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LANG Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent des langues officielles


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 17 février 2003




¹ 1535
V         Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.))
V         M. Martin Murphy (président, directeur exécutif du Conseil catholique d'expression anglaise, «Quebec Community Groups Network»)

¹ 1540

¹ 1545

¹ 1550
V         Le président
V         M. Joseph Rabinovitch (vice-président de l'exécutif national, Fonds national juif du Canada)
V         Le président
V         M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne)

¹ 1555
V         M. Martin Murphy
V         M. Scott Reid
V         M. Martin Murphy

º 1600
V         Le président
V         Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.)
V         M. Martin Murphy
V         Mme Yolande Thibeault
V         M. Martin Murphy
V         Mme Yolande Thibeault
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         Mme Yolande Thibeault

º 1605
V         M. Martin Murphy
V         Mme Yolande Thibeault
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.)
V         M. Joseph Rabinovitch

º 1610
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Martin Murphy

º 1615
V         Le président
V         M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.)
V         M. Joseph Rabinovitch
V         M. Eugène Bellemare
V         M. Joseph Rabinovitch
V         M. Martin Murphy
V         M. Eugène Bellemare
V         M. Martin Murphy
V         M. Eugène Bellemare
V         Le président
V         M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.)

º 1620
V         M. Martin Murphy
V         M. Raymond Simard
V         M. Martin Murphy
V         M. Joseph Rabinovitch
V         M. Raymond Simard
V         M. Joseph Rabinovitch
V         M. Raymond Simard
V         M. Joseph Rabinovitch
V         Le président
V         M. Scott Reid

º 1625
V         M. Joseph Rabinovitch
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Joseph Rabinovitch

º 1630
V         Mme Carole-Marie Allard
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy

º 1635
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président
V         M. Raymond Simard
V         M. Martin Murphy
V         M. Raymond Simard
V         Le président
V         M. Martin Murphy
V         Le président

º 1640
V         Le président
V         Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles)

º 1645

º 1650

º 1655

» 1700

» 1705
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam

» 1710
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam
V         Le président
V         M. Raymond Simard
V         Mme Dyane Adam

» 1715
V         M. Carsten Quell (agent principal, Liaison et partie VII, Commissariat aux langues officielles)
V         Le président
V         M. Raymond Simard
V         Le président
V         M. Raymond Simard
V         Le président
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Dyane Adam
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Dyane Adam

» 1720
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Dyane Adam
V         Mme Yolande Thibeault
V         Mme Dyane Adam
V         Mme Yolande Thibeault
V         Le président
V         Mme Dyane Adam

» 1725
V         Le président
V         Mme Dyane Adam
V         Le président
V         Mme Dyane Adam
V         Le président
V         M. Carsten Quell
V         Le président
V         M. Carsten Quell
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam

» 1730
V         Le président
V         Mme Carole-Marie Allard
V         Mme Dyane Adam
V         Le président










CANADA

Comité permanent des langues officielles


NUMÉRO 010 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le lundi 17 février 2003

[Enregistrement électronique]

¹  +(1535)  

[Français]

+

    Le président (M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.)): Messieurs, dames, nous entreprenons aujourd'hui une série de quatre rencontres. Aujourd'hui, mercredi de cette semaine et lors des deux rencontres de la semaine prochaine, nous nous attarderons à toute la question de l'immigration par rapport aux langues officielles.

    Je vais vous dire tout de suite que nous rencontrerons, mercredi de cette semaine, les représentants de Statistique Canada. Lundi le 24, nous accueillerons le ministre Coderre, et mercredi le 26, nous entendrons des représentants du Comité directeur Citoyenneté et Immigration Canada--communautés francophones en situation minoritaire.

[Traduction]

    Nous accueillons deux groupes aujourd'hui. Le premier, le Quebec Community Groups Network, est représenté aujourd'hui par M. Martin Murphy qui est accompagné de M. Joseph Rabinovitch, le vice-président de l'exécutif national du Fonds national juif du Canada. Nous demanderons à M. Murphy et à M. Rabinovitch de nous faire une courte présentation puis nous passerons, comme d'habitude, à la période de questions. Vers 16 h 30, nous inviterons la Commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam, à venir nous parler de la question soulevée par nos témoins. Nous nous sommes penchés un peu sur la question l'année dernière, mais nous n'avions pas présenté de rapport à cet égard parce que les choses bougeaient beaucoup dans le domaine de l'immigration, si je puis dire. Nous essayons donc aujourd'hui de nous renseigner sur ce qui se passe, d'entendre les préoccupations des intervenants et peut-être pourrons-nous formuler certaines recommandations pour le gouvernement.

    Sans plus tarder, vous avez la parole monsieur Murphy.

+-

    M. Martin Murphy (président, directeur exécutif du Conseil catholique d'expression anglaise, «Quebec Community Groups Network»): Merci, monsieur le président, mesdames et messieurs les députés.

    Nous sommes heureux d'avoir cette occasion de discuter avec le Comité permanent des langues officielles d'une question qui revêt depuis longtemps une très grande importance pour la communauté anglophone du Québec. Le Quebec Community Groups Network a signé sa première entente-cadre en 1995; cette entente regroupait les communautés minoritaires de langue anglaise qui sont appuyées par le gouvernement du Canada par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien et du service des langues officielles.

    La Loi sur les langues officielles énonce qu'il faut promouvoir la vitalité linguistique des communautés de langues officielles, mais très peu de recherches ont été effectuées afin de déterminer ce dont la population anglophone de la province a besoin pour parvenir à cette vitalité; l'immigration d'anglophones au Québec est clairement une question que nous jugeons fort importante. Les anglophones de l'étranger qui ont choisi de s'établir au Québec n'ont pas fait l'objet de beaucoup d'intérêt, qu'il s'agisse de leur nombre ou du processus d'adaptation qu'ils traversent. Et pourtant, il existe un lien important entre les questions de migration—sorties et entrées—qui sont devenues cruciales pour l'avenir de la communauté anglophone. Il ne fait aucun doute que le départ d'anglophones vers d'autres provinces signifie que les nouvelles arrivées acquièrent une plus grande importance du point de vue du maintien de la vitalité.

    L'adoption de la Charte de la langue française, qui a obligé presque tous les immigrants arrivés après 1977 à envoyer leurs enfants à des écoles de langue française, a eu pour résultat initial que l'immigration est devenue une source moins importante de croissance institutionnelle pour la communauté anglophone au Québec. La signature de l'accord Cullen-Couture en 1978 a facilité le recrutement d'une proportion plus grande d'immigrants originaires de pays francophones. Puis, en 1990, l'accord McDougall-Gagnon-Tremblay a renforcé le rôle du gouvernement du Québec dans le processus de sélection des immigrants et permis le transfert de ressources des autorités fédérales aux autorités provinciales pour l'intégration des nouveaux arrivants.

    L'importance démographique de l'immigration ne peut être évaluée correctement si l'on ne tient pas compte de l'évolution récente de la population anglophone de la province. D'un point de vue démographique, les résultats du recensement canadien de 2001 n'ont pas apporté de très bonnes nouvelles aux anglophones du Québec. En ce qui concerne la langue maternelle, la population anglophone a diminué de près de 8 p. 100, soit de plus de 30 000 personnes entre 1996 et 2001. Ce recul est largement attribuable aux pertes nettes de la migration interprovinciale. Pendant cette période, en fait, environ 57 000 personnes de plus ont quitté le Québec pour d'autres provinces que celles qui sont entrées en provenance du reste du Canada. Sur ce total, près de la moitié avaient l'anglais pour langue maternelle, ce qui a entraîné une diminution substantielle de la population de la communauté.

    Pour la plupart des immigrants du Québec qui parlent l'anglais, celui-ci est leur langue seconde. Du point de vue de la langue maternelle, le pourcentage d'immigrants anglophones en tant que proportion du nombre total d'immigrants au Québec a diminué en chiffres réels et proportionnellement. Au cours des cinq dernières années de la décennie 1990, la proportion d'immigrants ayant l'anglais pour langue maternelle a chuté de près de 50 p. 100. Alors qu'au début des années 70, un immigrant sur cinq au Québec avait l'anglais pour langue maternelle, la proportion est maintenant beaucoup plus proche d'un nouvel immigrant sur 40 dans la province.

¹  +-(1540)  

    Le nombre et la proportion des nouvelles arrivées varient considérablement lorsqu'on retient comme critère la connaissance de la langue anglaise par l'immigrant. De fait, la plupart des immigrants québécois n'ont ni l'anglais ni le français comme langue maternelle, puisque de 1996 à 2001 les allophones ont constitué environ 85 p. 100 des nouveaux arrivants. Le nombre d'immigrants qui ont l'anglais comme langue seconde est beaucoup plus élevé que le nombre de ceux qui ont l'anglais comme langue maternelle. Ils représentent une source démographique potentiellement importante pour la communauté anglophone du Québec.

    Au cours des années 1990, il y a eu augmentation de la concentration d'immigrants anglophones dans la région de Montréal, tandis que la proportion de ceux qui s'établissaient dans le reste du Québec était en déclin. Les tendances au chapitre de l'établissement des anglophones ne sont guère différentes de celles s'appliquant aux autres immigrants dans la province. Dans la plupart des cas, les immigrants qui s'établissent à l'extérieur de la région de Montréal le font dans des endroits comme Laval et la Montérégie. Dans ces deux régions, la proximité géographique de la région montréalaise et la masse critique des anglophones font qu'il est plus facile d'avoir accès aux institutions qui dispensent les services requis. Dans les Laurentides, la ville de Québec et les Cantons de l'Est, la situation est différente car il y a, d'une part, un nombre réduit d'immigrants et, d'autre part, un moins grand nombre d'organismes communautaires anglophones.

    Le recensement de 2001 a révélé que la province de Québec enregistrait la perte nette la plus élevée parmi toutes les provinces pour ce qui est de la migration interprovinciale. Qui plus est, ces départs étaient généralement le fait de personnes âgées de 20 à 40 ans. Il est évident qu'une partie importante de cette migration est attribuable à des immigrants qui se sont établis sur une période relativement brève dans la province, puis qui se sont réinstallés ailleurs au Canada peu de temps après. Le Québec a enregistré une diminution nette de près de 25 p. 100 pour ce qui concerne les immigrants qui parlaient uniquement l'anglais à leur arrivée et qui se sont retrouvés ailleurs au Canada entre 1980 et 1995. Cela représente non seulement une perte importante pour la population anglophone de la province, mais également une perte pour l'ensemble du Québec. La recherche de Citoyenneté et Immigration Canada a révélé que «la catégorie dans laquelle le Québec a enregistré le plus grand nombre de départs de déclarants immigrants était celle de gens d'affaires. Près de 48 p. 100... des gens d'affaires ayant immigré au Québec entre 1980 et 1995 étaient devenus résidents d'autres provinces dans l'année d'imposition 1995.»

    Un tableau présenté dans notre mémoire révèle que les immigrants ayant l'anglais comme langue maternelle sont davantage enclins à quitter la province pour des raisons liées à l'éducation et à l'économie alors que ceux qui sont nés au Canada, les anglophones non immigrants évoquent plus fréquemment des raisons politiques. Les immigrants anglophones mentionnent plus souvent la discrimination comme facteur dans la décision de quitter la province. Bref, les problèmes associés aux questions d'intégration sont ceux que les immigrants anglophones évoquent le plus souvent comme facteur déterminant dans la décision de quitter la province.

    Si vous étudiez le total, vous constatez que des 13 p. 100 de la population québécoise qui s'identifient comme faisant partie de la population anglophone, seuls 7 p. 100 travaillent pour la fonction publique fédérale. En fait, dans l'ensemble de la province, même si 8,3 p. 100 de la population est anglophone, moins de 1 p. 100 des anglophones travaillent pour la fonction publique provinciale.

    Les immigrants anglophones qui arrivent au Québec font montre d'ouverture face à la population francophone de la province et au fait français. D'après un sondage effectué en 2001 par la société SOM et commandé par La Presse et Radio-Canada, environ 80 p. 100 des immigrants anglophones disaient avoir fait des efforts pour s'ouvrir à la population francophone.

¹  +-(1545)  

    Les priorités identifiées par les répondants sont les soins de santé, les services sociaux ainsi que l'accès aux services gouvernementaux.

