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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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37e LÉGISLATURE, 2e SESSION

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


TÉMOIGNAGES

TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 18 février 2003




· 1330
V         Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.))

· 1335
V         M. Chris Friesen (membre, «Immigration and Integration Coordinating Committee», «Affiliation of Multicultural Societies & Service Agencies of BC»)

· 1345
V         Le président
V         Mme Lauren Johnson (coordonnatrice générale, "British Columbia Settlement and Integration Workers Association")

· 1350
V         M. Layne Kriwoken (membre de l'équipe organisatrice, "British Columbia Settlement and Integration Workers Association")

· 1355
V         Le président
V         Mme Leah Diana (membre/organisatrice, "Filipino Nurses Support Group")

¸ 1400
V         Le président
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial (vice-présidente, "National Alliance of Philippine in Canada (NAPWC)")

¸ 1410
V         Le président

¸ 1415
V         Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.)
V         Le président
V         Mme Sophia Leung
V         Le président
V         M. Chris Friesen
V         Le président
V         M. Chris Friesen
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial

¸ 1420
V         Le président
V         Mme Sophia Leung
V         M. Chris Friesen
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

¸ 1425
V         Le président
V         M. Layne Kriwoken
V         M. Chris Friesen

¸ 1430
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Leah Diana
V         Le président
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Mme Libby Davies
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Mme Libby Davies
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Le président
V         M. Louis Plamondon

¸ 1435
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne)
V         M. Chris Friesen
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Chris Friesen

¸ 1440
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Layne Kriwoken
V         Le président
V         M. Chris Friesen
V         Le président
V         M. Chris Friesen
V         Le président

¸ 1445
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Le président
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Le président
V         M. Chris Friesen
V         Le président
V         M. Chris Friesen
V         Le président
V         Le président
V         M. Darrell Evans (directeur général, "BC Freedom of Information and Privacy Association")

¹ 1515

¹ 1525
V         Le président
V         Mme Rachel Rosen (coordonnatrice, "Grassroots Women")

¹ 1530
V         Le président
V         Mme Rachel Rosen
V         Le président
V         Mme Rachel Rosen

¹ 1535
V         Le président
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial

¹ 1540
V         Le président
V         M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.)

¹ 1545
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         M. David Price
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. David Price
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD)

¹ 1550
V         M. Darrell Evans
V         Mme Libby Davies
V         M. Darrell Evans

¹ 1555
V         Mme Libby Davies
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         Le président
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Darrell Evans
V         Mme Lynne Yelich
V         M. Darrell Evans

º 1600
V         Le président
V         Mme Rachel Rosen
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Le président

º 1605
V         Mme Rachel Rosen
V         Le président
V         Mme Luningning Alcuitas-Imperial
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans

º 1610
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. Darrell Evans
V         Le président
V         M. David Price
V         M. Darrell Evans
V         Le président

º 1615
V         M. Darrell Evans
V         Mme Rachel Rosen
V         Le président
V         M. Don Chapman («Lost Canadian Organization»)
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         M. Don Chapman

º 1630
V         Le président

º 1635
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         Mme Magali Castro-Gyr («Lost Canadian Organization»)
V         Le président
V         Mme Magali Castro-Gyr
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Don Chapman

º 1640
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Mme Magali Castro-Gyr
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ)
V         Le président

º 1645
V         M. Don Chapman
V         Mme Magali Castro-Gyr
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         Mme Magali Castro-Gyr
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président
V         Mme Libby Davies
V         Le président

º 1650
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         M. Louis Plamondon
V         Mme Magali Castro-Gyr
V         M. Louis Plamondon
V         Mme Magali Castro-Gyr
V         M. Louis Plamondon
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Le président
V         Mme Magali Castro-Gyr

º 1655
V         Le président
V         M. Don Chapman
V         Le président










CANADA

Comité permanent de la citoyenneté et de l'immigration


NUMÉRO 043 
l
2e SESSION 
l
37e LÉGISLATURE 

TÉMOIGNAGES

Le mardi 18 février 2003

[Enregistrement électronique]

·  +(1330)  

[Traduction]

+

    Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Chers collègues, nous allons commencer sans plus tarder. Quelques retardataires doivent encore se joindre à nous.

    Nous consacrerons la prochaine partie de l'après-midi aux programmes d'établissement et d'intégration offerts au Canada, une question que le comité souhaitait aborder depuis l'adoption d'une nouvelle politique sur l'immigration. En fait, nous cherchons à savoir quels seraient les nouveaux programmes et les nouvelles sources de financement accessibles compte tenu de cette politique et des perspectives d'augmentation de l'immigration au pays. Nous voulons discuter avec les intervenants sur le terrain, qui livrent une partie des programmes d'établissement et d'intégration, pour connaître leurs méthodes et pour qu'ils nous disent s'il y a du nouveau.

    Nous serons à l'affût de toute idée nouvelle et novatrice susceptible d'améliorer sensiblement les méthodes de prestation des programmes d'établissement et d'intégration. Nous savons par ailleurs que le ministère de l'Immigration n'est pas toujours en cause, que d'autres ministères ont un rôle à jouer—pour assurer la formation de la main-d'oeuvre, notamment.

    Nous attendons vos commentaires avec impatience et nous vous remercions à l'avance de votre précieux travail auprès des nouveaux arrivants, qui fait en sorte qu'ils puissent se sentir chez eux avant l'obtention de leur citoyenneté.

    Nous recevrons cet après-midi Chris Friesen, membre du Immigration and Integration Coordinating Committee au sein de l'Affiliation of Multicultural Societies and Services Agencies. Par après, nous entendrons Lauren Johnson, de la British Columbia Settlement and Integration Workers Association, ainsi que Leah Diana, de la Filipino Nurses Support Group. Enfin, nous accueillerons Ning, de la National Alliance of Philippine Women in Canada.

    Bienvenue à tous. Chris, nous commencerons par vous. Ceux d'entre vous qui ont apporté un mémoire pourront prendre de cinq à sept minutes pour le résumer, après quoi nous vous poserons des questions.

·  +-(1335)  

+-

    M. Chris Friesen (membre, «Immigration and Integration Coordinating Committee», «Affiliation of Multicultural Societies & Service Agencies of BC»): Merci.

    Bonjour à tous et à toutes. Aujourd'hui, je m'adresserai au comité au nom de l'AMSSA, une coalition de plus de 80 organismes qui fournissent des services liés au multiculturalisme en Colombie-Britannique. La plupart des organismes financés par le gouvernement provincial qui fournissent des services aux immigrants sont membres de l'AMSSA.

    Mon allocution portera sur quatre thèmes: les subventions du fédéral aux programmes d'établissement; la disparité entre les services d'établissement au pays; l'accord Colombie-Britannique-Canada sur l'immigration et ses conséquences sur les programmes d'établissement des immigrants; enfin, je vous livrerai mes commentaires sur le Programme d'aide au réétablissement.

    En se fondant sur les résultats du Recensement de 2001, Statistique Canada a réaffirmé qu'il était nécessaire de mettre en place des programmes d'établissement efficaces au pays. Les immigrants doivent avoir accès à des professions et à des métiers spécialisés, pour combler leurs propres besoins et ceux du marché du travail canadien. Il est essentiel d'augmenter le niveau des programmes d'établissement des immigrants, tels que les services linguistiques, sans quoi le Canada se trouvera aux prises avec de très graves difficultés économiques.

    Le financement des programmes d'établissement des immigrants au Canada n'a pas bougé d'un iota au cours des cinq dernières années: il stagne à 173,2 millions de dollars environ, plus les allocations à la province de Québec. Pourtant, durant cette même période, le nombre d'immigrants et de réfugiés n'a pas cessé d'augmenter.

    Je vous rappelle que les droits exigés pour l'établissement procurent au gouvernement du Canada plus de 170 millions de dollars chaque année. Bref, les immigrants paient déjà largement pour les services d'établissement et de langues dont ils ont besoin. Si le gouvernement fédéral donne suite à son engagement d'augmenter le nombre d'immigrants à 1 p. 100 de la population, l'AMSSA lui conseille fortement de prévoir les ressources qui garantiront la réussite de leur établissement et de leur intégration.

    Au cours des trois dernières années, plusieurs régions du Canada, dont la Colombie-Britannique, certaines parties des Prairies et une grande partie des régions de l'Atlantique, ont subi des réductions substantielles des subventions aux programmes d'établissement et de langues. Si le financement n'atteint pas le seuil minimum et si on ne maintient pas le nombre de fournisseurs de services contractuels en place, il sera très difficile de fournir des services et des normes uniformes et efficients à long terme.

    L'AMSSA approuve totalement le projet d'examen des mécanismes nationaux de financement entrepris par le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Il est crucial d'établir une base de financement adéquate, outre les crédits dérivés des droits d'établissement, pour permettre aux collectivités urbaines et rurales de maintenir leur capacité d'accueil et de soutien des immigrants à l'intérieur du processus d'intégration.

    À l'initiative de la défunte B.C. Coalition for Immigrant Integration, dont l'AMSSA était l'un des 77 membres, on a réalisé l'examen le plus complet à ce jour des services d'établissement et de langues offerts au Canada. Le rapport—ou bulletin—de recherche, que j'ai joint à mon mémoire, bien qu'il ne soit pas exhaustif, peut constituer un point de départ très valable à une analyse des services comparables au pays, un pilier du cadre de politique du CIC sur l'établissement des immigrants.

    Essentiellement, il n'existe pas de services comparables au Canada. Les services linguistiques fournis, tels que les programmes CLIC ou ELSA, vont du niveau 3 en Colombie-Britannique, soit un niveau débutant avancé insuffisant pour l'accès au marché du travail, à illimité au Manitoba. La plupart des provinces, y compris le territoire du Yukon, offrent aux résidents permanents des cours allant jusqu'au niveau 6 du CLIC.

    En 1997, la Colombie-Britannique a conclu un accord avec le Canada sur la coopération en matière d'immigration. Aux termes de cet accord, CIC a transféré à la province les crédits alloués au CLIC, au Programme d'accueil et au PEAI. Au début de l'accord, la Colombie-Britannique a reçu 45,773 millions de dollars par année pour les programmes d'établissement. Cependant, depuis 2002, les paiements de transfert ont diminué de quelque 7 millions de dollars par année et, pis encore, la moitié des paiements sont demeurés dans le compte des recettes générales consolidées du gouvernement provincial.

    Les organismes qui fournissent des services aux immigrants et aux réfugiés sont saignés à blanc. Au point où la survie des plus petits d'entre eux, notamment ceux qui ne sont pas dans la région métropolitaine de Vancouver, est remise en cause par l'objectif du gouvernement d'atteindre l'équilibre budgétaire d'ici 2005. Pour donner un exemple, le gouvernement a aboli le financement de base que les organismes utilisaient pour couvrir leurs frais de location et autres postes administratifs. L'argent a été transféré au secteur des services de première ligne.

    Le taux d'établissement en Colombie-Britannique a connu une légère augmentation au cours des deux dernières années. Or, l'AMSSA a été informée que le fédéral voulait réduire de 7 p. 100 les paiements de transfert voués à l'établissement d'immigrants l'an prochain. Selon nous, il est impératif d'accroître les normes d'imputabilité pour ce qui est des paiements de transfert du fédéral aux programmes d'établissement des immigrants de la Colombie-Britannique. Il faut aussi exiger plus de transparence de la part du gouvernement provincial sur la répartition des transferts fédéraux à partir du compte des recettes générales consolidées, pour garantir que les programmes subventionnés sont offerts et accessibles uniquement à ceux qui y ont droit.

    Mes derniers commentaires porteront sur le Programme d'aide au réétablissement, ou PAR. Je vous rappelle que le PAR a été lancé le 1er juin 1998, et que son objet est de fournir de l'aide financière provenant du fédéral à des réfugiés sélectionnés à l'étranger. La province de la Colombie-Britannique accueille chaque année 830 personnes environ qui viennent de 20 pays.

    Bien que l'AMSSA reconnaisse la justesse des fondements du programme, un examen en profondeur s'impose. Le temps et les ressources alloués pour la prestation des services d'orientation n'ont pas suivi ni le rythme des changements démographiques, ni l'augmentation des besoins spéciaux des réfugiés parrainés par le gouvernement.

    Au moment de sa création, la majorité des clients du Programme venaient des régions des Balkans, et on estimait que moins du quart d'entre eux présentaient des besoins spéciaux. Aujourd'hui, cinq années plus tard, la majorité des clients du PAR viennent du Moyen-Orient et d'Afrique. Divers changements survenus dans leurs pays et régions d'origine, conjugués à la réorientation du cadre de politique du Ministère, dorénavant axé sur la protection des réfugiés, et à la reconnaissance du fait qu'il faut entre trois et cinq ans, et non de un à deux ans, pour réussir le processus d'établissement, sont tous des éléments qui justifient un examen en profondeur.

    À l'origine, on a conçu le mode de financement du PAR en tenant pour acquis que 25 p. 100 des réfugiés parrainés par le gouvernement avaient des besoins spéciaux. Cependant, le changement dans les pays d'origine et l'accent mis sur la protection des réfugiés ont fait passer cette proportion à 75 p. 100 de la clientèle globale.

    J'aimerais maintenant commenter le lien entre le PAR et le Programme des prêts de transport. Les organismes de la Colombie-Britannique qui fournissent des services aux immigrants et aux réfugiés sont de plus en plus inquiets du fardeau financier que le Programme des prêts de transport impose aux clients du PAR. Malgré notre adhésion au programme mis en place par le gouvernement canadien pour l'aide au réétablissement des réfugiés, nous ne pouvons fermer les yeux sur les niveaux stupéfiants d'endettement de certaines familles de réfugiés. Je connais une famille de six réfugiés soudanais qui a contracté un prêt de plus de 14 000 dollars.

    L'AMSSA recommande que le Programme des prêts de transport devienne un programme de subventions aux clients du PAR.

    Je terminerai par la question des taux de soutien du revenu prévus au titre du PAR. Vous le savez peut-être, ces taux sont fonction des taux de l'aide sociale en vigueur dans chaque province. Malheureusement, le gouvernement de la Colombie-Britannique a réduit les taux de l'aide sociale en juillet 2002. Cette décision a eu des effets directs pour les clients du PAR, dont les plus touchés ont été les familles et les mères monoparentales. Il en a résulté une augmentation du nombre de familles de réfugiés obligées de recourir aux banques alimentaires, du nombre d'enfants qui vont à l'école le ventre vide et de clients qui utilisent leur allocation alimentaire pour payer leurs frais de logement.

    L'AMSSA estime qu'il faut établir un taux national de soutien du revenu pour les clients du PAR. Malgré toute la reconnaissance des réfugiés parrainés par le gouvernement à qui on donne la chance de recommencer leur vie au Canada, le fait de les condamner à la plus abjecte pauvreté dès leur arrivée ne les place certainement pas dans les meilleures dispositions pour participer pleinement à la société canadienne.

    Merci de m'avoir donné l'occasion de partager avec vous quelques-unes de nos réflexions sur les programmes d'établissement du Canada et de la Colombie-Britannique.

·  +-(1345)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Chris. Votre allocution, votre vision et votre expérience concrète enrichiront certainement nos délibérations. Nous aurons des questions pour vous, j'en suis sûr.

    Nous entendrons maintenant Lauren Johnson, représentante de la British Columbia Settlement and Integration Workers Association.

    Soyez la bienvenue, Lauren.

+-

    Mme Lauren Johnson (coordonnatrice générale, "British Columbia Settlement and Integration Workers Association"): Merci beaucoup. Je voudrais tout d'abord remercier le comité de nous accueillir aujourd'hui, moi et mon collègue, Layne Kriwoken.

    Je vous parlerai aujourd'hui de la BCSIWA, ou British Columbia Settlement and Integration Workers Association; de la professionnalisation dans le secteur, des principales initiatives de notre association au cours de la dernière année, de sa structure et, enfin, de notre capacité à utiliser le travail des bénévoles, qui sont le gage de notre durabilité.

    Je vais commencer par un portrait du secteur des services aux immigrants et aux réfugiés. Essentiellement, il ouvre l'accès à toute une mine de services. Les intervenants chargés de fournir ces services doivent faire preuve d'un degré certain d'expertise, de connaissances, de compétences et de professionnalisme. De fait, ils doivent connaître en profondeur les domaines du transport, du logement, de l'éducation, être au fait des normes culturelles, des ressources communautaires disponibles, comprendre le secteur de l'emploi, le droit—la liste est longue.

    Pour fournir ces services, les intervenants du domaine de l'établissement doivent posséder énormément de connaissances et d'expertise, et pouvoir compter sur des mécanismes de soutien. Quelle aide peut donc leur apporter la BCSIWA, et quelles ressources de soutien doit-elle leur procurer?

    La BCSIWA a été fondée en 1989, sous le nom de «British Columbia Settlement Workers Network». Elle existe donc depuis 14 ans, mais elle a reçu sa première subvention en 2001 seulement, pour l'aménagement de ses bureaux et l'embauche de personnel salarié. Auparavant, elle fonctionnait par ententes contractuelles.

    Le coeur de nos activités consiste à créer, à coordonner et à animer des ateliers régionaux et provinciaux d'intérêt pour les membres. Nous sondons les besoins à l'échelle de la province et dans les diverses régions en vue d'élaborer des ateliers de formation pertinents pour les intervenants. Les sujets varient beaucoup. Nous offrons des bourses de formation et des allocations de voyage, parce que la main-d'oeuvre dans ce secteur est le plus souvent défavorisée et sous-payée. Nous produisons aussi un bulletin trimestriel diffusé au groupe.

    De plus, nous faisons le lien entre les intervenants de première ligne et les projets administrés par le gouvernement, et vice versa. En fait, nous faisons le pont entre ce qui se passe aux premières lignes et le gouvernement, en lui transmettant de l'information émanant des intervenants et en lui faisant part de leurs préoccupations. Récemment, nous avons participé à un groupe consultatif sur la mesure du rendement, un exercice qui requiert la collecte d'une énorme quantité de données par les intervenants de première ligne. Pour bien l'administrer, le gouvernement provincial doit bien comprendre l'application pratique de cet outil. C'est pourquoi la BCSIWA s'est démenée pour connaître le point de vue des intervenants et en faire part à la province.

    Parmi nos principaux projets à venir se trouve la création d'un site Web, auquel seront intégrés des liens à d'autres ressources. Il existe environ 500 ressources auxquelles les intervenants ont accès, y compris des ressources gouvernementales, grand-public et communautaires. Le réseau de partage entre les intervenants des diverses régions est fondamental. Le site favorisera ce type d'échanges.

    La BCSIWA étant représentée à l'échelon provincial et à l'échelon national, nos membres siègent aussi bien à des comités provinciaux qu'à des comités nationaux.

    J'aimerais terminer en vous parlant des bénéfices de la professionnalisation pour les néo-Canadiens. Aux yeux de la BCSIWA, le soutien à la professionnalisation dans le secteur se traduit concrètement par le soutien à l'intégration efficiente et efficace des nouveaux arrivants. En effet, chaque nouvel arrivant qui bénéficie de l'expertise d'un intervenant en établissement profite du soutien que lui fournit la BCSIWA.

    Je vais maintenant passer la parole à Layne Kriwoken. Il vous entretiendra de la structure de la BCSIWA et de sa capacité à optimiser le travail des bénévoles, pour assurer la durabilité de l'Association.

    Merci.

·  +-(1350)  

+-

    M. Layne Kriwoken (membre de l'équipe organisatrice, "British Columbia Settlement and Integration Workers Association"): Merci, Lauren.

    Merci de votre invitation et de votre attention.

    Je vous parlerai brièvement de ces trois aspects en faisant des liens avec le travail du comité, ainsi que des aspects liés à l'intégration des immigrants et des réfugiés dans notre collectivité.

    Comme Lauren l'a déjà mentionné, je vais vous présenter succinctement notre association. Il s'agit d'une association professionnelle qui regroupe des intervenants de première ligne auprès d'une clientèle d'immigrants et de réfugiés, ainsi que d'autres membres des collectivités. C'est notre réalité. Notre conseil d'administration est appelé l'équipe organisatrice, ce qui traduit très bien l'absence de toute hiérarchie à l'intérieur de notre structure. L'équipe est nommée directement par les membres lors de l'AGA. L'information et les directives proviennent des intervenants de première ligne. L'équipe organisatrice transmet ces directives à la coordonnatrice générale, qu'on appellerait directrice exécutive dans la plupart des associations.

    Encore ici, notre coordonnatrice obéit aux directives de notre équipe et des intervenants, de sorte que l'action est essentiellement mue par la base, aux premières lignes. C'est un élément important parce que notre mandat est de soutenir les compétences des intervenants, pour favoriser une amélioration constante des services à la clientèle et, par ricochet, le renforcement de la collectivité.

    Les talents sont très diversifiés dans notre secteur. Nous procurons un réseau de soutien à nos intervenants. Au fil des années, l'Association en est venue à fournir de l'information non seulement aux intervenants, mais aussi aux autres acteurs qui jouent un rôle de plus en plus décisif, y compris d'autres ONG, les trois échelons de gouvernement et des établissements d'enseignement.

    En parlant de la durabilité de notre association, Lauren a mentionné que nous avions commencé notre action voilà quatorze ans, mais que nous avions reçu une première subvention très modeste il y a deux ans seulement. Cette subvention nous a permis d'assurer une présence plus solide dans le secteur de l'établissement des immigrants. Nous offrons présentement un vaste éventail d'ateliers à nos intervenants dans toutes les régions de la Colombie-Britannique, en plus de siéger à divers comités, comme l'a mentionné Lauren, d'administrer un site Web et de diffuser un bulletin à nos intervenants. L'un des principaux objectifs de notre action est de favoriser l'échange et la disponibilité de l'information, ce qui permet aux intervenants d'améliorer leur travail et d'avoir un impact positif sur la clientèle et, par conséquent, sur la collectivité.

    Nous savons que le gouvernement accorde de plus en plus d'importance au rôle des bénévoles et nous reconnaissons qu'il s'agit d'un élément intégrant de notre cohésion. En revanche, il arrive un point où une association comme la BCSIWA ne peut plus compter uniquement sur le travail de ses bénévoles sur le plan professionnel. Nous en sommes arrivés à un point d'effritement de cette ressource, parce que nos bénévoles doivent faire face à des diminutions dans leurs heures de travail et dans les postes, et parce qu'ils ont d'autres obligations. Il s'ensuit une baisse de leur implication dans notre association.

    Nos rencontres avec d'autres acteurs du secteur de l'établissement des immigrants au cours des deux dernières années nous a aussi permis de constater que l'information ne se rend pas toujours jusqu'aux travailleurs de première ligne, qui sont ceux qui pourraient la transmettre aux clients. De même, il arrive que l'information émanant des intervenants n'atteigne pas directement le comité alors que, je le répète, ils sont en contact direct avec les clients et la collectivité. Nous comptons aiguiller notre travail vers une recherche de solution à cet égard.

