á 1100
V         M. Bill Casey
V         Le président
V         M. Guy Stanley
V         Le président
V         Mme Marlene Jennings
V         M. Stephen Blank
V         Le président
V         M. Guy Stanley
V         Le président
V         M. Keith Martin

Á 1105
V         Le président
V         M. Guy Stanley
V         M. Stephen Blank
V         Le président
V         M. Stephen Blank
V         Le président
V         M. Stephen Blank
V         Le président
V         Mme Aileen Carroll
V         Le président










CANADA

Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international


NUMÉRO 090 
l
1re SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le jeudi 13 juin 2002

[Enregistrement électronique]
[Énregistrement électronique]

¿  +(0905)  

[Français]

+

    Le greffier du comité: Conformément au paragraphe 106(2) du Règlement, l'élection du président est le premier point à l'ordre du jour. Je suis prêt à accepter des motions à cet effet.

    Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings (Notre-Dame-de-Grâce—Lachine, Lib.): Je propose M. Bernard Patry comme président du comité.

    (La motion est adoptée)

[Traduction]

+-

    M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Eh, attendez un peu!

[Français]

+-

    Le greffier: J'invite le président à prendre le fauteuil.

[Traduction]

+-

    M. Deepak Obhrai: Que s'est-il passé?

+-

    Une voix: Ce qui s'est passé? Vous avez une heure de retard!

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): C'est bien la première fois que tous les libéraux sont là à l'avance.

[Traduction]

+-

    M. Deepak Obhrai: Pourquoi n'ai-je pas eu la possibilité de proposer une motion?

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Félicitations, monsieur le président.

+-

    Le président (M. Bernard Patry (Pierrefonds—Dollard, Lib.)): Merci beaucoup pour la confiance que vous venez de me témoigner.

[Traduction]

    Comme j'étais le vice-président du comité, je dois vous signaler le paragraphe 106(2) du Règlement: «Chacun des comités permanents et spéciaux élit un président et deux vice-présidents, dont deux parmi les députés du parti ministériel et un parmi les députés de l'opposition.» Puisque je viens d'être élu président, le comité devrait procéder à l'élection d'un vice-président du parti ministériel. Je suis prêt à proposer une motion à cet effet.

+-

    M. Deepak Obhrai: Pourquoi n'incluons-nous pas Diane Marleau? Le vice-président doit-il être de l'opposition ou du parti ministériel?

+-

    Le président: Il devrait appartenir au parti ministériel.

+-

    M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Je propose la candidature de M. Sarkis Assadourian comme vice-président.

+-

    Le greffier: M. Obhrai a proposé une motion en premier. Nous devons nous en occuper d'abord.

+-

    Le président: Monsieur Obhrai, quelle était votre motion? Qui avez-vous proposé?

+-

    M. Deepak Obhrai: Diane Marleau.

+-

    Le président: Mme Marleau n'est pas ici. Le greffier nous dit que nous pouvons élire quelqu'un en son absence. Je vais donc vous demander ce qui suit : plaît-il au comité d'accepter Mme Marleau comme vice-présidente? Y a-t-il des observations au sujet des fonctions de vice-président?

¿  +-(0910)  

+-

    M. Deepak Obhrai: Pourquoi devons-nous élire des vice-présidents? Pourquoi ne pouvons-nous pas tout simplement poursuivre? Étiez-vous le vice-président précédent?

+-

    Le président: J'étais effectivement le vice-président précédent.

    Il faudrait que chacun prenne la parole à son tour.

    M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Passons au vote.

    Le président: Nous allons mettre aux voix la motion de M. Deepak Obhrai proposant d'élire Mme Marleau comme vice-présidente du comité.

    (La motion est adoptée.)

+-

    Le président: Nous passons maintenant à l'ordre du jour. Conformément au paragraphe 108(2) du Règlement, étude de l'intégration nord-américaine et du rôle du Canada face aux nouveaux défis que pose la sécurité.

    Les témoins présents représentent Industrie Canada. Nous avons M. Peter Harder, le sous-ministre, et M. Larry Shaw, directeur général, Affaires internationales. Nous vous souhaitons la bienvenue au comité.

    Monsieur Harder, vous avez la parole.

+-

    M. Peter Harder (sous-ministre, ministère de l'Industrie): Merci, monsieur le président. C'est un plaisir pour moi de me présenter devant le comité.

    À bien des égards, je ne suis pas ici simplement en qualité de sous-ministre d'Industrie Canada, mais aussi à titre de président du projet de recherche sur les liens nord-américains du gouvernement du Canada. Avant d'aborder mon exposé proprement dit, je voudrais commencer par donner un aperçu de ce projet.

    Le projet des liens nord-américains a deux objectifs. Le premier est d'améliorer notre capacité de comprendre la nature changeante des liens humains, sociaux, culturels, institutionnels et économiques entre le Canada, les États-Unis et le Mexique ainsi que leurs incidences sur la politique publique canadienne. Le second objectif est de veiller à ce que l'information réunie soit prise en considération au stade de l'élaboration des politiques.

    Dans le cadre de ce projet, 30 ministères et organismes fédéraux étudient huit sujets. De plus, nous faisons participer à ce travail des universitaires et des experts des trois pays. Je vais juste énumérer les huit sujets puis revenir à mon exposé. Les sujets sont les suivants: commerce et investissement, productivité et innovation, mobilité de la main-d'oeuvre et établissement d'un capital humain, sécurité du public et autres aspects de la sécurité, protection sociale, identité, valeurs et espace socioculturel, gouvernance et mesures institutionnelles. Le travail est assez avancé puisque nous avons presque fini la première phase. En fait, nous en aurons terminé dans très peu de temps.

    Ce matin, je voudrais surtout me concentrer sur les questions économiques. J'ai distribué un jeu de diapositives Powerpoint, mais nous n'utiliserons pas de projecteur. J'espère que vous trouverez quand même l'exposé intéressant.

    Le travail effectué se fonde sur la question ou l'énoncé suivant: Quelles sont les conséquences du partage d'un espace économique commun en Amérique du Nord et comment faire pour optimiser l'avantage canadien et les retombées pour la population canadienne?

    Les événements du 11 septembre n'ont rien changé à cette question fondamentale, mais ils l'ont rendue plus évidente. Les questions entourant la frontière, comme le récent budget et la Déclaration sur une frontière intelligente, témoignent de la détermination du gouvernement canadien à affronter certaines des conséquences économiques. Mais notre recherche va au-delà de la frontière et de la sécurité pour décrire la nature et la portée de l'intégration. Comment pouvons-nous assurer la création soutenue de richesse? Comment améliorer le niveau de vie canadien et gérer nos relations avec nos partenaires d'Amérique du Nord?

    Cet exposé est centré sur la nature et la portée de l'intégration et considère certaines incidences.

    Comme vous pouvez le voir sur la diapositive 4, l'économie canadienne est beaucoup plus ouverte sur l'extérieur depuis une dizaine d'années. L'ALENA a fait ce qu'elle était conçue pour faire: réduire les obstacles et développer le commerce et l'investissement.

    Le commerce total, c'est-à-dire l'ensemble des importations et des exportations de biens et de services, représentent maintenant 81 p. 100 de notre PIB. En pourcentage du PIB, l'investissement étranger direct est maintenant proche de 65 p. 100. Nous pouvons remarquer une baisse sensible des exportations et des importations en 2001 par suite du ralentissement de l'économie américaine. Toutefois, ce n'est à notre avis qu'une fluctuation temporaire. Le commerce et l'investissement étranger direct continueront à jouer un rôle critique dans l'économie canadienne et à être essentiels à la prospérité des Canadiens.

    La diapositives 5 montre que, pour le Canada, l'ouverture sur l'extérieur est synonyme de liens étroits avec les États-Unis. Les États-Unis sont la destination de 83 p. 100 des exportations canadiennes de biens et de services, et la source de 72 p. 100 de nos importations. Il y a seulement 12 ans, les chiffres correspondants étaient respectivement de 71 et 68 p. 100. Les échanges entre le Canada et les États-Unis s'élèvent maintenant à 676 milliards de dollars par an, ce qui représente 1,3 million par minute.

    Le Canada est également un important partenaire pour les États-Unis. Nous sommes la destination de près de 25 p. 100 de l'ensemble des exportations américaines. Et ce n'est pas un phénomène dû à la proximité directe. Sur les 50 États des États-Unis, 38 ont le Canada comme principal marché d'exportation de leurs biens et services.

¿  +-(0915)  

[Français]

    Entre 1990 et 2001, les stocks d'investissement direct ont presque triplé entre le Canada et les États-Unis. Aujourd'hui, les États-Unis interviennent pour plus des deux tiers de l'investissement étranger direct entrant au Canada et juste un peu plus de la moitié de l'investissement étranger direct sortant du Canada.

[Traduction]

    La répartition géographique du commerce mexicain est semblable à celle du Canada. Comme on peut le voir sur la diapositive 7, les Mexicains dépendent aussi beaucoup du marché américain puisque 88 p. 100 de leurs exportations vont aux États-Unis. La situation est la même sur le plan des importations, les Mexicains faisant aux États-Unis les trois quarts de leurs achats à l'étranger. Le Canada se classe second parmi les destinations les plus importantes des exportations mexicaines, tandis que le Mexique est quatrième parmi nos sources d'importations, quoique le chiffre des échanges demeure assez modeste.

    Nous croyons que le Mexique peut croître assez considérablement comme marché d'exportation pour le Canada, à cause de sa croissance économique rapide et de la taille de sa population, qui est trois fois plus importante que celle du Canada.

    Ainsi, quelles sont les perspectives d'amélioration de la performance économique du Canada?

[Français]

    Il y a un écart de productivité de 18 p. 100 à l'échelle de l'économie entre le Canada et les États-Unis. Dans le secteur manufacturier, par exemple, l'écart de productivité est encore plus grand, soit 34 p. 100. Il s'agit d'un écart important, mais je ne vois aucune raison pour laquelle le Canada ne pourrait pas être aussi productif au travail que son voisin du Sud.

    Permettez-moi maintenant de vous dire pourquoi la croissance de la productivité est si importante.

[Traduction]

    Comme le montre la diapositive 10, l'écart entre le Canada et les États-Unis sur le plan du PIB réel par habitant, mesuré selon la parité des pouvoirs d'achat, était de plus de 8 000 $ en 2001. Pour une famille de quatre membres, cela représente 33 000 $ par an. L'écart de productivité explique près de 90 p. 100 de l'écart entre les revenus. Le reste est attribuable au moins grand nombre de personnes au travail et d'heures travaillées par personne employée. Par conséquent, en réduisant l'écart de productivité, le Canada réduirait très sensiblement l'écart entre les revenus réels.

    La diapositive 11 montre que pour combler l'écart de productivité, il est aussi essentiel d'attirer et de conserver des investissements. La part canadienne de l'investissement étranger direct entrant en Amérique du Nord a baissé, passant de 10 p. 100 en 1990 à 6 p. 100 en 2000. La part des États-Unis a augmenté presque autant. Ce n'est donc pas la main-d'oeuvre bon marché du Mexique qui attire les investissements en Amérique du Nord, comme certains l'avaient craint lors du débat sur le libre-échange, mais plutôt la productivité, l'innovation et le dynamisme de l'économie américaine. En 2001, cependant, Le performance canadienne s'est améliorée: peut-être les investisseurs commencent enfin à voir dans le Canada une destination intéressante d'investissements dans l'espace nord-américain.

    Comme on peut le voir sur la diapositive 12— j'aurais vraiment voulu disposer de données plus récentes, mais ce sont les derniers chiffres de Statistique Canada, ce qui fait qu'il sera absolument essentiel d'analyser les prochains chiffres que Statistique Canada publiera—, nous pouvons nous attendre à une importante évolution démographique, caractérisée par un vieillissement des populations partout dans le monde industrialisé, y compris le Canada. La concurrence pour la main-d'oeuvre qualifiée s'intensifiera partout. Aussi sera-t-il important pour notre performance économique que nous puissions attirer et garder des travailleurs qualifiés. D'ici 2011—en politique publique, cela signifie demain—, l'immigration expliquera la totalité de la croissance nette de la main-d'oeuvre au Canada. Nous devrons concurrencer avec d'autres pays pour les travailleurs du savoir et les travailleurs qualifiés qu'il faudra à notre économie du savoir.

    La diapositive 13 permet de croire que nous concurrençons avec succès le Mexique sur le marché américain, mais la concurrence mexicaine s'intensifie. Malgré l'augmentation massive de nos exportations à destination des États-Unis, la part canadienne des importations américaines—c'est-à-dire notre part du marché des États-Unis—a stagné au cours des années 90, enregistrant en fait une diminution de 0,1 p. 100. Cela indique que la croissance des exportations canadiennes était largement attribuable à la croissance du marché américain, notre commerce s'étant développé au même rythme que le marché des États-Unis. Toutefois, le Mexique a réussi, pendant la même période, à presque doubler sa part du marché américain, grâce à des facteurs compétitifs, à la réduction des obstacles attribuables à l'ALENA ainsi qu'à la croissance du marché américain. L'intensification de la concurrence du Mexique est un fait important dont nous devons constamment tenir compte.