    Le gouvernement du Québec investit pour recruter des immigrants francophones, mais il permet également à un nombre relativement faible d'anglophones de s'établir dans la province. Toutefois, bon nombre de ces immigrants ne connaissent pas les services offerts par la communauté anglophone de la province. Parallèlement, la communauté anglophone n'est guère au courant des besoins des nouveaux immigrants, et tant l'immigrant que la communauté pourraient profiter de meilleures communications à cet égard. Les institutions anglophones pourraient donner un sens de la communauté à ces immigrants tout en facilitant leur adaptation à la société et à la réalité linguistique du Québec. Le succès de l'intégration est étroitement lié à la vitalité institutionnelle des communautés, et la population anglophone du Québec ne fait pas exception à cet égard. Une évaluation des besoins des immigrants anglophones aiderait les institutions de la communauté anglophone à apporter les ajustements nécessaires aux services qu'elle offre pour refléter l'évolution de la composition de la communauté.

    Nous avons formulé quelques recommandations. En fait, nous en avons formulé quatre, mais j'en ajouterais une ou deux autres. Nous proposons que le CIC communique aux organismes anglophones du Québec des renseignements sur les immigrants anglophones de la province. Nous proposons également de faire connaître davantage les communautés de langues officielles du Québec dans les renseignements diffusés aux immigrants par Citoyenneté et immigration. De plus, nous proposons qu'avec l'appui du CIC, on effectue une évaluation exhaustive des besoins des immigrants anglophones du Québec. Enfin, que Patrimoine Canada et Citoyenneté et immigration Canada appuient une table ronde multisectorielle ayant pour objet les besoins des immigrants anglophones.

    Monsieur le président, j'aimerais en conclusion vous tracer un tableau découlant des données du recensement de 2001 rendues publiques le 10 décembre dernier. Quelque 621 000 personnes dont l'anglais est la langue maternelle vivaient au Québec en 1996, 591 000 en 2001, soit quelque 8,3 p. 100 de la population. La population francophone représente 81,4 p. 100, soit 5 802 000 résidents. La population allophone est aujourd'hui supérieure à la population anglophone, soit 732 000 résidents, ou 10,3 p. 100 de la population. Entre 1986 et 1991, 22 000 personnes dont la langue maternelle est l'anglais ont quitté le Québec. Entre 1991 et 1996, 24 500 anglophones ont quitté le Québec. Entre 1996 et 2001, près de 30 500 ont quitté le Québec, soit une perte totale de quelque 76 000 anglophones.

    J'ai signalé un peu plus tôt que le Québec avait enregistré la perte nette la plus importante de toutes les provinces et territoires en raison de la migration. Entre 1996 et 2001, près de 119 700 personnes ont quitté le Québec, alors que 62 400 sont allées s'y établir. La perte nette était donc de 57 300 personnes, la perte la plus élevée au Québec depuis le milieu des années 1980. On avait enregistré, pendant les cinq années précédentes, une perte de 37 400 résidents. La moitié de ceux qui ont quitté le Québec pour aller s'établir ailleurs au Canada étaient âgés d'entre 30 et 44 ans. Quelque 39 700 francophones et 53 300 anglophones ont quitté le Québec pendant cette période pour aller s'établir dans une autre province ou un territoire. La population anglophone a enregistré une perte nette d'environ 30 000 résidents pendant cette période de cinq ans, la population francophone une perte de 8 000 résidents et la population allophone 19 170 résidents.

    Monsieur le président, je suis maintenant disposé à répondre aux questions des députés.

¹  +-(1550)  

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Rabinovitch, je vous demanderais de ne pas prendre plus de cinq minutes pour vos commentaires.

+-

    M. Joseph Rabinovitch (vice-président de l'exécutif national, Fonds national juif du Canada): Je n'aurai besoin que de trois minutes pour faire mes commentaires.

    Nous pouvons vous citer toutes les statistiques que vous voulez jusqu'à ce que vous puissiez les absorber, mais les chiffres ne veulent pas vraiment dire grand-chose. Ce qu'il vous faut faire, c'est étudier les tendances à long terme, même les tendances à court terme. Si les tendances révélées par les chiffres que vient de vous citer Martin se poursuivent, à long terme, il est clair que le Québec aura la plus grande concentration de francophones au Canada et que la majorité des anglophones qui vivent au Canada vivront à l'extérieur du Québec. C'est une tendance qui s'est amorcée au milieu des années 70 et qui s'est poursuivie ces cinq dernières années. Je pense que ce taux de migration se maintiendra. Que pouvons-nous faire? Je ne le sais pas vraiment. C'est peut-être la question la plus importante.

    Notre souci principal d'encourager les anglophones qui se sont établis au Québec à y demeurer, parce que nous ne semblons pas y parvenir. De plus, si vous étudiez le profil démographique de ceux qui quittent le Québec, vous constaterez qu'il s'agit de personnes ayant un revenu d'emploi, de professionnels etc. Ce sont eux qui quittent le Québec. Que peut faire la communauté anglophone du Québec pour encourager les anglophones à y demeurer? Je n'ai pas encore de réponse. Peut-être que lors de notre discussion j'entendrai d'autres opinions, mais c'est vraiment la question qui m'inquiète le plus: compte tenu des tendances à long terme, qu'arrivera-t-il à la communauté anglophone du Québec? Quand je parle du Québec, j'entends plus ou moins la région métropolitaine de Montréal. C'est là où se trouvent la majorité des anglophones de la province, quoiqu'il y ait des groupes à Québec, dans la région de Gaspé, dans les Cantons de l'Est et dans les Laurentides. La population anglophone de ces régions diminue également, mais pas au même rythme que celle de la région métropolitaine de Montréal.

+-

    Le président: Merci.

    Monsieur Reid.

+-

    M. Scott Reid (Lanark—Carleton, Alliance canadienne): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Rabinovitch, ce que vous avez dit reflète mon opinion. J'ai écrit il y a environ 10 ans un livre sur la politique linguistique où j'essayais de voir s'il y avait une méthode efficace de composer avec l'assimilation et la migration que pouvaient imposer les gouvernements. J'ai constaté, après avoir étudié l'expérience canadienne, la situation dans les provinces au fil des ans et la situation dans d'autres pays, qu'il est très difficile de trouver des modèles qui semblent être efficaces. Certains pays semblent pouvoir plus facilement avoir recours à des mesures de coercition, et même dans ces pays, on n'a pas vraiment su trouver de système qui fonctionne. Il y a des limites à ce que nous voulons bien accepter, et en respectant ces limites, nous n'avançons pas vraiment.

    De toute façon, je me demande dans quelle mesure les méthodes qu'on pourrait trouver pourraient être employées par le gouvernement fédéral sans empiéter sur les questions de compétence provinciale. Il me semble que certaines des choses qu'on a mentionnées, par exemple le fait que le gouvernement du Québec n'embauche pratiquement pas de non-francophones, ce qui à mon avis frôle la discrimination systémique, ne relèvent pas du gouvernement fédéral. Je ne dis pas que c'est un comportement acceptable, mais le gouvernement fédéral n'y peut rien.

    Je sais que vous ne vouliez pas vraiment vous prononcer, mais pourriez-vous nous dire si nous devrions nous pencher sur une question particulière? Je pense que notre rôle de comité est d'essayer de formuler à l'intention du gouvernement des recommandations.

¹  +-(1555)  

+-

    M. Martin Murphy: Comme je l'ai dit au début de mon exposé, ce n 'est pas une question que nous étudions depuis longtemps. Nous avions d'autres priorités; nous avons commencé à nous pencher sur ce dossier et continuerons certainement à concentrer nos efforts sur la question. En fait, depuis la rédaction de la première ébauche de notre exposé, nous saisissons mieux la question. Je peux donc formuler certaines recommandations.

    Nous avons parlé de 1990, de l'entente entre le gouvernement fédéral et la province, l'entente McDougall-Gagnon-Tremblay. Pourrait-on revoir cet accord de sorte que les deux parties analysent la question en fonction de la situation actuelle? J'espère que le gouvernement du Québec s'inquiète de cette migration importante, du sort de la communauté minoritaire anglophone; j'espère que 12 ans après la signature de cet accord, le gouvernement du Québec est disposé à en analyser les conséquences et à envisager des mesures pour accroître le nombre d'anglophones au Québec, peut-être par l'entremise de la migration. Je pense qu'il s'agit là d'une recommandation importante qui mérite d'être étudiée.

    J'aimerais faire une autre suggestion qui ne figure pas dans les recommandations, parce que nous savons que cette question relève des compétences provinciales; cependant, nous profitons de l'occasion pour vous faire part des problèmes auxquels nous sommes confrontés. Le Québec est la seule province qui n'a pas adopté l'alinéa 23(1)a) de la Charte canadienne des droits et libertés. Les gouvernements québécois qui se sont succédé ont systématiquement refusé d'élargir la portée de cette disposition pour qu'elle s'applique au Québec.

+-

    M. Scott Reid: En fait, cette question ne relève pas de nous.

+-

    M. Martin Murphy: Je sais. J'ai dit que cela relevait de la province. Je voulais simplement vous faire part des problèmes auxquels nous sommes confrontés, et tout cela a un impact négatif très clair sur la communauté anglophone. Si cet alinéa était adopté, cela veut dire qu'il pourrait y avoir peut-être quelque 10 000 étudiants de plus dans les écoles élémentaires anglophones du Québec. Cela serait très important pour la communauté anglophone. Cependant, cela n'aurait pas vraiment d'impact négatif marqué sur les étudiants francophones qui fréquentent les écoles élémentaires anglophones.

    J'aimerais de plus signaler que les règlements connexes à la Charte de la langue française touchant l'admission dans les écoles anglophones empêchent pratiquement le système anglophone de survivre. Nous avons enregistré une baisse marquée du nombre d'enfants inscrits à la maternelle, et cette tendance se maintiendra au cours des cinq prochaines années. Permettez-moi de vous faire part d'un autre problème. Cela vous permettra de comprendre qu'à quelques milles d'ici il y a un monde complètement différent, un monde où les parents ont fait des investissements pour que leurs enfants soient bilingues en les envoyant à l'école française et en s'assurant qu'ils ont une éducation dans les deux langues. Voici les dernières nouvelles. Les familles qui déménagent au Québec et qui conformément à la disposition pancanadienne peuvent envoyer leurs enfants à l'école anglaise font l'objet d'un examen minutieux par les autorités. Le gouvernement du Québec a récemment essayé de dire que les étudiants venant de l'extérieur de la province qui avaient participé à un programme d'immersion en français seraient dorénavant identifiés comme ayant reçu leur éducation en français et ne pourraient donc pas poursuivre leurs études en anglais s'ils déménageaient au Québec. À ce jour les contestations ont porté fruit mais le gouvernement a récemment modifié les formulaires d'inscription pour exiger des parents qui transfèrent leurs enfants qu'ils indiquent, en minutes, la durée de la formation reçue en anglais et en français par leurs enfants, avant qu'ils ne déménagent au Québec. Vous comprenez sans aucun doute l'objectif que recherche le gouvernement; cependant, comme je l'ai indiqué, notre opposition à ces mesures a porté fruit.

º  +-(1600)  

[Français]

+-

    Le président: Madame Thibeault.

[Traduction]

+-

    Mme Yolande Thibeault (Saint-Lambert, Lib.): Merci, monsieur le président. Bonjour, messieurs.

    Votre première recommandation porte sur la communication par CIC de renseignements aux organismes anglophones du Québec. Offrez-vous des services aux immigrants qui s'adresseraient à vos amis? Votre organisation offre-t-elle des services aux immigrants?

+-

    M. Martin Murphy: Le Québec Community Groups Network est un groupe de coordination qui compte 20 organisations linguistiques minoritaires dans la province, de l'Outaouais à la région de Gaspé, la côte nord, mais je peux vous donner un exemple. La Voix des anglophones de Québec, groupe qui se trouve dans la ville de Québec, offre, dans le cadre de son programme, un plan fort intéressant qui est destiné aux immigrants; il vise à offrir un milieu intéressant et à appuyer les immigrants une fois qu'ils sont arrivés à Québec. Un de leurs employés a pour responsabilité, entre autres choses, d'aider les immigrants.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Mais ils ne disposent pas actuellement de renseignements provenant de CIC qui leur permettraient de faciliter cette intégration. C'est une chose que j'ai constatée à mon bureau de circonscription—et il y a des anglophones dans ma circonscription. Les immigrants anglophones se plaignent tous de la même chose, soit que lorsqu'ils sont arrivés ici, CIC ne les a pas vraiment bien renseignés sur ce qui les attendait.

