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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 24 octobre 1995

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

    M. Mills (Red Deer) 15731

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

INDUSTRIE

AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE

PÉTITIONS

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

LA BFC CHILLIWACK

QUESTIONS AU FEUILLETON

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR L'EXPORTATION ET L'IMPORTATION DE BIENS CULTURELS

    Projet de loi C-93. Reprise de l'étude de la motionde troisième lecture 15733
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 15751
    Report du vote sur la motion 15760

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

L'UNITÉ CANADIENNE

LES NATIONS UNIES

LA RADIO COMMUNAUTAIRE DE CHÉTICAMP

    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 15761

LE LIBRE-ÉCHANGE

L'UNITÉ CANADIENNE

LA CITOYENNETÉ CANADIENNE

LE QUÉBEC

LES MARCHÉS FINANCIERS

    M. Leroux (Shefford) 15762

L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

    M. Harper (Calgary-Ouest) 15763

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

    Mme Ringuette-Maltais 15763

QUESTIONS ORALES

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15765
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15765
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15765

LE DOLLAR CANADIEN

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15766
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15766

LA JUSTICE

LE DOLLAR CANADIEN

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15767
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15767

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

LE TRANSFERT SOCIAL CANADIEN

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15768
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15768

LA RÉSERVE DES FORCES CANADIENNES

L'INDUSTRIE MINIÈRE

LE TRANSFERT SOCIAL CANADIEN

    M. Martin (LaSalle-Émard) 15769
    M. Martin (LaSalle-Émard) 15769

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

    M. Breitkreuz (Yorkton-Melville) 15770

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

LES REVUES DE RECHERCHE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

LA LOI SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES PRÊTS AUX PETITES ENTREPRISES

    Projet de loi C-99. Motion de deuxième lecture 15771
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 15771
    M. Mills (Broadview-Greenwood) 15793

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LA RACE NATIONALE DE CHEVAUX DU CANADA

    Projet de loi C-329. Motion de deuxième lecture 15793

15729


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 24 octobre 1995


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

AFFAIRES COURANTES

[Français]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à onze pétitions.

* * *

L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je suis honoré de pouvoir, au nom du gouvernement, commémorer aujourd'hui un des événements les plus importants de ce siècle, c'est-à-dire la création de l'Organisation des Nations Unies, le 24 octobre 1945.

Il y a 50 ans, les premiers signataires de la Charte des Nations Unies, dont l'un des plus grands premiers ministres du Canada, M. Mackenzie King, se réunissaient à San Francisco pour donner vie à leur vision d'espoir pour l'humanité.

Dans les ruines d'un monde dévasté, nos prédécesseurs croyaient fermement que l'humanité entière pouvait et devait se bâtir un meilleur avenir. Ils savaient aussi que la paix et le développement n'étaient pas affaire de quelques pays, mais l'affaire de toute une planète, de tous ses peuples.

Aujourd'hui, alors que nous contemplons les réalisations et les bouleversements des 50 dernières années, une chose est claire: l'ONU est véritablement une organisation universelle, non pas tellement parce que presque tous les pays du monde en sont membres, mais parce qu'elle est impliquée dans tous les domaines de l'activité humaine.

Du maintien de la paix à l'édification de la paix, en passant par l'éducation et la lutte contre la pauvreté; des droits de la personne au développement, en passant par l'environnement, la santé, l'aide aux réfugiés et les programmes pour promouvoir la stabilité et la croissance économiques; des efforts de démocratisation aux initiatives de partage de technologie et d'amélioration de l'agriculture et de l'alimentation. Le Canada peut être fier des progrès que les Nations Unies ont accomplis pour améliorer le sort de millions d'êtres humains à travers le monde.

(1005)

Mais nous pouvons aussi être fiers de notre contribution, nous, Canadiens, à ces efforts. Nous étions un des premiers signataires de la Charte. C'est aussi un Canadien, le regretté John Humphrey, qui a rédigé la première ébauche de la déclaration universelle des droits de l'homme, en 1948.

[Traduction]

Et c'est mon prédécesseur, Lester B. Pearson qui a aidé l'ONU dans ses années de maturité. Parmi ses plus importantes contributions, la plus visionnaire est sans doute sa proposition de créer la première opération de maintien de la paix en 1956, lors de la Crise de Suez. Depuis cette date, plus de 100 000 Canadiens ont servi dans plus de 30 missions de maintien de la paix, sans parler de notre contribution lors de la guerre de Corée. Je tiens d'ailleurs à rendre hommage aujourd'hui à tous ceux qui ont fait le sacrifice de leur vie sous la bannière de l'ONU.

Le Canada a travaillé au sein des Nations Unies pour les droits des pauvres et des opprimés, pour promouvoir le respect de l'environnement et pour promouvoir le désarmement. Nous avons toujours été l'un des plus grands fournisseurs de secours alimentaire. Nous avons participé à des missions de surveillance électorale aux quatre coins du monde.

L'Organisation de l'aviation civile internationale a son siège à Montréal. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture a été fondée à Québec et fêtait justement son anniversaire dans cette ville, la semaine dernière, par la tenue d'une grande conférence.

Le Canada a joué un rôle dominant au sein de l'Agence internationale de l'énergie atomique ainsi que dans bien d'autres agences spécialisées de l'ONU. Nous avons siégé au Conseil de sécurité à chaque décennie depuis la création des Nations Unies et nous avons déclaré récemment notre intention de solliciter un siège pour les années 1999 et 2000.

[Français]

Également, le Canada a annoncé, l'an dernier, que nous soumettrions la candidature de la ville de Montréal pour le secrétariat sur la biodiversité.

[Traduction]

Nous nous apprêtons maintenant à entamer un nouveau chapitre de l'histoire de l'ONU et à franchir le seuil du XXIe siècle. À cette occasion, je suis heureux de dire que le Canada demeure résolument


15730

engagé envers le système onusien et qu'il continuera d'en appuyer les objectifs.

J'ai eu l'honneur de prendre la parole devant l'Assemblée générale des Nations Unies à New-York le mois dernier et de présenter les priorités qui doivent être, à notre avis, celles des Nations Unies pour les prochaines années. Ce gouvernement croit que les Nations Unies devraient s'attarder sur trois objectifs principaux: la diplomatie préventive, la réaction rapide, et l'édification de la paix.

Toutes les composantes du système onusien doivent aider à identifier et résoudre les tensions avant qu'elles ne dégénèrent en conflits. Lorsque les efforts de diplomatie préventive échouent, l'ONU doit être capable d'intervenir rapidement et efficacement sur le terrain.

À New-York, j'ai eu l'honneur de déposer l'étude du gouvernement du Canada sur les moyens d'accroître la capacité d'intervention rapide des Nations Unies. Nous sommes encouragés par la réaction favorable accordée à nos recommandation.

Parrallèlement à ces efforts, l'ONU doit continuer son travail en matière d'édification de la paix et mettre de l'avant une vision du développement centrée sur l'individu et qui équilibre les priorités économiques et sociales afin d'améliorer le bien-être de toute la société.

Tout comme le monde a subi des bouleversements depuis 1945 et qu'il a dû s'adapter à de nouvelles exigences, à la technologie moderne et à une conjoncture économique plus difficile, l'ONU doit se revitaliser pour affronter le siècle prochain. Les difficultés surgissent parfois brutalement. Le Canada continuera de tendre la main à l'ONU afin que l'Assemblée générale, le Conseil de sécurité et toute la famille onusienne soient bien en mesure de faire face aux nouveaux impératifs, suivant une démarche coordonnée, efficace et financièrement rigoureuse.

(1010)

L'ONU a accompli de grandes choses pendant son existence. Certes, il y a eu des revers. Nous pouvons améliorer l'ONU, mais nous ne pouvons espérer l'améliorer tant que certains pays ne payent pas leurs dettes. Certains pays peuvent et doivent payer leurs dettes maintenant. Cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas réformer l'échelle des contributions afin de refléter de nouvelles réalités économiques. Nous devrions le faire tout de suite.

À 50 ans, le moment semble tout indiqué pour l'ONU de prendre du recul afin de voir ce qui a été accompli, comment on l'a accompli et comment il serait possible de faire mieux dorénavant. Nous devons regarder en arrière et réfléchir sur l'esprit qui a motivé les architectes de l'ONU. Leur vision était courageuse. Les défis qui les confrontaient, énormes.

Aujourd'hui, nous sommes confrontés à des problèmes universels qui menacent les acquis de ces cinquante dernières années. Contrairement à il y a 50 ans, nous avons un mécanisme multilatéral qui a fait ses preuves et qui nous permettra de relever ces défis. Travaillons à la rendre plus fort et plus efficace. Voilà le défi des 50 prochaines années.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, c'est avec fierté que je prends la parole ce matin, au nom du Bloc québécois, afin de souligner le 50e anniversaire de fondation de l'Organisation des Nations Unies.

Le ministre des Affaires étrangères a tracé un portrait relativement approprié des réalisations et des défis auxquels fait face l'Organisation des Nations Unies ainsi que du rôle que le Canada y a joué.

Pour ma part, je souhaite souligner cet événement commémoratif en axant mon intervention sur deux principales questions qui, à mon sens, sont fondamentales, et qui ont été escamotées, peut-être volontairement, par le ministre.

D'une part, il s'agit de la question de la promotion des droits de la personne et de la démocratie. D'autre part, puisque nous sommes à l'heure de la mondialisation, je désire aborder ce qui caractérise avant tout l'Organisation des Nations Unies, soit son caractère universel. L'ONU rassemble tout près de 200 pays, dont 28 se sont joints à elle depuis 1990.

Tout d'abord, sur la question des droits de la personne et de la démocratie, en écoutant le ministre des Affaires étrangères nous dire à quel point il était fier, à juste titre, des contributions du Canada, en notant particulièrement que c'est un Canadien, le regretté John Humphrey, qui a rédigé la première ébauche de la déclaration universelle des droits de l'homme en 1948, je n'ai pu m'empêcher de penser à la piètre politique de ce gouvernement au chapitre de la promotion des droits de la personne et de la démocratie.

Pour un gouvernement qui refuse de s'engager à reconnaître le résultat du référendum qui se tiendra la semaine prochaine au Québec, c'est plutôt surprenant de voir le ministre se pavaner sur les tribunes des Nations Unies en rappelant les réalisations de celle-ci sur les droits de la personne et la démocratie.

Cela prend un certaine dose de culot, il faut tout de même le dire. En effet, pour un gouvernement qui a décidé de mettre dorénavant le cap sur ses seuls intérêts commerciaux, et de littéralement tourner le dos à la promotion des droits de la personne et la démocratie, c'est plutôt gênant.

Le regretté John Humphrey doit certainement se retourner dans sa tombe aujourd'hui. Le Bloc québécois a vivement critiqué et dénoncé cet abandon par le Canada de ses responsabilités historiques au chapitre des droits de la personne et de la démocratie.

Je ne pourrais conclure sur ce premier point sans faire lecture d'une des recommandations les plus originales du Bloc québécois dans son rapport dissident du Comité mixte spécial chargé de l'examen de la politique étrangère du Canada. Le Bloc québécois recommandait que les éléments clés de la politique étrangère canadienne en matière de démocratie et de droits de la personne soient traduits en lignes directrices par le ministère des Affaires étrangères et du commerce international et l'ACDI, en collaboration avec les organisations non gouvernementales et les sociétés commerciales.

Ces lignes directrices devaient comprendre, en outre, une grille obligatoire d'analyse des situations révélant des violations systématiques et flagrantes des droits de la personne et devaient être élabo-


15731

rées rapidement et rendues publiques au plus tard au moment de la célébration du 50e anniversaire des Nations Unies, le 24 octobre 1995. Le 24 octobre 1995, c'est aujourd'hui même. Et que nous présente ce gouvernement? Rien, rien de concret à l'égard de la promotion des droits de la personne et de la démocratie. Quelle chance ratée par le Canada.

(1015)

Ces lignes directrices que nous proposions avaient pour objectif d'inspirer les nouveaux textes législatifs et réglementaires qui devaient régir l'activité du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, de l'ACDI, des organisations non gouvernementales et des sociétés commerciales dans leurs relations avec les États de la communauté internationale.

Il était de notre avis que la politique étrangère du Canada, en matière de démocratie et de droits de la personne, devait faire preuve d'une plus grande cohérence et d'une franchise sans faille, de façon à préserver le capital de respect et de prestige acquis par le Canada et que l'État québécois souverain aurait certainement pu perpétuer.

Tout indique aujourd'hui que ce sera néanmoins le cas si les Québécois optent pour la souveraineté, le 30 octobre prochain. Plus que jamais, nous en avons une autre preuve aujourd'hui, il importe que le Québec puisse enfin participer pleinement à la vie internationale, y faire valoir ses aspirations et y défendre lui-même ses intérêts. Fidèle à ses valeurs démocratiques d'ouverture et de tolérance, il n'y a pas de doute que le Québec situera ses efforts dans un plus grand souci humanitaire et d'équité entre les peuples.

Ceci m'amène à mon deuxième point, l'aspect universel de l'Organisation des Nations Unies et les leçons que l'on doit en tirer. J'aimerais reprendre ici quelques citations du secrétaire général des Nations Unies, alors qu'il faisait une allocution lors de la première conférence des jeunes leaders, à Montréal, sur le nationalisme et la mondialisation. C'était le 24 mai 1992.

Les propos tenus par le secrétaire général de l'ONU sont d'actualité, aujourd'hui plus que jamais. Le secrétaire général disait, et je le cite: «Pour entrer en relation avec l'autre, il faut d'abord être soi-même. C'est pourquoi une saine mondialisation de la vie moderne suppose d'abord des identités solides. Car une mondialisation excessive ou mal comprise pourrait aussi broyer les cultures, les fondre dans une culture uniforme, ce à quoi le monde n'a rien à gagner.»

Des identités solides. Voilà le message du secrétaire général des Nations Unies. En fait, il s'agit d'un véritable code d'accès au monde, un ensemble de références culturelles. Selon le secrétaire général, c'est à cet ensemble que répondent les États nations.

Or, qu'en est-il pour le Canada et le Québec en termes d'identité et de référence culturelle? Le Canada anglais, nous en convenons, a besoin de points d'ancrage solides pour faire face à une culture américaine envahissante. Les Québécoises et les Québécois, quant à eux, fondent d'abord leur identité sur le Québec. Voilà tout le problème du Canada. Il repose sur le postulat d'une seule nation, une seule et même culture, une soi-disant culture canadienne.

Or, cette négation de la reconnaissance du Québec comme nation historiquement constituée désavoue l'existence des deux peuples qui ont mené à la fondation du Canada. Le Canada éprouve donc de sérieux problèmes de définition de lui-même. En fait, il est encore à la recherche d'une identité. Son problème existentiel, c'est qu'il est déchiré par une double identité. On se rappellera les paroles de John A. Macdonald qui disait, au moment de la fondation du Canada: «Nous avons fait le Canada, il nous reste maintenant à faire les Canadiens.» Au Québec, nous disons: «Nous avons fait les Québécois, il nous reste maintenant à faire le Québec.»

Cette parenthèse étant faite, cela me permet de revenir au concept de l'État nation. Une nation, c'est d'abord et avant tout un vouloir vivre commun. C'est le premier pas vers l'universalisme. Donc, l'universalisme est d'abord lui-même nourri par les États nations. Dans son allocution, le secrétaire général a illustré la valeur d'un autre principe de base de l'organisation universelle, soit celle de la souveraineté. Voici comment il l'exprime, et je cite: «C'est l'art de rendre égales des puissances inégales. Sans la souveraineté des États, on risque le chaos, on risque de détruire les instruments mêmes de la coopération internationale.»

(1020)

Et le secrétaire général continue ainsi: «Un monde en ordre est un monde de nations indépendantes, ouvertes les unes aux autres, dans le respect de leurs différences et de leurs similitudes.»

C'est là un des messages essentiels, sinon le plus important, que nous devons retenir de l'Organisation des Nations Unies, cette grande institution internationale qui incarne plus que toute autre l'expression de ces valeurs essentielles. C'est pourquoi nous considérons que si le Québec devient souverain, il pourra alors pleinement participer à la vie internationale en son propre nom, et ce en étant fort d'une solide identité, d'un point d'ancrage et d'une référence culturelle unique. Il pourra alors communiquer avec les autres nations, avec l'universel, pour reprendre les propos du secrétaire général des Nations Unies. Il le fera en assumant sa juste part des obligations que lui impose son allégeance aux valeurs de démocratie, de paix et de justice.

C'est dans cet esprit, il n'y a pas de doute, que le Québec souverain voudra assumer ses responsabilités sur la scène internationale. Puisque le Québec est fidèle à ces valeurs, il ne fait pas de doute dans notre esprit que les Nations Unies lui ouvriront toutes grandes leurs portes le lendemain de son accession au statut d'État souverain.

[Traduction]

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, il y a 50 ans, la charte des Nations Unies établissait beaucoup de grands principes, de nobles aspirations, mais le fait est que l'ONU n'a pas réalisé son rêve.

Depuis des décennies, l'ONU reste incapable de prendre des mesures énergiques pour respecter ses principes. Le principal problème de l'organisation, c'est qu'elle n'a pas les moyens de finan-


15732

cer adéquatement ses opérations. Pour réagir aux nombreux problèmes qui existent dans le monde, elle doit avoir les ressources en conséquence. Malheureusement, comme l'ONU n'a pas fait son travail efficacement, elle est mal placée pour faire la morale et exiger des pays membres qu'ils paient leur dû.

Ce qu'il faut, c'est une réforme majeure de l'ONU, et le plus tôt sera le mieux. Autrement, je ne peux pas blâmer certains des pays auxquels on reproche de ne pas avoir versé leur contribution. Pourquoi investir dans un système encombré d'une bureaucratie aussi hiérarchisée et inefficiente, et bien souvent inefficace?

L'ONU a un autre problème, c'est le manque d'efficacité de ses organismes spécialisés. Des études ont révélé l'existence de recoupements et de doubles emplois importants, une piètre réceptivité aux besoins et une transparence insuffisante. Avec ces organismes, l'ONU a beaucoup de difficulté à remplir sa mission. Cette situation est certainement à l'origine d'un certain nombre d'obstacles institutionnels.

À bien des égards, l'ONU a besoin d'améliorations et d'une bonne remise en forme pour l'arrivée du XXIe siècle. Pour commencer, le plus important, c'est que le Canada insiste sur la nécessité que l'organisation élimine les doubles emplois et le gaspillage qui contribuent à son manque d'efficacité. Si l'on veut qu'elle récupère un jour de la crise qu'elle traverse actuellement, c'est une absolue nécessité.

En outre, le Canada doit prendre une part proactive et constructive à la réforme des Nations Unies de sorte que l'organisation puisse mieux remplir ses objectifs originaux que sont la sécurité collective, la liberté, la justice et le développement humain. Le Canada est un partenaire respecté aux Nations Unies et nous pouvons jouer un rôle prédominant et efficace dans le processus de réforme. C'est extrêmement important en cette veille du XXIe siècle.

Nous devons aussi renforcer l'Organisation des Nations Unies pour nous attaquer aux causes profondes des conflits, de l'absence de démocratie, de la pauvreté, de la violation des droits de l'homme, de l'intolérance et de la propagation incontrôlée de technologies militaires. Par ailleurs, il est impossible de remédier aux nombreux problèmes environnementaux qui ont fait surface ces dernières décennies à moins d'une coopération internationale efficace. La revitalisation d'une Organisation des Nations Unies efficace serait très utile sur ce plan.

Le ministre a aussi mentionné le maintien de la paix. C'est une importante responsabilité des Nations Unies à laquelle le Canada a toujours pris une part non négligeable. Les Canadiens attachent beaucoup d'importance à la tradition de maintien de la paix de notre pays. Cependant, les temps ont changé et les opérations de maintien de la paix deviennent de plus en plus dangereuses et imprévisibles. Ce Parlement doit donc établir des critères précis afin de veiller à ce que nos rares ressources de maintien de la paix soient utilisées là où elles peuvent être le plus utile et non là où les conditions sont inacceptables. Nous devons nous rendre compte que nous ne pouvons participer à toutes les opérations de maintien de la paix à travers le monde. Nos militaires, femmes et hommes, ont très honorablement servi la cause de la paix pendant des années. La Chambre est très fière d'eux.

(1025)

Nos troupes ne devraient plus jamais être abandonnées au gré du vent comme elles l'ont été en Bosnie parce que le gouvernement à Ottawa a mis des mois et des mois avant de les retirer d'une mission sans issue où il leur était impossible de vraiment s'acquitter correctement de leur mandat.

En conclusion, l'Organisation des Nations Unies va faire face ces prochaines années à de nombreux défis, que nous devons relever si nous voulons que la célébration de ce 50e anniversaire ait un sens. L'Organisation des Nations Unies ne survivra pas à moins de devenir efficace, comptable et transparente dans toutes ses activités. Ce sont les changements dont nous avons besoin. Ce sont les changements qu'appuiera le Parti réformiste.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

INDUSTRIE

M. John Godfrey (Don Valley-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter le neuvième rapport du Comité permanent de l'industrie, intitulé «L'établissement de repères relativement au financement des PME par les banques: rapport d'étape».

Je suis particulièrement heureux d'attirer l'attention de la Chambre sur le fait que ce rapport a obtenu l'appui unanime des députés des trois partis au comité.

Ce rapport fait suite au deuxième rapport du comité à la Chambre, qui portait le titre «Pour financer le succès de la PME». Il établit la structure selon laquelle les banques devront présenter trimestriellement au Comité de l'industrie leurs statistiques sur les prêts aux petites entreprises. Grâce à ces données, le comité pourra contrôler l'efficacité des banques dans leurs relations avec la petite et moyenne entreprise et choisir des repères précis pour les enquêtes futures.

Durant la semaine du 6 novembre, les membres du comité et les représentants des banques se réuniront afin de discuter du présent rapport et de questions connexes.

AGRICULTURE ET AGROALIMENTAIRE

M. Jerry Pickard (Essex-Kent, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer aujourd'hui le dixième rapport du Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire, lequel porte sur le projet de loi C-61, Loi sur les sanctions administratives pécuniaires en matière d'agriculture et d'agroalimentaire.

Après des discussions fort productives avec les agents du ministère et tous les autres intervenants, j'ai l'honneur de faire rapport du projet de loi avec plusieurs propositions d'amendements.

Je voudrais aussi remercier tous les membres du comité de leur coopération, ainsi que le personnel et les fonctionnaires du ministère qui ont assuré le bon déroulement des discussions.

* * *

PÉTITIONS

LES INSTITUTIONS FINANCIÈRES

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, conformément à

15733

l'article 36 du Règlement, je désire présenter quatre pétitions signées par des électeurs d'Essex-Windsor.

La première est signée par plus de 2 400 membres de la section locale des TCA, à Windsor, qui demandent au gouvernement de prélever une surtaxe d'urgence sur les bénéfices des banques et autres institutions financières dans le but d'éponger le déficit.

LES DROITS DES ENFANTS À NAÎTRE

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): La deuxième pétition demande au Parlement de modifier immédiatement le Code criminel afin d'assurer la protection des enfants à naître.

LES DROITS DE LA PERSONNE

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): La troisième pétition porte sur les relations sexuelles entre personnes de même sexe et sur les implications sociales de cette question.

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Pour finir, monsieur le Président, j'aimerais présenter, au nom de mes électeurs, une pétition relative au contrôle des armes à feu.

LA LOI DE L'IMPÔT SUR LE REVENU

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'aimerais présenter une pétition qui circule dans tout le Canada. Celle-ci est signée par un certain nombre de Canadiens de Moose Jaw, en Saskatchewan.

Les pétitionnaires souhaitent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que gérer le foyer familial et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire constitue une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société. Ils affirment, en outre, que la Loi de l'impôt sur le revenu est discriminatoire à l'égard des familles qui choisissent de prendre soin à domicile d'enfants d'âge préscolaire, de perrsonnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

Par conséquent, les pétitionnaires prient le Parlement de prendre les mesures nécessaires pour éliminer la discrimination fiscale dont sont victimes les familles qui décident de s'occuper à domicile d'enfants d'âge préscolaire, de personnes handicapées, de malades chroniques ou de personnes âgées.

LA BFC CHILLIWACK

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je vais présenter aujourd'hui un certain nombre de pétitions. Elles sont arrivées pendant l'été et l'automne et viennent de personnes de la Colombie-Britannique.

(1030)

Selon les pétitionnaires, au cours des dix dernières années, les contribuables canadiens ont investi des millions de dollars dans l'infrastructure de la base des Forces canadiennes Chilliwack. Les contribuables canadiens devront absorber toutes les pertes résultant de la fermeture de la BFC Chilliwack et de son remplacement par d'autres infrastructures ailleurs. C'est la dernière base de l'armée en Colombie-Britannique et la seule base militaire de l'intérieur de la Colombie-Britannique et même de toute la province. En raison de son climat favorable, la BFC Chilliwack était en mesure de fournir toute l'année des conditions optimales de formation.

Les pétitionnaires demandent donc au Parlement de réexaminer la fermeture de la BFC Chilliwack pour voir si on ne pourrait pas la garder ouverte.

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


15733

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR L'EXPORTATION ET L'IMPORTATION DE BIENS CULTURELS

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 23 octobre, de la motion: Que le projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Le Président: La dernière fois que la Chambre a été saisie du projet de loi C-93, la députée de Mississauga-Est avait la parole et il lui restait 28 minutes. Par conséquent, je donne maintenant la parole à la députée de Mississauga-Est pour le débat.

[Français]

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, les encouragements fiscaux prévus dans la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels concernent tous les Canadiens et non seulement les nantis.

Cette loi est en vigueur depuis 1977, c'est-à-dire depuis près de 20 ans. Elle évolue et doit continuer de le faire afin d'encourager les Canadiens à conserver au pays les objets de notre patrimoine. Plus le public canadien est renseigné sur l'existence et l'intention de cette loi, plus les dons d'objets patrimoniaux intéressants sont nombreux.

En effet, nous constatons un accroissement des dons faits aux institutions et aux autorités publiques chargées de conserver ce genre de biens et de les rendre accessibles aux citoyens ordinaires, riches ou pauvres, aujourd'hui et demain.

Les enjeux économiques ne sont pas les seuls à l'origine de la présente loi. Il importe de conserver le patrimoine culturel canadien ici au Canada. Au moment où le texte de loi original a été adopté pour la première fois, la loi ne contenait aucune mesure de dissuasion pour empêcher de vendre les biens culturels canadiens sur le marché libre. Par conséquent, le public canadien a perdu irrévoca-


15734

blement de nombreux éléments importants de sa culture et de son patrimoine.

Ces biens ont été vendus à l'étranger pour devenir la propriété des collections publiques et privées de partout dans le monde. Cela représente une perte importante et permanente pour les Canadiens et pour leur patrimoine.

Les institutions culturelles et patrimoniales canadiennes ont une longue et fière histoire.

[Traduction]

Nos premiers musées avaient un but éducatif: organiser et transmettre les connaissances dans le domaine des sciences naturelles. Par exemple, le premier musée connu au Canada remonte à 1831, lorsque le Halifax Mechanics Institute a été ouvert au public à titre de musée et de salle de lecture. C'est plus tard qu'est venue la création de musées des beaux-arts. En 1903, le Canada avait 21 musées. Aujourd'hui, nos musées sont respectés et renommés dans le monde entier.

[Français]

Le Musée canadien des civilisations est l'une de ces institutions reconnues qui attire des visiteurs de partout dans le monde pour admirer son architecture novatrice. Mais que serait ce magnifique édifice sans ses collections? Que sont les musées, les galeries et les bibliothèques sans leurs artefacts, leurs oeuvres d'art et leurs livres, sinon des édifices, des salles et des murs vides?

Le projet de loi C-93 permettra de garantir que les collections des musées, des galeries d'art et des bibliothèques du Canada soient à jour, diversifiées et passionnantes.

(1035)

Les Canadiens s'intéressent de plus en plus à leur patrimoine. Ils espèrent que le gouvernement jouera un rôle dans le développement des collections patrimoniales. Le projet de loi C-93 représente un effort en vue de répondre à ces attentes.

Un article du Ottawa Citizen, paru en octobre 1994, décrivait l'importance des dons de biens culturels pour les musées canadiens. Voici l'historique de l'un de ces dons.

Ainslie Loomis étudiait à l'université en 1939 et fréquentait régulièrement la librairie Britnell de Toronto. Un jour, en bouquinant dans une caisse de vieux livres, il a découvert l'album de photographies The antiquities of Cambodia, paru en 1867. Le prix indiqué était de 2,25 $, mais Britnell ramena ce prix à 75 cents. Lorsque ce résidant de Brantford, en Ontario, en a fait don au Musée des beaux-arts du Canada en 1993, l'album était évalué à 10 000 $.

L'article explique ensuite que le Musée des beaux-arts du Canada a vu le jour grâce à des dons d'oeuvres d'art. Au moment de sa création en 1880, le Musée des beaux-arts avait une collection uniquement composée d'oeuvres données.

Leanora McCarney, de Hull, au Québec, donne des oeuvres d'art au Musée des beaux-arts du Canada depuis 15 ans. Elle affirme: «Quand on voyage à l'étranger, on voit des musées dont des ailes complètes sont remplies d'oeuvres données. Je ne crois pas que nous ayons cette habitude de faire des dons au Musée des beaux-arts. J'aimerais que nous puissions lancer cette mode. Les gens devraient comprendre qu'il s'agit de leur patrimoine.»

En permettant aux gens de donner plus facilement des biens culturels aux musées, aux galeries et aux bibliothèques, le gouvernement fera peut-être en sorte de réaliser le voeu de Leanora McCarney.

L'application de mesures visant à consolider nos collections dans les musées, les galeries et les bibliothèques, comme le projet de loi C-93, a une incidence sur d'autres secteurs de l'économie que les arts et la culture. Le tourisme culturel est un volet florissant de l'industrie touristique.

Dans l'ensemble, l'industrie touristique rapporte près de 30 milliards de dollars chaque année et emploie plus de 600 000 Canadiens dans plus de 60 000 industries liées au tourisme.

Au Canada, les tendances récentes révèlent que la plupart des touristes qui viennent au pays souhaitent vivre une expérience culturelle différente de la leur. Le ministère du Patrimoine canadien cherche à améliorer le tourisme patrimonial au Canada.

On trouve nombre d'exemples au Canada de la façon dont le tourisme culturel peut contribuer à l'économie locale, tout en sensibilisant la population aux valeurs culturelles et en favorisant sa participation.

Ainsi les activités proposées au Musée de la civilisation, à Québec, constitue d'excellentes façons d'aborder la culture, le développement communautaire et le tourisme culturel.

Ouvert en 1988, le Musée favorise «l'expérience humaine», grâce à une collection de plus 80 000 articles illustrant la vie au Québec.

(1040)

Le rôle de chef de file du Musée dans le développement culturel et éducatif de la ville lui a valu une reconnaissance considérable. Le Musée est désormais considéré comme un élément essentiel qui favorise la participation du public aux activités liées au patrimoine culturel.

[Traduction]

De toute évidence, les musées, les galeries d'art et les bibliothèques ne sont pas des hauts lieux élitistes ou la chasse gardée des rares privilégiés. Ce sont des institutions démocratiques et diversifiées qui sont accessibles à tous les citoyens. Elles apportent une contribution indispensable à la vie culturelle et scientifique de la collectivité. Au Canada, les musées, les galeries d'art, les archives et les bibliothèques constituent des ressources et des sources d'inspiration pour tous les gens, peu importe leur milieu, leur âge et leurs aptitudes.

Nos musées, nos galeries d'art et nos bibliothèques représentent pour tous les Canadiens notre lien authentique et irremplaçable avec notre histoire, notre culture et notre patrimoine. L'adoption du projet de loi C-93 contribuera à faire en sorte que ces institutions demeurent des temples vivants de l'esprit humain, une forte présence permettant d'inspirer tous les Canadiens et de refléter notre identité.

[Français]

Je ne saurais trop souligner l'importance de cette loi, de ce bijou de notre législation pour le développement futur du Canada en tant


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que nation. La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels est l'unique mécanisme légal actuellement en place au Canada qui encourage la conservation et, par conséquent, la définition de notre patrimoine. Je répète que cette incitation à l'établissement et au maintien de notre culture au Canada n'est rien d'autre que cela, une incitation, et non pas une déduction fiscale ou un moyen d'échapper à l'impôt, une incitation qui, sous la forme d'un crédit fiscal en faveur des particuliers, existe pour tous les Canadiens.

La portée en a été élargie en 1992 de manière à comprendre les artistes, c'est-à-dire à encourager les artistes à faire don de leurs créations à des institutions désignées qui souhaitent collectionner leurs oeuvres. Je n'ai aucun besoin de vous expliquer que les artistes comptent parmi nos concitoyens les plus pauvres, financièrement s'entend. Cet encouragement fiscal offre dorénavant un moyen, si minime soit-il, de permettre à d'importantes réalisations d'artistes vivants d'entrer dans le domaine public, là où elles pourront servir à l'inspiration et à la formation des citoyens, beaucoup mieux que si elles demeuraient cachées dans les ateliers des artistes.

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels joue un autre rôle très important, celui d'encourager les Canadiens à avoir l'esprit philanthropique, à penser aux générations futures, à rechercher aujourd'hui ce qui a des chances de devenir un trésor national demain et à constituer des collections.

Ceux qui soutiennent que les dons de biens culturels ne peuvent provenir que des riches se trompent complètement, c'est le moins qu'on puisse dire. De fait, certains des plus grands collectionneurs du monde n'avaient à leur disposition que de très maigres budgets, au point même de sacrifier des repas pour pouvoir acheter des oeuvres d'art.

(1045)

Il faudrait que nous ayons davantage d'êtres humains de ce genre dans notre pays, de ces personnes qui sachent reconnaître ce qui a une valeur esthétique, se passionner pour ce qui est historique, ou encore mieux comprendre les symboles scientifiques et techniques qui nous définissent en tant que nation.

Cette loi est conçue pour celui qui considère comme un véritable devoir civique de faire vivre notre patrimoine en gestation, le patrimoine d'un pays encore tout jeune, et d'accueillir des objets symboliques et représentatifs de notre pays. Encourager la constitution des collections, stimuler l'esprit philanthropique, c'est la moindre des choses que le gouvernement canadien puisse faire pour que notre patrimoine soit et demeure accessible à tous les Canadiens.

Notre pays est encore très jeune, il a moins de 150 ans. Nous avons le devoir d'amplifier les collections déjà constituées dans les domaines privé et public, de les développer suffisamment pour que notre culture en soit enrichie et qu'elle y puise un dynamisme qui fera l'admiration des autres pays et, surtout, pour que les Canadiens que nous sommes prennent pleinement conscience de leur place et de leur identité.

Il est donc particulièrement approprié, dans la conjoncture économique actuelle, que nous prenions toutes les mesures possibles pour conserver au Canada nos trésors culturels, et pour inciter les membres du public à réfléchir avant de mettre aux enchères à l'extérieur du Canada les souvenirs de famille que leurs ancêtres ont apportés ici il y a plus d'un siècle, ou le chef-d'oeuvre de Riopelle obtenu pour une bouchée de pain il y a 25 ans.

C'est du patrimoine du Canada qu'il s'agit, mais surtout, ce sont le maintien et le développement de ce patrimoine qui sont en cause.

Je suis sûre que tous les députés de cette Chambre devraient appuyer une loi qui agit d'une façon assez sage.

[Traduction]

Puisque les arguments sont solides, j'encourage tous les députés de la Chambre à appuyer le projet de loi, qui repose sur une saine logique et qui a du bon sens pour le pays.

Le Président: Je désire informer la Chambre que, conformément au paragraphe 33(2), en raison de la déclaration ministérielle, les initiatives ministérielles seront prolongées de 23 minutes aujourd'hui.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je vais parler aujourd'hui du projet de loi C-93 qui, selon moi, est non seulement imparfait, mais également tout à fait inutile. En fait, je suis vraiment surpris que le gouvernement se soit donné tant de mal pour présenter ce type de projet de loi pour résoudre un problème qui semble vraiment mineur, si tant est qu'il y a un problème. Je prétends que ce projet de loi cause davantage de problèmes qu'il n'en règle.

Je vais commencer par citer une brochure du ministère du Revenu Canada intitulée Les dons et l'impôt. Voici ce qu'on y dit:

La Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels offrent des encouragements fiscaux aux personnes qui veulent vendre ou donner un bien culturel d'importance à un organisme canadien.
Selon la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels est chargée de certifier qu'un bien est «d'un intérêt exceptionnel et d'une importance nationale».
Lorsqu'un tel bien est certifié par la CCEEBC et donné à un établissement canadien désigné ou à un organisme public, le donateur ne réalise pas de gain à capital. Il peut déduire comme crédit d'impôt la JVM totale du don, jusqu'à concurrence du montant d'impôt qui reste après avoir déduit les crédits pour tout autre don de bienfaisance et don au Canada ou à une province.
(1050)

À partir du moment où on a mis en oeuvre cette loi, en 1977, si je ne m'abuse, nous avons été confrontés à toutes sortes de problèmes au Canada parce que des gens ont essayé de profiter de ces dispositions.

Je voudrais maintenant citer un article paru le 24 mars 1995 dans le Montreal Gazette:

Hier, l'Association des musées canadiens a déclaré que l'on voyait de plus en plus de cas d'évitement fiscal parce que des donateurs d'oeuvre d'art sans scrupules obtenaient des déductions d'impôt gonflées pour des oeuvres d'art données à des galeries et des musées publics dans tout le pays.
M. John McAvity, directeur général de l'association qui compte 2 000 membres, a déclaré que ces dons suspects étaient devenus si répandus au cours des derniers mois que le gouvernement fédéral pourrait fort bien mettre un terme au programme en vertu duquel on donne, chaque année, des oeuvres d'art valant au total des dizaines de millions de dollars à des institutions publiques canadiennes.

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Il a invité les membres à être plus vigilants face à ce type de stratagèmes et il a ajouté ceci: «Les gens font dons davantage pour échapper à l'impôt que pour des raisons philanthropiques. Selon lui, ces donateurs ne sont pas des collectionneurs sérieux ni compétents et sont même inconnus des musées.»
Il a précisé que dans le cadre de ces stratagèmes, qui remontent à au moins 20 ans, un donateur achetait une oeuvre pour un prix bien inférieur à celui que demande normalement un artiste. Au dire des experts, le donateur ferait alors en sorte que l'oeuvre soit évaluée quatre ou cinq fois au-dessus de son prix d'achat, la donnerait à un musée ou à un organisme de charité enregistré, puis obtiendrait une déduction fiscale correspondant à la totalité du montant évalué.
Le fond du problème en ce qui concerne les dons, c'est la notion de juste valeur marchande.
Selon Michel Rolland, président d'une société qui facilite la donation d'oeuvres d'art à des établissements publics, si le client a pu obtenir une oeuvre d'art à un prix bien inférieur au prix courant, il a donc fait un placement judicieux.
Or, une brochure publiée par Revenu Canada dit que par «juste valeur marchande» on entend «le montant d'argent le plus élevé que le bien pourra rapproter s'il est vendu dans un marché ouvert et libre entre un vendeur consentant et un acheteur consentant qui sont tous deux bien informés, renseignés et prudents et qui agissent de façon indépendante l'un de l'autre».
En d'autres mots, si vous êtes disposé à ne verser que 2 000 $ pour l'achat d'une oeuvre d'art, vous ne devriez donc, selon toute probabilité, obtenir un reçu aux fins de l'impôt pour 2 000 $, selon Robert Kerr, un comptable agréé de Montréal qui collabore à la Gazette.
Au bout de cinq années environ de vaches maigres, bien des artistes ne demandent pas mieux que de vendre leurs oeuvres, peu importe le prix ou presque, fait observer Thérèse Dion, une conseillère en oeuvres d'art de la région.
La société Rolland's Art-Transit Int. Co. a payé une oeuvre de l'artiste montréalaise Catherine Widgery 20 p. 100 de moins que le prix courant. «S'il s'agit d'une oeuvre de 10 000 $ par exemple, dit-elle, hé bien je touche 2 000 $.»
De même, la Gazette a obtenu une copie d'un contrat conclu entre l'artiste et Art-Transit et selon lequel certains artistes ne touchent que 18 p. 100 du prix qu'ils réclament généralement.
«Ça semble être une situation où les deux protagonistes gagnent», dit un artiste de Montréal qui entend conserver l'anonymat. Les musées sont heureux de recevoir gratuitement des oeuvres. Les artistes sont heureux d'avoir un peu d'argent dans les poches. Bref, tout le monde est heureux. Ce qui n'est pas normal, c'est qu'un client peut acheter [une oeuvre d'art] à un prix inférieur à sa valeur, mais bénéficier d'un amortissement pour un montant différent.»
Selon l'artiste, «cette façon de procéder semble un peu malhonnête, mais tout le monde agit ainsi».
D'après les documents obtenus par la Gazette, il y avait en tout dans l'entrepôt de Art-Transit, le 26 janvier, 7 241 oeuvres d'art.
On y compte des oeuvres de plusieurs artistes.

Les documents montrent aussi que la société Art-Transit possède de nombreuses oeuvres de certains artistes. Par exemple, elle détient 494 oeuvres de Guiandgoldo Fucito, 440 de Francine Larivée et 485 de Claude Paul Gauthier.
(1055)

Même si tous les protagonistes sont gagnants, puisque les artistes vendent leurs oeuvres et les acheteurs bénéficient d'un amortissement, cette façon de procéder est totalement injuste envers les contribuables, car elle donne droit à un amortissement égal au montant intégral auquel l'oeuvre d'art est évaluée. Il est ici question d'une oeuvre d'art qui a été achetée 2 000 $, bien qu'elle ait été évaluée à 10 000 $. Dans ce cas, l'amortissement serait de 10 000 $.

C'est tout simplement de l'abus. À elle seule, une entreprise aurait permis que ce traitement soit accordé dans le cas de plus de 7 000 oeuvres d'art. J'ignore le montant que cela représente, mais il est sûrement faramineux. C'est injuste. C'est de l'abus.

Avant l'entrée en vigueur de la loi en 1977, des gens se défaisaient d'oeuvres d'art, d'objets façonnés ou de sculptures, parce qu'ils voulaient en faire don à des musées. Ils le faisaient par altruisme, par philanthropie. L'amortissement leur importait peu.

Avant 1977, il y avait des musées qui avaient beaucoup d'oeuvres d'art. Selon cet article, nous étions confrontés à ces escroqueries même avant 1977. Si la situation s'arrêtait là, ce serait déjà assez inquiétant. Mais la réalité est que ce crédit d'impôt est nettement plus important que celui dont bénéficie celui qui fait un don à un organisme de bienfaisance reconnu.

Quand on donne à une banque d'alimentation, on bénéficie d'une déduction qui ne peut correspondre à plus de 20 p. 100 du revenu total. Mais le marchand d'oeuvres d'art, ou celui qui est astucieux et qui connaît les lois fiscales, peut effectuer une transaction de ce genre qui donne vraiment droit à un amortissement de l'impôt d'une année complète sous prétexte qu'on a fait don de ces prétendues oeuvres d'art. Cette façon de procéder dépasse l'entendement.

Un représentant d'un musée des beaux-arts est venu témoigner devant le comité du patrimoine canadien à Hamilton. Selon lui, la plupart des gens font des dons par pure générosité, mais il y en a qui se livrent à ces combines. Il a dit que ce sont probablement les gens les plus riches qui font les contributions les plus importantes au musée et qui profitent de la situation.

Nous avons affaire, à mon avis, à un système d'évasion fiscale qui permet vraiment aux Canadiens les plus riches de réussir à payer peu ou pas du tout d'impôt. C'est absolument injuste.

Dans le dernier budget, le gouvernement insistait longuement sur la nécessité d'avoir une fiscalité équitable au Canada. Mon honorable collègue d'en face hoche la tête. Or, il ne s'agit pas du tout d'équité fiscale en l'occurrence. Cela ne correspond en rien à un régime fiscal qui traite les gens sur un pied d'égalité. Absolument pas.

Pourquoi perdre notre temps à discuter d'une mesure législative comme celle-ci? Nous devrions plutôt faire marche arrière. Nous devrions introduire un régime d'impôt à taux uniforme ou un régime d'impôt proportionnel, un régime fiscal qui traite les gens sur un pied d'égalité. Nous ne voulons certainement pas d'un régime qui accorde aux donateurs d'objets d'art un meilleur traitement qu'à ceux qui donnent aux banques d'alimentation, à l'Armée du Salut ou à la Société canadienne du cancer. C'est ridicule. Comment peut-on justifier pareille chose? C'est tout à fait en dehors du bon sens.

Les gens se demandent sûrement combien cela coûte chaque année aux Canadiens. L'année dernière, on a ainsi accordé pour 60


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millions de dollars de déductions d'impôt. Selon la situation fiscale du contribuable, cela pourrait représenter une perte réelle pouvant atteindre la somme entière de 60 millions pour le Trésor canadien, si ce contribuable n'avait pas fait d'autres dons et que son don avait consommé tout son revenu de sorte qu'il n'ait eu absolument aucun impôt à payer. Ce n'est pas réaliste, je le reconnais. Qu'il me suffise cependant de dire que des gens ont bel et bien évité de payer des millions et des millions de dollars en impôt grâce à ce système. Ce n'est pas juste et ce n'est pas bien. Nous devrions avoir un régime fiscal transparent.

(1100)

Juste avant les dernières élections, nous avons vu éclater un certain scandale dans les journaux à propos du don que l'ancien premier ministre Mulroney faisait de ses documents personnels aux Archives nationales, et quelqu'un a dit avoir vu le montant de la déduction d'impôt que lui vaudrait ce don. La personne en question a dit qu'elle avait commis une erreur et qu'elle ne savait pas pourquoi elle avait donné ce montant. La question n'est pas là. Le problème, c'est que nous n'avons aucune idée des allégements fiscaux consentis à ceux qui font des dons. Ces renseignements sont protégés par la Loi de l'impôt sur le revenu. Certains contribuables font des dons, et nous ne savons pas quelle valeur est attribuée à ces dons, car la divulgation de ces renseignements serait une atteinte à leur vie privée. Est-ce la meilleure formule?

Il n'y a pas très longtemps, on a décidé au Musée des beaux-arts du Canada d'acheter le tableau The Voice of Fire. Il s'agit d'une oeuvre d'art américaine. Elle se résume à trois bandes de couleur et elle a coûté environ 1,8 million de dollars. Les gens se sont indignés, et avec raison. Selon moi, c'était un parfait gaspillage.

Quand on visite le musée et qu'on regarde le registre des commentaires, on remarque que beaucoup de visiteurs ont écrit: «L'empereur est tout nu.» Je crois que les Canadiens ont la même impression. Au moins, nous savons combien nous avons payé cette oeuvre d'art. Quant à ces autres dons, nous ne savons pas combien de recettes fiscales nous sacrifions lorsque nous les recevons. C'est inadmissible. Les contribuables devraient savoir. Nous devrions savoir combien nous payons, soit sous forme de crédit d'impôt, soit directement, ces oeuvres ou ces documents achetés au nom de notre gouvernement. En démocratie, c'est ainsi que les choses devraient se passer.

Le projet de loi va directement à l'encontre de ce principe. Nous ne devrions pas perdre notre temps à essayer de l'amender. Il faut le rejeter tout entier. C'est le comble du ridicule.

Permettez-moi de parler des détails de cette mesure. Celle-ci prévoit un processus d'appel, après l'étape de la commission d'examen. Si les donateurs estiment que la commission d'examen n'a pas fait de leur don une évaluation équitable, ils peuvent interjeter appel auprès de Revenu Canada. Si ma mémoire est fidèle, telle était la situation avant 1993 ou 1991, je ne sais plus au juste. De toute façon, nous retournerions à l'ancien système.

Je remets en question l'existence même de la commission d'examen. Il s'agit simplement d'un autre niveau de bureaucratie. Comment les membres sont-ils nommés à la commission? De la même façon que tous ceux que le gouvernement nomme à des commissions de ce genre, c'est-à-dire grâce aux gens qu'ils connaissent, grâce à leurs relations. Il est fort concevable qu'un ex-premier ministre, comme Brian Mulroney, fasse don de certains documents dont la valeur serait évaluée par des gens qu'il a lui-même nommés à la commission. C'est absurde.

À quelques reprises, les Archives nationales du Canada ont consulté la commission, qui a dit: «Voici la valeur des documents de l'ex-premier ministre.» Nous n'avons jamais découvert la valeur des documents, mais il est fort possible que les gens nommés par le premier ministre soient appelés à prendre ce genre de décisions.

(1105)

Le processus d'appel nous permettra de nous présenter devant Revenu Canada et, en bout de ligne, j'imagine, devant la Cour de l'impôt. Toutefois, nos sources nous informent que la Cour de l'impôt a actuellement environ 6 000 causes à entendre, 6 000 causes accumulées. Alors pourquoi la saisir de nouvelles causes? Pourquoi lui demander de rendre d'autres décisions? Ces gens ont sûrement mieux à faire que d'évaluer la valeur d'un fossile de dinosaure que quelqu'un à rapporté au pays ou de trois rayures dessinées sur un morceau de papier que certains appellent une oeuvre d'art.

