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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 18 novembre 1996

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

L'AGRICULTURE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA RÉGION DES GRANDS LACS D'AFRIQUE

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6344

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LES BÉNÉVOLES

L'ORDRE DES INFIRMIÈRES ET DES INFIRMIERS DU QUÉBEC

L'ÉTHIQUE

L'ASSURANCE-EMPLOI

MAJORIE LAVALLÉE

LA JUSTICE

LE MOIS DE LA PRÉVENTION DE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

L'ONTARIO

L'ALPHABÉTISATION

LA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS

LA PETITE ENTREPRISE

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

L'ÉCONOMIE MONTRÉALAISE

LE CHILI

    Mme Gagnon (Québec) 6363

LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE CANADIENNE

LA SOCIÉTÉ CROSSLEY CARPET MILLS

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

QUESTIONS ORALES

LE TRANSPORT AÉRIEN

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 6364

LA GARDE D'ENFANTS

    M. Martin (LaSalle-Émard) 6366
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6366

L'ASSURANCE-EMPLOI

L'ÉCONOMIE

    M. Martin (LaSalle-Émard) 6367
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6367

LA GARDE CÔTIÈRE

    M. Bernier (Gaspé) 6368

LA FISCALITÉ

LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

LE COMMERCE INTERNATIONAL

LA COMMISSION KREVER

LA FISCALITÉ

    M. Martin (LaSalle-Émard) 6370
    M. Martin (LaSalle-Émard) 6371

LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

LE SOMMET DE L'APEC

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6371
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 6371

LES PÊCHES

LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL

PRÉSENCE À LA TRIBUNE

LE DÉCÈS DE L'HONORABLE JOSEPH GHIZ

    M. Speaker (Lethbridge) 6373

LE DÉCÈS DE TOM BELL

LE DÉCÈS DE L'HONORABLE JOE GHIZ

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES VOIES ET MOYENS

AVIS DE MOTION

COMITÉS DE LA CHAMBRE

LES RESSOURCES NATURELLES

LOI SUR LES FRAIS D'UTILISATION

    Projet de loi C-349. Adoption des motions de présentationet de première lecture 6377

PÉTITIONS

LE FONDS D'INDEMNISATION DES AGENTS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

LA FISCALITÉ

L'ÉTIQUETAGE DES BOISSONS ALCOOLISÉES

LA JUSTICE

LE RÉSEAU ROUTIER

LA JUSTICE

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

LA CONDUITE AUTOMOBILE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

LA FISCALITÉ

LA CONDUITE AUTOMOBLIE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

LA FISCALITÉ

QUESTIONS AU FEUILLETON

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA RÉGION DES GRANDS LACS D'AFRIQUE

    Reprise de l'étude de la motion 6380
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 6380

LA LOI SUR LE DIVORCE

    Projet de loi C-41. Reprise de l'étude en troisièmelecture 6404
    Adoption de la motion par 136 voix contre 22 6404
    Adoption de la motion; troisième lecture et adoption duprojet de loi 6405

MOTION D'AJOURNEMENT

LES MINES TERRESTRES

LES ESPÈCES EN PÉRIL


    6337


    CHAMBRE DES COMMUNES

    Le lundi 18 novembre 1996


    La séance est ouverte à 11 heures.

    _______________

    Prière

    _______________

    INITIATIVES PARLEMENTAIRES

    [Traduction]

    L'AGRICULTURE

    M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.) propose:

    Que, de l'avis de la Chambre, l'on donne aux producteurs de blé et d'orge de l'Ouest du Canada plus de souplesse et davantage de possibilités en modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, grâce à l'instauration d'une clause de retrait particulière de deux ans à l'intention de ceux parmi eux qui désirent développer des créneaux sur le marché d'exportation.
    -Monsieur le Président, ces deux dernières années, j'ai eu de nombreux entretiens avec les producteurs de Wild Rose, ma circonscription. Pour faire suite à ces entretiens, je leur ai demandé récemment ce qu'ils voulaient que je fasse. Leur réponse a donné lieu à cette motion. Les producteurs demandent la possibilité de se retirer pendant deux ans de la Commission canadienne du blé pour pouvoir développer des créneaux pour leurs produits sur le marché d'exportation.

    La question que j'ai posée aux producteurs était celle-ci: «Les agriculteurs devraient-ils pouvoir se retirer de la Commission canadienne du blé?». À cette question, 835 producteurs ont répondu oui, 70 non. Ce qui représente un pourcentage d'environ 90 p. 100. Je me suis servi de renseignements que j'avais recueillis lors de différentes assemblées pour parler aux différents groupes de producteurs lors d'assemblées. Il est clair à mes yeux que c'est ce qu'ils veulent. Ils veulent avoir une possibilité de retrait.

    Je pense que, en tant que représentants élus, nous avons l'obligation de leur donner cette possibilité. En tant que député de Wild Rose, c'est dans cette intention que j'ai présenté cette motion.

    Que les choses soient bien claires avant que les libéraux n'envoient d'autres documents en provenance du cabinet du premier ministre: ces 835 producteurs, soit 90 p. 100, ne veulent pas que l'on élimine la Commission canadienne du blé. Le Parti réformiste ne le veut pas non plus. Je tiens à le préciser avant que les libéraux ne fasse auprès du public une nouvelle propagande absolument fausse à notre sujet.

    Ni le Parti réformiste, ni les producteurs de Wild Rose ne veulent l'élimination de la Commission canadienne du blé. Les producteurs ne le veulent pas. Ce qu'ils demandent, c'est d'avoir le choix, la liberté de choisir. La liberté devrait aller de soi dans une société démocratique, elle devrait aller de soi pour les producteurs des quatre coins du pays. À moins qu'on soit un producteur de blé ou d'orge des Prairies car, dans ce cas, on doit faire ce que le gouvernement exige ou avoir affaire à la main de fer de la loi.

    Monsieur le Président, vous savez de quelle loi je parle. C'est cette même loi qui prévoit des solutions de rechange à l'emprisonnement des criminels violents, qui autorise la libération sous caution des délinquants sexuels le jour même où ils commettent le délit et qui libère aussi sous caution d'autres criminels violents. C'est la même main de fer de la loi qui envoie derrière les barreaux, sans possibilité de libération sous caution, des gens qui ont simplement vendu leurs produits en violation de la loi régissant la Commission canadienne du blé, et qui jette littéralement la clé. C'est cela la main de fer de la loi.

    C'est clair que les agriculteurs des Prairies souhaitent avoir le choix de la manière dont ils commercialisent leur grain. C'est évident qu'il conviendrait de tenir un plébiscite. Il devait y en avoir un, selon le livre rouge. Cela ne s'est pas encore produit, et il y a peu de chance que cela se fasse maintenant. Après tout, les résultats pourraient être contraires aux convictions du ministre de l'Agriculture. Ce qui est impensable, n'est-ce pas? C'est évident, maintenant que le ministre a choisi lui-même les membres de son comité chargé d'étudier la question de la commission du blé. Après présentation de quelques recommandations du comité, on a pu voir que, si le ministre n'est pas d'accord, les recommandations sombrent dans l'oubli.

    Il est grandement temps que la Chambre des communes et le gouvernement commencent à écouter les Canadiens. Nous sommes censés être à leur service, et non leur dicter leur conduite. Depuis près de 30 ans, la Chambre passe constamment outre aux voeux exprimés par les électeurs et fait à sa tête. Elle emploie ses méthodes dictatoriales pour nous faire avaler de force les lois qu'elle choisit d'imposer. Je suis du nombre des Canadiens qui commencent à être fatigués de cette attitude. Nous devons vraiment changer d'attitude à la Chambre. Nous devons modifier notre attitude de manière à changer un peu les choses.

    (1110)

    Par exemple, si les députés écoutaient les Canadiens et prêtaient attention aux pétitions qui nous sont présentées, l'article 745 du Code criminel disparaîtrait. Mais il est encore en vigueur, parce que la Chambre sait ce qui est bon pour les Canadiens et a toujours le dernier mot.

    Au cours des 30 dernières années, certaines mesures ont été présentées à la Chambre, débattues et adoptées absolument à l'en-


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    contre des voeux des Canadiens. Pensons seulement à l'époque où la TPS a été adoptée. Je pourrais même remonter à l'époque où le système métrique a été introduit. Se souvient-on de ce qu'en pensaient les Canadiens? Je pourrais citer plusieurs autres exemples. Au lieu d'écouter les Canadiens et d'essayer de mettre en oeuvre des mesures législatives à leur goût, on leur impose les nôtres.

    Beaucoup ont dit que ceux qui étaient en faveur du libre choix étaient de jeunes agriculteurs qui ne comprenaient pas. Gordon Reed, de Cremona, en Alberta, Jack Morgan et Nels Eskenson de Sundre, aussi en Alberta, ainsi que des douzaines d'autres agriculteurs de longue date, qui l'étaient avant même qu'il y ait une commission canadienne du blé, sont parmi ceux qui nous disent qu'ils veulent avoir le choix. Tous ont dit que ce qui était bon en 1946 ne convient plus en 1996. Ils veulent des changements.

    En 1993, lorsque le marché de l'orge a été libéralisé, non seulement a-t-on enregistré une augmentation extraordinaire des ventes d'orge par les entrepreneurs privés, mais de plus la commission a vu ses ventes et ses bénéfices augmenter. En fait, je crois que la concurrence lui a été bénéfique. Elle a été obligée de relever ses manches et de se mettre à faire un peu de promotion, à vanter ses produits, et ça a marché.

    De nombreux agriculteurs spécialisés cherchent des acheteurs pour leurs produits. Ils trouvent des débouchés pour leurs produits comme, par exemple, l'orge sans produits chimiques. Les acheteurs avec qui traite la commission ou avec qui elle est en contact ne s'occupent pas de ce créneau. Par contre, il y a des acheteurs qui sont en contact avec ces producteurs spécialisés et qui aimeraient beaucoup acheter du grain certifié sans produits chimiques. Leur intention est de produire des aliments naturels pour consommation humaine. La demande pour ce genre de produit est de plus en plus forte.

    Les producteurs organiques ne reçoivent aucune aide de la commission pour vendre leur récolte, pourquoi donc ne seraient-ils pas autorisés à chercher eux-mêmes des débouchés? Il existe un certain nombre de bonnes raisons pour lesquelles les agriculteurs devraient pouvoir être leur propre entrepreneur et chercher eux-mêmes des débouchés, et ç'en est une parmi tant d'autres.

    Quand ils vont dans les champs, ils travaillent la terre côte à côte avec leur famille et essayent de produire quelque chose qui est de plus en plus en demande. Ils essayent de répondre aux attentes d'acheteurs éventuels qu'ils ont trouvés eux-mêmes. Mais on les empêche de vendre ce qu'ils ont produit. Il faut qu'ils passent par la Commission canadienne du blé et ils ne peuvent en attendre plus que ce qu'elle paye pour l'orge fourrager. C'est très décourageant. Beaucoup de ceux qui se trouvent dans cette situation travaillent pour nourrir leur famille et font tout ce qu'ils peuvent pour empêcher la faillite de leur exploitation en dépit d'une conjoncture difficile.

    Il est grand temps que le gouvernement prenne conscience que les temps ont changé et qu'il envisage de moderniser la façon de faire les choses. Nous aimerions que la Commission canadienne du blé devienne plus démocratique. Nous l'avons dit à maintes reprises et je le répète encore pour qu'il n'y ait pas d'erreur de l'autre côté. Nous ne voulons pas abolir la commission. Personne au Parti réformiste ne l'a jamais proposé, cela ne fait pas partie de notre programme.

    (1115)

    Des changements s'imposent. La Commission canadienne du blé doit être plus sensible aux besoins des producteurs et davantage tournée vers les producteurs. Nous devons mettre fin aux nominations politiques pour combler les postes de ce genre. Il nous faut une commission élue, choisie par les producteurs, au service des producteurs, qui s'efforcera de trouver des nouveaux marchés et qui ne se contentera pas uniquement du marché mondial et du prix fixé par ce marché mondial, mais cherchera et trouvera des marchés intéressants pour ces gens qui travaillent si fort.

    Nous avons besoin d'un organisme oeuvrant en toute transparence et prêt à rendre des comptes à la population canadienne. Il est étrange que l'on ne puisse pas obtenir de détails sur les revenus, les coûts, les dépenses et tous les autres aspects du fonctionnement de la commission. Cette société est absolument fermée. Si elle représente la norme pour un pays démocratique, des changements s'imposent manifestement.

    Le Parti réformiste a tenté d'obtenir que cette question fasse l'objet d'un vote. Il existe certains critères qui déterminent si une motion ou un projet de loi d'initiative parlementaire peut faire l'objet d'un vote. Si le matériel présenté au sujet d'une motion ou d'un projet de loi respecte les critères à la lettre, de sorte que les12 conditions liées à la possibilité de voter sont remplies, alors l'élément en cause devrait faire l'objet d'un vote.

    Il y a, des deux côtés de la Chambre, des députés qui ont présenté des projets de loi d'initiative parlementaire et se sont demandés pourquoi celui-ci n'avait pas pu faire l'objet d'un vote. Si les critères et les règlements sont respectés, et toutes les règles observées à la lettre, le projet de loi devrait faire l'objet d'un vote et nous devrions pouvoir voter en cette Chambre au nom des gens que nous représentons.

    Je me suis souvent demandé pourquoi cela ne se produit pas et pourquoi, alors que certains dossiers remplissent toutes les conditions et respectent tous les critères, ils ne sont toujours pas reconnus comme pouvant faire l'objet d'un vote. Il n'y a qu'une seule conclusion possible. Cela est dû aux quelques personnes qui siègent dans la première rangée de l'autre côté de la Chambre. Si elles décident qu'une chose doit être ou ne pas être, il en va selon leur volonté. Voilà le genre de démocratie que nous avons dans ce pays.

    Ils se présentent ici, en ce lieu de débat, se tournent vers les 177 députés de l'arrière-ban et leur disent: «Voilà comment vous devez voter. Si vous ne votez pas de cette façon, vous serez chassés du parti.» Je suis convaincu que le président comprend ce que je veux dire. Je crois aussi que, lorsque les gens sont forcés de poser des gestes qu'ils n'approuvent pas à l'égard de projets de loi présentés à la Chambre, lorsqu'ils n'ont pas la possibilité de dire ce qu'ils pensent, il n'y a pas de démocratie.

    Le ministre de l'Agriculture a promis un plébiscite à ce sujet. Pourquoi celui-ci n'a-t-il pas eu lieu? Est-ce parce que les résultats seront défavorables à ce qui devrait se produire selon le gouvernement?

    Il est vraiment urgent de changer d'attitude dans cette enceinte. Il est temps que nous commencions à écouter les gens qui nous paient. C'est grâce à leur argent qui nous sommes ici pour débattre ces questions. C'est grâce à leur argent qui nous sommes en mesure de décider ce que nous devrions faire en leur nom. Or, nous passons le plus clair de notre temps à prendre des décisions qui nous semblent


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    être les meilleures, sans tenir compte des désirs de la population. Il faut que ça change.

    J'aimerais aujourd'hui offrir aux députés l'occasion de changer cette attitude et de permettre aux Canadiens en général et aux agriculteurs de l'Ouest en particulier de faire preuve de leur esprit d'entreprise en vendant leurs produits sur le marché de leur choix, en toute liberté. Pour cela il faudrait que ma motion puisse être être mise aux voix, ce qui permettrait à chacun des députés de la Chambre de représenter la vision dont les Canadiens souhaitent la réalisation. C'est précisément dans cet esprit que je demande le consentement de la Chambre pour en faire une motion pouvant être mise aux voix.

    (1120)

    Le vice-président: Chers collègues, le député de Wild Rose propose que cette motion puisse être mise aux voix. Y a-t-il consentement unanime?

    Une voix: Non.

    Le vice-président: Il n'y a pas consentement unanime. Nous reprenons donc le débat.

    M. Jerry Pickard (secrétaire parlementaire du ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, la prémisse de cette motion c'est que la Commission canadienne du blé et les mesures législatives qu'elle fait appliquer manquent de souplesse et ne sauraient être dans le meilleur intérêt des clients. Les faits ne confirment pas cette prémisse. Cette motion est une nouvelle mouture d'une motion qui avait été présentée en juin, et sa prémisse est mauvaise.

    Le but de la disposition prévoyant un retrait de deux ans, qui figure dans la motion d'aujourd'hui, semble être de vouloir revenir à la motion de juin présentée par le député et ses collègues. Je dirais que la lettre de cette motion ne cadre pas avec son esprit, si ce que cherche le député, ce sont des avantages pour les producteurs, alors que nous recherchons un consensus et des mesures prudentes.

    La Commission canadienne du blé a démontré qu'elle était soucieuse d'améliorer sa responsabilité à l'égard des agriculteurs. Parallèlement, la commission et le système de commercialisation qu'elle défend bénéficient de l'appui de la grande majorité des producteurs. Cet appui n'est pas inconditionnel. Il résulte de la volonté de la Commission canadienne du blé d'améliorer le service et de réviser son organisation. Ces efforts ont l'appui du gouvernement.

    Nous prenons des mesures pour faire en sorte que la Commission canadienne du blé continue de répondre aux besoins de ses clients. Comme le disait le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire dans sa déclaration de politique du 7 octobre 1996, le gouvernement vise à réviser et à renforcer la Commission canadienne du blé.

    Il y aura des modifications à la gestion de la Commission canadienne du blé. Un conseil d'administration sera nommé par le gouvernement en 1997 et il sera constitué en majorité de représentants des producteurs. Ce conseil provisoire sera remplacé en 1998 par des membres élus qui représenteront majoritairement les producteurs.

    Les modifications nécessaires à la loi devraient être déposées à la Chambre avant l'interruption de Noël. Grâce à ces modifications, le futur mandat de la Commission canadienne du blé pourra être modifié de façon démocratique, selon les préférences des producteurs de grains des Prairies. La façon dont la commission travaille sera également améliorée, de manière à rendre la tarification plus souple, le traitement des paiements plus rapide, autrement dit on cherchera à accroître la rentabilité.

    La motion du député parle aussi de développer des créneaux pour le grain. Lorsque l'on discute de tels créneaux, il faut commencer par reconnaître que les marchés sont essentiellement imprévisibles, et plus encore lorsqu'il n'y a pas l'influence stabilisante qu'exerce un vendeur unique. Nous ne pouvons pas parler de créneaux sans parler des marchés généraux et des forces qui agissent sur ces marchés.

    La présence de la Commission canadienne du blé assure la stabilité des prix et la sécurité des marchés. C'est, dans une large mesure, grâce au travail effectué par la commission dans l'intérêt de tous les producteurs que certains peuvent profiter de créneaux.

    On peut prétendre que le climat commercial que la Commission canadienne du blé établit sur les marchés céréaliers ouvre des créneaux. Ironiquement, c'est également ce qui explique que certains des critiques les plus sévères de la commission croient qu'elle constitue un obstacle. Ce n'est pas du tout le cas. La Commission canadienne du blé essaie, en fait, de profiter de nombreux créneaux dans le monde entier.

    Il est tout à fait possible que le fait d'avoir, d'une part, un seul organisme de commercialisation, c'est-à-dire la Commission canadienne du blé, et de mettre en oeuvre, d'autre part, les dispositions prévues par les partisans du droit de se retirer du système soit la pire solution possible pour nos producteurs. En effet, la Commission canadienne du blé aurait un moins grand poids sur le marché et il serait alors possible que des producteurs violent les lois du marché, ce qui entraînerait ainsi une baisse des prix et des profits pour tous les producteurs canadiens.

    (1125)

    Le message venant des agriculteurs est clair. Il est peut-être possible de se retirer du système de commercialisation administré par la commission, mais il est impossible d'échapper aux conséquences néfastes qui pourraient s'ensuivre. Il n'est pas facile de modifier le fonctionnement des marchés. On est loin d'être sûr de pouvoir profiter à nouveau des avantages d'un système de commercialisation qui a fait ses preuves lorsqu'on décide d'aller de l'avant avec un double système de commercialisation, avec les problèmes que cela suppose.

    De plus, on risque de nuire à l'ensemble des producteurs dans l'intérêt de certains. C'est quelque chose dont devront certes se préoccuper ceux qui gagnent leur vie en produisant du grain au Canada. Dans un monde idéal, nous pourrions souhaiter que tout le monde sorte gagnant, mais nous ne vivons pas dans un monde de ce


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    genre. Si le recours à d'autres modes de commercialisation par une minorité réduit les avantages d'une commercialisation à comptoir unique pour la majorité, tout le monde y perd au lieu d'y gagner.

    Bien avant que le député ne saisisse la Chambre de cette motion aujourd'hui, avant même qu'il ne siège à la Chambre, la Commission canadienne du blé a pris l'initiative de s'autoévaluer, d'évaluer ses activités, en faisant preuve d'une souplesse dont nous devons nous réjouir. Chose certaine, la Commission canadienne du blé a toujours voulu offrir le meilleur service possible aux céréaliers de l'Ouest. Depuis quelques années, cet engagement a conduit à un réexamen et à une réévaluation en profondeur.

    Depuis quelques années, la commission révise ses structures de fonctionnement et de gestion dans le but d'améliorer ses systèmes de planification à long terme, d'établissement de budgets, de gestion et de présentation de rapports. De plus, la commission a également mis en oeuvre un nouveau système d'évaluation du rendement. Si la commission s'était arrêtée là, cela aurait suffi pour que certains disent que la commission ne se repose pas sur ses lauriers et qu'elle est tout à fait disposée à relever les nouveaux défis qui se posent, mais comme la Chambre le sait, la Commission canadienne du blé a entrepris d'autres mesures.

    Elle effectue une vérification continue de ses dépenses service par service. Elle donne davantage de renseignements aux producteurs, ses clients. Elle met également l'accent sur des contacts directs entre ses employés et les clients. Les hommes et les femmes des Prairies qui produisent du blé et de l'orge sont mieux informés de nos jours. Au niveau le plus fondamental, ces gens constituent les céréaliers de l'Ouest et forment l'industrie céréalière de l'Ouest elle-même.

    Ces dernières années, de nouveaux services ont été assurés à ces femmes et ces hommes dans les Prairies, entre autres, des perspectives sur le rendement du système de mise en commun et des prévisions des prix, de nouvelles initiatives de création de marchés et des moyens commerciaux pour mieux gérer les risques. La commission a également renforcé ses réseaux mondiaux de renseignements commerciaux et ouvert un nouveau bureau en République populaire de Chine.

    En résumé, la Commission canadienne du blé a répondu au critère de gestion organisée en période agitée. Elle s'est adaptée, a adopté de nouvelles méthodes et s'est améliorée pour offrir le meilleur service possible à sa clientèle. La commission et sa direction ont fait des efforts énormes pour répondre aux besoins de leurs clients et pour relever les défis que présentent les marchés mondiaux en cette fin du XXe siècle. Tout cela a été accompli dans le cadre juridique actuel de la Commission canadienne du blé.

    La modification de la loi s'impose à certains égards pour placer la Commission canadienne du blé dans une position commerciale encore meilleure et pour répondre aux revendications des céréaliculteurs de l'ouest du Canada, qui veulent une gestion plus responsable. On peut facilement distinguer cela de la modification que renferme la motion du député, modification qui ne contribue pas à la modernisation de la commission du blé. En outre, cette motion ne répond pas au critère visant à proposer un changement qui recueille l'appui général des céréaliculteurs de l'ouest du Canada et qui permet d'améliorer considérablement les ventes de blé et d'orge aux clients.

    (1130)

    La motion que propose le député de Wild Rose ne reconnaît pas la souplesse et les avantages de la Commission canadienne du blé et de la loi qui la régit. Je ne partage pas l'hypothèse qu'émet le député. Je choisis plutôt d'appuyer les agriculteurs et les institutions et de rejeter la motion.

    [Français]

    M. Jean Landry (Lotbinière, BQ): Monsieur le Président, je vous remercie de me permettre de prendre la parole sur la motion du député réformiste. Ce dernier s'entête, rien de moins, à prôner un «opting out» ou une clause de retrait de deux ans pour les producteurs vis-à-vis de l'Agence canadienne du blé.

    Ce qui m'étonne, c'est que mon collègue n'a pas encore compris le gros bon sens. Je me souviens d'avoir pris la parole dans cette Chambre sur le même sujet, le 19 juin dernier. Le député réformiste de la circonscription de Wild Rose devait être absent cette journée-là. Et il est évident qu'il ne prend pas connaissance du Journal des débats.

    Pour une dernière fois, j'espère sincèrement que les députés réformistes comprendront qu'il n'est absolument pas de bon augure de permettre aux producteurs de blé et d'orge du Canada de se retirer pour une période de deux ans. Ce n'est pas la première fois que les réformistes en ont contre la Commission canadienne du blé. J'en ai d'ailleurs parlé le 19 juin. Cela commence à friser l'entêtement.

    Les réformistes ne savent tellement plus où tabler pour faire du millage politique qu'ils reviennent avec un sujet dont on a déjà discuté en cette Chambre. On en a parlé et discuté en juin dernier. Pourquoi veulent-ils revenir sur cette idée de «opting out» ou de clause de retrait de deux ans pour les producteurs de l'Ouest? Je comprends que les réformistes sentent venir une élection générale et qu'ils manquent de popularité. En parlant de cette clause, ils veulent encore faire du millage politique.

    La Commission canadienne du blé est la représentation institutionnelle d'un système de commercialisation qui est là pour aider les producteurs. Avec ses pools ou ses mises en commun, la Commission canadienne du blé permet aux producteurs de recevoir un paiement initial identique tout au long de l'année. Lors du paiement final, ce dernier vient refléter la valeur déterminée par le marché au cours de l'année-récolte. C'est aussi dire que le prix est une valeur représentative de la variation des prix.

    Il y a là tout un système qui tient compte des catégories de céréales et qui, heureusement pour les producteurs de l'Ouest, vient atténuer les fluctuations qui sont dues, pour certaines, à la concurrence étrangère. Ils ont la mémoire courte du côté du troisième


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    parti. Dans les années 1980, ce fut un avantage certain pour les producteurs de l'Ouest d'avoir la Commission canadienne du blé.

    À la suite des déficits très importants de certains pools, c'est le gouvernement fédéral qui les a absorbés. Aujourd'hui, certains producteurs flairent les occasions d'affaires. Je comprends que certains veulent commercialiser eux-mêmes leurs produits à l'extérieur de la juridiction de la Commission parce qu'ils veulent en avoir plus. Mais en temps de vaches maigres, ils seront fiers d'être membres de la Commission canadienne du blé.

    Dans un sens, les réformistes veulent sacrifier un système qui fonctionne relativement bien, au profit d'un petit groupe de producteurs de l'Ouest. Avec cette clause de retrait, les producteurs qui choisiraient cette option pourraient sortir de la Commission canadienne du blé pour une période de deux ans. Après ce délai, est-ce que les producteurs pourront et devront réintégrer les rangs de la Commission canadienne du blé? Qui contrôlera et comment cela se fera-t-il? Voilà un nouveau système qui rendra très difficile la mission de cette Commission.

    L'objectif était de stabiliser les prix sur une base médiane, même avec les cycles du marché. Si tous cherchent la stabilité, les réformistes veulent foutre le bordel. Oui, ce sera le foutoir royal, car, si la Commission canadienne du blé venait à disparaître, ce serait des pertes de revenu importantes pour les producteurs de l'Ouest. Ils n'auront plus d'assurance.

    (1135)

    Bien malin ou grand devin celui qui peut prévoir l'avenir. Qui peut dire quelle sera la production de telle ou telle partie de la planète ou quelle en sera la demande? La proposition du député de Wild Rose viendra saper le niveau de mise en commun des prix et la réduction des risques et, par la même occasion, établir un système parallèle de commercialisation.

    Le député réformiste et ses collègues vont probablement insister sur le fait qu'ils veulent ainsi répondre à l'appel des producteurs. Il ne s'agit, à mon avis, que d'un petit groupe de mécontents et/ou de producteurs qui veulent faire de belles affaires. C'est alléchant pour les producteurs situés le long de la frontière canado-américaine de vendre directement leurs récoltes du côté américain et de recevoir des paiements sur-le-champ.

    C'est une réalité qui est très alléchante et qui incite certains producteurs à faire cavalier seul. Mais le vent peut aussi tourner. La conjoncture économique, les fluctuations et combien d'autres facteurs peuvent tous les jours venir modifier le décor ou le marché. C'est jouer à la roulette russe et peut-être même aller jusqu'au suicide.

    Je pense qu'il faut maintenir la Commission canadienne du blé, car c'est un bon instrument pour les producteurs de l'Ouest. Elle a déjà fait ses preuves. Bien que ce ne soit pas la perfection, rien ne nous empêche de l'améliorer ou de la bonifier. On pourrait octroyer plus de pouvoirs aux producteurs sur le contrôle des opérations de la Commission canadienne du blé ou permettre à la Commission d'être plus flexible.

    Avec la proposition du député de Wild Rose, on vient ainsi bouleverser de nombreuses années de labeur de l'industrie, afin de maximiser les profits de la vente du blé. En fait, la mise en place d'une clause de retrait de deux ans du cadre de la commercialisation des récoltes viendrait heurter de plein fouet la Commission canadienne du blé et miner sa base.

    La Commission canadienne du blé existe depuis 61 ans. Il est évident que durant ces six décennies, il y a eu beaucoup de changements et que la commercialisation a grandement évolué. Toutefois, la tâche est dans son essence la même, soit de vendre un produit de qualité, offrir aux clients un service hors pair et voir aussi à maximiser les rentrées pour les producteurs de l'Ouest. Une chose demeure, c'est que la commercialisation des céréales est une entreprise aussi risquée aujourd'hui qu'elle l'était en 1935, lors de la création de cette Commission canadienne du blé.

    Les producteurs d'autrefois devaient faire face à des fluctuations de prix attribuables à la Deuxième Guerre mondiale, tandis que ceux d'aujourd'hui sont des producteurs parmi tant d'autres, qui n'ont aucune influence sur les prix mondiaux.

    La Commission canadienne du blé demeure un lieu d'instrument de gestion du risque pour les producteurs et constitue un système qui permet d'assurer l'équité entre les producteurs céréaliers. On fait de même dans d'autres secteurs agricoles.

    Encore une fois, il faut rejeter la motion du député de Wild Rose, et j'espère que les réformistes vont changer d'idée.

    Je trouve qu'il serait plus judicieux de parler ici de création d'emplois. Que dire des possibles créations d'emplois avec l'argent qu'on épargnerait en abolissant le Sénat? J'espère que mes collègues de cette Chambre vont enfin parler des vrais problèmes et parler de création d'emplois. Pour des milliers de jeunes et de moins jeunes, c'est de leur dignité dont il s'agit.

    Beaucoup de concitoyens et de concitoyennes de ma circonscription veulent du travail. Plusieurs ont cherché en vain. Un de mes commettants, à une réunion pas plus tard qu'hier, le 17 novembre, a déclaré que ses prestations d'assurance-chômage ont fondu comme neige au soleil, ce qui ne lui laisse pas grand choix. Il s'est résigné à demander des prestations d'aide sociale, et pourtant, il est en santé et il réclame du travail.

    (1140)

    Je ne crois pas être le seul député à qui on réclame du travail. Il s'agit d'une situation qui touche bon nombre de Québécois et de Québécoises, de Canadiens et de Canadiennes.

    J'ose croire que nous allons très bientôt parler d'emplois dans cette Chambre. Dans l'intervalle, je vous remercie de votre attention.

    [Traduction]

    M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'intervenir aujourd'hui en faveur de la motion que présente le député de Wild Rose:


    6342

    Que, de l'avis de la Chambre, l'on donne aux producteurs de blé et d'orge de l'Ouest du Canada plus de souplesse et davantage de possibilités en modifiant la Loi sur la Commission canadienne du blé, grâce à l'instauration d'une clause de retrait particulière de deux ans à l'intention de ceux parmi eux qui désirent développer des créneaux sur la marché d'exportation.
    Je remercie le député de soulever la question. Le processus qu'il a choisi ne représente pas nécessairement la seule façon de mettre fin au monopole de la Commission canadienne du blé, ce que demandent d'ailleurs de nombreux agriculteurs. Il reste que la motion devrait être débattue. Avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais commenter certaines observations que vient de faire le député bloquiste.

    Il a demandé pourquoi nous ne débattions pas d'un sujet important. J'ai actuellement un silo rempli d'orge à vendre et des champs que je n'ai pas encore récoltés. Pour moi, le sujet est important. Certains de mes voisins cultivent de l'orge et ils en ont à vendre. La question est donc très importante pour eux. En fait, des milliers d'agriculteurs de l'Ouest accordent beaucoup d'attention à ce dossier.

    J'ai appris à connaître et à respecter le député bloquiste depuis trois ans, mais je trouve tout à fait incroyable qu'il reste si indifférent et qu'il considère cette question frivole. Elle est importante. Elle l'est pour de nombreux agriculteurs de l'ouest du Canada.

    Pour revenir à la motion, j'ai des questions à poser. Par exemple, pourquoi le ministre de l'Agriculture refuse-t-il aux agriculteurs un troisième choix qui leur permettrait vraiment de s'exprimer dans le plébiscite qu'il a promis?

    Le plébiscite n'offre que deux choix aux agriculteurs. Je vais lire les questions et préciser ces deux choix. Ensuite, je décrirai le troisième choix qui devrait figurer sur le bulletin de vote. Le premier choix porte sur le marché libre et s'énonce comme suit: «Retirer à la Commission canadienne du blé la commercialisation de toute l'orge, tant fourragère que brassicole, et faire en sorte que toutes les ventes d'orge destinée à l'exportation et à la consommation intérieure s'effectuent sur le marché libre.» Voilà le premier choix et le ministre utilisera des termes très clairs pour le présenter.

    Le deuxième choix concerne la commercialisation à comptoir unique: «Préserver la Commission canadienne du blé comme unique vendeur de toute l'orge, tant fourragère que brassicole, tout en maintenant l'exception de la vente intérieure d'orge fourragère.»

    Il s'agit là de deux des trois options qui devraient figurer sur le bulletin de vote. Le ministre a malheureusement refusé aux agriculteurs canadiens de l'Ouest l'option qu'une vaste majorité d'entre eux choisiraient. Je le sais, non pas seulement d'après les sondages que j'ai menés moi-même, non pas seulement d'après les sondages que d'autres députés réformistes ont menés dans leur propre circonscription, mais aussi d'après d'autres sondages qui ont été commandés à ce sujet. Les uns après les autres, les sondages ont révélé que, si on leur en donnait le choix, les agriculteurs canadiens voteraient majoritairement en faveur d'un double régime de commercialisation ou d'une participation facultative à la commercialisation par la Commission du blé, appelez ça comme vous voudrez.

    Quand on a posé la question aux agriculteurs de l'Ouest lors d'un référendum tenu en Alberta il y a environ un an, les deux tiers des répondants se sont prononcés en faveur de la participation facultative ou du double régime de commercialisation.

    (1145)

    La question a déjà été tranchée en Alberta. Elle devrait faire l'objet d'un référendum dans l'intérêt des agriculteurs de la Saskatchewan et du Manitoba. Quoi qu'il en soit, offrons l'option que les agriculteurs choisiraient. Il est absurde d'offrir seulement deux options, ce qui aura pour effet de diviser les agriculteurs de l'Ouest et d'opposer les familles les unes aux autres. C'est ce qui arrivera si on pose uniquement ces deux questions.

    En se voyant présenter uniquement ces deux options, comment les agriculteurs réagiront-ils? Je ne peux pas le dire de façon certaine, mais je le devine bien. Puisque l'option du double régime de commercialisation ne leur est pas offerte, les agriculteurs pourraient bien se prononcer en faveur de la commercialisation sur le marché libre, de sorte que la Commission du blé ne s'occupera plus du tout de la vente de l'orge. Ce n'est pas ce que je veux, pas plus que les autres députés réformistes ni les agriculteurs de partout dans l'Ouest. Ils veulent la liberté de choisir de commercialiser leur orge par l'intermédiaire de la Commission canadienne du blé grâce au système de mise en commun ou de le faire eux-mêmes ou par l'intermédiaire d'une société céréalière privée. Voilà la troisième option qui ne figure pas sur le bulletin de vote proposé par le ministre de l'Agriculture.

    Parce que cette option ne figure pas sur le bulletin de vote, je crains que les agriculteurs de l'Ouest ne se voient privés de la possibilité de mettre leur produit en commun, une option que certains d'entre eux souhaitent, je le sais. Ce serait absurde.

    Pourquoi le ministre n'a-t-il pas proposé cette troisième option sur le bulletin de vote? Je ne peux pas répondre à cette question avec certitude, mais je trouve très inquiétant qu'il ne l'ait pas fait. Ne serait-il pas bon de proposer les trois options pour régler la question? Le ministre de l'Agriculture refuse de proposer l'option de la participation facultative ou du double régime de commercialisation en affirmant que cela ne marcherait pas. Or, ne serait-il pas préférable d'offrir cette option sur le bulletin de vote afin de lancer le débat dans l'ouest du pays? Le ministre, la commission du blé et d'autres personnes qui soutiennent qu'un double régime de commercialisation est voué à l'échec pourraient discuter de cette formule. Ils pourraient soutenir: «Nous ne pensons pas que cette formule puisse marcher pour telle ou telle raison.» Cela se discute.

    J'estime pour ma part que la formule marcherait et c'est ce que j'expliquerais dans le débat précédant la tenue d'un référendum. Je soutiendrais que, en réalité, lorsque la Commission canadienne du blé a été mise sur pied, la participation était facultative. Le double régime de commercialisation a existé à partir du moment où la commission a été établie, dans les années 20, puis réétablie dans les années 30. La participation facultative ou la possibilité de double régime de commercialisation ne sont disparues qu'en 1943, en vertu


    6343

    de la Loi sur les mesures de guerre. Le gouvernement canadien cherchait ainsi à se procurer les céréales pour l'effort de guerre au prix le plus bas possible. Les agriculteurs canadiens ont accepté cette intervention parce qu'ils voulaient participer à l'effort collectif. On leur a promis de les indemniser ultérieurement, mais cet engagement est resté lettre morte.

    Pourquoi le monopole existe-t-il toujours, puisqu'il n'a étéinstauré qu'en vertu de la Loi sur les mesures de guerre? Pour que les céréales soient bon marché. Dans le débat référendaire, je rappellerais que le double régime de commercialisation a bien fonctionné, avant l'instauration du monopole, et qu'il fonctionnerait encore correctement.

    Une chose doit être claire: je suis en faveur du maintien de la Commission canadienne du blé. Elle est très utile. Mais je préfère que les agriculteurs aient la liberté de choisir. Dans un pays comme le nôtre, personne, assurément, ne saurait prétendre que les agriculteurs, qui investissent tout l'argent, tout l'effort, tout le travail dans la production céréalière, ne devraient pas avoir la liberté de choisir les modalités de commercialisation de leurs produits. C'est pourtant ce que soutiennent le gouvernement et le ministre, en dépit du bon sens. Cela ne tient absolument pas debout.

    (1150)

    J'ai tellement encore à dire sur la question, mais je constate que mon temps parole tire à sa fin. Qu'on me permette tout de même de rappeler clairement ce que je réclame ici.

    Le député de Wild Rose demande que les agriculteurs aient la possibilité de se retirer du régime pendant deux ans. C'est une manière de mettre un terme au monopole de la commission. Mais il y a aussi d'autres moyens d'y mettre un terme et d'assurer une commercialisation efficace.

    L'un de ces moyens consisterait à proposer des contrats de livraison différée comme ceux que les compagnies céréalières proposent aux agriculteurs. Ces contrats sont différents de ceux proposés actuellement par la Commission canadienne du blé, qui ne garantissent ni les prix, ni les délais. Ce sont des contrats à sens unique.

    Aux termes des contrats de livraison différée que concluent les producteurs de canola, de pois, d'orge et d'autres céréales, les agriculteurs s'engagent à livrer un certain nombre de boisseaux ou de tonnes d'un certain produit à une destination précise à un prix et à une date déterminés et l'entreprise céréalière promet d'accepter la livraison au prix établi, à la destination et à la date déterminés. Voilà une autre façon de mettre un terme au monopole de la commission.

    Il y a une troisième façon. Les agriculteurs pourraient signer des ententes et s'engager à fournir à la commission un certain nombre de tonnes ou de boisseaux. Ainsi, la commission saurait exactement à quoi s'en tenir avant même d'entreprendre la commercialisation des céréales. L'engagement pourrait être pris à l'avance et la livraison pourrait se faire par étapes. C'est une autre façon de régler la question. L'objectif est de donner le choix aux agriculteurs. Je n'arrive pas à croire que le gouvernement peut, en conscience, continuer à empêcher les agriculteurs de choisir la façon dont ils veulent vendre leurs céréales.

    En terminant, je voudrais remercier encore une fois le député de Wild Rose, l'auteur de la motion dont nous sommes saisis, et dire que j'appuie celle-ci, car elle représente à mon avis une des façons de mettre fin au monopole qu'exerce la commission du blé. Je signale aussi qu'il existe d'autres façons de corriger la situation. Je tiens à rappeler qu'une commission avec participation facultative a bien fonctionné par le passé, un double système de commercialisation a bien fonctionné par le passé et pourra bien fonctionner à l'avenir. Je demande au ministre de réexaminer le dossier.

    Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, dans le cadre du débat sur la motion dont la Chambre est saisie à l'heure actuelle, il est utile de rappeler le processus de consultation qui a précédé la publication du rapport du groupe chargé d'examiner la commercialisation du grain de l'Ouest.

    Le rapport a été présenté au ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire le 2 juillet 1996 après bien des consultations directes et des recherches indépendantes et après mûre réflexion. Le groupe a produit une publication qui décrit le système actuel de commercialisation du grain et qui expose quelques-unes des grandes questions connexes. Cette publication a été distribuée en décembre 1995 à plus de 200 000 agriculteurs, organisations et représentants du secteur agricole. Ce n'était là que la première étape d'un long dialogue.

    Le groupe a ensuite offert un certain nombre d'options aux personnes et groupes intéressés pour leur permettre de faire valoir leurs opinions et de proposer des modifications au système de commercialisation.

    Dans le cadre du plus vaste exercice de consultation de l'histoire du secteur agricole, 15 assemblées publiques ont eu lieu en divers endroits du Manitoba, de la Saskatchewan et de l'Alberta. J'ai assisté à deux de ces assemblées au Manitoba, ma province, soit une à Brandon et une à Grandview, ma localité, qui se trouve dans ma circonscription, soit Dauphin-Swan River. C'est dans des tribunes de ce genre que les agriculteurs et les autres intéressés se sont exprimés tant sur le système de commercialisation actuel du grain de l'Ouest que sur d'autres systèmes possibles. Le groupe a aussi tenu des audiences à Winnipeg, Regina et Edmonton, où des particuliers et des organisations ont officiellement présenté des exposés. En 12 jours d'audiences, le groupe a entendu 69 exposés. Des particuliers et des organismes qui n'ont pas comparu lors des audiences du groupe ont aussi présenté 78 mémoires.

    (1155)

    De plus, pour faciliter son évaluation du système de commercialisation du grain, de ses institutions et du contexte économique dans lequel cette importante industrie évolue, le groupe a embauché à contrat des experts-conseils chargés de produire six grands rapports.

    De toute évidence, le groupe sur la commercialisation du grain dans l'Ouest a contribué grandement à faciliter un débat important sur l'avenir de la Commission canadienne du blé et du système de

    6344

    commercialisation du grain. Des aspects clés ont été examinés, et les recommandations du groupe ont enrichi les observations que le gouvernement a reçues des producteurs et des autres parties intéressées. La somme de ces observations a aidé le gouvernement à se positionner quant à l'avenir de la commission.

    Le gouvernement approuve la façon dont la Commission canadienne du blé a évolué pour devenir un organisme dont les décisions clés qui ont des répercussions sur les agriculteurs de cette industrie sont prises par les agriculteurs eux-mêmes et sont fondées sur un consensus établi par ceux-ci. Par la même occasion, il propose de moderniser, dans l'avenir, la structure administrative de la commission de manière à ce que son fonctionnement soit plus souple et efficace et à confier davantage de pouvoirs aux producteurs primaires.

    L'exposé de principes que le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a rendu public le 7 octobre 1996 prévoit que le gouvernement formera, en 1997, un conseil d'administration majoritairement composé d'agriculteurs. En 1998, les membres de ce conseil seront directement élus par les agriculteurs. Cette proposition montre bien l'objectif commun que poursuivent le groupe sur la commercialisation du grain dans l'Ouest et le gouvernement, celui de fournir aux agriculteurs de l'ouest du Canada les solutions et les moyens les plus avantageux pour leur industrie.

    Afin d'aider la commission à mieux servir sa clientèle, un nouveau projet de loi qui sera présenté sous peu permettra aussi à la commission d'utiliser ses ressources financières davantage comme une entreprise. La commission et les agriculteurs bénéficieront ainsi de plus de souplesse dans leurs transactions financières. En particulier, les paiements aux agriculteurs seront plus faciles à faire et plus rapides à exécuter. Il s'ensuivra un meilleur climat commercial pour l'industrie. Dans l'intérêt de tous, on pourra, lorsque c'est possible, éviter des engorgements et d'autres retards dans les tran-sactions qui sont faites avec les agriculteurs et en leur nom.

    Une fois que la nouvelle structure de régie sera en place, le gouvernement pourra demander au conseil d'administration de la Commission canadienne du blé son opinion sur certaines questions concernant l'industrie. Entre temps, le gouvernement s'est engagé à faire voter les producteurs sur le système de commercialisation en ce qui concerne l'orge.

    Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a clairement indiqué que les groupes d'agriculteurs lui avaient dit comment formuler la question et dresser la liste des électeurs. L'objectif consiste à poser aux agriculteurs une question claire sur la commercialisation de l'orge. Ce sera un choix important parce que l'avenir de l'industrie sera ainsi façonné. Je le répète, cela est conforme à l'avenue de la consultation large et non de la volonté d'empêcher le débat.

    Pendant les consultations tenues par le groupe sur la commercialisation du grain de l'Ouest, les agriculteurs ont exprimé avec force leur souhait de décider eux-mêmes de l'avenir de leur industrie. La motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui propose une voie différente, une voie qui, à mon sens, devrait être rejetée. Cette solution empêche la tenue d'une consultation large sur des questions très importantes et propose de faire un choix capital à la place des agriculteurs.

    Je m'oppose fermement à cette motion. Cette dernière réduit clairement les pouvoirs de la Commission canadienne du blé ainsi que la crédibilité des céréaliculteurs de l'Ouest. Elle illustre clairement les points de vue extrémistes du troisième parti de la Chambre des communes.

    Le vice-président: Comme aucun autre député ne demande la parole, le député de Wild Rose peut prendre la parole pour conclure le débat, s'il le désire. Pouvons-nous dire qu'il est midi?

    Des voix: D'accord.

    ______________________________________________


    6344

    INITIATIVES MINISTÉRIELLES

    [Français]

    LA RÉGION DES GRANDS LACS D'AFRIQUE

    L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.) propose:

    Que la Chambre prenne note de l'évolution de la situation dans la région des Grands Lacs d'Afrique et du rôle directeur du Canada dans les efforts de la communauté internationale pour soulager la souffrance humaine dans cette région.
    -Monsieur le Président, tout d'abord, je veux remercier l'honorable chef de l'opposition, le chef du Parti réformiste, le chef du Nouveau Parti démocratique et le chef du Parti conservateur pour leur coopération pendant la dernière semaine, alors que nous avons parlé de l'urgence de la situation au Zaïre. Il s'agit certainement d'un bel exemple qui démontre à quel point les députés de ce Parlement travaillent ensemble pour assurer une position unifiée face à cette crise très sérieuse qui se déroule dans cette autre partie du monde. Nous sommes certainement très intéressés aux débats qui se tiendront au cours des prochains jours afin de déterminer la direction et les initiatives à prendre face aux missions au Zaïre, et aussi afin de s'assurer d'obtenir la réaction de chaque parti dans ce Parlement qui représente le peuple canadien.

    [Traduction]

    Le but du débat, c'est de présenter au Parlement la motion demandant d'appuyer l'initiative canadienne dans l'est du Zaïre et la région environnante.

    Il y a environ huit jours, le monde entier, et tous les Canadiens, ont reconnu que nous étions au bord de l'une des pires catastrophes humanitaires jamais vues. Il y avait dans l'est du Zaïre des millions de personnes sans nourriture et sans aucun soutien. La crise risquait beaucoup de prendre d'énormes proportions et de s'étendre à une très vaste région. La perspective d'une catastrophe humanitaire nous a tous secoués.

    Devant la situation, le premier ministre a consulté les leaders d'autres pays et, il y a eu une semaine samedi dernier, il a annoncé une initiative qui, à notre avis, va dans le sens de la longue tradition canadienne de participation aux missions de maintien de la paix et


    6345

    vise à mettre fin à l'inertie de la communauté internationale. Pour cela, il fallait faire preuve d'une volonté politique.

    Les crises humanitaires des dernières années nous ont appris que les ressources sont là, que nous sommes en mesure d'agir, que les institutions nécessaires existent, mais que ce qui manque souvent, c'est la volonté politique. En fin de semaine dernière, le premier ministre a démontré qu'il voulait agir et a commencé à mobiliser la communauté internationale.

    Depuis, les événements se sont bousculés. Nous avons réussi à former une coalition de pays prêts à participer directement à une force multinationale dont la mission sera de garantir la sécurité de certaines zones de l'est du Zaïre afin que l'aide humanitaire puisse arriver aux gens à qui elle est destinée et que le retour volontaire des réfugiés chez eux au Rwanda se déroule bien.