+-

    M. Martin Murphy: Il se pourrait fort bien que Citoyenneté et Immigration dispose d'un grand nombre de renseignements très importants. Nous savons tous, que lorsqu'un message est communiqué il n'est pas nécessairement entendu. Nous disons simplement qu'il faut s'assurer que les renseignements soient communiqués de façon plus efficace.

+-

    Mme Yolande Thibeault: D'après ce que je sais, Immigration Québec collabore étroitement avec Immigration Canada. Il ne semble pas y avoir un problème entre ces deux ministères. Je n'ai jamais été consciente de discrimination de la part d'immigration Québec à l'égard des anglophones. Cela ne se produit simplement pas. Je crois que c'est une bonne chose.

    Vous avez dit que le gouvernement fédéral emploie environ 8 p. 100 de la population anglophone au Québec.

+-

    M. Martin Murphy: Oui, entre 7 et 8 % de la population anglophone du Québec travaille pour la fonction publique fédérale, même si les anglophones représentent 13 p. 100 de la population.

+-

    Le président: Dites-vous qu'environ 8 p. 100 des fonctionnaires fédéraux sont anglophones ou que le gouvernement du Canada emploie 8 p. 100 de la population anglophone? Ce n'est pas la même chose.

+-

    M. Martin Murphy: Si nous parlons de la population du Québec, 8,3 p. 100 des Québécois sont de langue maternelle anglaise. Cependant 13 p. 100 de la population s'identifie comme faisant partie de la population anglophone.

+-

    Le président: Je veux simplement que nous comprenions bien. Dites-vous que 8 p. 100 de la fonction publique au Québec est composée d'employés anglophones?

+-

    M. Martin Murphy: Quelque 8 p. 100 de la population anglophone du Québec travaillent pour la fonction publique fédérale.

+-

    Le président: Je veux m'assurer qu'on comprend bien. S'il y a 700 000 anglophones au Québec, 10 p. 100 représenterait 70 000 personnes, ce qui n'est pas le cas. Ainsi 8 p. 100 de la fonction publique est anglophone. Ce pourcentage pourrait peut-être être plus élevé, mais le fait demeure que les anglophones représentent 8 p. 100 des fonctionnaires fédéraux.

+-

    M. Martin Murphy: C'est exact.

+-

    Le président: Très bien. Merci.

+-

    Mme Yolande Thibeault: C'est ce que je pensais avoir compris. Vous semblez indiquer que ce pourcentage devrait être plus élevé. Pourquoi ne l'est-il pas? Est-ce en raison du manque d'intérêt des anglophones pour des emplois au sein de la fonction publique fédérale? Avez-vous trouvé d'autres raisons?

º  +-(1605)  

+-

    M. Martin Murphy: Nous avons récemment rencontré Mme Lucienne Robillard, ministre responsable du Conseil du Trésor pour discuter de la question; elle est après tout la ministre responsable. Nous essayons de nous entendre avec elle sur la question afin de trouver une solution au problème. Il semble y avoir un problème de discrimination parce qu'au fil des ans un certain nombre d'anglophones postulent les emplois mais semblent être rejetés systématiquement. Est-ce que c'est attribuable au fait qu'ils ne connaissent pas parfaitement le français? On peut se demander quelles sont les raisons. Nous devons étudier les faits, cependant, et voir comment régler le problème; c'est ce que nous faisons actuellement avec la ministre Mme Robillard.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Merci beaucoup. Je veux laisser mes collègues poser des questions eux aussi.

[Français]

+-

    Le président: Madame Allard.

+-

    Mme Carole-Marie Allard (Laval-Est, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Monsieur Murphy et monsieur Rabinovitch, merci d'être parmi nous aujourd'hui.

    Je suis un peu nouvelle au Comité des langues officielles, alors vous me pardonnerez mon ignorance, mais en tant que francophone, bien sûr, je m'intéresse beaucoup à la question.

    Monsieur Murphy, si je résume vos propos, je sens que votre crainte est de voir la communauté anglophone du Québec s'éteindre à court ou à long terme. Si cette population anglophone qu'est la vôtre devenait de plus en plus bilingue, est-ce que ce serait un constat qui pourrait vous rassurer? Vous avez demandé: How do we keep anglophones in Quebec?  J'aimerais comprendre quelle est votre définition d'«anglophone».

[Traduction]

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Permettez-moi de répondre à cette question qui me tient à coeur.

    Je ne pense pas que le bilinguisme contribue à retenir la population anglophone du Québec. En fait, la majorité des anglophones qui ont terminé leurs études au cours des 15 dernières années sont bilingues. Je ne peux que me reporter à mon expérience personnelle et je crois d'ailleurs que l'expérience personnelle nous éclaire mieux sur une situation que les statistiques. J'ai deux enfants. L'aînée est parfaitement bilingue. Elle habite à Londres, en Angleterre. Pourquoi elle est à Londres, en Angleterre? Pourquoi a-t-elle décidé de s'installer à Londres en Angleterre? Elle y est allée pour exercer la médecine et elle a rencontré quelqu'un. La cadette est trilingue. Elle parle l'espagnol, l'anglais et le français et elle songe à s'installer à Hong Kong. Elle a sans doute de bonnes chances de trouver un emploi là-bas. Tout cela n'a rien à voir avec le fait qu'elle soit bilingue ou non ou avec la situation politique au Québec parce que mes deux enfants ont grandi sous la loi 101. Elles ne connaissent pas le Québec d'avant la loi 101. Qu'est-ce qui les incite donc à partir? Les débouchés qui s'offrent à elles. Je pense que tous ceux qui partent du Québec le font pour la même raison.

    Que se produit-il dans le reste du monde lorsque des gens quittent un pays? Il y a toujours d'autres personnes qui viennent les remplacer. C'est ce qui se produit dans le monde dans lequel nous vivons maintenant. Personne ne fait plus carrière au même endroit pendant 30 ou 40 ans. La majorité des professionnels, c'est-à-dire des gens qui ont une formation universitaire, se déplacent dans le monde entier. La situation a cependant changé. Prenons le cas de New York. Cent mille personnes quittent cette ville chaque année et 100 000 autres viennent s'y installer. Il y a toujours des gens qui remplacent ceux qui partent. Le même phénomène n'existe pas au Québec et nous devons nous demander pourquoi. Les universités québécoises offrent les frais de scolarité les moins élevés en Amérique du Nord, sinon dans le monde. Le Québec a le système de services de garde d'enfants le plus développé au Canada et c'est dans cette province que le coût de la vie est le moins élevé et l'on n'a, pour s'en convaincre, qu'à penser au coût peu élevé du logement à Montréal. Or, les gens qui partent ne sont pas remplacés. Pour ce qui est des langues officielles et de l'immigration, il ne s'agit pas nécessairement de faire en sorte que tous ceux qui font des études au Québec y demeurent, mais de trouver des moyens de remplacer ceux qui partent. Voilà la situation à laquelle nous sommes confrontés depuis de nombreuses années.

    Je suis très actif au sein de la communauté juive et nous avons conclu des ententes avec le Québec et Ottawa en vue d'accueillir des immigrants venant d'Argentine et de Russie, en particulier. La communauté a investi des centaines de milliers de dollars pour aider ces personnes à s'intégrer à la population francophone du Québec. Les enfants de ces immigrants fréquentent des écoles françaises. Nous constatons cependant que de 30 à 40 p. 100 d'entre eux quittent le Québec après cinq ou six ans. Lorsque nous leur demandons pourquoi ils le font, ils nous disent que c'est parce que des occasions s'offrent ailleurs. Ils veulent connaître le monde entier.

    Le grand défi qui se pose au Québec est de savoir comment remplacer les gens qui partent. Ce ne sont pas seulement les anglophones qui quittent le Québec, mais aussi les francophones. Si la tendance se poursuit, 50 p. 100 de la population canadienne sera concentrée dans la région du Grand Toronto dans 20 ans. Est-ce vraiment ce que nous voulons? On connaîtra alors le véritable sens du fédéralisme asymétrique. Le centre du pays sera Toronto et le reste importera peu. Comment attirer des gens pour remplacer ces jeunes professionnels, pour remplacer ces jeunes gens dont les études nous ont coûté des centaines de milliers de dollars et qui vont exercer le droit à New York ou la médecine à Londres, en Angleterre?

    L'autre grand défi qui se pose est que tous les leviers sont du ressort provincial. Le gouvernement fédéral a délégué au Québec tous les pouvoirs en matière d'immigration. L'éducation a toujours été un domaine de compétence provinciale ainsi que la santé et les services sociaux. Nous avons donc les mains liées, car je répète que le grand défi auquel nous faisons face est de savoir comment remplacer ceux qui partent. Je crois qu'à court ou à long terme c'est la seule solution possible en ce qui touche le renouvellement de la communauté anglophone du Québec.

º  +-(1610)  

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Donc, lorsque vous dites que vous voulez remplacer les gens qui partent, vous aimeriez que ce soit des anglophones qui les remplacent. Vous trouvez qu'il n'y a pas suffisamment d'immigrants anglophones au Québec, monsieur Murphy.

[Traduction]

+-

    M. Martin Murphy: Nous aimerions que des initiatives soient prises pour favoriser le développement régional et créer des emplois dans les régions. Les accords de formation de la main-d'oeuvre revêtent aussi de l'importance. Nous avons parlé de l'éducation et de la santé, mais il existe des accords en matière de formation de la main-d'oeuvre. Si ces ententes comportaient des dispositions assurant un traitement équitable à la communauté minoritaire d'expression anglaise, je pense que cela indiquerait aux gens qu'il existe un avenir pour eux ici.

    J'aimerais préciser que nous nous réjouissons des investissements que le gouvernement du Canada, par l'entremise du ministère du Patrimoine canadien, a consentis pour favoriser l'essor des communautés minoritaires d'expression française dans les autres provinces. Bon nombre d'entre elles sont isolées et fragmentées. Elles ont besoin de beaucoup d'aide pour affirmer leur présence dans toutes les provinces et nous savons tous pourquoi. Je pense que le moment est cependant venu pour le gouvernement fédéral de consentir des investissements qui donneraient de l'espoir à la communauté minoritaire d'expression anglaise du Québec.

    En 1999, lorsque le gouvernement du Canada et le Quebec Community Groups Network ont négocié l'entente-cadre qui expire le 31 mars 2004, la minorité d'expression anglaise comptait à peu près autant de membres que la communauté minoritaire d'expression française. La communauté anglophone comptait 925 000 membres au Québec et la communauté francophone dans le reste du Canada en comptait 985 000. Nous avons reçu au total 15 millions de dollars échelonnés sur cinq ans. La minorité d'expression francophone dans le reste du Canada reçoit 122 millions de dollars échelonnés sur cinq ans en aide directe au titre de la mise en oeuvre de programmes et de projets. Ce sont les faits et nous espérons que lors de la prochaine ronde de négociations, le gouvernement fédéral consentira d'importants investissements pour favoriser l'essor de l'autre minorité de langue officielle. Il ne s'agit pas d'enlever quoi que ce soit aux francophones, mais ces investissements expliquent peut-être pourquoi le dernier recensement indique une augmentation de 10 700 membres dans la communauté francophone à l'extérieur du Québec. Nous espérons que ce genre d'investissement mettra un frein à l'exode des anglophones. En 15 ans, 76 000 personnes dont la langue maternelle est l'anglais ont quitté le Québec. À ce rythme, la communauté ne survivra pas.

º  +-(1615)  

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Murphy.

    Monsieur Bellemare.

+-

    M. Eugène Bellemare (Ottawa—Orléans, Lib.): À titre de franco-ontarien, j'ai aimé votre exposé.

[Français]

J'ai beaucoup de sympathie,

[Traduction]

Et je comprends votre situation.