Je voudrais faire une autre observation au sujet de ce projet de loi. Je crois que cette mesure législative, qui date de 1977, ainsi que la banque d'oeuvres d'art, qui relève du Conseil des arts du Canada, ont nui à nos artistes. Elles ont nui à nos artistes en submergeant le marché canadien d'oeuvres d'art et de pseudo-chefs d'oeuvre qui n'ont pas leur place sur notre marché intérieur. Environ 18 000 oeuvres d'art qui devraient être dans la banque des oeuvres d'art, sont actuellement gardées dans des entrepôts.

Cette mesure législative encourage les galeries d'art à acheter ces oeuvres, parce qu'elles n'ont pas à puiser dans leur budget pour ce faire. Elles n'ont qu'à dire aux membres de la commission d'examen des exportations: «Nous croyons que cette oeuvre est très bonne. Veuillez l'évaluer. On veut nous en faire don. Que nous l'exposions tout de suite ou seulement plus tard, cela n'a aucune importance, puisqu'elle ne nous coûte rien.» Les galeries n'ont pas de budget à respecter. Elles peuvent se procurer autant d'oeuvres qu'elles le désirent. Les seuls à payer, ce sont les contribuables.

Il est dit dans cet article que c'est une excellente idée qui fera que tout le monde sera gagnant. Les galeries d'art seront gagnantes, les artistes seront gagnants, mais les contribuables perdront des millions de dollars en manque à gagner. Aucune garanties n'assurer que les galeries et les musées usent de leur pouvoir de faire cela de façon responsable. Aucun contrôle n'est prévu à cet égard.

Ce projet de loi est absolument horrible. Je dirais que, avant 1977, nous avions de très bonnes galeries d'art. Nous étions en mesure de garder nos oeuvres d'art. Nous arrivions à garder au


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Canada divers éléments d'une importante propriété culturelle parce que les gens finissaient par en faire don à nos établissements, ce qu'ils ont fait pendant bien des années, nous le savons.

Certes, ce projet de loi encourage certaines personnes à se servir du système en bénéficiant de crédits d'impôt. En outre, ce projet de loi nous incite à garder non seulement les oeuvres canadiennes, mais encore les oeuvres et les artefacts américains et toutes sortes d'artefacts étrangers. On prétexte que cela vise à garder la culture canadienne au Canada, mais, pour être juste, il faut dire que cela servira aussi à acquérir toutes sortes d'oeuvres d'art étrangères.

Le fait est que ces établissements recevaient déjà des dons avant 1977. En essayant d'encourager les gens à faire davantage don d'oeuvres d'art, on ouvre une boîte de Pandore. On a permis à un tas de personnes d'exploiter le régime fiscal, à en profiter au point où la Gazette de Montréal en parle. Il s'agit ici, en fait, d'un stratagème d'évitement fiscal qui coûte manifestement des millions de dollars aux contribuables. C'est ridicule.

L'autre problème que cela pose, c'est que l'affaire n'est pas publique. Des gens font des dons, mais nous ne savons jamais combien d'argent ils reçoivent en déduction fiscale contre leurs oeuvres d'art. La Commission d'examen des exportations, dont les membres sont nommés par des personnes comme le premier ministre, par exemple, pourrait devoir rendre une décision sur des objets que ces personnes voudraient donner. Un autre problème réside dans le fait que le marché des oeuvres d'art est inondé à cause d'un stimulant aussi tordu. En outre, on se trouve à alourdir la bureaucratie et à augmenter les coûts pour résoudre un problème très mineur.

(1110)

Au lieu de proposer une modification qui entraînera des renvois à une Cour de l'impôt déjà aux prises avec un arriéré de 6 000 dossiers, pourquoi ne pas simplement supprimer tout cela? Mettons-y tout simplement un terme. Nous pourrons alors résoudre tous ces problèmes. Le quotidien montréalais The Gazette ne rédigera plus d'horribles articles sur toutes les escroqueries organisées pour profiter de la situation.

Il n'y aura plus, d'une part, des gens de notre parti et du Parti libéral qui préconisent une simplification du régime fiscal et, d'autre part, le gouvernement qui va à l'encontre de cette idée en accordant des encouragements fiscaux aux Canadiens les plus fortunés, afin qu'ils profitent du système et qu'ils évitent de payer de l'impôt. C'est insensé. C'est tellement injuste que c'en est incroyable. Je n'arrive pas à croire que le gouvernement, le ministre, la secrétaire parlementaire et les députés d'en face défendent pareil projet de loi.

J'espère que les gens prendront le temps d'écrire des lettres à ce sujet. J'espère qu'ils prendront le temps de communiquer avec leur député pour qu'il leur explique en quoi cela est juste.

Permettez-moi de conclure en disant que, même s'il s'agit d'un projet de loi assez inoffensif, quand les gens apprendront son existence, ils seront fort mécontents. Ils vont dire qu'ils ont fait confiance au gouvernement lorsqu'il a affirmé, dans son dernier budget, croire à l'équité fiscale. Or, voici que le gouvernement fait volte-face et propose un projet de loi allant tout à fait à l'encontre de cela. J'espère que le gouvernement s'en rendra compte et freinera cette mesure législative avant qu'elle ne franchisse d'autres étapes.

Mme Guarnieri: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je me demande s'il y a unanimité pour que je demande des éclaircissements sur certaines déclarations du député.

Le président suppléant (M. Kilger): La présidence ne peut que demander s'il y a unanimité. Les trois premiers députés à prendre la parole disposent de 40 minutes, sans période réservée aux questions et aux observations, mais avec le consentement unanime, la Chambre peut faire ce qu'elle veut. Y a-t-il consentement unanime?

M. Mills (Broadview-Greenwood): D'accord.

M. Solberg: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je n'ai pas d'objection à le faire, et je vais demander à mes collègues d'y consentir. Toutefois, je dois m'absenter pour une entrevue à la radio à 11 h 30. Je dois retourner à mon bureau. Si nous pouvions le faire en cinq ou six minutes, ce serait parfait.

Le président suppléant (M. Kilger): Il faudra bien. Je dois respecter le plus possible la contrainte liée à la période de 40 minutes. J'espère bien qu'il en sera ainsi.

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, lorsque le député a fait allusion aux dons et à la Loi de l'impôt sur le revenu, il s'est montré plutôt sélectif dans ses lectures. Je me demande pourquoi le député ne s'est pas donné la peine d'informer les Canadiens sur la question de savoir comment les biens culturels sont en fait enregistrés. Je me demande s'il est prêt à dire comment ils sont enregistrés, de manière à ne pas amener les Canadiens à penser que tout est permis et qu'on peut donner n'importe quoi à n'importe quel établissement culturel.

Est-il prêt à lire le paragraphe à la page 18 afin de ne pas induire les Canadiens en erreur, ainsi que les deux premiers paragraphes à la page 19, pour que les Canadiens soient bien informés? Comme d'habitude, je trouve que le Parti réformiste est plutôt sélectif dans ses extraits du compte rendu.

Que les députés du Parti réformiste se rassurent, nous allons leur réserver une place dans les musées, juste à côté des espèces éteintes comme le dronte et les dinosaures.

Le discours du député est quelque peu limité. Quand il a citéM. McAvity, le directeur administratif de l'Association des musées canadiens, il a été très sélectif dans le choix des citations.M. McAvity a poursuivi en disant que l'association représentait2 000 musées.

M. Gilmour: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Ma vis-à-vis posait une question à mon collègue. C'était le seul but de l'interruption. Mais elle ne pose pas de question, elle fait une déclaration.


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(1115)

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie le député de Comox-Alberni pour son intervention. Cela est certainement dans l'esprit du consentement unanime qui a été accordé. Nous sommes soumis à certaines restrictions étant donné que le député de Medicine Hat a déclaré qu'il avait d'autres engagements avant de consentir à ce que le question soit posée.

Sans plus de commentaires, je vous demande. . .

Mme Guarnieri: J'invoque le Règlement, monsieur le Président.

Le président suppléant (M. Kilger): Nous perdons un temps précieux. Je demande simplement à la secrétaire parlementaire de poser sa question pour que je puisse laisser au député assez de temps pour y répondre.

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, M. McAvity, qui représente 2 000 musées canadiens sans but lucratif, a déclaré ce qui suit: «Nous sommes très heureux d'apporter notre appui aux modifications proposées. Les musées les attendaient depuis plusieurs années.» Il a poursuivi en disant: «Le projet de loi a été très bien accueilli par tous les musées du Canada puisqu'il met en place un système qui existe dans beaucoup d'autres pays occidentaux où les gouvernements aident de la même façon à l'enrichissement des collections publiques.» M. McAvity a ajouté que l'Association des musées canadiens est venue devant le comité exprimer l'appui inconditionnel des membres de son organisme au projet de loi.

Par conséquent, je me demande si le député croit avoir plus de compétence que ces personnes pour juger de ce qui est bon pour les musées canadiens. Je remercie le député pour sa patience et pour m'avoir permis de poser cette question.

M. Solberg: Monsieur le Président, la députée a profité de ma générosité, mais je ne lui en veux pas.

Je reconnais qu'il y a deux ou trois paragraphes aux pages 18 et 19 qui expliquent de façon assez précise que, pour qu'un objet puisse être désigné et donner droit à une déduction fiscale, la commission d'examen des exportations doit juger que cet objet est d'une importance exceptionnelle à cause de ses liens étroits avec l'histoire canadienne ou la vie nationale ou encore à cause de ses qualités esthétiques et de sa valeur pour l'étude des arts ou des sciences. Le fait est que des objets de ce genre d'une valeur totale de 60 millions de dollars sont désignés chaque année. Cela représente une somme énorme, comme en conviendra la secrétaire parlementaire.

La secrétaire parlementaire m'a posé une question au sujet deM. McAvity et de l'association des musées et a signalé que les musées approuvaient cette mesure législative. Évidemment qu'ils l'approuvent. Elle leur donne accès à toutes sortes de biens culturels sans qu'ils aient de budget. Ils n'ont pas de budget. Essentiellement, tout ce qu'ils ont à faire, c'est dire: «Oui, nous aimerions avoir cette oeuvre d'art. Nous allons la soumettre à la commission d'examen pour qu'elle nous dise ce qu'elle vaut et si elle est importante. Nous pourrons alors l'obtenir.» C'est aussi simple que cela.

La seule personne qui paie, c'est le contribuable. Cette mesure législative est certainement bonne pour l'artiste ou pour la personne qui fait le don parce que cette personne a droit à un important crédit d'impôt. Elle est certainement bonne aussi pour les musée. Pourquoi s'y opposeraient-ils? Ils raffolent probablement de ce genre de mesure. Elle n'est cependant pas bonne pour les contribuables, car ce sont eux qui doivent payer la note chaque fois qu'on fait un don de ce genre.

Le président suppléant (M. Kilger): Je remercie tous les députés qui ont participé à cette prolongation du débat pour leur collaboration.

M. John Harvard (Winnipeg St. James, Lib.): Monsieur le Président, avant d'entrer dans le vif de mon discours, je voudrais faire quelques observations au sujet de ce qu'a dit le député de Medicine Hat.

J'ai entendu seulement une partie de son discours. Il a déclaré à deux reprises que le projet de loi était une mesure horrible et insignifiante. Le député constatera qu'il existe une différence de sens entre ces deux qualificatifs.

Après l'avoir écouté parler, je soupçonne qu'il considère le projet de loi plus horrible qu'insignifiant, même s'il ne s'agit nullement d'un projet de loi de fond. C'est vraiment un projet de loi de forme qui vise à remettre dans la loi un mécanisme d'examen et d'appel oublié en 1991.

(1120)

En outre, le discours du député de Medicine Hat montre bien qu'il s'en remet aux lois du libre-marché. Il a déclaré dans son discours, à un moment donné, que nous n'avons nullement besoin de ce projet de loi. Il ne faisait pas seulement référence au mécanisme d'appel et d'examen, mais à l'ensemble du système de contribution publique aux dons du patrimoine canadien aux musées.

Il faut vraiment vivre dans le rêve et la fantaisie pour croire que les musées pourraient bien se tirer d'affaire sans ce projet de loi. Sans ce projet de loi, qui constitue un stimulant, une bonne partie des dons faits à des musées canadiens, qui sont plus de 2 000, disparaîtrait. Il y a quelques jours, des témoins l'ont dit clairement au comité que j'ai l'honneur de présider.

Ne nous leurrons pas. Ce projet de loi est absolument nécessaire. Les propos du député de Medicine Hat montrent bien ce que pense le soi-disant Parti réformiste du soutien aux institutions culturelles, notamment les musées. Les réformistes ne sont tout simplement pas en faveur du soutien public à ces institutions. Ils font une erreur et la population canadienne ne les suit pas.

Dans son discours, le député parlait comme s'il représentait tous les contribuables canadiens. S'il est vrai que beaucoup de contribuables dans ce pays estiment qu'ils sont surimposés et le sont dans


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certains cas, la plupart sont très éclairés et tout à fait en faveur de ce type de mesure législative. Ils aiment les musées. Ils aiment les institutions culturelles. Ils appuient les artistes de toute sorte et désirent tendre la main aux Canadiens qui font partie du domaine de la culture et les aider. Ils comprennent que c'est ce que fait cette mesure législative.

Les musées le reconnaissent. Si cette mesure législative ne les aidait pas, ils ne le diraient pas, mais ce n'est pas ce qu'ont dit leurs témoins qui sont venus témoigner devant le comité de leur appui à l'égard de cette mesure législative dont ils ont dit qu'elle était nécessaire.

C'est peut-être s'écarter un peu du projet de loi, mais cette mesure législative a quelque chose à voir avec la préservation du patrimoine canadien. Tout le monde sait aussi bien que moi le type de crise que traverse le pays en ce moment. Nous savons tous le type de crise à laquelle ce pays fait face et nous avons un patrimoine. Nous avons une histoire formidable. Nous voulons que lundi, tous les Canadiens, pas seulement les Québécois, soient sensibles à ce patrimoine, à cette histoire, à cette terre, à cette grande nation. Car c'est de ça qu'il s'agit.

Ce projet de loi sur les biens culturels n'est qu'une partie infiniment petite des efforts en vue de préserver le patrimoine canadien. J'ai la très forte impression que lundi, les Québécois exprimeront leur volonté de préserver le patrimoine canadien de façon beaucoup plus nette par le mécanisme du scrutin que par celui du projet de loi sur les biens culturels.

Le député de Medicine Hat a dit qu'il n'avait aucune idée de la dépense fiscale que supposait ce type de mesure législative. C'est une dépense fiscale de l'ordre de 60 millions de dollars. Je le répète, les Canadiens l'appuient pleinement.

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J'en arrive à l'objet principal de mon intervention. Selon moi, nous avons longtemps et vaillamment débattu des mérites de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels.

Il y a quelque temps, le député de l'opposition officielle comprenait très bien que l'absence d'un processus d'appel pour la détermination de la juste valeur marchande par la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels était le résultat d'un malheureux oubli. Voilà bien ce que c'est: un malheureux oubli.

Le projet de loi C-93 est un projet de loi d'ordre administratif. En tant que tel, nous ne devons pas oublier qu'il vise à rétablir un droit qu'on a perdu quand la tâche de déterminer la juste valeur marchande a été retirée à Revenu Canada et confiée à la commission d'examen. Nous corrigeons une erreur. Nous effaçons une erreur qu'on a faite il y a quatre ans.

La loi est encore plus importante et nécessaire aujourd'hui qu'elle ne l'était quand on l'a adoptée en 1977, car c'est en train de devenir le seul moyen, et j'insiste là-dessus, le seul moyen qui laisse encore un espoir aux établissements d'acquérir de nouveaux biens culturels pour ajouter à leurs collections. Il faudra garder cela à l'esprit durant tout le débat.

Comme ils n'ont à peu près pas d'argent pour acheter des biens, les musées doivent maintenant compter sur les donateurs. Le Canada a donc grandement besoin d'un instrument pour encourager les gens à préserver des éléments importants de notre patrimoine national dans le but de les remettre à des établissements qui se chargeront de leur conservation.

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels doit être sauvegardée et perfectionnée afin que la collecte de pièces importantes, témoins de notre patrimoine, continue d'augmenter et non de décroître. C'est important.

Au XIXe siècle, la fonction des collectionneurs privés a pris une nouvelle importance étant donné la multiplication des musées publics dans le monde. Les impressionnistes et les postimpressionnistes ont été jusqu'à un certain point exclus des expositions publiques officielles, mais les collectionneurs privés ont néanmoins acheté leurs oeuvres, soit directement, soit par l'intermédiaire des marchands. Ces oeuvres se sont ultérieurement trouvées dans les collections publiques, une fois leur position établie par le marché de l'art créé par les collectionneurs privés.

Le goût de la collection ne se limitait pas à l'art contemporain, il s'étendait aussi à toute une panoplie d'oeuvres créées dans toutes les régions du globe. C'est donc grâce aux collectionneurs du siècle dernier et à ceux d'aujourd'hui que le public a pu, en fin de compte, voir et comprendre ces oeuvres qui représentent les tendances et les symboles qui définissent la psychologie et l'histoire de l'évolution de notre civilisation.

Les collectionneurs sont les visionnaires, les sages de notre époque. Ils sont suffisamment clairvoyants pour reconnaître ce qui a et conservera une valeur et une importance nationale pendant des générations à venir. Depuis des décennies déjà, les musées ont établi des liens solides avec les collectionneurs et collaborent avec eux car ces derniers collectionnent souvent dans le but ultime de mettre les oeuvres à la disposition du public.

Au Canada, de nos jours, certains collectionneurs ont des collections imposantes et, au lieu d'en faire directement profiter le public par le truchement des musées, ils doivent parfois choisir entre vendre leurs oeuvres pour réaliser des gains en capital intéressants ou les remettre à des établissements désignés en retour d'attestations des dons de biens culturels aux fins de l'impôt. Étant donné les limites du processus de détermination de la valeur des biens culturels et vu que la décision de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels est sans appel, dans plusieurs cas, les collectionneurs ont choisi de vendre leurs oeuvres au lieu de devenir otages du processus bureaucratique. Il est très important de garder cela à l'esprit. Si nous voulons respecter et encourager l'intention de nos collectionneurs de faire des dons au domaine public, nous devons trouver des moyens de faciliter la chose. En créant une procédure d'appel à la Cour canadienne de l'impôt, nous faisons un pas important pour encourager le principe des dons, un pas que les donateurs ainsi que les établissements attendent impatiemment. Cela aussi il faut le garder à l'esprit. Ce n'est pas important seulement pour les établissements et la communauté artistique, c'est important aussi pour les donateurs. En fait, c'est important pour tous les Canadiens.


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Au cours des dernières années, la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels a été l'objet d'articles dans la presse insistant sur la réduction de la juste valeur marchande proposée par la Commission lors de l'étude de demandes de certification de biens culturels à des fins fiscales. Ces articles, soit dit en passant, ne se rapportent qu'à une petite partie de toutes les demandes de certification. La Commission d'examen a répondu en disant qu'il était difficile de déterminer la juste valeur marchande à une époque où le marché des biens culturels est extrêmement déprimé.

Il est donc essentiel que le mandat d'établissement de la juste valeur marchande soit entre les mains d'experts qui connaissent tous les aspects du marché et qui savent comment interpréter des tendances souvent contradictoires du marché des biens culturels, afin de les appliquer aux demandes qui leur sont soumises. C'est une affaire très complexe que l'on ne peut pas laisser à de simples amateurs. Si le travail doit être fait correctement, il doit être fait par des gens qui s'y connaissent, des gens qui sont des experts et des gens qui inspirent confiance. On a réfléchi à cela et on en a tenu compte.

M. Mills (Broadview-Greenwood): L'intégrité.

M. Harvard: Oui, comme le dit mon collègue de Broadview-Greenwood, il est important également que ces gens soient intègres.

Et puisque l'on parle d'intégrité, la Commission actuelle d'examen est constituée de dix membres, le maximum permis par la loi actuelle. Ils représentent la myriade de gens actifs dans le domaine de la préservation des biens culturels auprès des établissements ou des autorités publiques désignés pour le faire.

Passons-les en revue. Deux des membres sont des marchands d'art contemporain. Quatre sont, où étaient, employés d'établissements désignés qui ont de l'expertise dans les matériaux d'archive, les Canadiana, l'art contemporain et l'art Inuit. L'un des membres est comptable, un autre juriste et les deux qui restent représentent le grand public. Plusieurs des membres de la commission sont également des collectionneurs qui comprennent très bien la dynamique qui entre en jeu entre une institution et un collectionneur qui fait un don.

Ce n'est pas un organisme qui a été assemblé à la hâte. Ses membres ont été choisis après mûres réflexions. Ce fait saute aux yeux quand on étudie la composition de la commission.

Au début de mon intervention, j'ai mentionné les propos tenus par le député de Medicine Hat. À l'étape de la deuxième lecture, ce même député s'est inquiété de ce qu'une commission dont les membres, choisis au sein de la collectivité qu'elle dessert, et nommés par le gouvernement puisse être-pour reprendre ses propres mots-trop servile et trop prête à faire des concessions en échange de faveurs. Une telle hypothèse part du principe que la subjectivité l'emporte sur l'expérience et que l'être humain est par nature incapable de juger ses pairs avec objectivité. Je crois qu'il a sous-estimé la compétence de ces gens et peut-être même leur intégrité.

(1135)

Il ne s'agit pas d'amateurs, mais bien de professionnels qui tiennent à leur intégrité professionnelle et qui désirent la conserver. En outre, comme tout organisme professionnel, la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels s'est dotée d'un code d'éthique strict visant à éviter les conflits d'intérêts.

Je pourrais ajouter que si on a décidé de confier à la commission, en 1991, le soin de déterminer la juste valeur marchande d'un objet, ce n'était pas de façon arbitraire, mais plutôt parce qu'on a compris que c'étaient les gens qui oeuvraient activement dans le milieu où les biens culturels circulent qui pouvaient le mieux prendre cette décision.

Grâce au processus d'appel proposé dans le projet de loi, on pourra s'assurer de bien utiliser toutes les compétences qu'on retrouve au sein de la commission. Étant donné la minutie avec laquelle on va s'occuper de la première phase du processus d'appel à la suite de la présentation d'une demande pour qu'un sous-comité détermine à nouveau la valeur marchande d'un objet, on s'attend à ce que la plupart des appels au sujet de la juste valeur marchande soient réglés à cette étape-là et à ce qu'il y ait très peu de recours devant la Cour canadienne de l'impôt. Autrement dit, nous ne croyons pas qu'on se servira des deux paliers du processus dans tous les cas. Selon nous, la plupart du temps, l'appel sera réglé au premier palier. Très peu d'affaires se retrouveront devant la Cour canadienne de l'impôt. Il est important de se le rappeler. Nous ne voulons pas d'un processus très long dans le cadre duquel, dans la plupart des cas, les deux paliers seraient nécessaires. Nous ne pensons pas que cela va se produire.

Pour que l'on puisse passer au deuxième palier du processus d'appel, il faut que le donateur fasse un don irrévocable à l'institution. Lui seul pourra interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt dans les 90 jours suivant la fin du processus d'établissement à nouveau de la juste valeur d'un objet. Je le répète, il s'agit de gens sérieux, ils ne font pas des dons pour des raisons frivoles.

Comme dans le cas de toute nouvelle chose, il y a aura des erreurs et des échecs dans les deux paliers du processus d'appel avant qu'on puisse trouver un système efficace qui marchera. Autrement dit, ce système va évoluer, s'améliorer dans une certaine mesure. On peut espérer qu'après un certain nombre d'années, il sera plus efficace et meilleur. Je pense qu'on peut supposer cela sans crainte de se tromper. Car la plupart des processus s'améliorent après un certain temps.

À l'instar des donateurs et des donateurs potentiels, les musées attendent avec impatience le processus d'appel depuis que le ministre du Patrimoine canadien l'a annoncé en novembre 1994. Ils ont accueilli avec beaucoup de plaisir cette annonce sur laquelle ils comptaient. Il leur tarde qu'on présente ce projet de loi, qu'on l'adopte et qu'on tienne ce type de débat. Avec un petit peu de chance, cette mesure législative recevra la sanction royale dans un avenir très rapproché.


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Depuis un an et demi, la commission a su établir de bonnes relations de travail avec Revenu Canada et le ministère de la Justice de façon à ce que les donations de biens culturels soient faites conformément à l'esprit de la loi, c'est-à-dire dans un esprit philanthropique. Il faut féliciter la commission d'avoir pris des mesures efficaces pour décourager les gens de tirer parti des incitations fiscales que prévoit cette loi pour éviter de payer des impôts.

Permettez-moi de toucher un mot sur le système qui a été mis en place pour éviter les abus au chapitre des dons d'oeuvres d'art. Ce n'est pas n'importe quel Pierre, Jean, Jacques qui peut donner une soi-disant oeuvre d'art à un établissement contre un avantage fiscal. Ce n'est pas aussi simple que ça.

Permettez-moi de lire quelques passages d'une brochure intitulée «Les dons et l'impôt sur le revenu». Elle dit notamment que la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels peut décider qu'un objet revêt une signification exceptionnelle et une importance nationale en fonction d'au moins trois critères: son rapport étroit avec l'histoire du Canada ou la société canadienne, son esthétique et son utilité pour l'étude des arts et des sciences.

Voilà qui est important. Pour pouvoir recevoir un bien culturel certifié, un établissement ou une administration publique doit être désigné par le ministre du Patrimoine canadien. L'établissement ou l'administration publique doit avoir été ainsi désigné avant de pouvoir accepter officiellement un don pour que son donateur puisse avoir droit à l'avantage fiscal maximum.

Ce processus de désignation vise à garantir que les établissements et administrations qui reçoivent des dons d'oeuvres d'art sont bel et bien compétents pour classifier, entretenir et conserver des biens culturels. Les établissements désignés sont également tenus de rendre les dons accessibles au grand public, à des fins d'éducation, de recherche ou d'exposition.

Je tenais à le souligner car, lorsque j'écoutais le député de Medicine Hat, il a donné l'impression, du moins dans mon cas, qu'il s'agissait là d'un vague mécanisme que pourraient exploiter des gens qui ne veulent pas vraiment faire don d'éléments du patrimoine canadien à des fins philanthropiques, mais qui désirent tout simplement bénéficier d'un allégement fiscal.

Je tiens à assurer au député de Medicine Hat et, bien sûr, à tous les Canadiens, que ce n'est pas aussi simple. Il existe un régime, un cadre. Il faudra le respecter comme il convient si l'on veut que des oeuvres d'art soient acceptées et que des certificats fiscaux soient remis.

On me dit que la commission a prévu des mesures pour dépister les dons suspects et pour rendre des décisions afin que les dons que l'on croit avoir été faits en vue de réaliser un bénéfice ne puissent rapporter de gains financiers considérables. La commission collabore étroitement avec l'Association professionnelle des galeries d'art du Canada pour que toutes les évaluations qui lui sont présentées soient pleinement justifiées par des ventes démontrables d'oeuvres comparables.

Comme il y a moins d'encouragements fiscaux pour les contribuables à l'heure actuelle, la commission prend toutes les mesures possibles pour éviter qu'on utilise comme échappatoire l'encouragement fiscal visant à faire des dons aux termes de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels. Cette mesure législative est très importante pour le maintien de la mise en valeur de notre patrimoine national; nous devons donc procéder avec un soin extrême et, je le répète, nous devons féliciter la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels pour les efforts qu'elle a déployés jusqu'à maintenant.

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Je reviens ainsi à ceux qui sont visés par la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, c'est-à-dire les donateurs, les établissements et la population en général. Il ne faut pas oublier que ce sont les trois composantes de l'équation.

Ce projet de loi a pour objet d'encourager et de garantir la préservation au Canada d'exemples importants de notre patrimoine de biens culturels mobiliers. Si les institutions désignées ne reçoivent pas le financement nécessaire pour remplir leur mandat et réunir des biens culturels, elles devront compter sur des dons.

Au début de mes observations, j'ai déclaré que, même si nous respectons le marché-c'est une force dynamique et nous ne voudrions jamais nous en passer-cela laisse parfois à désirer. C'est alors à nous, les politiciens, de le reconnaître, et c'est ce que nous faisons, parce que les musées, les établissements ne peuvent se fier au marché et doivent compter sur des dons.

Il serait bon de croire que le marché possède une baguette magique, mais ce n'est ni le cas des commerçants ni du chef de l'opposition. Nous ne pouvons nous fier à la magie dans le cas présent. Il nous faut légiférer, car c'est de cette façon que nous viendrons en aide aux établissements, aux donateurs et à la population en général. Grâce à ce projet de loi, nous y parviendrons.

Je rappelle aux Canadiens que, sans un processus d'appel qui assure un recours au sujet de la juste valeur marchande des biens culturels aux fins de l'impôt sur le revenu, les dons à nos institutions publiques vont se tarir, et l'évolution de notre patrimoine sera paralysée. Les Canadiens ne le veulent pas, absolument pas. C'est pourquoi nous proposons ce projet de loi. C'est le public, c'est nous, Canadiens, qui subirions les conséquences de cette paralysie.

À un moment où la fréquentation des musées augmente régulièrement et contribue à l'économie canadienne, grâce au tourisme culturel, nous ne pouvons pas nous permettre de renoncer à notre obligation de favoriser la participation à la moisson culturelle de notre pays.

Les musées sont aujourd'hui plus populaires que jamais. C'est peut-être parce que notre pays avance en âge. Il a maintenant 128 ans. Nous avons un riche patrimoine, un patrimoine qui a été recueilli par nos artistes, un patrimoine qui est l'expression du Canada dans toutes ses manifestations. Nous avons le devoir d'en-


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courager les artistes, d'aider les donateurs, d'appuyer certaines institutions pour que ce patrimoine artistique soit conservé et protégé, car notre pays n'en sera que plus fort.

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Imaginons un instant ce que les Canadiens des générations à venir penseraient de nous si nous étions inconscients de ces faits, si nous n'en tenions pas compte, si nous laissions ces précieux éléments de notre patrimoine nous filer entre les doigts en les laissant dilapider. Ils nous blâmeraient. Ils nous jugeraient très sévèrement. Nous n'aurions cependant pas besoin d'attendre le jugement de l'histoire. Nos contemporains nous traiteraient très sévèrement.

Les Canadiens connaissent la grande valeur que revêtent notre pays et notre patrimoine. Ils savent également ce qu'il faut faire pour préserver ce patrimoine, car ils savent qu'un pays n'existe pas seulement pour aujourd'hui, demain, la semaine prochaine et la semaine, le mois ou l'année d'après. Comme tant d'autres, le Canada existe pour très, très longtemps. En reconnaissance de ce fait, nous avons des lois qui soutiennent nos artistes, nos donateurs, nos institutions et le public en général.

Tous les Canadiens, tous les contribuables appuient la mesure à l'étude. Ils ne partagent pas certaines des critiques du projet de loi que nous avons entendues. Aucun projet de loi n'est bien sûr parfait. Tant que nous, les êtres humains, serons ce que nous sommes, imparfaits, nous créerons souvent des lois imparfaites. Je crois cependant que nous avons accompli un bon travail avec la mesure à l'étude. Les institutions nous l'ont certes dit; les musées nous l'ont dit. Leurs représentants sont venus témoigner devant le comité et ont fait l'éloge du projet de loi. Ils ont félicité le ministre ainsi que nous tous à la Chambre, et ils veulent voir ce travail accompli. Ils ne veulent pas de ces discours frivoles, de ces critiques mesquines émanant de l'autre côté de la Chambre.

La critique pour le plaisir de critiquer, cela n'a pas de bon sens. Si l'on a quelque chose de valable à dire, qu'on le dise; mais se lever pour critiquer mesquinement, uniquement pour remplir l'air de ses paroles, cela n'a pas de bon sens. L'opposition nous rend un bien mauvais service quand elle parle pour la galerie, quand elle se livre à ce genre de discours. Nous voulons un débat responsable. Dans certains cas, les interventions n'ont pas répondu à cet idéal.

Les Canadiens appuient cette mesure et veulent la voir appliquée. C'est tout ce que j'ai à dire, et j'espère que nous pourrons la faire adopter aussi rapidement que possible, pour répondre aux voeux des Canadiens.

Le président suppléant (M. Kilger): Nous passons maintenant à la prochaine étape du débat où les députés pourront prononcer un discours de vingt minutes qui sera suivi d'une période de questions ou d'observations de dix minutes.

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir l'occasion, ce matin, d'aborder le projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels est entrée en vigueur le 6 septembre 1977, en même que des modifications complémentaires à la Loi de l'impôt sur le revenu. L'objet de cette loi était d'assurer la conservation, au Canada, d'importants objets de notre patrimoine canadien, et ce, de plusieurs façons: en établissant un système de contrôles à l'exportation; en offrant des stimulants fiscaux aux particuliers pour les encourager à vendre des biens culturels à des établissements publics ou à en faire don; et en aidant les établissements à acheter des biens culturels dans certaines circonstances. Le projet de loi C-93 ne porte que sur les stimulants fiscaux. Il s'agit, en fait, d'une modification à la loi originale.

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Le projet de loi permettra d'en appeler des décisions de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels auprès de la Cour canadienne de l'impôt. Le projet de loi est parrainé par le ministre du Patrimoine canadien qui a l'obligation, au nom du ministère du Patrimoine canadien, d'élaborer, de mettre en oeuvre et de promouvoir une politique culturelle permettant aux artistes canadiens de prospérer et aux consommateurs canadiens de profiter d'une grande variété de biens culturels.

De toute évidence, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer dans l'élaboration de politiques et de programmes visant à encourager la production et la conservation de biens culturels canadiens.

Pour ce qui est des mesures et des programmes relatifs au patrimoine, le ministère du Patrimoine canadien offre un soutien moral et financier aux musées de tout le pays tout en s'assurant que nos établissements nationaux, y compris les Archives nationales, le Musée des beaux-arts du Canada, le Musée canadien des civilisations, le Musée de la nature, le Musée des sciences et de la technologie et la Bibliothèque nationale, fonctionnent dans un environnement qui assure aux Canadiens un accès maximum à leur patrimoine culturel.

La culture est fluide, constamment en mutation, et ne doit pas être considérée comme quelque chose de rigide qu'on peut enfermer dans des barrières ou des paramètres. La culture est variée. Des coutumes qui peuvent sembler étranges à une culture font souvent partie de la vie quotidienne d'une autre.

C'est pourquoi il importe que ces coutumes soient reflétées dans les collections de nos musées pour qu'on y soit exposé, qu'on en tire quelque chose et, partant, qu'on les comprenne.

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels permet déjà grandement de protéger le patrimoine culturel varié du Canada par la création de collections publiques importantes. Le projet de loi C-93 va renforcer cette loi et contribuer à assurer que l'histoire de tous les Canadiens soit préservée à l'intention des générations futures.


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Les modifications contenues dans le projet de loi C-93 ne devraient pas être examinées isolément, mais plutôt dans le cadre d'une politique globale de protection de notre patrimoine. Les lieux historiques, les parcs, les musées, les monuments et les immeubles historiques sont tous des symboles de ce qui fait notre unicité en tant que Canadiens. Il est essentiel de les préserver tant parce qu'ils nous rappellent notre passé que parce qu'ils nous indiquent notre avenir.

La grandeur de notre histoire, de notre patrimoine, tient non seulement aux actions des générations passées, mais encore aux trésors nationaux, aux artefacts, aux oeuvres d'art et aux objets personnels qu'elles ont créés. Parce que ces objets sont préservés et exposés dans des musées, le passé continue à vivre dans le présent.

L'influence de la télévision, du cinéma et des imprimés américains peut atténuer la distinction entre les Canadiens et les Américains et nous faire oublier les grandes réalisations des générations de Canadiens qui nous ont précédés. La préservation de nos musées et de nos biens culturels, de nos archives et de nos bibliothèques garantit le maintien d'une identité canadienne distincte.

Selon l'Association des musées canadiens, il y a plus de 2 000 musées dans notre pays. Ces musées vont d'établissements de petite envergure exploités de manière saisonnière et employant une personne, à ceux de taille moyenne comme on en trouve plusieurs localités de ma circonscription, celle d'Erie, et aux grands musées urbains comme le Musée canadien des civilisations, le Musée des beaux-arts de l'Ontario, le Glenbow Museum et le Musée des beaux-arts de Montréal.

Tous ces musées jouissent d'une réputation nationale et internationale pour une raison: leurs collections. Les grandes collections ne sont pas le fruit du hasard. Elles sont plutôt le résultat du dévouement et de la générosité de donateurs et de bienfaiteurs qui croient à l'importance de préserver le patrimoine du Canada pour les générations futures.

Les détracteurs du projet de loi C-93 aiment dire que les encouragements fiscaux pour les dons de biens culturels sont des échappatoires fiscales à l'intention des riches. En affirmant cela, ils ne tiennent pas compte des critères rigoureux que les musées, les archives et les bibliothèques appliquent lorsqu'ils font ces acquisitions. Nos établissements culturels n'acceptent pas les vieilleries des gens et ne leur offrent pas des encouragements fiscaux à la légère. Si c'était le cas, le contenu de mon garage ferait de moi un homme riche. Non, au contraire. Ils portent des jugements consciencieux et professionnels sur les objets ou les collections dont la valeur mérite d'être attestée par un certificat, parce qu'ils présentent, selon le libellé de la loi, un intérêt exceptionnel et une importance nationale. J'ai bien dit un intérêt exceptionnel et une importance nationale.

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J'ai dit tout à l'heure qu'il y a plus de 2 000 musées au Canada. Pour pouvoir demander un certificat attestant que des objets sont des biens culturels et, partant, avoir droit à un crédit d'impôt, il faut faire un don à un établissement désigné en vertu de la loi. Il ne suffit pas qu'une organisation soit exploitée à titre de musée ou qu'elle s'appelle musée pour pouvoir être désignée. En fait, je sais qu'il n'y a que quelque 300 établissements désignés dans tout le Canada. Seulement une fraction des 2 000 musées du Canada peuvent demander à se prévaloir des avantages fiscaux prévus par la loi. Ce petit nombre d'établissements désignés est un exemple des sauvegardes prévues dans la loi initiale, qui ont été renforcées dans le projet de loi maintenant à l'étude.

Pour être considéré comme un musée, un dépôt d'archives ou une bibliothèque, l'établissement doit être une société sans but lucratif et avoir pour activité principale l'acquisition et la préservation de biens culturels. Il doit également avoir une collection de biens en exposition pour le public. Il doit avoir à son service des employés professionnels et doit être ouvert au public de façon régulière. Il s'ensuit qu'avant même de pouvoir demander un crédit d'impôt pour un objet qu'il souhaite ajouter à sa collection, l'établissement doit prouver qu'il est mesure de préserver l'objet en cause de façon permanente. L'établissement peut ensuite demander à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels de délivrer un certificat attestant que l'objet en cause est un bien culturel.

Encore une fois, le crédit d'impôt n'est pas donné d'office seulement parce qu'un musée ou un autre établissement désigné souhaite ajouter un objet à sa collection. Ce musée ou cet établissement doit montrer que l'objet revêt une signification exceptionnelle, qu'il est d'importance nationale et qu'il est conforme à son mandat d'acquisition. Par la suite, des évaluations indépendantes de la juste valeur marchande de l'objet doivent être obtenues. Ces évaluations sont fournies par des experts n'ayant aucun lien ni avec l'établissement recevant l'objet ni avec l'aliénateur. C'est une autre sauvegarde qui a été incorporée au système.

Les évaluations sont examinées par la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturel, qui détermine la juste valeur marchande de l'objet aux fins de l'impôt sur le revenu. La commission d'examen est composée d'experts dans tous les aspects des biens culturels, c'est-à-dire les membres du personnel du musée, qui savent quelle est la valeur des biens culturels et quoi faire pour les préserver, et les marchands et les collectionneurs actifs sur le marché, qui savent à quel prix les biens culturels se vendent régulièrement bien.

L'établissement de la juste valeur marchande de biens culturels, voire de tout autre objet, est plus un art qu'une science, et il est inévitable que des désaccords se produisent. Dans une décision rendue en 1987, un juge de la cour supérieure de l'Ontario a dit que la juste valeur marchande était un concept hypothétique ou notionnel, une opinion fondée sur des preuves, des hypothèses, des calculs et un jugement, en l'absence d'une vraie transaction. En pareil cas, il est évident qu'il peut y avoir désaccord quant à la juste valeur marchande d'un objet donné.

La responsabilité de la commission d'examen en matière de fixation de la juste valeur marchande peut parfois être très lourde, notamment s'il s'agit d'objets uniques ou de dons à un large éventail d'établissements. Les experts au sein de la commission d'examen reconnaissent ce fait, et c'est pourquoi ils appuient sans réserve les deux processus d'appel établis dans le projet de loi. Ils comprennent à quel point il est important pour les donateurs de biens


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culturels et pour les établissements bénéficiaires de pouvoir demander qu'on fixe de nouveau la valeur marchande d'un objet et, si nécessaire, de pouvoir interjeter appel devant la Cour canadienne de l'impôt.

La loi actuelle permet à la commission d'examen de fixer de nouveau la valeur marchande d'un objet si elle prend connaissance de renseignements supplémentaires. Jusqu'à maintenant, ce système a bien fonctionné, mais il y a également eu des cas où les donateurs estimaient qu'il fallait réexaminer les renseignements déjà fournis ou mieux faire valoir certains faits. Cela n'était toutefois pas possible. La commission pouvait fixer de nouveau la valeur marchande d'un objet seulement lorsque des renseignements supplémentaires avaient été fournis.

Aux termes du projet de loi C-93, il n'est plus nécessaire que des renseignements supplémentaires soient fournis pour que la commission fixe de nouveau la valeur marchande d'un objet. Cela veut dire que la commission pourra réexaminer sa décision à la demande du donateur ou de l'établissement bénéficiaire, que des renseignements supplémentaires aient été fournis ou non.

Nous croyons qu'il serait difficile de concevoir un premier niveau d'appel qui soit plus juste et équitable que cela.

(1205)

Si, une fois que la valeur marchande de l'objet a été fixée de nouveau, le différend entre le donateur et la commission d'examen n'a toujours pas été réglé, le donateur doit donner l'objet en question, s'il ne l'a pas déjà fait, et en appeler de la décision de la commission devant la Cour canadienne de l'impôt. C'est là un point important parce que, au moment où l'appel sera entendu par la Cour canadienne de l'impôt, le donateur aura fait un don irrévocable au musée, aux archives ou à la bibliothèque. Il ne sera plus propriétaire de l'objet en question. Le patrimoine culturel du Canada aura donc été enrichi, quelle que soit la décision rendue par la cour quant à la valeur de l'objet.

L'appel qui sera entendu par la Cour canadienne de l'impôt portera strictement sur la valeur marchande de l'objet aux fins de l'impôt. La question de l'intérêt exceptionnel et de l'importance nationale aura été réglée et le donateur aura fait son don en sachant très bien que sa juste valeur marchande demeure en litige.

Ceux qui s'inquiètent de l'équité du régime fiscal et qui craignent que les riches bénéficient d'échappatoires fiscales comprendront que ce système, par sa nature même, garantit un régime fiscal juste dont on n'abusera pas.

Si un donateur est prêt à faire un don en sachant très bien qu'il se peut qu'il obtienne un crédit d'impôt inférieur à la valeur qu'il attribue lui-même à l'objet, il est clair que ce n'est pas l'argent qui le motive. Mais si c'est le cas, le donateur peut revenir sur sa décision, vendre son objet sur le marché libre et il n'obtiendra aucun crédit d'impôt. Avec ce système, tout le monde est gagnant.

Les modifications contenues dans le projet de loi C-93 ne rétablissent pas seulement un droit d'appel qui avait été aboli, mais elles l'améliorent en établissant deux processus qui permettront un dialogue franc sur la juste valeur marchande d'un objet. Nous croyons que la capacité de discuter de la juste valeur marchande, ce qui exige des éléments de preuve, des hypothèses, des connaissances et l'exercice du jugement, permettra de présenter de meilleures estimations à la commission d'examen pour qu'elle rende sa décision initiale. Par le fait même, il y aura moins de demandes de réévaluation de la juste valeur marchande et, fort probablement, très peu d'appels devant la cour de l'impôt.

Les musées, les archives, les bibliothèques, les collectionneurs et les donateurs de biens culturels, les marchands et les évaluateurs ainsi que la commission d'examen elle-même sont très favorables au projet de loi. J'exhorte tous les députés à l'appuyer eux aussi. Les modifications qu'il contient sont de pure forme et ont été réclamées par la communauté du patrimoine. Avec leur adoption, le gouvernement du Canada ne fait que tenir son engagement en faveur de la sauvegarde du patrimoine canadien. Le projet de loi bénéficiera à la culture et au patrimoine dans ma circonscription, Erie, tout comme il bénéficiera à la culture et au patrimoine du meilleur pays du monde, le Canada.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je tenais à dire quelques mots au sujet de cette importante mesure législative qu'est le projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Je félicite le député de la circonscription d'Erie qui a parlé des dispositions du projet de loi C-93. Pour ma part, j'aimerais en expliquer clairement la signification aux Canadiens. Il est primordial que les Canadiens sachent, comme l'a dit le député d'Erie, et avant lui le député de Winnipeg St. James, que ce projet de loi ne vise pas, quoi qu'en disent les réformistes, à avantager les riches. J'ai fait quelques calculs pour démontrer les effets du projet de loi.

Supposons qu'un contribuable veuille céder un livre ou autre objet à une bibliothèque, un musée ou autre établissement et que la juste valeur marchande de l'objet soit estimée à 1 000 $. Si le donateur l'avait acquis à l'origine pour un montant de 100 $ il réaliserait, aux termes de la loi actuelle de l'impôt sur le revenu, un profit de 900 $, donc un gain en capital, dont la moitié est imposable. Le Parti réformiste prétend que le projet de loi avantage les riches, alors supposons également que le donateur est doit payer le tax maximal. Il paierait alors un impôt de 225 $. En vendant l'objet 1 000 $ à un musée, il empocherait un montant net de 725 $.

(1210)

La loi accorde un crédit d'impôt au donateur de l'objet. Dans le cas où la juste valeur marchande de l'objet est estimée à 1 000 $, le crédit d'impôt serait de 17 p. 100 sur les premiers 200 $ et de 29 p. 100 sur le reste. Au total, le crédit d'impôt, ou la réduction de l'impôt qui aurait autrement été payé, serait de 266 $.


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C'est en fait une question d'argent comptant. La vente de cet objet à un musée rapporterait 775 $ au contribuable. En faire don lui donne droit, en vertu du système de crédit d'impôt, à un crédit d'impôt de 266 $. Il est clair que les gens qui sont prêts à faire don à nos institutions culturelles de biens dont la valeur a été déterminée selon un processus rigoureux d'examen et d'évaluation recevront moins en retour, en termes d'argent comptant, que s'ils avaient vendu ces biens.

En termes de valeur réelle, comme le député de Winnipeg St. James l'a si bien dit, nos institutions culturelles n'ont guère voire pas d'argent pour acquérir des biens. Ce système est en fait le seul moyen pour elles d'en acquérir. Grâce à lui, les institutions, bibliothèques, archives, galeries et autres peuvent se maintenir à jour en ce qui concerne les biens et les documents d'intérêt culturel. Elles peuvent donc être compétitives. Cela leur permet, comme le député de Winnipeg St. James l'a dit, de continuer d'attirer des Canadiens et, en fait, des touristes du monde entier.

Il devrait être clair pour les Canadiens que le mécanisme de crédit d'impôt prévu dans le projet de loi C-93 permet à nos institutions canadiennes d'acquérir des biens à un prix sensiblement inférieur à celui qu'elles devraient payer si elles devaient acheter ces biens à leur juste valeur marchande. Si l'on tient compte en plus de la valeur touristique générée par nos institutions culturelles, il n'y a pas de doute que ce projet de loi est un arrangement très avantageux pour tous les Canadiens.

Le député d'Erie veut peut-être préciser son commentaire au sujet des avantages qu'entraîneraient pour le Canada les dispositions du projet de loi C-93.

M. Maloney: Monsieur le Président, mon collègue de Mississauga-Sud a présenté de façon claire et concise les avantages qu'offrait le crédit d'impôt à l'industrie culturelle, comparativement aux pertes fiscales. La différence est infime.

Quand j'amène ma famille à Ottawa, il n'y a rien de tel que de visiter les différents musées. C'est une façon intéressante de passer une journée. De nombreux touristes viennent à Ottawa pour cette raison. On devrait encourager les gens à le faire, mais pas seulement à Ottawa. Chez nous, dans Erie, on trouve de petits musées qui s'agrandissent constamment. Tout le monde les apprécie, non seulement les habitants de la circonscription d'Erie, mais les touristes qui visitent notre coin.

Le projet de loi ne peut qu'améliorer et accroître les avantages que nous devons offrir aux milieux culturels, non seulement pour notre bénéfice, mais aussi pour celui des générations futures.