    Enfin, j'aimerais parler de l'augmentation des services offerts par la BCSIWA. Notre rôle étant d'informer les intervenants, de leur rendre compte des enjeux et d'assurer le relais avec les autres acteurs, nous souhaitons que notre participation soit mieux reconnue. En effet, le secteur de l'établissement des immigrants est beaucoup moins isolé et il entretient désormais des liens avec l'ensemble de la collectivité.

    À nos yeux, le soutien et la participation de la BCSIWA sont un investissement dans une ressource essentielle du secteur de l'établissement des immigrants. Notre intégration et notre participation accrues ont porté fruit en Colombie-Britannique et ailleurs au Canada. Nous avons collaboré avec le Conseil canadien pour les réfugiés et aux conférences nationales sur l'établissement, et des associations de partout au pays ont communiqué avec nous pour connaître le secret de notre réussite et de nos progrès en Colombie-Britannique. Comme Lauren vous l'a déjà dit, nous sommes le seul organisme professionnel nord-américain dans le domaine de l'établissement.

    J'aimerais finalement citer une parole de Shirley Seward, du Centre syndical et patronal du Canada. Dans un commentaire sur les statistiques récentes en matière d'immigration et d'emploi, elle faisait remarquer que «les gens ne se fabriquent pas en une nuit». C'est une vérité élémentaire. Je crois cependant qu'il est possible de créer un environnement attrayant pour les gens qui viendront dans notre pays, sans oublier ceux qui s'y trouvent déjà, un environnement qui favorisera leur réussite, au plus grand profit de l'ensemble de la collectivité.

    Je vous remercie du temps que vous m'avez gracieusement accordé.

·  +-(1355)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Lauren et Layne, de nous avoir donné toute cette information et de votre soutien indéfectible aux intervenants du domaine de l'établissement. Nous aurons certainement des questions à vous poser.

    Nous allons maintenant entendre Leah de nouveau.

    Nous sommes heureux de vous revoir. Bienvenue.

    Leah représente la Filipino Nurses Support Group. Elle aussi nous parlera de la question de l'établissement des immigrants.

+-

    Mme Leah Diana (membre/organisatrice, "Filipino Nurses Support Group"): Lors de ma dernière visite, je vous ai parlé brièvement de l'historique et du profil du Filipino Nurses Support Group. Aujourd'hui, je vais aborder la question du processus d'agrément, en vous exposant pourquoi à notre avis il pose un obstacle à l'établissement et à l'intégration.

    Le processus d'agrément imposé par les organismes de réglementation des soins infirmiers est long, coûteux et discriminatoire. L'un des principaux obstacles provient du coût élevé de l'agrément, un processus qui peut coûter jusqu'à 13 000 $ si l'on tient compte des examens et des cours de recyclage requis. Les coûts élevés contribuent à accentuer la marginalisation des infirmières engagées dans le cadre du PAFR et dont le salaire est minime.

    Dans plusieurs provinces, les organismes de réglementation exigent que les infirmières et infirmiers suivent des cours de recyclage s'ils n'ont pas exercé pendant un nombre d'heures donné au cours des cinq dernières années. Or, les infirmières et infirmiers assujettis au PAFR n'ont pas accès aux programmes de recyclage et autres programmes de rattrapage, parce qu'ils doivent au préalable obtenir un visa d'étudiant et payer les frais de scolarité imposés aux étudiants étrangers. Les cours de rattrapage sont donc inaccessibles parce qu'ils coûtent trop cher, parce que les places sont insuffisantes et parce qu'il faut les suivre à temps plein.

    L'examen d'anglais représente un autre obstacle majeur du processus d'agrément. Non seulement est-il coûteux, mais encore est-il inutile, pour les raisons suivantes: le programme d'études suivi par les infirmières philippines est fondé sur un programme américain, il est dispensé entièrement en anglais depuis l'école primaire jusqu'au niveau postsecondaire, et la langue d'usage dans le système de santé aux Philippines est l'anglais.

    Beaucoup d'infirmières philippines vivant en Colombie-Britannique qui n'ont pas réussi l'examen d'anglais ont demandé une dispense à l'organisme de réglementation, mais leur demande a été refusée pour des motifs discriminatoires. Le processus de dispense prévoit en effet des distinctions injustes concernant les références dont la langue maternelle n'est pas l'anglais. Il s'agit d'un déni de la réalité puisque l'anglais n'est pas la langue maternelle d'une majorité croissante de Canadiens. Par conséquent, l'exigence relative à l'anglais—tant les examens que le processus de dispense—exclut les infirmières et infirmiers formés à l'étranger de la profession et les marginalise comme employés sous-payés du domaine des soins de santé dans le cadre du PAFR, ou dans des rôles d'aides soignants ou d'aides à domicile.

    Les divers obstacles imposés par les institutions de soins infirmiers qui empêchent les infirmières philippines de reprendre leur pratique ne nous laissent pas le choix de conclure au racisme systémique. Malgré la pire pénurie de personnel infirmier jamais vue au Canada, les organismes de réglementation s'entêtent à maintenir des obstacles coûteux et discriminatoires qui empêchent des Philippines se trouvant déjà au pays d'accéder au titre d'infirmières autorisées. Les politiques anti-immigrants et racistes auxquelles sont confrontées les infirmières formées aux Philippines et dans d'autres pays sont le résultat premièrement de l'absence de politiques de lutte au racisme et d'éducation au sein des organismes de réglementation; deuxièmement, des examens d'anglais coûteux et non pertinents et, troisièmement, du manque de reconnaissance et de soutien des infirmières et infirmiers qui travaillent dans le cadre du PAFR.

    Les organismes de réglementation prétendent que le processus d'agrément vise à protéger le public. Paradoxalement, leurs politiques d'embuscade contre les infirmières et infirmiers formés à l'étranger aggravent la pénurie de personnel infirmier et mettent en danger la sécurité publique. En dépit du besoin urgent de personnel infirmier partout au Canada, les gouvernements provinciaux et fédéraux sont tout aussi lents à intervenir auprès des organismes de réglementation, de sorte que le Canada ne peut pas tirer profit des talents et des compétences des infirmières et infirmiers formés à l'étranger, et notamment de ceux et celles qui sont déjà au pays.

    Par conséquent, nous faisons les recommandations qui suivent au comité. Premièrement, pour parer à la pénurie de personnel infirmier, le gouvernement fédéral devrait reconnaître et valoriser la formation et les compétences des infirmières philippines, en leur permettant d'immigrer au Canada à ce titre et non dans le cadre du PAFR, et en accélérant leur droit d'exercer par l'entremise d'accords de réciprocité.

    Deuxièmement, le gouvernement fédéral devrait réviser les règlements auxquels sont assujetties les associations professionnelles du domaine des soins infirmiers, pour y dépister les obstacles systémiques qui empêchent les infirmières et infirmiers formés aux Philippines et ailleurs à l'étranger d'exercer leur profession. Il faut tout mettre en oeuvre pour éliminer le racisme à l'intérieur des politiques et des mécanismes d'agrément.

    Troisièmement, les initiatives communautaires, et plus particulièrement celles du Filipino Nurses Support Group (FNSG), dont je vous ai déjà parlé, doivent servir de modèles et recevoir des ressources. Il a été démontré que ces initiatives fournissent un soutien concret et réel aux infirmières et infirmiers marginalisés, et qu'elles leur procurent une stabilité financière, à eux et à leur famille. Pour revenir sur ce que j'ai dit plus tôt, plus de 115 infirmières ont bénéficié des initiatives communautaires du FNSG et sont maintenant membres de la RNABC, mais il en reste beaucoup qui sont bloquées, prises au piège dans les mailles du Programme des aides familiaux résidants.

    Merci.

¸  +-(1400)  

+-

    Le président: Nous entendrons maintenant Ning, représentante de la National Alliance of Philippine Women in Canada.

    Bienvenue, Ning.

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial (vice-présidente, "National Alliance of Philippine in Canada (NAPWC)"): Merci de cette invitation à témoigner devant le comité. Nous aurions aimé nous joindre à vous à Ottawa, mais nous apprécions que vous soyez venus nous trouver à Vancouver.

    Je représente la National Alliance of Philippine Women in Canada, une alliance nationale nouvellement créée. Notre organisme a été constitué en mars 2002 seulement, mais les organisations membres cumulent plus de 15 années d'expérience en matière de sensibilisation, d'organisation et de défense des droits des femmes philippines marginalisées qui vivent au Canada. Ces organisations sont dispersées dans les grands centres urbains du pays: Montréal, Ottawa, Toronto, Winnipeg et ceux de la Colombie-Britannique.

    Aujourd'hui, nous aimerions vous faire entendre la voix de notre collectivité concernant les conséquences réelles des programmes d'établissement et d'intégration. À notre avis, l'établissement et l'intégration sont la clé pour atteindre l'égalité et faire respecter les droits des personnes, ainsi que pour favoriser l'épanouissement des collectivités d'immigrants et de migrants du Canada.

    Je commencerai tout d'abord par quelques renseignements généraux sur la collectivité philippine. Selon les dernières statistiques, extraites du Recensement de 2001, le nombre de Philippins a considérablement augmenté au Canada. Nous représentons dorénavant la quatrième plus importante minorité visible en nombre, avec une population estimée de 400 000 personnes.

    Ces statistiques indiquent une augmentation de 31 p. 100 par rapport au dernier recensement. Notre pays est au troisième rang parmi les pays d'origine des immigrants arrivés au Canada au cours de la dernière décennie, ce qui signifie que notre collectivité est formée essentiellement de nouveaux arrivants. Nous continuons cependant de nous concentrer dans les grands centres urbains, avec Toronto en tête, Vancouver au second rang et Winnipeg au troisième.

    Fait particulièrement important, notre collectivité est formée en majorité de femmes, dans une proportion de 65 p. 100 environ, et près du tiers sont des employés de maison qui sont entrés au pays sous l'égide du Programme des aides familiaux résidants, le PAFR. Ces données reflètent très étroitement la réalité des Philippines, devenue la plus importante nation de migrants dans le monde. Ainsi, 10 p. 100 de la population du pays, soit quelque 8 millions de personnes, travaillent à l'étranger, et 65 p. 100 des personnes qui quittent le pays sont des femmes. Il se trouve aux Philippines un important bassin de main-d'oeuvre à bon marché prête à l'exportation, et le Canada est l'un des endroits où elle peut aboutir.

    Nous aimerions vous parler de ce que nous vivons quand nous arrivons ici. Les statistiques montrent, et CIC le reconnaît, que les immigrants des Philippines sont plus susceptibles que tout autre groupe, immigrants et natifs du Canada confondus, d'être titulaires d'un diplôme universitaire. Notre collectivité est très scolarisée. Pourtant, CIC a aussi révélé que nos revenus sont inférieurs à ceux des autres groupes. Le revenu moyen des immigrants philippins, à l'exclusion des employés de maison, est de 21 700 $, comparativement à 23 700 $ parmi les personnes nées au Canada.

    Nous subissons énormément de ségrégation professionnelle. Un universitaire de la métropole de la Colombie-Britannique a démontré qu'une proportion démesurée d'hommes philippins sont confinés à des postes de concierges et de maintenance, tandis que les femmes sont reléguées à la garde des enfants et aux travaux domestiques. Nous vous exposons ces statistiques à seule fin d'illustrer la ghettoïsation sans précédent sur le plan économique dont la collectivité philippine est victime au Canada.

    Pour en revenir aux programmes d'établissement en place actuellement, nous aimerions énoncer certains principes cruciaux. Il faut inscrire cette analyse dans une optique de défense des droits de la personne, d'égalité et de possibilités d'épanouissement. Je le répète, l'intégration et l'établissement sont des éléments essentiels de la dignité humaine et de l'épanouissement des collectivités.

    Pour bien comprendre nos critiques à l'égard des programmes et des méthodes du gouvernement, vous devez vous placer du point de vue des collectivités. Il faut absolument dégager les impacts sociaux de la migration sur les collectivités elles-mêmes, et examiner les programmes et les méthodes du gouvernement pour y débusquer les facteurs de discrimination fondée sur le sexe et sur la race.

    Depuis notre comparution devant le comité, dans le cadre de l'examen de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, notre collectivité a vécu un événement très significatif dont nous aimerions vous faire part. Le Ministère a depuis adopté des pratiques qui n'étaient pas visées expressément par les dernières modifications législatives.

    Je vous rappelle brièvement que le Règlement et la Loi apportaient très peu de changements au PAFR. Pourtant, depuis peu, le Ministère presse les femmes de repousser leur demande de visa ouvert, comme il est appelé communément, ce qui a pour effet de prolonger leur assujettissement au PAFR au-delà des deux années prévues. On les informe qu'elles doivent attendre encore six ou huit mois avant de déposer une demande de visa ouvert, le temps que le Ministère fasse le traitement, sans aucune autre explication. Bien entendu, nous n'avons reçu aucun avis préalable puisque rien de tel n'est prévu dans le Règlement. Pour les femmes philippines, ce message se traduit par d'autres délais avant de revoir leur famille et par une intégration et un établissement moins rapides en sol canadien. Nous croyons important de signaler au comité de telles pratiques du Ministère.

    Notre principale critique à l'égard des programmes d'établissement dans leur forme actuelle est leur inadéquation par rapport aux besoins et aux perspectives des femmes philippines, et plus particulièrement de celles qui travaillent comme employées de maison. Nous reprenons à notre compte les critiques formulées par M. Friesen, qui parlait au nom de l'AMSSA, concernant les critères restrictifs qui s'ajoutent présentement aux programmes d'établissement. Les employés de maison ne seront plus admissibles aux services d'établissement en Colombie-Britannique, parce qu'ils font partie de la catégorie des travailleurs migrants temporaires. À notre avis, cette politique manque de vision puisque la plupart des employés de maison obtiennent leur statut de résident permanent et ils deviennent répondants pour leur famille ici au Canada. Il serait plus efficient et plus respectueux envers ces personnes qui vivent déjà ici de leur fournir des services d'établissement que de leur refuser l'admissibilité à ces programmes.

    Nous voulons revenir sur la question de l'agrément. Il nous apparaît parfois que les programmes d'établissement font complètement abstraction ou qu'ils sont isolés de la réalité économique des femmes philippines et de leurs familles. Par exemple, le problème lié à l'agrément est connu. Le Filipino Nurses Support Group nous en a donné un exemple très concret. Il semble que le gouvernement et d'autres instances n'en finissent plus de réfléchir au problème de l'agrément, au lieu de donner un soutien réel aux efforts de la collectivité et aux solutions concrètes qu'elle lui suggère pour le résoudre. L'agrément est un élément fondamental de la réussite de l'intégration économique et de l'établissement des immigrants, c'est notoire.

    Dans le cas précis des femmes philippines, nous connaissons parmi elles beaucoup d'infirmières, de médecins, d'enseignantes, de sages-femmes, de comptables et d'architectes qui sont nettement sous-employées ou déqualifiées par suite de difficultés liées à l'agrément et du racisme systémique.

    Nous avons relevé d'autres lacunes dans les programmes d'établissement canadiens. Nous insistons: les employés de maison ayant payé un droit d'établissement, ils ont déjà payé pour recevoir des services d'établissement, dont on leur interdit malgré tout l'accès.

    Il n'existe pas de services communautaires spécialisés adaptés aux besoins particuliers des femmes philippines, notamment les employées de maison, les épouses par correspondance et leurs familles. Il nous semble inacceptable que les femmes philippines doivent se contenter d'information générale ou de services d'orientation qui ne sont pas nécessairement adaptés à leurs besoins précis. Par exemple, certains organismes ne comprennent pas bien le PAFR et ses conséquences pour les femmes philippines. C'est pourquoi tant de ces femmes et leurs familles s'adressent à nos organisations communautaires membres partout au pays pour obtenir de l'aide.

    On trouve déjà dans la collectivité les compétences et les capacités pour soutenir et défendre ces femmes. Seulement, il existe une espèce de politique officieuse au Ministère qui consiste à soutenir seulement les gros organismes dans le secteur de l'établissement. Les petits organismes et les petites collectivités, qui ont aussi besoin de soutien, sont laissés pour compte.

    Par ailleurs, nous voulons dénoncer à notre tour l'absence de normes et de définitions nationales en matière d'intégration et d'établissement. Le problème s'accentue avec le transfert d'une plus grande part de responsabilité aux gouvernements provinciaux. Les migrants et les immigrants devraient avoir accès au même niveau et aux mêmes types de services, où qu'ils se trouvent au Canada.

    L'accès à ces services devient de plus en plus difficile à mesure que les gouvernements, je le répète, resserrent les critères d'admissibilité. La tendance va aux interventions à court terme depuis que l'accent est mis sur l'adaptation, plutôt qu'aux solutions à long terme favorisant l'intégration. Par exemple, en Colombie-Britannique, les jeunes qui arrivent au pays ne sont plus admissibles aux services d'établissement. Or, l'expérience nous a démontré que les jeunes Philippins doivent se battre contre d'importants obstacles à leur pleine intégration dans la société canadienne, dans les domaines notamment de l'éducation et de l'emploi, de même que dans leur vie sociale et culturelle. De telles conditions auront des conséquences majeures à long terme pour la société canadienne.

    Enfin, nous affirmons encore une fois qu'il faut demander l'opinion des collectivités et des organismes communautaires dans le processus d'évaluation des programmes d'établissement. Nous voulons contribuer de façon significative. Nous voulons faire part au Ministère de la réalité vécue par notre collectivité. Nous avons soutenu et réalisé des recherches communautaires mais, trop souvent, on nous évince du processus d'évaluation des services d'établissement et des autres programmes de CIC.

    Voilà l'essence de mes commentaires. Merci encore de m'avoir donné la parole.

¸  +-(1410)  

+-

    Le président: Merci. Nous vous réservons aussi des questions, j'en suis certain.

    À titre d'information, je souligne que le dernier budget prévoit 41 millions de dollars de plus pour faciliter l'intégration d'immigrants qualifiés dans le marché canadien et dans notre société. Je n'ai pas eu le temps de faire le tour de la question mais, selon toute apparence, le message fait son chemin. Je le souligne de nouveau, nous examinerons les questions relevées par nos témoins, mais notre rapport au ministre sur les programmes d'établissement...

    Sophia.

¸  +-(1415)  

+-

    Mme Sophia Leung (Vancouver Kingsway, Lib.): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier tous nos témoins de leurs commentaires très judicieux.

    Quelques-uns d'entre vous nous ont parlé de leurs préoccupations concernant le financement. Nous comprenons que, chaque année, le gouvernement fédéral transfère à la Colombie-Britannique 45 millions de dollars environ pour l'établissement. Un aspect m'échappe, et non le moindre: comment sont choisis les bénéficiaires de subventions? En fait, je m'interroge sur les fondements et les critères de sélection. Est-ce que vous, ou d'autres organisations présentes aujourd'hui, recevez de telles subventions?

+-

    Le président: Très bonne question.

+-

    Mme Sophia Leung: Vous avez fait état de certaines réserves au sujet des paiements de transfert du fédéral.

+-

    Le président: Au profit du comité, je précise la question de Sophia: quelle part des transferts d'Ottawa est utilisée par la Colombie-Britannique? Peut-être pouvez-vous nous éclairer sur la source de votre financement. L'argent vient-il du fédéral ou du provincial? Nous aimerions avoir un bref aperçu de la structure de financement en Colombie-Britannique, qui sera certainement utile à tous les membres du comité.

+-

    M. Chris Friesen: En Colombie-Britannique, depuis la conclusion de l'accord en 1997, environ 38 millions de dollars ont été transférés du fédéral au provincial, par l'entremise du Ministry of Community, Aboriginal and Women's Services.

    La moitié de l'argent est répartie entre quatre groupes de programmes, soit les équivalents du PEAI, du Programme d'accueil et du CLIC; l'autre moitié se trouve dans le compte des recettes générales consolidées. Les groupes communautaires s'inquiètent de la confusion qui règne autour des méthodes d'affectation des crédits. Nous savons que 13 millions de dollars ont été versés au Collège communautaire de Vancouver, campus King Edward.

    Nous ne savons pas quels programmes sont subventionnés. Comme nous sommes des organismes communautaires, nous ne pouvons pas, du fait de la confusion, orienter les clients vers les programmes qui pourraient les aider. On nous a dit par ailleurs que les sommes déposées dans le compte des recettes générales consolidées sont affectées à des programmes d'emploi, vraisemblablement par la voie d'un transfert de Community, Aboriginal and Women's Services à Human Resources. Là encore, en ne sachant pas quels programmes d'emploi sont subventionnés, il nous est impossible d'y diriger nos clients.

    Essentiellement, les organismes communautaires ne demandent pas une augmentation des subventions. La question n'est pas là. Nous aimerions que le voile soit levé pour nous permettre de mieux orienter et de mieux soutenir la clientèle de nos organismes.

+-

    Le président: Recevez-vous de l'argent directement du gouvernement fédéral ou par l'entremise des transferts à la province?

+-

    M. Chris Friesen: Je vais changer de chapeau, pour vous répondre à titre de membre de l'équipe de la haute direction de la Immigrant Services Society of B.C. Cet organisme reçoit du financement du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, dans le cadre du PAR. Nous sommes en fait le seul et unique fournisseur de services contractuel habilité à offrir le PAR en Colombie-Britannique.

    L'AMSSA reçoit de l'argent du fédéral et du provincial, pour divers projets, de la division de l'établissement et du multiculturalisme de Community, Aboriginal and Women's Services, et d'ailleurs aussi—de Patrimoine canadien. À cause des transferts au gouvernement provincial, outre le programme PAR et le programme d'accueil à l'aéroport, administré avec succès, aucun organisme communautaire sans but lucratif ne reçoit de financement direct de CIC. L'argent transite maintenant par les coffres du gouvernement provincial.

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Si vous me permettez, je voudrais reprendre un commentaire déjà formulé par Chris, je crois, au sujet des petits organismes et des petites collectivités. Le Filipino Women's Centre—je change de chapeau à mon tour—ne reçoit aucune subvention, mais nous avons conclu un partenariat avec l'organisme Service social international, SSI. Seulement 1,5 employé, dans toute la région du Lower Mainland, fournit des services d'établissement à la communauté philippine. Nous partageons en effet un poste avec SSI. À l'origine, ce poste était voué exclusivement à l'examen des problèmes et des besoins des employées de maison philippines. Les changements aux critères d'admissibilité remettent actuellement ce poste en question.