    La diapositive suivante est particulièrement intéressante. Pour ceux qui croient que les exportations mexicaines aux États-Unis comprennent essentiellement des textiles et de la tequila, je dirai que le Mexique a augmenté de près de 50 p. 100 ses exportations à grande valeur ajoutée dans les secteurs critiques de l'électronique, de l'outillage et du matériel de transport. En dépit du fait que le Mexique ait beaucoup d'activités de montage à faible valeur ajoutée, il est en train de gravir très rapidement les échelons de la valeur ajoutée. Nous aurions donc intérêt à y porter l'attention voulue. Voilà, pour le Canada, une raison de plus d'innover et d'accroître sa productivité pour concurrencer efficacement d'autres pays exportateurs, dont le Mexique, sur le marché américain.

    Quels ont donc été les avantages d'une plus grande ouverture sur l'extérieur?

    Comme le montre la diapositive 16, les exportations étaient directement à l'origine de plus de 50 p. 100 de la croissance de la production de 15 industries manufacturières sur 20 au Canada. Parmi les industries qui exportent beaucoup, comme les vêtements, les produits électriques, les machines et les meubles, la totalité de la croissance était attribuable aux exportations.

¿  +-(0920)  

[Français]

    Une ouverture accrue sur l'extérieur procure plusieurs avantages: une hausse des exportations; une hausse des investissements; un accroissement de la concurrence et des prix plus bas; une hausse de la productivité; une hausse des salaires réels. L'Accord de libre-échange, l'Accord de libre-échange nord-américain et l'investissement étranger direct ont contribué favorablement à la productivité du Canada.

[Traduction]

    Parce qu'elle contribue à ce que la diapositive 18 appelle le cycle virtuel d'amélioration de la performance économique, l'ouverture croissante sur l'extérieur est une condition nécessaire, mais non suffisante. L'innovation et l'ouverture sur l'extérieur se renforcent mutuellement pour créer un cycle virtuel d'augmentation de la productivité et d'amélioration du niveau de vie. Dans les années 90, l'économie canadienne se portait bien à cause de l'importante croissance enregistrée aux États-Unis, de l'Accord de libre-échange, de l'ALENA et du faible taux de change du dollar canadien. C'est seulement en accroissant sa productivité qu'un pays peut réaliser des progrès importants et soutenus au chapitre de la compétitivité et du niveau de vie.

    En conclusion, nous avons vu que l'ouverture du Canada sur l'extérieur et ses liens accrus avec l'Amérique du Nord, et tout particulièrement avec les États-Unis, ont été favorables à l'économie canadienne. Toutefois, nous avons des défis à relever, et nous devons le faire dans un contexte nord-américain. À cet effet, nous devons innover et créer davantage de produits à valeur ajoutée, établir un climat propice à l'investissement, attirer et retenir du capital humain et du savoir et continuer à déployer des efforts pour réduire les barrières et les obstacles à la libre circulation des marchandises, des services et des ressources productives de l'économie.

    Pour tirer parti des débouchés de l'espace économique nord-américain, le Canada doit examiner ses politiques et ses programmes pour déterminer s'ils contribuent à susciter des occasions économiques permettant aux Canadiens de participer à des activités à haute valeur ajoutée et à des activités axées sur le savoir, créent des mesures incitatives pour les investissements canadiens et étrangers, favorisent l'esprit d'entreprise et la volonté d'agir du secteur privé, réduisent les risques à la frontière, favorisent l'efficacité du fonctionnement des marchés nord-américains, permettent au Canada d'accroître sa productivité et sa performance sur le plan de l'innovation et jouent en faveur du Canada quand il s'agit de persuader des personnes hautement qualifiées dans certaines disciplines clés de l'économie du savoir qu'il fait bon vivre et travailler dans le Canada du XXIe siècle.

    Wendy Dobson, de l'École de gestion Rotman de l'Université de Toronto, a récemment exprimé une idée intéressante. Pour elle, il est maintenant temps d'agir. Le Canada devrait prendre les devants avant que les États-Unis ne soient obligés de réagir. Les événements tragiques du 11 septembre ont ouvert un créneau dans lequel le Canada peut se permettre de «penser grand» et d'engager le dialogue avec les États-Unis. Elle croit que des démarches de faible envergure passent inaperçues dans le système politique américain. Selon elle, il est possible de conclure une entente stratégique. La souveraineté, ce n'est pas seulement ce que nous cédons, c'est aussi ce que nous gagnons.

    Les recherches que nous avons entreprises permettent de croire qu'il est maintenant temps d'amorcer la discussion sur la politique publique, que la communauté de la recherche a émis des idées nouvelles d'un grand intérêt et que nous devons faire fond sur ce que nous avons déjà réalisé.

    Je vous remercie.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Harder.

    Nous passons maintenant aux questions et réponses. Merci beaucoup, votre exposé était très clair et revêtait pour nous une grande importance.

    Chacun disposera d'une période de cinq minutes pour les questions et les réponses. Monsieur Obhrai, si j'ai bien compris, vous voulez partager votre temps avec M. Martin. Vous avez la parole.

+-

    M. Deepak Obhrai: Merci pour votre exposé, qui était très bon. Il y a beaucoup de questions qui se posent. Vous avez soulevé de nombreux points, surtout en ce qui concerne la situation après les événements de septembre dernier.

    Je voudrais aborder un sujet qui m'intéresse particulièrement. Nous avons rendu publique, il y a quelques jours, une nouvelle politique d'immigration. Or vous avez parlé du besoin d'attirer des travailleurs qualifiés. Vous avez dit que cette question est critique parce que la croissance, dans les années à venir, se fondera principalement sur les travailleurs qualifiés. Je voudrais donc savoir si vous avez contribué à l'élaboration de cette nouvelle politique d'immigration – compte tenu de ce que vous avez dit au comité au sujet de la croissance future – et, si oui, êtes-vous satisfait de la nouvelle politique? Va-t-elle attirer le nombre voulu de travailleurs qualifiés dont le Canada aura besoin à l'avenir?

     Le président: Monsieur Harder.

+-

    M. Peter Harder: Permettez-moi d'abord de dire que Citoyenneté et Immigration Canada a participé à notre étude. En ce qui concerne le rôle d'Industrie Canada, je peux vous assurer que nous avons signalé au ministère l'urgence qu'il y a à prendre des mesures pour attirer et garder des travailleurs qualifiés tant comme immigrants que comme travailleurs temporaires. Cette question comporte deux aspects.

    À titre d'ancien sous-ministre de Citoyenneté et Immigration Canada, je suis parfaitement conscient de l'importance qu'il y a à prendre les mesures voulues. Nous continuons à collaborer étroitement avec le ministère et cherchons à comprendre les ramifications du règlement le plus récent qui a été publié. Nous croyons à l'importance de cette question. De plus en plus, au cours des consultations que nous avons avec le secteur privé, le problème des travailleurs qualifiés est l'un des trois qui sont constamment soulevés. Nous soulignons le problème, de notre côté, tant sur le plan de la réalité du marché du travail—puisqu'en 2011, la totalité de la croissance de la population active sera attribuable à l'immigration—que sur le plan de l'économie du savoir, qui suscite constamment la question des mesures à prendre pour obtenir notre part de travailleurs hautement qualifiés.

    Par conséquent, la question figure très haut sur notre liste de priorité. Nous collaborons étroitement avec l'Immigration, mais nous sommes persuadés qu'il faut en faire davantage.

+-

    M. Deepak Obhrai: J'ai une seule autre observation. Êtes-vous convaincu que le nouveau règlement permettra de s'acquitter de ce mandat à l'avenir?

+-

    M. Peter Harder: Nous examinons cela et avons des entretiens avec Immigration Canada sur le règlement récemment déposé, afin de mieux le comprendre et de nous assurer qu'il répond adéquatement aux besoins que nous avons signalés au chapitre des travailleurs qualifiés. Nous poursuivrons nos efforts sur ce plan. Nous voulons être sûrs—et Immigration Canada aussi—qu'il sera possible de satisfaire à nos besoins en travailleurs qualifiés.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Martin.

+-

    M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Alliance canadienne): Merci, monsieur Patry.

    Merci, monsieur Harder, pour être venu aujourd'hui.

    J'ai deux questions à vous poser au sujet de votre thème central, qui est de déterminer les moyens d'obtenir le maximum d'avantages économiques pour le Canada dans l'environnement actuel. Je voudrais aborder deux points: l'unilatéralisme des États-Unis et la productivité du Canada.

    J'ai récemment lu un article intéressant selon lequel la politique protectionniste unilatérale des États-Unis fait en réalité du tort aux Américains et avantage le Canada, parce que l'augmentation des subventions finira par affaiblir l'économie américaine, tout en nous obligeant à nous montrer plus innovateurs. Je viens de la Colombie-Britannique. La politique américaine sera peut-être avantageuse pour nous à long terme, mais elle ne l'est sûrement pas à court terme.

    Y aurait-il un moyen de convaincre le gouvernement américain que ce qu'il fait ressemble beaucoup à ce qui s'est produit au cours de la récession qui a précédé la grande dépression et que son action nuit vraiment à l'économie américaine? Pouvons-nous essayer de convaincre Washington de baisser les subventions afin que les règles du jeu soient équitables pour nous?

    Ma seconde question traite de la productivité du Canada. Vous avez affirmé que c'est ce que nous devons faire, mais de nombreuses études établissent que le Canada n'est pas aussi productif qu'il pourrait l'être. Que feriez-vous pour augmenter la productivité canadienne au chapitre des impôts?

    Merci.

+-

    M. Peter Harder: Je vais commencer. Ensuite, je demanderai à Larry Shaw, qui est économiste—je ne le suis pas—d'ajouter ses commentaires.

    Les données établissent très clairement que l'ouverture des marchés est avantageuse, c'est-à-dire que les barrières artificielles sont globalement coûteuses pour l'économie. J'espère que mon exposé a montré que nous avons profité du libre-échange dans tous les secteurs et qu'en fait, les secteurs qui en ont profité le plus sont ceux qui ont réduit le plus sensiblement leurs barrières.

    Vous avez parlé de productivité par rapport aux impôts. Je crois que la productivité va au-delà des impôts. Je serai heureux de vous répondre dans ce domaine particulier, mais je situerai ma réponse dans le contexte plus vaste de la mise en place de toute une gamme de politiques favorables à la R-D et à l'accroissement de la valeur ajoutée. Les impôts ne sont qu'un élément de cet ensemble.

    Il est évident que ce que nous avons pu accomplir ces derniers temps dans le domaine du régime fiscal des entreprises—l'équivalent des impôts fédéraux et d'État aux États-Unis—, avec une baisse de 5 p. 100 du taux d'imposition des sociétés d'ici 2004, est extrêmement avantageux pour nous. Le traitement des options sur actions et du capital-risque a déjà suscité une réaction de la part du secteur privé.

    Je crois qu'il est important pour nous d'adopter de plus en plus les points de repère de la politique publique américaine dans le contexte de ces questions.

+-

    M. Keith Martin: Où en serions-nous...

+-

    Le président: M. Shaw veut répondre à la seconde question.

+-

    M. Larry Shaw (directeur général, Affaires internationales, ministère de l'Industrie): Pour répondre très rapidement à votre question, monsieur Martin, je vous dirai que les Américains connaissent bien les inconvénients de certaines de leurs politiques protectionnistes. Dans le cas du bois résineux, par exemple, je suis sûr que vous savez que la Coalition for Homes des États-Unis a calculé que la politique américaine augmente en moyenne de 1 500 $ le prix d'une maison neuve, ce qui exclut près de 100 000 familles américaines du marché des maisons neuves. Je crois vraiment qu'ils en comprennent les effets. C'est du moins le cas des Américains avec qui je suis en contact.

    Toutefois, les considérations économiques et politiques ne se rejoignent pas toujours et, sur le marché américain, elles vont rarement de pair. Nous abordons les Américains à différents niveaux et nous devrons continuer à le faire. Nous attirons leur attention sur les résultats de nos analyses. Nous usons également de nos recours officiels auprès de l'OMC et des groupes spéciaux de l'ALENA. C'est ce genre d'approche coordonnée et concertée qui est nécessaire quand nous traitons avec les Américains.

+-

    Le président: Merci.

    Madame Lalonde.

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Bonjour, monsieur Harder. Merci de votre présentation.

