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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le mardi 14 mai 1996

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE DÉPUTÉ DE NANAÏMO-COWICHAN-DÉCISIONDE LA PRÉSIDENCE

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

LA SÉCURITÉ NATIONALE

PÉTITIONS

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

QUESTIONS AU FEUILLETON

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    Projet de loi C-12. Motion de troisième lecture 2727
    M. Bernier (Gaspé) 2738
    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 2738

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LESLEY TASHLIN

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

LA SOCIÉTÉ ELIZABETH FRY

LE DÉCÈS DU DR GUSTAVE GINGRAS

LE DÉCÈS DE M. LEN CARDOZO

LA JUSTICE

    M. White (Fraser Valley-Ouest) 2752

LE PRIX DE L'ESSENCE

LE PRIX DE L'ESSENCE

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 2753

L'EXPLOITATION MINIÈRE

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LES DROITS DES MINORITÉS

    M. O'Brien (London-Middlesex) 2753

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

LE RACISME

LES ENTREPRISES DE DÉMÉNAGEMENT

LES JURIDICTIONS PROVINCIALES

LA SOCIÉTÉ CANADA TALC

QUESTIONS ORALES

LES RÉFÉRENDUMS

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2755
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2755
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2756
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2756
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2756

L'UNITÉ NATIONALE

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2756
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2757
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2757

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LE PARTI LIBÉRAL

    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2758
    M. Chrétien (Saint-Maurice) 2758

LE PROGRAMME JEUNESSE CANADA AU TRAVAIL

    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 2758
    M. Tremblay (Lac-Saint-Jean) 2758

LES DÉPENSES PUBLIQUES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2758
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2759

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 2759

LES PRISONS

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

LES TRANSPORTS

LA SITUATION DE LA FEMME

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE

    M. Bernier (Gaspé) 2762

L'AGRICULTURE

L'ÉCONOMIE

    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 2763
    M. Martin (LaSalle-Émard) 2763

L'INDUSTRIE MINIÈRE

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

    Projet de loi C-12. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 2763
    Mme Gagnon (Québec) 2769

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

    Adoption de la motion 2773

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

    Motion proposée et adoptée 2773

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    Projet de loi C-12. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 2774
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 2774
    M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing) 2779

AFFAIRES COURANTES

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

    Projet de loi C-12. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 2788
    Adoption de la motion par 123 voix contre 80 2788
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 2789

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR LE COMMERCE INTÉRIEUR

    Projet de loi C-19. Reprise de l'étude de la motion detroisième lecture 2789
    Adoption de la motion par 169 voix contre 34 2789
    Troisième lecture et adoption du projet de loi 2790

LE CODE CRIMINEL

    Projet de loi C-218. Motion de deuxième lecture 2790
    M. Hill (Prince George-Peace River) 2790
    M. White (Fraser Valley-Ouest) 2795

MOTION D'AJOURNEMENT

LES COMPAGNIES FERROVIAIRES

LE CRÉDIT D'IMPÔT POUR INVALIDITÉ

    M. Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead) 2799

LA SANTÉ


2721


CHAMBRE DES COMMUNES

Le mardi 14 mai 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

[Traduction]

Le Président: Chers collègues, je vous invite à vous joindre à moi pour saluer le retour parmi nous du doyen des députés. Herb, vous nous avez manqué. Je vous souhaite la bienvenue à la Chambre des communes.

Des voix: Bravo!

[Français]

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE DÉPUTÉ DE NANAÏMO-COWICHAN-DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Chers collègues, le 1er mai 1996, l'honorable député de Richelieu a invoqué le Règlement pour soutenir que, contrairement à mon observation à l'effet que les remarques prononcées hors de la Chambre ne sont pas nécessairement de la compétence de la Chambre, l'honorable député de Rosemont avait été obligé, en 1993, de s'excuser pour certains propos qu'il avait tenus hors de la Chambre. J'ai expliqué que, selon ce dont je me souvenais du cas de 1993, il était différent parce que les remarques faites alors concernaient la Chambre directement. Néanmoins, j'ai promis d'examiner la question et de revenir sur le sujet à la Chambre, au besoin.

[Traduction]

Je suis maintenant prêt à répondre à ce rappel au Règlement. Permettez-moi de souligner que le cas de 1993 diffère du cas présent parce que les remarques en cause attaquaient directement la présidence. Ce qui était en cause, c'était le fait que, selon un article de presse, un député avait critiqué la conduite du vice-président adjoint des comités pléniers.

Les remarques qui critiquent la présidence, qu'elles soient prononcées à la Chambre ou hors de celle-ci, particulièrement lorsqu'elles sont prononcées par un député, sont très graves et ont été jugées constituer un atteinte au privilège. On trouve dans le commentaire 168(1) de la sixième édition de Beauchesne ce qui suit:

On ne saurait critiquer le comportement ou les actions du Président sans encourir de sanctions pour atteinte au privilège. Il n'est pas permis de dénigrer son travail, même indirectement, au cours d'un débat ou de quelconques travaux de la Chambre, si ce n'est par voie de motion de fond.
[Français]

Quand cette question a été soulevée en Chambre en 1993, le député de Rosemont a eu l'occasion de répliquer et d'expliquer ses remarques. Après avoir écouté cette explication et entendu les observations de tous les partis à la Chambre, le Président Fraser a dit, entre autres, ceci, rapporté de la page 17404 des Débats, et je cite:

[. . .] Si nous ne considérons que les mots, il s'agit clairement d'un cas prima facie se rapportant à la dignité de cette Chambre et de notre collègue, parce que notre collègue en est un officier [. . .] il est, au même titre que le Président, un officier de cette Chambre, et une attaque contre l'intégrité de la personne occupant cette position est une attaque contre cette Chambre.
Le Président a statué qu'il y avait, à première vue, matière à question de privilège. Il y a eu motion tendant à renvoyer la question au Comité permanent de la gestion de la Chambre pour examen, et la motion a été adoptée. Deux jours plus tard, l'honorable député de Rosemont a pris la parole à la Chambre et a retiré ses remarques. Après, la question a été considérée comme close.

Il est indiscutable que les remarques, lors de ces deux incidents, c'est-à-dire les remarque de l'honorable député de Rosemont en 1993 et les remarques de l'honorable député de Nanaïmo-Cowichan, il y a deux semaines, ont été faites hors de la Chambre. La distinction à faire entre les deux incidents ne tient cependant pas au lieu où les remarques ont été faites, mais en ce que, dans un cas, elles critiquaient la Présidence alors que, dans l'autre cas, elles ne visaient ni la Chambre, ni aucun de ses députés.

Je remercie l'honorable député de Richelieu d'avoir porté ce sujet à l'attention de la Chambre.

______________________________________________

AFFAIRES COURANTES

(1010)

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à deux pétitions.


2722

LE SERVICE CANADIEN DU RENSEIGNEMENT DE SÉCURITÉ

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, le document intitulé Rapport public de 1995 et Perspectives liées aux programmes du Service canadien du renseignement de sécurité.

* * *

LA SÉCURITÉ NATIONALE

L'hon. Herb Gray (leader du gouvernement à la Chambre des communes et solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, avant de faire la déclaration annuelle sur la sécurité nationale, je tiens à remercier sincèrement les députés des deux côtés de la Chambre qui ont exprimé leur soutien, leurs encouragements et leurs bons voeux. Je les en remercie sincèrement, comme je remercie les Canadiens de toutes les régions qui ont fait de même.

Je suis particulièrement touché par l'expression de soutien et par les encouragements de gens qui je n'ai probablement jamais rencontrés et qui sont confrontés à des situations semblables à celle à laquelle je suis confronté et qui ont surmonté les difficultés. Je réitère mes remerciements sincères à tous ceux qui ont exprimé leurs encouragements et leur soutien. J'en suis profondément touché.

Je suis heureux de présenter aujourd'hui la cinquième déclaration annuelle sur la sécurité nationale et de déposer à la Chambre le document intitulé Rapport public de 1995 et Perspectives liées aux programmes du Service canadien du renseignement de sécurité. Ce document passe en revue pour les parlementaires et le public la situation dans le monde et au Canada sur le plan de la sécurité.

En outre, la partie sur les perspectives liées aux programmes contient notamment des renseignements sur le niveau de ressources du SCRS pour l'exercice en cours et les deux prochains exercices. Nous fournissons ces renseignements pour respecter l'engagement de transparence et de responsabilisation pris par le gouvernement.

Le gouvernement estime indispensable, dans le monde actuel, de disposer de moyens efficaces et bien ciblés dans le domaine du renseignement de sécurité. Permettez-moi de passer en revue les efforts déployés par le SCRS pour protéger les intérêts du Canada et, ce qui est plus important, les Canadiens eux-mêmes, contre toute menace à leur sécurité.

Les menaces à la sécurité ont, aujourd'hui, de multiples aspects. Je dis cela parce qu'elles sont mondiales dans leur ampleur et leurs effets, parce qu'elles viennent de sources très diverses et non plus seulement de quelques États comme c'était le cas pendant la guerre froide et parce qu'elles visent une gamme beaucoup plus vaste d'institutions.

Par exemple, l'espionnage industriel pose un problème véritable, tout comme la prolifération des armes nucléaires, biologiques et chimiques. Les conflits ethniques et la désagrégation de certains États menacent la sécurité internationale et ont de nombreuses répercussions sur un pays comme le Canada, qui est renommé pour ses efforts auprès des réfugiés et ses contributions au maintien de la paix.

Au dernier sommet du G-7, les dirigeants des grands pays industrialisés ont reconnu dans le crime organisé transnational une menace croissante pour la sécurité des nations. Je pense que la Chambre sait fort bien que le terrorisme demeure la première préoccupation des organismes de sécurité du monde entier. Nous savons que les terroristes disposent de moyens de plus en plus sophistiqués et qu'ils étendent leurs activités à toute la planète. Certaines organisations ont en effet des structures transnationales, tandis que d'autres sont parrainées par un État.

Nous devons aussi faire face à la réalité du terrorisme intérieur, lequel s'est manifesté de manière si tragique lors de l'explosion de l'édifice fédéral américain d'Oklahoma City l'an dernier, ainsi que les attaques au gaz toxiques dans le métro de Tokyo, au Japon.

À la fin de l'année dernière, une autre action de terrorisme intérieur, l'assassinat de l'ex-premier ministre d'Israël, a plongé le monde dans l'horreur, compromis le délicat processus qui, nous l'espérons, apportera la paix au Moyen-Orient, et contribué à la nouvelle flambée de violence entre Israël et le Hamas, au Liban.

(1015)

Dans un autre coin du monde, nous avons aussi été témoins de la reprise par l'IRA de ses attentats dirigés contre des cibles civiles en Grande-Bretagne. L'assassinat du premier ministre Rabin et la reprise des attentats de l'IRA démontrent comment des efforts prometteurs pour apporter des solutions politiques à des problèmes de longue date peuvent être mis en péril lorsque les terroristes frappent.