J'ai discuté la semaine dernière avec l'ambassadeur de l'Allemagne au Canada. Je lui parlais de la réunification des deux Allemagnes. Il m'a dit que l'une des plus grandes préoccupations de son pays, c'était de rapatrier ses objets d'art de l'étranger, où on les avait transportés durant la guerre-de Russie, par exemple.

(1215)

C'est important pour tous les pays du monde de préserver leur patrimoine et leur culture. Nous ne devons pas permettre que l'on coupe simplement les subventions à cette fin, comme semble le vouloir le Parti réformiste, et laisser aller les choses. Nos biens se perdront et notre patrimoine n'existera plus.

M. John Loney (Edmonton-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir à nouveau l'occasion de parler en faveur du projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Les députés se souviendront que le but de ce projet de loi est d'établir le droit d'interjeter appel des décisions de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels auprès de la Cour canadienne de l'impôt. Ils se souviendront aussi que cette mesure législative rétablirait un droit qui a déjà existé. Je répète qu'elle rétablirait un droit qui a déjà existé, mais qui a disparu lorsque la responsabilité de la détermination de la juste valeur marchande des biens culturels certifiés a été transférée de Revenu Canada à la commission d'examen.

Certaines personnes ont, à tort, déclaré que les incitations fiscales pour les dons aux musées, aux galeries, aux archives et aux bibliothèques n'étaient que des échappatoires fiscales pour les riches. Des gens riches profitent sans doute de ces crédits d'impôt, mais il y a aussi de nombreuses personnes ordinaires qui donnent des objets importants de notre patrimoine canadien, qui appartenaient à leur familles depuis des générations.

Selon l'Association des musées canadiens, l'année dernière, les musées canadiens ont accueilli plus de 60 millions de visiteurs. Lorsque ces 60 millions de personnes se sont rendues dans les musées, elles ont pu voir des objets qui font maintenant partie des collections publiques grâce aux crédits d'impôt offerts aux donateurs. Sans ces incitatifs, bien des dons n'auraient jamais été faits et les objets auraient été exportés et vendus aux musées étrangers.

Si les Canadiens et les visiteurs au Canada ne peuvent plus découvrir notre passé en visitant les musées, les dommages à notre histoire et à notre identité canadienne seront incommensurables. Les musées, les galeries, les archives et les bibliothèques ne sont pas des entrepôts pleins d'objets jamais montrés à la lumière du jour. Au contraire, ce sont des centres vivants d'éducation et d'apprentissage où l'on étudie le passé par le truchement des objets qui ont été préservés pour les générations d'aujourd'hui et de demain.

C'est sans doute sir Arthur Doughty, archiviste fédéral du Canada de 1904 à 1935, qui a le plus éloquemment exprimé cette idée lorsque, parlant des documents d'archives, il a dit: «De tous les biens d'une nation, ce sont ses archives qui ont le plus de valeur. Elles représentent le don d'une génération à la suivante. Le soin que nous en prenons est la mesure de notre civilisation». Ces mots s'appliquent également aux collections des musées, des galeries d'art et des bibliothèques.

Offrir un incitatif fiscal à titre de compensation financière partielle à une personne qui fait don de biens culturels n'est pas très cher payer pour assurer la préservation de notre patrimoine national. Grâce à ces crédits d'impôts, le gouvernement canadien est en


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mesure d'aider les établissements à continuer d'acquérir et de préserver des objets culturels significatifs alors que leurs budgets d'acquisition sont sérieusement restreints ou tout simplement non existants.

Il importe également de voir que ces amendements s'inscrivent dans la tradition selon laquelle on a recours aux incitatifs fiscaux pour encourager les dons de charité. Les incitatifs fiscaux pour dons à des établissements éducatifs, à des hôpitaux ou à des églises sont prévus par la Loi de l'impôt sur le revenu depuis son adoption en 1916.

En 1930, ces dispositions sont étendues aux organismes de charité enregistrés. Les exonérations d'impôt pour don à des organismes caritatifs ou à des établissements éducatifs, dont les musées, les archives et les bibliothèques constituent donc l'un des principes fondamentaux de la politique fiscale depuis l'instauration de l'impôt sur le revenu.

(1220)

Ces dernières années, la Loi de l'impôt sur le revenu a été modifiée de façon à ce que les crédits d'impôt s'appliquent également aux dons aux organismes sans but lucratif qui gèrent des foyers pour personnes âgées, aux associations canadiennes de sports amateurs, aux municipalités canadiennes, aux Nations Unies et à ses agences ainsi qu'aux organismes enregistrés de services nationaux dans le domaine des arts. Comme l'indique cette liste, les crédits d'impôt font partie d'une stratégie fiscale globale visant à encourager les dons à une vaste gamme d'organismes.

Les établissements désignés en vertu de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, soit les établissements qui ont démontré qu'ils satisfaisaient aux exigences juridiques et professionnelles en vue de la préservation de nos biens culturels, sont soit des établissements éducatifs soit des organismes caritatifs. Par conséquent, les crédits d'impôt pour les dons à ces institutions ne sont pas nouveaux, au contraire, ils font historiquement partie des dons au Canada.

On a dit également que les crédits d'impôt pour les dons de biens culturels étaient un gaspillage de l'argent des contribuables, parce que les donateurs en profitent pour se débarrasser d'oeuvres de valeur douteuse. Cette suggestion démontre un manque de compréhension des pratiques des institutions de garde canadiennes et du professionnalisme des conservateurs canadiens. Cela tend à indiquer également que tout objet acquis par un musée, un service d'archive ou une bibliothèque est automatiquement certifié comme bien culturel à des fins fiscales.

Je voudrais considérer chacun de ces points dans l'ordre, car il faut comprendre ces questions pour saisir l'importance du crédit d'impôt que l'on accorde pour les dons de biens culturels.

Tout d'abord, en ce qui concerne le mandat et les pratiques d'acquisition des institutions de garde canadiennes, il faut savoir que ces institutions sont créées avec un mandat bien précis, celui d'acquérir et de préserver des types définis d'objets. Les conservateurs de musée doivent donc choisir soigneusement les objets qu'ils veulent acquérir et doivent être en mesure de démontrer comment ils s'insèrent dans leur mandat d'acquisition. Ils n'acceptent pas n'importe quoi. En fait, des conservateurs de musées m'ont déclaré qu'ils refusaient autant de dons qu'ils en acceptaient.

Deuxièmement, les musées, les archives et les bibliothèques sont dotés d'un personnel professionnel, des gens qui sont des experts reconnus dans leur domaine de spécialisation. Ils savent ce qui est important sur le plan culturel et ce qui ne l'est pas. Ils savent ce qui doit être conservé et ce que, malheureusement, l'on doit abandonner ou laisser exporter. Ils sont également parfaitement conscients du fait que leur institution ne peut pas préserver tous les biens culturels, mêmes parmi ceux qui sont importants. Bref, on pose un jugement professionnel intervient quand il s'agit de décider quels sont les objets qui méritent d'être ajoutés à la collection permanente.

Troisièmement, on semble supposer que, lorsqu'il est choisi pour figurer dans une collection publique, un objet est automatiquement certifié bien culturel et, donc, donne droit à un crédit d'impôt. Or, c'est une erreur, car le jugement professionnel porte non seulement sur les critères à satisfaire mais également sur le processus par lequel on décide s'il y a lieu de soumettre une demande de certification d'un objet comme bien culturel, aux fins du crédit d'impôt. Bref, ce n'est qu'une fraction des objets acquis au cours d'une année qui donnent droit à un crédit d'impôt.

Pour être certifié, un objet ou une collection doit être conforme aux critères d'intérêt exceptionnel et d'importance nationale que l'on trouve au paragraphe 11(1) de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels qui dit qu'il s'agit d'apprécier si cet objet:

(a) présente un intérêt exceptionnel raison soit de son rapport étroit avec l'histoire du Canada ou la société canadienne, soit de son esthétique, soit de son utilité pour l'étude des arts ou des sciences;
(b) revêt une importance nationale telle que sa perte appauvrirait gravement le patrimoine national.
De ces critères il ressort que seuls les objets qui sont vraiment importants peuvent être certifiés aux fins de l'impôt sur le revenu. La décision n'est pas prise arbitrairement, mais plutôt conformément à certaines prescriptions de la loi qui sont appliquées uniformément à tous les articles qui font l'objet d'une demande de certification auprès de la commission d'examen. Il convient également de noter que la décision sur la question de savoir si un objet présente un intérêt exceptionnel et revêt une importance nationale ou non est prise par une commission composée de personnes qui prennent une part active à la chose culturelle.

(1225)

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels exige que les commissions d'examen comprennent des personnes qui travaillent dans des établissements de conservation, des personnes qui achètent et vendent des biens culturels ou des personnes qui collectionnent des objets qui sont importants pour le patrimoine du Canada. La commission d'examen est donc une commission formée


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d'experts qui connaissent l'importance et la juste valeur marchande des biens culturels.

Lorsque le gouvernement précédent a décidé de confier à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels, plutôt qu'à Revenu Canada, le soin d'établir la juste valeur marchande de biens culturels, il l'a fait sans aucune consultation. Il n'a consulté ni les membres de la commission, ni les vendeurs et les collectionneurs d'oeuvres d'art et d'antiquités, pas plus d'ailleurs que les musées, les galeries, etc.

Dans le cadre de son nouveau mandat, la commission a parfois abaissé la juste valeur marchande proposée de biens culturels. Même si cela était inévitable et si Revenu Canada avait fait de même, cela a conduit certains donateurs à juger qu'on avait sous-évalué leurs dons. Lorsqu'ils ont essayé de contester la décision de la commission, ils se sont aperçus que le droit d'appel prévu aux termes de la Loi de l'impôt sur le revenu n'existait plus.

En réponse aux craintes soulevées, on a alors décidé de consulter les membres de la commission, les vendeurs, les donateurs et les représentants des établissements qui collectionnent les biens culturels, et leur réponse a été unanime: le droit d'en appeler des décisions de la commission était nécessaire pour s'assurer que le système continue de fonctionner équitablement.

Le projet de loi C-93 découle donc de la volonté des gens. Ce n'est pas simplement une invention du gouvernement et il n'est pas question non plus d'élargir les encouragements fiscaux actuels pour les dons de biens culturels. Il s'agit plutôt de rétablir un droit perdu en 1991. C'est également un signe tangible que le gouvernement écoute les Canadiens et qu'il est disposé à agir rapidement pour corriger des iniquités dans le régime fiscal.

Les députés du tiers parti parlent beaucoup de l'équité du régime fiscal. Pourtant, ils s'opposent à ce projet de loi qui a justement pour objectif d'être équitable envers les intéressés. De nombreuses personnes considèrent que le système actuel est injuste, car on ne peut en appeler des décisions de la commission au sujet de la juste valeur marchande de biens. La mise sur pied de non pas un, mais de deux processus d'appel rétablira l'équité du système et donnera la possibilité de s'assurer que si les donateurs croient qu'ils ont un motif légitime pour contester la décision de la commission, ils seront en mesure de faire appel, tout d'abord devant la commission elle-même et, au besoin, devant la Cour canadienne de l'impôt.

Les dons à des musées, des archives et des bibliothèques supposent l'établissement de relations entre le donateur et l'établissement bénéficiaire et, lorsqu'un certificat attestant le bien culturel est nécessaire, entre le donateur et l'établissement, d'une part, et la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels, d'autre part. Ces relations sont fondées sur le respect mutuel et sur la collaboration dans la préservation du patrimoine du Canada en matière de biens culturels mobiliers. Ces relations doivent également être assorties d'un mécanisme de règlement des différends si les participants ne parviennent pas à s'entendre sur la valeur d'un objet qui a été donné.

Le processus d'appel des décisions rendues par la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels qui est proposé dans le projet de loi C-93 permettra à tout donateur qui est en désaccord avec une décision de la commission d'examen d'interjeter appel d'abord devant la commission, puis, s'il y a lieu, devant la Cour canadienne de l'impôt.

Les modifications qu'on propose d'apporter grâce au projet de loi devraient être considérées comme garantissant le droit du donateur à l'accès à la justice naturelle au moyen d'un appel auprès du système judiciaire, si cela est justifié. Ces modifications devraient également être considérées comme le rétablissement d'un droit d'appel qui a été supprimé en 1991, lorsque la responsabilité de déterminer la juste valeur marchande a été transférée à la commission d'examen.

(1230)

Nous estimons qu'il est important que les décisions des commissions et des organismes gouvernementaux puissent faire l'objet d'appels, car des divergences d'opinion peuvent surgir, même lorsqu'on tente d'exercer honnêtement son jugement. Il est indispensable que le processus décisionnel de la commission d'examen soit ouvert et transparent. En outre, le droit d'en appeler devant les tribunaux en cas de différend est conforme au système judiciaire du Canada et aux principes de justice naturelle.

En tant que Canadiens, nous sommes privilégiés de vivre dans un pays composé de nombreuses cultures. Il faut continuer de préserver, au profit de tous les Canadiens, l'histoire matérielle et les biens culturels du grand nombre de groupes différents qui composent la société canadienne. J'estime que les modifications que renferme le projet de loi C-93 contribueront à réaliser cet objectif et ne pourront qu'améliorer l'approche déjà exceptionnelle du Canada à la protection des biens culturels.

En terminant, j'exhorte les députés à appuyer le projet de loi C-93.

[Français]

M. Dan McTeague (Ontario, Lib.): Monsieur le Président, j'ai bien écouté les commentaires de mon cher collègue, le député d'Edmonton-Nord.

[Traduction]

Ce projet de loi est très innovateur. J'ai eu l'occasion d'examiner les observations et certains documents d'appui fournis par le ministre du Patrimoine canadien.

Les observations de mon collègue d'Edmonton m'ont intéressé. Il y a effectivement de nombreux musées dans la circonscription d'Ontario et je sais qu'au fil des années, des gens leur ont fait don de divers objets. Les députés seront peut-être étonnés d'apprendre que c'est la circonscription et le comté d'Ontario qui ont donné leur nom à la province en 1867. Jusque là, il était question du Haut-Canada et de l'est du Canada.

J'ai une question très simple à poser au député. Pourrait-il expliquer à la Chambre certains des effets que ce projet de loi pourrait exercer dans la région d'Edmonton, où se sont peu à peu installées de nombreuses personnes de diverses origines?


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[Français]

Surtout la communauté francophone qui existe dans ce coin.

[Traduction]

M. Loney: Monsieur le Président, en réponse à la question du député, je dirai qu'à Edmonton et surtout dans le nord de l'Alberta, les habitants sont issus de nombreux groupes culturels et ethniques venus de divers pays, surtout, comme il l'a souligné, en ce qui concerne la communauté francophone.

Les modifications que propose ce projet de loi donneront à ces gens dont les ancêtres se sont installés dans l'Ouest, surtout après la création de la province en 1905, l'occasion de donner à la province, qui est maintenant la leur, des biens que leurs parents, leurs grands-parents et même leurs arrière-grands-parents ont apportés non seulement de l'est du Canada, mais aussi d'ailleurs au Canada ou même de leur pays d'origine.

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir en faveur du projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Partout au Canada, des organismes et des établissements subventionnés par l'État sont forcés de réévaluer leur mission, leur mode de fonctionnement et jusqu'à leur raison d'être à cause de la hausse de leurs coûts de fonctionnement et de la réduction du soutien financier tant du secteur public que du secteur privé. L'existence de beaucoup de ces établissements est discutée. Dans ma circonscription, Victoria-Haliburton, c'est là un grand souci pour beaucoup d'organismes culturels.

Le secteur culturel canadien s'est développé grâce à une combinaison de financement public, de financement privé et de bénévolat. Pour atteindre les objectifs qu'il s'est fixés pour réduire le déficit, notre gouvernement croit que tous les établissements subventionnés par l'État doivent devenir plus autosuffisants.

Le gouvernement ne les laissera cependant pas se débrouiller tout seuls. Il va au contraire mettre au point des mesures structurelles pour les aider à traverser cette période de transition. Les crédits d'impôt, pour favoriser le développement d'une industrie du cinéma distinctement canadienne ou pour encourager les dons de biens culturels à des établissements désignés, comme ceux dont on peut se prévaloir en vertu de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, constituent une façon dont le gouvernement peut les aider à traverser cette période de transition. Il faut se rappeler que les établissements du patrimoine et les activités connexes contribuent eux aussi à l'économie du Canada. Les établissements du patrimoine et leurs activités ont de plus en plus d'impact économique bénéfique pour les localités où ils existent partout au Canada. Une étude effectuée récemment en Nouvelle-Écosse a constaté que l'impact économique des six principaux musées de la province dépasse de façon significative les dépenses directement liées au fonctionnement de ces établissements.

(1235)

De même, les données provenant d'une séries d'études effectuées en Alberta révèlent que les dépenses des visiteurs des sites historiques s'élèvent en moyenne à 50 millions de dollars par année. Ces mêmes études ont démontré que des musées comme le Tyrrell Museum de Drumheller comptent souvent parmi les principaux attraits touristiques de leur région.

Une grande partie des activités des musées, des services d'archives et des bibliothèques soutiennent les recherches, l'accumulation des connaissances et l'information du public. Les recherches effectuées par le personnel de ces institutions aboutit souvent à des découvertes fécondes, et elles peuvent même avoir des retombées dans d'autres domaines comme la production et la diffusion de disques optiques compacts et de publications

Les expositions informent les visiteurs, créent de l'emploi et contribuent au tourisme culturel. Les visiteurs qui se rendent dans une autre ville que la leur pour voir des expositions descendent à l'hôtel, mangent dans les restaurants, font des courses, assistent à d'autres manifestations, font du tourisme et dépensent de l'argent dans divers secteurs de l'économie, tout cela à l'occasion d'une visite au musée.

L'exposition récente de peintures impressionnistes de la collection Barnes au Musée des beaux-arts de l'Ontario est un excellent exemple. Elle a été la preuve concrète que les institutions culturelles pouvaient contribuer à l'activité économique.

Pendant les trois mois et demi de cette exposition, à Toronto, près de 600 000 personnes ont visité le Musée des beaux-arts de l'Ontario spécialement pour voir l'exposition. Selon une étude des retombées économiques effectuée après coup, près de 75 millions de dollars ont été dépensés en Ontario pour les voyages ou excursions des visiteurs de cette exposition. Ces dépenses de 75 millions ont eu un retentissement dans toute l'économie ontarienne par la production de biens et services évalués à 137 millions de dollars.

Outre ces statistiques impressionnantes, l'exposition Barnes a créé des emplois au Canada, et les recettes fiscales qu'elle a rapportées aux administrations municipales, provinciale et fédérale ont totalisé près de 22 millions de dollars.

Ces 600 000 visiteurs ou presque qui se sont rendus au musée pour voir une exposition ont également eu l'occasion de voir des oeuvres faisant partie de la collection permanente du Musée des beaux-arts de l'Ontario. C'est la même chose pour les visiteurs de tous les autres musées, galeries d'art, services d'archives ou bibliothèques. Certaines des oeuvres de la collection permanente auraient sûrement été acquises grâce aux stimulants fiscaux offerts aux termes de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels et insérés dans le projet de loi C-93.

Nous voyons là un autre aspect des retombées économiques des établissements culturels. Il est faux de croire que le manque à gagner en recettes fiscales attribuable au don d'un bien culturel certifié est une perte sèche. Premièrement, soit que l'oeuvre d'art donnée à une galerie d'art ou à un musée appartenait à la famille du


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donateur depuis plusieurs générations, soit qu'elle a été achetée par le donateur qui en fait maintenant don à une collection publique.

Si l'oeuvre d'art a été achetée par l'entremise d'une galerie commerciale ou d'une maison de vente aux enchères, cela a entraîné une opération sur le marché libre. Il y a donc eu une opération financière et des taxes ont été versées aux gouvernements, tout d'abord la taxe de vente, puis l'impôt sur le revenu payé par le marchand d'art ou la maison de vente aux enchères.

De la même façon, le donateur a acheté ces objets souvent de grande valeur culturelle grâce à son revenu net d'impôt, c'est-à-dire son revenu disponible. Il ne faut pas oublier que le donateur d'un bien culturel n'obtient pas un remboursement équivalant à la juste valeur marchande du bien qu'il cède. Le donateur reçoit plutôt un crédit d'impôt équivalant à 17 p. 100 de la première tranche de200 $ du total et à 29 p. 100 de la juste valeur marchande qui dépasse 200 $. Un simple calcul permet de constater que le remboursement d'impôt que reçoit le donateur, le manque à gagner en recettes fiscales, ne représente qu'une fraction de la juste valeur marchande de l'objet cédé.

Il est difficile de reprocher à quiconque d'acheter une oeuvre d'art avec son revenu net d'impôt, d'en faire don à un établissement distingué et de recevoir un crédit d'impôt correspondant à 29 p. 100 de la juste valeur marchande de l'objet cédé. En outre, ces gens-là auront donné une oeuvre d'art à un établissement public où elle fera partie du patrimoine culturel canadien qui est accessible à tous.

(1240)

Les députés du tiers parti contestent le fait qu'on accorde des crédits d'impôt pour les dons d'oeuvres d'art, mais ils n'ont pas encore parlé de l'objet réel de ce projet de loi. Les crédits d'impôt ne posent pas de problème. De toute manière, je crois avoir bien montré que les crédits d'impôt constituent un stimulant et une façon modeste de reconnaître la générosité des donateurs. Comme on l'a dit tout à l'heure, ils sont loin de rembourser les donateurs et, en fait, peuvent contribuer à hausser considérablement les revenus dans divers secteurs de l'économie.

Il vaut peut-être la peine de rappeler aux députés que ce projet de loi a pour objet de permettre d'en appeler des décisions de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels devant la Cour canadienne de l'impôt. Il prévoit deux genres d'appel, soit auprès de la commission elle-même pour qu'elle reconsidère une décision et, si nécessaire, auprès de la Cour canadienne de l'impôt.

Le besoin d'un droit d'appel n'est pas nouveau. Toutefois, le projet de loi rétablit le droit d'appel qui a été perdu par inadvertance, en 1991, lorsque la responsabilité de déterminer la juste valeur marchande des objets a été transférée de Revenu Canada à la Commission d'examen. Certains ont dit craindre que le droit d'appel ajoute tout simplement à l'arriéré de travail de la cour de l'impôt. Nous ne savons pas si ce sera le cas, mais tous les efforts ont été déployés pour que cela ne se produise pas. Le processus permettant une nouvelle fixation de la valeur marchande d'un objet va permettre de régler la majorité des désaccords directement auprès de la Commission d'examen.

Peut-on nier à quelqu'un le droit d'en appeler d'une décision qui le touche directement seulement parce que cela risque d'alourdir la charge de travail de la cour de l'impôt? Peut-on pour cela ne pas rétablir un droit qui avait été perdu et priver des gens de justice naturelle en les empêchant d'en appeler auprès des tribunaux? Je ne le crois pas.

Il est douteux aussi, et il faut le souligner, que le rétablissement d'un droit d'appel entraîne une augmentation du nombre des appels dont est saisie la Cour canadienne de l'impôt. Ce droit d'appel existait déjà lorsque la responsabilité de fixer la juste valeur marchande incombait à Revenu Canada. Il semble donc raisonnable de supposer que la cour de l'impôt est en mesure d'assumer à nouveau cette responsabilité.

Des gens de toutes les provinces et de tous les territoires ont fait des dons à des institutions désignées en vertu de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, et des gens du monde entier peuvent maintenant partager avec nous le plaisir d'admirer des oeuvres d'art, des collections d'archives, des ouvrages et des objets qui ont, par le fait même, été préservés dans des collections publiques.

Ces institutions culturelles préservent le patrimoine du Canada au chapitre des biens culturels meubles tout en contribuant grandement à l'économie. La culture n'est pas un luxe apprécié de quelques personnes seulement; c'est une activité économique précieuse. Pour pouvoir continuer de jouer un double rôle fondamental, nos musées, nos archives et nos bibliothèques doivent avoir des collections vivantes qui contribuent à l'accroissement de nos connaissances, qui retiennent l'attention et qui attirent les visiteurs.

Les encouragements fiscaux offerts par la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels sont importants pour garantir que certaines personnes continuent de faire don de biens culturels précieux. En l'absence d'un droit d'appel comme celui qui est prévu dans le projet de loi C-93, certains donateurs auront l'impression de n'avoir aucun recours si la décision de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels ne les satisfait pas. Ils ne seront peut-être pas disposés à faire un don.

Le processus d'appel contribuera à préserver les collections qui font partie du patrimoine culturel du Canada et qui sont d'envergure internationale. Les deux aspects sont importants pour la nation canadienne. J'invite tous les députés à appuyer le projet de loi C-93.

M. Peter Milliken (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Madame la Présidente, j'ai une question à poser au député. Je voudrais le féliciter pour son excellent discours.

Le député doit savoir qu'à l'étape de la deuxième lecture, les députés du Parti réformiste voteront contre le projet de loi. Certains d'entre nous en sont un peu surpris, car le projet de loi fait la promotion de la culture canadienne. Il stimule fortement le développement de la culture canadienne, surtout celle qui s'exprime par les oeuvres d'art exposées dans les galeries et les musées canadiens.


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Le député n'est-il pas d'avis que la politique du Parti réformiste en cette matière ne convient pas et que les députés de ce parti devraient appuyer le projet de loi parce qu'ils devraient reconnaître, comme nous, que la culture est un élément très important de la vie sociale, économique et politique du Canada?

(1245)

Les oeuvres d'art qui sont exposées dans les galeries et les musées du Canada sont une composante essentielle de notre patrimoine.

M. O'Reilly: Madame la Présidente, je remercie le député de Kingston et les Îles pour sa question. C'est une question très intéressante. Je ne peux pas concevoir que l'on s'oppose au projet de loi.

Les musées, les galeries d'art, les archives et les bibliothèques des provinces et des territoires du Canada bénéficient des dons de biens culturels grâce aux crédits d'impôt.

J'ai récemment donné une série de cartes postales provenant d'une collection que je possède sur l'histoire de l'Ouest, et tout particulièrement du Manitoba, sans en retirer ni argent ni avantage fiscal. Ces cartes avaient été envoyées au siècle dernier dans ma circonscription, Victoria-Haliburton.

Je les avais trouvées par hasard dans une collection et je les avais achetées pour presque rien, et je les ai données au musée du patrimoine canadien, au Manitoba, qui m'a envoyé une lettre de remerciement. J'imagine que j'aurais dû demander un reçu, mais je n'ai pas jugé que ces cartes avaient une grande valeur commerciale.

Cette collection a beaucoup ajouté au patrimoine, à la culture et à la sauvegarde de la culture dans l'ouest du Canada. C'est très important pour un député de l'est de l'Ontario de se soucier de l'ouest du Canada, de sa culture et de la sauvegarde de cette culture.

J'ai beaucoup de difficulté à comprendre pourquoi le Parti réformiste n'appuierait pas le projet de loi. Je sais parfaitement bien que les régions que ces députés représentent ont obtenu quelque chose de députés libéraux comme moi, comme le député de Kingston et les Îles et comme celui de London-Middlesex.

Nous avons fait des dons sans aucun reçu pour fins d'impôt. Je le répète, les cartes que j'ai données n'avaient pas de valeur, mais elles étaient sans prix. Je suppose que j'aurais dû les faire évaluer. J'ai pensé qu'elles devaient être dans un musée, que la population devait pouvoir en profiter. Elles sont maintenant conservées pour toujours et ne seront pas jetées à la poubelle ou gardées dans une collection privée où les gens ne pourraient pas les voir.

Je collectionne aussi des armes, au grand désarroi de beaucoup de gens ici. Le projet de loi sur les armes à feu est encore à l'autre endroit. J'ai une arme qui a appartenu à un médecin de l'armée au cours de la Première Guerre mondiale. Bien sûr, il y a peut-être là une contradiction, mais on donnait des armes de poing aux médecins pendant la Première Guerre mondiale. J'ai récemment eu des discussions avec le musée de Lindsay à qui je voudrais donner cette arme. Si je suis assez chanceux pour obtenir un reçu d'impôt pour cette arme, ce sera juste. C'est la seule arme de ce type qui est enregistrée au Canada, aussi est-elle unique et mérite-t-elle d'être conservée pour que la population puisse la voir.

Même en invoquant la loi et l'ordre, ce qui est apparemment un des principaux thèmes défendus par le Parti réformiste, je ne peux pas comprendre pourquoi ils s'opposent au projet de loi. Il est nécessaire. Il contribuera à la sauvegarde de notre culture et de notre patrimoine. C'est un élément très important du tissu de notre société.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'exprimer aujourd'hui mon appui à l'égard du projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Comme les députés l'ont déjà mentionné, le projet de loi établit deux processus. Le premier donne au donateur ou à l'établissement bénéficiaire le droit de demander que la commission d'examen fixe de nouveau la valeur marchande d'un objet.

Si, après que la commission a fixé de nouveau la valeur marchande d'un objet, le donateur n'est toujours pas satisfait, il peut passer à la deuxième étape et en appeler de la décision de la commission devant la Cour canadienne de l'impôt. La valeur marchande d'un bien culturel, certifiée par la commission d'examen, donne droit à un crédit d'impôt de 17 p. 100 sur la première tranche de 200 $ et de 29 p. 100 sur le reste. Le donateur peut déduire la valeur marchande du don jusqu'à concurrence d'un montant égal à son revenu net, et tout gain en capital résultant de ce don est exonéré d'impôt.

(1250)

Comme mes collègues l'ont mentionné plus tôt, il s'agit d'un projet de loi d'ordre administratif. L'objectif est la préservation du patrimoine culturel du Canada.

Du point de vue de la politique fiscale, je comprends les objections du Parti réformiste. Ils sont en faveur d'une réforme fiscale un peu semblable à celle que je préconise. Ils veulent mettre en place un impôt unique et supprimer des lois fiscales canadiennes tous les avantages fiscaux accordés aux divers secteurs.

Cependant, d'ici à ce que nous, en tant que gouvernement, entreprenions une réforme fiscale globale, nous ne pouvons pas enlever à certains secteurs essentiels à la santé économique de notre pays toute possibilité de croissance et de participation à l'économie. C'est là que la politique du Parti réformiste manque de prévoyance.

Nous ne pouvons pas dire à nos artistes, à la communauté culturelle, que nous ne voulons pas leur donner l'occasion de participer à l'économie en leur accordant des crédits d'impôt, sans adopter la même approche pour le secteur énergétique, le secteur forestier, le secteur touristique et ainsi de suite. Sur le plan philosophique, j'appuie le point de vue des réformistes, mais ils ne peuvent tout simplement pas s'en prendre à un seul secteur.

Aussi longtemps que la Chambre ne s'engagera pas à faire une réforme fiscale en profondeur, nous devrons continuer d'accorder des crédits d'impôt secteur par secteur. Autrement, certains milieux


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seraient pénalisés pendant que d'autres s'en tireraient à bon compte. Ce ne serait pas acceptable.

Allons-nous pénaliser la communauté culturelle canadienne et laisser les gens très riches envoyer leurs enfants étudier dans des universités sélectes aux États-Unis, où ils obtiendront des crédits d'impôt ou un rachat de l'impôt sur les successions, jusqu'à concurrence de 600 000 $, au titre de propriétés qu'ils possèdent dans ce pays? Ce serait injuste.

Je voudrais aborder le projet de loi dans une autre perspective, soit la contribution des biens culturels à l'industrie du tourisme. Je parlerai d'un musée en particulier que nous avons à Toronto et que le Président connaît bien. Il s'agit du Temple canadien de la renommée des sports. Ce musée incarne l'âme de la culture canadienne, le hockey.

Il y a environ trois semaines, j'étais au Temple de la renommée du hockey, à Toronto. J'ai été tout à fait épaté en voyant les objets historiques qui y sont exposés et j'ai ressenti la même chose que tant d'autres avant moi en revivant l'histoire du hockey au Canada, la contribution de ce sport à la création d'emplois et les moments magiques de la conquête de la Coupe Stanley. À la sortie de l'immeuble, on ressent une fierté indescriptible.

(1255)

Les musées et toutes les autres institutions du patrimoine culturel canadien comportent un autre avantage auquel on ne songe pas et c'est leur apport à l'industrie du tourisme. La mise en valeur de nos biens culturels comporte des retombées fabuleuses. Quels secteurs en bénéficient? Les hôtels et les restaurants, mais aussi les petits établissements qui fabriquent des répliques de nos biens culturels. On trouve des biens culturels et musées historiques partout au Canada.

J'ai jeté un coup d'oeil à un ouvrage intitulé: «On the Road to Quebec». C'est un guide touristique du Québec. Notre pays est à la veille d'une décision très importante. Alors que je parcourais des yeux ce guide sur le Québec, je n'ai pu m'empêcher de ressentir une certaine émotion à la vue de certains grands sites historiques et biens culturels qu'abrite cette province. Il y a toute une série de sites et de monuments qui célèbrent l'histoire du Québec et l'importante contribution que la province a faite au Canada. Rien que cette richesse qu'offre le Québec vaut que l'on appuie ce projet de loi.

Je pense que bon nombre de Canadiens suivent ce débat à la Chambre des communes, car notre pays traverse une étape très critique de son histoire. Beaucoup de députés reçoivent ces temps-ci des appels à leur bureau du Parlement ou à leur bureau de circonscription de gens qui leur disent être inquiets au sujet de l'issue du référendum qui aura lieu lundi. Ce n'est pas un secret. De nombreux reportages à la radio et à la télévision et de nombreux articles dans la presse rapportent que la situation est très critique en ce moment.

Je veux dire aux Canadiens qui vivent hors du Québec qu'un moyen de nous célébrer les trésors culturels que nous avons au Québec, c'est de s'arranger cette fin de semaine pour aller au Québec visiter certains de ces hauts lieux de la culture canadienne qui sont disséminés dans tout le Québec, en particulier dans les régions périphériques. Nous avons de grands centres célébrant notre histoire et notre patrimoine culturel. Ce serait une fin de semaine où les Canadiens, s'ils le peuvent, pourraient aller visiter ces villes, ces localités et même ces petits villages qui cachent parfois des trésors culturels. Ils pourraient en profiter pour aller à l'hôtel ou à l'auberge du coin, y rester pour la fin de semaine, discuter avec les gens et leur dire combien ils souhaitent que, lundi, les Québécois votent pour le Canada.

(1300)

Si de nombreux Canadiens faisaient quelque chose du genre, ils apporteraient une contribution inestimable. Ils pourraient non seulement se sentir chez eux dans une autre région de leur pays, mais les Québécois les accueilleraient sans doute très bien. Je connais d'expérience l'hospitalité des Québécois, qui aiment particulièrement recevoir des gens de l'extérieur, que ce soit dans les restaurants, dans les hôtels ou dans tout autre lieu à visiter au Québec.

Je veux m'arrêter un instant à l'expérience que nous avons eue tous les deux, monsieur le Président, en tant que pères dont les fils ont participé au tournoi pee wee du Québec, une autre grande occasion de célébrer que nous avons dans notre pays et qui amène à Québec des jeunes garçons des quatre coins du pays, tous les ans, en février. La majorité d'entre eux sont unilingues anglophones et prennent part au tournoi pee wee de Québec. L'une des caractéristiques de ce tournoi, c'est que tous les joueurs des équipes invitées sont logés dans une famille de Québec.

Vous savez comme moi qu'il se tisse alors des liens affectifs très particuliers chez ces jeunes, qui ont un véritable sentiment d'attachement quand ils retournent ensuite dans leur ville ou leur village, un peu partout au Canada. Ce tournoi, qui a lieu annuellement depuis près de 80 ans, est l'une de ces expériences uniques que les jeunes garçons peuvent vivre au Canada. C'est un exemple concret et non négligeable de ce que le hockey, en tant qu'élément culturel, peut faire pour rapprocher les Canadiens.

C'est sans réticence aucune que j'appuie ce projet de loi dont la Chambre est saisie aujourd'hui. Si notre culture est solide et reconnue sous toutes ses formes, nous serons plus forts et nous améliorerons nos chances de rester unis en une seule nation. Selon moi, nous n'avons pas eu assez d'occasions de célébrer, nous n'avons pas suffisamment glorifié notre histoire, notre culture et toutes ces choses qui nous unissent en tant que nation au cours des dernières années.

Comme je l'ai dit l'autre jour à la Chambre, nous nous sommes tellement inquiétés au sujet du déficit et de la réduction de la dette, nous n'avons tellement pensé qu'à ça, que nous sommes maintenant en train de nous dissoudre. Nous avons grugé une partie du ciment qui nous retient, en tant que collectivité et en tant que pays. Quand on traite les produits culturels comme s'il ne s'agissait que d'une dépense comme une autre et qu'on persiste à couper pour réduire le déficit et la dette, on devrait savoir qu'on a raté le coche.


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(1305)

En célébrant, en appuyant la culture, on investit non seulement économiquement, mais aussi spirituellement dans la collectivité. Si nous consacrions plus de temps à célébrer cet aspect de notre héritage culturel, l'esprit de clocher ne régnerait pas sur tous les travaux, débats et discussions comme c'est trop souvent le cas de nos jours.

Je tiens à répéter que je veux célébrer ce projet de loi. Je l'appuie entièrement et je veux demander à tous les Canadiens qui se demandent quoi faire le week-end prochain de se rendre au Québec pour y admirer les remarquables biens culturels du Canada, témoins du patrimoine québécois, mais aussi du patrimoine canadien. C'est grâce à ce genre de rencontres entre personnes, entre régions et entre collectivités que le Canada remportera la victoire lundi prochain je l'espère.

Le président suppléant (M. Kilger): Ce n'est pas tout à fait dans les normes, mais bien qu'à aucun moment je ne voudrais compromettre l'intégrité ou l'impartialité de la présidence, je m'associe aux propos du député de Broadview-Greenwood, particulièrement en ce qui concerne son évocation de notre voyage à Québec avec nos fils qui jouaient dans le tournoi de hockey peewee de cette ville. Je le remercie de m'avoir inclus dans cette remémoration.

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui en faveur du projet de loi C-93, projet de loi d'ordre technique qui prévoit qu'on peut en appeler, devant la Cour canadienne de l'impôt, d'une décision de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels.

L'objet de ce projet de loi est de modifier la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, et d'apporter des modifications corrélatives à la Loi de l'impôt sur le revenu et à la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt afin qu'on puisse en appeler des décisions de la Commission canadienne d'examen des exportations et des importations de biens culturels concernant la valeur marchande de biens culturels certifiés.

En décembre 1991, la responsabilité de fixer la valeur marchande des biens culturels donnés à des établissements canadiens désignés (musées, galeries d'art, bibliothèques) était transférée de Revenu Canada, Impôt à la Commission d'examen, responsabilité qu'elle assuma lors de sa réunion de janvier 1992. Les modifications à la loi ne contenaient aucune disposition prévoyant qu'on pouvait faire appel des décisions de la Commission en dépit du fait qu'un droit d'appel existait du temps où Revenu Canada avait cette responsabilité.

Les donateurs et les établissements de conservation exprimèrent de sérieuses réserves à cet égard. Le ministère du Patrimoine canadien, en collaboration avec la Commission d'examen entreprit alors, au sein de la collectivité, une série de consultations sur la nécessité d'une procédure d'appel. À la suite de ces consultations, il fut convenu qu'on préparerait des modifications à la loi afin d'instaurer un droit d'appel devant la Cour canadienne de l'impôt.

Ce projet de loi prévoit deux étapes. Dans la première, le donateur ou l'établissement récipiendaire ont le droit de demander à la Commission d'examen de revoir la valeur marchande qu'elle a attribuée à un objet. Si le donateur n'est pas satisfait de la nouvelle valeur fixée par la commission, il peut alors faire appel de la décision de la commission devant la Cour canadienne de l'impôt.

C'est une coïncidence heureuse que ce projet de loi soit adopté aujourd'hui, ce 24 octobre, jour du cinquantième anniversaire de la création de l'Organisation des Nations Unies. Il y a cinquante ans aujourd'hui, quelques mois seulement après la fin de la Deuxième Guerre mondiale, que l'Organisation des Nations Unies a été officiellement constituée et que sa charte est entrée en vigueur. L'ONU a eu le mandat difficile de maintenir la paix internationale et de soulager les souffrances dans le monde entier.

(1310)

Nous approchons également de la fin de la décennie mondiale du développement culturel. Lancée en 1988, cette décennie va s'achever à la fin de 1997. Son but était de promouvoir les activités qui améliorent les éléments culturels du développement et d'entreprendre des recherches et des projets pilotes portant sur la relation entre la culture et le développement.

Par l'intermédiaire de ses agences comme l'UNESCO, l'Organisation des Nations Unies pour l'éducation, la science et la culture, l'ONU a également des responsabilités en matière d'alphabétisation, d'éducation et de développement scientifique et culturel dans le monde entier.

Le Canada a joué un rôle actif dans le travail de l'ONU et de l'UNESCO, et il est reconnu à l'échelle internationale pour le travail qu'il a fait en faveur de la protection de la propriété culturelle des nations en développement. Pendant les années soixante, le Mexique et le Pérou, en particulier, mais aussi beaucoup d'autres pays d'Amérique du Sud et d'Amérique centrale ont perdu une quantité importante de biens culturels en raison du commerce illicite. Leur appel à l'UNESCO, pour trouver un moyen d'enrayer ce trafic, a conduit, en 1970, à la Convention de l'UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert illicites de biens culturels. Même si elle renferme des mesures pour empêcher l'importation, l'exportation et le transfert illicites de biens culturels, cette convention demande à chaque pays d'établir ses propres mesures pour protéger et préserver son patrimoine culturel.

Pour se joindre au mouvement international de protection des biens culturels, le Canada a adopté la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, en septembre 1977. Cette loi a deux objectifs: tout d'abord, assurer la préservation au Canada d'exemples importants du patrimoine culturel, historique et scientifique du Canada et, ensuite, protéger au Canada les intérêts légitimes des États étrangers souhaitant préserver leurs biens culturels.

On réalise ces objectifs grâce aux dispositions suivantes de la loi: premièrement, l'établissement d'une nomenclature des biens culturels à exportation contrôlée; deuxièmement, la création de la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels chargée d'examiner les demandes de licence et les demandes de certificat pour des biens culturels aux fins de l'impôt sur le revenu; troisièmement, la mise sur pied d'encouragements fiscaux pour les


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dons ou les ventes de biens culturels à des institutions canadiennes désignées; quatrièmement, l'établissement de procédures pour la récupération et la restitution de biens culturels étrangers illégalement exportés de leur pays d'origine.

En 1978, le Canada a signé la convention de 1970 de l'UNESCO concernant les mesures à prendre pour interdire et empêcher l'importation, l'exportation et le transfert illicites de biens culturels. Aux termes de cette convention, qui renferme des mesures pour empêcher l'importation, l'exportation, le transfert ou la possession illicite de biens culturels, chaque pays signataire doit adapter ses propres lois pour protéger et préserver son patrimoine culturel, ainsi que prendre des mesures pour faciliter le retour vers leur pays d'origine de biens culturels exportés illégalement.

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels renferme des dispositions en vertu desquelles il est criminel d'importer au Canada des biens culturels qui ont été exportés illégalement d'un pays signataire d'une entente internationale sur les biens culturels.

La protection du patrimoine d'un autre pays est insuffisante si nous ne protégeons pas notre propre patrimoine. Le Canada met donc en place des contrôles à l'exportation pour réglementer l'exportation de biens culturels. Il faut absolument que nous abordions ici aujourd'hui la question du système de contrôle. Il convient de noter que tout objet qui est vieux de plus de 50 ans et a été réalisé par une personne aujourd'hui décédée doit être contrôlé avant qu'on l'exporte. Il faut obtenir une licence d'exportation de biens culturels avant que ces objets puissent quitter le pays.

(1315)

La nomenclature des biens culturels canadiens à exportation contrôlée offre une description détaillée des catégories d'objets dont il est nécessaire de contrôler l'exportation. Ces catégories sont au nombre de sept. La première catégorie concerne les objets trouvés dans le sol ou les eaux du Canada. La deuxième catégorie relève des arts ethnographiques. La troisième catégorie a trait aux objets militaires. La quatrième catégorie touche les arts décoratifs. La cinquième catégorie s'applique aux beaux-arts. La sixième catégorie comprend les objets d'intérêt scientifique et technologique. La septième catégorie regroupe les livres, les documents, les photographies et les enregistrements sonores.

Pour obtenir une licence d'exportation d'un bien culturel, l'exportateur doit en faire la demande à un agent approprié qui détermine si l'objet appartient à la nomenclature. S'il en est exclu, la licence est délivrée sans délai. Si l'objet appartient à la nomenclature, l'agent renvoie la demande de licence à l'expert-vérificateur compétent.

L'expert-vérificateur doit alors déterminer si l'objet est conforme aux critères d'intérêt exceptionnel et d'importance nationale que l'article 11 de la loi décrit en ces termes: « . . . cet objet a) présente un intérêt exceptionnel en raison de son rapport étroit avec l'histoire du Canada ou la société canadienne, soit de son esthétique, soit de son utilité pour l'étude des arts ou des sciences; b) revêt une importance nationale telle que sa perte appauvrirait gravement le patrimoine national».

Il convient de noter que, si l'expert-vérificateur recommande de ne pas délivrer la licence, l'agent doit en informer l'exportateur et celui-ci décide alors soit de conserver l'objet au Canada, soit de faire appel de la décision de l'examinateur-vérificateur à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels.

La commission d'examen entend ensuite l'appel, puis il annule la décision de l'examinateur-vérificateur ou la confirme. Si la décision de la commission d'examen prévaut contre l'expert-vérificateur, la licence est accordée immédiatement. Si la commission est d'accord avec l'expert, un délai de deux à six mois est établi.

Il existe un mécanisme d'encouragement. La loi a établi la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels, qui se compose de neuf membres et d'un président. La commission comprend deux représentants du grand public, dont le président, et quatre membres du milieu des conservateurs et quatre de celui des marchands et des collectionneurs. La commission est donc un organisme indépendant composé de personnes ayant des connaissances et un intérêt reconnus dans le patrimoine canadien.

La commission ne consacre pas la majeure partie de son temps à surveiller les exportations, mais l'attestation, aux fins d'impôt sur le revenu, de biens culturels donnés à des établissements canadiens revêt une grande importance.

Au moment de l'adoption de la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, on a modifié la Loi de l'impôt sur le revenu pour prévoir une exonération d'impôt sur les gains en capital au titre des dons ou des ventes de biens culturels attestés. En outre, les objets ou les collections dont on a déterminé qu'ils présentent un intérêt exceptionnel et revêtent une importance nationale peuvent donner droit à un crédit d'impôt allant jusqu'à 100 p. 100 du revenu net, au lieu de l'exonération d'au plus 20 p. 100 du revenu net qui peut être demandée au titre des dons de charité.

Avant ces modifications, un impôt sur les gains en capital était exigible pour les dons en nature et seuls les établissements fédéraux et provinciaux pouvaient offrir des crédits d'impôt allant jusqu'à 100 p. 100 du revenu net.

De 1977 à 1990, la commission d'examen ne jouait qu'un rôle consultatif non officiel dans la détermination de la juste valeur marchande de biens culturels qui étaient donnés. En 1990, la responsabilité de déterminer la juste valeur marchande de biens culturels certifiés est passée de Revenu Canada Impôt à la Commission. Ce transfert a été confirmé par les modifications législatives apportées en 1991 à la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, et à la Loi de l'impôt sur le revenu.

Aucune disposition n'a été prévue concernant le droit d'appel des décisions rendues par la commission d'examen, mais le droit d'appel inscrit dans la Loi de l'impôt sur le revenu a alors été perdu. C'est en 1993 qu'on a constaté et reconnu la nécessité de prévoir un


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droit d'appel. Ce droit d'appel garantira à un éventuel donateur mécontent de la décision de la commission d'examen la possibilité de recourir à la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Avec l'accord de la Cour canadienne de l'impôt, le droit d'appel s'applique de façon rétroactive à janvier 1992. Tous ceux qui ont fait un don depuis que le droit d'appel a été perdu et qui veulent en appeler d'une décision pourront légalement le faire.

(1320)

La détermination de la juste valeur marchande revient aujourd'hui aux membres de la commission d'examen. Ces gens possèdent une compétence professionnelle dans divers domaines concernant les biens culturels et ils sont présents sur les marchés où se vendent ces biens. Comme ils possèdent déjà une compétence quasi judiciaire, soit celle d'entendre des appels en cas de refus d'octroi de licences d'exportation, la logique veut qu'ils assument cette autre responsabilité. En effet, ils sont experts en la matière et ils possèdent l'expérience d'une commission d'appel.

La commission d'examen doit absolument procéder de façon ouverte et transparente quand elle détermine ou, au besoin, redétermine la juste valeur marchande de biens culturels. Le droit d'en appeler de la détermination devant les tribunaux, en l'absence de solution, est conforme au système judiciaire du Canada et au principe du droit naturel.

Au moment où nous célébrons le 50e anniversaire des Nations Unies, pensons que le projet de loi C-93 s'inspire de tous les principes que défend l'ONU. La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels plonge ses racines philosophiques dans les activités des Nations Unies, parce qu'elle protège le patrimoine canadien et permet au Canada de devenir signataire de la convention de 1970.