    Par ailleurs, il a fallu gagner des soutiens politiques aux Nations Unies pour faire adopter la résolution nécessaire. Sans entrer dans le détail de cette longue histoire-longue, même si elle a débuté il y a peu de temps-je dirai que le Canada est à l'origine de l'importante coalition internationale qui existe maintenant. Le Canada a réussi à obtenir la collaboration d'un certain nombre de pays prêts à s'engager et à travailler pour obtenir des soutiens politiques aux Nations Unies. En fin de semaine dernière, nous avons réussi à obtenir l'appui du Conseil de sécurité des Nations Unies.

    (1205)

    Je tiens à remercier les chefs des partis d'opposition. Je leur ai parlé la semaine dernière pour leur expliquer l'urgence de la situation et son évolution rapide. Les deux nous ont donné leur appui et ont accepté d'attendre la reprise de nos travaux, aujourd'hui, pour tenir un débat complet. Je les remercie sincèrement d'avoir fait preuve de bonne volonté au cours de la semaine riche en rebondissements que nous venons de traverser.

    Nous pouvons constater aujourd'hui que la situation a changé. Il y a à peine une semaine, l'un des grands objectifs que nous nous étions fixés était de faire bouger le très grand nombre de réfugiés détenus dans les camps depuis deux ans, aussi devrions-nous être très satisfaits que cet objectif soit en voie d'être atteint. Les images dramatiques que nous voyons chaque soir à la télévision montrent clairement qu'un des principaux objectifs a déjà été atteint en grande partie.

    Le fait que, au cours de la dernière semaine, notre pays a pris l'initiative d'organiser la communauté internationale et le fait que la présence de la communauté internationale allait bientôt se faire sentir ont contribué à déclencher ce mouvement de masse dont nous sommes témoins quotidiennement. Nous pouvons être satisfaits, dans une certaine mesure, que le travail soit déjà amorcé, mais nous devons aussi reconnaître qu'il reste encore beaucoup à faire.

    Aux dernières nouvelles, il y avait encore des centaines de milliers de réfugiés dans l'est du Zaïre. Nous espérons qu'ils seront capables de se joindre au mouvement qui s'est déclenché durant le week-end, mais, dans le moment, il n'y a aucune façon de le savoir. Nous sommes encore à essayer d'analyser les renseignements que nous avons au sujet de la situation des réfugiés dans la région de Bukavu, dans le sud du Zaïre. Les objectifs restent les mêmes et sont appuyés par la résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies en ce qui concerne l'aide humanitaire. En même temps, nous nous efforcerons de faciliter la réinstallation continue des réfugiés dans leurs communes d'origine.

    Dans ce cas, le gouvernement canadien, au nom de la population canadienne, demeure engagé à faire ce qu'il faut pour répondre aux besoins. Nous continuons d'appuyer ces développements et de fournir les ressources nécessaires non seulement pour assurer l'aide humanitaire, mais aussi pour examiner la question plus vaste du rétablissement de la paix dans la région afin que les mêmes problèmes ne se reproduisent pas dans un an ou deux et pour commencer à chercher des solutions plus durables aux causes profondes de ces problèmes.

    Nous demandons aujourd'hui au Parlement d'appuyer l'initiative du Canada en vue de trouver les façons les plus efficaces et les plus utiles de répondre à la crise humanitaire au Rwanda et au Zaïre.

    Pour mettre la situation dans son contexte, je trouve que c'est particulièrement important de rappeler que nous en sommes à un point de jonction dans le débat. Nous sommes témoins depuis la fin de la guerre froide il y a plusieurs années non pas d'une paix uniforme à l'échelle mondiale, mais bien d'un nouveau genre de conflits, des conflits de faible intensité qui sont souvent internes, mais qui ont une façon insidieuse de déborder leurs frontières et qui ont des répercussions énormes dans les régions avoisinantes et dans le monde entier. Les coûts en vies humaines et en ressources sont très élevés, et nous avons tous à porter ce fardeau. C'est le nouveau monde dans lequel nous vivons.

    Nous commençons à mettre en pratique de façon efficace les leçons que nous apprenons jour après jour, semaine après semaine. Si nous ne le faisons pas, nous continuerons de voir se perpétuer le cycle de la violence, de voir des communautés entières chercher à s'éliminer mutuellement, de voir apparaître des mots affreux comme purification ethnique et génocide qui sont entrés dans notre vocabulaire.

    Nous devons continuer d'être conscients du terrible sentiment de désespoir qui habite les centaines de milliers de civils qui sont victimes de ces conflits internes, les femmes et les enfants qui subissent les conséquences de ces luttes entre factions parce qu'ils sont souvent les plus vulnérables et qu'ils sont incapables de se protéger contre cette grande violence dont nous sommes témoins depuis si longtemps.

    (1210)

    Les solutions traditionnelles ne suffisent plus et les leçons apprises dans nos manuels diplomatiques, politiques et militaires au sujet de la guerre froide ne s'appliquent pas aux situations nouvelles.


    6346

    Une des premières leçons que nous avons tirées, c'est que ces conflits internes ne sont pas des «querelles de famille». Compte tenu de leurs répercussions sur la sécurité internationale et de l'ampleur de leurs conséquences, comme nous avons pu le constater la semaine dernière, la communauté internationale se doit d'intervenir.

    Nous ne pouvons pas invoquer nos intérêts nationaux limités pour justifier notre inaction ou notre lenteur à agir. Cette situation est la responsabilité de l'ensemble de la communauté internationale et je crois que les Canadiens veulent que le Canada agisse en chef de file pour des raisons humanitaires.

    [Français]

    Le premier ministre est allé au fond de la question, la semaine dernière, quand il a dit que personne ne peut être indifférent aux souffrances de l'est du Zaïre, personne ne peut fermer les yeux sur les conséquences. Si la communauté mondiale n'agit pas, plus d'un million de vies seront en jeu.

    [Traduction]

    Je crois que cela résume essentiellement les raisons pour lesquelles nous avons décidé d'assumer le rôle et le leadership que nous assurons actuellement.

    Troisièmement, nous avons appris que les seules solutions militaires ou politiques ne suffisent plus. Nous devons trouver une façon intégrée, stratégique et globale d'harmoniser les actions politiques, militaires et humanitaires, de manière à permettre une intervention complète et à avoir à la fois de la flexibilité et une capacité d'adaptation aux conditions qui prévalent. C'est pourquoi nous ne pouvons plus simplement appliquer les vieilles méthodes apprises dans le passé.

    Nous devons trouver de nouvelles façons de combiner les missions de maintien de la paix dans leur forme traditionnelle du temps de M. Michael Pearson il y a de nombreuses années, et le nouveau concept d'édification de la paix, c'est-à-dire trouver un moyen de rendre les communautés plus stables après les conflits.

    Le milieu médical a une bonne expression pour désigner cette action. C'est le mot triage. Lorsqu'une victime d'un accident de la circulation arrive à l'hôpital, elle n'est pas envoyée immédiatement en chirurgie. Le personnel stabilise les signes vitaux du patient, s'assure que le sang circule et que la température corporelle est acceptable. En somme, on veille à stabiliser l'état du patient avant de commencer les traitements. Une des leçons que nous avons tirées des nouveaux conflits internationaux est qu'il faut trouver des moyens d'effectuer un triage.

    Dans le cas du Zaïre, la situation inédite qui s'y produit nous oblige a remettre en question toutes les leçons apprises jusqu'à maintenant. Nous devons trouver des solutions nouvelles à des crises humanitaires d'un nouveau type. Nous avons déjà appris une chose importante aux autres en utilisant rapidement et efficacement notre volonté politique et en nous mobilisant pour amener la communauté internationale à trouver une solution.

    Je recommande à tous les députés, s'ils en ont le temps, de lire le terrible rapport publié à la suite du conflit au Rwanda où l'on explique que c'est l'absence de volonté politique au niveau international qui a été à l'origine du génocide. Cette volonté politique, nous l'avons vu se manifester la semaine dernière. Je suis heureux de dire que c'est au premier ministre canadien que nous la devons, que nous devons cet engagement.

    C'est grâce à cela que l'ampleur du désastre a été considérablement réduite. Toutefois, nous devons faire certains rajustements. Nous constatons maintenant un vaste mouvement de réfugiés qui traversent la frontière par suite de cette mobilisation de la communauté internationale. Cependant, une aide humanitaire est nécessaire d'urgence si nous voulons arriver à des solutions durables.

    Mon collègue, le ministre de la Coopération internationale, vous donnera plus de détails sur la façon dont nous pouvons, sur le plan de l'aide humanitaire, appuyer les efforts des divers organismes internationaux oeuvrant dans cette région.

    Nous devons être prêts à poursuivre nos efforts et à faire tout notre possible pour assurer la sécurité. À l'heure qu'il est, nous recueillons des renseignements, avec l'aide de nos alliés, des États africains, des Européens et des Américains, pour nous assurer qu'il ne reste pas, dans l'est du Zaïre où la situation commence à se régler, des secteurs où la violence, l'insécurité ou l'instabilité continuent de faire des ravages.

    (1215)

    Nous commençons à examiner la façon dont nous pouvons atteindre les objectifs en utilisant peut-être des combinaisons différentes. J'espère que les députés nous aideront à faire les rajustements nécessaires.

    Je me réjouis de la réaction des députés qui estiment utile que le Comité de la défense et le Comité des affaires étrangères se réunissent périodiquement. Cela nous permettra d'informer les députés de tous les partis, de connaître leur réaction et d'en tenir compte dans notre politique et dans nos mécanismes d'intervention. C'est ce que je propose, et j'espère que les porte-parole des partis de l'opposition nous feront savoir si les députés sont prêts à entamer ce dialogue permanent.

    Du personnel des Forces canadiennes est maintenant posté au Rwanda. Le général Baril arrivera dans ce pays d'ici quelques heures pour y faire une première reconnaissance. Ces militaires nous aideront à comprendre la situation de la région et à déterminer les changements qu'il faudra apporter à nos plans de déploiement.

    Les consultations dont j'ai parlé s'intensifient. Il y aura une importante séance de planification à Stuttgart, d'ici deux jours, qui réunira tous les pays donateurs. Depuis le début de la fin de semaine, nous sommes constamment en contact avec un certain nombre d'intervenants essentiels, avec ceux qui sont prêts à faire des dons et


    6347

    à grossir les rangs du contingent militaire et avec ceux qui représentent des États africains.

    Je rencontrerai les ambassadeurs des États africains au cours de la journée pour leur demander d'effectuer le même genre de consultations et de préparer le même type d'intervention afin que nous puissions organiser la nôtre en fonction des besoins, parce que c'est là notre objectif premier. Nous avons aussi demandé à la secrétaire d'État chargée de l'Amérique latine et de l'Afrique de se rendre en Afrique. Elle est actuellement en route vers les principales capitales africaines, où elle effectuera des consultations pour tâcher de déterminer les mesures qui conviendraient le mieux.

    C'est un engagement constant. Au nom des Canadiens, nous voulons être sûrs que nous avons les ressources nécessaires et que nous sommes en bonne position pour assurer la direction de l'opération, pour faire honneur à l'engagement que le premier ministre a pris la fin de semaine dernière.

    Nous devons maintenant tenir compte des changements en cours. Ce mouvement des réfugiés est, d'une certaine façon, source d'énormes satisfactions. Cela nous permet de commencer à nous attaquer aux causes profondes du problème, mais il y aura d'autres questions à régler. Il faut penser aux difficultés à plus long terme que posera la réinstallation des réfugiés qui reviennent au Rwanda. Ces millions de personnes qui retournent maintenant dans leur pays doivent bénéficier de mesures de soutien et d'approvisionnement de base.

    Nous devons nous assurer qu'une surveillance appropriée est exercée dans cette région afin que les diverses communautés puissent unir leurs efforts, afin d'y faciliter la réconciliation et le développement. Cela nécessitera un engagement continu de la part de la communauté internationale. Nous ferons notre part et nous offrirons le leadership de rigueur pour composer avec ces problèmes et trouver des solutions.

    Le week-end dernier, à Paris, à l'occasion d'une réunion sur la Bosnie, j'ai abordé, avec plusieurs de mes homologues ministres des Affaires étrangères, la question de savoir comment nous allions élaborer des solutions à long terme et réagir, à l'échelle internationale, face à l'évolution de la situation.

    Le Conseil de sécurité des Nations Unies a également reconnu de façon très claire la nécessité d'une force de transition. Les préparatifs sont déjà en cours concernant la deuxième phase du maintien d'un système stable afin que les problèmes ne se reproduisent pas. Nous avons tiré des leçons de notre expérience au Rwanda, en Somalie et dans d'autres régions. Si nous nous contentons de dire que la crise immédiate est passée et que nous pouvons maintenant tourner le dos, nous serons sans aucun doute confrontés aux mêmes problèmes dans quelques mois ou dans quelques années.

    C'est pour cela que l'envoyé spécial des Nations Unies, l'ambassadeur Chrétien, est sur place où il s'occupe non seulement de régler la question immédiate des négociations concernant la crise humanitaire, mais aussi de formuler des recommandations qui serviront aux Nations Unies, au Canada et à d'autres pays pour commencer à planifier une solution à long terme. Nous trouvons une certaine satisfaction dans le fait que nous ayons reçu un appel des Nations Unies nous demandant de trouver un envoyé approprié. Nous avons tous une très grande admiration pour l'ambassadeur Chrétien. Personne n'est mieux placé pour réaliser cette mission et assurer le leadership sur la scène internationale à un moment aussi crucial.

    Outre ces initiatives directes, j'ai avancé une autre idée dans un discours que j'ai prononcé il y a trois semaines à l'université York. Je suis sûr que tous les députés en ont pris connaissance dès que la presse en a fait état.

    (1220)

    J'y faisais valoir la nécessité, pour le Canada, d'élaborer une stratégie de pacification. Nous devons adopter un point de vue différent pour analyser certains des problèmes. Il nous faut déterminer comment, avec nos propres ressources et nos capacités politiques, nous pouvons appuyer des pays qui émergent d'un conflit; comment nous pouvons aider ces pays à se stabiliser afin que leurs problèmes ne resurgissent pas sans cesse?

    La situation du Zaïre illustre bien à quel point une intervention de pacification, une réaction rapide, intégrée et polyvalente de la part des civils est aussi importante qu'une réaction polyvalente et rapide de la part des militaires. Nous devons maintenant trouver un forum où les civils seront tout aussi efficaces que les militaires en matière de maintien de la paix, que nous appelons maintenant la pacification.

    Cela signifie que nous devons contribuer au rétablissement de la primauté du droit. Cela signifie que nous devons appuyer la réconciliation politique, y compris le respect des droits de la personne et surtout des droits des minorités. Nous devons instaurer des mesures visant à restaurer la confiance entre les groupes et les factions qui se sont affrontés afin de désamorcer les tensions dans ces pays, à leurs frontières et au-delà de leurs frontières.

    Cela signifie que nous devons créer un environnement qui permettra l'envoi ininterrompu d'aide humanitaire et la reconstruction. Les gens ne peuvent rebâtir leurs vies s'ils craignent constamment d'être attaqués. Voilà pourquoi l'un de nos principaux engagements dans les pays comme Haïti a été d'assurer la formation et d'appuyer la mise en place d'une force policière nationale, fondée sur la transparence et l'obligation de rendre des comptes à la population, pour que ces pays puissent progressivement retrouver le sens de la sécurité.

    Cela signifie qu'il faudra faire face aux graves problèmes de la réinstallation et de la réintégration des réfugiés et des personnes déplacées et à ceux de la reconstruction d'une société civile et politique dans bon nombre de ces pays. Voilà ce que signifie la nouvelle notion de pacification: comment mettre à profit notre expérience de pays qui a appris à jeter des ponts par dessus les frontières, de pays qui a appris à créer des liens entre groupes d'origines et de langues différentes; comment mettre à profit l'expérience que nous avons acquise au fil des ans sur la scène internationale quant à la formation de ce genre de coalitions et d'alliances; comment collaborer avec d'autres pays partageant notre vision afin


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    de ne pas agir seuls, mais plutôt, dans un contexte onusien, au sein d'une coalition de pays dévoués à cette notion de pacification.

    Voilà le défi que nous devons relever. Voilà la deuxième piste que nous devons maintenant commencer à suivre. Comme nous commençons à voir une certaine résolution de la crise humanitaire, nous devons maintenant faire en sorte qu'une autre crise ne se produise pas. Grâce aux initiatives de maintien de la paix dont j'ai parlé, je pense que l'on peut commencer à résoudre les problèmes.

    Je sais que c'était, de toute évidence, ce qui venait en premier à l'esprit des députés, ce matin, lors de la séance d'information que nous avons eue. C'est pour cela que je veux souligner l'importance d'être en mesure de répondre aux difficultés internationales, non pas de façon précise, non pas de façon inflexible, non pas selon un mode de pensée linéaire, mais grâce à une réponse subtile et souple qui utilisera les meilleurs ressources du pays pour essayer de résoudre ce conflit.

    En conclusion, je demande une fois de plus aux députés d'appuyer cette initiative. Cependant, nous ne demandons pas un appui sans réserves. Nous nous adresserons régulièrement au Parlement, par le truchement des comités, pour le tenir constamment au courant et lui demander des réponses. Nous devons travailler en collaboration.

    Je pense que c'est dans l'intérêt vital des Canadiens. Beaucoup se demandent pour quelle raison nous intervenons au Rwanda, pourquoi nous dépensons des ressources dans un pays aussi éloigné? C'est dans l'intérêt vital de chaque Canadien. Si nous ne réglons pas les problèmes, si nous ne participons pas à la résolution des problèmes qui existent là-bas, ils seront à notre porte dans très peu de temps.

    C'est le mauvais côté de la mondialisation. Si nous pouvons profiter des avantages qu'offre un système mondial d'échanges commerciaux, d'investissement, de productivité et de croissance, nous devons aussi faire en sorte que ce système soit stable, ordonné et sûr. C'est une longue tradition canadienne. C'est une tradition qui nous permet d'assurer non seulement la sécurité d'autres personnes, mais aussi la nôtre en faisant en sorte que le monde soit plus sûr.

    Je remercie les députés de leur courtoisie et de leur patience. J'attends beaucoup du débat qui va suivre et je compte sur l'appui de tous, alors que le Canada se lance dans une mission où nous avons démontré notre leadership en nous fondant sur les valeurs et les intérêts de la population canadienne.

    [Français]

    M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je trouve très significatif d'intervenir aujourd'hui dans ce débat concernant une situation dramatique vécue dans le monde. Je me permettrai au départ de préciser que même si cela touche au domaine international, il s'agit quand même d'une situation humaine très difficile.

    (1225)

    Le présent exemple me touche personnellement, parce que dans ma circonscription, il y a un organisme non gouvernemental, l'Institut de développement Nord-Sud, qui a eu, pendant plusieurs années, un programme assez élaboré au Rwanda. Des Hutus, des Tutsis, des gens du Rwanda et de la région sont venus dans ma circonscription, et des gens de chez nous sont allés là-bas, et tout cela est devenu des relations interpersonnelles.

    Dans l'approche d'un problème comme celui-là, je crois qu'il faut toujours avoir cette vision qu'en bout de ligne, il s'agit d'êtres humains, de personnes, d'hommes et de femmes qui ont vécu et continuent à vivre depuis quelques années des situations très difficiles. Ces situations sont de plus très changeantes.

    On est donc devant une situation humaine complexe, alarmante. Je crois qu'il est bon de souligner, et c'est très réaliste, qu'il était vraiment temps que quelqu'un prenne l'initiative à ce sujet. On peut noter que le Canada y a été, au cours des dernières semaines, d'une action décisionnelle nous permettant de nous assurer d'avoir la volonté de mener une action internationale.

    On est aussi devant une situation qui bouge à une vitesse effarante. Ce matin, nous avions une session d'information sur la situation au Zaïre et les gens qui nous donnaient la session avaient les nouvelles d'une heure, d'une demi-heure à l'autre sur la réalité changeante. Il est important que dans toute l'approche que le gouvernement canadien, que la communauté internationale prendra à ce sujet, on se dise que les objectifs sont sacrés, mais que les moyens peuvent bouger.

    La semaine dernière, l'intervention militaire était vraiment la mission première, principale, et elle demeure essentielle à l'avenir, mais il y a de plus en plus, et là-dessus je rejoins ce que le ministre disait, d'actions internationales dans des secteurs complètement distincts. On se dit: «Il y a une action militaire, on va la mener là. Il y a une action humanitaire à mener à côté et il y a une autre action de projection vers l'avenir, pour prévoir ce qui arrivera.»

    Je pense qu'il faut que nos actions soient intégrées. On apprend, à chacune de ces expériences, et celle d'aujourd'hui est d'autant plus significative, qu'il s'agit d'un laboratoire vivant. C'est une situation où il y a des vies humaines en cause, donc il faut être prêts à ce que les solutions qui nous apparaissaient pertinentes la semaine dernière puissent être modifiées, puissent être corrigées pour tenir compte de la façon de trouver une solution.

    En bout de ligne, dans un, deux, trois, cinq ans, on doit pouvoir en venir à une solution où on pourra dire: «Cette partie du monde, après avoir vécu des périodes turbulentes, a été pacifiée. Ses habitants y vivent une nouvelle vie correcte, et les humains sont heureux de pouvoir vivre dans cet espace. Ils ont réussi à régler leurs problèmes et à avoir une nouvelle approche plus dynamique.»

    Malheureusement, aujourd'hui, la solution n'est pas nécessairement évidente à première vue. On est devant une situation très complexe. Le Zaïre est un pays entouré de 11 autres pays africains, où on rencontre toutes sortes d'historiques en termes de population, de gens issus de milieux très différents, de réalités aussi grandement influencées par la présence européenne. Aujourd'hui encore, dans la carte africaine, des frontières ont souvent été créées par le résultat de l'intervention européenne. Cela se traduit dans les faits par une situation où il n'y a pas nécessairement le même découpage pour un pays que pour les catégories de populations qu'il peut y avoir là.


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    Donc, il faut tenir compte de l'ensemble de ces situations. J'en profite tout de suite pour souligner, entre autres, un apport important, celui de la Tanzanie, un pays voisin qui aide beaucoup à faire en sorte, du moins pour une partie des réfugiés, qu'il y ait une solution tampon. Je pense qu'il y a là une attitude à développer, dont on doit se servir comme précédent. Il faut aussi l'élargir aux autres pays d'Afrique pour qu'à moyen terme, les solutions puissent devenir de plus en plus des solutions africaines, qu'elles soient de plus en plus dirigées par des Africains.

    Donc aujourd'hui, en 72 heures, on est passé d'une situation où il y avait plus d'un million de réfugiés à l'extérieur du Rwanda à une situation où il y en a 400 000, peut-être 500 000. On a de la difficulté à estimer le chiffre exact, mais il y a quand même un important mouvement de population qui s'est fait depuis 72 heures et qui vient en tout cas modifier radicalement la problématique.

    (1230)

    Il y a 400 000 à 500 000 personnes qui viennent de lancer un nouveau défi très important au gouvernement du Rwanda et à la situation. Ils vont avoir à absorber cette population qui avait quitté depuis un an, depuis deux ans, depuis la période très difficile que le pays a vécue. Maintenant, il faudra réintégrer ces gens dans le pays. Est-ce que cela pourra se faire sans une aide internationale forte, et je pense ici à la structure d'accueil et aux corridors d'aide alimentaire? Il est question aussi, pratiquement au niveau fonctionnel, des organismes non gouvernementaux qui assistent au chapitre de l'alimentation et du soutien à l'installation de ces gens. Il faudra soupeser de façon différente et particulière où doit être mis l'impact de l'action du gouvernement du Canada et de tous les autres pays qui interviennent dans l'action internationale qui est en cours.

    Il est important qu'on soit bien conscients que, même s'il y a tous ces changements, la solution n'est certainement pas dans le fait de tout arrêter demain matin. Ce n'est pas parce qu'il y a un mouvement de retour au Rwanda de beaucoup de Rwandais que le problème est réglé. Il ne faudrait surtout pas que l'opinion publique internationale s'assoit sur ça, mettent les feux de l'actualité sur un autre champ et oublient de régler le problème réel qu'il y a là.

    C'est toujours une situation difficile, et ce n'est pas le retour des Rwandais chez eux qui règle cette situation, car la solution ne sera réglée qu'au moment où, à l'intérieur des communautés africaines concernées, il y aura un équilibre, un modus vivendi dans la population qui fasse que les choses puissent se faire dans un contexte démocratique et dans le respect des règles qui doivent être celles de peuples qui vivent ensemble et qui ont mutuellement intérêt à ce que les autres se développent.

    Il ne s'agit pas d'aucune façon de porter de jugement sur les populations; il s'agit tout simplement de voir à mettre en place des solutions à long terme.

    Parmi les éléments d'information qu'il faut considérer, je vous donne un exemple. On sait que, présentement, dans la situation actuelle, il peut y avoir des ressources alimentaires pour accueillir 1,5 million de personnes pour une cinquantaine de jour. Donc, face au délai d'approvisionnement, à la façon de s'assurer que, par la suite, l'approvisionnement sera fait, et la réalité qui sera vécue ces jours-là, il est important de prévoir tout de suite qu'il y aura l'infrastructure, pour ne pas qu'on se ramasse devant des crises, des réactions de panique qui seraient dues à un problème de logistique qui n'a pas été prévu à temps. En ce sens, je pense que l'action que le gouvernement a entreprise, la mobilisation que le gouvernement canadien a créée dans la communauté internationale doit se continuer afin d'atteindre des résultats intéressants dans peu de temps.

    Je répète cet élément de la nécessité de continuer l'action parce qu'aujourd'hui, dans l'actualité, on voit toutes sortes de réactions. Les gens disent: «On n'est plus certain s'il va vraiment falloir envoyer des troupes.» Par exemple, les Américains peuvent se poser ces questions.

    En ce qui a trait aux intervenants africains, le déplacement des réfugiés amène une approche différente face aux problèmes, mais toujours, le programme demeure. Les questions qu'il faut se poser portent sur les moyens, les modalités d'action, mais il ne faut jamais démissionner devant le problème à régler.

    Donc, l'aide est toujours nécessaire. On peut difficilement évaluer l'impact de la force multinationale, mais, en tout cas, dans le temps, il y a un lien entre les moments où, finalement, la communauté internationale a décidé d'agir et les mouvements de population qu'on a décelés ensuite.

    Donc, ce ne serait que pour ce résultat qu'il aurait valu la peine de montrer qu'il y avait une action à poser et qu'il faut continuer à lui donner l'importance nécessaire.

    Il sera aussi important, en plus du fait d'agir à court terme, de poser les bons gestes. Il y a une leçon évidente pour la communauté internationale. La crise actuelle avait envoyé de nombreux signaux révélateurs auxquels personne n'avait porté attention. Il s'agissait de la reprise d'une guerre inachevée, ce qui a mené au massacre de plus d'un million de Rwandais au cours de l'année 1994.

    (1235)

    Cette situation, qui s'est détériorée au cours des années, on aurait dû la voir venir, on aurait dû prévoir. Des solutions avaient déjà été proposées. Il faut régler la situation à court terme. Pour le long terme, il y a la suggestion du gouvernement français de tenir une conférence internationale sur toute la question des Grands Lacs africains, toute cette région de l'Afrique. Cette proposition a été faite depuis déjà un bout de temps, elle a été soumise au ministre des Affaires étrangères du Canada par son équivalent français. Je pense qu'au-delà de la logistique de la crise actuelle, il devrait y avoir un autre geste dans ce sens de la communauté internationale, de dire que c'est effectivement un problème important qui a des racines profondes, et il devrait y avoir une conférence internationale.

    C'est une question qu'on peut se poser. Est-ce que ce ne serait pas l'outil pertinent pour en venir à trouver une solution permanente aux difficultés qu'on a rencontrées? Il faudrait que tous les acteurs intéressés s'assoient autour d'une table et prévoient des solutions à long terme, des solutions qui vont en profondeur, des solutions qui feraient que la situation de crise actuelle ne se renouvelle pas dans le futur.

    On dit qu'il est nécessaire d'intervenir. Pourquoi continuer à avoir une intervention militaire? Les organismes non gouvernementaux qui interviennent dans le secteur de l'aide humanitaire, qui sont


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    présents sur le terrain, disent que c'est toujours essentiel, que c'est toujours important. Je pense qu'on peut se fier à leur expérience.

    Il y a une collaboration qu'on doit continuer de développer entre les militaires et les organismes à vocation humanitaire pour que les corridors puissent être mis en place. Si l'ensemble des réfugiés retournent au Rwanda, des réfugiés qui sont à l'extérieur du pays, il y aura un accroissement significatif de la population qui ne faisait plus partie de l'organisation économique du pays qui devra être intégrée. Cela va supposer un ensemble de protection civile, un ensemble de protection militaire, la réponse à des problèmes très concrets d'alimentation. Pour cela, il faut continuer d'avoir un encadrement militaire qui assurera que toute l'action va se mener dans une certaine sécurité.

    On est devant une situation complexe où il y a toujours besoin d'action. Mais il faut se demander quel type d'action. Le retour des réfugiés est grosso modo une bonne nouvelle. C'était un des deux objectifs que visait la force internationale. L'annonce de la mission internationale a contribué à déclencher ce mouvement. Il y a aussi un très grand défi donné à la communauté internationale par cette décision des Rwandais de retourner chez eux.

    Il faut voir que ces gens vivent des situations très spéciales. On sait, par exemple, qu'on a mis des camions à leur disposition pour pouvoir les ramener, pour ceux qui marchent, mais ils tiennent solidairement, collectivement, je pense qu'il y a une espèce d'ins-tinct de survie, à marcher pour retourner chez eux, à entrer dans leur communauté. Il y a peut-être des images négatives associées au camion. C'est toute l'expérience du génocide qui a été vécue. Ce sont des humains qui sont en marche et qui, collectivement, dans un certain sens, ont décidé de trouver une solution, de retourner dans leurs villages et de faire que la relation entre les humains concernés se refasse dans chacun des villages.

    Je pense qu'il faut faciliter cette action, être présents pour s'assurer qu'elle se fasse dans un cadre correct. Il faut faire aussi en sorte que la réception soit adéquate. On nous disait ce matin que lorsqu'une famille arrive dans le village qu'elle a quitté depuis deux ans, elle s'aperçoit que quelqu'un d'autre s'est installé dans sa maison. Il y a toute une modalité de vie à redéfinir, à mettre en place. Cela suppose qu'une forme d'aide internationale soit présente, sinon, on risque de se retrouver dans un chaos et de créer de nouveau une crise dont on ne pourra se sortir.

    Il ne faut pas se mettre la tête dans le sable. Il ne faut pas oublier que la guerre civile qui a été vécue a laissé des plaies vives. C'est un pays qui se relève. C'est un pays en voie de développement mais qui fait face à un défi majeur, important, significatif. Personne n'aurait prévu, il y a 72 heures, qu'il y aurait un retour de 400 000 ou 500 000 personnes.

    (1240)

    Tentez d'imaginer, au Québec ou au Canada, un mouvement soudain de 500 000 personnes en 72 heures, et l'impact que cela pourrait créer dans un pays économiquement développé comme le nôtre. Maintenant, imaginez cette situation dans un pays ravagé par une guerre civile. C'est certainement la preuve que le besoin d'une aide internationale existe toujours.

    On peut se poser certaines questions, comme par exemple s'il est toujours aussi important d'assurer le désarmement des troupes en cause et de quelle façon cela peut se faire sur le terrain. Lorsque les réfugiés étaient concentrés dans des camps, l'aspect logistique était plus facile à gérer. Maintenant que les réfugiés retournent dans l'ensemble du pays, sera-t-il possible d'approcher la situation de la même façon? Il y a des questions à se poser à ce sujet.

    L'autre élément de la mission sur lequel on peut aussi beaucoup s'interroger, c'est la durée de six mois prévue initialement. On a des expériences passées, notamment en Bosnie, où on était supposés y être pour quelques mois et, finalement, on est là depuis 18 mois. Est-ce que ce genre de situation se reproduira dans le cas actuel? Est-ce que le mouvement des réfugiés ne pourrait pas faire en sorte que la mission dure moins longtemps? Ce sont des préoccupations dont nous aurons à débattre.

    Tantôt, le ministre nous disait qu'il y aura un suivi. Il s'est engagé, par les comités parlementaires, par la Chambre des communes, à ce qu'on puisse faire le point sur la situation. L'opposition officielle sera vigilante pour s'assurer, entre autres, qu'il y ait un traitement adéquat de nos troupes. Il faut tirer leçon des expériences passées.

    Il y a eu une recommandation de changement de politique qui suggérait que chaque fois que nos troupes sont envoyées en mission internationale, les soldats faisant partie de cette mission aient passé au moins 12 mois au Canada entre deux missions de ce type. Est-ce que dans le cas présent cette durée sera respectée? C'est une des causes liées au malaise qu'on rencontre dans les troupes à leur retour. L'absence d'un délai suffisant, d'une acclimatation ou d'une préparation adéquate se traduit par une augmentation des suicides, des problèmes personnels et familiaux. Voilà une autre préoccupation importante.

    Il y a aussi d'autres questions qu'on doit se poser. Compte tenu du retour inattendu de plus d'un demi-million de réfugiés au Rwanda-et le nombre s'accroît de jour en jour, pour ne pas dire d'heure en heure-est-ce qu'on pourra atteindre l'objectif qui était d'assurer des services humanitaires adéquats à l'avenir?

    Un autre question est: Est-ce que le premier ministre a l'intention d'exiger l'accord de toutes les parties en présence pour aller de l'avant ou envisage-t-il plutôt d'imposer l'intervention de la force multinationale? C'est une bonne question à poser.

    Ce matin, on n'a pas encore obtenu la confirmation que le gouvernement du Rwanda et le gouvernement du Zaïre sont prêts à accepter formellement l'arrivée de cette force sur le terrain. Il y a des questions posées par le Rwanda pour déterminer si on a toujours besoin de cette force internationale, vu le changement dans la situation.

    Le Canada assume la direction de cette force qui représente un défi fantastique pour les forces armées. Il va y avoir un défi d'analyse politique très important. Il faudra que le général Baril, le général en chef, et toutes les personnes qui l'assistent puissent disposer d'une analyse précise de ce qui se passe, réagir rapidement et avoir


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    un appui significatif du gouvernement du Canada. Il faudra aussi l'appui de tout l'appareil diplomatique parce que, ne nous le cachons pas, dans une force internationale où il y a 15 ou 16 pays en cause, il risque d'y avoir des frictions.

    Il faut qu'il y ait un appui de tout l'appareil gouvernemental canadien, notamment du réseau diplomatique, pour que les gestes qu'on pose soient adéquats, responsables et tiennent compte aussi de l'ensemble des autres acteurs qu'on retrouve dans cette situation.

    (1245)

    C'est un défi majeur que les forces armées ont à relever suite à la décision du gouvernement du Canada d'assurer le leadership. Le Canada fait déjà sa part de façon très significative en envoyant des soldats à l'étranger dans des missions internationales. Qu'on pense à la Bosnie, par exemple, où on a près de 2 000 soldats présents. Est-ce que, dans l'ensemble, on pourra continuer à assumer les missions à l'étranger et à le faire de façon adéquate, tout en ayant le leadership de l'opération dans la région des Grands Lacs africains?

    Il y a un point majeur. Même lorsqu'on aura réussi à acheminer l'aide humanitaire, que nous aurons soigné les survivants, rien n'est prévu par les États pour empêcher que le conflit ne recommence si, à long terme, on ne trouve pas de règlement politique. C'est là que l'idée de la conférence internationale est intéressante.

    Aujourd'hui, les initiatives prises par le Canada sont importantes pour solutionner la crise à court terme, mais il faut trouver des initiatives semblables pour la solutionner à long terme. Il faut que le Canada élargisse son action pour trouver des solutions à long terme.

    Une préoccupation a été soulevée par des familles de soldats faisant partie de ces missions, et les expériences passées peuvent servir de leçon. Il est important de savoir exactement quelles sont les directives données aux militaires qui pourraient être confrontés à des résistances sur le terrain. Selon quel cadre de décision pourront-ils agir? Est-ce que ces règles existent? Est-ce qu'il serait possible de les déposer afin que l'on comprenne exactement quelle sera la marge de manoeuvre de l'armée?

    Au-delà de l'approche pour régler le problème à court terme, il est très important d'avoir une approche à long terme. La proposition de conférence internationale sur la région des Grands Lacs nous semble une idée à développer. Peut-être doit-on aussi tirer des leçons du parallèle avec la Bosnie en ce qui touche l'aide humanitaire et la reconstruction des institutions civiles. Surtout si la mission militaire prend moins de temps que prévu, peut-être pourrait-on envisager la possibilité de consacrer des sommes à la reconstruction des institutions civiles, que cela fasse partie de l'aide canadienne, de l'aide internationale. Cela nous semble important dans l'élaboration d'une solution à long terme.

    Il faut que les gouvernements concernés puissent être solidement implantés, qu'ils puissent avoir une légitimité intéressante et qu'ils aient les outils pour travailler correctement pour effectuer la reconstruction. De ce côté-là, je pense que le gouvernement du Canada doit réfléchir.

    En conclusion, dans ce débat, l'opposition considère qu'il est important que le gouvernement canadien continue à prendre des initiatives, qu'il le fasse après avoir réfléchi à la situation et qu'il continue à assumer son leadership. Il peut arriver que l'on fasse de légères erreurs, mais il faut s'assurer que le Canada et la communauté internationale sortiront grandis de cette opération et qu'on trouvera des solutions pour que le Rwanda ait une vie civile correcte dans les années à venir, que les Rwandais gardent l'image que l'aide internationale apportée à l'initiative du Canada a contribué à recréer un climat adéquat, un climat satisfaisant. Les prochains jours seront cruciaux en ce sens.

    On invite donc le gouvernement à faire preuve de beaucoup de jugement, à ne pas hésiter à solliciter l'appui des partis d'opposition pour que notre point de vue puisse contribuer à l'adoption des meilleures mesures possibles, parce que dans le cas présent, il s'agit toujours de protéger des centaines de milliers de vies humaines.

    (1250)

    [Traduction]

    M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de prendre la parole à la Chambre pour traiter d'une question qui préoccupe énormément l'ensemble des Canadiens. Je suis persuadé de parler au nom de mes collègues et de la plupart des Canadiens qui sont horrifiés par les problèmes humanitaires que la télévision nous montre quotidiennement. La tragédie humanitaire dont le Rwanda est actuellement le théâtre touche chacun d'entre nous.

    Je ne peux pas m'empêcher de me remémorer le séjour que j'ai fait au Rwanda. Ma femme et moi y avons vécu un mois. Nous avons fait de la randonnée dans la région même dont nous voyons des images aujourd'hui. Nous avons séjourné près du lac Kivu et avons pris des photos du coucher de soleil. On nous a raconté que, selon une légende égyptienne, quiconque a vu le soleil se coucher au-dessus du lac Kivu vivra dix années de plus. Un des murs de mon bureau est orné d'un grand tableau représentant le soleil se couchant au-dessus du lac Kivu.

    Je ne peux pas m'empêcher de penser à la population, aux villages et à la terre fertile du Rwanda. Le Rwanda, c'est vraiment la Suisse de l'Afrique. Les vallées regorgent de thé. Nous avons pu constater la croissance fantastique que ce pays doit à son sol volcanique. Ce qui rend probablement l'enjeu encore plus pénible, c'est le fait de connaître le potentiel de cette nation et de voir la situation dans laquelle ces gens-là se sont placés.

    Je ne peux m'empêcher de penser à l'époque où, étudiant à l'université, j'avais été impressionné par la lecture de «Coeur des ténèbres» de Joseph Conrad et sa description de la situation.

    Nous nous demandons aujourd'hui ce que nous devrions faire pour le Rwanda, pour le Zaïre, pour régler les problèmes qui assaillent cette région. Pour commencer, j'aimerais examiner le bilan des opérations de maintien de la paix et le genre de problèmes qui se posent actuellement. Il va de soi que tout se ramène à une affaire de responsabilité et qu'il s'agit de tenir les promesses que l'on a faites.

    Les opérations canadiennes de maintien de la paix remontent au moins à la crise du canal de Suez. Nous étions à une autre époque. Les temps ont bien changé depuis. Le monde était alors beaucoup plus simple qu'il ne l'est aujourd'hui.


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    Nous pourrions parler de Chypre et des six mois que devait durer notre engagement là-bas. Nous connaissons tous la suite.

    Nous pourrions parler de la Bosnie. En 1991, nous nous sommes engagés à venir en aide à ce pays. Les libéraux étaient alors très préoccupés de ce que les progressistes-conservateurs avaient décidé d'aller en Bosnie sans s'être bien renseignés au préalable, sans avoir procédé aux consultations qui s'imposaient et, pour sûr, sans avoir demandé l'avis du Parlement.

    Je me rappelle très bien le jour où, l'an dernier, dans le hall d'entrée du Parlement, je me trouvais aux côtés de Susan Harada, qui interviewait le ministère de la Défense de l'époque. Il a déclaré que la situation en Bosnie était bien en main et que dans le cadre de la nouvelle mission de l'OTAN, il n'était absolument pas question que nos troupes soient encore là-bas à la même époque, l'année suivante. Il a affirmé que nous ne serions pas là après décembre 1996, que c'était une promesse ferme de sa part.

    Nous savons maintenant qu'il est question d'IFOR II. Les Américains se sont engagés pour 18 autres mois. Le Canada va probablement s'engager pour on ne sait combien d'autres mois.

    Il y a aussi la Somalie. C'était une mission des États-Unis. Nous avons tous vu les photos de ces marines morts qu'on traînait dans les rues. Nous n'ignorons pas à quel point cette mission s'est désintégrée rapidement et nous n'avons pas oublié comment nous sommes revenus tout penauds.

    On pourrait parler de la tragédie qui s'est produite au Rwanda et des casques bleus mal équipés et pas assez nombreux qu'on a envoyés là-bas, là encore sous la direction du Canada. Le génocide s'est poursuivi. Il n'y avait aucun espoir pour les casques bleus. Bien entendu, on n'a pu maintenir l'ordre et une fois de plus, nous nous sommes retirés.

    Nous sommes au courant de ce problème depuis longtemps. Il y a dix ans, lorsque j'étais là-bas, les ONG en parlaient. Contrairement à ce que le premier ministre voudrait nous faire croire, le problème ne remonte pas à cette fin de semaine. Cela ne date pas d'hier. Il se posait durant la colonisation de cette région, lorsque les Européens ont traité ces gens de façon si répréhensible.

    (1255)

    Vient ensuite Haïti, bien entendu. Haïti ne progresse pas beaucoup. Il n'y a aucun système d'éducation. Le taux de chômage est de 85 p. 100. La qualité de vie ne s'améliore pas vraiment. À la même époque, l'année dernière, ce même ministre des Affaires étrangères déclarait à la salle Charles Lynch, située à l'étage inférieur, que tout serait rentré dans l'ordre en décembre 1996. Nous n'aurions pas à renouveler nos engagements ni notre mission, car tout serait réglé.

    Lorsque j'ai eu le privilège de me rendre en Haïti en juin et d'aller constater moi-même tous ces problèmes, il était évident qu'on ne pourrait jamais tenir cette promesse. Il faudrait un plan sur 20 ans pour vraiment relancer Haïti.

    Il est maintenant question du Zaïre et on nous promet une intervention de quatre à six mois. Est-ce là une promesse honnête? Est-ce la réalité à laquelle nous sommes confrontés à la Chambre aujourd'hui ou s'agit-il d'un autre exemple comme tant d'autres dans le passé?

    Il y a aussi le facteur américain. La principale préoccupation du monde semble être que les États-Unis constituent la seule superpuissance qui reste et que nous devons donc nous plier à toutes ses exigences. Bien entendu, durant la campagne électorale, il était très facile pour M. Clinton de dire que les Américains seraient sortis d'Haïti à la fin de février 1996, ce qu'ils ont fait, alors que nous sommes allés les remplacer. Il était facile pour lui de dire que les Américains ne seraient en Bosnie que jusqu'en 1996, mais là encore, la crédibilité de tout le système politique est en jeu quand on pense que, la semaine suivant les élections, les Américains se sont engagés pour 18 mois de plus en Bosnie. Je me demande combien de temps encore il faudra attendre avant qu'ils ne reviennent en Haïti.

    Nous pouvons parler de l'Iraq et des bombardements qui se sont produits là-bas, bombardements sur lesquels nous nous étions entendus en quelques minutes. Nous pouvons parler de la Somalie et de ce qui ressort de la commission d'enquête, de la façon dont les diplomates, les agents du renseignement et les militaires des États-Unis ont dit à nos gens quoi faire.

    Au Zaïre, le commandant adjoint sera un Américain. Le Canada jouit d'une excellente réputation partout dans le monde. Sa réputation n'est pas ternie par un passé colonial, par de l'agressivité contre quiconque. Nous sommes réputés pour nous soucier des gens. Pendant combien de temps encore pouvons-nous être les valets des États-Unis et conserver cette position de neutralité qui nous est si chère? Nous tous ici, au Parlement, devrions nous poser cette question.

    Quelle est la tendance qui se dessine à la Chambre? La tendance veut que des problèmes sont décelés par les ONG, par le ministère des Affaires étrangères, par le réseau CNN et, à l'occasion, par les Nations Unies. Puis, nous lançons une campagne de propagande chez nous, sans jamais mentionner les véritables enjeux, sans jamais parler vraiment de tous les problèmes. Nous avons un nouveau ministre de la Défense qui a un grand problème, en ce sens que le moral a diminué. Il a un problème parce que l'enquête sur l'affaire de la Somalie dure depuis beaucoup trop longtemps. Il a un problème parce que son premier ministre est perçu dans le milieu des affaires internationales comme étant simplement intéressé par le commerce, ce qui, après tout, n'est pas dans l'habitude des libéraux.

    Les libéraux croient donc qu'ils doivent faire quelque chose pour rehausser l'image du premier ministre et de son parti et, assurément, celle du ministre de la Défense. La question vient de se présenter, mais elle existait il y a deux ans. Cette question existait il y a 10 ans, mais elle a dégénéré en crise urgente.

    L'étape suivante, c'est de demander l'approbation des Nations Unies. Les États-Unis étant une superpuissance, cela ne pose pas de problème.

    Rappelons-nous que les libéraux ont dit de M. Mulroney qu'il était la marionnette des Américains. Si c'était vrai de M. Mulroney, qu'en est-il de M. Chrétien?

    (1300)

    Nous devons ensuite penser aux contribuables et au coût qu'entraînent ces questions. Il semble toujours impossible de connaître exactement les coûts à l'avance. En fait, il est possible de dissimuler les coûts dans les opérations normales. Dans tous les cas que j'ai mentionnés, les protagonistes attendent simplement que nous en


    6353

    ayons assez de la mission et ils reprennent les hostilités au point où ils les avaient laissées.

    Quelles sont les questions auxquelles les Canadiens et tous les députés méritent d'avoir les réponses? La mission et le mandat changent d'heure en heure. La mission est-elle toujours nécessaire? Les ONG peuvent-elles l'exécuter? Devons-nous avoir des soldats sur place? Voilà nos questions; il faut nous démontrer que la mission est vraiment nécessaire.

    Nous devons nous interroger sur les capacités de nos militaires, ce dont mon collègue traitera en détail. Au cours d'une séance d'information, j'ai entendu dire que le Canada pouvait assumer deux missions, mais pas trois. Les Canadiens ont besoin de savoir quelle mission nous allons abandonner. Allons-nous rester en Bosnie, où nous ne faisons vraiment pas partie du processus décisionnel, où nous sommes engagés depuis plus longtemps que n'importe quel autre pays, mais où nous n'exerçons pas la moindre influence sur le cours des événements? Pouvons-nous confier notre rôle à un autre pays?

    Quant à Haïti, c'est dans notre hémisphère et nous pouvons difficilement nous retirer de cette mission où nous jouons un rôle de premier plan. Comment pouvons-nous abandonner la mission au Zaïre? Notre premier ministre a déclaré que nous étions des chefs de file, nous voulons rehausser notre image et c'est de cette façon que nous y parviendrons.

    Nous devons nous interroger sur ce qui se passe et centrer l'attention des Canadiens et des députés sur la définition du mandat de nos militaires. Pendant 20 ans, nous avons effectué des compressions dans le domaine militaire. Ce domaine nous a servi de bouc émissaire pour réduire les budgets. Quand allons-nous dire que, non seulement nous avons les meilleures troupes, mais que nous tenons à avoir le meilleur équipement, la meilleure formation et les meilleures compétences pour accomplir les missions qu'on nous confie. Que faut-il penser des familles de nos militaires? Ce sont toutes des questions auxquelles personne n'a répondu à la Chambre.

    Les gouvernements locaux veulent-ils notre présence? C'est une question très importante. Le premier ministre du Rwanda a des questions à poser. Monsieur Mobutu, qui est maintenu en place depuis tant d'années au Zaïre, veut sûrement avoir plus de détails sur la venue de troupes étrangères. Seront-elles de son côté ou non?

    Nous devons connaître exactement ce que sera le mandat. On ne s'engage pas sans connaître les détails de son mandat ni les risques auxquels on s'expose. Si tout allait bien et si nous étions reconnus comme étant les meilleurs, ce serait formidable, mais si ce n'était pas le cas? Les dangers sont nombreux. C'est une mission dangereuse que nous confions à nos gens, et nous devons préciser leur mandat. Nous devons savoir de quoi il retourne. C'est la jungle, après tout. Et je sais de quoi je parle.

    Il faut préciser le mandat. Il faut savoir quelles sont les règles d'engagement, ce qui se passera si les rebelles commencent à tirer sur nos troupes, s'il y a prise d'otages. Il nous faut ces réponses. Les Canadiens ont le droit de connaître les réponses à ces questions avant d'envoyer des effectifs.

    Évidemment, je ne peux m'empêcher de parler des coûts. À combien les estime-t-on? Après tout, nous avons des frais d'intérêt de 50 milliards de dollars par année qui nous paralysent et nous désavantagent face à d'autres pays. Avant de partir, il nous faut savoir combien cette mission coûtera et d'où viendra l'argent.

