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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 11 février 2003




¾ 0810
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))
V         Mme Soni Dasmohapatra (coordonnatrice de développement communautaire, Council of Agencies Serving South Asians)

¾ 0815
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic)

¾ 0820

¾ 0825
V         Le président
V         M. Harold Otto (historien, Fédération nationale lettonne au Canada)
V         Le président
V         M. Harold Otto

¾ 0830
V         Le président
V         M. Harold Otto

¾ 0835

¾ 0840
V         Le président
V         Mme Uzma Shakir (président, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants)
V         Le président
V         Mme Uzma Shakir

¾ 0845
V         Le président

¾ 0850
V         M. Fred Franklin (membre, Toronto Refugee Affairs Council)

¾ 0855

¿ 0900
V         Le président
V         Mme Elizabeth McIsaac (directrice, Maytree Foundation)

¿ 0905
V         Le président

¿ 0910
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         Mme Avvy Yao-Yao Go

¿ 0915
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Uzma Shakir
V         Le président
V         Mme Uzma Shakir
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président

¿ 0920
V         M. Harold Otto

¿ 0925
V         Le président
V         M. Fred Franklin
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.)

¿ 0930
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi

¿ 0935
V         Le président
V         M. Harold Otto
V         Le président
V         M. Norbert Piché (président, Centre francophone de Toronto, Toronto Refugee Affairs Council)
V         Le président
V         M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD)

¿ 0940
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Mme Uzma Shakir
V         Le président
V         Mme Uzma Shakir
V         Le président
V         Mme Elizabeth McIsaac
V         Le président

¿ 0945
V         Mme Uzma Shakir
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président

¿ 0950
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         Mme Avvy Yao-Yao Go
V         Le président
V         M. Fred Franklin
V         Le président
V         M. Harold Otto
V         Le président
V         Le président

À 1010
V         Mme Marnie Hayes (éducatrice et militante, Programme des réfugiés et des migrations, Kairos)
V         Le président
V         Mme Marnie Hayes

À 1015

À 1020
V         Le président
V         M. Anton (Tony) Bergmeier (président, German-Canadian Congress National, Congrès germano-canadien, Ontario)

À 1025

À 1030
V         Le président
V         M. Orlando Da Silva (avocat, Portuguese Club of Kitchener; Waterloo Region Portuguese Business and Professionals Association, Kitchener Waterloo Portuguese Community)

À 1035

À 1040
V         Le président
V         M. Orlando Da Silva
V         Le président
V         Mme Olya Odynsky (À titre individuel)

À 1045

À 1050
V         Le président
V         M. Leslie Torok (À titre individuel)

À 1055
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich

Á 1100
V         M. Anton (Tony) Bergmeier
V         Le président
V         M. Anton (Tony) Bergmeier
V         Le président
V         M. Anton (Tony) Bergmeier
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Anton (Tony) Bergmeier
V         Mme Lynne Yelich
V         Mme Olya Odynsky
V         Le président

Á 1105
V         M. Orlando Da Silva
V         Le président
V         M. Orlando Da Silva
V         Le président
V         Mme Olya Odynsky
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         M. Andrew Telegdi

Á 1110
V         Le président
V         Mme Marnie Hayes
V         Le président
V         Mme Marnie Hayes
V         Le président
V         Mme Marnie Hayes

Á 1115
V         M. Andrew Telegdi
V         Mme Marnie Hayes
V         M. Orlando Da Silva
V         Le président
V         M. Ernst Friedel (président, Congrès germano-canadien, Ontario)
V         Le président
V         M. Leslie Torok

Á 1120
V         Le président
V         M. Brian Masse
V         Le président
V         M. Leslie Torok
V         Le président
V         M. Leslie Torok
V         Le président
V         M. Leslie Torok
V         Mme Olya Odynsky
V         Le président
V         M. Ernst Friedel

Á 1125
V         Le président
V         M. Orlando Da Silva
V         Le président

Á 1130
V         Mme Olya Odynsky
V         Le président
V         Mme Olya Odynsky
V         M. Andrew Telegdi
V         Le président
V         M. Ernst Friedel
V         Le président
V         M. Orlando Da Silva
V         Le président
V         Mme Marnie Hayes
V         Le président
V         M. Leslie Torok

Á 1135
V         Le président
V         Mme Olya Odynsky
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Marnie Hayes
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 022 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 11 février 2003

[Enregistrement électronique]

¾  +(0810)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, collègues et invités. Nous reprenons notre débat sur le projet de loi C-18, Loi concernant la citoyenneté canadienne, et nous aurons un autre exposé sur nos programmes d'adaptation des immigrants, de la Maytree Foundation.

    Je tiens à vous remercier à l'avance de contribuer ainsi à notre débat, tout comme vous l'avez déjà fait dans le passé sur d'autres questions d'immigration. Je sais que vous nous avez tous remis un mémoire et je vais donc vous demander de simplement le résumer au lieu de le lire au complet. Vous aurez tous de cinq à sept minutes pour faire votre exposé, après quoi nous passerons aux questions, qui constituent toujours la partie la plus productive de nos travaux.

    Nous accueillons aujourd'hui Soni Dasmohapatra du Council of Agencies Serving South Asians, Harold Otto et Alide Forstmanis, de la Fédération nationale lettone au Canada, Avvy, de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic, Uzma Shakir, du Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, Norbert Piché, Fred Franklin et Jesus Mejia, du Toronto Refugee Affairs Council, et Elizabeth McIsaac, de la Maytree Foundation. Je vous souhaite la bienvenue à tous et toutes.

    Nous allons commencer en donnant la parole à Soni.

+-

    Mme Soni Dasmohapatra (coordonnatrice de développement communautaire, Council of Agencies Serving South Asians): Bonjour.

    Comme l'ont fait des organisations telles que le Conseil canadien pour les réfugiés et le Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, le CASSA souhaite présenter sa position sur le projet de loi C-18, Loi sur la citoyenneté canadienne. Ce nouveau projet de loi affirme à juste titre que tous les citoyens, quelle que soit la manière dont ils le sont devenus, possèdent le même statut. Toutefois, les modifications proposées, et certains immigrants peuvent en témoigner, restent contraires à la fois à la lettre et à l'esprit de la loi actuelle.

    Il semble y avoir plusieurs cas d'injustice dans les diverses dispositions du projet de loi, par exemple en ce qui concerne le droit de transmettre sa citoyenneté à ses enfants. En vertu des modifications proposées, l'enfant né à l'étranger d'une citoyen canadien de deuxième génération, par exemple d'une mère également née à l'étranger, n'aurait pas droit à la citoyenneté canadienne et pourrait même devenir apatride. Cela vaudrait même si la mère avait vécu au Canada toute sa vie sauf pendant la période de sa naissance. En revanche, l'enfant né à l'étranger d'un citoyen canadien de première génération, c'est-à-dire d'une mère née au Canada, qui choisirait de vivre la majeure partie de sa vie à l'étranger ne serait assujetti à aucune restriction de ce genre. Cette disposition est injuste envers les Canadiens de deuxième génération à qui elle impose un traitement différent simplement parce qu'ils sont nés à l'étranger. Cela va également à l'encontre de l'affirmation dans le projet de loi que tous les citoyens sont égaux, quelle que soit la manière dont ils le sont devenus. En outre, cette disposition pourrait causer un préjudice considérable aux Canadiens naturalisés, notamment en ce qui concerne leur aptitude à accepter un emploi intéressant en dehors du Canada.

    Nous recommandons que l'on modifie cette disposition pour affirmer clairement que tout enfant né à l'étranger d'une personne dont la demande de citoyenneté a été acceptée sera considéré comme citoyen canadien en toutes circonstances.

    On propose aussi dans le projet de loi de fixer à 28 ans l'âge limite permettant d'acquérir la citoyenneté canadienne, notamment en ce qui concerne les enfants canadiens nés à l'étranger de Canadiens de deuxième génération. Cela semble totalement arbitraire et on n'a prévu aucune possibilité d'appel pour les personnes qui peuvent avoir des raisons tout à fait légitimes de ne pas demander leur citoyenneté avant l'âge limite.

    Le CASSA recommande que l'on modifie cette disposition en prévoyant une procédure d'appel et en ajoutant une exception à la règle de l'article 14 pour qu'une personne ne puisse pas perdre sa citoyenneté si cela doit la rendre apatride.

    En vertu des dispositions du projet de loi C-18, c'est le ministre de la Citoyenneté qui accordera la citoyenneté. Cette modification transfère au ministre une prérogative qui appartenait jusqu'alors aux juges de la citoyenneté. Or, les juges de la citoyenneté sont assujettis beaucoup plus rigoureusement que les politiciens à la règle de droit et sont donc de meilleurs arbitres de l'admissibilité.

    Nous recommandons que l'on rende à une entité indépendante et non partisane, comme le juge de la citoyenneté, le droit d'accorder la citoyenneté, droit qui devrait reposer sur la loi et non pas sur les aléas de la politique.

    Le projet de loi accorderait également des pouvoirs apparemment très vastes au Cabinet. Par exemple, celui-ci pourrait refuser la citoyenneté à une personne qui «a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». Or, ces principes et valeurs dits démocratiques ne sont clairement définis dans aucune loi ni aucune politique, et il ne semble y avoir aucun consensus clair dans la population à ce sujet, si ce n'est que chaque citoyen a le droit d'être traité de manière égale et juste. Donc, cette disposition permettra à des gouvernements différents d'interpréter et d'appliquer différemment la loi, ce qui risque d'entraîner des abus de pouvoir.

    Nous recommandons que l'on réitère le caractère non partisan de tout organisme de décision sur la citoyenneté, ainsi que l'application démocratique de la règle de droit dans l'octroi de la citoyenneté.

    Le problème le plus grave du projet de loi C-18 est qu'il témoigne d'un certain mépris de la règle de droit dans la mesure où certains citoyens risquent d'être privés injustement de leurs droits, par exemple dans le cas de la révocation de leur citoyenneté. Un citoyen pourrait fort bien voir ses droits de citoyen être révoqués sur un simple «résumé des motifs à l'appui de l'arrêté». On trouve dans le projet de loi C-18 une nouvelle disposition, inspirée de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, qui autorise un juge de la Cour fédérale à révoquer la citoyenneté d'un immigrant sans que celui-ci puisse voir la preuve invoquée contre lui. De plus, une décision de révocation par un juge ne pourra faire l'objet d'un appel ou d'une révision judiciaire.

    Un deuxième problème est que le projet de loi autorise la révocation de la citoyenneté en fonction du seul critère de violation «des principes et valeurs sur lesquels se fonde une société libre et démocratique». Cela veut dire non seulement que le citoyen ne pourra pas voir les informations invoquées pour révoquer sa citoyenneté, mais aussi que celle-ci pourra être refusée à une personne qui aurait apparemment enfreint ces principes plutôt que l'intérêt public comme on le disait dans l'ancien projet de loi. Il est vraiment paradoxal de voir une telle disposition, qui viole clairement les principes et valeurs que l'on prétendra invoquer pour révoquer la citoyenneté, étant donné que chaque citoyen devrait normalement avoir le droit d'être traité de manière juste et égale.

¾  +-(0815)  

    Le projet de loi C-18 accorderait également au ministre de nouveaux pouvoirs d'annulation de la citoyenneté. Étant donné que la loi n'autorise pas la divulgation des preuves invoquées pour l'annulation et ne prévoit pas de droit d'appel, une personne qui aurait pu être accusée par erreur, selon la nouvelle loi, n'aura même pas la possibilité de se défendre. Placer une décision aussi cruciale en dehors du processus judiciaire ne garantit pas le respect de la justice et des droits de l'individu. En outre, on ne dit pas dans le projet de loi que le ministre devra être convaincu au-delà de tout doute raisonnable que la citoyenneté a été obtenue de manière illégitime. Il suffira que le ministre soit «convaincu», ce qui établit le critère le moins exigeant possible et permettra d'annuler la citoyenneté même dans des cas où il pourrait y avoir des divergences d'opinions légitimes. Cela empêchera la personne concernée d'avoir un recours efficace devant les tribunaux étant donné que ceux-ci seront généralement obligés d'accepter la «conviction» du ministre.

    Nous recommandons que l'on rétablisse les principes de justice et de transparence. Nous recommandons aussi que l'on modifie le projet de loi pour que les décisions d'annulation soient prises par une entité indépendante, en prévoyant un droit d'appel garantissant le plein respect de la règle de droit et des droits d'information, de divulgation et de recours à un avocat.

    Le problème des apatrides est un problème mondial de plus en plus grave. Certes, le Canada a signé la Convention de 1961 sur la réduction des cas d'apatridie mais il n'avait pas signé la Convention de 1954 sur le statut des personnes apatrides. Comme d'autres groupes concernés, tels que le Conseil canadien pour les réfugiés ou le Ontario Council of Agencies Serving Immigrants, nous implorons le gouvernement du Canada de signer la Convention de 1954 et d'apporter les changements nécessaires au projet de loi sur la citoyenneté pour garantir qu'il respecte l'esprit et l'intention des conventions. Nous recommandons par ailleurs que l'on ajoute à la loi, en plus de limiter les dispositions qui entraîneraient la création de personnes apatrides, une disposition indiquant que la loi doit être interprétée d'une manière qui soit conforme au principe de réduction de l'apatridie.

    Merci.

+-

    Le président: Merci, Soni.

    Je donne maintenant la parole à Avvy, de la Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go (directrice, Metro Toronto Chinese and Southeast Asian Legal Clinic): Merci.

    Bonjour, je suis heureuse de pouvoir m'adresser à vous aujourd'hui au sujet de nos préoccupations. Je suis avocate de formation et aussi directrice de notre agence de services juridiques. J'espère que vous avez eu l'occasion de lire le mémoire que nous vous avons adressé.

    Je sais que le comité a déjà entendu les représentants de plusieurs groupes, comme la African Canadian Clinic et le Conseil national des Canadiens chinois, et que vous venez d'entendre la représentante du CASSA. Nous partageons bon nombre des préoccupations exprimées par ces organisations en ce qui concerne les questions de perte, de révocation et d'annulation de la citoyenneté, et les nouvelles dispositions interdisant l'obtention de la citoyenneté.

    J'aimerais donc indiquer aujourd'hui comment certaines des nouvelles dispositions porteront à mon avis atteinte aux droits des citoyens canadiens et des résidents permanents dans le cadre de la Charte des droits et libertés. Deuxièmement, considérant ces infractions potentielles, je voudrais souligner l'importance de la création d'un droit d'appel. Ensuite, s'il me reste du temps, j'aborderai certaines de nos réserves au sujet des critères de résidence et des dispositions touchant l'adoption.

    Lorsque le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration a déposé le projet de loi C-18, il a dit que celui-ci touche l'essence même de la citoyenneté canadienne et des valeurs qu'elle représente. Selon nous, ces valeurs comprennent le respect de la règle de droit, l'égalité des citoyens et le principe d'équité. Or, quand nous analysons le projet de loi, force nous est de conclure qu'il est l'antithèse de ces valeurs.

    Prenons l'article 21 comme exemple. D'après nous, accorder au ministre un pouvoir aussi vaste de refuser la citoyenneté à quiconque aurait à son avis fait preuve d'un grave mépris à l'égard de nos valeurs sociales et de nos principes n'est pas du tout conforme aux valeurs canadiennes. Dans son communiqué de presse, le ministre dit que cette disposition vise en particulier les personnes qui propagent la haine, mais il n'y a rien dans le projet de loi lui-même qui limite le pouvoir du ministre à ce seul type d'activité. D'ailleurs, qu'entend-on vraiment par un mépris grave des valeurs et principes canadiens? Est-ce que cela s'appliquerait à quelqu'un qui brûle le drapeau canadien ou cela pourrait-il aussi englober un acte de désobéissance civile?

    Il existe à notre avis un grave risque qu'une application très large des articles 21 et 22 du projet de loi aboutisse à restreindre certaines libertés fondamentales des Canadiens, comme les libertés d'expression, de conscience, de pensée, de croyance, d'opinion et d'association définies à l'article 2 de la Charte. Ce risque aura pour effet de museler les membres des communautés immigrantes qui hésiteront sérieusement avant de dire quoi que ce soit qui puisse représenter une critique du gouvernement ou du régime démocratique car cela pourrait fort bien être interprété comme un mépris grave de ce système.

    Nous avons également de sérieuses réserves sur les articles 17 et 18. Du point de vue juridique, il est particulièrement troublant de voir que le ministre aura le pouvoir de retirer sa citoyenneté à un Canadien sans égard à la règle de droit. En vertu de l'article 17, la personne sujette à une demande de révocation n'aura pas le droit de savoir ce qu'on lui reproche et n'aura pas de droit d'appel, et le juge saisi d'une telle demande ne sera même pas obligé de respecter les règles usuelles d'établissement de la preuve. À l'aune de la Charte, ces articles sont tout à fait inacceptables, pour deux raisons principales.

    Premièrement, ils portent atteinte au droit à l'égalité car ils reviennent à toutes fins pratiques à créer deux catégories de citoyens, la première englobant les personnes nées au Canada, et la deuxième, celles qui sont nées à l'étranger et qui ont obtenu la citoyenneté ici-même. Or, seuls les membres de la deuxième catégorie risqueront de voir leur citoyenneté révoquée ou annulée sur la base de preuves secrètes que le gouvernement pourrait invoquer. Cela constitue une violation flagrante de l'article 15 de la Charte qui interdit la discrimination en fonction de l'origine nationale.

    Deuxièmement, ces dispositions constituent également une atteinte à l'article 7 de la Charte, qui garantit aux Canadiens le droit à la liberté, à la vie et la sécurité de la personne, et le droit de ne pas en être privés sauf conformément aux principes de la justice fondamentale. Les citoyens canadiens auxquels on retire la citoyenneté risquent d'être expulsés car, quand on perd son statut de citoyen, on n'a plus aucun statut dans ce pays. À notre avis, l'expulsion constituerait une violation du droit à la liberté, dans certains cas, et du droit à la vie et à la sécurité de la personne, dans d'autres, et elle ne devrait en aucun cas être décidée en dehors des principes de la justice fondamentale, ce qui sera le cas si le ministre peut prendre la décision sans tenir compte de la règle de droit et si la personne concernée n'a aucun droit d'appel.

    À notre avis, la seule manière de corriger ces fautes graves du projet de loi eu égard à la Charte consiste à éliminer les articles coupables, soit les articles 17, 18, 21 et 22. Toutefois, si le comité recommande le maintien de ces dispositions, nous lui demandons d'ajouter à la loi un droit d'appel dans tous les cas de refus, de révocation et d'annulation. C'est seulement s'ils bénéficient d'un droit d'appel valide—et je ne parle pas ici d'une révision judiciaire devant la Cour fédérale mais plutôt d'un droit d'appel au sens plein du terme, avec une nouvelle audience—que les citoyens canadiens ou les résidents permanents pourront contester des décisions déraisonnables ou illégales prises par le ministre ou par ses représentants, car ce seront en fait des bureaucrates qui prendront la décision, c'est bien clair.

¾  +-(0820)  

    En ce qui concerne la notion de résidence, nous voudrions souligner la manière incohérente dont cette exigence de résidence physique est traitée dans la loi. En effet, on nous dit maintenant, d'une part, qu'on ne se concentre pas sur la notion de résidence physique en exigeant que l'immigrant ait été spécifiquement présent au Canada pendant 1 095 jours mais, d'autre part, le nouvel alinéa 7(1)b) remplace l'alinéa actuel 5(1)c) qui tient compte de la présence physique du candidat dans le calcul des jours avant qu'il ne devienne immigrant reçu, avec une formule d'un jour sur deux. Donc, tant que l'on est physiquement présent ici, les jours de présence sont pris en compte. Dans la nouvelle loi, on dit en fait qu'il faut aussi avoir le statut de personne protégée ou posséder un permis temporaire pour que ces jours soient pris en compte. Cela va donc à l'encontre du concept de résidence physique que propose le projet de loi. Nous pensons qu'il convient donc de remplacer l'alinéa 7(1)b) par la disposition correspondante de la loi actuelle.

    J'aimerais finalement parler des enfants adoptés. Nos commentaires à ce sujet se fondent sur l'expérience que nous avons acquise dans le traitement de dossiers d'adoption et d'immigration. Beaucoup de Canadiens se rendent en Chine ou au Vietnam pour adopter des orphelins, ce qui est une fort bonne chose. Lorsque l'adoption est approuvée, Immigration Canada approuve leur parrainage sans difficulté. Toutefois, nous voyons aussi bon nombre de familles chinoises—et je suis sûre que cela vaut également pour des familles d'Asie du Sud—qui se rendent dans leur pays d'origine pour adopter des enfants qui leur sont apparentés. Même si l'adoption est approuvée par l'agence provinciale pertinente, leur parrainage sera refusé par Immigration Canada parce que ces adoptions seront jugées suspectes. En effet, le ministère n'y voit pas la création d'une véritable relation parent-enfant, en partie parce qu'il y avait déjà une relation auparavant. Le fait que l'on parle dans la loi de la création d'un «véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant» interdit l'existence d'une relation antérieure. Cette contradiction a été mise en lumière par la Cour fédérale dans certaines causes. Ainsi, celle-ci a proposé un critère prospectif qui permettrait de se demander si l'adoption créera vraiment une relation de filiation entre les deux parties. À mon avis, cela serait conforme à la manière dont évoluent bon nombre de ces adoptions intra-familiales.