    Ma dernière question portera sur votre conclusion; elle est sibylline. J'aimerais que vous nous l'expliquiez. Mais d'abord, je voudrais que vous répondiez à ma première question. À la page 9 de votre présentation, on peut lire ce qui suit: «Dans le secteur manufacturier, l'écart de productivité était de 34 p. 100 en 2000, comparativement à 20 p. 100 en 1995.»

    C'est un chiffre qui est très troublant. Quand on le combine au fait que la part de l'investissement étranger a diminué au Canada, cela devient encore plus troublant, et on ne parle pas de la faiblesse du dollar et de l'effet sur l'investissement des compagnies. La productivité, dans mon livre à moi, ce n'est pas la force de bras mise dans le travail, mais c'est essentiellement l'investissement technique, technologique que les entreprises font et qui leur permet de produire davantage dans une heure de travail. Cette baisse de productivité veut dire qu'il y a eu une diminution ou une augmentation insuffisante des chiffres de l'investissement par les entreprises elles-mêmes. Il me semble que cet aspect essentiel à la compréhension est absent de votre présentation.

    Quant à la faiblesse du dollar, Industrie Canada a sûrement une idée du rôle que joue le faible dollar sur la diminution ou sur le faible investissement des entreprises ici à cause du coût de l'investissement. J'aimerais que vous m'éclairiez là-dessus, s'il vous plaît.

¿  +-(0935)  

+-

    M. Peter Harder: Merci, madame. Je vais demander à mon économiste de parler comme un économiste de ces questions. Je dois dire que vous avez raison d'être troublée par les chiffres. Le fait est que nous avons perdu notre part du marché de l'investissement étranger et que nous devrons être plus agressifs en prenant avantage de notre position.

    Par exemple, le KPMG a récemment conclu que le Canada et les villes du Canada étaient les meilleurs endroits pour l'investissement parmi tous les membres du G-7 et quelques autres pays. Dans le contexte nord-américain, nous avons des avantages profonds au Canada, mais les décideurs ne le savent pas.

[Traduction]

    Nous devons en quelque sorte américaniser nos efforts de marketing. Nous devons faire plus de promotion car, très franchement, les données ne sont pas assez connues des décideurs américains et des investisseurs étrangers.

    Je vais vous raconter une anecdote. Je fais beaucoup de promotion de l'investissement en Allemagne. Le PDG d'une très grosse multinationale allemande m'a dit récemment que l'entreprise était à la recherche d'un nouveau site en Amérique du Nord pour investir 350 à 450 millions de dollars US. Elle a fait alors ce que font en général les sociétés allemandes: elle a demandé à son siège nord-américain d'établir un plan et de proposer un site.

    Le siège nord-américain de la société, dont je tairai le nom, se trouve à Pittsburgh. Qu'est-ce que le siège a recommandé? Bien sûr, un site à quelques rues de là. En recevant la recommandation à son conseil d'administration, le PDG a demandé: «Avez-vous envisagé le Canada?» Il avait vu certaines des données comparatives que nous lui avions transmises, avec KPMG et d'autres. Les représentants du siège nord-américain ont répondu: «Non, nous ne l'avons pas fait.» Le PDG a dit alors: «Remettez-vous à l'oeuvre et proposez-moi un site canadien.» Le projet suivant avait un coût inférieur de 12 p. 100. Nous ne parlons pas seulement de coûts ponctuels, mais aussi de coûts permanents.

    Ce que je veux dire par là, c'est que si le PDG allemand n'avait pas demandé: «Avez-vous envisagé le Canada?», nous n'aurions jamais su que la société n'avait même pas pensé à nous.

    Par conséquent, je suis parfaitement d'accord avec vous que ces données sont troublantes, mais nous avons un bon produit à vendre et nous devons nous montrer plus dynamiques dans notre promotion. En même temps, nous avons des obstacles à surmonter pour accroître notre productivité. Voilà à quoi servira la stratégie d'innovation. C'est aussi la raison pour laquelle nous devons favoriser les investissements du secteur privé dans la R-D.

    Aujourd'hui, cinq huitièmes de l'ensemble de la R-D canadienne se fait dans le secteur privé. Si nous devons atteindre l'objectif que nous nous sommes fixé, c'est-à-dire passer du 15e au 5e rang de l'OCDE sur le plan de la recherche, notre secteur privé devra tripler son investissement en R-D. Bien entendu, il ne suffira pas de l'exhorter à le faire. Nous allons devoir adapter la politique publique et aligner nos différentes politiques pour parvenir à ce but.

¿  +-(0940)  

[Français]

+-

    Mme Francine Lalonde: Et quel est le rôle du dollar là-dedans?

[Traduction]

+-

    Le président: Monsieur Shaw.

[Français]

+-

    M. Larry Shaw: Il est clair qu'il y a un fort lien entre la productivité et l'investissement, mais la question de l'investissement dépasse celle de la valeur de notre dollar. Il y a d'autres facteurs qui contribuent au niveau de l'investissement. Par exemple, la valeur du dollar canadien est plus ou moins la même, depuis les 10 dernières années, que celle des monnaies européennes, mais les Européens, par exemple les Allemands, ont un plus haut niveau d'investissement.

[Traduction]

    Dans la mesure où nos entreprises doivent acheter, particulièrement aux États-Unis, il est clair que la baisse du dollar ralentit les achats d'équipement et les efforts d'accroissement de la productivité. Mais ce n'est pas le seul facteur. Nous ne connaissons pas l'étendue...

+-

    Mme Francine Lalonde: C'est un facteur qui compte.

+-

    M. Larry Shaw: Oui, c'est un facteur qui compte.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à Mme Jennings.

[Français]

+-

    Mme Marlene Jennings: Merci, monsieur le président.

    Merci beaucoup pour votre présentation.

    J'aimerais aborder la question de la productivité. Vous avez dit que le gouvernement devait réexaminer ses politiques et programmes afin de déterminer dans quelle mesure ils représentent des obstacles ou des incitations à l'augmentation de la productivité au Canada.

    Jusqu'à présent, dans cette révision des politiques et programmes, Industrie Canada a-t-il identifié une politique ou un programme qui représente une incitation? Avez-vous pu démontrer que l'élaboration et la mise en opération d'une politique ou d'un programme ont mené à une croissance dans un secteur d'activité directement relié? Avez-vous identifié une politique ou un programme dont l'examen a pu démontrer de façon assez ferme que cela représente un obstacle à l'augmentation de la productivité dans un ou plusieurs secteurs d'activité du secteur privé? C'est ma première question.

    Ma deuxième question concerne les travailleurs temporaires. Je reviens un peu à ce que M. Obhrai disait. Vous n'avez pas vraiment répondu à sa question, mais ça va. Je crois que la réponse est non, mais vous ne pouvez pas le dire. Je vais donc le dire. Non, je ne crois pas que la révision de la Loi sur l'immigration et des règlements va atteindre les objectifs d'encourager les travailleurs qualifiés à venir au Canada et de faire du Canada une destination première.

    Immigration Canada, à l'époque où je siégeais au Comité de l'industrie, avait un projet-pilote sur les technologies de l'information qui avait été élaboré dans le secteur privé. Ce projet-pilote avait pour but de recruter des travailleurs qualifiés dans les secteurs d'activité où il y avait un besoin au Canada. Cela visait à accélérer tout le processus d'examen, d'approbation de la demande, etc. On a pu démontrer que c'était un succès. Je me souviens qu'il y avait des officiels d'Immigration Canada, d'Industrie Canada et du secteur privé. J'avais suggéré que si l'industrie trouvait que c'était un succès et que si Immigration Canada disait qu'il en coûterait 40 000 $ par cas afin de garantir que tout le processus administratif soit fait en trois mois dans 90 p. 100 des cas, l'industrie privée serait prête à payer. On nous a dit qu'on allait examiner cela, que c'était une excellente suggestion.

    J'aimerais savoir ce qu'il est advenu de cette suggestion. Est-ce qu'Immigration Canada, le secteur privé et Industrie Canada ont réellement examiné et mis en pratique cette suggestion? Évidemment, c'est une façon d'aller chercher les travailleurs qualifiés. On parle toujours de user fees.

¿  +-(0945)  

[Traduction]

Eh bien, cela pourrait représenter des frais d'utilisation.

+-

    Le président: Monsieur Harder.

+-

    M. Peter Harder: Monsieur le président, je vais essayer de répondre à ces deux questions.

    Dans le cadre de la première, concernant la politique publique, l'une des raisons pour lesquelles le gouvernement a déposé les documents sur l'innovation était d'entreprendre un dialogue plus dynamique avec les Canadiens, et surtout avec le secteur privé, sur ce qu'il convient de faire, notamment pour favoriser de plus grands investissements en R-D. Nous avons maintenant établi et amorcé 35 à 40 tables rondes sectorielles, auxquelles nous avons justement demandé de répondre à la question que vous venez de me poser: dans votre secteur, quels sont les obstacles à la productivité et à l'investissement en R-D?

    Ces tables rondes progresseront et présenteront des recommandations au cours de l'automne. Nous avons l'intention de répondre d'une façon très précise à ces recommandations. Certains, par exemple, ont parlé des délais nécessaires pour obtenir les approbations réglementaires. D'autres ont mentionné les disparités réglementaires qui se manifestent sur le marché nord-américain par suite des différences entre les règlements canadiens et américains. Les tables rondes sectorielles aborderont donc des sujets tels que la reconnaissance mutuelle, etc.

    J'espère que ces efforts aboutiront à un programme permettant de régler les difficultés dans les domaines très précis qui maximisent nos avantages. Par conséquent, il ne s'agit pas de répondre globalement à toutes les recommandations, mais plutôt de les examiner dans l'optique de la maximisation des avantages pour le Canada. D'après les consultations auxquelles j'ai personnellement procédé, je crois que le secteur privé est vraiment enchanté de suivre cette voie. Il y a des obstacles que nous devons éliminer. Cela n'est pas surprenant parce que nous n'avons qu'un peu plus de dix ans d'expérience de la nouvelle réalité, dans laquelle notre espace économique est beaucoup plus étendu que notre espace politique. Or notre régime réglementaire et nos politiques ont, d'une façon générale, été créés en fonction d'espaces économique et politique égaux. Face aux tensions qui se manifestent en conséquence, nous engageons les Canadiens à déterminer les domaines dans lesquels il serait le plus avantageux d'intervenir.

    En ce qui concerne les travailleurs temporaires et votre suggestion, j'aimerais avoir un peu plus de temps pour vous répondre en détail. Je peux déjà vous dire que nous discutons de l'accélération de la procédure dans le cas de compétences particulières, encore une fois parce que cela a été signalé au cours de nos consultations avec le secteur privé.

+-

    Mme Marlene Jennings: Vous rendez-vous compte, monsieur Harder, que cela fait au moins trois ans que la question des travailleurs temporaires a été soulevée lorsque le comité de l'industrie avait commencé à réaliser une étude sur la productivité et l'innovation? Je crois que nous avons déposé notre rapport il y a environ deux ans. Ainsi, vous...

+-

    M. Peter Harder: Mais le secteur des technologies de l'information ne s'est pas développé autant qu'on l'avait prévu à ce moment, pour ce qui est des besoins du marché du travail. Cela a réduit les pressions qui s'exerçaient.

+-

    Mme Marlene Jennings: Ce n'était qu'un exemple.

    M. Peter Harder: Vous avez parfaitement raison, c'est un exemple.

    Mme Marlene Jennings: Il y a des secteurs où nous avons besoin de techniciens en outillage et de soudeurs d'outils et de matrices. Puis, deux ans et demi à trois ans plus tard, vous venez nous parler de procédure accélérée. C'est probablement l'un des problèmes de notre gouvernement. Nous sommes incapables d'agir rapidement.

+-

    Le président: Je ne sais pas s'il y a une réponse à cela. C'était surtout un commentaire.

¿  +-(0950)  

+-

    M. Peter Harder: C'est une déclaration qui en dit beaucoup.

+-

    Le président: Nous passons maintenant à M. Casey.

+-

    M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Merci beaucoup.

    Je vous remercie pour votre rapport, qui est excellent. Même moi, je peux le comprendre! C'est un test concluant!

    On peut lire à la dernière page, en gros caractères «et nous devons penser grand!» Vous donnez l'impression d'être sur le point de nous dire quelque chose, mais vous n'allez pas jusqu'au bout. De quelle façon le ministère envisage-t-il de penser grand?

+-

    M. Peter Harder: Il faut reconnaître que le ministère n'a pas encore opté pour un modèle particulier. Par contre, nous commençons à disposer d'un certain nombre de propositions, que nous étudions de près. Dymond et Hart ont publié un document sur ce qu'ils appellent le programme post-ALENA. Wendy Dobson a également rendu public un document.