    Il nous faut aussi savoir comment nous nous désengagerons. J'ai donné des exemples des nombreux cas où nous avons dit ici même que la mission durerait six mois et que le retrait dans six mois était garanti.

    (1305)

    C'est ce que j'ai entendu dire dans le hall, à la tribune de la presse. Cela a été dit maintes et maintes fois, et ce n'est pas fini. De quatre à six mois. Mais où sont les garanties? Comment allons-nous mesurer nos résultats? Comment allons-nous nous retirer de cette mission? Nous devons le savoir.

    Nous avons besoin de savoir comment nous allons quitter Haïti, la Somalie, la Bosnie. Nous devons le savoir. Il faut que nous sachions que des gens se forment pour prendre notre place, et les mieux placés, ce sont les forces africaines elles-mêmes.

    Nous ne pouvons pas devenir la légion étrangère du Canada. Nous ne pouvons être partout à la fois. Il faut choisir. Nous devons revoir notre rôle au sein de la communauté internationale. Il faut que le Parlement ait un rôle réel à jouer. Le Parlement doit avoir voix au chapitre. Je pourrais très facilement dire ce que le ministre des Affaires étrangères disait quand il siégeait dans l'opposition: le Parlement doit jouer un rôle utile. Le Parlement doit avoir son mot à dire quand la vie de nos militaires est en jeu.

    Que devrions-nous faire? Nous devrions laisser le Parlement avoir voix au chapitre. Nous devrions en faire un processus constructif. Nous devrions obtenir de l'information de tous les intéressés: les militaires, les ONG, les Affaires étrangères, tous ceux qui savent ce qui se passe là-bas, ceux qui y sont allés et ceux qui y ont vécu plusieurs années. Ils sont très nombreux. Ils pourraient mettre la Chambre au courant de la situation avant qu'on ne décide d'y envoyer des troupes. Nous devrions avoir la possibilité de les interroger, tous sur un pied d'égalité. Cette question devrait être dénuée de tout esprit de parti.

    Des députés de chaque parti devraient pouvoir s'exprimer sur la question. Ils pourraient exprimer les points de vue forgés au moyen de l'information obtenue grâce aux questions posées dans le cadre de ce processus. Tout le monde aurait la possibilité de poser des questions.

    Un vote libre devrait ensuite se tenir à la Chambre pour prendre la décision à ce sujet. Il ne devrait pas s'agir d'une affaire de dernière minute comme c'est toujours le cas. Aucun de ces problèmes ne surgit du jour au lendemain.

    Nous devons apprendre aux peuples à s'occuper d'eux-mêmes. Nous devons participer à la formation à long terme des pays d'Afrique pour qu'ils s'occupent de leurs nombreux problèmes, qui, pour la plupart, ont été causés par la colonisation et par l'influence que les Européens et les Américains ont exercée dans beaucoup de ces pays. Il nous faut un plan réalisable. Il devrait peut-être avoir un caractère géographique.


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    Il faut peut-être une force européenne; il y en a une au stade de la planification dans le cadre de l'Union européenne. Elle s'occuperait des problèmes en Europe. Il faut une force africaine qui s'occupe des problèmes africains. Il nous faut une force des Amériques, une force de l'OÉA, qui s'occupe des problèmes du continent américain. L'Asie devrait bien sûr pouvoir s'occuper d'elle-même. C'est ainsi que nous créerons une solution, un espoir pour l'avenir, une vision quant à la façon dont le monde peut maintenir la paix.

    Nous nous soucions des gens. Nous voulons venir en aide aux gens qui sont aux prises avec tous ces problèmes de nature humanitaire, mais nous ne pouvons pas donner carte blanche. Il nous faut des réponses à nos questions. Les Canadiens veulent des réponses, tout comme nous, et je me fais sûrement le porte-parole de nombreux parlementaires de tous les côtés à la Chambre à cet égard.

    L'hon. Douglas Young (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de participer à cet important débat. Je voudrais remercier mes collègues qui y ont participé jusqu'à maintenant.

    Les députés le savent: la situation dans la région des Grands Lacs d'Afrique est encore très instable. En fait, à l'heure même, elle continue d'évoluer. Nous faisons face à une grave crise humanitaire dans l'est du Zaïre et au Rwanda.

    La semaine dernière, environ un million et demi de réfugiés étaient entassés dans des camps de fortune, ou fuyaient les combats. La situation de ces hommes, de ces femmes et de ces enfants était désespérée.

    (1310)

    Les efforts des organismes internationaux d'aide humanitaire pour rejoindre les personnes en détresse étaient contrecarrés par les factions en guerre. Des centaines de milliers de vies étaient en danger. Le Canada a refusé de rester impassible devant une nouvelle tragédie africaine. Nous avons décidé d'intervenir.

    Le Canada a été le chef de file pour organiser une initiative multinationale qui permettrait d'acheminer dans cette région de l'aide humanitaire d'une façon sécuritaire. Tous les députés conviendront sûrement avec moi que la démarche entreprise par le premier ministre ces dix derniers jours a obtenu plus de succès que nous n'aurions pu jamais en espérer, puisque la situation a évolué de façon spectaculaire et s'est grandement améliorée.

    Des centaines de milliers de réfugiés se sont mis en route pour rentrer dans leurs villages au Rwanda. Cet exode, dont nous avons tous été témoins à la télévision, contribuera largement à résoudre la crise humanitaire qui sévissait dans l'est du Zaïre.

    Il faut toutefois se rendre à l'évidence et admettre qu'il est beaucoup trop tôt pour en conclure que la crise est résolue. Par exemple, nous croyons qu'il y a encore un demi-million de réfugiés au Zaïre. Il y a donc encore des gens en détresse. Ce sont les réfugiés les plus en forme qui sont revenus les premiers au Rwanda. Par conséquent, il est impossible à l'heure actuelle de mesurer l'ampleur exacte de la crise.

    Vu cette incertitude, nous continuons à prendre les mesures préliminaires nécessaires pour mettre sur pied, avec la collaboration de nos partenaires, une opération de secours humanitaire. Nous continuons à étudier les diverses solutions possibles, au fur et à mesure que la situation évolue dans la région. À cette fin, les Forces canadiennes se préparent en vue d'un déploiement éventuel. Au cours des jours à venir, pendant que nous évaluerons la situation, nous voulons avoir la certitude qu'elles seront prêtes à se déployer.

    [Français]

    Le fait que le Canada soit à la tête d'une telle initiative n'a rien de surprenant. En effet, le Canada s'est toujours efforcé de promouvoir la stabilité internationale et de venir en aide aux personnes en détresse.

    Les forces canadiennes sont capables de contribuer au succès de ce genre d'opération, car le Canada dispose de l'une des organisations militaires les plus professionnelles et les plus respectées au monde. Nos forces armées ont ce qu'il faut pour diriger une opération multinationale d'aide humanitaire.

    Au cours de ces 50 dernières années, nous avons participé à presque toutes les missions de maintien de la paix, depuis les opérations traditionnelles d'observation et de maintien de la paix jusqu'aux opérations plus complexes de l'après-guerre froide, y compris les opérations d'aide humanitaire.

    Et bien sûr, nous avons une longue expérience militaire en Afrique centrale, depuis l'opération du Congo, au début des années 1960, jusqu'aux opérations plus récentes en Somalie et au Rwanda. Nous savons ce qui nous attend: un terrain inhospitalier, un climat très rude et des groupes rebelles armés et hostiles.

    Nous avons déjà déployé une équipe de reconnaissance dans la région des Grands Lacs d'Afrique pour évaluer la situation. Cette équipe continuera d'aider à la planification multinationale. Si cela s'avère nécessaire, le Canada est prêt à fournir environ 1 500 militaires à une force d'aide humanitaire.

    Nous pourrions notamment fournir le noyau du quartier général de la force opérationnelle qui sera responsable, pour la force multinationale, du commandement, du contrôle et des communications. Nous pourrions aussi fournir le noyau du quartier général de l'élément aérien qui aidera à diriger les opérations aériennes pour le compte de la force opérationnelle et une équipe d'intervention en cas de catastrophe, DART, chargée de distribuer les secours humanitaires aux réfugiés et qui comprendrait du personnel de protection. Cette équipe comprendrait un hôpital de campagne et un élément de transport, des avions de transport Hercules avec le personnel de soutien requis pour aider à acheminer l'aide humanitaire et un élément de soutien national.

    Tous ces éléments pourraient se déployer rapidement dans les bases de transit de la région. La DART est une unité militaire spécialisée composée de professionnels très bien entraînés. Elle comprend du personnel médical, des spécialistes du génie, une unité de transport et de communication et un peloton d'infanterie pour assurer la sécurité.

    La DART dispose de ressources médicales suffisantes pour traiter jusqu'à 500 patients par jour et elle peut fournir du courant électrique et de l'eau potable à 10 000 personnes par jour. Elle peut également construire des abris provisoires et fournir des services de communication et de soutien logistique.


    6355

    Certains des principaux éléments de la DART sont déjà dans l'est du Zaïre.

    (1315)

    À la fin de cette journée, nous aurons presque 250 militaires dans la région, en plus de quatre avions de transport Hercules, un aéronef Airbus ainsi que de l'équipement et des véhicules de la DART. Le reste du personnel et de l'équipement est rassemblé à Trenton et prêt à partir.

    D'autre personnel de renfort a été identifié dans l'ensemble des forces canadiennes. Bref, les forces canadiennes sont prêtes à accomplir ce qui doit être fait. Mais toute prise de décision de participer à une opération d'aide humanitaire dans l'est du Zaïre sera basée sur des critères précis.

    Premièrement, tous les gouvernements régionaux doivent consentir à la présence d'une force multinationale.

    [Traduction]

    En plus de l'accord des gouvernements de cette région, il nous faut évidemment, avant de faire quoi que ce soit, un mandat clair et réalisable. Le mandat qui nous a été accordé par le Conseil de sécurité prévoit l'établissement, à des fins humanitaires, d'une force multinationale provisoire qui permettra le retour immédiat des organisations humanitaires civiles, et une distribution efficace de l'aide humanitaire par ces organisations. La force aura également pour mandat de faciliter le rapatriement volontaire et ordonné des réfugiés par le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, ainsi que le retour volontaire des personnes déplacées.

    En outre, toute mission devrait avoir une durée déterminée. La résolution du Conseil de sécurité des Nations Unies prévoit une mission d'une durée de quatre mois, mais, selon la tournure des événements, cela ne sera peut-être pas nécessaire.

    La force multinationale accomplirait sa mission aux termes du chapitre VII de la charte des Nations Unies, suivant des règles d'engagement musclées. Ces règles d'engagement musclées permettront à nos soldats, par exemple, de recourir à la force mortelle pour se protéger et pour protéger les travailleurs des organisations humanitaires et, dans certains cas, les réfugiés.

    Nous devons avoir en place une structure de commandement et de contrôle bien définie et efficace. Le lieutenant-général Maurice Baril, commandant du Commandement de la Force terrestre, commandera la force. C'est l'homme tout désigné. Il était commandant de bataillon à Chypre, et il a aussi été conseiller militaire spécial auprès du secrétaire général de l'ONU de 1992 à 1995.

    Le général Baril est actuellement en route pour le Zaïre, où il arrivera aujourd'hui. Après s'être entretenu avec l'ambassadeur du Canada au Zaïre, M. Chrétien, avec des représentants de diverses ONG et avec les autorités locales, il fera part au gouvernement du Canada de son évaluation stratégique de la situation militaire. J'ai le plaisir de vous informer qu'il y aura, jeudi, à Stuttgart, en Allemagne, une réunion où le général Baril et des représentants des pays participants prendront d'autres décisions quant au genre de force qui devrait être mise en place et au déroulement de l'opération de secours humanitaire.

    J'ai dit à la Chambre ce que pourrait faire cette force de secours multinationale. Permettez-moi de lui dire maintenant ce qu'elle ne fera pas. Elle ne mènera pas des opérations d'entrée en force. Elle ne sera pas responsable de l'ensemble du rapatriement ou de l'intégration des réfugiés. Elle n'interviendra pas dans des luttes entre factions ou dans un conflit local. Elle ne s'occupera pas de disputes territoriales. Elle n'isolera pas les personnes qui intimident des réfugiés et elle ne procédera pas à des opérations de désarmement. Elle n'assurera pas un périmètre de sécurité autour des camps. Elle ne remplira pas des fonctions de police dans les camps.

    Tous les députés s'entendent certainement pour dire que les parties de la région visée doivent résoudre elles-mêmes les problèmes politiques et sociaux auxquels elles font face.

    Il ne fait aucun doute que, au fil des ans, le Canada s'est acquis la réputation d'être là lorsque c'est nécessaire. Nous croyons qu'il est impératif non seulement d'offrir nos services, mais aussi de prendre la tête d'une force qui aiderait à stabiliser la situation en Afrique centrale et qui contribuerait à sauver des centaines de milliers de vies humaines.

    Je remercie le gouvernement américain et les dirigeants militaires des États-Unis de leur coopération. Même si nous prenons la direction et le commandement de cette mission, nous n'avons évidemment pas toutes les ressources voulues pour mettre en place la logistique nécessaire si nous voulons continuer de suivre la ligne de conduite que nous avons choisie.

    Je répète, parce qu'on me l'a dit à maintes reprises, que nous suivons l'évolution de la situation d'heure en heure, voire de minute en minute. Nous sommes au fait des changements qui sont déjà survenus. Permettez-moi de dire qu'il n'est enthousiasmant pour personne d'avoir à engager des Canadiens et des Canadiennes dans une situation extrêmement explosive et très complexe. Nous faisons notre devoir. Nous avons adopté cette position à la suite d'un vaste consensus dans la communauté internationale.

    (1320)

    Je tiens à vous dire, monsieur le Président, ainsi qu'à tous les Canadiens, que j'ai entièrement confiance dans les hommes et les femmes qui font partie des Forces canadiennes et que je sais que les Canadiens d'un océan à l'autre leur font confiance eux aussi. La compétence des membres des forces armées, leur conscience professionnelle, leur expérience et leur leadership sont sans pareils. Encore une fois, les Forces canadiennes sont prêtes à s'acquitter de leur mission, et je suis certain qu'elles le feront fort bien.

    [Français]

    M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'intervenir dans ce débat concernant les missions de paix auxquelles le Canada participe depuis de nombreuses années, comme vient de le mentionner le ministre de la Défense.


    6356

    Depuis une cinquantaine d'années, le Canada a participé à peu près à toutes les missions de paix pour lesquelles il a été sollicité.

    Comme on l'a toujours fait par le passé, le Bloc québécois appuie l'initiative gouvernementale d'aide humanitaire. On veut souligner le leadership dont a fait preuve le gouvernement actuel en invitant la communauté internationale à participer au règlement de l'hécatombe et du problème humanitaire qui ont lieu actuellement à la frontière du Rwanda et du Zaïre.

    Il y a eu des débats en cette Chambre au cours des dernières missions de paix. Certaines anomalies ont amené des questions et des précisions de la part du Bloc québécois, le parti de l'opposition officielle. Que ce soit en Bosnie, en Haïti, chaque fois qu'il y avait une mission, on s'attendait à ce que le Canada prenne la décision d'aller de l'avant pour aider les pays ayant des problèmes, qu'il s'agisse de guerres, de famine ou de maladie. Lorsque le gouvernement décidait d'envoyer des missions de paix, on s'attendait à ce que le rôle, le mandat et la durée de ces missions soient précisés de façon claire.

    La situation actuelle au Zaïre évolue rapidement. Il y a encore une quinzaine de jours, au-delà d'un demi-million de réfugiés avaient fui vers le Zaïre et actuellement, ils retournent au Rwanda. Il est certain que la planification et la préparation de la mission de la force internationale sous le leadership du Canada devra se préparer et évoluer de façon différente. Le Zaïre a accepté et entériné la présence d'une force multinationale sous leadership canadien, mais le Rwanda n'a pas encore accepté. Si tous les réfugiés se dirigent vers le Rwanda, des négociations devront avoir lieu.

    On a vu une intervention militaire importante de rebelles armés dans le conflit militaire du Rwanda entre les Tutsis et les Hutus, conflit qui déborde au Zaïre et en Ouganda. Comme l'a dit le ministre de la Défense, on veut envoyer des Casques bleus légèrement armés qui n'interviendront pas en tant que force de l'ONU, mais simplement comme force multinationale acceptée par l'ONU avec une mission plus ou moins définie.

    Il est important que les communautés occidentales, comme le Canada, les États-Unis, la France, etc., interviennent lors de problèmes humanitaires tel que celui du secteur des Grands Lacs africains.

    (1325)

    Cependant, il me vient une question à l'esprit et sûrement aussi à l'esprit de certains de mes collègues: De quelle façon le Canada pourra-t-il composer à l'intérieur des différentes forces militaires là-bas, lorsqu'on n'a pas encore défini le comportement de nos Casques bleus?

    Rappelons-nous qu'il y a plusieurs mois, en Bosnie, des militaires canadiens ont été pris en otage par des Serbes. Cette situation a tenu la communauté internationale en haleine durant plusieurs jours. On se rend compte que les Casques bleus, autant que la FORPRONU, n'avaient pas le mandat ou la possibilité de se défendre dans des circonstances semblables.

    Qu'est-ce qui se produira au Zaïre ou au Rwanda avec les rebelles et les milices armés? De quelle façon le gouvernement canadien, le ministère de la Défense, le ministère des Affaires étrangères ont-ils planifié le comportement que devront adopter nos militaires canadiens face à diverses situations?

    Je ne veux pas revenir sur de mauvais souvenirs, mais il faut se rappeler qu'il y a eu, au Rwanda, des problèmes avec des Casques bleus. Des militaires belges, qui étaient sous les ordres d'un général canadien, ont été assassinés au Rwanda. Trop souvent dans des missions de paix, comme ce fut le cas en Bosnie, en Haïti et maintenant au Zaïre, le gouvernement canadien décide de faire participer des troupes canadiennes, dans un rôle de mission humanitaire. Tout le monde est d'accord, on est tous conscients que le Canada doit oeuvrer en ce sens.

    Il reste que pour des missions d'une telle importance où des enjeux politiques et militaires sont drôlement échauffés, il m'apparaît de bonne guerre, si on ne veut pas faire de jeu de mots, que la préparation soit d'une importance capitale. Chaque militaire et officier engagé dans une telle mission doit connaître son rôle précis quant à son action et doit aussi pouvoir assurer sa protection.

    Dans les dernières années, très souvent, le Canada a oublié un peu les familles de ces militaires envoyés en mission qu'ils laissent derrière. Lorsqu'ils prennent l'avion et qu'ils se dirigent vers les foyers de rébellion ou les foyers où on leur demande d'apporter une aide importante, ces militaires connaissent peu le genre de mission à laquelle ils participent. Ils connaissent mal la durée de leur séjour, ils ont peu d'information sur le rôle qu'ils devront jouer face à la population et le comportement qu'ils devront adopter.

    Le manque d'information est un reproche qu'on peut faire au gouvernement, aux ministères de la Défense et des Affaires étrangères qui, n'écoutant que sa réputation et le grand coeur de tous les Canadiens, décide de se porter au secours des communautés qui éprouvent des difficultés alarmantes et évidentes. Lorsqu'on prépare ce genre de mission, je pense que les acteurs les plus importants sont les militaires et les officiers qui y participent, ceux-là même qui vont sur le théâtre des opérations. Avant leur départ, ils disent souvent à leur famille, leurs proches et parfois à certains médias d'information que la mission est imprécise, que le rôle qu'ils auront à remplir est mal défini. Ils ignorent quelles armes ils peuvent utiliser, si des milices ou des rebelles les cernent et tentent de les capturer. Ont-ils l'autorisation de se défendre ou doivent-ils encore une fois accepter certaines humiliations? C'est un des problèmes des dernières missions de paix que le Canada a remplies.

    Je pense qu'encore une fois, cela fait la preuve d'une certaine improvisation administrative de la part du gouvernement. Les familles de ces militaires disent que cela n'a pas de sens d'envoyer soit un fils, un mari, un père, une épouse, une soeur sur de tels théâtres d'opérations sans savoir le rôle qu'ils auront à remplir.

    (1330)

    Je veux dire par là qu'il y a eu, et j'espère qu'il n'y en aura plus, des pertes de vie de certains de nos militaires canadiens qui, dans certaines circonstances, étaient parfois survenues à cause d'indications imprécises. Je rappellerai ici le décès du caporal Gunther ou d'autres qui ont participé à ces missions en tant que fiers militaires, fiers Québécois et fiers Canadiens. Ils étaient allés aider la communauté en lui fournissant de l'aide humanitaire, alors que la préparation ne semblait pas évidente ou avait été mauvaise, ce qui, jusqu'à


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    un certain point, a pu donner des résultats mitigés, voire retarder, dans certaines circonstances, ou prolonger l'apport de nos militaires à certaines de ces missions.

    Il faut aussi ajouter que durant les trois dernières années, le Canada a participé d'une façon très importante aux conflits internationaux. Je le mentionne pour rappeler que, tout dernièrement, dans les années 1993-1994, la force canadienne en Bosnie représentait près de 2 000 militaires. À ce moment-là, lors des décisions, soit d'échanges diplomatiques ou de négociations pour en arriver à une certaine forme de paix, le Canada qui, quand même, avait un contingent très important, ne participait même pas aux décisions. Vous vous souviendrez qu'à ce moment-là, le Canada ne faisait pas partie du groupe contact et que les décisions aux négociations en vue de ramener la paix en Bosnie, le Canada n'y avait pas participé. Il y a maintenant près de 750 militaires en Haïti; il reste un peu plus que 1 000 en Bosnie et on veut en envoyer 1 000 de plus au Zaïre.

    J'ai discuté du point que je soulève avec certains militaires et même certains officiers. La rotation des militaires en regard de leur participation aux missions de paix amène un certain essoufflement au sein des troupes. Dans le contexte actuel, et loin de moi l'intention de tourner le fer dans la plaie, on sait très bien que l'armée a eu ses petits problèmes internes qui peuvent être reliés, jusqu'à un certain point, à l'accumulation de missions de paix et au fait que les militaires ont toujours été rappelés à retourner sur le théâtre des opérations et ont très souvent eu peu de temps pour rétablir leur équilibre psychologique et même leur équilibre physique, jusqu'à un certain point. Certains ont eu de sérieux problèmes, que ce soit familial, psychologique ou autre.

    Encore là, je pense qu'on surcharge un peu les efforts de ces militaires par rapport aux délais. Il reste que, même si l'armée canadienne compte près de 65 000 militaires de tout grade et de tout niveau, généralement et presque entièrement, sauf quelques rares exceptions, la portion de l'armée canadienne qui est utilisée au cours des missions de paix se limite, dans son grand pourcentage, à l'armée de terre. Quant à la marine ou à l'aviation, son utilisation est de beaucoup restreinte dans le cadre de nos missions.

    Donc, c'est un peu toujours la même portion du personnel humain qui compose l'armée de terre qui est utilisée pour aller au secours de différentes nations de la planète, pour ainsi dire, parce que le Canada a été, au cours des dix dernières années, à peu près dans tous les théâtres de conflits entre pays qui ont existé sur la planète.

    Je pense qu'on est arrivé à une certaine surcharge de ces individus, ce qui pourrait même permettre d'apporter une explication aux déboires que l'armée de terre a connus, plus que l'aviation ou la marine qui ont quand même moins participé à cette aide ou à ces conflits, et qui, psychologiquement et physiquement, sont stressants et demandent un effort presque surhumain, surtout lorsqu'on le fait de façon répétitive.

    (1335)

    Je connais des militaires qui ont oeuvré six mois en Bosnie et qui sont revenus au Canada pour une période d'un peu moins d'un an, ensuite, ils sont retournés en Bosnie. Ils sont revenus au Canada pour, encore une fois, une période d'un peu moins d'un an, et ils sont repartis pour Haïti. Si je parlais du régiment de Calgary, je dirais que ses membres sont allés deux fois en Bosnie, et maintenant, ce sera le Zaïre.

    Lorsqu'à l'intérieur d'une période d'à peine 36 mois, des militaires doivent participer pendant plus d'un an, si on veut, à intervalles de six mois d'allers et de retours, donc, plus de 12 mois, à une situation conflictuelle, loin de leur famille, loin de leur environnement qui peut être, jusqu'à un certain point, sécurisant, je pense qu'on en arrive, justement, à une espèce de débordement et même à un manque, si on veut, de régénération ou de restructuration, tant au plan psychologique que physique.

    Je mentionne ces faits parce que tous les Canadiens, tous les Québécois et, je pense, tous les parlementaires ici sont d'accord avec le fait que le Canada doit participer à ce genre de mission et on salue, pour une fois, le leadership canadien à l'intérieur du contexte actuel en regard du Zaïre.

    Cependant, il faut aussi être conscients qu'au sein de l'armée, nos ressources humaines et aussi nos ressources financières sont quand même, je vous dirais, dans un état précaire. Malgré le bon vouloir et la compassion de tous les parlementaires, de tous les collègues ici et même de la population dans son ensemble, il faut quand même réaliser que, de par son potentiel de ressources humaines et son potentiel financier, le Canada ne peut quand même pas être le 9-1-1 de la planète. Chaque fois qu'il y a un conflit quelque part, on appelle le Canada et puis ça va bien, il se déplace et il est disponible.

    Ce n'est pas la première fois qu'on mentionne dans un débat que le Canada devrait se doter d'une politique établie et définitive. Je me souviens même que l'ex-ministre des Affaires étrangères,M. Ouellet, avait donné une conférence à l'ONU, à New York, et qu'il avait mentionné que l'ONU devrait, dans un avenir plus ou moins rapproché, et je pense qu'on est rendu dans l'avenir rapproché, se doter d'une force permanente composée de différents pays et qui interviendrait dans différents conflits en différents lieux.

    Ceci permettrait à tous les pays, y compris le Canada, de pouvoir prévoir le nombre de militaires dont il peut disposer en faisant une rotation adéquate et suffisante pour permettre aux individus qui participent à ce genre de mission d'avoir une certaine vie familiale et de pouvoir régénérer leur potentiel psychologique et physique. En même temps, on pourrait aussi planifier le pouvoir financier, l'argent qu'on peut consacrer à ce genre de mission.

    Malheureusement, malgré la quantité de bonnes intentions et de voeux que l'on mentionne souvent, on a constaté, lors des derniers budgets, qu'il y avait des coupures flagrantes au plan de l'aide humanitaire, par rapport à ce qu'on peut donner comme aide sur le plan médical, sur le plan alimentaire ou ces choses-là, et on a augmenté le volet militaire de participation à différentes missions de paix qui amènent des résultats.

    On peut parfois se questionner sur ces résultats, à savoir si c'est réellement positif ou non, mais il reste une chose, c'est que cet argent pourrait parfois être utilisé de façon préventive, comme bien des représentants des organismes non gouvernementaux d'aide humanitaire l'ont mentionné, plutôt que d'aller toujours à titre de pompier pour éteindre un conflit qui très souvent renaîtra aussitôt que les représentants des missions de paix auront quitté le théâtre d'opération.


    6358

    (1340)

    En terminant, je dois dire que l'initiative gouvernementale est approuvée et appuyée par l'ensemble des collègues qui sont ici, mais on se doit quand même de penser à différentes choses, dont une certaine planification. Il faut penser aux ressources humaines, à nos militaires qui ont besoin, jusqu'à un certain point, de périodes de repos, etc. Il faut quand même établir de façon très stricte la quantité d'argent qu'on veut investir dans ces activités plutôt que le faire à la pièce et d'aller couper souvent à d'autres endroits.

    Je signale en terminant que bien des citoyens du Québec et du Canada comprennent mal que le gouvernement déploie son aide humanitaire alors qu'eux-mêmes, dans différentes provinces, ont de la difficulté à se nourrir.

    [Traduction]

    M. John Bryden (Hamilton-Wentworth, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Charlesbourg de ses observations.

    Un débat comme celui-ci permet à tous les députés de la Chambre des communes d'exprimer leur point de vue sur une situation très grave, sans égard à leur affiliation politique, qu'ils siègent du côté du gouvernement ou de l'opposition.

    Après avoir examiné l'évolution de la situation depuis une semaine, je voudrais attirer l'attention du gouvernement sur la possibilité que le retour de de centaines de milliers de réfugiés hutus au Rwanda pourrait avoir été amorcé à l'instigation des milices hutues elles-mêmes.

    Voici ce que je crains: il y a deux ans, en 1994, durant le génocide au Rwanda, les Hutus se sont enfuis, désertant ainsi leurs foyers et leurs villages. Pendant ces deux années-là, un grand nombre de Tutsis exilés ont réoccupés les villages abandonnés par les Hutus au Rwanda. Or, voici maintenant que des centaines de milliers de Hutus retournent dans leur pays et dans leurs villages qui sont désormais occupés par des Tutsis.

    Je suis d'avis que cela pourrait donner lieu à d'autres conflits au sein des populations locales. J'ai remarqué que le ministre de la Défense nationale a dit très clairement que les troupes que le Canada enverra au Rwanda et au Zaïre pourront faire usage de toute la force nécessaire pour se défendre et défendre les travailleurs de l'aide humanitaire. Je regrette certes que la possibilité existe, mais je félicite quand même le ministre d'avoir eu le courage de donner cette autorisation aux troupes.

    Cependant, nous devons nous rappeler que nos troupes feront sans doute face à d'autres dangers là-bas. Le ministre de la Défense nationale a également dit très clairement que les troupes canadiennes n'interviendront pas dans les conflits locaux et les querelles de factions. Ainsi, les députés, les Canadiens et le monde entier, probablement, doivent être prêts à la possibilité que, alors que nos troupes et nos travailleurs de l'aide humanitaire seront sur place, les tueries insensées d'il y a deux ans reprennent.

    J'attire l'attention de la Chambre et de tous les Canadiens sur le fait que, pendant notre mission humanitaire, qui est absolument vitale-et je suis très fier du Canada et du premier ministre d'avoir été l'instigateur de cette mission-, il est possible que nous soyons témoins de scènes horribles à la télévision. Il faut comprendre qu'il s'agit d'une situation très difficile, où des choix très difficiles devront être faits. J'ai bien peur que les Canadiens et les habitants des autres pays ne doivent se préparer aux scènes des jours à venir.

    Je voudrais bien entendre le point de vue du député de Charlesbourg à cet égard.

    [Français]

    M. Jacob: Monsieur le Président, j'ai écouté le commentaire de mon honorable collègue. Il est certain qu'en ce qui concerne la fierté, on ne peut pas être contre la vertu. C'est facile pour le gouvernement de décider que le Canada va participer à telle ou telle mission.

    (1345)

    Mais ce sur quoi je voulais attirer l'attention, c'est sur le nombre de militaires au sein de l'armée. Lorsque je mentionnais que peu de militaires de l'aviation et de la marine participaient à ces activités, il reste qu'environ 12 000 à 15 000 militaires font partie de l'armée de terre. Depuis les huit ou dix dernières années, le Canada a constamment été appelé à répondre à différentes missions humanitaires et, comme je vous le disais, très souvent avec peu de planification et même une certaine improvisation.

    On pense rarement, nous, les parlementaires, aux gens qui composent ces ressources. On dit qu'on est fiers de les envoyer, mais il faudrait quand même s'attacher à ceux qui remplissent le rôle et aussi à ceux qui paient pour envoyer ces gens. Tout le monde est d'accord pour y participer, mais il faudrait quand même se doter d'une politique plus précise, c'est tout.

    [Traduction]

    M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le gouvernement, le premier ministre, le ministre des Affaires étrangères et le ministre de la Défense nationale de nous donner la possibilité de parler de ce sujet très important.

    C'est notre troisième ou quatrième débat du genre depuis le début de la législature, il y a près de trois ans. Je précise également que notre parlement est probablement le seul du monde occidental à donner à tous ses députés, aux simples députés comme aux porte-parole des partis d'opposition, la possibilité d'exprimer leur opinion sur des sujets d'importance comme celui de notre débat.

    Depuis 30 ou 40 ans, le Canada est allé à environ 2 000 endroits différents pour garder la paix. À chaque endroit, les conditions sont uniques et il faut adopter une nouvelle perspective, ce qui fait que chaque mission est différente. En l'occurrence, la situation change d'heure en heure. La semaine dernière, la situation était différente de ce qu'elle est aujourd'hui et elle aura probablement changé encore demain. Personne ne sait exactement ce qui se passe en


    6359

    raison du très grand nombre de personnes qui se déplacent d'un pays à un autre. Nous ne pouvons pas arrêter cette migration, mais nous pouvons aller sur place aider les personnes touchées.

    Le 23 avril, il y a quelques mois, la Chambre des communes a adopté une motion pour reconnaître la tragédie qui a frappé le peuple arménien en 1915. Cette motion visait à faire de la semaine du 22 au 27 avril de chaque année une semaine où nous soulignons l'inhumanité de l'être humain envers son prochain. Nous avons une excellente occasion d'invoquer cette motion pour promouvoir la compréhension entre les êtres humains et pour faire en sorte que les erreurs du passé ne se répètent pas. Nous devons faire de notre mieux pour éviter que cela se produise, en l'occurrence.

    Tout le monde occidental a répondu de façon positive à l'appel lancé par le premier ministre pour aider les gens au Rwanda et au Zaïre, pour voir à ce qu'ils puissent retourner dans leurs villages et se bâtir une vie paisible et prospère comme ils l'ont fait il y a de nombreuses années.

    Ce matin, des fonctionnaires des Affaires étrangères, de l'ACDI et de la Défense nationale nous ont donné une très importante séance d'information à laquelle des députés de l'opposition étaient aussi présents. Les représentants du Parti réformiste étaient là, ainsi que les représentants du Bloc québécois. Durant cette séance d'information, on a discuté de trois questions: l'aide des ONG aux habitants de cette région de l'Afrique centrale, les opérations militaires qui ont lieu dans le moment pour préparer la suite de la mission et notre propre programme d'aide étrangère dans cette région pour aider les collectivités à vivre dans la paix et l'harmonie.

    La semaine dernière, j'étais en Allemagne avec des collègues du Bloc québécois et du Parti réformiste. J'ai discuté de la question avec mon collègue réformiste de Red Deer. Il reconnaît essentiellement, comme tout le monde, que cette mission doit avoir lieu. Il reconnaît aussi que nous devons nous assurer de faire notre part pour aider la civilisation à surmonter cette difficulté.

    Ce sur quoi nous ne sommes pas d'accord, et je respecte son point de vue, c'est sur la nécessité de nous préparer. Combien de temps ces gens devront-ils attendre pour que le Canada, les États-Unis, l'Allemagne et la France se préparent? S'il leur faut attendre que nous soyons prêts, ils attendront longtemps. Je suis certain que mon collègue sera d'accord avec moi pour dire que l'attente serait longue et difficile. Probablement que la moitié de ces gens mourraient avant que nous ayons pu les aider.

    En avril 1995, nous avons vu des corps flotter sur la rivière et sur le lac. Nous devions faire quelque chose à ce moment-là. Je suis désolé que nous n'ayons pu mener la mission à bonne fin.

    (1350)

    Voici l'occasion pour nous de faire ce que nous pouvons dans cette situation. Je suis certain que, à la fin de la journée, le Parti réformiste et le Bloc québécois seront d'accord pour dire que nous devons aller de l'avant avec cette mission. Elle n'est peut-être pas parfaite, mais rien ni personne n'est parfait. Cependant, nous ne pouvons pas attendre plus longtemps.

    Je remercie tous les députés encore une fois et je remercie particulièrement le gouvernement de nous donner l'occasion de parler de cette question. J'espère que ce débat nous aidera à entreprendre avec plus de sagesse cette mission visant à protéger des innocents afin qu'ils puissent vivre dans la paix et l'harmonie.

    M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, le député a parlé ce matin de la séance d'information que nous avons eue avec les trois ministères. La rencontre a été très intéressante.

    Sauf erreur, c'est M. Buckley, des Affaires étrangères, qui a dit que le Canada a déjà dépensé près de 50 millions de dollars en aide dans cette partie du continent africain. J'aimerais que mon collègue me dise s'il croit que cet argent a été bien dépensé, si nous devrions accroître ou réduire le montant de l'aide et comment l'argent devrait être dépensé.

    M. Assadourian: Monsieur le Président, j'ai été heureux d'entendre quelqu'un dire au cours de la séance d'information que, selon l'information diffusée à la télévision, le gouvernement avait généreusement engagé 50 millions de dollars dans cette région, dont 27 millions ont déjà été versés à des ONG et à des organismes humanitaires comme la Croix Rouge canadienne et internationale.

    Nous avons également dépensé passablement d'argent pour aider ces collectivités à créer un système juridique qui leur permette de poursuivre les individus qui ont commis des génocides ou des crimes contre l'humanité. Il était important de le faire car les auteurs de crimes de ce genre doivent savoir qu'ils en paieront le prix. Ils ne doivent pas s'en tirer impunément. C'est une cause très importante et je crois que cet argent a été dépensé de façon très judicieuse. Je suis heureux que le gouvernement ait dépensé de l'argent à cette fin pour que nous puissions empêcher des situations de ce genre de se produire de nouveau.

    M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, le député parle de l'urgence de la situation actuelle et de la nécessité d'envoyer immédiatement des forces étrangères en Afrique centrale. Cette région connaît des massacres de grande envergure depuis 1959. Il y en a eu en 1959, 1972, puis de nouveau en 1994. La communauté internationale avait alors fermé les yeux, mais subitement la situation actuelle revêt un caractère urgent.

    Pourquoi la situation actuelle est-elle plus importante que les précédentes, aux yeux du député?

    M. Assadourian: Monsieur le Président, la question est très intéressante.

    Mon collègue sait certainement que le monde a déjà fermé les yeux sur d'autres génocides, à commencer par le génocide arménien de 1915 dont je parlais à l'instant. Ce n'est pas parce que nous n'avons pas réagi en 1959, en 1955, en 1965 ou en 1975 que nous devons maintenant demeurer impassibles. On ne corrige pas une erreur par une autre erreur. Il était temps de faire quelque chose.

    6360

    À l'époque, le député ne siégeait pas au Parlement et ne pouvait donc pas s'y faire entendre. Je n'étais pas non plus député et ne pouvais pas davantage y prendre la parole. Je suis heureux que mon collègue et moi soyons ici aujourd'hui pour faire connaître nos points de vue et nous assurer que le mal qui a été commis dans le passé ne puisse plus se reproduire.

    La meilleure chose que je puisse dire au député est qu'on ne corrige pas une erreur par une autre.

    (1355)

    [Français]

    M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, je désire aujourd'hui appuyer avec la plus grande conviction la décision du gouvernement d'alléger la souffrance des populations de la région des Grands Lacs en Afrique centrale.

    Il est juste de faire tout son possible pour combattre la maladie, la mort et la cruauté quand nous le pouvons. Par égard pour nous-mêmes et pour nos voisins, il est important de reconnaître que nos responsabilités vont au-delà des frontières du Canada. Comme le suggérait, la semaine dernière à CBC, un commentateur qui avait abordé cette question: «C'est quelque chose de noble que de dépasser nos simples préoccupations d'ordre personnel.»

    Le Canada s'est engagé depuis longtemps envers le reste du monde. Nous avons combattu la tyrannie au cours des deux guerres mondiales. Le Canada a été un membre fondateur de la Société des Nations et des Nations Unies et, depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, nous nous sommes investis dans une foule d'entreprises internationales, allant de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord à la Francophonie.

    Nous, Canadiens, avons sur le plan de l'immigration et aux niveaux économique, culturel, personnel, des liens si forts avec la communauté internationale que nous savons d'instinct que nous avons à connaître le monde pour nous connaître nous-mêmes.

    [Traduction]

    Il y a quarante ans, presque jour pour jour, un Canadien était à la tête d'un autre effort mondial en vue de restaurer la stabilité dans une région apparemment éloignée. La crise du canal de Suez avait éclaté, embrasant le Moyen-Orient. Horrifié par ce conflit qui menaçait la paix internationale et divisait même les alliés des Canadiens, le ministre des Affaires extérieures, Lester Pearson, se précipitait à New York et se mettait immédiatement avec ses fonctionnaires en quête d'une solution.

    Cette solution résidait dans l'application d'un concept relativement nouveau, le maintien de la paix, auquel les Nations Unies avaient eu recours après la seconde Guerre mondiale pour l'envoi de petites forces d'observateurs au Moyen-Orient et à la frontière indo-pakistanaise.

    La diplomatie posée et souple de M. Pearson en 1956 devait, contre toute attente, conduire à l'envoi d'une force d'urgence des Nations Unies au Moyen-Orient, une importante force multinationale qui avait pour mission de faire observer le cessez-le-feu et de s'interposer entre les combattants. L'idée de ménager un moment de répit aux parties afin qu'elles puissent faire la paix si elles le désiraient suffisamment était simple, mais puissante.

    Les soldats de la paix ne pouvaient pas faire la paix. Ils devaient. . .

    Le Président: Je sais que le député vient de commencer son intervention, mais je propose que nous passions aux Déclarations de députés. Je suis sûr que les whips auront tout réglé la question avant que le débat se poursuive. Je leur fais confiance, ils sont très capables. Je suis sûr qu'ils sauront très bien décider de votre sort.

    [Français]

    Cela étant dit, nous allons débuter la période des déclarations de députés.

    ______________________________________________


    6360

    DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

    [Traduction]

    LES BÉNÉVOLES

    M. Reg Alcock (Winnipeg-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je prends aujourd'hui la parole pour rendre hommage à deux Canadiens qui ont contribué à enrichir la vie de bien d'autres personnes, au Canada et à l'étranger.

    Je souligne d'abord l'oeuvre de Mme Julie Huish, qui s'est vu attribuer le prix Bénévolat Canada. Julie travaille bénévolement depuis huit ans au sein de l'association Manitoba Riding for the Disabled, en tant que physiothérapeute.

    Le deuxième est M. Tony Wagemaker, dont les travaux bénévoles auprès du gouvernement de la Thaïlande ont été soulignés par le SACO, le Service d'assistance canadien aux organismes. Il a travaillé à l'institut de recherche en assistance sanitaire de ce pays et a accompagné ici de nombreux délégués de Thaïlande, qui sont venus étudier le système hospitalier et le régime d'assurance-maladie du Canada, parce que ce pays est en voie d'adopter un régime de soins de santé calqué sur le nôtre, qui est reconnu pour son excellence.

    Nous félicitons ces deux Canadiens. Leur travail bénévole contribue à la qualité de vie d'un grand nombre de personnes.

    * * *

    [Français]

    L'ORDRE DES INFIRMIÈRES ET DES INFIRMIERS DU QUÉBEC

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, les 4 et 5 novembre derniers se tenait, à Montréal, le Congrès annuel de l'Ordre des infirmières et des infirmiers du Québec. Réunis sous le thème «Une société en mal de sollicitude: oser soigner», plus de 1 200 infirmières et infirmiers venus de toutes les régions du Québec se sont rencontrés pour discuter de l'avenir de leur profession.


    6361

    Je tiens donc à souligner, au nom de mes collègues de l'opposition officielle, le travail et le courage de ces femmes et de ces hommes qui oeuvrent dans un milieu où les conditions sont de plus en plus difficiles.

    Alors que l'adaptation rapide au virage ambulatoire exige, de ces professionnels de la santé, compétence et expertise, nous reconnaissons que leur rôle est essentiel au maintien des valeurs auxquelles souscrit notre société au chapitre de la santé et du bien-être des Québécoises et des Québécois.

    * * *

    (1400)

    [Traduction]

    L'ÉTHIQUE

    M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, attention!, attention!, j'ai un bulletin spécial d'information. Nous avons découvert les dix grandes règles du gouvernement libéral en matière d'éthique.

    Règle no 10: En cas de doute, appelez Paul Desmarais.

    Règle no 9: Les petits mensonges pieux ne comptent pas.

    Règle no 8: Quoi que vous fassiez, ne vous faites pas prendre.

    Règle no 7: Il arrive de temps en temps que vous puissiez duper certaines personnes, et de temps en temps que vous puissiez duper tout le monde. Souvenez-vous que l'objectif est de tenter de duper tout le monde tout le temps.

    Règle no 6: Souvenez-vous que, chaque minute, naît un nouveau naïf.

    Règle no 5: Pour avoir des conseils en matière d'éthique après les heures de bureau, appelez Jojo.

    Règle no 4: Si Jojo ne répond pas, appelez l'ami imaginaire du premier ministre.

    Règle no 3: Quand on vous demande de présenter ou de respecter une série de lignes directrices, ayez l'air surpris, perplexe, ou offusqué et indigné.

    Règle no 2: Les cartes de crédit du gouvernement, ne partez pas sans elles.

    Enfin, la plus importante règle du gouvernement libéral en matière d'éthique, la règle no 1: Souvenez-vous que, quand on a affaire à un donateur du Parti libéral ou à un parent d'un membre du parti, il n'y a plus aucune règle qui compte.

    * * *

    [Français]

    L'ASSURANCE-EMPLOI

    M. Gilles Bernier (Beauce, Ind.): Monsieur le Président, la nouvelle Loi sur l'assurance-emploi exige 26 semaines d'emploi assurable aux travailleurs qui n'ont pas retiré de prestations au cours des deux dernières années. C'est une injustice.

    Entre autres, le domaine de la construction a connu des années particulièrement difficiles, et les travailleurs qui n'ont pu se qualifier, l'an dernier, parce qu'ils n'avaient pas travaillé suffisamment longtemps, le pourront encore moins cette année, puisqu'on considère qu'ils ont été absents du marché du travail pendant deux ans, donc qu'ils doivent avoir accumulé 26 semaines d'emploi assurable au cours de la dernière année.

    Leur seul recours est l'aide sociale. Ça presse; il faut qu'on trouve une solution, qu'on s'ajuste, afin de ne pas pénaliser encore plus ce secteur d'activité qui a subi son lot de déconvenues depuis quelques années au Québec.

    * * *

    [Traduction]

    MAJORIE LAVALLÉE

    M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais féliciter une extraordinaire bénévole de ma circonscription, Mme Marjorie Lavallée, qui s'est rendue récemment en Bolivie, à la demande du Service canadien d'assistance aux organismes.

    Les conseillers du SCAO sont des professionnels bénévoles, hommes et femmes, qui sont généralement à la retraite et qui mettent leurs années d'expérience au service d'entreprises et d'organisations du tiers monde.

    Mme Lavallée avait pour mission d'évaluer, pour le compte du gouvernement bolivien, le programme d'examen du système d'éducation des autochtones dans ce pays. Elle s'est inspirée de sa propre expérience à titre de participante à la réforme du système canadien d'éducation des autochtones.

    Je suis fier d'avoir dans ma circonscription une personne qui participe activement aux efforts du Canada en vue de stimuler le développement des pays démunis.

    * * *

    LA JUSTICE

    Mme Judy Bethel (Edmonton-Est, Lib.): Monsieur le Président, l'action communautaire au niveau national est d'une grande valeur. À Edmonton-Est, nous avons établi un partenariat efficace entre habitants, élèves, organismes, la police et, oui, même notre ministre de la Justice. De concert, nous avons oeuvré à l'amélioration de la sécurité de nos rues et de nos quartiers.

    Il y a lieu de célébrer, de se féliciter et de partager les honneurs. Notre puissant partenariat a fait interdire comme illégale l'utilisation d'une arme mortelle dont se servaient des individus violents pour commettre des agressions. Cette arme se présente comme un peigne de 8,5 pouces qui s'ouvre au milieu, exposant une lame en acier de 4 pouces.

    Merci aux Partenaires des jeunes qui ont fait un beau travail de collaboration, au personnel et aux élèves de l'école secondaire Eastglen, ainsi qu'aux agents Rick Cooper et Aaron Nichols qui ont repéré cette arme et nous ont fait part de son existence. Et, bien sûr, merci à notre ministre de la Justice dont les efforts ont abouti à la modification de l'article 84 du Code criminel.

    Du fait que cette arme dangereuse ne soit plus entre les mains des jeunes, nous faisons échec à la criminalité et à la violence.


    6362

    LE MOIS DE LA PRÉVENTION DE LA VIOLENCE FAITE AUX FEMMES

    Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, au cours des 12 derniers mois, dans la seule province de l'Ontario, 18 femmes ont été assassinées par leur conjoint. En plus de ces femmes, trois autres victimes, dont deux enfants, ont perdu la vie. Au cours des 12 derniers mois, dans la région de Halton, les responsables de la ligne téléphonique d'aide aux femmes victimes de violence ont reçu 2 000 appels et de nombreuses familles ont demandé asile au refuge pour femmes, le Halton Women's Place.

    Le mois de novembre est consacré à la prévention de la violence faite aux femmes. C'est l'occasion de réfléchir à ces vies perdues et de rappeler aux Canadiens le lourd dossier de la violence familiale. Les collectivités, les écoles, les clubs philanthropiques, les particuliers et les gouvernements doivent consacrer des ressources aux mesures qui permettront de protéger les femmes et les enfants contre la violence. C'est important surtout parce qu'il faut briser le cycle et veiller à ce que les jeunes Canadiens grandissent et deviennent des adultes non violents et équilibrés. Les compressions dans les services sociaux, au profit de la réduction des impôts à court terme, ne constituent certainement pas la solution appropriée. À long terme, la violence entraîne des coûts pour nous tous.

    * * *

    (1405)

    [Français]

    L'ONTARIO

    M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre des Affaires intergouvernementales demandait à l'Ontario de l'aider à faire reconnaître le Québec comme société distincte. Le ministre semble avoir oublié que tant et aussi longtemps que l'Ontario ne respectera pas sa minorité francophone, cette province ne peut être un interlocuteur crédible dans le dossier constitutionnel.

    L'Ontario refuse toujours de se conformer à l'article 23 de la Charte des droits et libertés et nie ainsi les droits scolaires de sa minorité. Par ailleurs, le gouvernement Harris a sabré allègrement dans les services francophones: il a réduit de 27 p. 100 le budget de l'Office des affaires francophones, éliminé le Conseil de l'éducation et de la formation franco-ontarienne, ainsi que plusieurs services de santé offerts en français.