    Le projet de loi exige que le candidat démontre que l'adoption créera un véritable lien de filiation entre l'adopté et l'adoptant. Nous allons donc constater le même type de rejet que dans les demandes d'immigration mais, évidemment, le problème est qu'il n'y aura pas ici de droit d'appel. Donc, et c'est paradoxal, la personne qui va adopter un enfant aura intérêt à formuler une demande de parrainage devant Immigration Canada car, si sa demande est rejetée, elle aura un droit d'appel. Si elle agit dans le cadre de la Loi sur la citoyenneté, l'enfant risque de ne jamais venir au Canada car l'adoptant n'aura pas de droit d'appel une fois que l'adoption aura été approuvée mais que la demande de citoyenneté aura été rejetée. Que fera donc l'adoptant? Il laissera l'enfant dans le pays d'origine. Il y aura donc là-bas un enfant adopté qui ne peut pas venir s'établir au Canada. Si nous voulons faciliter la réunion des enfants adoptés avec les parents adoptants, assurons-nous que cette disposition ne constitue pas un obstacle insurmontable.

    En conclusion, nous pensons que la Loi sur la citoyenneté doit contribuer à définir qui nous sommes comme nation. Le débat à ce sujet est un débat sur les valeurs et principes qui nous sont chers. La question qui se pose est de savoir si nous voulons bâtir un pays ouvert, accueillant et respectueux de la diversité et de l'égalité ou un pays avec deux classes différentes de citoyens, déterminées essentiellement par un accident de naissance. Tel est le choix que nous avons à faire et notre espoir est que nous ferons le bon.

    Merci.

¾  +-(0825)  

+-

    Le président: Merci, Avvy.

    Je donne maintenant la parole à Harold Otto et Alide Forstmanis, de la Fédération nationale lettone au Canada.

+-

    M. Harold Otto (historien, Fédération nationale lettonne au Canada): Bonjour, monsieur le président.

    Je dois peut-être préciser tout de suite que je ne suis ni Letton ni avocat.

+-

    Le président: J'aime bien que vous ne soyez pas avocat. Et j'aime bien les Lettons, il y en a beaucoup à London, en Ontario.

+-

    M. Harold Otto: En effet.

    Je suis cependant marié à une Lettone, c'est-à-dire à une Canadienne qui est née apatride dans un camp de personnes déplacées de Lettonie en Allemagne après la Deuxième Guerre mondiale. Je suis également un Canadien assez typique dans la mesure où j'ai un beau-frère dont le prénom est Mohammed. Deux de mes enfants ont fait leurs études en anglais et en français. Moi-même, j'ai travaillé en anglais et en français et je parle quelques autres langues. Ma fille enseigne dans une école musulmane privée à Vancouver. Ma mère, qui enseigne aussi dans des écoles publiques au Canada, a enseigné dans une école juive.

¾  +-(0830)  

+-

    Le président: C'est vraiment très canadien. Vous avez probablement aussi un lien avec l'Italie.

+-

    M. Harold Otto: Cela dit, je m'exprime aujourd'hui au nom de la Fédération nationale lettone au Canada ainsi qu'en mon propre nom. Tout comme la Fédération, je crains que la citoyenneté de ma femme et celle de mon beau-frère ne valent pas autant que la mienne. Cela constituerait une atteinte non seulement à l'article 12 du projet de loi, qui promet l'égalité à tous les Canadiens, quelle que soit la manière dont ils ont acquis leur citoyenneté, mais aussi à la Charte des droits et libertés et à une tradition d'environ 800 ans concernant l'égalité devant la loi, en common law.

    Comme mon temps de parole est limité, je vous invite à lire le mémoire que j'ai préparé en m'intéressant essentiellement aux articles 16, 17 et 18, qui portent sur la révocation de la citoyenneté canadienne. À mon avis, la personne qui m'a précédé a fait erreur en parlant de deux classes de citoyens créées par ce projet de loi. En effet, le texte va plutôt en créer trois: une classe de personnes nées au Canada et qui ne peuvent être privées de leur citoyenneté, une classe de personnes naturalisées qui ne peuvent être privées de leur citoyenneté que dans le cadre d'une procédure judiciaire, aussi faible soit-elle—et j'ai l'intention d'indiquer ses faiblesses—et une troisième classe de citoyens qui possèdent la citoyenneté depuis moins de cinq ans et qui risquent d'en être privés par fiat ministériel. Contrairement à ce que disait le juge McKeown dans l'arrêt ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration c. Bogutin, qui est le seul arrêt que je connaisse sur cette question, nous pensons que la perte de la citoyenneté canadienne représente une perte considérable de liberté.

    Passons maintenant à l'examen des articles. L'article 16 prévoit une procédure judiciaire et semble donc relativement innocent. Constatez toutefois qu'aucun critère de preuve n'y est défini et que l'on n'y indique pas dans quelles circonstances une procédure pourra être intentée en vertu de cet article plutôt que de l'article 17. L'article 17, quant à lui, va tout à fait à l'encontre de toute notion de règle de droit. La preuve devra être fournie en secret, sans la présence de l'accusé, ce qui veut dire que celui-ci ne la verra jamais si le juge estime que ce serait dangereux. Autrement dit, la personne n'aura absolument aucun moyen de défense. Or, je peux vous dire que j'ai été consulté par la défense dans une affaire de cette nature, il y a quatre ans. Le procès a duré 29 jours mais vous pouvez facilement imaginer les nombreux mois qu'ont exigés nos préparatifs. Je n'ai aucune hésitation à vous dire que la personne qui était alors accusée n'aurait pas pu prouver son innocence si elle n'avait pas pu contester la preuve.

    Comme je viens de le dire, on ne sait pas clairement, à la lecture du projet de loi, si c'est l'article 16, qui n'interdit pas explicitement un appel, ou l'article 17, qui l'interdit, qui s'appliquerait, mais on trouve des indications utiles dans le sommaire législatif, LS-442E, préparé par la Direction de la recherche de la Bibliothèque du Parlement, où il est dit que «l'article 17 énonce en détail la procédure s'appliquant aux personnes accusées de terrorisme, de crimes de guerre ou de crime organisé». Nous considérons qu'une telle accusation, surtout à la lumière des déclarations publiques de l'ex-ministre de la Justice Allan Rock disant qu'aucune procédure de cette nature ne serait lancée en l'absence de preuves d'un acte criminel individuel, engendre la stigmatisation d'une condamnation pénale pour un crime horrible, ce qui veut dire que le critère de preuve devrait au minimum être plus élevé que la prépondérance des probabilités énoncée à l'article 17.

¾  +-(0835)  

    Aux États-Unis, la perte de la citoyenneté est considérée comme une perte de liberté tellement grave qu'elle équivaut à une condamnation pénale et c'est pourquoi le critère de preuve est celui du droit pénal, c'est-à-dire au-delà de tout doute raisonnable. Or, je ne pense pas que la citoyenneté canadienne ait moins de valeur que la citoyenneté américaine, et la Fédération nationale lettone au Canada ne le pense pas non plus.

    En conséquence, nous recommandons que les articles répréhensibles du projet de loi soient éliminés et soient remplacés par une modification au Code criminel faisant de l'immigration frauduleuse un acte criminel, ce qui non seulement donnerait un droit d'appel mais aussi établirait un critère de preuve approprié, et que l'une des sanctions prévues pour un tel crime soit la révocation de la citoyenneté. Ainsi, la stigmatisation accompagnant une telle accusation, la perte de réputation et, admettons-le, la punition de gens qui sont effectivement des criminels seraient légitimement assurées.

    Je dois réitérer que cette création de catégories inégales de citoyens canadiens et l'acceptation de procès secrets ressemblent plus à du maccarthysme qu'à tout ce que nous connaissons en droit canadien et en tradition de common law, sans parler de la Charte des droits et libertés. Je vais donc conclure en rappelant les paroles du pasteur Martin Niemöller, mort dans un camp de concentration allemand pendant la Deuxième Guerre mondiale. Voici à peu près ce qu'il disait. D'abord, ils sont venus arrêter les communistes mais, comme je n'étais pas communiste, je ne me suis pas inquiété. Puis ils sont venus arrêter les juifs mais, comme je n'étais pas juif, je ne me suis pas inquiété. Puis ils sont venus arrêter les homosexuels mais, comme je n'étais pas homosexuel, je ne me suis pas inquiété. Finalement, ils sont venus m'arrêter et je me suis retrouvé dans un camp de concentration parce qu'il n'y avait plus personne pour m'aider. Je sais que ma citoyenneté ne peut être révoquée en vertu de ce projet de loi mais j'estime que la procédure qui est envisagée doit être éliminée dès le départ. Il faut mettre immédiatement le holà. Il est tout simplement inadmissible de créer des catégories différentes de citoyens canadiens, de permettre à un ministre de retirer arbitrairement la citoyenneté des gens, de priver les gens de leur citoyenneté sur la base d'accusations qui pourraient fort bien avoir été concoctées par des gens ou des gouvernements n'approuvant pas les valeurs démocratiques du Canada.

¾  +-(0840)  

    À titre d'exemple et en conclusion, je tiens à souligner que pratiquement aucun des Lettons qui ont immigré au Canada dans les années 1940 ou 1950 n'aurait été accepté dans le cadre de ce projet de loi. Après l'annexation forcée de la Lettonie par l'Union soviétique, suite au pacte Hitler-Staline de 1939, il était interdit à quiconque, en droit soviétique, de quitter l'Union soviétique sans permission. C'était considéré comme de la trahison. Tous les Lettons qui se sont retrouvés à l'Ouest étaient ipso facto des traîtres en droit soviétique et, à cause de la tyrannie qui se prétendait être le gouvernement légal de la Lettonie, étaient, parce qu'ils étaient considérés comme des traîtres et des ennemis de l'État, la cible d'enquêtes et d'accusations de nombreux crimes différents comme le meurtre, la participation à l'Holocauste, la coopération avec les Nazis, etc. Ces personnes ont toutes été accusées de choses qui, si elles avaient été commises au Canada, les rendaient passibles de poursuites pénales. Cela veut dire qu'aucune d'entre elles n'aurait été admise au Canada en vertu de ce projet de loi. Voilà donc un autre élément sur lequel vous devriez vous pencher: le fait que des immigrants potentiels puissent être accusés par leur propre gouvernement d'avoir participé à des crimes qui seraient passibles de poursuites pénales ici mais qui n'en seraient pas vraiment.

    Comme je dois conclure, je souligne qu'il est crucial de préserver l'égalité de tous les Canadiens et le respect de la règle de droit dans tous les cas.

    Merci.

+-

    Le président: Merci beaucoup, Harold.

    Je donne maintenant la parole à Uzma Shakir, du Ontario Council of Agencies Serving Immigrants.

+-

    Mme Uzma Shakir (président, Ontario Council of Agencies Serving Immigrants): Merci.

    Je dois dire moi aussi que je ne suis pas avocate, ce qui devrait également vous rendre heureux.

+-

    Le président: Vous savez, chaque fois que je dis cela, je reçois une foule d'appels d'avocats qui me demandent pourquoi je leur en veux.

+-

    Mme Uzma Shakir: Cette fois, vous pourrez leur dire que c'est de ma faute.

    Je tiens à souligner aussi que je viens du secteur communautaire, ce qui veut dire que je représente en fait cinq entités différentes aujourd'hui. Il me serait donc vraiment impossible d'improviser un exposé à votre intention et, prenez patience, je dois tout simplement lire mon texte.

    Avant de commencer, je voudrais revenir sur les déclaration des deux personnes qui m'ont précédée. En effet, j'estime que le projet de loi va créer quatre catégories différentes de citoyens—et nous ne nous sommes jamais rencontrés auparavant, n'est-ce pas? La quatrième catégorie sera celle des personnes qui n'auront pas réclamé leur citoyenneté avant l'âge de 28 ans. En fait, cet âge a été choisi de manière tout à fait arbitraire. Il revient à dire que l'on peut fort bien avoir droit à la citoyenneté, de par sa naissance, mais que l'on renonce à ce droit si on ne l'a pas réclamé avant l'âge de 28 ans, pour quelque raison que ce soit. Vous voyez bien que le projet de loi ne va pas créer une, deux ou trois catégories différentes de citoyenneté mais bien quatre, ce qui est tout à fait problématique car on affirme dans le préambule que tous les citoyens sont égaux en toutes circonstances. La création de quatre catégories différentes de citoyenneté constitue donc une infraction flagrante aux droits de chaque citoyen et de chaque être humain. Cela en soi est un problème grave du projet de loi.

    L'OCASI a été créé en 1978 pour agir comme porte-parole des organismes de service aux immigrants et pour coordonner des réponses aux besoins et préoccupations communs. L'OCASI est un organisme de charité enregistré, régi par un conseil d'administration bénévole. Il se compose de plus de 150 organismes communautaires de l'Ontario.

    L'OCASI a contribué activement à la discussion sur les versions précédentes de ce projet de loi, ainsi que sur le projet de loi C-11, qui est maintenant la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés. Nous avons également consulté des organismes membres concernant les effets potentiels du projet de loi C-18 sur nos membres dans le secteur des services aux immigrants et aux réfugiés en Ontario. Nous sommes heureux de constater que l'actuel projet de loi C-18 contient certaines des améliorations que nous avions proposées. Toutefois, nous sommes profondément inquiets de l'absence complète de recours dans les nouvelles dispositions, comme l'ont souligné les personnes qui m'ont précédée. Nous demeurons également très préoccupés par certaines des autres dispositions.

    Bien que nous soyons heureux que l'on réitère clairement le principe que tous les citoyens possèdent le même statut, quelle que soit la manière dont ils sont devenus citoyens, nous pensons que le gouvernement canadien a le devoir de modifier le projet de loi dans le but de protéger les droits de tous les citoyens, surtout lorsqu'ils sont assujettis aux pratiques discriminatoires de contrôle sécuritaire à la frontière canado-américaine ou aux autres frontières et qu'ils sont traités différemment à cause de leur lieu de naissance ou de leur religion.

    L'OCASI est également préoccupé par l'inégalité mise en lumière dans la description du droit de transmettre la citoyenneté à ses enfants. Un enfant né hors du Canada d'un citoyen canadien de seconde génération né hors du Canada n'aura pas droit à la citoyenneté et pourra même devenir apatride. Cela nous préoccupe beaucoup car nous avons signé ou devrions signer des conventions internationales destinées à réduire l'apatridie, alors que nous sommes sur le point d'adopter des lois, ou des modifications à des lois, qui entraîneraient en fait une augmentation de l'apatridie. Il y a par exemple certains pays qui n'accordent pas automatiquement la citoyenneté aux enfants nés sur leur territoire et, si un enfant a la malchance de naître d'un Canadien de deuxième génération né à l'étranger, tant pis pour lui. Il ne fera partie d'aucun État. Cela est en soi un problème très grave, sans compter que cela va engendrer des catégories différentes de citoyenneté.

    Nous recommandons que cette disposition soit modifiée de façon à reconnaître qu'un enfant né hors du Canada d'une personne dont la demande de citoyenneté a été acceptée sera considéré comme citoyen canadien. De plus, l'âge limite de 28 ans qui entraînerait la perte du droit de conserver sa citoyenneté semble arbitraire, d'autant plus qu'aucune procédure d'appel n'est prévue pour les personnes qui pourraient avoir des raisons légitimes de ne pas pouvoir demander la citoyenneté avant cet âge.

    En vertu du projet de loi C-18, comme l'ont dit les deux personnes qui m'ont précédée, c'est le ministre de la Citoyenneté qui aura le droit d'accorder la citoyenneté. Cela est aussi problématique car on sort ainsi cette procédure du champ de la justice pour la plonger dans le champ de la politique. Comme vous êtes des politiciens, vous comprendrez que cela pourrait être très problématique, c'est le moins qu'on puisse dire.

    L'OCASI se préoccupe vivement des vastes pouvoirs consentis au cabinet pour refuser la citoyenneté parce qu'une personne aurait fait preuve d'un  grave mépris des principes et valeurs qui fondent une société libre et démocratique. Cette affirmation est une contradiction en soi. Voyez les modifications mentionnées par mes collègues, aucune divulgation d'informations n'est prévue, ni aucun droit d'appel ou de révision judiciaire. Selon nous, cela ressemble tout à fait à une violation des principes et valeurs fondamentaux de toute société libre et démocratique. Autrement dit, il se peut fort bien qu'un organisme politique, le Cabinet, décide à huis clos de l'avenir des individus, qu'ils soient citoyens ou non, en portant atteinte aux principes mêmes au nom desquels il privera cette personne de ses droits de citoyen. À mon avis, c'est parfaitement contradictoire. Je le répète, je ne suis pas avocate mais c'est une question de simple logique.

¾  +-(0845)  

    L'OCASI se préoccupe aussi vivement du risque de violation des droits de la personne avec le processus envisagé de révocation de la citoyenneté. Le ministre de la Citoyenneté recevra de nouveaux pouvoirs qui lui permettront de retirer sa citoyenneté à une personne qui l'aura obtenue après avoir immigré au Canada, et ce, sans respect de la règle de droit et sans droit d'appel, comme je l'ai déjà dit. Encore une fois, placer un pouvoir de décision aussi important en dehors du processus judiciaire va tout à fait à l'encontre des principes de justice et du souci de protéger les droits des particuliers.

    Nous sommes également préoccupés par toute la liste des interdictions qui figure à l'article 18 en ce qui concerne l'octroi de la citoyenneté et, comme vient de le dire l'orateur précédent, une personne qui a été accusée et condamnée dans un pays étranger risque de ne pas avoir droit à la citoyenneté. Cela est évidemment très problématique car il s'agit d'une contradiction de notre propre Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés qui amènerait probablement à accorder le statut de réfugié précisément à une personne qui a ainsi été condamnée, accusée, voire emprisonnée, sur la base d'une foule de fausses accusations concoctées par un régime antidémocratique et totalitaire. On propose donc dans ce projet de loi un amendement qui va tout à fait à l'encontre de notre propre politique et de notre législation sur la protection des réfugiés, ce qui devrait nous inquiéter.

    Cela étant, je conclus en disant que nous appuyons toutes les recommandations qui ont été formulées par le Conseil canadien pour les réfugiés dans le mémoire qu'il vous a adressé, l'an dernier je crois. Et je partage les remarques des personnes qui m'ont précédée.

    Merci.

+-

    Le président: Merci.

    Je donne maintenant la parole à Fred Franklin, du Toronto Refugee Affairs Council.

¾  +-(0850)  

+-

    M. Fred Franklin (membre, Toronto Refugee Affairs Council): Merci.

    Je m'adresse à vous au nom de TRAC, le Toronto Refugee Affairs Council. Je suis accompagné de Norbert Piché, qui travaille au Centre francophone et qui est un merveilleux traducteur français, et de Jesus Mejia, qui travaille dans l'un des plus grands refuges pour les familles. Vous avez reçu notre mémoire.

    Les membres de notre organisation sont en contact quotidien avec des réfugiés, et certains sont eux-mêmes d'anciens réfugiés. Moi-même, il se trouve que je suis un réfugié de l'oppression nazie. Je suis parti en Angleterre quand j'étais enfant parce que mes parents durent fuir l'Allemagne. Il y a donc fort longtemps que je m'intéresse à la situation des réfugiés et aux questions de droits de la personne. Jesus Mejia est venu au Canada en 1985 et nous aide depuis cette date. Bon nombre de réfugiés ont vu comment des procédures apparemment légales peuvent dissimuler des décisions draconiennes et arbitraires. Voilà précisément le danger que nous voyons dans le projet de loi C-18, du fait de l'absence de règle de droit, notamment en ce qui concerne l'octroi, le refus ou la révocation de la citoyenneté. Cette question a déjà été examinée en détail par d'autres et je n'y reviendrai pas. Je ne parle pas aussi vite que certains de mes collègues plus jeunes, et je ne voudrais pas vous ennuyer, mais je tiens à laisser assez de temps pour la discussion.

    Comme je m'intéresse aux questions de justice, je m'intéresse depuis longtemps aux problèmes de détention et de déportation de personnes qui ont déjà été confrontées à certaines de ces mesures et qui ont très peu de droits. Je constate par ailleurs que bon nombre de nos commentaires émanent des batailles que nous avons menées au sujet de la nouvelle Loi sur l'immigration. Certaines de ces mesures draconiennes ont été influencées par les événements récents aux États-Unis, c'est-à-dire cette guerre contre le terrorisme et l'insécurité qui en résulte pour les occupants de ce continent, Canadiens compris. Nous craignons que ces événements influencent certaines des attitudes que nous constatons ici. Cette loi va s'appliquer pendant les 10, 15 ou 20 prochaines années et il est donc important qu'elle soit juste et équitable pour tous les Canadiens pendant toute cette période.