    Vous avez parlé de l'accès aux services gouvernementaux et aux hôpitaux. Qu'entendez-vous par là? Prenons d'abord le cas des services gouvernementaux.

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Voici ce que nous disons à ce sujet dans notre mémoire. Nous avons fait un sondage auprès des immigrants anglophones et des non-immigrants anglophones au Québec et nous leur avons demandé d'établir une liste des services par importance. Quatre-vingt-six pour cent des personnes interrogées nous ont dit qu'il était extrêmement important ou très important d'avoir accès aux services de santé et aux services sociaux. Seulement 2 p. 100 ont dit que ce n'était pas très important. Autrement dit, une priorité très élevée est attribuée aux services de santé et aux services sociaux. Je crois que l'accès à ces services en anglais est assuré dans la région du Grand Montréal, mais je pense que ce n'est pas nécessairement le cas à l'extérieur de cette région.

+-

    M. Eugène Bellemare: La même chose vaut pour les hôpitaux?

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Oui.

+-

    M. Martin Murphy: Permettez-moi de vous donner plus de précisions. La population francophone fait preuve d'une grande bonne volonté pour ce qui est d'accorder des services hospitaliers dans la langue du patient. Nous avons dernièrement obtenu une subvention du ministère du Patrimoine canadien pour pouvoir faire traduire d'importants documents dans le domaine de la santé des services sociaux. Un médecin de l'hôpital Saint-Sacrement à Québec qui donnait son congé à un patient anglophone—et vous savez qu'on donne aux patients leur congé très rapidement maintenant dans les hôpitaux—voulait pouvoir lui donner de la documentation en anglais de manière à être sûr que cette personne comprenne bien les consignes qu'il lui donnait. Grâce à cette subvention, nous avons pu faire traduire beaucoup de dépliants. Nous avons aussi créé un site Web pour donner accès à cette information et nous allons encourager tous les professionnels et les fournisseurs de soins de santé à se servir de cette documentation parce que nous voulons pouvoir constituer un inventaire de toutes les ressources qui existent.

    Dès qu'on quitte cependant l'île de Montréal, de graves lacunes se constatent dans les soins de santé, or les recherches indiquent qu'il y a un lien important entre le médecin et le patient. Il est tout à fait essentiel que patient et médecin se comprennent bien pour que celui-ci puisse poser le bon diagnostic et prescrire les bons médicaments. Comme je l'ai dit, les fournisseurs de soins de santé ainsi que les médecins francophones de la province ont vraiment déployé de grands efforts pour s'acquitter de leurs obligations professionnelles.

+-

    M. Eugène Bellemare: Je vous appuie sans réserve. Ma propre mère qui ne parlait pas beaucoup l'anglais est morte dans un hôpital à Ottawa où elle n'a pu obtenir aucun service en français. C'est ce qu'elle m'a dit avant de mourir.

+-

    M. Martin Murphy: C'est inacceptable. C'est tout à fait inacceptable.

+-

    M. Eugène Bellemare: Je vous remercie.

[Français]

+-

    Le président: Monsieur Simard.

[Traduction]

+-

    M. Raymond Simard (Saint-Boniface, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président. Bienvenue, messieurs.

    J'ai beaucoup de mal à comprendre tout cela. Je suis un francophone de l'ouest du Canada, du Manitoba, plus précisément, et je n'ai jamais imaginé que les anglophones puissent être une minorité. Je vois cependant que vous faites face aux mêmes problèmes que ceux auxquels nous faisons face à Winnipeg.

    Vous avez dit avoir évalué les besoins de la communauté anglophone. Dans notre région, seulement 4 p. 100 de la population est francophone, mais cette population est assez homogène et les gens se connaissent les uns les autres. Comme votre communauté compte plus de membres au Québec et qu'elle se compose de différents groupes, je me demande si cela pose des difficultés. Existe-t-il un lobby puissant qui vous aide ou le Québec Community Groups Network est-il le seul groupe à représenter les anglophones? La représentation au niveau communautaire est-elle adéquate? Nous parvenons à obtenir certains services parce que nous avons concerté nos efforts. Nous avons connu beaucoup de succès de cette façon.

º  +-(1620)  

+-

    M. Martin Murphy: Si je comprends bien, les gens au Manitoba vivent tous près les uns des autres, n'est-ce pas?

+-

    M. Raymond Simard: Les liens entre les gens sont assez étroits.

+-

    M. Martin Murphy: Ce n'est évidemment pas le cas au Québec. Hull est très loin de la Gaspésie et de la côte nord, par exemple. Voilà donc un élément à prendre en compte.

    Pour ce qui est du soutien additionnel, des infrastructures et du leadership, comme notre communauté perd des membres, il est difficile de trouver des dirigeants pour remplacer ceux qui partent. Voilà pourquoi je demande, par votre intermédiaire, s'il n'est pas possible de trouver des fonds pour aider les communautés minoritaires qui représentent le Canada dans les différentes parties de la province. Il faut appuyer leurs institutions et leur donner des moyens de favoriser un renouvellement de leurs dirigeants.

+-

    M. Joseph Rabinovitch: La communauté anglophone est très hétérogène.

+-

    M. Raymond Simard: En effet.

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Elle est loin d'être homogène.

+-

    M. Raymond Simard: Cela complique évidemment les choses quand on essaie de rassembler les gens.

    Je vous pose une question pour satisfaire ma curiosité. Comme l'anglais est la langue des affaires et compte tenu de l'importance dans le monde de notre voisin du sud, je suppose que davantage de Québécois francophones parlent l'anglais que par le passé. Je suppose que plus de francophones sont aussi bilingues maintenant. Je pense que cela ne peut qu'aider votre cause. Le fait que davantage de Québécois francophones parlent maintenant l'anglais ne vous aide-t-il pas?

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Assez étonnamment, je pense que cela nous nuit au contraire. L'anglais est la lingua franca. Où qu'on aille dans le monde, il faut apprendre l'anglais. Mais lorsque les instances gouvernementales estiment que l'anglais est trop présent au travail et qu'il faut adopter une loi pour combattre l'anglais—non pas pour favoriser le français, et je choisis mes mots soigneusement—et lorsqu'il faut au Québec que son site Internet soit en français même si l'on vise une clientèle mondiale, cela pose des difficultés.

    Or, où qu'on vive maintenant au Canada, il faut apprendre l'anglais. L'anglais est la langue des affaires. J'ai donné l'exemple de ma fille qui va aller vivre à Hong Kong qui compte 5,5 millions d'habitants. Tous les gens d'affaires à Hong Kong parlent anglais. La langue du commerce est l'anglais. Si pour une raison quelconque, le gouvernement s'oppose à l'utilisation de l'anglais—et je ne remets pas en cause ses raisons—, cela envoie le mauvais message aux entrepreneurs. Les entrepreneurs qui veulent faire affaire avec les États-Unis, l'Amérique du Nord et l'Europe ont intérêt à quitter le Québec parce qu'ils pourront alors mener leurs affaires en anglais. Voilà le message qu'on lance.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Simard.

    Monsieur Reid, vous avez cinq minutes.

+-

    M. Scott Reid: Monsieur Rabinovitch, ce que vous avez dit au sujet du fait qu'il est difficile d'attirer des migrants au Québec m'a fait réfléchir. Mes ancêtres étaient des anglophones du Québec. J'ai débuté ma vie à Hull. Mes grands-parents sont venus de l'Europe de l'Est—ils étaient des Juifs de l'Europe de l'Est—et se sont installés au Québec. En fait, mon grand-père est arrivé au Québec il y a 100 ans cette année. Mes grands-parents se sont installés à Montréal parce que c'était la ville qui avait le plus à offrir aux étrangers à l'époque. C'était la ville la plus dynamique du pays, celle où il se créait le plus d'emplois. Mon père y est allé avec sa mère au milieu des années 40 pour la même raison. Ils sont allés de Vancouver à Montréal. C'est à Montréal que tout se passait. Je pense que ce n'est plus vraiment le cas. Montréal n'est plus la plaque tournante qu'elle était autrefois. Lorsque ma mère grandissait à Montréal, on disait à la blague que la seule chose à faire pendant le week-end à Toronto c'était de prendre sa voiture et d'aller à Montréal. Les choses ont changé quelque peu. C'est vrai que les lois sur les boissons alcooliques ont changé en Ontario.

    J'ai du mal à formuler ma question. Comment concilier l'objectif légitime du gouvernement du Québec qui est de trouver une façon pour les francophones du Québec de survivre dans un monde, et en particulier sur un continent, où l'anglais domine avec le désir tout aussi légitime des anglophones d'assurer la survie de leur communauté au Québec? Le débat démographique incessant sur la question de savoir si Montréal devient plus anglophone ou francophone ou si les francophones quittent l'île ou non, tourne toujours autour des pourcentages. Le vrai problème semble lié au fait que la population diminue. À l'époque où mon père s'est installé à Montréal et à l'époque plus lointaine où mon grand-père l'a fait, la population augmentait. L'économie de la ville était florissante et quelle qu'ait été la répartition de la population, le fait est que les gens venaient s'installer à Montréal. Peut-être que ce qu'il faut faire, c'est essayer de trouver comment faire en sorte que le Québec redevienne le moteur économique du Canada comme il y a 100 ans et même il y a 50 ans.

    Ma question est très longue. Je ne sais pas si vous pouvez y répondre.

º  +-(1625)  

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Je ne sais si je dois répondre oui ou non.

    Cette époque est révolue. De toute façon, la tendance est là partout en Amérique du Nord. Aux États-Unis, pour ce qui est de la productivité industrielle, où se produit la croissance? Dans la ceinture de soleil, et elle se déplace vers le Middle-West et vers l'Ouest. Je crois qu'il est tout à fait inutile de s'opposer à un mouvement de cette ampleur.

    Cela dit, vous ignorez peut-être que, parmi toutes les villes d'Amérique du Nord, c'est Montréal qui compte le nombre le plus élevé d'étudiants par habitant, plus même que Boston. En outre, les universités McGill, Concordia et de Montréal, et, dans une moindre mesure l'UQAM comptent une forte proportion d'étudiants qui viennent de l'extérieur de la province. Bon nombre de ces derniers repartent cependant, tandis que l'inverse n'est pas vrai. Ainsi, si un couple de Montréal envoie ses enfants à l'Université de Toronto, de la Colombie-Britannique ou de l'Alberta, il est très peu probable qu'ils reviendront. J'ai d'ailleurs un projet là-dessus, dont je n'ai jamais parlé à Martin. J'aimerais faire enquête auprès de ces étudiants de l'extérieur du Québec afin de leur demander ce qui les inciterait à rester à Montréal. J'aimerais aussi savoir pourquoi ils repartent. Après nous avoir fait son éloge, nous avoir dit à quel point elle est vivante, ils s'en vont. Si je réussissais à garder à Montréal un diplômé universitaire venu de l'extérieur de la province, ce serait déjà une belle victoire. Cela dit, j'ignore comment répondre à la question. Peut-être faudrait-il étudier cet aspect cependant, car personne ne l'a fait de façon vraiment poussée. C'est une réalité dont nous devrions essayer de tirer parti. Nous comptons...

[Français]

clientèle privilégiée, si on peut dire, à Montréal. Pourquoi les étudiants étrangers partent-ils? Je ne sais pas.

+-

    Le président: Madame Allard, c'est à vous. Ensuite, je me permettrai peut-être de poser une question ou deux.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Je ne veux pas prolonger indûment le temps des témoins.

    Pour répondre à votre question, monsieur Rabinovitch, est-ce que vous avez vérifié la connaissance du français chez les gens? Vous dites qu'ils arrivent de l'extérieur, qu'ils étudient à McGill et qu'ils repartent après. Est-ce que le fait qu'ils ne possèdent pas une bonne connaissance du français est un facteur important dans leur décision de partir?