    L'Ontario est devenu un foyer d'anglicisation des francophones: 38 p. 100 des Franco-Ontariens ont l'anglais comme langue d'usage. Y a-t-il démonstration plus claire de l'assimilation des Franco-Ontariens?

    * * *

    [Traduction]

    L'ALPHABÉTISATION

    Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, mercredi sera la journée nationale de l'enfant et on ne saurait donner aux enfants un plus beau cadeau que la capacité de lire et d'écrire.

    Les enfants du Canada sont parmi les plus privilégiés du monde mais, pourtant, ils se trouveront peut-être confrontés à un monde toujours plus complexe avec un faux sens de la sécurité. Plus de 40 p. 100 des adultes du Canada n'ont pas les connaissances requises pour une économie de plus en plus fondée sur l'information et, pire encore, beaucoup de ces Canadiens ne reconnaissent pas que c'est un problème. À la maison, les enfants ne reçoivent pas nécessairement le message qu'il faudrait au sujet de la valeur d'une bonne éducation et ne comprennent pas qu'un haut niveau de scolarité peut apporter une grande satisfaction personnelle et aussi la prospérité économique.

    Même si c'est un processus permanent, la capacité de lire et d'écrire commence à la naissance et elle fleurit lorsque la lecture est encouragée par les parents dès le plus jeune âge. Ce qui n'aide certainement pas, c'est que le gouvernement continue à faire payer la TPS sur les livres que les familles achètent.

    Nous ne pouvons pas changer les attitudes, mais nous pouvons changer les circonstances. Les enfants sont la clé de l'avenir du pays et les parents devraient pouvoir acheter des livres sans payer de taxes. Nous pouvons offrir la capacité de lire, et le meilleur outil de notre prospérité future serait celui qui aiderait les parents à faire la lecture à leurs enfants.

    * * *

    LA PAUVRETÉ CHEZ LES ENFANTS

    M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, en 1989, la Chambre a voté à l'unanimité pour l'élimination de la pauvreté chez les enfants d'ici l'an 2000.

    Or, les statistiques révèlent aujourd'hui que, loin de tenir sa promesse, le gouvernement a aggravé la situation. Depuis 1989, le taux de pauvreté chez les enfants a en effet augmenté de 46 p. 100, si bien que le Canada compte 1,4 million d'enfants vivant sous le seuil de la pauvreté, soit le taux le plus élevé de tous les pays industrialisés sauf un.

    Il est clair que le gouvernement libéral n'offre pas les solutions que veulent les Canadiens. Les Canadiens qui vivent dans la pauvreté ont besoin d'un emploi, d'une rémunération équitable. Ils ont besoin d'un système de services de garde d'enfants universels et des autres ressources qui les aideront à sortir du cycle de la dépendance. Les Canadiens ont besoin de logements décents et convenables, ainsi que de possibilités d'accès à l'enseignement qui ne soient pas défavorables aux pauvres.

    En 1993, les libéraux ont déclaré qu'ils voulaient offrir aux enfants le meilleur départ possible dans la vie. Pourquoi n'ont-ils pas honorer cette promesse?

    * * *

    LA PETITE ENTREPRISE

    M. Maurizio Bevilacqua (York-Nord, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement reconnaît l'importance que la petite entreprise revêt pour notre économie.

    Plus de 660 000 emplois ont été créés depuis octobre 1993. Or, c'est à la petite entreprise que nous devons 88 p. 100 de ces nouveaux emplois. En tant que gouvernement responsable, nous nous efforçons d'instaurer un environnement économique sain et donc propice à la création d'emplois et à la croissance économique.


    6363

    Nous avons toujours atteint nos objectifs en matière de réduction du déficit, les taux d'intérêt ont baissé et l'inflation a été maîtrisée.

    Nous avons réduit la paperasserie, allégé les fardeaux administratifs, puis simplifié et ciblé les programmes gouvernementaux pour améliorer l'efficacité du service à la clientèle. C'est ce genre de partenariat qui vaut au Canada d'être considéré comme en tête de liste des pays du G-7 sur le chapitre de la croissance économique.

    * * *

    LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, le programme d'infrastructure du Canada a connu un grand succès dans la circonscription de Peterborough. Dans ma ville et mon comté, il a aidé à financer près de 100 projets utiles.

    J'exhorte le gouvernement à profiter de l'expérience acquise grâce au premier programme pour en concevoir un autre encore meilleur.

    Par exemple, le nouveau programme pourrait chercher activement à attirer les investissements privés. Ou bien on pourrait le concevoir de façon différente dans diverses régions du pays pour répondre aux besoins régionaux spéciaux. Nous pourrions accorder la priorité aux projets de création d'emplois pour les jeunes. Là encore, il serait possible de réserver une partie de ces fonds pour des projets nationaux spéciaux comme la recherche et le développement.

    (1410)

    Il nous faut un nouveau programme repensé qui s'appuie sur les points forts du programme national d'infrastructure, et ça presse. Si les provinces comme l'Ontario n'appuient pas cette initiative, le gouvernement fédéral et les municipalités devraient aller de l'avant sans elles.

    * * *

    [Français]

    L'ÉCONOMIE MONTRÉALAISE

    M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, les gouvernements du Canada et du Québec ont décidé de coordonner leurs efforts afin de donner un solide coup de pouce à la relance économique de Montréal.

    En effet, aujourd'hui, un nouvel organisme voué à coordonner les efforts de développement international pour la région métropolitaine de Montréal verra le jour. Cet organisme qui sera connu sous le nom de «Montréal international» oeuvrera dans le secteur de l'accueil et de l'information pour les investisseurs étrangers, en plus de faire de la prospection d'investissements étrangers.

    Cet organisme sera doté d'un budget de 10 millions de dollars. De ce montant, 4 millions viendront des gouvernements du Canada et du Québec, 5 millions proviendront du secteur privé et 1 million sera fourni par les villes de la grande région de Montréal.

    «Montréal international» est la preuve que l'on peut réaliser de grandes choses si tous les gouvernements et le secteur privé travaillent en étroite collaboration.

    LE CHILI

    Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir, au nom du Bloc québécois, de souhaiter la bienvenue au président chilien, M. Eduardo Frei.

    Depuis 50 ans, aucun chef de gouvernement chilien n'a visité le Canada. Cette visite revêt donc un caractère exceptionnel.

    Je suis ravie que les négociations de l'accord commercial bilatéral entre le Canada et le Chili aboutissent et que le président Frei vienne sceller l'accord ici. Cet accord facilitera l'adhésion du Chili à l'ALENA. Il s'agit d'une étape très importante dans le processus d'intégration économique continentale.

    J'espère que cette visite du président chilien contribuera à l'accroissement et à l'amélioration des relations qu'entretient le Chili avec le Canada et le Québec, relations qui sont déjà excellentes.

    * * *

    [Traduction]

    LA COLOMBIE-BRITANNIQUE

    M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, le moment est venu de donner un nouveau départ au prochain tigre de la région du Pacifique, la Colombie-Britannique. Cependant, la croissance prévue pour la Colombie-Britannique cette année est de zéro. Cette situation est directement attribuable à la politique interventionniste des libéraux face à une des provinces les plus riches du Canada, au lourd fardeau fiscal qu'il lui faut supporter et à la réglementation excessive qu'on lui impose.

    Le gouvernement étouffe l'une des plus fortes économies du pays car il n'est pas disposé à écouter les préoccupations des habitants de la Colombie-Britannique ni à y répondre. Des générations de libéraux et de conservateurs ont cherché à priver la Colombie-Britannique du statut de puissance commerciale internationale qui lui revient de droit. Les libéraux et les conservateurs voient la Colombie-Britannique comme une région reculée qui doit se débrouiller seule en période de vaches maigres et qu'on exploite en période de vaches grasses. On arrache à la Colombie-Britannique pour dépenser ailleurs.

    Les habitants de la Colombie-Britannique savent que, dans le cadre des prochaines élections, il est dans leur intérêt d'élire des réformistes, des gens qui entendent bien alléger leur fardeau fiscal et qui voient la Colombie-Britannique comme le tigre du Canada sur le plan économique et le prochain tigre de la région du Pacifique.

    * * *

    [Français]

    LA CROISSANCE ÉCONOMIQUE CANADIENNE

    M. Ronald J. Duhamel (Saint-Boniface, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiennes et les Canadiens ont raison d'être confiants en l'avenir. La semaine dernière, l'OCDE et la Banque royale du Canada ont présenté leurs prévisions économiques pour le Canada.

    Selon l'OCDE, la croissance économique canadienne devrait croître et se maintenir à une moyenne annuelle d'environ 3,25 p. 100 comparativement à 2,5 p. 100 pour l'ensemble des autres pays

    6364

    industrialisés. De plus, les experts prévoient que le taux de chômage fléchira jusqu'à 8,7 p. 100 au cours des six prochaines années, tandis que l'inflation se maintiendra à environ 1,5 p. 100 par année.

    De son côté, la Banque royale du Canada n'hésite pas à prédire que la croissance économique du Canada dépassera celle de tous les autres pays du G7 au cours des prochaines années.

    Ces prévisions s'ajoutent aux nombreuses autres qui ont été rendues publiques récemment et confirment que notre gouvernement a fait les bons choix pour relancer le Canada sur la voie de la prospérité.

    * * *

    [Traduction]

    LA SOCIÉTÉ CROSSLEY CARPET MILLS

    Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Monsieur le Président, la société Crossley Carpet Mills est un des plus grands employeurs à Truro. Vendredi dernier, j'ai assisté à la célébration officielle en l'honneur de Crossley Carpet Mills, qui a alors reçu une certification ISO 9002. Crossley est la première fabrique de tapis au Canada à recevoir cette certification internationale de norme de qualité. En effet, Crossley est une des deux seules fabriques de tapis dans toute l'Amérique du Nord à être certifiée.

    Grâce à son travail acharné et à des fonds de l'APECA, cette société à propriété exclusive du Canada et de la Nouvelle-Écosse se trouve désormais dans une position exceptionnelle pour livrer une concurrence sur les marchés internationaux, où la norme ISO est maintenant une condition préalable à la présentation de soumissions.

    (1415)

    Le maintien de la position concurrentielle des entreprises locales n'est qu'un des nombreux moyens que prend le gouvernement pour aider à créer et à conserver des emplois dans toutes les régions du Canada. J'offre tous mes voeux de succès à la direction et au personnel de Les Single, de la société Crossley Carpet Mills.

    * * *

    PRÉSENCE À LA TRIBUNE

    Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune de deux membres de la République unie de Tanzanie. Il s'agit de l'honorable Matheo T. Qares et de l'honorable Bakari Mbonde, ministres d'État dans le Cabinet du premier ministre.

    Des voix: Bravo!

    ______________________________________________


    6364

    QUESTIONS ORALES

    [Français]

    LE TRANSPORT AÉRIEN

    M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, les membres du conseil d'administration des Lignes aériennes Canadian ont démissionné en bloc vendredi dernier, craignant d'être tenus financièrement responsables d'une éventuelle faillite.

    La crise chez Canadian est la preuve flagrante que le gouvernement s'est trompé en maintenant, à coups de fonds publics, deux transporteurs internationaux au Canada. Le Bloc québécois, rappelons-le, a proposé l'intégration des deux transporteurs que sont Air Canada et Canadian afin d'assurer l'existence d'un transporteur aérien solide au Canada et afin de préserver le plus d'emplois possible.

    Le premier ministre peut-il aujourd'hui nous assurer que son gouvernement n'envisage pas d'injecter de nouvelles sommes d'argent dans Canadian, comme l'a répété à quelques reprises son ministre des Transports au cours des dernières semaines?

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai rien à ajouter à ce que le ministre des Transports a dit en Chambre. Il surveille la situation en ce moment. Des négociations ont lieu entre la compagnie, les syndicats et d'autres groupes. Le gouvernement observe la situation, mais je n'ai rien à ajouter à ce que le ministre des Transports avait à dire il y a dix jours.

    M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Transports en avait dit un peu plus long; je vois que ça change peut-être un peu. Le ministre des Transports nous avait dit qu'il n'était pas question d'injecter de nouvel argent dans la situation actuelle. Que je sache, la situation a empiré avec la démission du conseil d'administration.

    Le quotidien The Globe and Mail rappelait également, en fin de semaine, que le gouvernement s'apprêtait à aider Canadian si les employés acceptent le plan de restructuration de la compagnie, lequel prévoit une baisse de salaire de 10 p. 100.

    Le premier ministre peut-il également nous assurer que son gouvernement ne s'apprête pas à accorder une nouvelle aide financière à Canadian dans l'éventualité où la proposition de restructuration serait acceptée par les employés?

    [Traduction]

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Non, monsieur le Président, le gouvernement n'a aucune intention d'injecter de l'argent dans la société Canadien International dans la situation actuelle.

    Le député d'en face a parlé des employés de Canadien. Il est important que la Chambre sache ce que le ministre des Transports a dit devant l'Association du transport aérien du Canada il y a deux heures à peine à Montréal:

    Je sais que la situation exige des décisions très difficiles de la part des employés, qui ont déjà fait de grands sacrifices. J'ai toujours été impressionné par le dévouement des employés des Lignes aériennes Canadien International, par leur souci de la qualité, leur souci du service et leur foi en leur compagnie aérienne. Ce dévouement et cet esprit seront tout aussi cruciaux pour l'avenir de Canadien qu'ils l'ont été pour son passé.


    6365

    Les problèmes structurels exigent des solutions structurelles. Le président de Canadien International en a proposé, et nous espérons que la compagnie aérienne réussira à surmonter ses difficultés et restera au nombre des compagnies aériennes que notre pays est fier de posséder.

    [Français]

    M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, il faut croire qu'il y a sûrement quelques petites difficultés quand même, puisque le conseil d'administration a démissionné en bloc. Cela me semble légèrement suspect.

    Le gouvernement fédéral, pensons-nous, a également commis une erreur en laissant American Airlines acquérir une part importante des actions de Canadian. Cela n'a pas permis à Canadian d'atteindre le seuil de rentabilité; nous l'avons vu. Au contraire, cette décision fait craindre la mainmise de l'industrie du transport aérien par des intérêts américains.

    Le premier ministre peut-il aujourd'hui s'engager à ne pas modifier la législation et la réglementation dans le secteur du transport aérien, ce qui aurait pour effet de permettre une plus grande présence d'intérêts étrangers, surtout américains, dans ce secteur?

    (1420)

    [Traduction]

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, les Lignes aériennes Canadien International n'ont pas adressé au gouvernement de proposition visant à accroître la participation étrangère dans l'entreprise.

    [Français]

    M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

    Dans le cas de la faillite de Canadian, un transporteur aérien majeur au Canada, le gouvernement devrait alors décider de la redistribution des lignes internationales actuellement détenues par Canadian.

    Le premier ministre peut-il garantir aujourd'hui qu'il ne permettra pas à des compagnies étrangères de mettre la main sur ces routes internationales et qu'il préservera le caractère canadien de cette industrie?

    [Traduction]

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, contrairement au député d'en face, le gouvernement ne veut pas pratiquer la politique de division. Nous attendons la suite des événements en espérant que Canadien International réussira à surmonter ses difficultés. Nous ne voulons pas voir les choses de façon pessimiste, comme le fait si bien le député.

    La société Canadien International fait du mieux qu'elle peut. Elle tâche actuellement de se restructurer afin de demeurer une compagnie aérienne viable au Canada, comme nous l'espérons. Nous ne pensons pas que la compagnie fera faillite, comme le député semble l'espérer à en juger d'après les questions qu'il pose au gouvernement.

    [Français]

    M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, à force de manquer de vision d'avenir, ce gouvernement va faire que Canadian n'aura pas d'avenir du tout.

    Les difficultés financières de Canadian affectent également directement le Trésor public, puisque la compagnie fait face à des remboursements de prêts consentis par le gouvernement fédéral.

    Le premier ministre peut-il s'engager à faire pression, en tant que créancier, sur Canadian afin de favoriser la seule solution qui s'impose, à savoir la fusion de Canadian et d'Air Canada, seule voie d'avenir pour cette industrie, seule façon de sauver des milliers d'emplois?

    [Traduction]

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Je le répète, monsieur le Président, la société Canadien International a proposé un plan de restructuration de l'entreprise. Il faut prendre en considération le plan que le président Kevin Benson a proposé. Espérons que ce plan, conjointement avec les contributions que les employés de Canadien International pourraient apporter, aidera à remettre la compagnie aérienne à flot pour qu'elle demeure un concurrent viable dans le secteur canadien du transport aérien.

    * * *

    LA GARDE D'ENFANTS

    Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, comme ce sera mercredi la Journée nationale de l'enfant, le gouvernement devrait examiner un sondage Angus Reid récent. Celui-ci révèle que 57 p. 100 des parents qui ont de jeunes enfants travaillent pour simplement joindre les deux bouts. Une majorité d'entre eux aimeraient avoir la latitude voulue et les moyens pour qu'un parent reste à la maison avec les enfants.

    Le gouvernement doit faire de la famille canadienne une priorité. Il doit alléger son fardeau fiscal et permettre aux parents de choisir à nouveau comment ils élèvent leurs enfants.

    Ma question s'adresse au premier ministre. Pourquoi le gouvernement refuse-t-il de transformer la déduction pour frais de garde d'enfants en un crédit d'impôt dont bénéficieraient tous les parents d'enfants de 12 ans ou moins, y compris ceux qui choisissent de rester à la maison pour élever leur progéniture?

    L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, la pauvreté chez les enfants canadiens est évidemment une réalité qui préoccupe vivement le gouvernement du Canada, un pays pourtant riche.

    La semaine dernière, le Conseil canadien de développement social a dit que la plupart des enfants canadiens se portent bien. Les nouvelles sont donc partiellement bonnes. Nous ne pouvons toutefois ignorer le fait qu'il y a des enfants qui vivent effectivement dans la pauvreté. C'est pour cette raison que Campagne 2000 a reconnu le chômage comme l'une des principales causes des difficultés que vivent certains enfants. Voilà pourquoi le gouvernement actuel insiste beaucoup sur la nécessité d'améliorer le climat économique au Canada. C'est ce qui nous permettra de faire davantage.


    6366

    Le gouvernement a déjà fait beaucoup ces dernières années. Il a doublé le supplément du revenu gagné accordé aux familles à faible revenu. Le gouvernement du Canada dépense plus de 5 milliards de dollars par année en prestations fiscales pour enfants qui ont déjà été versées à trois millions de familles canadiennes.

    Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, le ministre parle de Campagne 2000, mais nous avons aussi un plan à cet égard, un plan en vertu duquel chaque famille canadienne bénéficierait d'un allégement fiscal de 2 000 $ d'ici l'an 2000. À mon avis, ce serait bien plus utile.

    Le programme réformiste Nouveau départ fait des familles canadiennes une priorité. En vertu de ce programme, l'exemption pour personne mariée augmentera de plus de 2 500 $ et tous les parents bénéficieront d'une déduction pour frais de garde d'enfants, y compris ceux qui restent à la maison pour élever leurs rejetons. C'était là l'objet de ma première question et, comme je n'ai pas obtenu de réponse, je vais la poser de nouveau.

    Quel type d'allégement fiscal particulier le ministre a-t-il à offrir aux familles canadiennes?

    (1425)

    Pourquoi le ministre n'envisage-t-il pas, premièrement, d'augmenter l'exemption pour personne mariée, ce qui serait une mesure simple, et deuxièmement, d'accorder à tous les parents la déduction pour frais de garde d'enfants?

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, si la députée voulait bien se donner la peine d'examiner les dispositions qui existent déjà pour les personnes mariées, elle constaterait tout d'abord, comme mon collègue l'a dit, que, dans le dernier budget, nous avons doublé le supplément du revenu gagné accordé aux familles de quatre enfants, en l'augmentant de 1 000 $. En vertu de la prestation fiscale pour enfants, un supplément particulier est prévu pour les parents qui restent à la maison afin de s'occuper de leurs enfants d'âge préscolaire.

    En fait, si elle examine les diverses mesures adoptées par le gouvernement actuel et par les gouvernements libéraux précédents, la députée constatera que le bien-être des enfants est l'une des principales préoccupations du gouvernement. Si on compare ces mesures à la majorité des recommandations du Parti réformiste qui, concrètement, maintiendrait la pauvreté au lieu de la réduire, on comprend la situation telle qu'elle est et l'on sait que les tentatives de camouflage du Parti réformiste n'y changeront rien.

    Mme Deborah Grey (Beaver River, Réf.): Monsieur le Président, nous estimons que les parents d'enfants de 12 ans ou moins qui décident de rester à la maison pour élever leurs rejetons devraient pouvoir le faire aux mêmes conditions que les parents d'enfants d'âge préscolaire dont parle le ministre.

    La famille canadienne moyenne paie une part stupéfiante de son revenu en impôt, soit 46 p. 100. D'un océan à l'autre, des enfants vivent dans des familles dont les deux parents doivent subir le stress de devoir travailler le soir et les fins de semaine pour financer les habitudes de dépenses du gouvernement libéral.

    Le ministre des Finances sait pertinemment que les Canadiens ont vu leur salaire baisser de 3 000 $ depuis que le gouvernement actuel a été porté au pouvoir en 1993.

    Au lieu de se contenter du statu quo et d'impôts élevés, pourquoi le ministre n'équilibre-t-il pas tout simplement le budget et n'accorde-t-il pas aux familles canadiennes un allégement fiscal fort mérité et nécessaire?

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, pourquoi la députée et son parti ne disent-ils pas où ils trouveraient l'argent pour financer les réductions fiscales qu'ils accorderaient aux riches? La première chose qu'ils feraient à cette fin consisterait à abolir le Régime de pensions du Canada, un régime très important pour les familles canadiennes. C'est là qu'ils trouveraient principalement les fonds nécessaires. S'il était porté au pouvoir, le Parti réformiste abolirait le Régime de pensions du Canada.

    Dans un deuxième temps, les réformistes supprimeraient les paiements de péréquation pour un certain nombre de provinces. La députée est-elle en train de dire que les gens qui vivent en Saskatchewan ou en Nouvelle-Écosse n'ont pas de familles et qu'ils n'ont pas droit au même niveau de services publics que les Canadiens des autres provinces?

    Le Parti réformiste éliminerait les prestations de maternité dans le cadre du régime d'assurance-emploi. La députée s'apprête-t-elle à dire que les femmes qui bénéficient de l'assurance-emploi n'ont pas le droit de toucher des prestations de maternité?

    Il faut bien comprendre que ce que propose le Parti réformiste, c'est de saccager les programmes qui aident les familles à faible revenu, les familles qui sont prestataires de l'aide sociale et les familles à revenu moyen, au profit des Canadiens plus riches. Le gouvernement actuel n'acceptera jamais une chose pareille.

    * * *

    [Français]

    L'ASSURANCE-EMPLOI

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Développement des ressources humaines.

    Avant que la session ne soit ajournée, le ministre du Développement des ressources humaines, cherchant sans doute des raisons de vanter la réforme de l'assurance-emploi, déclarait et je cite: «Il y a 500 000 Canadiens qui peuvent maintenant profiter de l'assurance-emploi.»

    Le ministre confirme-t-il plutôt qu'à partir du 1er janvier 1997, 500 000 travailleurs, très petits salariés pour la plupart, travaillant moins de 15 heures par semaine, paieront désormais des cotisations, alors que maintenant ils n'en paient pas, alors que la très grande majorité d'entre eux n'auront jamais droit aux bénéfices, parce qu'ils ne pourront pas être admissibles?


    6367

    L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, cette question n'est pas nouvelle. Il y a plusieurs fois qu'on y revient. J'insiste pour dire que la réforme de l'assurance-emploi revient sur des mesures actives comparativement à l'ancien système qui était un système décrié de par le monde comme étant inefficace et encourageant les gens à rester chez-eux.

    (1430)

    Nous avons donc un système qui fait que maintenant, à compter de l'an 2000 ou 2001, l'investissement de 800 millions de dollars deviendra la seule source de financement. Nous allons donc permettre maintenant aux gens qui travaillent à temps partiel, bien sûr de payer des cotisations, mais ils seront également couverts par le système de l'assurance-emploi dans la mesure où ils paient des cotisations.

    Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement a donné un congé de cotisations aux travailleurs gagnant entre 39 000 $ à 42 500 $ et aux entreprises qui les paient. Mais la vérité, c'est qu'il y a 500 000 personnes qui vont désormais payer des cotisations.

    Je demande au ministre s'il a lu le document de son ministère et s'il confirme qu'il n'y aura que 45 000 personnes sur ces 500 000 qui désormais vont payer des cotisations, des très petits salariés, qui seront admissibles, et ce, en vertu même d'un document de son ministère du 23 janvier 1996? Est-ce que c'est comme ça que les libéraux luttent contre la pauvreté?

    L'hon. Pierre S. Pettigrew (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, ce que je tiens à confirmer est ceci: à compter du 1er janvier prochain, 500 000 Canadiens de plus seront couverts par l'assurance-emploi, alors qu'ils ne pouvaient pas l'être dans le passé, parce qu'ils auront maintenant le droit d'être protégés par ce système.

    * * *

    [Traduction]

    L'ÉCONOMIE

    M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, le premier ministre se vante souvent de ce que les Canadiens profitent de taux d'intérêt faibles. Il soutient que les consommateurs achèteront davantage de maisons et de voitures neuves, puisque la faiblesse des taux d'intérêt leur vaudra des économies de centaines de milliers de dollars.

    Ma question s'adresse au premier ministre. Qu'advient-il des Canadiens qui n'ont pas les moyens d'acheter une maison ou une nouvelle voiture et qui doivent occuper deux ou trois emplois pour arriver à nourrir leurs enfants? Que va faire le gouvernement pour les enfants qui doivent se passer de tant de choses, à commencer par le temps de leurs parents, qui travaillent si dur et font de si longues heures pour satisfaire un gouvernement insatiable?

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, si les députés réformistes considèrent ce qui s'est passé ces trois derniers mois grâce à la réduction des taux d'intérêt, ils constateront que le nombre de mises en chantier est à la hausse, que les livraisons des fabricants augmentent aussi, comme on l'a annoncé aujourd'hui, que les fondements de l'économie sont de plus en plus solides. Grâce à cela, des milliers de Canadiens retrouvent du travail, et leur famille en profitera.

    Le secteur privé a créé plus de 700 000 nouveaux emplois; il en a créé 46 000 au cours du dernier mois seulement. La réalité, c'est que les gens qui retournent au travail pourront subvenir aux besoins de leur famille grâce aux conditions économiques plus saines mises en place par le gouvernement.

    Les députés réformistes, qui n'ont aucune politique de création d'emplois, aucune politique économique visant à aider la classe moyenne, ne devraient pas intervenir à la Chambre pour dire, en somme, que nous allons vivre dans une économie à deux vitesses, une économie qui rapporte aux riches et néglige les pauvres.

    Les Canadiens ne peuvent pas accepter cela, et nous non plus.

    M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, il est à la fois triste et inconcevable que le ministre des Finances ose se vanter d'un taux de chômage de 10 p. 100, alors que le taux n'est que de 5 p. 100 aux États-Unis.

    Le Parti réformiste a proposé un plan d'allégement des impôts qui réduira à zéro la cotisation fiscale de plus d'un million de Canadiens. Les familles auront ainsi plus d'argent pour se nourrir, se loger et se vêtir.

    Voici ma question, qui s'adresse au premier ministre. Plus précisément, comment et quand son gouvernement va-t-il alléger les impôts des familles?

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est tout le contraire qui se produira. Le plan des réformistes ne va pas laisser plus d'argent entre les mains du Canadien moyen.

    (1435)

    Le plan des réformistes va enlever aux Canadiens leurs pensions, leurs services de santé et les prestations d'aide sociale des plus démunis. Les réformistes vont priver la vaste majorité de ceux qui doivent compter sur l'aide de l'État de tout ce qui donne un caractère exceptionnel à la vie au Canada.

    Les réformistes devraient comprendre une chose. Ce qu'ils préconisent, c'est une réduction des impôts maintenant et une augmentation massive de la charge fiscale pour la prochaine génération de Canadiens. Ils imposeraient aux jeunes Canadiens le fardeau de la réduction du déficit. Nous n'allons pas nous engager dans cette voie.


    6368

    [Français]

    LA GARDE CÔTIÈRE

    M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adressera au ministre des Pêches et des Océans.

    Le ministre des Pêches et des Océans, décidé qu'il est à mettre en place une nouvelle tarification, s'apprête à rendre publique cette semaine une étude sur l'impact de la tarification des services de la Garde côtière sur la navigation commerciale. Or, nous nous posons de sérieuses questions sur la crédibilité de cette étude que nous avons en main, puisqu'elle semble avoir été rédigée sur mesure pour satisfaire les desseins du ministre lui-même.

    Le ministre admettra-t-il que l'étude qu'il a commandée n'est qu'un rapport de complaisance, puisqu'elle ne tient pas compte de plusieurs paramètres essentiels, tels l'augmentation du prix du pétrole dans l'Est qui découlera de la nouvelle tarification, de même que les emplois qui seront perdus par suite de la concurrence accrue des ports américains?

    [Traduction]

    L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le député, qui siège au comité qui a commandé l'étude, sait fort bien que cette étude a été très objective. En fait, elle a été si objective qu'elle a examiné sept activités qui touchent les ports ainsi que tout le dossier de la navigation.

    J'ajoute aussi que le rapport traite de 1 200 principaux transports de marchandises effectués par l'industrie canadienne du transport maritime et une douzaine de ces transports ont fait l'objet d'un examen particulier. De nombreuses consultations ont eu lieu partout au Canada. Personnellement, j'ai rencontré les membres du Conseil consultatif du transport maritime. J'ai aussi rencontré des représentants d'autres secteurs de l'industrie maritime pour faire progresser ce rapport.

    Le député a des réserves, mais il peut croire que ce rapport est très objectif; il a été rédigé par une tierce personne très crédible n'ayant aucun lien avec le gouvernement. Le rapport a été rédigé à la demande du comité dont le député fait partie. Le député en connaîtra les détails dès que le rapport sera terminé, ce qui ne saurait tarder.

    [Français]

    M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, comment le ministre peut-il accepter une étude qui juge négligeables les impacts de sa tarification, alors que cette nouvelle taxe coupera, par exemple, de 15 p. 100 le profit des entreprises du fer de la Côte-Nord et entraînera la fermeture de la mine de Port-Cartier, deux à trois ans plus tôt que prévu, aggravant ainsi le chômage dans une région déjà mal en point?

    [Traduction]

    L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je vais m'exprimer autrement. Le député connaît l'objectivité de l'étude. Cette étude a porté sur sept aspects qui touchent les activités de transport maritime au Canada ainsi que les marchandises. En fait, les 1 200 transports dont j'ai parlé représentent presque 90 p. 100 de tous les transports de marchandises effectués par l'industrie canadienne du transport maritime.

    Le député sourit. J'ignore d'où il tire ses chiffres concernant Port-Cartier et sa fermeture, mais il est impossible de se pencher sur chacun des aspects. Je lui rappelle toutefois que l'étude a été faite à la demande, voire sur l'insistance du comité dont il fait partie.

    Nous répondons donc à une demande de son comité. Les résultats sont objectifs et l'étude arrivera à des conclusions que le député pourra étudier sous peu.

    * * *

    LA FISCALITÉ

    M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement a jugé bon d'ouvrir nos frontières aux transporteurs aériens américains qui font concurrence aux nôtres avec la politique d'ouverture des espaces aériens. Je n'avais rien contre le fait qu'on ouvre davantage ce secteur à la concurrence, mais je me demande pourquoi le ministre n'a pas commencé par uniformiser les règles du jeu en ce qui concerne la taxe sur les carburants.

    Ma question s'adresse au ministre des Transports. Étant donné que les concurrents américains paient une taxe beaucoup moins élevée sur les carburants et que le coût de l'essence est un élément important des frais d'exploitation d'une compagnie aérienne, le ministre prendra-t-il immédiatement des mesures pour réduire la taxe sur le carburant aviation afin de permettre à nos compagnies aériennes de concurrencer les compagnies américaines dans des conditions égales?

    (1440)

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, notre gouvernement, le ministre des Transports en particulier, s'enorgueillit d'être ouvert à toute proposition des députés d'en face.

    Le député parle aussi de l'accord sur l'ouverture des espaces aériens qui est intervenu entre le Canada et les États-Unis. Voyons ce que cet accord a donné. Il a créé 100 liaisons transnationales desservies par des vols réguliers, 24 liaisons desservies par des transporteurs canadiens, 33 vols canadiens qui sont désormais des services réguliers, 54 destinations américaines. . .

    Des voix: Oh, oh!

    M. Keyes: Je suppose qu'on ne veut pas savoir les bonnes nouvelles.


    6369

    Il a créé 54 nouvelles liaisons directes avec les États-Unis à partir de neuf villes canadiennes. Il y a 1 000 emplois de plus pour Air Canada et 700 de plus pour Canadian Airlines. Ce sont de bonnes nouvelles.

    M. Jim Gouk (Kootenay-Ouest-Revelstoke, Réf.): Monsieur le Président, il est très intéressant que le secrétaire parlementaire parle de 700 nouveaux emplois pour Canadian airlinese alors que cette politique va en compromettre 16 000 autres.

    Le gouvernement a appuyé la libéralisation des échanges avec les États-Unis et l'ouverture des espaces aériens avec les compagnies aériennes américaines, deux mesures qui ont accru la concurrence contre les compagnies canadiennes. Les services aéroportuaires et les services de navigation aérienne sont presque complètement éliminés.

    Compte tenu du projet gouvernemental d'ouvrir les frontières à la concurrence américaine et de la suppression de nombreuses dépenses publiques dans le secteur aérien, le ministre peut-il dire à la Chambre pourquoi il tolère que les compagnies aériennes canadiennes se voient imposer un niveau injuste de taxes spéciales qui sont en train de détruire Canadian Airlines et de mettre en danger ses 16 000 emplois?

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, la question du député touche à deux sujets différents.

    Très franchement, lorsque le député dit que 16 000 emplois sont menacés, il parle d'une compagnie aérienne appelée Canadien, qui s'efforce de restructurer son organisation pour survivre.

    Je m'étonne d'entendre cela du Parti réformiste, car c'est ce parti qui a déclaré, par la bouche du député de Calgary-Centre, que le gouvernement ne peut pas se permettre de renflouer Canadian Airlines. Ce n'est pas ce que demande cette compagnie aérienne. Tout ce qu'elle demande, c'est qu'on lui laisse le temps de restructurer son organisation afin de sauver les 16 500 emplois en question.

    * * *

    [Français]

    LA GENDARMERIE ROYALE DU CANADA

    M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au solliciteur général.

    Le 13 novembre dernier, M. Marcel Audet, un informateur de la GRC, nous révélait qu'il avait organisé, pour le compte de la GRC, un achat de caisses de fusils mitrailleurs, d'explosifs, de grenades et même de lance-roquettes avec des trafiquants d'armes ayant des ramifications dans la réserve d'Akwesasne.

    Comme il est pour le moins inquiétant de savoir qu'un individu peut acheter des lance-roquettes au Canada, le ministre peut-il confirmer si la réserve d'Akwesasne est encore un point d'entrée important pour le trafic d'armes et quelles sont les actions prises par ses services pour mettre fin à ces activités illégales?

    L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je ne peux pas donner une telle confirmation. Le problème n'est pas limité à un seul endroit, et les services policiers, pas seulement ceux relevant du fédéral, mais également les services provinciaux, travaillent dans des groupes conjoints pour lutter contre cette situation. Ils font un travail extraordinaire pour limiter cette situation.

    M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, voici ma question complémentaire.

    Toujours selon M. Marcel Audet, les «autorités supérieures» de la GRC ont fait avorter sa mission et empêché l'arrestation de dirigeants importants du réseau des trafiquants.

    Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi la GRC n'a pas procédé à l'arrestation de trafiquants aussi dangereux, alors qu'il était possible de le faire?

    L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je n'accepte pas la prémisse de la question de mon honorable ami. Je ne peux pas confirmer ces allégations, mais je peux ajouter que les plaintes de M. Audet sont sujettes à enquête par la Commission des plaintes publiques de la Gendarmerie royale, et je pense que nous devons attendre le résultat de cette enquête.

    * * *

    [Traduction]

    LE COMMERCE INTERNATIONAL

    M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre du Commerce international.

    Aujourd'hui, à Ottawa, nous signerons un accord de libre-échange avec le Chili. L'analyse des investissements et des échanges commerciaux entre le Canada et le Chili révèle que la situation est déjà assez positive. Le ministre pourrait-il nous décrire les avantages supplémentaires que nous procurera cet accord?

    (1445)

    L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, ce matin, le président Frei du Chili et notre premier ministre ont signé un protocole d'accord de libre-échange, qui donnera un nouveau bond aux investissements et aux échanges commerciaux entre nos deux pays. Cela favorisera à son tour la création d'emplois et la croissance économique tant au Chili qu'au Canada.

    Dès aujourd'hui, les exportateurs du Canada n'auront plus à payer des droits de douane de 11 p. 100 lorsqu'ils fourniront des biens et des services au Chili. Cela réduira considérablement leurs frais. Les Canadiens peuvent désormais profiter d'occasions d'investissements plus solides au Chili.

    Tout cela prépare l'adhésion du Chili à l'ALENA et donne au Canada une longueur d'avance sur ses amis américains, qui accepteront maintenant, nous l'espérons, d'amorcer les négociations en vue de l'adhésion du Chili à l'ALENA et de compléter ainsi l'entente commerciale qu'a ratifiée le premier ministre il y a à peine quatre ans. Cela conduira au libre-échange dans l'ensemble de l'hémisphère, ce qui favorisera, je le répète, la création d'emplois et la productivité économique.


    6370

    LA COMMISSION KREVER

    M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, les libéraux ont muselé la Commission Krever et entravé son travail de manière à ce que les familles ne sachent rien sur la cause du sang contaminé. Leurs avocats affirment que les règles du Cabinet sur le secret empêchent la communication à la Commission Krever de documents vitaux pour la sécurité nationale.

    Quel intérêt public ce faible ministre de la Santé tente-t-il donc de protéger?

    L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Aucun, monsieur le Président.

    M. Grant Hill (Macleod, Réf.): Monsieur le Président, ces documents secrets du Cabinet datent de l'époque où les libéraux ont été remplacés par les conservateurs. Tout se passe comme si les chercheurs de la santé en ont dit bien plus au Cabinet que ce qu'on a cru précédemment.

    Quel gouvernement est fautif, celui des libéraux ou celui des conservateurs de Mulroney?

    L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, de toute évidence, le député d'en face a lu quantité de romans d'espionnage et possède tout un recueil de conspirations dont il nous fait part de temps à autre.

    Le député devrait savoir que la décision de ne pas divulguer certains renseignements a été prise non pas par Santé Canada, mais par le Bureau du Conseil privé. Cela remonte à bien avant notre arrivée au pouvoir.

    Si le député a une question précise à poser, s'il a des preuves ou quelque élément lié à cette affaire, qu'il formule sa question par écrit. Je ne doute pas que la greffière du Conseil privé se fera un plaisir de lui fournir toutes les informations qu'il souhaite.

    [Français]

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président ma question s'adresse au ministre de la Santé.

    La semaine dernière, nous apprenions que le gouvernement a de nouveau refusé de fournir des documents importants pour les besoins de l'enquête de la Commission Krever. Ces documents, qui remontent à 1984, pourraient éclairer les membres de la Commission sur les circonstances qui ont mené à la crise que l'on sait.

    Le ministre peut-il nous expliquer pourquoi le gouvernement refuse de remettre à la Commission Krever les documents qui lui sont demandés?

    [Traduction]

    L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je crois qu'il faut être bien clairs. Le gouvernement a fourni des centaines et des centaines de documents à la commission Krever. De nombreux fonctionnaires de différents ministères ont témoigné sous serment devant cette commission.

    Je crois que les documents en question remontent à 1984-1985. Si la députée a des demandes précises à formuler, la greffière du Conseil privé, organisme où la décision a été prise, car elle n'a pas été prise par le ministre de la Santé, lui communiquera tous les renseignements nécessaires.

    [Français]

    Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre convient qu'il appartient au juge Krever de déterminer si oui ou non des documents peuvent lui être utiles pour son enquête et non au ministre? Le ministre acceptera-t-il de ne plus se substituer au juge Krever et de lui remettre ce qu'il lui demande?

    [Traduction]

    L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je ne suis pas du tout d'accord avec la députée.

    Tout d'abord, le gouvernement du Canada a fourni beaucoup d'information. Je crois que tous les documents se trouvant sous ma responsabilité ont été fournis. Cependant, s'il y a une demande précise se rapportant à une décision prise par la greffière du Conseil privé, je crois que c'est à elle qu'il faut la présenter. C'est au Conseil privé que la question doit être présentée par écrit. Je suis convaincu que la greffière fournira à la députée les renseignements qu'elle demande.

    * * *

    (1450)

    LA FISCALITÉ

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, la semaine dernière, c'était des annonces pleine page dans les journaux. Demain, les premiers ministres de la Nouvelle-Écosse et du Nouveau-Brunswick seront à Toronto essentiellement pour faire une infopub sur la TPS harmonisée. Ne manquez pas cela! Ils vous diront certainement qu'elle peut trancher et mettre en dés, vous donner des abdominaux d'acier et même faire pousser vos cheveux. Ils peuvent bien dire ce qu'ils veulent, mais les entreprises et les consommateurs du Canada atlantique ont de très sérieuses réserves au sujet de la TPS harmonisée.

    La question que je pose au ministre des Finances est la suivante: les Canadiens n'auront-ils rien d'autre que cette infopub et toute cette propagande pour leur milliard de dollars?

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il est clair que la question du député cache un profond ressentiment envers le Canada atlantique parce que cette région a enfin décidé de se reprendre en mains.

    Il est très clair que le député ne peut simplement pas supporter de voir ces gouvernements provinciaux, au nom de leur population et en collaboration avec le gouvernement fédéral, poser les jalons d'un régime fiscal solide qui favorisera la compétitivité de leurs petites et moyennes entreprises.


    6371

    J'aurais pensé que, pour appuyer les Canadiens de l'Atlantique, le député aurait plutôt félicité ces gouvernements provinciaux, qui se trouvent ainsi à dire non à la dépendance. Ce qu'ils veulent réellement, c'est être capables de gouverner dans l'intérêt de leur propre population.

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, il y a effectivement beaucoup de ressentiment, mais il vient de toutes les autres provinces qui paient la note pour ce pot-de-vin d'un milliard de dollars au Canada atlantique, particulièrement à ses premiers ministres.

    La Chambre de commerce de Halifax éprouve aussi du ressentiment, de même que le Conseil canadien du commerce de détail et l'Association canadienne de l'immeuble. Cette entente leur cause tous de graves inquiétudes. Elle est compliquée, ambiguë et mortelle pour les emplois.

    Même ces groupes qui appuyaient auparavant l'harmonisation ont maintenant de sérieuses réserves au sujet de cette entente particulière. Le ministre déchirera-t-il cette entente pour en concevoir une meilleure?

    L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait sûrement, le fait est que nous avons dit au Conseil canadien du commerce du détail que nous étions prêts à discuter pour régler tout problème administratif. C'est justement ce que nous sommes en train de faire.

    Cependant, ce n'est pas vraiment là où le député voulait en venir. Ce qu'il a voulu dire, c'est pourquoi le Canada atlantique pourrait bénéficier de cette entente, mais pas le reste du pays. Le fait est que les habitants du Canada atlantique ne se sont pas plaints lorsque le ministre de l'Énergie a réglé la question des sables bitumineux en Alberta. Ils ne se sont pas plaints lorsque l'Ontario a obtenu des paiements de stabilisation.

    Nous avons affaire ici à un parti croupion qui refuse de regarder le Canada dans son ensemble.

    * * *

    LE PROGRAMME D'INFRASTRUCTURE

    L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au président du Conseil du Trésor.

    Suite à l'annonce faite récemment que le taux de chômage se situe maintenant à 10 p. 100, le président du Conseil du Trésor peut-il dire à la Chambre si le gouvernement a l'intention de lancer un nouveau programme d'infrastructure cet hiver?

    L'hon. Marcel Massé (président du Conseil du Trésor et ministre responsable de l'Infrastructure, Lib.): Monsieur le Président, le taux de chômage à 10 p. 100 est encore trop élevé, mais je rappelle que depuis que nous formons le gouvernement, nous avons aidé à créer environ 700 000 emplois et que le taux de chômage est tombé de 11,4 p. 100 à 10 p. 100.

    La meilleure façon pour un gouvernement de contribuer à la baisse du chômage est de faciliter la réduction des taux d'intérêt. Les taux d'intérêt sont présentement au niveau le plus bas des trente dernières années, ce qui favorise évidemment l'investissement et la création d'emplois.

    Le programme d'infrastructure a permis de créer au-delà de 110 000 emplois et nous examinons encore le pour et le contre d'une relance du programme. La décision devrait être prise d'ici quelques semaines.

    * * *

    [Français]

    LE SOMMET DE L'APEC

    M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

    Du 23 au 25 novembre prochains, les 18 chefs d'État membres de l'APEC, l'organisme de coopération économique de la zone Asie-Pacifique, se rencontreront à Manille, aux Philippines. Pourtant, M. José Ramos Horta, prix Nobel de la paix et militant pour les droits de la personne au Timor oriental, s'est vu interdire l'accès aux Philippines à l'occasion de la tenue de ce sommet.

    Le Canada entend-il protester auprès du gouvernement philippin pour que celui-ci renverse sa décision et admette enfin M. José Ramos Horta sur son territoire?

    (1455)

    L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, la décision revient au seul gouvernement des Philippines, lequel détermine qui est accepté dans ce pays.

    Pendant la réunion du groupe de l'Asie-Pacifique, j'aurai certainement plusieurs réunions avec les autres ministres des Affaires étrangères pour discuter de la question des droits de la personne dans cette région de l'Asie-Pacifique. Comme je l'ai déjà dit, il est très important d'avoir des engagements directs et constructifs avec les autres pays. Malheureusement, c'est la décision du gouvernement des Philippines et il n'y a rien que le Canada puisse faire.

    M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, est-ce que le ministre ne reconnaît pas qu'un tel traitement accordé à un prix Nobel de la paix est vraiment inadmissible et que le Canada devrait réagir vigoureusement?

    [Traduction]

    L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, nous appuyons évidemment l'idée d'autoriser les ONG et des personnes de tous les milieux à se réunir parallèlement aux réunions de l'APEC. Nous avons agi en chefs de file sur ces questions, et j'espère avoir l'occasion d'aller rendre visite aux représentants des ONG, au cours du colloque de l'APEC, pour échanger avec eux.

    Dans ce cas, toutefois, je ne crois pas qu'il convienne que nous fassions de l'ingérence dans les affaires d'un gouvernement qui a


    6372

    pris une décision en fonction de la conjoncture dans son pays, quelle qu'elle soit. Par ailleurs, je puis assurer au député que nous continuerons à discuter avec les ONG au sujet de la situation qui a cours dans la région de l'Asie et du Pacifique.

    * * *

    LES PÊCHES

    M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Pêches et des Océans justifie sa décision d'autoriser la pêche d'espèces comestibles cette année en invoquant des données scientifiques. Cependant, j'ai ici un document interne du ministère, rédigé par le bureaucrate responsable de l'évaluation des stocks à Terre-Neuve, où ce fonctionnaire du propre bureau du ministre écrit: «Je ne connais aucune analyse scientifique ultérieure qui ait mis à jour l'évaluation des stocks de la zone 2J-3KL. Par conséquent, j'ai été consterné de voir que la pêche récréative et la pêche d'espèces comestibles seront autorisées.»

    Puisque nous savons maintenant qu'il n'existe aucune donnée scientifique justifiant la pêche d'espèces comestibles dans la plus grande région de pêche entourant Terre-Neuve, pourquoi le ministre continue-t-il à ravager ce qui reste des stocks de l'Atlantique simplement pour gagner des votes?

    L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je répondrai à la question, même si je n'en accepte absolument pas la prémisse.

    Je recommande au député de s'en tenir aux domaines qu'il connaît. Je prends de nombreuses décisions.

    M. Morrison: Pourquoi? C'est faux.

    M. Mifflin: Le député a posé une question; qu'il veuille bien écouter la réponse.

    Toutes les décisions, de nature scientifique ou non, sont prises à la lumière des différents avis reçus. Je dois dire au député que je n'ai pas lu la note en question car elle ne m'était pas adressée; il s'agit d'une note de service interne.

    J'ai autorisé la pêche d'espèces comestibles conformément aux conseils du scientifique principal de mon ministère. À son avis, une pêche contrôlée de près, comme celle qui a été mise en oeuvre et exécutée sous haute surveillance, ne nuirait pas au rétablissement des stocks de morue. Telle était l'opinion de mon conseiller scientifique principal et c'est à la lumière de cet avis que j'ai pris ma décision.

    M. Mike Scott (Skeena, Réf.): Monsieur le Président, le ministre a déclaré que la pêche d'espèces comestibles a été autorisée à partir de données et d'analyses scientifiques. Cependant, dans sa conclusion, l'auteur de la note affirme: «Je suis déçu et atterré de voir que des décisions importantes sont prises sans que l'on ne tienne compte des avis scientifiques provenant de cette région.»

    Les Canadiens et les Canadiens de l'Atlantique veulent savoir pourquoi le ministre a autorisé la pêche, malgré l'avis de ses propres scientifiques.

    L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je dois répéter au député, en insistant davantage cette fois, que le scientifique que j'ai mentionné a affirmé qu'une pêche surveillée de près et exécutée comme elle l'a été ne nuirait pas au rétablissement des stocks de morue.