    Pour ce qui est de votre question sur les changements aux critères provinciaux, Sophia, Chris sera mieux placé pour vous répondre. À notre avis, il deviendra encore plus difficile pour un petit organisme comme le nôtre d'avoir accès au financement si la répartition se fait, par exemple, par appel d'offres et de soumissions, un modèle très éloigné du modèle de financement de base pluriannuel. Les petits organismes devront lutter bec et ongles pour obtenir du financement et, une fois de plus, il faudra se retourner vers la collectivité pour ce genre de services. La situation s'annonce inquiétante.

¸  +-(1420)  

+-

    Le président: Avez-vous une question, Sophia?

+-

    Mme Sophia Leung: Quand le gouvernement fédéral transfère de l'argent à la province, avez-vous accès à un processus ouvert de soumission ou de concours, ou devez-vous recommencer? J'ai eu vent de la liste des favoris dressée par le NPD voilà quelques années. Le concours est-il ouvert, ou pouvez-vous faire une demande?

+-

    M. Chris Friesen: Le transfert du fédéral à la province englobait en grande partie les fonds affectés aux fournisseurs de services contractuels, de sorte que du jour au lendemain, nous relevions du provincial et non plus du fédéral. Le financement des fournisseurs de services contractuels autorisé avant 1997 a été maintenu en très grande partie.

    Toutefois, l'intérêt du gouvernement provincial à l'égard d'une formule concurrentielle de demandes de propositions, qui serait orchestrée par ce qu'on a appelé le bureau gouvernemental des soumissions de la Colombie-Britannique, risque d'hypothéquer lourdement l'ensemble du secteur. Un organisme du genre est déjà à l'oeuvre à Kelowna. On s'inquiète beaucoup de la durabilité à long terme non seulement des petits organismes, mais aussi des fournisseurs de services actuellement sous contrat qui accomplissent ce travail, dans certains cas, depuis plus de 30 ans.

+-

    Le président: Libby.

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Tout d'abord, merci de vous être déplacés. Cette discussion sur les services d'établissement est cruciale.

    Selon mon expérience, l'enjeu est énorme. La plupart des groupes de ma connaissance, dont beaucoup se trouvent dans l'est de Vancouver, sont débordés. Chacun fait de son mieux pour répondre aux demandes de services sans cesse croissante. Je ne m'avancerais pas pour les autres régions, mais je sais que c'est ce qui se passe dans l'est de Vancouver, où se trouvent beaucoup de ces groupes.

    En quelque sorte, la réponse à la question est toute trouvée pour ce qui est de l'accord de 1997, qui était censé augmenter les normes relatives à l'imputabilité et favoriser la décentralisation. Il est extrêmement choquant d'entendre que la moitié de l'argent a été déposée dans les recettes générales consolidées, et que ce montant a été diminué de 7 millions de dollars par année.

    J'ai une question générale pour vous tous: quels ont été les résultats concrets de cet accord pour vos organismes? Avez-vous constaté une amélioration au cours des quatre ou cinq dernières années? Chris, vous affirmez dans votre mémoire que votre organisme voit d'un bon oeil l'examen national en cours. Cependant, il semble que quelques groupes seulement reçoivent de l'argent du fédéral. Je ne peux présumer des suites de cet examen; peut-être aura-t-il des répercussions sur les transferts à l'échelon provincial. Pouvez-vous me donner une réponse?

    En fait, je veux connaître votre expérience par rapport à cet accord, qui devait en théorie augmenter les exigences relatives à l'imputabilité et à la transparence, améliorer les services, etc. A-t-il rempli ses promesses? Si non, quels sont les aspects à améliorer, du point de vue du fédéral notamment, et que faut-il faire? Faut-il sabrer dans cet accord parce qu'il ne fonctionne tout simplement pas? Faut-il mettre des règles en place? Ce sont des critiques très généralisées à l'endroit des accords fédéral-provincial: la plupart ne reposent sur aucune règle. Le problème ne touche pas seulement les services d'établissement des immigrants: on le constate aussi dans le domaine des garderies et bien d'autres, dans le secteur du logement notamment.

    C'est ce que je veux savoir. Quelle a été votre expérience? Que devrait faire le fédéral pour régler les problèmes, pour garantir un certain degré de responsabilité et d'imputabilité, pour éviter que la situation ne dégénère complètement? L'objectif était d'améliorer le paysage, pas de faire couler le bateau.

¸  +-(1425)  

+-

    Le président: Layne, puis Lauren.

+-

    M. Layne Kriwoken: Je ne suis pas sûr de bien comprendre où le gouvernement fédéral veut en venir.

    Mes commentaires seront brefs. Je parle du point de vue d'un membre d'une association professionnelle qui, comme nous l'avons déjà mentionné, a connu une croissance constante depuis douze ans, dont les dix premières uniquement grâce aux efforts des bénévoles. Ces dernières années, nous avons bénéficié de subventions minuscules du gouvernement provincial, qui nous ont cependant beaucoup aidés.

    Il est plutôt irritant relever d'un ministère dont le titre ne mentionne même pas notre secteur—je parle du Ministry of Community, Aboriginal and Women's Services. Je ne vous cache pas notre inquiétude par rapport au rang de priorité qu'occupe le financement de notre secteur. Quoi qu'il en soit, pour en revenir à notre mission, les services d'établissement font partie intégrante de la collectivité.

    En notre qualité d'association professionnelle, nous sommes inquiets que la moitié de l'argent se trouve dans le compte des recettes générales pour être affectée aux services. Il existe des services généraux, notamment dans les domaines de l'emploi et même de l'éducation, comme l'a mentionné Chris, mais quelle expertise et quels services s'adressent exclusivement aux immigrants et aux réfugiés?

    Troisièmement, comme l'a affirmé Ning, l'action du gouvernement provincial est axée sur l'assimilation comme première étape à court terme et sur l'adaptation en deuxième lieu; à ses yeux, la troisième étape, celle de l'intégration, est l'affaire du fédéral. À notre grand dam, on nous apprend que le gouvernement fédéral a donné tout l'argent au gouvernement provincial et que c'est à lui qu'il faut s'adresser pour ce qui est des services d'intégration. Nous nous retrouvons donc entre l'arbre et l'écorce.

    Enfin, j'aimerais ajouter que le fait ne travailler avec le gouvernement provincial et le Ministère comporte aussi des aspects positifs. On y apprécie notre collaboration et on nous invite à diverses tribunes, nos commentaires sont entendus et on nous demande de consulter les travailleurs de première ligne pour transmettre leurs commentaires. L'exercice a eu de très bons résultats pour l'ensemble des acteurs. Nous l'apprécions beaucoup.

+-

    M. Chris Friesen: Si vous demandez aux membres d'une collectivité quelle est leur principale difficulté, ils vous répondraient qu'ils veulent surtout savoir où va l'argent déposé dans le compte des recettes consolidées. Nous voulons savoir exactement quels programmes et quelles institutions sont subventionnés avec cet argent, pour être en mesure d'aiguiller le plus efficacement possible nos clients vers ces programmes. C'est le premier point litigieux.

    Je précise que, dans son mémoire, l'AMSSA donne son adhésion à l'examen que fait le fédéral des mécanismes nationaux de financement, ce qui représente 172 ou 173 millions de dollars, dont plus ou moins 38 millions sont versés à la Colombie-Britannique. Compte tenu des réductions, il faut revoir tout cela.

    C'est le premier pas. Nous voulons savoir où va l'argent.

    Vous connaissez notre historique, ici en Colombie-Britannique. Compte tenu de la conjoncture politique et des conditions extrêmes qui caractérisent la Colombie-Britannique, je ne sais pas si les gens vous diraient, avec le recul, que la signature de l'accord a été une bonne chose. Nous avions fait un bout de chemin avec le gouvernement précédent, mais nous avons dû changer de cap et repartir dans une toute autre direction.

    Nous sommes des fournisseurs de services aux immigrants et aux réfugiés. Nous devons toutefois composer avec les nouvelles orientations du gouvernement provincial, qui nous propose entre autres un processus concurrentiel de demandes de propositions, un précédent pour les programmes d'établissement et de langues.

¸  +-(1430)  

+-

    Le président: Nous n'avons jamais fait ce transfert et nous en sommes fort heureux. Selon ce que j'en comprends, tous les projets administrés par les provinces ont tourné au cauchemar parce que l'argent n'allait jamais là où il était prévu qu'il aille.

    Leah, vous aviez un commentaire?

+-

    Mme Libby Davies: Monsieur le président, pourrais-je poser une question pour le comité? Est-il possible de faire un suivi sur cette question? Si nous ne connaissons pas les résultats de cet accord avec la Colombie-Britannique, ou avec une autre province, peu importe, si nous ne savons pas où va la moitié de l'argent—est-il possible que le comité fasse le suivi, du moins pour ce qui est de la partie fédérale de l'accord?

+-

    Le président: Il est fort probable que le rapport réponde à cette question. Bien entendu, si le gouvernement fédéral a affecté des sommes au provincial et que nos témoins nous affirment qu'ils ne savent pas où l'argent est rendu ou qu'il n'a pas été affecté aux domaines auxquels il était destiné, notre rapport en fera état.

    Recevez-vous de l'argent, Leah?

+-

    Mme Leah Diana: Non, rien du tout. Nous avons déjà reçu une subvention à court terme et une subvention unique pour un projet, mais nous ne recevons rien pour le fonctionnement courant de nos programmes communautaires.

+-

    Le président: Ning.

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Nous fonctionnons uniquement sur la base de notre partenariat avec le SSI. Nous craignons une réelle détérioration de nos services. Nous nous sommes tellement débattus pour créer ce seul poste, qui se trouve actuellement à risque.

    Le paradoxe provient de ce que la demande augmente et de ce que les statistiques démontrent que notre existence est justifiée. Pour ce qui est de l'accord, il nous apparaît primordial que le fédéral le révise et qu'il énonce des normes nationales. Notre expérience se limite à la Colombie-Britannique, mais nous savons que, ailleurs au Canada, très peu d'intervenants en établissement, voire aucun dans certaines provinces, sont au service de la collectivité philippine. Cette situation doit...

+-

    Mme Libby Davies: Les fournisseurs de soins ne bénéficient d'aucun service d'établissement. Relèvent-ils du provincial ou du fédéral?

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Du provincial.

+-

    Mme Libby Davies: C'est une autre question. Pourquoi ces réductions?

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Parce que l'accent est mis maintenant sur l'adaptation des immigrants et des réfugiés nouvellement arrivés. Les populations de migrants, telles les employés de maison étrangers et vraisemblablement d'autres travailleurs étrangers temporaires, ne seront pas admissibles. Cette situation va à l'encontre des objectifs de CIC concernant l'élaboration de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés, l'expansion du Programme concernant les travailleurs étrangers temporaires et l'accueil de main-d'oeuvre qualifiée sur une base temporaire, à qui l'on permettrait de demander le statut de résident permanent. Pourquoi ne pas leur fournir des services d'établissement dès le départ, quand ils sont ici? Leurs familles les suivront. C'est une hérésie, à notre point de vue et selon notre expérience.

+-

    Le président: Je me permets de vous souligner que le budget fait grand cas de l'imputabilité, de la transparence, et autres questions du genre. Si tout le monde veut savoir où l'argent va, non seulement dans le domaine de la santé mais dans d'autres secteurs aussi, peut-être obtiendrons-nous gain de cause.

    Louis, parlez-nous de la performance du Québec.

+-

    M. Louis Plamondon: [Note : Compte tenu de difficultés techniques, cette traduction est fidèle à l'interprétation.]

    Pour poursuivre sur cette question, j'hésite à parler de la situation dans les provinces. J'ai beaucoup trop de respect pour les provinces pour affirmer que le gouvernement fédéral devrait contrôler leurs faits et gestes. Le fédéral a trop tendance à mettre son nez dans les affaires des provinces. Il l'a fait dans le domaine de la santé, ainsi que dans le domaine de l'éducation. Nous devons cependant demander aux provinces pourquoi elles agissent comme elles le font. Nous devrions les inviter à témoigner. Nous devrions demander aux gouvernements provinciaux de venir nous expliquer comment ils dépensent l'argent, parce qu'ils en reçoivent. Les universités reçoivent aussi de l'argent des provinces, pour certains services.

    Je crois donc que les provinces devraient établir des priorités. Je ne suis pas d'accord pour qu'on les mette à procès. En fait, le gouvernement fédéral est très mal placé pour mettre son nez dans les domaines qui ne relèvent pas de sa compétence et qui ne le concerne en rien.

    [Note : Fin de l'interprétation.]

    

¸  +-(1435)  

+-

    Le président: Certains ne l'ont pas fait. Cependant, je ne vois rien de mal, pour reprendre votre suggestion, à expédier une lettre leur demandant de nous préciser comment ils dépensent l'argent du fédéral. Je suis d'accord.

    Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Merci.

    Puisque nous abordons cette question, j'aimerais savoir si les choses changent quand le gouvernement provincial change, de NPD à libéral, par exemple, ou si c'est un problème de longue date en Colombie-Britannique, point à la ligne? Pour être plus précise, en était-il ainsi au début du programme, ou s'agit-il seulement...

+-

    M. Chris Friesen: Pour ce qui est de la moitié de l'argent versée dans le compte des recettes générales, cette somme s'y trouve depuis le tout début.

+-

    Mme Lynne Yelich: Dans les comparaisons dont vous rendez compte dans votre petit rapport, ou dans votre gros bulletin, Chris, vous avez omis le Québec. J'aurais beaucoup aimé voir des comparaisons avec les résultats atteints là-bas, où le programme est apparemment de beaucoup supérieur.

    Y a-t-il des parties de ce bulletin qui pourraient servir en Saskatchewan? Vous nous donnez des statistiques, mais s'agit-il de votre principal message, outre votre conclusion sur notre piètre performance? Le nombre d'immigrants entrant au pays est-il en cause? Je pressens que nous avons des difficultés non pas parce que nous accueillons trop d'immigrants, mais bien parce que c'est notre économie qui pose problème.

    Quel message faut-il tirer de votre bulletin?

+-

    M. Chris Friesen: Ils sont multiples. Premièrement, nous voulions faire état de notre inquiétude par rapport à la disparité des services au Canada. En Colombie-Britannique, les cours d'anglais subventionnés se donnent jusqu'au niveau trois. Au Manitoba, les immigrants peuvent suivre des cours d'anglais jusqu'à ce qu'ils soient pleinement fonctionnels dans cette langue. Dans la région de l'Atlantique, les immigrants peuvent aller jusqu'au niveau six.

    L'aspect le plus important à retenir pour vous est la conclusion du gouvernement fédéral à l'égard de la nécessité de normes, l'un des fondements d'un cadre de politique sur l'établissement des immigrants. Où qu'ils se trouvent au Canada, les immigrants devraient avoir accès aux mêmes programmes et aux mêmes services, ce qui est loin d'être le cas actuellement.

    Il faut par ailleurs se pencher sur la question du mode de financement national. Si nous tenons compte du fait que les immigrants et les réfugiés paient largement pour les services qu'ils reçoivent quand ils règlent leurs droits d'établissement... Ainsi, nous ne voyons aucun signe d'amélioration des programmes et des services susceptibles de favoriser leur intégration au marché du travail. Cette question nous préoccupe au plus haut point: il manque de financement pour assurer l'intégration des immigrants et des réfugiés dans les collectivités.

    Pour en revenir à la Saskatchewan et à la question du mode de financement national, la situation là-bas justifie tout autant un changement. Il faut établir un seuil valable partout au Canada. Dans le cas de la Saskatchewan, les fournisseurs de services contractuels ont subi une diminution de 30 p. 100 de leur financement sur une période de 3 ans, ce qui est inacceptable. Si nous visons l'augmentation de la capacité des régions rurales à accueillir des immigrants, il faut fournir aux collectivités les outils pour favoriser leur établissement et leur intégration.

    Bref, nous préconisons un changement radical dans la répartition du financement aux régions et aux provinces, pour garantir un financement minimal et durable, essentiel au maintien des contrats actuels, des fournisseurs et des services eux-mêmes. À ce financement de base doit s'ajouter du financement additionnel qui serait fonction des taux réels d'établissement. Il est impossible de fonder les affectations uniquement sur la base des établissements: le Yukon recevrait 5 000 $ et la Saskatchewan, 1 million peut-être. C'est impossible au regard du principe de la prestation de services comparables.

¸  +-(1440)  

+-

    Mme Lynne Yelich: J'aimerais avoir l'opinion de chacun des témoins sur la proposition de Denis Coderre de disperser les immigrants ailleurs que dans les trois grands centres, soit Vancouver, Montréal et Toronto. Que pensez-vous de cette proposition?

+-

    M. Layne Kriwoken: Je vais tenter d'être bref. Le commentaire de Chris au sujet de la nécessité d'établir une norme nationale en matière de services mérite vraiment qu'on s'y attarde. Il est impossible d'estimer le coût par personne. Par exemple, il se peut qu'une province comme la Saskatchewan, où les coûts seront substantiellement plus élevés pour fournir des services répondant à la même norme, ait plus de difficulté à attirer les immigrants que Toronto. Il est inutile de forcer des néo-Canadiens à déménager à un endroit désigné: il vaut mieux leur offrir des services de la même qualité partout, et ils iront là où ils trouveront ces services.

    Quand je retourne dans ma famille en Saskatchewan, je suis toujours étonné de constater le nombre de nouveaux entrepreneurs dans les petites collectivités qui sont de nouveaux immigrants qui ne reçoivent aucun service de soutien. Au nom de notre association professionnelle, je soutiens qu'il est inutile d'imposer un lieu d'établissement aux néo-Canadiens: il suffit de leur fournir des services partout au pays pour les attirer vers de nouvelles régions.

+-

    Le président: Me permettez-vous de poursuivre sur une question qui recèle une extrême importance pour nous?

    En passant, la Colombie-Britannique reçoit 50 503 000 $ et la Saskatchewan, 4 789 000 $. En Colombie-Britannique—vous avez tous les chiffres dans vos documents. Ils valent pour 2001 à 2002—à titre d'information seulement: le PEAI a reçu 308 000 $; le Programme d'accueil n'a rien reçu, le CLIC non plus; le PAR a reçu 5 871 000 $, et les transferts aux provinces et au titre d'autres accords s'élevaient à 44 324 000 $.

    Chris, même si ça ne semble pas tout à fait exact, vous nous avez dit que la moitié des 38 millions, ou peu importe la somme, avait été affectée et que l'autre moitié se trouvait encore dans les recettes consolidées, selon ce que vous en aviez compris. C'est exact?

+-

    M. Chris Friesen: Oui.

+-

    Le président: Bon, ce n'est pas tout à fait la moitié; en fait, la moitié de la moitié n'a pas été allouée.

+-

    M. Chris Friesen: Il s'agit de 38 millions de dollars divisés par 2, soit 19 millions dans le compte des recettes générales, dont l'utilisation est très nébuleuse. Les autres 19 millions sont affectés à des programmes comme le PEAI, le Programme d'accueil et CLIC.

+-

    Le président: Le comité essaie de comprendre, entre autres— nous en avons entendu parler par d'autres sources et par certains d'entre vous—votre besoin de financement durable à long terme, et le fait que vous ne pouvez pas fonctionner sur une base de financement annuel. Dans certains cas, le processus d'intégration peut prendre non pas entre un et trois ans, mais bien entre trois et cinq ans, j'en suis très conscient.

    On entend parler partout d'un modèle national holistique. Nous devons bien comprendre ce que cela signifie parce que le pays encaisse 170 millions de dollars en droits d'établissement, alors qu'il en dépense 333 millions pour la prestation de divers programmes d'établissement à l'échelle nationale. Nous voulons comprendre ce qu'est ce modèle national dont vous nous parlez. Pouvez-vous être plus précis, en vous inspirant des rétroactions que vous avez reçues, sur ce que devrait comprendre un modèle national, en tenant compte des différences entre chaque immigrant et des différents rôles que peuvent jouer les provinces et les collectivités, par la voie de leurs diverses organisations? Nous voulons bien comprendre avant de faire des recommandations. Je ne crois pas qu'il s'agisse seulement d'augmenter le financement de ces trois programmes qui, si je me fie à vous, fonctionnent tous très bien, ni de déterminer combien d'argent sert pour l'administration. Je veux m'assurer de comprendre comment serait conçu un modèle efficace, pour que nous puissions faire une recommandation qui ne touchera pas uniquement la question financière, mais aussi les facteurs essentiels au fonctionnement plus efficace du programme.

    Je vais donner un exemple. Je suis estomaqué, Leah, que votre organisme ne reçoive pas d'argent pour l'intégration des femmes engagées pour donner des soins de santé. Elles signent un contrat et, deux années après, la plupart, c'est du moins ce que je crois vous avoir entendu dire, Ning, resteront—aucun programme ne s'adresse à elles. Est-ce parce que vous n'avez pas fait de demande?

    Y a-t-il moyen d'insérer dans l'entente contractuelle avec l'employeur une clause prévoyant que les aides familiaux résidants doivent suivre des cours d'anglais langue seconde, ou d'autres clauses du genre? Avez-vous tenté d'intégrer de tels éléments dans un programme? Ou vos tentatives ont-elles échoué parce que, pour reprendre vos paroles, ces femmes sont considérées comme travailleuses temporaires et, de ce fait, non admissibles à aucun des programmes dont les intervenants nous ont parlés aujourd'hui?

¸  +-(1445)  

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Nous avons lutté et nous avons même engagé un employé chargé d'évaluer les besoins des aides familiaux résidants. Cependant, ce poste est en péril en raison des modifications aux critères d'admissibilité en Colombie-Britannique, que le gouvernement a apportées parce qu'il veut se concentrer sur les immigrants et les réfugiés, en faisant abstraction des migrants. Or, les employés de maison sont des migrants.

    Nous avons bel et bien soumis des demandes de financement, et nous avons tenté de faire reconnaître les services que nous fournissons sur une base bénévole. Le problème est que ces employés ne sont pas admissibles par suite des vagues de compression dans les services. Les autorités semblent considérer qu'elles peuvent se passer de nous.

+-

    Le président: Vous savez cependant que l'objectif fondamental de notre politique d'immigration, qui a été recommandé par le comité, visait à faire venir les immigrants comme travailleurs temporaires. De cette façon, ils peuvent prendre le pouls du pays, travailler ici, acquérir de l'expérience puis faire une demande sans être obligés de quitter puisqu'ils font partie de la catégorie des demandeurs au Canada.

    Selon moi, peu importe la catégorie dont ils font partie, même s'ils arrivent ici comme travailleurs temporaires, comme employés de maison ou sous quelque statut que ce soit, les immigrants devraient avoir accès à des programmes de réétablissement, qui favorisent leur intégration et leur permettent de progresser.

    Êtes-vous d'accord?

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Oui, vous avez raison, mais il n'existe rien de tel.

+-

    Le président: D'accord.