[Traduction]

+-

    M. Joseph Rabinovitch: Tout à fait, c'est mon avis.

º  +-(1630)  

[Français]

+-

    Mme Carole-Marie Allard: J'avais une autre question. Notre collègue du Manitoba qui est ici nous dit qu'ils sont 4 p. 100 de francophones. Alors, c'est sûr que les petites communautés françaises à l'extérieur du Québec ont peur de perdre leur langue et leur culture. Mais puisque vous avez dit que l'anglais est la langue mondiale, est-ce qu'on peut penser que les anglophones partagent cette même peur? On ne peut pas penser que les anglophones au Québec partagent cette peur de perdre leur langue et leur culture, parce que de toute façon, le monde entier parle anglais. Alors, quelle est la motivation pour vous d'avoir plus d'argent ou autre chose? Qu'est-ce que vous voudriez faire de plus?

[Traduction]

+-

    M. Martin Murphy: Vous avez tout à fait raison, il ne s'agit pas de perdre la langue anglaise, mais plutôt nos institutions de langue anglaise qui assurent la permanence de nos collectivités. Dans les petites agglomérations de la province, au fur et à mesure qu'on assiste à une baisse démographique, l'école disparaît, puis la collectivité anglophone tout entière s'évanouit très rapidement dans toutes ces petites enclaves. Par conséquent, ce que nous cherchons à obtenir, c'est le soutien de nos infrastructures, particulièrement de nos organisations communautaires, qui s'efforcent de favoriser l'émergence de leaders et de les encourager. Ce n'est qu'une proposition parmi d'autres. Je suis sûr que vous en ferez vous aussi. Nous n'avons pas réponse à tout, mais à nos yeux, ce genre de mesure apporterait, dès maintenant, de l'espoir et un peu d'encouragement, tout en arrêtant l'hémorragie. La situation est très grave.

+-

    Le président: Je vous remercie, monsieur Murphy.

    Je ne vais pas poser ma question à M. Rabinovitch, parce qu'il connaît surtout la situation à Montréal. Pour ma part, je suis né dans une petite ville du nord de l'Ontario, et j'illustre peut-être la situation qu'on vient d'évoquer. J'ai en effet migré, si vous voulez, à Ottawa, où j'habite maintenant. Dans ma province, on se préoccupe de la vitalité à long terme des petites collectivités rurales francophones. Est-ce que le Quebec Community Groups Networks a les mêmes soucis pour le Québec?

+-

    M. Martin Murphy: Pour ce qui est de la survie des collectivités de la minorité de langue anglaise, oui, tout à fait. Nous avons déjà souligné le fait que les gens ont tendance à tenir compte surtout de Montréal. Ils en concluent que nous avons nos institutions, et se demandent pourquoi nous nous plaignons puisque nous sommes à l'aise. Toutefois, dès qu'on quitte l'Île de Montréal, on observe des situations aussi difficiles que celles vécues par nos concitoyens francophones disséminés dans les autres provinces: l'isolement, l'éparpillement, etc.

+-

    Le président: Est-ce que les membres de votre organisation s'efforcent d'encourager l'immigration dans les régions du Québec?

+-

    M. Martin Murphy: Oui, mais de façon très modeste. J'ai fait mention d'un ambitieux projet que l'organisme Voice of English-Speaking Quebec a lancé à Québec. Il donne d'excellents résultats et on pourrait peut-être s'en inspirer pour mettre sur pied des projets semblables. Cependant, il faut se rappeler qu'étant donné le budget dont nous disposons pour l'ensemble de la province, il ne reste pas grand-chose pour les habitants des régions côtières, du Saguenay--Lac-Saint Jean et de la Gaspésie, une fois qu'ils se sont dotés d'un comité exécutif, d'un bureau et d'un secrétaire; ils n'ont presque plus de ressources pour profiter des possibilités qui s'offrent, pour suivre l'évolution de la situation et pour répondre aux besoins de leurs collectivités respectives. Malheureusement, ces gens n'ont pas les moyens, les fonds nécessaires pour faire ce qu'il y a à faire désormais, par exemple mettre en place des mesures propres à encourager certaines personnes à devenir des dirigeants de leurs collectivités.

+-

    Le président: Le ministre de l'Immigration a établi un organisme consultatif chargé d'examiner la situation des francophones hors Québec et d'élaborer des projets susceptibles d'attirer vers certaines localités des immigrants qui parlent déjà français ou qui seraient prêts à apprendre le français. Comme mon collègue M. Simard l'a indiqué, le Manitoba fait beaucoup d'efforts dans ce sens. Existe-t-il un comité consultatif équivalent pour la communauté anglophone du Québec?

+-

    M. Martin Murphy: Je vous prie de m'excuser, mais je dois réfléchir avant de répondre.

º  +-(1635)  

+-

    Le président: Vous devez être au courant.

+-

    M. Martin Murphy: En effet.

+-

    Le président: S'il n'existe pas de tels groupes, notre comité pourrait peut-être envisager cette solution.

+-

    M. Martin Murphy: Oui, sans aucun doute. Je connais l'initiative récente de la Fédération des communautés francophone et acadienne en matière d'immigration. On a tenu une conférence à Montréal sur la diversité et l'immigration, entre autres. Comme nous n'avons pas pris part directement à l'organisation de cet événement, nous pouvons difficilement le commenter. En fait, je pense que la réponse à votre question est non.

+-

    Le président: D'accord. C'est donc une option à envisager.

    Si l'un des groupes de votre réseau souhaite nous faire part de certains renseignements ou de son expérience, auriez-vous l'obligeance de nous les faire parvenir pour que nous puissions distribuer ces documents à nos membres?

    Par ailleurs, l'établissement d'équivalences des diplômes me préoccupe; cette question prend de l'importance et les gouvernements ont commencé à s'attaquer à ce problème. Il arrive que des professionnels ou des travailleurs qualifiés se fassent dire, à leur arrivée au Canada, qu'ils ne peuvent exercer leur métier parce que nous ne reconnaissons pas leur diplôme, leur titre, leurs compétences ou leur formation professionnelle. Je ne vous demande pas de me donner une réponse à ce sujet aujourd'hui, mais je vous invite à vous pencher sur cette question dans une perspective d'immigration. Permettez-moi de vous donner un exemple. Il existe au Canada un organisme national qui s'efforce de faciliter l'établissement d'équivalences des diplômes en psychiatrie, mais ces efforts ont jusqu'à maintenant était vains, pour les francophones. En fait, le problème est double en ce qui concerne la reconnaissance des titres de compétence. Il semblerait que certains des groupes qui s'efforcent de faciliter la reconnaissance des équivalences au nom du gouvernement du Canada ou des provinces ne le font que pour les immigrants qui parlent soit l'anglais, soit le français. C'est un élément que je voulais vous signaler.

    Je pense que M. Simard a une question ou un commentaire à propos de ce que je viens de dire.

+-

    M. Raymond Simard: En effet, j'ai une question. Avez-vous établi des liens avec la Fédération des communautés francophone et acadienne? Échangez-vous de l'information?

+-

    M. Martin Murphy: Oui, mais de façon très sporadique. Le président de la Fédération, M. Arès, était à Montréal la semaine dernière et j'en ai profité pour le rencontrer afin d'améliorer la communication entre nos deux organismes.

+-

    M. Raymond Simard: C'est justement ce que j'allais vous proposer de faire.

+-

    Le président: Je vous assure, monsieur Murphy, que nos rapports ne seront pas aussi sporadiques et aussi ténus qu'ils l'ont été jusqu'à maintenant. Nous tâcherons d'inviter votre organisme, comme nous avons invité la FCFA par le passé, chaque fois que nous demanderons l'opinion et les suggestions de votre communauté.

    Je vous remercie d'être venu témoigner devant le comité aujourd'hui.

+-

    M. Martin Murphy: Monsieur le président, mesdames et messieurs du comité, j'espère que notre contribution vous a été utile. Je répondrai sans faute aux deux questions précises que vous avez soulevées. Vos interventions nous ont été utiles et je vous en remercie.

+-

    Le président: Merci.

    Nous allons faire une pause pour qu'on puisse changer les plaques identifiant les témoins. Nous reprendrons sous peu avec Mme Adam.

º  +-(1636)  


º  +-(1639)  

º  +-(1640)  

[Français]

+-

    Le président: Messieurs, dames, nous reprenons nos travaux. Nous avons le plaisir de recevoir à nouveau la commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam.

    Vous connaissez très bien, madame, le déroulement de nos travaux, alors sans plus tarder, je vous cède la parole.

+-

    Mme Dyane Adam (commissaire aux langues officielles, Commissariat aux langues officielles): Merci, monsieur le président. Bonjour.

    Je vous remercie de m'avoir invitée encore une fois pour vous parler, cette fois-ci, de citoyenneté et d'immigration. Alors, on continue sur le même sujet. À chacune de nos rencontres, j'ai le sentiment que nous réalisons des progrès. Je peux dire, comme vous l'avez mentionné, monsieur le président, qu'il y a eu du mouvement, particulièrement en matière d'immigration.

    Alors, j'ai retenu trois éléments aujourd'hui qui, à mon avis, méritent que vous vous y attardiez. Le premier élément concerne la nouvelle Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, ainsi que des mesures que j'ai recommandées afin que les principes de la loi se concrétisent.

    Le deuxième élément porte sur le projet de loi C-18, c'est-à-dire la nouvelle Loi concernant la citoyenneté canadienne.

    Enfin, le troisième élément que j'aimerais aborder avec vous aujourd'hui touche l'immigration et la citoyenneté dans une perspective un peu plus large. Mon bureau vient d'ailleurs de lancer une nouvelle initiative qu'on a intitulée «Dualité et diversité». Je vous en toucherai quelques mots à la fin de mon exposé.

    Commençons d'abord par la nouvelle loi sur l'immigration. Il y a environ un an, on discutait au Parlement des nombreux aspects de l'immigration, et à chaque fois que vous êtes bien actifs, bien sûr, mon bureau l'est aussi. Comme je souhaite de plus en plus que le Commissariat aux langues officielles soit un agent de changement, qu'il exerce très bien sa fonction de vigie, cela veut dire qu'on doit surveiller très, très étroitement les travaux du Parlement, autant ses travaux législatifs que les règlements, pour intervenir en amont plutôt qu'en aval.

    À l'époque, lors du dépôt du projet de loi sur l'immigration, j'avais formulé ma conviction que le gouvernement devait prendre des engagements fermes sur deux fronts: la nouvelle loi devait assurer que les deux collectivités de langue officielle du Canada bénéficient équitablement de l'immigration, et il y avait lieu d'accorder une reconnaissance appropriée à la connaissance des deux langues officielles dans l'évaluation même des demandes d'immigration.

    Il y a presque exactement un an, j'ai publié à ce sujet une étude qui ne laissait aucune doute: de par ses caractéristiques démographiques, l'immigration est absolument, en ce moment, défavorable à la population francophone du Canada.

    Tout à l'heure, on a entendu nos témoins parler de la question de l'immigration en ce qui à trait à la minorité anglophone du Québec. Je pourrai en parler plus tard, si vous le voulez. J'y reviendrai pendant la période des questions, mais le propos d'aujourd'hui va surtout porter sur l'immigration francophone.

    J'ai quand même constaté avec satisfaction que vos collègues et vous, ainsi que le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et le premier ministre, aviez été sensibles à mes recommandations et que la loi avait été modifiée en conséquence. C'est très bien, mais où en sommes-nous un an après l'adoption de cette nouvelle loi?

    Ce qu'on a fait chez nous, c'est qu'on a publié une autre étude qui, postérieurement à l'entrée en vigueur de la nouvelle loi sur l'immigration, propose les étapes qui devraient suivre.

[Traduction]

    Permettez-moi de vous en résumer les conclusions et les recommandations.

    Première constatation: la proportion d'immigrants au sein des communautés francophones du Canada n'est qu'un quart de celle des communautés anglophones. À une époque où l'immigration est indispensable à l'avenir de notre pays, ce genre de déséquilibre est inadmissible. Ma première recommandation est donc la suivante: le gouvernement fédéral devrait se fixer des objectifs concrets en ce qui concerne le nombre de nouveaux arrivants qui s'installeront et demeureront dans les communautés anglophones et francophones, et devrait se doter des moyens de vérifier si ces objectifs se concrétisent. Le gouvernement fédéral devrait également accroître la capacité des communautés minoritaires à accueillir et à intégrer les nouveaux arrivants. L'immigration est un processus réciproque, et nos communautés n'ont pas appris à être des communautés d'accueil. Il faut leur fournir des ressources pour remédier à cette situation et les aider à comprendre les avantages que l'immigration comporte pour elles et pour l 'ensemble du Canada.