    La pêche des espèces comestibles a été faite pour les bonnes raisons; 94 000 Canadiens de l'Atlantique ont pu profiter de la pêche, tout comme d'autres particuliers dans la région du golfe. Nous avons procédé à 5 000 vérifications et 1 200 tonnes de poisson ont été récoltées selon des méthodes conformes aux paramètres établis dans l'avis du scientifique principal.

    Pourquoi le Parti réformiste en veut-il tant aux Canadiens de l'Atlantique? Ce parti s'engage à nouveau dans un débat stérile à partir d'informations erronées.

    * * *

    LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL

    M. Vic Althouse (Mackenzie, NPD): Monsieur le Président, le comptable de Vancouver, M. Robert Morrow, a produit des chiffres qui laissent présumer une perte de 16 400 emplois directs et de 54 000 emplois indirects en cas de faillite des Lignes aériennes Canadien international. En supposant qu'un tiers des personnes touchées retrouvent un emploi, on estime à 2,5 milliards de dollars la perte nette pour le Trésor canadien.

    (1500)

    Le gouvernement fédéral a-t-il bien analysé la situation et quels changements, réglementaires ou financiers, envisage-t-il d'apporter pour faire face à ces pertes éventuelles?

    M. Stan Keyes (secrétaire parlementaire du ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit et répété à la Chambre aujourd'hui-et le ministre des Transports l'a dit précédemment-que l'esprit d'entreprise qui a donné naissance aux Lignes aériennes Canadien international est toujours bien vivant dans l'Ouest du Canada, surtout en Alberta et en Colombie-Britannique.

    Nous pensons, nous de ce côté-ci de la Chambre, que cette compagnie a beaucoup d'avenir si elle arrive à prendre les mesures difficiles qu'elle doit prenre en vue de sa réorganisation. Son avenir est fonction de durs efforts et de bonnes affaires, pas d'une aide du gouvernement pour financer les pertes.

    * * *

    PRÉSENCE À LA TRIBUNE

    Le Président: Je voudrais signaler aux députés la présence à notre tribune du très honorable Hubert Alexander Ingraham, premier ministre du Commonwealth des Bahamas, et de la délégation parlementaire qui l'accompagne.

    Des voix: Bravo!

    M. Gagliano: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je voudrais informer la Chambre que le jeudi 21 novembre sera un jour désigné.

    Le Président: Nous passerons maintenant aux hommages. D'abord l'honorable Joe Ghiz, ancien premier ministre de l'Île du Prince-Édouard, ensuite M. Tom Bell, un ancien député.


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    LE DÉCÈS DE L'HONORABLE JOSEPH GHIZ

    L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui pour rendre hommage à un grand citoyen Canadien, un ex-premier ministre provincial, un éminent juriste et un bon ami.

    Joe Ghiz est né à Charlottetown, à l'île-du-Prince-Édouard, en janvier 1945. Il a étudié à l'Université Dalhousie, où il a obtenu des diplômes en commerce et en droit, puis a fait sa maîtrise en droit à l'Université Harvard, à Boston.

    Chacun de nous garde un souvenir différent de Joe Ghiz. Nous pouvons nous souvenir de la passion qu'il nourrissait envers son pays et du dévouement qu'il mettait à préserver l'unité et la force du Canada. Nous nous souviendrons de la façon dont le premier ministre de la plus petite province du Canada a contribué de façon je dirais notable à l'élaboration de politiques gouvernementales de notre pays.

    Nous pourrions nous souvenir de son père, un commerçant venu du Liban. Nous pourrions penser à la passion de Joe pour la réforme constitutionnelle et à l'acharnement avec lequel il tentait d'atteindre cet objectif. Ou encore à l'amour qu'il éprouvait pour son pays et qui se manifestait dans sa vie privée et aussi, évidemment, dans sa carrière politique.

    Nous pourrions songer aux insulaires qu'il représentait à titre de premier ministre, à ses électeurs qui savaient que le premier ministre Ghiz se rendait à Ottawa pour les défendre.

    Nos souvenirs de cet homme remarquable sont à la hauteur de sa grande contribution à notre pays. Sa capacité de concilier les intérêts régionaux aux intérêts du pays tout entier était non seulement remarquable, mais également stimulante.

    La contribution de Joseph Ghiz, disparu à l'âge de 51 ans, dépasse très largement le nombre d'années qu'il aura vécues. Nous ne pouvons que regretter son décès à un si jeune âge.

    En tant qu'ami, il était généreux de ses gentillesses et de son temps.

    (1505)

    Il était reconnu comme l'un des grands orateurs canadiens, mais il savait aussi écouter. C'était un homme sérieux qui croyait très fermement en ses positions. Il ne s'est jamais pris au sérieux. Son sens de l'humour était contagieux et sincère. Il nous a laissé un repère important de notre identité nationale, soit la dualité de nos intérêts qui fait qu'un Britanno-Colombien pense au-delà de sa Colombie-Britannique, un Manitobain au-delà de son Manitoba, un Québécois au-delà de son Québec et un insulaire au-delà de son Île-du-Prince-Édouard.

    On se souviendra toujours de Joseph Ghiz l'insulaire, mais c'est pour sa contribution au Canada et à l'unité de notre pays que nous lui rendons hommage aujourd'hui.

    Au nom du gouvernement du Canada, je me joins à de nombreux Canadiens et à mes collègues députés pour offrir mes sincères condoléances à l'épouse de Joe, Rose Ellen, à sa fille, Joanne, et à son fils, Robert, et pour leur dire que nous nous souviendrons toujours avec beaucoup d'affection de Joseph Ghiz.

    [Français]

    Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui, au nom du Bloc québécois, pour rendre hommage à M. Joe Ghiz, premier ministre de l'Île-du-Prince-Édouard de 1986 à 1992, décédé récemment.

    Né en 1945 au sein d'une famille modeste, il était l'aîné de cinq enfants. Étudiant en droit à l'Université de Dalhousie, il s'est classé premier de sa promotion.

    Ce premier ministre s'est particulièrement distingué dans le domaine constitutionnel et au chapitre des droits des francophones, notamment en améliorant le système scolaire francophone de sa province. Il avait également espéré conclure un pacte de réconciliation avec les peuples autochtones. Sous sa gouverne, la plus petite province de la fédération a joui d'une visibilité exceptionnelle.

    Plus que tout autre au Canada anglais, il s'est porté à la défense d'un statut particulier pour le Québec. En janvier 1995, à l'Université McGill, il déclarait, à l'occasion d'un colloque sur l'avenir du Canada, et je cite: «Depuis la Révolution tranquille, le Canada anglais n'a pas compris la légitimité des aspirations du peuple et du gouvernement du Québec, d'où l'échec de Meech et de Charlottetown. On s'en prenait au veto du Québec lorsque l'Accord accordait le même à l'Île-du-Prince-Édouard. On s'en prenait à la société distincte pour le Québec, mais on acceptait que ma province ait un statut particulier dans le nombre des députés, peu importe la population. Quand le Québec recevait quelque chose du fédéral, ça faisait les manchettes au Canada anglais, mais il n'y a pas eu de manchette dans le quotidien The Globe and Mail quand le gouvernement fédéral a déménagé 2 000 emplois d'Ottawa à Summerside et à Charlottetown.»

    M. Joe Ghiz avait bien compris le Québec. Malheureusement, son décès prématuré laisse le Canada anglais avec une voix en moins pour la modération et la compréhension du peuple québécois et de ses aspirations politiques.

    Au nom de mes collègues de l'opposition officielle, je désire exprimer à la famille et aux proches de M. Ghiz mes plus sincères condoléances.

    [Traduction]

    M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, au nom du Parti réformiste, je voudrais unir ma voix à celles des autres députés qui ont rendu hommage à un ami et certes un Canadien éminent, l'honorable Joe Ghiz.

    D'autres orateurs, dont le ministre de la Santé, ont déjà évoqué certains aspects de la carrière politique de M. Ghiz, de même que de sa carrière juridique. Je voudrais simplement ajouter quelques observations personnelles à propos des contacts que j'ai eus à plus d'une occasion avec M. Ghiz.

    J'ai eu l'occasion de travailler avec M. Ghiz plus spécialement lors des négociations de 1990 entourant l'Accord du lac Meech. Lors des contacts officiels et officieux que nous avons entretenus et lors des conversations que nous avons eues à cette époque, j'en suis arrivé à comprendre ses objectifs politiques, son intérêt pour le Canada et sa propre histoire personnelle, qui intervenaient souvent


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    dans une variété de situations et de discussions alors que nous étions occupés à négocier l'avenir du Canada.

    Un jour, après plusieurs réunions et beaucoup de discussions, certains d'entre nous étions assis ensemble pour bavarder et nous détendre. Dans cette conversation, je me rappelle que M. Ghiz nous parlait de façon intéressante et amusante de l'épicerie de son père et de la façon dont un fils d'immigrant libanais avait pu s'instruire, décrocher un diplôme en droit et devenir premier ministre d'une province de notre pays, le Canada, dont il parlait avec tant d'amour et tant de compassion.

    (1510)

    Pour M. Ghiz, pour Joe, le Canada était une terre de liberté et d'avenir, où tout le monde avait la chance de réaliser ses rêves, tout comme lui avait pu le faire au cours de son bref séjour sur notre terre.

    Lors de nos conversations, j'ai trouvé en lui, comme beaucoup d'autres, je le sais, un homme chaleureux, prévenant et réaliste, qui s'intéressait vraiment à la famille, à la communauté et aux préoccupations personnelles de ses interlocuteurs. À son humble façon, il voulait bâtir un pays et y trouver une place pour l'Île-du-Prince- Édouard.

    Aujourd'hui, nous désirons offrir les condoléances et les prières de tous les Canadiens à sa femme et à ses enfants. Nous garderons longtemps son souvenir, et les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard se rappelleront plus spécialement ses contributions à la vie de sa province. Tous les autres Canadiens qui l'ont fréquenté n'oublieront jamais M. Joe Ghiz.

    Le Président: Chers collègues, permettez-moi de dire quelques mots en votre nom. J'ai connu personnellement Joe Ghiz. Quand vous êtes dans l'opposition et que vous parcourez le pays, il n'arrive pas toujours que le premier ministre d'une province donnée vous reçoive dans son bureau. Joe Ghiz l'a fait pour moi quand j'ai visité son île.

    D'autres parlementaires ont souligné qu'il était originaire de l'Île-du-Prince-Édouard, sans doute la plus petite province du pays. En votre nom, je tiens à souligner que s'il vient de notre plus petite province, celle-ci nous a donné l'un des plus éminents Canadiens.

    * * *

    LE DÉCÈS DE TOM BELL

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, au nom de mon collègue, le député de Sherbrooke, et du Parti progressiste-conservateur du Canada, je voudrais exprimer mes plus sincères condoléances à la famille du regretté Tom Bell. Cette disparition est une grande perte pour tous les habitants du Nouveau-Brunswick et tous les Canadiens. Tom Bell a souffert pendant longtemps d'une maladie débilitante, et il gît maintenant en paix.

    Tom Bell était un homme tranquille, gentil et bienveillant qui n'a laissé indifférent aucun de ceux qui l'ont connu. Il a laissé une marque indélébile dans le coeur de nombre d'entre nous. Il était un ami personnel. Tom avait toujours un sourire accroché au visage. Tom nous laisse avec son remarquable bagage de services et de nombreux bons souvenirs du temps que nous avons passé avec lui. Un juge au grand coeur comme lui ne s'oublie pas facilement.

    Tom a commencé sa carrière dans ma ville, Saint John, où il est né en 1923. Il y a grandi, épousé sa femme Patricia et étudié à l'Université du Nouveau-Brunswick. Durant la Seconde Guerre mondiale, Tom a servi dans la marine marchande et a toujours eu profondément à coeur le bien-être de nos anciens combattants. La marine marchande a tenu une garde d'honneur pour lui lors de ses funérailles auxquelles j'ai eu l'honneur d'assister. Il était également membre de longue date de la Légion royale canadienne.

    Tom a été nommé au barreau du Nouveau-Brunswick en 1951 et a commencé à pratiquer le droit à Saint John. En 1953, sa carrière a bifurqué, car il a décidé de suivre les traces de son grand-père, qui a représenté Saint John au Parlement pendant dix ans, de 1925 à 1935.

    Tom s'est présenté à l'investiture du Parti progressiste conservateur dans la circonscription fédérale de Saint John-Albert, comme elle s'appelait alors. Il a été élu à la Chambre des communes en 1953 et réélu sept fois par la suite: en 1957, en 1958, en 1962, en 1963, en 1965, en 1968 et en 1972. Pendant sa remarquable carrière parlementaire de vingt ans, il a occupé le poste de secrétaire parlementaire du ministre du Commerce, celui de secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, celui de leader parlementaire de l'opposition et celui de whip du parti.

    De 1956 à 1958, Tom a été président des Jeunes progressistes conservateurs. Pendant sa carrière parlementaire, quatre premiers ministres se sont succédé à la barre du pays: Louis St-Laurent, John Diefenbaker, Lester Pearson et Pierre Trudeau.

    (1515)

    Je me souviens d'une conversation que j'ai eue l'an dernier avec un sénateur libéral qui m'a parlé de Tomm Bell. Il a déclaré: «La politique n'est plus ce qu'elle était à notre époque, Elsie.» Le sénateur m'a dit que lui et Tom pouvaient lever un doigt accusateur à la Chambre et discuter ferme, mais que, à la fin de la journée, ils pouvaient prendre un café ensemble et discuter des moyens d'aider la population de leur région.

    En 1974, Tom Bell a quitté la politique fédérale. Il a été nommé à la cour provinciale où il a été présidé les tribunaux de la famille, de la jeunesse et des infractions au code de la route pendant 20 ans. La population de Saint John avait perdu un excellent député, mais elle avait gagné un juge honnête et juste. En dépit de ce changement de carrière, il est resté aussi dévoué que le lendemain de sa première élection envers la population de sa circonscription et de sa collectivité.

    Il était membre du Carleton Club et du York Club et membre actif de l'église anglicane de la Trinité. Il a été membre du Club Kiwanis, du Byng Boys Club de Saint John, de la 26th Battalion Overseas


    6375

    Association et président du conseil de la section du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard du Corps canadien des commissionnaires.

    Le Parti progressiste conservateur du Canada a été privilégié d'être représenté par un homme de cette envergure. Tant dans sa vie privée que sa vie publique, Tom Bell a été un exemple pour notre parti, bien sûr, mais aussi pour tous les hommes et toutes les femmes politiques. C'était un homme intègre.

    Nos pensées et nos prières sont tournées vers la famille de Tom: sa femme, Patricia, ses fils Michael, Andrew et James, sa fille, Mélanie, ses frères Robert et Lawrence, ainsi que ses nombreux neveux et nièces, cousins et cousines.

    M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, comme tous les Canadiens, j'ai été très attristé d'apprendre la mort du juge Tom Bell, un compatriote du Nouveau-Brunswick.

    Je voudrais profiter de l'occasion qui m'est offerte pour présenter mes condoléances et celles du Parti libéral et de tous ses députés à sa femme Patricia et à leurs quatre enfants-Michael, Andrew, James et Melanie-que je connais depuis de nombreuses années et auxquels j'ai eu le plaisir d'enseigner, ainsi qu'aux frères de M. Bell, Robert et Lawrence.

    Tom Bell avait été élu en 1953 comme député de la circonscription de Saint-Jean-Albert, qui fait maintenant partie de ma circonscription de Fundy-Royal. Comme vient de le dire ma collègue de Saint John, il a fait sept mandats consécutifs comme député et a siégé pendant plus de 20 ans.

    Durant sa carrière politique, il a occupé de nombreux postes. Il a été leader parlementaire de l'opposition, whip du parti et secrétaire parlementaire des ministres de l'Industrie et de la Justice.

    À nous, jeunes députés, on nous dit souvent que les choses étaient différentes autrefois. On nous dit que même si le débat était parfois houleux, la civilité et la courtoisie prévalaient à l'extérieur. Souvent on ajoute que la raison de cela c'était la présence de figures marquantes comme Tom Bell.

    Tom Bell était le genre de député qui pouvait défendre avec vigueur sa circonscription, sa région et son parti. Des mots très durs pouvaient être utilisés pendant le débat, mais après les députés étaient non seulement prêts à se détendre et à essayer de régler les choses entre eux, collègues et adversaires, mais en plus, s'ils étaient comme Tom Bell, ils recherchaient la compagnie de leurs collègues, indépendamment de leur affiliation politique.

    C'est pour cette raison que Tom Bell n'avait que des amis ici. Celui qui, à la Chambre, était un partisan convaincu devenait à l'extérieur une homme agréable à fréquenter, un ami avisé et un conseiller pour tous.

    Après sa carrière politique il a été nommé juge à la cour provinciale où il a servi la population de Saint John pendant 20 ans ou plus, présidant les tribunaux de la famille, de la jeunesse et de la circulation, et s'acquittant également de tâches générales pour la cour provinciale.

    On se souvient de lui comme d'un juge agréable, quelqu'un qui avait toujours une attitude positive et prenait un intérêt réel aux causes qu'il entendait. Beaucoup se rappelleront son humour, son esprit, son enthousiasme et sa vue optimiste des choses.

    (1520)

    Le juge Bell était très attaché à sa communauté. Il était membre à vie de la filiale 14 de la Légion royale canadienne. Il était membre du Carleton and York Club et ancien membre du Kiwanis Club. Il était ancien président de la 26th Battalion Overseas Association, président du Byng Boys Club de Saint John et président du conseil d'administration de la division du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard du Corps canadien des commissionnaires.

    J'ai commencé à m'intéresser à la politique au tout début de l'adolescence et c'est Tom Bell, qui avec sa stature et son intégrité, m'a inspiré le sentiment que la politique était une profession honorable. Je sais que même certains membres de ma propre famille appuyaient Tom Bell pour ses qualités humaines, en dépit de son affiliation politique.

    J'ai connu Tom Bell et je sais combien il était dévoué à sa famille, à son dieu et à son pays, dévouement qui n'a pas son pareil à Saint John. Je suis fier et honoré de l'avoir connu; il a enrichi notre communauté de sa présence, lui qui maintenant vit dans un Nouveau-Brunswick meilleur.

    Dennis Boyle, avocat de Saint John, l'a sans doute exprimé mieux que quiconque lorsqu'il a dit que son départ appauvrissait notre communauté, mais qu'elle avait été enrichie par son passage parmi nous. Avec son décès la semaine dernière, notre pays a perdu un grand serviteur du peuple. Il va nous manquer.

    M. John Williams (St-Albert, Réf.): Monsieur le Président, au nom de mes collègues du Parti réformiste et, en fait, de tous les députés, je voudrais aussi rendre hommage à Thomas Miller Bell.

    Monsieur Bell est décédé après une longue maladie le mardi 12 novembre 1996, à l'âge de 73 ans. Thomas Bell est né à Saint John, Nouveau-Brunswick, le 11 janvier 1923. En tant que membre de la marine marchande, il a participé à la Seconde Guerre mondiale, naviguant sur l'Atlantique nord, la Méditerranée et en Extrême-Orient. Après la guerre, il a joué un rôle actif pour garantir une aide aux anciens combattants et il a longtemps été membre de la filiale no 14 de la Légion royale canadienne. Il a reçu son diplôme en droit de l'Université du Nouveau-Brunswick, à Saint John, en 1951 et a travaillé comme avocat pendant plusieurs années.

    Tom Bell a connu une longue et distinguée carrière à la Chambre des communes. Il a d'abord été élu en 1953 pour représenter la circonscription de Saint-Jean-Albert. Il a été réélu sept fois. Dans l'opposition et au gouvernement, il a été nommé à plusieurs postes dont ceux de secrétaire parlementaire du ministre du Commerce, en août 1957, et de secrétaire parlementaire du ministre de la Justice,

    6376

    en 1959. Il a également été whip de l'opposition de 1968 à 1973 et leader parlementaire de l'opposition de 1973 à 1974.

    Après avoir servi à la Chambre, il a été nommé à la magistrature en 1974, où on l'a surnommé le «bon juge». Il a présidé les travaux des tribunaux de la famille, de la jeunesse et de la circulation, ainsi que ceux de la Cour provinciale.

    Tous ceux qui ont connu Tom Bell gardent un souvenir attachant de cet homme remarquable. Il a été réputé pour son sens d'humour et son engagement constant envers la collectivité.

    À titre de parlementaire, il a défendu ses électeurs avec retenue et calme, aussi bien à la Chambre des communes que dans les assemblées tenues dans sa circonscription.

    En tant que juge, il a fait respecter l'esprit de la loi, ne perdant jamais de vue le bien de l'individu ou de la collectivité. Il avait l'habitude de dire: «Quand on agit correctement, les gens le reconnaissent.» Tous ceux qui l'ont approché ont reconnu tout ce qu'il a fait pour ceux qu'il a servis.

    Au nom de mes collègues du Parti réformiste, j'offre nos profondes sympathies à sa femme Patricia, à ses fils Michael, Andrew et James, à sa fille Melanie, à ses frères Robert et Lawrence, et à tous ses proches. Sa présence nous manquera.

    Le Président: Chers collègues, par inadvertance, je n'ai pas vu qu'un de nos collègues voulait rendre hommage à Joe Ghiz. La permission est-elle accordée de revenir aux hommages rendus à M. Ghiz?

    Des voix: D'accord.

    * * *

    LE DÉCÈS DE L'HONORABLE JOE GHIZ

    Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui au nom de mon collègue, le député de Sherbrooke, et du Parti progressiste conservateur pour rendre hommage à Joe Ghiz.

    Nous offrons nos plus sincères condoléances à l'épouse de M. Ghiz, Rose Ellen, à sa mère, Marguerite, et à ses enfants, Robert et Joanne.

    (1525)

    Le pays tout entier partage leur peine. Les Canadiens admiraient fortement le dévouement de Joe Ghiz pour les habitants de l'Île-du-Prince-Édouard et pour la population canadienne en général. Le Canada a perdu l'un des ses plus ardents défenseurs.

    M. Ghiz est devenu chef de l'opposition officielle en 1982 et a été premier ministre de 1986 à 1993. Après avoir quitté la politique, il a été nommé juge de la cour suprême provinciale.

    On se souviendra de lui comme étant l'homme qui a signé l'accord pour construire le pont reliant l'île au continent, un des

    rêves de M. Ghiz, mais il a construit beaucoup d'autres ponts dans notre Canada d'aujourd'hui.

    D'un bout à l'autre du pays, on se souviendra de lui pour son appui infatigable à l'égard des accords du lac Meech et de Charlottetown et pour son appui à l'égard d'un Canada uni. L'échec de ces deux accords a été un dur coup pour lui. Pourtant, malgré ces difficultés, il a toujours été considéré comme un gagnant par les insulaires et par les Canadiens d'un océan à l'autre.

    C'est toujours tragique lorsque quelqu'un nous quitte si jeune. Le pays a perdu un grand Canadien trop tôt.

    Les députés du Parti progressiste conservateur offrent leurs prières à la famille de Joe Ghiz. Il était un grand homme et sera beaucoup regretté.

    ______________________________________________


    6376

    AFFAIRES COURANTES

    [Traduction]

    RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

    M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 16 pétitions.

    * * *

    LES VOIES ET MOYENS

    AVIS DE MOTION

    L'hon. Douglas Peters (secrétaire d'État (Institutions financières internationales), Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 83(1) du Règlement, je désire déposer un avis de motion des voies et moyens visant à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Je dépose également les notes explicatives et je demande que l'étude de la motion soit inscrite à l'ordre du jour.

    * * *

    COMITÉS DE LA CHAMBRE

    LES RESSOURCES NATURELLES

    M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter dans les deux langues officielles le deuxième rapport du Comité permanent des ressources humaines, intitulé Rationaliser la réglementation en matière d'environnement dans le secteur minier: rapport final, le rapport provisoire ayant été déposé en décembre 1995.

    Le rapport réitère l'engagement du gouvernement envers la protection de l'environnement et propose un certain nombre d'initiatives de nature à stimuler les investissements dans le secteur minier grâce à une réglementation plus claire et plus efficace.

    Conformément à l'article 109 du Règlement, le comité demande que le gouvernement dépose une réponse globale à ce rapport dans les 150 jours qui suivent.


    6377

    LOI SUR LES FRAIS D'UTILISATION

    M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-349, Loi permettant l'examen et l'approbation par le Parlement des frais d'utilisation imposés par un organisme fédéral et exigeant la communication publique du montant des frais ainsi perçus.

    -Monsieur le Président, je suis heureux aujourd'hui de présenter mon projet de loi d'initiative parlementaire, Loi sur les frais d'utilisation. Au cours des 10 dernières années, le montant des frais d'utilisation que perçoit le gouvernement a doublé.

    Bien des gens sont inquiets de ce que depuis le temps que la fonction publique fait l'objet d'un examen plus approfondi de nombreux organismes gouvernementaux en profitent pour augmenter les frais d'utilisation afin de devenir des centres de profit pour le gouvernement et, ce faisant, d'éviter le couperet. Cela préoccupe grandement bien des gens, moi le premier.

    Dans le rapport du vérificateur général pour l'exercice 1993 on pouvait lire ceci: «Nous sommes préoccupés par le fait que le Parlement ne puisse pas aisément examiner les frais d'utilisation fixés dans les contrats et les moyens non réglementaires. Il n'existe pas au sein de l'appareil gouvernemental un résumé des droits imposés aux usagers dans l'ensemble de l'administration publique, des recettes ainsi recueillies et des textes législatifs qui en régissent l'établissement».

    (1530)

    La meilleure illustration de l'arbitraire des frais d'utilisation, c'est probablement le cas de l'Organisme de réglementation de la lutte contre les parasites. Son budget est passé de 14, 2 millions de dollars en 1994 à 34 millions de dollars en 1996 parce que le Parlement n'a pas examiné ce qui se passait dans les organismes de ce genre.

    J'exhorte mes collègues à lire la mesure législative et, s'ils ont des questions, à communiquer avec moi. J'espère qu'ils finiront pas l'appuyer.

    (Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

    * * *

    PÉTITIONS

    LE FONDS D'INDEMNISATION DES AGENTS DE LA SÉCURITÉ PUBLIQUE

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais présenter trois pétitions aujourd'hui.

    La première vient de Saint John, au Nouveau-Brunswick. Les pétitionnaires veulent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que nos policiers et nos pompiers risquent quotidiennement leur vie pour offrir les services d'urgence dont tous les Canadiens ont besoin.

    Ils précisent également que, dans bien des cas, les familles des pompiers ou des policiers tués dans l'exercice de leurs fonctions sont laissées sans moyens financiers suffisants pour subvenir à leurs besoins.

    Les pétitionnaires exhortent donc le Parlement à établir un fonds d'indemnisation des agents de la sécurité publique, qui recevrait des dons et des legs destinés aux familles de policiers et de pompiers tués dans l'exercice de leurs fonctions.

    LA FISCALITÉ

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient d'Oshawa, en Ontario.

    Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que diriger un foyer et prendre soin d'enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

    Par conséquent, ils prient le Parlement de prendre des mesures visant à aider les familles qui choisissent de s'occuper, à la maison, d'enfants d'âge préscolaire, de personnes âgées, de malades chroniques et de personnes handicapées.

    L'ÉTIQUETAGE DES BOISSONS ALCOOLISÉES

    M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.): Monsieur le Président, la dernière pétition vient de Mount Albert, en Ontario.

    Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que la consommation de boissons alcoolisées peut entraîner des problèmes de santé ou diminuer les capacités d'une personne, et notamment sur le fait qu'il est possible de prévenir totalement le syndrome d'alcoolisme foetal ainsi que d'autres malformations congénitales liées à l'alcool en évitant de consommer de l'alcool pendant la grossesse.

    Les pétitionnaires demandent donc au Parlement d'adopter une mesure législative visant à rendre obligatoire l'apposition sur les contenants de boissons alcoolisées d'étiquettes mettant en garde les futures mères et autres consommateurs contre les risques associés à la consommation d'alcool.

    LA JUSTICE

    M. Bill Gilmour (Comox-Alberni, Réf.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je suis heureux de présenter la pétition suivante, qui est signée par mes électeurs de Comox-Alberni.

    Cette pétition compte 4 028 signatures, portant le total à 5 528 signatures venant de pétitionnaires de ma circonscription. Cela représente 10 p. 100 des électeurs de ma circonscription, soit un pourcentage considérable.

    Les pétitionnaires demandent au Parlement de permettre aux citoyens canadiens de voter directement dans un référendum national exécutoire sur le rétablissement de la peine capitale pour les meurtres au premier degré.

    LE RÉSEAU ROUTIER

    M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole, conformément à l'article 36 du Règlement, pour présenter une pétition jugée correcte quant à la forme et au contenu.

    Les pétitionnaires, qui habitent Niagara Falls et la péninsule de Niagara, demandent au Parlement d'exhorter le gouvernement fédéral à se joindre aux gouvernements provinciaux pour construire un réseau routier national.


    6378

    LA JUSTICE

    M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une pétition signée par plus de 1 700 habitants de la circonscription de Peterborough, principalement des résidants des cantons de Belmont, Methuen et Asphodel et des villages de Havelock et Norwood.

    Il s'agit là de localités très isolées qui sont souvent oubliées lorsqu'on parle des services de police et de téléphone. Un pédophile a récemment été libéré dans une de ces localités.

    Les pétitionnaires demandent que la loi soit modifiée pour que les délinquants sexuels récidivistes ne soient jamais libérés d'un établissement correctionnel. La modification de la loi empêcherait qu'un récidiviste ne s'établisse dans quelque quartier que ce soit.

    J'exhorte le gouvernement à aller de l'avant avec le projet de loi C-55.

    LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

    Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour présenter deux pétitions.

    Dans la première, les pétitionnaires se disent préoccupés par la TPS injuste de 7 p. 100 sur les livres. Ils exhortent tous les paliers de gouvernement à manifester leur appui à l'éducation et à l'alphabétisation en supprimant la taxe de vente sur les livres. Ces pétitionnaires viennent de la Colombie-Britannique.

    (1535)

    LA CONDUITE AUTOMOBILE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

    Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, la deuxième pétition est présentée conformément à l'article 36 du Règlement. Les pétitionnaires demandent au Parlement d'apporter immédiatement au Code criminel des modifications permettant d'imposer à toute personne reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies ayant causé la mort d'autrui une peine d'emprisonnement de sept ans au moins et de quatorze ans au plus, comme le recommande le projet de loi C-201 d'initiative parlementaire parrainé par le député réformiste de Prince George-Bulkley Valley.

    LA FISCALITÉ

    M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, je présente cette pétition qui est jugée correcte quant à la forme et au contenu.

    Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas imposer les prestations d'assurance-maladie et d'assurance dentaire et d'écarter l'idée d'une telle mesure tant qu'il n'y aura pas une révision exhaustive du régime fiscal et de ses répercussions sur la santé des Canadiens.

    LA CONDUITE AUTOMOBLIE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

    M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter deux pétitions. La première demande au Parlement d'accroître la peine prévue dans le cas de conduite avec facultés affaiblies.

    LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

    M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, la seconde pétition demande au Parlement d'adopter une loi pour empêcher les criminels de retirer un avantage pécuniaire de leur activité criminelle.

    LA FISCALITÉ

    M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je désire présenter une pétition provenant de Thunder Bay, en Ontario. Les pétitionnaires désirent attirer l'attention de la Chambre sur le fait que diriger un foyer et prendre soin des enfants d'âge préscolaire est une profession honorable qui n'est pas reconnue à sa juste valeur dans notre société.

    Ils prient le Parlement de poursuivre des initiatives visant à aider les familles qui choisissent de s'occuper, à la maison, d'enfants d'âge préscolaire, de malades chroniques, de gens âgés et de personnes handicapées.

    * * *

    [Français]

    QUESTIONS AU FEUILLETON

    M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, on répondra aujourd'hui à la question no 72.

    [Texte]

    Question no 72-M. Morrison:

    Concernant les rapports axés sur les résultats à l'aide des priorités de programme de l'ACDI: a) quelle méthodologie emploie-t-on pour déclarer les résultats par priorité de programme des déboursés bilatéraux de l'ACDI consignés dans la Partie III du Budget principal des dépenses 1996-1997, b) comment l'ACDI décide-t-elle des montants à affecter à chaque priorité, c) en quoi les résultats des dépenses de l'an passé influeront-ils sur les déboursés de l'année prochaine, d) comment peut-on rattacher les 21,4 p. 100 de déboursés bilatéraux affectés à la satisfaction des besoins humains fondamentaux (selon le Budget principal) aux contributions réelles, aux contrats de service, etc. afin de profiter des leçons apprises au fil des ans et e) pourquoi les priorités de programme de l'ACDI ne sont-elles pas appliquées dans le cadre du Programme des pays en transition?
    L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): a) L'ACDI a conçu un mécanisme qui lui permet de suivre les décaissements au titre des six volets prioritaires définis dans l'énoncé de 1995 du gouvernement intitulé «Le Canada dans le monde.» Ses agents attribuent des codes aux projets en fonction de ces volets. Lorsqu'un projet touche plus d'un volet prioritaire, les décaissements sont répartis entre les volets traités, selon des pourcentages. À la fin de l'année, ce mode de répartition sert à mesurer les décaissements pour chacun des volets. Bref, l'ACDI recueille des données sur ses décaissements au titre de l'aide, selon les volets prioritaires, pour chacune des directions générales et pour l'ensemble de l'Agence.

    Un système d'examen du rendement des projets bilatéraux sera bientôt mis en place pour aider les gestionnaires et le personnel à appliquer une gestion axée sur les résultats, à tirer des leçons de


    6379

    l'expérience et à communiquer les résultats. Le système comporte, entre autres, deux éléments, à savoir le cadre des résultats et des principaux facteurs de réussite, qui servira à évaluer le rendement des projets, et un ensemble d'outils d'évaluation. Il permettra également à l'ACDI de communiquer les résultats de ses projets bilatéraux en fonction des volets prioritaires.

    b) Le gouvernement entend consacrer 25 p. 100 de l'aide publique au développement (APD) à la satisfaction des besoins humains fondamentaux. Les activités de l'ACDI font l'objet d'un suivi pour s'assurer que l'on progresse bien vers cet objectif. Aucun niveau d'affectations n'a été fixé pour les autres volets prioritaires. Les fonds sont plutôt répartis sur une base géographique, l'importance étant accordée de plus en plus à certains pays à faible revenu. Les programmes-pays et régions sont modifiés ou conçus en fonction des six volets prioritaires, ainsi que des besoins et des priorités de développement des pays.

    c) Le plupart des projets s'échelonnent sur trois à cinq ans. À plus court terme toutefois, les vérifications, les évaluations et les suivis des projets permettent de recueillir les données voulues et de modifier, au besoin, les activités.

    d) L'ACDI attribue des codes à ses projets en fonction des six volets prioritaires. Les projets font l'objet de suivis, de vérifications et d'évaluations afin que l'on puisse en tirer des leçons. L'ACDI examine actuellement le rendement de ses programmes au chapitre des besoins humains fondamentaux, exercice qui permettra de tirer des leçons d'une vaste gamme d'activités.

    e) Les six volets prioritaires définis dans l'énoncé «Le Canada dans le monde» s'appliquent au programme d'APD. Le Comité d'aide au développement de l'Organisation de coopération et développement économiques (OCDE) définit l'APD comme étant le transfert de fonds «à des pays en développement et à des institutions multilatérales, par des agences officielles (gouvernementales)». Ces fonds: (i) sont gérés dans le but premier de promouvoir le développement économique et le bien-être des pays en développement; (ii) sont octroyés à des conditions de faveur, le volet subventions représentant au moins 25 p. 100.

    La plus grande partie de l'aide fournie aux pays de l'Europe centrale et de l'Est (pays en transition) n'est pas considérée comme une aide publique au développement (seuls quelques pays de l'ancienne Union soviétique sont considérés comme des pays «en développement»). Les six volets prioritaires de l'APD, tels qu'ils sont définis dans «Le Canada dans le monde», ne s'appliquent donc pas à ce programme. Néanmoins, ce dernier tient compte de nombreuses politiques de l'ACDI, dont celles relatives au bon gouvernement, aux droits de la personne, au développement démocratique, à l'environnement et à l'intégration de la femme au développement.

    Bien que la responsabilité pour l'exécution du Programme de l'Europe centrale et de l'Est ait été transférée à l'ACDI en vertu de l'énoncé de la politique étrangère, les ministères des Affaires étrangères et du Commerce international continuent d'assurer l'orientation globale du programme.

    [Français]

    M. Zed: Monsieur le Président, je suggère que les autres questions soient réservées.

    Le Président: Est-on d'accord?

    Des voix: D'accord.

    * * *

    QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

    M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si la question no 39 pouvait être transformée en ordre de dépôt de document, ce document serait déposé immédiatement.

    Le Président: Est-on d'accord?

    Des voix: D'accord.

    [Texte]

    Question no 39-M. Adams:

    Le gouvernement a-t-il donné suite aux recommandations 104 à 110 inclusivement formulées au Chapitre 13, «Le Nord», du rapport du Comité permanent de l'environnement et du développement durable intitulé «Notre santé en dépend! Vers la prévention de la pollution. L'examen de la LCPE» de juin 1995?
    (Le document est déposé.)

    * * *

    [Français]

    DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

    LES LIGNES AÉRIENNES CANADIEN INTERNATIONAL

    M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, en vertu de l'article 52 du Règlement, j'aimerais par la présente réclamer la tenue d'un débat d'urgence sur l'avenir des Lignes aériennes Canadien International.

    Comme vous le savez sans doute, cette entreprise est en situation de crise. Vendredi dernier, le 15 novembre, les membres du conseil d'administration ont annoncé leur démission en bloc, craignant d'être tenus financièrement responsables d'une éventuelle faillite.

    Les efforts faits depuis quelques années pour sauvegarder cette entreprise ont pourtant été nombreux et importants, autant par les employés, les gouvernements, que les investisseurs. En 1992, un vaste plan de restructuration de 1,6 milliard de dollars a été mené sous la forme d'un transfert de 800 millions de dollars de dettes en capital-actions, d'une mise de fonds de 246 millions de dollars d'American Airlines, d'une injection de 200 millions de dollars de la part des employés, de prêts gouvernementaux de 120 millions de dollars, du rachat de trois Airbus par le gouvernement fédéral pour 150 millions de dollars, alors que leur valeur marchande était de moins que la moitié, d'un contrat de service pour ces trois Airbus de 40 millions de dollars, d'une protection par le gouvernement fédéral du monopole de Canadian sur les routes les plus lucratives de l'Asie, etc., et j'en passe.

    6380

    Pourtant, force est de constater aujourd'hui que la compagnie continue de croupir sous les dettes et que ce n'est pas une aide financière du gouvernement fédéral qui pourrait la sortir de son sérieux pétrin. Malgré toutes les faveurs et tous les efforts du gouvernement, les profits semblent inaccessibles pour Canadian.

    Le gouvernement fédéral ne peut cependant rester un observateur inactif devant cette débâcle. La faillite de Canadian pourrait représenter la perte de plus de 16 400 emplois au pays et entraîner le transfert de milliers d'emplois du Canada vers les États-Unis notamment.

    (1540)

    Il importe donc de discuter, en toute urgence, de l'avenir de Canadien International. Ce débat d'urgence qui s'impose permettrait de mettre en lumière les possibilités qui s'offrent aux parlementaires canadiens et québécois et ferait connaître les lignes directrices du gouvernement afin d'éviter un trop grand chambardement dans l'industrie du transport aérien au pays.

    En conséquence, je vous demande, monsieur le Président, de considérer favorablement ma demande de débat d'urgence.

    DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

    Le Président: Mon cher collègue, j'ai bien reçu l'avis que vous m'avez fait parvenir plus tôt aujourd'hui. Quoique ce sujet soit fort important, à mon avis, cela ne rencontre pas les exigences pour un débat d'urgence à ce moment-ci.

    ______________________________________________


    6380

    INITIATIVES MINISTÉRIELLES

    [Traduction]

    LA RÉGION DES GRANDS LACS D'AFRIQUE

    La Chambre reprend l'étude de la motion.

    Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je veux vous rendre compte ainsi qu'à la Chambre, des événements remarquables de la semaine dernière et des raisons qui ont incité le Canada à prendre les devants pour mettre sur pied une mission d'aide aux masses de réfugiés affamés d'Afrique centrale.

    Comme chacun sait maintenant, la situation s'est grandement améliorée au Zaïre depuis que nous avons lancé notre initiative la semaine dernière. De retour au Rwanda, les réfugiés ont croisé la frontière par centaines de milliers. Ce changement serait dû à la détermination démontrée par la communauté internationale, sous l'impulsion du Canada.

    Beaucoup a été dit et écrit sur les gestes de notre gouvernement, sur notre décision de briser l'impasse aux Nations Unies, sur notre effort de mobilisation de la communauté internationale, et sur l'offre canadienne de diriger une mission multinationale dangereuse, mais combien essentielle.

    [Français]

    Cela étant dit, le Canada est passé à l'action parce que, en toute conscience et par respect pour la dignité humaine, c'est ce qu'il fallait faire. Nous avons agi parce que deux guerres mondiales et 40 ans de maintien de la paix nous ont appris que le monde ne peut simplement pas détourner le regard lorsque le désastre et la catastrophe surviennent.

    Nous avons agi parce que, dans la profondeur de leur âme, les Canadiens ont une conscience aiguë d'être des citoyens du monde, qu'ils prennent cette responsabilité très au sérieux, et que lorsque vient le temps de se tenir debout, le Canada est là.

    [Traduction]

    Cette conviction nous a animés à travers deux guerres mondiales et 40 ans de maintien de la paix. Comme pays le plus privilégié au monde, nous avons compris et mis en valeur la responsabilité qui découle de notre citoyenneté mondiale.

    Il n'y a aucun mystère dans notre impulsion, aucun calcul, aucune arrière-pensée. Le gouvernement l'a ressentie. Les chefs des quatre partis d'opposition, que nous avons consultés, l'ont ressentie. Les hommes et les femmes des forces armées, qui, sans hésitation, étaient prêts à se mobiliser, l'ont ressentie. Nos diplomates en poste dans le monde entier, ainsi que des fonctionnaires des ministères des Affaires étrangères, de la Défense et de l'ACDI, qui ont contribué à planifier et à organiser cette mission, l'ont ressentie. Les Canadiens d'un bout à l'autre du pays l'ont ressentie.

    Alors, la décision du gouvernement d'agir, d'en appeler à la communauté internationale, n'a pas été difficile à prendre. Mais elle n'a pas été prise à la légère. On ne décide jamais à la légère de mettre des hommes et des femmes dans des situations dangereuses, même quand ils font partie d'une grande force internationale. Mais cette décision allait de soi. Elle a été prise sans tambour ni trompette, sans dramatisation et sans prétention. Nous avons plutôt agi avec la discrétion typique et le pragmatisme qui caractérisent les Canadiens. Il y avait un travail à faire et nous étions prêts à nous en charger.

    (1545)

    [Français]

    En fait, notre décision n'était donc pas excessivement remarquable. Ce qui l'était cependant, c'est la réaction de la communauté internationale. J'aurais souhaité que chaque Canadien puisse entendre les conversations téléphoniques que j'ai eues, la semaine dernière, avec les dirigeants d'autres pays.

    Des dirigeants des pays les plus riches et puissants, à ceux des plus petits pays en développement, en passant par le secrétaire général des Nations Unies, M. Boutros Boutros-Ghali, la réaction était forte et allait dans le même sens: le Canada est un fidèle gardien de la paix, un médiateur honnête, une force morale et humanitaire qui rayonne autour du monde-c'est ce que les chefs d'État et de gouvernement du monde entier m'ont répété.

    Il est parfois utile de relever la tête, de faire le vide un instant et de se regarder à travers les yeux des autres. La semaine dernière, dans nos appels aux pays du monde entier, dans notre présence aux Nations Unies, dans l'engagement rapide et approprié du général


    6381

    Baril et de ses collègues, le monde a entendu la voix de la raison et de la compassion, la voix d'un pays jeune qui ne porte pas le poids d'une histoire si lourde pour tant d'autres pays, un pays bilingue et diversifié qui connaît l'importance du compromis et de la compréhension mutuelle.

    [Traduction]

    Ils ont vu un pays qui n'avait aucun intérêt personnel à défendre dans son appel à l'action. Un pays qui a fait ses preuves dans des opérations de maintien de la paix et des opérations militaires délicates. Un pays qui a la crédibilité voulue pour organiser l'effort international et la capacité de l'exécuter.

    Ils ont compris que notre histoire, notre expérience et notre réalité font de nous un pays unique pour accomplir cette tâche urgente. Un pays sans passé colonial en Afrique. Un pays bilingue qui a des liens avec cette région francophone du monde et qui est capable d'y fonctionner. Un acteur sur la scène internationale, à la fois membre du G7 et puissance moyenne.

    Voilà les raisons pour lesquelles nous avons lancé notre initiative la semaine dernière. Voilà pourquoi nous avons réussi à convaincre la communauté internationale de se joindre à nous. Mais il ne s'agit que d'un prologue à l'opération humanitaire proprement dite. Les Canadiens ont le droit de savoir dans quoi nous nous sommes engagés et ce à quoi nous pouvons raisonnablement nous attendre.

    En ce moment, plus de 400 000 réfugiés sont rentrés au Rwanda, dans la région de Goma. On s'attend à ce que 150 000 autres traversent la frontière au cours des deux prochains jours. Ce sont là de bonnes nouvelles, mais on ne doit pas perdre de vue que les affrontements continuent dans la région et que la situation est très volatile.

    [Français]

    Nous savons que l'évolution de la situation va affecter la mission. Laissez-moi vous dire ce qui a été fait pour en tenir compte. Hier, nous avons annoncé une nouvelle aide humanitaire pour répondre aux besoins changeants sur place. Et nous avons envoyé le général Baril, le principal dirigeant de la Force internationale, dans la région pour évaluer lui-même la situation.

    Le Canada et tous les pays engagés dans cet effort humanitaire sont en contact étroit. Nous nous réunirons avec les représentants d'autres pays à Stuttgart, jeudi, pour discuter des répercussions de ces événements sur la mission militaire proposée. Le secrétaire d'État pour l'Afrique se rendra sur le continent africain au cours de la semaine pour y consulter des gouvernements. Et au cours des prochains jours, le Canada convoquera une réunion des pays qui apportent une aide humanitaire dans le but de mobiliser les efforts en faveur des réfugiés qui rentrent dans leur pays.

    (1550)

    [Traduction]

    Mais la communauté internationale doit poursuivre ses efforts pour faciliter la tâche des organisations civiles de secours qui dispensent l'aide humanitaire à ceux et celles qui souffrent, ce dont nous sommes témoins tous les soirs à la télévision. Et pour faciliter le retour des réfugiés qui veulent rentrer dans leur foyer au Rwanda.

    Le Canada continuera donc de diriger les efforts de la communauté internationale. Tous ensemble pour mettre un terme à la souffrance.

    [Français]

    Pour le Canada, la semaine dernière a été un moment très spécial, un moment dont nous pouvons tous être fiers. Nous ne savons pas exactement ce que les jours et les semaines à venir nous réservent. Et au cours de ces moments difficiles, nous devons rappeler le but de cette mission. Dans un siècle ravagé par les guerres et les agressions diverses, cet engagement n'a rien à voir avec la conquête ou la gloire.

    [Traduction]

    Nous n'engageons pas le combat contre un ennemi. Notre seul ennemi, c'est la souffrance humaine. Nous combattons la faim et la maladie. Notre seul adversaire, c'est la douleur et la misère.

    Nous avons déjà gagné une première bataille contre l'aveuglement moral et l'égoïsme en mobilisant la communauté internationale autour d'une action commune. Faisons maintenant ce qu'il faut pour terminer notre tâche.

    [Français]

    Le vice-président: Malheureusement pour le chef de l'opposition, la parole est maintenant au représentant du Parti réformiste.

    M. Gauthier: Vous ne me reconnaissez pas, monsieur le Président?

    Le vice-président: Il semble qu'il y ait eu une entente, avant l'intervention du premier ministre, selon laquelle chaque parti parle à tour de rôle, et c'est maintenant le tour du Parti réformiste.

    M. Gauthier: Chacun son tour, mais là, ce n'est pas mon tour.

    [Traduction]

    M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, j'interviens au nom des électeurs de Okanagan-Similkameen-Merritt au sujet de la motion dont la Chambre est saisie aujourd'hui, dans ce débat d'information sur les engagements actuels et futurs au Zaïre.

    Le Canada a apparemment accepté de prendre le commandement de la mission au Zaïre. Les intentions du gouvernement sont nobles. Toutefois, le gouvernement a procédé de façon irréfléchie et sans objectifs précis. C'est pourquoi le Parti réformiste ne peut appuyer cette mission au Zaïre.

    Mon collègue de Red Deer, le porte-parole du Parti réformiste pour les affaires étrangères, a exposé la position du Parti réformiste en insistant particulièrement sur l'angle de la politique étrangère. Je vais à présent évaluer cette mission sous l'angle militaire.

    À mes yeux et à ceux des autres députés, ce débat d'information n'est qu'un tour de passe-passe. Nous aimerions que les députés de


    6382

    la Chambre des communes soient consultés. Or, ce qui ressortira du débat d'aujourd'hui ne fera pas l'objet d'un vote.

    Il y a plus d'une semaine que les médias rapportent que le gouvernement a décidé d'envoyer des troupes au Zaïre. Les hauts fonctionnaires de la Défense ont dit au cabinet que nous avions la capacité de participer à cette force. Les préparatifs sont déjà en cours depuis un certain temps.

    Le Parti réformiste n'a pas encore assez d'informations pour appuyer la décision du gouvernement de prendre le commandement de la mission au Zaïre. Les Canadiens reconnaissent l'importance de veiller à la stabilité au Zaïre, au Rwanda, au Burundi et dans la région, de voir au retour des réfugiés dans leur pays d'origine et de venir en aide aux personnes qui souffrent de malnutrition et de faim. Cette mission sera extrêmement dangereuse et les Canadiens devraient en être parfaitement conscients.