Le projet de loi C-93 concerne l'équité et la justice naturelle, deux principes fondamentaux des Nations Unies. En ce 50e anniversaire des Nations Unies, tous les députés de la Chambre devraient appuyer cette mesure.

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, depuis quelques années, un certain nombre de donateurs et d'établissements de conservation se sentent mal à l'aise à propos du processus arbitraire de prise des décisions sur lesquelles est établie la valeur des biens donnés à un musée ou à un musée des beaux-arts.

La députée de Central Nova pense-t-elle que le protocole et les processus qui permettront l'application régulière de la loi et de la justice naturelle sont bien incorporés dans le projet de loi?

Mme Skoke: Oui, monsieur le Président. Il est essentiel d'avoir un processus transparent à l'oeuvre lorsque la Commission d'examen fixe, et fixe de nouveau au besoin, la juste valeur marchande des biens culturels, et le projet de loi y pourvoit. Le droit de se pourvoir en appel devant les tribunaux faute de toute autre solution est compatible avec le système juridique canadien et avec notre notion de la justice naturelle.

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais que la députée développe très brièvement sa pensée sur l'évaluation des biens culturels et sur les bienfaits de ces dons pour la société, en particulier dans sa région. Pourrait-elle en dire davantage sur les bienfaits qu'en retire sa région?

Je suis parfaitement d'accord avec elle quand elle dit qu'il est nécessaire de rétablir le droit d'appel. Je tiens à la féliciter de son intervention d'aujourd'hui.

Mme Skoke: Monsieur le Président, il se donne chaque année pour environ 60 millions de dollars de biens culturels aux établissements canadiens du patrimoine. Nous avons, dans ma circonscription, le Musée de l'industrie de la Nouvelle-Écosse, un établissement tout nouveau. C'en est un qui compte sur les dons de biens culturels. Nous sommes impatients d'avoir des nouvelles de quiconque au Canada désire apporter une contribution à notre musée de l'industrie, des sciences et de la technologie.

M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux, moi aussi, de prendre la parole pour appuyer le projet de loi C-93, Loi modifiant la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur la Cour canadienne de l'impôt.

Je voudrais aussi remercier Mme Paré, qui m'enseigne le français, de m'avoir permis d'interrompre mon cours pour venir participer au débat sur ce projet de loi important. Je dis donc à Mme Paré:

[Français]

Je vous remercie de votre patience à mon égard.

(1325)

[Traduction]

Vendredi dernier, le 20 octobre, le Ottawa Citizen publiait un article intitulé: «Musées et lieux historiques-Très recherchés». L'article dit que les musées et les lieux historiques attirent davantage de visiteurs et même un peu plus d'argent.

Une étude de Statistique Canada a également montré que, en 1992 et 1993, 12 000 employés à temps plein et près de 20 000 employés à temps partiel travaillaient dans les établissements culturels. Outre ces employés rémunérés, plus de 54 000 personnes travaillent bénévolement dans ces établissements. Toutes ces personnes travaillent pour une seule fin, c'est-à-dire conserver le patrimoine du Canada et le garder dans des établissements publics où tous les Canadiens peuvent en profiter.

De nos jours, rares sont les établissements qui ont des fonds pour enrichir leur collection. Ils doivent donc compter sur des dons. Les incitations fiscales dont peuvent se prévaloir à l'égard de ces dons les établissements qui respectent certaines normes professionnelles sont un des moyens par lesquels le gouvernement du Canada peut


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les aider à constituer des collections qui continuent à refléter le patrimoine du Canada.

Les dons aux organismes de charité enregistrés donnent droit à des crédits d'impôt, mais la valeur totale de ces dons, en une année, ne peut dépasser 20 p. 100 du revenu net. Les dons de biens culturels qui ont été jugés, selon les termes de la loi, d'intérêt exceptionnel et d'importance nationale, donnent droit à un crédit d'impôt allant jusqu'à 100 p. 100 du revenu net, et sont soustraits à l'impôt sur les gains en capital.

Cela ne veut pas dire que les donateurs reçoivent un remboursement d'impôt équivalant à la juste valeur marchande de leur don. Les crédits d'impôt fédéraux non remboursables correspondent à 17 p. 100 de la première tranche de 200 $ de la valeur totale du don et à 29 p. 100 de la valeur totale dépassant 200 $. Si l'on ajoute à cela l'exemption d'impôt sur les gains en capital, on constate que le meilleur traitement fiscal qu'on peut accorder à un donateur est un remboursement équivalant à 50 p. 100 de la juste valeur marchande de l'objet ou de la collection cédée.

Dans le cas d'un don fait à un musée, le donateur cède un bien culturel important et 50 p. 100 de la juste valeur marchande du bien en question. Il lui serait plus rentable de vendre l'objet sur le marché libre que d'en faire don à un établissement culturel. Les crédits d'impôt sont des mesures fiscales visant à encourager les dons et à reconnaître l'importance des dons, mais non à offrir une indemnité financière.

Permettez-moi de vous donner un très bref exemple, car je sais que de nombreux Canadiens qui suivent le débat d'aujourd'hui veulent savoir s'il s'agit d'une combine favorisant les riches, comme le prétend le Parti réformiste, oui ou non.

Prenons l'exemple d'un contribuable qui possède une oeuvre d'art d'une juste valeur marchande de 1 000 $, qu'il s'est procurée, il y a bien des années, au coût de seulement 100 $. Le contribuable vend l'oeuvre à un musée pour 1 000 $, soit sa juste valeur marchande, ce qui lui vaut un gain en capital de 900 $, dont la moitié est imposable. Même au plus haut taux marginal d'imposition, le contribuable devra payer 225 $ en impôt sur le revenu pour ce gain en capital. Cela signifie que le donateur toucherait un produit net de seulement 775 $.

Examinons maintenant le traitement fiscal qui serait accordé à ce donateur aux termes du projet de loi C-93. Le don d'un objet de 1 000 $ lui vaudrait un crédit d'impôt équivalant à 17 p. 100 de la première tranche de 200 $ de la valeur du bien, soit 34 $, et de 29 p. 100 de la valeur du bien dépassant 200 $, donc de 800 $, ce qui correspond à 232 $. La valeur au comptant du remboursement accordé au contribuable serait en tout et pour tout de 266 $ seulement, alors que, vendu directement sur le marché, l'objet lui aurait rapporté 775 $.

Bref, cela signifie, en fait, que les bibliothèques, archives, musées et autres établissements de biens patrimoniaux du Canada peuvent acquérir, pour beaucoup moins, beaucoup plus d'artefacts et d'objets culturels et patrimoniaux du Canada que s'ils devaient en payer comptant la juste valeur marchande.

(1330)

Environ 1 100 demandes de crédit d'impôt sont reçues chaque année pour une juste valeur marchande globale de quelque 60 millions de dollars canadiens. Comme il s'agit d'un crédit d'impôt, cela représente un manque à gagner approximatif de 25 à 30 millions de dollars par année. Toutefois, il s'agit d'un manque à gagner minime comparativement à d'autres programmes de stimulants fiscaux et son incidence dépasse de beaucoup la valeur monétaire de la propriété culturelle préservée.

Beaucoup des biens culturels qui sont donnés grâce à ces stimulants fiscaux seraient autrement perdus pour le Canada, puisqu'ils seraient exportés et vendus sur le marché international. En restant au Canada et en entrant dans des collections publiques, ils feront partie du patrimoine canadien.

Quelque 300 établissements des dix provinces et des deux territoires du Canada voient leurs collections enrichies chaque année grâce à ces crédits d'impôt. La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels joue un rôle important dans l'enrichissement de collections patrimoniales au Canada. Elle encourage le don d'oeuvres patrimoniales importantes au peuple canadien par l'intermédiaire de collections publiques, pour le plus grand plaisir des générations présentes et futures.

Ce projet de loi a été conçu afin d'encourager les dons privés comme moyen d'appuyer indirectement le gouvernement depuis que les fonds réservés à l'acquisition d'oeuvres d'art ont dû être réduits. Beaucoup de Canadiens sont conscients du rôle important que jouent les collectionneurs privés dans la préservation de notre patrimoine national. Nos musées nationaux enrichissent leurs collections d'objets provenant de collections privées tout comme les grands musées du monde bénéficient depuis des siècles du soutien de mécènes privés.

Au Canada, nous avons nos propres exemples de mécènes: les dons faits par sir William Van Horne au Musée des beaux-arts de Montréal; le legs des Zacks au Musée des beaux-arts de l'Ontario, à Toronto; la collection de lord Beaverbrook, maintenant fièrement exposée à la galerie d'art Beaverbrook de Fredericton; la collection du Dr Norman MacKenzie, qui constitue l'essentiel de la collection de la galerie d'art MacKenzie de Regina; la collection magnifique et diversifiée de la famille Harvey, maintenant exposée au musée Glenbow de Calgary; ainsi que la générosité dont a fait preuve la famille Koerner à l'endroit du musée d'anthropologie de l'université de la Colombie-Britannique.

Ces musées abritent maintenant les collections de leurs bienfaiteurs et de leurs fondateurs. Certains doivent même leur existence à ces collectionneurs passionnés soucieux de préserver une partie de l'histoire du Canada. Grâce à la générosité de ces derniers et à leur détermination à enrichir ainsi notre patrimoine, ces collections sont maintenant préservées, elles pourront être admirées dans le cadre


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d'expositions par les futures générations de Canadiens et elles sont à la disposition des chercheurs.

Le gouvernement a un rôle légitime à jouer dans ces transactions et il doit faciliter la circulation de biens culturels du secteur privé vers le secteur public en prenant des mesures raisonnables qui encourageront la philanthropie.

Sans les encouragements fiscaux offerts par la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels, les collectionneurs cesseraient de faire des dons aux musées, aux archives et aux librairies et ils vendraient plutôt leurs collections sur le marché international.

Certains ont l'impression que seuls les Canadiens fortunés ont des objets ou des collections dont ils font don aux musées, aux archives et aux bibliothèques et que seuls les riches bénéficient des crédits d'impôt pour les dons de biens culturels. Ce n'est tout simplement pas vrai. Ce n'est pas vrai comme l'ont si bien démontré le député d'Erie, sa collègue de Central Nova, le député de Winnipeg St. James et celui de Broadview-Greenwood, qui ont tous défendu le projet de loi et le patrimoine culturel canadien avec beaucoup d'éloquence.

Des minuscules musées historiques locaux situés dans les régions rurales canadiennes aux grandes institutions qui abritent des collections à Vancouver, à Toronto et à Montréal, les musées du Canada sont donc le produit d'une conviction collective. La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels ainsi que les encouragements fiscaux qu'elle offre pour les dons étayent cette conviction et contribuent au partage d'une vision canadienne commune.

En 1991, la Loi de l'impôt sur le revenu et la Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels ont été modifiées de manière à ce que soit transférée de Revenu Canada Impôt à la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels la responsabilité de déterminer la juste valeur marchande d'un bien culturel certifié. À cause d'un oubli, le droit d'appel qui était prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu n'a pas été transféré par la même occasion. Ce droit a donc été perdu par inadvertance. Le projet de loi C-93 rétablira le droit d'appel que prévoyait la loi avant 1991. C'est ce qu'il fait: il rétablit le droit d'appel qui existait avant 1991.

(1335)

Il n'a pas pour effet d'accorder les avantages fiscaux actuels aux dons de biens culturels ni d'apporter des modifications fondamentales à notre politique fiscale. Grâce au rétablissement du droit d'appel par le projet de loi C-93, le donateur d'un bien culturel qui en désaccord sur la décision prise par la Commission canadienne d'examen des exportations de biens culturels pourra interjeter appel devant la commission d'examen, puis, au besoin, devant la Cour canadienne de l'impôt.

Les modifications proposées dans ce projet de loi devraient également être considérées comme une garantie du droit naturel du donateur de faire appel devant le système judiciaire. La décision de céder la responsabilité de la détermination de la juste valeur marchande à la commission d'examen a été prise rapidement et sans consultation préalable de ceux qui seront le plus touchés, à savoir les établissements bénéficiant des dons et les donateurs.

Le gouvernement a tiré des leçons de cette erreur du gouvernement précédent et a tenu de larges consultations auprès des donateurs, des professionnels des musées, des marchands et des membres de la commission d'examen. Pendant les consultations, nous avons appris que nombre de collectionneurs hésitaient à faire des dons parce qu'ils ne voulaient pas avoir affaire à un processus qu'ils considéraient comme injuste.

La communauté muséale se réjouit de la démarche qui a été adoptée avec ce projet de loi et est convaincue que le droit d'appel est nécessaire pour que les donateurs continuent de soutenir les établissements en faisant des dons de biens culturels.

Le projet de loi établit deux processus, soit un premier qui porte sur le réexamen de toutes les informations pertinentes par la commission d'examen et un second qui comprend un droit d'appel officiel devant la Cour canadienne de l'impôt. Le projet de loi va encore plus loin pour garantir l'équité de la procédure d'appel. En effet, l'exercice du droit d'appel est rétroactif au mois de janvier 1992. Toute personne ayant fait un don depuis la suppression du droit d'appel et souhaitant interjeter appel pourra légalement le faire.

Les modifications proposées dans le projet de loi C-93 revêtent une très grande importance parce qu'elles offrent un recours pour une situation qui ne devrait pas exister. Le droit d'appel est un droit fondamental qui a été perdu par inadvertance, et nous proposons de le rétablir par ce projet de loi. Ce sont des modifications de forme, mais elles n'en sont pas moins essentielles à la préservation du patrimoine canadien.

Voilà qui conclut mes observations sur ce projet de loi. Je suis très heureux d'appuyer le projet de loi C-93. Je voudrais simplement réitérer les motifs qui sont à l'origine de la présentation de ce projet de loi et qui expliquent pourquoi j'ai pris la parole à la Chambre ce soir. Au cours du débat, les députés de l'opposition, du tiers parti, ont eu tendance à décrire ceux qui donnent des oeuvres d'art ou des objets patrimoniaux à des établissements culturels comme des gens qui font quelque chose de mal, qui sont riches, qui profitent de la situation.

Dans l'exemple que j'ai donné à la Chambre, il est très clair qu'en ce qui concerne la fortune de ces gens-là, ceux qui font ce geste merveilleux d'enrichir le patrimoine du Canada en faisant des dons à des bibliothèques, aux archives, aux musées, ne le font pas pour l'argent parce que l'avantage qu'ils en retirent est bien moindre que le prix qu'ils auraient obtenu s'ils avaient vendu l'objet en cause pour sa juste valeur marchande.

Je tiens à féliciter la secrétaire parlementaire et députée de Mississauga-Est de l'excellent travail qu'elle a accompli pour que ce projet de loi soit présenté à la Chambre. Je ne connais personne qui ait autant de loyauté envers les établissements patrimoniaux et culturels canadiens et veuille autant les protéger, comme l'attestent


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son travail à la Chambre et les nombreux voyages qu'elle fait dans tout le Canada pour faire la promotion de ce dernier.

M. John Maloney (Erie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une brève question à poser à mon collègue de Mississauga-Sud, qui était comptable dans son ancienne vie.

Le projet de loi dont nous sommes saisis répond aux préoccupations des donateurs et des établissements de conservation concernant les procédures suivies par la commission d'examen, ainsi qu'à des préoccupations liées au fait que les dons de biens culturels sont parfois faits à des fins d'évasion fiscale. Dans l'exercice de ses fonctions de comptable, le député a-t-il pu constater que l'utilisation de ces dispositions législatives à des fins d'évasion fiscale était répandue?

(1340)

M. Szabo: Je remercie le député d'Erie pour sa question. C'est une question importante. Ayant exercé la profession de comptable agréé pendant plus de 25 ans, je dois admettre que je n'ai jamais entendu parler de cas où les tribunaux ont été saisis d'affaires concernant des problèmes liés au don de biens culturels.

Le processus décrit dans le projet de loi est un processus rigoureux et indépendant pour les gens qui s'intéressent aux biens culturels et patrimoniaux. Il vise à assurer que notre régime fiscal est juste et équitable envers les Canadiens qui veulent donner des biens culturels et patrimoniaux au Canada. Grâce à ce processus rigoureux, je suis convaincu que la valeur fixée aux fins de l'impôt est juste et raisonnable pour tous les Canadiens.

Certains députés ont décrit ce processus comme une situation où toutes les parties sont gagnantes. Nous avons les musées et les autres établissements culturels qui peuvent faire l'acquisition d'importants objets d'art, pour enrichir leurs collections et en faire profiter tous les Canadiens, à un coût considérablement moindre que s'ils avaient dû acheter ces objets au prix du marché.

Cela crée une situation où nous obtenons beaucoup plus pour notre argent, parce que les donateurs de biens culturels ne retirent pas d'argent comptant de cette transaction. En fait, ils retirent moins de cette transaction par la méthode du crédit d'impôt qu'ils n'auraient retiré autrement.

Il est juste de dire que les gens qui font des dons, et la valeur totale de ces dons est de quelque 60 millions de dollars par année, ne le font pas parce qu'ils retirent quelque chose du système. En fait, ils donnent beaucoup plus qu'ils ne retirent. Je trouve cela très encourageant de voir que les Canadiens qui ont eu la chance d'acquérir des objets d'art et d'autres biens culturels sont prêts à en faire don afin que l'ensemble de la population puisse profiter de notre merveilleux patrimoine.

Je profite du fait que nous parlions des biens culturels et patrimoniaux d'un bout à l'autre du Canada pour signaler qu'aucune province ne peut être plus fière de son patrimoine culturel et de sa contribution à la nation canadienne que le Québec. En tant que député et en tant que Canadiens, je veux à ce moment-ci féliciter le Québec pour sa merveilleuse contribution à la culture et au patrimoine de notre pays. C'est un exemple exceptionnel de ce que nous pouvons faire ensemble en tant que Canadiens, et nous devrions tous être reconnaissants pour cela.

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, je voulais poser une question au député, mais il a disparu.

Les Canadiens ont toujours été prêts à soutenir les institutions de leur collectivité, que ce soit les petites institutions locales ou les grands musées. À long terme, un pays se fait par sa culture, pas par l'aspect matériel de sa culture, mais par ce qu'il laisse en héritage au monde, par ce qui, peu à peu, s'accumule dans de petits musés locaux, des musées provinciaux et des musées nationaux.

(1345)

Le député est-il convaincu que les dispositions actuelles du projet de loi permettront à ceux qui donnent des objets de valeur, que ce soit à des musées ou à des galeries d'art, d'obtenir une juste indemnisation compte tenu de la Loi de l'impôt sur le revenu?

M. Szabo: Je remercie le député pour sa question et son observation.

«Juste indemnisation» est une expression relative. Pour certains Canadiens, cela se traduit en argent. À cet égard, le projet de loi C-93 prévoit un système de crédit d'impôt qui, si l'on tient compte des gains en capital possibles, fait que les donateurs n'obtiennent en fait que l'équivalent de 50 p. 100 de la juste valeur marchande de l'objet qu'ils donnent. Les donateurs n'obtiennent pas une juste indemnisation du point de vue strictement monétaire.

Puisque qu'il se donne pour 60 millions de dollars d'objets au Canada, j'imagine qu'il doit y avoir beaucoup de Canadiens qui sont prêts à faire un sacrifice pour que tous leurs concitoyens puissent profiter d'objets culturels et patrimoniaux.

Leur indemnisation, c'est de savoir que nous vivons dans le meilleur pays du monde et que nous voulons le partager avec tous ses habitants et avec tous ceux qui le visitent.

Mme Susan Whelan (secrétaire parlementaire du ministre du Revenu national, Lib.): Monsieur le Président, nous poursuivons aujourd'hui le débat de fond sur la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels.

Lorsque la loi est entrée en vigueur en 1977, le moment était venu de tenir un long débat sur les mesures à prendre non seulement pour reconnaître mais pour préserver notre patrimoine culturel. En 1977, dix ans s'étaient écoulés depuis la célébration du centenaire du Canada et le temps était venu d'examiner sérieusement qui nous étions en tant que Canadiens et en tant que pays et d'envisager l'avenir du Canada pour les cent années à venir.

La Loi sur l'exportation et l'importation de biens culturels a été adoptée dans le but d'encourager le développement de notre nation, non pas seulement pour la forme, mais pour lui permettre de prendre sa place face à notre voisin du Sud et parmi les autres pays du monde


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et pour encourager le développement d'une nation que nous appelons le Canada et qui suscite l'intérêt des autres nations.

Où en sommes-nous, trente ans après le centenaire? Notre pays attire des gens de partout qui viennent le visiter ou y investir. Le Canada est un pays respecté dans le monde entier. Les étrangers sont impressionnés par le fait qu'en dépit de l'étendue de notre territoire, nous parvenons à préserver l'unité de ce pays. Malgré la diversité de nos cultures, nous continuons de vivre ensemble. Malgré les différends que nous avons eus et ceux que nous aurons, nous grandissons ensemble.

En ce 50e anniversaire des Nations Unies, le Canada célèbre sa détermination à mettre en valeur tout ce qui caractérise une nation civilisée.

Le fait de tenir un débat de fond ici, aujourd'hui, sur la Loi sur l'exportation et l'importation des biens culturels nous fait paraître comme des barbares culturels, car nous devons maintenant justifier des mesures qui sont en place depuis près de vingt ans et qui confirment notre détermination à oeuvrer avec les Nations Unies pour stimuler la croissance culturelle, l'excellence académique, les réalisations scientifiques, la beauté, la paix et l'harmonie.

Comment pouvons-nous espérer atteindre la réussite et obtenir des réalisations si nous n'avons plus les moyens de sensibiliser les gens à la notion de progrès. Imaginons notre pays sans musées, sans galeries d'arts et sans archives. Imaginons nos quelque 2 000 musées dépourvus de leurs collections qui vivent, respirent et croissent à notre image et nous permettent de nous situer par rapport au reste du monde.

(1350)

Imaginez notre nation sans ses symboles, sans la fierté que nos gens peuvent ressentir et partager à leur vue. La nature humaine est faite d'interactions, de souvenirs historiques, d'arts, de sciences et d'impressions personnelles. Nous partageons ces traits communs avec nos amis et nos collègues afin de continuer à apprendre, à chercher plus loin, à exister et à vivre.

Permettez-moi de citer quelques exemples des symboles de notre patrimoine national que nous pouvons maintenant préserver au Canada grâce aux dispositions de la Loi sur l'importation et l'exportation de biens cultuels. Plus important encore, cette loi nous permet de les exposer, de façon à nous instruire et à nous faire connaître du monde entier.

En 1992, le Musée des beaux-arts de l'Ontario a réussi à rapatrier au Canada une magnifique toile de Franklin Carmichael, l'un des fondateurs du Groupe des Sept. C'est grâce à une subvention versée en vertu de cette loi dont nous discutons aujourd'hui que le musée a pu le faire.

Pour bien faire comprendre l'importance de l'école du Groupe des Sept, disons qu'à leur époque, ces peintres étaient considérés comme des radicaux et des excentriques. Jusque dans les années 20, les Canadiens jugeaient leur mérite artistique discutable et trouvaient que les paysages sauvages et sereins du Groupe des Sept étaient, en quelque sorte, trop difficiles. Pouvez-vous imaginer qu'une de ces peintures ait été jugée trop difficile, à une époque où le reste du monde avait largement dépassé le stade des paysages, où les impressionnistes nous présentaient déjà des oeuvres avant-gardistes depuis une cinquantaine d'années? Quoi qu'il en soit, Franklin Carmichael a été une figure centrale dans l'élaboration d'un style symboliste basé sur la nature sauvage, ce qui a ensuite mené à la formation du Groupe des Sept.

Cette toile que le Musée des beaux-arts de l'Ontario a réussi à ramener d'Angleterre est un brillant exemple du type de peinture radicale qu'on pratiquait au Canada dans les années 20, et que Carmichael a largement contribué à faire connaître au monde. C'est là une des peintures qui a joué un très grand rôle dans la reconnaissance du Groupe des Sept par la population. Elle a donc pris valeur de symbole, parce que c'est un exemple de bien culturel qui a eu d'importantes répercussions sur la perception des oeuvres d'art dans le public.

De voir ce tableau accroché au Musée des beaux-arts de l'Ontario aujourd'hui est seulement un exemple qui montre à quel point il est import d'ouvrir notre esprit et notre coeur à ceux qui ont le courage de nous introduire à de nouvelles façons de faire ce que, en tant que citoyens, nous faisons depuis notre naissance. D'avoir accès aux symboles de formation du passé fait partie intégrante de la définition du présent et de la garantie de notre avenir.

L'établissement d'un droit d'appel dans ce projet de loi devrait être considéré comme le rétablissement du droit d'appel qui a été perdu lorsque la responsabilité de déterminer la juste valeur marchande a été transférée à la Commission d'examen en 1991.

Ces amendements garantiront aux donateurs qui ne sont pas d'accord avec la juste valeur marchande fixée par la Commission d'examen le droit de faire appel devant les tribunaux et le droit à la justice naturelle.

L'annonce de l'établissement d'un processus d'appel a été favorablement accueillie par les donateurs, les musées, les marchands d'oeuvres d'art et les médias. Ces amendements législatifs jouissent donc d'un grand appui de la part du public.

Ce sont des amendements de forme qui répondent aux vives préoccupations exprimées par les milieux culturels. Leur adoption devrait être perçue comme faisant partie de l'engagement qu'a pris le gouvernement du Canada de veiller à la préservation du patrimoine culturel de notre pays.

Je pense au musée des beaux-arts Windsor, aux nombreuses manifestations dans ma circonscription et dans les circonscriptions voisines de Windsor et du comté d'Essex, aux expositions en plein air «Art by the River», à Amherstburg, et «Art in the Park», à Windsor, ainsi qu'à beaucoup d'autres activités de bienfaisance. Je sais combien de bénévoles dévoués apportent leur concours à ces manifestations et à d'autres activités visant à faire connaître notre culture. Je sais aussi que les milliers de gens qui viennent assister à ces manifestations, à ces activités, profitent de la culture, de l'expérience.

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Au cas où les députés l'ignoreraient, le musée des beaux-arts de Windsor a déménagé dans un centre commercial. Au début, beaucoup de gens y étaient opposés, mais maintenant que c'est fait, des milliers de gens le visitent.

De plus en plus de jeunes Canadiens ont l'occasion d'assister à des événements culturels de ce genre. Les gens sont de plus en plus nombreux à profiter du droit que le projet de loi rétablit et à donner à tous les Canadiens des biens de près de 60 millions de dollars par année, par le truchement des établissements publics qui font connaître notre culture et notre patrimoine.

(1355)

Lorsque j'étais à Jonquière, l'été dernier, j'ai eu l'occasion de visiter l'exposition d'un artiste local à Chicoutimi. Nous ne devons pas oublier à quel point c'est important pour le Canada tout entier d'encourager les Canadiens à comprendre la culture et à en profiter. Nous en sommes à la trentième des 100 années. Il en reste 70 autres à venir. Je sais que dans la circonscription d'Essex-Windsor, nous continuons à présenter régulièrement des expositions.

«Art in the Park», par exemple, a commencé humblement et a atteint une telle ampleur que l'événement est maintenant offert aussi durant l'hiver. Des milliers de personnes viennent visiter l'exposition les samedi et dimanche et en profitent pour acheter des oeuvres d'art. Bien des gens utilisent maintenant les expositions comme activité de collecte de fonds. Les dons d'oeuvres d'art sont aussi utilisésn notamment, pour les ventes aux enchères. Il faut rétablir le droit d'appel perdu. Ce droit n'aurait jamais dû être aboli. Malheureusement, le gouvernement précédent avait décidé que les citoyens canadiens n'auraient pas le droit d'interjeter appel.

Le gouvernement actuel est d'avis que le droit d'appel est important en toutes circonstances. Personne ne devrait être privé du droit à la justice naturelle. Si quelqu'un fait don d'un bien culturel, il devrait recevoir un dédommagement d'une valeur égale au bien et aux efforts fournis. Je crois que la valeur réelle est souvent supérieure à la juste valeur marchande car des milliers de personnes iront voir les objets en cause au cours des années et elles profiteront toutes de l'exposition de ces biens.

J'espère que la circonscription d'Essex-Windsor servira de modèle dès maintenant et dans l'avenir.

Le président suppléant (M. Kilger): La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le président suppléant (M. Kilger): Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le président suppléant (M. Kilger): Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le président suppléant (M. Kilger): À mon avis, les oui l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le président suppléant (M. Kilger): Convoquez les députés.

Après l'appel du timbre:

Le président suppléant (M. Kilger): Conformément à l'article 45 du Règlement, le vote sur la question dont la Chambre est saisie est reporté à 17 heures demain. Le timbre ne sonnera pas plus de 15 minutes.

______________________________________________


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DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LE RÉFÉRENDUM AU QUÉBEC

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, les habitants de Guelph-Wellington sont fiers d'être Canadiens. Ils espèrent que le «non» l'emportera le 30 octobre.

L'an dernier, plus de 1 000 habitants de Guelph-Wellington ont signé une pétition demandant au chef de l'opposition de ne pas promouvoir le séparatisme lorsqu'il se déplaçait à l'étranger. Beaucoup d'autres électeurs se sont adressés à mon bureau pour exprimer l'espoir que le Canada reste uni et pour rappeler aux Québécois qu'ils représentent un élément important de notre pays.

(1400)

Les députés du Bloc et les séparatistes du Québec aiment nous rappeler tout ce qui ne va pas au Canada. À Guelph-Wellington, nous aimons nous rappeler et célébrer les avantages qu'il y a à vivre dans le meilleur pays du monde.

Les habitants de Guelph-Wellington savent que le Canada est un grand pays. Nous prions tous les Québécois de se rappeler que les Nations Unies nous considèrent comme le pays au monde où il fait le mieux vivre et nous leur demandons de voter «non» le 30 octobre.

* * *

LA PROTECTION DES RENSEIGNEMENTS PERSONNELS

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, le Commissaire à la vie privée estime que le nom des Canadiens passe dans différents ordinateurs, partout sur le continent, cinq à dix fois par jour. Il estime de plus que l'achat et la vente de renseignements personnels constituent une industrie de 300 millions de dollars par année. C'est une menace sérieuse pour la vie privée des Canadiens.

Le Conseil consultatif sur l'autoroute de l'information publiait le mois dernier un rapport faisant état de la nécessité d'adopter une mesure législative garantissant la protection des renseignements


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personnels dans le secteur en expansion de la technologie informatique. Le gouvernement du Québec a pris la tête du combat en réglementant la vente des listes de noms. Le projet de loi 68 du Québec est conçu sur le principe de certaines mesures législatives de pays de l'Europe de l'Ouest.

Jeudi, le projet de loi C-315 sera présenté à la Chambre pour le débat de deuxième lecture. Le projet de loi C-315 reflète la nécessité croissante de protéger le contrôle des Canadiens sur les renseignements qui les concernent. Les députés auront l'occasion de parler de cette question. J'ai hâte à jeudi de participer à ce débat.

* * *

L'UNITÉ CANADIENNE

M. Julian Reed (Halton-Peel, Lib.): Monsieur le Président, alors que la date du référendum approche, j'aimerais signaler que j'ai reçu un colis qui m'a été envoyé par une classe de sciences politiques de 13e année à l'école secondaire Mayfield, dans la circonscription que je représente. Plus de 450 élèves ont non seulement signé une pétition affirmant l'importance d'un Canada uni, mais ils ont aussi fait une cassette vidéo sur laquelle ils expriment l'inquiétude que leur cause le référendum et l'attachement qu'ils ressentent pour le Québec. Cette pétition a été envoyée à une école secondaire au Québec.

Le référendum québécois et ses effets à long terme inquiètent tous les Canadiens. Le Canada sans le Québec n'est pas complet et il en va de l'intérêt de chacun que le Canada reste uni.

L'enjeu est énorme pour tous les Canadiens, du plus jeune au plus vieux. Nos jeunes sont inquiets. Et à juste titre. Leur avenir dépend du référendum. Ils méritent qu'on en tienne compte et qu'on les prenne au sérieux.

* * *

LES NATIONS UNIES

M. John English (secrétaire parlementaire du Président du Conseil privé de la Reine pour le Canada et ministre des Affaires intergouvernementales, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui 24 octobre est un anniversaire où l'on célèbre le triomphe de la paix sur la guerre et de l'unité sur la division. Il y a cinquante ans, 31 pays ratifiaient la charte des Nations Unies. C'est ce jour-là que le Canada et d'autres pays animés du même esprit ont cherché une solution en vue d'assurer la paix et la sécurité qui avaient tant fait défaut à leur génération.

Tous les Canadiens, depuis la Colombie-Britannique jusqu'à Terre-Neuve en passant par le Québec, peuvent être fiers des réalisations du Canada au sein des Nations Unies et dont témoignent des Canadiens importants comme Lester Pearson, le major-général Roméo Dallaire et M. Jules Deschênes qui siège à la Cour internationale de justice à la Haye. Tous ont contribué à forger une réputation solide et enviable pour le Canada.

L'ONU repose sur des milliers de principes d'unité et de coopération. Au moment où s'annonce une période incertaine de notre histoire, rappelons-nous combien nous, Canadiens, avons oeuvré à la réalisation de ces principes. Le 24 octobre est pour tous les Canadiens l'occasion de réfléchir à ce qu'un pays uni peut accomplir et à ce qu'un pays divisé perdra à n'en pas douter.

* * *

[Français]

LA RADIO COMMUNAUTAIRE DE CHÉTICAMP

M. Francis G. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso, Lib.): Monsieur le Président, dimanche, j'ai participé à l'ouverture officielle de CKJM, le nouveau poste de radio communautaire qui vient de prendre les ondes à Chéticamp, dans les hautes terres du Cap-Breton.

C'est l'aboutissement de cinq ans de travail par Normand Poirier, Angus Lefort, Daniel Aucoin et bien d'autres bénévoles qui ont voulu donner aux Acadiens et Acadiennes de cette région leur propre radio communautaire comme outil de développement local. Leurs efforts ont été appuyés par le gouvernement du Canada et sont fortement soutenus par les quelque 5 000 auditeurs et auditrices dans le territoire de rayonnement de cette radio.

La cérémonie d'ouverture a été suivie d'un spectacle qui a mis en vedette une panoplie de talents musicaux locaux. Ce spectacle fait la preuve, s'il en faut, que la langue et la culture françaises sont bien vivantes à Chéticamp, à Grand-Étang, à Saint-Joseph-du-Moine et à bien d'autres endroits en Nouvelle-Écosse.

Le peuple acadien d'ici partage avec les francophones du Québec les mêmes racines, la même langue et la même culture. Il souhaite ardemment qu'après le 30 octobre, il puisse continuer à partager le même pays.

* * *

LE LIBRE-ÉCHANGE

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur Claude Cheysson, ancien ministre français des Affaires étrangères et ex-commissaire de la Communauté européenne, a affirmé hier que l'Union européenne pourrait signer un accord de libre-échange avec un Québec souverain. M. Cheysson reconnaît ainsi la position privilégiée du Québec entre l'Amérique et l'Europe.

(1405)

Des accords de libre-échange seront d'ailleurs bientôt signés entre l'Union européenne et le Mexique et la Tunisie. L'idée de renforcer la position du Québec comme partenaire privilégié de l'Europe en Amérique du Nord apparaît des plus séduisantes.

Alors que le Québec entretient des liens privilégiés avec ses partenaires d'Amérique du Nord et d'Amérique latine, se pourrait-il que seul le Canada n'ait pas compris les vertus du partenariat? Depuis quelque temps déjà, le gouvernement canadien tente, sans succès, de vendre l'idée d'un accord de libre-échange entre l'ALE-


15762

NA et l'Union européenne. Peut-être qu'un Québec souverain réussira là où le Canada a échoué.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ CANADIENNE

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, le week-end dernier, ma femme et moi sommes allés à Montréal où habite sa famille et où elle a grandi comme francophone et a élevé ses enfants.

Au moment de traverser le pont pour rentrer en Ontario, elle avait le coeur lourd et a pleuré. Elle est Canadienne et Québécoise. Elle ne veut être rien d'autre.

[Français]

Comme Canadien par choix, moi-même je ne veux pas perdre mon pays. De grâce, Québécois, dites non au chant des sirènes séparatistes. Vos aspirations pour un Québec fort et puissant peuvent être satisfaites au sein du Canada.

[Traduction]

Nous, les réformistes dans l'Ouest, savons ce qu'ils veulent parce que nous éprouvons les mêmes besoins. Nous souhaitons un gouvernement fédéral plus modeste, moins interventionniste. Ensemble, nous pouvons l'obtenir. Ensemble, nous pouvons nous débarrasser des arrogants centralistes et de leurs visions manquées. Ensemble, nous bâtirons un nouveau Canada.

* * *

[Français]

LA CITOYENNETÉ CANADIENNE

M. Raymond Bonin (Nickel Belt, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens et les Canadiennes ne comptent plus les honneurs et les avantages que leur accorde la citoyenneté canadienne. Notre pays est un modèle pour la communauté internationale et il fait l'envie de centaines de millions de personnes.

Le Canada ne saurait être ce grand pays qu'il est devenu s'il n'avait pu compter sur la volonté et la détermination de ces hommes et de ces femmes du Québec et des autres provinces qui ont travaillé sans relâche afin d'atteindre cet objectif commun: construire un pays à notre image.

Le Canada a ceci de formidable, c'est qu'il nous permet à tous d'être fiers de notre statut de Canadiens sans pour cela nous empêcher d'exprimer notre fierté d'être francophones, anglophones et québécois en même temps.

Le 30 octobre prochain, les Québécois et les Québécoises renouvelleront fièrement leur confiance et leur attachement au Canada en votant non.

* * *

LE QUÉBEC

M. Réginald Bélair (Cochrane-Supérieur, Lib.): Monsieur le Président, le Québec est maintenant une des sociétés les plus modernes et industrialisées de la planète. L'expertise québécoise est largement reconnue dans plusieurs secteurs et nos produits sont de plus en plus recherchés à travers le monde. Les habitants du Québec jouissent d'un niveau de vie fort appréciable, l'éducation y est universelle et les soins de santé sont un des joyaux de notre patrimoine collectif.

Le Québec d'aujourd'hui doit son succès à la qualité, à l'ingéniosité et à la détermination de ces gens qui se sont succédé, génération après génération. Toutes ces réalisations et tous ces progrès, le Québec les a faits à l'intérieur de la fédération canadienne.

Le 30 octobre prochain, les Québécois et les Québécoises refuseront de compromettre ce qu'ils ont mis des siècles à bâtir. Ils choisiront le Canada et ils voteront non.

* * *

LES MARCHÉS FINANCIERS

M. Jean H. Leroux (Shefford, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances entretient sciemment l'incertitude sur les marchés financiers en prétendant faussement que les souverainistes ne veulent pas qu'un Québec souverain continue d'utiliser le dollar canadien. Or, il ne fait pas l'ombre d'un doute qu'un Québec souverain continuera d'utiliser le dollar canadien et que c'est dans l'intérêt du Québec et du Canada de maintenir en place l'union monétaire.

Un Québec souverain continuera à utiliser le dollar canadien, et comme l'affirme lui-même le ministre des Finances, rien ne peut l'empêcher de le faire. Le Québec souverain assumera également sa juste part de la dette fédérale. Advenant un oui, il sera dans l'intérêt, et du Québec et du Canada, d'entamer immédiatement des négociations concernant le partage de la dette et des actifs du gouvernement fédéral.

Le ministre des Finances du Canada a comme responsabilité de contribuer à la stabilité des marchés et non pas à semer faussement le doute et l'incertitude comme il le fait présentement.

* * *

(1410)

L'ORGANISATION DES NATIONS UNIES

M. Mauril Bélanger (Ottawa-Vanier, Lib.): Monsieur le Président, le Canada est fier de joindre sa voix au concert des nations, afin de célébrer le 50e anniversaire de naissance de l'Organisation des Nations Unies.

Nous sommes particulièrement fiers de souligner cet anniversaire du fait que le Canada fut directement associé à sa fondation. L'ONU représente pour le Canada un exemple de collaboration et d'ouverture.

Amener quotidiennement quelque deux cents pays, aux intérêts très divergents, à travailler à la recherche et au développement de solutions pour améliorer les conditions de vie sur notre planète n'est pas une mince tâche. Le Canada, à l'instar de l'ONU, a toujours su reconnaître la richesse et la fécondité d'une relation bâtie sur la tolérance et l'acceptation des différences.

Aujourd'hui, les Canadiens et les Canadiennes s'unissent afin de souhaiter longue vie à l'Organisation des Nations Unies et longue vie à un Canada uni.

15763

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

M. Stephen Harper (Calgary-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pendant cette campagne référendaire, j'ai l'occasion d'aller au Québec et partout, on retrouve des affiches souverainistes qui nous présentent des possibilités par l'entremise de symboles.

Je ne comprends pas ces publicités.

Par exemple, une affiche semble véhiculer le message que si les Québécois votent oui, la paix devient possible; mais nous avons déjà la paix. Votez non et ça devient certain.

La monnaie canadienne: les affiches disent «Votez oui, et ça devient possible»; mais votez non et ça devient certain.

L'union économique: «Votez oui et ça devient possible»; votez non et ça devient certain.

L'ALENA: «Votez oui et ça devient possible»; votez non et ça devient certain.

Pourquoi échanger des certitudes pour des possibilités? Cela reste aux Québécois de décider, et ainsi, de vivre avec les conséquences.

* * *

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, nous ne sommes plus qu'à quelques jours du référendum. Bientôt, les Québécois et les Québécoises auront à décider s'ils veulent quitter le Canada, oui ou non.

Avant qu'ils ne prennent leur décision, ils doivent savoir que les Canadiens et les Canadiennes des autres provinces ne veulent pas que le Québec se sépare. Le Québec est plus qu'une simple province parmi les autres. Le Québec est la source même de notre histoire, de notre culture, de notre identité.

Que ce soit par ses politiciens, ses penseurs, ses journalistes, ses artistes, ses sportifs, ses entrepreneurs, ses syndicalistes, le Québec n'a jamais cessé d'être intimement associé au développement du Canada.

Le 30 octobre prochain, le Québec dira non à la rupture et décidera de poursuivre sa prodigieuse aventure avec ses partenaires canadiens et continuera de façonner cette société qui fait l'envie de tous les peuples de la terre.

* * *

LA SOUVERAINETÉ DU QUÉBEC

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, sur la chaîne de télévision américaine CNN, le président français M. Jacques Chirac a réitéré, hier, l'intention de la France de reconnaître le Québec comme nouvel État, si le oui l'emporte au référendum, lundi prochain.

Ces déclarations du président français se situent en droite ligne avec celle qu'il faisait, le 26 janvier dernier, alors qu'il était candidat à la présidence et je cite: «Dans l'hypothèse où les Québécois prenaient la décision d'accéder à la souveraineté, la France devrait être, sans aucun doute, au premier rang de ceux qui diront au Québec que nous marchons avec lui.»

Il ne fait pas de doute que si les Québécoises et les Québécois optent pour le oui, le 30 octobre prochain, la communauté internationale, la France au premier rang, en prendra acte et reconnaîtra le Québec. Cette reconnaissance se fera dès que l'Assemblée nationale, après avoir formellement et de bonne foi offert un nouveau partenariat au Canada, aura proclamé la souveraineté du Québec.

* * *

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

Mme Pierrette Ringuette-Maltais (Madawaska-Victoria, Lib.): Monsieur le Président, à la veille du prochain référendum, j'aimerais vous citer cette phrase qui résume, selon moi, très bien ce que pensent une majorité de Québécois et Québécoises de notre pays, le Canada.

Voici la citation: «Je suis de ceux qui croient que le Canada, ce n'est pas rien que des échecs. On n'a pas vécu ensemble pendant 125 ans pour ne faire que des erreurs. Et l'une des grandes réussites canadiennes, c'est qu'on s'est soucié des démunis et qu'on a essayé de partager la richesse. On a créé des programmes sociaux qui comptent parmi les meilleurs au monde. Et ça, il faut le préserver.»

Cette citation très fédéraliste est le fruit des réflexions de nul autre que le chef du Bloc québécois, le 18 juin 1993.

(1415)

Les Québécois et les Québécoises connaissent bien les mérites et les avantages du Canada. Le 30 octobre, ils choisiront d'y rester et ils voteront non.

______________________________________________


15763

QUESTIONS ORALES

[Français]

LA CAMPAGNE RÉFÉRENDAIRE

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre Clyde Wells, de Terre-Neuve, a fait son entrée en campagne référendaire pour mettre les pendules à l'heure chez les tenants du non. Il n'est pas question d'accepter que le Québec se fasse reconnaître constitutionnellement un statut de société distincte. Tandis que le ministre des Finances, lui, pour sa part, a déclaré ce matin qu'il fallait enchâsser dans la Constitution la clause de la société distincte.

Monsieur le Président, vous aurez compris que ma question s'adresse au ministre des Finances. Pourrait-il nous dire quelle est la position du gouvernement au sujet de la société distincte? Est-ce que c'est celle qu'il exprimait en tant que ministre des Finances ce matin, ou est-ce que c'est celle qu'exprimait hier M. Clyde Wells, qui a une position, on le sait, très proche de celle du premier ministre?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, de ce côté-ci de la Chambre, notre position est très claire. Nous avons toujours dit, et le premier ministre lui-même l'a dit qu'il avait appuyé dans le passé la notion de société distincte,


15764

qu'il l'appuie aujourd'hui et qu'il est prêt à l'appuyer demain. Le premier ministre du Canada lui-même a fait cette affirmation dans cette Chambre. Est-ce que ce n'est pas assez clair?

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, puisque Mme la ministre du Travail nous fait le plaisir de répondre, je lui en poserai une seconde.

Lorsque la ministre du Travail affirme devant cette Chambre et devant tous les Québécois qui nous écoutent que le premier ministre est prêt à inclure dans la Constitution le principe de la société distincte, est-ce qu'elle parle-et je lui pose la question-de la société distincte version Charlottetown, comme privilégie le premier ministre, c'est-à-dire une notion vide de sens, une notion subordonnée à l'égalité des provinces et rejetée par tous les Québécois, ou est-ce qu'elle parle de la notion de société distincte qui était contenue dans le lac Meech et contre laquelle le premier ministre s'est battu? De laquelle des deux, madame la ministre, est-il question?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, de quelle société distincte me parle le député de Roberval? Est-ce qu'il me parle de la société distincte du lac Meech, où M. Parizeau, à l'époque, nous disait que c'était une coquille vide? Est-ce qu'il nous parle de la société distincte de Charlottetown, que lui-même et le Bloc québécois ont refusé d'endosser?

Me parle-t-il de cette société distincte? Me parle-t-il de la société distincte de M. Parizeau, de la semaine dernière, où lui a dit: «Qu'on me sacre la paix avec la société distincte, moi je veux la séparation du Québec»? De quoi parle-t-il? Nous, de notre côté, on est prêts à affirmer très clairement que les Québécois représentent une société distincte au Canada.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, c'est une question qui est extrêmement sérieuse, au moment où on se parle, et c'est une question à laquelle j'aimerais avoir une réponse, non pas par des faux-fuyants, comme le fait la ministre du Travail devant tout le Québec, au moment où on se parle.

La question que je lui pose, je vais lui donner une seconde chance et je voudrais qu'elle me réponde: Est-ce que la ministre du Travail aurait l'amabilité et la gentillesse de dire aux Québécois qui l'écoutent, quand elle parle qu'elle est en faveur de la société distincte, elle-même, est-ce qu'elle est en faveur de la société distincte telle que définie dans Charlottetown, une qui a été rejetée par tous les Québécois, où est-ce qu'elle est en faveur de la société distincte qui était définie dans l'Accord du lac Meech? De laquelle des deux la ministre du Travail, en tant que ministre du gouvernement, parle-t-elle quand elle dit qu'elle est en faveur? On voudrait le savoir.

(1420)

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Oui, monsieur le Président, le choix est grave et sérieux. Le choix est grave et sérieux parce que le 30 octobre on va choisir si, oui ou non, on fait éclater le Canada. C'est ce qu'on va faire tous ensemble le 30 octobre.

Quand j'entends le député de Roberval, c'est comme s'il me disait: «Madame la ministre du Travail, mettez la société distincte dans la Constitution et on va oublier notre référendum.» Je ne pense pas qu'il me dise cela. Mais voyez-vous, d'ici au 30 octobre, nous demandons aux Québécois de bien réfléchir. On est sûrs, nous, qu'on est une société distincte au Québec, et on est fiers de l'être. Mais on est fiers d'être Canadiens aussi, c'est pourquoi on va leur dire non le 30 octobre.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells, a déclaré hier qu'il considérait que la société québécoise était distincte, certes, mais pas question de lui accorder un statut particulier ou de véritables pouvoirs. En déclarant cela, il a mis un terme aux espoirs des tenants du non, dont Daniel Johnson et Pierre Paradis en tête, qui supplient toujours le premier ministre du Canada de s'engager à inclure dans la Constitution ce concept de la société distincte.