    Deuxième constatation: il y a quelque chose qui cloche si, dès leur arrivée au Canada, les immigrants croient que notre pays est tellement bilingue qu'ils peuvent trouver du travail et obtenir des services dans les deux langues officielles partout. Mais il y a aussi la perception inverse. Certains immigrants francophones croient qu'on ne parle le français qu'au Québec et ne savent pas, par exemple, que leurs enfants pourraient avoir accès à l'éducation en français dans toutes les provinces et dans tous les territoires du Canada. Cette mauvaise information cause des déceptions et fait rater bien des possibilités aux immigrants et aux communautés.

º  +-(1645)  

[Français]

    Ma deuxième recommandation est donc la suivante. Il est nécessaire de fournir aux immigrants et immigrantes des renseignements de meilleure qualité et plus réalistes sur nos communautés minoritaires.

    À cet effet, j'ai proposé la création d'un site web comme instrument de communication interactif. Les responsables de Patrimoine canadien ainsi que Citoyenneté et Immigration Canada y travaillent, semble-t-il, mais je crois que nous devons les encourager à mener ce projet à terme rapidement.

    Troisième constatation: les responsables de Citoyenneté et Immigration Canada ont conclu des ententes concernant des candidats provinciaux, avec neuf provinces et territoires. Ces ententes donnent aux provinces le pouvoir de choisir leurs propres immigrants. Plus de 2 700 immigrants arrivent chaque année au Canada aux termes de ces accords; à lui seul, le Manitoba en choisit 1 500.

    Ma troisième recommandation est la suivante. Chaque fois qu'une entente concernant des candidats provinciaux est conclue ou renouvelée, le gouvernement fédéral devrait faire en sorte que des engagements soient pris pour la protection des intérêts des communautés minoritaires.

    L'entente conclue avec le gouvernement de la Nouvelle-Écosse l'an dernier a d'ailleurs été la première à contenir une clause sur la participation de la communauté francophone au processus de recrutement d'immigrants sélectionnés par la province. Les provinces du Manitoba et de la Saskatchewan ont, elles aussi, modifié leurs accords respectifs en ce sens l'an dernier. C'est donc un pas dans la bonne direction. Cette évolution est encourageante, mais nous devons nous assurer que cette tendance se maintient. Une nouvelle entente sera conclue au printemps avec la Colombie-Britannique. De leur côté, Terre-Neuve-et-Labrador, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et le Yukon négocieront de nouvelles ententes l'an prochain.

    Quatrième constatation de l'étude: nous le savons, à l'heure actuelle, un des problèmes tient du fait que les immigrants et immigrantes ne peuvent exercer leur profession. Leurs titres de compétence ne sont pas reconnus au Canada dans plusieurs cas. Nous devons nous assurer qu'en cas de solution à ce problème, les communautés minoritaires en profitent également. À titre d'exemple, dans le cadre du Programme des candidats d'une province, le gouvernement du Manitoba a recruté des infirmières en provenance des Philippines pour pallier la pénurie de travailleurs de la santé, mais cette pénurie touche également la communauté francophone. Nous devrions donc également songer à recruter des infirmières de pays francophones et veiller à ce qu'elles aussi soient acceptées au sein de leur profession dans une province. Bien sûr, je ne mentionne pas le gouvernement du Manitoba nécessairement pour le cibler, mais juste à titre d'exemple. La même situation se reproduit à l'échelle du pays concernant d'autres professionnels de la santé.

    Ma quatrième recommandation est donc la suivante. Les immigrants et immigrantes ne doivent pas être désavantagés parce que la langue dans laquelle ils ont acquis leurs titres de compétence est la langue officielle de la minorité.

º  +-(1650)  

[Traduction]

    Comme vous pouvez le constater, il existe des moyens très concrets de faire avancer les choses, et le personnel du Commissariat suit de très près les travaux du nouveau comité directeur créé l'an dernier. Il s'agit d'un comité regroupant des représentants de Citoyenneté et Immigration Canada ainsi que des communautés francophones minoritaires. Il est chargé d'aider le ministre de l'Immigration à trouver des moyens concrets d'attirer et d'intégrer un plus grand nombre d'immigrants francophones. Soit dit en passant et pour répondre à une question posée tout à l'heure par un membre du comité, il n'existe pas de comité analogue pour la population anglophone. Le comité francophone élabore en ce moment un plan d'action. On songe entre autres à évaluer le rôle que peuvent jouer les étudiants étrangers inscrits à des collèges et à des universités francophones. Beaucoup d'entre eux aimeraient demeurer au Canada après avoir terminé leurs études, et nous devons trouver des moyens de les y aider.

    Permettez-moi de vous donner un exemple personnel. En novembre dernier, j'ai rencontré des représentants d'organismes francophones de l'Ontario pour savoir si l'augmentation du nombre d'immigrants francophones avait un effet sur eux. Je me suis entretenu avec des représentants du campus de Sudbury du Collège Boréal. À ce collège, on a la preuve de ce qu'il est possible de réaliser. On y a non seulement recruté un certain nombre de professeurs dans divers pays francophones, mais on recrute aussi activement des étudiants francophones à l'étranger. On y a même conclu des partenariats pédagogiques avec des collèges en France et en Tunisie. À mon avis, des maisons d'enseignement post-secondaire comme le Collège Boréal devraient expliquer à leurs étudiants qu'ils peuvent rester et s'intégrer à la communauté linguistique minoritaire. Lorsque je dirigeais le Collège Universitaire Glendon, le campus bilingue de l'Université York de Toronto, j'ai pu constater le potentiel que représentent les immigrants pour l'édification de communautés francophones ouvertes et plus internationales. Cependant, à l'époque, ces étudiants ne pouvaient pas demander la citoyenneté à titre d'immigrant. Je pense que la situation a changé depuis.

    Nous avons besoin d'immigrants qui peuvent s'exprimer dans les deux langues officielles. Je parle des immigrants qui s'établissent dans nos communautés linguistiques minoritaires. La plupart des personnes issues de telles communautés savent qu'elles doivent être bilingues. Pour réussir, nos immigrants doivent eux aussi pouvoir communiquer dans les deux langues, mais leur première langue officielle devrait être celle de la communauté minoritaire.

º  +-(1655)  

[Français]

Après tout, le bilinguisme est ce qui donne à nos communautés minoritaires leur avantage concurrentiel!

    Cependant, si nous désirons aider les nouveaux immigrants francophones à se donner ce même avantage concurrentiel, il nous faut commencer à penser autrement. Par exemple, Citoyenneté et Immigration Canada finance des cours d'anglais à l'intention des immigrants, mais ces cours sont dispensés par des organismes où l'anglais domine. D'ailleurs, la plupart des institutions francophones, que ce soit les collèges, les universités ou autres, n'ont souvent pas les ressources pour offrir ces cours en anglais. Ce dont les immigrants francophones ont besoin, c'est un milieu où ils sont à l'aise avec la langue parlée, comme c'est le cas au Collège Boréal où ils sont accueillis dans leur langue maternelle, la langue française. C'est pour eux le type d'endroit tout indiqué pour apprendre l'autre langue officielle du Canada, l'anglais. Cela leur permettrait de se rapprocher de la communauté minoritaire, tout en atteignant leur objectif de devenir bilingue et donc d'être concurrentiels. Je suis d'avis que Citoyenneté et Immigration Canada devrait songer à financer les organismes minoritaires afin que les besoins linguistiques de ces immigrants soient mieux comblés.

    Passons maintenant, si vous le voulez bien, au deuxième point que je veux aborder avec vous aujourd'hui: le projet de loi concernant la citoyenneté.

    Les membres du Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration examinent actuellement ce projet de loi. En décembre, je me suis présentée devant vos collègues de ce comité pour proposer certaines modifications.

    Chaque année, on organise près de 3 000 cérémonies pour accorder la citoyenneté canadienne à environ 160 000 immigrants. Une cérémonie de citoyenneté, pour ceux et celles qui l'ont vécue, est presque toujours un événement très émouvant. Ces nouveaux citoyens sont habituellement accompagnés de leur famille, et à ce moment, lorsqu'ils deviennent des citoyens à part entière, ils vivent ce qu'ils décrivent comme étant un moment très significatif dans leur vie.

    Les juges de la citoyenneté ou, comme on les appellera désormais, les commissaires à la citoyenneté président un événement unique dans la vie d'une personne. Alors, je crois que notre dualité linguistique devrait être célébrée plus largement dans le cadre de ces événements.

    Ma première recommandation au comité était la création d'un nouveau paragraphe qui préciserait que l'un des objets de la loi est d'encourager la reconnaissance du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada. 

    Ma deuxième recommandation était de promouvoir, au cours de la cérémonie, la dualité linguistique du Canada comme valeur canadienne fondamentale, donc de l'illustrer concrètement pendant la cérémonie. J'ai également proposé d'ajouter un nouveau paragraphe qui se lirait comme suit: [Le commissaire à la citoyenneté doit] «souligner l'importance du statut égal du français et de l'anglais à titre de langues officielles du Canada en tant que valeur fondamentale du Canada.»

    Ma troisième recommandation avait trait à la façon dont la cérémonie de citoyenneté se déroule. Je crois qu'il ne suffit pas de déclarer, au cours de la cérémonie, que le français et l'anglais ont un statut égal, mais qu'il n'y a rien comme donner l'exemple. C'est pourquoi j'avais proposé le paragraphe supplémentaire suivant: «Le commissaire à la citoyenneté veillera à ce que la cérémonie de la citoyenneté se déroule dans les deux langues officielles du Canada.»

[Traduction]

    Cette dernière recommandation permettra également de faire en sorte que les juges de la citoyenneté connaissent suffisamment les deux langues officielles. J'estime que le fait d'être assermenté comme un nouveau citoyen du Canada par un commissaire capable de s'exprimer dans les deux langues contribuera grandement à convaincre les nouveaux Canadiens qu'ils devraient se donner comme objectif, pour leurs enfants et pour eux-mêmes, de parler le français et l'anglais.

    Mais au-delà des détails du déroulement de la cérémonie en tant que telle, rappelons que le projet de loi C-18 confie aux commissaires le mandat d'encourager la participation active des citoyens au sein de la collectivité. Le fait qu'on leur demande de consacrer moins de temps à l'aspect administratif et plus de temps aux communautés comme telles m'apparaît positif, mais je dois souligner qu'il sera primordial qu'ils profitent de leurs contacts avec les néo-Canadiens et les néo-Canadiennes et avec l'ensemble de la population pour faire comprendre la valeur intrinsèque de la dualité linguistique. Les commissaires doivent veiller à ce que tous et toutes comprennent l'importance du français et de l'anglais au Canada, surtout dans les régions du pays où notre dualité linguistique est moins évidente.

    Le dernier point que je souhaite aborder avec vous aujourd'hui est une nouvelle initiative du Commissariat. Sous le slogan de «Dualité et diversité», nous voulons mieux sensibiliser la population au fait que notre dualité linguistique et la diversité croissante de notre population sont interdépendantes. Si l'on étudie les données du dernier recensement, on ne peut qu'être fasciné par la diversité de nos origines. Près d'une personne sur cinq est née à l'étranger, et une sur sept est membre d'une communauté visible. Dans bien des pays, une transformation démographique de cette ampleur serait considérée comme une menace.

    À mon avis, le sort enviable du Canada n'est pas accidentel. C'est le résultat d'une disposition toute canadienne à l'accommodement et au compromis, et il n'est pas difficile de comprendre d'où cet esprit d'accommodement nous vient. Notre dualité linguistique nous a appris que les groupes différents doivent se respecter pour pouvoir vivre ensemble. La dualité et la diversité renvoient à une perspective très canadienne de l'édification d'un pays. Elles s'appuient sur la conviction selon laquelle unité et uniformité ne sont pas synonymes. Les sondages font état de l'appui grandissant au bilinguisme: 82 p. 100 de la population est en faveur de la politique de bilinguisme. Deux personnes sur trois estiment qu'il faudrait rendre l'enseignement du français obligatoire dans les écoles primaires et secondaires de langue anglaise.