Je confirme que le Canada participe activement aux efforts internationaux de lutte contre le terrorisme. En juin dernier, le premier ministre a présidé le sommet du G-7 à Halifax, qui a mis le terrorisme international en bonne place à l'ordre du jour de cette réunion des dirigeants du monde.

Les chefs de gouvernement ont convenu de mettre en commun leur expérience et les leçons tirées des graves incidents terroristes. Ils ont aussi convenu de raffermir leur collaboration dans tous les aspects de la lutte au terrorisme.

Suite à cet engagement, j'ai présidé, en décembre dernier, à Ottawa, la toute première réunion ministérielle du G-7 et de la Russie tenue afin d'examiner les mesures de collaboration à prendre pour prévenir les actes de terrorisme et faire enquête sur ceux-ci. Le résultat de cette réunion est un document connu sous le nom de déclaration d'Ottawa. Il marque une étape importante dans la coopération internationale et dans l'affermissement de notre détermination commune à vaincre le terrorisme. Je voudrais maintenant exposer brièvement les accords contenus dans la déclaration d'Ottawa.

Premièrement, nous avons tous noté l'existence d'un certain nombre de conventions internationales prévoyant des mesures concrètes contre des actes de terrorisme comme la piraterie et la prise d'otages. Nous avons résolu de multiplier les efforts pour que tous les États signent et mettent en oeuvre ces conventions d'ici l'an 2000. Nous avons reconnu qu'il s'agissait là de la mesure clé pour contenir le terrorisme international et le priver de tout sanctuaire.


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Dans cet esprit, les ministres ont unanimement dénoncé les États qui appuient les terroristes. La déclaration exhorte tous les États à renoncer au terrorisme, à refuser tout appui financier aux organisations terroristes et à leur refuser l'usage de leur territoire. Les ministres se sont également engagés à prendre des dispositions pour limiter les déplacements des terroristes et empêcher la falsification de documents de voyage.

La déclaration d'Ottawa a souligné la nécessité de traduire promptement en justice les auteurs d'actes terroristes. Nous avons aussi convenu de multiplier nos efforts de prévention du terrorisme dans les réseaux de transport aérien, maritime et autres.

La communication de renseignements est un des meilleurs outils dont nous disposons pour contrer le terrorisme. Nous avons convenu, dans la déclaration d'Ottawa, de renforcer l'échange de renseignements et d'information sur le terrorisme dans un grand nombre de domaines techniques.

[Français]

Nous sommes encouragés par les efforts canadiens et multilatéraux pour combattre le terrorisme et nous sommes fiers du résultat significatif que représente la Déclaration d'Ottawa.

Comme le premier ministre l'a déclaré aux participants du Sommet des bâtisseurs de la paix qui a eu lieu en Égypte au mois de mars: «Le Canada participe au combat contre le terrorisme et il le fait en respectant les normes internationales en matière de lois et de droits de la personne».

Le premier ministre a souligné que le Canada faisait valoir les objectifs de la Déclaration d'Ottawa dans toutes les tribunes internationales où il le pouvait.

Pas plus tard que le mois dernier, d'autres progrès ont été accomplis sur ce front lorsque le Canada, de concert avec 21 autres pays de l'hémisphère occidental, a signé la Déclaration de Lima lors d'une conférence antiterrorisme de l'Organisation des États américains.

[Traduction]

Ici, au Canada, nous continuons de surveiller les menaces à la sécurité et leurs conséquences pour le pays. Nous craignons, par exemple, que des conflits en cours dans d'autres pays aient des retombées sur notre sol et menacent les Canadiens. Un pays aussi pacifique et démocratique que le Canada peut être attrayant pour des organisations terroristes à la recherche d'un sanctuaire ou de fonds pour poursuivre leurs activités dans d'autres pays. En plus de dépister ces groupes et de faire enquête sur eux, le SCRS joue un rôle charnière en assurant des consultations et une communication de l'information efficaces avec les organismes canadiens compétents, y compris la GRC et les autres services de police, de même qu'avec ses homologues étrangers.

(1020)

Le SCRS a pour rôle premier d'avertir et de conseiller. Ses analyses lui permettent de fournir une information opportune au gouvernement au sujet de menaces imminentes ou éventuelles. En outre, il contribue à empêcher l'entrée dans notre pays de terroristes et autres individus dangereux en aidant Citoyenneté et Immigration Canada à filtrer les demandes d'immigration.

J'ai mentionné que le SCRS, sans être lui-même un organisme d'application de la loi, collabore avec la police, en particulier avec la GRC. Je dois préciser que la GRC a un rôle important à jouer puisqu'il lui incombe de faire respecter les règles de sécurité en application de la Loi sur les infractions en matière de sécurité et qu'elle assure la sécurité des immeubles fédéraux, ainsi que des ambassades et missions au Canada.

Le recours à la violence comme moyen d'atteindre des objectifs politiques n'a pas sa place dans la société canadienne. Bien que leurs mandats soient distincts, le SCRS et la police ont une mission commune, celle de protéger les intérêts des Canadiens. La coopération et la coordination entre la police et les autorités responsables de la sécurité se sont révélées des moyens efficaces de définir les menaces et d'obtenir les meilleurs renseignements possibles sur les activités criminelles des terroristes.

Même si, depuis la fin de la guerre froide, l'espionnage a changé d'orientation et de caractère, son intensité préoccupe toujours le Canada et ses alliés. Le SCRS continue activement et avec vigilance de dépister ces menaces à la sécurité du Canada et à mener les enquêtes requises.

Le Canada joue un rôle de premier plan dans la communauté internationale et nous savons bien que certains secteurs de cette communauté sont déchirés par des troubles et des conflits. Dans cet environnement explosif, nous devons faire face aux menaces persistantes et en affronter de nouvelles qui se manifestent presque quotidiennement.

Je conclus en rappelant que le gouvernement continue d'attacher une grande importance à la collecte, en temps opportun, de renseignements de sécurité fiables, ainsi qu'aux autres activités de sécurité qui visent à protéger les intérêts des Canadiens et du Canada.

[Français]

M. François Langlois (Bellechasse, BQ): Monsieur le Président, permettez-moi tout d'abord de manifester ma joie de revoir le solliciteur général à son siège. Nous nous sommes tous inquiétés de son état de santé pendant son absence et, aujourd'hui, c'est avec plaisir que nous le revoyons à son siège, lui qui a tant manqué à cette Chambre pendant cette absence. Ce qui nous fait réaliser que la santé est un bien fragile dont la députée de Laval-Centre nous rappellerait sans doute qu'il faut prendre un soin plus que quotidien.

Je suis un peu partagé entre la joie que j'ai de retrouver le solliciteur général et la critique que mon rôle de député de l'opposition officielle m'oblige à faire relativement au rôle du Service canadien du renseignement de sécurité. Le solliciteur général, étant donné les 11 élections auxquelles il a participé, comprendra sans doute que malgré toute l'estime et l'admiration que j'ai pour son travail, je dois aussi faire le mien, qui est de procéder à cette critique.

Il est bien sûr que je partage les déclarations de principe que le solliciteur général a faites sur le rôle du Service canadien du renseignement de sécurité. Je suis aussi heureux de voir que le député de Fundy-Royal est d'accord avec les remarques que j'ai


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faites tout à l'heure. J'espère qu'on pourra continuer de la même façon à partager le même point de vue.

Ce n'est pas tellement à l'égard de ce que le solliciteur général a dit que se posent les problèmes. Bien sûr, lorsqu'il parle des intérêts du Canada et des menaces à la sécurité nationale, on peut facilement partager son point de vue. Lorsqu'il nous parle d'espionnage et des façons nouvelles de faire de l'espionnage, l'espionnage industriel, ce sont des voeux intéressants, des voeux qu'il manifeste, car, comme il le dit, il faut s'attaquer à ces problèmes.

(1025)

Lorsqu'il parle du danger nucléaire à travers le monde, suite à l'éclatement de certains pays qui possédaient des forces de dissuasion ou même d'attaque nucléaire, c'est aussi quelque chose qui nous préoccupe. C'est la même chose pour les armes chimiques et les actes de terrorisme dans le monde. On a fait référence aux actes d'Oklahoma City, de ce qui s'est passé à Tokyo, de l'assassinat du premier ministre Rabin en Israël.

Mais ce dont on ne parle pas, c'est du rôle du Service canadien du renseignement de sécurité, ici même au Canada, et c'est notre principal souci. Notre principale préoccupation est de voir que le Service canadien du renseignement de sécurité soit devenu, à toutes fins utiles, hors de contrôle. Il constitue un véritable État dans l'État.

Qui est au courant des activités du Service canadien du renseignement de sécurité? Probablement quelques personnes au ministère du Solliciteur général, possiblement parfois le solliciteur général lui-même, mais on se rend compte, depuis le début de la 35e législature, depuis que je suis personnellement impliqué au sein du travail du Sous-comité sur la sécurité nationale, que le Service canadien du renseignement de sécurité ne possède pas de chien de garde, si tant est que la loi prévoit qu'il en ait un, un comité de surveillance, lequel surveille bien ce qu'on veut lui montrer.

Le Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité que l'on désigne sous le nom de CSARS, ou le SIRC en anglais, est un organisme qui a démontré sa totale inefficacité par rapport au Parlement. Si le solliciteur général a des renseignements privilégiés du CSARS, il devrait nous les communiquer.

Depuis déjà presque deux ans, donc depuis la fin de l'année 1994, nous travaillons sur l'affaire du Heritage Front. Ce n'est pas un problème qui s'est passé en Israël, ni en Biélorussie, ni dans un pays d'Extrême-Orient, c'est quelque chose qui s'est passé chez nous. Les allégations sont à l'effet qu'un groupe d'extrémistes aurait commis des actes illégaux chez nous.

Nous sommes dans une espèce de marais depuis deux ans où nous ne réussissons pas à avoir la coopération des membres du Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité, ce fameux CSARS qui comparaît devant nous, parlementaires, au Sous-comité sur la sécurité nationale et qui se réfugie devant une prétendue immunité pour refuser de répondre aux questions légitimes des députés. Pendant près de deux ans, le supplice a duré. On s'est moqué de nous, on a refusé de répondre à nos questions, de façon telle qu'aujourd'hui, nous ne sommes pas beaucoup plus avancés. Nous avons bien sûr dû procéder par déductions plutôt que d'avoir des réponses franches, claires et précises à nos questions.

Il y a un problème dans une société démocratique lorsqu'un comité de révision, un comité externe comme le CSARS, considère les parlementaires comme des adversaires. Ces gens-là devraient considérer les parlementaires comme des personnes qui sont responsables de l'administration publique, qui doivent la surveiller et ils devraient nous transmettre sans débat tous les renseignements qu'ils possèdent. Or, tel n'a pas été le cas.