    Étant donné mon intérêt pour les questions de justice, j'ai analysé le projet de loi plus attentivement que je ne le ferais normalement, notamment les pouvoirs relatifs au refus de la citoyenneté, et j'ai été complètement abasourdi de constater que la règle de droit ne sera pas du tout respectée. Prenez l'article 16, comme l'a fait mon ami. Il paraît tout à fait innocent. Il y a un juge, ce qui est une amélioration. Mais, quand on passe à l'article 17, on constate que ce juge peut être influencé par le ministre, à n'importe quelle étape de la procédure. Si celui-ci a la conviction qu'une personne risque d'être un danger pour le public, d'une manière quelconque, il ne sera pas obligé de divulguer ses preuves à la personne concernée et celle-ci n'aura donc aucune chance de se défendre. C'est vraiment tout à fait incroyable! La personne sera trouvée coupable avant d'avoir été condamnée, ce qui est tout à fait contraire à la règle de droit qu'on a toujours appliquée au Canada et qui veut qu'une personne soit considérée innocente tant qu'elle n'a pas été jugée coupable. On aura donc une personne qui fera face à la révocation de sa citoyenneté, qu'il s'agisse d'un citoyen canadien ou d'un immigrant reçu. Il y aurait toutes sortes de moyens légaux pour sanctionner les infractions. Pourquoi traiter cette personne de manière arbitraire simplement parce qu'elle n'est pas née au Canada? Aucun Canadien ne pourrait être assujetti à certaines des procédures qu'on trouve dans le projet de loi C-18.

    Comme nos collègues, nous recommandons que ces articles soient retirés du projet de loi ou soient modifiés de façon à garantir le respect de la règle de droit et le droit d'appel. En règle générale, ces articles débouchent sur une décision finale et ne donnent aucun droit d'appel, pour quelque raison que ce soit, ce qui va tout à fait à l'encontre de nos principes élémentaires de justice.

¾  +-(0855)  

    Nous nous réjouissons tous de l'article 12: «Tous les citoyens jouissent du même statut et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et sont assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens». Nous constatons cependant qu'il n'existe aucune obligation réciproque de la part de l'État. Or, si le citoyen a des droits, nous estimons qu'il a celui de s'attendre à des obligations réciproques de la part de l'État, notamment de l'obligation de protéger tous les citoyens de manière égale.

    On trouve d'ailleurs d'autres infractions à ce principe d'égalité dans beaucoup d'autres dispositions du projets de loi. Nous n'avons pas encore parlé des Canadiens de deuxième génération mais il semble tout à fait ridicule qu'une personne qui a passé toute sa vie au Canada ne soit pas considérée comme canadienne simplement parce qu'elle est née à l'étranger d'un Canadien de deuxième génération, et qu'elle soit obligée de franchir toutes sortes d'obstacles pour obtenir sa citoyenneté. C'est parfaitement ridicule. Je parle ici d'une personne qui a obtenu le statut d'immigrant reçu et à qui on impose une procédure extravagante.

    Le Canada est un pays qui nous est très cher et nous tenons à ce que l'on revoie attentivement ce projet de loi. Le Canada est un bon pays, qui s'est doté de bonnes lois, et il est crucial de ne pas les violer en traitant injustement les nouveaux venus et les personnes qui ne sont pas nées ici. J'espère qu'il y aura de nombreuses questions sur ces choses-là.

    Merci.

¿  +-(0900)  

+-

    Le président: Merci, Fred. Je vous remercie tous et toutes au sujet du projet de loi C-18.

    Comme je l'ai dit tout à l'heure, je vais maintenant donner la parole à Elizabeth McIsaac, de Maytree, qui va nous parler des programmes d'aide à l'établissement des immigrants, étant donné que le comité se penche également sur cette question. Depuis l'adoption de notre nouvelle Loi sur l'immigration, nous souhaitons faire le suivi de certaines des ententes provinciales et de certains programmes d'établissement, et je sais que vous contribuez tous à la prestation de ces programmes pour les réfugiés et les immigrants. Certains d'entre vous avez déjà pris la parole. Hier, nous avons accueilli une assez grande délégation pour discuter de cette question. Si vous avez d'autres commentaires à formuler au sujet des programmes d'établissement, vous pourriez nous les envoyer par écrit si vous n'avez pas eu l'occasion de témoigner. Nous vous en serions très reconnaissants car nous tenons à faire une analyse exhaustive de la question.

    Elizabeth, nous allons vous donner cinq à sept minutes. Le comité connaît bien la Maytree Foundation, ainsi que certains de vos collègues dans cette salle.

+-

    Mme Elizabeth McIsaac (directrice, Maytree Foundation): Merci, monsieur le président.

    Je tiens tout d'abord à présenter mes excuses à certains des témoins. Pour une raison quelconque, je n'ai pas pris note du X qui figurait à côté de Loi sur la citoyenneté, sur la feuille de confirmation. J'aurais dû m'en rendre compte plus tôt et j'espère que mon exposé ne nuira en rien aux remarques très importantes qui ont été faites sur la Loi sur la citoyenneté.

    La Maytree Foundation est une fondation privée de Toronto. L'un des principaux objectifs de nos programmes d'aide aux réfugiés et aux immigrants est d'améliorer leur accès à un emploi convenable en favorisant une reconnaissance équitable de leurs compétences, de leurs études et de leur expérience. À titre de fondation privée, Maytree veut contribuer à la recherche de solutions concrètes à ces problèmes. Mes remarques d'aujourd'hui porteront sur les programmes d'établissement au niveau global, et sur les solutions que nous proposons.

    J'ai remis aux membres du comité deux publications que la Fondation Maytree a produites par le truchement de l'Institut Caledon: Fufilling the Promise, de Naomi Alboim, de la Maytree Foundation, et un document encore inédit intitulé Nation Building through Cities.

    Je tiens tout d'abord à répondre à la proposition du ministre Coderre concernant une stratégie dite de dispersion dans le but de faire profiter un plus grand nombre de régions des bienfaits de l'immigration, et j'aimerais ensuite présenter une autre méthode pour atteindre cet objectif.

    La proposition du ministre Coderre est destinée à résoudre des problèmes de capacité d'absorption des immigrants à Montréal, Toronto et Vancouver. Certes, les dernières statistiques du recensement de 2001 confirment que c'est dans ces trois villes qu'une proportion écrasante d'immigrants choisit de s'installer. Or, le ministre espère redresser cette tendance à l'urbanisation, confirmée également par le recensement. Toutefois, les membres de Maytree pensent que les villes peuvent être mieux équipées pour accueillir le nombre actuel d'immigrants et, en fait, continueront à s'épanouir si elles continuent d'accueillir des immigrants et des réfugiés.

    Les propositions du ministre suscitent trois inquiétudes de notre part. Premièrement, nous pensons que leur méthode est coercitive. Un immigrant recevra l'ordre de s'établir dans une ville ou une collectivité donnée et, s'il n'obéit pas, il risque d'être expulsé. Nous pensons qu'une démarche axée sur des incitatifs serait plus durable et aurait plus de chance de succès.

    Deuxièmement, l'immigration est envisagée comme la panacée du développement économique régional plutôt qu'un élément d'une stratégie plus générale. Le simple fait d'attirer plus de gens dans les régions dépeuplées du pays n'y assurera aucunement le renouveau et l'expansion économique. Cela exigerait une stratégie intégrée plus générale dans laquelle les ressources humaines ne seraient que l'un de plusieurs facteurs pertinents. Je précise que cette opinion est confirmée par les propres recherches du ministère.

    Troisièmement, une telle stratégie aurait pour conséquence d'exclure et de marginaliser encore plus les nouveaux immigrants au lieu de les inclure et de les intégrer. Si cette politique est mise en oeuvre sous forme de programme élargi de travail temporaire, comme ce sera probablement le cas pour éviter qu'elle entrave les droits à la mobilité garantis par la Charte, le degré d'inclusion des immigrants sera très limité. En effet, les travailleurs temporaires n'ont pas accès aux possibilités d'études, d'apprentissage des langues et d'acquisition de compétences, ni aux prêts pour étudiants ou aux avantages financiers pour s'inscrire au collège ou à l'université. Au fond, créer une catégorie d'immigrants ayant des droits limités est en fait un programme d'exclusion sociale, et l'exclusion sociale peut être très dangereuse pour la cohésion de la société et pour la prospérité économique.

    Je voudrais maintenant proposer des solutions. Nous pensons qu'il serait plus raisonnable, si l'on veut répandre les bienfaits de l'immigration, d'offrir des incitatifs qui contribueront à une stratégie plus globale visant à renforcer les moteurs économiques du Canada, les villes. Autrement dit, nous devrions aider les collectivités à faire le nécessaire pour se rendre attrayantes aux nouveaux immigrants, afin de les attirer. Certes, nous ne pensons pas que cela soit possible ni réaliste pour toutes les villes et collectivités du Canada. Si l'on veut être réaliste, il faut parler des villes de deuxième niveau, c'est-à-dire de celles qui possèdent l'infrastructure et les ressources nécessaires pour accueillir et employer efficacement un nombre élevé d'immigrants.

    L'établissement des immigrants est en grande mesure un problème local. C'est dans les villes et les collectivités où les immigrants vont s'établir que l'on peut juger concrètement les mesures et programmes qui sont efficaces. Nous pensons qu'il est crucial de trouver un rôle utile pour le savoir local dans la conception et la prestation des politiques et des programmes.

    Le problème de l'établissement au Canada provient aujourd'hui en partie de l'absence de coordination et de collaboration verticales et horizontales. Nous recommandons une entente tripartite entre les autorités municipales, fédérales et provinciales, comme première étape vers plus de collaboration et de coordination verticales. Ces ententes devront être structurées de manière à ce que les municipalités soient les concepteurs et les moteurs de la planification, les gouvernements fédéral et provinciaux jouant le rôle de répondants et de facilitateurs.

    Mais il faut aussi plus de coordination horizontale. En fait, nous recommandons une entente à cinq volets avec Citoyenneté et Immigration Canada et DRHC, au palier fédéral, les ministères responsables de l'établissement des immigrants et de la formation et de l'éducation, au palier provincial, et, bien sûr, chaque municipalité concernée.

    Au niveau local, il est crucial que l'on possède les ressources voulues pour réunir toutes les parties concernées, les gouvernements, les employeurs, les établissements d'enseignement, les associations d'immigrants, les fournisseurs de services, les organisations non gouvernementales, les instances de réglementation des professions, les associations professionnelles, etc. Autrement dit, il faut mettre sur pied un mécanisme de coopération polyvalent qui débouchera sur un nouveau système d'intégration des immigrants au marché du travail des collectivités locales. Nous recommandons que l'on crée un bureau local d'établissement des immigrants qui permettrait aux cinq partenaires et aux autres parties prenantes de se réunir autour d'une même table. Cet organisme aurait le pouvoir d'élaborer des politiques et des programmes pour répondre aux besoins locaux. De fait, cette recommandation fait partie de celles qui ont formulées par la Toronto City Summit Alliance, qui met actuellement un terme à son processus.

    En conclusion, l'immigration est une question de choix et d'opportunité, autant pour le Canada que pour l'immigrant. L'immigration est bénéfique au Canada, et nous avons intérêt à en partager les bienfaits le plus largement possible. Toutefois, il est crucial en même temps que les immigrants puissent faire les choix et profiter des opportunités dont bénéficient tous les Canadiens. Cela veut dire qu'ils aient la possibilité de s'établir dans des villes ou des collectivités qui ont les ressources voulues pour favoriser leur intégration efficace sur les plans économique, social et politique.

    Je vous remercie de votre attention.

¿  +-(0905)  

+-

    Le président: Merci, Elizabeth. Le comité a l'intention de consacrer le temps qu'il faut à ce genre de programmes car il tient à ce que le gouvernement y consacre les ressources nécessaires, autant humaines que financières, puisque nous voulons accueillir plus d'immigrants et que nous allons accueillir plus de réfugiés. J'aime bien votre idée de travail en partenariat, non seulement avec nous-mêmes et les provinces mais aussi avec les groupes communautaires et les municipalités car il s'agit vraiment de problèmes locaux.

    Comme vous l'avez dit, quand nous discutions du projet de loi sur l'immigration, dont l'un des éléments était d'attirer des travailleurs qualifiés dans notre pays, nous étions troublés de constater que la plupart des gens choisissent Toronto, Montréal ou Vancouver et non pas des villes comme London ou Kitchener, en Ontario, ou des provinces comme la Saskatchewan. Je pense que le système devrait reposer sur des incitatifs. Il faut encourager les nouveaux Canadiens à aider le Canada. Il y a un phénomène de dépopulation dans certaines parties du pays. Les petites villes ont besoin de personnes qualifiées et de professionnels, et je crois que nous devrions concevoir un modèle d'incitation pour encourager les gens à s'y rendre. Je ne pense pas que cela devrait être un contrat. Je pense qu'il devrait plutôt s'agir d'un partenariat entre les nouveaux arrivants et le gouvernement du Canada. Cela s'est déjà fait dans le passé, de manière très constructive, mais je pense qu'il faut revoir cette démarche car il y a des provinces et des villes qui ont besoin de gens. Certes, tout le monde voudrait s'installer à Toronto, Montréal ou Vancouver, mais il y a aussi d'autres collectivités excellentes où je suis sûr que les nouveaux immigrants seraient fort bien accueillis.

    Nous avons entendu dire que les programmes qui ont permis à des communautés ou des municipalités d'agir ensemble pour attirer et conserver des gens et offrir des services d'établissement ont connu certains succès. Je pense que c'est ce genre d'action proactive que notre comité souhaite encourager et je suis sûr que nous pourrions concevoir, avec vos idées excellentes, un programme qui nous aiderait à accroître l'immigration dans notre pays, en aidant les nouveaux immigrants à s'établir là où ils auront de meilleures chances de succès et où ils pourront mieux contribuer à la vie nationale.

    Je pense que vous avez soulevé beaucoup de bonnes questions. Je vais maintenant donner la parole à Lynne.

¿  +-(0910)  

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président. Et merci à tous les témoins.

    Elizabeth, je pense que nous avons beaucoup à offrir dans certaines des régions les plus éloignées, et qui ne le sont d'ailleurs pas tant que cela. Je pense que nous avons d'excellentes petites collectivités qui ont réussi à offrir aux immigrants qui les ont choisies un milieu très accueillant et très favorable. Toutefois, certains vont ensuite s'établir ailleurs parce qu'ils ne trouvent pas le genre d'emploi qu'ils souhaitent dans les petites villes, même si je pense que nous avons beaucoup à offrir. Nous avons de beaux petits appartements et des maisons et beaucoup abritent aujourd'hui des familles élargies. Je viens d'un village de 300 habitants où nous avons accueilli 15 immigrants mais, si je ne me trompe, ils vivent maintenant en ville, là où il y a du travail. Je ne pense pas que vous verriez des médecins laver des murs, comme on nous l'a dit hier, s'ils allaient s'établir en Saskatchewan car nous y manquons de médecins.

    Comme l'a dit Joe, je pense qu'il faut offrir des incitatifs. Vous avez parfaitement raison. Il faut lancer cette chose tripartite. C'est très bien. Je regrette que vous n'ayez pas pu assister aux autres séances car je pense qu'il ne faut pas empêcher les gens qui veulent s'exprimer sur la citoyenneté.

    J'aimerais vraiment comprendre pourquoi les gens ont tellement peur du Cabinet. Cette peur ressort très nettement des témoignages, et pas seulement des vôtres. C'est plus que la simple absence de procédure judiciaire, je pense qu'il doit y avoir autre chose là derrière. D'après vous, qui devrait pouvoir annuler la citoyenneté?

    En outre, je me demande si vous seriez rassurée par le fait que la personne aurait le droit de présenter une nouvelle demande cinq ans après une annulation.

    Avvy, je voulais vous parler à nouveau de la mère née en dehors du Canada et qui n'est pas citoyenne canadienne. Je voudrais savoir de quel article du projet de loi il s'agit et comment vous voudriez le modifier.

    Pour ce qui est des enfants adoptés, vous avez dit que beaucoup de ces gens font partie de la même famille. N'ont-ils pas de parents? La crainte est que des gens envoient leurs enfants au Canada pour qu'ils y aient une meilleure vie, en les faisant adopter. Je ne sais pas ce qu'il en est dans votre pays mais on m'a dit que cela se fait parfois, que des gens d'ici les adoptent simplement pour leur donner accès à une vie meilleure et non pas parce qu'ils n'ont pas de parents ou parce que les enfants sont orphelins. J'aimerais que vous me donniez des précisions là-dessus.

    Je vais en rester là avec mes questions.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Je vais parler du problème de l'adoption et tenter en même temps de répondre à la première question. Je vais vous donner un exemple des cas que nous rencontrons, ce qui vous aidera peut-être à comprendre la situation.

    J'ai une cliente qui a divorcé au Canada et qui n'a pas d'enfants. Elle avait un frère au Vietnam, qui était marié et qui avait un enfant. Le frère est décédé et son épouse ne peut plus s'occuper de l'enfant. Avant de venir au Canada, ma cliente s'en était occupé pendant plus années. Elle est ensuite venue au Canada avec son mari. Quand la belle-soeur était ici, elle ne s'occupait pas vraiment de l'enfant. Elle a donc décidé d'adopter l'enfant dont elle s'était occupée pendant plusieurs années car elle-même n'avait pas d'enfants. Elle a demandé à parrainer l'enfant et, lorsque celui-ci s'est présenté au bureau des visas, pour une entrevue, on lui a demandé ce qu'il ferait quand il serait arrivé au Canada. N'oubliez pas que je parle ici d'un enfant de 10 ans. Il a dit à l'agent des visas qu'il ferait des études. On a alors refusé sa demande parce qu'on a conclu que l'enfant voulait aller au Canada pour faire des études et non pas pour être avec ses parents. On peut cependant se demander à quoi on s'attendait en interrogeant ainsi un enfant de 10 ans. Quoi qu'il en soit, c'est pour cette raison qu'on a rejeté sa demande, en disant qu'il n'y aurait pas de véritable lien de filiation puisque l'enfant voulait simplement exploiter cette occasion pour venir faire des études au Canada.

    L'affaire a été portée en appel et nous avons gagné. C'est alors que nous avons eu l'occasion de présenter des preuves au sujet de la manière dont la tante s'était occupée de l'enfant. La question était de savoir si l'adoption allait créer une véritable relation de parent à enfant car, auparavant, l'enfant était le neveu du parent adoptif. Il y avait donc une relation qui existait auparavant. C'est souvent dans ce genre de situation qu'il y a un conflit, parce que l'enfant considère aussi le parent adoptif comme sa tante. Pendant des années, il l'a connue comme sa tante et puis, d'un seul coup, elle devient sa mère. Voilà le genre de situation dont on parle.

¿  +-(0915)  

+-

    Mme Lynne Yelich: Cela devrait-il relever uniquement de l'Immigration et des provinces, qui ont compétence en matière d'adoption? C'est évidemment l'Immigration qui gère les parrainages. Est-ce que cela devrait rester là et non pas passer à la Citoyenneté, car il n'y aurait alors plus de possibilité d'appel?

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Je pense que la meilleure solution serait d'égaliser la situation. Comme les enfants naturels relèvent de la Loi sur la citoyenneté, je pense raisonnable que ce soit aussi le cas des enfants adoptés. Une meilleure approche consisterait à donner aux parents le droit d'appel plutôt que de retirer les enfants adoptés du champ d'application de la Loi sur la citoyenneté.

+-

    Le président: J'aimerais poser une question supplémentaire, après quoi nous passerons à l'examen d'un système à caractère judiciaire, par opposition à l'autre.

    Je cherche une solution. Pendant nos discussions sur la Loi sur l'immigration, nous voulions qu'il soit plus facile aux gens d'adopter des enfants ou d'en devenir les tuteurs, afin de pouvoir les faire venir au Canada le plus rapidement possible, avec l'aide des provinces. Le changement proposé à la Loi sur la citoyenneté vise à permettre à l'enfant adopté de devenir citoyen le plus vite possible. Je ne sais pas comment il se fait que le ministère se soit trompé de manière aussi énorme pour qu'on se retrouve d'un seul coup avec ce problème, c'est-à-dire l'absence de mécanisme d'appel, car on va alors avoir non seulement un enfant qui ne pourra peut-être pas devenir citoyen mais qui risque aussi de perdre son statut d'immigrant.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Mais il n'a pas le statut d'immigrant, n'est-ce pas?

+-

    Le président: Je sais.

    Nous voulions éliminer une étape et, quand on essaie d'améliorer quelque chose, on risque parfois de l'empirer. Je cherche une solution. S'agit-il d'instaurer le mécanisme d'appel dont vous parlez ou de faire en sorte que, si quelqu'un veut faire venir un enfant ici, l'enfant devienne immédiatement citoyen canadien? Car je pense que tel est l'objectif. La raison pour laquelle cette disposition a été proposée est qu'on veut permettre à l'enfant de devenir citoyen le plus rapidement possible sans avoir à franchir toutes sortes d'obstacles. Donnez-moi donc la solution. Devrait-on instaurer un mécanisme d'appel ou inclure une nouvelle disposition indiquant clairement que c'est ce qu'on veut pour l'enfant?