+-

    M. Chris Friesen: La vision que vous recherchez... de façon générale, les voies de financement diraient les gens de l'AMSSA... soit l'équivalent du PEAI, du Programme d'accueil et des services linguistiques sont des programmes somme toute assez bien structurés. Le gros problème et la principale lacune visent le CALS. C'est vraiment un gros problème. Si nous voulons que les immigrants et les réfugiés qui entrent sur le marché du travail y réussissent, il faut mettre en place un CALS d'un niveau supérieur, et à l'échelle du pays.

    Il y a une autre grande question à laquelle on ne s'attaque pas avec la même énergie dans l'ensemble du pays. C'est la question des programmes d'emploi, préalables à l'emploi et d'aide à l'emploi destinés à aider les immigrants et les réfugiés à acquérir les compétences, à s'informer sur les possibilités et les postes définitifs ainsi que sur les programmes de subvention salariale destinés à leur procurer une expérience de travail le plus tôt possible.

    Nous voulons parler d'une prestation de services sans interruption, d'un continuum de services à partir de l'évaluation initiale. Donc, de l'évaluation de la langue maternelle jusqu'à l'orientation vers les services linguistiques à un niveau qui permette aux candidats de devenir fonctionnels en anglais ou en français puis, de passer des services linguistiques jusqu'à ce que l'on appelle communément la formation linguistique liée au marché du travail. Il s'agit de la formation spécialisée en fonction du marché du travail. À partir de là, on passe à l'orientation vers les programmes d'aide à l'emploi ou préalables à l'emploi, afin que les immigrants ou réfugiés soient convenablement évalués et dirigés durant toutes les étapes du processus, à partir du moment où ils arrivent jusqu'à ce qu'ils aient trouvé un emploi décent.

+-

    Le président: Bien, c'est précisément ce que j'aimerais voir. Notre comité n'a pas l'intention de déposer son rapport avant un certain temps parce que, comme je l'ai mentionné, nous voulons vraiment discuter avec d'autres représentants du Ministère. Mais, si vous pouviez développer un peu ce modèle, peut-être le chiffrer--je ne sais pas--en fonction de certains éléments de cette intégration, à partir du moment où les immigrants arrivent au pays jusqu'à celui où ils sont entièrement intégrés à un emploi.

    Vous avez déjà dit que des consultations nationales se poursuivent avec des représentants de CIC concernant un nouveau modèle de financement national. J'aimerais savoir si vous leur avez fourni de l'information, et si c'est le cas, pourriez-vous nous la transmettre ou alors nous expliquer en quoi consiste ce nouveau modèle.

+-

    M. Chris Friesen: À la Chambre.

+-

    Le président: À la Chambre. Oh, non! Dans ce cas, vous pourriez nous fournir quelques explications tout à l'heure, avec l'aide de vos collègues. Je pense que les autres membres du Comité l'apprécieraient énormément.

    Y a-t-il d'autres questions?

    S'il n'y en a pas, je vais vous remercier beaucoup, non seulement pour votre travail, mais aussi pour les impressions et les idées que vous avez échangées avec nous. Nous avons beaucoup apprécié.

    Le Comité va faire une pause d'environ 15 minutes et nous reviendrons pour parler un peu de la carte d'identité nationale durant la prochaine partie de l'audience.

¸  +-(1450)  


¹  +-(1510)  

+-

    Le président: [Note de la rédaction: Inaudible]

+-

    M. Darrell Evans (directeur général, "BC Freedom of Information and Privacy Association"): [Note de la rédaction: Inaudible] ... Comme vous le savez, je m'appelle Darrell Evans et je suis le directeur exécutif de la FIPA.

    La FIPA est un organisme sans but lucratif qui a été constitué en société en 1991 en vue de défendre les principes de la liberté de l'information et de la protection de la vie privée au Canada. Nous sommes le seul groupe du genre au Canada qui se consacre uniquement aux questions entourant la liberté de l'information et la protection de la vie privée, même si nous nous efforçons d'élargir notre cadre. En effet, nous essayons de recruter d'autres groupes dans l'ensemble du pays. Nos partisans englobent un éventail d'organisations et de particuliers, y compris des personnes oeuvrant dans les secteurs juridique, commercial, syndical, universitaire, médiatique et des organismes sans but lucratif.

    Nos activités comprennent notamment la recherche, l'éducation du public, les campagnes de réforme du droit et peut-être le plus important, l'aide que nous offrons au grand public au moyen de questions et de plaintes concernant la protection de la vie privée et l'accès à l'information.

    J'ai pris connaissance de quelques exposés et déclarations qui ont été présentés devant votre Comité, aussi je sais que vous avez entendu beaucoup d'arguments convaincants contre la proposition visant à instaurer une carte d'identité nationale, notamment de la part de témoins comme le commissaire à la protection de la vie privée de la Colombie-Britannnique, qui est venu témoigner hier à ce qu'il me semble. J'ai lu son exposé, aussi je n'ai pas l'intention de reprendre beaucoup de ces arguments rationnels.

    Étant donné le peu de temps qui m'est alloué pour témoigner, je vais m'en tenir principalement à ce qui me tient le plus à coeur, c'est-à-dire les objections philosophiques ou de principe à la carte d'identité nationale. Notre groupe vous présentera un témoignage plus étoffé à une date ultérieure.

    L'idée d'instaurer une carte d'identité nationale fait régulièrement surface chez les Canadiens, tant à l'échelle de l'administration fédérale que des provinces. Et elle continuera de le faire parce qu'elle est motivée par la bureaucratie qui réclame les connaissances, l'efficacité et le contrôle. C'est naturel et inévitable parce que les fonctionnaires qui servent l'intérêt public par l'entremise de buts et d'objectifs autorisés chercheront toujours à atteindre ces buts avec le plus d'efficacité et d'efficience possible. Voilà ce que j'appelle la dynamique bureaucratique à l'origine du mouvement en faveur de l'instauration de la carte d'identité.

    Tout aussi inévitablement, les défenseurs de la vie privée et autres avocats des libertés civiles comme moi vont surgir pour s'opposer à des programmes comme celui de la carte d'identité nationale en faisant valoir qu'il risque de porter atteinte à notre vie privée et à notre liberté et qu'il va à l'encontre du style de vie canadien.

    L'idée d'une carte d'identité nationale est mise de l'avant pour résoudre des problèmes d'inefficacité, de fraude et de sécurité, mais il s'agit d'un exemple classique d'une situation où la solution envisagée est pire que le problème. C'est la raison pour laquelle elle est si impopulaire et n'a jamais été acceptée en Amérique du Nord.

    Comme vous le savez, beaucoup de pays européens et asiatiques ont instauré diverses versions de cette carte, mais l'Europe est très différente de l'Amérique. J'affirme sans crainte de me contredire qu'une carte d'identité nationale irait à l'encontre des traditions philosophiques, politiques et juridiques du Canada et des États-Unis.

    J'aimerais citer un court article publié dans les Pays-Bas qui montre bien à quel point nous les Nord-Américains sommes loin de la tradition européenne. C'est un extrait du magazine Statewatch:

Dans le futur, la police des Pays-Bas sera autorisée à demander à quiconque est âgé de plus de 12 ans de montrer ses papiers d'identité. La personne qui refusera de s'exécuter sera passible d'une peine d'emprisonnement d'un maximum de deux mois ou d'une amende pouvant atteindre 2 250 euros. La police aura le pouvoir de d'exiger la présentation de pièces d'identité dans le cadre de ses activités régulières, et plus particulièrement pour des enquêtes relatives à des infractions au criminel, le maintien de l'ordre et l'assistance à personne en difficulté. Les responsables de la supervision administrative obtiendront les mêmes pouvoirs afin de faciliter l'application de la loi.

    Je ne sais pas ce que vous en pensez, mais la lecture de cet article me donne la chair de poule, et plus particulièrement la dernière phrase: «Les responsables de la supervision administrative obtiendront les mêmes pouvoirs afin de faciliter l'application de la loi.» Cette déclaration sonne affreusement comme celle d'un État policier.

    Cette situation prévaut actuellement aux Pays-Bas, et bien entendu, ce pays est exposé aux mêmes pressions que nous, en Amérique du Nord, depuis le 11 septembre.

¹  +-(1515)  

+-

    L'exemple des Pays-Bas est aussi l'illustration d'une hantise qui finit par se concrétiser inévitablement lorsqu'un pays s'engage sur la voie du système d'identification universel, et de la base de données correspondante. J'appelle cela le phénomène du «champ de rêves» des bases de données: il suffit de la créer, et ils vont arriver. Comme vous pouvez le voir avec l'exemple néerlandais, aujourd'hui, les administrateurs gouvernementaux, sont autorisés, immédiatement après la police, à exiger de plus en plus d'information de la part des citoyens.

    Cela en dit long que les États-Unis, aussi paniqués et déséquilibrés qu'ils peuvent l'être à la suite des événements du 11 septembre, sont tellement inquiets de la réaction qu'ils déclencheraient assurément dans le public s'ils suggéraient l'instauration d'une telle carte que le Congrès a inséré dans sa loi sur la lutte contre le terrorisme le texte suivant: «Rien dans cette loi ne doit être interprété comme donnant l'autorisation de mettre en place un système ou une carte d'identité nationale». Malgré le fait qu'ils ont suspendu des libertés civiles, qu'ils ont arrêté des personnes sans détenir de mandat et les ont détenues sans les inculper, malgré tout cela, ils décident d'insérer une ligne pour bien marquer qu'il ne s'agit pas d'imposer la carte d'identité.

    Est-ce que nous, en tant que Canadiens, sommes moins portés à défendre nos libertés civiles ou moins inquiets des possibilités d'abus de pouvoir de la part de l'État? Peut-être un peu, oui, mais j'affirme que dans n'importe quel débat public assez large et bien informé nous nous poserions fermement comme étant opposés à l'idée de l'instauration d'une carte d'identité nationale.

    Le ministre Coderre a présenté plusieurs arguments en faveur de la carte d'identité nationale et j'ai l'intention d'en reprendre quelques-uns. Premièrement, il a suggéré que ce serait une mesure préventive destinée à répondre aux exigences des Américains qui menacent d'obliger tous ceux qui veulent entrer chez eux à faire prendre leurs empreintes aux frontières. M. Coderre a déclaré: «Si nous pouvons nous équiper de la technologie et disposer de nos propres scanners, nous pourrons au moins dire que nous allons nous occuper de nos ressortissants avec nos propres appareils.» Je pense qu'il a fait cette déclaration devant votre Comité.

    Sauf le respect que je vous dois, je trouve cette attitude offensante. Plutôt que de demander aux Canadiens de se soumettre à encore plus de surveillance et d'indignité à la frontière d'un pays étranger, M. Coderre imposerait à tous les Canadiens encore plus de surveillance et d'indignité. Pour ma part, je préférerais quitter le Canada en tant que citoyen libre et faire prendre mes empreintes et me laisser surveiller à titre de visiteur aux États-Unis plutôt que de me faire traiter comme si j'étais moi-même un visiteur suspect dans mon propre pays.

    Lorsque je dis «traité comme un visiteur suspect», je veux dire traité comme une personne dont l'existence est seulement tolérée par l'État, et non un droit, autrement dit, une personne à laquelle on accorde un privilège tout en lui faisant prendre constamment conscience d'être sous la surveillance étroite du gouvernement. Je n'ai pas à m'en faire, tant et aussi longtemps que je protège mes arrières et que mes papiers sont en ordre dans l'éventualité d'une inspection. Pour moi, cela traduit bien la relation qui existe entre des citoyens et un gouvernement qui exige l'instauration de la carte d'identité nationale. En réalité, cela reviendrait à apposer un code à barres sur chaque personne et nous nous rapprocherions encore plus de cette vision d'un État qui nous considère davantage comme des sujets que comme des citoyens, alors que ce sont eux en fin de compte qui gouvernent vraiment.

    M. Coderre a déclaré: «La plus grande menace à la vie privée est de se faire voler son identité et de constater qu'elle est usurpée par une autre personne.» Voici un deuxième point que j'aimerais aborder. Comme le faisait remarquer un journaliste de la Gazette de Montréal: «C'est une affirmation que seul un membre du gouvernement peut faire. Parce qu'en ce qui me concerne, la pire menace à la vie privée est un vaste registre gouvernemental qui se sert d'une carte à puce pour suivre à la trace chacun de mes mouvements, de mes achats et de mes gestes.» J'approuve complètement cette affirmation.

    Le Ministre n'a pas déclaré que la carte d'identité serait utilisée de cette manière, mais dans ses déclarations publiques jusqu'à maintenant, il n'a pas exclu avec fermeté que ces utilisations pourraient être faites. Nous avons vu comment les buts et les utilisations de la base de données de l'Agence des douanes et du revenu du Canada sur les voyageurs ont été étendus malgré les protestations du contraire de la part du gouvernement.

    Deuxièmement, M. Coderre a fait valoir que la carte d'identité pourrait être un bon moyen de combattre l'usurpation d'identité. Je sais que vous avez entendu bon nombre de critiques à ce sujet et je n'ai pas l'intention de les répéter. Qu'il me suffise de dire que j'approuve ceux qui affirment qu'une carte d'identité nationale serait extrêmement coûteuse, et tout aussi exposée à la fraude, aux abus à l'égard de la vie privée et aux violations de la sécurité que les systèmes d'identification actuels. Selon moi, la carte d'identité nationale ne serait probablement pas plus efficace pour prévenir les crimes que des systèmes jugés beaucoup mieux gérés et plus sûrs comme celui des certificats de naissance, des numéros d'assurance sociale, des passeports et des permis de conduire. Soit dit en passant, je pense que l'amélioration du système d'identification que j'ai mentionné en dernier devrait être une priorité élevée au Canada.

    En ce qui concerne les dangers que comporte une carte d'identité nationale, à mon avis, cette carte deviendrait inévitablement le noyau d'un vaste système de collecte, de couplage et de forage de données sur les Canadiens, comme dans la théorie du champ de rêves dont j'ai déjà parlé, et cela sonnerait le glas de la vie privée au Canada.

    Nous pouvons tous comprendre qu'une base de données d'une telle efficacité représenterait non seulement le rêve, mais la représentation idéale du paradis pour bien des bureaucrates. Nous devrions tous réfléchir au rôle que les bureaucrates, qui ne regardent jamais la situation dans son ensemble, ont joué dans les catastrophes causées par l'homme dans l'histoire. Ils ont réussi à faire arriver les trains à l'heure dans de nombreuses dictatures et il ne fait pas de doute que cette réussite a dû leur procurer un immense plaisir professionnel.

    Des bureaucrates et des comptables compétents sont absolument essentiels à la bonne marche du gouvernement, mais de grâce, ne pensons pas tous comme eux. Il faut aussi envisager la situation dans son ensemble. J'aimerais mettre en garde les politiciens et leur dire que les Canadiens ne sont pas très en faveur des énormes bases de données ou encore du couplage de données les concernant sur une grande échelle par le gouvernement. Il suffit de penser à la controverse suscitée il y a quelques années par la soi-disant base de données de «dictateur» de DRHC qui, comme vous le savez, a été démantelée après ce que je qualifierais de soulèvement public spontané. En effet, ils ont dû répondre à des demandes présentées par 30 000 à 60 000 citoyens qui désiraient obtenir des renseignements à leur propre sujet, et cette pléthore de demandes a pour ainsi dire entraîné la mise à l'arrêt du programme. Je pense qu'ils viennent tout juste de cesser de répondre à ces demandes--plus de deux ans plus tard.

    Comment la proposition relative à l'instauration d'une carte d'identité devrait-elle être jugée? Autrement dit, quels critères devrait-on retenir pour évaluer cette proposition? Pour faire l'analyse de propositions qui mènent à l'intrusion dans la vie privée, en tant que Canadiens, nous devons commencer par les principes constitutionnels enchâssés dans la Charte des droits et libertés. Le droit à la vie privée est important pour notre autonomie personnelle et est également le fondement de notre nation démocratique. Je ne vous ennuierai pas avec une ribambelle de citations de décisions prises par la Cour suprême, mais je vais néanmoins vous remémorer une déclaration que le commissaire à la vie privée vous a déjà faite. Elle est tirée de la décision dans l'affaire Regina c. Dyment.

Prenant sa source dans l'autonomie matérielle et morale de l'être humain, la vie privée est essentielle au bien-être de l'individu. Pour cette seule raison, elle mérite d'être protégée par la constitution, mais elle a aussi une signification profonde pour l'ordre public. Les restrictions imposées au gouvernement en vue de l'empêcher de s'immiscer dans la vie des citoyens sont l'essence même d'un État démocratique.

    Le Commissaire à la vie privée du Canada a aussi mentionné quatre critères, dont je suis convaincu que vous avez entendu parler, à l'aune desquels toute proposition visant à limiter le droit à la vie privée doit être mesurée pour être acceptable. C'est ce que je qualifierais de mesure réelle pour n'importe quelle loi ou proposition risquant d'enfreindre le droit à la vie privée. Premièrement, on doit pouvoir démontrer qu'elle est nécessaire en vue de répondre à un besoin précis. Deuxièmement, on doit pouvoir démontrer qu'elle sera efficace pour atteindre le but visé. Autrement dit, on doit disposer de motifs raisonnables de croire qu'elle améliorera notre sécurité et non seulement qu'elle nous donnera un sentiment de sécurité. Troisièmement, l'intrusion dans la vie privée doit être proportionnelle à l'avantage que l'on en retire sur le plan de la sécurité. Et quatrièmement, on doit pouvoir démontrer qu'aucune autre mesure moins envahissante pour la vie privée ne serait suffisante pour atteindre le même but.

    Nous sommes persuadés que la proposition qui a été faite jusqu'ici ne remplit pas ces conditions. Toutefois, il est impossible de juger une proposition qui est, au moment où l'on se parle, encore tellement vague. Nous sommes impatients d'assister au débat national en profondeur que M. Coderre nous a promis. Les Canadiens n'ont pas eu droit à un débat ouvert et approfondi concernant la possibilité d'instaurer une carte d'identité nationale, et nous croyons que ce serait commettre une grave erreur que de procéder dans le feu de l'action sans avoir pris la peine de tenir un tel débat ou, plus précisément, dans l'atmosphère de peur, de colère et d'hystérie qui a occasionné un tel bouleversement chez nos voisins du Sud.

    Je ne pourrais pas mieux exprimer ma pensée qu'en citant le Conseil ethnoculturel du Canada. Les représentants du Conseil sont venus témoigner devant votre Comité et ils ont conclu leur exposé en ces termes:

Le ministre Coderre et le gouvernement doivent donner l'occasion aux Canadiens de débattre véritablement avant l'introduction d'une carte d'identité nationale obligatoire. Il faut que l'on distribue plus largement la documentation de base sur les justifications de l'instauration de cette carte, en vue d'éduquer le public et d'obtenir un engagement significatif.

    La seule proposition qui, à mon avis, serait supérieure à celle que je viens de vous lire consisterait tout simplement à laisser tomber l'idée dès que possible et à s'attaquer à l'amélioration des systèmes d'identification qui existent déjà sans créer un système d'identification universel pour tous les Canadiens.

    Merci beaucoup.

¹  +-(1525)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Darrell.

    Le prochain témoin est Rachel Rosen.

    Vous êtes de nouveau la bienvenue, Rachel, de l'organisation Grassroots Women.

+-

    Mme Rachel Rosen (coordonnatrice, "Grassroots Women"): Merci. Je suis désolée d'avoir épuisé mon temps si rapidement la dernière fois. Comme je l'ai déjà mentionné, Grassroots Women est un groupe de femmes de Vancouver qui a commencé ses activités en 1995 et qui s'occupe de diverses questions ayant une incidence sur les femmes marginalisées, y compris les problèmes liés à la citoyenneté et à l'immigration, les droits de la personne et les droits à l'égalité.

    En rédigeant cet exposé, nous nous sommes penchées sur le travail que nous accomplissons en matière d'éducation et de défense des droits de nos membres, ainsi que sur la conférence internationale que nous avons organisée en novembre 2002 qui incluait une discussion très détaillée au sujet de l'harmonisation des lois internationales concernant la lutte contre le terrorisme et l'incidence des cartes d'identité nationales déjà mises en oeuvre dans diverses régions et, enfin, sur une consultation que nous avons tenue en février et qui portait précisément sur le projet de loi sur la citoyenneté qui est mis de l'avant ainsi que sur la carte d'identité nationale.

    Nous pensons qu'en adoptant cette carte d'identité nationale, nous réagissons au climat de suspicion et d'hystérie antiterroriste qui prévaut non seulement chez notre voisin du Sud, mais aussi chez nous. Les craintes réelles et même celles fabriquées de toutes pièces que l'on entretient à l'endroit du terrorisme poussent en faveur de ces nouvelles politiques et propositions, comme cette carte d'identité nationale qui aura une incidence extrêmement négative sur nos valeurs canadiennes et sur les citoyens du Canada, de même que sur les immigrants et les migrants qui vivent au Canada, et cela revient à utiliser les tristes événements du 11 septembre comme une justification.

    Un peu plus tôt, je vous ai expliqué que bien des gens nous ont confié qu'ils savaient très peu de choses au sujet de la proposition qui est déposée en vue d'être adoptée. Dans le cadre de nos discussions au sujet de la carte d'identité nationale, et même des recherches que nous avons faites à son sujet, nous avons constaté que nous disposions de très peu d'information à propos du contenu de ce projet. Donc, premièrement, comment avoir véritablement un débat ou une discussion, comme l'a demandé le Ministre, alors que nous disposons de si peu d'information au sujet de ce qui est proposé?

¹  +-(1530)  

+-

    Le président: De ce qui est proposé en vue d'être adopté.

+-

    Mme Rachel Rosen: Ou de ce qui fait l'objet de la discussion, parce que ce qui a été proposé en vue d'être adopté...

+-

    Le président: Alors, cela signifie que toutes les propositions sont sur la table.

+-

    Mme Rachel Rosen: Donc, comme le disait Darrell, il y a ce risque: une fois que l'on a ouvert la porte avec une carte comme celle-ci, il est difficile de prévoir jusqu'où tout cela pourra aller?

    Nous avons des commentaires précis au sujet de la carte d'identité nationale. Nous voulons faire valoir un certain nombre de points. Le premier est que lorsque le ministre Coderre a introduit le projet de carte d'identité nationale, il l'a décrit comme un moyen d'éviter les retards à la frontière américaine, particulièrement dans le cas des personnes qui pourraient être ciblées à cause de leurs origines ou du pays d'origine de leurs grands-parents, des personnes qui vivent au Canada depuis des générations. Grassroots Women croit que le profilage racial ou le harcèlement racial est à la fois raciste et injuste. Cibler des personnes en fonction de leur pays d'origine ou du pays d'origine de leurs ancêtres--et c'est précisément ce que l'on est en train de faire, particulièrement en ce qui concerne les personnes qui sont nées au Moyen-Orient--viole tous les principes de l'égalité et les droits de la personne.