C'est avec tristesse, encore cette année, que je dois faire remarquer que la composition du CSARS n'a pas été revue. Nous avions demandé, en tant qu'opposition officielle-et ma collègue, l'honorable députée de Surrey-White Rock-South Langley, avait demandé la même chose au nom du Parti réformiste-que le CSARS soit le reflet de la 35e législature. Qui comptons-nous au CSARS, au Comité de surveillance des activités du renseignement de sécurité? Nous comptons exclusivement des personnes qui représentent ou qui ont été nommées suite à la recommandation du Parti libéral du Canada, ou suite à la recommandation de partis qui ne sont mêmes plus reconnus en cette Chambre, comme le Parti progressiste-conservateur et le Nouveau Parti démocratique. Personne n'a été nommé, depuis le début de la 35e législature, sur recommandation, soit du chef de l'opposition, soit du chef du troisième parti. Quelle anomalie.

Quelle confiance pouvons-nous avoir dans un système qui, traitant de questions de sécurité nationale, donc de choses qui peuvent toucher en toute première ligne la démocratie au Canada, quelle confiance pouvons-nous avoir dans cet organisme-là? Elle est extrêmement faible, sinon inexistante. Les psychologues nous parlent de «basic trust»; mais le «basic trust» est disparu. Cette confiance fondamentale qui fait qu'on peut fonctionner avec un organisme, à mon avis, n'existe plus et depuis fort longtemps.

(1030)

Il y a une impérative nécessité de réformer la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité pour réformer, entre autres, le Comité de surveillance pour qu'il soit composé, au début de chaque législature, suivant le voeu que les Canadiens et les Canadiennes ont exprimé avec leurs bulletins de vote. Ce n'est pas normal de voir un organisme comme celui-là représenter des partis politiques qui remontent à une époque antérieure, qui ne sont plus le reflet de la société actuelle.

Je prie encore le ministre de prendre en considération cette demande de revoir la loi. Nous donnerons, bien sûr, notre consentement aux mesures que nous réclamons depuis longtemps. C'est un point sur lequel je ne cesserai de revenir.

Un autre point que je voudrais souligner, c'est le manque de collaboration du gouvernement envers le comité parlementaire, le Sous-comité sur la sécurité nationale. Nous avons eu la chance tout au cours de l'année 1995 particulièrement, et pendant une bonne partie de 1996, de bénéficier des lumières du député de Scarbourough-Ouest qui était membre à part entière de ce comité. Son aide nous a permis de faire de grands progrès dans l'affaire du «Heritage


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Front» sur laquelle nous devrions normalement déposer un rapport. D'ailleurs, nous nous réunissons à 11 heures ce matin.

Je prie instamment les autorités gouvernementales, le solliciteur général en tête, de redonner au député de Scarborough-Ouest son statut de membre à part entière du Comité sur la sécurité nationale afin que nous puissions en arriver à une décision. Il a été assidu au comité, il a été une bougie d'allumage dans la recherche de la vérité que nous avons dû poursuivre par voie de déduction étant donné le peu d'informations qui nous a été donné.

Je demande aussi au gouvernement de mettre en application le voeu unanime de cette Chambre exprimé par l'adoption de la motion M-38 le 21 mars 1995, il y a plus d'un an. Cette motion du député de Scarborough-Rouge River demandait la création d'un mécanisme de surveillance externe pour le Centre de sécurité des télécommunications, le CST. Cet organisme a vu le jour pendant la guerre, a été créé par arrêté en conseil et échappe aujourd'hui à peu près à tout contrôle, sauf celui du bureau du premier ministre, ou de temps à autre, celui du ministre de la Défense nationale. Je pense que le temps est venu d'agir, la Chambre ayant donné ses lignes directrices en ce sens.

J'en parlais tout à l'heure, je crois qu'on devrait modifier les Règlements de la Chambre de façon à faire du Sous-comité sur la sécurité nationale un comité permanent. Ce comité permanent durerait pendant à peu près toute la législature et serait composé des mêmes personnes, avec un pouvoir d'enquête beaucoup plus grand qu'il ne l'a actuellement, avec le pouvoir d'assigner des témoins, le pouvoir d'ordonner la production de documents, le pouvoir de mener des contre-interrogatoires serrés, tous des pouvoirs que nous n'avons pas actuellement. Nous sommes un peu un tigre de papier dont on se moque aisément.

De plus, tous les rapports transmis au solliciteur général en vertu de l'article 54 de la Loi sur le Service canadien du renseignement de sécurité devraient aussi être transmis pour fins d'étude, à huis clos bien sûr, au Sous-comité sur la sécurité nationale. Cela serait une bonne façon de revaloriser le rôle des parlementaires que de nous donner ce pouvoir. Le comité pourrait rendre un service fort efficace et permettrait aussi aux Canadiens et Canadiennes d'avoir confiance dans les parlementaires qu'ils ont chargés de veiller à l'administration publique.

Une dernière demande pour le solliciteur général, il s'agit de verser le plus tôt possible, par l'entremise du Conseil du Trésor, les fonds nécessaires au Service canadien du renseignement de sécurité afin, comme le désire le directeur actuel du Service, de verser la prime au bilinguisme aux agents de la GRC qui ont été transférés au Service lors de sa création en 1984 et aussi aux autres personnes membres du Service. On sait maintenant, grâce à une lettre reçue du solliciteur général vendredi dernier, que pour payer la prime au bilinguisme, il faudrait tout simplement faire des compressions à l'interne.

(1035)

Il ne s'agit pas de comprimer les services dont a besoin le SCRS, il s'agit d'injecter les sommes nécessaires, comme dans tout le reste de l'administration publique, pour verser la prime au bilinguisme à ceux et celles qui la méritent et qui y ont droit.

Monsieur le Président, je vous remercie de votre indulgence et de votre patience qui m'ont permis de continuer pendant 20 secondes de plus.

[Traduction]

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, au nom du Parti réformiste j'aimerais profiter de l'occasion pour souhaiter la bienvenue au solliciteur général du Canada qui est de retour à la Chambre. Nous avons prié et continuerons de prier pour lui.

Le ministre sait sans doute plus que quiconque d'entre nous que les exigences du gouvernement et de la Chambre sont telles que l'on ne saurait s'en remettre à un seul individu.

C'est la journée annuelle de la déclaration sur la sécurité nationale. Comme le veut la tradition, le ministre nous a rappelé certains actes terroristes récents: l'attentat à la bombe perpétré contre un immeuble fédéral d'Oklahoma City de l'année dernière, les attaques au gaz toxique dans le métro de Tokyo, l'assassinat du premier ministre d'Israël et la reprise des attentats à la bombe par l'IRA à Londres. Le terrorisme demeure un problème mondial.

Les médias font constamment état des tragédies découlant des conflits qui surviennent un peu partout dans le monde. Bon nombre des conflits qui se produisent dans des pays lointains ont des répercussions au Canada. Qu'il s'agisse du Moyen-Orient, de la Bosnie, de la Somalie, du Sri Lanka ou du Panjab, les conflits qui se déroulent là-bas ont des incidences sur les émigrés d'ici. Bien qu'une écrasante majorité des immigrants et des réfugiés venus de ces régions ont l'intention de se faire une nouvelle vie au Canada, un certain nombre d'entre eux prennent part à des activités de soutien en faveur de groupes terroristes.

Comme le ministre l'a dit dans sa déclaration, le Canada s'est joint aux autres pays membres du G-7 pour élaborer un document traitant du terrorisme. Appelé la déclaration d'Ottawa, le document exhorte tous les États à renoncer au terrorisme, à empêcher toute aide financière à des organisations terroristes et à interdire l'usage de leur territoire à ces organisations. Alors que le gouvernement se vante d'avoir beaucoup fait, son bilan réel en la matière laisse quelque peu à désirer.

Le ministre se vante des efforts que le gouvernement a accomplis pour lutter contre le terrorisme et pour réaliser les objectifs de la déclaration d'Ottawa. Or, je voudrais rappeler à la Chambre ce qui se passait à la même date l'année dernière.

Le 4 mai 1995, j'ai questionné le ministre du Revenu national sur le statut d'oeuvre de charité accordé à Babbar Khalsa, un groupe militant sikh. Voici quelle a été la réponse du ministre: «Je saurais gré à la députée de nous fournir cette information pour nous permettre de faire enquête, au lieu de lancer simplement des allégations comme elle l'a fait aujourd'hui.»

Je suis revenue à la charge le 5 juin 1995. J'ai alors remis au ministre du Revenu national des photos du fondateur de Babbar Khalsa où on le voit entouré d'armes, ainsi qu'une déclaration dans


2726

laquelle Talwinder Singh Parmar dit que quiconque veut se suicider n'a qu'à monter à bord d'un appareil d'Air India.

En réponse, le ministre a essayé sans grand succès de faire de l'humour, en déclarant que, à son avis, il était contradictoire pour le Parti réformiste d'être à la fois contre le terrorisme et contre le projet de loi C-68. C'était la réponse du gouvernement à la collecte de fonds pour des groupes terroristes, il y a un an.

Heureusement, les choses ont changé. Le premier ministre s'est rendu à une conférence au Caire et, tout à coup, le gouvernement s'inquiète de la levée de fonds pour des groupes terroristes. De plus, nous avons une nouvelle ministre du Revenu national. On fait de grandes déclarations sur les mesures rigoureuses que le gouvernement va prendre pour empêcher que certains n'apportent leur appui au terrorisme, au Canada.

Enfin, le 13 avril 1996, le gouvernement a passé subrepticement une petite annonce dans la Gazette du Canada. On précisait que le ministère du Revenu avait retiré le statut d'organisme de charité au Babbar Khalsa. Il y a un an, le gouvernement trouvait que c'était une blague. Il s'aperçoit maintenant que les préoccupations du Parti réformiste étaient fondées depuis le début.

Je suis persuadée que le ministre sait qu'il y a un certain nombre d'autres groupes impliqués dans ce type d'activités. La semaine dernière, nous avons appris que la GRC avait arrêté l'un de ses anciens traducteurs qui était accusé d'entrave à la justice et de parjure. Selon une déclaration sous serment de la police, la GRC a engagé cet individu pour traduire des comptes rendus d'écoute électronique dans le cadre d'une grande enquête sur un groupe impliqué dans la fabrication de faux et le passage clandestin de la frontière, qui était formé de Tamouls du Sri Lanka.

(1040)

Malheureusement pour la GRC, le traducteur n'a rien dit de son appartenance à un groupe terroriste, les Tigres de libération de l'Eelam Tamoul, connu également sous le nom de Tigres tamouls, et on ne s'en est pas aperçu non plus dans le cadre de la vérification initiale des antécédents de cet individu.

La police a déclaré ce qui suit: «Nous croyons qu'il a essayé de s'infiltrer au sein de la GRC alors qu'il était membre d'une organisation terroriste.» La GRC craint que le traducteur n'ait travaillé sur des documents confidentiels sur son pays natal et elle a entrepris de limiter les dégâts.