    À Industrie Canada, nous voulons que le débat s'élargisse et dépasse le cadre des milieux universitaires. Au bout du compte, les choses commencent à bouger quand les décideurs, dans l'administration et au niveau politique, participent. Les données qui précèdent cette dernière conclusion établissent que nous disposons d'un fondement solide sur lequel nous pouvons bâtir.

    Dans certains domaines, nous nous sommes extraordinairement bien débrouillés dans les 12 dernières années. Nous avons quelques problèmes. Nous avons peut-être besoin de penser d'une façon plus globale et plus complète aux moyens de tirer parti de notre espace économique en Amérique du Nord. L'idée de Wendy Dobson mérite de faire l'objet d'un débat public. Industrie Canada ne peut pas, de sa propre initiative et sans tenir de consultations, imaginer un programme audacieux et entreprendre de le mettre en oeuvre.

    Bien sûr, nous encourageons la discussion et organisons des rencontres d'universitaires et de chercheurs du Canada et des États-Unis pour examiner les options et les choix qu'il est possible de faire.

+-

    M. Bill Casey: Ne croyez-vous pas qu'il serait bon d'imaginer un programme audacieux? J'avais l'impression que le ministère de l'Industrie avait justement pour objet d'imaginer des plans audacieux pour augmenter notre productivité et gérer nos relations avec les États-Unis.

+-

    M. Peter Harder: Je ne doute pas que nous le ferons quand il sera temps. Nous voulons cependant entendre ce que les autres ont à dire avant d'aboutir à des conclusions. Ce ne serait pas une bonne chose, à mon avis, si nous prenions des décisions dans notre coin.

    Je voudrais revenir encore une fois sur les consultations en cours au sujet du programme d'innovation. Comme je l'ai dit, nous avons 35 à 40 secteurs. Nous avons 35 sommets communautaires de l'innovation qui sont en cours. Certains ont déjà eu lieu. Nous aurons, la semaine prochaine, une conférence fédérale-provinciale, à laquelle participeront toutes les provinces et tous les territoires, en vue de déployer des efforts concertés, chacun dans son champ de compétence, pour nous classer parmi les cinq premiers de l'OCDE en matière de R-D. Toutes les provinces s'entendent là-dessus. Nous échangerons de l'information sur les mesures prises.

    Ainsi, certains éléments de notre vision sont déjà en cours, et d'autres sont en discussion.

    M. Bill Casey: Je vois où vous voulez en venir. L'argument est bon.

    M. Peter Harder: Très franchement, c'est ainsi que je vois le rôle d'Industrie Canada.

+-

    M. Bill Casey: C'est très bien. Je comprends.

    Est-ce que les tables rondes et les sommets sont des réunions du même genre?

+-

    M. Peter Harder: Non, elles sont différentes. Nous avons une quarantaine de secteurs. Industrie Canada n'est pas seul à s'en occuper. L'Agriculture et les Ressources naturelles participent aussi. Nous rencontrons les dirigeants de ces secteurs et leur demandons ce qu'il faudrait, dans leur domaine, pour intensifier la R-D, augmenter la productivité et améliorer la performance. Ce travail est assez avancé et aboutira, une fois terminé, à un sommet national.

    Au niveau régional, le travail est fascinant. Au départ, nous envisagions d'organiser 5 à 7 réunions régionales, mais l'accueil a été tellement chaleureux que 35 collectivités vont maintenant organiser des sommets. Cela se fonde sur la notion récente de grappes. Les grappes sont un phénomène récent, et les collectivités se demandent maintenant comment les grappes se forment. Quels atouts avons-nous dans notre collectivité, dont nous pouvons tirer parti pour améliorer notre performance économique? Nous en sommes maintenant à 35 de ces sommets.

    J'ai participé au sommet de Waterloo, qui a été la première rencontre importante. Il y avait de 250 participants, dont 46 p. 100 représentaient des entreprises, y compris les Mike Lazarides de ce monde, qui ont passé une journée et demie à discuter de questions très précises. Ce n'était pas seulement un échange de généralités. Parmi les participants, 26 p. 100 venaient d'établissements postsecondaires—trois universités et un collège communautaire. Nous savons que, dans l'économie du savoir, les universités jouent le rôle de moteurs économiques. C'est l'intégration de l'université dans le monde de l'entrepreneurship et du développement économique communautaire. Les autres participants représentaient les administrations locales et régionales, qui s'occupent de plus en plus de développement économique.

    Ces organisations communautaires regroupent une partie de cette activité, certaine étant plus évidentes que d'autres. À Waterloo, par exemple, on ne peut pas tenir un sommet communautaire sans parler d'automobile et des technologies de l'information. À Montréal, il est presque obligatoire d'aborder en particulier les secteurs des produits pharmaceutiques, de la biotechnologie et de l'aérospatiale. Il faut en tenir compte.

    Le plus important, c'est ce qu'il faut faire ensemble pour atteindre cet objectif. Nous ne passerons pas du quinzième au cinquième rang de l'OCDE d'ici 2010 en faisant seulement des investissements publics, mais le secteur public devra faire quelques investissements.

    M. Bill Casey: Quand connaîtrez-vous l'ensemble de tout cela?

    M. Peter Harder: Cet automne.

¿  +-(0955)  

+-

    M. Bill Casey: Je vous remercie.

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup.

[Traduction]

    Nous passons maintenant à M. O'Brien.

+-

    M. Pat O'Brien (London—Fanshawe, Lib.): Merci, monsieur le président. Je vous félicite pour votre élection.

    Merci, messieurs, d'être venus.

    Pour revenir à la dernière page de votre exposé, j'ai eu un peu la même idée que mon ami, M. Casey. Je ne sais pas comment vous les appelez, mais je trouve que certains de vos énoncés sont ce qu'on appelle en publicité des «aguiches». Ils lancent une idée sans en dire trop... J'aimerais aborder certains de ces énoncés.

    Vous dites que «le Canada devrait prendre les devants avant que les États-Unis ne soient obligés de réagir». J'aimerais que vous nous donniez quelques exemples de ce que vous envisagez de faire à cet effet, ou d'autres mesures que nous pourrions ajouter à celles que nous avons déjà prises. À quelles options pensez-vous pour nous permettre de prendre les devants? Que pensez-vous des avantages d'une union douanière avec les États-Unis ou d'une devise commune qui, comme nous le savons tous, ne peut pas être autre chose que le dollar américain? Je ne propose rien, c'est juste pour discuter. Quel est donc votre avis à ce sujet?

    Vous dites en outre que «des démarches de faible envergure passent inaperçues dans le système politique américain». C'est juste un énoncé, mais nous ne voyons que trop de preuves du fait que ces démarches sont la règle dans le système politique américain. Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais, pour l'étranger, cette approche pourrait ne pas être efficace.

    Je voudrais également connaître votre avis sur les liens, y compris les choses telles que notre déficience sur le plan militaire, qui est réelle, je pense, et qui embarrasse les députés des deux côtés de la Chambre. Dans quelle mesure pensez-vous que les Américains font le lien dans ce cas?

    Je sais que vous parliez essentiellement de l'Amérique du Nord, mais que pensez-vous de la ZLEA et de ses incidences possibles sur l'intégration nord-américaine?

    J'ai donc trois ou quatre questions, monsieur le président.

+-

    Le président: Monsieur Harder.

+-

    M. Peter Harder: Je vais essayer de répondre, puis je demanderai à Larry de prendre la suite, parce qu'en fait c'est une conversation, n'est-ce pas? C'est presque un sommet.

    Il y a du travail intéressant qui se fait. Je ne sais pas si le comité a eu l'occasion d'entendre Frank Graves parler des récentes données recueillies sur l'opinion publique au Canada, aux États-Unis et au Mexique. Il est intéressant d'observer les différences entre les trois pays. C'est la première fois que je vois des comparaisons à trois. Les données répondent à beaucoup des questions que vous avez posées. Je voulais le mentionner aux membres du comité, car cela est vraiment très intéressant.

    En ce qui concerne les options, je crois que nous en sommes aux premiers stades de leur définition. Je vous signale l'étude de Hart et Dymond, parrainée par Industrie Canada. Elle expose d'une série de propositions précises, que les auteurs appellent le programme post-ALENA. D'autres ont également avancé des propositions. Je sais que Paul Tellier a récemment prononcé un discours dans lequel il en a parlé.

    Je ne crois pas que le plus important soit de demander: «Quelle est l'option à retenir?». C'est plutôt d'amorcer un débat public sur le genre d'options à envisager, de façon à élargir notre compréhension et peut-être à réaliser un certain degré de consensus. Il est clair que l'ALE et l'ALENA n'auraient pas été possibles en l'absence d'une vision audacieuse. Depuis, nous avons fait des gains importants et avons pris conscience d'un certain nombre de problèmes bilatéraux. Le plus important défi, bien entendu, a été le 11 septembre. Les gouvernements, des deux côtés de la frontière, ont réagi en adoptant l'initiative de la frontière intelligente et en prenant d'autres mesures.

    Je crois que les entreprises, des deux côtés de la frontière, auraient quand même demandé, le 10 septembre, quelle était l'étape suivante de l'intégration économique. Le 10 septembre, j'assistais à une réunion avec des représentants d'entreprises canadiennes et américaines pour discuter de l'organisation d'un colloque sur le resserrement des liens et l'amélioration du rendement à la frontière. Ces entretiens doivent dépasser le cadre de la salle du conseil d'administration pour se transformer en débat public, avec une participation élargie.

    Si mes observations vous laissent sur votre faim, c'était bien mon intention. Très franchement, ce n'est pas un sujet dans lequel des fonctionnaires devraient diriger la discussion. Leur rôle est de fournir le soutien nécessaire, de lancer quelques idées, mais non de... Pour y arriver, nous devons inciter les intervenants américains à participer. Ce n'est pas une simple conversation entre Canadiens. L'ALENA a eu du succès parce qu'il y a eu une promotion de l'Accord aux États-Unis.

À  +-(1000)  

+-

    Le président: Merci.

    Avez-vous des observations à formuler, monsieur Shaw?

+-

    Mme Aileen Carroll (Barrie—Simcoe—Bradford, Lib.): Un instant. Je voulais vraiment écouter la réponse à la question de mon collègue, M. Obhrai, concernant les liens.

+-

    Le président: C'est très bien. Avez-vous d'autres observations, monsieur Shaw ou monsieur Harder?

+-

    M. Peter Harder: Bien sûr.

    C'est une question à débattre, parce que la réponse classique consiste à dire que les liens ne font que nuire au petit partenaire. Nous devons donc prendre garde à séparer les questions qui nous préoccupent. Cela nous a sûrement bien servi. Toutefois, chaque fois que nous traversons une période dans laquelle certains dossiers sont difficiles et longs à régler, comme c'est le cas actuellement, la question est posée.

    Très franchement, je dois dire que l'expérience nous montre qu'à long terme, il n'est pas avantageux pour nous d'avoir des liens. Cela étant dit, je dois ajouter, dans le cadre de cet exposé, qu'à défaut de liens, il y a au moins une vision, l'impression d'une destination commune. On peut alors examiner les dossiers dans ce contexte.

    Par conséquent, il est recommandé d'éviter les liens, en tant que tels, et de lancer une discussion sur le but à atteindre d'ici 2010 dans l'espace économique de l'Amérique du Nord.

    Soit dit en passant, plus notre réponse à cette question est ferme et souligne le caractère distinct des considérations sociales, politiques et culturelles, plus nous aurons confiance en nous-mêmes lorsque nous aborderons les questions économiques. Ce n'est donc pas une question fondée sur les considérations économiques.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Monsieur Shaw.

+-

    M. Larry Shaw: J'aurais un commentaire rapide sur votre question concernant la ZLEA.

    Nous croyons que l'industrie canadienne a d'énormes débouchés en Amérique du Sud et que la ZLEA nous promet un accès garanti à ce marché. Pour le moment, la conjoncture économique n'est pas très favorable en Amérique du Sud, et notamment en Argentine, mais le potentiel de croissance de la région est extraordinaire. Nous avons donc intérêt à nous assurer un accès solide à ce marché.

+-

    Le président: Merci beaucoup.

    Je laisserai une dernière question à M. Martin—une très courte question, monsieur Martin, avant de laisser partir nos témoins.

+-

    M. Keith Martin: Merci beaucoup, monsieur Patry.

    Monsieur Harder, les questions dont nous avons discuté aujourd'hui ont fait l'objet d'un nombre incalculable d'études. Ma question est la suivante: qu'est-ce qui nous empêche de passer à l'action? Pourquoi n'agissons-nous pas face aux problèmes que vous décrivez si bien dans ce document, qu'il s'agisse de main-d'oeuvre, de productivité, etc...? Nous connaissons l'existence de ces problèmes depuis des années et des années. Alors, pourquoi n'agissons-nous pas?