    Cette mission est dangereuse et ce n'est pas une mission de maintien de la paix. Des troupes aptes au combat sont nécessaires pour cette mission au Zaïre. Il ne s'agit pas pour nous de surveiller des armées ennemies, mais de contribuer à assurer l'aide humanitaire aux réfugiés de la région et à leur ménager un corridor sûr qu'ils pourront emprunter pour retourner dans leur pays d'origine.

    (1555)

    Seulement trois jours après l'annonce de cette mission, j'ai assisté à une séance d'information organisée par des officiers supérieurs des Forces canadiennes, qui m'ont confirmé que, pour diverses raisons, le Canada n'était pas en mesure de soutenir trois missions importantes en même temps. Nos forces de maintien de la paix sont déjà en poste à Haïti et en Bosnie. Notre mission au Zaïre sera donc la troisième de cette importance.

    Seulement trois jours après que les représentants de la défense ont confirmé que nous n'étions pas en mesure de réaliser trois missions, le premier ministre a annoncé que nous le pouvions, sans aucun doute. Nous voudrions bien être en mesure de doter cette mission des forces nécessaires, mais le gouvernement n'a pas prouvé qu'il était en mesure de la mener à bien, et les militaires ou les forces armées ne sont pas à blâmer. Nos forces sont les meilleures du monde quand on leur en donne les moyens, quand elles ont le matériel qui leur permet d'être les meilleures. Quand les ministres parlent de missions comme celle-ci, on entend souvent dire: «J'en ai discuté avec des militaires, et les militaires disent qu'ils sont prêts à partir et qu'ils sont capables de le faire.»

    J'ai été membre des Forces canadiennes. En 1974, quand mon navire, le NCSM Gatineau, a dû se rendre au Vietnam pour participer au retrait des troupes américaines, j'étais prêt à partir, disposé à y aller et à la hauteur de la situation. Je voulais y aller. Malheureusement, à cette époque, j'étais en formation, à Halifax, à l'école de la flotte. Le commandant m'a convoqué dans son bureau, et il m'a demandé: «Hart, aimeriez-vous participer à cette mission à bord de votre navire? Cela voudrait dire que vous abandonnez la formation avant la fin de votre cours.» J'ai dit: «Monsieur, je suis prêt, disposé à y aller et à la hauteur de la situation. Je veux participer à cette mission.» Malheureusement, on a pris la décision de me garder au Canada pour que je termine mon cours. Je n'ai donc pas pu aller patrouiller la côte vietnamienne à bord de mon navire.

    Voilà la réponse que nous donneront tous les militaires des Forces canadiennes, hommes et femmes. Bien sûr qu'ils sont prêts, disposés et à la hauteur, et qu'ils veulent participer aux missions, puisque c'est pour cela qu'ils s'entraînent. Cela ne change rien à la responsabilité du gouvernement de s'assurer qu'ils ont les moyens de remplir leur mission et qu'ils sont assez nombreux pour la mener à bien jusqu'à la fin.

    Le Parti réformiste est préoccupé par la façon dont le gouvernement traite les questions de défense. L'une des tâches les plus importantes de tout gouvernement national, c'est de soutenir des forces de combat suffisantes pour qu'elles permettent d'appliquer la politique de défense de la nation. Ce n'est pas seulement souhaitable, c'est une nécessité et une responsabilité que tout gouvernement national qui se respecte doit assumer. En ne respectant pas cette exigence, le gouvernement abdiquerait ses responsabilités.

    Il n'y a pas si longtemps, le gouvernement libéral a modifié une politique de défense vieille de 50 ans en disant que le Canada n'a pas à maintenir des forces terrestres aptes au combat, parce que ce n'est pas nécessaire. En fait, c'est le ministre des Affaires étrangères qui a dit aux Canadiens qu'il pensait que le Canada n'avait pas de forces aptes au combat. Et le voilà qui envoie ces mêmes troupes, dont il a dit qu'elles n'étaient pas aptes au combat, en première ligne.

    L'ancien chef d'état-major de la Défense a dit aux Canadiens que les forces terrestres n'étaient pas équipées pour une guerre sérieuse. Voici ce qu'il a dit: «Si le gouvernement me demandait d'intervenir avec le matériel dont je dispose aujourd'hui sur un théâtre où les combats risquaient d'être très intenses, je serais obligé de refuser.» Ce sont les propres paroles de l'ancien chef d'état-major de la Défense, qui jouit toujours de l'appui du gouvernement. Le chef d'état-major de la Défense qu'il avait lui-même sélectionné pense que nous ne sommes pas en mesure de mener à bien cette mission.

    L'ancien ministre de la Défense, contredisant son propre livre blanc, a dit que la remarque du général Boyle était assez juste, ajoutant qu'elle était conforme au livre blanc de 1994 sur la défense.

    Puis le ministre des Affaires étrangères est allé encore plus loin, contredisant la politique de son gouvernement en matière de défense en ces termes: «Les achats de la Défense se font surtout en prévision des missions de maintien de la paix, car telle est la nature de notre monde en évolution. La notion que nous puissions être à nouveau engagés dans un conflit de l'ampleur de la Deuxième Guerre mondiale semble improbable.»

    Nos forces armées doivent être avant tout composées de professionnels aptes au combat; ce n'est qu'à ce moment-là qu'elles pourront convenablement maintenir la paix et apporter de l'aide humanitaire à travers le monde. Si le ministre de la Défense nationale ou qui que ce soit au Cabinet voulait bien m'écouter aujourd'hui, je dirais au gouvernement de faire quatre choses.

    Premièrement, stabiliser les Forces armées canadiennes. Je l'exhorterai à étudier le rapport du comité mixte spécial qui dit que des


    6383

    effectifs de 60 000 soldats, chiffre vers lequel nous nous dirigeons, sont insuffisants pour tenir nos engagements internationaux.

    (1600)

    Deuxièmement, s'assurer que nos forces terrestres, aériennes et navales sont aptes au combat. Troisièmement, leur donner la formation et le matériel nécessaires. Quatrièmement, je demanderais au gouvernement de fixer le nombre de soldats pouvant être envoyés à l'étranger en mission de maintien de la paix, ainsi que le nombre de missions auxquelles nous pouvons participer simultanément. Je vais dire à la Chambre pourquoi c'est important.

    Chaque mission de 1 000 militaires engagée dans un pays étranger occupe 3 000 personnes car 1 000 militaires doivent s'entraîner et se préparer à remplacer ceux qui se trouvent sur place, il y a 1 000 personnes sur le théâtre des opérations et 1 000 soldats en reviennent et doivent attendre au moins 18 mois avant de participer à nouveau à une mission internationale de maintien de la paix.

    Un engagement international de 1 000 militaires en engage donc 3 000 en réalité. Par conséquent, si l'on tient compte de la Bosnie, d'Haïti et maintenant du Zaïre, nous aurons quelque 3 300 militaires déployés sur un théâtre d'opérations extérieur. Cela occupera près de 10 000 militaires de notre force terrestre, qui compte environ 24 000 personnes. Ce sera un fardeau sans précédent pour les Forces armées canadiennes.

    Cependant, le gouvernement et le ministre de la Défense n'ont rien fait à l'égard de ce que j'ai mentionné. Nous attendons toujours l'achat des sous-marins qui nous assureraient une marine apte au combat. Nous attendons toujours une décision quant au remplacement des hélicoptères Sea King. En fait, un autre Sea King s'est écrasé jeudi dernier.

    Le gouvernement affirme sans cesse que tout va bien, mais entre temps, nos hélicoptères Sea King s'écrasent au sol. Nos ingénieurs, nos pilotes et nos équipes d'entretien ne réussiront pas éternellement à les faire voler en les maintenant avec du ruban, de la gomme et de la ficelle. L'exploit de nos hommes et de nos femmes qui ont remporté la compétition Guillaume Tell et se sont classés «as de chasse» témoigne de l'ingéniosité et de la compétence des Canadiens.

    Le gouvernement devrait assurer l'aptitude au combat qui a fait l'objet d'un chapitre complet dans le livre blanc de 1994. Il est fort louable de la part du ministre des Affaires étrangères d'engager nos forces armées pour poursuivre les objectifs de la politique étrangère du gouvernement libéral. Cependant, nos militaires ne doivent pas être formés uniquement en vue du maintien de la paix. Ils doivent demeurer des professionnels aptes au combat. Voilà comment nos troupes canadiennes ont acquis leur réputation bien méritée tout au long de la Première et de la Seconde Guerre mondiale, de la guerre de Corée et de la guerre du golfe et durant les missions de maintien de la paix au cours des 50 dernières années. Il faut munir nos soldats des outils appropriés. Il faut leur confier un mandat clair et bien définir les règles d'engagement afin qu'ils puissent s'acquitter de leurs tâches comme il faut et avec un minimum de risques pour leur propre vie.

    Notre préoccupation est double: sauver des vies au Zaïre et assurer la sécurité de nos troupes. Les libéraux peuvent se livrer à des jeux de coulisses pour engranger quelques votes de pacifistes si ça leur chante, mais ils ne doivent pas oublier que la vie de soldats canadiens est en jeu. Ce n'est pas une partie de plaisir qui attend ces hommes et ces femmes en uniforme au Zaïre. Ils vont pénétrer dans une des régions les plus gravement ravagées par la guerre du globe, où des centaines de milliers, sinon des millions, de gens vivent privés de tout. C'est une situation très dangereuse et il faut éviter d'agir à la légère.

    Sur le plan humain, il y a toujours un prix à payer dans ces cas-là, mais ceux qui vont le payer, ce ne sont pas ces ministres libéraux aux poches pleines qui sirotent un cappucino pendant que nos hommes et nos femmes en uniforme risquent leur vie à cause de décisions politiques prises à la sauvette.

    Combien de députés à la Chambre savent combien notre mission en Bosnie a coûté sur le plan humain? Et je ne parle pas des suicides, des familles séparées et de la névrose post-traumatique. Est-ce que les libéraux savent combien il y a eu de victimes chez les Canadiens en Bosnie? Bien peu le savent, je parie. Il y a eu 120 victimes canadiennes, dont 12 morts. Je ne sais pas ce qu'en pensent les autres dans cette enceinte, mais quand des hauts gradés disent aux députés à la Chambre que nous ne saurions participer à trois missions internationales d'envergure à la fois et quand l'ancien chef de l'état-major de la défense et le ministre des Affaires étrangères s'interrogent sur le potentiel de combat de notre armée, je suis en droit de me demander si nous avons vraiment les moyens de prendre part à ce troisième engagement d'envergure.

    (1605)

    Avec tous ces renseignements, je ne suis pas aussi rapide que mes amis libéraux pour décider d'envoyer nos soldats au Zaïre. Je voudrais être bien clair. En principe, nous devrions être en mesure d'aller au Zaïre. Toutefois, pour que la mission au Zaïre soit un succès et pour enlever un peu de tension à nos soldats, nous devrions peut-être envisager de nous retirer de Bosnie.

    Il est temps de confier la responsabilité de toutes les opérations de maintien de la paix en Bosnie aux pays européens. Je répète. Le Parti réformiste appuie le principe du commandement d'une mission internationale au Zaïre. Toutefois, du point de vue des ressources militaires et humaines, nous devrions peut-être quitter la Bosnie et la mission de l'IFOR. Il n'y a pas de honte à admettre que nous ne pouvons pas être partout.

    Nous devons établir des priorités claires. Nous avons des troupes en Bosnie, à Haïti et maintenant au Zaïre. Ce que les Canadiens aimeraient savoir, c'est si ces missions sont dans l'intérêt de la nation et, si elles le sont, comment on les réalise avec notre petite armée et nos ressources limitées.

    Le Canada a fait largement sa part dans l'ex-Yougoslavie et il est temps de passer le flambeau à d'autres.


    6384

    Le ministre de la Défense nationale nous dit que la mission au Zaïre ne durera que six mois. Je pense que c'est être extrêmement naïf. Dois-je rappeler que l'impôt sur le revenu n'était qu'une mesure temporaire? On nous avait dit, en 1971, que la Bosnie serait un engagement de courte durée. Nous y sommes depuis cinq ans. La mission en Haïti est sans cesse prolongée. La semaine dernière encore, on a demandé à l'ONU de prolonger son mandat de neuf mois, c'est-à-dire jusqu'à la fin juillet 1997.

    En ce qui concerne la question de la prolongation des missions, lorsqu'on a demandé au ministre des Affaires étrangères combien de temps nous resterions au Zaïre, il a donné la réponse libérale classique: quatre à six mois. Cependant, il a déjà laissé entendre qu'il s'attendait à ce qu'il soit nécessaire de maintenir une force sur place dans le cadre d'une nouvelle phase suivant la phase initiale de six mois.

    Le gouvernement a l'intention de maintenir nos troupes sur place pendant des années peut-être. Il ne veut tout simplement pas le reconnaître à ce stade-ci. Il refuse d'être franc envers les Canadiens sur ses véritables intentions. Combien de temps entend-il rester au Zaïre? Si on prévoit que les six premiers mois vont coûter 100 millions de dollars, combien la prolongation de la mission va-t-elle coûter?

    Le ministre de la Défense a déclaré qu'il pouvait trouver ces 100 millions de dollars dans son budget. La façon de calculer des libéraux n'en finit pas de me surprendre. Ce ministre a un budget pour lequel on a prévu certains crédits. Or, je ne me rappelle pas avoir vu dans le budget des dépenses des postes pour une mission au Zaïre ou pour une caisse noire de maintien de la paix de 100 millions de dollars. D'où vient donc cet argent? Je ne dis pas qu'il ne faut pas envoyer des troupes là-bas, je veux simplement savoir précisément où on va prendre l'argent.

    Je sais que le budget prévoyait l'acquisition de sous-marins, ainsi que d'hélicoptères pour remplacer les Sea King, mais va-t-on les sacrifier à la mission au Zaïre? Il est tout à fait regrettable que le gouvernement libéral finance cette mission en prenant de l'argent dans un projet d'achat extrêmement utile.

    Le nouveau ministre de la Défense prétend vouloir rétablir le moral des troupes. Je tiens à le féliciter de sa décision de décerner des médailles pour la Somalie, chose qui se faisait attendre depuis longtemps, ainsi que pour l'achat de gilets pare-balles et de casques qui, dans une certaine mesure quand même, contribue à améliorer le moral des troupes. Cependant, ce n'est pas en venant piger dans le programme d'achat de sous-marins ou d'hélicoptères qu'on va résoudre le problème de moral. Au contraire, cela va nuire au moral des forces armées.

    Il incombe au ministre de bien équiper nos troupes. Pour cela, il doit notamment donner à la marine ses sous-marins et à l'aviation, ses hélicoptères. Il ne devrait pas se décharger de ses responsabilités parce que son bon ami des affaires étrangères veut utiliser les forces armées pour favoriser la réélection d'un gouvernement libéral.

    Les Canadiens ont confiance dans la capacité de nos forces armées. Cependant, ils n'ont pas autant confiance dans la capacité du gouvernement libéral de diriger nos soldats. Les Canadiens exhortent le gouvernement à assumer enfin ses responsabilités. Nous avons atteint le point critique où d'autres compressions et réductions dans nos forces armées vont les transformer en une fanfare impuissante.

    (1610)

    Les événements qui se sont produits au cours de la fin de semaine ont bouleversé le mandat de la mission et dépassé complètement le gouvernement libéral. La mission initiale consistait à établir un corridor sécuritaire et à apporter une aide humanitaire aux réfugiés dans les camps. Or, ces réfugiés se déplacent maintenant. Ils rentrent chez eux. Le ministre des Affaires étrangères veut maintenant que nos troupes se baladent dans tout le Zaïre pour trouver quelque 700 000 autres réfugiés qui errent dans la campagne. Les libéraux essaient, mais en vain, de trouver un motif pour justifier notre présence là-bas.

    Même les pays hôtes ne veulent pas de nous. En fait, les troupes canadiennes ont dû débarquer de l'avion sans leurs armes, car le Rwanda ne veut pas de nos soldats là-bas. Est-ce le genre de situation auquel nos troupes doivent s'attendre?

    Le ministre de la Défense a promis des règles d'engagement très fermes. Est-ce que cela comprend l'envoi de nos troupes sans leurs armes?

    Cette mission se désagrège. Le gouvernement devrait simplement le reconnaître et mettre en sûreté nos soldats en attendant que nous puissions clairement définir leur mission.

    Nos gardiens de la paix ont servi pendant un quart de siècle à Chypre. Aujourd'hui, quelques années à peine après leur départ, les Chypriotes grecs et turcs s'entretuent.

    En conclusion, je voudrais citer l'ancien président du Commandement de la Légion royale canadienne. Il a déclaré: «L'armée ne peut envoyer une division bien équipée et il serait même difficile d'envoyer une brigade complètement indépendante. On aurait du mal à lui fournir les ressources humaines et matérielles voulues. Pourtant, les membres loyaux des forces continuent de servir, bien souvent dans des conditions extrêmement difficiles qui s'apparentent à la guerre et qu'on peut imaginer. Avec nos 60 000 militaires, nous avons moins de combattants pour défendre nos intérêts qu'il n'y a d'avocats au Canada.»

    Nous voulons que nos troupes sachent que nous appuyons leurs efforts d'aide où qu'elles se trouvent dans le monde. Quelle que soit la mission que le gouvernement leur confie, le Parti réformiste exhortera toujours le gouvernement à s'assurer qu'elles soient suffisamment nombreuses, qu'elles soient bien équipées et bien appuyées.

    [Français]

    M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, je voudrais saluer la décision gouvernementale de prendre des initiatives dans le dossier qui nous préoccupe aujourd'hui parce que, depuis trois semaines, à huit occasions, l'opposition officielle a demandé au gouvernement d'assumer un leadership dans ce dossier. Il nous apparaissait essentiel que tous les Canadiens se serrent les coudes et puissent apporter leur contribution pour


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    faire en sorte que la situation s'améliore dans cette partie du monde qui, de toute évidence, n'est pas avantagée dans le contexte actuel.

    Nous sommes heureux, donc, du leadership que le Canada exerce, et c'est pour cela qu'au nom de ma formation politique j'ai, avec plaisir, dit au ministre des Affaires étrangères que nous appuyions cette initiative.

    Les événements n'ont cessé et ne cessent de se bousculer. La situation, le premier ministre l'a dit, évolue d'heure en heure dans cette partie du monde et, au départ, il faut bien se rappeler que 1,2 million de personnes, des réfugiés, étaient bloquées au Zaïre. Tout à coup, à la surprise générale, 400 000 réfugiés sont retournés au Rwanda; 100 000 autres seraient sur la route, au moment où on se parle, et les chiffres évoluent, puisque la situation évolue constamment; 100 000 seraient en fuite vers l'ouest du Zaïre à cause des combats, et 500 000 à 600 000 personnes seraient encore bloquées dans des camps de réfugiés.

    S'il y a des situations où il faut être capables de faire preuve d'altruisme et de passer outre aux intérêts quotidiens de la Chambre des communes pour intervenir de façon regroupée entre formations politiques, c'en est bien une.

    (1615)

    Le premier ministre devrait recevoir sous peu un rapport du lieutenant-général Maurice Baril qui est parti en mission de reconnaissance hier.

    Un certain nombre de consensus se sont dégagés autour de toute cette situation. D'abord, on sait tous que le Canada ne peut intervenir seul. C'est une chose qui est claire, qui est acceptée par le gouvernement et que l'opposition partage également. Nous n'avons pas les possibilités matérielles d'intervenir efficacement si nous sommes seuls.

    Mais le rôle du Canada est essentiel en ce sens qu'on peut se servir de notre prestige international pour convaincre les gens de la communauté internationale. Il importe que le Canada joue un rôle de leadership pour maintenir le dialogue et faire en sorte qu'on trouve un consensus, qu'on puisse s'entendre sur la façon la plus efficace d'intervenir et de mettre fin à la situation tragique que vivent ces gens-là.

    Nous sommes en mesure de faire en sorte que les gouvernements en place acceptent la présence des troupes multinationales sur leur territoire. Il y a actuellement du travail qui se fait au niveau diplomatique. Nous en sommes, nous souhaitons tous que des solutions soient trouvées, que les accords nécessaires soient obtenus afin que les choses se fassent comme elles doivent se faire. Il sera important, le premier ministre en a parlé, qu'à la réunion de jeudi, à Stuttgart, le Canada fasse preuve de leadership pour que les gens s'entendent sur les ajustements à apporter au mandat des Nations Unies, pour faire en sorte que les choses soient claires. On a besoin d'une situation qui soit limpide.

    Cependant, j'aimerais donner quelques avis au gouvernement. L'opposition officielle serait intéressée à ce que le gouvernement puisse suivre un certain nombre des conseils que nous allons lui donner à compter de maintenant.

    Pour les gens qui sont retournés au Rwanda, ceux qui déjà ont posé ce geste de retourner chez eux, il est important que nos troupes maintiennent la sécurité. Il faut que ces gens puissent retrouver leur milieu dans une certaine quiétude. Il faut éviter qu'un massacre puisse survenir, et les troupes canadiennes auront certainement cette mission de favoriser la sécurité de ceux qui sont revenus au Rwanda.

    Il faut également que le Canada mette en toute priorité ces actions-je pense que le premier ministre, là-dessus, était d'accord-pour fournir une aide humanitaire tout au long du parcours de ceux qui sont encore sur la route, malheureusement. Il faut également, pour ceux qui seront revenus chez eux, qui vivront très certainement des heures angoissantes, des journées difficiles, que le Canada fasse en sorte que eau, nourriture, médicaments puissent être fournis à toute cette population. Il faut surtout s'assurer, évidemment, qu'il n'y ait pas de répétition des horreurs que nous avons déjà connues dans ce secteur.

    Pour les gens qui sont encore pris au Zaïre, soit 700 000 personnes, ce n'est pas peu 700 000 personnes, il est important que le Canada contribue à créer des couloirs humanitaires pour permettre que l'aide soit acheminée. Tous et chacun, je pense que personne dans cette Chambre, personne dans ce pays n'a pas été émue de voir la situation épouvantable dans laquelle se retrouvaient notamment de très nombreux enfants, des milliers d'enfants. On ne peut pas rester insensibles et l'apport de l'armée canadienne, l'apport des Casques bleus qui permettront de créer ces couloirs pour acheminer eau, nourriture et médicaments nous apparaît de toute première importance.

    Enfin, l'armée canadienne pourra intervenir, travailler pour favoriser le retour de ces gens-là, un retour volontaire, mais un retour qui pourra se faire dans la sécurité. Cela va de soi que nos troupes seront d'une utilité extraordinaire.

    Cependant, il faut que les règles d'engagement des soldats canadiens soient très claires. Il faut qu'elles soient précisées puisque le mandat, si mes renseignements sont exacts, a été donné en vertu du chapitre VII de la Charte des Nations Unies.

    (1620)

    Ce chapitre permet l'utilisation de la force, des armes, si cela devenait nécessaire. Il est extrêmement important que le gouvernement définisse clairement les règles d'utilisation. On devra faire en sorte que nos soldats soient préparés pour cette mission, dans le sens qu'on leur donne des indications très claires.

    Il n'y a pas de place pour l'erreur dans cette région où la situation est explosive. Nos troupes n'ont pas pu être préparées, évidemment. Il s'agit d'une mission d'urgence, il s'agit d'une mission extrêmement importante. Il faut donc que les ordres viennent à eux le plus directement possible, il faut que les directives soient claires pour éviter tout écart de conduite.

    Les soldats canadiens doivent comprendre les dimensions sociales et politiques de leur intervention. Ils sont dans une région où, encore une fois, tout est fragile et où il leur faudra faire preuve d'énormément d'habileté, de doigté, de capacité à comprendre les choses pour que leur mission s'avère être un succès.

    Par la suite, nos soldats, et les gens qui les dirigent bien sûr, devront faire en sorte que les conditions pour une solution durable du conflit puissent être mises en place. Nous aurons un rôle conseil à jouer, nous serons sur place. L'avis du Canada sera tellement


    6386

    important, comptera tellement pour chacun et chacune. Alors nous soumettons bien humblement au gouvernement certaines idées.

    On a déjà soulevé l'idée d'une conférence internationale sur la région des Grands Lacs africains, et ce dans les plus brefs délais. Il est important que les partenaires mondiaux discutent de la situation politique volatile qu'on retrouve dans cette région. Il faut également assurer à plus long terme que tous les réfugiés puissent retourner dans leur pays, puissent retourner là d'où ils viennent. Cela m'apparaît être un élément essentiel pour la solution du conflit.

    Il faudra trouver les moyens de désarmer les belligérants, faire en sorte que les motifs de guerre qui se retrouvent actuellement dans ce secteur puissent disparaître. Il faudra que la communauté internationale intervienne, essaie de tout son poids de faire en sorte que les choses changent, que les mentalités se transforment. On ne peut plus accepter des situations comme celle qu'on a vécue il y a quelque temps et qu'on vit maintenant. Il faut faire en sorte de neutraliser les principaux acteurs du génocide de 1994. Il faut être extrêmement vigilants pour éviter que des actes de barbarie ne se répètent.

    Enfin, on peut négocier et favoriser une cohabitation pacifique entre les minorités tutsies et la majorité hutue du Rwanda, du Burundi. La tâche ne manque pas. C'est extrêmement sérieux pour nos soldats, mais nous sommes fiers de voir que le Canada va apporter une contribution comme celle qui sera la sienne dans cette partie du monde.

    Nous aurons fait tout notre possible, en tant qu'êtres humains, pour faire en sorte que les atrocités qui nous ont été montrées, pour que la misère qui a été mise en évidence, soient écartées en quelque sorte, et l'intervention des soldats canadiens permettra de sauver des milliers de vies, j'en suis persuadé. C'est pour cela que nous sommes fiers de concourir à cette opération.

    Actuellement, je le rappelle très brièvement en terminant, 1 500 militaires seront affectés au Zaïre éventuellement. Ce sont les chiffres que nous avons. Des efforts importants sont demandés à nos militaires depuis 1992. Il y en a encore 1 000 en Bosnie, 750 en Haïti, 187 au Golan, 28 au Sinaï. En plus d'un certain nombre, ce sont 2 059 militaires canadiens qui sont ou seront dans les prochains jours sur le terrain. C'est extrêmement important. Nous avons confiance en eux.

    (1625)

    Nous savons que malgré certaines erreurs qui ont pu être commises dans le passé à certains endroits, la majorité, la grande majorité des soldats canadiens sont en mesure d'apporter une contribution correcte, significative au processus de paix mondiale. Et c'est dans cet esprit que je voudrais me joindre à tous les députés en cette Chambre, j'en suis persuadé, et aux députés de ma formation politique, pour dire merci aux soldats canadiens pour le travail qu'ils font un peu partout sur la planète, merci aux soldats canadiens qui vont intervenir dans une situation extrêmement délicate, mais dont l'intervention est tellement nécessaire. Nous sommes de tout coeur avec eux. Nous remercions aussi leurs familles de ce sacrifice énorme qui consiste à se priver de la présence d'un des leurs pour permettre qu'on joue un tel rôle dans le région des Grands Lacs africains.

    Je veux également remercier le gouvernement de nous donner l'occasion de discuter de cette question ici, en Chambre. Il est important que ces choses se disent. Je voudrais réitérer encore une fois notre plus total appui pour cette opération. Il était nécessaire que nous fassions preuve de leadership. Pour notre part, l'opposition officielle, nous étions convaincus que nous étions capables de jouer un tel rôle, et nous avons pleinement confiance en ceux et celles qui seront appelés là-bas à remplir ces tâches extraordinaires.

    M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, la force d'urgence des Nations Unies a inauguré l'ère du maintien de la paix moderne. Le Canada était dans le groupe de tête avec ses patientes explorations, ses idées pratiques et ses compromis pragmatiques.

    Telle est la marque du Canada et c'est cette même force de persuasion et cette même ténacité qui ont toujours caractérisé le Canada, parfois dans un environnement difficile, qui ont été manifestes au cours des quelques derniers jours et des dernières heures alors que le gouvernement faisait face à la crise actuelle.

    Les forces canadiennes ont fourni à la Force d'urgence des Nations Unies le soutien logistique qui est l'épine dorsale de toute entreprise militaire. Au fil des ans, ce service est devenu une spécialité du Canada, une quantité connue, un appui sur lequel nos amis internationaux ont pu compter pour assurer la stabilité et la continuité qu'il fallait aux autres engagements en matière de maintien de la paix, car d'autres missions n'ont pas tardé à se présenter.

    Dans les 10 ans qui ont suivi, deux autres missions de maintien de paix importantes ont eu lieu: l'opération des Nations Unies au Congo de 1960 à 1964 et la mission de la Force des Nations Unies chargée du maintien de la paix à Chypre, à partir de 1964.

    L'opération menée au Congo, l'actuel Zaïre, a été particulièrement difficile et a donné lieu à une certaine controverse. Beaucoup y ont perdu la vie et beaucoup d'argent y a été englouti. De plus, on a dû recourir à la force et intervenir dans les affaires internes du Congo. Enfin, une profonde dissension a régné parmi les pays membres, ce qui a menacé l'avenir des Nations Unies. Le danger était grand et les Canadiens ont été les auteurs d'un certain nombre d'actes de bravoure célèbres. Deux cent trente-quatre membres des Nations Unies ont perdu la vie au cours de cette opération.

    [Traduction]

    Encore une fois, les Canadiens avaient des compétences spéciales à offrir. Notre principale contribution était dans les secteurs des transmissions et des communications. Le fait que beaucoup de membres des Forces canadiennes pouvaient parler le français, langue utilisée couramment au Congo, a aussi aidé énormément. La mission comportait un aspect humanitaire, les Canadiens ayant fait des contributions alimentaires.

    Le Canada était en tête à Chypre, le secrétaire d'État chargé des Affaires extérieures, Paul Martin père, ayant donné l'élan diplomatique crucial pour rallier les pays membres des Nations Unies autour de l'idée d'une force de maintien de la paix. Les soldats canadiens sont arrivés dans l'île 24 heures après que le feu vert eut été donné à la force. «Vous ne saurez jamais ce que cela a peut-être permis


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    d'éviter», avait dit le président des États-Unis de l'époque, Lyndon Johnson, à M. Pearson, qui était alors notre premier ministre.

    Il y a eu des moments de découragement à mesure que le maintien de la paix a évolué, tant bien que mal, mais comme l'avait rappelé aux Canadiens, en 1970, le Comité permanent des affaires extérieures et de la défense nationale: «Les Canadiens abdiqueraient leur responsabilité s'ils perdaient courage maintenant et se désintéressaient du maintien de la paix. Aucun autre pays ne pourrait colmater la brèche qui serait alors ouverte[. . .] et l'établissement d'une force efficace de maintien de la paix serait retardé, ce qui aurait un effet incalculable, mais assurément désastreux.» Le comité avait ajouté: «Le maintien de la paix n'est pas une tâche prestigieuse. C'est un travail frustrant qui n'inspire pas la gratitude. Il ne sert pas directement des intérêts canadiens étroits. Il s'agit d'un service essentiel[. . .], d'un service pour lequel le Canada possède des qualités spéciales, en raison de sa réputation de pays épris de justice et de ses compétences techniques.»

    (1630)

    [Français]

    Les Canadiens ont écouté ces conseils. L'engagement du Canada envers le maintien de la paix ne s'est jamais démenti. À la fin de la guerre froide, 80 000 soldats canadiens avaient pris part au maintien de la paix et il était difficile de nommer des missions de maintien de la paix parrainées par l'ONU ou par d'autres organismes auxquels le Canada n'avait pas participé à titre de partenaire de premier plan.

    Nous étions les gardiens de la paix par excellence du monde entier: bien intentionnés, bien équipés et bien entraînés. Pourtant, des études empiriques montrent que les fonds consacrés au maintien de le paix ne représentaient qu'une mince fraction du budget global du ministère de la Défense nationale.

    Quand la guerre froide a pris fin, le maintien de la paix s'est développé et a changé du tout au tout, si l'on songe au type, à la forme et à la nature générale des opérations. Les conservateurs aussi bien que les libéraux ont envoyé 20 000 Casques bleus aux frontières de l'Iraq, auprès de la commission des bons offices de l'ONU en Afghanistan et au Pakistan, au Mozambique, en Namibie, en Angola, dans le Sahara occidental, au Rwanda et en Somalie, au Salvador et en Haïti, au Cambodge et dans les Balkans.

    À un moment donné au début des années 1990, plus de 4 000 Casques bleus canadiens étaient en mission à différents points du globe.

    Durant ces années, les mandats demeuraient flous. Le danger était plus grand. Inévitablement, la controverse et les risques d'erreur et d'abus étaient plus importants qu'à l'époque où les missions se résumaient à de pures opérations classiques de maintien de la paix.

    Mais les défis étaient également plus nombreux. L'aide humanitaire et la défense des droits de la personne avaient toutes les chances de constituer une dimension importante des nouvelles opérations, et ces dernières pouvaient jouer le rôle de catalyseur dans la mise en place d'institutions démocratiques.

    [Traduction]

    Dans l'ex-Yougoslavie, sous le commandement du général Lewis MacKenzie, les Canadiens ont apporté de l'aide à la capitale assiégée de Sarajevo et ailleurs. Ils ont réparé des écoles, des hôpitaux et des routes et ont prodigué des soins médicaux. Ils ont consacré une partie de leur temps libre à s'occuper des personnes âgées et des jeunes.

    Dans une situation encore plus désespérée, au Rwanda, sous la direction des généraux Roméo Dallaire et Guy Tousignant, les membres de Forces canadiennes ont fait du déminage, apporté du secours et de l'eau purifiée et assuré des soins médicaux d'une importance cruciale.

    [Français]

    Nous ne pouvons pas passer sous silence l'aide que tant d'autres Canadiens ont apportée et continuent d'apporter chaque jour à ceux qui en ont besoin, partout dans le monde. Ce sont les ONG et les ordres religieux canadiens au Rwanda qui, les premiers, ont attiré notre attention sur la crise qui s'est développée là-bas.

    Le général Dallaire a dit un jour avoir vu trop de cadavres, trop de larmes, trop de souffrance humaine et trop de destruction au Rwanda pour accepter que nous, la communauté internationale, poursuivions nos affaires comme si de rien n'était.

    De toute évidence, nous avons besoin de mécanismes pour réagir rapidement et efficacement aux catastrophes internationales. Parmi les initiatives typiquement canadiennes dont l'objet est de combler les lacunes de la gestion des crises internationales, notons le projet de force d'intervention rapide mis de l'avant par le gouvernement et qui a fait son chemin à l'ONU ainsi que l'équipe d'intervention en cas de catastrophe des forces canadiennes, la DART.

    [Traduction]

    Au cours des dernières minutes, j'ai tenté de situer de façon générale le contexte dans lequel se situe la motion du gouvernement dont la Chambre est actuellement saisie: l'expérience, le savoir-faire et l'excellence du Canada en matière de maintien de la paix et d'aide humanitaire, qui s'échelonnent sur de nombreuses années et qui ont été mis à l'épreuve dans toutes sortes de circonstances, l'engagement de longue date du Canada envers la coopération internationale, engagement qui est tout à notre avantage et qui est profondément enraciné dans nos traditions et, enfin, le rôle de chef de file que joue le Canada dans la communauté internationale, rôle qui est plus habituel qu'inhabituel.

    [Français]

    Et nous en venons tout naturellement à la conclusion suivante: le monde est trop petit pour que nous tournions le dos au continent africain, affecté de toutes sortes de maux.

    Je suis tout à fait en faveur du rôle de leadership assumé par le Canada au sein de la communauté internationale dans la recherche des moyens d'affronter directement et sans peur la crise qui secoue l'Afrique.

    Je demande également que nous intervenions d'une manière qui ne laisse aucun doute quant à la générosité et à la fermeté de cette Chambre.


    6388

    (1635)

    [Traduction]

    L'hon. Don Boudria (ministre de la Coopération internationale et ministre responsable de la Francophonie, Lib.): Monsieur le Président, la situation a évolué rapidement en Afrique centrale ces derniers jours. Avant même que nos troupes n'arrivent dans la région, l'incidence de leur venue se faisait sentir. La crainte qu'inspirent les milices extrémistes, crainte qui a maintenu plus d'un million de réfugiés dans des camps sordides au Zaïre pendant deux ans s'est soudain dissipée. Je suis convaincu que cela a été causé, du moins en partie, par l'arrivée imminente de la force internationale réunie sous la direction de notre premier ministre.

    La décision du premier ministre d'offrir que les Canadiens commandent la mission s'inscrit dans une tradition honorable du Canada, une tradition d'expertise incomparable en matière de maintien de la paix et d'aide humanitaire.

    [Français]

    Il faut rendre hommage à l'activisme du premier ministre qui, frustré par l'inaction de la communauté internationale, a réagi énergiquement. N'étant pas un pouvoir colonial, le Canada est bien placé pour assumer le leadership de la force multinationale.

    Pays membre de la Francophonie pour laquelle je suis responsable au sein du Cabinet canadien, le Canada a depuis longtemps des liens étroits avec les pays de la région. En prenant l'initiative de commander l'intervention multinationale, le premier ministre a pu déclencher la mobilisation au niveau international.

    L'espérance suscitée par l'arrivée imminente de milliers de troupes en mission humanitaire, une mission de secours et de paix, a donné à réfléchir aux extrémistes et a donné espoir aux victimes, la majorité d'entre elles, dois-je l'ajouter, des femmes et des enfants. Depuis vendredi matin, donc, et au cours de la fin de semaine, nous avons vu une marée de gens traverser la frontière.

    [Traduction]

    Nous devrions tirer profit du dynamisme que provoque le mouvement de masse soudain de la population qui rentre au Rwanda. Certains ont laissé entendre que, puisque la terreur dans laquelle les milices Interhamwe ont maintenu les réfugiés est disparue, l'intervention internationale n'est plus nécessaire. Selon eux, le problème est résolu. Bien sûr, nous savons que ce n'est pas le cas.

    N'oublions pas qu'il y a à peine quatre semaines, toutes les organisations d'aide humanitaire ont retiré leur personnel du Zaïre. Il n'y avait pas d'aide, pas de nourriture, pas de médicaments. Oui, nous avons tous vu les milliers de gens qui ont franchi la frontière, mais il ne faut pas oublier les centaines de milliers de victimes qui sont encore au Zaïre. Nous devons trouver ces gens. Nous devons leur apporter de la nourriture et de l'eau, et leur trouver des abris. Nous devons aussi appuyer leur retour volontaire au Rwanda. Plus de 60 p. 100 des réfugiés sont des femmes et des enfants qui ont besoin d'une aide immédiate.

    [Français]

    Il est crucial que nous continuiions à fournir une aide aux réfugiés. Leurs besoins en vivres et en soins médicaux sont urgents alors qu'ils quittent les aires de transit pour se réinstaller dans leur communauté d'origine. Une fois que nous aurons paré à ces besoins, nous devrons les aider à se réintégrer rapidement et en toute sécurité dans leur communauté respective.

    [Traduction]

    La situation est urgente et les besoins sont grands. Voilà pourquoi le premier ministre a annoncé que l'Agence canadienne de développement international, dont je suis responsable, avait affecté un montant de 15 millions de dollars pour apporter de nouveaux secours humanitaires d'urgence aux victimes du conflit, aussi bien aux personnes qui rentrent au Rwanda qu'à celles qui restent au Zaïre.

    J'ai tenu ce matin une conférence de presse pour exposer les détails du programme d'aide. J'étais accompagné par des représentants de la Croix-Rouge canadienne et de CARE Canada. Avec le soutien de l'ACDI, ces deux organismes sont en train de mobiliser des équipes de Canadiens très compétents qui iront dès que possible dans la région y apporter une aide dont le besoin se fait grandement sentir. Il s'agit de médecins, d'infirmières, d'experts en logistique et d'ingénieurs, qui contribueront à répondre aux besoins de base des victimes, en ce qui a trait notamment à l'eau potable et aux soins médicaux.

    Les ONG canadiennes se sont acquises depuis longtemps une grande expérience des secours en Afrique centrale. Elles ont affronté bien des dangers pour apporter du secours à autrui. Leurs actes et leur dévouement sont une source de fierté pour tous les Canadiens, et je tiens à profiter de l'occasion pour les féliciter de tout leur travail, passé, présent et à venir.

    (1640)

    [Français]

    Je tiens à vous signaler également le travail acharné en Afrique de la Croix-Rouge, des agences de l'ONU, comme le Haut-Commissariat pour les réfugiés et le Programme alimentaire mondial. Les milliers de tonnes d'aide alimentaire, médicale et matérielle accumulées dans la région démontrent qu'elles ont pris leur rôle au sérieux. Elles sont prêtes à répondre aux besoins vitaux de plus d'un million de personnes. Les ONG canadiennes avec qui j'ai parlé à trois reprises durant les derniers jours m'ont fait part de leur appui pour le leadership du Canada dans cette mission humanitaire. Elles voient dans le déploiement d'une force internationale la seule chance de pouvoir apporter une aide d'urgence aux populations vulnérables.

    Depuis 1994, les ONG canadiennes se sont associées à l'Agence canadienne de développement international pour combattre les ravages du génocide et de ses séquelles. Notre programme au Rwanda comporte deux volets. D'une part, une assistance humanitaire qui vise à soulager dans l'immédiat les souffrances des Rwandais. Cette assistance prend la forme de soins médicaux, d'abris, d'approvisionnement en eau salubre, de vivres, de moyens de transport


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    fournis par l'entremise d'organisations internationales et d'ONG canadiennes. L'ACDI s'est préoccupée particulièrement de la situation critique des enfants, concentrant sur eux une bonne partie de son assistance humanitaire.

    D'autre part, le Canada a voulu aider le Rwanda à trouver une solution à long terme. Dans ce but, nous apportons un appui au travail du Tribunal pénal international, ainsi qu'à la mise en place du système judiciaire, à la formation des juges et à l'observation du respect des droits humains. D'autre part, nous visons la réinsertion des enfants dans leur communauté et la réunification avec leur famille. Nous avons aussi appuyé les Rwandaises qui à la suite du génocide se sont trouvées à la tête de familles nombreuses. Nous les aidons à se procurer un gagne-pain et nous appuyons des projets de logement, de microcrédit et de création d'emplois.

    [Traduction]

    Nos efforts pour remédier aux effets à long terme des conflits en Afrique centrale ne peuvent se limiter au Rwanda. C'est pourquoi je convoque une réunion de haut niveau des dirigeants des organismes d'aide nationaux et internationaux dans le but d'aider à mobiliser la communauté des pays donateurs pour assurer la réintégration sûre et pacifique des réfugiés rentrant dans leur pays.

    Nous devons nous occuper de toute urgence des problèmes du Rwanda, mais nous devons nous occuper également des besoins spéciaux du Zaïre, du Burundi et de la Tanzanie. Les pays donateurs doivent collaborer à mettre au point des solutions taillées sur mesure aux situations régnant en Afrique centrale tout en tenant bien compte de la complexité des relations entre les gouvernements, les groupes de réfugiés et les groupes rebelles de la région.

    Cette réunion se tiendra le plus tôt possible, dès la fin de semaine prochaine, espérons-le. Elle a pour objet de mobiliser les pays donateurs, dans des cadres internationaux ou bilatéraux, afin de fournir de l'aide d'une façon rapide et coopérative aux réfugiés rapatriés dans la région. Elle n'a pas pour objet de remplacer les mécanismes de coordination qui existent déjà sur le terrain, mais de les renforcer.

    Nous voulons rassurer les Rwandais rentrant dans leurs villages qu'ils bénéficieront du soutien dont ils ont besoin pour réintégrer pacifiquement leur société. Nous devons assurer en même temps aux habitants actuels des villages du Rwanda que nous répondrons aux besoins des communautés dans leur ensemble. Nous devons avoir pour objectif de trouver une solution durable aux problèmes de la région et de venir en aide aux réfugiées dans la situation à laquelle ils feront face dans les jours à venir.

    M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, je vais partager le temps mis à ma disposition avec le député de Fraser Valley-Est.

    Je ne sais plus combien de fois au cours des trois dernières décennies le tribalisme ou le nationalisme ethnique, peu importe, a mené à une vague de violence et de souffrance sur le continent africain. C'est une des séquelles les plus malheureuses du colonialisme, qui a partagé l'Afrique en colonies artificielles sans tenir le moindrement compte de leur composition ethnique. Dans chacune de ces colonies, les puissances coloniales ont pratiqué la politique du diviser pour régner. Des tribus ont été favorisées au détriment d'autres, ce qui a accentué des conflits ethniques déjà existants.

    (1645)

    Les Belges y ont particulièrement bien réussi au Rwanda et au Burundi. Ils ont établi une administration entièrement composée de membres de la minorité tutsi, de telle sorte que les Tutsis ont fini par traiter la majorité hutu de haut, ce qu'ils ont ultérieurement payé fort cher.

    La plupart des politiciens africains déplorent publiquement le tribalisme, mais ils continuent presque tous à l'encourager afin de consolider leur pouvoir. Les fonctionnaires, les militaires et les enseignants sont tous des membres de la tribu dominante du moment.

    On dit que le gouvernement actuel du Rwanda s'efforce vraiment de briser ce modèle dans l'intérêt de la réconciliation nationale. Nous verrons ce que cela va donner.

    De toute manière, les pays étrangers ne régleront pas les problèmes de l'Afrique centrale avec une mission militaire de quatre à six mois. Cette mission apportera peut-être un certain répit, mais les problèmes de fond ne peuvent être résolus que par les Africains eux-mêmes.

    Les Tutsis sont arrivés en Afrique centrale au XVIIe siècle à partir de l'Éthiopie ou des environs. Personne ne sait au juste d'où ils venaient. Ils ont assujetti les hutus qui s'y trouvaient et mis en place un régime féodal dominé par une aristocratie tutsi. Cette situation s'est perpétuée, je le répète, avec la bénédiction officielle des dirigeants coloniaux. Elle a abouti au Rwanda à de premiers massacres, qui ont eu lieu en 1959, soit avant la fin de l'époque coloniale. Les Hutus se sont soulevés, ont renversé les maîtres tutsis et tué quelque 100 000 personnes. Tout le monde semble l'avoir oublié aujourd'hui.

    Les agressions oppressives et meurtrières contre la minorité tutsi se sont multipliées jusqu'en 1964, soit jusqu'à deux ans de l'indépendance. Des centaines de milliers de Tutsis se sont enfuis du pays et beaucoup se sont réfugiés en Ouganda. Il y a 30 ans de cela.

    Compte tenu de ce qui s'était passé au Rwanda, la minorité tutsi au pouvoir dans l'État voisin du Burundi a lancé une attaque préemptive contre les Hutus. Tout Hutu instruit et le moindrement fortuné était exécuté sommairement. Quelque 200 000 personnes ont été tuées en 1972.

    Le monde, y compris le Canada, a bâillé et a regardé de l'autre côté. La conscience mondiale a finalement été éveillée par le plus meurtrier de tous les massacres, soit celui des Tutsis du Rwanda, en 1994, mais personne à l'exception des ONG n'a vraiment tenté de faire quelque chose jusqu'à ce que la rébellion tutsi, dans l'est du Zaïre, ne sème la violence dans les camps de réfugiés de cette région.


    6390

    Tout à coup, quelqu'un a sonné l'alarme et, comme d'habitude, le Canada a répondu: «Présent». Comme l'a déjà dit le député de Don Valley-Nord, la situation est certes urgente, mais ce n'est rien en comparaison de ce qui s'est passé en 1994 au Rwanda et en 1972 au Burundi, lorsque le monde avait fermé les yeux jusqu'à ce que le massacre soit terminé.

    Je sens une très grosse motivation politique dans l'impatience du gouvernement à envoyer maintenant des troupes au Zaïre et au Rwanda. Il arrive que les gouvernements fassent ce qu'il faut par pur opportunisme.

    (1650)

    J'appuie cette initiative humanitaire, mais avec de sérieuses appréhensions. Je me demande comment le gouvernement peut, après avoir saigné à blanc nos forces armées pendant 20 ans, proposer d'appuyer trois initiatives de maintien de la paix simultanées. Le gouvernement actuel aime gagner sur tous les tableaux. Il marque des points en réduisant le budget de la défense, puis il en marque d'autres en demandant à nos forces qui manquent de personnel et qui sont mal équipées de redorer le blason du premier ministre et celui du Canada dans son rôle de gardien perpétuel de la paix dans le monde entier.

    Chaque fois, nous avons des débats pour la forme. Je me demande parfois pourquoi, puisque les décisions ont déjà été prises. Je pense que nos forces sont en route. Les appareils de type Hercules atterrissent déjà à Kigali. J'espère seulement qu'on n'exposera pas nos soldats à de graves dangers pour redorer un peu l'image du gouvernement d'en face.

    Le vice-président: Il est de mon devoir, en conformité de l'article 38 du Règlement, de faire connaître à la Chambre les questions qui seront soulevées ce soir à l'heure de l'ajournement: la députée de Cumberland-Colchester-Les mines terrestres; le député de The Battlefords-Meadow Lake-Les espèces en péril.

    M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, je vous remercie de m'avoir donné la parole et de m'avoir donné l'occasion d'aborder d'un angle légèrement différent ce débat sur la situation désespérée au Rwanda et au Zaïre. Je voudrais soulever quelques questions pendant le temps qui m'est alloué.

    Notre amour de l'humanité exige que nous allions en Afrique, que cela nous plaise ou non. Nous voyons les images, nous connaissons les problèmes et nous voulons venir en aide aux populations. C'est une réaction canadienne tout à fait normale que l'on doit respecter.