Qui aurait pu penser qu'un traducteur de l'un des organismes du solliciteur général pourrait travailler contre les intérêts de son employeur? Il est important que le gouvernement respecte l'engagement qu'il a pris d'empêcher des gens vivant au Canada d'appuyer des terroristes à l'étranger.

Le gouvernement ne peut pas simplement parler d'adopter une position ferme contre ces activités. Il doit agir et donner l'impression d'agir. Il ne suffit pas de passer subrepticement des annonces dans la Gazette du Canada. Il faut que les personnes en cause sachent que leurs activités sont inacceptables. On doit les rendre illégales et poursuivre ces personnes.

Le ministre affirme dans sa déclaration qu'il ne peut examiner à fond toutes les activités du SCRS et de la GRC qui sont reliées à la sécurité nationale, et je ne m'attends pas à ce qu'il le fasse.

Dans le numéro du 12 mai du Vancouver Province, on dit que les agents du SCRS en Colombie-Britannique ont interrogé des dirigeants tamouls pour déterminer s'ils recueillent des fonds dans le but de soutenir la guérilla au Sri Lanka. Or, le président de l'association communautaire Eelam Tamoul de la Colombie-Britannique a répondu que, même si son allégeance va aux Tigres tamouls, son groupe ne recueille de l'argent qu'à des fins humanitaires.

Un certain nombre d'organisations terroristes ont une faction qui s'occupe de projets humanitaires, mais il est impossible de savoir combien d'argent va à des projets humanitaires et combien on en consacre à des activités terroristes.

Si le gouvernement est sérieux au sujet de la Déclaration d'Ottawa, ainsi que du Sommet des bâtisseurs de la paix qui a eu lieu au Caire en mars, il doit préciser clairement qu'on ne tolérera pas que des gens apportent leur appui au terrorisme, peu importe la forme que cet appui peut prendre. Toute organisation qui s'attaque à des civils innocents est un groupe terroriste et doit être traité comme tel. Le gouvernement risque de devoir offenser certaines personnes et certains groupes pour transmettre ce message clairement.

* * *

[Français]

PÉTITIONS

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais déposer une pétition qui m'est parvenue des travailleurs de la MIL Davie et qui se lit comme suit: «Depuis 1990, le gouvernement fédéral ne verse plus un sou dans le Régime d'assurance-chômage; seuls les travailleuses et les travailleurs et employeurs paient pour cette assurance. À la suite des amendements législatifs des dernières années, 1990, 1993 et 1994, de moins en moins de prestations sont versées, et il en résulte d'importants surplus dans la Caisse, environ 7 milliards de prévus d'ici à la fin de 1996. Ottawa veut réduire de 2 milliards supplémentaires par année les prestations versées et s'accaparer davantage des surplus de la Caisse. Nous disons non aux coupures radicales dans l'assurance-chômage, et nous demandons à la Chambre des communes réunie en Parlement le retrait de ce projet de loi.»

* * *

(1045)

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je demande que toutes les questions restent au Feuilleton.

2727

[Français]

M. Yves Rocheleau (Trois-Rivières, BQ): Monsieur le Président, je voudrais porter à votre attention que j'ai fait inscrire, en date du 11 mars 1996, quatre questions qui s'adressent au ministre du Développement des ressources humaines et une autre au ministre des Travaux publics.

Le délai de 45 jours était demandé pour répondre à ces questions et on le dépasse maintenant d'un bon 15 jours. Je voudrais savoir ce qui en est de la démarche gouvernementale quant à la réponse à donner à ces quatre questions qui, dans l'intérêt public, devraient apporter un éclairage nouveau dans un dossier passablement nébuleux, pour ne pas dire opaque, qui est celui du transfert du Centre régional de gestion du ministère du Développement des ressources humaines de Trois-Rivières à Shawinigan, un dossier dans lequel l'intérêt public est bafoué.

M. Langlois: Monsieur le Président, je désire simplement mentionner que l'honorable secrétaire parlementaire du leader du gouvernement en Chambre a suggéré que toutes les questions au Feuilleton soient réservées et l'opposition officielle lui donne son consentement. Nous vous demandons de constater qu'il y a consentement unanime en cette Chambre à cet égard.

Le président suppléant (M. Kilger): Alors, en ce qui concerne le rappel au Règlement de l'honorable député de Trois-Rivières, je vais en prendre avis. Je le remercie d'avoir sensibilisé la Chambre, et particulièrement le gouvernement, à la question qu'il a soulevée depuis déjà un bon bout de temps.

En vertu de la pratique habituelle, j'espère que le gouvernement saura répondre à votre question, mais si cela s'avère nécessaire, à votre avis, vous pouvez faire appel à la Présidence. Malheureusement, présentement, je constate que personne n'est en mesure de répondre à votre rappel au Règlement, alors je vais prendre avis de la question de l'honorable député de Trois-Rivières.

[Traduction]

Toutes les questions restent-elles au Feuilleton?

Des voix: D'accord.

* * *

PÉTITIONS

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Alex Shepherd (Durham, Lib.): Monsieur le Président, j'ai deux pétitions signées par des habitants de ma circonscription.

La première compte 225 signatures et concerne la Loi canadienne sur les droits de la personne, qui, bien sûr, a déjà été modifiée. Je signale toutefois que la deuxième partie de la pétition porte sur la Charte des droits et libertés.

Les pétitionnaires prient Parlement de ne rien faire qui puisse laisser entendre que la société approuve les relations entre personnes de même sexe, ou l'homosexualité, notamment de ne pas modifier la Loi canadienne sur les droits de la personne et la Charte des droits et libertés afin d'y insérer l'expression non définie «orientation sexuelle» parmi les motifs de distinction illicite.

La deuxième pétition porte essentiellement sur la même question. Les pétitionnaires demandent au Parlement de ne pas modifier la Charte canadienne des droits et libertés afin d'y insérer l'expression non définie «orientation sexuelle» ou sa définition.

[Français]

Le président suppléant (M. Kilger): Je désire informer la Chambre qu'en raison de la déclaration ministérielle, les ordres émanant du gouvernement seront prolongés de 31 minutes.

______________________________________________


2727

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1050)

[Traduction]

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

L'hon. Lawrence MacAulay (au nom du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.) propose: Que le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le régime d'assurance-emploi défini dans le projet de loi C-12 n'est pas simplement une autre version de l'ancien programme d'assurance-chômage. Il s'agit plutôt du système d'assurance-emploi que se donne le Canada pour le XXIe siècle. Il conforte le programme d'emploi et de croissance du gouvernement. C'est un système que les Canadiens ont eux-mêmes contribué à définir et à élaborer pour l'avenir.

Comme nous l'avons déjà mentionné à la Chambre, depuis un an et demi, nous avons procédé à de nombreuses consultations, non seulement sur le projet de loi C-12, mais aussi sur toute la question de la réforme de sécurité sociale. À maintes reprises, les Canadiens de tous les milieux, représentant toutes sortes d'entreprises, d'occupations ou d'organismes ont répété clairement le même message: la meilleure sécurité réside dans l'emploi.

Nous avons compris ce message. L'assurance-emploi concerne d'abord et avant tout les emplois. Ce régime vise simplement et directement les emplois. Il aidera les Canadiens à travailler plus longtemps et encouragera les employeurs à garder leurs employés plus longtemps. Il aidera les employeurs à embaucher davantage. Il créera plus de travail et plus d'emplois pour les Canadiens. Il contribuera à augmenter le revenu gagné des travailleurs canadiens. Toutes les parties de ce projet de loi tendent vers cet objectif. Permettez-moi de citer des exemples.

Avec les cotisations d'assurance-emploi, les emplois seront assujettis à moins d'impôts. La réduction des cotisations et du maximum de la rémunération assurable fera économiser aux travailleurs et aux employeurs plus d'un milliard de dollars en cotisations seulement cette année. Grâce à une gestion plus rationnelle et à de meilleures exigences concernant les rapports, les employeurs économiseront encore 150 millions de dollars et quelque 300 000 petites entreprises auront droit à un remboursement temporaire spécial qui leur permettra d'embaucher davantage.

Le nouveau régime stimulera la création d'emplois au lieu de perpétuer le chômage. Les prestations sont conçues de manière à encourager les gens à travailler plus longtemps, en éliminant les


2728

obstacles qui empêchent parfois les travailleurs d'accepter les emplois dont ils ont besoin. Ce régime favorise l'emploi et rend le travail rentable. Les prestations d'emploi sont prévues pour ceux qui perdent leur emploi et ont besoin d'aide pour retourner sur le marché du travail.

Nous réinvestirons 800 millions de dollars dans les outils servant à aider les gens à s'aider eux-mêmes ainsi qu'à créer des possibilités d'emploi pour les Canadiens. Nous investissons en outre 300 millions de dollars dans un fonds de soutien à l'emploi de transition afin de relancer la création d'emplois dans les régions où le chômage est endémique. Cette initiative permettra de créer environ 15 000 emplois pour les Canadiens.

Quand les mesures énoncées dans le projet de loi auront été complètement mises en oeuvre, les Canadiens bénéficieront de 75 000 à 100 000 emplois de plus. Ce n'est qu'un volet du plan.

L'assurance-emploi constitue un élément intégral du plan général du gouvernement pour la création d'emploi et la relance de la croissance au Canada. Il s'agit d'un plan d'action en vertu duquel la croissance économique va de pair avec le meilleur système de sécurité sociale du monde. Notre programme d'action vise à créer un climat économique sain et propice à la croissance. Nous avons ramené le taux d'inflation à son niveau le plus bas depuis 30 ans. Nous atteignons et même dépassons nos objectifs de réduction du déficit. Notre programme d'action reconnaît que le Canada peut rivaliser avec les meilleurs pays du monde.

Au cours des 14 derniers mois, l'approche de type Équipe Canada que le gouvernement a adoptée sur le plan du commerce international a rapporté pour 20 milliards de dollars de nouveaux marchés pour les exportations canadiennes. Chaque milliard de dollars d'exportation représente 11 000 emplois pour les travailleurs canadiens. Comme on peut le constater, il ne fait aucun doute que notre programme d'action donne des résultats. Plus de 600 000 nouveaux emplois ont été créés au Canada depuis novembre 1993.

(1055)

À mesure que progressent l'emploi et l'économie, nous devons veiller à ce que notre filet de sécurité sociale suive le rythme. C'est le message fondamental contenu dans le budget du gouvernement. Nous prenons des mesures pour que les Canadiens puissent continuer de compter sur un solide filet de sécurité sociale qui soit économique, efficace et axé sur l'avenir.

En fin de compte, il est bien clair que le gouvernement est totalement résolu à faire entrer le Canada dans le XXIe siècle avec une économie vigoureuse en pleine expansion ainsi qu'avec les meilleurs programmes sociaux qui puissent exister n'importe où dans le monde.