+-

    M. Peter Harder: Il faudrait parler, non pas de ce qui nous empêche de passer à l'action, mais plutôt de ce qu'il faudrait pour nous inciter à réagir d'une façon plus globale. En effet, quand on parle d'empêchement, on a l'impression qu'il suffit d'éliminer un obstacle pour que, tout à coup, tout aille pour le mieux dans le meilleur des mondes.

    Je crois vraiment que ce qui se passe aujourd'hui dans le secteur public, tant fédéral que provincial, et dans le secteur privé est en train de mobiliser tout le monde. Sur le plan de la politique publique, les dix dernières années ont été témoin d'une multitude de changements qui se sont manifestés de trois façons fondamentales.

    D'abord, tous les gouvernements montrent beaucoup plus de responsabilité financière, ce qui, à mon avis, représente un changement absolument indispensable sur le plan de l'économie mondiale.

    Ensuite, nous avons tous adopté le libre-échange en reconnaissant que la croissance économique découle du commerce et des exportations de biens et de services.

    Enfin, nous avons pris conscience du fait que l'avenir du monde occidental industrialisé réside dans l'économie du savoir et dans les moyens de mobiliser la politique publique et le secteur privé afin de gravir les échelons de la valeur ajoutée.

    Voilà le consensus qui est en train de se former et qui mobilisera les secteurs public et privé, leur donnant l'assurance que nous progresserons non seulement dans les études, mais aussi dans le comportement. En effet, le consensus sur l'avenir est beaucoup plus évident aujourd'hui.

À  +-(1005)  

[Français]

+-

    Le président: Merci beaucoup à nos deux témoins.

[Traduction]

    Monsieur Harder et monsieur Shaw, je vous remercie beaucoup d'avoir comparu devant le comité ce matin. Cette discussion a été très intéressante. Je suis sûr que nous la mentionnerons dans notre rapport.

    Nous allons suspendre nos délibérations pendant deux minutes.

  +-(1006)  


À  +-(1015)  

+-

    Le président: La séance reprend maintenant.

    Nous avons l'honneur et le plaisir d'accueillir, de l'Université Pace de New York, M. Stephen Blank, professeur d'affaires internationales et de gestion, et, de l'Université d'Ottawa, M. Guy Stanley, directeur du programme international de maîtrise en administration des affaires. Bienvenue au comité. Nous avons hâte de vous écouter.

    Monsieur Blank, la parole est à vous.

+-

    M. Stephen Blank (professeur de commerce international et gestion, Université Pace (New York)): Merci beaucoup.

    Je m'appelle Stephen Blank. Je suis professeur de gestion internationale des affaires à la Lubin School of Business de l'Université Pace à New York. Je suis directeur du PanAmerican Partnership for Business Education, alliance qui regroupe quatre écoles de commerce nord-américaines. Je suis également membre du bureau du North American Committee et du conseil d'administration de l'Alliance for Higher Education in North America.

    Je suis heureux de comparaître devant votre comité permanent.

    Je crois que vous disposez d'un exemplaire de ma déclaration. Je vais donc la passer assez rapidement parce que je crois que la période des questions sera la partie la plus intéressante de cette séance.

    Le premier point que je voudrais souligner est que l'attentat contre le World Trade Centre a mis en relief les réalités économiques de l'Amérique du Nord et les faiblesses fondamentales du système. Depuis le 11 septembre, nous sommes tous plus conscients du nombre d'entreprises et d'emplois qui dépendent d'un passage facile de la frontière et de la fragilité du système. Si la question d'un nouveau «programme nord-américain» paraissait assez théorique avant le 11 septembre, nous savons qu'elle est devenue cruciale aujourd'hui.

    Le deuxième point est que l'intégration économique de l'Amérique du Nord s'est faite dans l'ensemble surtout de bas en haut, poussée par des changements dans la stratégie et la structure des entreprises dans les années 80. C'est une histoire intéressante, à laquelle j'ai consacré deux livres. D'une façon générale, les sociétés nord-américaines ont répondu à la nouvelle conjoncture des années 80 et notamment aux changements des politiques nationales—changements de la plus haute importance apportés au Canada et au Mexique en 1982—, à l'abaissement des barrières commerciales et à l'intensification de la concurrence internationale en adoptant des stratégies et des structures nouvelles.

    Tout cela a abouti, vers la fin des années 80, à l'établissement de vastes et complexes réseaux transfrontaliers de production et de distribution, qui constituent maintenant l'essentiel du système économique nord-américain. La souplesse de ce processus, exempt d'interventions gouvernementales excessives, a favorisé une croissance économique rapide et la création d'emplois.

    Je veux dire par là que la communauté économique nord-américaine a précédé les ententes institutionnelles, c'est-à-dire l'ALE et l'ALENA. Nous devons considérer ces accords comme un élément et non comme la totalité du système nord-américain. En fait, ces ententes sont très modestes à comparer, par exemple, à celles de l'UE. Elles constituaient des réactions à des changements économiques ou des changements de l'environnement économique qui s'étaient déjà produits.

    Cette nouvelle structure économique continentale a amené une transformation de l'infrastructure—chemins de fer, routes, systèmes de transport de gaz et d'électricité, routes aériennes, télécommunications et circuits de transmission de données, etc.—où trois systèmes nationaux tendent à se fondre en un système continental unique. Autrement dit, l'évolution du milieu des affaires a entraîné une évolution de la structure et de la stratégie des entreprises, ce qui a amené les gouvernements à conclure ces accords et a, de plus, entraîné la création de ce que j'appellerai l'infrastructure nord-américaine.

    Mais il y a des limites à cette croissance de bas en haut, et nous commençons à nous y heurter. Ainsi, dans certains secteurs, la poursuite de l'intégration est bloquée par la persistance des différends commerciaux. Dans d'autres secteurs, les intérêts de chacun et les politiques gouvernementales entraînent un manque d'efficience. La forme de l'infrastructure nord-américaine est souvent déterminée moins par les marchés que par les règlements de dizaines d'administrations au niveau fédéral, au niveau des États et au niveau local, par les objectifs concurrents de nombreuses sociétés et de leurs actionnaires et par les efforts déployés pour constituer et entretenir des coalitions d'appui politique.

    Si vous le permettez, je vais interrompre son exposé ici pour parler de quelque chose que M. Harder a dit. Il a parlé d'espace commun. Je crois qu'il est très important que nous le comprenions tous. Cette relation entre les États-Unis et le Canada, entre le Mexique et les États-Unis et, de plus en plus, entre le Mexique et le Canada va au-delà du commerce. Il s'agit d'une intégration structurelle profonde. Il s'agit en fait d'une économie nord-américaine unique dirigée par trois pays souverains. Voilà de quoi il s'agit. Il y a là une contradiction, qu'aggrave le succès économique nord-américain, entre un système économique hautement intégré et un système de gouvernance réduit à sa plus simple expression. C'est une contradiction importante.

    M. Harder a dit que nous devons chercher à maximiser les avantages économiques pour le Canada. Je vais vous dire tout de suite ce que je pense de cela: l'accroissement des avantages économiques pour le Canada passe par une communauté nord-américaine. Je ne parle pas du tout d'un État nord-américain souverain, d'un gouvernement unique ou de la fin du Canada. Je pense surtout au modèle de l'UE. Je crois que l'intérêt du Canada dépendra de la recherche de nouvelles solutions plus institutionnalisées à des questions clés de coordination et de gouvernance.

À  +-(1020)  

    Comment y parvenir? C'est ce que certains d'entre vous se demandent. Nous pouvons recourir à différents moyens. Bob Pastor a proposé la création d'une Commission nord-américaine. Tom d'Aquino a récemment parlé d'une grande négociation. Entre gouvernements, je crois qu'il y a beaucoup de possibilités, mais—et c'est le message le plus important que je veux transmettre—pour le faire, pour passer à l'étape suivante, nous devons former des groupes pouvant appuyer cette entreprise.

    Le grand projet nord-américain qui nous attend, dans lequel les intérêts du Canada peuvent et doivent être maximisés, est la formation d'une alliance appuyant l'avènement d'une communauté nord-américaine. Je crois que cela est essentiel.

    Permettez-moi de vous dire ce que j'entends par là. Nous ne pouvons plus supposer d'emblée que les retombées d'un intégration économique seront automatiques. Nous devons maintenant compléter le processus d'intégration de bas en haut au moyen d'interventions délibérées. Nous devons nous donner une conception de l'Amérique du Nord, créer une voix nord-américaine authentique, lancer des projets qui mettront en valeur cette conception et créer de nouvelles institutions à l'appui d'un système nord-américain.

    Je crois que cette conception est assez claire. Quelqu'un m'interrogera sûrement sur l'identité nord-américaine. Non, je n'envisage pas une identité nord-américaine à l'avenir. Je ne crois pas que la question soit en négociation. Nous devons plutôt viser à établir une conception qui reconnaisse les intérêts que nous partageons, à titre d'Américains du Nord, pour un système économique continental plus libre, dans le cadre d'une infrastructure économique efficace appuyant ce système, et qui comporte l'engagement d'intégrer tous les citoyens pour que chacun profite de la participation à cette communauté nord-américaine. Nous partageons des intérêts. Je ne crois pas que l'identité soit en cause.

    Ensuite, cette conception doit être formulée par une voix authentiquement nord-américaine, une voix qui sache traduire la complexité et la réalité de l'Amérique du Nord, la voix de trois pays et d'une mosaïque de régions. Si nous voulons constituer une véritable communauté nord-américaine, il faut l'appui des régions et des collectivités locales. La communauté nord-américaine doit être profondément enracinée dans la société civile et ne doit pas être seulement une création des trois gouvernements nationaux. En fait, il existe déjà un cadre de base de cette communauté dans le vaste éventail d'organisations qui oeuvrent le long de nos frontières et dans de nombreux secteurs de l'économie. De nombreux groupes ont des intérêts communs dans les liens transfrontaliers et sont prêts à collaborer à la constitution de la communauté nord-américaine. Ce qu'il faut faire, c'est lier ces groupes, organisations et associations en leur donnant une vision et un objet communs.

    J'ai consacré l'un des paragraphes de mon exposé—j'espère que vous aurez l'occasion d'y jeter un coup d'oeil—aux efforts du North American Committee en faveur de la création d'une alliance nord-américaine, qui relierait ces diverses organisations, les gouvernements nationaux, provinciaux et locaux, etc. L'idée est de poser les fondements sur lesquels s'appuierait la création d'une communauté nord-américaine. Cela reviendrait à chercher, à l'instar du Comité d'action pour les États-Unis d'Europe de Jean Monnet, à exercer une influence morale et des pressions externes constantes.

    Cette conception doit se concentrer sur l'édification d'institutions et sur l'exécution de projets. En parlant d'institutions, je crois qu'il est clair que nous avons grandement besoin d'un tribunal nord-américain permanent du commerce et des investissements. Il est également clair que nous avons besoin de meilleures institutions pour permettre aux membres de nos gouvernements fédéraux, d'État, provinciaux et locaux de se rencontrer et de mieux se connaître. Je suis en outre persuadé que nous avons besoin d'institutions pour répondre aux besoins d'éducation et d'information.

    Incidemment, en qualité d'éducateurs, je tiens à dire que beaucoup de dirigeants des gouvernements, des médias et des universités connaissent bien mal l'évolution de l'Amérique du Nord, en dépit de son importance croissante dans nos vies. Très peu de ressources sont consacrées à l'éducation et à l'information de la population. Il n'y a presque pas d'instituts universitaires sur l'Amérique du Nord, de programmes de professeurs invités ou d'échange d'étudiants à ce sujet, et pas de fonds pour financer la recherche en collaboration. Il n'existe pas un centre, pas une fondation voués à la recherche sur l'Amérique du Nord. L'écart entre ce qui se passe et ce que nous en savons est énorme. Ce déficit d'information est manifestement la plus grande faiblesse de notre système nord-américain

    Nous devons créer des projets portant sur les douanes, les frontières, l'immigration et l'énergie. Notre tâche la plus importante consiste à élargir la participation du Mexique à l'ALENA. Dans un monde où notre régime capitaliste est de plus en plus critiqué pour son manque d'équité et pour le niveau croissant des inégalités, aucune mission n'est plus importante que de faire la preuve que ce régime peut effectivement ouvrir des perspectives d'avenir prometteuses à tous les Américains du Nord.

À  +-(1025)  

    Je vais m'arrêter là. J'espère que j'en ai dit assez pour susciter une certaine discussion et que nous pourrons partir de là.

    Je vous remercie de m'avoir invité. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

+-

    Le président: Merci, monsieur Blank.

    À vous, monsieur Stanley.