»  +-(1700)  

[Français]

    Cette ouverture à la dualité se transpose dans les attitudes des Canadiens et Canadiennes à l'égard de l'immigration et de la diversité. Une étude, dont on souhaite vraiment que les résultats attireront votre attention, a été effectuée récemment par les sondeurs d'un centre de recherche, le Pew Research Center, qui comparait les attitudes de la population de 44 pays envers l'immigration. Le rapport de l'étude conclut, et je cite: «Ce n'est qu'au Canada qu'une forte majorité de la population (77 p. 100) a une opinion positive des immigrants.»

    Je ne vous donne pas d'autres statistiques, mais les pays qui sont les plus près derrière le Canada si situent à environ 34 p. 100; ce sont des pays européens. Le Canada est vraiment très différent et se distingue complètement d'autres pays quant à son attitude envers l'immigration. Alors, comment peut-on expliquer ce phénomène?

    À mon avis, c'est sans doute notre esprit d'accommodement qui a produit un tissu social inclusif et que dès le départ, quand le Canada a été fondé, on a choisi ce pacte social canadien qui reconnaissait des différences fondamentales entre deux entités différentes qui avaient une langue, une religion, une culture et une histoire différentes. De plus, ce pacte a façonné la façon d'être, les attitudes des Canadiens, ce qui fait qu'aujourd'hui, on a transposé, si on peut dire, ce même genre d'attitude vis-à-vis d'autres groupes ethnoculturels.

    Le personnel du commissariat collabore avec Citoyenneté et Immigration Canada afin que nous puissions organiser des cérémonies de citoyenneté uniques où le lien entre dualité et diversité est célébré. Je serai moi-même présente à une cérémonie qui aura lieu à Toronto en avril.

    Nous sommes également en train de pousser cette question en créant des liens avec un nombre croissant de chercheurs dans le domaine de la migration pour mieux comprendre la façon dont le Canada peut mettre sa dualité linguistique au service de ses objectifs en matière d'immigration. Je suis convaincue, par exemple, que nous devrions en savoir plus sur la composante francophone de la migration internationale. Notre dualité linguistique ne s'arrête pas à nos frontières.

    Permettez-moi, en guise de conclusion, de vous rappeler brièvement les principaux points de mon exposé.

    Premièrement, nous disposons d'une nouvelle loi sur l'immigration. Il y a maintenant lieu de concrétiser les recommandations que j'ai formulées afin que, finalement, les deux grandes collectivités linguistiques puissent profiter équitablement de l'immigration.

    Deuxièmement, lorsque les immigrants acquièrent la citoyenneté, ils devraient être sensibilisés à la dualité linguistique et partager notre engagement envers celle-ci. C'est le sens des modifications que j'ai proposées à la Loi sur la citoyenneté.

    Troisièmement, l'édification d'un Canada pluraliste doit s'appuyer sur la base solide de nos deux langues officielles, et nous devons veiller à ce que les Canadiens et Canadiennes, et particulièrement les nouveaux Canadiens, saisissent ce lien fondamental entre la dualité et la diversité.

    Merci de votre attention. Bien sûr, on est là, M. Quell et moi-même, pour répondre à vos questions.

»  +-(1705)  

+-

    Le président: Merci, madame Adam. Comme d'habitude, c'est complet.

    Madame Allard.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Bonjour, madame Adam. C'est la première fois que j'ai l'occasion d'assister à une de vos présentations. Je vous remercie et j'ai une question qui est un peu en rapport avec votre slogan: «Dualité et diversité».

    Pour la dualité, je pense que dans le cadre des langues officielles, on peut certainement penser aux deux langues, mais en ce qui a trait à la diversité, ne craignez-vous pas que le mot «diversité» vienne en confondre plusieurs, parce que lorsqu'on parle de diversité, on parle aussi de multiculturalisme? Quand on parle aux immigrants de multiculturalisme et qu'on leur dit que le Canada encourage la protection de leur culture, cela veut dire trois langues, parfois quatre. Alors, est-ce qu'on ne vient pas, en ajoutant le mot «diversité», restreindre un peu le mot «dualité»?

+-

    Mme Dyane Adam: Je crois que non, parce qu'il faut comprendre que la première diversité canadienne fut le choix de la dualité, c'est-à-dire qu'elle se trouve dans la naissance même de notre pays. La diversité est une caractéristique inhérente à toutes les sociétés. Ce qu'on en fait est probablement ce qui définit le plus les caractéristiques d'une société. On peut choisir de nier les différences, on peut même choisir de les étouffer, ou on peut choisir d'en faire la promotion. Le Canada, dès le départ, a choisi plus ou moins une voie de diversité qui était de dualité, c'est-à-dire qu'il a choisi la différence: le Canada ne serait ni anglais ni français, il serait les deux. Dans ce sens-là, c'est un choix initial. On a beaucoup parlé des deux peuples fondateurs et j'y reviendrai, parce que le peuple autochtone ne faisait pas partie de ce pacte initial qui a façonné l'histoire du Canada. On voit aujourd'hui les conséquences du choix de ne pas avoir eu les autochtones à la table, puisque quand on établit un tel contrat, on inclut ou on exclut.

    Le pacte canadien incluait deux groupes qui avaient non seulement une langue et une culture, mais une religion, des traditions différentes, et on a choisi de les reconnaître comme étant des parties distinctes et différentes. C'est comme ça que nous nous sommes définis et c'est ce qui a marqué toute notre histoire comme deux grandes communautés d'accueil, puisque l'immigration a aussi toujours fait partie de notre histoire. Il y a eu des vagues d'immigrants qui se sont intégrés à l'une ou à l'autre de ces deux grandes communautés linguistiques, et c'est ce qui se produit toujours en ce moment; sauf qu'à l'heure actuelle, on constate que l'immigration est en train de changer le parcours, si on peut dire, ou peut menacer ces dualités de départ, puisque maintenant, les deux communautés d'accueil ne reçoivent pas leur part équivalente d'immigrants. On le sait, le Québec et les communautés francophones reçoivent vraiment cinq fois moins d'immigrants que la communauté anglophone. Si on se projette dans l'avenir, on peut voir les conséquences.

»  +-(1710)  

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Je vais poser ma question plus directement. Est-ce que la politique du multiculturalisme, qui est encouragée par le gouvernement du Canada, peut s'adapter à votre politique de bilinguisme?

+-

    Mme Dyane Adam: Je ne suis pas sûre de comprendre.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Vous affirmez que l'objectif est de faire en sorte que les gens soient bilingues. D'accord?

+-

    Mme Dyane Adam: Oui.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Quand on ajoute une troisième composante, qui est le multiculturalisme, est-ce que vous ne craignez pas que cette politique de multiculturalisme ne vienne contrecarrer l'objectif qui est d'abord d'avoir des gens bilingues?

+-

    Mme Dyane Adam: La politique du multiculturalisme existe déjà; cela fait déjà longtemps que le gouvernement fédéral a cette politique. Ce n'est pas ma responsabilité; c'est celle de Patrimoine canadien. On a toujours vécu avec ces deux politiques: la Loi sur les langues officielles et une politique touchant le multiculturalisme. Je sais qu'il y avait des craintes à cet effet. On se demandait si ça allait nuire à l'avancement de la dualité linguistique, dans laquelle certains pouvaient voir une menace. Bien sûr, la Loi sur les langues officielles est claire: il y a deux langues officielles. Est-ce que votre question est si le multiculturalisme pourrait encourager d'autres langues à devenir...?

    Vous savez, les communautés linguistiques sont diversifiées; les recensements le montrent clairement. Nier une réalité comme celle-là serait ne pas tenir compte des citoyens. On appartient à un groupe anglophone ou francophone, à l'une de ces deux communautés de langue officielle, mais on peut avoir d'autres langues, comme on peut appartenir à d'autres ethnies ou à d'autres cultures. Je pense que c'est là la richesse du Canada.

+-

    Le président: Monsieur Simard, ensuite madame Thibeault. Je prends les gens dans l'ordre dans lequel ils me demandent de parler.

+-

    M. Raymond Simard: Merci, monsieur le président. Bienvenue, madame Adam.

    Chez nous, au Manitoba, nous parlons d'agrandir l'espace culturel, et l'une des façons de le faire, évidemment, c'est grâce à l'immigration. Mais à mesure que nous avançons dans le dossier, nous réalisons que c'est difficile. Nous avons des défis très intéressants. Le ministère de l'Immigration nous dit de cibler les immigrants pour nous assurer qu'ils s'installent en milieu rural, par exemple. Évidemment, nous invitons beaucoup de personnes de l'Afrique française, donc des gens de couleur, bien sûr, des gens de différentes cultures, de différentes religions. Souvent, ce sont des musulmans. Je vois des musulmans aller s'installer à La Broquerie, dans un petit village, et je vois les problèmes que ça pose. Voilà la réalité. Alors, il y a certainement une sensibilisation à faire de ce côté-là.

    Un des problèmes auxquels nous faisons face à l'heure actuelle, c'est qu'on parle de clause pour la communauté francophone, mais je ne suis pas sûr que les ressources soient là. Quand nous parlons aux représentants de la province, on nous dit qu'on a annoncé la clause pour les francophones. Par contre, on n'a pas annoncé de dollars. Pour moi, c'est très inquiétant. J'aimerais savoir si le ministère de l'Immigration a une certaine responsabilité dans ce sens-là, une certaine obligation de fournir des ressources aux minorités.

+-

    Mme Dyane Adam: En vertu de la Loi sur les langues officielles, oui, puisque le gouvernement fédéral se doit de veiller au développement et à l'épanouissement des communautés minoritaires de langue officielle, et on sait fort bien qu'il y a un lien direct entre cet objectif-là et l'immigration. Le gouvernement fédéral investit donc quand même au niveau de l'immigration. Des ressources sont transférées dans certaines provinces, et le gouvernement doit s'assurer que des ressources suffisantes sont données aux communautés minoritaires pour qu'elles jouent véritablement leur rôle de communautés d'accueil. Comme vous le mentionnez, c'est un phénomène assez récent dans les provinces, dans les communautés minoritaires. Nos études démontrent clairement que pour avoir une immigration réussie en milieu minoritaire, il faut s'occuper de toutes les étapes du processus d'intégration et d'établissement des immigrants. Ça commence au niveau du recrutement à l'étranger. Il faut donner de l'information juste et engager les communautés elles-mêmes dans le processus.

    La deuxième étude à laquelle j'ai fait référence examine des cas réels qui sont, à notre avis, plus réussis que d'autres. On voit très bien les différentes ressources qui doivent être développées ou peaufinées pour donner les meilleures chances possibles à une immigration réussie. Il n'y a pas de doute que les ressources doivent être là. Je pense que Citoyenneté et Immigration Canada--je crois que vous allez inviter le ministre--, par le biais de ce comité conjoint communautés-ministère, est en train de faire des projets-pilotes pour identifier quelles sortes de ressources doivent être ajoutées ou développées au sein des communautés pour donner des chances égales aux communautés de langue officielle minoritaires.

    Carsten, voudrais-tu ajouter quelque chose?

»  +-(1715)  

+-

    M. Carsten Quell (agent principal, Liaison et partie VII, Commissariat aux langues officielles): J'aimerais seulement ajouter que depuis la dernière réunion du comité directeur, on est un peu dans l'attente du plan que va annoncer le ministre Dion. Mais jusqu'à présent, il n'y a pas de fonds qui ont été identifiés pour aider spécifiquement les communautés francophones. Ça devrait faire partie du plan d'action sur lequel on va travailler dans les prochains mois.

+-

    Le président: Ça va être le 12 mars, comme on le sait maintenant.

+-

    M. Raymond Simard: Par le premier ministre.

+-

    Le président: Voilà.

+-

    M. Raymond Simard: Je voudrais faire encore un commentaire. Je trouve qu'on informe mal les gens; par exemple les gens qui viennent chez nous, que nous accueillons, s'attendent, en arrivant au Manitoba, à survivre en français. La réalité, c'est qu'au Manitoba, si on ne parle pas l'anglais, on ne réussit pas, on ne trouve pas d'emploi. Alors, on a vraiment la responsabilité d'informer les gens avant qu'ils viennent. Ce sont des immigrants qui me l'ont dit. Ils arrivent ici et ils sont tellement surpris. Je pense donc qu'on a un travail à faire à ce niveau-là.