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: L'appel est une solution mais nous avons déjà recommandé qu'on modifie le texte de cette disposition. À l'heure actuelle, on parle d'instaurer une véritable relation de filiation. Peut-être pourrait-on remplacer cela par «une nouvelle relation de filiation» ou «résultera dans une relation de filiation».

+-

    Le président: Comme je ne doute pas que vous soyez une bonne avocate, pourriez-vous réfléchir à une solution, car nous resterons saisis de ce dossier pendant encore trois ou quatre semaines—

+-

    Mme Lynne Yelich: En ayant les intérêts de l'enfant à coeur.

+-

    Le président: C'est cela.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Exactement.

+-

    Mme Lynne Yelich: Parce qu'on sait ce que ça pourrait devenir.

+-

    Le président: Je pense que ce serait très positif.

    Passons maintenant à l'examen de la question plus générale d'un système à caractère politique ou administratif, par opposition à un système à caractère judiciaire.

+-

    Mme Uzma Shakir: Comme je l'ai dit, je ne connais pas les conséquences juridiques mais, en tant que Canadienne dont le passeport dit «née au Pakistan», je me sens très peu en sécurité au Canada à l'heure actuelle. J'ai très peur pour mes enfants.

+-

    Le président: Attendez une minute. Ce sont les Américains qui vous font réagir comme ça. J'espère que ce ne sont pas les Canadiens.

+-

    Mme Uzma Shakir: Je parle ici d'une situation qui est apparue même au Canada, le délit de faciès; ce n'est pas quelque chose qui est particulier aux États-Unis. Ce que j'essaie de vous dire, c'est que, si vous confiez quelque chose d'aussi important que l'octroi de la citoyenneté à un organisme tel que le Cabinet, ses décisions dépendront de son interprétation du projet de loi. Par exemple, s'il y a demain au pouvoir un parti politique avec des opinions très conservatrices et très sévères sur ce que sont les principes et valeurs d'une société libre et démocratique, beaucoup de gens qui ont obtenu la citoyenneté aujourd'hui n'auront peut-être pas les mêmes droits à l'avenir. Voilà ce qui nous inquiète.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: J'ajoute à cela que l'un des principes fondamentaux de ce type particulier de démocratie occidentale est le système de contrepoids et de séparation des pouvoirs. Il y a une raison à cela. Il est ironique de voir que, dans pratiquement tous les autres domaines, on ne donne pas de pouvoir illimité au gouvernement, sans droit d'appel. C'est la combinaison des deux: le Cabinet va maintenant prendre la décision mais le citoyen n'aura pas de droit d'appel. Or, on a un droit d'appel même quand on se fait infliger une amende pour excès de vitesse. On a un droit d'appel quand on se voit refuser le bien-être social. On a un droit d'appel pour pratiquement tout le reste mais pas quand on demande la citoyenneté. Cela n'a aucun sens.

+-

    Le président: Merci.

    Harold.

¿  +-(0920)  

+-

    M. Harold Otto: Je pense que nous faisons plus confiance aux tribunaux qu'aux politiciens—veuillez m'en excuser. Je voudrais revenir sur la question de Mme Yelich qui demandait pourquoi nous avons tellement peur du Cabinet. Je vais vous donner un exemple concret concernant l'échec apparent du gouvernement fédéral à poursuivre les criminels de guerre présents au Canada, et sa décision d'utiliser la révocation de la citoyenneté pour contourner cette incapacité apparente à poursuivre des criminels.

    Dans le cas que je connais le mieux, parce que je m'en suis occupé directement, l'enquêteur en chef de la GRC a dit très clairement durant un contre-interrogatoire qu'il n'avait aucune preuve que l'accusé avait commis un acte criminel quelconque. Le ministre chargé d'intenter les poursuites—et la décision avait clairement été prise au niveau du Cabinet—était le ministre de la Justice, à l'époque l'honorable Allan Rock, qui avait dit qu'aucune cause ne serait intentée en l'absence de preuve d'acte criminel individuel. Si l'enquêteur en chef de la GRC était prêt à dire en cour qu'il n'avait aucune preuve de tels actes criminels et si un juge de première instance de la Cour fédérale était prêt, après un procès de 29 jours, à dire qu'il n'avait obtenu aucune preuve de tels actes criminels individuels, vous comprendrez pourquoi nous pouvons nous méfier du Cabinet.

    Il y a d'autres cas où des gens ont été accusés de crimes de guerre et où des poursuites ont été intentées sur des bases juridiques tellement restreintes, en vertu de l'ancienne Loi sur la citoyenneté, que les juges de la Cour fédérale ont conclu qu'ils n'avaient commis aucun crime de guerre, qu'ils n'avaient pas collaboré avec les Nazis et qu'ils n'avaient rien fait d'illégal. Pourtant la simple prépondérance des probabilités nous dit qu'il est plus que vraisemblable que ces gens avaient menti en arrivant au Canada et qu'un jugement négatif sur cette question juridique limitée aurait entraîné la perte de leur citoyenneté et leur stigmatisation comme criminels de guerre, même si la Cour n'avait trouvé aucune preuve de crimes de guerre. Voilà ce qui résulte de cette politisation du processus judiciaire quand on tente de court-circuiter les vrais problèmes. Voilà pourquoi nous avons particulièrement peur du Cabinet et des décisions politiques.

¿  +-(0925)  

+-

    Le président: Mais la loi actuelle émane aussi du politique. Nous devons la changer, j'en conviens. De fait, on a essayé de changer certaines choses dans la loi actuelle, je dois le préciser. Aujourd'hui, l'adoption d'une loi au Canada procède d'un processus très politique. Le comité comprend que l'on essaie de changer la situation avec le projet de loi C-18 mais il est évident que ça ne va pas assez loin. Vous exprimez des préoccupations très sérieuses.

    Fred.

+-

    M. Fred Franklin: Je me fais l'écho des personnes qui disent que le Cabinet est influencé par les tendances politiques de l'époque, alors que la Loi sur l'immigration doit être formulée pour les 20 prochaines années. Nous avons plus confiance dans un processus judiciaire décent, où tout élément de preuve qui est présenté peut être réfuté. Cela n'est pas possible quand la procédure relève du Cabinet. C'est aussi simple que ça. Si l'on veut préserver la justice naturelle, toute personne qui est partie à une procédure judiciaire au Canada doit être traitée selon les mêmes principes. Nous ne disons pas dire que les membres du Cabinet sont mauvais mais simplement qu'ils sont influencés par les tendances politiques du jour. Or, ces tendances peuvent changer.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Puis-je répondre à quelque chose que vous avez dit au sujet de la loi actuelle? La différence entre cette loi et la nouvelle est que cette dernière politise le processus encore plus avec toutes ses nouvelles dispositions.

+-

    Le président: J'entends bien, mais je constate que la révocation sera toujours fondée sur un système politique, et c'est ce que nous essayons de changer. Voilà ce que je voulais dire. Il y a d'autres problèmes avec ce projet de loi mais je veux seulement dire que l'adoption des lois au Canada procède actuellement d'un processus très politisé.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi (Kitchener—Waterloo, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Laissez-moi rendre les choses encore plus compliquées en soulignant que vous tous, qui avez parlé, êtes des avocats et avez manifestement un profond sens de la justice sociale, ce qui est sans doute l'une des choses qui manquent le plus dans cette profession, le sens de la justice sociale.

    Le processus de révocation remonte à 1919, à la période noire de notre immigration. Nous connaissons tous les dangers inhérents à ce processus. Nous avons aujourd'hui la Charte des droits et libertés et nous l'avons à cause de toutes les injustices qui ont été commises dans ce pays, comme la Loi sur l'exclusion des Asiatiques, la taxe individuelle des Chinois, le refus d'accepter le Kamagatamaru, l'internement de dizaines de milliers de gens, le rapatriement forcé au Japon de Canadiens ayant des ancêtres japonais, après la guerre, l'exclusion des juifs—et la liste pourrait continuer longtemps. Ce n'est qu'en 1975 que nous avons abandonné l'obstacle de la couleur pour l'immigration. Et c'est le 17 juin 1982 que nous avons adopté la Charte, reconnaissant ainsi que nous avions fait des choses répréhensibles dans le passé et que nous ne voulions pas qu'elles réapparaissent. Il y avait un consensus dans le pays à ce sujet. Hélas, cette Loi sur la citoyenneté n'a pas été formulée à l'aune de la Charte mais plutôt à l'aune des événements du 11 septembre, pour la rendre encore plus draconienne.

    Vous venez du Pakistan. Si cette loi était en vigueur, rien n'empêcherait quelqu'un de dire que vous ne nous aviez pas dit que vous connaissiez tel ou tel individu qui s'est révélé plus tard être un terroriste. Et si vous deviez être jugée dans une procédure d'inquisition, sans savoir ce que l'on vous reproche, vous n'auriez aucun moyen de vous défendre, vous n'auriez aucune possibilité d'appel et vous risqueriez sérieusement de perdre votre citoyenneté. Le Canada est un rassemblement de gens du monde entier. Beaucoup d'entre nous sommes venus de parties très troublées du monde. Moi-même, je suis arrivé comme réfugié de Hongrie. En 1956, les Hongrois luttaient pour la liberté, et aujourd'hui les Tchétchènes sont des terroristes. Si l'on renversait la situation, on pourrait dire que les Tchétchènes sont des combattants de la liberté et que les Hongrois étaient des terroristes. Il y a un danger inhérent dans ce domaine.

    J'ai beaucoup aimé vous entendre car, plus j'examine le projet de loi, plus je m'insurge contre ces dispositions. Comme tous les autres citoyens du Canada, je tiens à ce que mes droits individuels soient protégés. Nous n'avons aucune raison de donner des leçons au reste du monde sur le droit humain et les libertés civiles si nous nous mettons à instituer ce genre d'oppression à l'intérieur de nos frontières.

    Lynne vous a demandé comment on devrait révoquer la citoyenneté, et je constate que personne ne dit qu'il ne faudrait jamais le faire. La fin de semaine dernière, les partis libéraux de la Colombie-Britannique, de l'Ontario, du Québec et de l'Alberta ont adopté une résolution soulignant que c'est la règle de droit appliquée par les tribunaux qui assure l'égalité de tous les Canadiens. On ne peut rien changer au fait que certains d'entre nous viennent de l'étranger et que d'autres sont nés ici. Certes, nous ne voulons pas accueillir de criminels de guerre et, si certains ont réussi à entrer, il faut les poursuivre. S'il y a des terroristes, il faut les poursuivre. Le fait de les priver de leur citoyenneté ne me donnera pas un sentiment accru de sécurité. Quand on les expulse, si ce sont des terroristes, ils reviennent. Quoi qu'il en soit, ils ont résolu «que le gouvernement du Canada s'assure que, dans les cas de révocation de la citoyenneté, les questions de fait, de culpabilité ou d'innocence, soient déterminées par le processus judiciaire normal, sans aucune ingérence politique». Cela a été adopté par quatre provinces qui représentent 85 p. 100 de notre population.

    Vous êtes donc très sensibles au sentiment populaire à ce sujet et, ce qui m'exaspère, c'est que nous avons traité du projet de loi C-63, nous avons traité du projet de loi C-16, et un groupe avait appuyé l'ancien projet de loi mais les bureaucrates ne cessent de revenir avec la même satanée proposition. Nous devons nous assurer que les Canadiens comprennent bien que vous n'allez plus accepter ce genre de choses, qu'aucun d'entre nous n'est prêt à l'accepter, et que nous voulons le genre de société qui est prévu dans la Charte des droits et libertés, parce que c'est ça notre contrat social.

    Et je dois dire, Lynne, que j'ai été fier de votre parti. Quand je me suis trouvé virtuellement seul à la Chambre des communes et que j'ai démissionné de mon poste de secrétaire parlementaire, les membres de votre parti se sont assurés à l'unanimité que la Charte soit appliquée, tout comme le Bloc. Le NPD, les Conservateurs et les Libéraux n'ont pas perçu l'importance de ce texte de loi. Tout cela devrait dépasser la politique. Il s'agit de droits humains fondamentaux, de libertés civiles, et je pense que c'est quelque chose que nous avons tous à coeur.

¿  +-(0930)  

+-

    Le président: C'était manifestement un très beau discours, Andrew, mais avez-vous une question à poser à quelqu'un?

+-

    M. Andrew Telegdi: Lorsque ces audiences seront terminées, n'abandonnez pas cette question car vous connaissez fort bien le problème et vous savez que le simple fait de comparaître devant ce comité ne résoudra pas nécessairement toutes les difficultés. Continuez d'aller voir vos députés dans vos circonscriptions et de les informer sur l'importance de ce problème. Ma question est celle-ci: êtes vous-prêts à faire ce travail, avec le plus de gens possible?

¿  +-(0935)  

+-

    Le président: Harold, je vais vous donner l'occasion de répondre.

+-

    M. Harold Otto: J'ai le sentiment qu'il s'agit là d'un projet de loi du gouvernement. Or, mon député vote toujours avec le gouvernement, apparemment par discipline de parti.

+-

    Le président: Harold, nous n'allons pas entrer dans un débat sur le déficit démocratique en plus du reste. Certains d'entre nous essayons d'améliorer la situation. Nous sommes ici comme membres d'un comité. Je ne suis pas le serviteur du ministre, je suis le serviteur du peuple et nous sommes au sein d'un comité pluripartite. Nous essayons d'améliorer une loi. Si nous y arrivons grâce aux conseils et recommandations des citoyens, très bien. À la fin du processus, le comité votera sur le projet de loi final. Je ne veux donc pas commencer ce genre de débat. Je tiens à vous dire que nous faisons tout notre possible. Nous déciderons peut-être en fin de compte de rejeter le projet de loi, de le transformer, de le modifier ou de l'améliorer, car on y trouve certaines dispositions qui, me semble-t-il, sont très raisonnables. Voilà le rôle que notre comité doit jouer, et je ne veux pas engager de débat sur la manière dont votent les députés à Ottawa.

    Norbert.

[Français]

+-

    M. Norbert Piché (président, Centre francophone de Toronto, Toronto Refugee Affairs Council):

    Je représente les communautés africaines, en particulier. Je travaille avec les communautés africaines ici, à Toronto. Ce que je remarque, dans tout ce qu'on vient de dire, c'est qu'on utilise beaucoup les termes «pour des raisons sécuritaires». J'ai observé, pour ma part, qu'en ce qui concerne les communautés africaines d'Afrique du Centre, c'est-à-dire le Congo, le Rwanda et le Burundi en particulier, les gens de ces communautés n'ont pas beaucoup de problèmes à obtenir la résidence permanente. Cependant, les réfugiés originaires d'Algérie ont beaucoup plus de problèmes à obtenir la résidence permanente et peuvent attendre plusieurs années avant de l'obtenir, sans jamais en connaître la raison. On invoque toujours des raisons sécuritaires, mais les gens concernés n'apprennent jamais pourquoi.

    Alors, ce qui me fait peur, c'est qu'on utilise le même genre de langage ici. J'espère qu'on pourra invoquer comme raison le fait qu'il y a un processus judiciaire en place et qu'on n'invoquera pas toujours des raisons sécuritaires pour ne rien dévoiler. C'est important d'avoir un mécanisme en place qui permettra une plus grande ouverture.

    Merci.

+-

    Le président: Merci. Je veux vous remercier pour votre présentation en français.

[Traduction]

    Brian.

+-

    M. Brian Masse (Windsor-Ouest, NPD): Merci, monsieur le président.

    En guise de préface à mes commentaires, laissez-moi vous dire qu'avant les dernières élections j'ai passé trois ans à travailler pour une agence locale qui aidait des gens à venir s'établir au Canada, à trouver du travail, à aller à l'école, à régler différents problèmes sociaux et à s'intégrer à leur collectivité de façon à réussir. Je suis donc particulièrement intéressé par ce projet de loi et par tout ce qu'il pourra faire pour offrir un appui plus positif aux immigrants afin de les aider à prospérer car, si ce n'est pas l'objectif qui est atteint, nous aurons nui à la nation.

    Le débat jusqu'à présent a été excellent et j'ai beaucoup aimé les exposés. Nous avons actuellement un système à deux paliers pour la citoyenneté canadienne. Je viens de Windsor et j'ai des citoyens canadiens qui doivent donner leurs empreintes digitales et se faire photographier à la frontière. Et je ne parle pas ici de gens qui n'ont obtenu leur citoyenneté qu'il y a un ou deux mois mais de gens qui la possèdent depuis des décennies. Je parle de professionnels, de gens parfaitement intègres, et il est absolument incroyable de voir ce qu'on leur fait subir. C'est inacceptable. Nous avons aussi des citoyens canadiens qui ont été déportés à l'étranger. Je peux comprendre les inquiétudes de certaines personnes au sujet du processus en vigueur au sein du Cabinet, étant donné que le gouvernement n'a pas pris une position assez ferme, à mon avis, pour faire face à cette question. Je vois littéralement des gens de ma circonscription qui viennent dans mon bureau avec des membres de leur famille et qui dorment sur le plancher et reviennent ensuite après avoir attendu des heures à la frontière pour que leur dossier soit traité. Et ce, sans raison apparente. Sachez bien que cela me préoccupe beaucoup et que je suis très sensible à ce que vous avez dit.

    Je voudrais poser une question de nature générale sur le projet de loi. L'une des questions qui m'intéressent est la réunification des familles. Pouvez-vous donc me dire s'il y a des dispositions particulières du projet de loi qui la rendront plus difficile?

    En outre, je voudrais poser une question à Elizabeth sur l'entente à trois paliers ou l'entente tripartite avec les municipalités. Comme j'étais autrefois conseiller municipal, c'est aussi une question qui m'intéresse. Est-il vraiment important que les municipalités interviennent activement dans ces programmes et services pour aider les collectivités locales?

    Je laisse quiconque le souhaite répondre à la première question sur la réunification des familles.

¿  +-(0940)  

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Le projet de loi ne porte pas spécifiquement sur la réunification des familles mais plusieurs de ses dispositions risquent d'avoir une incidence sur la séparation des familles ou sur la réunification des familles. Tel serait le cas, par exemple, des dispositions sur l'adoption. Il pourrait être difficile à une personne se trouvant au Canada d'y faire venir ses enfants adoptés et de les faire reconnaître comme citoyens. Parlons aussi d'une situation évoquée par Uzma, celle des apatrides. Vous risquez de vous retrouver avec des parents qui auront des enfants qui ne sont pas des citoyens canadiens.

    Il faut parler aussi du pouvoir général de l'État de révoquer ou d'annuler la citoyenneté. Vous parlez de personnes qui ont de la famille au Canada. Ce fait n'aura aucune incidence sur la décision du ministre de leur retirer la citoyenneté. Quelqu'un qui vit ici depuis 60 ans risque de perdre sa citoyenneté. Je parle ici d'une personne qui a peut-être déjà des petits-enfants au Canada. En soi, cela risque de n'avoir strictement aucune importance car la personne risque quand même d'être expulsée.

    Il est donc important de comprendre qu'il risque d'être plus difficile d'acquérir la citoyenneté, étant donné les interdictions prévues dans la loi, et nous ne parlons pas ici seulement des individus. Nous parlons de gens qui auront peut-être des familles au Canada. Je pense que cela ne sera pas sans conséquences.

+-

    Mme Uzma Shakir: Je voudrais poursuivre sur la même question.

    À notre époque de mondialisation, il n'y a rien d'étonnant à ce que des Canadiens vivent et travaillent à l'étranger. Beaucoup se retrouvent à l'étranger. Avec ce projet de loi, nous allons leur dire que c'est fort bien pour eux d'aller travailler à l'étranger mais qu'ils ont intérêt à ne pas faire de bébés pendant leur absence. En fait, si je suis une personne née à l'étranger et Canadienne de deuxième génération, et si je suis assez stupide pour aller concevoir un enfant en dehors du Canada, cet enfant n'aura pas automatiquement droit à la citoyenneté canadienne. Vous comprendrez que cela pourrait être un problème.

+-

    Le président: À moins que vous ne travailliez pour le gouvernement. Dans ce cas, vous aurez le droit de faire des enfants n'importe où dans le monde.

+-

    Mme Uzma Shakir: C'est précisément ce que je voulais dire. Il est irréaliste de prévoir un texte de loi de cette nature à une époque comme la nôtre, où les gens sillonnent la planète et travaillent dans toutes sortes d'autres pays. Je pense que cela pourrait causer des problèmes.

+-

    Le président: Pourriez-vous répondre à la question de Brian sur...

+-

    Mme Elizabeth McIsaac: Brièvement, je dirais que le rôle des municipalités, comme moteurs des ententes, consisterait à localiser les priorités de façon à ce que les décisions soient prises localement. Il y a plusieurs niveaux à cela.