Le projet de loi C-12 s'inscrit dans cette résolution. Nous voulons faire en sorte que l'assurance-emploi soit non seulement favorable à la création d'emplois, mais aussi équilibrée et équitable pour tous les Canadiens. C'est pour cette raison que nous avons écouté très attentivement les observations et les conseils des Canadiens de toutes les régions lors audiences sur le projet de loi.

Bien des témoins ont appuyé un régime d'assurance réellement axé sur l'emploi. Certains ont dit craindre vraiment que le régime ne soit pas suffisamment souple pour tenir compte des perspectives d'emploi existant dans diverses régions du Canada. Nous avons tenu compte de ces préoccupations et nous avons pris des mesures à cet égard.

Nous reconnaissons la nécessité d'apporter un certain nombre d'amendements importants au projet de loi. Ainsi, des représentants de toutes les régions de notre pays, de la Fédération des travailleurs et travailleuses du Nouveau-Brunswick en passant par le Comité canadien d'action sur le statut de la femme et le gouvernement régional du Kativik, ont fait valoir que la méthode de calcul des prestations proposée manquait de souplesse.

Le nouveau dénominateur utilisé pour calculer les prestations règle ce problème. Ainsi, l'assurance-emploi sera mieux adaptée aux fluctuations mensuelles des conditions d'emploi locales. Pareille modification est tout à fait sensée. Elle mérite notre appui.

De nombreux groupes, représentant notamment des travailleurs dans des industries à caractère saisonnier et des étudiants, ont exprimé de sérieuses réserves par rapport aux effets que risquait d'avoir le travail intermittent dans le cadre du nouveau régime. En vertu du régime modifié, les prestataires de l'assurance-emploi auront une plus longue période de référence pour accumuler les semaines de travail nécessaires, et les interruptions n'auront pas d'effet sur l'issue finale. Ainsi, quelqu'un qui doit avoir accumulé 15 semaines de travail pour être admissible peut revenir 26 semaines en arrière et ignorer, au besoin, jusqu'à 11 semaines d'inactivité. Encore une fois, cette modification est très sensée.

Bien des gens craignaient que la règle de l'intensité, qui réduit le taux des prestations pour les réitérants, ne soit particulièrement dure pour les plus vulnérables et les plus nécessiteux. Dans le cadre du régime modifié, ceux qui reçoivent le supplément de revenu familial en vertu du régime d'assurance-emploi ne seront pas assujettis à la règle de l'intensité. Cela protégera le revenu de base des prestataires de l'assurance-emploi qui ont de faibles revenus et des responsabilités familiales.

Afin d'enrayer les risques de fraude et d'abus commis à l'égard de l'assurance-emploi, nous adopterons aussi des sanctions et des peines plus sévères à l'intention des prestataires et des employeurs qui enfreignent les règles pour obtenir des prestations auxquelles ils n'ont pas droit.

Dans tous ces cas, nous avons écouté attentivement ce que les Canadiens avaient à dire. Le régime d'assurance-emploi s'en trouvera amélioré. Il sera plus souple. Il sera plus juste. Il nous permettra de réaliser les économies que nous nous étions fixées. Il sera axé plus efficacement sur notre priorité numéro un, celle de redonner du travail aux Canadiens.

Les emplois, la croissance économique et un ensemble de programmes sociaux solides et abordables font partie des priorités de l'ensemble des Canadiens. Ce sont là des priorités que le gouvernement a à coeur. L'assurance-emploi est un aspect important du plan d'action dont le Canada a besoin pour atteindre ces objectifs et pour aborder le prochain siècle avec assurance. J'exhorte tous les députés à appuyer, à la fin de la journée, le projet de loi à l'étude. Les modifications fondamentales qu'il comporte seront excellentes pour les Canadiens durant de nombreuses années à venir.


2729

(1100)

[Français]

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je vais commencer en disant que ce jour, ce 14 mai 1996, celui de l'adoption du projet de loi C-12, à moins que le gouvernement n'ait un dernier sursaut de bon sens, marquera le règne libéral au fer rouge de la honte.

Ce parti avait contribué à donner au Canada un système de sécurité sociale, pas le meilleur du monde, rappelons-le, non, parce que nous sommes très loin, dans l'ensemble, des mesures sociales généralement accordées en Europe de l'Ouest, mais en Amérique du Nord, c'était un système qui était enviable. De plus en plus, ce parti est en train d'aligner ses mesures sociales sur ce qu'il y a de moins progressiste aux États-Unis.

Le projet de loi C-12, faussement appelé Loi concernant l'assurance-emploi, s'attaque au système d'assurance-chômage qui est extrêmement apprécié par l'ensemble des Canadiens et des Québécois. Un sondage Angus Reid d'ailleurs nous le rappelait au tout début du nouveau règne libéral qui s'annonçait sous les auspices d'une réforme des programmes sociaux, d'une réforme qui améliorerait les programmes sociaux. C'était avant le premier budget.

Ce sondage Angus Reid disait qu'à hauteur de 70 p. 100, et presque 80 p. 100 dans le cas du Québec, les Canadiens, les Québécois tenaient à ce régime de l'assurance-chômage et ils manifestaient au même moment leurs craintes que les réformes annoncées, malgré tous les bons mots, ne s'attaquent à ceux qui en avaient le plus grand besoin. Les Canadiens et les Québécois ne s'étaient pas trompés.

Même si ce sera difficile à entendre, je veux rappeler que, lors de sa première allocution, le ministre du Développement des ressources humaines disait que ce qu'il faut trouver, c'est une recette bien canadienne pour faire en sorte que les Canadiens, aux termes de la réforme des programmes sociaux, soient fiers d'être Canadiens. Il répétait à satiété cette expression.

Eh bien, la chose qu'on peut constater ce matin c'est que loin d'être fiers, les Canadiens doivent être inquiets, profondément inquiets, sauf peut-être ceux qui ont déjà un emploi stable, qui font plus de 35 heures par semaine. Mais tous les autres, les Canadiens, les Québécois doivent être inquiets et être alertes pour s'informer de ce que sera ce nouveau régime.

Il ne faut pas oublier que ce projet de loi, prétendument sur l'assurance-emploi, s'ajoute à une prétendue réforme qui date de 1994, appelée le projet de loi C-17. C'était une loi qui mettait en oeuvre le premier budget libéral depuis leur retour au pouvoir. Cette loi coupait dans le Régime d'assurance-chômage 2,4 milliards à partir de 1995, 2,4 milliards de dollars dont 735 millions allaient être coupés au Québec, et 630 millions allaient être coupés à partir de 1995 dans les provinces Atlantiques.

Cette nouvelle réforme ajoute ces effets à cette première. Encore une fois, le mot réforme perd son sens, on devrait dire «contre-réforme» parce qu'une réforme, dans l'esprit populaire, c'est quelque chose qui améliore la situation.

(1105)

Or, dans les deux cas dont nous parlons, la réforme n'améliore pas, loin de là, elle coupe. Elle coupe dans ce qui est la seule petite sécurité des gens qui n'ont pas la sécurité complète que certains et certaines peuvent encore avoir au Canada ou que ceux qui sont riches et qui peuvent compter sur des revenus de spéculation, des revenus qui ne les obligent pas à travailler. Pour tous les autres, le Régime d'assurance-chômage est un pont, un pont étroit parfois, un pont qui n'est pas suffisamment long, mais un pont quand même, entre deux emplois.

Alors, ces coupures vont totaliser 4,4 milliards, si on additionne les 2,4 milliards, plus les 2 milliards additionnels de cette «nouvelle réforme». Cela fera une belle jambe au Parti libéral du Canada lors, très certainement, de sa recherche d'un nouveau mandat. Il pourra dire fièrement aux Canadiens et aux Québécois: «Voilà, nous avons coupé dans les bénéfices d'assurance-chômage 4,4 milliards depuis 1995, et, respectivement, le Québec-et je prends les chiffres du ministère-perdra 1,271 milliard. Et ça, c'est avec les amendements, n'oubliez pas, tels qu'évalués, encore une fois, par le ministère. En passant, le ministère est le seul à avoir des chiffres, donc, on doit se fier à ces chiffres. Mais, se fiant aux chiffres du ministère, les provinces de l'Atlantique vont perdre, par année, quand le régime sera à maturité en l'an 2000, 806 millions par rapport à la situation antérieure.

Si on additionne les deux, c'est intéressant, parce que les provinces de l'Atlantique et le Québec font à peu près le tiers de la population du Canada, on arrive à 2,1 milliards sur 4,2 milliards. Et si on considère la partie des coupures dévolues aux provinces Atlantiques seules, ces 806 millions sur 4,4 milliards est un pourcentage considérable.

Cet argent qui est coupé en bénéfices veut dire que moins d'argent ira dans les régions à fort taux de chômage. Cela veut dire qu'un des objectifs que s'était donnés ce plan d'assurance-chômage quand il a été mis en place, après la grande crise de 1929, qui était une subvention interrégionale, est largement ramené à presque rien. Et dans le cas du Québec, je pense que les Québécois vont en tirer, à un moment donné, les conséquences. Dans le cas des provinces de l'Atlantique, j'espère qu'ils vont en tirer les conséquences politiques, mais ce sera, dans bien des cas, dramatique.

Ce qui est inadmissible, c'est que ce changement-c'est une députée du Bloc québécois qui vous le dit, mais, sur cette question, nous avons fait le travail de l'opposition, comme sur beaucoup de questions, pour l'ensemble des Canadiennes et Canadiens-est très important dans l'idée que les Canadiennes et Canadiens, que les Québécois se font du rôle de ce Régime d'assurance-chômage.

Et au lieu de discuter de la disparition de cette subvention interrégionale demandée par des observateurs professeurs d'université qui disent que, dans tel pays, ça n'existe pas car c'est interdit par la Constitution, au lieu d'en discuter, non, le gouvernement a décidé de couper, de sabrer en ne faisant aucun débat.


2730

À Toronto, j'avais demandé, lors de la première consultation, parce qu'on voyait venir cette orientation du gouvernement, à des représentants des syndicats qui regroupent des hauts salariés s'ils en avaient marre de payer pour les travailleurs des provinces de l'Atlantique. On ne m'a pas dit: «Oui, on en a marre, nous, de l'Ontario, de payer pour les provinces Atlantiques.» Les gens au Canada, je pense que je comprends, admettent qu'il doit y avoir ce subventionnement interrégional. Je le répète, c'est le Bloc québécois qui dit cela. Cet exemple, comme d'autres, illustre que des débats importants n'ont pas été tenus sur cette réforme.

(1110)

Cette réforme, sous un nom qui lui-même apparaît comme un camouflage-c'est la saison de la chasse aux canards-c'est un camouflage de l'appeler assurance-emploi. Cette réforme, au lieu de rapprocher l'ensemble des chômeurs, et surtout les chômeurs des régions à fort taux de chômage, d'un emploi, elle les en éloigne.