    Toutefois, au lieu de contester la politique américaine de procéder au profilage racial de citoyens canadiens et de personnes qui vivent au Canada, la carte d'identité nationale légitime et normalise ce profilage à la frontière américaine. Le profilage racial risque fort probablement d'être également légitimé au Canada, ce que proposent en fait les mesures générales de lutte au terrorisme proposées par le gouvernement canadien. Grassroots Women s'oppose fondamentalement au profilage racial et croit qu'il viole tous les aspects de notre Charte des droits et libertés. Nous croyons que la carte d'identité nationale pourrait être utilisée pour justifier ce genre de profilage racial.

    Comme beaucoup de témoins sont venus vous le dire, je le sais, la carte d'identité nationale viole également nos droits à la vie privée. Il s'agirait d'une carte obligatoire pour tous les citoyens qui renfermerait des renseignements personnels, des données biométriques et d'autres renseignements destinés à pouvoir suivre à la trace nos déplacements, ce que nous mangeons et davantage encore. Cette carte représente une atteinte importante à notre vie privée. Avec l'harmonisation internationale de la législation antiterroriste, nous nous inquiétons particulièrement parce que les renseignements contenus dans cette carte, en plus d'être communiqués aux organismes provinciaux et fédéraux, seraient sans aucun doute également communiqués à d'autres organismes partout dans le monde. Compte tenu du climat de profilage racial et des soupçons qui accompagnent notamment l'activisme politique, il existe peu de garanties que les corps policiers et les agences de renseignements qui mettront la main sur ces renseignements ne les interpréteront pas ou ne les utiliseront pas intentionnellement pour des raisons politiques servant les intérêts de certains individus ou États.

    Nous considérons également que cette proposition d'une carte d'identité nationale viole notre charte des droits et libertés. L'obligation d'avoir une carte et de la produire afin de voyager, d'obtenir des renseignements publics ou de marcher dans la rue--ce sont là des éventualités rattachées à la carte d'identité nationale, est contraire aux idéaux d'une société libre.

    Nous n'avons reçu aucune garantie, lorsqu'on nous a fourni de l'information sur la carte d'identité nationale, que la surveillance des allées et venues sera limitée aux présumés «terroristes». Dans le climat actuel, il est sûr que la carte pourrait et serait utilisée pour surveiller les activités des personnes qui contestent notamment les activités «antiterroristes» du gouvernement, y compris une décision de participer à la guerre en Irak.

    En passant, nous invitons chacun d'entre vous à se joindre aux millions de personnes qui ont manifesté dans le monde contre la guerre menée par les États-Unis contre l'Irak.

    Surveiller ce genre d'activité et criminaliser les personnes parce qu'elles expriment leur dissidence représentent sans aucun doute une violation flagrante de notre Charte des droits et libertés.

    À notre avis, ces méthodes s'assimilent à un nouveau maccarthysme qui rappelle les années 50, aux États-Unis particulièrement, mais aussi au Canada où les gens étaient arrêtés, perdaient leur emploi et étaient persécutés simplement parce qu'ils étaient accusés d'être des communistes. Aujourd'hui, l'étiquette «terroriste», voire l'appartenance à certains groupes ethniques ou raciaux ou à des groupes religieux est tout le prétexte qu'il faut pour que l'on vous congédie ou encore que l'on refuse de vous embaucher, que l'on vous harcèle à la frontière et que l'on vous nie vos droits démocratiques. Nous condamnons fortement tout geste qui reviendrait à accorder à un État davantage de pouvoir pour exercer ce type d'actions.

    Enfin, de nombreux Canadiens dans l'ensemble du pays ont manifesté leur opposition à l'adoption d'une carte d'identité nationale. Certains ont dit que cette carte ne réduirait pas sensiblement le terrorisme, mais qu'en revanche elle se traduirait par une intrusion marquée dans notre vie privée et constituerait une entrave à notre liberté. Par conséquent, étant donné que la carte est peu susceptible d'atteindre les objectifs énoncés, il y a lieu de s'interroger sur ses coûts.

    Depuis 2000, on a dépensé au moins dix milliards de dollars au Canada pour des mesures antiterroristes. Les coûts exacts de l'administration et de la surveillance de la carte d'identité nationale sont inconnus, mais ils s'ajouteront à la somme déjà faramineuse qui a été dépensée.

    Nos membres de Grassroots Women ont désespérément besoin de garderies, de soins de santé et d'autres programmes sociaux. Aussi, nous jugeons que détourner cet argent de ces besoins urgents au profit d'une initiative qui n'atteindra peut-être pas les objectifs souhaités nous apparaît très peu justifié pour le moment.

    Par conséquent, nous recommandons le rejet de la carte d'identité nationale. Nous vous demandons instamment de condamner le profilage racial et d'y mettre fin, d'élaborer des mécanismes permettant de débattre véritablement de la pertinence ou non de la carte d'identité nationale au-delà de cette première étape, et de fournir une aide financière aux organisations communautaires pour qu'elles puissent mener des recherches, défendre des causes et sensibiliser la population aux impacts des politiques envisagées.

    Merci.

¹  +-(1535)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Rachel.

    Nous vous souhaitons de nouveau la bienvenue, Ning. Vous portez de nombreux chapeaux, par les temps qui courent.

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Merci. Je viens témoigner cette fois au nom de la National Alliance of Philippine Women in Canada.

    J'aimerais me faire l'écho des commentaires qu'ont fait Darrell et Rachel et je voudrais joindre les voix des femmes philippines au concert de protestations contre ce projet, peu importe ce qui est proposé.

    Je ne ferai pas beaucoup de commentaires, mais j'aimerais reprendre à mon compte l'affirmation comme quoi ce projet est assez flou. Si on veut vraiment tenir un débat sur la question, il faudrait d'abord que l'on sache à quoi s'en tenir et que l'on poursuive les séances d'information dans nos collectivités. En ce qui concerne les Philippines, beaucoup ont répondu qu'elles doivent déjà obtenir la carte de résidente permanente après avoir obtenu la citoyenneté. Elles se demandent maintenant si elles doivent aussi obtenir une carte d'identité nationale.

    L'expérience particulière des Philippines est que l'adoption d'une carte d'identité nationale a déjà été proposée à maintes reprises dans leur pays d'origine, mais que l'on s'y est toujours opposé et qu'elle n'a jamais été mise en oeuvre dans ce pays.

    Par conséquent, pourquoi emprunter cette voie ici au Canada, alors que l'on peut voir que cela constituera une intrusion dans la vie privée et une atteinte à nos droits humains fondamentaux, à notre dignité et que cela risque en outre de nous exposer encore davantage au profilage racial et à la discrimination ainsi qu'à l'intrusion dans notre vie quotidienne? Nous aimerions joindre nos voix en tant que migrantes et immigrantes au Canada et en tant que Philippines, pour faire savoir que nous nous opposons à cette discussion et à cette proposition, quels que soient les paramètres.

¹  +-(1540)  

+-

    Le président: Merci beaucoup, Ning.

    Quoi qu'il en soit, je le répète, en novembre-décembre 2002, on a demandé aux Canadiens de faire connaître leur position à cet égard dans le cadre d'un sondage. Je pense que la véritable question qui se pose consiste à déterminer si les gens pensent qu'il est nécessaire de mettre en place davantage de mesures de sécurité et de protection de la vie privée et de tout le reste. Si vous croyez aux sondages, sachez que les Canadiens, dans une proportion de 59 %, ont répondu que l'adoption d'une carte d'identité nationale serait une bonne chose.

    Bien sûr, il n'y a pas eu de débat véritable sur cette question et c'est la raison pour laquelle nous avons amorcé ces travaux, mais il semble qu'en apparence les Canadiens seraient en faveur de ce projet pour le moment.

    David?

+-

    M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président.

    Je trouve tout à fait fascinant que l'on ait pu déduire autant de choses de l'exposé du Ministre. Parce qu'en réalité, il ne faisait que tâter le terrain, parce qu'il savait que nous allions parcourir le pays. Il n'avait rien de très concret à proposer. Les diverses choses qu'il a mentionnées étaient des approximations. Il n'y avait rien de très concret dans tout cela. Le plus souvent, on nous accuse de ne pas consulter suffisamment la population avant de présenter un projet de loi. Cette fois-ci, nous avons voulu tenir ce que j'appellerais une consultation très préliminaire, autrement dit une consultation préliminaire à la consultation proprement dite. Nous voulions seulement prendre le pouls de la population à ce sujet.

    Malheureusement, d'après ce que nous avons pu constater durant nos déplacements, les réactions sont très très négatives. Dans mon propre comté, et dans celui de certains de mes collègues, la réaction a été très positive. Il semble que nous assistions à un revirement de la situation.

    Si j'examine ce que les gens disent dans mon comté, ils pensent que ce n'est pas une mauvaise idée, et ils ne vont pas aussi loin que de voir dans ce projet une intrusion de type dictatorial. Ils le voient davantage comme un moyen qui garantirait--et je ne devrais pas dire garantirait, mais qui donnerait un peu plus d'assurance que la personne qui se trouve en face de vous est bien qui elle prétend être.

    Darrell, vous avez mentionné le commissaire à la vie privée, qui, lorsque nous lui avons parlé hier, était d'accord avec cet aspect de la proposition. Il a déclaré que c'était une bonne idée. Et je pense que c'est davantage ce vers quoi nous nous dirigeons. Nous n'avons pas l'intention de forcer les gens à porter des traceurs. Nous essayons plutôt de combiner des renseignements qui se trouvent sur cette carte d'identité, comme ceux que recueillent les provinces.

    Prenons mon propre cas, au Québec. Je possède un permis de conduire, une carte d'assurance-maladie et un certificat de naissance. Ce sont trois documents délivrés par la même organisation de l'administration provinciale. La même photo est utilisée sur les trois documents. Alors, pourquoi ne pourrions-nous pas réunir ces renseignements sur la même carte plutôt que d'avoir à transporter trois cartes différentes? C'est le genre de choses que nous explorons réellement, et il semble que l'on ait voulu plutôt gonfler toute l'histoire pour parler des traceurs. Je ne pense pas que le Ministre envisageait vraiment les choses sous cet angle. Comme je viens de vous le dire, il s'agissait plutôt d'un ballon d'essai. Et il envisage un type de carte qui s'apparente vraiment à ce qu'il a décrit avant la consultation.

    Autre chose, et vous avez tout à fait raison à ce sujet, c'est la quantité effarante de renseignements que les sociétés émettrices de cartes de crédit possèdent nous concernant. En effet, les sociétés de crédit sont les pires à cet égard. Elles commercialisent ces renseignements. Ça, nous le savons aussi. Pour ma part, je le constate juste à voir ce que je reçois par la poste. Comment tous ces gens auraient-ils obtenu cette information? Ils l'ont obtenue au moyen de la carte de crédit: le genre de choses que nous faisons, les achats que nous effectuons, les endroits où nous allons et où nous pourrions avoir envie d'aller. Ils peuvent établir notre profil mieux que quiconque. C'est vraiment incroyable ce qu'ils peuvent faire, et cela me gêne davantage, croyez-moi, que la direction dans laquelle nous nous engageons. Je n'ai absolument pas l'impression que vous vous inquiétez pour la bonne sorte de carte.

    Maintenant, en ce qui concerne les caractéristiques biométriques, il est entendu que les Américains nous ont demandé de les leur fournir, mais nous n'avons pas l'intention de les intégrer sur une carte que l'on présenterait à la frontière. Nous avons déjà les passeports pour cet usage. Je vous l'accorde, sur une base volontaire, certaines personnes ont adopté ce genre de cartes, et il y en a ici même à Vancouver, qui traversent régulièrement la frontière. Ces personnes ont besoin d'une pièce qui permet de les identifier rapidement. Dans ce cas, la situation est entièrement différente, et je ne pense pas que ce soit le genre de carte que nous envisageons.

¹  +-(1545)  

+-

    Le président: Darrell?

+-

    M. Darrell Evans: Je suis rassuré de constater que la perspective que je vous ai décrite ne vous plaît pas, et bien entendu, il s'agit du scénario de la pire éventualité--à la réflexion non, pas vraiment, parce que je pourrais vous brosser un tableau encore plus sombre.

    Comme vous le savez probablement, le gouvernement a pris bonne note de l'inquiétude des Canadiens à l'égard de la collecte massive de renseignements les concernant par le secteur privé. En janvier 2001, il a d'ailleurs adopté une loi qui établit pour la première fois les règles que devra suivre le secteur privé en ce qui concerne l'utilisation des renseignements personnels.

    Il importe finalement de permettre aux particuliers d'exercer un meilleur contrôle sur l'utilisation qui est faite de leurs renseignements personnels et à cet égard, il faut essentiellement que les utilisateurs éventuels demandent une permission écrite. Je pense que nous avons adopté des générations de lois sur la protection de la vie privée au Canada, et aujourd'hui les enjeux sont beaucoup plus élevés pour le secteur privé. Les gouvernements reconnaissent le problème. Nous espérons que le gouvernement aura à appliquer les mêmes règles, et que lorsqu'il voudra utiliser des renseignements personnels, il demandera d'abord la permission.

    Je ne comprends pas pourquoi le gouvernement n'aurait pas à demander le consentement de la population canadienne en ce qui concerne l'utilisation de ces renseignements personnels. Bien entendu, je fais allusion encore une fois à la base de données de DRHC et à son démantèlement. Cet événement a marqué un point tournant parce qu'il est survenu en réaction à cette initiative. Nous n'aurions pas pu la créer. Les défenseurs de la vie privée sont en quelque sorte un groupe de personnes relativement impuissantes. Il est très difficile d'obtenir de la publicité pour les problèmes de cet ordre, mais cette réaction a été tout à fait spontanée.

    Il y a bien eu quelques encouragements de la part d'animateurs de talk shows, etc., mais on a constaté un paroxysme de révolte contre ce genre de collecte de renseignements. Il est sûr que nous avons besoin de meilleures pièces d'identité. Cela ne fait aucun doute, et le gouvernement a besoin de recueillir certains renseignements à notre sujet. Tout le monde accepte cela. Il faut cependant déterminer la quantité de renseignements à fournir et la manière dont cette cueillette sera contrôlée, qui au sein du gouvernement sera autorisé à prendre connaissance de ces renseignements et il faudra en outre décider si oui ou non on pourra procéder au couplage de ces renseignements avec d'autres sources de données. Toutes ces questions doivent être examinées avec soin. Donc, je suis d'accord avec vous.

+-

    M. David Price: Et ce sont les questions qui ont été posées.

+-

    M. Darrell Evans: En effet.

+-

    Le président: David.

+-

    M. David Price: Juste une chose en passant. Et d'ailleurs, j'avais mentionné ce qui suit au Ministre lorsqu'il est venu témoigner.

    On m'a volé deux fois ma carte de crédit, aussi aujourd'hui j'en ai une nouvelle. Elle porte ma photo. Elle porte également ma signature imprégnée à même la carte, ces caractéristiques sont beaucoup plus sûres que celles de l'ancienne carte. C'est beaucoup trop facile d'usurper l'identité de quelqu'un d'autre et, comme vous l'avez dit, nous devons améliorer nos méthodes d'identification. Ce sont précisément les moyens de le faire que nous sommes en train d'explorer--en ce moment même, c'est ce que nous faisons.

+-

    M. Darrell Evans: Vous avez tout à fait raison. Il s'agit d'un énorme problème et qui ira en grandissant. On ne peut passer sous silence l'usurpation d'identité. Au fond, je pense que nous sommes les esclaves de la technologie que nous avons créée et que nous sommes le résultat de la technologie que nous avons créée. Tous ces merveilleux systèmes d'information semblent comporter des pièges tellement énormes et toute la question revient à déterminer comment corriger leurs lacunes.

    Mais je me place toujours du côté des systèmes qui donnent davantage de pouvoirs à l'individu parce que c'est la raison d'être de notre groupe. Que l'on se place du côté de la liberté de l'information ou de celui de la protection de la vie privée, il s'agit d'enlever des pouvoirs aux forces les plus puissantes qui tentent de dominer nos existences et de les remettre entre les mains des citoyens.

    Donc, il est merveilleux de posséder une carte qui vous donne un meilleur contrôle de la situation et qui vous donne un sentiment de sécurité.

+-

    Le président: D'accord. Libby?

+-

    Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Merci beaucoup. Premièrement, je tiens à vous dire que le NPD a déjà pris position sur cette question. Nous y sommes totalement opposés pour une question de principe. Nous pensons qu'il y a un éventail de questions à débattre.

    Je pense que l'une de mes préoccupations tient à ce que l'on tente de camoufler beaucoup de choses sous l'apparente décision d'instaurer une carte d'identité nationale. Je suis d'accord avec le président. La proposition n'est pas encore sur la table. Elle fait l'objet d'un débat, donc d'une certaine manière cela rend les choses un peu difficiles parce que nous ne savons pas très bien de quoi nous devons débattre. Sera-t-elle obligatoire? Sera-t-elle volontaire? Quel genre de renseignements y trouvera-t-on? Le débat est ouvert.

    En fait, je préférerais que nous n'ayons pas ce débat. Je voudrais plutôt que nous nous concentrions sur les moyens de protéger la vie privée et tous les enjeux correspondants, mais de toute façon...

    En écoutant le Ministre, et j'ignore si vous avez pris connaissance de ses remarques, mais je m'inquiète de ce que l'on présente cette proposition en faisant valoir ses aspects de commodité. Je sais que nous venons tout juste d'entendre M. Price parler de ses cartes de crédit. Donc, cette proposition est faite en se fondant sur l'hypothèse qu'avec cette carte d'identité nationale, vous n'aurez plus besoin de tous les autres moyens permettant d'établir avec certitude votre identité. Je reviens à une déclaration du commissaire fédéral à la protection de la vie privée. Il a dit en effet que l'un des droits humains les plus fondamentaux est le choix de demeurer anonyme dans une société.

    Je pense que la carte d'identité nationale pose un problème parce qu'elle confère un pouvoir énorme à l'État et lui permet à toutes fins pratiques de contrôler l'information et de ne pas tenir compte des sentiments des personnes en ce qui concerne leur propre identité ou leur choix de demeurer anonyme. Je n'ai rien contre l'idée que les cartes servent à certains objectifs précis, qu'il s'agisse d'une carte d'assurance-maladie permettant d'obtenir des soins médicaux ou encore d'un permis de conduire ou d'un passeport. Ce qui m'agace, c'est plutôt cette idée de regroupement et de présentation pour des raisons de commodité. Lorsque l'on met un système en place, même avec les plus honorables des intentions au départ, et supposons que c'est bien ainsi que le Ministre voit les choses, il me semble que l'on s'engage sur une pente glissante en ne sachant pas très bien jusqu'où tout ça va nous mener.

    Rien qu'en écoutant le débat qui se déroule ici aujourd'hui, une chose m'a frappée, et peut-être que c'est mon côté cynique qui s'exprime, c'est que peut-être que cette carte d'identité nationale ne vise pas réellement à atteindre l'objectif avoué. En effet, peut-être qu'il s'agit tout simplement d'un ballon d'essai. Le Ministre a bien parlé de renseignements biométriques, et pour ma part j'ai eu l'impression qu'il approuvait cette idée. Je suis assise ici, et je me demande ce qui se passe réellement. Peut-être que tout cela ne vise qu'à susciter de la colère au sujet du projet de carte d'identité nationale pour que le gouvernement puisse dire plus tard: «Nous avons décidé de ne pas aller de l'avant avec ce projet après avoir consulté la population». Puis, sans tambour ni trompette, à un certain niveau, on commencerait à instaurer les systèmes d'information biométrique.

    Je tenais à mentionner cette hypothèse parce que je n'ai pas l'impression d'en savoir suffisamment à ce sujet. Même si j'éprouve une aversion instinctive à l'idée de laisser prendre mes empreintes digitales ou mes empreintes rétiniennes. Même volontairement, je n'accepterais jamais de le faire. Mais on pourrait m'y obliger.

    Darrell, j'ignore si vous avez davantage d'information sur le sujet, mais y a-t-il des précédents au Canada en ce qui concerne l'utilisation des caractéristiques biométriques? Naturellement, si on est dans le système de justice criminelle, on doit faire prendre ses empreintes digitales. Mais à part cela, existe-t-il d'autres situations où les renseignements biométriques pourraient être utilisés à des fins d'identification ou d'admissibilité de quelque ordre?

¹  +-(1550)  

+-

    M. Darrell Evans: Pour autant que je sache, il n'existe rien de tel dans le secteur public. Mais les compagnies privées utilisent ce genre de systèmes.

+-

    Mme Libby Davies: Devrions-nous nous en inquiéter, je veux dire de la question des caractéristiques biométriques et de leur utilisation dans un aéroport? Si on laisse la carte de côté, et je commence tout juste à me demander si c'est bien là que nous entraînera cette discussion.

+-

    M. Darrell Evans: La protection de la vie privée est une question tellement compliquée. Je le répète, je suis convaincu que la vraie question consiste à déterminer qui aura le contrôle de la situation. Si vous pouviez être tranquille au sujet d'une carte parce que vous sauriez exactement qui pourrait utiliser les renseignements qui s'y trouvent, vous pourriez effectivement être plus à l'aise avec une meilleure pièce d'identité, autrement dit, avec la méthode biométrique. Lorsqu'un État propose ce genre de choses, il est inévitable que les individus se remémorent l'histoire et réfléchissent à ce que ce même État a fait dans le passé. Bien entendu, c'est la raison pour laquelle nous nous sommes dotés d'une constitution et d'une Charte des droits et libertés, afin de limiter le pouvoir de l'État.

    J'attire votre attention sur la motivation des bureaucrates qui recherchent une plus grande efficacité en vue d'atteindre les objectifs qu'on leur a confiés pour une bonne raison. C'est une motivation très puissante, et il arrive parfois que les politiciens se laissent prendre au jeu. Ce serait en effet tellement extraordinaire si l'on pouvait obtenir d'excellents moyens d'identifier tout le monde, ramasser toute cette information en un même lieu, recueillir tous les renseignements possibles, surveiller l'ensemble de la population, ce qui permettrait de savoir exactement qui est en prison pour fraude ou peut-être que l'on pourrait même arriver à modifier les comportements légèrement. Je pourrais vous donner toute une panoplie d'exemples. Mais je préférerais de beaucoup que l'on évite de donner aux États la possibilité d'accomplir ce genre de choses.

    Bien entendu, l'idée d'ensemble est d'examiner la carte d'identité séparément des autres choses, comme les bases de données qui sont constituées et les vastes réservoirs d'information que possède le gouvernement. Il est très important de ne pas perdre de vue l'idée d'ensemble et de réaliser qu'une fois qu'une photo existe, peut-être sur une pièce d'identité du gouvernement... on sait qu'il y a également des caméras vidéos placées dans les rues de nos jours. Comme vous le savez, en Angleterre, il y en a près de trois millions.