    Parlons d'abord des gains d'efficience éventuels en matière de services. Si l'on coordonne les choses localement, on peut faire des gains d'efficience—par exemple, dans la prestation de services linguistiques.

    En outre, cette démarche assurerait plus de cohérence pour les différentes parties prenantes. Par exemple, l'une des recommandations issues de la Toronto City Summit Alliance concerne un effort de collaboration entre les collèges communautaires locaux pour leur donner la possibilité d'élaborer des programmes avec les employeurs locaux.

    Les employeurs sont un autre élément important. Ce sont les parties prenantes qui ont probablement eu le plus de difficulté à participer à la recherche de solutions aux problèmes d'intégration économique des immigrants. Ces choses-là doivent se faire localement. Les efforts déployés avec des organisations telles que l'Association canadienne des manufacturiers et des exportateurs, la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante et les autres organisations nationales ne sont tout simplement pas aussi efficaces. Il s'agit là d'organisations de tutelle qui ne peuvent mobiliser efficacement leurs membres et c'est pourquoi il faut agir localement. Dans une circonscription comme la vôtre, à Windsor, le processus serait à l'évidence impulsé par l'industrie de l'automobile et les programmes seraient donc parfaitement adaptés aux besoins locaux.

+-

    Le président: Merci.

¿  +-(0945)  

+-

    Mme Uzma Shakir: Puis-je faire une remarque à ce sujet? Comme je suis une militante sociale, j'ai quelque chose à dire sur tout.

    Il me semble que nous abordons toute cette question d'immigration et d'établissement des immigrants par le mauvais bout. J'ai parfois l'impression que nous cherchons l'immigrant parfait pour résoudre tous nos problèmes, mais j'attends encore que le spécimen parfait se présente.

    À mon avis, nous confondons plusieurs choses. Au lieu d'améliorer nos stratégies de développement urbain, nous nous tournons vers l'immigration comme panacée. Les tendances démographiques ne sont que l'un des aspects du développement urbain et il y en a beaucoup d'autres.

    Par exemple, à part l'immigration et la diversité, nous devrions nous pencher sur de nouveaux mécanismes de financement entre les différents paliers de gouvernement afin de favoriser le développement urbain. Nous devrions nous pencher sur les questions d'infrastructure sociale et physique pour favoriser la croissance et la diversité de nos populations. Nous devrions chercher des méthodes novatrices de gouvernance beaucoup plus axées sur la participation populaire, afin que la diversité démographique se reflète dans les structures de gouvernance et de pouvoir. Au lieu de cela, nous semblons nous concentrer totalement et presque pathologiquement sur la recherche du parfait Martien qui deviendra le moteur parfait du développement de nos centres-villes et du renouveau urbain. À mon avis, c'est là un problème critique pour tous les paliers de gouvernement.

+-

    Le président: Je suis totalement d'accord avec vous. C'est exactement ce que le comité veut faire: chercher de nouvelles idées et de nouveaux modèles pour assurer l'épanouissement de nos collectivités. Je sais que nous avons un peu dépassé l'heure qui était prévue mais cela en valait la peine. Votre contribution a été absolument fantastique.

    Je voudrais dire plusieurs choses. Tout d'abord, le comité est absolument déterminé à ce qu'il n'y ait qu'un seul type de citoyen au Canada, pas deux ou trois, à l'intérieur ou à l'extérieur du pays. Je n'accepterai jamais, comme Brian l'a dit, que notre meilleur ami et allié doute de moi parce que je suis né en Italie et pas au Canada, et qu'il en profite pour exiger mes empreintes digitales. Nous avons essayé de dire aux Américains que c'est inacceptable mais nous allons devoir faire beaucoup plus. Voilà pourquoi le comité a essayé d'aller aux États-Unis pour y parler de notre politique de l'immigration, de notre politique sur les réfugiés et de notre politique sur la citoyenneté.

    Je comprends leur inquiétude, et nous savons tous d'où elle vient. Cela dit, je ne vois pas pourquoi nous devrions d'un seul coup imposer à tous nos citoyens un passeport disant qu'ils sont citoyens canadiens. Le fait que l'on soit né au Canada ou à l'étranger ne devrait avoir aucune importance si l'on est citoyen canadien. Nous nous sommes engagés à apporter les correctifs voulus à ce projet de loi de façon à ce qu'il n'y ait qu'un seul type de citoyenneté au Canada, et votre contribution à cet égard est excellente.

    Nous avons aussi parlé du fait que la citoyenneté est une question d'identité nationale. On parle aujourd'hui de la création d'une carte d'identité nationale et nous avons accueilli hier des témoins qui nous en ont parlé. Pourrais-je vous demander de me dire très rapidement si vous pensez que ce serait une bonne idée ou non? Peut-être pourriez-vous nous envoyer vos réponses par écrit, mais je peux aussi profiter de votre présence ici pour faire un rapide tour de table. Oublions l'idée d'une carte intelligente, je veux simplement savoir ce que vous pensez d'une carte d'identité nationale.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Je pense que la plupart d'entre nous sommes opposés à cette idée. Cela soulève beaucoup de questions de protection des informations personnelles. Je faisais des entrevues hier et je pense que c'est une question de souveraineté.

+-

    Le président: Je vous ai vue. Nous sommes en train de vous rendre célèbre, pour le meilleur ou pour le pire, je ne sais pas.

¿  +-(0950)  

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: M. Farrell disait que je vous avais critiqué en public avant de venir ici.

+-

    Le président: Je sais.

+-

    Mme Avvy Yao-Yao Go: Quoi qu'il en soit, je pense que c'est aussi une question de souveraineté. Si nous envisageons cette idée, c'est uniquement parce que les Américains nous disent de le faire. Je tiens cependant à dire qu'il y a déjà une carte d'identité nationale pour certaines personnes, les immigrants. Je pense que c'est tout à fait injuste et je pense que le comité devrait également se pencher sur la carte de résident permanent parce qu'elle contient des informations biométriques.

    Je m'occupe chaque jour de centaines de demandes de gens qui ont déjà le statut d'immigrant reçu. Les obliger maintenant à subir tout le processus d'obtention d'une carte de résident permanent, qui contiendra plus d'informations qu'il ne le faudrait…

    À part la carte d'identité nationale, je pense qu'il faut aussi se pencher sur cette question.

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre souhaite intervenir?

    Allez-y, Fred.

+-

    M. Fred Franklin: Brièvement, j'ai entendu hier certaines explications de Morris Manning et elles m'ont effrayé. Je m'opposais déjà à cela auparavant, parce que je sais que la collecte de renseignements, une fois qu'elle a commencé, est très difficile à arrêter. Quand j'ai entendu dire que cette question de délit de faciès pourrait y être reliée—je n'y avais pas pensé mais l'origine de la personne sera indiquée—je me suis demandé pourquoi on devrait aller dans cette voie s'il y a toutes sortes de ramifications négatives. Si cela restait une simple carte d'identité, comme un permis de conduire, et rien d'autre, on pourrait peut-être l'accepter. Il faudrait peut-être fixer des limites très claires, car le reste est très inquiétant.

+-

    Le président: Si vous n'avez rien à lire avant de vous coucher, lisez Morris Manning, je vous garantis que ça vous tiendra éveillé.

    Harold.

+-

    M. Harold Otto: L'idée d'une carte d'identité nationale me terrifie. Cela ressemble exactement au personalausweis de l'Allemagne nazie, surtout si c'est combiné à un système d'enregistrement du lieu de résidence. Dieu sait tout ce qu'on peut faire avec un ordinateur et un numéro d'assurance sociale. C'est effrayant.

+-

    Le président: Je vous remercie tous et toutes de votre excellente contribution.

    Chers collègues, nous allons faire une courte pause avant d'accueillir le prochain groupe de témoins.

¿  +-(0951)  


À  +-(1007)  

+-

    Le président: Nous accueillons maintenant le deuxième groupe de témoins au sujet du projet de loi C-18. Il s'agit de Ernst Friedel et Anton Bergmeier, représentant le Congrès germano-canadien, de Marnie Hayes, représentant Kairos, d'Orlando Da Silva, de la communauté portugaise de Kitchener-Waterloo, et d'Olya Odynsky et Leslie Torok, à titre individuel.

    Nous allons commencer avec Marnie Hayes, pour Kairos.

À  +-(1010)  

+-

    Mme Marnie Hayes (éducatrice et militante, Programme des réfugiés et des migrations, Kairos): Merci beaucoup, monsieur le président, d'avoir invité le public à participer à ce débat. Nous sommes très heureux de pouvoir exprimer notre opinion devant le comité, dans l'espoir qu'elle sera transmise aux autorités supérieures. On peut peut-être avoir certains doutes quant à l'utilisation qui sera faite des informations que nous vous communiquons mais nous sommes quand même très heureux de vous les communiquer.

    Pour votre information, je travaille pour une organisation qui s'appelle Kairos, Canadian Ecumenical Justice Initiatives. Kairos est un partenariat oecuménique de 11 Églises nationales et organisations religieuses. L'organisation a été créée en juillet 2001 et son rôle est d'oeuvrer pour la justice sociale au nom d'une dizaine de coalitions oecuméniques. Vous vous souvenez peut-être du travail que faisait le Comité inter-églises pour les réfugiés? Eh bien, c'est maintenant Kairos qui s'en charge.

    Vous vous demandez peut-être ce que veut dire Kairos. Je dois vous dire que ce n'est pas un sigle, c'est un mot grec qui signifie «le temps». Dans la tradition chrétienne, nous considérons que cela veut dire qu'il est toujours temps d'agir pour la justice.

+-

    Le président: C'est aussi notre slogan.

+-

    Mme Marnie Hayes: J'en suis très heureuse.

    Je travaille avec Kairos depuis un an et j'aimerais donc vous communiquer les préoccupations de l'organisation. Je précise que je travaillais avant cela pour un service d'aide juridique de Toronto où je représentais des immigrants et des réfugiés. J'ai donc une connaissance directe des préoccupations des gens qui seront touchés par ce projet de loi.

    J'ai pu entendre une partie de votre conversation avec les témoins qui m'ont précédée et je peux vous dire que nous en partageons beaucoup. Je n'aurai pas à parler longtemps car je sais que vous avez déjà entendu beaucoup de personnes exprimer ces préoccupations. Essentiellement, il s'agit du fait que le projet de loi actuel ne tient pas compte de la règle de droit. Nous sommes également très préoccupés par le manque de transparence et le manque de protection des droits des personnes qui seront touchées par cette législation.

    Je vais vous exposer nos réserves en parlant des divers articles concernés, le premier étant l'article 17, sur la révocation de la citoyenneté par le truchement d'un certificat de sécurité. Comme vous le savez, cet article permettra à un juge de la Cour fédérale de retirer sa citoyenneté à une personne sans que celle-ci puisse connaître les arguments invoqués contre elle. C'est très préoccupant car il y a là manifestement un mépris de la règle de droit.

    Il est très inquiétant qu'une personne ne puisse prendre connaissance de la preuve utilisée contre elle. Cela me fait penser au cas du Syrien d'Ottawa, un citoyen canadien, qui a récemment été expulsé des États-Unis vers la Syrie sans que personne, ni lui ni quelqu'un d'autre, ne sache pourquoi. Voilà un exemple parfait d'une personne qui n'avait aucun moyen de se défendre. Il est évident que c'est parfaitement injuste et ce n'est manifestement pas ce que nous voulons pour le Canada. Toutefois, ce genre de procédure, permettant la révocation ou l'annulation de la citoyenneté au mépris des règles de droit, pourrait précisément déboucher sur ce genre de choses sans que les personnes concernées puissent se défendre. C'est là un problème très grave du projet de loi, comme beaucoup de témoins vous l'ont déjà dit.

    Quelqu'un se demandait également où irait la personne qui perdrait sa citoyenneté. Perdre sa citoyenneté est très grave. Quelqu'un qui serait arrivé au Canada comme réfugié, par exemple, pourrait être expulsé vers son pays d'origine et y faire l'objet de persécution. Il est donc extrêmement important que la personne puisse se défendre avant que la décision ne soit prise, et il est également très important qu'elle bénéficie d'un droit d'appel en cas de décision négative, étant donné que les enjeux sont tellement élevés.

    Toujours au sujet de l'article 17, concernant le fait que quelqu'un aurait obtenu sa citoyenneté de manière frauduleuse, en fournissant de faux renseignements ou en dissimulant des informations essentielles, tout comme vous, nous ne voulons pas que… Si la personne constitue une menace pour la sécurité du Canada, prenons les mesures qui s'imposent mais pas de cette manière.

    L'article 18 autorise le ministre à annuler la citoyenneté d'une personne s'il a la conviction que celle-ci l'a acquise en invoquant des motifs prohibés ou en utilisant une fausse identité. Là encore, les règles élémentaires de procédure ne sont pas respectées: pas de règle de droit, pas de droit à une audience, pas de droit d'appel, et pas de possibilité, pour la personne concernée, de voir ce qu'on lui reproche. Autrement dit, le critère de preuve dans ce cas est absolument minime. Il suffit que le ministre soit convaincu, et il n'est même pas nécessaire qu'il soit convaincu au-delà de tout doute raisonnable, ce qui serait quand même mieux. Nous pensons que ce critère est beaucoup trop faible.

    S'il s'agit d'annuler la citoyenneté d'une personne, nous recommandons que ce pouvoir soit accordé uniquement à des décideurs indépendants, nommés pour cette raison. Ce pouvoir ne devrait pas appartenir au ministre. En outre, tous les droits élémentaires devraient être respectés, comme le droit à une procédure légale légitime, à une audience, à l'information et à un avocat.

    Les articles 21 et 22—dont les témoins précédents ont également parlé—qui permettraient au Cabinet de refuser la citoyenneté à quelqu'un sont également très problématiques. Certes, ils visent les gens qui transgressent les droits humains mais il faut bien convenir que leurs dispositions sont trop vagues, trop suggestives et trop générales du point de vue des pouvoirs discrétionnaires qui sont consentis au Cabinet. Comme on l'a déjà dit, cela pourrait poser un problème avec un nouveau gouvernement. Les décisions secrètes prises à huis clos me font automatiquement penser aux États policiers et non pas au Canada où l'on a toujours accordé beaucoup d'importance à la règle de droit.

    L'article 28 énumère certaines interdictions à l'octroi de la citoyenneté et nous sommes préoccupés par les alinéas 28c) et 28d) qui portent sur des accusations et condamnations portées contre quelqu'un en dehors du Canada. En effet, il peut arriver que des gens viennent au Canada après avoir fait l'objet d'accusations ou de condamnations erronées, délibérément ou non, à l'étranger. Quelqu'un pourrait avoir été accusé par erreur d'avoir commis un crime grave, ou avoir été délibérément accusé par un gouvernement corrompu. Nous vous demandons par conséquent de modifier ces alinéas de façon à garantir que quelqu'un qui arrive au Canada suite à une condamnation erronée ne se voie pas interdire la possibilité de demander la citoyenneté pour cette raison.

À  +-(1015)  

    J'attire finalement votre attention sur l'article 14 du projet de loi qui prévoit la perte automatique de citoyenneté des gens nés à l'étranger de parents nés à l'étranger. Cet article semble traiter de manière discriminatoire les Canadiens de deuxième génération nés à l'étranger. Même si l'on affirme ailleurs dans le projet de loi que tous les citoyens canadiens possèdent les mêmes droits et obligations, cet article semble créer deux catégories de citoyens canadiens.

    Je suppose que le but de l'article est de veiller à ce que les citoyens canadiens nés à l'étranger de Canadiens nés à l'étranger fassent la preuve qu'ils tiennent à avoir des liens avec le Canada. Cela semble être la seule justification de cet article, mais nous affirmons qu'à notre époque de mondialisation… Par exemple, je suis née et j'ai vécu au Canada mais je pourrais fort bien quitter le pays, donner naissance à un enfant à l'étranger et passer le reste de ma vie à l'étranger. Mon enfant pourrait donner naissance à un enfant, et mon petit-enfant aurait droit à la citoyenneté canadienne, même si nous avions passé toute notre vie à l'étranger et n'avions plus aucun lien avec le Canada. Par contre, si j'étais une immigrante, une personne née à l'étranger, quelle serait la situation dans les mêmes circonstances? Si mon enfant donnait naissance à un enfant à l'étranger et que nous revenions ensuite au Canada pour y passer le reste de notre vie, mon petit-enfant serait automatiquement privé de la citoyenneté canadienne à l'âge de 28 ans s'il ne formulait pas une demande officielle.

    Encore une fois, cela pose un problème de règle de droit car la perte automatique est permanente. Il n'y a aucune possibilité d'appel ni aucune possibilité d'invoquer des motifs humanitaires. Il s'agit tout simplement d'une perte automatique de citoyenneté, ce qui est fort inquiétant.

    Je conclus en parlant de l'article 11 qui semble attaquer le problème potentiel de l'apatridie. Par cet article, le ministre aura le pouvoir d'accorder la citoyenneté à une personne qui a toujours été apatride et dont l'un des parents naturels était citoyen canadien au moment de sa naissance. Nous savons que le Canada s'est engagé à réduire l'apatridie et a signé la Convention sur la réduction de l'apatridie. Nous savons que le fait d'être apatride est un problème grave pour les personnes concernées, mais je ne pense pas que cet article du projet de loi contribue à l'objectif énoncé: réduire l'apatridie.

    L'article parle en effet d'une personne qui a toujours été apatride mais nous savons bien qu'il est possible de devenir apatride. Dans les régions du monde où la situation politique est troublée, comme l'Éthiopie, l'Érythrée, l'URSS ou la Palestine, des gens peuvent fort bien devenir apatrides au cours de leur vie. Nous recommandons par conséquent que l'on modifie cette disposition du projet de loi pour indiquer qu'elle s'applique aux personnes qui deviennent apatrides à cause de circonstances qu'elles ne peuvent contrôler, plutôt que de parler de personnes qui ont toujours été apatrides.

    On parle aussi dans cet article d'un âge limite de 28 ans pour formuler une demande, après avoir passé les trois années précédentes au Canada. Il me semble que cette limite d'âge est arbitraire et provient de l'article 14. À notre avis, il ne devrait y avoir aucune limite d'âge, ce qui contribuerait mieux à l'objectif de réduction de l'apatridie.

    Voilà ce que je voulais dire au sujet du projet de loi. En conclusion, j'ajoute que nous apprécions que le gouvernement souhaite protéger le droits collectif des citoyens canadiens de vivre en sécurité. Nous pensons toutefois que le projet de loi rogne les droits de certains citoyens qui ne sont pas nés au Canada, et nous ne pensons pas que cela soit acceptable.

À  +-(1020)  

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, Marnie.

    Nous passons maintenant à Ernst et Tony, du Congrès germano-canadien.

+-

    M. Anton (Tony) Bergmeier (président, German-Canadian Congress National, Congrès germano-canadien, Ontario): Merci, monsieur le président, de nous donner la possibilité de nous exprimer sur le projet de loi C-18. Je m'appelle Tony Bergmeier et je suis président national du Congrès. Mon ami Ernst Friedel est président pour l'Ontario.

    Le Congrès germano-canadien est un organisme de tutelle regroupant des clubs et associations germano-canadiens du Canada, qui sont au nombre de 90 environ pour tout le pays. Nous aimerions ce matin vous présenter l'opinion et les préoccupations de nos membres au sujet du projet de loi C-18.

    Nous vivons dans un monde en évolution constante et il est normal que les lois soient révisées de temps à autre. Nous félicitons donc le gouvernement fédéral de l'initiative prise au sujet de la citoyenneté et de l'immigration. Les lois actuelles ont bien servi le pays pendant de nombreuses années mais elles contiennent également certains défauts en ce qui concerne les droits des citoyens individuels, notamment des gens qui font le choix de devenir Canadiens. Nous espérons que le projet de loi permettra de corriger ces défauts.

    J'attire tout d'abord votre attention sur l'article 12 de la loi, qui dispose que:

    Tous les citoyens jouissent du même statut et des mêmes droits, pouvoirs et avantages et sont assujettis aux mêmes devoirs, obligations et responsabilités, sans égard à la façon dont ils sont devenus citoyens.

Cette déclaration de l'article 12 est extrêmement importante et nous l'appuyons sans réserve. C'est en fait la pierre angulaire de la nouvelle loi.

    Toutefois, si je passe maintenant à l'article 16, j'y trouve des dispositions qui sont extrêmement préoccupantes pour nos membres. Ainsi, dans les paragraphes 16(1) et 16(2), je ne vois aucune explication claire de ce qu'on entend par fraude, fausse déclaration ou dissimulation intentionnelle de faits essentiels. Pour ce qui est des paragraphes 16(3) et 16(4), ils sont très vagues et contiennent des dispositions qui n'exigent aucune divulgation judiciaire de preuves. Autrement dit, ils sont fondés sur une présomption de culpabilité de fraude dans le contexte de l'acquisition de la citoyenneté canadienne. Un citoyen pourrait ainsi être privé de sa citoyenneté et être expulsé du pays. Cela veut dire qu'un citoyen pourrait être traité exactement de la même manière qu'une personne arrivée il y a à peine deux semaines.