    De notre côté, je pense que nous avons commencé à offrir, au Collège universitaire de Saint-Boniface, des cours en anglais pour intégrer les immigrants aussi rapidement que possible, parce que si nous ne faisons pas cela, nous n'avons aucune chance de les garder chez nous. Je voulais seulement appuyer un peu votre commentaire là-dessus. Merci.

+-

    Le président: Madame Thibeault.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Merci, monsieur le président. Bonjour, madame, monsieur.

    Parlons donc des ententes entre le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux sur l'immigration. À votre connaissance, ces ententes font-elles mention des responsabilités en matière de langues officielles? Incluons le Québec là-dedans, si vous voulez. Êtes-vous au courant si les provinces comprennent qu'elles ont des responsabilités dans ce dossier?

+-

    Mme Dyane Adam: J'ai mentionné, lors de mon exposé, que la première entente reconnaissant cette réalité était celle du Manitoba. Les dernières ententes qui ont été signées par le ministre Coderre comportent toutes une clause linguistique. Mais moi, j'ajoute que cela ne suffit pas et que le ministère devrait définir des cibles et aussi avoir un mécanisme pour les vérifier.

    En ce qui a trait au Québec, je pense que...

+-

    Mme Yolande Thibeault: Le Québec n'est pas mentionné.

+-

    Mme Dyane Adam: Le Québec a vraiment entière compétence, sauf peut-être pour les réfugiés et pour la question du rapatriement des familles. Cela a été donné il y a quand même plusieurs années, soit vers les années 1970, je crois.

»  +-(1720)  

+-

    Mme Yolande Thibeault: Je répète que d'après mon expérience, les rapports entre Immigration Québec et Immigration Canada, en tout cas dans nos comtés, sont excellents. Je n'ai pas vu Immigration Québec dire à des gens qui ne parlaient que l'anglais qu'ils ne pouvaient pas venir chez nous.

+-

    Mme Dyane Adam: La première étude qu'on a faite sur l'immigration par rapport à la communauté minoritaire au Québec a révélé que le problème n'en était pas un de recrutement d'immigrants d'expression anglaise. Il y avait quand même un bon bassin d'immigrants parlant anglais qui arrivaient au Québec, même davantage que la proportion au sein de la population québécoise. Mais comme l'ont mentionné les témoins tout à l'heure, ces immigrants ne restent pas nécessairement. C'est le taux de rétention qui est faible.

    L'apprentissage et l'enseignement du français était l'une des questions jugées problématiques au Québec. C'est peut-être une chose que vous aimeriez examiner.

+-

    Mme Yolande Thibeault: J'aurais peut-être voulu faire un commentaire aussi. C'est sûr qu'on ne peut pas forcer les gens qui immigrent chez nous à aller à un endroit plutôt qu'un autre, à parler une langue plutôt qu'une autre. Je ne sais pas comment on pourrait convaincre des gens qui viennent de pays francophones de rester dans une communauté francophone. J'ai vu trop souvent des gens qui venaient de France, par exemple, des gens bien éduqués qui étaient bilingues avant de partir de chez eux, mais qui, en général, n'étaient pas du tout intéressés à rester chez nous. On les retrouve à Toronto ou à Vancouver. Mais on ne peut pas forcer les gens.

+-

    Mme Dyane Adam: Il y a un lien, je pense, entre les témoignages de M. Rabinovitch et de M. Murphy et votre question. On signalait que le Québec, malheureusement, avait un déficit au niveau de l'immigration et qu'une des raisons principales était la question économique. Il n'y a pas de doute, toutes les recherches s'entendent sur cette question: c'est l'économie qui a le pouvoir d'attraction le plus important.

    On sait fort bien que plusieurs francophones qui sont peut-être entrés par le Québec se retrouvent aujourd'hui à Toronto ou dans certaines provinces comme l'Alberta ou à Vancouver. Donc, au moins, ils quittent le Québec pour des raisons économiques. J'ose espérer que ces francophones vont au moins participer à la communauté d'expression française en milieu minoritaire. C'est là où il y a un problème parce qu'il n'y a pas nécessairement toutes les ressources disponibles non plus pour permettre à ces francophones-là de participer pleinement à la communauté francophone locale et de contribuer à cette communauté, tout en étant, bien sûr, actifs sur le marché du travail. C'est là qu'on a une difficulté. C'est difficile de les retenir, même dans les communautés francophones où ils sont.

+-

    Mme Yolande Thibeault: Merci.

+-

    Le président: J'ai trois choses à mentionner rapidement, madame Adam, si vous me le permettez.

    En ce qui a trait au projet de loi C-18, auquel vous avez fait des propositions d'amendement, est-ce que vous avez eu une réaction du comité jusqu'ici?

+-

    Mme Dyane Adam: On n'en a pas eu formellement; je vous fais part d'impressions. Je pense qu'il y a un accueil assez favorable à la plupart des recommandations. Je crois que celle qui semblait poser le plus de problèmes--les choses ont peut-être changé depuis--était la recommandation que les commissaires soient bilingues ou aient des compétences bilingues suffisantes pour pouvoir...

»  +-(1725)  

+-

    Le président: Combien y a-t-il de commissaires en tout?

+-

    Mme Dyane Adam: Il y a une trentaine de commissaires, semble-t-il, à l'échelle du pays. Alors, quand on m'a fait part en comité du fait que certaines personnes craignaient qu'on empêche des personnes de grande valeur de pouvoir exercer ce rôle, j'étais quand même d'avis qu'on ne parlait pas de milliers de personnes, mais d'une trentaine, et que chaque province disposait sûrement de personnes suffisamment bilingues ayant en plus toutes les autres qualités et compétences recherchées pour en faire des juges ou des commissaires à la citoyenneté.

+-

    Le président: D'accord.

    Au niveau des recommandations dont vous nous avez fait part, j'imagine que ça ne vous poserait pas de problèmes si le comité les faisait siennes, si telle était sa volonté.

+-

    Mme Dyane Adam: Pas du tout, au contraire.

+-

    Le président: D'accord.

    Il reste toute la question des finances--on y a fait allusion brièvement--et des ententes. J'aimerais savoir si le commissariat a une grille de renseignements sur les ententes qui existent, sur les clauses qu'il y a dans ces ententes, sur les sommes d'argent qui sont allouées par province ou par territoire. Je ne sais pas si vous avez déjà fait ce travail. Si oui, pourriez-vous le partager avec nous? Ça nous éviterait de le faire. Sinon, je pense qu'il serait peut-être utile pour nous de le demander au ministre ou à notre recherchiste, mais si vous l'aviez, cela nous éviterait de faire ce travail.

    À la lumière des questions posées par Mme Thibeault, je pense qu'il serait bon de savoir où y a-t-il des ententes, quand les ententes ont été signées, quand elles viendront à échéance, quelles sont les clauses linguistiques, quelles sont les ressources attribuées à chaque entente ou parallèlement à ces ententes. Est-ce que ça existe?

+-

    M. Carsten Quell: Il existe, sur le site web même de CIC, une liste de toutes les ententes qui ont été signées.

+-

    Le président: Avec copies et analyses?

+-

    M. Carsten Quell: Non. C'est justement cette information que l'on peut vous fournir.

+-

    Le président: Ce serait très utile, et je pense que notre recherchiste l'apprécierait aussi.

    Moi, ça va, je n'ai pas d'autres questions. Mes collègues, en avez-vous?

    Madame Allard.

+-

    Mme Carole-Marie Allard: Je reviens au slogan «Dualité et diversité». Est-ce que vous avez fait une étude quelconque avant de l'adopter, ou si ça vous est venu comme ça?

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    Mme Dyane Adam: Le commissariat ne se présente pas sous le slogan «Dualité et diversité». En ce sens-là, ce n'est pas un slogan. Il faut comprendre qu'on intervient dans plusieurs secteurs, et dans le secteur immigration, c'est ce dont on parle, parce que c'est rattaché à notre effort de travailler avec les communautés minoritaires de langue officielle elles-mêmes, afin qu'elles voient un avantage à accueillir des immigrants.

    Je pense que M. le député a fait mention tout à l'heure du fait que le gouvernement fédéral n'est pas le seul à avoir la responsabilité de voir à ce que les communautés aient toutes les ressources possibles pour bien accueillir ces immigrants. Les communautés elles-mêmes, dans certaines parties du pays, n'ont même jamais été exposées à cela. Alors, il faut d'abord leur faire comprendre, comme on ne se reproduit plus suffisamment, que la seule façon de se maintenir et même de grandir aujourd'hui, c'est largement par l'immigration. Il faut qu'elles voient un lien, et cela fait partie de notre rôle de promotion et d'éducation auprès de nos communautés. On n'avait peut-être pas indiqué clairement la place que cela occupe dans nos activités, mais ça ne change pas la question.

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    Mme Carole-Marie Allard: Ma question visait seulement à savoir si cela avait été testé par un focus group ou si vous étiez arrivés avec ces deux mots-là comme ça, sans les tester auprès d'une population quelconque.

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    Mme Dyane Adam: On fait des tests. Je ne sais combien de présentations je fais à chaque année, mais j'en fais plusieurs, et ce genre de slogan, si on peut dire, c'est un lien. L'épinglette du commissariat que vous voyez là, c'est le tissu social canadien. Depuis plusieurs années, on fait le lien suivant: le tissu social canadien est composé de deux entités, de deux groupes linguistiques. Comme un tissu, il a plusieurs fils, et chacun de ces groupes a des racines ethnoculturelles différentes. Donc, quand ces deux communautés se rencontrent, il y a un enrichissement. C'est pour cela qu'il y a un triangle à l'intérieur--on l'a expliqué--couleur or. Alors, cela a toujours fait partie de ce que j'appellerais le slogan du commissariat: la richesse est dans la dualité et dans la diversité, et non dans l'uniformité.

»  -(1730)  

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    Le président: Si vous me le permettez, madame Allard, je ferai un commentaire qui risquera d'entraîner une discussion. Vous me rappelez un incident que j'ai vécu il y a trois ou quatre ans lors d'un dîner bénéfice partisan--je le reconnais--sous le thème de la mosaïque libérale. On avait invité le ministre Dhaliwal. C'était la communauté indienne et pakistanaise d'Ottawa qui se réunissait, et le discours de M. Dhaliwal avait été quand même très intéressant. Il m'avait touché parce qu'il avait affirmé--et il avait développé son thème beaucoup plus longtemps que je ne le ferai ce soir--que l'ouverture du Canada à cette population immigrante, à cette diversité--il avait lui-même précisément utilisé ce mot--relevait en grande partie de la dualité linguistique. Il reconnaissait que les droits que sa communauté avait, que cette ouverture dont sa communauté profitait, dépendaient en grande partie du fait que la communauté francophone, dans ce cas-là, avait réussi à aller chercher et à faire respecter, dans certains cas, ses droits, et que ce heurt quotidien, cet effort, avait fait en sorte qu'on avait édifié un pays où on pouvait valoriser la diversité également. Alors, je pense que dans ce cas-ci, on pourrait vraiment croire que les deux, la diversité, ou le multiculturalisme si vous préférez, et la dualité linguistique peuvent non seulement vivre ensemble, mais se renforcer mutuellement.

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    Mme Carole-Marie Allard: Ma question visait simplement à savoir d'où venaient les deux mots. Si vous me proposez de les adopter comme slogan, je veux savoir si c'est une impulsion du moment ou si c'est bien pensé et bien recherché.

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    Mme Dyane Adam: Le commissariat est très ouvert à la spontanéité, mais habituellement, on réfléchit avant d'agir.

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    Le président: Madame Adam et monsieur Quell, merci à nouveau de votre présence et de vos commentaires. Nous les prendrons en considération lors de la rédaction d'un rapport.

    Mercredi, nous recevrons des représentants de Statistique Canada, toujours sur la question de l'immigration. Lundi prochain, à moins qu'il y ait des changements, nous recevrons le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, et le mercredi suivant, nous recevrons le comité directeur dont il a été question aujourd'hui; il s'agit du comité que j'appelle le comité consultatif que le ministère a formé pour la communauté francophone.

    Bonne fin de journée. La séance est ajournée.