Comme c'est la première fois qu'on a le temps de faire un discours décent en cette Chambre, j'en profite pour souligner que l'opposition officielle a été empêché de jouer son rôle à chaque étape. Encore une fois, je le comprends, le gouvernement ne voulait sans doute pas que les Canadiens soient informés. Mais malgré tout, un sondage qui a été fait au Québec montre que les gens ne sont pas dupes de ce qui est en train de se passer. Cela sera le sujet de ma conclusion.

Je veux parler à l'ensemble du Canada, et ce que je veux dire, c'est que la première réforme avait touché durement les provinces Atlantiques, la deuxième sera encore plus difficile à avaler. J'en suis encore à dire que ce sont les régions à fort taux de chômage qui seront touchées.

J'aimerais citer le ministre du Développement économique et du Tourisme de l'Île-du-Prince-Édouard. On sait que cette province compte environ 170 000 habitants et cette province est capable de bien observer son marché du travail. Or, que dit le ministre? Il dit, concernant les répercussions financières: «L'étape précédente de la réforme de l'assurance-chômage qui n'avait sûrement pas une portée aussi grande que le présent projet de loi a déjà eu des répercussions importantes dans notre province. En 1995, compte tenu du taux de chômage, une personne admissible après 12 semaines de travail recevait des prestations pendant 32 semaines, ce qui fait 44 semaines en tout. Il restait cependant huit semaines pendant lesquelles la personne ne disposait d'aucun revenu.»

Les premières manifestations dans les provinces Atlantiques n'étaient pas à propos de la nouvelle réforme, mais de l'application de l'ancienne réforme qui les touche durement. En conséquence de cette première prétendue réforme, les gens n'avaient pas le nombre suffisant de semaines d'assurance-chômage pour boucler l'année. Il fallait aller à l'aide sociale et ça, c'est très compliqué, parce qu'aller à l'aide sociale, et c'est triste à dire, ça complique énormément le retour au travail.

Dans ce mémoire, que lit-on? C'était avant les amendements, mais enlevons quelques millions et il reste une très grande part de ce qui est là qui demeure vraie. Donc, il dit: «À l'Île-du-Prince-Édouard, la perte nette de prestations d'assurance-chômage s'élèverait ainsi à plus de 24 millions en 2001-2002.» Enlevons-en au maximum huit, et je suis très généreuse, très conservatrice-je n'ai pas les chiffres du ministère-il en resterait 16 de moins.

Le ministre dit encore: «L'économie de l'Île-du-Prince-Édouard, qui est pourtant performante, on est les champions de la création d'emplois au Canada, nous ne sommes pas capables d'absorber une telle perte.» Cela revient à dire que pour toutes les régions qui ne sont pas les champions de la création d'emplois au Canada, cette réforme est dévastatrice sur le plan macro-économique. Elle va accroître l'écart entre les régions où le monde est relativement bien et les régions où il y a un fort taux de chômage, malgré qu'on puisse créer des emplois, mais où l'intensité de la présence industrielle ou commerciale est moins élevée.

(1115)

J'ai parlé des régions et je veux maintenant parler des individus. Quand s'ajoutent à cette première réforme-qui ne laisse pas, pour un grand nombre de travailleurs saisonniers, un nombre suffisant de semaines pour boucler l'année sans avoir recours à l'aide sociale-les coupures de la réforme actuelle, on arrive à une situation qui provoque chez certains le désespoir.

Les travailleurs gaspésiens et madelinots qui sont venus la semaine dernière avaient des accents de désespoir. Ils parlent de leur région. Pourquoi? Parce qu'ils disent: «On ne sera plus capables de retenir les jeunes.» Ce sont les jeunes qui quittent, et quand les jeunes quittent, les régions se défont. C'est vrai dans toutes les régions à fort taux de chômage. Quand les jeunes quittent, les services diminuent. La démographie change forcément et il ne reste bientôt que des personnes qui vieillissent et alors, on voit mourir les villages ou les petites villes. C'est ce que les gens sont venus crier, que ça n'avait pas de bon sens. C'est ce que les gens sont venus crier, pleurer: ça n'a pas de bon sens.

Quand j'entends rire un collègue, je me dis deux choses: ou bien il n'a pas de coeur, ce que je ne crois pas, ou bien il n'a pas étudié les effets que produira ce projet de loi. J'en suis triste, parce que les personnes seront touchées durement. Elles seront nombreuses à être touchées. Il n'y a pas que les travailleurs saisonniers qui seront touchés, malgré les amendements et quoi qu'en dise le gouvernement. Les amendements en disent longs sur le projet initial.

Tous les travailleurs du milieu du tourisme, tous ceux qui ont des emplois où une heure payée suppose des heures de travail non payées seront touchés. Il y en a beaucoup dans notre société. On pense, et c'est vrai dans toutes les régions, à tous les professeurs d'éducation aux adultes, à tous ceux et celles qui, dans les grandes villes comme dans les petites et les villages, aident ou instruisent toutes les personnes qui, pour une raison ou pour une autre, ont besoin de cette formation.

Généralement, ils travaillent à l'heure, sans contrat fixe, et ils se retrouveront, sans aucune exception, dans des situations extrêmement difficiles. Les femmes seront aussi touchées. La Fédération des femmes est venue dire que oui, ça permettrait à 5 p. 100 de plus des femmes qui travaillent à temps partiel d'être admissibles, cependant, être admissible, c'est une chose, ce veut dire qu'on paiera,


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mais avoir droit aux bénéfices, c'est une toute autre chose. Par contre, ce projet de loi nuit gravement à 25 p. 100 de celles qui travaillent actuellement de 15 à 34 heures.

Et je n'ai pas parlé des artistes, des artisans, de tous ceux qui vivotent comme ils peuvent des programmes du gouvernement, des pilotes, des agents de bord. Si on faisait la liste de toutes les personnes qui seront touchées, on n'aurait pas assez de temps, pas assez de ces 40 minutes.

C'est donc une transformation radicale à laquelle nous assistons et cette transformation radicale est contraire à l'esprit qui avait prévalu à la création du Régime d'assurance-chômage. Je ne veux que citer un extrait du discours du premier ministre Bennett, en 1935, quand il avait présenté tout d'abord ce projet de loi. Il avait dit: «Pour répondre aux besoins nouveaux, il faudra remanier le régime capitaliste-à cette époque, on venait de vivre la grave crise de 1929-et en faire un instrument plus utile au peuple. Vous serez saisis de mesures faisant partie d'un plan d'ensemble dont l'objet est d'atténuer les inégalités sociales et économiques actuelles et de répartir plus équitablement les avantages du régime capitaliste entre les différentes classes de la population et les diverses régions du pays.»

(1120)

Depuis la réforme de 1971, on n'a pas cessé d'assister, au Canada, à la diminution des bénéfices, à des coupures. Je dois dire que les conservateurs avaient commencé, et c'était assez grave que de priver le système de cette participation du Fonds consolidé, du Trésor. C'était assez grave.

Comme des chercheurs sont venus nous le dire, un régime d'assurance-chômage a un effet stabilisateur important et on le sait, si on regarde les autres qui existent au monde. Cela a donc un effet stabilisateur économique qui profite à toute la société, et il a aussi un effet redistributif. Au fil des années, on a greffé à ce régime le paiement des bénéfices de maternité, des bénéfices de santé. On ajoute dans cette prétendue réforme des bénéfices de formation qui, désormais, ne seront plus payés par le fonds général, mais par le fonds d'assurance-chômage. Quand on considère tout cela, on s'étonne, on s'interroge, on ne comprend pas que le gouvernement ait réduit le salaire maximum assurable.

Ce n'est pas du chinois. Cela veut dire que, désormais, les travailleurs, lorsqu'ils gagneront plus de 39 000 $, ne paieront plus de cotisation d'assurance-chômage. Ils paieront sur la première tranche de 39 000 $, mais ils ne paieront plus après. C'est exactement l'inverse du bon sens. C'est exactement l'inverse de ce qui se passe pour l'impôt sur le revenu.

En ce qui concerne l'impôt sur le revenu, plus on gagne d'argent, plus on paie. Pour les cotisations d'assurance-chômage, plus on gagne d'argent, moins on paie. Les entreprises qui sont capables de payer des salaires de 39 000 $ et plus sont celles qui reçoivent un cadeau. Un cadeau de 500 millions par année, ce n'est pas négligeable. Quels sont les travailleurs et les entreprises qui paieront pour l'équivalent de ce cadeau? Ce sont les travailleurs qui font entre 1 et 15 heures par semaine et les petites et moyennes entreprises.

Ce n'est pas étonnant que les petites et moyennes entreprises soient contre ces dispositions. Elles sont d'accord avec la réduction du maximum des prestations, et on peut comprendre leur point de vue, car un point de vue social, c'est autre chose. Mais pour ce qui est de cette réduction du salaire maximum assurable, cela n'a pas de bon sens.

Il y a beaucoup de chercheurs qui sont venus nous dire aussi que cela n'avait pas de bon sens. Cela n'a pas de bon sens, parce que ça réduit le bassin de ceux qui participent. Ça n'a pas de bon sens non plus parce que, alors qu'on fait le cadeau aux grandes entreprises, un cadeau complet de cotisations lorsqu'on dépasse 39 000 $, ce qu'on fait, c'est réduire de 0,05 p. 100 les cotisations pour l'ensemble.

Si on regarde ce que cela veut dire concrètement, pour une PME, par travailleur, cela fera à peu près 7 $ par mois de moins si le salaire est de 200 $, alors que le cadeau pour la grande entreprise, c'est un cadeau complet de cotisations. C'est l'inverse du bon sens, tout comme l'est une grande partie de ce projet de loi.

Monsieur le Président, pouvez-vous m'indiquer combien de temps il me reste?

Le président suppléant (M. Kilger): Quinze minutes.

Mme Lalonde: Il y aurait tant à dire sur ce projet de loi.

Des chercheurs sont venus nous dire que c'est un saut dans l'inconnu, parce que si vous demandez à un économiste d'étudier l'effet d'une mesure, il va vous le dire. Vous demandez à un autre économiste d'étudier l'effet d'une mesure, il va vous le dire. Mais celui-ci a pris la peine de dire ceci: «Bien plus que l'une ou l'autre mesure prise individuellement-c'est M. Van Audenrode de l'Université Laval-c'est l'ampleur et la complexité de la réforme proposée qui m'inquiète. S'il est facile de se faire une idée de ce que sera l'impact d'une modification précise apportée à un aspect d'un système quelconque, il est quasiment impossible de se faire une idée de ce que seront les conséquences d'une réforme aussi profonde que celle proposée.»

(1125)

Et il dit: «Je suis incapable de vous donner ne serait-ce qu'une indication de ce que seraient les conséquences de la réforme proposée, et je pense honnêtement qu'aucun économiste ne peut le faire.»