    Le sous-alinéa 16(6)b)(ii) est particulièrement préoccupant. Il dit que la cour

n'est pas liée, à l'égard des éléments de preuve supplémentaires, par les règles juridiques ou techniques de présentation de la preuve et pour recevoir les éléments de preuve qu'elle juge crédibles ou dignes de foi en l'occurrence et fonder sur eux sa décision.

Il n'y a là aucune définition claire qui puisse guider le juge dans sa décision, ce qui veut dire que ce sera simplement son opinion personnelle.

    L'article 17, quant à lui, permet au gouvernement d'entreprendre le même exercice que l'article 16. Il s'agit d'une procédure simplifiée à l'intention du ministre et du solliciteur général. On aura ainsi une procédure accélérée au moyen d'un simple renvoi devant la Cour fédérale, par le truchement d'un certificat. Cet article parle d'inadmissibilité pour des raisons de sécurité, d'atteinte aux droits humains ou internationaux ou de criminalité organisée. On laisse cependant à l'imagination du ministre ou de la Cour fédérale le soin d'interpréter la notion de droits humains ou internationaux, et même des raisons de sécurité.

    Cette procédure n'a rien à voir avec la justice naturelle et revient à abroger les dispositions pertinentes de la Déclaration canadienne des droits et de la Charte. C'est un juge qui décidera seul de ce qui est pertinent ou non, sans que le citoyen sache même ce qu'on lui reproche. Encore une fois, on pourra se fonder sur tout et n'importe quoi. Le juge ne sera lié par aucune règle canadienne relative à la preuve ni par aucune jurisprudence.

    Si plusieurs articles du projet de loi ne sont pas éliminés, ce texte deviendra encore plus draconien que le projet de loi C-16, la Loi sur la citoyenneté qui avait été adoptée lors de la dernière législature mais qui a disparu au Feuilleton à cause des élections de 2000.

    L'article 56 est également inquiétant, mais le nouveau système de l'article 16 ne s'appliquera qu'aux demandes futures et aux demandes actuelles sans tenir compte d'une preuve solide dès que le projet de loi aura été adopté. Cela reviendrait à abolir la peine capitale pour l'avenir mais à pendre quand même les quelques personnes qui ont déjà été condamnées à mort, ou à permettre à la Couronne d'interjeter appel dans une affaire qu'elle perdra demain mais pas dans une autre qu'elle a perdue hier. Il conviendrait donc de modifier l'article 56 de façon à s'assurer que les avantages du nouveau système de l'article 16 s'appliquent autant aux cas passés et actuels qu'aux cas futurs.

    S'il est vrai qu'il y a de bons éléments dans le projet de loi, nous pensons qu'il y a encore beaucoup à faire pour garantir à tous les Canadiens les mêmes droits juridiques que ceux de la Charte des droits et libertés. Si l'on accepte de créer deux catégories de citoyenneté, il y aura au Canada deux catégories de gens ayant des droits différents, ce qui serait à l'évidence inacceptable.

    En conclusion, j'implore le gouvernement fédéral d'être plus rigoureux avant d'autoriser les gens à s'établir au Canada, et de faire des vérifications minutieuses avant d'accorder le privilège de la citoyenneté canadienne aux immigrants reçus. En revanche, une fois que ceux-ci ont acquis la citoyenneté canadienne, j'estime qu'ils doivent bénéficier des mêmes droits que tous les autres citoyens, qu'ils aient obtenu leur citoyenneté par la naissance ou par choix individuel.

À  +-(1025)  

    Au nom du Congrès germano-canadien, j'invite le comité à se pencher sur nos préoccupations et je demande 'au gouvernement fédéral d,apporter au projet de loi les changements qui s'imposent pour protéger les droits et la citoyenneté de tous les Canadiens.

    Je vous remercie de votre attention.

À  +-(1030)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Tony.

    Nous passons maintenant à Orlando Da Silva, de la communauté portugaise de Kitchener–Waterloo.

+-

    M. Orlando Da Silva (avocat, Portuguese Club of Kitchener; Waterloo Region Portuguese Business and Professionals Association, Kitchener Waterloo Portuguese Community): Merci, monsieur le président. Je viens de Kitchener et je représente le Club portugais de Kitchener et la Waterloo Region Portuguese Business and Professionals Association. J'exerce la profession d'avocat à Toronto, en faisant chaque jour le trajet à partir de Kitchener. Je précise que je suis fils d'un immigrant portugais.

    La communauté portugaise de Kitchener-Waterloo et Cambridge regroupe environ 10 000 personnes. L'association et le club ont voté à l'unanimité leur opposition aux articles 17, 18 et 56 du projet de loi. Je sais que vous avez déjà entendu beaucoup d'exposés ce matin mais je tiens à formuler en détail la position de notre club et de notre association.

    Brièvement, nous nous opposons à l'article 17 parce que nous estimons qu'il abolit les règles de procédure et de justice fondamentale; à l'article 18 parce qu'il crée une catégorie de citoyens en probation; et à l'article 56 parce qu'il empêche l'application rétroactive de meilleures lois et de procédures plus équitables.

    Des trois articles, c'est l'article 17 qui nous préoccupe le plus. Comme vous le savez, en vertu de cet article, le ministre, un politicien, pourra adresser à un juge de la Cour fédérale un certificat disant que, selon certaines informations—que l'on qualifie ici d'informations sur la criminalité mais qui, selon moi, pourraient aussi bien être des rumeurs, des allusions, des soupçons et des ragots—une personne—que nous appellerons «l'accusé»—a obtenu ou recouvré la citoyenneté par la fraude, par une fausse déclaration ou par la dissimulation, et que cette personne, si elle n'avait pas la citoyenneté, se verrait interdire l'accès au Canada pour raisons de sécurité, pour atteinte aux droits humains ou internationaux ou pour criminalité organisée. Dans cette procédure, le juge tiendra une audience durant laquelle un être humain tout à fait faillible deviendra seul arbitre et décideur, sans que l'accusé ait un droit d'appel.

    En vertu de l'article 17, le juge pourra tenir toutes les informations secrètes; il examinera les informations en secret. Il déterminera les droits de l'accusé aussi informellement et efficacement que possible; il recueillera la preuve en secret, sans égard aux règles de présentation de la preuve, sans que l'accusé soit présent, sans que son avocat soit présent, sans divulguer l'identité de l'informateur, sans permettre un contre-interrogatoire de l'informateur, et sans possibilité de contester la preuve de quelque manière que ce soit; et il prendra finalement sa décision de révoquer la citoyenneté ou d'expulser l'individu sans lui donner de droit d'appel ni même une simple révision judiciaire.

    Je me demande comment le gouvernement peut même envisager de dire à quelqu'un, un citoyen canadien qui vit ici depuis cinq, 10 ou 15 ans, qu'il est maintenant soupçonné et que, sur la base d'informations qu'il ne connaîtra pas, qu'il ne pourra pas entendre, et d'une audience à laquelle ni lui ni son avocat ne pourront participer, on prendra la décision, qu'il ne pourra contester, de l'expulser, lui et sa famille, vers un pays que celle-ci ne connaît peut-être même pas et où on parle une langue qu'elle ne connaît pas. Dans quel système de justice vivons-nous si cela est permis?

    Et il n'est pas nécessaire de beaucoup chercher pour imaginer le risque d'abus. Songes à une affaire qui s'est produite durant les congés de fin d'année, l'affaire de Michael John Hamdani. J'ai reproduit à votre intention un article publié dans le Globe and Mail du mercredi 8 janvier 2003 et intitulé «Célébrité indésirée d'un informateur dans une fausse affaire de terrorisme». M. Hamdani est l'individu qui avait identifié cinq terroristes potentiels apparemment entrés aux États-Unis à partir de la réserve d'Akwesasne, ce qui avait engendré une chasse à l'homme dans tout le continent. Il se trouve en fait que M. Hamdani essayait de négocier une meilleure entente avec ses procureurs, ce qui l'avait amené à dénoncer aussi bien des innocents que des coupables—ce qui est typique des informateurs de prison.

    Ses déclarations se sont avérées complètement fausses mais imaginez les conséquences pour ces cinq hommes, en vertu du projet de loi C-18, si le nom de M. Hamdani n'avait pas été donné à la presse et si celui-ci n'avait jamais reconnu que ses déclarations étaient fausses. Ces cinq hommes n'auraient jamais eu connaissance du nom de M. Hamdani et un juge aurait entendu M. Hamdani en secret de façon à le protéger contre des conséquences imaginaires—pas nécessairement de la part de ces cinq hommes mais d'éléments criminels du Pakistan. Ainsi, le sort de ces cinq hommes aurait été décidé lors d'une audience où aucune règle de preuve ne se serait appliquée. Ces cinq hommes auraient engagé des avocats mais ceux-ci n'auraient pas été autorisés à assister à l'audience pour entendre M. Hamdani. À partir des mensonges de M. Hamdani, un juge aurait dû décider si ces cinq personnes devaient perdre leur citoyenneté et si leur droit de résidence devait être révoqué, et il aurait pu ordonner leur expulsion vers leur pays d'origine, au Moyen-Orient, même s'ils n'y avaient pas mis les pieds depuis leur naissance, même si leurs épouses, leurs enfants ou d'autres personnes à leur charge vivaient encore au Canada, même s'ils ne parlaient pas la langue de ces pays, et même s'ils ne connaissaient pas le moindre quidam dans ces pays.

    Et tout ceci se serait produit parce que M. Hamdani, un menteur, un truand et un informateur typique de prison, avait simplement voulu améliorer ses chances auprès de ses procureurs en dénonçant des innocents. La décision de révoquer la citoyenneté ou d'expulser ces cinq personnes aurait été définitive et cette injustice aurait été irréversible étant donné qu'il n'y aurait eu aucun droit d'appel ni aucune révision judiciaire. Même après leur expulsion, Hamdani aurait bien pu révéler que toutes ses informations étaient fausses, cela n'aurait rien changé au sort de ces cinq personnes.

    Selon l'Association portugaise et le Club portugais de Kitchener, l'adoption de ce projet de loi revient à dire deux choses aux Canadiens. Premièrement, vous ne pourrez invoquer le système de contrôle qui existe dans notre régime judiciaire et qui est garanti par notre Charte des droits et libertés pour protéger la société contre le terrorisme, même si ce régime judiciaire garantit l'application de la justice aux criminels les plus haïs de notre société, qu'ils soient ou non nés ici. Pour être totalement protégés, nous devons éliminer ce système de garanties judiciaires et laisser le sort de l'accusé être décidé non pas par la légitimité des preuves fournies contre lui mais par de simples soupçons.

À  +-(1035)  

    Deuxièmement, la Charte des droits et libertés, notamment son article 7, qui dispose que «chacun a droit à la vie, à la liberté et à la sécurité de sa personne [et] il ne peut être porté atteinte à ses droits qu'en conformité avec les principes de justice fondamentale» ne s'applique qu'aux Canadiens qui ont eu la chance de naître sur ce sol. Tous les autres deviendront des Canadiens avec un astérisque, c'est-à-dire avec un statut aussi fragile que les soupçons nourris à leur égard.

    Voilà ce que nous voulions vous dire, monsieur le président.

À  +-(1040)  

+-

    Le président: Merci, Orlando, et je vous félicite pour votre article dans le Kitchener-Waterloo Record. Ce que vous venez de dire est également excellent.

+-

    M. Orlando Da Silva: Merci.

+-

    Le président: Je donne maintenant la parole à Olya Odynsky puis à Leslie Torok.

    Olya, vous avez la parole.

+-

    Mme Olya Odynsky (À titre individuel): Merci beaucoup, monsieur le président. Je m'appelle Olya Odynsky et je m'occupe de questions de citoyenneté depuis cinq ans. Mes remarques d'aujourd'hui porteront précisément sur l'article 16, concernant la révocation de la citoyenneté.

    Révoquer la citoyenneté est l'une des punitions les plus sévères que l'État puisse imposer. C'est particulièrement sévère quand on l'inflige à une personne qui a acquis la citoyenneté il y a plus de 50 ans et qui a beaucoup contribué à la société canadienne.

    Quand l'immigrant deviendra-t-il vraiment résident permanent? Allons-nous créer deux classes de citoyens, ceux qui sont nés ici, comme moi, et ceux qui ont immigré, comme mes parents? Est-ce que tous les immigrants, même ceux qui pensent être devenus citoyens de par leur acquisition de la citoyenneté et leur désir d'être Canadiens, ne sont pas en fait des Canadiens à 100 p. 100 comme les autres?

    Je recommande d'établir une limite légale de cinq ans. Le gouvernement a la possibilité d'exercer un contrôle lorsque les gens demandent la citoyenneté et durant la procédure d'immigration. Une fois que la personne a obtenu la citoyenneté, la décision devrait devenir irrévocable après cinq ans. Il me semble en effet qu'une telle période donnerait au gouvernement largement le temps de faire toutes les enquêtes voulues.

    Le paragraphe 16(1) est à toutes fins pratiques le même que celui de la loi actuelle pour ce qui est de l'obtention de la citoyenneté par la fraude et par de fausses informations. Je pense toutefois qu'il mérite d'être précisé. Nous savons en effet qu'il y a au Canada beaucoup d'immigrants qui sont venus après la Deuxième Guerre mondiale, de 1947 à 1955, alors que bon nombre de documents de l'époque ont été détruits et n'existent plus. Nous savons aussi, à l'heure actuelle, qu'il est impératif de nous protéger contre les terroristes et d'autres types d'indésirables. Il ne faut cependant pas confondre les deux situations.

    Comme vous le savez peut-être, c'est cette disposition de la Loi sur la citoyenneté qu'utilise à l'heure actuelle le gouvernement pour tenter de débarrasser le pays de criminels de guerre. J'ajoute que je suis parfaitement d'accord pour qu'on nous débarrasse des criminels de guerre, quel que soit le lieu ou l'époque où ils ont commis leurs crimes, et quelles que soient leur origine ethnique, leur race ou leurs croyances. Toutefois, j'estime que cela devrait se faire devant les tribunaux, là où le fardeau de la preuve est «au-delà de tout doute raisonnable» et non pas «la prépondérance des probabilités».

    Pour illustrer cette situation, veuillez noter que le gouvernement du Canada a annoncé en 1995 qu'il n'envisagerait pas de révoquer la citoyenneté d'une personne sans avoir la preuve qu'elle ait commis personnellement un acte criminel. Toutefois, des dossiers ont été ouverts au sujet desquels le gouvernement a reconnu qu'il n'avait aucune preuve de participation personnelle à des crimes de guerre ou à des crimes contre l'humanité. Le gouvernement a pris des mesures pour révoquer la citoyenneté de nombreuses personnes que je qualifierais de «Canadiens par choix». Je parle d'hommes qui sont venus au Canada pour y bâtir une vie meilleure et qui sont ici depuis plus d'un demi-siècle. En fait, aujourd'hui, Wasyl Odynsky, qui n'a jamais été accusé de crimes de guerre mais, selon la prépondérance des probabilités, a néanmoins été trouvé coupable d'avoir fourni de fausses informations il y a plus d'un demi-siècle, risquerait de perdre sa citoyenneté sans qu'on puisse fournir la moindre parcelle de preuve documentaire et il risquerait d'être expulsé.

    Odynsky a été totalement exonéré d'avoir collaboré avec les Allemands et d'avoir persécuté qui que ce soit, où que ce soit. Pourtant, après cinq années de poursuites, son cas n'est toujours pas réglé. Ce que cela lui a coûté, sur le plan financier—perte de ses économies et de sa maison—et ce que cela a coûté à sa famille et à sa communauté est énorme.

    Pendant les travaux de la Commission d'enquête sur les criminels de guerre nazis au Canada, la Commission Deschênes, feu John Sopinka avait dit ceci:

Il est à mon avis cruel et inhumain de déraciner une personne de sa famille et de la vie qu'elle a bâtie pendant 35 ans ou plus comme citoyen productif parce qu'on soupçonne qu'elle a peut-être été un criminel de guerre. C'est précisément à cause de «l'avantage de la preuve» dans les affaires d'expulsion et de perte de citoyenneté que la Commission devrait à mon avis rejeter de telles procédures pour traîner les criminels de guerre en justice. Aucune peine ne devrait être infligée à une personne soupçonnée d'être un criminel de guerre tant que sa culpabilité n'a pas été clairement établie selon les normes de justice canadiennes.

    Il faut être vigilant pour ne pas tomber dans une société dans laquelle on permet à une personne ou à un groupe d'accuser quelqu'un et que cela devienne soudainement suffisant pour intenter une procédure de révocation. Si nous n'imposons pas de limite temporelle, je me demande si nous n'allons pas assister, dans quelques années, à des enquêtes sur des Polonais qui ont quitté la Pologne à l'époque du mouvement Solidarnosc. Et qu'en est-il des membres de la communauté tamoule qui ont fui le Sri Lanka pendant les troubles politiques de ce pays? Qu'arrivera-t-il si quelqu'un se met à accuser ces réfugiés en prétendant que ce sont en fait des criminels de guerre? Qu'arrivera-t-il aux centaines de demandeurs du statut de réfugié qui viennent chaque année au Canada sans pièces d'identité ou avec de faux papiers?

    C'est devant les tribunaux canadiens qu'il faut juger les criminels de guerre. Invoquer la Loi sur la citoyenneté pour gagner une cause en abaissant la norme à celle d'un tribunal administratif, plutôt qu'en appliquant celle d'un tribunal pénal, qui est plus élevée, représente une perversion de la justice canadienne.

    Le paragraphe 16(2) semble accélérer la procédure de révocation dans la mesure où le fait d'avoir fourni de fausses informations entraîne la révocation immédiate de la citoyenneté. Je dois dire que j'étais très heureuse, au départ, quand j'avais entendu parler d'une possibilité d'appel. Toutefois, à l'examen, je réalise qu'il faut obtenir l'autorisation d'interjeter appel, et que celui-ci est d'office limité aux éléments factuels et juridiques de fausse représentation. On ne peut interjeter appel pour des raisons humanitaires ou de compassion. Il me semble qu'on devrait permettre au juge de tenir compte de ces facteurs pour prendre sa décision.

    Je suis heureuse de voir que la procédure actuelle de révocation de la citoyenneté a été retirée du champ politique, étant donné qu'il paraît probable que les enquêtes sur la présence apparente de criminels de guerre nazis au Canada et les enquêtes et audiences qui en ont résulté ont été motivées moins par le souci de traîner les coupables en justice—pour autant qu'il y en ait jamais eu au Canada—que par le désir de donner l'impression qu'on fait quelque chose sur un problème que j'estime, très humblement, être mineur, voire inexistant. Je le répète, personne n'a encore réussi à démontrer devant une cour pénale canadienne qu'un canadien quelconque a été criminel de guerre nazi ou collaborateur. Pourtant, cela n'a pas empêché ces dossiers d'aller de l'avant et de pervertir notre système judiciaire puisqu'on en est arrivé à obliger l'accusé à prouver son innocence alors qu'il devrait être considéré innocent tant qu'il n'a pas été trouvé coupable devant un tribunal, et à obliger le citoyen à se battre seul contre tout l'appareil de l'État.

    Pour des gens comme Odynsky, qu'un juge de la Cour fédérale canadienne, le juge Andrew MacKay, a estimé avoir été un citoyen solide et positif pour le Canada pendant plus de 50 ans, il doit y avoir l'option du pouvoir judiciaire discrétionnaire, et je recommande vivement d'inclure cette option dans la nouvelle loi.

À  +-(1045)  

    J'avais l'intention de vous donner un exemple concret du résultat de la révocation de la citoyenneté. Je vais donc vous remettre un exemplaire d'un article que j'ai adressé le 5 janvier 1998 au Globe and Mail et intitulé «Le Canada veut expulser mon père sans procès», avec l'éditorial publié par le même journal la semaine suivante. Ces deux documents vous éclaireront, je l'espère, sur le tort que l'on cause depuis une décennie aux principes fondamentaux de notre système judiciaire, sur l'effet destructeur que cela a pu avoir sur certains Canadiens, sur leur famille et sur leur communauté, sur les divisions que ce processus injuste a engendrées, et sur le fait qu'il existe une solution très simple: aucune révocation de citoyenneté canadienne après l'expiration de la limite de cinq ans, à moins de preuves de criminalité assez convaincantes et crédibles pour justifier des poursuites pénales.

    Nous sommes tous d'accord, le Canada ne doit pas devenir un havre pour les criminels de guerre. En contre-partie, ceux qui choisissent le Canada ne doivent pas non plus être éternellement les otages des préjugés des milieux et du passé qu'ils ont abandonnés pour venir ici, ou des fausses informations répandues par d'autres, que ce soit par ignorance ou par méchanceté. Quiconque obtient la citoyenneté canadienne, après la procédure normale de demande et d'examen, devrait bénéficier des mêmes privilèges et assumer les mêmes responsabilités que les Canadiens de naissance. De même, il devrait avoir le droit de confronter quiconque l'accuse à cause de son passé, dans un tribunal pénal canadien et nulle part ailleurs. Il ne devrait pas être possible d'abolir facilement la citoyenneté canadienne sans justification.