[Français]

+-

    M. Guy Stanley (directeur, programme international MBA, Université d'Ottawa): Merci beaucoup. Si vous me le permettez, j'aimerais d'abord féliciter les personnes nouvellement élues à la présidence et à la vice-présidence. Merci aussi de l'occasion que vous nous donnez d'être ici afin de contribuer un peu à vos délibérations sur l'avenir du Canada dans le contexte de l'Amérique du Nord. J'aimerais partager quelques petits commentaires avec vous.

[Traduction]

    Pour commencer, je pense que nous devrions remercier le Dieu auquel nous croyons plusieurs fois par jour pour avoir la chance de nous retrouver ici, en Amérique du Nord, plutôt que dans une autre région du monde, et pour avoir les États-Unis comme voisins immédiats.

    De toute évidence, nous devrions reconnaître que c'est une réalité géographique et économique que notre destin, comme pays, est inévitablement noué à celui des États-Unis et du Mexique, et aux ententes que nous élaborons pour le partage du continent. Sans oublier non plus nos liens précieux avec les Caraïbes et les voisins de la région polaire. Nous devons également comprendre que le partage du continent avec nos voisins est une occasion de somme positive plutôt qu'un jeu à somme nulle. Nous ne pouvons perdre que si nous refusons de jouer.

    J'appuie les observations de M. Blank sur le regroupement de l'économie nord-américaine ou sur la création d'une économie unique grâce à des réseaux établis de bas en haut. Voilà ce qui nous a empêché, en particulier, d'élaborer une stratégie nord-américaine faite au Canada ou, plus précisément, un projet de société nord-américaine. Le Canada est particulièrement bien placé pour le faire, mais nous ne l'avons pas fait. C'est surtout le Mexique qui a pris l'initiative.

    Certains peuvent hésiter à avancer dans cette direction, craignant la standardisation, c'est-à-dire l'adoption de normes que nous n'accepterons pas volontiers. Bien au contraire, le fait d'établir un cadre clair de gestion nord-américain protégerait la diversité et lui permettrait de mieux s'épanouir qu'à l'heure actuelle.

    À quoi ressemblerait une stratégie nord-américaine faite au Canada? L'un de ses buts serait d'élaborer une série d'actions destinées à augmenter l'efficacité des transactions nord-américaines. M. Blank a dit avec raison que c'est une activité de bas en haut basée sur des millions et des millions de transactions privées. Nous en sommes maintenant au stade où nous avons la possibilité d'augmenter l'efficacité de ces résultats à l'aide de politiques publiques utiles.

    L'initiative pour une frontière sûre est un exemple d'une telle action. D'autres devraient être conçues pour former les réseaux et les secteurs qui sont tellement importants sur le plan économique dans le cadre d'un ensemble commun de règles. Dans certains cas, cela implique d'aller au-delà du traitement national.

    Il serait très intéressant, dans les circonstances actuelles, de disposer d'une vision canadienne de ce que représente la défense de l'Amérique du Nord, y compris le Mexique. De quelle façon voyons-nous les choses? Tout ce que j'ai vu du ministère de la Défense nationale se résume en gros à une étude de la situation du Canada, pas de l'Amérique du Nord et du rôle que le Canada y joue. Il ne semble pas y avoir une appréciation de haut niveau de l'orientation à prendre et de notre participation à ce qu'il faut faire.

    L'environnement est un autre domaine intéressant. Comme les États-Unis se désintéressent de Kyoto, c'est le moment idéal pour aller au-delà de ce qui est offert à l'échelle mondiale et conclure un accord régional sur la réduction des émissions. Environnement Canada a sûrement un projet de ce genre dans ses dossiers. Le ministère ne l'a pas rendu public, mais on sait qu'il existe. Il nous permettrait de nous attaquer à ce problème dans une perspective nord-américaine.

    Il y a beaucoup d'autres questions, et il existe probablement une hiérarchie des besoins qui devrait nous suggérer comment les aborder. En ce moment, par exemple, nous ne recevrons pas beaucoup d'investissements étrangers en Amérique du Nord tant que nous n'aurons pas prouvé aux investisseurs que notre économie est autre chose qu'un casino dirigé par des malfrats. Par conséquent, une approche nord-américaine de la réglementation des services financiers serait particulièrement productive en ce moment.

À  +-(1030)  

    Même David Dodge a mentionné la nécessité pour le Canada de faire preuve d'une plus grande transparence dans ses rapports. Certains ont dit qu'il fallait adopter des règles de lacunes. En fait, nous devons nous montrer plus créatifs. Nous pouvons devenir des chefs de file. Il est vrai que dans un certain nombre de domaines, nos politiques intérieures ont occasionné des difficultés. Il n'en demeure pas moins qu'il faut agir. Une approche tripartite constituerait un moyen utile de surmonter ces difficultés.

    Quoi qu'il en soit, la liste est longue. J'aimerais lancer quelques idées neuves. Pourquoi pas une politique agricole nord-américaine commune? Comme nous ne pouvons pas persuader les Américains de respecter les règles internationales, peut-être pourrions-nous suggérer quelque chose qui comprendrait l'application commune d'une gestion de l'offre et de subventions, de façon à ne pas nous nuire mutuellement.

    Au sujet des autres conceptions possibles, le débat est actuellement animé. Je conviens avec Wendy Dobson qu'il est temps de penser grand. Certains ont suggéré de progresser à cet effet vers une union douanière. Personnellement, je ne sais pas ce qui serait assez grand. Je soupçonne que la coalition du libre-échange a ce qu'elle veut et qu'elle n'est pas très disposée à en faire beaucoup.

    Si vous pouvez montrer aux gens que des intérêts communs et des règles communes peuvent favoriser la prospérité, je crois que vous avez une chance de réussir, car vous avez quelque chose de concret à proposer. Vous avez un cadre cohérent et une valeur précise correspondante en dollars.

    Pourquoi le Canada est-il bien placé pour agir? Eh bien, nous sommes au même niveau de développement que les États-Unis, et nous sommes plus intéressés qu'eux aux enjeux. Washington a d'autres préoccupations, mais dans la conjoncture économique actuelle, je dirais que les Américains sont ouverts à des suggestions constructives pouvant favoriser la croissance.

    Ensuite, ce processus est un moyen d'aider le Mexique à surmonter une période difficile et à participer plus étroitement au partenariat tripartite continental. Je crois que cela est essentiel, ne serait-ce que parce que le Mexique est le pays le plus jeune des trois et qu'il peut sans doute aider les deux autres à relever le défi du vieillissement de la population pour affronter l'avenir.

    Il est bien possible que beaucoup des dossiers que j'ai mentionnés évoluent déjà dans le sens que je suggère, ce qui devrait être encourageant pour nous. La perspective d'une résistance initiale ne devrait pas nous dissuader parce qu'une vision nord-américaine nous aidera à orienter nos politiques dans une direction constructive. Elle nous aidera aussi à renforcer nos accords intergouvernementaux intérieurs et à réaligner nos structures fiscales et réglementaires pour les rendre plus efficaces. Elle aidera en outre les décideurs à réfléchir à notre situation ambiguë, dans laquelle nous faisons en quelque sorte partie de quelque chose de nord-américain, sans trop savoir ce que ce quelque chose représente exactement. Nous devons voir clairement les possibilités, être extrêmement francs à leur sujet et en être fiers.

    Ce faisant, nous ferions un peu comme quelques-uns des petits États d'Europe qui ont redéfini et amélioré leur rôle au sein de l'UE, surtout comme l'Irlande dans les dernières années, même si on peut se demander si ces pays pourront maintenir leur situation actuelle.

    C'était là l'essentiel de ce que j'avais à dire. Pour moi, la grande question qui se pose est la suivante: le gouvernement actuel et ses conseillers arriveront-ils à surmonter la crainte qu'il y a quelque chose à perdre en acceptant le destin nord-américain du Canada? J'espère que nos décideurs sauront prendre l'initiative et élaborer une vision stratégique audacieuse et progressiste de l'Amérique du Nord. Je crois que les délibérations de votre comité seront une étape constructive dans ce processus.

    Je vous remercie de votre attention.

À  +-(1035)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, monsieur Stanley.

    Nous passons maintenant aux questions et réponses. Je vais devoir observer très strictement les périodes de cinq minutes parce qu'un vote doit être annoncé vers 11 h 10. Je voudrais bien que nous ayons tous l'occasion de poser des questions. Je tenais à vous le dire d'avance.

    À vous, monsieur Martin.

+-

    M. Keith Martin: Merci, monsieur le président.

    Je vous remercie beaucoup, monsieur Blank et monsieur Stanley, d'être venus aujourd'hui. Comme je l'ai dit, il serait facile de passer une heure ou même une demi-journée à discuter avec chacun d'entre vous. Nous apprécions votre franchise et ce que vous avez dit.

    Je peux dire, monsieur Blank, puisque nous nous connaissons depuis longtemps, que vous êtes l'un des rares amis du Canada aux États-Unis. Nous vous sommes sûrement reconnaissants de tout ce que vous faites pour améliorer les relations entre nos deux pays.

    Passons maintenant au coeur du sujet. Je suis tout à fait d'accord qu'il faut créer des institutions qui nous permettront d'intensifier le plus possible nos relations, non seulement avec les États-Unis, mais avec les Américains. La difficulté, c'est que nous n'existons même pas pour nos homologues des États-Unis.

    Messieurs Blank et Stanley, comment pensez-vous que nous pouvons franchir le rideau de fer à Washington de façon à discuter utilement avec nos homologues américains? Quand nous allons là-bas, on nous regarde avec à peine plus d'intérêt que les animaux savants d'un cirque.

    Mme Aileen Carroll: Ça, c'est dans les bonnes journées!

    M. Keith Martin: Oui, dans les bonnes journées. Je vous remercie.

    Deuxièmement, très franchement, tout ce que nous voyons entre nos deux pays, c'est un énorme potentiel inexploité. Comme nous n'avons que cinq minutes, peut-être chacun de vous pourrait-il nous suggérer des moyens de franchir ce fossé qui sépare nos deux pays. Comment amener les Américains à négocier? Comment leur faire comprendre que nous avons les mêmes intérêts et que nous devons trouver ensemble des solutions qui soient avantageuses pour les deux parties?

    Merci.

+-

    Le président: Monsieur Blank.

+-

    M. Stephen Blank: Oui, Keith. Je remercie le ciel que nous soyons de vieux amis, parce que je dois vous dire que votre conception des choses est—avec tout le respect que je vous dois—complètement fausse. Elle est fausse parce qu'elle se fonde strictement sur Washington et Ottawa.

    Le fait est que, là où je vis, à New York et là où se trouve l'Université Pace, dans le comté de Westchester, les Canadiens sont des gens qui comptent beaucoup. Permettez-moi de vous dire que vous n'aimez pas aller à ces endroits et que vous ne passez pas un temps suffisant à former les réseaux et les coalitions qu'il vous faut pour avoir de l'influence aux États-Unis. L'idée que le Canada est un intervenant secondaire et le fait qu'il soit traité comme tel sont autant dus aux Canadiens qu'à n'importe qui d'autre.

    Il y a bien longtemps, j'ai passé beaucoup de temps avec quelqu'un que vous avez connu jeune, le sénateur van Roggen. Nous avons eu du bon temps. Il avait l'habitude de me raconter comment les ambassadeurs canadiens à Washington n'avaient de contacts qu'avec le gouvernement, jamais avec le Capitole, parce qu'ils jugeaient que cela ne se faisait pas. Ensuite, après les ambassadeurs Gotlieb et Chrétien, les Canadiens ont enfin découvert le Capitole.

    Permettez-moi de vous parler de ce qu'il y a à découvrir, c'est-à-dire du reste du pays. La réalité, c'est que vous êtes des intervenants importants à beaucoup d'endroits du monde et que le processus politique américain est long, local et perméable, mais qu'il faut des efforts pour y participer.

    Encore une fois, voici un exemple rapide. Le comté de Westchester se trouve juste au nord de New York. Il fait partie de la ceinture, couvrant le centre du New Jersey et le sud du Connecticut, qui abrite beaucoup des grandes multinationales américaines, une multitude d'entreprises de haute technologie, de biotechnologie, etc. Dans le comté de Westchester, le Canada est notre principal partenaire commercial, et de loin. Le comté est représenté à la Chambre des représentants par quatre, je dis bien quatre députés. Il est clair que, dans cette région, les entreprises et les gens dépendent beaucoup du Canada. À mon avis, cela devrait faire partie d'une stratégie canadienne de formation de coalitions et d'alliances, de constitution de réseaux en faveur de l'Amérique du Nord.