Quand j'ai demandé aux hauts fonctionnaires ce qu'ils pensaient de cette déclaration, on m'a répondu: «Nous avons un gros fichier au ministère, mais évidemment, nous avons bâti ce projet de réforme sur un modèle économétrique.» C'est le problème. Qu'est-ce qui presse? Pourquoi prend-on la chance de nuire gravement à des régions et à des personnes, alors que rien ne presse? Pourquoi rien ne presse? Parce que le surplus de cinq milliards de dollars qu'il y aura à la fin de cette année sans la réforme sera diminué avec la réforme. Il passera à 4,5 milliards de dollars, alors rien ne presse.

Le ministre des Finances ne peut pas dire: «Vite, vite, vite! C'est mon déficit qui est en cause.» Ce n'est pas vrai. Cette année, la


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réforme se traduira par une diminution du surplus de un milliard de dollars. Ce chiffre est tiré des chiffres propres du ministère du Développement des ressources humaines, et j'ai pris la peine de confirmer, pour demander si je lisais bien, auprès de l'actuaire.

Alors, à la page 6,6 de l'aperçu du compte d'assurance-chômage, le dernier que nous avons reçu, on lit ceci: «Les recettes tirées des cotisations courantes pour 1996, tel que prévu, sont de 19,801 milliards de dollars.» Et dans la note 2, on dit: «Puisque les cotisations sont perçues sur la base du maximum de la rémunération hebdomadaire-diminuée sans qu'aucun projet de loi n'ait été adopté, car en ce moment, le gouvernement perçoit moins d'argent que ce que la loi prévoit-à cause de cela, les cotisations prévues devraient atteindre 18,806 milliards de dollars, c'est-à-dire un milliard de moins.»

Cette année, la réforme se soldera par un milliard de dollars de moins. Qu'est-ce qui presse de prendre la chance énorme qu'on est en train de prendre, qui fait dire à ce chercheur que c'est un saut dans l'inconnu, «it is a leap in the dark»?

Il ajoute: «Toutes les estimations financières sont faites en appliquant les nouveaux paramètres aux comportements existants.» Or, il souligne lui-même que les comportements vont changer. Par exemple, je regrette, mais je ne suis pas d'accord avec le fait que les gens qui travaillent actuellement jusqu'à 15 heures ne soient pas couverts par un régime d'assurance-chômage, sauf que la vérité c'est que, désormais, ils paieront des cotisations, sauf s'ils gagnent moins de 2000 $, et j'y reviendrai, mais ils n'auront pas droit aux bénéfices.

Que vont faire les restaurateurs? C'est vrai que les restaurateurs engageaient systématiquement une grande partie de leur personnel de pointe chez des gens à qui ils confiaient moins de 15 heures de travail. Vous savez comment ça fonctionne, un restaurant. On téléphone à Albert pour lui dire: «Viens. Ne viens pas. Il y a du monde. Il n'y a pas de monde.» Quand ils seront obligés de tenir la comptabilité de cela, pensez-vous qu'ils continueront à engager des étudiants, comme ils le font en ce moment? Non. Ce n'est pas pour rien que la Fédération des étudiants a demandé une exemption.

Il faut bien prendre conscience que même si ceux dont on dit qu'ils gagnent moins de 2000 $ verront leurs cotisations à l'assurance-chômage remboursées, ils seront remboursés seulement l'année suivante, au moment du rapport d'impôt. Les étudiants ne peuvent pas se faire exempter. Ils ne peuvent plus se faire exempter. Or, ils voient leurs frais de scolarité augmenter et ils seront privés des sommes qui sont l'équivalent des cotisations d'assurance-chômage, alors qu'ils n'ont vraiment pas besoin de ça.

(1130)

Les comportements vont changer. Il y a des emplois qui vont disparaître. On peut souhaiter que les salaires hebdomadaires soient plus importants, mais une des choses extrêmement importantes est que cela se fera à un coût certain. Pourquoi est-ce qu'on n'a pas pris le temps? Il n'y a rien qui presse. Ou alors, est-ce qu'on est si pressé de réduire les prestations de 445 $, leur niveau actuel, à 413 $ qu'elles seront lorsque la loi sera en vigueur?

Est-ce qu'on est si pressé de prendre cette chance? Il faut bien se dire une chose, le système d'assurance-chômage est le meilleur stabilisateur économique. Qu'est-ce qui est stabilisateur économique? Ce sont les prestations; les cotisations n'y sont pour rien, nous dit Peter Duncan, professeur agrégé au Département d'économie de l'Université de Toronto. C'est un excellent stabilisateur, meilleur que l'impôt sur le revenu, sans comparaison avec l'impôt sur le revenu. Ce sont les prestations qui sont stabilisatrices. Que fait le gouvernement? Je le répète, il réduit les prestations de 4,4 milliards sur une période de cinq ans.

Pourquoi le gouvernement diminue-t-il ainsi le salaire maximum assurable? Beaucoup de chercheurs sont venus dire qu'ils étaient inquiets de ce changement. Est-ce parce que le gouvernement veut laisser au secteur privé de l'assurance le lucratif marché des travailleurs gagnant plus de 39 000 $? Est-ce parce que, comme nous l'a dit le sous-ministre, de ces 900 millions de dollars payés par les salariés et les entreprises pour la tranche de 39 000 à 42 400 $, une très large part reste dans la Caisse?

Le sous-ministre a eu le culot de dire que les personnes gagnant plus de 39 000 $ avaient moins de chance de perdre leur emploi et qu'elles ne retiraient que 200 millions des 900 millions de dollars payés. C'est une bonne chose que ceux et celles qui ont un salaire plus élevé et plus stable contribuent à l'équilibre économique et financier, mais paient aussi leur part des congés de maternité, de la formation, etc.

Ce régime d'assurance-chômage est le seul pont entre un emploi et un autre emploi. Le gouvernement, par ce projet de loi, rend l'admissibilité deux fois plus difficile pour les gens qui sont déjà sur le marché du travail et trois fois plus difficile pour les jeunes, les femmes, les immigrants, les gens qui ont été malades, ceux qui ne sont pas sur le marché du travail.

Pourquoi rendre l'accessibilité plus difficile? Pourquoi faire en sorte que la rémunération dont on tient compte, qu'on le divise par un diviseur fixe ou le nombre de semaines travaillées, ce qui va avoir pour effet certain-c'est ce que le gouvernement recherche, il l'a dit- de diminuer les prestations. Pourquoi diminuer les prestations? Pourquoi diminuer le nombre de semaines? Pourquoi rendre plus difficile l'accès alors que déjà, il y a moins de 50 p. 100 des chômeurs qui sont couverts par ce régime?

Est-ce qu'on ne voit pas qu'on est en train de saboter le rôle stabilisateur pour l'économie en général, mais aussi cette petite sécurité que les gens qui n'ont pas la sécurité d'emploi bardée du secteur public ou qui ne sont pas riches ont? C'est la seule sécurité qu'ils ont, ils n'en ont pas d'autre.

Vous savez, bon an mal an, il y a entre 25 et 30 p. 100 des travailleurs canadiens qui ont recours au Régime d'assurance-chômage. Ce projet de loi affectera des millions de personnes.

(1135)

Pourquoi le gouvernement est-il si pressé? Pourquoi a-t-il bâillonné l'opposition comme il l'a fait? Nous n'avons pas eu droit à une deuxième lecture. Six discours de dix minutes. Nous avons été bâillonnés au comité, et nous avons été bâillonnés à l'étape du


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rapport. Pour la troisième lecture, nous n'avons qu'une journée et, du côté du gouvernement, comme il nous bâillonne, au lieu d'avoir la décence de nous laisser nous exprimer, les députés prennent tout leur temps. C'est indécent, parce qu'il n'y a rien qui presse.

Pourquoi se dépêchent-ils? Il y a anguille sous roche, n'est-ce pas? Pourquoi pensez-vous qu'ils se dépêchent à réduire les cotisations et les bénéfices, quand toutes les personnes concernées, tous les groupes à divers niveaux se soulèvent et les prient de ne pas procéder aussi vite, de les consulter et de faire un vrai régime? Pourquoi est-ce si pressé? Pourquoi sont-ils si pressés de couper un milliard dans les cotisations? Pourquoi sont-ils si pressés que le ministre Martin réduise son déficit?

Qu'il y ait une réforme ou qu'il n'y en ait pas, l'année prochaine, il y aura un surplus additionnel au surplus accumulé de 5 milliards à la Caisse de l'assurance-chômage. Ces conditions ne permettent pas d'expliquer la hâte du gouvernement.

Il faut cependant constater que l'opposition officielle, en faisant tout ce qu'elle pouvait jusqu'à l'utilisation limite de son pouvoir parlementaire, n'est pas parvenue à se faire entendre par le gouvernement.

Des manifestations ont été tenues d'une façon qu'on avait pas vue depuis longtemps, il faut le dire. Ces manifestants, au Québec et en particulier au Nouveau-Brunswick et en Nouvelle-Écosse-et pensez à toutes les manifestations, dont les 40 000 cartes qu'on a déposées, pensez aux pétitions, c'est largement au-dessus de 100 000 personnes qui se sont manifestées-sont parvenus à ébranler un peu, car ce qu'il y avait d'absolument et parfaitement odieux a été légèrement transformé, mais l'ensemble demeure inacceptable.

Au cours de la journée, mes collègues insisteront sur des mesures comme celle-ci. Oui, quand on a deux emplois, on pourra comptabiliser toutes les heures, mais, gare, il ne faut pas abandonner volontairement un des deux emplois parce qu'on perdra alors toutes les semaines assurables qu'on a accumulées jusque-là. C'est une mesure qui contredit complètement l'esprit que le gouvernement a dit vouloir mettre dans cette réforme.

Ce qu'il y a de plus dangereux et difficile, c'est d'entendre les députés d'en face vanter cette réforme. Ce que je comprends et ce dont certains sont contents, c'est qu'ils sont parvenus à enlever le caractère absolument abominable de certaines mesures. Ils sont tout à fait contents de ça, alors que l'ensemble demeure inacceptable. Il y avait la possibilité de faire une vraie réforme. Il y avait la possibilité de maintenir le salaire maximum assurable ou de l'augmenter. On pouvait même distinguer entre la prestation maximum et le salaire maximum assurable, comme on le fait dans le régime de l'impôt ou dans les autres mesures. Ce n'est pas parce que quelqu'un contribue davantage qu'il aura droit, dans divers domaines, à une plus grosse prestation. Mais on n'avait pas le droit de saboter ce à quoi les Canadiens et les Québécois tiennent, qui est leur genre de sécurité, ce pourquoi ils sont prêts à payer.

Mais le sondage de ce matin paru dans le quotidien Le Devoir contient des nouvelles extrêmement intéressantes, malgré la difficulté qu'on a eue à franchir le mur du son. À la question «À qui cette réforme de l'assurance-chômage va-t-elle surtout profiter?», la réponse est «au gouvernement fédéral lui-même», à 79 p. 100. Et à l'autre question, «Souhaiteriez-vous qu'en ce qui concerne les travailleurs québécois, le programme d'assurance-chômage soit administré par le gouvernement du Québec?», la réponse est oui, à 74,5 p. 100.