¹  +-(1555)  

+-

    Mme Libby Davies: Même dans l'est du centre-ville, il y a eu un énorme débat parce que les corps policiers voulaient installer des caméras vidéos.

+-

    M. Darrell Evans: Tout à fait. Les systèmes sont encore très imparfaits, mais il existe un système d'identification vidéo, de lecture faciale, un logiciel qui peut facilement être couplé à une base de données, et c'en est fini de la vie privée pour tout le monde. Cela change radicalement la psychologie des individus à l'égard de l'État.

    La chose la plus dangereuse de toutes est de penser que vous êtes l'objet d'une surveillance constante. C'est différent de la citoyenneté ou de l'identité individuelle qui encourage la créativité, la liberté, la liberté d'expression, et ce sont les dynamiques essentielles de notre société. C'est ce que je crains.

+-

    Le président: Lynne.

+-

    Mme Lynne Yelich: Je faisais partie de ces Canadiens qui ne trouvaient rien à redire à l'adoption d'une carte d'identité, mais j'ai modifié complètement mon opinion, surtout lorsque j'ai constaté que le gouvernement n'arrivait même pas à organiser l'enregistrement des armes à feu et que ce programme a échoué lamentablement. Il y a eu aussi la question du nombre de numéros d'assurance sociale en circulation par rapport à la population--un autre exemple de la manière désastreuse dont le gouvernement administre les choses. Puis il y a eu le vol d'un disque dur en Saskatchewan. L'information qu'il contenait s'est retrouvée quelque part dans le public durant quelques jours.

    Je suis de ces Canadiens qui probablement...

+-

    Le président: Ils vous applaudissent.

+-

    Mme Lynne Yelich: Joe, je pense que vous commencez à ressentir le poids de la journée.

    Je vous approuve complètement. Je trouve très intéressant ce que vous avez dit, et en particulier les témoignages de Ning et de Rachel. Je comprends à quoi vous voulez en venir, Darrell, mais vous représentez des groupes et vous parlez en leur nom. Je suis surprise que vous n'approuviez pas l'adoption d'une carte d'identité parce que cela est censé éliminer la nécessité d'avoir recours à l'établissement de profils raciaux. Votre exposé en dit long sur le sujet.

    Je vais vous poser des questions sur les profils raciaux et aussi sur les raisons qui poussent M. Coderre à penser que la carte éliminerait le recours à ces profils. Darrell, vous avez mentionné que la base de données de l'Agence des douanes et du revenu avait été utilisée à d'autres fins que celles pour lesquelles elle avait été créée initialement, malgré des assurances du contraire de la part du gouvernement. J'aimerais que vous nous en parliez davantage. Je sais que DRHC, par exemple, exerce une surveillance sur les chômeurs qui traversent la frontière. Existe-t-il d'autres domaines où vous pensez que le gouvernement outrepasse ses droits en utilisant les données que possède l'Agence des douanes et du revenu pour obtenir des renseignements sur les Canadiens? Voyez-vous d'autres domaines où le gouvernement dépasse les limites prescrites? Je pense qu'il y en a.

+-

    M. Darrell Evans: Avez-vous entendu parler de la base de données du CCR et des restrictions que l'organisme devra apporter à son utilisation?

+-

    Mme Lynne Yelich: Non, pas du tout.

+-

    M. Darrell Evans: Initialement, il était seulement question de recueillir de l'information sur les voyageurs, tous les renseignements habituels, c'est-à-dire ceux que la compagnie aérienne demande de toute façon, et ces renseignements devaient être conservés durant 24 heures de sorte que la police ou les services de sécurité pouvaient, si nécessaire, cibler un individu en particulier et obtenir rapidement un subpoena pour mettre la main sur l'information ou encore demander un mandat et obtenir des renseignements sur cet individu en particulier.

    Maintenant, il est question de conserver ces renseignements durant six mois, et non seulement pour des fins antiterroristes. On effectue une comparaison des données avec d'autres renseignements que possèdent les ministères à des fins d'application de la loi, de sécurité, de fraude fiscale, de violence à l'endroit des enfants, et pour un éventail d'autres raisons. Mettre la main au collet de criminels pour toutes ces raisons est certainement une bonne chose, mais le problème tient à ce que le gouvernement cherche continuellement à fondre tous ces renseignements en vue de créer de vastes profils. Cela constitue un point de départ idéal pour commencer à recueillir de l'information sur chaque citoyen.

    L'exercice a commencé avec les passagers des lignes aériennes, puis il s'est étendu à tous les voyageurs, peu importe le mode de transport retenu, et maintenant, bien entendu, nous pouvons comparer ces renseignements avec tous les autres détenteurs de bases de données, comme Revenu Canada. On se retrouve avec une base de données centralisée en pleine expansion, un peu comme celle de DRHC, où l'on commence à fusionner tous les fichiers qui concernent des personnes en particulier.

    Y a-t-il d'autres secteurs du gouvernement où l'on procède de la même manière? Vous avez demandé ce qui représentait une atteinte aux règles établies. Le problème est que les lois actuelles sur la protection de la vie privée sont vraiment dépassées. À l'origine on n'avait pas imaginé que les systèmes d'information deviendraient si puissants et qu'ils atteindraient une telle capacité de stockage et toutes les autres technologies qui sont mises à contribution pour nous engluer dans une toile de surveillance.

    Je reviens à l'idée du contrôle. Les Canadiens doivent avoir leur mot à dire sur les utilisations que fait le gouvernement de ces renseignements. Les lois sur la protection de la vie privée, qu'elles soient votées au fédéral ou au provincial, ne prévoient pas de mécanisme d'autorisation. On dit que ces lois comportent des mécanismes de protection, mais en réalité le gouvernement n'a pas besoin de notre consentement pour utiliser ces renseignements à toutes les fins qu'il juge autorisées, soit par une loi ou par un programme administratif.

    J'aimerais souligner que dans la nouvelle loi sur la protection des renseignements personnels qui vise le secteur privé qui a été adoptée et qui entrera en vigueur dans les provinces l'année prochaine, le gouvernement s'est ménagé une porte de sortie. Si vous êtes une entreprise du secteur privé, vous devez vraiment obtenir le consentement préalable et être très explicite au sujet des utilisations que vous entendez faire des renseignements personnels que vous recueillez. Mais le gouvernement a prévu une mesure d'exception qui lui permet de s'adresser à une société privée ou à un groupe à but non lucratif pour lui demander de lui fournir des renseignements et le groupe en question peut lui remettre ces renseignements sans encourir aucune sanction de la loi ou sans aucun problème. On n'a pas tenté de restreindre les activités de collecte de renseignements pratiquées par le gouvernement lui-même. Nous revoici devant cet énorme problème que constitue la collecte de renseignements nous concernant par le gouvernement. Comment tracer les limites? Voilà la question.

º  +-(1600)  

+-

    Le président: Rachel, pourriez-vous répondre à la question de Lynne comme quoi cela reviendrait en quelque sorte à un profilage racial à rebours?

+-

    Mme Rachel Rosen: Je ne peux pas parler au nom du ministre Coderre, mais lorsqu'il a présenté le projet de carte d'identité, l'une des explications qu'il a fournies était que cela permettrait d'éviter les retards à la frontière avec les États-Unis, et que l'une des raisons expliquant ces retards avait quelque chose à voir avec le profilage racial. Certains de nos membres ont vécu personnellement cette expérience et ont été retardés, interrogés et se sont même vus refuser l'entrée aux États-Unis. Il s'agit de personnes d'origine palestinienne ou irakienne qui sont citoyens canadiens et qui ont dû affronter cette situation à la frontière américaine.

    Lorsque l'on a présenté l'idée de la carte d'identité, c'était en vue d'éviter ces retards. Pourquoi y avait-il des retards? Parce que le gouvernement américain établit des profils raciaux à la frontière.

    Plutôt que de condamner ces profils raciaux, nous pensons que le gouvernement canadien devrait s'insurger contre ce traitement infligé aux citoyens canadiens et ne pas le légitimer en disant qu'il va introduire une carte d'identité. Comme vous l'avez dit, plutôt que d'interroger les voyageurs à destination des États-Unis ou de permettre que l'on prenne leurs empreintes digitales, on a décidé d'implanter cette carte ou on a suggéré qu'elle pourrait être adoptée pour tous les Canadiens.

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Libby voulait obtenir de plus amples renseignements en ce qui concerne les caractéristiques biométriques. Les collectivités de migrants et d'immigrants ont déjà été conditionnées à fournir ce type de renseignement parce qu'ils veulent obtenir le soi-disant privilège de résidence au Canada. En ce qui concerne les immigrants, ils doivent fournir des empreintes digitales afin que l'on vérifie s'ils ont un dossier criminel. Donc, c'est dans un but très restreint.

    Nous avons présenté à nos membres l'idée de l'instauration d'une carte d'identité nationale. Il s'agit d'un changement d'attitude fondamental par rapport à ce que la citoyenneté canadienne est censée représenter. En tant que migrants et immigrants, nous nous interrogeons à savoir si nous seront traités sur le même pied que les citoyens canadiens ou si nous devrons toujours nous identifier? Déjà, nous arborons la couleur de notre peau lorsque nous déambulons dans la rue, mais en ce qui concerne la carte d'identité nationale, quel genre de surveillance sera exercée à notre endroit, à partir de notre entrée au Canada jusqu'à l'obtention de notre citoyenneté et durant tout le processus intermédiaire?

    Nous pensons que nous devrions être traités sur le même pied que les citoyens canadiens, et je pense que le véritable débat porte sur cette question: «comment voyons-nous ce changement d'attitude et que pensons-nous réellement de cette carte d'identité?» C'est du jamais vu, pour les citoyens canadiens. En tant que citoyenne canadienne naturalisée ayant grandi ici, au Canada, je n'ai jamais eu à fournir mes empreintes digitales à quiconque, mais les migrants et les immigrants sont déjà conditionnés à le faire. Est-ce que cela prépare le terrain à d'autres intrusions encore plus poussées dans notre vie privée?

+-

    Le président: Je ne peux pas laisser passer ce commentaire. Je ne veux pas donner l'impression que le gouvernement canadien n'a pas condamné les agissements des États-Unis au plus haut niveau, à partir du premier ministre, jusqu'au ministre des Affaires étrangères, en passant par le secrétaire parlementaire, le président du comité, les députés qui tous on trouvé parfaitement odieux et inacceptable que les Américains remettent en question le passeport canadien et qu'ils puissent même établir une différence entre un citoyen né ici un qui est venu s'y établir par choix. Donc, vous avez tout à fait raison.

    Puis-je vous poser une question toutefois? Rachel, vous dites que vous aviez un rapport. Vous étiez présente lors de la conférence qui s'est tenue en novembre 2002 au cours de laquelle on a commencé à parler de la carte d'identité nationale, et vous êtes probablement aussi au courant de ce qui se passe dans d'autres pays. Nous savons que d'autres pays ont adopté la carte d'identité. Nous sommes en train de recueillir de l'information à ce sujet.

    Avez-vous produit un rapport sur cette conférence ou vous apprêtez-vous à le faire? Le Comité aimerait y jeter un coup d'oeil, s'il présente de l'information concernant cette expérience. Ning nous a parlé un peu de ce qui s'est passé aux Philippines, mais ce n'est pas que nous tenions tellement à ramasser des renseignements non scientifiques, mais plutôt de l'information qui nous éclairerait dans nos travaux. Regardons les choses en face, une carte d'identité nationale, peu importe la forme qu'elle prendra, si elle n'est pas reconnue à l'échelle internationale... pourquoi nous faudrait-il encore une autre carte? En fin de compte, pourquoi en aurions-nous besoin? Par conséquent, nous voulons obtenir des renseignements sur ce qui se fait dans les autres pays.

    Donc, si vous avez un rapport, nous en serions ravis.

º  +-(1605)  

+-

    Mme Rachel Rosen: Si vous me permettez de faire un commentaire, juste avant d'aborder la situation présente. L'une de nos membres, qui est originaire de Singapour, nous a décrit les répercussions de l'adoption d'une carte d'identité nationale similaire, même si nous ignorons ce qui nous est proposé au juste. La carte d'identité nationale qui existe à Singapour a eu des répercussions réelles. Les citoyens du pays vivent dans un état d'insécurité, de peur et d'inquiétude bien réel. Cette carte a eu pour effet de les bâillonner et de les empêcher d'exprimer ce qu'ils considèrent comme important sur le plan des droits de la personne et de la justice sociale. Leur expérience à Singapour était directement liée à cette carte d'identité nationale.

    Nous pouvons vous obtenir un exemplaire du rapport de la conférence.

+-

    Le président: Oui, merci.

+-

    Mme Luningning Alcuitas-Imperial: Pour en revenir à l'expérience des Philippines, nous disposons d'une analyse des aspects juridiques de cette proposition d'adoption d'une carte d'identité nationale aux Philippines qui a été réalisée par une organisation de juristes philippins. Nous pouvons vous la transmettre.

+-

    Le président: Merci. Ce serait vraiment apprécié.

    Darrell, c'est ce qui nous entraîne dans ce genre de débat. Vous nous avez mentionné que vous n'approuviez pas la carte d'identité nationale. Comme vous l'avez dit, il s'agit d'un mandat en blanc. On a déjà étudié la question au pays et ailleurs à l'étranger. On l'a en quelque sorte mis de côté et il n'a aucune chance de succès parce qu'il existe déjà d'autres cartes d'identité qui pourraient éventuellement servir d'indicateurs de l'identité nationale, notamment le passeport.

    Que se passe-t-il avec le passeport, mis à part le fait que nous voulons qu'il soit inviolable et à l'épreuve des fraudes et ainsi de suite? Au fond, la plupart des Canadiens qui ont leur citoyenneté, du moins ceux qui sont nés au pays ou qui ont obtenu leur citoyenneté, disposent d'un passeport ou devraient en avoir un. Est-ce qu'il ne pourrait pas servir de document d'identité nationale?

    Est-ce que la carte de citoyenneté ne pourrait pas être considérée comme une carte d'identité nationale, au même titre que la carte de résident permanent pour ceux et celles qui ne sont pas citoyens canadiens? Est-ce que l'on ne pourrait pas utiliser la carte NAS, qu'il s'agisse d'une carte dont le numéro est de la série 900 ou non... parce que pratiquement tout le monde en possède une? Je sais qu'il y a divers problèmes associés à chacune de ces cartes, y compris les cartes NAS.

    Vous avez dit que nous avions besoin d'une meilleure pièce d'identité. C'est ce qui pose problème. Vous pensez que nous avons besoin d'un meilleur système d'identification. Cela me laisse perplexe, parce que vous trouvez que le système comporte des failles. Expliquez-moi en quoi consistent ces failles et comment nous pourrions les corriger, parce qu'ensuite nous pourrons revenir à la question de David qui nous demandait quel genre de carte il nous faut? Nous pouvons adopter une carte avec des empreintes rétiniennes ou digitales, mais en l'absence d'un scanner, elles ne vous diront pas grand-chose. Il sera impossible de dire si les empreintes rétiniennes qui figurent sur la carte sont bien les vôtres ou si les empreintes digitales vous appartiennent. Soit dit en passant, on peut changer ses empreintes digitales, mais pas ses empreintes rétiniennes.

+-

    M. Darrell Evans: On en apprend tous les jours.

+-

    Le président: Par ailleurs, tout le monde devra s'équiper d'un scanner, parce que si un policier m'interpelle en disant: «Joe, montrez-moi votre carte d'identité nationale», peu importe la forme qu'elle prendra, s'il ne peut pas la lire avec un scanner, comment saura-t-il que c'est bien moi, c'est-à-dire que ce sont bien mes caractéristiques biométriques qui figurent sur cette carte? On peut changer n'importe quoi et reproduire n'importe quoi.

    Je reviens à ce que vous avez dit, comme quoi il nous faut un meilleur système d'identification. Cela m'a vraiment troublé, parce que c'est cette affirmation qui a déclenché tout ce débat autour du système qui conviendrait le mieux dans la mesure où ce dont nous disposons actuellement est insatisfaisant.

+-

    M. Darrell Evans: Je voulais dire que nous possédons des systèmes d'identification que nous utilisons à des fins très précises et que ces systèmes pourraient être améliorés. Le fait qu'il existe des millions de numéros de sécurité sociale en circulation quelque part donne froid dans le dos. Il faudrait corriger la situation. Le passeport aussi devrait être amélioré. Comme vous l'avez fait remarquer, nous avons déjà un programme qui se penche sur la question.

    Nous ne voulons pas d'un identificateur permanent. Vous avez raison, n'importe lequel de ces systèmes pourrait être modifié en vue de devenir une carte d'identité nationale de fait. Nous nous y opposons. Nous ne voulons pas que tous les citoyens soient tenus de posséder cette carte. Nous nous inquiétons du genre de données qui seront accessibles à l'aide de cette carte. Nous nous inquiétons aussi de savoir qui pourra exiger de prendre connaissance de ces données, et ce genre de choses.

    Ces questions doivent être posées. Qu'entendons-nous exactement par carte d'identité?

º  +-(1610)  

+-

    Le président: Bon, alors nous nous engageons dans un débat philosophique et non dans une discussion pratique. J'essaie seulement de comprendre. Vous dites que vous ne voulez pas d'une carte polyvalente.

+-

    M. Darrell Evans: Non.

+-

    Le président: Mais vous approuveriez le fait que les citoyens doivent porter 15 cartes différentes, chacune ayant sa raison d'être particulière, et ces cartes seraient naturellement assorties des bases de données correspondantes qui pourraient vous en apprendre encore davantage... Tous ces systèmes en savent plus sur vous que vous n'en savez vous-même, et c'est la même chose pour moi. Mais, cela soulève de nombreuses autres questions. Si j'ai bien compris, vous êtes contre l'adoption d'une carte d'identité nationale unique.

+-

    M. Darrell Evans: Un identificateur national. Je pense que David Loukidelis a fait valoir que l'on ne voudrait pas que tous les citoyens soient tenus d'avoir un numéro. Tout cela est inutile. Si vous ne conduisez pas, vous n'avez pas besoin d'un permis de conduire. Si vous ne voyagez pas, un passeport est inutile. Personnellement, je n'ai pas de passeport.

+-

    Le président: Une carte d'identité nationale sans numéro mais portant vos empreintes rétiniennes et digitales serait-elle acceptable?

+-

    M. Darrell Evans: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire. Je le répète, tout tourne autour des autorités susceptibles d'exiger que vous produisiez le document en question, des utilisations qui en seront faites, toutes ces questions. En réalité, il est impossible de discuter vraiment de cette question tant que nous n'aurons pas plus de détails sur la proposition.

+-

    Le président: Dans ce cas, je vais vous redemander, parce que c'est vous qui l'avez dit, pour le compte rendu, que nous devrions nous doter d'un meilleur système d'identification.

+-

    M. Darrell Evans: Non.

+-

    Le président: Non, vous avez dit de meilleures pièces d'identité. Que vouliez-vous dire par là?

+-

    M. Darrell Evans: Je voulais dire que nous devions améliorer les pièces d'identité que nous possédons déjà pour toutes les utilisations auxquelles elles sont destinées--autrement dit, un meilleur système d'attribution des numéros de sécurité sociale afin qu'il n'y ait pas trop de numéros en circulation, par exemple.

+-

    Le président: C'est facile à corriger. Quoi d'autre?

+-

    M. Darrell Evans: Il faut que ce soit corrigé. S'il est vraiment aussi facile qu'on le dit de falsifier un permis de conduire, ce qui semble pratiquement inévitable maintenant avec la technologie dont nous disposons... Comme vous le savez, les jeunes sont capables de se servir d'Internet pour se fabriquer des faux permis. Évidemment, il faut prendre des mesures contre cela aussi. Si vous pouvez dire qu'il est facile de fabriquer de faux billets, alors il faut améliorer ces billets.

+-

    Le président: Vous affirmez qu'il faut améliorer l'intégrité de nos documents afin que l'on ne puisse pas facilement les reproduire ou les trafiquer, mais pas que l'on doit produire une nouvelle carte d'identité ou un nouveau système d'identification quelconque.

+-

    M. Darrell Evans: Oui, je serais en faveur d'une carte polyvalente. Je pense que le fait que ces cartes soient distinctes contribue à protéger notre vie privée.

+-

    Le président: David.

+-

    M. David Price: J'aimerais faire rapidement deux ou trois remarques. Premièrement, Rachel, pour ce qui est de l'établissement des profils raciaux. Le Ministre, dans sa réponse à une question, a déclaré que l'une des raisons pour lesquelles on adopterait la carte serait que, contrairement aux passeports qui indiquent le lieu de naissance, la carte n'en ferait pas mention. Elle dirait tout simplement que vous êtes citoyen canadien, et rien d'autre. Ce n'était qu'une précision que je voulais apporter.

    L'autre point que je voulais aborder, Joe, vise ce que vous décriviez comme les caractéristiques qui pourraient figurer sur la carte. Vous savez que si vous mettez vos empreintes digitales sur une carte, il n'est pas absolument nécessaire de les comparer à celles qui figurent dans une base de données. Il faut seulement pouvoir lire ces empreintes à l'aide d'un lecteur qui confirme qu'il s'agit bien de vos empreintes. Il n'est pas question alors de comparer vos empreintes à celles d'une base de données ou de les transmettre à un système d'information quelconque. Ces caractéristiques visent uniquement à confirmer que vous êtes bien la personne que vous dites être. On peut faire la même chose avec les empreintes rétiniennes ou d'autres caractéristiques semblables. Il n'est pas nécessaire de comparer ces données avec d'autres ou de les transmettre à d'autres.

    Juste un dernier petit point, Darrell, que je trouve très intéressant. Votre association s'appelle la B.C. Freedom of Information and Privacy Association. N'est-ce pas contradictoire?

+-

    M. Darrell Evans: Je viens tout juste d'écrire un texte qui est affiché sur notre site Web pour répondre à cette question. En fin de compte, notre objectif ultime est que les citoyens soient actifs et bien informés. Nous sommes d'avis que ce sont les ingrédients nécessaires à la santé d'une démocratie. La liberté d'information est l'outil qui permet de donner plus de pouvoir aux citoyens sur l'information. Les droits à la protection de la vie privée donnent davantage de pouvoir aux citoyens. Notre objectif est de faire en sorte que vous et moi ayons une capacité en tant que citoyen d'exercer un certain contrôle sur l'information et d'y avoir accès. Étant donné que le gouvernement et le secteur privé disposent de ce vaste pouvoir que représentent la collecte de renseignements, le stockage de ces renseignements, la comparaison avec d'autres qui existent ailleurs, en tant qu'individus nous sommes considérablement désavantagés. Donc, cela contribue à rétablir l'équilibre au sein de la démocratie.