La ministre du Travail admettra-t-elle que, même si le gouvernement du Canada le voulait, il ne pourrait inclure dans la Constitution canadienne la notion de société distincte pour le Québec parce qu'il y aura toujours, dans les autres provinces, des Clyde Wells, des Frank McKenna et des Roy Romanow pour nous dire: «Oubliez la société distincte»?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai jamais vu une telle déformation des paroles dites par une autre personne. Jamais.

Clyde Wells a reconnu que le Québec était une société distincte. Mike Harris a reconnu que le Québec était une société distincte. Pourquoi déformer ces faits? Pourquoi déformer ces faits à la veille d'un choix très grave qui nous concerne tous, les Québécois et les Canadiens? Que se passe-t-il? Que se passe-t-il dans le camp du oui? Est-ce qu'ils sont à court d'arguments pour nous vendre leur option de la séparation du Québec?

Cette semaine est une semaine fort importante, et on doit réfléchir sur le sens de ce vote et ne pas laisser croire aux Québécois que, le lendemain matin, ils seront toujours Canadiens. C'est ça l'importance du vote du 30 octobre. Je voudrais que les tenants du oui aient au moins le courage de dire clairement aux Québécois quelle est leur option le 30 octobre.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, au moins, on vient de le savoir, la définition de la société distincte de la ministre du Travail comme celle du premier ministre, c'est celle de Clyde Wells. Fort bien. Très populaire ici en cette Chambre, très peu au Québec, cependant, et la ministre le sait.

Et ceux qui s'inquiètent actuellement, c'est Daniel Johnson, c'est Pierre Paradis. Ce n'est pas dans le camp du oui, c'est dans le même camp. C'étaient ses collègues, si elle s'en souvient.

La ministre du Travail aurait-elle le courage de dire franchement à ses amis du camp du non et ex-collègues, qu'advenant un non au référendum l'issue prévisible des négociations constitutionnelles de 1997 sera encore une fois un échec retentissant, tel que l'a dit


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clairement le bon ami du premier ministre et le nouvel ami de la ministre du Travail, l'ineffable Clyde Wells?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre du Travail, Lib.): Monsieur le Président, advenant un non au référendum, vous allez voir ce pays continuer à se transformer comme il l'a fait depuis au moins 30 ans. Et quand on regarde ce que les Québécois sont devenus à l'intérieur de ce pays depuis 30 ans, nous avons toutes les raisons d'être fiers de ce que nous sommes, nous, les Québécois. Et cela, on l'a fait à l'intérieur de la fédération canadienne. Nous avons toujours joué un rôle de premier plan dans cette fédération. Et après le non, nous serons là pour continuer à transformer ce pays.

* * *

(1425)

[Traduction]

L'ÉCONOMIE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, au cours des deux derniers jours, la valeur du dollar canadien a chuté d'un cent et demi, les taux d'intérêt ont augmenté de façon alarmante-le taux d'escompte a augmenté de 1 p. 100 aujourd'hui-et les bourses canadiennes ont connu leurs pires moments depuis huit ans. Les séparatistes ont un avant-goût des conséquences économiques de leur position.

Le ministre des Finances peut-il dire aux Canadiens en termes très clairs ce qu'un vote contre le fédéralisme le 30 octobre signifierait pour leurs comptes en banque, leurs hypothèques, leurs emplois et leur avenir économique?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, il existe un rapport logique entre de faibles taux d'intérêt et une meilleure qualité de vie. Des taux d'intérêt plus bas se traduisent par de meilleures ventes au détail, donc par un marché intérieur plus fort. Il y a alors plus de mises en chantier, plus d'emplois créés. Les gouvernements lourdement endettés ont aussi plus d'argent à consacrer aux programmes sociaux dont le pays a besoin.

Les marchés réagissent très négativement à l'incertitude politique. Je ne peux pas imaginer plus grande incertitude politique que celle qui est créée par ceux qui menacent de briser un pays.

Des voix: Bravo!

M. Martin (LaSalle-Émard): Pour répondre à la question du député, je dirai que cela ferait augmenter les taux d'intérêt sur les hypothèques, réduirait la création d'emplois, ferait diminuer les ventes au détail et laisserait moins d'argent dans les coffres des gouvernements. Pour les Québécois, cela signifierait une très grande incertitude quant à l'avenir de l'union économique et quant à la possibilité qu'ils établissent des rapports avec les États-Unis.

[Français]

Le fait est qu'on ne détruit pas un pays sans que cela ait des conséquences sévères sur sa population, sur son mode de vie. Ceux qui nient les conséquences de la séparation nient la vérité.

[Traduction]

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, les séparatistes essaient d'amoindrir les conséquences économiques de l'instabilité des derniers jours. Ils ont essayé d'attribuer la responsabilité de cette instabilité à la peur engendrée par des fédéralistes, mais les marchés monétaires ne se laissent pas facilement influencer par l'émotion ou les tactiques d'intimidation. Comme le ministre l'a dit, ils réagissent négativement à l'instabilité tandis qu'ils réagissent positivement à la stabilité, à la certitude et aux mesures positives.

Ma question complémentaire s'adresse au ministre des Finances: Le ministre dira-t-il quelles mesures positives peuvent être prises pour rétablir la confiance des investisseurs et des prêteurs dans l'avenir du fédéralisme canadien?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la peur est créée par ceux qui choisissent une option et qui n'osent pas dire à leur peuple quelles en sont les conséquences.

Des voix: Bravo!

M. Martin (LaSalle-Émard): Cependant, il existe une solution évidente. La seule solution, c'est de diminuer l'incertitude. Il n'existe qu'un seul moyen de rassurer les marchés et c'est de voter massivement non le 30 octobre.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, il me semble qu'il y a une autre chose que les Québécois désillusionnés et les marchés monétaires sceptiques ne voient pas, et c'est que le fédéralisme canadien va s'améliorer. Les Canadiens veulent des changements, les provinces veulent des changements, les réformateurs de tous les partis politiques veulent que le fédéralisme canadien s'améliore.

Les Québécois peuvent développer leur langue, leur culture, leurs ressources et prendre leur destinée en main tout en restant au sein de la fédération. Pas besoin de voter oui ni de faire appel à des avocats constitutionnalistes pour garantir la sécurité du fédéralisme.

Le ministre des Finances dira-t-il clairement que le gouvernement fédéral est prêt à apporter à la fédération des changements positifs profonds qui ne nécessitent pas de modifications constitutionnelles, pour qu'un non le 30 octobre signifie à la fois non à la séparation et non au statu quo?

(1430)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, je participe à des réunions avec mes homologues provinciaux et territoriaux depuis maintenant deux ans. Je peux dire ici que, lors de toutes ces réunions, sans exception, tous


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les ministres des finances ont déclaré qu'il fallait nécessairement changer les rapports entre les gouvernements, les mécanismes de fonctionnement de l'économie et notre façon de nous préparer au siècle prochain.

D'un bout à l'autre du pays, et très certainement au Québec, mais aussi dans l'ouest du Canada, en Ontario et au Canada atlantique, il existe une volonté profonde de changement, de progrès et d'amélioration. Nous l'avons vu dans la façon de réagir de notre gouvernement. Tous les ministères ont commencé à changer leur façon de fonctionner pour mettre l'accent sur l'essentiel.

Nous le voyons dans nos nouveaux rapports commerciaux, d'ailleurs le ministre est rarement ici. Le Canada se prépare à inaugurer de nouveaux rapports commerciaux d'un océan à l'autre. Monsieur le Président, je retire cette incise, le ministre est toujours ici en esprit.

On le voit dans la façon dont le gouvernement travaille avec les petites entreprises et dans la grande souplesse dont il fait preuve.

[Français]

Il y a une chose qui est très claire: nous avons un choix, le 30 octobre, entre le progrès et l'évolution de notre pays ou nous avons le choix entre le recul, et le recul est représenté par le oui.

* * *

LE DOLLAR CANADIEN

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le premier ministre du Québec et chef du camp du oui a clairement exprimé son intention de continuer à utiliser le dollar canadien après la souveraineté du Québec. Il s'est également engagé à ce qu'un Québec souverain assume sa juste part de l'énorme dette canadienne.

Le ministre des Finances ne croit-il pas, de son côté, qu'il devrait être clair, et plutôt que de laisser planer l'incertitude dans les milieux financiers, il devrait indiquer qu'il a effectivement préparé un plan B si le oui l'emporte le 30 octobre, comme c'est probable, ce qu'il refuse obstinément de confirmer jusqu'à maintenant?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, la seule chose qui est claire en ce qui concerne l'utilisation du dollar canadien, selon les séparatistes, c'est l'ambiguïté.

Il y a une semaine, le chef de l'opposition, au Cégep de Ahuntsic, a dit qu'il voulait qu'un Québec séparé utilise sa propre monnaie. Il y a un an, à Portneuf, il a dit: «Qu'est-ce que ça vaut de faire la séparation si on n'a pas notre propre monnaie?» Dans le magazine L'Actualité, et c'est écrit noir sur blanc, le premier ministre du Québec a dit que ce n'était qu'une ruse, le maintien du dollar canadien, qu'il voulait avoir le dollar québécois. Alors, qui dit vrai? Le chef de l'opposition aujourd'hui ou le chef de l'opposition la semaine passée?

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, c'est totalement faux. Le chef de l'opposition n'a pas dit ça.

Le ministre des Finances admettra-t-il qu'il a la responsabilité de s'engager à ce qu'au lendemain d'un oui, il se fera le défenseur d'une négociation rapide avec le Québec, afin d'établir une entente de partenariat, comme l'intérêt des deux parties lui commande de le faire?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit à maintes reprises que l'intérêt du Canada serait de protéger ses acquis à l'intérieur de l'ALENA. Et pour protéger ses acquis à l'intérieur de l'ALENA, le Canada serait dans l'impossibilité de signer une entente privilégiée avec un pays indépendant, un pays séparé. Ce n'est pas que le Canada ne voudra pas, c'est que le Canada ne voudrait pas.

Deuxièmement, est-ce que la députée est en train de dire que le chef de l'opposition a été mal cité à Canada AM, a été mal cité à Portneuf et que le chef, le premier ministre, a été mal cité dans le magazine L'Actualité lorsque, dans les trois cas, on a dit très clairement qu'on voulait abandonner la certitude du dollar canadien pour l'inconnu du dollar québécois.

* * *

(1435)

[Traduction]

LA JUSTICE

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, John Lee, qui avait été condamné pour meurtre, a reçu, dans le cadre d'un règlement à l'amiable, 12 000 $ après avoir poursuivi le Service correctionnel du Canada parce qu'il avait été battu en prison. Les victimes de Lee, Mme Tuton et le reste de sa famille, n'ont reçu aucune indemnité et demandent au ministre de la Justice de leur expliquer pourquoi ce détenu a touché ce montant.

Le ministre de la Justice pourrait-il nous expliquer pourquoi il donne de l'argent aux meurtriers?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, l'individu en question a poursuivi le Service correctionnel du Canada pour négligence après avoir été pris en otage par d'autres détenus et battu avec une barre de fer.

Il a réclamé 60 000 $. Lorsque le tribunal a été saisi de l'affaire, il y a eu une conférence préparatoire au procès et le juge qui présidait l'audience a fortement invité les parties à régler à l'amiable. On a donc versé un montant de 12 000 $, dont environ 8 000 $ sont allés à l'avocat du détenu.

On a pris cette mesure sur les conseils du juge. Le tribunal a laissé entendre qu'un règlement s'imposait et c'est ce qui s'est passé.


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M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, en agissant ainsi, le ministre dit à une population tout à fait indignée que le crime paie.

Il n'y a rien qui justifie le versement d'une récompense à John Lee, un meurtrier. C'est révoltant. Les droits de la victime doivent passer en premier et pourtant, on oublie la famille de la victime. La justice, c'est lorsque le criminel paie pour son crime.

Pour quelles raisons le ministre rend-il le crime si profitable pour les avocats et les criminels alors qu'il fait fi des souffrances et de l'isolement des victimes?

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, aux termes de la loi, le Service correctionnel du Canada est chargé de l'exécution des peines imposées par les tribunaux. Ceux-ci ont jugé à de nombreuses reprises que si le Service s'acquitte de son mandat de façon négligente, il y a alors matière à poursuite.

C'est ce qui s'est produit dans ce cas-ci. On a pris le détenu en otage. On l'a battu avec une barre de fer. Il a réclamé un dédommagement de 60 000 $. À la suite d'une conférence préparatoire au procès avec le juge présidant l'audience, on s'est entendu sur une somme de 12 000 $ et non de 60 000 $.

Il ne s'agit pas de récompenser le meurtre ou les activités illégales. Il est plutôt question de suivre les précédents déjà établis.

* * *

[Français]

LE DOLLAR CANADIEN

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le dollar canadien et les marchés boursiers traversent actuellement une période de soubresauts liés à divers facteurs nationaux et internationaux.

Le ministre des Finances admettra-t-il que la première source d'incertitude et d'inquiétude des marchés financiers à l'endroit du Canada est la taille énorme de son déficit et l'évolution de sa dette qui dépassera les 600 milliards l'année prochaine?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, le dernier budget a été très bien reçu par les marchés internationaux. On a eu une baisse dans les taux d'intérêt depuis ce moment-là. Il faut se poser la question: Qu'est-ce qu'il y aura de nouveau d'ici quatre ou cinq jours? Il est très clair que le débat référendaire a eu un effet énorme. Cela a un effet sur les épargnes, sur le mode de vie, sur la création d'emplois dans notre pays.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances a la mémoire courte. Deux semaines après le dépôt de son budget, le taux d'escompte de la Banque du Canada atteignait un sommet de 8,6 p. 100, donc supérieur au taux d'escompte à l'heure actuelle qui est à 7,65, parce qu'il a été mal reçu ce budget-là, parce que les finances publiques étaient dans un piètre état. C'est cela le facteur primordial reconnu d'ailleurs par Moody's en janvier.

Comment le ministre des Finances peut-il faire de telles réponses quand le gouverneur de la Banque du Canada lui-même déclarait le 12 octobre 1994, et je cite: «Ce n'est qu'à cause des niveaux élevés de la dette et du déficit que l'incertitude politique ajoute une cause de préoccupation»?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, c'est très clair, lorsqu'on regarde les commentaires des cambistes, lorsqu'on regarde ceux qui sont impliqués là-dedans, d'où vient le problème. Il ne sert à rien pour le député, comme les séparatistes le font pour toute autre chose, de vouloir éluder les vraies questions, c'est que leur option va créer de l'incertitude politique, et avec de l'incertitude politique, ça crée de l'incertitude économique. Le député doit dire qu'il est en train vraiment de mettre en cause les épargnes des Québécois, des Québécoises et des Canadiens, leurs emplois et la croissance économique.

Si cela n'a rien à voir avec les événements récents, comment se fait-il que l'écart entre les obligations du Québec et les obligations du Canada ait élargi énormément ces dernières semaines? C'est parce qu'il y a un gouvernement à Québec qui refuse d'accepter ses responsabilités qui sont de gérer pour sa propre population.

* * *

(1440)

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Le ministre de la Justice a récemment accusé le solliciteur général de l'Ontario de flatter bassement le lobby des armes à feu. J'ai des éléments de preuve qui portent réellement à croire que le ministre flatte bassement la Canadian Gun Coalition.

Le ministre a-t-il remis à la Canadian Gun Coalition des copies de lettres en faveur du projet de loi C-68 qui lui avaient été adressées, et ce, sans avoir demandé le consentement de leurs auteurs?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si quelqu'un fait des basses flatteries, ce sont les membres du tiers parti, qui voient, pour un motif qui échappe au reste d'entre nous, une raison de poursuivre cette question, alors que la majorité des Canadiens et la Chambre des communes se sont déjà prononcés. Nous avons déjà adopté une mesure législative pour répondre à la volonté de la population.

Quant à la question que pose le député, je la prendrai en délibéré et vérifierai les faits. Je n'ai pas de réponse factuelle pour l'instant. J'en trouverai une et la présenterai au député.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, j'ai dans mon bureau un paquet contenant un certain nombre de lettres adressées au ministre et provenant, entre autres, des municipalités de Gloucester et de Nepean. Ces lettres étaient accompagnées d'une


15768

lettre explicative signée par Wendy Cuckier, de la Canadian Gun Coalition, et adressée à tous les députés de l'Ontario.

Le ministre peut-il expliquer le plus tôt possible comment la Canadian Gun Coalition a obtenu ces lettres qui étaient adressées au ministre?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député cherche si désespérément des arguments à faire valoir pour défendre sa cause, sa position sur cette question est tellement dénuée de fondement qu'il fait maintenant croire qu'il trouve, dans les événements ordinaires qu'il décrit, une raison de devenir vertueux et indigné.

Le fait est que des gens, des organisations, des municipalités et des gouvernements de partout au Canada m'ont écrit pour appuyer les propositions concernant les armes à feu. Mon cabinet est inondé de télécopies et de lettres en faveur du projet de loi C-68. Ces gens qui écrivent pour souscrire expressément ou implicitement à cette mesure législative m'autorisent et me pressent de communiquer largement leur point de vue, pour que tout le monde sache à quel point ces propositions recueillent un appui.

* * *

[Français]

LE TRANSFERT SOCIAL CANADIEN

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Hier, le ministre des Finances a déclaré, en parlant de l'avenir du Canada, que le camp du changement était le camp du non, et il en donnait pour preuve la mise en place du Transfert social canadien.

Par cette déclaration étonnante, le ministre des Finances veut-il vraiment indiquer aux Québécois que le Canada, au lendemain d'un non le 30 octobre, serait le Canada du Transfert social Canada par lequel Ottawa coupera sur deux ans 7 milliards de dollars aux provinces, dont 2,5 au Québec?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, les chiffres de la députée ne sont pas valables.

Cela étant dit, lorsqu'on regarde le Transfert social canadien, ce que nous sommes en train de donner aux provinces, c'est énormément de flexibilité d'innover, de trouver leurs propres solutions à leurs problèmes.

Cela démontre absolument la flexibilité du gouvernement fédéral envers les provinces dans le domaine des programmes sociaux. Alors nous sommes en train de démontrer qu'il y a une attitude de changement fondamental à l'égard du gouvernement fédéral, à l'égard de notre pays. Et je pense que la députée d'en face devrait nous féliciter.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, doit-on comprendre que le ministre des Finances croit que le Canada de demain, c'est tout simplement Ottawa qui décide et les provinces qui paient, comme le confirme la mise en place du nouveau Transfert social canadien?

(1445)

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, notre attitude trouve sa réflexion dans les déclarations des premiers ministres des autres provinces qui ont reconnu l'ouverture d'Ottawa, d'une part, mais aussi qui ont reconnu que le pays en entier voulait du changement, voulait qu'on travaille ensemble, et on l'a dit.

Il faut le dire, que ce soit l'harmonisation avec le ministre chargé du Renouveau, que ce soit l'harmonisation dans le développement régional, que ce soient les discussions dans le domaine des ressources humaines, toutes les autres provinces sont assises à la table avec nous pour améliorer le sort des Canadiens et des Canadiennes.

Il y a un gouvernement qui refuse de coopérer, et c'est parce que ce gouvernement ne va pas trouver de solutions qui vont aider sa population, c'est le gouvernement péquiste, séparatiste du Québec.

* * *

[Traduction]

LA RÉSERVE DES FORCES CANADIENNES

M. John Cannis (Scarborough Centre, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

Il semble que des compressions budgétaires menacent l'existence des Queen's York Rangers, une unité de réserve canadienne vieille de 250 ans. Or, une commission spéciale est censée présenter son rapport sur l'avenir de la Réserve des Forces canadiennes d'ici quelques semaines.

Le ministre peut-il confirmer qu'aucune décision au sujet de l'avenir de la Réserve ne sera prise avant que la commission ne présente son rapport?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les Queen's York Rangers ne sont qu'un des nombreux régiments distingués qui ont beaucoup contribué à la sécurité du Canada au fil des ans. La noble et longue tradition des Queen's York Rangers remonte à l'époque où le Canada a aidé les Britanniques durant la révolution américaine, avant même qu'il ne devienne un pays.

Ce patrimoine est essentiel à l'état de préparation militaire du Canada. Lorsque nous avons discuté plus tôt cette année du processus de rationalisation en cours à la Défense nationale, j'ai demandé à l'honorable Brian Dickson, l'ancien juge en chef du Canada, de présider la commission chargée d'examiner la Réserve des Forces canadiennes. Dans l'intervalle, j'ai toutefois donné ordre au ministère de ne pas effectuer de changements qui auraient un impact sur les régiments de réserve jusqu'à ce que la commission remette son rapport et que le comité parlementaire mixte de la Chambre et du Sénat en étudie les conclusions.


15769

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Il y a deux ans, le ministre a promis d'aider l'industrie canadienne en procédant à une réforme de la réglementation. En décembre dernier, il a déposé à la Chambre un rapport dans lequel il proposait des changements concrets pour aider l'industrie minière en 1995.

Le ministre entend-il déposer sa réforme sous peu? L'industrie minière peut-elle s'attendre à recevoir un cadeau d'ici Noël?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, mon collègue, le ministre de l'Industrie, et moi-même travaillons en étroite collaboration avec les représentants du secteur minier pour assurer une réglementation efficace.

Jeudi dernier, de concert avec l'Association minière du Canada, mon ministère a organisé un atelier sur la réforme de la réglementation, auquel ont participé les représentants du ministère de l'Industrie, du ministère de l'Environnement, du ministère des Pêches et des Océans et du ministère des Transports.

Cet atelier d'une journée a permis d'élaborer des recommandations très constructives, que nous allons analyser afin d'assurer que la réglementation au Canada appuie une industrie minière productive et rentable, et ne le gêne pas.

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, il ne s'agit pas d'un atelier d'une journée, mais plutôt de deux ans. Il est temps de passer de la parole aux actes.

Les nouveaux règlements qu'étudie le ministère de l'Environnement ont tellement effrayé les propres fonctionnaires de la ministre des Ressources naturelles qu'ils ont refilé en douce aux journalistes un document de 75 pages faisant notamment état de leurs appréhensions quant aux conséquences de ces règlements. Leur mise en oeuvre risque de causer du tort à l'économie canadienne, d'enflammer les relations fédérales-provinciales et même de nuire à la souveraineté canadienne.

La ministre va-t-elle déposer ce document de 75 pages à la Chambre et partage-t-elle l'inquiétude de ses fonctionnaires?

L'hon. Anne McLellan (ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, le député peut me croire que ni mes fonctionnaires ni moi ne redoutons les recommandations du comité permanent de l'environnement.

À titre de ministre des Ressources naturelles, je me suis engagée à collaborer avec mes collègues, les ministres de l'Environnement, de l'Industrie, des Pêches et des Océans, et des Transports. À l'heure actuelle, je dis clairement à la ministre que, grâce à cette collaboration, nous pourrons mettre en place une réglementation qui appuie l'industrie minière du Canada.

[Français]

LE TRANSFERT SOCIAL CANADIEN

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Malgré les efforts déployés par le gouvernement pour camoufler les mauvaises nouvelles jusqu'au lendemain du référendum, on sait que l'assurance-chômage et les pensions de vieillesse seront affectées considérablement par les coupures du gouvernement fédéral.

(1450)

Quand le ministre des Finances affirme qu'un non permettra de poursuivre l'évolution du Canada, car le changement est déjà en marche, selon son expression, est-il en train de nous confirmer que le Canada va continuer d'évoluer dans le sens des coupures à l'éducation, à la santé, à l'assurance-chômage, aux pensions de vieillesse, comme c'est déjà commencé?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, le ministre du Développement des ressources humaines a indiqué très clairement qu'en ce qui concerne toute la consultation sur l'assurance-chômage, c'est loin d'être terminé, sauf que notre objectif c'est vraiment l'assurance-emploi, c'est de remettre les Canadiens au travail. D'ailleurs c'est cela le but de sa réforme.

D'autre part, en ce qui concerne la sécurité de la vieillesse, le premier ministre l'a dit très clairement ici en Chambre, jamais, jamais, le gouvernement fédéral ne fera quoi que ce soit qui puisse compromettre la sécurité économique de nos aînés.

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, le ministre admet-il que le choix fait par le gouvernement fédéral de transférer son énorme déficit aux provinces en coupant dans le Transfert social canadien ne laisse présager rien de bon pour l'avenir si le Québec disait non, car Ottawa fixera les normes nationales et Québec devra se débrouiller pour les appliquer avec les conséquences que l'on imagine pour les programmes sociaux?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances et ministre chargé du Bureau fédéral de développement régional (Québec), Lib.): Tout d'abord, monsieur le Président, en ce qui concerne le Transfert social canadien, il est très clair que les normes nationales qui s'y trouvent sont les principes de l'assurance-maladie, ce à quoi tous les Québécois et Québécoises tiennent beaucoup. Deuxièmement, on a mis là-dedans énormément de flexibilité pour les provinces afin qu'elles puissent innover et faire vraiment l'application de leurs programmes envers leur propre population.

En ce qui concerne les montants d'argent, la différence entre aujourd'hui et la première année, ce sera 350 millions de dollars, soit moins de 1 p. 100 des revenus de la province de Québec.


15770

[Traduction]

LE CONTRÔLE DES ARMES À FEU

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, j'aimerais revenir sur le contrôle des armes à feu, qui, selon le ministre, jouit d'un très large appui.

Or, l'opposition au projet de loi C-68 augmente de plus en plus. Par exemple, 100 p. 100 des chefs de police de la Saskatchewan y sont opposés, tout comme 85 p. 100 des agents de la GRC en Alberta et les ministres de la Justice de quatre provinces et territoires.

Le ministre de la Justice se rend-il compte qu'il détruit la confiance que les gens ont dans le système de justice pénale en forçant l'adoption d'une loi qu'une grande partie de la société, y compris les policiers, n'appuient pas?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Non, monsieur le Président.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton-Melville, Réf.): Monsieur le Président, jeudi dernier, à son assemblée annuelle, l'Association de la sûreté provinciale de l'Ontario a voté sur une motion d'opposition au projet de loi C-69, sur le contrôle des armes à feu. La motion a été adoptée presque à l'unanimité.

Nous avons toujours dit que les policiers de première ligne n'appuient pas le projet de loi du ministre de la Justice, qui soutient pourtant sans cesse qu'il institue le système d'enregistrement des armes à feu à la demande des services de police.

Maintenant qu'il est évident que les policiers sont opposés à l'enregistrement des armes à feu, agira-t-il selon les voeux des policiers même s'ils entrent en contradiction avec ce qu'il pense lui-même?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il est très révélateur qu'à un moment où le reste d'entre nous sommes engagés dans un débat sur des questions importantes pour l'avenir de notre pays, au moment où nous parlons de l'avenir économique du Canada et même de l'avenir de la Confédération, le député de Yorkton-Melville intervient pour poser des questions sur le droit de porter des armes à feu. C'est bien approprié.

Si je dois aborder la substance de sa question, je dirai au député que l'organisme dont il a parlé fait partie de l'Association des policiers de l'Ontario, qui représente tous les policiers de première ligne de l'Ontario. L'Association des policiers de l'Ontario fait partie de l'Association canadienne des policiers. J'étais présent le 30 mars dernier à Ottawa quand l'Association canadienne des policiers, l'organisme national des policiers de première ligne, a discuté du projet de loi C-68 et a voté sur la question, et je les ai vus appuyer le projet de loi.

(1455)

J'étais à Markham, en Ontario, le 14 août dernier, quand l'Association des policiers de l'Ontario s'est prononcée en faveur du projet de loi C-68. J'étais à Regina en août dernier quand les chefs de police ont voté en faveur. Les policiers du pays sont favorables au projet de loi.

LE RÉFÉRENDUM QUÉBÉCOIS

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Le ministre a-t-il lu le texte des observations sur le référendum québécois que le président de la République française, Jacques Chirac, aurait faites à New York hier? Le ministre est-il en mesure de les commenter?

L'hon. André Ouellet (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'ai pris connaissance de la transcription des observations que le président Chirac a faites hier.

Je tiens à dire pour commencer qu'elles sont loin de constituer le genre d'appui que le député de Verchères a dit qu'elles étaient, au début de la période des questions.

Permettez-moi de lire une phrase du président Chirac: «Si le résultat du référendum est positif, le gouvernement le reconnaîtra.» En d'autres termes, les autorités françaises arriveront aux mêmes conclusions que tout le monde: qu'ils ont obtenu la majorité. C'est tout.

[Français]

Le président Chirac a, comme il l'a toujours fait et comme les autorités françaises l'ont toujours fait, une politique à l'égard du Canada et du Québec qui est une politique de non-indifférence, mais aussi de non-ingérence.

* * *

LES REVUES DE RECHERCHE

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie. En juillet dernier, le Conseil de recherche en sciences humaines a mis en application une nouvelle politique d'aide aux revues de recherche qui coupera de moitié les subventions accordées aux revues de langue française.

À cause de la nouvelle politique du Conseil de recherche en sciences humaines, le ministre de l'Industrie confirme-t-il que les revues de recherche francophones subiront la quasi totalité des coupures effectuées, alors que les revues de langue anglaise y échapperont en grande partie?

[Traduction]

L'hon. Jon Gerrard (secrétaire d'État (Sciences, Recherche et Développement, Lib.): Monsieur le Président, il est important de reconnaître le rôle de premier plan que le Conseil de recherches en sciences humaines a joué au Canada dans le domaine des recherches en sciences humaines. Ce rôle est bien reconnu d'un océan à l'autre.

Le conseil, pour faire face à la situation financière, a fait appel à l'expérience de ses membres et a pris des décisions très consciencieuses, équitables et évaluées par les pairs, pour le plus grand bien du Canada.

15771

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, beaucoup de Canadiens travaillent aujourd'hui à créer des messages publicitaires, des vidéos et d'autres choses du genre pour les entreprises et les agences de publicité.

Aussi incroyable que cela puisse paraître, la SRC a annoncé récemment son intention de concurrencer directement les maisons de production de matériel audio-vidéo, plus précisément à Toronto. Elle s'efforce aujourd'hui de leur voler leur clientèle. Cela va certes à l'encontre du mandat de la SRC.

Pourquoi le ministre permet-il à la SRC de supprimer des emplois au centre-ville de Toronto? Comment se fait-il que les députés de Toronto ne s'insurgent pas contre cela? Pourquoi diable permet-on à la SRC de mener à la faillite des entreprises qui paient les impôts qui servent à financer la SRC?

Mme Albina Guarnieri (secrétaire parlementaire du ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, le député n'a pas à convaincre la Chambre que le Parti réformiste n'est pas en faveur de la radiodiffusion publique au Canada. Le député connaît déjà par coeur ma réponse, à savoir que la SRC est responsable de la gestion de ses affaires et prend elle-même ses décisions au meilleur de ses capacités.

Le député sait pertinemment que le comité a cherché des moyens permettant à la SRC d'être encore plus efficace et c'est exactement le genre de moyens que prend la SRC.

* * *

LA LOI SUR LA PROTECTION DE L'ENVIRONNEMENT

M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NDP): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Industrie.

Depuis que le comité de l'environnement a proposé, en juin dernier, de réviser et de moderniser la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, certains agents du ministère de l'Industrie ont affirmé que la proposition du comité nuit au climat d'investissement du Canada, sans compter que la mise en oeuvre de cette proposition, qui se fonde sur des principes scientifiques boiteux, sera coûteuse.

(1500)

Il convient de détruire ces mythes.

Le ministre se joindra-t-il à sa collègue, la ministre de l'Environnement, qui devrait répondre de façon positive à l'impressionnante série de recommandations du comité, et profitera-t-il de l'occasion pour faire du Canada l'un des grands leaders mondiaux en matière de législation écologique ou va-t-il se ranger aux arguments de certains agents de son ministère et prendre ses distances par rapport aux recommandations cruciales qu'a faites le comité en ce qui concerne la prévention de la pollution?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux rien faire de mieux que de m'associer à ma collègue, la ministre des Ressources naturelles. En réponse à une question antérieure, elle a précisé, si je ne m'abuse, que notre gouvernement croit que le développement durable et la croissance économique font partie intégrante de son mandat.

Pendant que nous rédigerons la réponse du gouvernement au rapport du comité permanent, nous veillerons à accorder une attention très particulière à la question du développement durable.

Je rappelle au député que, lorsque la Loi sur le ministère de l'Industrie du Canada a été présentée à la Chambre des communes, il fixait à mon ministère, dans le cadre de son mandat, la réalisation de certains objectifs en matière de développement durable. C'est moi qui ai demandé d'ajouter ces objectifs à l'ancienne loi sur le ministère de l'Industrie, des Sciences et de la Technologie. Je suis fier de dire que j'ai réussi à faire insérer ces objectifs dans la Loi sur le ministère de l'Industrie du Canada.

* * *

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

Le Président: Chers collègues, comme vous le savez, les Nations Unies célèbrent aujourd'hui leur 50e anniversaire. Quelque 17 Canadiens auxquels l'Association canadienne pour les Nations Unies a décerné sa médaille d'honneur pour souligner leur contribution exceptionnelle à l'ONU sont aujourd'hui présents à notre tribune.

Des voix: Bravo!

______________________________________________


15771

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES PRÊTS AUX PETITES ENTREPRISES

L'hon. Herb Gray (au nom du ministre de l'Industrie, Lib.) propose: Que le projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, avant la publication du livre rouge, avant la dernière campagne électorale et alors qu'elle était dans l'opposition, notre équipe libérale s'était engagée, si elle obtenait la confiance de la population au moment des élections, à ce que les petites et moyennes entreprises du Canada soient au coeur de toute orientation élaborée dans le cadre de notre programme.

(1505)

Nous croyions quand nous étions dans l'opposition et nous continuons de croire que les Canadiens doivent surtout miser sur les petites entreprises pour redonner du travail à leurs concitoyens. Ce sont les propriétaires de petites entreprises, hommes et femmes, qui, souvent avec des ressources très modestes, ont créé à force d'ingéniosité, de créativité, d'efforts et de labeur des produits et services permettant le développement d'une entreprise, certes, mais aussi d'un élément très important et essentiel pour l'ensemble de l'économie canadienne.

Lorsque nous avons été portés au pouvoir il y a environ deux ans, nous nous sommes immédiatement penchés sur la principale difficulté à laquelle se heurtaient les hommes et les femmes propriétai-


15772

res de petites entreprises lorsqu'ils tentaient d'atteindre leurs objectifs, soit l'accès au capital.

J'estime de mon devoir de souligner le travail du porte-parole du Parti réformiste en la matière. Le gouvernement actuel et, en particulier, les membres du comité de l'industrie ont vécu des expériences uniques, dont celle de travailler comme une équipe. Nous avons de nombreuses divergences de vues avec les réformistes. Contrairement à eux, je ne crois pas qu'il faille employer des moyens aussi draconiens pour s'attaquer au déficit et à la dette. Je trouve leur approche trop radicale et précipitée. Cependant, s'il y a une question sur laquelle nous nous sommes toujours entendus, c'est sur le fait que notre pays doit miser sur les petites entreprises pour redonner du travail aux Canadiens. C'est grâce à notre travail d'équipe que nous avons pu proposer des mesures favorisant l'accès au capital.

Les modifications contenues dans le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui, le projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, sont le fruit des réactions que nous avons obtenues des députés, hommes et femmes, qui ont étudié la question. Elles sont le fruit des réactions que nous avons obtenues de l'industrie et des milieux bancaires. Ces modifications sont également le résultat des réactions et du succès que nous avons obtenus avec la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Certains députés se souviendront que, lorsque nous étions dans l'opposition, le gouvernement conservateur de l'époque a, dans son dernier budget, apporté des modifications à la Loi sur les prêts aux petites entreprises. À ce moment-là, dans l'opposition, nous avons appuyé ces modifications parce que nous estimions que c'était un bon moyen pour lutter contre la rigidité dont font preuve nombre de gens du secteur financier quand vient le temps de consentir des prêts aux petits entrepreneurs.

Ce projet de loi ne vise pas à remédier à toutes les difficultés qu'ont les gens d'affaires. Nous avons dit alors aux milieux financiers que nous allions élaborer une loi aux termes de laquelle le gouvernement du Canada garantirait 90 p. 100 du risque qu'elles prendraient à l'égard d'une petite entreprise, jusqu'à concurrence de 250 000 $.

Depuis son entrée en vigueur il y a de nombreuses années, la Loi sur les prêts aux petites entreprises a servi à aider près de 500 000 petites entreprises du pays. Cette mesure législative a permis à beaucoup de gens de réaliser leur rêve, de créer des emplois et de contribuer ainsi à fabriquer le tissu économique de notre pays.

(1510)

Lorsque le gouvernement du Canada garantit une somme aussi importante, la première chose qu'on cherche à savoir est évidemment ce que cela peut présenter comme risque pour le contribuable.

Jusqu'à il y a deux ans, sur des prêts totaux d'environ 3,5 milliards de dollars, l'État a perdu approximativement 26 millions de dollars. Des pertes de 26 millions sur un total de 3,5 milliards, c'est assez respectable. Au cours de la dernière année et demie, le total des prêts a augmenté considérablement. Il atteint environ 8 milliards dans le moment. Sur ce total, les pertes estimatives s'élèvent à quelque 100 millions de dollars.

C'est à cause de ces pertes accrues, de ces 100 millions de dollars, et à cause de notre attachement à la responsabilité financière, que le gouvernement a décidé d'écouter le Parti réformiste, d'écouter, comme je l'ai dit plus tôt, les banques et autres parties intéressées. Il a décidé de modifier cette loi de façon à ce que ces coûts puissent être recouvrés.

Essentiellement, ce projet de loi établit une nouvelle formule pour le recouvrement des pertes sur ces prêts dont le total est plutôt considérable, formule qui comporte trois éléments. Le premier élément est la réduction, de 90 p. 100 à 85 p. 100, du pourcentage de la perte occasionnée par l'octroi d'un prêt que le ministre indemnise. Deuxièmement, l'établissement de droits d'administration annuels et l'interdiction de les faire payer par les emprunteurs, sauf par le biais des taux d'intérêt; l'établissement de droits pour le traitement d'une réclamation et l'octroi du pouvoir de prendre des règlements sur la possibilité de donner quittance de toute sûreté exigée pour le remboursement d'un prêt.

Voilà essentiellement ce que nous avons fait. Le pourcentage de la garantie est réduit de 90 p. 100 à 85 p. 100. J'appuie ces modifications parce que je crois qu'elles peuvent contribuer à garder la Loi sur les prêts aux petites entreprises viable, sans que cette loi ne devienne un gouffre pour les contribuables et un boulet pour le trésor public ou ne rende les fonctionnaires du ministère des Finances trop nerveux. Les modifications proposées sont toutes bonnes et solides.

J'en viens maintenant à la chose la plus importante que cette loi a permis de faire. Nous avons tous travaillé ensemble à l'étude de la Loi sur les prêts aux petites entreprises et nous nous sommes engagés, de ce fait, dans un autre exercice qui dure depuis deux ans. Cela a commencé au comité de l'industrie, où les députés du Bloc québécois, du Parti réformiste et du gouvernement ont uni leurs efforts pour examiner les difficultés d'accès aux capitaux des petites entreprises.

Les députés se souviendront qu'il y a près d'un an, nous avons publié un rapport presque unanime intitulé: «Pour financer le succès de la PME». Ce rapport a été établi sur diverses expériences de Canadiens et de Canadiennes dans leurs relations d'affaires avec des institutions financières.

(1515)

Au cours des dernières années, nous avons tous entendu maintes et maintes fois, en tant que députés, des électeurs nous raconter les difficultés qu'ils ont éprouvées à traiter avec les différentes banques et autres institutions financières du Canada. C'est en entendant toutes ces histoires que nous avons pris conscience du problème et uni nos efforts pour le régler.

Certaines des principales recommandations de ce rapport sont déjà en voie de réalisation. À la fin du mois, nous pourrons voir un tableau trimestriel commun présentant des statistiques sur l'ensemble des fonds de chaque institution financière du pays et sur les prêts aux petites entreprises répartis selon les secteurs, le sexe des propriétaires, les municipalités et la taille des prêts, nous croyons que


15773

cette obligation de rendre des comptes modifiera toute l'attitude des banques vis-à-vis des petites entreprises.

C'est la plus grande réalisation du comité. Nous avons fait beaucoup en amenant les hommes et les femmes qui dirigent les banques à réfléchir et à réviser leur façon de traiter avec les entreprises canadiennes, et je ne parle pas des grandes entreprises. Nous savons tous que les banques se bousculent aux portes grandes entreprises désireuses d'obtenir un prêt, qu'elles demandent 500 000 $ ou trois milliards de dollars. Ces dernières années les prêts que les banques s'étaient bousculées pour accorder aux grandes entreprises se sont retournés en totalité ou en partie contre elles.

Ce ne sont pas vraiment les grosses sociétés qui nous intéressent dans ce pays. Nous les respectons, ainsi que les emplois qu'elles contribuent à créer. Ce qui nous intéresse, ce sont les petites entreprises et le fait qu'elles sont à l'origine pratiquement de tous les nouveaux emplois créés dans ce pays. Je crois et je sais que beaucoup de députés de l'autre côté pensent que ces réunions trimestrielles, ces séances de compte rendu trimestrielles, sont en train d'amener les banques à changer d'attitude.

Au bout du compte, peu importe de quel côté de la Chambre nous nous trouvons, nous sommes ici pour faire repartir l'économie. L'économie de ce pays ne repartira que lorsque nous arriverons à créer ensemble un climat où les entreprises pourront prospérer et assurer aux hommes et aux femmes la dignité d'un emploi. C'est la chose la plus importante à laquelle nous pouvons travailler aujourd'hui dans ce pays.

Un peu moins de 3 millions d'hommes et de femmes sont sans emploi dans ce pays. Ce n'est pas un secret. Je ne peux m'imaginer me lever le matin et n'avoir rien à faire, être sans emploi. Nombre d'entre nous avons non seulement une formidable possibilité de servir aujourd'hui notre pays, mais aussi la chance d'avoir eu un emploi tout au long de notre carrière. Peu d'entre nous ont connu la douleur et l'atteinte à la dignité qu'entraîne le fait d'être sans travail. Cette atteinte à la dignité est la chose la plus dure à laquelle un homme ou une femme peut faire face. Nous avons le devoir, avant tout, d'aider à créer un climat qui permettra aux entreprises de prendre les risques, de saisir les occasions et de faire redémarrer l'économie. C'est la raison pour laquelle, nous de ce côté-ci de la Chambre, appuyés en cela par les députés d'en face, nous croyons que lorsque nous adoptons une mesure législative visant à faciliter, même si ce n'est que de façon mineure, la création d'emplois, nous sommes sur la bonne voie.

(1520)

Il importe que l'adoption d'un projet de loi de ce genre ne traîne pas en longueur. C'est pourquoi il importe que nous travaillions ensemble. Si nous y parvenons et si nous réussissons à apporter à ce projet de loi les amendements qui s'imposent, le sentiment de cohésion que nous projetterons inspirera confiance aux marchés et aux responsables de la mise en oeuvre de ce projet de loi, à savoir les banques.

Ce n'est pas le gouvernement qui mettra la loi à exécution. Une fois que la Chambre l'aura adoptée, ce sont les institutions financières canadiennes qui la mettront en oeuvre. Ce sont les gérants de banque qui décideront d'accorder ou non la garantie des contribuables à une PME. L'application de la loi est entièrement déléguée aux institutions financières. Du fait de cette garantie, les gérants de banque peuvent prendre un peu plus de risques, ce qui finira par contribuer au redémarrage de l'économie.

Les PME représentent le meilleur atout que nous ayons pour remettre les Canadiens au travail. Elles y parviendront une fois qu'on aura créé le climat propice En outre, comme elles n'engendrent pas une bureaucratie lourde, elles ont tendance à être plus efficaces. Les dirigeants de PME sont beaucoup plus proches des hommes et des femmes qui travaillent avec eux dans leur entreprise. Très souvent, une telle atmosphère quasiment familiale suscite le genre d'activité qui donne libre cours à la créativité, entraînant une augmentation de la productivité, ce qui permet à l'entreprise de créer de meilleurs produits à meilleur marché.

C'est également la raison pour laquelle les exportations seront notre salut, au bout du compte. Ces derniers mois, ce sont les exportations qui ont fait vivre l'économie. Bon nombre de ces exportations, dans l'industrie de l'automobile par exemple, provenaient de PME. Certaines PME se sont regroupées au sein d'organismes plus importants, mais beaucoup sont des usines indépendantes qui emploient au maximum de 30 à 50 employés.

Cette Chambre doit changer sa façon de voir les PME. Pendant des années, à Ottawa, on n'a prêté attention qu'aux grosses entreprises. Ces dernières pouvaient se permettre d'envoyer des représentants à Ottawa, d'exercer des pressions sur leur député, ou d'engager des comptables ou des juristes chargés de faire le travail nécessaire pour obtenir les subventions et l'aide qui étaient alors mises à leur disposition. Les grandes entreprises avaient les moyens de faire inclure leurs crédits d'impôt dans la loi de l'impôt parce qu'elles pouvaient s'offrir des lobbyistes qui feraient les démarches appropriées auprès des divers ministères, notamment le ministère des Finances.

(1525)

Au cours des deux ou trois dernières années, nous avons découvert que bon nombre de ces grandes entreprises, qui ont contribué largement à la création d'emplois et à la recherche, ne génèrent plus le même genre de poussée économique. Ce sont maintenant les petites entreprises qui jouent ce rôle. Bien des députés ici à la Chambre ont dû se réorienter, retourner aux sources et prendre à nouveau conscience des des petites entreprises afin de comprendre leurs besoins.

Même si je parle souvent de l'accès au capital, il y a d'autres aspects de la question que le gouvernement devra aussi aborder. Il devra relever le défi et réduire la paperasserie, les tracasseries administratives. Combien de fois les députés entendent-ils dire que les propriétaires de petites entreprises passent plus de temps à remplir des formulaires du gouvernement qu'à gérer leurs affaires? Nous sommes devenus une nation de gratte-papiers. Nous devons donc réaliser que, tout en favorisant l'accès au capital, nous devons réduire le fardeau administratif, le nombre de formulaires à remplir.


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Le ministère de l'Industrie, le ministère du Revenu et le ministère des Consommateurs et des Sociétés ont travaillé avec acharnement au cours des derniers mois pour élaborer un formulaire unique. Ils essaient de revoir les différents formulaires destinés aux entreprises, pour les réunir en un formulaire unique, un système simplifié de rapport pour les entreprises sur différents aspects qui sont la responsabilité du gouvernement.

C'est aussi une autre chose que nous en sommes venus à accepter et à appuyer, du fait de notre campagne permanente sur l'accès aux capitaux. Ce que je veux dire, c'est que notre recherche de moyens pour faciliter l'accès aux capitaux nous a conduits à réaliser que la réduction de la paperasserie était quelque chose que nous devions également poursuivre de façon soutenue.

La dernière chose dont je voudrais parler en matière de politique touchant la petite entreprise, c'est de la réforme fiscale qu'elle nous réclame à cor et à cri. La petite entreprise prétend que le régime fiscal est trop complexe et inefficace. Beaucoup ajoutent qu'il n'est pas juste.

En tant que gouvernement, nous sommes résolus à agir. Notre livre rouge disait clairement que la question de la TPS, que nous avons si vigoureusement combattue lorsque nous étions dans l'opposition, est une chose que le gouvernement doit résoudre pendant son mandat. Il est inconcevable pour n'importe quel député libéral de retourner en campagne, pour se faire réélire, si nous n'avons pas résolu la question de la TPS.

Dieu sait si, dans l'opposition, nous nous sommes battus contre la TPS, au point qu'il y a presque eu une émeute à l'autre endroit. Nous avons défié le gouvernement en raison de la complexité de la TPS, de toute la paperasserie nécessaire et de l'inefficacité de cette taxe. Nous travaillons à une réforme fiscale globale, mais c'est une question complexe que de démanteler toute une structure mise sur pied par le gouvernement précédent. Ce n'est pas, comme le dirait le premier ministre, une question de dire: «Pouf, c'est fait». Il faut que ce soit fait de façon responsable, d'une façon qui ne crée pas un problème plus grand que celui que nous avons déjà.

(1530)

Toutefois, nous pensons qu'il est essentiel de régler la question de la réforme fiscale si nous voulons répondre aux besoins des petites entreprises et faire en sorte qu'elles fonctionnent dans un environnement qui leur permette de maximiser leur potentiel. Par conséquent, le projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, est un autre exemple de ce que le gouvernement cherche à améliorer en travaillant avec les petites entreprises, les institutions financières et également les marchés financiers et les agents de change qui ont un très grand contrôle sur nos taux d'intérêt et le cours de notre dollar.

Il est une question dont j'aimerais que nous puissions débattre au Parlement. Parmi les nombreux défis qu'il nous faut affronter à la Chambre, que cela ait trait à l'industrie, aux programmes sociaux ou bien encore à la responsabilité financière, au déficit et à la dette, sans oublier les compressions, il en est encore un que la Chambre des communes n'a pas encore relevé et c'est celui de nos rapports avec les cambistes qui, pour l'essentiel, dirigent la plupart des banques centrales du monde. Les cambistes, qui ne rendent de comptes à personne, qui n'ont pas été élus, gèrent littéralement un billion de dollars par jour, en grattant le papier et en se livrant à toutes sortes de manoeuvres. Je les ai qualifiés tout à l'heure de casinos privés au sein des établissements financiers du monde. Ces hommes et ces femmes qui font circuler cet argent sans avoir à en rendre compte influent sur nos taux d'intérêt qui, à leur tour, influent sur les investissements et la création d'emplois.