    Cependant, notre propre sécurité et notre propre connaissance des difficultés font que nous devons aborder sagement la forme que prendra notre aide dans cette région en crise. Je ne remets pas en question le principe d'aide aux autres pays, ni le besoin d'aider ceux qui sont sans ressources, les plus pauvres des pauvres notamment. Ce sont des idées louables. Elles sonnent bien ici où nous sommes tous bien nourris, en sécurité et au chaud. De façon générale, je suis d'accord sur ces idées.

    Toutefois, j'ai de nombreuses questions à poser sur la forme que prendra notre aide et où nous irons. Il y a deux ans, par suite du massacre au Rwanda, lorsque je siégeais au Comité des affaires étrangères, j'ai demandé la mise sur pied d'une force de réaction rapide pour que nous disposions des ressources voulues pour réagir de manière plus efficace. Il ne s'agit pas d'une force de réaction rapide des Nations Unies, mais d'une sorte de force canadienne qui serait envoyée en cas de besoin.

    J'ai le plaisir de constater que, le printemps dernier, le gouvernement a créé le groupe DART, qui est une équipe militaire d'intervention en cas de catastrophe et qui nous a permis d'améliorer notre capacité de réaction rapide en cas de situations difficiles.

    En 1995, la Chambre des communes a voté sur mon projet de loi, qui portait sur le maintien de la paix et dans lequel je faisais valoir que le Parlement devrait avoir le droit d'adopter une résolution et de tenir un débat comme celui-ci sur chacune des missions de maintien de la paix. Mon projet de loi n'aurait pas eu pour effet d'empêcher le premier ministre d'envoyer une équipe de reconnaissance dans la région avant l'approbation parlementaire puisque le projet de loi ne prévoyait que la tenue d'une courte mission comme celle-ci sans avoir à rappeler le Parlement pour cette raison.

    La résolution qui, à mon avis, aurait dû être présentée à la Chambre aurait établi à l'avance les paramètres de la mission, sa taille, son coût et sa durée et les règles d'engagement. Les critères applicables aux missions de maintien de la paix sont importants. Par exemple, en ce qui concerne les règles d'engagement, pensons à ce qui s'est passé pas plus tard qu'il y a deux ans. Les troupes des Nations Unies ont dû rester là impuissantes. La télévision nous a montré des images de ces militaires qui devaient regarder sans rien faire des gens se faire massacrer à la machette parce que leur mandat ne leur permettait pas d'intervenir.

    (1655)

    Je ne peux rien imaginer de pire que de se faire dire de rester à l'écart sans intervenir quand des femmes et des enfants se font massacrer sous vos yeux. Cela a dû être horrible pour ces militaires. Je me demande si nous verrons la même chose se produire à nouveau.

    De plus, les priorités générales du gouvernement font problème. J'ai vu aujourd'hui que l'OTAN a déclaré qu'il lui fallait 30 000 soldats pour garder la paix en Bosnie. En ce moment, le Canada a 1 000 militaires là-bas. Je ne sais trop ce que l'on demandera au Canada dans les prochains jours. Ce pourrait être plus de 1 000 militaires. Ce pourrait être 2 000, mais ce pourrait être aucun. Nous ne savons pas parce qu'il n'existe aucun moyen structuré pour déterminer où nous devrions envoyer nos soldats et quelles devraient être nos priorités.

    Il y a d'autres missions de maintien de la paix en ce moment. Nous sommes sollicités en Bosnie, à Haïti, au Golan, dans le Sinaï, au Mozambique, en Angola et au Cambodge. Nous sommes partout à la fois.


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    Il y a aussi d'autres crises dans le monde qui mériteraient une priorité. Il y a les réfugiés d'Afghanistan et d'Iraq. Au Soudan, les problèmes sont énormes et ce pays vit une situation tragique depuis longtemps.

    Pourquoi décidons-nous maintenant d'aider le Rwanda? Pourquoi la crise au Rwanda-qui heureusement, semble se résorber un peu-se retrouve-t-elle tout à coup en haut de la liste des priorités? J'ignore la réponse. Je laisse à chacun le soin de tirer ses conclusions.

    Je voudrais que l'on adopte une méthode plus ordonnée de décider des engagements majeurs du Canada à l'étranger. Nous avons vu la situation changer radicalement en fin de semaine dernière. Le gouvernement du Rwanda a déclaré qu'il ne voulait plus recevoir d'aide. Il ne veut plus que les Canadiens interviennent sur son territoire.

    Évidemment, il y a encore des gens à nourrir, des vies à sauver, des êtres humains à soigner et nous voulons faire quelque chose. Mais il faut se demander si le meilleur moyen c'est d'envoyer des militaires. Les 100 millions de dollars que nous coûtera l'envoi de troupes est-il bien dépensé? Serait-il plus judicieux de le confier à des ONG et à d'autres organismes? J'espère que les autres avenues sont encore étudiées, même à la dernière minute.

    À mon sens, il y a certains principes qui devraient guider nos actions en Afrique. J'aimerais changer un peu de registre. Le député de Maple Creek a énuméré certains des problèmes que connaît l'afrique depuis longtemps, mais ce qui importe dans ce dossier c'est que les solutions doivent nécessairement être à long terme. Je ne crois pas que nous réussirons à régler quoi que ce soit en Afrique en quatre à six mois. Il faut adopter des solutions à long terme.

    Tous les autres problèmes paraissent bien petits à côté du grave problème africain. Le génocide survenu au Rwanda, et qui menace encore des millions de personnes en Afrique sub-saharienne, résulte de problèmes très profonds. En un sens, le tribalisme est encore aujourd'hui un problème très grave en Afrique. Au Rwanda, d'où origine la crise dont nous parlons, une personne est d'abord et avant tout loyale envers sa propre tribu, son propre groupe ethnique. La loyauté envers les principes de vérité, d'amour, de justice et les autres principes que nous avons progressivement adoptés au Canada, n'existe pas là-bas.

    Je ne crois pas que nous puissions régler le problème du Rwanda par la voie militaire. Lorsque nous serons intervenus militairement et que nous aurons mis en place une unité de protection quelconque, le problème moral se posera encore et tout sera à recommencer. Il en est ainsi, comme le disait mon collègue, depuis 300 ans. Le problème a ressurgi il y a deux ans. Il existe toujours et il existera encore dans deux, trois, quatre ou cinq ans. La situation pourrait bien se reproduire quelques mois après notre départ, à moins que la population du Rwanda ne change du point de vue moral. Ce pays est aux prises avec un problème plus profond que simplement militaire, il est d'ordre moral.

    Je ne veux pas m'en prendre seulement aux Rwandais, mais il leur faut plus qu'une intervention militaire. Ils doivent changer leurs valeurs morales et leur mentalité.

    Si nous nous engageons dans une mission purement militaire, nous courons à l'échec. Dans ce cas, pourquoi le Canada doit-il s'engager? Pour l'amour des principes dont je parlais.

    (1700)

    Nous avons tendance à tenir pour acquis les principes de justice et d'amour et ce principe qui veut que nous aimions notre prochain comme nous-mêmes. Nous savons qu'en rentrant chez nous ce soir, nous céderons la voie aux conducteurs qui ont la priorité sur la route. Nous tenons la porte ouverte pour les autres. Nous comprenons que nous devons respecter le foyer d'autrui et ne pas violer son intimité. Pour nous, il va de soi qu'il faut respecter le droit de chacun de choisir son occupation ou son allégeance politique.

    Nous devons intervenir parce que nous appliquons ces principes sans imposer nos propres valeurs culturelles à la population du Rwanda. Nous devons aller au Rwanda et tenter de faire comprendre à ses habitants la nécessité de respecter les principes d'amour et de justice et la nécessité pour chacun de comprendre son prochain et de l'estimer comme soi-même. Il ne faut pas entrer dans les aspects religieux de cette question pour savoir que c'est le principe sur lequel repose la démocratie. Si nous n'arrivons pas à faire entendre cela lors de nos déplacements au Rwanda, il n'y aura pas de paix durable et nous devrons y retourner. Ce sera une autre tragédie.

    La deuxième principe est de trouver au problème de l'ensemble de l'Afrique sub-saharienne une solution faisant appel à la justice. La stratégie du renouveau au Rwanda doit refléter l'engagement du Canada à l'égard de la justice. Pour une paix durable au Rwanda, au Zaïre, au Soudan ou dans les régions aux prises avec ces terribles guerres ethniques, la communauté internationale doit se faire à l'idée qu'il y a des meurtriers au Rwanda, qu'il y a des gens coupables de génocide et de purification ethnique et que ces gens devront un jour être traduits devant la justice.

    Il ne suffit pas de nourrir des réfugiés dans un camp ou même lorsqu'ils sont de retour dans leur village. Il faut qu'un jour, justice soit faite et soit perçue comme étant faite. Nous essayons, encore aujourd'hui, de traduire devant les tribunaux les personnes qui ont participé à l'holocauste. Cinquante ans après la guerre, nous trouvons tellement important que justice soit faite et soit perçue comme étant faite que nous ne tolérons pas en tant que pays, en tant que membre de la communauté internationale, qu'un meurtrier, qu'une personne ayant participé à un génocide et dont on retrouve la trace ne soit pas traduit devant les tribunaux.

    Si cette intervention à court terme au Rwanda se limite à cala et que justice n'est pas faite, je crains bien que d'ici deux, trois, quatre ou dix ans, nous n'assistions à un autre holocauste. C'est pourquoi justice doit être faite.

    Ces quelques dernières années, personne n'a voulu se mêler de cette affaire. On sait que les groupes qui s'occupent de camps de réfugiés se servent de ces derniers comme d'un bouclier humain. Nous savons tous ce qui se passent. Je ne dis pas que la solution est facile, mais à moins que justice ne soit faite un jour, ce cancer


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    réapparaîtra et nous assisterons à un autre holocauste. Vous pouvez en être sûrs. Trois cents ans d'histoire le montrent bien.

    Le troisième principe, c'est que, même si des hommes et des femmes bien armés se rendent en nombre suffisant, du Canada et d'ailleurs, apporter leur aide à l'Afrique, il faudra en bout de ligne appliquer une solution africaine à ce problème africain. Cette intervention de quatre à six mois vise à donner le temps de souffler aux pays touchés. C'est une bonne idée. L'idée a sa raison d'être. C'est évident que nous ne pouvons pas permettre un autre holocauste. Nous essayons donc de faire notre part, mais, à long terme, il faudra que la solution soit de conception africaine.

    Jusqu'à un certain point, j'ai bien peur que l'attitude africaine soit encore de s'en remettre à l'homme blanc pour régler ce problème. Nous allons donc dans ces pays pour montrer à ces gens comment faire, mais, à long terme, cela ne peut pas fonctionner. Il faut faire plus.

    Je prends l'exemple de l'Afrique du Sud. J'ai entendu une intervention intéressante, il y a quelques semaines. Je crois, monsieur le Président, que vous l'avez entendue aussi. Un député a parlé de certains des principes qui ont été à la base du passage pacifique, dans ce pays, de l'apartheid à une démocratie fondée sur le principe d'une personne, un vote.

    (1705)

    On y a mis sur pied un comité national pour la réconciliation. C'est une expression sud-africaine qui signifie que ses habitants ont travaillé ensemble et ont trouvé une solution, parce qu'ils devaient vivre ensemble. Un comité multipartite a été chargé de rédiger une nouvelle constitution. Tous les partis, toutes les ethnies, toutes les couleurs et tous les groupes se sont réunis pour régler les problèmes de l'Afrique du Sud.

    Si je pouvais promouvoir une dernière chose, ce serait un Rwanda juste et pacifique, dont les différentes races et ethnies cohabitent pacifiquement. Mais cela ne peut se faire que si la population du Rwanda trouve elle-même la solution. Pendant que nous serons là-bas, j'espère que nous pourrons favoriser une réconciliation nationale ou une trêve quelconque, quel que soit le nom qu'on lui donnera, afin que les Rwandais puissent aussi avoir leur miracle des temps modernes, à l'image de l'Afrique du Sud, c'est-à-dire une solution pacifique à une situation apparemment insoluble.

    M. Rex Crawford (Kent, Lib.): Madame la Présidente, je partagerai mon temps avec le député de Rosedale.

    Je suis honoré de pouvoir participer à ce débat parlementaire spécial sur la mission au Zaïre et le rôle actif de chef et de conseiller que le Canada joue dans le cadre des Nations Unies, sous le leadership bienveillant du premier ministre. Comme d'autres députés, j'appuie entièrement nos efforts et je suis heureux que le ministre des Affaires étrangères, le ministre de la Défense nationale et le Cabinet soient à la tête du mouvement.

    Permettez-moi de citer l'éditorial paru le 14 novembre dans le Daily News de Chatham: «La volonté du Canada de venir en aide à des réfugiés affamés au Zaïre démontre encore une fois à quel point notre pays joue un rôle de premier plan dans les affaires internationales.»

    Alors que les autres pays du monde réagissaient lentement à la crise, le Canada a exercé un leadership moral afin d'obtenir un soutien militaire international pour les réfugiés. En autorisant une mission et le déploiement de près de 1 600 soldats canadiens dans un pays que même les agents des Nations Unies ont appelé une zone proscrite, le Canada a été le fer de lance de l'effort multinational.

    Les députés conviendront avec moi qu'il ne s'agit pas d'un exercice de relations publiques. Outre les difficultés géographiques considérables qu'elle présente, la région de l'intérieur de l'Afrique est probablement le lieu le plus politiquement instable de toute la planète.

    Le Canada possède une longue et remarquable histoire à titre de principal gardien de la paix parmi tous les pays du monde. Si nos troupes réussissent au Zaïre, elles rétabliront le respect que nous avons commémoré durant les cérémonies du jour du Souvenir célébrées partout au pays la semaine dernière. Nous devons retenir que cette mission diffère de la plupart des opérations précédentes de maintien de la paix du Canada. Nos soldats devront assurer la livraison de l'aide humanitaire.

    Il reste encore plus de 600 000 réfugiés hutus au Zaïre et quelque 700 000 en Tanzanie. Je suis heureux que le gouvernement ait décidé qu'il s'agissait d'une crise humanitaire, mettant ses souhaits à exécution. Nous ne pouvons pas nous sentir à l'aise face à la faim et à l'injustice. Je suis fier du rôle de chef de file que joue le Canada dans le domaine du maintien de la paix et du fait que Chatham et le comté de Kent, dans le sud-ouest de l'Ontario, le véritable grenier du pays, lui aient emboîté le pas en matière d'aide humanitaire.

    Comme me le disait Heather Bondy, la seule façon dont nous puissions sans doute parvenir à comprendre la souffrance est d'espérer, de transformer l'espoir en action, et de faire quelque chose de concret. Heather a participé à presque une douzaine de projets dans le tiers monde, par exemple, en participant à la construction de ponts en République dominicaine et en créant la première banque alimentaire à Chatham.

    Plus de 22 tonnes de nourriture ont été ramassées à Chatham. Huit infirmières et médecins de la région sont en train de se faire vacciner en prévision de leur mission à l'étranger. Ces dons viennent s'ajouter aux dix tonnes de blé promises la semaine dernière par W.G. Thompson & Sons, de Blenhein, l'une des plus grosses entreprises céréalières au Canada. Elles seront transformées en farine par Dover Flour Mills, à Chatham. La compagnie fera don de la farine de soja qui sera mélangée à de l'huile de canola pour faire un repas nutritif et riche en protéines. L'huile de canola a déjà été donnée par des agriculteurs de l'Ouest.

    (1710)

    Entre autres dons recueillis par le groupe de Kent, citons des tentes énormes pouvant abriter une antenne médicale; la promesse de plusieurs wagons pleins de céréales; des graines et des petits outils agricoles pour planter des céréales précoces; du matériel médical fourni par les hôpitaux et la communauté médicale de


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    Chatham et des purificateurs d'eau de la taille d'une valise offerts par la compagnie MIOX, du Nouveau-Mexique.

    Nous sommes très heureux que le premier ministre ait annoncé hier qu'il envoyait le lieutenant-général Maurice Baril à Kigali. Les 15 millions de dollars débloqués d'urgence pour les réfugiés vont aider également. L'aide humanitaire financée par l'Agence canadienne de développement international inclut un appui aux médecins, aux infirmières, aux ingénieurs sanitaires et aux experts en logistique canadiens envoyés sous l'égide de la Croix-Rouge canadienne, de CARE Canada et du Canadian Lutheran World Relief. L'aide canadienne distribuée par ces organismes et celle des Nations Unies seront considérables.

    Le groupe du comté de Kent espère qu'un avion pourra transporter leurs équipement et fournitures au Zaïre. L'utilisation de l'aéroport de Chatham a été approuvée par les dirigeants municipaux. L'équipe locale attend le feu vert de l'armée sur le terrain et est prête à se joindre à l'effort humanitaire national.

    J'ai contacté le ministre de la Défense nationale et son secrétaire parlementaire pour savoir si un avion serait réservé au transport de la grande quantité de matériel destiné à l'Afrique.

    Les personnes de ma circonscription qui feront partie du groupe sont, entre autres, le Dr Eric Williams, de Lethbridge en Alberta, qui a vécu en Tanzanie pendant des années et qui parle plusieurs langues; l'infirmière Candice Barlow, actuellement porte-parole pour le SIDA dans le comté de Kent et chef du service d'hygiène publique; l'infirmière Kathy Van Basler, infirmière en médecine et chirurgie, qui a vécu au Moyen-Orient pendant plusieurs années; l'infirmière Joanne Gamble, la femme du Dr Brian Gamble, chef du personnel de l'alliance santé Chatham-Kent; le travailleur sanitaire John Canna, un ancien marine américain; Marie-France Wilkinson, professeur de français depuis 25 ans, dont les talents seront essentiels dans cette zone francophone.

    Steve Bradley, président et gérant général de la Best Western Wheel's Inn, qui a été membre du conseil d'administration de la banque alimentaire de Chatham et qui apportera ses connaissances de l'agriculture pour aider à planter les récoltes; Andy Morrissey, journaliste au Daily News Chatham. On lui a demandé d'être le correspondant canadien et il est jeune et disposé à faire ce qu'il faut pour aider; le père Matthew George de Our Lady of Help Christian Church, à Wallaceburg. Ce prêtre collecte des dons d'argent et de biens par l'entremise du diocèse catholique de London. Étant donné que le Zaïre et le Rwanda sont à 90 p. 100 catholiques, il va offrir beaucoup d'espoir aux gens qu'il va rencontrer.

    De plus, Barry Fraser, le représentant du comté de Kent du ministère ontarien de l'Agriculture a fait des recherches sur les semences qui conviendraient dans la région agitée par des troubles.

    À l'heure actuelle, à Chatham, un homme d'affaires local a mis à la disposition des intéressés un magasin vide où les gens peuvent laisser leurs dons. Une église de Windsor a mis le groupe local sur le réseau Internet pour qu'il puisse avoir accès aux renseignements et objets dont il aura besoin.

    J'espère qu'un avion pourra atterrir à Chatham pour transporter ces gens compatissants et leurs approvisionnements destinés à aider la mission multinationale. Nous savons que plus d'un million de réfugiés, dont 60 p. 100 sont des femmes et des enfants, sont pris entre les parties en guerre.

    Depuis la semaine dernière, un grand nombre de gens traversent la frontière du Zaïre pour entrer au Rwanda et ils ont un besoin urgent de denrées, de médicaments et d'abris. Je soutiens tous les efforts de mes électeurs et de tous les Canadiens dans le cadre de cette initiative. Heather Bondy et moi-même sommes d'accord pour dire que, en tant que Canadiens, nous croyons que la vie est une aventure audacieuse marquée au coin de l'espoir ou rien du tout.

    (1715)

    J'exhorte fortement le ministre de la Défense nationale et les autorités militaires à collaborer avec le groupe du comté de Kent pour transporter ces fournitures vers la région déchirée par la guerre. Les intéressés sont prêts. Ils travaillent dur. Cette situation les touche.

    Des dons venant d'églises, d'entreprises et d'habitants de la région arrivent de partout de Chatham, ainsi que de Sarnia, London, Watforth, Petrolia et d'autres régions. Les citoyens réagissent à la terrible épreuve que traversent tous ces gens au Zaïre.

    En conclusion, mes électeurs et moi-même félicitons Heather Bondy et son équipe d'avoir coordonné cet effort humanitaire dans ma circonscription. Je salue également nos troupes et leurs commandants, qui aideront à stabiliser cette situation sur place pour que les initiatives d'aide humanitaire puissent être menées à bien. Je félicite également notre premier ministre, les ministres des Affaires étrangères et de la Défense nationale, ainsi que le Cabinet et notre caucus d'avoir donné l'exemple au monde entier. Ensemble, nous pouvons faire avancer les choses.

    M. Bill Graham (Rosedale, Lib.): Madame la Présidente, je suis heureux de prendre la parole aujourd'hui pour exprimer mon appui à la décision du gouvernement de réagir de façon aussi positive et constructive à la crise qui secoue le Rwanda et le Zaïre.

    Nous avons entendu la déclaration que le premier ministre a faite à la Chambre aujourd'hui. Elle nous a clairement exposé le contexte dans lequel cette initiative a été lancée. Elle nous a fait comprendre que cette décision avait été prise après mûre réflexion, avec tout le sérieux que nécessite la gravité de la situation et compte tenu des mesures à apporter.

    Nous savons qu'il s'agit d'une force multilatérale commandée par des Canadiens. On nous a dit qu'elle a fait l'objet d'une résolution des Nations Unies. On nous a dit que l'article 7 de la Charte des Nations Unies s'applique, ce qui confère aux forces qui interviennent au Rwanda le mandat le plus large possible, soit de tout faire pour assurer le succès de leur mission.

    Nous le savons, les règles d'engagement et de commandement sont on ne peut plus claires. Même les Américains, qui hésitent souvent à intervenir dans ce genre de situation, ont reconnu qu'il


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    s'agissait d'une situation à laquelle ils devaient prendre part aux côtés des forces canadiennes.

    On nous a dit enfin que rien ne serait fait sans prendre en compte la réaction des pays impliqués dans la crise.

    Selon moi, face à la position que la Chambre doit adopter aujourd'hui, nous devons nous demnder s'il est dans l'intérêt du Canada de participer à cette mission, si la nouvelle situation sur le terrain rend cette initiative tout à fait inutile et si nous avons les ressources humaines et matérielles nécessaires pour accomplir cette opération.

    À propos de l'intérêt du Canada, ou plutôt de l'intérêt que représente cette mission pour les Canadiens, j'aimerais d'abord insister sur les propos du premier ministre concernant l'aspect humanitaire de cette mission. Il me semble que nous, Canadiens, qui avons la chance de vivre dans ce pays, reconnaissions la nature du monde interdépendant dans lequel nous vivons. Nous nous devons de reconnaître la nécessité d'agir dans des circonstances qui demandent une intervention humanitaire lorsque se produisent des tragédies d'une telle ampleur.

    Je me rappelle que, il y a quelque temps, dans la circonscription de Rosedale, je m'étais entretenu avec quelques jeunes réfugiés rwandais qui étaient venus au Canada. Ils habitaient Montréal, mais étaient venus à Rosedale pour s'adresser à quelques jeunes défavorisés. Nous travaillions ensemble à un projet commun. Des jeunes travaillaient ensemble dans un groupe appelé Environmental Video Exchange. Ces jeunes trouvaient une réponse fort intéressante pour la communauté internationale à une foule de problèmes internationaux. L'interaction entre ces jeunes du Rwanda et nos jeunes hommes et femmes de Rosedale était très instructive. En m'entretenant avec eux, il m'apparaissait clairement que, s'ils étaient à la Chambre aujourd'hui, ils réagiraient beaucoup comme la majorité des députés. Autrement dit, ils appuieraient le gouvernement dans cette initiative.

    À mon avis, les Canadiens de toutes les couches sociales et de tous les horizons veulent sincèrement apporter une aide constructive lorsqu'ils sont en mesure de le faire.

    (1720)

    Ayant écouté aujourd'hui le premier ministre et le ministre, et ayant pu examiner avec quelques-uns des fonctionnaires les circonstances qui entourent cette mission, je crois fermement que le moment est venu d'agir en étant à l'écoute de la réaction première et immédiate des Canadiens, c'est-à-dire d'intervenir résolument et de jouer un rôle de chef de file dans le monde.

    J'ai écouté avec beaucoup de fierté les propos du premier ministre au sujet de la réaction de la communauté internationale et de celle qu'il a obtenue de partout dans le monde, de petits et de grands pays, de même que des Nations Unies.

    La semaine dernière, j'ai eu l'occasion de me rendre en Europe avec un groupe d'autres députés de tous les partis. Nous étions en Allemagne, où nous avons déjeuné avec un groupe de parlementaires allemands membres de leur comité de la défense. Ils nous ont dit: «Savez-vous ce qu'on dit à la télévision, en Allemagne? Le Canada fait ce que nous, les Européens, devrions faire. Le Canada prend la direction des activités à notre place, parce que nous sommes incapables de le faire.» C'est peut-être pour cette raison que le premier ministre a fait état dans son discours de problèmes avec les Européens, notamment à cause de leur passé colonial.

    Il reste néanmoins que, en réalité, les gens des autres pays voient que notre pays est disposé à diriger la réponse humanitaire, mais que cela est aussi très important pour nous, pour ce qui est de nos intérêts stratégiques essentiels au Canada. Nous montrons la voie pour appuyer et renforcer l'efficacité des Nations Unies comme instrument servant à garantir que des problèmes semblables ne se produisent plus jamais.

    Aux comités des affaires étrangères et de la défense nationale, nous avons souvent débattu de la nécessité pour le Canada d'appuyer fermement le système onusien, non seulement par intérêt humanitaire, mais parce qu'il est essentiel que nous ayons une capacité forte, internationale et multilatérale pour réagir aux problèmes de cette nature. Malheureusement, ces problèmes ne se produisent pas moins fréquemment dans le monde. Au contraire, dans le monde d'aujourd'hui, pour des raisons qui sont liées à la fin de la guerre froide et au changement des alliances, puis, dans une certaine mesure, à l'insécurité qui apparaît dans divers coins du monde, ces problèmes risquent de se multiplier.

    Le besoin d'un système onusien fort, multilatéral et capable de réagir à ce type de situation est plus important que jamais auparavant. L'initiative que prend le gouvernement aujourd'hui renforce ce système et envoie un message au monde entier pour dire que les Nations Unies peuvent fonctionner et que des pays sont disposés à collaborer à leur système pour qu'il soit efficace. C'est une question très importante qui est dans l'intérêt de tous les Canadiens. Nous devons en reconnaître la nécessité.

    Je voudrais faire remarquer qu'en nous engageant dans cette mission, nous nous attaquons aux problèmes d'une situation en pleine évolution. Nous reconnaissons que la situation évolue, mais il est très clair d'après les consultations avec nos autorités que le général Baril sera capable de s'occuper de cet aspect et de reconnaître qu'il s'agit d'une situation nouvelle à laquelle il faut réagir d'heure en heure. Il ne faut cependant pas reculer maintenant, simplement parce que la situation a changé.

    Quand nous examinons cette question à la Chambre en tant que députés, nous avons évidemment le devoir de nous demander si nous avons les ressources nous permettant d'accomplir cette mission. En tant que députés, nous avons consulté les responsables des ministères de la Défense et des Affaires étrangères et nous en avons reçu la réponse que nous possédons les ressources nécessaires et que nous ne nous engageons pas dans cette mission d'une façon irresponsable. Au contraire, c'est une mission que nous sommes capa-


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    bles de mener à bien, et nous allons nous assurer que nous sommes en mesure de l'accomplir.

    Telles sont les conditions qui, réunies, me portent à croire qu'il est important pour nous de participer à cette mission.

    [Français]

    En conclusion, j'aimerais dire une chose qui n'a pas un impact direct sur cette mission mais qui, je crois, touche l'importance de la mission. C'est la troisième fois que nous débattons, dans cette Chambre, de l'idée d'une mission semblable. Nous avons des troupes en Bosnie, nous avons des soldats en Haïti et maintenant, il y en aura au Rwanda. Pourquoi sommes-nous là?

    Le premier ministre en a fait référence dans son discours devant la Chambre cet après-midi. Une des raisons pour lesquelles nous sommes là, c'est parce que nous sommes un pays bilingue.

    Nous sommes un pays de diversité qui a une tradition de tolérance, qui a une tradition dans le monde qui, partant de notre propre expérience canadienne, nous rend un pays particulièrement apte à entreprendre cette forme de mission.

    (1725)

    Je crois que nous pouvons être fiers, en tant que députés, du fait que notre gouvernement a décidé d'entreprendre cette mission. Je crois que nous pouvons être fiers, en tant que citoyens canadiens, du fait que notre société nous permet d'entreprendre une telle mission.

    Je conclus en disant que je crois que, lorsque l'histoire du développement de la collaboration internationale sera écrite, cette mission sera un exemple du commencement d'une nouvelle forme de collaboration à l'échelle internationale, et ce sera le Canada qui aura entrepris et qui aura été l'exemple dans cette nouvelle forme de collaboration.

    [Traduction]

    M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais poser une question au député de Rosedale après cette brève observation.

    Le député a dit qu'il appuierait la participation à la mission de maintien de la paix des Nations Unies au Zaïre. Je l'en félicite, et cela ne me pose pas de problèmes. Ma question a trait à nos forces armées, au rôle qu'elles joueront et au fait que, semble-t-il, ce rôle change constamment et que l'on a affaire à des cibles mobiles. Cela ressemble aux propos que tient le ministre des Finances quand il est question d'élimination du déficit.

    Si nous devons appuyer les efforts de maintien de la paix, si nous devons appuyer les militaires, pourquoi alors le gouvernement libéral, dont est membre le député, réduit-il le budget de la défense tout en continuant d'appuyer les missions de maintien de la paix dans le monde? Comme mon collègue de Red Deer l'a dit dans son premier discours sur la question aujourd'hui, tous les ministres des Affaires étrangères disent à la Chambre que c'est pour une période donnée et que le problème sera réglé. Pourquoi le budget a-t-il été réduit? Quels critères, d'après le député de Rosedale, le gouvernement devrait-il établir pour définir le rôle de cette mission humanitaire? En vertu de quelles conditions ce député estimera-t-il que la mission a été un succès ou un échec? Si, en tant que députés, nous ne savons pas quelles sont les conditions, comment pourrons-nous déterminer que la mission a été un succès ou un échec?

    M. Graham: Madame la Présidente, je remercie le député de sa question et je voudrais revenir sur ce que le député de Red Deer dit souvent lorsqu'il parle de la nécessité de délimiter la durée de ces missions. J'ai entendu le député mentionner cela au sein du comité, et je respecte grandement son opinion sur ces questions.

    Le député a aussi bien raison de dire que les temps changent. Il faut, en pareilles circonstances, faire preuve d'une certaine souplesse, comme l'ont fait les États-Unis. En Bosnie, nous avons fixé une limite de temps et nous sommes prêts à rester une autre année. Le fait de vouloir rester plus longtemps ne signifie pas que la mission est un échec total. Si nous restons, c'est parce que la mission est un succès, et il est important que nous ayons la souplesse nécessaire pour pouvoir rester là-bas.

    À mon avis, la mission actuelle sera différente des autres dans la mesure où nous pourrons dire clairement qu'elle est un franc succès lorsque la majorité de la population aura pu quitter le Zaïre et retourner s'installer au Rwanda. Les milices qui se trouvent au Zaïre ne peuvent harceler ou empêcher la population de retourner chez elle. Le problème me semble bien mieux défini et bien plus facile à régler dans un délai raisonnable que celui du rétablissement d'une population civile dans un pays comme l'ex-Yougoslavie. Cependant, cela ne veut pas dire que le rétablissement de civils au Rwanda ne constituera pas un jalon important pour garantir que pareille situation ne se reproduise plus dans l'avenir.

    En tant que Canadiens, nous avons mis en place des programmes sérieux à cet égard. Nous avons l'Agence canadienne de développement international. Une des choses que nous faisons au Rwanda, c'est de financer le rétablissement d'un système de justice dans ce pays. Nous essayons d'aider la population à jeter les bases d'une société civile. C'est, de toute évidence, quelque chose que nous ne pouvons faire à la place des Rwandais. Ce serait une autre forme de néo-colonialisme. Nous devons les aider à atteindre cet objectif en appuyant leurs programmes d'éducation, en leur fournissant de la formation dans le domaine juridique, en leur offrant d'autres instruments véhiculant les valeurs de la société canadienne et en leur permettant de choisir eux- mêmes les valeurs qu'ils veulent appliquer. Je ne suis pas de ceux qui croient que, à la fin de cette mission, des conflits civils pourraient éclater au Rwanda. Des autorités civiles sont déjà en poste au Rwanda. Elles ont besoin d'être renforcées. Elles peuvent être améliorées et nous pouvons les aider à cette fin.

    (1730)

    Nul besoin de demander à nos troupes d'intervenir. Nul besoin de prolonger leur mission. Le Canada devra toutefois maintenir son aide financière. Je suis heureux de constater que c'est ce que le gouvernement entend faire.


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    Troisièmement, le député parle de la réduction du budget de la défense. Je n'insisterai pas trop sur les apparentes incohérences dans les propos du député, étant donné que son parti réclame à grands cris de plus grandes réductions dans les dépenses publiques.

    Il est vrai que nous avons dû réduire le budget de la défense. Nous avons réduit le budget consacré à l'aide internationale. Nous avons réduit le budget de chacun des ministères fédéraux. Je crois que nous avons agi de façon responsable. Nous avons imposé à nos militaires des réductions qui leur permettent quand même de dire: «Oui, nous sommes en mesure de remplir cette mission. Oui, nous sommes capables de mener à bien cette mission.» Voilà pourquoi je suis disposé à appuyer cette motion aujourd'hui.

    [Français]

    M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Madame la Présidente, je vous informe d'abord que je partagerai mon temps avec le député de Verchères. Je suis heureux de participer à ce débat portant sur l'envoi d'une force multinationale de l'ONU. D'entrée de jeu, et comme mes collègues qui sont intervenus avant moi l'ont dit, le Bloc québécois appuie cette initiative canadienne et s'en réjouit.

    Mon collègue de Rosedale le disait, c'est la troisième ou quatrième fois que nous faisons un tel débat. Chaque fois que nous faisons un débat portant sur l'envoi de troupes canadiennes dans des zones fragiles, nous sommes toujours placés devant la même question: Est-ce que les Canadiens et les Québécois sont en faveur de l'envoi de tels contingents canadiens?

    Dans nos comtés, nous recevons habituellement des témoignages contradictoires. Il y a des gens qui sont radicalement contre et, le plus souvent, ils le sont pour des motifs budgétaires; les gens qui sont radicalement pour le sont habituellement pour des motifs humanitaires.

    En février 1995, le gouvernement canadien, dans l'avant-dernier budget, a coupé complètement les subventions aux organisations non gouvernementales dont la mission était précisément de sensibiliser le public canadien et québécois à l'importance de la coopération internationale. Je pense qu'en posant ce geste, le gouvernement a rendu les choses beaucoup plus difficiles relativement à cette question que les gens se posent. Ils constatent que le gouvernement prend des décisions et le corollaire, la nécessité de donner de l'information, d'expliquer, de dire pourquoi, il a arrêté de donner de l'information.

    Je pense que c'est fondamental que le Canada soit présent dans ces zones, j'allais dire, sinistrées. Ce n'est pas un jeu de mots, ce sont vraiment des zones sinistrées. Tout le monde s'entend pour dire qu'avec la chute du mur de Berlin, avec l'effondrement de l'URSS, le monde a changé. C'est une chose de dire que le monde a changé, mais c'en est une autre que de constater que la notion de sécurité englobe maintenant des éléments auxquels nous ne pensions pas avant, lorsqu'on parlait de sécurité.

    Lorsqu'on parle de sécurité maintenant, et la nôtre est en cause, la sécurité des Canadiens et des Québécois est en cause chaque fois qu'on observe, dans le monde, des phénomènes de détresse. Je vais en énumérer un certain nombre. Il y a les déplacements de population suite à toutes sortes de situations.

    (1735)

    On évalue que 50 millions d'hommes, de femmes et d'enfants se déplacent, ne sont pas chez eux, sont hors de leur pays ou hors de leur ville à cause de tensions, de guerres, etc.

    Dernièrement, la FAO tenait un sommet sur l'alimentation et on démontrait, on expliquait que 800 millions de personnes sont dans une situation de sous-alimentation. Le sommet s'est donné un lointain objectif de diminuer de moitié en 20 ans le problème de la faim dans le monde.

    Lorsqu'on parle de sous-développement, cela nous concerne. Les guerres ethniques, les problèmes démographiques, est-ce que la planète va pouvoir indéfiniment supporter la croissance démographique? Je dis que toutes ces questions nous concernent parce que, à un autre moment donné, les commettants de nos comtés nous demandent: «Est-ce que vous ne pensez pas qu'on accepte trop d'immigrants et de réfugiés au Canada?»

    Si nous refusons d'intervenir sur ces phénomènes, si le Canada n'est pas présent dans les zones de détresse, les Canadiens et les Québécois ne pourront pas dans la même logique dire: «Nous ne devrions pas accepter de réfugiés.» Les réfugiés sont la cause immédiate de ces phénomènes et nous sommes concernés.

    Nous sommes tellement concernés que de plus en plus, dans la communauté internationale, on reconnaît que l'existence des guerres ethniques, des guerre civiles, donc à l'intérieur d'un pays, engendrent maintenant un devoir d'ingérence. Il y a dix ou quinze ans, on n'aurait pas pensé cela. Maintenant, le droit international commence à dire que lorsqu'il y a, dans des pays, des guerres civiles qui font que des citoyens sont privés de leurs droits les plus fondamentaux, la communauté internationale a le devoir, pas seulement le droit, mais le devoir d'intervenir.

    Revenons-en maintenant à cette situation du Rwanda. Comment s'est comportée la communauté internationale par rapport à ce problème? Dès 1992 ou 1993, le Centre international des droits de la personne et du développement démocratique, qui est situé à Montréal, à la suite de missions réalisées dans la région des Grands Lacs, avait prévenu le secrétaire général des Nations Unies qu'il se préparait quelque chose là-bas qui avait toutes les dimensions d'un génocide.

    La communauté internationale est demeurée inactive. On a attendu qu'en 1994 le drame se produise. Le drame qui s'est produit, évidemment, c'est que de 500 000 à un million de personnes ont été tuées. Ce qui s'en est suivi, évidemment, c'est tout le phénomène des réfugiés et les pays environnants, le Zaïre et le Burundi, qui forcément ont eu à en subir les conséquences.

    Deux ans après la fin du génocide, on constate que finalement, la communauté internationale a été plutôt discrète dans ses solutions. Il a fallu attendre que la situation des réfugiés au Zaïre devienne à ce point explosive pour que la communauté internationale commence à se demander si elle ne devrait pas agir, et je salue bien sûr l'initiative canadienne, qui a permis finalement le réveil de la communauté internationale.


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    Mais nous nous comportons constamment comme des pompiers. Au lieu de faire de la prévention, au lieu de faire en sorte que les pays en voie de développement sortent de leur sous-développement, au lieu d'investir dans le développement humain durable, dans l'éducation, dans la santé, dans la démocratisation, dans les gouvernements démocratiques, dans les droits de la personne et dans les sociétés civiles, la communauté internationale continue d'investir des milliards et des milliards dans les budgets de défense et des miettes dans les budgets d'aide aux pays en voie de développement.

    (1740)

    Prenons l'exemple du Canada, c'est le même que dans les autres pays: le Canada attribue deux milliards à peu près pour son aide publique au développement, et un budget d'environ 10 milliards pour la défense, comme s'il ne s'était rien passé au début des années 1990, comme si la notion de sécurité était toujours la même, comme si la notion de sécurité s'accrochait seulement à une dimension militaire.

    Alors il faut que la communauté internationale sorte de sa torpeur; il faut qu'on mette en place des mécanismes permanents, non pas pour imposer la paix, mais pour faire en sorte que, dans les pays où ces tensions se vivent, petit à petit les gens reprennent espoir et se développent dans un cadre respectueux des personnes. À ce moment-là, nous cesserons d'intervenir comme des pompiers parce que nous aurons mis fin, peut-être, au sous-développement.

    M. Pierre Brien (Témiscamingue, BQ): Madame la Présidente, comme il s'agit d'une dimension que je n'aborderai pas beaucoup dans mon discours, vous me permettrez de féliciter mon collègue de Louis-Hébert, qui a une bonne expérience en ce qui concerne les affaires internationales.

    Je suis parfaitement en accord avec la dernière partie de son exposé, que j'ai eu la chance d'entendre et qui avait trait à l'aspect préventif. L'image était frappante. Quand on consacre deux milliards en aide internationale et, d'un autre côté, une dizaine de milliards pour la défense nationale, cela démontre bien-d'ailleurs c'est comme dans beaucoup d'autres domaines-une approche souvent plus curative que préventive qu'on essaie d'adopter. En bout de ligne, elle nous coûte plus cher et, dans ce domaine, on ne parle pas d'argent, mais souvent de vies humaines.

    Je veux revenir à cette force multinationale dont le Canada a pris le leadership et qui sera envoyée. Elle a déjà commencé, au Zaïre, à venir en aide à ces réfugiés dont, à l'heure actuelle, plusieurs retournent vers le Rwanda, ce qui est un événement nouveau depuis l'annonce de la création de la force multinationale et aujourd'hui.

    C'est clair, la position que le Bloc a prise et qui a été exprimée par son chef plus tôt est que nous appuyons cette mission afin de permettre aux gens de retourner au Zaïre de façon sécuritaire, pour s'assurer que du secours sera apporté à ces gens. Durant la fin de semaine, on a pu voir des images tout à fait saisissantes. Il y en a que j'ai vues, mais il y en a une que je n'ai pas vue mais qu'on m'a décrite. Juste à l'imaginer, on peut comprendre l'ampleur du drame. À la suite d'une attaque, on voyait une partie de la population décimée ainsi qu'un petit enfant qui regardait autour de lui pour n'y voir que des corps humains inanimés. Il n'y avait pas non plus beaucoup de gens pour se porter au secours de l'enfant qui, apparemment, a été secouru plus tard. Sur le coup, ces images ne peuvent pas nous laisser indifférents.

    À un moment donné, il fallait que quelqu'un assume un leadership pour une intervention dans le secteur du Zaïre parce qu'évidemment tout le monde se relançait la balle; tout le monde attendait après tout le monde: la France, les États-Unis. Bref, il n'y avait pas d'intervention, et on se retrouvait dans une situation où une dégradation est encore possible parce qu'évidemment on n'est pas dans un processus, à l'heure actuelle, même avec une force multinationale, où les sources du conflit sont réglées ou sont sur le point de l'être. Loin de là. Il y a une situation potentiellement explosive et très dommageable.

    On n'a qu'à se souvenir de ce qui s'est passé il n'y a pas si longtemps au Rwanda pour voir que la situation est très complexe et est très loin d'être réglée en ce qui a trait à la cohabitation des Tutsis et des Hutus.

    Donc, on salue ce leadership qu'a pris le Canada dans ce dossier en rassemblant autour de lui une force multinationale et en l'envoyant avec un mandat appuyé par les Nations Unies. Évidemment, il y aura un rajustement à faire; il se fera jeudi, dans une rencontre importante, parce qu'on peut voir que la population qui vivait plus au nord du Zaïre est maintenant en mouvement. On parle de 400 000 Hutus qui auraient déjà regagné le Rwanda et que 100 000 autres le feraient dans les prochaines heures.

    (1745)

    Il n'en reste pas moins qu'il y a encore, selon les estimations faites par les observateurs des ONG là-bas, environ 700 000 réfugiés dispersés, dont une partie entre autres, plus de 100 000, qui s'en vont vers l'ouest du Zaïre, qui sont dans une situation où ils pourraient avoir à gagner le Rwanda rapidement. Ces gens se retrouvent souvent dans des zones beaucoup moins sécuritaires. Il faudra aussi leur offrir un corridor humanitaire. C'est dans le mandat, de permettre un corridor sécuritaire à ces gens, en même temps que de leur apporter des éléments de base, comme des vivres et des médicaments.

    Malgré le fait que 500 000 personnes soient sur le point de regagner le Rwanda, il reste que le mandat est encore là. L'intervention est encore justifiée. Même si elle est difficile à négocier avec les autorités du Zaïre et du Rwanda, c'est toujours complexe, il n'en demeure pas moins qu'il y a des observateurs sur place, particulièrement des organismes non gouvernementaux qui viennent en aide à ces populations, qui, eux le réclament encore. Ce sont des gens qui vivent avec la réalité et qui font des observations très précises sur le terrain.

    Évidemment, il y aura des choses complexes à régler pour assurer une intervention rapide. Malgré l'engagement pris par le Canada d'envoyer une force, il y a encore quelques obstacles à surmonter qui devront se régler lors d'une importante réunion jeudi.

    On peut déplorer un peu la lenteur du processus, mais les choses ne vont pas toujours aussi rapidement qu'on le souhaiterait dans ce genre d'intervention. Au moins, on a déjà franchi un pas supplémentaire; il y a des observateurs qui sont sur le terrain. On parle notamment du général Baril qui est rendu là avec une équipe qui


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    sera sans cesse croissante dans les prochains jours, dans les prochaines semaines.

    Il n'y a pas d'ambiguïté quant à notre appui. C'est un appui, même si on a des interrogations comme d'autres peuvent en avoir, que le gouvernement peut avoir, sur la durée des opérations. Il y a une certaine interrogation relative à une solution plus permanente, parce qu'évidemment, au-delà de quatre mois, personne ne s'attend à ce qu'on ait réglé le problème politique qui existe là-bas. On sait qu'on s'engage dans une mission très complexe qui peut durer certainement plus longtemps que les quatre mois prévus. Il pourrait y avoir un relais pris à ce moment-là par les Nations Unies. On verra.

    M. Boutros Boutros-Ghali a déjà dit qu'il y aurait un rapport. Il y a une entente là-dessus pour qu'un rapport soit soumis au début de janvier. On verra là où cela nous conduira.

    Je veux l'évoquer parce qu'il y a des gens, des commettants qui nous posent souvent la question. Il y a des coûts associés à ce genre de mission, oui, c'est vrai. Mais nous avons le devoir, comme citoyens qui vivent dans une richesse relative, dans un climat tout à fait différent, nous avons une responsabilité, une solidarité vis-à-vis de ceux qui vivent dans des conditions tout à fait inacceptables à ce moment-ci, qui vivent un drame humain hors du commun et hors de l'ordinaire. Il est hors de l'ordinaire par rapport à ce que nous pouvons vivre comme réalité ici au quotidien.

    On a mentionné le chiffre de 100 millions de dollars; c'est à peine 4 $ par année par citoyen qu'on va y consacrer. Si on le divise sur une base journalière, ce n'est pas grand-chose dans nos vies qu'on va renoncer, qu'on va sacrifier pour pouvoir venir en aide et participer à une opération qui, à terme, je l'espère, par le fait d'avoir envoyé des gens sur place, apportera aussi un regard international qui sera plus près de la situation.

    Je pense que tout le monde souhaite, et le gouvernement du Canada aussi souhaite qu'il y ait une conférence internationale sur la situation des Grands Lacs africains. Cette conférence pourrait faire franchir un pas supplémentaire. Mais à court terme, il y a des besoins qu'il faut rencontrer, ceux de l'assistance humanitaire. Il faut aussi assurer des corridors de sécurité à ces populations en mouvement pour que ces gens puissent retourner chez eux.

    Il y a une dernière dimension que je veux aborder, c'est celle de nos gens et de nos soldats qui vont sur place. Je pense qu'on doit les saluer. Quand des gens s'engagent dans les forces armées, ils s'attendent à ce qu'ils puissent un jour être appelés à intervenir. Aujourd'hui, on sait très bien que, dans le cas du Canada, lorsqu'on s'enrôle dans les forces armées, c'est probablement pour participer à des missions de maintien de la paix parce que, fort heureusement, nous ne sommes pas engagés dans des conflits internes ou externes où nous sommes directement impliqués.

    (1750)

    Cela fait en sorte que nos interventions sont davantage civiles, en tant que participants à des opérations des Nations Unies ou d'autres types d'intervention d'une force multinationale dirigée par le Canada. On salue ceux qui participent à de telles missions. Ce sera difficile pour eux et pour leurs familles, mais c'est la réalité. C'est un choix qu'ils ont fait.

    On salue leur courage et nous souhaitons que cette opération permette aux Forces armées canadiennes de rétablir leur réputation ternie par les agissements en Somalie, même si ce sont des cas isolés, si ce ne sont pas des cas très nombreux. Je pense que cela donnera une chance de remettre en relief le fait que la vaste majorité, la très grande majorité de nos militaires font des gestes extraordinaires et ce sont ceux qu'on devrait remarquer davantage.

    Cela donnera l'occasion de réaliser qu'ils apportent une contribution dont ils se souviendront toute leur vie, autant que ceux et celles qu'ils aideront se souviendront de leurs gestes. On les appuie, on leur souhaite la meilleure des chances.

    Je répète qu'on appuie cette mission. Il y a certaines questions qui ont été soulevées par des collègues dans le débat, mais je pense que ce n'est pas le temps de donner dans la nuance quand il s'agit d'opérations de cette envergure. On souhaite la meilleure des chances à nos troupes et nous espérons que le gouvernement nous tiendra informés de la suite des opérations si jamais il y avait des ajustements au mandat. Je suis certain que les ministres impliqués et le gouvernement le feront.

    [Traduction]

    M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Madame la Présidente, je partagerai mon temps de parole avec la députée d'Ottawa-Ouest.

    Je tiens à exprimer mon soutien à la mission au Rwanda, au Zaïre et ailleurs en Afrique centrale. Le monde suit de près l'évolution de la situation sur le continent africain. Ces derniers jours, plus de 400 000 personnes réfugiées dans la région de Goma sont retournées au Rwanda. Au cours des prochains jours, plus de 150 000 autres les suivront.