+-

    Le président: L'une des recommandations auxquelles vous pourriez réfléchir consiste à éliminer le lieu de naissance du passeport. J'ignore si cela aura une utilité quelconque, mais cette recommandation a été faite par un certain nombre de sources différentes. Est-ce que cela serait utile ou bien est-ce que ce serait nuisible?

º  +-(1615)  

+-

    M. Darrell Evans: Ce serait en quelque sorte une rustine. Comme avec le système Microsoft, lorsqu'une version comporte des lacunes et que l'on obtient une petite rustine pour les corriger.

+-

    Mme Rachel Rosen: Comme l'a dit Ning, lorsque des personnes de couleur marchent dans la rue, elles ne peuvent faire autrement que d'être dans leur peau. C'est une forme de profil racial.

+-

    Le président: Merci à chacun d'entre vous. Comme vous l'avez déclaré d'entrée de jeu, nous nous trouvons devant une page blanche. Nous attendons que les Canadiens nous disent ce qu'ils pensent de cette carte. Plus vous en parlez, et plus cela soulève de questions et de demandes de précisions. Je suis persuadé que nous allons bien nous amuser. Merci beaucoup.

    Nous allons immédiatement passer à notre prochain témoin qui est arrivé. M. Chapman qui appartient à la Lost Canadian Organization. Donc, nous entendrons Don Chapman et Magali Castro-Gyr sur la citoyenneté. Pourquoi ne pas commencer tout de suite?

    Bienvenue, Don.

+-

    M. Don Chapman («Lost Canadian Organization»): Magali est juste ici, à l'extérieur.

+-

    Le président: Je voudrais vous dire que Don a des parents à London, en Ontario. Il me racontait que--était-ce votre arrière grand-père qui a été la seule victime ou tragique victime de la grande inondation de London, il y a 120 ans?

+-

    M. Don Chapman: C'était mon arrière grand-père.

+-

    Le président: À tout événement, vous êtes le bienvenu, Don et nous sommes impatients d'entendre votre exposé en ce qui concerne la Lost Canadian Organization et toute la question de la citoyenneté. Ce sera pour nous l'occasion de terminer en beauté ce qui a été une longue journée.

+-

    M. Don Chapman: Merci. J'ai témoigné à Halifax, la semaine dernière et le 28 janvier à Ottawa, donc vous devez avoir le texte de mon exposé.

+-

    Mme Libby Davies: Avez-vous témoigné deux fois?

+-

    Le président: Bonne question. Cette question soulève un intérêt national.

+-

    M. Don Chapman: En réalité, j'ai témoigné à Ottawa et une autre personne s'est présentée à Halifax. Je l'accompagnais. Puis, les membres du Comité ont commencé à poser des questions, et je me suis retrouvé sur la sellette, sans que cela ait été prévu. Je lis une histoire, pas exactement la mienne, mais le récit de la vie de certaines personnes qui sont originaires de Vancouver.

    Et je vous souhaite la bienvenue. Vous êtes dans ma ville natale.

    Je vais vous lire l'histoire de certaines personnes que l'on considère comme des enfants canadiens perdus. Je vais vous la lire comme s'il s'agissait de moi, et vous pourrez suivre sur le texte qui vous a été remis. C'est l'histoire de Keith Menzie.

Je m'appelle Keith Menzie. Je suis né à Vancouver de parents canadiens de naissance. Mon père est déménagé en Californie pour y poursuivre des études supérieures lorsque j'ai eu deux ans. Il devait revenir au Canada après ses études, mais les circonstances et les emplois l'ont entraîné au Montana, puis en Arizona. J'ai fait mes études, de la maternelle jusqu'à l'université, en Arizona, sauf durant les quatre années que j'ai passées au Brésil. Notre famille est revenue au Canada en 1975 lorsque mon père a accepté un poste à l'Université de Guelph.

En 1964, papa a eu la possibilité de travailler au Brésil dans le cadre d'un projet de l'USAID. Mais, pour pouvoir y aller, il devait être citoyen américain. Ma soeur est née en Arizona et était citoyenne américaine, quant à moi, j'ai été naturalisé en même temps que mon père et ma mère lorsque j'ai eu huit ans. Papa et maman avaient reçu l'assurance lorsqu'ils ont pris cette décision que cela ne compromettrait pas ma citoyenneté canadienne de naissance. J'ignore qui ou quelle institution leur avait donné ces assurances. Toujours est-il que ma mère y tenait beaucoup. Elle est née à Powell River, en Colombie-Britannique, en 1926 et a grandi à Vancouver. Elle a toujours eu vif sentiment d'appartenance au Canada. Elle a raconté plusieurs fois l'histoire comme quoi, au printemps de 1956, juste un peu avant ma naissance, malgré le fait que les parents de mon père vivaient juste de l'autre côté de la frontière à Bellingham, dans l'État de Washington, elle refusait de traverser la frontière parce qu'elle craignait que son enfant (c'est-à-dire moi) naisse accidentellement aux États-Unis plutôt qu'au Canada. J'ai été stupéfait d'apprendre que si elle avait été rendre visite à mes grands-parents paternels le 30 juin 1956, la chose qu'elle redoutait le plus aurait été éliminée pour toujours. C'est presque incroyable qu'en vertu de la décision de Benner c. Cour suprême du Canada, si j'étais né à l'extérieur du Canada--aujourd'hui, je serais citoyen canadien. Essentiellement, le Canada plutôt que de me féliciter parce que je veux récupérer mon droit de naissance me punit.

Je pense souvent au fait que je suis probablement l'une des rares personnes sur terre qui n'ait pas eu un mot à dire au sujet de l'abandon de sa citoyenneté de naissance. En 1975, nous sommes rentrés au Canada. À l'époque, j'étudiais à l'Université de l'Arizona, aussi je ne suis revenu qu'à l'été 1975. Je suis devenu un résident permanent dans mon propre pays et je revenais tous les étés pour travailler pour les Guelph Waterworks. Depuis lors, je demeure aux États-Unis, actuellement en Virginie. Le déroulement de ma carrière a décidé pour moi. Plusieurs événements sont survenus au cours des années, y compris un assouplissement du gouvernement américain à l'endroit de la double citoyenneté. Par conséquent, ma soeur qui est née en Arizona et mes parents sont devenus des citoyens canadiens et ils possèdent aujourd'hui la double citoyenneté. Pour ma part, moi qui suis né au Canada, je suis seulement citoyen américain.

J'ai toujours trouvé étrange que mes parents puissent abandonner ma citoyenneté de naissance en mon nom. Mon cas n'est pas aussi dramatique que celui de beaucoup de gens dont j'ai entendu l'histoire et qui vivent la même situation. Mais en raison de certaines règles étranges, le pays dans lequel je suis né me traite différemment de tous ceux qui sont nés un autre jour. Les règles sont arbitraires, elles le sont souvent. Mais recevoir un traitement différent simplement à cause d'une date de naissance me semble injuste.

Je sais une chose cependant, c'est que je serais fier de récupérer la citoyenneté que mon père a abandonnée en mon nom sans le savoir.

    Voici mes notes complémentaires. Keith et sa femme sont tous deux détenteurs d'un doctorat. L'un a un doctorat en économique et l'autre en chimie. Ils sont les parents de deux enfants.

    Le Canada est à la recherche d'immigrants, alors pourriez-vous s'il-vous-plaît m'expliquer quelle est la logique de toute cette histoire qui empêche la famille Menzie de vivre au Canada? Pour l'amour du ciel, les parents de Keith et sa soeur sont maintenant Canadiens. En quoi cela sert-il le bien public de maintenir cette famille séparée et à l'extérieur du Canada?

    Voici l'histoire de Ron Nixon:

Moi, Ronald George Nixon, je suis né le 12 octobre 1946 à Lansing, au Michigan, de parents canadiens. Mes deux parents sont originaires de la région de London, en Ontario et sont issus de familles d'agriculteurs. Ma mère a étudié dans une école de secrétariat à London et elle a décroché un poste pour la GRC. Mon père a joint les rangs de la Marine royale canadienne et a servi durant la Deuxième guerre mondiale. Durant cette guerre, mon oncle George qui était pilote d'un Spitfire, escortait les bombardiers au-dessus de l'Allemagne pour l'Aviation royale du Canada et il a été descendu et tué au service du Canada. Mon deuxième nom m'a été donné en son honneur.

Après la Deuxième Grande guerre, mes parents canadiens sont déménagés de l'Ontario à Lansing, au Michigan pour permettre à mon père d'obtenir un diplôme en matière de gestion hôtelière et de restauration à l'Université d'État du Michigan. Durant mes premières années, je me souviens avoir fait de très nombreux voyages au Canada durant les congés des fêtes pour visiter des parents. Jusqu'à aujourd'hui, tous mes parents vivent toujours au Canada, à l'exception d'un cousin qui vit en Nouvelle-Zélande. Mes tantes, mes oncles et mes cousins sont disséminés un peu partout au Canada, de l'île de Vancouver jusqu'en Ontario. J'ai dit souvent à mes amis qui sont au courant de mes démarches pour récupérer ma citoyenneté canadienne que je me suis levé plus souvent pour entonner le God Save the Queen que le Star Spangled Banner. J'ai des racines profondes au Canada qui remontent à plusieurs générations.

Le 27 août 1957, ma mère et mon père ont acquis la nationalité américaine. À cette époque, mon jeune frère et moi nous avons perdu notre double citoyenneté avec le Canada. En tant qu'enfant mineur, la décision de répudier ma citoyenneté ne m'appartenait pas.

En raison d'une «disposition transitoire» de la Loi canadienne sur la citoyenneté ayant une incidence sur les enfants nés de parents canadiens vivant à l'extérieur du Canada (après le 31 décembre 1946 et avant le 15 février 1977), en juin 2000 j'ai présenté une demande officielle en vue de réintégrer ma citoyenneté canadienne. Même si je suis né dix semaines avant cette date en décembre, j'ai demandé que l'on prenne mon cas «en considération». Dans une lettre que m'adressait le bureau de la citoyenneté et de l'immigration (CTD de Sydney, en Nouvelle-Écosse) le 28 décembre 2000, on m'expliquait que j'ai perdu tout «droit à la citoyenneté canadienne». La lettre m'expliquait en outre qu'en vertu du paragraphe 20(1) de la Loi sur la citoyenneté canadienne, lorsqu'un parent responsable d'un enfant mineur cesse d'être un citoyen canadien, l'enfant perd lui aussi sa citoyenneté s'il détenait les deux nationalités à ce moment-là. Cette décision m'a causé un immense chagrin. Je le répète, étant donné que j'étais mineur, la décision de répudier ma citoyenneté canadienne n'était pas ma décision.

J'ai suivi l'évolution des modifications proposées à la Loi sur la citoyenneté qui ont été présentées à la Chambre des communes dans le cadre du projet de loi C-18 et du projet de loi C-343. Je suis encouragé par cette initiative, parce que si ce projet de loi est adopté, je pourrais récupérer ma citoyenneté canadienne. Cela aurait beaucoup de signification pour moi aujourd'hui. Mes racines et ma parenté sont canadiennes et je pourrais un jour venir vivre au Canada moi aussi.

    L'histoire suivante est celle d'un monsieur qui est âgé de 75 ans. Il a répudié sa citoyenneté à l'âge adulte, mais dans des circonstances particulières. Voici l'histoire de George Kyle:

Je suis inquiet parce que, selon moi, le projet de loi C-18 perpétue la discrimination caractérisée qui existe dans la Loi sur la citoyenneté canadienne (1977) et qui est une honte pour le Canada, particulièrement quand on sait qu'il veut être perçu comme un pays d'accueil. En fin de compte, le Canada devrait aligner davantage sa position sur celle des autres pays démocratiques du monde occidental. Permettre que cette discrimination se poursuive aura pour effet de contaminer le projet de loi C-18.

Je suis né à Vancouver, en Colombie-Britannique, en 1927. Mes parents et mes grands-parents sont tous nés au Canada eux aussi. J'ai immigré aux États-Unis en 1950 parce que je ne trouvais pas de travail dans mon domaine dans les environs de Winnipeg. J'ai trouvé un emploi à Seattle et j'ai acquis la citoyenneté américaine en 1954. Ce n'est qu'au début des années 80 que j'ai appris que j'avais perdu ma citoyenneté canadienne parce qu'une loi de l'époque l'avait révoquée. Ce fut une surprise pour moi parce que je n'y avais jamais renoncé officiellement. Ce fut également un choc d'apprendre que d'autres ayant fait exactement la même chose que moi, mais après 1977, pouvaient conserver leur citoyenneté canadienne et tous leurs droits intacts. C'est de la discrimination pure et simple. Effectivement, la loi de 1977 stipule que la citoyenneté canadienne doit être établie non pas en fonction de ce qu'une personne a fait, mais plutôt du moment où elle l'a fait.

Écoutez ce qui suit:

La personne qui a acquis une nationalité étrangère avant 1977 n'a pas répudié personnellement sa citoyenneté canadienne. Au contraire, ce sont plutôt les dispositions de la Loi sur la citoyenneté canadienne (1947) qui ont révoqué la citoyenneté d'une personne dans une telle situation et, dans bien des cas, à l'insu de l'intéressée.

Par ailleurs, la loi de 1947 n'interdisait pas la double citoyenneté, puisque les Canadiens pouvaient épouser des étrangers et acquérir la nationalité de leur conjoint sans pour autant perdre leur citoyenneté canadienne. Les étrangers quant à eux pouvaient obtenir la citoyenneté canadienne sans devoir renoncer pour autant à leur propre nationalité. Cela signifie non seulement que la double citoyenneté était acceptable aux termes de la loi de 1947, mais aussi que les citoyens canadiens de naissance (et leurs enfants) avaient moins de droits que les étrangers. Autrement dit, un criminel de guerre nazi possédait davantage de droits à la citoyenneté canadienne que des citoyens canadiens de naissance d'âge adulte et leurs enfants.

On est en droit de se demander pourquoi le Parlement a modifié la caractéristique sélective liée à la double citoyenneté de la loi de 1947 lorsqu'il a adopté la loi de 1977? Était-ce parce qu'il a réalisé que la loi de 1947 errait à cet égard? Ou alors, était-ce parce que ce qui était juste en 1947 ne l'était plus en 1977? D'une manière ou d'une autre, l'absence de rétroactivité a créé deux catégories de personnes chez les citoyens qui ont obtenu une nationalité étrangère. Ces gens sont égaux, parce qu'ils ont fait exactement la même chose. Toutefois, une catégorie a pu conserver tous ses droits, tandis que l'autre les a tous perdus. N'est-ce pas ce que l'on entend par discrimination? C'est une conséquence très grave que de perdre sa citoyenneté de naissance seulement à cause de la date à laquelle une certaine action est survenue. N'est-ce pas justement pour éviter ce genre de discrimination que l'on a institué la Charte des droits et libertés?

La loi en vigueur donne lieu à tout un éventail d'anomalies et de contradictions. Lorsque je vivais en Europe, vers la fin des années 80, on me demandait souvent en France, en Suisse, en Italie, en Autriche et dans d'autres pays, d'où je venais et où j'étais né. Je répondais Vancouver, en Colombie-Britannique, et l'on me disait alors--ah, vous êtes Canadien. Et je répondais--non, je ne suis pas Canadien. Et on me rétorquait alors--mais, vous devez être Canadien puisque vous êtes né là-bas. Et je disais simplement--vous ne savez pas comment ça se passe au Canada.

Je vous signale en passant que le Mexique a récemment abrogé sa loi sur la citoyenneté de 1947 qui était un peu similaire à la nôtre et qu'il a fait de la double citoyenneté un droit. Inutile de vous rappeler que le Mexique n'est pas exactement considéré comme un pays qui respecte toujours les droits de ses citoyens.

Aussi, durant les années 80, j'avais pris rendez-vous à l'ambassade canadienne, à Paris, pour discuter de ma situation. L'agent consulaire m'avait informé que je n'étais pas canadien mais que je pouvais présenter une demande en vue d'obtenir le statut de résident permanent. La question est venue sur le tapis, aussi j'ai demandé s'il trouvait juste de traiter ainsi tous ceux ayant été visés par la loi de 1947 d'après les modifications apportées en 1977. Mon interlocuteur m'a fait part, officieusement, de son insatisfaction à l'égard de cette situation. Il a dit en substance--comment peut-on moralement refuser un candidat comme vous, à moins qu'il n'ait un dossier criminel ou qu'il n'ait été inculpé pour fraude. Aussi, je vous le demande, pourquoi ne pas simplement nous rendre notre citoyenneté sur demande et sans que nous ayons à subir une période d'attente?

En 1994, j'ai communiqué avec le consulat canadien à Los Angeles. L'agente sur place était très bien informée, mais elle avait une attitude conflictuelle, apparemment parce que j'avais acquis la nationalité américaine. Elle s'inquiétait de ce que je voulais bénéficier des régimes de santé et autres avantages sociaux du Canada, ce qui est totalement faux. Par ailleurs, la question des citoyens canadiens de naissance qui reviennent au Canada pour y bénéficier des soins de santé ne devrait pas être un motif de refuser leur retour au pays. Les auteurs de la loi de 1977 avaient décidé que ce n'était pas un problème. Par conséquent, en invoquant continuellement cet argument lorsque l'on refuse à une personne qui veut rentrer au pays de le faire, c'est un peu comme si l'on donnait différentes réponses à la même question, sans raison valable. Pour continuer mon histoire, l'agente du bureau de Los Angeles m'a également mis au courant des nouveaux critères d'admissibilité liés à certains attributs souhaitables du point de vue du Canada en vue d'obtenir le statut de résident permanent. Comme je suis âgé de 65 ans et retraité, je n'ai pu accumuler que 30 points sur les 65 requis. À la fin, elle m'a recommandé de ne pas présenter de demande, parce que, selon elle, il était clair que ma candidature serait rejetée et que l'on ne me rembourserait pas les frais de dossier.
Je me suis retrouvé dans la situation où je ne pouvais même pas obtenir le droit de résidence dans le pays où j'étais né, ce qui revenait à dire que je ne pouvais pas espérer obtenir le statut de résident permanent. Il devenait donc impossible pour moi de respecter l'exigence de résidence d'une année, et par conséquent, cela excluait totalement la possibilité que je retrouve un jour ma citoyenneté perdue.

Comment cela est-il possible? Dans une démocratie occidentale? Et au Canada? La discrimination créée par l'absence de rétroactivité dans la loi de 1977 est une honte pour le Canada. Veuillez y mettre fin.

    J'aimerais maintenant vous faire part de mes propres commentaires. Je vous ai entendu mentionner le programme des candidats d'une province. Je connais ce programme pour en avoir entendu parler par une personne qui essaie d'immigrer en passant par ce système. Je sais ce que c'est que d'être un résident permanent et de vouloir obtenir ce statut. Je me trouve moi-même à la toute dernière étape du processus, alors que la GRC est en train de vérifier si j'ai un dossier criminel, donc j'ai une bonne idée de ce qui se passe.

    Je sais que dans le cadre de ce système, les candidats vont de la joie à la déception, au gré des étapes du processus, et ce n'est pas toujours drôle.

    Je dois vous raconter une histoire qui m'est arrivée dimanche à Vancouver. À mon arrivée, je me suis présenté au bureau de l'immigration. J'ai trouvé cela très intéressant parce que l'agente m'a regardé. Normalement, lorsque quelqu'un dans ma situation se présente dans un bureau des services de l'immigration, les agents ont le front curieusement plissé en me regardant et ils disent: «Je ne comprends pas. Vous avez un certificat de naissance canadien et vous êtes membre de la Légion canadienne. Comment se fait-il que vous ne soyez pas Canadien? Vous êtes Canadien.» Et je réponds: «Pourtant, non, je ne le suis pas. J'en suis désolé. Vous ne comprenez pas comment les choses se passent au Canada.»

    Donc, cette dame me regarde d'un autre oeil et me dit: «Je vous connais, vous. J'ai lu un article à votre sujet dans le magazine Maclean's, et quelqu'un d'ici vous a vu à Radio-Canada avec Magali.» Quelqu'un d'autre a dit: «Nous avons vu plusieurs articles à votre sujet, ces derniers temps. Nous ne savions rien de toute cette histoire, et pourtant nous travaillons pour les services de l'immigration. Nous ignorions que cette situation pouvait exister.» Voici qui nous ramène au commentaire de George Kyle, qui est très pertinent, et qui a trait à la désinformation.

    On a dit à mes parents qu'ils pouvaient toujours revenir au Canada. C'est vraiment incroyable, parce que je parle à beaucoup de gens dans cette situation. C'est une chose tout à fait habituelle. Tout le monde s'est laissé prendre. Même vous, membres du Comité, lorsque je me suis adressé à vous à Ottawa, vous m'avez répondu: «Nous ignorions tout de cette situation jusqu'à il y a environ deux semaines». Et pourtant, vous êtes à l'origine des lois.

    Donc, l'agente me regarde et elle me dit: «Au nom du gouvernement canadien, je veux vous présenter mes excuses.» Puis, les larmes lui sont montées aux yeux et elle a ajouté: «Bienvenue à la maison, monsieur Chapman. J'ai les larmes aux yeux.

    J'aimerais en terminant vous remémorer des déclarations faites par certains d'entre vous. M. Telegdi a dit que la citoyenneté canadienne ne devrait pas pouvoir être révoquée par les politiciens, mais seulement par les tribunaux.

    M. Chrétien a dit qu'il y a une chose qui est sacrée pour la survie de la nation, et c'est de s'assurer que les droits des citoyens sont protégés par les tribunaux de notre pays et non soumis aux caprices des élus.

    Au début de cette réunion, monsieur Fontana, vous avez dit que la citoyenneté était le plus beau cadeau qu'un pays pouvait offrir à un individu. Nous ne voulons pas de deux catégories de citoyens. Je suis totalement d'accord. Et c'est facile de remédier à cet état de choses. Il suffit d'adopter une loi qui dise les choses clairement et simplement.

    Voici. Les enfants nés au Canada, peu importe le moment de leur naissance, sont canadiens. Les enfants nés à l'étranger dont l'un des parents est canadien, peu importe à quel moment la naissance est survenue, sont canadiens. Ça règle la question, et pourtant c'est simple. Nous pourrions apporter beaucoup au Canada, si vous nous en donniez la possibilité.

    Merci.

º  +-(1630)  

+-

    Le président: Vos arguments sont particulièrement convaincants. J'ai beaucoup de questions, et je suis sûr que je ne suis pas le seul.

º  +-(1635)  

+-

    M. Don Chapman: Aimeriez-vous entendre Magali?

+-

    Le président: Oui, bien sûr.

    Magali.