J'ignore comment on peut encore se dire un pays souverain quand on songe que, pour l'essentiel, le contrôle de notre monnaie nous échappe. Nous avons été élus pour siéger ici, mais tous les jours nous nous inclinons devant les cambistes pour savoir comment le dollar va se comporter, ce que seront les taux d'intérêt.

Est-ce que les hommes et les femmes qui siègent dans cette salle ont quelque chose à voir avec ce qui se passe chez ces cambistes? Non. Ce sont les cambistes qui dictent notre programme. Quel que soit le degré de responsabilité financière dont le gouvernement fasse preuve à la Chambre, ils pourraient dire que c'est insuffisant. Puis, soudain, ils provoqueront de nouvelles restrictions de crédit, feront chuter le dollar ou monter en flèche les taux d'intérêt.

J'aimerais que nous tenions un jour à la Chambre un débat sur la façon dont les cambistes du monde entier gèrent leurs affaires et sur la responsabilité qui est la leur, un peu comme le défi que nous avons relevé il y a deux ans quand nous avons exprimé le désir de voir ce qui se passait au sein des établissements financiers de notre pays et de nous pencher sur la façon dont ils traitaient les gens d'affaires. Au départ, ces établissements financiers n'étaient pas réceptifs à nos échanges, à nos vues et à nos tentatives pour faire en sorte que leur attitude, leur culture soient plus favorables à l'entreprise. Cependant, parce que nous avons travaillé ensemble, je crois que nous avons maintenant une relation constructive avec les banques. Je pense que ces banques commencent à apprécier la croissance et les améliorations qu'on constate dans leurs relations avec les petites entreprises.

Je tiens à dire à la Chambre qu'un défi encore plus grand serait de trouver la façon de s'attaquer aux cambistes du monde pour pouvoir de nouveau contrôler notre programme économique.

En terminant, je voudrais remercier une fois de plus mes vis-à-vis, les réformistes et les bloquistes, de collaborer avec nous au sujet de ces modifications pour que nous puissions, je l'espère, les adopter à la Chambre avant la fin de la semaine.

C'est probablement la dernière fois que j'interviens avant le référendum de lundi. Je voudrais lancer un appel aux chefs de petite entreprise qui nous regardent ou participent à ce débat et leur demander de penser à ce qu'ils peuvent faire d'ici lundi pour assurer la victoire des défenseurs du Canada.

(1535)

Je crois, pour ma part, que l'une des choses que les chefs de petite entreprise peuvent faire, parce que leur emploi du temps est plus souple, c'est peut-être de trouver un petit peu de temps pour monter à bord de leur fourgonnette, leur automobile ou leur camion et


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amener leur famille visiter la belle province qu'est le Québec, cette fin de semaine.

Lorsque j'étais un chef de petite entreprise, j'ai conclu beaucoup d'affaires au Québec et je n'ai jamais eu de mal à travailler dans cette belle province. Une des façons de nous assurer que le Québec vote pour le Canada lundi serait de veiller à ce qu'une majorité de Québécois, surtout dans les régions périphériques, se sentent à l'aise avec ceux d'entre nous qui vivons à l'extérieur du Québec.

Je sais que la situation est précaire à l'heure actuelle. La situation est tendue. Cependant, je pense que l'un des grands avantages que nous avons au Canada, c'est que les gens de différentes régions puissent se parler, ils n'ont pas à se limiter à des annonces télévisées. Je respecte des manifestations de ce genre, mais la meilleure façon de créer un sentiment d'appartenance, c'est de faire en sorte que les gens puissent se rencontrer et avoir une relation constructive et chaleureuse.

Je ne pense pas qu'il soit trop tard pour renverser la tendance que nous constatons dans les journaux à l'heure actuelle. Si vous êtes de l'Ontario et prévoyez peut-être, cette fin de semaine, aller à votre chalet, dans le Nord, ou à Buffalo ou Niagara Falls, vous pourriez songer à aller plutôt dans les régions périphériques du Québec. Si nous parlons ensemble de tous les actifs que nous avons à titre de nation, nous finirons par rester unis.

Je vous remercie beaucoup, monsieur le Président, de m'avoir donné l'occasion de parler de ce projet de loi. Je prie Dieu que la semaine prochaine, le Canada soit encore un pays uni.

[Français]

M. André Caron (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que j'interviens au nom de mon parti sur le projet de loi C-99. C'est une loi visant à modifier la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Le secrétaire parlementaire a très bien exposé le fait que les petites entreprises ont une place primordiale dans l'économie canadienne et il va de soi, dans celle du Québec. Que ce soit le gouvernement du Canada ou le gouvernement du Québec, il y a quand même eu des programmes qui ont été mis sur pied pour la soutenir, parce qu'on sait qu'un des problèmes que rencontrent les gens qui veulent lancer une petite entreprise, c'est le problème du financement.

Souvent ce sont des gens pleins de bonne volonté, des gens qui ont des idées intéressantes, et si les gouvernements ne voient pas, d'une certaine façon, à les soutenir, à ce moment-là, l'idée reste souvent en germe et il n'y a pas d'entreprise qui se développe. Que ce soit au niveau du gouvernement du Québec ou de celui du Canada, il y a des mesures qui ont été prises pour que les entrepreneurs reçoivent de l'aide.

Bien sûr, il y a des fonds privés, des fonds de placement, des fonds d'investissement dans différentes provinces, notamment au Québec où il y a le Fonds de solidarité de la FTQ qui a une influence dans ces domaines-là, mais il reste quand même que quand on regarde les sommes qui sont investies, le secrétaire parlementaire parlait actuellement au Canada, en ce qui concerne ce programme, d'un montant de près de huit milliards de dollars. On voit toute l'importance du programme en question.

(1540)

On voit aussi son importance quand on se rend compte de la popularité que ce programme a auprès des entrepreneurs. Il est courant de voir dans nos bureaux de comté des gens qui ont de bonnes idées, qui décident de venir auprès de leur député prendre des informations sur les programmes qu'il serait possible d'utiliser en vue de les aider à lancer leur entreprise.

Il existe au Canada la Loi sur les prêts aux petites entreprises qui a été mise sur pied il y a plusieurs années. Cette loi a permis de prêter, a permis de lancer des entreprises. Le projet de loi à l'étude aujourd'hui vient apporter certains amendements.

Essentiellement, le projet de loi original vise à fournir une garantie auprès des banques pour les entrepreneurs qui veulent lancer une entreprise. Cette garantie peut être à hauteur de 85 ou 90 p. 100; selon les années les chiffres ont varié.

Ce qu'il en coûte au gouvernement canadien, c'est ce qu'il en coûte à quelqu'un qui veut garantir des prêts. Si la personne ne réussit pas comme elle pensait dans son entreprise, si la personne fait faillite, à ce moment-là le gouvernement du Canada se voit obligé d'éponger la perte auprès des banques. En 1992, la perte a été de 44 millions de dollars. Comme les plafonds ont été modifiés par la loi de 1993, car certaines dispositions ont été modifiées, on prévoit qu'en 1995-1996 la perte que le gouvernement du Canada pourrait encourir serait de 100 millions de dollars.

Dans la situation actuelle des finances du gouvernement canadien, on comprend que le ministre s'est inquiété et que les discussions qui ont porté sur les petites entreprises au Comité permanent de l'industrie ont dû tenir compte de cette dimension.

C'est pour cela qu'on a devant nous aujourd'hui un projet de loi. Ce projet de loi vise à baisser dans une certaine mesure le plafond des garanties que le gouvernement fédéral pourrait donner. Cette garantie passerait de 90 à 85 p. 100 des prêts consentis. Il est sûr qu'à ce moment-là, en baissant le plafond, le gouvernement du Canada verrait ses responsabilités diminuer en ce qui concerne les montants à verser en cas de faillite.

Par ailleurs, il y a quand même un corollaire à tout cela, c'est que si la garantie est moins forte, ceux dont les projets sont plus risqués, ceux peut-être dont les projets sont plus innovateurs auront plus de difficulté à obtenir des garanties. Cela se comprend un peu, les banques ne voulant pas perdre, à ce moment-là on va se retrouver peut-être dans une situation où des projets seront refusés.

Par ailleurs, le taux de 85 p. 100 était celui qui était fixé avant la réforme de 1993, avant les amendements de 1993. On peut quand même comprendre qu'il y a matière pour le gouvernement à économiser de l'argent. On espère qu'il n'y a pas des entrepreneurs avec des idées brillantes et intelligentes qui se verront refuser des garanties de prêt compte tenu de cette disposition.

Il y a un aspect important aussi qui nous inquiète beaucoup au Bloc québécois, en ce qui concerne cette disposition, c'est qu'on dit dans l'amendement: ce plafond-là pourrait baisser encore plus si le


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gouvernement décide, par règlement, de baisser. Comme un de mes collègues me le disait tout à l'heure, maintenant c'est 85 p. 100, ça peut descendre à 60, ça peut descendre à 50, on ne sait pas trop.

Ce qui est inquiétant dans tout cela, c'est que le gouvernement, dans le projet de loi qui est devant nous, se donne une possibilité de décider du plafond, par règlement. On sait que le gouvernement, par règlement, est condamnable, je pense que c'est la Chambre des communes qui doit prendre des mesures pour voir à ce que des lois soient adoptées, des lois bonnes pour le pays. Je pense qu'en donnant, dans la loi, possibilité au gouvernement de décider de choses aussi importantes par règlement, on ouvre une porte qui peut être dommageable pour les entrepreneurs du pays.

(1545)

Maintenant, une autre disposition du projet de loi nous cause aussi certaines inquiétudes. Dans le fond, l'amendement au projet de loi est pour faire en sorte que les sommes qui étaient payées par le ministre des Finances, en cas de faillite, soient absorbées d'une autre façon, c'est-à-dire que les 100 millions qui sont prévus cette année, le ministre des Finances ne veut pas le revoir l'an prochain. Donc, une autre façon pour le gouvernement de voir à ce que les pertes soient diminuées et même annulées, c'est que le programme s'autofinance.

Mon collègue, le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, l'a bien dit: Comment allons-nous faire pour recouvrer les coûts? Des mesures administratives seront prises. Il y aura des droits annuels d'administration qui seront demandés. Il y aura aussi des droits qui seront demandés sur le traitement des réclamations.

On dit, dans le projet de loi, que ces mesures, ces droits administratifs ne devraient pas être payés par les entrepreneurs directement. On dit bien qu'ils pourraient être payés par les entrepreneurs de façon détournée, c'est-à-dire que les taux d'intérêt qui sont demandés sur les prêts consentis pourraient être augmentés pour couvrir les droits administratifs que les banques auraient à défrayer.

C'est faire un peu par la bande ou un peu hypocritement ce qu'on ne peut pas faire directement.

Je veux bien croire que les finances du gouvernement sont importantes, mais il reste quand même que l'efficacité du programme va être diminuée par cette mesure. Elle va être diminuée, parce que les banques ne feront pas de cadeau aux entrepreneurs. Les banques, par définition, veulent être rentables et demandent les taux d'intérêt les plus élevés possible, compte tenu des lois du marché.

Il reste que les entrepreneurs vont avoir des coûts plus élevés à défrayer pour rencontrer les exigences du programme. C'est une mesure qui inquiète beaucoup les gens du Bloc québécois.

Il y a des choses dans le projet de loi qu'on aurait sûrement aimé voir et qu'on ne voit pas. Le secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie a bien dit que les mesures qui sont proposées dans le projet de loi ont été discutées au Comité permanent de l'industrie et on les retrouve dans le rapport qui a été déposé en octobre 1994, qui s'intitulait: Pour financer le succès de la PME: Rapport du Comité permanent de l'industrie.

Même si le Bloc avait participé beaucoup à l'élaboration de ce rapport et avait fait siennes une grande partie des recommandations, il avait fait un certain nombre de remarques, sous forme de recommandations, d'amendements ou de notes visant à améliorer, à notre sens, les propositions pour que la Loi sur les prêts aux petites entreprises soit plus efficace. L'une de ces propositions est la suivante, et je cite: «La Loi sur les prêts aux petites entreprises devrait offrir des garanties de prêt au financement de fonds de roulement des PME. Pour implanter cette mesure, le gouvernement devrait procéder à une analyse avantage-coût d'un tel programme et suivre une approche fiscale responsable.»

On sait que la garantie de prêt qui est donnée vise à aider les entreprises à défrayer les dépenses qui sont relatives à des aspects bien précis comme les bâtisses, le matériel, mais que le fonds de roulement de l'entreprise est exclu. Le problème est que dans des situations de récession, dans des situations de crise, et compte tenu aussi de certaines modifications à la Loi sur les faillites, il y a beaucoup de petites entreprises qui ont besoin, pendant une certaine période de temps, de financer leur fonds de roulement et elles ne peuvent pas se prévaloir des dispositions de la présente loi pour obtenir du financement ou une garantie de financement.

(1550)

Pour mieux aider nos petites entreprises, le Bloc québécois croit qu'il aurait été important d'avoir un amendement stipulant que le fonds de roulement des entreprises pourrait faire partie de la liste des choses financées par un prêt garanti par le gouvernement sous l'égide de la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Il y a quand même un certain nombre de choses qu'on trouve inquiétantes dans le projet de loi. J'ai mentionné le plafond qui baisse, ce qui fait que moins d'entreprises vont avoir accès, ou que les entreprises qui vont avoir accès auront peut-être plus d'exigences à rencontrer. Deuxièmement, il y a la question des frais administratifs qui, par la bande, seront défrayés par les entreprises, nous le croyons, par une hausse des intérêts qu'elles auront à payer. Et troisièmement, il y a des aspects qui ne sont pas couverts par la loi, comme celui du financement des fonds de roulement.

Alors, c'est pour cela que le Bloc québécois, en comité parlementaire, discutera du projet de loi et fera des amendements qui iront probablement dans le sens des remarques que je viens de faire.

Maintenant, j'aurais quand même quelques remarques à faire en terminant. Je vexerai peut-être certains députés du gouvernement qui penseront que je ne suis pas dans le sujet ainsi que d'autres qui diront: «On nous revient encore avec la question des chevauchements. C'est encore la chanson souverainiste ou séparatiste que les députés du Bloc entonnent.» Mais je vous ferai remarquer, comme je l'ai fait en introduction, qu'au Québec, il y a quand même plusieurs programmes qui ont à peu près les mêmes objectifs. Je pense au plan Paillé, du nom du ministre de l'Industrie actuellement, qui vise aussi à donner des garanties d'emprunt. Je pense à ce que fait la Société de développement industriel du Québec. En tout cas, j'ai remarqué, de par mon expérience de député, que beaucoup de citoyens qui veulent lancer des entreprises se voient, d'une certaine façon, invités à aller voir du côté du provincial et du côté du fédéral. Et on remarque un certain flottement. Souvent, il y a carrément de la concurrence.


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Qui est responsable de cette concurrence ou de ces chevauchements? Je ne veux pas embarquer dans tout cela, mais je remarque simplement qu'il y a des chevauchements nuisibles. Ils sont d'abord nuisibles aux entrepreneurs qui, souvent, ne savent pas sur quel pied danser. Et quand les gouvernements sont d'allégeance différente au provincial et au fédéral, il y a souvent des gens qui s'imaginent que s'ils s'adressent à un gouvernement plutôt qu'à l'autre, l'autre gouvernement sera vexé, ce qui leur créera des difficultés. Je n'ai jamais remarqué cela depuis que je suis député, mais il reste quand même qu'il y a des gens qui croient qu'ils peuvent jouer un gouvernement l'un contre l'autre ou des gens qui croient qu'il peut y avoir des difficultés à s'adresser à un palier de gouvernement quand l'autre gouvernement a fait également l'objet de demandes ou de représentations.

Alors, je pense qu'il serait important qu'à l'occasion de mesures comme celles proposées devant la Chambre, on constate-je ne dis pas qu'on dénonce, mais au moins qu'on constate-qu'il y a des chevauchements qui, d'une certaine façon, peuvent être nuisibles pour les entrepreneurs et pour le budget de l'État.

Ce sont les mêmes contribuables, que ce soit au Québec ou au Canada, qui contribuent par leurs impôts au financement de ces programmes. Et j'ai bien l'impression qu'un certain nombre de citoyens profitent de ce genre de concurrence pour essayer d'obtenir le meilleur des deux programmes. À long terme, j'ai l'impression que les gouvernements se mettent dans des situations où leurs dépenses, en vertu de ces programmes, augmenteront parce qu'il y a eu concurrence, parce qu'il y a chevauchement, parce qu'il y a des citoyens qui tentent de profiter des oppositions ou même de la concurrence que les gouvernements se font.

À l'occasion de l'étude d'un projet de loi comme celui-ci, il est important de souligner les problèmes de chevauchements créés par de tels programmes.

Pour terminer, je voudrais quand même faire une remarque. On entend actuellement dans les milieux d'affaires du Québec et du Canada, au gouvernement et même au Parti libéral qui ne suivait pas ces politiques dans le passé, de plus en plus un discours disant que l'État doit se désengager, que les citoyens qui se lancent en affaires doivent prendre leurs responsabilités.

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On plaide en faveur du rétablissement des lois de la libre concurrence. On plaide pour la mondialisation, on plaide pour l'État réduit au minimum. On voit souvent le ministre des Finances mettre de l'avant des idées comme celles-là.

Quand vient le temps de faire des coupures, dans le domaine des programmes sociaux, dans le domaine de l'éducation, dans le domaine de l'assurance-chômage, on dit: «L'État dépense trop, cela coûte trop cher, l'État doit de moins en moins intervenir dans l'économie.» Par contre, quand on arrive avec des projets de loi comme celui-là, on se rend compte que dans le fond, l'État garantit des prêts au Canada de huit milliards de dollars cette année, et je pense qu'on pourrait aller, selon les dispositions de la loi, jusqu'à 12 milliards de dollars. On se rend compte aussi que le discours néo-libéral des gouvernements, celui du gouvernement libéral pour la circonstance-mais du temps des conservateurs, c'était la même chose, je ne vois pas beaucoup de différence, en pratique, dans les politiques du gouvernement conservateur précédent et du gouvernement libéral-on se rend compte que ces gouvernements-là ont un discours néo-libéral, un discours où on prône le désengagement de l'État. Mais quand on arrive dans des cas pratiques, selon les théories qu'ils exposent, la présence de l'État pourrait être questionnée, et à ce moment-là, on s'aperçoit qu'ils continuent le même type d'intervention.

Ce n'est pas que je condamne ce type d'intervention, car le Bloc québécois est pour une saine présence de l'État dans les affaires économiques, mais je suis obligé de me rendre compte, en examinant le projet, ce qui l'entoure et ce que la Loi sur les prêts aux petites entreprises a fait dans le passé, même si cette loi-là a été très efficace et très appréciée des entrepreneurs, je me rends compte que le gouvernement dit qu'il faut couper, qu'il faut que l'État se désengage, mais dans de telles situations, on se rend compte que l'État ne se désengage pas et bien plus, qu'il le fait de plus en plus.

Il y a quelques années, c'était deux à trois millions de dollars par année de garantie de prêts; cette année, ce sera huit milliards de dollars, et peut-être qu'avec les dispositions qui sont là, l'an prochain, ce sera encore plus. Il y a une grande interrogation. L'État s'organise pour que cela ne lui coûte rien au niveau du budget. On peut dire que c'est tant mieux. Ce sont les banques et les entrepreneurs qui vont payer, mais dans le fond, l'État donne des garanties, veut s'organiser pour que cela ne lui coûte rien. Ce sont les entreprises qui, par le biais du taux de prêt, paient, dans le fond.

On se demande alors à quoi ces programmes-là peuvent servir jusqu'à un certain point. D'ailleurs, je regardais, ce matin, le rapport déposé par le Comité de l'industrie qui traitait du financement du succès de la PME. Des experts sont venus témoigner devant le Comité et ils disaient que ce n'est pas tout à fait sûr que les entreprises qui ont démarré avec ces projets-là n'auraient pas démarré quand même.

J'ai bien entendu, j'ai bien écouté le discours, tout à l'heure, du secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie. On a parlé de bien des choses, mais j'aurais peut-être aimé qu'il tente de nous donner, de façon plus précise, le rationnel qui sous-tend cette loi. Est-ce que c'est efficace? Est-ce que c'est vrai qu'environ les trois quarts ou la moitié des entreprises qui ont démarré à cause de ce projet de loi-là auraient démarré quand même? À quoi sert un programme qui garantit des prêts, mais qui, dans le fond, ne coûte rien à l'État? On peut dire que c'est très bien que cela ne coûte rien à l'État, mais d'un autre côté, si cela ne coûte rien à l'État et si l'influence est neutre, que vient faire l'État dans un programme comme celui-là?

Qu'on s'entende bien, comme représentant du Bloc québécois, je questionne le projet de loi. Au niveau du Comité, nous allons poser


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des questions, nous allons faire des propositions d'amendement, mais je suis très déçu de voir un projet de loi comme celui-là, présenté par un gouvernement qui veut faire des coupures partout et qui n'en fait pas dans ces domaines-là, où, si on regarde son idéologie, il devrait probablement en faire.

Je suis très déçu de voir un gouvernement qui nous présente un projet de loi relatif à des questions, dont il s'est fait dire en comité que les mesures étaient inefficaces et que dans sa présentation, le secrétaire parlementaire est incapable de nous prouver que les mesures sont efficaces.

(1600)

On se demande de quelle façon on est gouvernés. Dans le fond, on reconduit une loi, on change des plafonds, on réaménage des choses. Je pense qu'une loi comme celle-là est efficace, que l'État a sa place dans l'économie, mais j'aurais aimé que les gens qui administrent, qui prétendent administrer les milliards de dollars des citoyens du Canada soient plus rigoureux, soient plus crédibles quand ils nous présentent de tels projets de loi.

Nous voterons probablement contre le projet de loi, compte tenu du nombre de remarques que j'ai faites, mais encore une fois, en terminant, je doute un peu du sérieux d'un gouvernement qui vient encore, dans le fond, prolonger, réaménager une loi, et qui est incapable de nous prouver que cette loi est efficace, que cette loi procure aux entrepreneurs et à l'économie canadienne les fruits qu'elle devrait procurer.

Je conclus sur ces remarques peut-être un peu désabusées face à un gouvernement que je croyais être plus rigoureux dans sa façon d'administrer les choses de l'État. Après deux ans de présence comme député à la Chambre des communes, on se rend compte de plus en plus qu'il y aurait des changements importants à faire au Canada, à commencer par réaménager sinon la fédération canadienne, au moins le gouvernement qui prétend actuellement la gouverner.

[Traduction]

M. Werner Schmidt (Okanagan-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole pour participer au débat sur le projet de loi C-99, qui modifie certains articles de la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Je désire rendre un hommage particulier au secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie pour ses observations fort aimables et pour sa description du comité de l'industrie, qui a rédigé le rapport «Pour financer le succès de la PME», déposé il y a un an, et dont certaines recommandations sont comprises et reconnues dans le projet de loi.

Je voudrais reprendre quelques-uns de ses propos au sujet de l'importance des petites entreprises dans l'économie du Canada. Il n'est un secret pour aucun député ou pour aucune personne qui suit l'économie du Canada qu'environ 80 p. 100 à 85 p. 100 des nouveaux emplois au Canada sont créés par de petites entreprises. C'est précisément sur ce secteur de notre économie que porte la Loi sur les prêts aux petites entreprises. À mon avis, les modifications proposées ne sont pas suffisantes, ne vont pas assez loin et certaines vont pratiquement à l'encontre du but recherché.

Nous devons reconnaître que, dans la nouvelle économie qui se fait jour, l'important pour une entreprise est de pouvoir appliquer les connaissances de façon à offrir de nouveaux services et de nouveaux produits et, surtout, de pouvoir appliquer la nouvelle technologie et les toutes dernières découvertes de la science. Il est bien évident que, avec la mondialisation de l'économie et la concurrence internationale, la science et la technologie deviendront un facteur déterminant dans cet environnement concurrentiel.

Le développement des compétences requises pour transférer les connaissances et les appliquer aux nouveaux produits ou aux nouvelles façons de procéder nécessitera une main-d'oeuvre très qualifiée. Cela ne se fait pas tout seul. Il faut de bonnes écoles techniques et de bonnes universités, mais cela ne s'arrête pas là: le processus commence à l'école primaire, depuis la maternelle jusqu'à la 12e année. Nous devons modifier notre système d'éducation afin qu'il soit davantage axé sur les sciences et la technologie, en particulier sur les sciences, car nous devons reconnaître que ce sont les sciences qui vont faire la différence durant le siècle prochain.

(1605)

Nous savons aussi d'expérience que les petites entreprises sont les mieux placées pour appliquer ces nouvelles connaissances parce qu'elles ne sont pas handicapées par toute cette bureaucratie et tous ces règlements internes qui font obstacle aux nouvelles idées et à l'adaptation au changement. Nous devons reconnaître le rôle de chef de file que jouera la petite entreprise dans ce domaine.

Le concept de petite entreprise repose sur l'esprit d'entreprise. Malheureusement, dans le Canada d'aujourd'hui, nous avons ce qui s'appelle un esprit d'entreprise bureaucratique. Nous savons tous de quoi il s'agit. Cela signifie qu'un bureaucrate voit combien d'autres bureaucrates il pourrait superviser. Cela se traduirait par une augmentation de son salaire et de ses pouvoirs. L'esprit d'entreprise sert donc à développer des ministères de plus en plus grands. Nous avons des ambitions et des talents très développés dans ce domaine. Nous n'avons toutefois pas le même niveau d'expertise et d'enthousiasme pour le développement de l'esprit d'entreprise dans le domaine des affaires, ni pour l'application des connaissances à la production de nouveaux produits et à l'adaptation de nouveaux procédés de développement.

Nous devons encourager l'esprit d'entreprise depuis la maternelle jusqu'à la fin des études universitaires. C'est là l'objet de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Nous devons également reconnaître que cette loi n'est pas nouvelle. Elle remonte à 1961 et a été modifiée plusieurs fois. Elle a été conçue à l'origine pour injecter un esprit d'innovation dans l'économie canadienne.

Je voudrais revenir sur ce que nous avons dit tout à l'heure, concernant la nécessité de promouvoir, entre autres, l'esprit d'en-


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trepreneur et la compétence. Or, nous devons reconnaître que c'est précisément l'objet du projet de loi dont nous sommes saisis. Prenons certaines de ses dispositions et demandons-nous si les modifications proposées faciliteront cet objectif ou s'y opposeront.

Nous savons tous que le principal obstacle à la croissance et à l'expansion des petites entreprises, et très souvent à leur lancement, réside dans l'accès aux capitaux. Les entreprises ont besoin de deux sortes de capitaux: d'une part, les capitaux propres, qui servent notamment à l'acquisition de machines et d'installations; d'autre part, les capitaux empruntés, qui sont aussi de deux ordres. D'une façon générale, il y a surtout les capitaux affectés à l'exploitation, qui permettent à l'entreprise de fonctionner d'une journée à l'autre. Depuis un an, nous découvrons que même si l'on répète partout que toutes sortes de capitaux sont disponibles, l'une après l'autre, les entreprises nous disent que l'accès à des capitaux représente leur pierre d'achoppement. Les entreprises n'ont pas accès aux capitaux dont elles ont besoin.

Je voudrais signaler aux députés certains éléments que nous avons relevés, quand nous avons étudié ce problème au comité de l'industrie.

Grâce aux modifications mises en oeuvre en 1992, les prêts offerts en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises ont augmenté considérablement. En 1993 et 1994, le nombre de ces prêts s'est élevé à 42 500 de 13 000 qu'il était en 1992. Le montant des prêts a totalisé près de 2,5 milliards de dollars et s'est situé en moyenne à 58 500 $ le prêt, alors que cette moyenne était de 37 000 $ auparavant.

Parmi les témoignages que nous avons entendus au comité, un aspect négatif a été mentionné. Une étude réalisée en 1988 a conclu que les deux tiers des prêts auraient été consentis même sans la garantie du gouvernement, qui était de 90 p. 100 à ce moment. Toutefois, depuis les révisions, M. Al Cotton, de la Banque Toronto-Dominion, a dit au comité que 75 p. 100 des prêts consentis aux petites entreprises par cette banque n'auraient pas été accordés s'il n'y avait pas eu de garantie. Peu de temps après cet exposé,M. Kluge, de la Banque Canadienne Impériale de Commerce, a déclaré que la plupart des prêts consentis en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises auraient été accordés même en l'absence du programme, mais que la garantie était importante dans le cas d'entreprises à risques élevés telles que les nouveaux restaurants.

(1610)

Nous nous sommes trouvés face à un dilemme. Nous avions entendu deux personnes représentant chacune une grande banque:l'une nous avait dit que les prêts n'auraient pas été consentis sans la garantie prévue dans la loi, tandis que l'autre avait déclaré que ces prêts auraient été accordés même sans cette garantie. La situation était on ne peut plus confuse. La loi a-t-elle véritablement produit les résultats escomptés?

M. Mitchell: Très certainement.

M. Schmidt: Le député dit que la loi a certainement donné les résultats souhaités. Le problème c'est qu'il est issu d'une des banques qui n'étaient pas représentées par les deux témoins en question; par conséquent, on peut comprendre qu'il soit d'accord.

Un autre problème, c'est que les frais d'administration du programme excèdent 2 p. 100. À l'heure actuelle, la Loi sur les prêts aux petites entreprises prévoit que les prêts sont assortis de frais d'administration de 2 p. 100. Ces frais sont intégrés au capital prêté et peuvent être amortis sur toute la durée du prêt. J'imagine que l'emprunteur peut aussi acquitter ces frais immédiatement, s'il le souhaite. Quoi qu'il en soit, ces frais de 2 p. 100 ne sont pas suffisants pour couvrir la perte ou les coûts d'administration du prêt.

Le troisième point a trait aux prêts institutionnels en vertu de cette disposition. Il y a lieu de penser que le niveau des prêts est plutôt élevé entre les institutions financières et les divers prêteurs. Je ferai allusion à l'étude Haines-Riding un peu plus loin dans mon exposé, lorsque je traiterai plus en détail de cette question.

Pour l'instant, je veux en venir aux dispositions du projet de loi à l'étude aujourd'hui. La première est la réduction, de 90 p. 100 à85 p. 100, de la responsabilité du gouvernement. Dorénavant les garanties d'emprunt ne peuvent dépasser 85 p. 100 du montant du prêt. C'est là l'une des nouvelles dispositions.

La deuxième disposition sur laquelle nous devrions nous pencher très attentivement prévoit que le pouvoir de changer le taux de la garantie accordée par le gouvernement passera du Parlement au Cabinet. Cela signifie que, dorénavant, la responsabilité qui incombera au gouvernement et, par voie de conséquence, à tous les contribuables canadiens, sera déterminée non pas par les représentants de ces derniers, mais bien par le Cabinet. À mon avis, c'est là une abrogation de la responsabilité démocratique. Je m'oppose vivement à ce changement. En fait, je dis dès maintenant que nous, membres du Parti réformiste, n'appuierons pas ce projet de loi pour cette seule raison. En effet, à moins qu'un amendement ne soit adopté pour supprimer cette disposition et ce transfert de pouvoir du Parlement au Cabinet, nous allons nous opposer au projet de loi, même si tout le reste de son contenu nous semblerait acceptable. Ce n'est pas le cas, mais cette seule disposition nous contraint à nous opposer au projet de loi dans sa totalité.

Pourquoi ai-je une opinion aussi tranchée à ce sujet? Nous vivons dans un pays démocratique, fondé sur les principes de la démocratie. Cela signifie que les députés qui ont été élus à la Chambre pour représenter les Canadiens l'ont été pour s'occuper des intérêts supérieurs de leurs électeurs. Cela veut dire que nous devrions les représenter aussi honnêtement que possible, et de façon juste et équitable. C'est pour cela que j'ai été élu.

Ce genre de modification prive les parlementaires du droit de représenter leurs électeurs sur le parquet de la Chambre. C'est mal. C'est mal en principe. Le temps est venu pour nous de nous opposer très fermement à ce genre de modification.


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Comme nous le savons tous, en vertu de la plate-forme électorale, de la philosophie et des principes du Parti réformiste du Canada, nous luttons précisément pour le pouvoir de représenter nos électeurs et nous voulons plus de votes libres à la Chambre. Nous avons eu quelques cas de votes libres à la Chambre, et il faut en féliciter le gouvernement. Il faut cependant le réprimander sévèrement pour ces cas où ses députés ont exercé leur liberté de vote et ont été punis pour l'avoir fait. C'est une faute, une tache au dossier du gouvernement actuel au chapitre des principes démocratiques et de l'application du processus démocratique de prise de décision.

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Nous parlons aussi de référendum. Il y a des cas où tous les Canadiens devraient exercer leur droit directement et sans intermédiaire, non seulement au moment de déposer leur bulletin en faveur d'un candidat en particulier, mais aussi à propos d'importantes questions sociale, éthiques ou morales sur lesquelles ils ont des convictions très profondes et sur lesquelles la majorité devrait trancher au Canada.

Une de ces questions dont on parle beaucoup est celle de la peine de mort. Passant à un autre sujet, il y a l'autre endroit, le Sénat du Canada, que nous estimons également de notre devoir de démocratiser. Ceux qui siègent à l'autre Chambre pour faire un deuxième examen objectif devraient être élus eux aussi et représenter équitablement et fidèlement les diverses régions du Canada, de manière qu'il puisse y avoir une juste représentation non seulement des personnes, mais aussi des diverses régions du pays.

Par conséquent, dans le contexte d'une réorientation en profondeur, nous nous opposons à la disposition du projet de loi qui ferait passer le pouvoir de la Chambre des communes, du Parlement national, au Cabinet.

J'attire l'attention sur une autre disposition. Il s'agit de l'obligation pour le prêteur de payer des droits annuels d'administration de 1,25 p. 100 sur le solde impayé. Les modalités d'application de ces droits sont très intéressantes. Ils doivent être payés par le prêteur, et celui-ci ne peut pas recouvrer ces coûts de 1,25 p. 100 sinon par une augmentation des taux d'intérêts.

Ce que fait la loi est intéressant. La limite antérieure du taux d'intérêt était de 1,75 p. 100 au-dessus du taux de base. La modification proposée ici dit que la nouvelle limite est de 3 p. 100 au-dessus du taux de base. Pas besoin d'être très fort en arithmétique pour constater que 1,75 plus 1,25 font 3. Cela veut très clairement dire que la banque ou tout autre établissement peut porter ses taux d'intérêt à 3 points au-dessus du taux de base et ainsi récupérer ses droits de 1,25 p. 100. Voilà de quoi il retourne.

Une autre disposition prévoit des droits pour le traitement des demandes d'indemnisation. Quand nous demandons aux divers fonctionnaires du ministère de combien seront ces droits, dans quelles conditions ils s'appliqueront, s'ils seront uniformes pour tous les prêts, si cela va faire une différence quelconque, ils répondent que, en fait, ils ne le savent pas vraiment parce qu'ils n'ont pas encore décidé s'ils exigeront ces droits.

Dans ce cas, pourquoi avoir ajouté cette disposition au projet de loi? Nous pourrions vouloir récupérer certains coûts liés aux demandes d'indemnisation. Tout cela est fort intéressant, mais nous pousse à nous demander à quelles sortes de conditions un établissement de crédit doit se plier pour éviter qu'on lui réclame des droits pour le traitement d'une demande d'indemnisation.

Absolument rien dans le projet de loi ne précise les paramètres, les lignes directrices ou les critères régissant l'application des droits. Ce genre de mesure législative non limitative est dangereuse, parce que personne ne sait à combien s'établiront les droits, à quelles conditions il faut se plier et dans quelles circonstances les droits seront prélevés.

Je voudrais maintenant passer à une autre modification, qui m'a absolument étonné lorsque je l'ai lue. À la séance d'information, cela semblait moins évident, mais lorsque j'ai consulté le texte de la modification, je l'ai découvert sous un tout autre angle. Je veux vous lire texteullement la disposition en question: À l'alinéa 4(1)e.1), le ministre peut prévoir «les conditions auxquelles le prêteur peut donner quittance de toute sûreté-y compris une sûreté personnelle-exigée pour le remboursement du prêt».

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On nous a bien précisé que cette disposition portait sur les sûretés et on a d'ailleurs utilisé l'expression «sûreté personnelle». Je peux comprendre que le propriétaire d'une petite entreprise ouverte depuis peu qui est quelque peu désespéré puisse offrir une sûreté personnelle. Il dira: «Voici ma maison et mes biens personnels. J'offre une sûreté personnelle pour cette partie du prêt.» Après le remboursement du prêt, le prêteur donnera quittance de cette sûreté personnelle.

Cela ne tient compte que d'une petite partie du prêt. On prévoit la quittance de toute sûreté, ce qui comprend n'importe quoi. Il peut s'agir d'un immeuble, d'une pièce d'équipement, d'un terrain, de bien des choses. Si le prêt s'élève à 250 000 $ et que la moitié est remboursée, il reste une créance de 125 000 dollars. Si le prêteur peut alors donner quittance de la sûreté, quelle sûreté reste-t-il pour le reste du prêt? Je vois qu'il est entendu qu'on passe à la sûreté personnelle, car l'immeuble vaut probablement les 125 000 $, mais si le prêteur ne peut pas obtenir cela non plus comme la loi le lui permet, je me demande quelle protection il reste alors au gouvernement fédéral, qui est obligé de garantir 85 p. 100 de ce prêt.

Voilà pour un examen des dispositions particulières. J'estime qu'il y a des problèmes particuliers dont nous devrions être conscients. J'ai fait allusion tout à l'heure à l'étude Haines-Riding de l'Université Carleton, à Ottawa. Elle comporte des observations très intéressantes. Je crois qu'il faut retourner un peu en arrière. Jusqu'à maintenant, la Loi sur les prêts aux petites entreprises prévoyait un maximum de deux millions de dollars de ventes; autrement dit, une entreprise ayant un chiffre d'affaires supérieur à deux millions de dollars n'avait pas droit à un prêt visé par la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Dans ce projet de loi, le maximum permis est porté à cinq millions de dollars.


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L'étude Haines-Riding montre très clairement que les entreprises ayant un chiffre d'affaires d'au plus deux millions de dollars arrivent beaucoup mieux à rembourser leurs emprunts que celles dont le chiffre d'affaires se situe entre deux et cinq millions de dollars. En fait, ces dernières n'arrivent pas à rembourser leurs emprunts 14,7 p. 100 plus souvent. C'est assez considérable.

Il faut allier cela à une hausse du montant des emprunts qui sont en souffrance. Jusqu'à maintenant, conformément à la Loi sur les prêts aux petites entreprises, on pouvait emprunter au plus 150 000 $. Ce plafond est maintenant porté à 250 000 $, ce qui signifie que, si l'on hausse le chiffre d'affaires maximal et le montant maximal de l'emprunt, le taux de pertes va être proportionnellement plus élevé. Or, s'il en coûte 100 millions de dollars par année, à l'heure actuelle, pour offrir ce programme, qu'est-ce que ce sera avec les nouvelles dispositions? La réponse me semble absolument évidente: il en coûtera beaucoup plus pour le faire.

Cela nous place dans une situation très difficile. D'abord, la loi est censé encourager la création et l'expansion d'entreprises. Et elle le fera dans bien des cas. Elle devrait évidemment générer davantage de recettes fiscales et d'autres choses du genre qui sont de nature à stimuler l'économie canadienne et partant, à aplanir les difficultés.

Le prêt maximal autorisé conformément à la Loi sur les prêts aux petites entreprises passe de quatre à 12 millions de dollars, c'est-à-dire qu'il triple. S'il en coûte maintenant 100 millions de dollars pour offrir un programme prévoyant un prêt maximal de quatre millions de dollars, combien en coûtera-t-il pour offrir un programme prévoyant un prêt maximal de 12 millions de dollars? Toutes choses étant proportionnelles, le coût va tripler aussi. Nous ne pouvons pas nous permettre cela.

La dette nationale est à l'heure actuelle de quelque 560 milliards de dollars et elle augmente à raison de 1 000 $ la seconde. Nous payons de 45 à 60 milliards de dollars d'intérêt là-dessus et cela, en grande partie en devises étrangères. Compte tenu de la valeur actuelle du dollar canadien, a-t-on une idée de ce que cela fera à nos programmes sociaux? Voilà pourquoi nous éprouvons des difficultés avec notre système de soins de santé. Voilà pourquoi nous avons des problèmes avec les paiements de transfert. Voilà pourquoi nous avons du mal à verser les prestations d'assistance sociale. Voilà ce qui rend discutable pareil projet de loi.

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Pourtant, les gens se sont fait dire au début que 80 à 85 p. 100 des nouveaux emplois étaient créés par les petites entreprises. C'est exact. Ne devrions-nous pas alors encourager les petites entreprises? En effet. Nos programmes gouvernementaux ne devraient-ils pas s'autofinancer le plus possible? Absolument. Le projet de loi à l'étude est censé faire tout cela.

Si c'est le cas, nous pouvons alors l'appuyer. Nous voulons néanmoins revenir sur ce que j'ai dit précédemment au sujet de cette démocratie. Cette question est au coeur du problème, et nous ne pouvons pas, nous n'osons pas la laisser entraver la mise en oeuvre de ce projet de loi.

Je veux aborder une dernière question, la concurrence. Je veux vous mentionner un point qui est ressorti très clairement de notre étude sur les petites entreprises. M. Doug Robbins, de la société Robbinex, nous a dit que les institutions financières ont de plus en plus recours à la Loi sur les prêts aux petites entreprises pour, écoutez bien cela, financer des biens, par exemple des automobiles et des camions, qui peuvent l'être sans garanties gouvernementales.

Des données que la Banque Scotia a fournies sur son portefeuille de prêts aux petites entreprises révèlent que les prêts en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises sont davantage concentrés dans le secteur des transports, dans une proportion pouvant aller jusqu'à 25 p. 100, alors que les prêts liés aux transports et aux communications représentent seulement 6 p. 100 de tous les prêts aux petites entreprises consentis par la banque. Les représentants de la Newport Credit et de la Canadian Leasing and Financing Association, qui se spécialisent dans le financement reposant sur l'actif, ont dit aux membres du comité qu'ils ont de la difficulté à soutenir la concurrence des prêteurs bénéficiant de garanties gouvernementales.

Depuis quand le gouvernement est-il devenu le grand et merveilleux arbitre chargé de désigner les gagnants et les perdants sur le marché? Le gouvernement n'a pas à intervenir dans ce domaine. Si une entreprise n'obtient pas de succès sur le marché, elle ne devrait pas exister. C'est l'élément que me préoccupe le plus dans ce projet de loi et ce genre d'orientation. Nous devons reconnaître qu'il n'y a pas de solutions simples et faciles à nos problèmes économiques.

Le comité a également entendu des points de vue contradictoires sur l'avenir de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Il a été proposé d'élargir l'application de la loi au fonds de roulement. Ni la Loi sur les prêts aux petites entreprises ni le projet de loi à l'étude ne le font. Il a également été proposé que l'application de la loi soit restreinte en ne visant que les entreprises en croissance rapide qui contribuent à la base de connaissances du pays et créent des emplois spécialisés dont nous avons déjà parlé.

Plus on augmente les prêts, plus on augmente la charge fiscale des contribuables. Nous en avons déjà parlé. Cette proposition de modification ne va pas jusqu'au bout. Elle devrait aller plus loin.

Le comité a proposé de réduire le pourcentage de la garantie offerte par le gouvernement, ce qui a été fait, de réduire le pourcentage des éléments d'actif pouvant être financés et de réduire le plafond des prêts, ce que ne fait pas le projet de loi. En fait, il va dans la direction opposée. Il double le montant auquel le gouvernement peut être exposé aux termes de la loi en vigueur.

Le projet de loi comporte nombre de lacunes, comme le fait de donner quittance de toute sûreté, y compris une sûreté personnelle. Il faut que ce soit absolument clair, et un amendement est nécessaire à cet égard.

Le projet de loi aura également pour effet d'accroître le passif du gouvernement même si le ministre a prétendu le contraire à la Chambre parce qu'il s'agit, selon lui, d'un programme qui s'auto-


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finance ou qui recouvre les coûts. Je ne crains pas d'affirmer que l'expérience montrera que le projet de loi fera augmenter le passif du gouvernement. Si ce n'est pas le cas, il faut alors demander au ministre quelle peut bien être l'utilité d'un tel programme.

Je voudrais de nouveau souligner que la plus grave lacune de ce projet de loi, c'est qu'il prive les parlementaires de leurs droits de représentation. Il enlève à la Chambre le pouvoir de prendre des décisions au nom de la population pour l'accorder au Cabinet. Je pense que ce n'est pas correct. La démocratie ne devrait jamais être niée.

Je réitère qu'à moins que cette disposition ne soit supprimée, nous voterons contre le projet de loi.

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Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureuse d'avoir l'occasion de parler du projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises, et de partager avec la Chambre les préoccupations et les espoirs des propriétaires et gérants de petites entreprises dans la circonscription de Guelph-Wellington.

En ce moment important de l'histoire du Canada, je tiens à rappeler à tous les Canadiens que les petits entrepreneurs, leurs familles et leurs employés espèrent que le Canada restera uni. Ils reconnaissent les imperfections de notre confédération, mais ils savent que nous continuons d'évoluer pour rendre notre pays toujours plus fort, comme nous l'avons fait dans le passé. Ils sont convaincus qu'un Canada uni, un Canada dont le Québec est un membre actif, continuera d'être considéré comme le pays où il fait le mieux vivre dans le monde entier.

Le projet de loi C-99 fait partie de nos efforts constants en vue de réduire le déficit, de tenir les promesses que nous avons faites aux Canadiens il y a deux ans et de donner aux petites entreprises le soutien dont elles ont besoin pour grandir et créer des emplois. Je félicite le ministre de l'Industrie et le ministre des Finances qui ont dirigé et ciblé nos efforts en vue de renforcer le secteur de la petite entreprise au Canada. Le ministre de l'Industrie est venu dans ma circonscription l'an dernier. Il a été accueilli par des petits entrepreneurs qui l'ont encouragé à continuer de les aider afin qu'ils puissent à leur tour continuer de bâtir une économie forte à Guelph-Wellington et ailleurs.

Les petits entrepreneurs de Guelph-Wellington me parlent et me rappellent qu'ils ont de l'espoir dans notre avenir. Ils me parlent en tant que femmes et en tant qu'hommes qui ont pris des risques afin de bâtir une vie meilleure pour eux-mêmes et pour leurs familles. Ils créent des emplois dans ma circonscription et dans toutes les circonscriptions d'un bout à l'autre du Canada. Ils se tournent vers nous, le gouvernement fédéral, pour que nous les aidions à s'acquitter de cette importante responsabilité.

La Loi sur les prêts aux petites entreprises fait partie de nos efforts. Depuis 1961, plus de 420 000 prêts totalisant 15,5 milliards de dollars ont été consentis aux petites entreprises. Ces prêts ont permis aux entreprises d'avoir accès au capital dont elles avaient besoin pour s'établir, pour prendre de l'expansion et pour prospérer. Le succès du programme réside dans sa capacité de servir d'outil de développement économique et d'exemple de collaboration entre les secteurs public et privé.

Grâce aux efforts de gens comme Catherine Billings, Anne Redfearn-Grobbo, Richard Zinck et Valerie Poulton, la circonscription de Guelph-Wellington a récemment été l'hôte de Community Spirit 1995, une foire commerciale réunissant des petits entrepreneurs qui sont venus échanger des idées, partager leur expertise et célébrer le succès des petites entreprises dans le comté de Wellington. Que ce soit à Community Spirit 1995 ou ailleurs, le message des dirigeants de petites entreprises est le même. Ils demandent que le gouvernement se retire lorsque sa présence a pour effet de créer un fardeau inutile, qu'il écoute les petits entrepreneurs qui ont des idées pour l'avenir de ce secteur d'activité, qu'il apporte à la petite entreprise l'aide nécessaire pour atténuer l'incertitude et pour accroître ses ressources lorsqu'elle veut créer des emplois et accroître sa réussite. La Loi sur les prêts aux petites entreprises permet à chaque petite entreprise de Guelph-Wellington dont le revenu annuel ne dépasse pas cinq millions de dollars de demander de l'aide.

Les petits entrepreneurs de ma communauté sont conscients de la gravité de la crise financière. Ils savent bien qu'un déficit systématique n'est pas la bonne façon d'assurer notre avenir économique. La fiscalité les préoccupe et ils veulent que le gouvernement gère ses affaires de façon aussi rigoureuse qu'ils gèrent leurs propres finances. Ils savent que nous devons réduire nos dépenses et revoir nos priorités.