    Merci de votre attention.

À  +-(1050)  

+-

    Le président: Merci, Olya. Vous avez absolument raison. Il est utile de mettre un visage sur les cas particuliers, pour que nous comprenions bien votre argumentation et celle d'Orlando. Il est crucial de bien comprendre les conséquences de ce qu'on envisage dans le projet de loi. Je vous remercie donc d'avoir partagé votre expérience personnelle avec nous, ce qui est parfois beaucoup plus efficace qu'un débat abstrait. Merci beaucoup.

    Leslie, vous avez la parole.

+-

    M. Leslie Torok (À titre individuel): Monsieur le président, membres du comité, outre les remarques écrites que j'ai envoyées au sujet du projet de loiC-18—j'en ai envoyé 20 copies à William Farrell—j'aimerais aborder personnellement une question qui est aussi importante que le projet de loi lui-même et que l'on a souvent tendance à laisser de côté. S'il est utile de débattre des aspects techniques du projet de loi, dans l'abstrait, il l'est tout autant, à mon sens, d'examiner un cas concret, sans donner de noms, de façon à montrer comment la Loi sur l'immigration est appliquée au niveau de la rue, au niveau local, et quel est son impact sur les gens.

    Dans une lettre de juin 2002, l'honorable Denis Coderre demandait à votre comité d'entreprendre un examen exhaustif du projet de Règlement sur l'immigration, ce qui est une excellente chose. Il indiquait aussi que votre comité a beaucoup contribué à l'élaboration de procédures réglementaires efficaces pour assurer la bonne mise en oeuvre de la loi cadre adoptée l'automne dernier.

    La recommandation numéro 65 de votre comité se lisait comme suit: «Que les articles 108, 110 et 112 portant sur les facteurs humanitaires et de compassion soient reformulés dans le but d'en préciser l'intention.» Or, je viens de lire dans la Gazette du Canada que le gouvernement convient qu'il devrait revoir ces articles.

    J'aimerais vous lire ce que je crois être une lettre type qu'Immigration Canada a envoyée à un candidat au statut de résident permanent, pour des motifs humanitaires, début mai 2002.

Cher client,

Le Centre de traitement des cas de Vegreville, en Alberta, a reçu votre demande de résidence permanente.

Nous prévoyons que votre dossier sera attribué à un conseiller en immigration dans les 18 à 24 prochains mois.

Vous serez alors contacté si d'autres renseignements sont nécessaires.

    Veuillez téléphoner au (416) 973-4444 si vous avez un changement d'adresse à communiquer.

L'adresse qui figure au bas de la lettre est celle-ci:

Citizenship and Immigration Canada
200 Town Centre Court, Suite 380
Scraborough, Ontario
M1P 4X8

La lettre n'est pas signée et il n'y a aucune indication de personne-contact, à part le numéro de téléphone de ce centre de messages. Il y a cependant au bas de la page une note qui est tout à fait remarquable:

Le Centre d'immigration Canada de Scarborough est fermé au public depuis le 1er avril 1994. Vous serez INFORMÉ si une entrevue est nécessaire. Veuillez appeler le (416) 973-4444 pour tous les autres services d'immigration.

Ces services comprennent un changement d'adresse ou d'autres détails administratifs aussi triviaux, mais rien de fondamental.

    Le candidat dont il s'agit ne sait absolument pas pourquoi le traitement de sa demande prendra aussi longtemps. Il se demande comment il se fait qu'on ne lui donne aucune information sur une personne qui pourrait l'informer, et il ne lui est pas possible de savoir si cette procédure est la procédure typique de CIC ou s'il y a une raison quelconque qui explique cette situation, par exemple le fait qu'un dénonciateur anonyme ait voulu lui causer du tort par vengeance personnelle.

    Votre comité sait-il que la CIC a ouvert une ligne de téléphone gratuite—appelons-la une ligne de dénonciation—pour permettre aux gens de dénoncer une personne soupçonnée d'abus en matière d'immigration? Je pense que c'était une décision tout à fait honteuse. Est-ce que ce genre d'action de la part de la CIC est autorisé ou encouragé par la Loi?

    Je suis tombé par hasard sur un article d'Allan Thompson, du bureau d'Ottawa du Toronto Star, intitulé «Un changement aux règles d'immigration menace les couples: révocation de la politique des “raisons humanitaires”; les changements s'appliquent aux réfugiés et aux personnes sans statut». Dans cet article, le journaliste dit ceci:

    À cause d'un changement apporté soudainement par le ministère fédéral de l'Immigration, il sera plus difficile à des milliers de personnes mariées à des Canadiens de rester au pays pour des raisons humanitaires.

    Selon les critiques, ce changement, enterré dans un obscur manuel de politique, abolit une exemption qui existait depuis plus de 20 ans.

    …Mais les candidats qui se trouvent au Canada sans statut sont maintenant confrontés à des règles plus rigoureuses quand ils demandent à rester pour des raisons humanitaires.

    …Mais le nouveau manuel rejette cette notion; on y dit que le fait d'être marié à un Canadien ne suffit pas en soi pour être autorisé à rester dans le pays pour des raisons humanitaires.

    …Selon les critiques, ce changement va obliger de nombreux couples à vivre séparés pendant des mois ou des années, en attendant que leur demande soit traitée. Et cela va à l'encontre de la politique d'unification des familles.

    «Il s'agit là d'un changement majeur qui est effectué dans le cadre d'un manuel de politique et non pas par une modification de la Loi ou du Règlement», affirme Lorne Waldman, avocat de Toronto spécialisé dans l'immigration. «Cela reflète un durcissement d'attitude au sein du ministère de l'Immigration».

    «Cela touchera des milliers de gens, sans qu'il y ait eu de débat adéquat», dit Robin Seligman, un avocat. «Les bureaucrates imposent ce qu'ils veulent, pas ce que les députés ont décidé en votant la loi».

    Si cette allégation de M. Seligman est vraie, j'invite le comité à se demander ce que valent ses efforts. Cette décision de la CIC est-elle une réponse des bureaucrates à la demande de clarification des articles 108, 110 et 112 formulée par le comité? Sinon, comment se fait-il que des bureaucrates puissent faire passer des choses comme ça?

À  +-(1055)  

    Merci beaucoup.

+-

    Le président: Merci, Leslie.

    Notre comité a pris une décision assez unique dans l'histoire du Parlement lorsqu'il a décidé de se pencher sur le règlement du nouveau projet de loi. Il arrive parfois qu'un projet de loi soit formulé tout à fait correctement et corresponde bien à ce que nous voulons mais, lorsque le règlement est publié, on constate qu'il ne reflète pas la même chose. Je suis heureux que nous ayons entrepris cet exercice et obtenu quelques changements positifs—je l'espère—même s'ils sont moins nombreux que nous ne l'aurions voulu. Nous avons l'intention de revoir la loi à l'avenir pour vérifier si les objectifs visés sont effectivement atteints, dans l'intérêt de tous les immigrants.

    Je ne peux faire de remarque sur la lettre que vous avez citée. Je peux cependant vous dire que je sais que la bureaucratie prend beaucoup trop de temps dans ce pays, y compris à la Citoyenneté où l'on a aujourd'hui accumulé un retard de huit à 12 mois.

    J'espère que nous pourrons répondre à vos questions lorsque nous entreprendrons la révision des textes réglementaires et des mesures administratives dont vous parliez. Il y a même des parties de la Loi sur l'immigration qui sont tout à fait pertinentes du point de vue de la citoyenneté, et je suis sûr que certaines des questions que nous poserons sont directement reliées aux mesures bureaucratiques qui sont nécessaires et aux conséquences que peut avoir l'action ou l'inaction bureaucratique et administrative, plutôt que politique ou judiciaire. Peut-être pourrons-nous faire usage de votre témoignage à ce moment-là.

    Je suis sûr maintenant que les membres du comité ont beaucoup de questions à vous poser et nous allons commencer avec Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Les témoignages étaient tous excellents et je suis heureuse de ce que vous avez dit, monsieur Torok, car je pense qu'il est très important que nous sachions ce qui se passe après l'adoption des textes de loi, quand on en arrive aux textes réglementaires, comme l'a dit Joe. Nous discutons actuellement d'un projet de loi et nous ne savons pas quel en sera l'impact sur les gens.

    J'aime bien ce que disait Tony. Soyons très stricts au niveau de l'immigration avant d'octroyer la citoyenneté mais, une fois qu'elle est octroyée, ça suffit. Je pense que c'est excellent. J'aimerais savoir si vous êtes tous d'accord avec ça.

    En ce qui concerne l'autre recommandation d'Olya, c'est-à-dire une limite temporelle de cinq ans pour la révocation, j'aimerais savoir si vous êtes tous d'accord. Si l'article pertinent n'est pas éliminé, comme beaucoup d'entre vous l'avez demandé, que penseriez-vous d'une limite de cinq ans?

    Voilà mes deux questions.

Á  +-(1100)  

+-

    M. Anton (Tony) Bergmeier: M. Anton (Tony) BergmeierNous sommes tout à fait d'accord. Si un citoyen peut vivre ici pendant cinq ans sans qu'on trouve quoi que ce soit à lui reprocher, on n'a qu'à laisser tomber ce qui a pu arriver avant, sauf dans les affaires criminelles, bien sûr.

    J'aimerais faire aussi une remarque au sujet de la situation d'Olya Odynsky, avec la prépondérance des probabilités. J'ai un gros problème avec ça. Je n'admets pas qu'on puisse envisager d'expulser des gens qui vivent ici depuis 50 ans simplement parce qu'ils ont peut-être oublié de mentionner quelque chose ou qu'ils ont peut-être menti pour venir ici. Je sais que nous avons un cas similaire à Kitchener. Un homme vient de passer par la même procédure et il est aussi sur la liste d'attente pour être expulsé à cause de la prépondérance des probabilités.

    Je sais personnellement que nous avons dans notre bureau plusieurs noms de personnes qui sont passées par le même système au même moment mais à qui on n'a jamais posé une seule question sur leurs activités pendant la guerre. Mon beau-frère aussi est passé par le même bureau que la personne de Kitchener qui a été interrogée, et on ne lui a jamais rien demandé sur ses allégeances passées. Ce n'est pas comme s'il avait fait partie des Waffen-SS, disons, mais on ne lui a jamais rien demandé là-dessus. En fait, il se demandait même pourquoi il serait nécessaire d'interroger les gens puisque quiconque a fait partie des SS a un numéro tatoué sur le bras et c'est donc facile à voir.

    C'est donc une manière très douteuse de traiter des gens qui vivent ici depuis 50 ans que de leur reprocher, par exemple, de ne pas avoir dit qu'ils avaient été interprète pour un groupe que nous n'aimons pas. À mes yeux, c'est le genre de loi qu'on verrait plutôt chez Idi Amin qu'au Canada.

    Merci.

+-

    Le président: J'aimerais préciser quelque chose. La question de Lynne était de savoir si nous devrions faire plus avant que les gens n'obtiennent la citoyenneté. Ensuite, j'ai entendu Olya parler d'une période de probation—ce dont je n'avais jamais entendu parler auparavant—et Lynne est revenue là-dessus.

    La seule disposition du projet de loi qui ressemble à une sorte de période de probation est celle qui concerne les fausses informations. Je veux m'assurer que je vous comprends bien. Voulez-vous dire que nous devrions maintenant accorder la citoyenneté sur probation à tout le monde, avec une limite de cinq ans? Je trouve cela un peu troublant parce que ça va créer une nouvelle catégorie complètement différente. Quel est votre objectif exactement avec les cinq ans? Voulez-vous que la citoyenneté soit accordée sur probation pendant cinq ans? De quoi s'agit-il exactement?

+-

    M. Anton (Tony) Bergmeier: Une fois qu'on vous accorde la citoyenneté, on ne devrait plus pouvoir vous la retirer au bout de cinq ans.

+-

    Le président: Vous êtes donc d'accord avec eux là-dessus?

+-

    M. Anton (Tony) Bergmeier: Absolument.

+-

    Mme Lynne Yelich: Mais vous préféreriez que cette disposition soit complètement éliminée?

+-

    M. Anton (Tony) Bergmeier: Oui.

+-

    Mme Lynne Yelich: C'est précisément sur la question de la révocation que vous demandez une limite de cinq ans, n'est-ce pas?

+-

    Mme Olya Odynsky: J'estime qu'il faut soit supprimer complètement cette disposition, soit faire en sorte que la décision ne puisse être prise que par un tribunal pénal. C'est là que ce genre de question doit être traité. Nous avons la possibilité de traiter ces questions devant un tribunal pénal, et nous avons aussi la nouvelle Loi contre le terrorisme. Nous avons donc deux possibilités de traiter les crimes de guerre ou les problèmes graves touchant la citoyenneté. Ce n'est pas devant un tribunal administratif qu'on doit régler ce genre de question.

    Si nous mettons en place un système permettant de faire de bonnes vérifications au départ—et nous l'avons déjà fait, nous avons aujourd'hui une technologie qui n'existait pas il y a 50 ans—nous pouvons dire que la citoyenneté est assurée au bout de cinq ans. Ainsi, un citoyen n'aura pas à craindre de perdre sa citoyenneté au bout de 23 ans, par exemple, parce que quelqu'un décide de l'accuser, ce qui donnerait lieu à tout ce dont parlait madame tout à l'heure, des décisions en secret, des informations secrètes, etc.

    Voilà pourquoi je recommande qu'il y ait une sorte de loi de prescription. Toutefois, même au bout de 20 ans, si quelqu'un produisait des preuves convaincantes concernant des actes criminels, et si ces preuves pouvaient être confirmées devant un tribunal pénal, la situation serait différente. C'est seulement dans ce cas que la personne pourrait perdre sa citoyenneté. Sinon, il devrait y avoir une loi de prescription sur le recours à un tribunal administratif.

+-

    Le président: Quelqu'un d'autre veut intervenir là-dessus?

Á  +-(1105)  

+-

    M. Orlando Da Silva: À mon avis, l'article 18 n'est absolument pas nécessaire. Je ne vois pas pourquoi on devrait accorder la citoyenneté sur probation. L'article 16 traite de la citoyenneté obtenue en faisant de fausses déclarations. Ce que fait l'article 18, c'est qu'il crée une période de cinq ans qui ne garantira aucune justice à la personne accusée, du point de vue de la procédure. L'article 16 assure un minimum de justice. Ce n'est pas le cas de l'article 17, comme je l'ai dit tout à l'heure, mais c'est le cas de l'article 16.

    À mon avis, il n'est pas du tout nécessaire d'avoir une période d probation. Il suffit au gouvernement de bien faire son travail dès le départ. Si le gouvernement fait bien ce travail mais se trompe, la personne qui a acquis la citoyenneté pourra se défendre en invoquant l'article 16, comme n'importe qui, et rien d'autre n'est nécessaire.

+-

    Le président: Cela veut dire que, si le gouvernement souhaite retirer, révoquer ou annuler la citoyenneté d'une personne, il ne devrait le faire que sur la base d'un système judiciaire, n'est-ce pas?

+-

    M. Orlando Da Silva: Absolument. Il n'y a aucune raison de—

+-

    Le président: Je tiens cependant à bien comprendre ce qui arrivera si nous nous engageons dans cette voie incertaine des cinq ans. Si vous avez la chance que personne ne vous attrape au bout de 10 ans, qu'arrivera-t-il? Je voudrais bien comprendre s'il y aura les cinq ans du côté de l'annulation—à cause de fausses informations, apparemment—ou si, comme le dit Olya, une loi de prescription de cinq ans veut essentiellement dire que… Que se passera-t-il si on découvre la vérité 10, 15 ou 20 ans après? Je crois comprendre que tout le monde dit qu'on pourra alors quand même révoquer la citoyenneté, mais à condition qu'il s'agisse de quelque chose de très grave et qu'on respecte la règle de droit.

+-

    Mme Olya Odynsky: Ma proposition de loi de prescription n'est qu'un deuxième choix. Mon premier choix, comme M. Orlando Da Silva, est qu'on ne revienne pas sur l'octroi de la citoyenneté. Que le gouvernement fasse son travail! Une fois qu'un citoyen devient citoyen, il doit pouvoir vivre sans crainte.

+-

    Le président: C'est clair et je comprends.

    Andrew.

+-

    M. Andrew Telegdi: Le vrai danger de la loi actuelle est qu'elle essaie de recréer un consensus que nous avons établi. Je pense qu'Olya nous a bien fait comprendre l'effet de la loi actuelle, par un cas concret. C'est une baby-boomer, comme beaucoup d'autres. Nos parents commencent à vieillir et connaissent des difficultés. Moi, mes parents sont décédés il y a quelques années. Quand les parents décèdent, les enfants héritent. Son cas prouve le contraire. Les parents sont mis sur la paille parce que l'État a des ressources illimitées, et les enfants sont presque en faillite eux-mêmes.

    C'est un processus incroyablement injuste. Le ministère a dépensé jusqu'à 100 millions de dollars pour s'attaquer à quelques rares cas, sans aucun souci de justice. Ce qui est central, dans tout cela, c'est que c'est une question de probabilités. C'est ça qui est important. On décide selon la prépondérance des probabilités si vous avez dit la vérité en réponse à une question qu'on vous a peut-être posée il y a cinquante ans. C'est un critère beaucoup trop faible, qui dévalorise la citoyenneté. C'est incroyable.

    Nous avons entendu les représentants du Congrès germano-canadien. Selon le dernier recensement, il y a au Canada 2,7 millions de personnes de cette origine. Nous avons aussi entendu des Ukrainiens, qui sont au nombre de 1,1 million dans notre pays. Nous sommes donc à 3,8 millions. Ajoutons les Hongrois, ajoutons les États baltes et ajoutons les gens de derrière le Rideau de fer.

+-

    Le président: Ou les Portugais, pourquoi pas?

+-

    M. Andrew Telegdi: Pourquoi pas!

    Ça fait beaucoup de monde, quand on y pense. J'espère qu'il sortira du bien de tout cela parce que nous savons qu'il y a maintenant un nouveau groupe qui est attaqué, je veux parler des musulmans et des gens originaires des pays arabes. Dieu sait qui ce sera à l'avenir! S'il y a une bonne chose qui peut sortir de tout ça, c'est le retour à un système dans lequel la citoyenneté a assez de valeur pour qu'on soit tenu d'aller au-delà d'un doute raisonnable.

    On a dans ce pays un système parfait pour traiter des gens comme Clifford Olson, Paul Bernardo et toutes sortes de criminels détestables. Pourtant, malgré ce critère plus élevé, il ne faut pas oublier que nous avons aussi des gens comme Guy-Paul Morin et Donald Marshall. Steven Truscott se bat actuellement devant la justice pour pouvoir aller devant la Cour suprême. Donc, si notre citoyenneté a du prix, si nous voulons qu'elle ait un sens pour ceux qui viennent de l'étranger…

    Nous avons le moyen de repérer la fraude. Ça se fait tous les jours dans nos tribunaux. Des milliers et des milliers de cas de fraude font l'objet de décisions chaque année. Comme le ministre parle à l'article 18 des gens qui pourraient avoir commis une fraude, je lui dis de les traiter par la procédure judiciaire. Il ne suffit pas que le ministre décide lui-même qu'ils soient coupables. Le jour où c'est un ministre ou un bureaucrate qui décidera que quelqu'un est coupable, nous aurons tous perdu un large pan de nos libertés civiles.

    La norme doit être «au-delà de tout doute raisonnable». Je pense que tout le monde est d'accord avec ça car le système actuel est tout à fait insatisfaisant et très injuste. Il nuit à la réputation de notre système de justice. C'est essentiellement contre ça que nous nous battons. Il porte atteinte à la Charte des droits et libertés, et nous convenons tous que la Charte est une bonne chose. Les Canadiens accordent un appui écrasant à la Charte et ils apportent un appui écrasant aux décisions judiciaires par rapport aux décisions politiques. Mais des décisions judiciaires sans droit d'appel ne sont pas satisfaisantes non plus. Ce serait une mauvaise procédure.

    Soyons donc parfaitement clairs: êtes-vous tous d'accord que la norme qu'il faudrait appliquer pour la citoyenneté est celle du doute raisonnable, c'est-à-dire la norme du droit pénal, pour que la citoyenneté ait un sens?

Á  +-(1110)  

+-

    Le président: Puis-je poser une question supplémentaire?

    Il y a dans ce projet de loi deux choses qui ne se trouvent pas dans la loi actuelle. La révocation, qui est évidemment à l'heure actuelle une décision à caractère politique. Nous convenons tous que cela devrait changer, pour que ce soit une décision judiciaire, avec tous les droits inhérents, notamment le droit d'appel—et nous allons y voir.