+-

    Mme Magali Castro-Gyr («Lost Canadian Organization»): Comme je suis enseignante, je suis bien placée pour comprendre que vous avez eu une longue journée au cours de laquelle vous avez dû vous concentrer énormément, aussi j'apprécie beaucoup que vous me permettiez de témoigner devant vous, ici à Vancouver. On a beaucoup parlé de l'immigration aujourd'hui, aussi je trouve qu'il est de mise que nous terminions avec la citoyenneté.

    Je suis parfaitement bilingue, aussi j'ai l'intention de m'adresser à vous en français et en anglais. Est-ce que cela pose un problème.

+-

    Le président: Pas du tout.

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: Très bien.

    Bonjour. Merci de nous donner l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui.

    Je vous demande instamment de relire le témoignage que nous avons livré à Ottawa, le 28 janvier, je peux vous en remettre un exemplaire, madame Davies.

    Voici le véritable enjeu de tout cela: si CIC peut nous contester à moi, Magali Castro-Gyr, citoyenne canadienne de naissance, et à d'autres Canadiens de naissance comme Don Chapman, Charles Bosdet, Ron Nixon, Keith Menzie et George Kyle, dont vous venez tout juste d'entendre les témoignages, le droit fondamental et le privilège de conserver notre citoyenneté canadienne de naissance, alors tout ce qui a été dit devant vous aujourd'hui et durant toutes les autres réunions du Comité dans l'ensemble du pays perd sa raison d'être, est nul et sans valeur.

    Si le Canada permet que ses lois perpétuent la discrimination à l'endroit des citoyens qui sont nés ici, en dépit de la Loi sur la citoyenneté canadienne de 1977, en dépit de la Charte des droits et libertés, et continue à apporter des modifications à ses lois en vue de protéger les Canadiens nés à l'étranger et les immigrants, alors nous devons nous poser sérieusement la question suivante: que fait-on ici?

    [Remarque: Compte tenu de difficultés techniques, cette traduction est fidèle à l'interprétation.]

    Je suis convaincue que ce processus aurait trois étapes. Premièrement, cela aurait pour effet de ridiculiser la citoyenneté de ridicule, et c'est assez évident.

    Nous vous demandons instamment de nous aider à atteindre nos buts. Je suis née au Canada de parents canadiens. Nous sommes fermement convaincus d'avoir raison. Nous nous élevons contre une injustice qui est discriminatoire et qui nous est imposée. Nous sommes déterminés à vous convaincre de nous aider et de nous appuyer, parce que si le Canada nous ferme la porte, nous des enfants nés au Canada et y ayant de solides attaches, qui aura davantage de droits d'y entrer? Il suffirait d'apporter une simple modification à la loi pour qu'elle stipule que tout enfant né au Canada a le droit d'acquérir la citoyenneté canadienne et de la conserver, immédiatement et rétroactivement à 1977. Cette simple modification réglerait le problème.

    [Remarque: Fin de l'interprétation.]

    Pourquoi faut-il que nous, des Canadiens nés ici de parents canadiens, ayons à déployer d'aussi grands efforts sur le plan affectif, psychologique et financier pour vous prouver à vous, ainsi qu'au reste du Canada, ce que nous considérons comme notre droit fondamental, qui est celui d'avoir une identité, une identité canadienne, et dans mon cas, une identité québécoise aussi? Et pourtant, les fonctionnaires de CIC ne sont pas convoqués pour venir témoigner devant vous, les membres du Comité, afin de justifier des décisions si manifestement erronées, qui remettent en question le paragraphe 15(1) de la Charte des droits et libertés et qui reviennent à nous priver de notre identité et de notre dignité.

    Merci de nous avoir permis de témoigner devant vous aujourd'hui.

+-

    M. Don Chapman: Puis-je ajouter quelque chose?

+-

    Le président: Vous avez de la chance d'avoir des racines à London, en Ontario et je vous reconnais comme quelqu'un du coin.

+-

    M. Don Chapman: Avec le hockey, ils remontent aussi loin que...

    Le président: Oui.

    M. Don Chapman: Magali, avez-vous votre poursuite?

    Je voulais souhaiter à chacun d'entre vous une joyeuse fête de la Saint-Valentin. J'aimerais vous montrer ce que Magali a reçu le jour de la Saint-Valentin. Il s'agit d'un mémoire, un élément nouveau dans son affaire judiciaire. Le gouvernement canadien la force à aller devant les tribunaux. L'année dernière, ses factures d'honoraires d'avocat se sont chiffrées à 20 000 dollars. C'est beaucoup d'argent pour une simple enseignante. Alors, voici les...

    

    

º  +-(1640)  

+-

    Le président: Pourquoi le gouvernement intente-t-il des poursuites contre elle?

+-

    M. Don Chapman: Parce que Magali est allée inscrire ses deux enfants nés à l'étranger et que le gouvernement lui a dit... et soit dit en passant, Magali possède un passeport canadien valide.

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: Ma mère est canadienne, et elle a toujours conservé sa citoyenneté.

+-

    M. Don Chapman: Donc, elle détient un passeport canadien valide ainsi qu'un numéro d'assurance sociale valide au Canada et elle se rend inscrire ses deux enfants qui sont nés à l'étranger, et les fonctionnaires lui disent: «Nous avons fait une erreur. Vous n'êtes pas canadienne, non seulement vos enfants ne sont pas canadiens, mais vous ne l'êtes pas vous non plus.» Son mari est originaire de la Suisse. Elle l'a parrainé. Le gouvernement canadien l'a accepté, et aujourd'hui les fonctionnaires déclarent: «Vous pouvez tous quitter le pays.» Il est administrateur scolaire. Donc, joyeuse fête de la Saint-Valentin, version trois. Pourquoi le gouvernement canadien gaspille-t-il de l'argent pour empêcher une Canadienne de rentrer au Canada, une simple enseignante?

+-

    Le président: C'est pourquoi je suis sûr que nous aurons beaucoup d'autres questions à poser.

    Louis?

+-

    M. Louis Plamondon (Bas-Richelieu—Nicolet—Bécancour, BQ): [Remarque: Compte tenu de difficultés techniques, cette traduction est fidèle à l'interprétation]

    C'est incroyable que des fonctionnaires puissent perdre autant de temps à monter un dossier comme celui-ci contre une personne alors que, de toute évidence, il y a eu une erreur. En 1977, ce fut une erreur de ne pas inclure la rétroactivité, et je pense que notre Comité devrait accorder une priorité élevée à cette question.

    C'est d'ailleurs ce que je disais ce matin, dans ma circonscription. Je croyais qu'il s'agissait d'un cas isolé. Un homme âgé de 77 ans, qui a toujours payé ses impôts au Canada, qui reçoit ses prestations de la sécurité de la vieillesse et qui a toujours eu un passeport se fait dire brusquement qu'il n'est pas canadien parce que lorsqu'il était âgé de 15 ans, son père qui est né aux États-Unis, a demandé la nationalité américaine pour lui-même ainsi que pour ses enfants. Il ne s'est jamais servi de cette nationalité.

    Je pense que le concept est suffisamment clair. En 1947, l'homme était le propriétaire de la femme et des enfants. Ils étaient sa propriété. C'était ainsi que l'on voyait les choses à l'époque. Et cela explique pourquoi, même si la mère de Magali est demeurée canadienne lorsque son père a décidé d'acquérir une autre nationalité--sa mère a réussi à conserver sa citoyenneté, mais les enfants, étant la propriété du père, ont perdu leur citoyenneté canadienne. Tout ceci est complètement absurde. Nous devons absolument faire quelque chose pour corriger cette situation.

    J'aime le texte que vous nous avez transmis pour le projet de loi. Cette formulation, --c'est-à-dire le projet de loi C-343, réglerait tous les problèmes. Peut-être que nous devrions faire quelque chose rapidement. C'est urgent. Nous étudions le projet de loi C-18, et c'est très bien, mais cela peut être résolu à part du projet de loi C-18, et cela pourrait même être réglé presque immédiatement avec trois lectures le même jour à la Chambre. Cela réglerait le problème une bonne fois pour toutes. Je propose que nous fassions quelque chose de ce genre. Nous en discuterons plus tard.

    Merci beaucoup de votre témoignage. Je croyais que je tenais un cas isolé, mais je constate que ce n'est pas du tout le cas. C'est encore plus sérieux que je ne l'avais imaginé.

    [Remarque: Fin de l'interprétation.]

+-

    Le président: Je pense que je comprends et que je sais parfois comment les bureaucraties fonctionnent. Quant à ce qui peut sembler une solution facile, peut-être pourrez-vous répondre à cette question parce que si c'était aussi simple que vous le dites de changer la loi, et peut-être que nous aurons l'occasion d'examiner le projet de loi et votre témoignage suggérant une modification, mais avant que je prenne tout ça pour des faits... combien y a-t-il d'autres cas de ce genre? Vous ne nous en avez décrit que trois, et j'ignore si une telle information existe. Pour ce qui est de la citoyenneté, à moins que vous ne soyez né ici, que vous ayez été naturalisé, il y a un processus à suivre. Si vous êtes né ici, tout le monde supposait que c'était automatique, aussi on a mis en place un processus permettant de présenter une demande de citoyenneté. Je pense que les gouvernements sont toujours préoccupés à l'idée de créer des précédents, et que l'on pourrait simplement adopter une modification englobant tout le monde.

    Je crois votre histoire, et je crois aussi la vôtre, Magali, et je crois également celle de ces trois personnes. Mais combien y en a-t-il d'autres dans la même situation?

    Les gouvernements sont vraiment inquiets à l'idée de mettre en place un système sur lequel ils ne pourront exercer aucun contrôle, sans savoir combien de personnes seront visées par la mesure adoptée. Je me demandais seulement, dans le contexte de ce que vient de dire Louis, ce qui pourrait être une bonne solution, parce que toute cette histoire dépasse l'entendement.

º  +-(1645)  

+-

    M. Don Chapman: Je ne connais pas la réponse à cette question. Personne ne sait vraiment.

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: Nous savons que depuis que nous avons témoigné à Ottawa, trois personnes nous ont contactés en l'espace de deux semaines, sans doute à la suite des émissions à la télé et à la radio. Je serais curieuse de savoir combien de personnes sont dans cette situation.

+-

    M. Don Chapman: J'ai une page Web, à l'adresse www.lostcanadian.com. C'est difficile à dire. On ne sait pas, mais je peux au moins dire ceci: combien de personnes voudront revenir? Je dirais qu'il y en a très peu. Ces personnes ont refait leur vie. C'est ce qui m'est arrivé il y a 42 ans. Combien de personnes ont le désir de rentrer au pays?

+-

    Le président: Je me posais simplement la question. C'est la raison pour laquelle je m'inquiète parfois au sujet de l'administration. La personne doit avoir présenté une demande. Par conséquent, on force quelqu'un à suivre tout le processus de demande en vue de devenir un résident permanent. Il faut d'abord devenir résident permanent...

+-

    M. Don Chapman: Oui.

+-

    Le président: C'est absolument ridicule et il se peut que la personne ne soit même pas admissible. Voici à quoi je veux en venir: à partir de quel moment dans le processus de demande est-ce que les choses se gâtent?

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: Pour ma part, ce fut lorsque j'ai demandé un certificat de citoyenneté canadienne pour mon fils aîné.

+-

    M. Don Chapman: Votre question m'amène à vous donner la réponse suivante: lisez le témoignage de Charles Bosdet, de Halifax. Je pense que les fonctionnaires ont demandé à son arrière grand-père de prouver qu'il était un enfant légitime né au Canada. Il y a en Nouvelle-Écosse un endroit appelé Bosdet Point en l'honneur de cette famille. Toute cette histoire a donné lieu à une quantité astronomique de paperasse. Cette affaire a pris des proportions incroyables. Lisez le témoignage et vous aurez une partie de la réponse.

    Mais il y a un point intéressant et il s'agit de votre remarque sur le nombre de personnes qui seraient touchées. Nous étions assimilés à de la propriété. Vous avez tout à fait raison. Nous étions des biens meubles appartenant à nos pères. Cela pose la question suivante: «Combien de pères sont arrivés au Canada de l'étranger et ont eu des enfants ici sans être des Canadiens? Par conséquent, les enfants ont vécu toute leur vie ici et sont encore au pays sans être des Canadiens. Leur père n'était peut-être pas canadien, aussi à quel moment vont-ils découvrir qu'ils ne sont pas canadiens eux-mêmes? Lorsqu'ils présenteront une demande pour obtenir un numéro d'assurance sociale ou des prestations de retraite?

+-

    Le président: Libby, voulez-vous poser une question?

+-

    Mme Libby Davies: Je ne veux pas poser de question. Mais j'aimerais bien faire un commentaire, parce que tout cela me paraît si incroyablement ridicule. Si seulement tout ce processus ne devenait pas aussi incroyablement coûteux. Parce que, et cela m'indispose rien que d'y penser, je suis sûre que les gens sont forcés d'entreprendre des procédures très coûteuses alors qu'en réalité ils n'ont rien à se reprocher. Alors, pour ce qui est de créer un précédent, je regarderais les choses sous un angle différent. Il me semble que nous avons créé un précédent nous-mêmes et que nous devons maintenant rétablir la situation.

    Le président déclare que le gouvernement canadien s'inquiète à l'idée de créer un précédent et qu'il va sans doute vouloir régler au cas par cas. Mais le précédent a déjà été créé dans le sens négatif du terme, et il faut maintenant revenir en arrière et corriger la situation.

    La seule chose que je puisse dire à ce sujet, c'est que j'ignore pourquoi le Ministre ne s'est pas montré réceptif à votre égard, enfin c'est ce que rapporte l'article du magazine Maclean's. J'espère que notre Comité convoquera les fonctionnaires et les invitera à venir s'expliquer pour que nous puissions prendre la relève, parce que c'est incroyable et vous ne devriez pas avoir à vivre une telle situation. Les choses n'auraient pas dû en arriver là.

    

+-

    Le président: Ça c'est la partie facile de l'affaire, convoquer le Ministre et ses collaborateurs pour qu'ils viennent donner des explications au Comité. Je vous donne ma parole que c'est le moins que je puisse faire, parce que j'ai besoin d'en avoir le coeur net. Nous devons comprendre comment...

+-

    Mme Libby Davies: Mais ils peuvent trouver le moyen de corriger la situation...

+-

    Le président: Je dis que c'est la partie la plus facile que de convoquer les fonctionnaires pour qu'ils viennent expliquer au Comité comment on en est arrivé là, mais ceci nous entraîne au coeur même de la notion de citoyenneté et c'est justement à quoi on veut en venir avec ce projet de loi. En deux mots: le gouvernement veut pouvoir annuler et révoquer votre citoyenneté si vous avez réellement commis une erreur. Mais que se passe-t-il si en réalité c'est le gouvernement qui commet l'erreur? Parce que c'est ainsi que je vois les choses, Magali, pour ce qui est de votre situation. Vous aviez la citoyenneté et vous l'avez toujours, et puis soudain, lorsque vous présentez une demande au nom de vos enfants, on fait volte-face et vous affirme que vous n'avez jamais eu la citoyenneté ou encore que c'était une erreur...

    Mme Magali Castro-Gyr: Tout à fait.

    Le président: ... et nous n'aurions probablement pas dû vous l'accorder parce que vous n'étiez pas ici. Voilà le problème. Lorsque l'on adopte une loi, elle devrait jouer dans les deux sens. Autrement dit, elle ne peut pas agir seulement dans l'intérêt du gouvernement, elle doit servir à protéger les droits du citoyen ou de la personne.

    

º  +-(1650)  

+-

    M. Don Chapman: Il y a un autre aspect dans le cas de Magali. Disons que le gouvernement affirme qu'elle ne possède pas la citoyenneté. Cela entraîne comme conséquence qu'un mineur devient apatride, et cela va à l'encontre du droit international. Et c'est ce que le Canada a fait.

    Mon frère et ma soeur, soit dit en passant, sont des Canadiens à cause d'une bizarrerie de cette loi. Ils ont été adoptés, aussi aujourd'hui ils sont canadiens. Quelqu'un a mentionné qu'il suffirait d'intégrer les dispositions du projet de loi C-343 dans cette loi pour la corriger. J'ai bien peur que ça ne fonctionne pas.

    Le père de Ron Nixon voulait revenir au pays pour y finir ses jours en tant que Canadien. C'est un ancien combattant. Les fonctionnaires de l'immigration lui ont répondu dans une lettre: «Non, vous ne pouvez pas rentrer au pays. Vous êtes trop âgé. Vous n'accumulez pas les points nécessaires.» Ils doivent tenir compte de la situation antérieure à 1977. George Kyle ne peut pas revenir au Canada.

+-

    Le président: De toute évidence, le problème se situe entre 1947 et 1977, et je pense que nous devrons obtenir des renseignements beaucoup plus circonstanciés de la part de l'administration concernant l'intention qui était visée par la loi de 1947 et la raison pour laquelle on l'a modifiée en 1977.

    Je me plais à espérer, parce que je ne suis pas cynique, que nous sommes en face d'une erreur administrative qui n'a jamais été corrigée, mais on ne guérit pas le mal par le mal. Est-ce que la loi de 1947 avait besoin d'être corrigée ou était-ce plutôt celle de 1977 qui devait être corrigée? D'une manière ou d'une autre, je pense que les deux lois sont dans l'erreur.

    J'essaie de vous faire comprendre que je suis un pragmatique. Je m'efforce de trouver une solution. J'ignore s'il suffira d'adopter une modification pour accorder l'amnistie à chaque personne visée individuellement et pour accélérer le traitement des demandes ou encore pour faciliter les démarches auprès du personnel administratif afin que les personnes lésées ne soient pas obligées d'entreprendre des procédures coûteuses qui vont chercher dans les 20 000, 50 000 ou 60 000 dollars. C'est ridicule.

+-

    M. Don Chapman: Je travaille à ce dossier depuis 30 ans, alors je suis pas mal au courant du processus. En passant, Ron Nixon est né 10 semaines avant la date fatidique en 1947, donc il n'est pas couvert, si vous revenez en arrière. Franchement, cet homme est né de parents canadiens.

    Il faut corriger la situation. On a déjà perdu beaucoup de temps. Nous sommes en face d'un préjudice historique qu'il serait pourtant facile de redresser. Cette situation est une cause d'embarras pour le Canada dans le monde entier. Je le sais, parce que comme je vous l'ai mentionné déjà, j'ai commencé à travailler sur ce dossier il y a 30 ans.

    Il y a très longtemps de cela, un député m'a expliqué pourquoi la loi de 1947 avait été formulée de cette manière. J'ignore si c'est la vérité, mais je sais que le député qui était à l'époque critique en matière d'immigration m'avait confié qu'ils avaient découvert que le gouvernement avait rédigé la loi en ces termes pas vraiment parce que le Canada avait une position quelconque en matière de double citoyenneté. Au contraire, il semble que les États-Unis se préoccupaient de la double citoyenneté et qu'ils avaient demandé de bien vouloir rédiger nos lois dans des termes qui excluraient la double citoyenneté parce qu'ils s'y opposaient. Donc, essentiellement, si tout cela est véridique, on m'empêche de rentrer dans mon pays à la demande des États-Unis.

+-

    Le président: L'ironie du sort veut que les Américains nous demandent de faire des choses très étranges depuis le 11 septembre, exigeant que nous harmonisions ceci et cela. Vous vous souviendrez que 1947 a été une année assez intéressante.

+-

    M. Don Chapman: Je m'en souviens.

+-

    Le président: Une année qui suivait de peu 1945.

    Louis?

+-

    M. Louis Plamondon: Il faut comprendre que si le père de Magali s'était adressé au bureau de la citoyenneté américaine en 1978...

[Français]

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: C'était en 1975.

[Traduction]

+-

    M. Louis Plamondon: Vous êtes canadienne?

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: S'il avait fait ses démarches en 1977, il n'y aurait pas eu de problème.

+-

    M. Louis Plamondon: Comprenez-vous, monsieur le président? Si son père avait demandé la citoyenneté après 1978, il n'y aurait eu aucun problème, elle serait canadienne, mais il l'a demandée en 1975. Le problème vient du fait qu'en modifiant la loi en 1975, on ne s'est pas occupé de savoir quelles seraient les répercussions pour le reste de la population.

+-

    Le président: Peut-être qu'après avoir examiné la situation nous pourrons faire une recommandation. Il se pourrait que nous puissions corriger le problème ou modifier une loi abusive ou encore rectifier quelques erreurs. Un peu plus tôt, ce matin, nous avons entendu le témoignage d'un avocat qui représentait des clients dont la cause était similaire à celle de Magali pour ce qui est de la défense des droits.

+-

    M. Don Chapman: Il s'agissait de mon conseiller juridique.

+-

    Le président: Je suis désolé. Vous vouliez faire une autre intervention.

+-

    Mme Magali Castro-Gyr: Je voulais seulement ajouter quelque chose à la déclaration de M. Plamondon. Tout le monde parle de ce que mon père a fait, et je suppose que c'est à cause de la loi de 1947. Toutefois, il y a quelque chose d'autre qui a été abordé par chacun d'entre vous depuis lors. C'est le fait que ma mère ait toujours conservé sa citoyenneté canadienne. Cela doit avoir une valeur quelconque. Et cela compte désormais. Je pense qu'il est réellement important de toujours se rappeler cela. Ma mère est née à Montréal. Elle a toujours conservé sa nationalité canadienne. On lui a refusé de transmettre cette nationalité à mon frère et à moi. Nous avons fait l'objet de discrimination.

º  -(1655)  

+-

    Le président: De nos jours, les lois de ce pays tiennent compte de ce genre de situations.

    Quoi qu'il en soit, laissez-nous nous en occuper. Je sais que mes collègues en ont entendu parler en Nouvelle-Écosse et aussi, bien entendu, à Ottawa, même si j'étais absent à ce moment-là. Naturellement, nous sommes tout aussi abasourdis que quiconque entend parler de cette histoire abracadabrante. Nous nous préparons à poser des questions assez difficiles, et nous avons bien l'intention d'aller au fond des choses.

+-

    M. Don Chapman: Je vous remercie beaucoup. Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié Keith Menzie. Nous nous entretenions l'autre jour, et il m'a dit quelque chose qui m'a fait penser à un détail que m'avait rapporté Magali au sujet de sa mère. Elle m'avait dit que sa mère était absolument contre l'idée de quitter le Canada. Je pense que ses parents ont dans les quatre-vingts ans. Elle me confiait: «Peu importe ce qui pouvait se passer. Chaque fois qu'il y avait une discussion entre mes parents, ma mère finissait toujours par dire «tout cela est arrivé parce que tu m'as obligée à quitter le Canada»».

-

    Le président: Très bien. Merci beaucoup.

    Merci. Nous reprendrons nos travaux demain matin à 8 heures. La séance est levée.