Le ministre chargé du Renouveau de la fonction publique s'est rendu à Ghelph cet automne et il a parlé aux représentants de la petite entreprise de l'examen des programmes qui vise à réorganiser l'appareil gouvernemental en profondeur. Ils ont bien accueilli les changements proposés parce qu'ils appuient les efforts que fait le gouvernement pouur dépenser selon ses moyens et ne pas hypothéquer notre avenir.

Récemment, le programme de la Loi sur les prêts aux petites entreprises a fait subir des pertes énormes au gouvernement. Si les pertes sans précédent enregistrées ces dernières années devaient se poursuivre, le coût du programme augmenterait de plus de 100 millions de dollars par année. Cette situation représente une menace évidente pour le programme. Compte tenu des coûts que le programme aurait pu atteindre dans ces circonstances et de la nécessité que le gouvernement contrôle le déficit, les coûts du programme doivent être recouvrés intégralement.

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Le gouvernement fédéral a prévu l'examen de la Loi sur les prêts aux petites entreprises dans le cadre de l'étude des programmes. En octobre et novembre 1994, cet exercice a donné lieu à des consultations approfondies auprès des principaux intervenants qui représentaient les prêteurs et les emprunteurs. Dans le cadre de nos efforts en vue d'encourager une plus grande participation des députés, nous avons aussi tenu compte des recommandations du comité de l'industrie et du comité de travail de la petite entreprise. Tous les


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interlocuteurs se sont dits favorables à un recouvrement intégral des coûts.

Les petits entrepreneurs de Guelph-Wellington savent que, pour survivre en tant que nation, nous devons faire des choix. Ils m'ont dit que nous ne pouvions plus nous permettre les extravagances et les excès du passé. Ainsi qu'ils ont dû le faire dans leurs propres entreprises, ils m'ont demandé de travailler pour eux, de décider de ce qui est important pour nous et pour notre avenir et de me concentrer sur les moyens de redonner sa force à notre pays.

C'est ce qu'ils font tous les jours dans leurs entreprises et ils se réjouissent d'avoir un gouvernement fédéral qui, depuis le jour de son élection en octobre 1993, fait de même pour assurer un avenir solide à notre pays.

Dans le cadre de nos efforts, nous avons introduit un nouveau droit annuel d'administration de 1,25 p. 100 applicable au solde moyen impayé des prêts consentis au titre de la Loi sur les prêts aux petites entreprises après le 31 mars 1995. Nous avons aussi annoncé l'augmentation de 1,25 p. 100 du taux d'intérêt maximum qu'un prêteur peut faire payer en vertu du programme.

Le projet de loi C-99 prévoit aussi des changements qui permettront le recouvrement total des coûts et une meilleure administration du programme. Ces changements signifieront que la Loi sur les prêts aux petites entreprises sera mieux ciblée sur les petites entreprises qui ont vraiment besoin d'aide. Ils vont de pair avec nos efforts en vue d'améliorer l'accès des petites entreprises aux prêts des institutions financières. Si nous visons le recouvrement total des coûts, notre engagement consistant à assurer l'avenir de la petite entreprise au Canada reste le même.

Les petites entreprises reconnaissent que la coopération est nécessaire. Tous les jours, les dirigeants de petites entreprises de Guelph-Wellington comptent sur la distribution, les transports et les communications pour survivre. Ils m'ont demandé de transmettre un message à Ottawa, celui que le gouvernement, l'industrie et les syndicats collaborent pour faire le travail.

À Guelph-Wellington, nous savons qu'il est important d'écouter et de nous efforcer ensemble de bâtir une communauté plus solide. Cet été, Wendi Bacon, du Centre d'affaires de la Banque royale, m'a encore une fois fait rencontrer les dirigeants des institutions financières de ma circonscription. Nous avons discuté des préoccupations des dirigeants des petites entreprises, des frustrations qu'ils éprouvent lorsqu'ils veulent obtenir des capitaux et de leurs suggestions en vue de renforcer les liens entre eux et les banques.

Tout le monde a reconnu la nécessité de faire plus d'efforts. Cependant, cette réunion a été aussi une occasion d'examiner ce qui était arrivé ces deux dernières années et de constater que notre rencontre avait été assez fructueuse.

J'ai également eu la possibilité, cet été, de rencontrer des dirigeants de petites entreprises comme Phil Greenway, de Danby Products, et Dwayne Mott, de Orbex Computer Systems, qui m'ont rappelé qu'ils voulaient une réduction du déficit et qui ont demandé que le gouvernement fasse une planification soignée, mène des consultations intensives et agisse de façon responsable.

Des dirigeants comme Michael Henry, directeur général de la chambre de commerce de Guelph, Ralph MacDonald, de la Rockwood and Eramosa Township Business Association, et Mike Lazarakos, de l'association des petites entreprises de Guelph, réunissent à une même table les petites entreprises et le gouvernement pour trouver des solutions. Qui plus est, ils restent attentifs à leurs besoins mutuels pour pouvoir s'entraider et ainsi améliorer et renforcer les petites entreprises de Guelph-Wellington.

Les chefs de petites entreprises des quatre coins du Canada ont dit au gouvernement que la question la plus importante pour eux, en matière de prêt, c'est l'accès aux fonds, et non le coût du financement. Nous croyons que, en veillant à ce que le régime de la Loi sur les prêts aux petites entreprises s'autofinance, nous assurons aux petites entreprises qu'elles continueront à avoir accès aux fonds.

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Au cours des deux dernières années, j'ai assisté au lancement d'une nouvelle installation de Purolator, accueilli le ministre de l'Industrie quand il a visité les Skyjack et Linamar, accompagné le ministre de l'Agriculture dans sa visite de Semex, visité d'innombrables entreprises et félicité nos gens d'affaires pour leurs succès. La circonscription de Guelph-Wellington soutient ses entreprises et louange leurs succès.

En tant qu'ancienne dirigeante de petite entreprise, je comprends les frustrations des individus, des couples et des associés qui rêvent de s'établir à leur compte et qui travaillent fort pour y parvenir. Je comprends aussi le sentiment d'accomplissement des gens d'affaires qui ont réussi, car je sais combien c'est satisfaisant de posséder et d'exploiter une petite entreprise, et d'y travailler.

C'est une grande joie pour moi d'annoncer aux propriétaires de petites entreprises et à leurs gérants et employés que le gouvernement fédéral reconnaît qu'il doit assurer au secteur de la petite entreprise des conditions plus favorables à la création d'emplois et à la croissance.

Nous avons allégé les restrictions au commerce intérieur. Nous avons ainsi prouvé, à nous-mêmes et au reste du monde, que le fédéralisme fonctionne. Le retrait de ces barrières est une bonne nouvelle pour un bon nombre d'entreprises qui vendent des produits et des services dans d'autres régions du Canada. C'est une bonne nouvelle pour la brasserie Sleeman, qui sait que les régies des alcools des différentes provinces ont des politiques restrictives sur le choix de leurs produits. Mackinnon Transport a été heureuse de l'initiative, sachant bien que la réglementation sur les transports diffère d'une province à l'autre. Dans ma circonscription, D&J Construction y a vu de nouvelles possibilités, parce que les méthodes de construction diffèrent d'une province à l'autre. Trodat Canada, Clear Choice Manufacturing et Autosparks sont autant de sociétés qui m'avaient fait savoir que notre assortiment mal ficelé de différentes normes et lois provinciales était inacceptable pour elles et pour leurs employés.

Nous avons aussi ouvert la porte aux exportations. Le Canada est un grand pays exportateur. En établissant des partenariats avec les provinces et en formant l'Équipe Canada, nous avons conçu de nouveaux moyens de vendre le Canada au reste du monde.

Nipponia Export Limited, de Puslinch, est un exemple de cette forme de réussite. Au cours d'un récent voyage au Brésil, cette société a vendu 200 têtes de bétail, une transaction de près d'un


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demi-million de dollars. L'Université de Guelph a renouvelé une entente avec une université du Chili. Valcom Limited a conclu des ententes pour la création d'entreprises conjointes et a recruté des distributeurs à l'exposition Telecom 95.

Le milieu des affaires de Guelph-Wellington nous a lancé un message clair: on peut être concurrentiels et productifs, on peut réussir.

Le projet de loi C-99 n'est pas l'unique solution aux inquiétudes de mes électeurs. Il s'insère dans notre stratégie d'engagement constant envers l'avenir. Il réalise des promesses, rend le gouvernement plus responsable, grâce au recouvrement des coûts, et solidifie le lien entre le gouvernement et le milieu des affaires.

Nous devons faire bien davantage. Ensemble, nous devons régler les problèmes de la TPS et éliminer l'économie souterraine. Je suis fière de travailler avec les représentants syndicaux de la circonscription de Guelph-Wellington dans le but de proposer au ministre des Finances et au ministre du Revenu national des façons de lutter contre l'économie souterraine, qui nous coûte des recettes fiscales et des emplois. L'économie souterraine nuit à tous les Canadiens. Elle maintient le déficit et empêche les femmes et les hommes d'assumer leurs responsabilités et de pourvoir à leurs besoins et à ceux de leurs familles. De même, les gens de Guelph-Wellington espèrent que le gouvernement remplacera la TPS comme il l'a promis. Nous le ferons.

Nous savons que les dix provinces et le gouvernement fédéral devront chercher ensemble une solution au problème de la TPS afin de rendre cette taxe plus équitable et plus simple et d'alléger le fardeau administratif des entreprises. À cet égard aussi, mes électeurs ont fait des suggestions que j'ai transmises au ministre des Finances.

Le gouvernement demeure fermement engagé envers les petites entreprises, principal moteur de la croissance économique au Canada. On nous l'a répété à maintes reprises et nous avons écouté. La mesure la plus profitable qu'on puisse prendre pour les entreprises, grandes et petites, est de contrôler le déficit. Les modifications proposées dans ce projet de loi représentent un pas dans la bonne direction. Le système de l'utilisateur-payeur signifie que le programme ne contribuera plus à faire grimper le déficit du gouvernement.

(1645)

Selon les modifications proposées, la Loi sur les prêts aux petites entreprises demeurera un outil d'intérêt public favorisant la croissance des petites entreprises au Canada.

Dans la circonscription de Guelph-Wellington, nous aimons bien célébrer nos réussites. Nous croyons que notre main-d'oeuvre est incomparable puisque nous habitons la meilleure collectivité au Canada. Nous savons que nos possibilités sont énormes lorsque nous travaillons tous ensemble, que nous gardons une attitude positive et que nous demeurons centrés sur le but à atteindre. L'enthousiasme visible dans toute la circonscription est dû à notre volonté de réussir.

Il y a deux ans, les habitants de Guelph-Wellington ont contribué à faire élire un gouvernement libéral qui avait le changement pour mandat. Le meilleur cadeau d'anniversaire possible, et je le dis à mes collègues du Québec, serait un Canada uni et engagé à réaliser ce changement qui créera des emplois et favorisera la croissance dans Guelph-Wellington et dans les 295 circonscriptions de ce magnifique pays. Puisqu'il s'insère dans ce mandat de changement, le projet de loi C-99 mérite notre appui.

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je vous sais gré de l'occasion qui m'est donnée aujourd'hui de parler de la Loi sur les prêts aux petites entreprises. De toute évidence, en tant que gouvernement et en tant que parti, nous croyons que les PME jouent un rôle important dans l'économie.

La dernière fois qu'on a fait le calcul, en 1993, on a trouvé que 911 700 entreprises employaient moins de 100 personnes, soit99 p. 100 des entreprises au Canada. L'importance des PME est donc évidente. En fait, ce chiffre représente une augmentation de30 p. 100 en 11 ans du nombre de PME au Canada. Les PME constituent non seulement une partie importante de notre économie, mais encore une partie de plus en plus importante de notre économie.

Les PME employant moins de 100 personnes-certaines sont des micro-entreprises employant d'une à trois personnes-fournissent 44 p. 100 des emplois au Canada. Et qui plus est, ce sont les PME qui créent la vaste majorité des emplois dans ce pays. En tant que gouvernement, nous en avons conscience.

Nous comprenons que nous devons aider les PME, que nous devons créer un climat, un environnement dans lequel les PME peuvent réussir et être rentables. Lorsqu'elles sont rentables, elles créent des emplois, ce qui est le but ultime. Nous voulons faire en sorte que des emplois soient créés. Notre gouvernement y travaille sur plusieurs fronts. De par sa politique financière, il s'est attaqué au déficit du Canada et, en tant que gouvernement, nous nous employons à remettre de l'ordre dans les finances de cette Chambre.

À la fin de cet exercice, nous aurons presque réduit de moitié le déficit annuel. Dans son dernier budget, le ministre des Finances prévoyait de réduire les dépenses de 19 p. 100. Nous sommes en train de réduire la fonction publique de 14 p. 100. Nous travaillons à la relance économique du pays. Nous remettons un peu d'ordre dans notre système économique, mais nous le faisons d'une façon qui reconnaît que derrière chaque dépense du gouvernement il y a des personnes, des Canadiens, qui seront touchés. Nous sommes résolus à faire cet exercice économique d'une façon juste et équitable pour tous.

Le deuxième domaine où nous avons essayé de créer un climat favorable pour les petites entreprises de ce pays c'est celui de la réglementation en vertu de laquelle elles doivent fonctionner. Il n'y a pas de doute que si nous surchargeons les propriétaires de petites entreprises de règlements, ils ou elles vont passer plus de temps à


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faire ça qu'à s'occuper de leur entreprise et à créer des richesses et des emplois.

Déjà, le gouvernement a éliminé 250 règlements qui n'avaient plus leur utilité et ne s'appliquaient plus et on en a modifié plus de 300 autres. Nous savons fort bien qu'il est nécessaire d'améliorer la réglementation et nous y travaillons quotidiennement, de façon à nous assurer que l'on protège les intérêts des Canadiens, là où ils doivent être protégés par règlement, mais sans le faire d'une façon qui représente un fardeau trop lourd pour la petite entreprise.

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Nous en arrivons au troisième élément de notre stratégie en faveur des petites entreprises, la question de l'accès aux capitaux. La Loi sur les prêts aux petites entreprises et le projet de loi que nous avons à l'étude, le projet de loi C-99, traitent de l'ensemble de la question de l'accès aux capitaux.

Avec certains de mes collègues ici, je siège au comité de l'industrie. Ce comité travaille depuis maintenant près de deux ans sur cette question de l'accès aux capitaux. Nous avons travaillé avec le secteur privé de ce pays, avec les banques à charte et avec d'autres pour essayer de faire en sorte que l'on prenne des mesures qui garantissent un capital accru pour les petites entreprises. Dans une certaine mesure, nous avons eu quelques succès.

Les banques ont écouté ce que nous avions à dire et ont admis qu'il leur fallait un code de conduite qui définisse clairement la relation entre les petites entreprises et les institutions financières. De fait, un tel code est maintenant en place dans toutes les banques. Il dit, par exemple, que si on refuse un prêt à une personne, on doit lui dire pourquoi. On doit lui donner la raison. On doit lui proposer d'autres solutions. Il fixe également dans quelles conditions et dans quels délais on peut demander le remboursement d'un prêt. En fait, il contribue à prévenir un certain nombre de mauvaises surprises. J'ai été heureux de voir que c'était la recommandation du comité de l'industrie que les banques à charte ont adoptée.

Une deuxième chose, c'est qu'elles ont mis en place un autre système de règlement des différends. Essentiellement, il s'agit d'un processus de médiation. Celui-ci donne aux petites entreprises qui sont en relation avec une banque et qui ne sont pas heureuses de la façon dont les choses se déroulent, un endroit pour faire appel à un groupe indépendant. C'est une étape positive. C'est quelque chose qui aurait dû exister depuis longtemps. J'ai été heureux de constater que, là encore, c'est à l'initiative du comité de l'industrie que les banques ont fait cela.

Il reste de nombreux défis. Une des choses que nous savons, en tant que parlementaires, c'est que pour savoir si on fournit suffisamment d'argent à la petite entreprise, s'il y a effectivement un accès valable aux capitaux, il faut savoir avec précision ce que l'on prête et de combien cela augmente ou diminue. Un des objectifs que nous avons poursuivis au cours des quatre ou six derniers mois auprès des banques à charte, c'était de voir à qu'elles fournissent des données sur la taille de leurs prêts, et encore là, pas seulement le montant brut de leurs prêts, mais plutôt par région, par secteur, entre autres, afin que nous, les parlementaires, qui sommes les représentants de la population canadienne et, en l'occurrence, des petites entreprises, puissions dire si, oui ou non, la petite entreprise subit actuellement un resserrement du crédit.

Une des grandes difficultés que nous avons éprouvées en nous penchant sur cette question au cours de ces deux dernières années résidait dans le fait que nous n'avions pas accès à des données fiables. Nous disposions d'une foule de preuves anecdotiques et, quand nous nous adressions aux banques, elles répondaient souvent que c'était l'exception, et non pas la règle. En insistant pour obtenir ces statistiques, en insistant pour que ces données nous soient communiquées, nous aurons l'occasion de voir, non pas l'exception à la règle, mais plutôt la règle proprement dite, et de déterminer si l'on met vraiment plus de capitaux à la disposition des petites entreprises.

Complément du secteur privé et des prêts qu'il consent aux petites entreprises, le gouvernement a également un rôle à jouer à cet égard. Le projet de loi C-99 dont nous débattons aujourd'hui constitue un des nombreux volets de l'interaction que le gouvernement a avec les petites entreprises en ce qui concerne l'accès aux capitaux. Il y a la Banque fédérale de développement, autrefois Banque de développement du Canada, qui prête aux petites entreprises, il y a la Société d'aide aux entreprises, qui relevait jadis du ministère du Développement des ressources humaines et qui relève maintenant du ministère de l'Industrie, laquelle consent des prêts aux petites entreprises en milieu rural, et il y a enfin un projet très important, ce que nous désignons par la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Je suis probablement un des rares députés, sinon le seul, à s'être prévalu de ce programme en tant que prêteur, non pas en tant qu'emprunteur, mais bien en tant que prêteur. Je peux dire sans équivoque que pendant les 20 ans que j'ai travaillé dans une institution financière privée, ce programme a aidé à offrir des capitaux à des chefs de petite entreprise du Canada. En fait, des prêts supplémentaires ont découlé de ce programme. Il ne s'agissait pas simplement d'un chevauchement. Il n'était pas seulement question d'offrir des prêts qu'on aurait consentis de toute façon. Sans ces garanties, on n'aurait pas accordé ces prêts.

(1655)

Il s'agit d'un programme important. Il peut vraiment aider les gens de façon très constructive. Par exemple, si un chauffeur de semi-remorque veut acheter son camion-remorque, camion qui coûte parfois plus de 100 000 $, ce programme va l'aider à le faire. On va financer ce type de matériel jusqu'à concurrence de 250 000 $. Grâce à ce programme, les gens qui n'auraient pu le faire autrement vont pouvoir se lancer en affaires.


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Dans le cas d'un détaillant, une des choses qu'il doit faire lorsqu'il ouvre un magasin de vente au détail, c'est d'apporter des améliorations locatives, et ce programme facilite cela. Il est difficile d'obtenir du financement dans le secteur privé. Grâce à la Loi sur les prêts aux petites entreprises, beaucoup de gens qui ne pourraient pas autrement obtenir le crédit voulu, qui seraient peut-être incapables d'ouvrir leur magasin, sont en mesure de le faire. Tout cela est dû au programme et à ses avantages.

Souvent, un fabricant doit acheter du matériel. Il peut s'agir d'une machine à affranchir, d'un convoyeur à bande, d'une machine quelconque. Je le répète, ce programme peut aider cette entreprise à le faire.

Contrairement à ce qu'un député du Bloc a affirmé, cela ne vient pas empiéter sur le programme en vigueur au Québec, le programme Paillé. Il n'y a pas double emploi. Le programme québécois offre du financement jusqu'à concurrence de 50 000 $, alors qu'il est question d'une somme pouvant aller jusqu'à 250 000 $ dans ce cas-ci. Le programme québécois sert à lancer des entreprises, par contre, le programme de prêts aux petites entreprises sert au lancement de sociétés également, mais il donne aussi la possibilité de financer l'expansion d'une entreprise existante. C'est une source importante de création de nouvelles richesses, de nouveaux emplois. Non seulement nous apportons de l'aide à les entreprises qui débutent, mais nous soutenons également les entreprises qui fonctionnent déjà en finançant leur expansion.

De plus, aux termes de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, l'amortissement peut aller jusqu'à dix ans, alors que dans le cas du programme québécois, il n'est question que de trois ans seulement, ce qui est relativement court. Pour le chef de petite entreprise qui lance une nouvelle entreprise ou qui décide de donner de l'expansion à sa société, il est important de pouvoir compter sur cette longue période d'amortissement pour que ses paiements, au moins au départ, puissent être relativement faibles afin qu'il soit en mesure de garder ses liquidités et de s'en servir pour financer son expansion et les opérations de sa société durant les années les plus difficiles généralement, c'est-à-dire les années suivant le lancement de l'entreprise ou son expansion.

Je voudrais parler un instant du coût de ce programme. Le gouvernement doit créer un climat favorable pour les petites entreprises. Il lui incombe, dans certains cas, d'assister directement les intéressés grâce à la Loi sur les prêts aux petites entreprises notamment. Je pense également qu'il est important de récupérer les coûts pour ne pas imposer un large fardeau aux contribuables canadiens.

On a vu cela fonctionner. La Banque fédérale de développement, qu'on appelle maintenant la Banque de développement du Canada, procède depuis de nombreuses années au recouvrement des coûts. Elle doit structurer ses programmes, ses garanties, ses nantissements, ses droits et ses taux d'intérêt de manière à recouvrer ses coûts. Cela fonctionne et il est prouvé que c'est le cas.

Ce programme sur les prêts aux petites entreprises part du même principe. Il sera fondé sur le recouvrement des coûts. Il y aura toujours des pertes, comme c'est le cas pour tout programme de prêt. Si on prête de l'argent, on encourt certaines pertes. Cependant, l'objectif d'un prêteur circonspect est de s'assurer que ces pertes sont couvertes et qu'il dispose des recettes en conséquence.

Je sais qu'un des députés d'en face a parlé des lourdes pertes que le gouvernement allait encourir en raison de ce programme. Sur une période de cinq ans, le capital prêté aux chefs de petite entreprise passera de 4 milliards à 12 milliards de dollars, soit une hausse de8 milliards. Il est important de se le rappeler. Cela se produira sur cinq ans.

(1700)

Les pertes éventuelles se situent à 10 p. 100 des 12 milliards de dollars. Or, laisser entendre qu'il s'agit là de la perte réelle pour le gouvernement, que c'est ce qu'il risque de perdre, c'est comme aller dire à une banque à charte qu'elle risque de perdre tout son portefeuille de prêts. Bien sûr, nous ne disons pas à un prêteur qu'il risque de perdre tout son portefeuille de prêts.

Ce que font les prêteurs, le gouvernement, le ministère et le ministre de l'Industrie, c'est que, comme les banques, ils émettent des hypothèses prudentes et calculent que des antécédents de pertes sur prêts seront probablement fondés sur des données chronologiques et sur le rendement de l'économie. Les banques font des provisions pour pertes sur prêts et, en tant que gouvernement, nous allons nous assurer que les recettes seront suffisantes pour couvrir les pertes éventuelles.

En réalité, cela ne constitue pas un fardeau pour les contribuables. Il s'agit ici d'un programme de recouvrement des coûts qui fait en sorte que le secteur de la petite entreprise dispose de capital.

Je voudrais commenter quelques propos au sujet de la façon dont nous allons recouvrer les coûts. Le programme a toujours comporté des droits de 2 p. 100 qui doivent être payés directement. Ils peuvent être versés en espèces ou amortis pendant la durée du prêt.

Après avoir fait cet examen pour essayer de mettre en place un programme de recouvrement des coûts, on a déterminé que les recettes n'étaient pas suffisantes. On a donc prévu de nouveaux droits d'administration de 1,5 p. 100.

Un des députés réformistes se plaignait du fait que les emprunteurs devaient payer ces droits d'administration non par le biais de droits directs mais par le biais des taux d'intérêt. Les propriétaires de petites entreprises préfèrent cette formule, parce qu'ils payent leurs droits sur un solde régressif plutôt que sur la somme totale au moment de l'emprunt. En réalité, les droits vont être moindres, parce qu'ils sont perçus sur un solde régressif calculé en fonction du taux d'intérêt, que s'ils payaient les 1,5 p. 100 à l'avance.

Le ministre a agi prudemment et de façon que les gens d'affaires puissent exercer un certain contrôle sur leurs droits, selon le temps qu'ils mettent à rembourser l'avance. C'était une bonne façon de procéder. Le ministre a fait en sorte que les banques payent les droits d'administration et aient ensuite l'option de faire payer ces droits par leurs clients. J'espère que les banques à charte du Canada


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absorberont une partie ou la totalité des droits dans le cadre de leur engagement à aider le secteur de la petite entreprise.

Lorsque le plan a été modifié pour la première fois en 1993, le taux maximal était de 1,75 p. 100, mais les banques offraient surtout le taux préférentiel, car elles cherchaient à attirer des clients. Elles ont obtenu ce qu'elles voulaient sans demander le taux maximum. Elles offraient le taux préférentiel.

Maintenant que nous avons ajouté 1,25 ou 1,5 p. 100 pour tenir compte de ces droits et porté le taux maximum à 3 p. 100, je ne comprends pas pourquoi les banques ont soudain décidé qu'elles ne pouvaient plus offrir le taux préférentiel, ou le taux préférentiel plus 0,5 ou 1 p. 100. Elles semblent augmenter les taux au maximum. Ce n'est pas ce qu'elles devraient faire, à mon avis. Bien sûr, elles doivent veiller à leurs profits et satisfaire leurs actionnaires, mais je crois qu'elles ont une responsabilité envers la petite entreprise et qu'une des façons de s'acquitter de cette responsabilité serait d'absorber une partie de ces droits.

Elles ont structuré les droits d'une façon appropriée qui permet au propriétaire de petite entreprise d'économiser grâce à son solde régressif.

En résumé, ce projet de loi est valable. Cette loi est en vigueur depuis de nombreuses années. Elle a aidé de nombreux gens d'affaires au Canada. Il y a beaucoup d'entreprises aujourd'hui. Vous n'avez qu'à aller vous promener sur la rue principale de ma ville de Gravenhurst ou de n'importe quelle autre localité de ma circonscription, voire de la circonscription de n'importe quel député, pour voir des entreprises qui n'existeraient pas aujourd'hui sans ce programme de prêts. La loi atteint son objectif. Elle aide les petites entreprises canadiennes à démarrer et à se développer, et elle aide à créer des emplois dans notre pays.

En outre, grâce à ces modifications, elle pourra le faire sans que les contribuables canadiens aient à payer quoi que ce soit, car il s'agit d'un programme de recouvrement des coûts. Je félicite le ministre de l'Industrie pour ce projet de loi et pour ces modifications. Je sais que cela va être avantageux pour le Canada.

(1705)

Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, nous savons tous que des petites entreprises existent partout au Canada, tant dans les régions rurales que dans les centres urbains.

Au Canada atlantique, les petites entreprises sont le nerf de l'économie, car l'économie en dépend. Que ce soit en Nouvelle-Écosse, au Nouveau-Brunswick ou au Québec, la plupart des petites entreprises appartiennent à des gens de l'endroit qui embauchent des travailleurs de tous âges. Ces entreprises existent depuis longtemps, elles font partie de la collectivité et elles sont viables.

Voici la question que j'adresse au député de Parry Sound-Muskoka: Selon son expérience au sein d'institutions financières qui consentent des prêts en vertu de la Loi sur prêts aux petites entreprises, pourrait-il expliquer davantage la valeur que représentent les petites entreprises pour l'économie canadienne, du fait que l'argent qui leur est consenti reste au Canada et qu'il favorise une économie viable qui sera le fondement de notre avenir?

M. Mitchell: Monsieur le Président, je serai le plus bref possible.

La députée fait valoir un excellent argument, selon lequel les petites entreprises ont tendance à créer de l'emploi et à acheter sur place, contribuant ainsi à l'économie locale, de sorte que les profits de ces entreprises restent dans la collectivité et ne s'en vont pas ailleurs.

Dans le cadre des initiatives de développement économique dans les régions rurales, les organisations se sont montrées ambitieuses, voulant établir de grandes usines où de 500 à 600 emplois seraient créés. Or, la donne a changé. Il n'en va plus du tout comme cela de nos jours ou alors, c'est l'exception qui confirme la règle.

Nous devons bâtir une économie locale, établir une petite entreprise à la fois et créer un emploi à la fois. Ce projet de loi nous fournit un excellent instrument pour que cela se fasse dans les collectivités rurales.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, l'été dernier j'ai eu la chance de voyager avec le député de Parry Sound-Muskoka, dans le cadre d'une petite mission ayant trait à l'accès au capital pour les petites entreprises.

Depuis deux ans que je suis ici, j'ai été à même de constater que le gouvernement fédéral a la capacité de favoriser un climat propice à la création et à l'expansion des petites entreprises. Nous n'avons plus les fonds nécessaires pour créer des emplois, notamment en raison des efforts faits pour réduire le déficit. Toutefois, nous avons créé un centre pour les petites entreprises à Toronto, dans le but de réduire les formalités administratives.

Le projet de loi C-99 n'est qu'un volet de la stratégie globale, puisque la Banque de développement du Canada et les sociétés d'aide aux entreprises jouent aussi un rôle vital et crucial dans la création et l'expansion des petites entreprises.

Dans ce contexte, le député pourrait-il nous fournir des détails sur ce qui se fait avec ces autres éléments pour améliorer cet aspect de la stratégie globale?

M. Mitchell: Monsieur le Président, je vais revenir sur quelques exemples mentionnés par le député. L'un touche le nord de l'Ontario, où nous avons un fonds de développement régional appelé FEDNOR, qui fournit des fonds aux petites entreprises.

Une façon de faire preuve de créativité consiste à combiner l'argent reçu par le biais de FEDNOR avec les fonds provenant de la Banque de développement du Canada. Si FEDNOR peut fournir le financement nécessaire pour couvrir les éventualités, comme par exemple les pertes jusqu'à concurrence de cinq pour cent, la Banque de développement du Canada peut alors consentir des prêts à plus haut risque. Par conséquent, on pourrait se servir d'un montant d'environ 500 000 $ provenant de FEDNOR comme d'un levier


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pour obtenir jusqu'à 20 millions de la Banque de développement du Canada ou d'une institution financière privée.

Le gouvernement est en mesure d'utiliser certains programmes fédéraux originaux pour accorder un financement. C'est le cas avec la Loi sur les prêts aux petites entreprises, c'est-à-dire le projet de loi C-99. En effet, les prêts consentis peuvent être utilisés conjointement avec ceux d'autres établissements de crédit privés. Si le crédit à terme peut être couvert en vertu de la LPPE, la banque sera heureuse d'accorder un crédit à l'exploitation. Dans bien des cas, nous nous servons de divers programmes.

(1710)

M. Walt Lastewka (St. Catharines, Lib.): Monsieur le Président, je profite de l'occasion pour féliciter le député de Parry Sound-Muskoka du travail qu'il a consacré à ce projet de loi. Dans le cadre du comité de l'industrie et dans celui de divers groupes de travail, il a parcouru le pays en tous sens pour recueillir de l'information auprès des petites entreprises.

On a beaucoup négligé dans le passé de consulter véritablement les petites entreprises. Ces dernières ne disposent pas d'un personnel nombreux ni de beaucoup d'argent à dépenser sans compter. Chaque dollar dans son budget de dépenses est très important pour la petite entreprise.

La question que je veux poser au député a trait aux communications et à l'information destinée aux petites entreprises une fois le projet de loi adopté à la Chambre. Il est très important que le processus de consultation et les améliorations se poursuivent. Il est également très important de diffuser cette information aux nombreuses entreprises de tout le pays. Le député a peut-être des observations à faire à ce sujet.

M. Mitchell: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question, car il a fait une excellente observation. Non seulement il est important d'avoir des programmes, il est également important que les petites entreprises sachent que les programmes existent et comment s'en prévaloir.

Une des initiatives de notre gouvernement et du ministre de l'Industrie a été d'adopter la formule du guichet unique pour diffuser l'information, de sorte que le chef de petite entreprise, au lieu d'avoir à s'adresser à cinq ou six bureaux différents pour recueillir toute l'information, puisse se présenter à un seul endroit et parler à un seul fonctionnaire pour apprendre tout ce qu'il a besoin de savoir sur les divers programmes destinés à aider son entreprise. Il y a plusieurs moyens de le faire. Cela peut se faire par le truchement des chambres de commerce, que l'on trouve sous une forme ou une autre dans la plupart des localités. Cela peut se faire également par le truchement des bureaux de développement économique.

Notre gouvernement trouve important d'appliquer la formule de guichet unique pour fournir de l'information aux chefs de petite entreprise du Canada, et nous travaillons à la mettre en oeuvre.

M. Philip Mayfield (Cariboo-Chilcotin, Réf.): Monsieur le Président, ce fut un plaisir pour moi de participer aux travaux du Comité permanent de l'industrie. Avec pragmatisme, les membres du comité ont accompli leur travail, animés de la volonté de servir l'intérêt de tous les Canadiens et des petites entreprises, et de les aider à livrer concurrence dans une économie mondialisée.

J'ai particulièrement prisé les observations du secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, qui s'est dit préoccupé des tracasseries administratives et des problèmes de taxes auxquels les petites entreprises font face. C'est avec cette même attitude que nous abordons un grand nombre des difficultés de nos entreprises, afin de les aider à rendre l'économie canadienne aussi concurrentielle, solide et rentable que toutes les autres dans le monde.

Aujourd'hui, la petite entreprise est la pièce maîtresse de l'économie canadienne. Si on classe parmi les petites entreprises toutes celles qui ont moins de 100 employés, on peut dire qu'il y en a environ un million qui sont enregistrées au Canada. Cela veut dire que les petites entreprises représentent près de 99 p. 100 de toutes les entreprises au Canada. Elles assurent environ 60 p. 100 de la production du secteur privé. Ce sont des chiffres élevés.

En outre, les dirigeants de petites entreprises créent actuellement huit dixièmes des nouveaux emplois. À une époque où nous dépendons de la transformation de nouvelles idées en nouveaux emplois, en nouveaux produits et en nouveaux services afin de conquérir une plus grande part de marché dans un monde où la concurrence se fait acharnée, nous n'avons pas besoin d'insister sur l'importance des petites entreprises pour l'économie canadienne. Nous devons plutôt apprendre comment encourager les entrepreneurs à exploiter de nouvelles idées et à mettre au point de nouveaux produits.

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Le Canada a toujours fait preuve d'une grande créativité. Nous avons appris à quel point il était nécessaire de nous adapter tant à notre environnement économique qu'à l'environnement physique. Nous avons toutefois moins bien réussi à prendre les idées et les inventions des laboratoires et des sous-sols des entrepreneurs et à les imposer sur les marchés national et international.

Il a été extrêmement instructif pour moi d'assister, avant même de faire partie du comité, à certaines séances pour apprendre quelles difficultés éprouvent les petits entrepreneurs à obtenir des prêts, à recueillir les capitaux nécessaires pour concrétiser leurs idées et faire démarrer leurs entreprises. Dans certains cas, des gens d'affaires qui ont déjà un carnet de commandes bien rempli et sont prêts à faire des ventes n'ont pas l'argent pour démarrer la production. L'une des principales causes du succès mitigé observé jusqu'à maintenant est liée à la pénurie de capital d'emprunt ou de capital de risque dont a besoin une personne qui veut commercialiser et lancer sur le marché canadien un projet qu'elle a conçu ou un prototype qu'elle a perfectionné.

On entend si souvent parler d'auteurs de grandes inventions qui, après s'être longtemps battu pour commercialiser leurs produits, ont cédé et sont partis pour les États-Unis, qui les attendaient les bras ouverts avec le capital et les ressources nécessaires pour


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transformer leurs innovations en produits commerciables. Les histoires de ce genre sont tristes, car elles représentent pour notre pays une perte non seulement du produit, mais ce qui est encore plus important, des ressources humaines qui ont quitté le pays.

Le gouvernement fédéral a adopté la Loi sur les prêts aux petites entreprises en 1961 pour redresser cette situation. Dans l'ensemble, cette initiative a été couronnée de succès. Aux termes de la Loi sur les prêts aux petites entreprises, le gouvernement garantissait à 90 p. 100 les prêts que les banques, les coopératives de crédit et les autres établissements de prêt consentaient aux propriétaires de petites entreprises. Les prêts correctement négociés et garantis par cette loi qui ne sont pas remboursés ne constituent pas une perte pour le prêteur.

La Loi sur les prêts aux petites entreprises garantit les prêts accordés aux petites entreprises qui satisfont aux critères. Le gouvernement tient à appuyer ce secteur de notre économie et je l'en félicite. À l'heure actuelle, les prêts aux petites entreprises qui sont garantis aux termes de cette loi s'élèvent à environ 6 milliards de dollars. Selon les modifications proposées aujourd'hui, on prévoit une forte augmentation du montant des sommes que le gouvernement garantira.

Cependant, dans la vraie vie, comme les choses ne fonctionnent pas toujours comme on le voudrait, certains aspects de la Loi sur les prêts aux petites entreprises ont besoin d'être révisés en fonction des expériences vécues. Il faut y apporter des rajustements et des modifications.

Les modifications énoncées dans le projet de loi C-99 sont proposées par le gouvernement. L'un des problèmes que doit régler le gouvernement est lié au taux d'échec d'environ 5 p. 100 observé dans ce programme de prêts garantis. Selon les estimations, si l'on ne prend aucune mesure pour recouvrer ces pertes, le programme coûterait quelque 100 millions de dollars par année, ce qui est beaucoup trop élevé. Il faut faire remarquer à son honneur que le gouvernement propose aujourd'hui des modifications à la loi afin de corriger ce problème.

L'une des modifications prévoit de réduire de 90 p. 100 à 85 p. 100 la proportion du prêt qui est garantie. Pour le gouvernement, c'est une façon de dire aux prêteurs qu'ils doivent assumer une partie du risque associé aux prêts consentis aux petites entreprises. Cela ne devrait pas empêcher les prêteurs de consentir des prêts visés par la Loi sur les prêts aux petites entreprises, car beaucoup de prêteurs ont déjà dit qu'ils prévoient offrir des prêts entièrement garantis conformément à cette loi alors qu'il est difficile d'en justifier la nécessité.

Une deuxième modification qui a mon appui est celle qui prévoit l'établissement de droits annuels d'administration équivalant à 1,25 p. 100, qui s'ajouteront aux taux d'intérêt imposé à l'emprunteur. On a déjà dit que cela hausserait le taux d'intérêt de 3 p. 100 environ, ce qui est considérable. Toutefois, pour les gens qui ont besoin de capitaux, ce n'est pas tant le taux d'intérêt qui compte que l'accès fondamental à ces capitaux.

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J'estime qu'il est parfaitement normal que l'emprunteur absorbe une partie du coût de ce programme de prêts garantis. L'emprunteur est peut-être celui qui en bénéficiera le plus. Lorsque les prêteurs se concurrencent les uns les autres, le taux d'intérêt est toujours un élément négociable. Par conséquent, lorsque la compétition est féroce et que les prêteurs veulent vraiment mettre l'argent sur le marché, l'emprunteur peut obtenir un taux d'intérêt bien meilleur. Cette modification ne me dérange pas autant que d'autres députés.

Une troisième modification apportée par le projet de loi C-99 à la Loi sur les prêts aux petites entreprises permet à un emprunteur qui a remboursé la moitié au moins de son emprunt d'obtenir quittance de la sûreté personnelle détenue par le prêteur. Cela ne signifie absolument pas que le prêt ne serait plus garanti. Les biens que le prêteur a en garantie resteraient en place jusqu'au plein remboursement de l'emprunt.

Un prêt est souvent consenti à un groupe d'associés et, avec le temps, cette association peut se dissoudre. Lorsqu'un associé quitte l'entreprise, il se peut que le désir de rester ne soit pas très fort et qu'on ait besoin de beaucoup d'argent pour libérer le garant du fardeau qu'il a assumé. Ces modifications permettraient de le faire à certaines conditions. Elles permettraient aussi à un emprunteur de séparer en quelque sorte ses intérêts d'associé de ses intérêts privés.

Je ne veux pas alourdir ici le fardeau ou les risques du gouvernement, loin de là. Toutefois, avec le retrait de la sûreté personnelle, l'emprunteur est libre de donner de l'expansion à son entreprise ou à son commerce.

Une modification concernant l'établissement de droits pour le traitement d'une réclamation me gêne parce qu'elle est mal définie. Comment et quand ces droits seraient-ils imposés? Je crois que ces modifications devront être réexaminées et amendées avant d'être adoptées.

Le projet de loi C-99 comporte un défaut majeur. Il autorise le ministre de l'Industrie à modifier ultérieurement les règlements sans le consentement du Parlement. Le ministre de l'Industrie fera valoir que ce transfert de pouvoir permet au ministère de réagir plus promptement aux fluctuations de taux qui surviennent rapidement sur les marchés financiers.

Il est vrai que le Parlement pourrait transférer la responsabilité de tout changement fondamental des élus aux hauts fonctionnaires et, pour finir, aux ministres. Mais nous ne pourrions alors qualifier notre régime de démocratique, n'est-ce pas? Cette orientation du gouvernement libéral porte sérieusement atteinte au pouvoir du Parlement.

Il faut amender cette partie du projet de loi C-99 de manière à ce qu'il respecte le droit des Canadiens de confier à leurs élus, plutôt qu'au pouvoir exécutif ou aux fonctionnaires, les futures modifications proposées aux règlements, et ce, pour qu'ils les examinent sérieusement. Sans cet amendement, le Parti réformiste ne peut


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donner son appui au projet de loi C-99 qui, autrement, est une mesure très valable.

Il y a plus de 4,2 millions de Canadiens qui sont à l'emploi de petites et moyennes entreprises dans notre pays. La Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a récemment fait un sondage sur la création d'emplois auprès de ses membres. Catherine Swift, vice-présidente de cette organisation, a récemment déclaré que les petites sociétés et les nouvelles entreprises sont celles qui ont créé tous les nouveaux emplois ces dernières années. C'est tout à fait exact. Durant les années 80, 85 p. 100 des nouveaux emplois ont été créés par les petites et moyennes entreprises. Cette tendance continue de s'accentuer, alors qu'un nombre croissant de Canadiens envisagent la possibilité de lancer leur propre entreprise.

(1725)

Les libéraux doivent tenir une promesse qu'ils ont faite dans leur livre rouge. Ils se sont engagés à axer «leurs actions sur les PME, qui peuvent et doivent assurer la création d'emplois, absente dans l'actuelle reprise». En créant un modèle de financement plus efficace pour les petites entreprises, le gouvernement devient davantage responsable du développement des petites et moyennes entreprises au Canada. Le financement à long terme de ces entreprises devient même davantage garanti avec les modifications concernant le recouvrement des coûts.

Le ministre doit amender le projet de loi C-99 pour donner au Parlement le droit de modifier ultérieurement les règlements. Le Parlement ne doit pas renoncer à ce pouvoir. Celui-ci est nécessaire parce que la perte du droit d'apporter des modifications futures pourrait à long terme être préjudiciable au processus démocratique, certes, mais aussi au programme de prêts aux petites entreprises.

Les députés sont élus pour examiner des programmes comme celui-ci, dans l'intérêt de leurs électeurs. Il serait inexcusable de les priver de ce pouvoir. J'invite le ministre de l'Industrie à ne plus rechercher pareil contrôle. Si cet aspect du projet de loi est éliminé, les petites entreprises canadiennes pourront se mettre au travail et se prévaloir d'un programme qui fonctionne bien et que l'on pourrait améliorer de manière à garantir sa rentabilité, même en cette période de féroce concurrence.

M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole sur le projet de loi C-99 modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises.

Le sommaire du projet de loi me laisse un peu perplexe. Le projet de loi dit ceci: «Le texte modifie la Loi sur les prêts aux petites entreprises en vue du recouvrement complet des coûts du programme de prêts aux petites entreprises.» Je croyais que l'idée derrière la Loi sur les prêts aux petites entreprises consistait à donner au gouvernement le pouvoir d'accorder des garanties en choisissant les gagnants et les perdants, car, il faut bien le dire, le gouvernement fait cela depuis longtemps à l'aide de subventions et de contributions s'élevant à des millions, voire à des milliards de dollars. Soit dit en passant, avez-vous vu mon rapport sur le gaspillage dans lequel j'ai écrit que le gouvernement verse 11 milliards de dollars de subventions et de contributions tous les ans?

Revenant au projet de loi à l'étude, la Loi sur les prêts aux petites entreprises visait à fournir une garantie à des entreprises à risque élevé qui pouvaient créer des emplois et stimuler la croissance économique. Le gouvernement était prêt à souscrire à ce programme afin de stimuler le développement. Ce n'était pas une mauvaise idée, même si, en tant que réformistes, nous estimons toujours qu'il vaut mieux que l'argent soit dans les mains des investisseurs que de passer par celles des bureaucrates avant de retourner dans l'économie. Néanmoins, le gouvernement dit maintenant que cet argent va passer par les mains des bureaucrates avant de retourner dans l'économie et que les coûts seront complètement recouvrés. La première question qui me vient à l'esprit est donc: à quoi tout cela rime-t-il?

M. Mills (Broadview-Greenwood): Ce n'est pas le bon projet de loi.

M. Williams: Il s'agit bien du projet de loi C-99, Loi modifiant la Loi sur les prêts aux petites entreprises. C'est celui qui figure à l'ordre du jour. Mon collègue du Parti libéral dit que ce n'est pas le bon projet de loi. C'est pourtant ce projet de loi que je cite. Ne sait-il pas de quoi il est question maintenant, ce qui dit le projet de loi? Le projet de loi traite du «recouvrement complet des coûts du programme de prêts aux petites entreprises». Parlons-en du recouvrement complet des coûts.

Le gouvernement dispose de beaucoup de pouvoirs. Il va établir des frais d'administration annuels pour percevoir de l'argent auprès des prêteurs, mais il va empêcher ces derniers de récupérer ces frais auprès des emprunteurs, sauf par le biais de taux d'intérêt. Le gouvernement va dire aux prêteurs: «Nous allons vous faire payer des frais d'administration de 1 ou 2 p. 100 du montant que vous prêtez. Vous n'avez pas le droit d'imposer des frais d'administration aux emprunteurs. Toutefois, vous pouvez inclure ce montant dans le taux d'intérêt.» N'oubliez pas la notion de recouvrement complet des coûts.

(1730)

Le prêteur va devoir payer au gouvernement 1 ou 2 p. 100 du montant du prêt qu'il consent. Le gouvernement va se servir de cet argent pour rembourser les prêteurs qui font de mauvais choix, car ce sont eux qui vont profiter de la garantie du gouvernement.

Je me gratte la tête en essayant de saisir la logique de la mesure parce que je n'en vois aucune. Selon le projet de loi, le gouvernement ira chercher de l'argent dans les poches des prêteurs prudents et intelligents qui sont capables de prendre des décisions intelligentes et prudentes au moment de placer leur argent et il constituera un fonds en argent liquide qui servira à rembourser les prêteurs qui prennent de mauvaises décisions, des décisions irrationnelles. Cela ne tient pas debout. Nous allons pénaliser les prêteurs compétents et subventionner les incompétents, mais nous n'allégerons pas du tout


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le fardeau des pauvres hommes d'affaires puisque le fonds fonctionnera selon un système de recouvrement des coûts pour le gouvernement.

Je ne comprends pas la logique de ce système. Le Parti réformiste dit toujours qu'un dollar entre les mains d'un investisseur, d'un homme d'affaires, d'un entrepreneur ou d'un consommateur est, et de loin, beaucoup mieux qu'un dollar entre les mains d'un bureaucrate. Les changements prévus dans le projet de loi démontrent on ne peut mieux que nous avons bien raison.

Je n'arrive pas à comprendre le gouvernement. Si je me souviens bien de son slogan lors des dernières élections, c'était «des emplois, des emplois et encore des emplois». Souvenez-vous, les libéraux devaient consacrer six milliards de dollars à un programme d'infrastructures. Ils ont pris l'argent, l'ont canalisé par l'intermédiaire de bureaucrates, ils l'ont prêté, ils en ont donné, ils l'ont dépensé pour tenter de créer des emplois, mais cela n'a pas fonctionné.

Le président du Conseil du Trésor a comparu devant le Comité des opérations gouvernementales pour tenter de justifier son programme d'infrastructures. Il a admis que, après avoir dépensé six milliards de dollars, il n'a créé que 8 000 emplois permanents. Cela revient à 875 000 $ par emploi. Il aurait été nettement préférable de mettre l'argent à la banque, de retirer l'intérêt et de le remettre aux gens en leur disant de ne même pas se donner la peine d'aller travailler puisqu'il y aura encore beaucoup d'argent. Dix pour cent de 750 000 $ donne 75 000 $ par année.