    En ce qui concerne les deux nouvelles dispositions, il s'agit de la disposition d'annulation, qui peut évidemment être prise par un tribunal, comme quelqu'un l'a suggéré. Je pense que tout le monde souhaite que le minimum soit l'application d'une procédure judiciaire, selon le principe du critère du doute raisonnable.

    Il y a aussi une nouvelle disposition sur le refus d'octroi de la citoyenneté. Dans ce cas, c'est essentiellement le ministre qui décidera. Pensez-vous que le refus de la citoyenneté devrait aussi procéder d'une décision judiciaire? Vous êtes-vous posé la question? Cela veut dire qu'un résident permanent qui se trouve ici depuis 10, 15 ou 20 ans et qui a respecté toutes ses obligations pourrait fort bien être confronté à une décision de refus prise par le ministre s'il décide de demander la citoyenneté.

    Avez-vous des remarques à faire à ce sujet et pensez-vous que la procédure envisagée soit bonne? La législation actuelle dit que ça devrait essentiellement être une décision du ministre et je voudrais savoir ce que vous en pensez.

    Marnie.

+-

    Mme Marnie Hayes: Pourriez-vous nous donner quelques exemples de personnes à qui le gouvernement voudrait refuser la citoyenneté? Voilà le problème. Sa disposition est complètement ouverte, alors qu'il y en a une autre qui donne une liste d'interdictions, liste qui est élargie dans la nouvelle loi. Pourriez-vous prévoir aujourd'hui toutes les raisons pour lesquelles on pourrait vouloir refuser la citoyenneté à quelqu'un, et mettre toutes ces raisons dans cet article?

+-

    Le président: À mon avis, si l'on veut refuser d'accorder la citoyenneté à quelqu'un, c'est parce que nous savons que nous ne voulons pas de cette personne au Canada et que nous voulons l'en faire partir rapidement, par exemple comme dans le cas d'Ernst Zundel. C'est en tout cas ce que je suppose. Je ne connais pas la vraie raison. Voilà pourquoi je pose la question. On utilise parfois la citoyenneté pour faire des choses qu'on devrait plutôt essayer de faire dans le système judiciaire. C'est pourquoi je demande s'il devrait y avoir une disposition pour le refus ou un mécanisme d'appel.

+-

    Mme Marnie Hayes: Et voici une autre question: si l'on refuse la citoyenneté à une personne, que devient son statut d'immigrant reçu? Va-t-on l'expulser?

+-

    Le président: Elle relève toujours de la Loi sur l'immigration et donc…

+-

    Mme Marnie Hayes: Il s'agira à l'évidence d'un immigrant reçu, qui sera passé par toute la procédure.

Á  +-(1115)  

+-

    M. Andrew Telegdi: Je voudrais faire deux remarques, monsieur le président. Selon Alan Borovoy, il est peut-être raisonnable de rendre difficile l'acquisition de la citoyenneté mais il ne faut pas rendre sa révocation facile.

    En outre, rien n'est précisément énoncé dans la loi, ce qui est un danger. Voici ce qu'on dit:

    Le ministre peut, s'il est convaincu…qu'une personne a fait preuve d'un grave mépris à l'égard des principes et des valeurs sur lesquels se fondent une société libre et démocratique…

Cette prémisse est fausse car l'un des principes qui fondent notre société est le respect de la Charte des droits et libertés. Priver quelqu'un du droit à une révision judiciaire ou du droit à une audience judiciaire va à l'encontre même des valeurs canadiennes.

    Il faut donc indiquer clairement dans le projet de loi qu'il y aura une révision judiciaire. Avec le texte actuel, on essaie de dire aux gens qu'on peut les attraper n'importe quand ou les priver de la citoyenneté n'importe quand, pour quelque raison qu'on juge adéquate au moment considéré. On ne peut pas formuler des lois de cette manière et prétendre qu'on respecte les droits humains et les libertés civiles. Voilà le problème.

+-

    Mme Marnie Hayes: Je voudrais ajouter un mot à cela. J'ai personnellement aidé beaucoup de gens qui sont venus d'Ukraine et qui sont des immigrants reçus. Je sais qu'il leur est très pénible de renoncer à leur citoyenneté ukrainienne mais ils doivent l'accepter s'ils veulent devenir Canadiens—et, à l'évidence, ils le font.

    Autrefois, je ne comprenais pas comment on pouvait venir au Canada et ne pas demander immédiatement la citoyenneté. Si l'on pouvait s'établir au Canada, il me semblait qu'on pouvait obtenir la citoyenneté. Il y a cependant parfois des liens émotifs très forts et c'est pourquoi certaines personnes peuvent attendre jusqu'à 20 ans avant de demander la citoyenneté canadienne. Comme je l'ai dit, c'est quelque chose que je n'avais pas envisagé avant de rencontrer autant d'immigrants, ces dernières années.

    Supposons donc que 20 ans se sont écoulés et que la personne demande sa citoyenneté. Entre-temps, quelqu'un s'est mis à la détester et veut lui causer du tort. On ne sait pas ce qui peut être dit au ministre. S'il n'y a pas de procédures judiciaires et si l'on n'a pas la possibilité de répondre aux accusations, le ministre pourra tout simplement refuser de vous accorder la citoyenneté et, à mon avis, c'est l'antithèse même de la Charte.

+-

    M. Orlando Da Silva: Deux remarques. Tout d'abord, Andrew Telegdi nous a demandé quelle devrait être la norme pour la preuve. Je pense qu'il a raison de dire qu'on devrait aller au-delà de tout doute raisonnable. Sinon, cela veut dire que la décision reposera sur la prépondérance des probabilités, c'est-à-dire que le juge décidera du statut de la personne en se demandant s'il est plus ou moins vraisemblable qu'elle a participé au crime organisé, par exemple. Cela veut dire qu'une personne pourra fort bien être expulsée alors qu'il y a un doute raisonnable. À mon avis, ça ne devrait pas être possible dans un régime où les droits sont protégés par la Charte.

    Pour ce qui est du refus de la citoyenneté, je pense qu'il y a une différence fondamentale entre expulser quelqu'un et le priver de sa citoyenneté, mais cela ne veut pas dire que la personne ne devrait quand même pas bénéficier d'une certaine protection. Je serais vraiment très mal à l'aise avec un régime où on laisse un politicien—ceci dit avec votre respect—décider du statut des gens, du point de vue de la citoyenneté. Si c'est un politicien qui doit prendre la décision, il faut que celle-ci puisse être révisée au minimum par un tribunal pour qu'on puisse voir si les raisons du refus étaient valides et étaient conformes au dispositif législatif et à la Charte.

+-

    Le président: Ernst.

+-

    M. Ernst Friedel (président, Congrès germano-canadien, Ontario): Ce que vient de dire Orlando est très important. Nous ne devrions pas accorder à un ministre le droit ou le privilège de refuser la citoyenneté, pour la simple raison que ce ministre pourrait fort bien avoir une raison politique de la refuser. Si une personne est très active et efficace dans un parti d'opposition, on voudra peut-être la chasser du pays ou lui refuser la citoyenneté, et ce sera possible. Je ne pense pas que ce soit bon. Cela devrait se faire devant les tribunaux. Si l'on a des raisons de refuser la citoyenneté, la personne devrait pouvoir interjeter appel mais la décision ne devrait certainement pas être prise par un ministre parce que cela deviendra alors une décision politique. Et nous savons tous que la politique peut parfois produire des décisions bizarres.

+-

    Le président: Leslie, voulez-vous intervenir?

+-

    M. Leslie Torok: Mes remarques ne seront certainement pas aussi savantes que celles de mes collègues, qui ont eu plus de temps pour étudier la loi. Pour ma part, je n'ai obtenu le texte que vendredi, par un site Internet. Quoi qu'il en soit, monsieur le président, si l'on a des raisons de croire qu'une personne a obtenu la citoyenneté par la fraude ou par de fausses déclarations, il devrait y avoir une limite au nombre d'années pendant lesquelles on peut revoir la situation et annuler la décision. Sinon, je pense que ce ne serait pas juste.

Á  +-(1120)  

+-

    Le président: Je réfléchissais précisément au pouvoir d'annulation de la citoyenneté et au pouvoir d'annulation d'un mariage. Je sais que, dans l'Église catholique, c'est quasiment l'enfer pour obtenir une annulation, et un processus équitable…

    Brian.

+-

    M. Brian Masse: Merci, monsieur le président. Je remercie les témoins qui nous ont donné d'excellentes informations. Il y a beaucoup de points communs dans leurs interventions.

    Pour revenir sur une situation évoquée par M. Da Silva, celle de M. Hamdani, je disais un peu plus tôt que je représente Windsor. Nous avons un point de passage à la frontière et nous voyons qu'on y applique le délit de faciès. Cela a causé beaucoup de difficultés à des citoyens canadiens qui ont été purement et simplement dépouillés de leur citoyenneté parce qu'ils sont nés dans un autre pays et sont venus s'établir ici il y a plusieurs décennies. Vous nous avez donné un exemple montrant qu'une citoyenneté est importante pas seulement, d'un point de vue relatif, parce qu'on se trouve au Canada mais aussi à cause de ce qu'elle signifie dans le reste du monde et de la manière dont elle nous protège à titre individuel.

    Un autre exemple est celui de Maher Arar, qui est en actuellement en Syrie. Il a été expulsé en Syrie par les Américains mais c'est un citoyen canadien. Nous devons faire plus pour éviter ce genre de chose car, si nous n'accordons pas plus de protection à notre citoyenneté, en dehors de nos frontières, nous y perdrons beaucoup.

    Pour ce qui est du projet de loi lui-même, un témoin antérieur avait évoqué les principes de la common law en disant que ce texte constitue presque une violation de ces principes. Cette remarque avait été faite au sujet de l'article 17, qui ne prévoit aucun respect de la règle de droit puisque les gens ne pourront pas voir les informations utilisées contre eux et ne sauront pas qui a pu les accuser. Êtes-vous d'accord avec cette interprétation? Croyez-vous que cet article porte atteinte à l'essence même de notre régime législatif et de la common law?

    En outre, croyez-vous que cela ouvre la porte à ce que nous avons déjà vu dans des situations extrêmes, même en Amérique du Nord, c'est-à-dire le maccarthysme et des choses comme ça, où on se retrouve avec une société où les gens sont en danger? Croyez-vous que ce soit une possibilité si nous n'instaurons pas un système de contrepoids judiciaire de façon à ce que ce soit l'accusateur qui ait le fardeau de la preuve, et non pas l'innocent qui soit obligé de prouver son innocence?

+-

    Le président: Des réponses?

+-

    M. Leslie Torok: Ceci n'est peut-être pas tout à fait pertinent mais j'ai été très impressionné par votre comité. Pour la première fois, à mon avis, quelqu'un a réussi à combler une lacune par la révision des textes réglementaires, des manuels de politique, etc. Il ne faut pas sous-estimer l'importance de cette étape et, que d'autres comités vous emboîtent le pas ou non, je leur recommande—

+-

    Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]…de le faire. Recommandez-vous que nous fassions la même chose ici?

+-

    M. Leslie Torok: Non, pas pour le moment car j'espère que ce projet de loi ne sera pas adopté.

+-

    Le président: Ce serait évidemment la solution ultime.

+-

    M. Leslie Torok: Oui, pour certaines de ses dispositions mais, dans mes remarques au sujet du projet de loi C-18, je n'ai pas hésité à parler de ses carences, et je crois que les autres comités auraient tout intérêt à vous emboîter le pas au sujet de leurs propres projets de loi. Il est très important de fermer les échappatoires.

    Merci.

+-

    Mme Olya Odynsky: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Je pense que les citoyens canadiens ont peur des huis clos, des choses qui se décident en secret. En fait, si vous prenez un cas comme celui d'Odynsky, tous nous dossiers reposent sur des documents photocopiés. Toutes les preuves de 1948 étaient des documents photocopiés. Il y a des photocopies du recto et du verso mais ce sont deux pages différentes. Comment savoir si ces rectos et versos vont vraiment ensemble?

    On a déjà vu la même chose ici. Pendant la Commission Deschênes, bien sûr, des allégations ont été faites et, si vous vous souvenez des titres de journaux, quelqu'un avait dit qu'il y a quelque 6 000 criminels de guerre nazis au Canada, que Josef Mengele est ici, etc. Si nous n'avions pas pu examiner la preuve, la Commission aurait produit des recommandations tout à fait différentes, je crois.

    Je suis donc tout à fait d'accord avec vous et je suis certaines que c'est aussi le cas de nombreux Canadiens—si ce n'est de la totalité.

    Merci.

+-

    Le président: Allez-y, Ernst.

+-

    M. Ernst Friedel: Certaines parties de l'article 17 préoccupent beaucoup nos membres. Il faut que la procédure soit transparente, c'est une chose. Il faut aussi que le ministre prouve que les allégations faites contre certaines personnes sont légitimes, et il doit le faire devant un tribunal. Il ne suffit pas de faire des allégations et de prendre ensuite les décisions. Je suis donc tout à fait d'accord avec ce que disait l'autre personne: il faut protéger les particuliers.

    Demandez-vous également comment un individu, dont les moyens sont limités, pourra s'opposer à l'État qui dispose de ressources infinies pour monter un dossier. C'est déjà en soi une inégalité.

    Quoi qu'il en soit, nous pensons qu'il y a des éléments de l'article 17 qu'il faut changer.

Á  +-(1125)  

+-

    Le président: Orlando.

+-

    M. Orlando Da Silva: Je voudrais répondre brièvement à M. Masse. Le gouvernement doit donner au monde le message qu'un citoyen est un citoyen et que nous défendons tous nos citoyens, qu'ils soient nés à l'étranger ou ici-même.

    Quand j'ai lu les informations au sujet de ce pauvre monsieur qui a été expulsé vers la Syrie, j'étais furieux de constater que les Américains avaient pu l'expulser sans consulter notre gouvernement. Cela nous montre que, pour les Américains au moins, la citoyenneté canadienne a fort peu de valeur si elle a été acquise par quelqu'un qui est né à l'étranger. Il est donc essentiel d'indiquer clairement à notre gouvernement que c'est tout simplement inacceptable.

+-

    Le président: Permettez-moi de faire une remarque.

    Olya, vous avez vécu tout ce processus. C'était l'ancien processus que nous essayons de changer. J'espère qu'il y a dans ce projet de loi certaines choses qui faciliteront les choses et qui ne forceront plus des familles comme la vôtre à subir un tel enfer. Andrew en a parlé tout à l'heure.

    Comme vous êtes passée dans ce système selon le principe de la prépondérance des probabilités, c'était un système à caractère politique—il était judiciaire mais c'était un système foncièrement politique, sans mécanisme d'appel du tout—que devrions-nous inclure dans ce projet de loi pour que les gens ne soient plus obligés de subir la même chose?

    Je sais que tout le monde a dit qu'il faudrait parler de la notion de doute raisonnable au lieu de prépondérance des probabilités. Il faut que ce soit un système purement judiciaire. Tout le monde peut bien donner son avis là-dessus mais vous, qui en avez personnellement connu l'odieux, comment pensez-vous qu'il faudrait le changer pour avoir une loi parfaite qui dise que la citoyenneté canadienne doit être tenue dans la plus haute estime possible.

Á  +-(1130)  

+-

    Mme Olya Odynsky: Tout d'abord, il n'y aurait pas eu d'affaire si le gouvernement avait respecté ses propres engagements. En 1995, Alan Rock disait qu'aucune cause n'irait de l'avant s'il n'en avait pas la preuve d'actes criminels personnels. Voilà la première chose.

    S'il n'y a pas de preuve de criminalité, pas de dossier. L'affaire Odynsky n'aurait jamais dû se produire. En fait, quand nous avons demandé une motion de sursis de l'instance, parce qu'il n'y avait pas de preuve d'actes criminels, le juge a dit que nous avions raison mais que le ministre avait fait une allégation et qu'il méritait une réponse. Eh bien, la réponse aurait dû être qu'il n'y avait pas lieu de continuer, mais nous savons qu'il a décidé de continuer.

    Je pense que c'est là une étape cruciale. Si l'on n'a aucune preuve d'actes criminels, comme je l'ai dit dans ma présentation, on en reste là. Et tous les articles dont nous avons discuté aujourd'hui, 16, 17 et 18, ne nous aident pas à corriger ce qui se passait dans l'ancien système. En fait, il ne faut que reproduire ce qui existe déjà. Je ne crois pas que ce nouveau projet de loi nous aidera à éviter une autre affaire Odynsky.

+-

    Le président: Dans ce cas, dites-nous ce qu'il faut faire. Peut-être pourriez-vous y réfléchir et m'écrire pour nous donner le genre de recommandations dont nous aurions besoin pour faire le nécessaire au niveau fondamental. Vous l'avez peut-être déjà mentionné mais je vous demande de le faire quand même.

+-

    Mme Olya Odynsky: Je pense que toutes les personnes qui sont ici présentes sont fondamentalement d'accord. Personnellement, j'ai été très surprise de voir que la représentante de Kairos partageait nos opinions, tout comme les autres témoins.

    Pour ce qui est de la rédaction technique, je ne saurais faire de recommandations mais je peux certainement vous donner un résumé. Je crains que ce qu'il y a dans le projet de loi—et c'est ce que tout le monde ici vous a dit—c'est-à-dire les articles 16, 17 et 18, ne permette pas vraiment d'empêcher ces situations. La seule chose qui les empêchera et qui serait utile serait d'utiliser la norme judiciaire «au-delà de tout doute raisonnable». C'est devant une cour pénale qu'il faut juger ce genre d'allégations.

+-

    M. Andrew Telegdi: Le problème des articles 16 ou 17 est que le gouvernement peut aller de l'avant avec un ou avec l'autre. En droit, on parle d'une infraction hybride. On peut intenter des poursuites pénales ou porter une accusation sommaire.

    C'est totalement injuste. La solution est donc très simple: il suffit de dire que tout le monde possède le droit d'appel, la norme étant celle du doute raisonnable. Si l'on dit qu'il faut faire la preuve «au-delà de tout doute raisonnable», on a réglé le problème.

+-

    Le président: Je tiens à vous remercier tous et toutes de vos témoignages reflétant l'opinion de vos communautés. Tout cela est très important pour nous. Je sais que ce pays a été bâti par de bons immigrants qui sont devenus de bons citoyens et nous voulons que cela continue.

    J'aimerais profiter de cette occasion pour vous demander brièvement ce que vous pensez de l'idée d'une carte d'identité nationale, même si ce n'est pas pour cela que vous êtes venus ici. En outre, si vous avez une opinion plus précise à nous communiquer à cet égard, je vous demande de nous écrire. C'est une autre question que nous allons examiner dans les semaines qui viennent et, si vous avez des commentaires à ce sujet, je serais très heureux de les recevoir.

    Tony ou Ernst.

+-

    M. Ernst Friedel: Je n'y suis pas favorable. Nous avons déjà des passeports, des permis de conduire et toutes sortes d'autres cartes d'identité. À ma connaissance, une carte d'identité nationale serait une carte intelligente englobant toutes les informations possibles sur le détenteur, voire des informations erronées introduites par erreur dans un ordinateur. Il faut faire très attention avant d'accepter quelque chose comme ça.

+-

    Le président: Orlando.

+-

    M. Orlando Da Silva: Je n'ai pas assez d'information à ce sujet pour vous donner un avis définitif mais je dois dire que ma première réaction est une réaction d'inquiétude. Cela pourrait être mis en place pour des raisons tout à fait innocentes mais, à terme, dans cinq, 10 ou 20 ans, on risque d'avoir un gouvernement différent qui risque d'en abuser. Je crois qu'il faut faire très attention avant d'emprunter cette voie.

+-

    Le président: Marnie, avez-vous un avis?

+-

    Mme Marnie Hayes: Je n'ai pas d'opinion à exprimer pour le moment.

+-

    Le président: Leslie?

+-

    M. Leslie Torok: Quand on a créé le NAS, je me souviens que le premier ministre Trudeau avait promis que ça ne servirait qu'au système d'assurance sociale. Aujourd'hui, le NAS sert à toutes sortes d'autres choses. Je crains fort qu'une carte d'identité nationale ne connaisse le même sort.

Á  -(1135)  

+-

    Le président: Olya.

+-

    Mme Olya Odynsky: Je m'oppose à ce type de carte.

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    Le président: Je vous remercie beaucoup de m'avoir donné votre avis.

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    Mme Lynne Yelich: Combien sont en faveur de la carte?

+-

    Le président: Je n'ai pas fait le calcul. Nous avons encore deux ou trois mois pour en discuter.

    Marnie.

+-

    Mme Marnie Hayes: Nous nous y opposons également. Je ne voulais tout simplement pas entrer dans les détails pour le moment.

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    Le président: J'espère que vous m'enverrez tous un avis détaillé là-dessus, si vous en avez le temps. Ce serait excellent.

    Je rappelle aux membres du comité que l'autobus de l'aéroport partira à 12 h 45. Nous allons à Winnipeg, où je suis sûr que nous rencontrerons encore d'autres Ukrainiens et d'excellents Canadiens.

    Merci beaucoup. La séance est levée.