    Bien franchement, je pense que l'effort doit être vraiment nord-américain, plutôt que de consister à maximiser les intérêts canadiens. Car les intérêts canadiens sont maximisés en Amérique du Nord. S'il faut que j'en vienne là, je dirais que je m'oppose à cette tendance au bilatéralisme, par opposition au trilatéralisme, qui se manifeste depuis peu dans la politique canadienne. Voilà donc ma réponse. Le Canada n'est pas petit et n'est pas insignifiant, mais il doit participer à un processus complexe d'élaboration de politiques.

    Un dernier point. Je comprends bien le dilemme. J'ai passé dix ans à diriger le programme des affaires canadiennes à New York où venaient, comme vous le savez, beaucoup de premiers ministres provinciaux et de ministres fédéraux canadiens. Les premiers ministres successifs de l'Ontario venaient souvent. Je leur disais, puisque je travaillais alors pour le gouvernement de l'Ontario, d'envisager leur visite comme si c'était une tournée dans leur circonscription, de se dire qu'ils sont au milieu d'amis et qu'ils sont venus pour se détendre et jouir de la vie. En réalité, ils venaient en potentats étrangers dans leur limousine, accompagnés de leurs assistants. Pourtant, ils n'étaient pas en pays étranger. Ils auraient dû agir comme si c'était une visite de circonscription.

    Il faut donc que les Canadiens changent leur façon de se voir eux-mêmes. Je comprends qu'il y ait des réticences, mais il faut se rendre compte de la réalité.

À  +-(1040)  

[Français]

+-

    Le président: Madame Lalonde.

+-

    Mme Francine Lalonde: Merci beaucoup, monsieur Blank. C'est très intéressant. Vous posez de bonnes questions et vous nous parlez franchement. Merci de votre comparution ce matin, de vos questions franches et de vos positions.

    Une de ces questions est l'espace nord-américain. Outre qu'économique, que peut-il être? Pour le penser, bien sûr, on peut avoir recours à des ONG, à des intellectuels, à des universitaires, à des gens de partout, mais il reste que ce sont les institutions politiques qui font toujours les premiers pas.

    Des membres de mon parti, le Bloc québécois, sont allés au Mexique au mois de janvier avec trois propositions concrètes: un périmètre négocié à trois, un institut monétaire des Amériques qui étudierait l'éventualité d'une monnaie commune d'ici 15 ans et un fonds structurel et social. C'était reprendre la proposition de Vicente Fox, parce qu'on ne peut pas penser à un espace plus qu'économique sans aider à une mise à niveau de la richesse de la population du Mexique par rapport à la richesse de la population aux États-Unis et au Canada. J'aimerais avoir votre point de vue sur ces trois positions concrètes.

    Monsieur Stanley, vous nous proposez d'aller directement, avant toute autre chose, à une conception commune sur la défense. C'est intéressant. Je pense que c'est la première fois que ce point de vue est exprimé. En réalité, je crois que c'est un point de vue qui devrait, d'une certaine manière, s'imposer, parce que ce qu'on fait par rapport au bouclier antimissile, par exemple, détermine dans une large mesure l'attitude du gouvernement américain à l'endroit du Canada. C'est une opinion que j'émets, que je partage avec vous.

    Que pensez-vous de cela?

À  +-(1045)  

+-

    Le président: Monsieur Stanley.

+-

    M. Guy Stanley: Tout d'abord, je pense que la raison pour laquelle j'ai souligné l'importance de la défense, c'est qu'il y a eu les événements du 11 septembre dernier. C'est aussi un fait que nos relations avec les Américains avaient été caractérisées par une sorte de négligence de nos responsabilités sur le plan de la défense nord-américaine. On a peut-être compté plus sur eux que sur nos atouts, notre taille, etc. Donc, on profitait gratuitement de leur contribution, ce que, d'une certaine façon, les Américains trouvaient convenable dans le cadre de leur politique.

    Maintenant, le problème est que les Américains ont été attaqués sur leur propre terrain, et les enjeux sont très sérieux. Pour ne pas nous faire imposer une stratégie américaine, il faut que nous ayons quelque chose pour contrebalancer leur stratégie, avec le même sens d'urgence et un point de vue qui tienne un peu compte de nos atouts et de nos traditions différentes, ainsi qu'un répertoire ou une brochette de contributions concrètes que nous pouvons apporter dans le contexte d'une approche commune.

    J'aimerais aussi dire qu'il serait souhaitable d'inclure les Mexicains dans la même discussion ou dans le même débat, parce qu'on ne sait pas exactement ce que sera la direction de la politique américaine dans un proche avenir. Si on veut être en mesure d'encourager ou de décourager certaines choses, il vaudra mieux avoir une contribution considérable et reconnue, un partenaire qui nous appuie ou qui partage un peu la même perspective que nous et qui serait capable, dans le contexte où trois intervenants seraient impliqués, d'ajouter une dimension plus forte, une plus grande valeur que ce qui pourrait se produire si c'était fait unilatéralement. Autrement, je crains les décisions que les Américains pourraient peut-être prendre dans un proche avenir.

+-

    Le président: Merci, monsieur Stanley.

    Monsieur O'Brien.

+-

    Mme Francine Lalonde: J'avais posé des questions à M. Blank.

    Le président: Les cinq minutes sont écoulées.

    M. Guy Stanley: Je m'excuse. J'ai trop parlé.

    Mme Francine Lalonde: Je vais aller lui parler après.

[Traduction]

+-

    M. Pat O'Brien: Eh bien, je fais partie, comme les autres d'ailleurs, de la diversité culturelle du Canada. Je suis un canadien d'origine irlandaise, et le trèfle figure dans les armoiries du Canada. Nous sommes maintenant un pays bilingue, mais nous avons toujours été un pays multiculturel. Je tenais simplement à le mentionner.

    J'ai trouvé vos observations très intéressantes, très stimulantes aussi, mais je ne les accepte pas toutes.

    M. Stanley parle de notre destin nord-américain. Toutefois, comme étudiants et comme enseignants de l'histoire du Canada, c'est une question que nous nous posons constamment : quel est notre destin nord-américain? Nous nous interrogeons là-dessus au moins depuis la Révolution américaine.

    Je ne suis pas sûr de vous suivre quand vous parlez d'une voix nord-américaine, d'une vision et d'objectifs communs. Pour être franc, je dirai que vous semblez faire abstraction de la différence de taille entre le Canada et les États-Unis. Vous semblez oublier la déclaration d'un excellent politicien américain d'origine irlandaise, Tip O'Neil, qui a dit que la politique est un phénomène purement local.

    Je crois que c'étaient les paroles de M. Blank. Pensez-vous vraiment que cela soit possible en présence de telles différences de taille et de puissance? Je regrette, mais je suis d'accord avec l'énoncé concernant l'ignorance du Canada. Je sais qu'on connaît beaucoup le Canada dans le Beltway, mais tout n'est quand même pas là.

    Quand nous entendons des élus américains dire: «Nous ne savions pas que le Farm Bill peut causer tant de difficultés au Canada. Et nos mesures concernant le bois d'oeuvre résineux vous nuisent vraiment à ce point?», nous pensons que c'est une ignorance incroyable ou une malhonnêteté incroyable. Cela ne peut être que l'un ou l'autre. C'est assez inquiétant pour nous. Je ne vois vraiment pas cette voix nord-américaine et ces objectifs communs. Ils ne concordent pas du tout avec notre expérience.

    Je vous accorde volontiers que nous avons beaucoup de chance d'avoir les États-Unis pour voisin et ami. J'aime bien également quand on dit que, parfois, les États-Unis sont notre meilleur ami, que nous le voulions ou pas. Mais, très sérieusement, nous avons de la chance d'avoir cette relation et nous devons nous ouvrir les yeux. Mais je crois que nous ne pourrons jamais sérieusement envisager une conception et une voix nord-américaine qui ne serait pas totalement dominée par les États-Unis.

    Quelqu'un a parlé de la crainte de la standardisation. Disons plutôt que c'est la crainte de l'américanisation, qui a existé tout le long de notre histoire.

    Monsieur le président, je termine ceci pour qu'il me reste un peu de temps.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Quelle est votre question?

+-

    M. Pat O'Brien: Permettez-moi d'aborder ce point concernant la défense qui me tient particulièrement à coeur.

    Quand les États-Unis ont annoncé unilatéralement la création du Commandement de l'Amérique du Nord, c'était une gifle pour le NORAD et tout ce que nous avions fait depuis 1949. Il n'y avait ni voix ni vision nord-américaine à cette occasion. Je comprends la réaction américaine au 11 septembre, mais je ne vois rien, ni dans le gouvernement actuel ni dans l'histoire des États-Unis, qui puisse appuyer cette thèse d'une vision commune. C'est un exercice théorique intéressant, mais très éloigné de la réalité. Pensez-vous vraiment que ce soit réalisable? J'ai vraiment peine à y croire.

+-

    Le président: Monsieur Blank.

+-

    M. Stephen Blank: Oui, c'est réalisable.

    Je vais vous donner une autre statistique: un tiers des exportations américaines va à nos partenaires de l'ALENA. C'est une réalité, c'est du concret. Les États-Unis dépendent beaucoup de cette relation. La prise de conscience de cette dépendance a amené de grands secteurs industriels, comme celui de l'automobile, à dire le 12 septembre: «Ne fermez pas la frontière. Autrement, vous mettrez au chômage des centaines de milliers d'Américains.»

    Pouvons-nous édifier une vision nord-américaine du jour au lendemain? Je ne le crois pas. Mais si vous voulez me suivre le long de la frontière dans la région économique du Nord- Ouest pacifique, si vous voulez penser aux accords Alberta-Montana, aux associations des gouverneurs des Grands Lacs et au Sommet économique Québec-New York dont j'ai eu l'honneur de présider la séance d'ouverture il y a quelque temps, vous constaterez que beaucoup de gens dans beaucoup de régions ont commencé à comprendre cette réalité. Ont-ils été tous reliés entre eux dans une vision nord-américaine? Non. Mais pourraient-il l'être? Oui.

    Sur le plan de la mise en oeuvre, cette vision doit s'accompagner d'une stratégie sérieuse destinée à former des coalitions en vue de faire adopter les mesures législatives nécessaires. Si nous, qui croyons à l'Amérique du Nord, n'agissons pas, nous n'irons nulle part. Je crois que le Canada pourrait jouer un rôle important en contribuant au lancement de ce processus. De plus, c'est le moyen de défendre au mieux les intérêts canadiens.

    Allons-nous régler ainsi tous les problèmes? Non. Les Américains sont des gens difficiles. Leur régime politique est complexe. Il suffit de regarder l'émission The West Wing pour avoir une bonne idée du fonctionnement de ce régime. Est-il possible de remporter des victoires partielles? Oui, à condition de travailler ensemble dans le cadre d'une stratégie concertée.

À  +-(1055)  

+-

    M. Pat O'Brien: Croyez-vous vraiment que les États-Unis soient disposés à partager leur pouvoir en Amérique du Nord avec le Canada et le Mexique?

+-

    M. Stephen Blank: Je pense au grand nombre de travailleurs américains qui se rendent compte qu'ils dépendent de ces relations, du grand nombre de personnes qui vivent à la frontière et qui savent que leur gagne-pain est tributaire d'une relation stable. Ils ne sont peut-être pas conscients de l'existence d'une vision nord-américaine, mais c'est la matière première avec laquelle nous devons travailler.

    Nous demandons aux habitants de la région du Nord-Ouest pacifique, du Québec et de l'État de New York d'édifier des institutions dans leur propre intérêt. Nous ne leur demandons pas de renoncer à leur souveraineté. Un jour, ils comprendront qu'il existe un monde différent, mais qu'ils doivent agir dans leur propre intérêt. C'est la clé.

+-

    Le président: Je vous remercie.

    Nous passons maintenant à M. Casey.

+-

    M. Bill Casey: Merci. La discussion est particulièrement intéressante. Je suis très heureux d'y participer.

    Vous venez de dire que, pour défendre au mieux les intérêts canadiens, nous devons avancer ensemble. Je crois qu'il faut, au préalable, définir ce que sont les intérêts canadiens. Les Canadiens ne considèrent pas tous que le commerce constitue une priorité. Beaucoup veulent seulement être Canadiens et non Américains. Ils préfèrent être différents.

    Je ne crois pas que les Canadiens aient hâte d'intégrer leur défense, leur commerce, leur sécurité et tout le reste. Je n'en ai pas l'impression lorsque j'écoute mes électeurs. Par conséquent, quand vous parlez de défendre au mieux les intérêts canadiens, vous devez penser à ce que ce sont ces intérêts. Nous sommes différents, et nos intérêts sont différents.

    Quelle est votre définition des intérêts canadiens? Considérez-vous qu'ils dépendent strictement du commerce?