    Les combats, la famine, la déshydratation et la maladie font des ravages. Il faut faire quelque chose. Le Canada a décidé qu'il devait apporter une aide humanitaire à la population de la région. Grâce à notre expérience dans les missions de maintien de la paix, nous sommes bien placés pour diriger et le monde nous fait confiance.

    Nous devons nous souvenir en quoi consiste cette mission. Comme le premier ministre l'a déclaré plus tôt, les ennemis sont la souffrance, la douleur, la maladie et la faim. Nous devons apporter notre aide.

    La région subsaharienne a énormément besoin d'une aide à long terme. Dans ma circonscription, Victoria-Haliburton, il existe des organisations non gouvernementales semblables au petit groupe de chrétiens qui administre le programme HAVE, pour Help A Village Effort, actif à l'extérieur de ma circonscription.

    Ce groupe envoie chaque année un peu d'argent à des gens pour les aider à avoir de l'eau potable en creusant des puits. Ils organisent l'approvisionnement en eau potable et tout ce qui s'ensuit: hygiène, alimentation saine et mode de vie différent. Ils enseignent comment traiter et prévenir la maladie. Ils montrent comment lire le mode d'utilisation d'une simple pompe à eau. Apprendre le fonctionnement de cet appareil est un problème dans une région où le système scolaire est pratiquement inexistant. Ces gens continueront d'apporter leur aide à la région subsaharienne.


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    Cette année, j'ai eu l'honneur d'assister, à Washington, à une conférence intitulée «Une vision de l'an 2020 en matière d'alimentation, d'agriculture et d'environnement». Il s'agissait d'une conférence dont le plus gros commanditaire était la National Geographic Society. Assez ironiquement, le problème dont nous discutons aujourd'hui a été abordé lors de cette conférence.

    Les missions qui réussissent le mieux dans la région subsaharienne, sont les petites, la plus efficace de toutes étant le système bancaire qui prête de petits montants aux agriculteurs. En passant, la majorité des agriculteurs sont des femmes. Cette banque a un énorme succès et 99 p. 100 de ses prêts lui sont remboursés.

    Le programme qui vient au deuxième rang pour l'efficacité est le programme de distribution de semences et de formation par la communauté agricole canadienne. Ce programme aide les collectivités africaines à faire l'apprentissage des techniques agricoles modernes.

    Le programme qui vient au troisième rang est le programme d'alphabétisation, qui permet d'apprendre à lire les instructions, les étiquettes et les symboles, ce qui aide à améliorer l'hygiène et à pourvoir aux besoins de base.

    (1755)

    Nous devons saisir l'occasion pour nous impliquer et ouvrir la voie. Le monde regarde le Canada avec espoir et compte sur lui pour montrer aux membres des Nations Unies que notre intervention vise l'auto-suffisance à long terme de l'Afrique.

    Il y a beaucoup de bonnes raisons de venir en aide à la région subsaharienne. Il n'y en a qu'une, la peur de l'inconnu, qui en empêche certains d'agir. Il y a des pays qui ne sont pas en mesure d'aider à cause de leur passé colonial. Le Canada, lui, peut faire quelque chose.

    En terminant, je tiens à affirmer mon soutien à la mission. J'espère que ce n'est là qu'une première étape d'un vaste programme dont le but sera d'aider l'ensemble du continent africain à assurer son autonomie.

    M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je sais pourquoi le député souscrit à cette mission et j'accepte sa position. Par ailleurs, j'aimerais savoir comment il se fait que nos forces de maintien de la paix sont envoyées partout dans le monde, indéfiniment et sans échéance. Je me place dans une perspective très générale.

    Je crois savoir que nos soldats, de leur propre aveu, ne sont pas en mesure de prendre part à plus de deux opérations de maintien de la paix à la fois. Or, il est question ici d'un troisième engagement, car nous sommes encore en mission à Haïti et en Bosnie. Ne risque-t-on pas de trop étirer l'élastique? N'imposons-nous pas un fardeau trop lourd à nos soldats? Dans quelle mesure sommes-nous sensibles à leurs besoins? L'armée elle-même avoue qu'elle n'a pas les moyens, l'argent, les effectifs et le matériel nécessaires à l'accomplissement de deux missions de la paix à la fois.

    Comment le député arrive-t-il à concilier ce fait reconnu des militaires et son appui en faveur de cet effort humanitaire? Sur quel critère faudra-il se fonder pour simplement faire en sorte que les réfugiés soient sains et saufs, qu'ils aient le nécessaire pour vivre et que les rebelles ne leur tirent pas dessus? Comment le député peut-il espérer nous convaincre, alors que nos troupes sont déjà utilisées au maximum?

    M. O'Reilly: Madame la Présidente, je remercie le député de Calgary-Centre de son intervention. Il m'a permis de parler un peu plus longtemps de la confiance que j'ai, en tant que membre du Comité de la défense, dans nos troupes, les mieux formées au monde, celles qui ont la meilleure attitude et le plus haut sens de l'engagement à l'égard de ce qu'on leur demande de faire.

    Je suis convaincu que nos troupes peuvent s'acquitter de cette mission comme elles se sont acquittées de toutes les autres, notamment dans des endroits comme Haïti où le bilinguisme est un atout. Nos troupes de maintien de la paix sont bien entraînées et bien équipées. Elles peuvent s'acquitter des missions qu'on leur confie. Elles s'en acquittent avec l'honneur et la dignité attachées à la longue histoire du maintien de la paix dans l'armée canadienne.

    Nos forces du maintien de la paix sont connues dans le monde entier pour leur générosité, leur aide et leurs façons humanitaires. Je pense qu'elles continueront dans cet esprit. J'aimerais penser qu'il y a assez d'argent pour cela dans le budget de la défense. J'ai confiance que le ministre de la Défense nationale trouvera l'argent pour cela. Je place ma confiance dans le fait que l'armée m'a indiqué qu'elle serait en mesure de supporter cette mission. Elle a l'argent, les ressources, le savoir-faire et la capacité. Elle est désireuse de traiter le problème où il est. Elle ne veut pas qu'il s'étende à d'autres régions.

    Non seulement les membres des forces armées veulent être des gardiens de la paix, ils veulent aussi apprendre aux gens à mieux vivre et à subvenir à leurs besoins pour le long terme, ce qui aide aussi le Canada, puisque nous n'avons pas ainsi des bateaux entiers de réfugiés qui échouent sur nos côtes. Je pense que c'est important. Je pense que nos troupes sont en mesure d'assurer cette mission et qu'il y a un budget disponible. Autrement, nous ne le ferions pas.

    Toutefois, il est nécessaire, même si nous devons gratter les fonds de tiroir, de faire en sorte que cette mission se déroule pour l'amélioration de la situation du monde entier.

    (1800)

    M. Silye: Madame la Présidente, je voudrais poursuivre cette discussion un peu plus loin. Lorsque des soldats ont été envoyés en Haïti, on nous a dit qu'ils y seraient pour six mois. On demanderait une prolongation de leur mission.

    Nous ignorons combien de temps les soldats participeront à cet effort humanitaire. Alors, lorsque je dis ad infinitum, je veux savoir pourquoi les parlementaires ne reçoivent pas plus de renseignements et pourquoi le gouvernement ou le ministre de la Défense ne précisent pas notre rôle en ce qui a trait aux activités militaires et de défense. Sommes-nous des casques bleus ou plus que cela? Équipons-nous en conséquence.

    À mon avis, il est très frustrant de nous engager et d'utiliser nos ressources limitées sans vraiment obtenir la reconnaissance et le


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    crédit que nous pourrions encore obtenir, quoique nous ayons bel et bien les meilleurs soldats au Canada.

    Combien de temps durera cette mission? Pourquoi les soldats ne sont-ils pas partis de Haïti?

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Le député a 30 secondes.

    M. O'Reilly: Madame la Présidente, je ne peux pas répondre à la question en 30 secondes, car il faudrait que j'entre beaucoup dans les détails. Personne ne planifie une guerre. Personne ne planifie de faire franchir une frontière à 400 000 personnes en une journée. Personne ne planifie la formation de gens et la durée de cette formation. Nous ne pouvons qu'y réagir.

    Je suis sûr que le député de Calgary-Centre a fortement appuyé nos ressources de déploiement rapide, comme il appuie cette mission qu'il a mentionnée. Il sait qu'aucun conflit ne comporte un délai fixe. Tout dépend des besoins des gens à ce moment-là.

    Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Madame la Présidente, c'est avec une certaine appréhension que j'interviens pour parler de cette motion. Peu importe le nombre de fois où nous sommes confrontés à des conflits armés dans le monde, il est extrêmement difficile d'envoyer nos troupes dans des régions où ils seront exposés aux dangers de la guerre civile.

    De nombreux Canadiens s'inquiètent, à juste titre, des risques reliés au maintien de la paix dans cette situation. Cependant, je crois qu'en tant que Canadiens nous devons nous rappeler de la chance que nous avons de vivre ici et du fait que la grande majorité des habitants de cette planète ne sont pas aussi chanceux. Les décisions que nous prenons aujourd'hui touchent nos électeurs, nos concitoyens, ainsi que les gens au-delà de nos frontières, dans le monde entier.

    On se demande toujours si on doit se préoccuper du sort de notre prochain. Je suis très fière du fait qu'au Canada, nous avons répondu par l'affirmative. La mondialisation ne se limite pas simplement à utiliser les ressources des pays en développement, des régions les plus pauvres du monde et à les considérer comme des clients pour nos produits et nos services.

    Dans le cadre de la mondialisation, on reconnaît également que les privations dont souffrent la majorité des citoyens du monde ne sont pas simplement leur problème, mais également le nôtre. Les causes de conflits comme la faim, l'absence de soins de santé de base et l'incapacité de se développer, de produire, de consommer et de distribuer ses propres denrées sont des problèmes pour le monde entier et pas seulement pour les gens qui y sont confrontés.

    Nous savons que dans le monde entier, à n'importe quel moment, il y a un million de gens qui veulent venir au Canada. Une de nos principales obligations dans le monde consiste à donner la possibilité aux gens de vivre, en toute sécurité, avec un niveau de vie raisonnable, dans leur propre pays également.

    Le sujet dont nous discutons aujourd'hui touche au coeur même de la question de savoir si un pays comme le Canada, que les Nations Unies ont choisi à plusieurs reprises comme le meilleur pays du monde où vivre, aurait dû donner au monde entier un exemple à suivre ou plutôt se laver les mains des problèmes des autres.

    Comme dans le passé, nous devons décider si oui ou non nous allons agir pour mettre un terme aux souffrances des gens de la région des Grands Lacs de l'Afrique ou faire la sourde oreille aux appels à l'aide. Je suis extrêmement fière que nous ayons décidé de ne pas nous défiler et que notre premier ministre et notre gouvernement aient reconnu que le Canada pouvait jouer un rôle de chef de file unique dans le cas présent. C'est avec beaucoup de fierté que je constate que nous avons su jouer ce rôle fort bien. Des générations de Canadiens ont travaillé pour créer, dans cette partie du monde, une société prospère et juste fondée sur des principes démocratiques fondamentaux. Les Canadiens ont également acquis la réputation de grands défenseurs de ces valeurs dans le monde, et je crois que la façon dont nous réagissons à la crise actuelle montre clairement au reste du monde quel genre de pays est le Canada et pourquoi il est perçu comme un pays responsable sur la scène internationale.

    (1805)

    [Français]

    En nous acquittant de cette tâche, nous montrerons aux réfugiés de la région des Grands Lacs d'Afrique que nous nous préoccupons de leur sort. Nous réaffirmerons le rôle directeur du Canada comme intermédiaire et nous serons à la hauteur de la réputation de notre pays comme négociateur et pacificateur.

    Étant donné l'histoire de la région, une intervention claire et rapide de la communauté internationale s'impose si l'on veut éviter que la situation dans la région des Grands Lacs ne conduise à une répétition des massacres qui ont ensanglanté le Rwanda, il y a deux ans.

    [Traduction]

    Depuis quelques années, le Canada lance des appels à la communauté internationale pour qu'elle unisse ses efforts en vue d'assurer un déploiement plus rapide des forces de maintien de la paix. Il y a quelques semaines, le ministre des Affaires étrangères a parlé de la nécessité d'intensifier les efforts d'édification de la paix et de réconciliation entre les pays.

    Le rôle de premier plan que le Canada est appelé à jouer dans cette mission permettra aux appels à l'aide des populations déplacées de cette région d'être entendus.

    Nos forces pourront établir des lignes de ravitaillement en aliments et médicaments dont les réfugiés et les civils blessés ont un urgent besoin. Notre présence aidera les gens à retourner dans leurs foyers et à retrouver une certaine sécurité.

    Notre mission est claire. Nous devons faire en sorte que l'aide tant attendue parvienne aux civils éprouvés de la région et assurer la sécurité des réfugiés pendant qu'ils retournent dans leurs communautés.

    En prenant l'initiative de la création de la force multinationale et de l'établissement de son mandat, le Canada donne encore une fois au monde l'exemple d'un pays qui ne se dérobe pas à ses responsabilités internationales. Nous contribuerons à rétablir la paix dans une région depuis trop longtemps éprouvée et nous continuerons de lutter pour la dignité et la sécurité des citoyens les moins fortunés du monde.


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    La situation actuelle est changeante et personne ne peut prédire ce qu'il adviendra. Je crois cependant que les troupes que nous envoyons sont bien formées, compétentes et qu'elles pourront, pour la première fois, utiliser la formation qu'elles ont reçue précisément pour ce genre de situation.

    Le député de Calgary disait que nous avons souvent accompli ce genre de mission sans obtenir la reconnaissance et le crédit mérités. Une des vertus principales de notre pays est son aptitude à faire ce qui est juste en dépit des plus grandes difficultés. Nous avons déjà démontré à plusieurs reprises que, compte tenu de notre population et de nos ressources, nous savons jouer sur la scène internationale un rôle qui dépasse de loin ce qu'on serait en droit d'attendre de nous.

    Encore une fois, je suis très fier de ce que le gouvernement et le premier ministre ont accompli. Je ne doute pas que tous les députés offrent leurs meilleurs voeux de succès aux troupes que nous dépêchons dans cette région troublée du monde et souhaitent qu'elles puissent accomplir leur mission en sécurité.

    M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Madame la Présidente, je voudrais poser à la députée une question qui a été soulevée aujourd'hui pendant que je m'adressais à un groupe de plus d'une centaine d'étudiants dans l'édifice de l'Ouest. Ces étudiants d'université examinent le Parlement et son mode de fonctionnement. Au cours de la période des questions et des réponses, on m'a demandé: «Comment se fait-il que nous dépensions tant d'argent à l'étranger alors qu'ici, au Canada, nous avons un taux si élevé de pauvreté chez les enfants et nous éprouvons tant de problèmes? Il semble que nous envoyons toujours plus d'argent à l'étranger, mais que nous ne nous occupons pas de notre population ici, au Canada.» J'ai répondu à la question, mais je voudrais savoir comment la députée y aurait répondu.

    (1810)

    Mme Catterall: Madame la Présidente, ma réponse, c'est que, franchement, il n'y a pas des centaines de milliers d'enfants qui risquent de mourir ce soir au Canada. C'est justement ce qui se passe dans la région des Grands Lacs, en Afrique. Nous luttons contre la pauvreté de nos enfants. La situation au Canada est désespérée et, au lieu de s'améliorer, elle empire.

    Je pense que la réunion que notre ministre aura sous peu avec ses homologues provinciaux apportera des solutions.

    Toutefois, il n'y a plus de problèmes qui se limitent à un seul pays. Un problème de cette ampleur, de cette gravité affecte le Canada au même titre que les pays riches et développés. C'est pourquoi nous sommes tenus d'aller là-bas et d'empêcher la souffrance et la mort qui séviraient si nous n'y étions pas.

    M. Silye: Madame la Présidente, la députée sait-elle au juste quel est le mandat à remplir au Zaïre? Sait-elle combien de temps les troupes y resteront? Sait-elle combien la mission coûtera, en fin de compte? Selon quels critères pourra-t-elle dire que la mission est un succès?

    Je comprends les préoccupations d'ordre humanitaire, mais il semble maintenant y avoir une vive controverse sur la raison d'être de la mission. Il s'agit d'une initiative que le gouvernement canadien a prise, que le premier ministre lui-même a prise, mais voilà soudain que les frontières se sont ouvertes et qu'un grand nombre de personnes retenues contre leur gré ont pu partir. On est maintenant dans l'attente, et il y a eu un grand débat jeudi.

    C'est très bien de dire que nous nous sentons interpellés et que nous voulons prêter main-forte, car c'est vrai, mais en fonction de quels critères la députée pourrait-elle dire que la mission est une réussite? Compte tenu des problèmes que nous avons chez nous, pourquoi ne pas nous attaquer à quelques-uns d'entre eux?

    Mme Catterall: Madame la Présidente, si j'avais plusieurs heures devant moi, je pourrais énumérer toute une liste de mesures que nous prenons chez nous. Les étudiants universitaires dont le député a parlé aujourd'hui sont un excellent exemple qui montre à quel point nous réussissons à instruire nos jeunes. Ce n'est qu'un tout petit exemple.

    Bien entendu, la situation évolue d'heure en heure dans la région des grands lacs africains. C'est pourquoi il est si important que nous ayons sur place des gens capables de nous informer. Lorsque le premier ministre a pris cette initiative, la semaine dernière, aucun d'entre nous, j'en suis convaincue, n'aurait pu prédire le déplacement massif de réfugiés qui s'est produit depuis.

    Est-ce que c'est à cause de l'initiative canadienne que les réfugiés ont quitté les camps pour rentrer chez eux, que les forces armées ont renoncé à dominer et à terroriser ces réfugiés? Je le souhaite. J'aimerais beaucoup que nous puissions revendiquer ces résultats.

    Je pense qu'aucun d'entre nous ne sait dans quel sens la situation va évoluer dans les 24 prochaines heures, et a fortiori dans la prochaine semaine. Si le député de Calgary veut avoir des garanties sur ce qui va se passer chaque fois qu'il sort de chez lui, il n'a pas les pieds sur terre.

    Nous sommes là pour faire un travail extrêmement important, pour nous adapter, avec nos alliés, à l'évolution de la situation et utiliser nos ressources au mieux sans exposer notre personnel à des risques inutiles.

    [Français]

    M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Madame la Présidente, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui en cette Chambre afin de débattre de la motion qui nous est présentée par le gouvernement libéral. Cette motion revêt une très grande importance en raison de la situation qui prévaut actuellement dans la région des Grands Lacs d'Afrique et l'implication que le Canada entend y avoir.

    La situation dans l'est du Zaïre et à la frontière rwandaise évolue d'heure en heure, et il importe maintenant d'agir avec une extrême rapidité afin de sauver des vies, tout en s'assurant que nos soldats puissent évoluer dans un cadre le plus sécuritaire possible.


    6402

    (1815)

    À ce stade-ci, j'aimerais dire qu'il était normal, je pense, que nous décidions d'intervenir. Là-dessus, je rejoins un peu ce qu'a dit l'émissaire spécial des Nations Unies dans la région, M. Raymond Chrétien. Nous n'aurions pu demeurer insensibles, inactifs, assister à tout cela, à toute cette barbarie, tout en demeurant inactifs, sans qu'à quelque part, nous y perdions une partie de notre âme.

    Conséquemment, le Bloc québécois applaudit la motion qui nous est finalement présentée aujourd'hui. En effet, depuis des semaines, les médias nous informent quotidiennement de la dégradation constante de la situation dans l'est du Zaïre. Depuis lors, le Bloc québécois a posé de nombreuses questions au ministre des Affaires étrangères afin de l'inciter à prendre l'initiative auprès de la communauté internationale, mais les réponses renvoyaient toujours à l'idée que le Canada était prêt à offrir de l'aide, mais qu'il refusait de s'impliquer davantage.

    Peut-être est-ce la situation intérieure qui prévaut actuellement au Québec et au Canada, où le Parti libéral du Canada est actuellement en pleine campagne pré-électorale, qui pourrait expliquer que, finalement, le gouvernement décide enfin d'aller de l'avant.

    Le Bloc québécois aimerait bien croire que les actions présentement en cours le sont bien pour des raisons humanitaires et de paix internationale, et non pour des motifs de petite politique intérieure à laquelle les libéraux fédéraux nous ont trop souvent habitués.

    Ce qu'il faut noter, c'est que le Canada n'a pas bâti sa renommée sur la scène internationale en faisant simplement du commerce, comme le gouvernement libéral ne cesse de le suggérer.

    Le ministre des Affaires étrangères a suggéré plus tôt que le Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international soit quotidiennement informé de l'état de la situation. Comment le croire, puisque c'est ce même ministère qui a profité de l'absence des membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international, qui étaient en mission en Europe, pour faire adopter à la sauvette dans cette Chambre le projet de loi C-61, mettant en place un accord de libre-échange entre le Canada et Israël?

    Comment croire le ministre, puisque le gouvernement du Canada a pris toute cette initiative sur le Zaïre sans même prendre la peine de tenter de rejoindre les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international à l'étranger? Et on voudrait nous faire croire maintenant que le gouvernement se préoccupe du point de vue et se préoccupe d'informer les membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international? C'est de la pure hypocrisie. Le Parti libéral avait pourtant écrit dans son fameux livre rouge, et je cite: «Nous élargirons le droit de regard du Parlement sur les grandes décisions de politique étrangère, comme les déploiements de Casques bleus, et nous verrons à associer de près tous les Canadiens à l'élaboration de ces politiques.»

    Jusqu'à un certain point, le débat qui a lieu actuellement en cette Chambre est une certaine mascarade, dans le sens où il est bien évident qu'on ne pouvait pas être en désaccord avec une telle démarche, avec une telle mission.

    Au fond, le gouvernement s'occupe-t-il vraiment de l'opinion de ce Parlement? Contrairement à ce qui se passe en Europe, le gouvernement n'est d'aucune façon tenu de prendre en considération le point de vue des parlementaires. Et même s'il était tenu de le faire, compte tenu du régime parlementaire britannique, où il est clair que le gouvernement émane de la majorité parlementaire, ce qui revient à dire que toute consultation de ce Parlement pour donner une légitimité démocratique à ces actions internationales est de la pure frime.

    Le ministre des Affaires étrangères suggérait également que le Canada avait fait preuve d'initiative politique en mobilisant la communauté internationale autour du problème des Grands Lacs.

    Je demande au ministre des Affaires étrangères à faire preuve de beaucoup plus de modestie, parce que l'initiative n'est pas venue du gouvernement canadien, comme il le prétend, mais est plutôt venue de la France qui, pendant plusieurs jours, a tenté de faire pression sur la communauté internationale pour mettre en place cette intervention. Cependant, la France était disqualifiée d'emblée de par son passé colonial, et c'est là que le gouvernement canadien a pris l'initiative de prendre la tête de cette mission actuellement organisée au Zaïre.

    Rien de tout cela n'est tout à fait isolé. Nous avons prévenu le gouvernement, au cours des derniers mois, de la situation qui se dégradait au Burundi. Et le gouvernement nous répondait: «Bien sûr, bien sûr, nous prenons acte de vos observations, nous sommes très préoccupés, nous voulons que la communauté des pays africains prenne en main la situation qui se déroule actuellement au Burundi», avec le résultat qu'on connaît, soit qu'il est toujours plus coûteux d'intervenir après le fait que de faire de la prévention.

    (1820)

    Mais cela le gouvernement ne l'a pas compris. Il a attendu que les événements dégénèrent comme ils ont dégénéré «pour prendre l'initiative», comme le ministre des Affaires étrangères a bien voulu le dire ce matin. Il est trop tard. Il y a déjà une foule de morts actuellement dans la région des Grands Lacs, ce que nous aurions probablement pu éviter si nous avions «pris l'initiative» plus tôt, comme le suggérait le Bloc québécois depuis déjà plusieurs mois.

    C'est pourquoi le Bloc québécois croit qu'il était plus que temps que le gouvernement canadien se décide finalement à suivre la position française et à rassembler la communauté internationale autour de lui afin qu'elle ne reste pas insensible à la situation qui prévaut actuellement en Afrique centrale. Surtout que depuis l'assassinat, en 1994, des présidents rwandais et burundais, nous avons assisté pétrifiés, immobiles, impuissants, paralysés à des massacres de populations civiles dont l'imagination ne peut concevoir l'ampleur.

    Depuis deux ans, rien n'a véritablement était fait par la communauté internationale afin de trouver une solution durable à la situation prévalant actuellement en Afrique centrale. Pourtant les massacres n'ont été que le début de la misère vécue par les populations civiles qui ont dû s'expatrier dans les pays voisins et qui s'entassaient dans des camps de réfugiés qui pouvaient contenir des centai-


    6403

    nes de milliers de personnes, dont le plus important au monde était celui de Mugunga qui, dans les moments forts, était à lui seul occupé par plus de 400 000 réfugiés.

    Un représentant du ministère de la Défense nous apprenait ce matin que le Haut-Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés estime actuellement à 500 000 personnes le nombre de réfugiés en route vers le Rwanda. Vous conviendrez que la situation est très préoccupante et très précaire. En additionnant ces personnes aux 12 000 à 15 000 qui entrent au Rwanda à chaque heure depuis quelques jours, il devient évident qu'il nous faut aider le Rwanda à absorber et à accueillir ce flot de population.

    Il faut rappeler que la crise actuelle dans la région des Grands Lacs est avant tout une crise politique. De nombreux dictateurs comme Mobutu Sese Seko, dont la fortune est maintenant évaluée à plus de 10 milliards de dollars, n'ont rien fait pour aider au développement et à la stabilisation de leur pays et de la région en général.

    Lorsqu'on fait un survol des événements ayant eu lieu dans la région, ce qui est peut-être le plus déplorable est que ces dictateurs ont souvent eu l'appui des pays occidentaux qui, pour la poursuite de leurs intérêts, les ont laissé agir à leur guise. Il faut aujourd'hui que les dirigeants des différentes factions des pays d'Afrique centrale, soit du Rwanda, du Zaïre, de l'Ouganda, du Burundi, de Tanzanie tentent de passer outre à leurs revendications et intérêts particuliers et mettent à l'avant-plan les considérations humanitaires.

    Déjà nous avons pu entendre les déclarations des principaux chefs en présence. Le chef des rebelles zaïrois, Laurent Désiré Kabila, a déjà déclaré que cette intervention internationale était absolument injustifiée. Le Zaïre a déjà refusé aux avions canadiens d'atterrir sur son territoire.

    Le Rwanda a, pour sa part, tenté de limiter la circulation des militaires canadiens arrivés hier à Kigali. Le président du Rwanda, la pasteur Bizimungu, a d'ailleurs déclaré qu'il ne voyait pas la pertinence de cette opération.

    Compte tenu des derniers développements survenus dans la région, certains pays participant à la mission, dont les États-Unis et le Royaume-Uni, se questionnent maintenant sur la pertinence de la mission. Comme on peut le voir, le général Baril qui dirigera la force internationale aura beaucoup de pain sur la planche afin de s'allier tous ces intervenants, surtout que les événements vont très vite.

    Déjà la majeure partie des réfugiés se sont déplacés de l'est du Zaïre vers le Rwanda. Ainsi la force internationale qui sera déployée doit déjà réorienter sa mission afin de s'ajuster à la situation continuellement changeante. À un point tel que certains membres de la coalition remettent en question la pertinence même de cette mission.

    Je vous vois sourire, madame la Présidente, et je m'interroge puisque la situation actuelle est à ce point grave qu'elle ne mérite pas qu'on en sourie.

    Un point important, la mission ne devra pas excéder le 31 mars 1997, soit environ quatre mois et demi. Ce très court délai limitera fortement les perspectives d'actions à moyen ou à long terme afin d'alléger les souffrances des populations et de stabiliser la situation prévalant dans toute cette région.

    Le nouveau ministre de la Défense prévoit que l'opération qui se met actuellement en branle devrait coûter environ 100 millions de dollars.

    (1825)

    Relativement à cette importante somme d'argent, permettez-moi, madame la Présidente, et j'espère que vous n'en sourirez pas encore, d'avancer une suggestion. Puisque. . .

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'espère que l'honorable député va cesser d'attaquer la Présidence dans ses commentaires à la Chambre.

    M. Bergeron: Dois-je continuer, madame la Présidente? Puisque cette mission humanitaire est placée sous la responsabilité du ministère de la Défense, ne serait-il pas logique que la totalité des sommes nécessaires pour cette mission dans la région des Grands Lacs d'Afrique provienne des budgets de ce ministère?

    Compte tenu que l'Agence canadienne de développement international évolue déjà avec un budget très modeste, en raison des coupures successives que le gouvernement libéral lui a fait subir ces dernières années, il serait sûrement pertinent que le ministère de la Défense qui, rappelons-le, a un budget annuel de dix milliards de dollars, défraie les coûts totaux de l'opération.

    En ce qui a trait aux actions à entreprendre, celles à court terme sont déjà bien définies par la résolution. Les soldats de la Force multinationale ont déjà un mandat très clair. Ils devront faciliter le retour des organisations humanitaires, aider à la distribution des denrées et aider les réfugiés à rentrer chez eux.

    Que fera le Canada afin de travailler à l'instauration d'une paix durable après le 31 mars 1997? Est-ce que des mesures seront prises afin d'aider ces personnes à réintégrer une vie normale? Le commandement canadien qui est en place devrait profiter de l'occasion pour tenter de rallier toutes les parties en cause afin de trouver des pistes de solution aux problèmes qui surviendront, et il en surviendra.

    N'oublions pas qu'il y a un potentiel très fort de conflits relativement à la récupération des terres et des maisons de la part des réfugiés qui ont quitté leur pays déjà depuis un certain nombre de mois. Le risque de violence est présent dans les villages et il faudra surveiller et contrôler de quelle façon les réfugiés réintégreront ces villages.

    Dans un premier temps, le travail de la Force multinationale sera de trouver et de distribuer de la nourriture et de l'eau potable. Mais dans l'immédiat, l'une des priorités sera d'aider les hommes et les femmes à exploiter leurs terres, qu'ils avaient quittées depuis plus de deux ans. Il faudra rétablir des réseaux de communication, des routes, des aéroports, des transports. Tout cela implique que la société civile aura sans nul doute besoin de l'aide internationale.


    6404

    Bien sûr, les moyens financiers sont toujours limités, mais les actions de la force internationale pourraient être simplement orientés vers la mise en oeuvre de ces projets. Nous savons que le gouvernement libéral est déjà en campagne pré-électorale partout au Canada. Nous espérons que les actions mises de l'avant actuellement ne seront pas simplement de la poudre aux yeux dirigée à l'intention des électeurs québécois et canadiens.

    À un moment où les forces armées ont besoin de rétablir leur confiance et de prouver leur efficacité, il ne faut pas répéter les mêmes erreurs qu'en 1994. Il y a fort à craindre que toute cette opération soit mise en oeuvre simplement pour faire oublier le désastre de la Somalie.

    Le major général Dallaire avait effectué un travail exemplaire, mais n'avait malheureusement pas les ressources nécessaires. Cette fois-ci, la situation est tout autre et nous sommes certains que nos militaires feront le travail de façon exemplaire.

    Le Bloc québécois veut assurer son soutien aux hommes et aux femmes qui auront à travailler dans des conditions pouvant être extrêmement difficiles. Il est bien évident que le Bloc québécois donne son aval à cette mission, mais il y a des questions qui se posent et nous les avons posées.

    Avec les festivités de Noël qui approchent, il faut, en terminant, je pense, féliciter et remercier ces hommes et ces femmes qui vont quitter leur foyer pour aller prêter main forte aux populations dans le besoin actuellement dans la région des Grands Lacs d'Afrique.

    [Traduction]

    M. Sarkis Assadourian (Don Valley-Nord, Lib.): Madame la Présidente, je suis gêné de voir que mon collègue a profité de la situation pour s'en prendre personnellement et sans raison à la présidence.

    Je voudrais poser une question au député. Ce matin, à 10 heures, nous avons eu un exposé à la salle 209 de l'Immeuble de l'Ouest. Le député n'était pas là. S'il avait été présent, il saurait quel genre de soutien nous accordons à l'armée, combien et quelle sorte d'appareils nous envoyons là-bas. Il aurait reçu toute l'information qu'il a demandée aujourd'hui dans ses questions à ce sujet.

    Le député a signalé l'engagement pris dans le livre rouge de consulter le Parlement. Nous respectons cet engagement. C'est la quatrième fois, je crois, que nous consultons le Parlement sur des questions importantes, notamment les droits de la personne et le maintien de la paix.

    Le député peut-il me citer une autre institution de quelque pays qui offre une force de maintien de la paix qui consulte les députés de l'opposition avant d'envoyer des troupes? Je l'exhorte à nous en informer de telle sorte que nous puissions poursuivre la discussion en conséquence.

    [Français]

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La période prévue pour l'étude de la motion est maintenant écoulée. Comme il est 18 h 30. . .

    M. Bergeron: J'invoque le Règlement, madame la Présidente.

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): J'accorde la parole à l'honorable député de Verchères sur un recours au Règlement.

    M. Bergeron: Madame la Président, je demande le consentement unanime de cette Chambre pour pouvoir, à tout le moins, avoir l'occasion de répondre à la question que l'honorable député a eu la gentillesse de m'adresser.

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Y a-t-il consentement unanime?

    Des voix: Non.

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Il n'y a pas de consentement unanime.

    * * *

    LA LOI SUR LE DIVORCE

    La Chambre reprend l'étude, interrompue le 8 novembre 1996, de la motion: Que le projet de loi C-41, Loi modifiant la Loi sur le divorce, la Loi d'aide à l'exécution des ordonnances et des ententes familiales, la Loi sur la saisie-arrêt et la distraction de pensions et la Loi sur la marine marchande du Canada, soit maintenant lu une troisième fois et adopté.

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Comme il est 18 h 30, la Chambre procédera maintenant au vote par appel nominal différé sur la motion à l'étape de la troisième lecture du projet de loi C-41.

    Convoquez les députés.

    (La motion, mise aux voix, est adoptée par le vote suivant:)

    (Vote no 167)

    POUR

    Députés
    Adams
    Alcock
    Allmand
    Althouse
    Anderson
    Arseneault
    Assadourian
    Asselin
    Augustine
    Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
    Barnes
    Beaumier
    Bélair
    Bélanger
    Bellemare
    Bergeron
    Bernier (Beauce)
    Bernier (Gaspé)
    Bertrand
    Bethel
    Bevilacqua
    Bodnar
    Bonin
    Boudria
    Brien
    Brown (Oakville-Milton)
    Brushett
    Bryden
    Calder
    Campbell
    Cannis
    Catterall
    Chamberlain
    Chan
    Cohen
    Collenette
    Collins
    Cowling
    Crawford
    Crête
    Culbert
    Cullen
    Dalphond-Guiral
    de Savoye
    Deshaies
    Dingwall
    Dion
    Dromisky
    Duhamel
    Eggleton
    English
    Fillion
    Finestone
    Finlay
    Fontana
    Gagliano
    Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
    Gagnon (Québec)
    Gallaway
    Gauthier
    Gerrard
    Godfrey
    Graham
    Grose
    Guay
    Harb


    6405

    Harvard
    Hickey
    Hopkins
    Hubbard
    Jackson
    Jacob
    Jordan
    Keyes
    Kilger (Stormont-Dundas)
    Kirkby
    Knutson
    Kraft Sloan
    Lalonde
    Landry
    Langlois
    Lastewka
    Lebel
    Lefebvre
    Leroux (Richmond-Wolfe)
    Loney
    MacLellan (Cape/Cap Breton-The Sydneys)
    Malhi
    Maloney
    Manley
    Marchand
    Marleau
    Martin (LaSalle-Émard)
    Massé
    McCormick
    McLellan (Edmonton Northwest/Nord-Ouest)
    McTeague
    Mercier
    Mifflin
    Mitchell
    Murphy
    Murray
    O'Brien (Labrador)
    O'Brien (London-Middlesex)
    O'Reilly
    Pagtakhan
    Paré
    Peric
    Peters
    Peterson
    Pettigrew
    Picard (Drummond)
    Pickard (Essex-Kent)
    Pillitteri
    Reed
    Regan
    Robichaud
    Robillard
    Scott (Fredericton-York-Sunbury)
    Shepherd
    Simmons
    St. Denis
    Stewart (Brant)
    Szabo
    Taylor
    Telegdi
    Torsney
    Valeri
    Vanclief
    Verran
    Walker
    Wappel
    Wayne
    Whelan
    Young
    Zed-136

    CONTRE

    Députés
    Benoit
    Breitkreuz (Yorkton-Melville)
    Gouk
    Grey (Beaver River)
    Grubel
    Hanger
    Harper (Calgary West/Ouest)
    Harper (Simcoe Centre)
    Hill (Macleod)
    Hoeppner
    Jennings
    Johnston
    McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
    Morrison
    Ramsay
    Schmidt
    Silye
    Solberg
    Speaker
    Strahl
    Thompson
    Williams-22

    DÉPUTÉS «PAIRÉS»

    Anawak
    Bachand
    Bakopanos
    Bélisle
    Bellehumeur
    Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
    Canuel
    Caron
    Chrétien (Frontenac)
    Clancy
    Daviault
    Debien
    DeVillers
    Dubé
    Duceppe
    Dumas
    Dupuy
    Easter
    Gaffney
    Goodale
    Guimond
    Iftody
    Irwin
    Laurin
    Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
    LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
    Leblanc (Longueuil)
    Leroux (Shefford)
    Loubier
    MacAulay
    McGuire
    McWhinney
    Ménard
    Nault
    O'Brien (London-Middlesex)
    Parrish
    Patry
    Phinney
    Plamondon
    Pomerleau
    Proud
    Rock
    Sauvageau
    Sheridan

    Speller
    St-Laurent
    Stewart (Northumberland)
    Thalheimer
    Tremblay (Lac-Saint-Jean)
    Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
    Tremblay (Rosemont)
    Venne
    Wells
    Wood

    (1855)

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Je déclare la motion adoptée.

    (La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la troisième fois, est adopté.)

    ______________________________________________

    MOTION D'AJOURNEMENT

    [Traduction]

    L'ajournement de la Chambre est proposé d'office en conformité de l'article 38 du Règlement.

    LES MINES TERRESTRES

    Mme Dianne Brushett (Cumberland-Colchester, Lib.): Madame la Présidente, les mines terrestres sont un moyen peu coûteux de terroriser ses ennemis, étant donné qu'elles coûtent moins de 3 dollars pièce et qu'elles peuvent être larguées par millions à partir d'hélicoptères.

    Il y a plus de 110 millions de mines terrestres qui sont disséminées dans 69 pays et il y en a presque autant qui se trouvent dans des réserves stratégiques dans le monde entier. De plus, cinq autres millions sont vendues chaque année.

    (1900)

    On estime à 25 000 le nombre de personnes qui sont estropiées ou tuées chaque année à cause de mines terrestres. Près du tiers des victimes perdent une de leurs jambes, voire les deux, dans ces accidents. Les mines terrestres ont aussi rendu inutilisables de vastes superficies de terres agricoles au Cambodge, en Angola, au Mozambique, en Bosnie, en Croatie et dans de nombreux pays du monde.

    Les représentants de la Croix-Rouge internationale signalent aussi que, par rapport à ce qu'il faudrait débourser normalement, les mines terrestres augmentent de centaines de milliers de dollars le coût à payer pour livrer à destination l'aide alimentaire et médicale.

    Des parlementaires de l'Afrique du Sud nous ont rendu visite à la Chambre il y a quelques semaines. Ils nous ont dit que, seulement dans un petit pays comme le Mozambique, au moins un enfant par jour est estropié ou tué par une mine terrestre alors qu'il se rend à l'école. Le coût au chapitre des soins de santé et le prix que doivent payer les enfants sont odieux.

    Le ministre canadien des Affaires étrangères a organisé un sommet dans notre pays il y a quelques semaines. De l'avis des participants à ce sommet, que peuvent faire le Canada et les pays du monde entier pour enrayer cette tragédie humaine à la suite de laquelle des enfants sont tués par inadvertance?

    M. Barry Campbell (secrétaire parlementaire du ministre des Finances, Lib.): Madame la Présidente, je remercie la députée de sa question.

    Cinquante États et de nombreuses organisations internationales et non gouvernementales ont participé à la conférence d'Ottawa. Ils

    6406

    y sont venus parce qu'ils ont en commun l'objectif d'imposer une interdiction mondiale des mines antipersonnel.

    La conférence d'Ottawa a été un franc succès et aura des effets concrets. Son but était de développer une stratégie visant à frapper les mines antipersonnel d'une interdiction mondiale. Nous avons maintenant une stratégie sous forme de plan d'action prévoyant de nombreuses activités que les États, les organisations internationales et non gouvernementales sont prêts à entreprendre pour créer la volonté politique sans laquelle l'interdiction sera impossible à imposer.

    Nous avons également réussi à parvenir à une entente sur une déclaration de la conférence qui représente le point de vue des 50 États sur le meilleur moyen de parvenir à l'interdiction mondiale. L'un des plus importants éléments de cette déclaration est l'obligation imposée aux pays participants de travailler à la conclusion le plus rapidement possible d'une entente exécutoire pour interdire ces mines.

    Dans le discours de clôture de la conférence, le ministre des Affaires étrangères a invité la communauté internationale à revenir au Canada pour signer une telle entente vers la fin de 1997. Ce délai garantira le maintien de l'enthousiasme international sans précédent en faveur de l'interdiction des mines et permettra de susciter la volonté politique qu'il faudra pour la signature d'un traité à cet égard.

    L'initiative du ministre visant à conclure un traité vers la fin de 1997 jouit du soutien de nombreux États et organisations internationales aussi bien que du secrétaire général des Nations Unies et du président du Comité international de la Croix-Rouge.

    Notre initiative est aussi pleinement appuyée par un grand nombre d'ONG, y compris la Campagne internationale pour l'interdiction des mines terrestres et Mines Action Canada.

    Je voudrais faire ressortir que le Canada prêche par l'exemple. La semaine dernière, le ministre de la Défense nationale a annoncé que nous avons maintenant mis en oeuvre un plan pour l'élimination complète de nos arsenaux de mines antipersonnel; ce plan prévoit la destruction immédiate des trois quarts des stocks et que la destruction du reste se fera dans le cadre des négociations internationales qui, comme le ministre l'a précisé, se termineront vers la fin de 1997.

    Nous sommes d'avis que l'établissement de la fin de 1997 comme date limite pour la conclusion d'une pareille entente est réaliste et nécessaire, compte tenu notamment des coûts socio-économiques horribles de l'inaction de la communauté internationale.

    Le Canada est disposé à travailler avec tous les autres pays qui pensent comme lui pour faire progresser ce dossier.

    Toutes les semaines, plus de 500 personnes sont tuées ou mutilées par des mines terrestres dans le monde. Le Canada a pris les devants en demandant aux autres pays d'arrêter le carnage causé par les mines antipersonnel.

    LES ESPÈCES EN PÉRIL

    M. Len Taylor (The Battlefords-Meadow Lake, NPD): Madame la Présidente, le ministre de l'Environnement a déposé une mesure législative qui dévoile à tous les Canadiens le plan du gouvernement pour protéger les espèces en péril et leurs habitats au Canada.

    (1905)

    Il faut faire remarquer à l'honneur du ministre qu'il a apporté d'importants changements aux propositions qui avaient fait l'objet de discussions l'an dernier. Je dois remercier tous les groupes, toutes les organisations et toutes les personnes qui ont répondu à ces propositions. Sans leur apport, la mesure législative présentée à la Chambre aurait été risible.

    Il n'en reste pas moins que, même si elle n'est pas risible, cette mesure législative est quand même inadéquate. Pour moi, le problème réside dans le simple fait que, pour que cette mesure soit efficace, le gouvernement fédéral continuera de dépendre de la volonté des provinces de collaborer.

    Lorsque j'ai posé une question au ministre à ce sujet le 31 octobre, il a choisi de laisser de côté les détails et de se concentrer plutôt sur les généralités. C'est pourquoi j'essaie de nouveau d'obtenir une réponse plus précise. Je cherche aujourd'hui un indice montrant que les libéraux examinent au moins l'objet de ma question, qui se divisaient en deux parties.

    La première partie de la question portait sur l'idée de dresser un inventaire des habitats des espèces figurant sur la liste. Je reconnais que la protection des habitats est l'aspect le plus critique du projet de loi. Nous avons une liste des espèces en péril dans le moment, mais nous n'avons pas de liste de leurs habitats.

    Les travailleurs des sociétés exploitantes de ressources, les agriculteurs, les propriétaires de ranch et les gens qui vivent et travaillent dans les régions rurales craignent, et leurs craintes sont légitimes, que cette mesure législative ne leur enlève un jour leur gagne-pain. La meilleure façon de protéger les habitats tout en apaisant ces craintes, c'est de dresser un inventaire des habitats propres à chacune des espèces figurant sur la liste. Il est plus facile de concevoir et de structurer des plans de rétablissement et de gestion si nous avons un inventaire. Je veux savoir si le ministre envisage cette possibilité.

    Je crains aussi que, sans inventaire, le seul moyen de savoir qu'il faut protéger un habitat consistera à attendre que l'évaluation environnementale faite dans le cadre d'un projet nous apprenne qu'il faut agir. Nous ne devrions pas devoir toujours attendre que les choses se passent ainsi. Nous devrions agir avant que les projets soient étudiés et un inventaire nous aiderait à cet égard.

    La deuxième partie de ma question avait trait à l'efficacité des mécanismes d'exécution. Je le répète, le projet de loi reconnaît les accords nationaux de protection des espèces menacées signés par les provinces lorsque chacune d'entre elle s'engage à adopter les lois et les programmes nécessaires pour assurer la protection de ces espèces et de leur habitat.

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    Cependant, on ne sait pas trop ce qui se passera lorsqu'au moins une province n'offrira pas une protection suffisante. Dans le cas de la Loi sur la santé, le gouvernement fédéral a prévu des pénalités pour les provinces qui ne respectent pas les normes nationales parce qu'il se soucie sincèrement de la santé des Canadiens. Il s'agit de pénalités financières. Cependant, dans le cas de l'environnement, particulièrement de la protection des espèces menacées, il n'existe pas de pénalités semblables. Il n'y a même pas l'ombre d'une menace de pénalité.

    Je demandais au ministre de quels mécanismes d'exécution il disposait pour contraindre les provinces à adopter les mesures de protection nécessaires.

    Mme Karen Kraft Sloan (secrétaire parlementaire du ministre de l'Environnement, Lib.): Madame la Présidente, je veux signaler aux électeurs du député de The Battlefords-Meadow Lake le travail inlassable que fait ce dernier relativement aux initiatives environnementales présentées à la Chambre. Pour répondre à ses questions, je dirai que le projet de loi C-65, Loi concernant la protection des espèces en péril au Canada, est la première mesure législative fédérale visant à protéger les espèces en péril dans notre pays.

    Cette loi a pour objet de prévenir la disparition des espèces sauvages canadiennes en raison de l'activité humaine et de prévoir leur rétablissement. Cette loi et les mesures législatives et programmes complémentaires qui seront mis en oeuvre grâce à la collaboration des provinces et territoires assureront la protection des espèces en péril d'un bout à l'autre du pays.

    Les provinces et territoires ont accepté d'être parties à un accord national pour la protection des espèces en péril. Aux termes de cet accord, les provinces et territoires collaborent avec le gouvernement fédéral pour voir à ce que les mesures législatives et programmes complémentaires soient mis en oeuvre.

    La loi officialise le processus existant servant à identifier les espèces en péril. Le Comité sur la situation des espèces en péril au Canada (COSEPAC) est formé d'un groupe d'experts scientifiques indépendants qui examinent la situation des espèces sauvages au Canada et qui en fait rapport.

    Le projet de loi établit une base juridique pour le comité et officialise son travail en vertu des lois canadiennes. Il reconnaît que l'habitat est essentiel à la protection des espèces. Dès qu'une espèce en péril sera inscrite, les activités qui pourraient endommager ou détruire les résidences des individus appartenant à cette espèce, qu'il s'agisse de tanières, de nids ou de terriers, seront interdites. Nous reconnaissons aussi qu'il faut aller au-delà de la résidence immédiate des individus appartenant à une espèce donnée pour protéger son habitat essentiel.

    Les plans de rétablissement obligatoires viseront à contrer les menaces à la survie des espèces, y compris les menaces à leur habitat essentiel tel qu'il sera défini par les experts scientifiques. En ce qui concerne les terres fédérales, le ministre et ses collègues seront informés des espèces inscrites chaque année par le COSEPAC.

    Ce projet de loi confère au gouvernement fédéral le pouvoir d'élaborer les règlements nécessaires pour interdire les activités qui pourraient nuire aux espèces ou à leur habitat essentiel. Il prévoit aussi la prise de règlements pour interdire les activités qui nuiraient sciemment aux espèces fauniques en péril qui traversent les frontières internationales canadiennes, en l'absence de mesures équivalentes par les provinces.

    Il prévoit aussi des arrêtés d'urgence pour les cas où une mesure immédiate se révélait nécessaire pour protéger une espèce. Quand la perte d'un habitat apparaît comme imminente, des arrêtés d'urgence comprennent des mesures pour le protéger.

    En vertu de l'accord national avec les provinces et les territoires, toutes les juridictions doivent rendre compte publiquement de leurs actions et de leurs décisions. Si une province décide de ne pas protéger une espèce, sa décision sera connue publiquement. De plus, l'accord prévoit un mécanisme de règlement en cas de différends de ce genre.

    Les gouvernements sont tenus de collaborer entre eux et avec les citoyens intéressés partout au Canada et dans le monde, pour empêcher l'extinction d'espèces.

    Ce projet de loi, ainsi que les mesures législatives et des programmes complémentaires des provinces et des territoires, va précisément dans ce sens, en plaçant au premier rang les besoins de la nature.

    [Français]

    La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): La motion portant que la Chambre s'ajourne est maintenant réputée adoptée. La Chambre demeure donc ajournée jusqu'à demain, à10 heures, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

    (La séance est levée à 19 h 12.)