Cette façon de faire ne donne rien et ne stimule pas la croissance économique. Le prêteur n'en retire aucun avantage. Le projet de loi ne convaincra pas les prêteurs de prêter davantage aux petites entreprises. Les propriétaires de petites entreprises ne prendront pas plus de risques parce que ceux qui ont du succès se verront dorénavant obligés de payer la prime d'assurance au gouvernement par l'intermédiaire du prêteur pour que le gouvernement se porte à la rescousse des entrepreneurs qui échouent. Ce n'est qu'une autre façon de taxer le petit entrepreneur compétent et prospère qui essaie de créer des emplois dans notre pays et de stimuler la croissance économique afin que nous ayons une chance de nous sortir de ce marasme économique dont le gouvernement libéral et le gouvernement conservateur sont responsables.

Le gouvernement parle de transférer de la Chambre au Cabinet la responsabilité de prendre des règlements. C'est un affront à la Chambre, dont on est en train d'éroder continuellement les pouvoirs en les cédant à l'exécutif, au Cabinet. Bientôt, la Chambre sera strictement une société de débats où nous parlerons de projets de loi, mais où nous n'aurons absolument aucun contrôle à leur égard.

(1735)

Si nous approuvons cette mesure législative sous sa forme actuelle, nous cédons tous les pouvoirs au Cabinet. À quoi cela sert-il? Quand cette mesure sera-t-elle de nouveau débattue publiquement? Quand pourrons-nous découvrir que ce projet de loi ne fonctionne pas, qu'il ne crée pas d'emplois sauf des emplois de bureaucrates? Quand? C'est pour ces raisons que nous devons nous opposer à ce genre de mesure chaque fois que nous en avons l'occasion.

Nous, réformistes, croyons dans la nécessité de rendre des comptes. Il est grand temps que le gouvernement libéral fasse une analyse coûts-avantages pour nous dire quel sera, selon lui, le résultat de ces modifications qu'il propose. Combien d'emplois cette mesure créera-t-elle dans la fonction publique? Combien coûtera-t-elle aux contribuables? Combien d'emplois cette mesure créera-t-elle, selon le gouvernement, dans le secteur privé? Combien de recettes fiscales produira-t-elle? Combien de nouveaux emplois créera-t-elle dans les petites entreprises que le gouvernement veut aider?

Inversement, cette mesure contribuera-t-elle en réalité à faire disparaître des emplois dans le secteur privé? C'est ce qui arrivera, car ce projet de loi n'incitera pas les petits entrepreneurs à emprunter de l'argent aux conditions prévues dans la Loi sur les prêts aux petites entreprises. Tout le concept consiste à reconnaître qu'il y a des possibilités. Il faut prendre des chances. Il faut prendre des risques.

On évitera désormais de prendre des risques parce que le gouvernement dit qu'il n'a plus d'argent. Il ira chercher l'argent dans les poches des entrepreneurs prospères et le remettra aux prêteurs qui s'en serviront pour annuler des dettes irrécouvrables. C'est une très mauvaise décision.

Les petites entreprises ont crée, au cours de la dernière décennie, la majeure partie des emplois au Canada et elles emploient près de la moitié de la population active. Les petites entreprises créent huit nouveaux emplois sur dix dans notre pays. Elles le font grâce à leur esprit d'entreprise et non pas en faisant passer de l'argent par des bureaucrates, pour la reprendre au moyen d'une formule complexe comme celle que les libéraux veulent soumettre au Cabinet afin d'y apporter des changements s'ils le désirent.

Il faut affranchir les exploitants d'entreprises des règles, de la réglementation et de la paperasserie. Laissons-les créer des emplois. Si nous leur donnons la motivation et les incitatifs nécessaires pour le faire, les petites entreprises feront diminuer le chômage et créeront de nouveaux emplois. Les recettes fiscales vont augmenter sans qu'il soit nécessaire de hausser les impôts. Le déficit va diminuer et notre compétitivité va s'améliorer sur les marchés internationaux. Nous obtiendrons tout cela si le gouvernement devient moins présent, au lieu d'intervenir encore davantage dans les activités des petites entreprises aux dépens de ces dernières.

Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux a constaté que les petites entreprises représentaient 79 p. 100 des fournisseurs du gouvernement fédéral pendant l'année financière 1993-1994. Au moins, nous constatons avec plaisir que le gouvernement fédéral reconnaît que la petite entreprise peut offrir des produits de qualité comparable aux meilleurs produits dans le monde et qu'ils méritent d'être achetés pour le gouvernement canadien.

Toutefois, en dépit de l'excellente contribution de la petite entreprise à l'économie canadienne, les libéraux n'ont pas encore tenu


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leur promesse électorale de créer un environnement qui lui soit plus favorable.

J'ai entendu quelqu'un faire une observation l'autre côté. Je suis sûr qu'ils ne sont pas tellement flatteurs à l'égard de notre position. J'espère cependant que mes remarques les inciteront à réfléchir à l'esprit de ce projet de loi. J'aimerais leur parler après et qu'ils me disent où ils voient la logique et les avantages ici.

(1740)

Les remarques que je veux faire au sujet de projet de loi sont celles-ci. Je ne crois pas qu'une fois que ce projet de loi aura été renvoyé à un comité et que le comité entendra les témoins nous trouverons flatteurs les commentaires des banques qui vont payer les droits au gouvernement. Certaines petites entreprises qui ont recours au programmes seront sceptiques quant aux raisons pour lesquelles elles devraient payer ces primes. J'espère, par conséquent, que le gouvernement réfléchira sérieusement à l'idée de reformuler ces modifications de façon à tenir compte de ce que demandent les petites entreprises pour les motiver à créer des emplois.

Je suis d'accord en ce qui concerne l'idée que le gouvernement devrait participer à la création d'un climat propice à la création d'emplois par les petites entreprises. C'est très bien. Cependant, l'idée derrière ça, c'est que le gouvernement veut qu'on le voit faire ça, mais avec l'argent du petit entrepreneur. Je ne suis absolument pas d'accord là-dessus.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, j'ai été plutôt étonné par les propos du député de St-Albert concernant la question des garanties, qui ne seraient d'après lui que des fonds en circulation, qui sont payés par les petites entreprises.

La plupart d'entre nous comprenons ce qu'est une mauvaise créance. Je crois savoir que le député est comptable. Nous comprenons tous que les petites entreprises ont des comptes recevables et qu'elles ont généralement un coussin qui leur permet d'assumer les pertes dues à de mauvaises créances. Évidemment, ces pertes assumées en vertu de la Loi sur les prêts aux petites entreprises ont été minimes. Je crois qu'elles représentent environ 2 p. 100, en moyenne.

Le député ne semble pas comprendre que, pour se protéger des mauvaises créances, le gouvernement doit trouver un moyen de recouvrer une partie des entrées provenant des remboursements de prêts. C'est comme pour toute autre transaction normale. Je croyais que le Parti réformiste féliciterait le gouvernement pour ce genre de mesure, ayant abordé la question des prêts à la manière d'une société commerciale.

Le député ne semble pas capable de comprendre le concept. Que nous prenions de l'argent dans un fonds pour le placer dans un autre, au bénéfice des petits entrepreneurs, ça le dépasse. Franchement, ce n'est qu'une pratique normale, et le gouvernement mérite des félicitations pour cela.

Le député a parlé de création d'emplois. Ce programme existe depuis un bon bout de temps. Nous sommes en train de le peaufiner, d'accroître sa portée. Les emplois dont parlait le député, qui sont créés dans le milieu des petites entreprises, ont en fait bénéficié de ce programme. Les emplois magnifiques qu'il a mentionnés, qui se sont multipliés depuis quelques années, existent grâce au programme de prêts aux petites entreprises.

Le député a aussi parlé des dépenses d'infrastructure, et du terrible gaspillage de fonds du Trésor qu'elles représentent. Pour ce qui est des biens publics et de tout le concept de l'administration publique au pays, il faut savoir que cette forme d'administration vise à assurer l'existence de certaines choses dont l'entreprise privée ne veut pas se charger, pour une raison ou une autre, par exemple les aéroports, les routes, les réseaux d'égouts, etc. Le député ne semble pas comprendre que, presque partout au Canada, le gouvernement maintient son engagement de s'en occuper, et que cela crée des emplois.

Je veux demander au député s'il comprend bien le concept des garanties et de la constitution de réserves pour ces garanties?

M. Williams: Monsieur le Président, je serai heureux de répondre au député qui, m'a-t-on dit, est également comptable.

Là où je veux en venir c'est que les PME se voient offrir cette garantie à leurs frais. Ce sont elles qui devront la financer. L'entrepreneur qui réussit payera des taux d'intérêt plus élevés à la banque qui payera un droit au gouvernement fédéral qui se servira de l'argent ainsi recueilli pour rembourser le prêteur qui aura pris une mauvaise décision, ou dont les prêts sont irrécouvrables, la PME ayant fait de mauvaises affaires. Les gens d'affaires prospères vont payer un droit pour garantir les créances irrécouvrables des prêteurs.

(1745)

Ce n'est plus une garantie du gouvernement fédéral. Il s'agit maintenant de «recouvrer complètement les coûts du programme de prêts». Par conséquent, le gouvernement fédéral ne garantit plus rien, il crée seulement de la paperasse en plus. C'est ce contre quoi je m'élève. Il n'y a plus de garantie du gouvernement fédéral. La seule garantie, c'est que le type qui gagne doit payer pour celui qui perd.

Je sais que jusqu'à maintenant c'est le gouvernement fédéral qui a payé la facture quand les ratés ne remboursent pas leurs emprunts pendant que ceux qui réussissent créent des emplois et font croître l'économie. Maintenant on va leur demander de continuer à faire la même chose, mais on leur aura mis un boulet de plus à la cheville et il va falloir qu'ils continuent à surmonter les obstacles que sont une fiscalité écrasante, des taux d'intérêt élevés, qui le seront encore davantage du fait qu'il faudra payer un droit au fédéral, un dollar canadien trop fort, etc. Et on voudrait qu'ils soient concurrentiels? C'est là l'idiotie de ce projet de loi.

J'en viens maintenant à l'autre point soulevé par le député, le programme d'infrastructure. Bien sûr, ce sont nos impôts qui le financent. Bien sûr, l'infrastructure est nécessaire. Toutefois, lors des dernières élections, on nous avait promis des emplois grâce au programme d'infrastructure. Selon le président du Conseil du Trésor, «avec 6 milliards de dollars, nous avons créé 8 000 emplois permanents». Le calcul est simple, cela fait 750 000 $ par emploi, ce qui est de loin supérieur à ce que coûte un emploi dans le secteur privé.

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M. Dennis J. Mills (secrétaire parlementaire du ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté attentivement les propos du député. Ils m'a irrité en parlant sans cesse des propriétaires de petites entreprises, hommes et femmes, qui ont fait faillite comme des perdants.

J'aimerais savoir ce que le député proposerait aux banques, qui administrent ce programme, pour qu'elles choisissent toujours les petites entreprises qui leur assureront un dossier parfait. Quelle intuition, quelle capacité à juger les qualités des entrepreneurs, quelle formule spéciale permettrait au député de ne jamais se tromper dans l'analyse des qualités d'un propriétaire de petite entreprise et de son pouvoir d'être absolument. . .

Le vice-président: Le député de St-Albert.

M. Williams: Monsieur le Président, je répète que le député ne s'est pas appliqué à bien comprendre la question.

Les banquiers subissent des pertes et des mauvaises créances chaque année pour des milliards de dollars. Leurs clients compensent ces pertes en obtenant des taux d'intérêt moins élevés pour leurs dépôts et en payant des taux plus élevés pour leurs emprunts, car les banques doivent malgré tout réaliser des profits.

Prenons deux prêteurs. L'un est prudent et prend de bonnes décisions quant à ses investissements; l'autre est imprudent et insouciant, il investit son argent bien moins judicieusement. L'investisseur prudent analyse les demandes de prêts attentivement et il subira donc moins de pertes. Il en subira quand même, mais elles seront moins élevées.

M. Mills (Broadview-Greenwood): Comment pouvez-vous le savoir?

M. Williams: Si un investisseur est prudent et qu'il examine attentivement les demandes, il subira nécessairement moins de pertes. Il va payer une prime et il la récupérera des clients par le biais de taux d'intérêt plus élevés. Le créancier paiera davantage. L'argent ira dans les coffres du gouvernement.

(1750)

De l'autre côté, nous avons le prêteur insouciant qui ne s'inquiète pas beaucoup des demandes qu'il approuve. Ses pertes sont considérables, mais il ne lui en coûtera pas davantage, parce qu'il sera remboursé avec les fonds du gouvernement. Nous séparons le risque et la récompense, parce que le prêteur prudent qui analyse les demandes qu'il reçoit aura des pertes inférieures, et donc des profits plus élevés, tandis que le prêteur insouciant ne souffrira pas de conséquences de son imprudence, puisqu'il sera remboursé par l'entrepreneur à succès qui a emprunté à une banque différente.

C'est cela que j'essayais de dire. Ce que nous faisons, c'est tout simplement transférer l'argent de l'emprunteur qui réussit aux coffres du gouvernement, en passant par le prêteur, de façon à pouvoir rembourser le prêteur qui a pris des mauvaises décisions en prêtant de l'argent à des entreprises qui ont fait faillite. C'est là où je voulais en venir. C'est assez clair, c'est assez simple et j'espère que le député de l'autre côté comprend cela.

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, je vais m'y reprendre encore une fois. Le député affirme que c'est une notion très simple. Il s'agit effectivement d'une notion très simple.

Il se trouve sûrement dans sa ville natale un courtier d'assurances qui, dans le cadre de ses activités quotidiennes, accumule des fonds au titre de provision pour créances douteuses. C'est ainsi que ça marche. Ce courtier d'assurance dira: «Il est normal que je perde annuellement de 2 à 3 p. 100 de mes comptes clients. Si je me retrouvais sans aucune perte de ce genre, c'est que mon entreprise serait exceptionnelle; j'aurais une entreprise qui ne prendrait aucun risque.» La petite entreprise, ça consiste essentiellement à accepter un certain degré de risque.

Ces pertes dues à des créances irrécouvrables que subit l'entreprise, elles sont partagées entre les autres clients. Voilà pourquoi il n'y a rien d'étrange ou d'exceptionnel à ce que le gouvernement adopte pareille orientation, et ça m'étonne vraiment que le député ne saississe pas.

Ai-je réussi à mieux me faire comprendre du député?

M. Williams: Monsieur le Président, je vais essayer d'être bref et de bien me faire comprendre. Le député a donné l'exemple d'un courtier d'assurance. Si le courtier estime qu'il lui faut prévoir de 2 à 3 p. 100 de créances irrécouvrables, pas de problème, la provision c'est pour ça. Or, ce que je veux faire valoir, c'est la question de savoir pourquoi il devrait prévoir ainsi une somme d'argent qui servira à rembourser, par le truchement du gouvernement, son concurrent d'en face qui, par manque de prudence peut-être, se retrouve avec 10 p. 100 de créances irrécouvrables sur les bras. Ça n'a pas de sens!

[Français]

Le vice-président: Comme il est 17 h 53, la Chambre abordera maintenant l'étude des Affaires émanant des députés.

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INITIATIVES PARLEMENTAIRES

[Traduction]

LOI SUR LA RACE NATIONALE DE CHEVAUX DU CANADA

M. Ian Murray (Lanark-Carleton, Lib.) propose: Que le projet de loi C-329, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je suis très heureux que mon projet de loi d'initiative parlementaire, le projet de loi C-329, soit étudié aujourd'hui à la Chambre des communes. Malheureusement, il n'a pas été choisi comme affaire faisant l'objet d'un vote, mais il traite certainement d'une partie de notre histoire qui mérite d'être célébrée.

Ce projet de loi a pour objet d'accorder une reconnaissance appropriée au cheval de race canadienne, qui est la désignation


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officielle de cette race de cheval. J'estime qu'il est un symbole de notre patrimoine canadien. Nous devrions saisir toutes les occasions de célébrer les aspects de notre histoire qui font du Canada un pays exceptionnel.

Il y a plusieurs précédents à la reconnaissance que j'ai proposée. Il y a quelques années, le Parlement a adopté un projet de loi qui désignait le castor comme l'animal national du canada. Récemment, nous avons reconnu le hockey et la crosse comme nos sports nationaux. Cette célébration de notre patrimoine n'est ni frivole ni sans importance. Nous avons besoin d'un plus grand nombre de symboles pour orner le grand tableau que constitue l'histoire du Canada.

Au moment où nous débattons ce projet de loi, les Canadiens surveillent avec inquiétude le débat qui se déroule au Québec et qui est si important pour notre avenir. Lorsque j'ai présenté le projet de loi C-329, j'étais bien conscient du fait que l'histoire du cheval de race canadienne a débuté en Nouvelle-France, aujourd'hui la province de Québec. J'estime que, si nous appuyons l'objectif du projet de loi, ce sera une légère contribution à l'unité nationale.

M. Alex Hayward, un propriétaire de chevaux de race canadienne qui vit près de North Gower, en Ontario, m'a donné l'idée de donner à cette race un statut national grâce à un projet de loi d'initiative parlementaire. M. Hayward a grandi entouré de chevaux de race canadienne et il prétend qu'ils peuvent tout faire sauf danser.

Après avoir fait des recherches sur cette race de cheval, nous avons noté dans plusieurs documents que le Parlement avait déclaré le cheval de race canadienne race nationale, le 17 mars 1909. Malheureusement, on n'a pu vérifier cela nulle part dans les comptes rendus des débats du Parlement. Ainsi, j'ai décidé d'attirer l'attention sur une race de cheval qui a servi à travailler sur nos terres dès le XVIIe siècle.

C'est en 1665, sous le règne de Louis XIV, que cette race de cheval a été introduite au Canada. On a livré des chevaux au gouverneur de la Nouvelle-France, à Stadaconé, qui est maintenant la ville de Québec. Louis XIV estimant qu'un chevalier ne devrait pas être sans cheval, on a remis ces chevaux comme un cadeau noble pour plaire aux gens qui venaient peupler la colonie.

On ignore les origines exactes de ce cheval. Cela n'est qu'au siècle suivant que les éleveurs de chevaux ont commencé à tenir des livres d'origine. Cependant, les historiens croient qu'il descend des chevaux arabes, barbes et andalous. En 1667 et 1670, on a reçu d'autres chevaux de ce type; leur nombre a atteint 12 000 en 1760.

Le cheval de race canadienne a été le premier à servir à défricher, labourer et cultiver le sol canadien. Il a aussi servi de cheval d'attelage, ainsi que de monture pour pour l'équitation et la course. Ce cheval petit, rapide, fort et résistant atteint rarement 1 100 livres et son hauteur varie de 14,3 à 15,2 paumes. Ainsi, la hauteur moyenne du cheval de race canadienne est d'environ cinq pieds.

Au fil des ans, la France était constamment en guerre et incapable de soutenir sa colonie. Ainsi, durant le siècle et demi suivant, les chevaux en Nouvelle-France ont fait l'objet d'élevage. Ils se sont multipliés sans être mélangés à d'autres races. Cependant, lorsque les Anglais sont arrivés en 1760, ils ont amené avec eux d'autres races. À leur arrivée, de nombreux colons français sont allés s'établir au Manitoba et aux États-Unis et ont emmené leurs chevaux avec eux.

La guerre civile américaine a créé une forte demande pour les chevaux de cavalerie. Le cheval de race canadienne était de la bonne taille et il était bien connu pour sa robustesse. Il était donc bien adapté aux rigueurs de la guerre. Les exportations de ce cheval ont donc connu une forte croissance et les prix montent en flèche. De nombreux chevaux ont été tués à la guerre; ceux qui ont suvécu ne sont jamais revenus au Canada. À la fin du XIXe siècle, ces facteurs menaçaient la survie du cheval de race canadienne; on a donc pris des mesures pour essayer de préserver cette race remarquable.

En 1885, on a commencé à tenir un livre d'origine pour avoir des dossiers précis sur la race et en 1895, on a créé la Société des éleveurs de chevaux de race canadienne. Le ministère fédéral de l'Agriculture a eu un centre d'élevage de 1913 jusqu'à ce que la Seconde Guerre mondiale en force la fermeture en 1940. Le cheval de race canadienne a fourni les sujets de base de nombreuses espèces, en particulier, les races Morgan et Standardbred. Vers 1850, la moitié des chevaux au Canada aurait eu dans les veines du sang de race canadienne.

Dans son livre The Canadian Horse, Gladys Mackey Beattie a décrit de façon excellente la force et l'endurance de cette race. Des écrits font état de chevaux de race canadienne qui ont trotté de Québec à Montréal, puis de Montréal à Cornwall, s'arrêtant simplement lorsque les cochers avaient besoin de se rafraîchir.

Dans un article paru en 1914 dans la revue Breeders Gazette of Chicago, on a pu lire le cas suivant: «Un marchand de bois, propriétaire d'un cheval de race canadienne pesant environ 1 050 livres, l'a harnaché avec un autre cheval pesant 200 livres de plus. Le trait retenant le cheval de race canadienne restait constamment tendu, mais le cheval n'a jamais manifesté autant de fatigue que son compagnon plus lourd. Au bout de deux ans de travaux ordinaires, le cheval plus lourd est décédé. Interrogé sur la cause du décès, le cocher a répondu: «C'est le cheval de race canadienne qui l'a fait mourir d'épuisement.» Un autre cheval lourd harnaché avec le même cheval de race canadienne est mort au bout d'un an, mais le cheval de race canadienne est toujours en parfaite santé.»

(1800)

Nous devrions rendre hommage au petit groupe d'éleveurs de chevaux de race canadienne d'hier et d'aujourd'hui, car sans eux un élément important de notre patrimoine serait disparu. À cet égard, je remercie Alex Hayward et son ami, le regretté Don Prosperine, de Dunrobin, en Ontario, dans ma circonscription, Lanark-Carleton. En 1978, ces deux messieurs ont décidé de s'associer pour élever des chevaux de race canadienne. Ils ont dû parcourir le Québec pendant un an et demi pour trouver les spécimens qui convenaient. Partant d'un étalon et de deux juments, ils ont constitué un cheptel de 28 chevaux de race canadienne. Frank, le fils de Don Prosperine, poursuit la tradition familiale sur sa ferme de Dunrobin où il a 18 chevaux de race canadienne.


15795

En terminant, je remercie les députés qui ont manifesté de l'intérêt à l'égard de cet élément de notre patrimoine et qui ont pris part au débat aujourd'hui. Je remercie également les Canadiens d'un océan à l'autre qui ont écrit à leur député pour appuyer le projet de loi C-329. Enfin, je félicite les membres de la Société des éleveurs de chevaux canadiens qui célèbrent cette année le centenaire de leur association.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, je remercie le député des paroles qu'il a dites au sujet du cheval de race canadienne. D'après ce que je lu au sujet de ce cheval, il semble être un candidat remarquable au titre de cheval national du Canada.

Le député a brossé l'historique de cet animal: il a parlé de son origine française, de sa capacité à supporter le climat rigoureux de notre pays en ses diverses saisons, de sa force et de son intelligence. Tout cela est merveilleux. En ce sens, c'est tellement typique des Canadiens. C'est pourquoi je ne peux rien dire contre le projet de loi. Je ne trouve rien à redire au cheval de race canadienne ni même à l'idée d'avoir un cheval national du Canada.

Je me demande cependant, alors que nous sommes à six jours d'un référendum sur l'éclatement du pays, pourquoi nous parlons de questions de ce genre. C'est une question dont le député pourrait traiter dans le cadre d'une déclaration de députés ou d'une campagne épistolaire. Il y a d'autres façons de s'occuper de ce genre de questions.

Franchement, quand nous saisissons la Chambre des communes de mesures d'initiative parlementaire, elles devraient être un peu plus pertinentes par rapport aux priorités nationales. Pour l'amour du ciel, il va y avoir dans six jours un référendum sur l'éclatement du pays. Voilà le genre de questions dont les députés devraient saisir la Chambre pendant la période réservée à l'étude des initiatives parlementaires. Je ne vois absolument pas pourquoi nous n'aurions pas pu avoir à discuter aujourd'hui d'un projet de loi sur la décentralisation des pouvoirs, et discuter des répercussions que cela pourrait avoir pour le Canada et de la possibilité que le Québec reste au sein du pays. Je ne vois absolument pas pourquoi nous n'aurions pas pu tenir un tel débat.

Nous avons eu toutes sortes d'excellentes mesures législatives qui ont émané de simples députés, et c'est le genre d'initiatives dont nous devrions être saisis en cette période-ci.

Nous avons une dette de quelque 560 milliards de dollars, qui s'accroît de 90 millions de dollars par jour. Elle augmentera encore davantage maintenant que les taux d'intérêt sont éperonnés par le climat d'incertitude entourant le référendum québécois. Voilà le genre de questions auxquelles nous devrions réserver cette période.

Hier soir, à la télévision, j'ai vu un employé du métro mourir d'un coup de poignard à Toronto. Il est le premier employé du métro à mourir assassiné à Toronto. Le député de l'Ontario aurait pu proposer un projet de loi portant sur ce genre de problème.

Je ne veux vraiment pas dénigrer le travail du député. Je crois cependant que la période consacrée aux initiatives parlementaires devrait être réservée aux questions qui se rapportent davantage aux priorités du Canada. Je sais que les Canadiens sont révoltés de voir certains des problèmes qui se présentent et qu'on ne fait rien pour résoudre. Comme nous ne pouvons pas pousser le gouvernement à les résoudre, nous poussons les simples députés à le faire. Poussons-les donc à présenter des mesures législatives à cette fin.

Nous avons 97 ou 98 députés ministériels de l'Ontario à la Chambre. Or, le député a présenté un projet de loi visant à faire du cheval de race canadienne le cheval national du Canada. Très bien. Mais on aurait pu proposer l'étude de bien d'autres mesures législatives plus importantes pour régler les problèmes que j'ai évoqués.

(1805)

Ne serait-il pas extraordinaire qu'un député torontois, avec les 19 ou 20 autres députés de Toronto, présente une mesure législative pour réprimer le crime? On pourrait donner l'exemple de ce qui est arrivé l'autre soir à Toronto: un homme a été poignardé à mort, nous l'avons vu à la télévision, et c'était épouvantable. Il faut faire quelque chose. Ça ne peut pas continuer.

Presque tous les jours, nous assistons à une lente érosion de la règle du droit; pas son effondrement, mais une érosion qui prend de multiples formes. Les gens deviennent irrespectueux de la loi. Certains ont un tel mépris pour la règle du droit. Étudions des lois pour régler des problèmes comme ceux-là.

Une autre chose que nous pourrions étudier aujourd'hui, et cela aiderait le député et sa cause, ce serait que le Parlement, que les députés proposent des projets de loi pour donner aux députés la liberté de voter selon les voeux de leurs électeurs sur certains projets de loi. Il n'y a aucune raison au monde pour que nous ne puissions pas avoir une loi comme ce qui existe actuellement en Grande-Bretagne, où on peut rejeter un projet de loi du gouvernement sans en provoquer la chute. En d'autres termes, il faudrait adopter une motion de défiance après avoir rejeté le projet de loi.

Pouvez-vous imaginer la réaction des Canadiens si cela se produisait ici? Ce serait renversant. Ce serait une révolution. Ils retrouveraient confiance dans la Chambre. À titre de représentant politique, j'estime, et les députés d'en face sont certainement d'accord, qu'il y va de notre intérêt de faire tout notre possible pour redorer la réputation, très mauvaise, de ceux qui font de la politique. Ce genre de mesure serait très utile en ce sens.

On pourrait également proposer un projet de loi visant à équilibrer le budget. À l'heure actuelle, notre déficit s'accroît d'environ 19 millions de dollars chaque jour. Nous nous endettons un peu plus chaque jour. Je trouve cette situation tout à fait immorale, quand je pense aux répercussions que cela aura sur nos enfants.

J'ai deux garçons à la maison, un de sept ans et l'autre de onze ans. Bien des députés ont de jeunes enfants. Il est immoral de notre part d'hypothéquer ainsi leur avenir. Nous devons agir rapidement si nous voulons mériter le titre de parlementaires et mettre un terme à une situation qui ne peut que condamner les prochaines générations à la pauvreté.


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Je veux être bref. Je soutiens que l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires devrait être consacrée, à mon avis, à des questions très importantes pour l'ensemble de notre pays.

Je comprends qu'il est question ici d'une partie de notre patrimoine. Je sais aussi, comme le député l'a signalé, que ce cheval a été reconnu par le Cabinet en 1909, si je ne m'abuse. Étant donné que le cheval porte déjà le titre de cheval national du Canada et qu'on a reconnu son passé glorieux, nous pouvons dire que le pays lui a certainement accordé déjà beaucoup d'attention. On pourrait utiliser d'autres moyens pour faire valoir ce point, comme les déclarations des députés, une campagne épistolaire auprès des députés, la reconnaissance de ce cheval par les gouvernements provinciaux et d'autres initiatives du genre.

Je conclus en félicitant le député pour son initiative, mais en encourageant aussi les députés d'en face de même que ceux de mon parti et du Bloc à profiter de l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires pour présenter les meilleurs projets de loi possibles, les mesures législatives qu'ils jugent les plus importantes.

[Français]

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, le projet de loi portant sur la reconnaissance du cheval de race canadienne comme cheval national du Canada touche bon nombre de Québécois et en particulier les éleveurs. Il nous fait donc plaisir de les représenter en participant à ce débat.

En parcourant le projet de loi C-329, on apprend que le cheval a été amené par le roi de France, qu'il a été d'une grande utilité pour les colons dans leur tâche de survivre et de prospérer. On voit que ce cheval est doté de plusieurs qualités, dont la force, l'endurance physique, l'intelligence et le calme.

On peut aussi y lire qu'il a failli disparaître à une certaine époque à cause des croisements et de son utilisation militaire. Permettez-moi d'ajouter quelques éléments, parce qu'à mon avis, il faudrait comprendre l'histoire et voir l'évolution de cet animal exceptionnel.

(1810)

Tout d'abord, le tout premier cheval à fouler le sol de la Nouvelle-France, la colonie qui allait devenir plus tard le Québec, est arrivé dans la ville de Québec le 25 juin 1647. À cette époque, on l'appelait «cheval canadien» et il n'y avait aucun cheval dans cette partie de l'Amérique du Nord. Les forêts denses et étendues de la région ont en effet empêché le croisement avec d'autres sortes de chevaux. Il n'y avait aucune possibilité de croisement de chevaux, à cause des forêts qui étaient très denses et étendues. Alors, c'est la raison pour laquelle il n'a pas été possible de faire des croisements avec les races importées des Anglais et des Espagnols du Sud.

Ce n'est qu'à partir de la Conquête, qui a ouvert la porte à l'exportation vers les États-Unis et au croisement avec d'autres races, que le cheval dit canadien pur a commencé à régresser en nombre.

C'est vers 1880, devant la menace réelle de disparition de cette race, que des gens ont décidé de réagir. Des Québécois, comme François Pilote, Edouard Barnard et surtout le Dr J.-A. Couture, qui était vétérinaire, ont décidé de prendre en main la survie de cette race en faisant la sélection et la reproduction des meilleurs sujets encore existants. Le Dr Couture a entre autres réuni dans un livre de généalogie tous les sujets réunissant les caractères distinctifs de la race afin de mieux les protéger.

Par ces quelques éléments de l'histoire, on est à même de constater que le cheval dit de race canadienne est arrivé et s'est développé au Québec. Que ceux qui les ont élevés et entraînés, ce sont les habitants de ce qui allait devenir le Québec. Ce sont ces mêmes gens qui ont pris les moyens pour éviter que ce symbole de force et de fierté ne disparaisse de notre continent.

À la lumière de ces faits, il serait peut-être souhaitable qu'une éventuelle reconnaissance de ce cheval comme race nationale tienne davantage compte de l'apport des Québécois et des Québécoises à la survie et la conservation de cet animal.

De plus, comme il y a actuellement une demande similaire qui a été faite auprès du gouvernement du Québec et que celui-ci l'étudie présentement, il me semble qu'il serait plus approprié pour le respect de l'histoire qu'une éventuelle reconnaissance de cette race chevaline comme emblème national provienne de l'Assemblée nationale du Québec plutôt que de la Chambre des communes.

[Traduction]

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je participe au débat sur le projet de loi C-329, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne.

Je dois avouer que je ne connais pas grand-chose aux races de chevaux. Toutefois, un de mes électeurs a porté le projet de loi à mon attention et, après avoir lu l'histoire de ce cheval au Canada, je me suis rendu compte qu'il fait partie de notre identité, de notre histoire culturelle. Le député réformiste qui s'est lancé dans une grande envolée sur la non-pertinence du projet de loi oublie un point très important, à savoir que c'est l'identité culturelle qui fait une nation.

En 1665, ce cheval, qui venait des écuries de Louis XIV, a été introduit en Nouvelle-France, où il s'est amélioré et s'est multiplié jusqu'en 1759, année de l'effondrement de la Nouvelle-France.

L'économie politique est un domaine qui m'a toujours fasciné. On a beaucoup écrit sur la bataille des Plaines d'Abraham. Avant cet affrontement entre Wolfe et Montcalm, l'économie de la Nouvelle-France était grevée par des taux élevés d'inflation, d'endettement et de chômage. Il est intéressant de constater que nous avons exactement les mêmes problèmes de nos jours.

Après l'effondrement de cette économie, beaucoup de francophones ont quitté la Nouvelle-France. Ils sont partis pour le Manitoba.

(1815)

Cela ne fait-il pas penser à des débats qui ont lieu de nos jours à la Chambre? À l'image du Canada lui-même, le cheval de race cana-


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dienne lutte souvent contre des forces de la nature et des situations sociales épouvantables, jusqu'à disparaître presque parfois, puis recommence à se battre, à reprendre des forces et à s'améliorer.

Je suis amateur d'oeuvres d'art. Les députés réformistes ne semblent pas s'intéresser beaucoup à l'art. Au Musée des beaux-arts du Canada, on trouve un certain nombre de toiles de Cornelius Krieghoff. Bien sûr, celui-ci n'était pas un Québécois, mais il peignait à l'époque de la Nouvelle-France. Le cheval de race canadienne revient constamment dans ses oeuvres. Il fait partie intégrante de notre identité culturelle. Il est également très important que notre pays continue d'exister, car nous avons quelque chose de très spécial à protéger. Un cheval ne peut, de toute évidence, courir sur trois pattes. Le cheval de race canadienne n'appartient pas seulement au Québec, mais à tout le Canada.

Comme l'a mentionné tout à l'heure un autre député, il y a une importante entreprise d'élevage à proximité de la colline, à North Gower. En lisant la documentation sur cette race de cheval, je me suis rendu compte que cela me disait quelque chose, car la dernière fois que j'ai fait de l'équitation, c'était à North Gower.

En conclusion, quand on voit tous les combats que ce cheval a menés, on comprend qu'il est tout à fait indiqué de le reconnaître en tant que cheval de race canadienne. Mais surtout, il est incombe à tous les députés d'examiner ce qui nous unit comme nation plutôt que ce qui nous divise.

La lutte du Canada dans cette partie de l'Amérique du Nord n'a pas toujours été facile et s'est souvent traduite par des procès, des souffrances, voire des victimes. Nous avons souvent lutté, dans notre pays, pour nous protéger des Américains au sud de nos frontières, et maintenant c'est l'identité culturelle même du Canada qui est menacée. Nous continuons de résister à l'imposition de la culture américaine dans la société canadienne et nous continuons de faire tout notre possible pour que la culture canadienne soit celle qui prédomine. Ce cheval symbolise cela.

Je suis très heureux d'appuyer ce projet de loi. Je tiens à rappeler à certains de mes collègues à la Chambre que nous devons toujours lutter pour un Canada uni.

M. Murray Calder (Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, Lib.): Monsieur le Président, c'est vraiment un plaisir pour moi que de prendre la parole sur le projet de loi présenté par mon collègue de la circonscription de Lanark-Carleton, soit le projet de loi C-329, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada.

L'histoire de cette race de cheval est impressionnante. Le cheval de race canadienne a été amené au Canada en 1665, lorsque le roi de France a fait parvenir des chevaux de ses propres écuries aux habitants de sa colonie de l'Amérique du Nord. La race s'est bien adaptée et s'est multipliée, passant en peu de temps, soit de 1679 à 1720, de 145 têtes à plus de 5 000.

L'histoire du cheval de race canadienne est aussi l'histoire des premiers agriculteurs du Canada. Cet animal est devenu un allié inestimable pour les colons dans leurs efforts pour survivre et prospérer dans leur nouvelle patrie.

Je voudrais parler de cette question un peu plus parce que je trouve cela fort intéressant. Le député du tiers parti a dit que nous devrions parler de choses plus importantes à la Chambre maintenant. Nous avons une devise chez nous à la ferme. Elle est très simple, c'est ne pas oublier le passé, planifier l'avenir. Voilà qui montre toute l'importance que revêt l'histoire pour nous. Si nous n'avons pas de passé, nous n'avons pas beaucoup à attendre de l'avenir.

(1820)

En cette ère de tracteurs et de machines modernes, l'agriculteur laboure ses champs dans un tracteur à cabine climatisée, mû par un moteur de plus de 100 chevaux-vapeur et tirant une charrue composée de six à dix corps. Il écoute les rapports sur les marchés à la radio en faisant son travail. Cependant, à l'époque du cheval de race canadienne, quand il allait labourer, l'agriculteur n'avait devant lui qu'une simple charrue tirée par un cheval. Les rênes autour du cou, il devait garder les deux mains sur la charrue pour labourer la terre.

Aujourd'hui, avec l'équipement moderne, nous pouvons labourer de 15 à 20 acres par jour, alors qu'à cette époque, l'agriculteur et son cheval ne pouvaient en labourer que deux par jour. Et pour labourer un acre, cet agriculteur devait marcher 10 milles. L'agriculteur devait marcher 20 milles pour labourer ses deux acres dans sa journée. Je devrais faire un peu plus d'exercice comme cela.

Le cheval a toujours fait partie de l'histoire. Je suis du comté Grey, en Ontario. Lorsque le comté a été arpenté pour la première fois, il y avait deux arpenteurs, Rankin et Trainer. La distance entre Owen Sound et Hamilton est de 150 à 180 milles. Lorsque ces deux hommes ont commencé à arpenter pour délimiter les cantons, tracer les routes et le reste, nous étions au début du XIXe siècle. On ne penserait pas que les champs sont là depuis si longtemps. Tout le comté était couvert de forêts à cette époque-là. Les deux arpenteurs sont venus d'Owen Sound à cheval avec leur sac à dos. Ils sont descendus en se construisant des caches de nourriture tout le long du chemin. Ils partaient de Hamilton et remontaient pour pouvoir commencer leur travail. Il a fallu assez longtemps pour tout arpenter.

Bien sûr, lorsque l'arpentage a été terminé, il a fallu abattre la forêt avant de pouvoir commencer l'agriculture. Encore une fois, on a fait appel aux chevaux. Les agriculteurs abattaient les arbres et utilisaient les chevaux pour retirer les troncs et enlever les souches.

L'été dernier, j'étais à Collingwood, qui fait partie de ma circonscription. Il y a là une grande exposition agricole. On y organise des concours de chevaux. Cela fait partie de notre patrimoine, de notre passé. J'ai assisté à la remise des trophées pour le concours de traction chevaline. Il règne une atmosphère très compétitive pendant ce concours.

Dans mon village, Holstein, il y a chaque année une parade du père Noël. Pour faire partie de la parade, il faut avoir un char tiré par des chevaux. Il y a des mennonites et le vieil ordre mennonite de ma région se sert de voitures anglaises. Peut-être les pages ne connais-

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sent-ils pas ces voitures. Ce sont de longues voitures tirées par des chevaux où on compte suffisamment de sièges pour loger une assez grosse famille. Certaines ont de huit à dix enfants.

Durant la crise, notre famille habitait une ferme. Nous avions un grand terrain boisé sur la ferme et nous vendions du bois. Comment transportions-nous notre bois jusqu'à la ville? Nous utilisions des chevaux. Cela faisait partie intégrante de la vie agricole.

Le cheval de race canadienne est réputé pour sa force et son endurance. On a entendu de nombreux récits faisant étant des performances de ce cheval et de sa capacité de surpasser des animaux beaucoup plus grands que lui. Je parle ici du cheval belge et du percheron, des chevaux de ce genre qui sont de taille très imposante. Ne vous faites jamais piétiner par un de ces chevaux. Cela m'est arrivé lorsque j'étais enfant.

Il y a un récit qui parle d'un boucher qui a attelé son cheval de race canadienne à un chariot et qui a parcouru les 250 kilomètres entre Québec et Montréal en moins de douze heures, arrivant à destination avant le navire à vapeur qui faisait la course avec lui pour percevoir une facture non payée.

Il y a un autre récit, tiré celui-là de la Breeder's Gazette de Chicago en 1914. Je crois que le député en a parlé, mais je vais raconter l'histoire encore une fois parce que nous devons montrer à quel point le cheval de race canadienne est remarquable. Il est assez rare que nous ayons l'occasion de nous vanter en tant que Canadiens à la Chambre des communes. Nous devrions le faire plus souvent. Le cheval de race canadienne est un bon exemple. Un marchand de bois était propriétaire d'un cheval de race canadienne pesant environ 1 050 livres. Il a attelé ce cheval en tandem avec un autre cheval qui pesait 200 livre de plus. Le cheval de race canadienne travaillait très fort et n'avait jamais l'air aussi fatigué que l'autre cheval plus gros que lui. Après deux ans de dur labeur, le cheval plus lourd est mort. Selon le conducteur, l'animal serait mort d'épuisement parce que le cheval de race canadienne l'avait trop fait travailler.

(1825)

Cela montre à quel point cette race que nous voulons reconnaître comme purement canadienne est remarquable. Le Canada devrait être très fier aussi parce que, en tant que pays uni, nous sommes les premiers dans le monde. Encore une fois, je dois signaler le fait que mon collègue du troisième parti semble ne pas comprendre ce point. Je trouve malheureux que lui et mes collègues du Bloc québécois ne comprennent pas à quel point ils sont chanceux dans le moment.

En dépit de ses qualités, le cheval de race canadienne a presque été menacé d'extinction par suite d'élevage en consanguinité et de négligence. En 1886, des admirateurs du cheval se sont regroupés pour établir ensemble un livre d'origine établissant la liste de tous les pur-sangs.

En 1907, un deuxième livre était ouvert et le ministère fédéral de l'Agriculture finançait un groupe spécial d'experts pour étudier environ 2 500 chevaux sur lesquels 969 seulement furent jugés acceptables et enregistrés comme sujets de souche. C'est ainsi que nous avons été à deux doigts de perdre le cheval de race canadienne.

Entre 1913 et 1981, le gouvernement fédéral et le gouvernement du Québec ont mis en place des programmes pour maintenir la race. Toutefois, en 1976, avec seulement 383 chevaux recensés, ce cheval se trouva encore une fois destiné à disparaître. C'est de cela que le député de l'autre côté parlait, le ressort des Canadiens. Nous rebondissons. Nous rebondissons toujours. Le cheval de race canadienne en est un bon exemple.

Ces dix dernières années, il y a eu une résurgence de l'intérêt à l'égard de la race. Les gens sont en train de redécouvrir le petit cheval d'endurance. N'est-ce pas là une façon formidable de décrire le Canada que de prendre pour symbole de notre pays le petit cheval d'endurance, le doux cheval de labeur, intelligent et polyvalent? Il y a dans ma circonscription, Wellington-Grey-Dufferin-Simcoe, des éleveurs qui m'ont écrit pour me décrire fièrement ces animaux et c'est l'une des raisons pour lesquelles j'appuie le projet de loi présenté par le député.

Ce projet de loi nous fournit l'occasion de célébrer ce cheval de race canadienne unique. Nous lui devons beaucoup pour nous avoir aidé par son dur travail à développer notre pays. J'encourage tous les députés à appuyer ce projet de loi.

M. Gurbax Singh Malhi (Bramalea-Gore-Malton, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole aujourd'hui pour me prononcer en faveur du projet de loi C-329, Loi portant reconnaissance du cheval de race canadienne comme le cheval national du Canada.

Depuis qu'ils ont été amenés au Canada en 1665, les «petits chevaux de fer» ont rendu de grands services aux Canadiens. Ils ont été utilisés non seulement pour le transport et l'équitation, mais également pour défricher la terre, cultiver et haler. Ils ont peut-être à l'origine mené une vie douillette dans les écuries royales de Louis XIV, mais une fois arrivés au Canada ils ont dû travailler dur.

Les débuts du cheval canadien ressemblent à certains égard à ceux des colons, leurs maîtres. Dans son histoire illustrée du cheval canadien, Gladys Mackey Beattie fait observer qu'en raison de la sélection naturelle seuls les plus robustes réussissaient à survivre. Leurs conditions de vie étaient telles qu'ils ont acquis une endurance que l'on ne trouve pas chez d'autres races.

Avec le temps, les chevaux ont fini par être plus petits que leurs ancêtres, mais ils étaient encore beaucoup plus robustes, pouvaient se contenter d'une maigre ration, trotter infatigablement dans la boue ou la nuit, jour et nuit, mûrissaient plus tôt et jouissaient d'une longévité plus grande. On entend beaucoup parler de la force et de la résistance des petits chevaux qui mangent moins, mais qui travaillent plus fort et qui courent plus vite que des chevaux qui ont deux fois leur taille. Des documents des années 1800 font état de nombreux records établis par des ambleurs et des trotteurs qui étaient des descendants de chevaux de race canadienne.

(1830)

L'historien Faillon a décrit ce cheval de la façon suivante: «Petit, mais robuste, ses jarrets sont d'acier, son épaisse crinière vole au vent, ses yeux sont vifs et brillants, ses oreilles pointues réagissent

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au moindre bruit, jour et nuit, il manifeste le même courage, bien éveillé sous son harnais, il a bon caractère, il est bon, gentil et affectueux, et son instinct développé le ramène à coup sûr à son étable.» Que de belles qualités pour décrire un symbole national.

Nous avons une autre raison de reconnaître ce cheval de race canadienne comme notre cheval national. C'est son besoin de protection et d'encouragement. Tout au long de son histoire, en dépit de sa force et de sa résistance, parfois même à cause d'elles, ce petit cheval a souvent été menacé d'extinction. Après 1670, dernière année où ces chevaux ont été expédiés au Canada comme cadeaux à des gens de la noblesse, la quarantaine de chevaux qui se trouvaient en Nouvelle-France se sont multipliés. Leur nombre a atteint 5 200 en 1720, mais quand les Britanniques ont pris le Québec en 1759, la popularité des chevaux de race canadienne a commencé à chuter. Les immigrants britanniques sont arrivés avec leurs propres chevaux qu'ils ont croisés avec les chevaux de la vigoureuse race canadienne, réduisant ainsi le nombre de pur-sang.

Beaucoup de Canadiens-français se sont enfuis au Manitoba ou aux États-Unis, emmenant avec eux leurs chevaux, un bien précieux en raison de ses qualités pour la reproduction. De 1861 à 1865, des milliers de chevaux canadiens furent expédiés aux États-Unis pour être utilisés comme chevaux de selle ou de charge lors de la guerre de Sécession. Beaucoup ont été tués pendant la guerre et ceux qui ont survécu ne sont jamais revenus au Canada.

À la fin du XIXe siècle, il ne restait que très peu de chevaux canadiens de pure race. En dépit des programmes de reproduction, seulement 383 chevaux canadiens figuraient sur les registres en 1976 et l'avenir de la race semblait menacé. Depuis la fin des années 1970, des éleveurs et des amateurs canadiens déterminés, qui estiment que c'est le cheval familial parfait, ont accru le nombre au point où la race n'est plus menacée d'extinction.

Comme ces chevaux sont très doux, très calmes et très intelligents, certains éleveurs estiment qu'ils seront de plus en plus sollicités pour participer à des activités touristiques allant de chevauchées d'endurance dans les sentiers aux promenades de visiteurs en carriole dans les rues étroites de nos villes les plus anciennes.

Cependant, jusqu'à maintenant, le cheval qui peut «tout faire sauf danser» n'a certainement pas reçu la reconnaissance et les honneurs qu'il mérite. Il y a plus de 300 ans, le petit cheval d'endurance faisait partie intégrante de la vie des Canadiens, travaillant aux côtés des premiers colons et jouant le double rôle de cheval de voiture pour la famille et de cheval de course les dimanches et les jours fériés.

En fin de compte, il est ce que J.G. Rutherford, directeur fédéral vétérinaire et chef des bureaux provinciaux de la division des bestiaux, qui aurait témoigné devant un comité parlementaire en 1909, a appelé «le meilleur cheval à tout faire qui soit élevé au Canada».

Il est grand temps que nous le reconnaissions comme le cheval national officiel du Canada et je remercie le député de Lanark-Carleton d'avoir attiré l'attention de la Chambre sur cette question.

Le vice-président: Comme il n'y a plus de députés qui désirent prendre la parole sur cette question, l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. L'article retombe au bas de la liste de priorité du Feuilleton.

Comme il est 18 h 35, la Chambre s'ajourne à 14 heures demain.

(La séance est levée à 18 h 35.)