+-

    M. Stephen Blank: Non, mais le commerce est important. Je vois une nouvelle amie, Francine Lalonde. Je vois un ancien ami, Keith Martin. Je vous vois. Même si nous demandions à ceux qui sont assis de ce côté de la table leur définition des intérêts canadiens, ils trouveront qu'il n'est pas facile de répondre. Beaucoup de réponses sont possibles. C'est le premier point.

    Le deuxième, c'est que je ne suis pas responsable du fait que 80 p. 100 du commerce canadien se fait avec les États-Unis. Je suis Américain. Je dois accepter cette réalité. Je n'y suis pour rien. Je n'ai pas essayé de vous convaincre ni de vous leurrer. C'est simplement un fait. Par conséquent, sur le plan économique, le destin du Canada réside en Amérique du Nord.

    Vous dites que la troisième option consiste à intensifier le commerce avec la Chine. Même si je suis Américain, je n'enverrai pas des canonnières faire le blocus de Vancouver pour vous empêcher de le faire. Je me limite à vous dire qu'il y a certaines réalités. Le Canada a tout intérêt à garder une identité distincte et dynamique et une existence multiculturelle au sein du système nord-américain, ainsi qu'à jouer un rôle de premier plan dans ce système. Voilà comment je définis les intérêts canadiens. M'appuyant sur les événements dont je suis témoin et sur les données auxquelles j'ai accès, je dis qu'il est dans l'intérêt du Canada de bien fonctionner dans ce système, et non de rester à l'écart.

    Vous êtes ici des gens sages. Si vous décidez qu'il vaut mieux pour le Canada adhérer à l'UE et si vous pouvez le faire, encore une fois, je ne vous enverrai pas des canonnières pour vous en empêcher. Je travaille simplement sur les données dont je dispose. J'admets par ailleurs que, dans les 25 dernières années, je n'ai pas toujours été très populaire dans cette ville. Maintenant, vous savez pourquoi.

     Des voix: Oh, oh!

+-

    M. Bill Casey: Je crois que vos observations vont susciter beaucoup de réflexion de notre côté. Nous les apprécions donc beaucoup.

    Nous en revenons constamment aux intérêts canadiens. Or les Canadiens s'intéressent intrinsèquement au fait d'être Canadiens, c'est-à-dire d'être différent des Américains. Il y a un prix à payer pour cela. Si nous devenions Américains du jour au lendemain, il est probable que notre économie deviendrait beaucoup plus forte, mais cela n'arrivera jamais.

+-

    M. Stephen Blank: Je pense encore une fois que nous sommes des Américains du Nord. Voudriez-vous devenir Américains dans ce sens? Non. J'aurais parfois souhaité que ce soit le cas. J'aurais bien aimé avoir un meilleur contrôle des armes à feu. J'aurais bien aimé vivre dans un pays...

    On suppose toujours que les mauvaises choses prennent inévitablement le pas sur les bonnes. Pourquoi ne pourrions-nous pas apprendre de vous? Je serais enchanté de vivre dans une Amérique du Nord qui serait plus canadienne qu'américaine. J'ai passé une grande partie de ma vie ici. En ce sens, je suis un Canadien très enthousiaste. Mais, très franchement, monsieur, je ne crois pas que cela soit en cause. Je ne crois pas que l'identité canadienne fasse partie des enjeux. Je ne crois pas qu'elle court des risques

    Comme je l'ai dit, je ne crois pas à l'avènement d'une identité nord-américaine. Nous travaillons ensemble. En fait, j'ai l'impression que l'identité de l'Ouest pacifique, l'identité du Québec, l'identité des Maritimes seront renforcées dans ce contexte nord-américain. Bien sûr, cela aussi peut constituer un problème. Mais vous n'avez pas à cesser d'être Canadiens. Cela n'est pas en jeu.

Á  +-(1100)  

+-

    M. Bill Casey: Nous avons parfois l'impression...

+-

    Le président: Un instant, s'il vous plaît. Pensez-vous qu'il serait possible de laisser M. Stanley répondre?

    M. Bill Casey: Oui, bien sûr.

+-

    M. Guy Stanley: Il est également important de ne pas oublier que nous parlons d'une nouvelle réalité dans laquelle subsistent beaucoup de vieilles habitudes. Je ne crois pas que vous essayez de défendre un Canada qui veut se cacher et demeurer invisible. Nous souhaitons un Canada qui joue un rôle énergique et qui exprime un sens de l'Amérique du Nord que, franchement, peu d'Américains partagent.

    C'est un travail de marketing. Nous suggérons d'agir ainsi parce que c'est le meilleur moyen de promouvoir l'avenir du Canada qui, pour des raisons économiques et diverses tendances historiques, se situe principalement dans un contexte nord-américain. Si nous ne jouons pas un rôle énergique en vue de créer de nouvelles habitudes, de nouvelles façons de gérer notre espace commun, ces habitudes nous seront évidemment imposées par le grand frère, qui le fera simplement pour organiser ses propres affaires.

    Voilà pourquoi nous sommes tous les deux partisans d'une approche beaucoup plus énergique et proactive.

+-

    Le président: Merci, monsieur Stanley.

    Madame Jennings.

+-

    Mme Marlene Jennings: Juste une question très brève. Compte tenu du niveau d'intégration de l'industrie de l'acier en Amérique du Nord, peut-elle représenter un secteur dans lequel nous pourrions prendre le dessus, que nous pourrions utiliser comme projet pilote afin de pousser l'intégration plus loin et de créer une vision nord-américaine du secteur?

+-

    M. Stephen Blank: L'industrie de l'acier est un domaine difficile parce que M. Bush espère très fort remporter la Virginie occidentale aux prochaines élections. Je tiens à être très franc à ce sujet.

    Mme Marlene Jennings: Je vois.

    M. Stephen Blank: C'est un problème. Et je ne sais pas vraiment comment le surmonter.

    Ensuite, le degré d'intégration des entreprises à travers la frontière est également problématique, car les entreprises veulent jouer sur les deux tableaux. Mais, dans ce secteur—comme dans celui de Guy, la défense—, nous n'avons pas une entité nord-américaine, un groupe de hautes personnalités pouvant produire des documents, exprimer de nouvelles idées et présenter des solutions de rechange.

    Vous vous souvenez probablement du rejet par le Surface Transportation Board de la fusion entre le Canadien National et Burlington Northern. La plupart d'entre nous pensaient que c'était une bonne affaire. Pourtant, lorsque nous avons examiné les documents présentés au STB, nous n'y avons pas trouvé un seul rapport expliquant les raisons pour lesquelles c'était une bonne affaire. Lorsque j'ai demandé aux représentants du Canadien National pourquoi ils n'avaient pas présenté un tel rapport, ils m'ont dit qu'ils n'étaient pas sûrs que cela faisait partie de leur rôle. Il n'y a pas un organisme, pas une fondation, pas un centre universitaire, pas un groupe quelconque qui puisse dire: «Regardez ceci. Voici une autre idée. N'est-ce pas judicieux?» Nous n'avons rien de cela. Il ne faudrait pas beaucoup d'énergie ou d'argent pour le faire. Ce n'est rien de plus que ce que vous faites vous-mêmes: recueillir les faits et produire une série de rapports. Il faut aussi prendre contact avec les représentants des différents groupes et leur dire: «Ceci est important pour vous, pour vos gens, pour vos emplois. Lisez ce rapport.» Malheureusement, nous ne faisons rien de tout cela.

    Nous n'avons pas un centre d'études nord-américain sur la défense. Pas un seul document n'a été écrit à ce sujet. C'est tout simplement incroyable.

+-

    Le président: Monsieur Stanley, 30 secondes.

+-

    M. Guy Stanley: Je suis bien d'accord. Dans l'ancien temps, lorsque nous relevions de la Grande-Bretagne, il y avait un chef de l'état-major impérial. Il y avait un état-major impérial. Il ne fonctionnait pas très bien. Aujourd'hui, nous n'avons que le NORAD, qui ne couvre qu'un seul secteur. Nous avons donc besoin de repenser l'architecture et le rôle que nous pouvons y jouer. Nous n'avons vraiment pas de temps à perdre, parce qu'il ne nous en reste pas beaucoup.

+-

    Le président: Merci, monsieur Stanley.

    Monsieur Martin, vous avez 20 secondes pour poser une question et recevoir une courte réponse.

+-

    M. Keith Martin: Nous avons besoin de la bénédiction du Beltway pour réaliser n'importe quoi dans les domaines du commerce, des transports et des télécommunications. Nous avons deux séries d'intérêts en jeu: les intérêts purement locaux et les intérêts nationaux. Comment pouvons-nous surmonter les premiers, qui inspirent la conduite de Washington, pour en arriver à parler d'institutions traitant des intérêts nationaux? Voilà le problème que nous avons.

Á  -(1105)  

+-

    Le président: Monsieur Stanley.

+-

    M. Guy Stanley: J'ai quelque chose à dire à ce sujet. La raison pour laquelle j'ai proposé de concentrer notre attention sur ce genre de transactions, c'est qu'il est possible de trouver des domaines dans lesquels les industries elles-mêmes vont favoriser l'intégration. Cela pourrait probablement comprendre une libéralisation des restrictions touchant les investissements étrangers et une plus grande harmonisation des normes. Il y aurait quelques questions à régler pour surmonter les obstacles qui s'opposent, par exemple, à une intégration parfaite des industries des télécommunications en Amérique du Nord.

    J'attire votre attention sur le fait que les Européens ont fait des progrès sur ce plan et que nous verrons vite la différence quand ils auront réussi. C'est déjà fait dans le secteur de la téléphonie cellulaire.

    Une fois que les gens commencent à parler d'intégration, ils peuvent voir les avantages et commencer alors à défendre notre point de vue. Par conséquent, les intérêts purement locaux diminuent à mesure que l'information circule.

+-

    M. Stephen Blank: Très rapidement...

+-

    Le président: Oui.

+-

    M. Stephen Blank: Le plus important, Keith, est de former des coalitions. Je vous pose une question: pourquoi n'y a-t-il pas un corridor de transport de l'ALENA à l'est de l'Hudson? J'ose dire que l'une des raisons est que ni le gouvernement du Québec ni le gouvernement de l'État de New York n'ont exercé des pressions en faveur d'un tel corridor auprès des représentants à Washington. Pourquoi? Pour beaucoup de raisons sans importance, mais ils ne l'ont pas fait.

    Si nous voulons avoir un corridor Québec-Montréal-New York financé par des fonds fédéraux, des fonds de l'ISTEA, il faut que des représentants de l'État de New York défendent le dossier. Cela veut dire que le Québec doit travailler très fort. Très franchement et avec tout le respect que je vous dois – je tiens à vous dire que je suis membre de l'Ordre national du Québec...

[Français]

+-

    Le président: L'ordre national du Québec.

[Traduction]

+-

    M. Stephen Blank: Oui.

    Il est impensable que les gouvernements successifs du Québec, depuis dix ans, n'ont pas exercé des pressions pour créer ce sommet. C'est une mauvaise politique, et beaucoup de mes plus proches collègues sont du même avis. Voilà ma réponse, Keith. Nous devons cibler nos efforts.

    Je ne voudrais pas écarter trop vite les préoccupations de M. Casey, parce qu'elles sont très réelles. La réalité, c'est qu'Équipe Canada ne doit pas seulement aller aux antipodes, ou Dieu sait où ailleurs. Elle doit aussi se rendre dans le comté de Westchester. Il n'y a peut-être pas autant de prestige à aller là, parce que ce n'est pas comme aller à Singapour. Il n'en reste pas moins qu'il serait très avantageux de se rendre aussi dans le comté de Westchester.

+-

    Le président: Aileen, dix secondes seulement.

+-

    Mme Aileen Carroll: Je crois que c'est l'une des meilleures discussions que nous ayons eues. Tous les deux, vous avez remis en cause beaucoup de notions fondamentales, ce qu'il est très important de faire. Je ne sais pas si nous avons le pouvoir de vous offrir un emploi au cabinet du premier ministre, mais je crois que nous aurions intérêt à vous avoir là.

    M. Blank a présenté un excellent argument en disant que l'approche au sommet nous mène trop souvent à l'impasse. Ayant grandi à Halifax et comprenant les relations que nous avions avec Boston et la Nouvelle-Angleterre, je crois que je saisis bien ce dont vous parlez. Je suis bien d'accord avec vous qu'il est très important de développer les liens régionaux. En gros, il me semble que si nous ne prenons pas les devants, les Américains vont le faire. Si nous préférons agir à notre manière, nous avons intérêt à partir les premiers.

-

    Le président: Merci, madame Carroll.

    Un grand merci aussi à nos témoins, M. Blank et M. Stanley. Vos observations étaient extrêmement stimulantes. Merci encore.

    Nous nous retrouverons mardi matin pour parler du plan de l'étude nord-américaine.

    Il nous reste trois minutes et demie avant le vote. Je vous remercie.