(1140)

Les gens ont compris qu'une vraie réforme est possible, que celle qui est là fait en sorte de priver les travailleurs québécois de ce qui leur avait été vendu comme «l'esprit canadien» de répartition des inconvénients et des effets du chômage.

Les travailleurs québécois, comme les travailleurs des provinces Atlantiques, comprennent que cette réforme vise à diminuer les subventions interrégionales et vise à diminuer la réduction des écarts entre ceux qui ont peu et ceux qui ont davantage. Les Québécois tiennent à ce régime, ce sondage le montre, et je pense que si on posait les mêmes questions aux Canadiens, les résultats seraient semblables, les Canadiens tiennent à ce régime. Les Québécois y tiennent et, pour qu'il ne soit pas détérioré, ils pensent que la meilleure façon serait de le récupérer.

Personnellement, j'ai considéré que c'était un échec de la capacité de parler au parti d'en face. C'était un échec de la capacité de conserver ce qui méritait de l'être dans ce pays dont nous voulons devenir des associés.

[Traduction]

M. Ian McClelland (Edmonton-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, pendant que j'écoutais les discours des députés ministériels et bloquistes, j'ai pris conscience du gouffre qui existe dans notre pays. Essentiellement, les députés du Bloc considèrent cette loi comme un programme d'aide sociale ou de revenu annuel garanti, mais la notion d'assurance-emploi ou d'assurance-chômage est secondaire au soutien du revenu.

Le gouvernement, représenté par le secrétaire parlementaire du ministre, le député de Kenora-Rainy River, a été extrêmement bref dans son exposé sur la troisième lecture d'un projet de loi aussi important pour notre pays. Il a réussi à ne rien dire pendant 12 ou 13 minutes, alors que le porte-parole du Bloc a parlé pendant 40 minutes.

Les gouvernements jonglent gauchement avec ce programme d'assurance-chômage ou d'assurance-emploi depuis des années et des années. Tout a commencé par la refonte de l'assurance-chômage dans le désormais célèbre rapport Forget. Ce rapport, comme chacun sait, ateurs, dort maintenant sur une tablette dans les ténèbres des archives du Parlement. M. Forget a déclaré que ce ne serait pas une mauvaise idée que le régime d'assurance-chômage serve à verser des prestations aux chômeurs. C'était l'idée de départ de l'assurance-emploi.

Le nouveau gouvernement a décidé que la pierre angulaire de son renouvellement des programmes sociaux allait être l'assurance-emploi. Il allait faire ce qu'il fallait pour réaliser son noble idéal consistant à transformer l'assurance-chômage en assurance-emploi.


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Qu'avons-nous ici? La moitié d'un pain. Nous avons affaire à une abdication du leadership, à une abdication des responsabilités, à une abdication de la nécessité, de la part des élus, de parler honnêtement, de diriger, de faire ce qui doit être fait pour le pays et les générations à venir.

De quoi s'agit-il? La meilleure description que je puisse faire, c'est de parler du plus évident changement énoncé dans cette loi. Au Canada, pendant de nombreuses années, nous avons eu l'assurance-chômage. Ce régime, financé par les employés et les employeurs, offrait aux chômeurs une protection temporaire pendant qu'ils cherchaient un nouvel emploi.

(1145)

Qu'avons-nous fait? Nous avons changé le nom du régime. Avons-nous modifié autre chose? Peut-être. Quelle est la pierre angulaire du nouveau régime?

Tout simplement son nouveau nom, qui est maintenant l'assurance-emploi. On s'est dit qu'en mettant l'accent là où il faut, c'est-à-dire sur le mot «emploi», tous les problèmes allaient être réglsé comme par magie. Devinez quoi? Ils ne vont pas disparaître. Ils vont rester entiers pour les gouvernements, au Canada, parce que nous ne nous y attaquons pas franchement. Au lieu d'essayer de régler les vrais problèmes, nous nous contentons de tourner autour sans oser franchir les limites de la rectitude politique.

Nous avons encore une fois l'occasion d'agir, mais, une fois de plus, nous ne faisons rien. La formation et l'assurance-chômage sont avant tout des domaines de compétence provinciale et non fédérale. Cette responsabilité doit être assumée par le niveau de gouvernement le plus près de la population, c'est-à-dire le gouvernement provincial.

Quelle est la responsabilité du gouvernement fédéral? C'est de s'assurer que, là où existent des possibilités d'emploi au Canada, les gens puissent y aller pour travailler. Nous éliminons les obstacles à la libre circulation des gens. Les emplois ne viennent pas aux gens, ce sont les gens qui vont là où il y a de l'emploi. Les cours d'eau ne remontent pas les collines, ils en descendent.

A-t-on jamais réussi au cours de l'Histoire à inverser les mécanismes de la nature et à les faire fonctionner ainsi à long terme? Ce n'est pas ainsi que la nature fonctionne.

Voici un exemple. Depuis six ans environ, 87 p. 100 des nouveaux emplois au Canada ont été créés en Alberta et en Colombie-Britannique, qui ne comptent pourtant que 22 p. 100 de la population canadienne.

L'Ontario et le Québec, qui représentent environ 67 p. 100 de la population du Canada, n'ont créé ensemble que 14 p. 100 des nouveaux emplois.

Comment expliquer cela? La Colombie-Britannique et l'Alberta ont créé 87 p. 100 des nouveaux emplois au Canada, au cours des dernières années. Or, dans l'ensemble, ces deux provinces ne constituent pas des régions où le taux de chômage est élevé. Elles n'en tirent donc pas d'avantages et leurs habitants doivent travailler plus longtemps pour être admissibles. Qu'y a-t-il dans le système actuel pour améliorer cette situation où les provinces ayant le taux d'emploi le plus bas, les Maritimes, continuent d'accuser le coup?

Sommes-nous en train de créer une dépendance? Les faits sont clairs. Ils le sont depuis les années 70, depuis que quelques êtres bien pensants ont répandu l'idée que notre pays peut, d'une manière ou d'une autre, évoluer dans des circonstances qui sont les mêmes partout. Il s'ensuit que nous avons des chances égales partout. Les circonstances, on les gagne. C'est regrettable, mais c'est vrai. Si quelqu'un vit dans une région où l'emploi est rare et depuis longtemps, il est très probable que les circonstances resteront les mêmes dans l'avenir.

Si nous voulons assurer un meilleur avenir à nos enfants, c'est évident que les enfants ou la famille devront modifier leur mode de vie de manière à s'assurer un avenir meilleur. C'est ainsi que les choses se passent sur la terre depuis le début des temps.

(1150)

Comment sommes-nous venus ici, au Canada? Y en a-t-il qui croient que mes ancêtres sont venus d'Irlande, d'Écosse ou d'ailleurs parce que tout allait bien? Bien sûr que non. Ils sont venus au Canada pour s'assurer de meilleurs chances de succès, pour eux et leurs enfants. Pourquoi déménage-t-on d'une région à une autre? C'est pour profiter de circonstances plus intéressantes, pour soi-même ou pour ses enfants.

Nous sommes en train d'essayer de renverser le courant, alors que les faits montrent bien que ce n'est pas comme ça que ça marche. On voit que, en créant une dépendance, on ne fait que stimuler la nécessité d'une plus grande indépendance. Pourquoi donc sommes-nous surpris de devoir sans cesse surmonter les mêmes problèmes?

Au début de son intervention, le député de Kenora-Rainy River a dit que la présentation de ce projet de loi et les changements apportés à l'assurance-chômage s'inscrivaient dans le cadre de la réforme des programmes sociaux. C'est là le problème. L'assurance-emploi n'est pas un programme social. L'assurance-emploi n'est pas plus-et ne devrait pas plus être-un programme social que ne l'est l'assurance automobile. Une assurance veut dire une assurance.

L'assurance-emploi devrait être précisément une assurance-emploi. Les cotisations devraient être fonction du risque. Les prestations versées devraient être fonction des cotisations payées et de la période visée par les cotisations. Elles devraient avoir un rapport avec la réalité.

Si nous n'avions recours au système d'assurance-chômage que pour le chômage, comment procurer de l'argent aux Canadiens qui en ont besoin? Si cela signifie que nous allons avoir un revenu annuel garanti, que nous appelerons «aide sociale», et que nous allons faire honnêtement tout ce que nous devons faire, alors c'est dans ce contexte que la question doit être examinée et c'est de cela dont nous devons parler.


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Cependant, un programme qui s'appelle l'assurance-chômage et qui, comme les députés du Bloc l'ont fait remarquer, va coûter, seulement cette année, 5 milliards de plus qu'il ne rapporte de recettes n'est rien d'autre qu'un impôt. C'est une charge sociale qui va directement au Trésor public et qui est la meilleure façon de détruire les emplois.

Pourquoi est-ce que je dis que c'est la meilleure façon de détruire les emplois? Parce que j'ai été et que je suis en réalité un entrepreneur. J'ai dû supporter la hausse des droits de permis pour être en affaires. L'assurance-chômage n'a absolument rien à voir avec la rentabilité d'une entreprise. Les impôts que paient les entreprises n'ont rien à voir avec leur rentabilité. Nous payons ces impôts en fonction du nombre de personnes qu'on emploie.

Quand une entreprise tient à un fil, comme la proverbiale pêche à la morue dans la région des Grands Bancs, comme beaucoup de petites entreprises qui essaient de se maintenir à flot de jour en jour, de mois en mois, quand ce qu'il en coûte de garder une entreprise en activité augmente parce que le gouvernement impose encore un nouvel impôt qui n'a rien à voir avec la rentabilité, que fait un employeur?

(1155)

L'employeur consulte les registres et dit: «Au bout du compte, ça va me coûter 30 000 $ par an en charges sociales.» Pour aller chercher 30 000 $ par an, il devra augmenter son chiffre d'affaires. S'il réalise un profit de 5 ou 10 p. 100, il lui faudra multiplier ses recettes par 10 ou par 20 pour compenser la hausse d'impôts. Dans bien des cas, une augmentation des ventes brutes de beaucoup supérieure à 1 p. 100 sera nécessaire si l'on veut tirer assez de bénéfices pour être en mesure d'acquitter un autre impôt.

Que fait alors l'employeur? Pas question de se lever un bon matin et, constatant une augmentation des coûts, de décider d'une augmentation correspondante des prix. C'est qu'il n'est pas possible d'augmenter les prix. La plupart de nos entreprises ne souffrent pas d'un manque de concurrence. Le phénomène de l'élasticité des prix n'existe pas dans la majorité des entreprises.

Que se passe-t-il alors? Il n'y a qu'une seule issue possible. Si ses coûts augmentent de 30 000 $, l'employeur doit réduire ses dépenses d'autant. Peut-il obtenir une baisse de son loyer? Non. Peut-il sabrer dans ses autres frais fixes? Non. Quel facteur variable reste-t-il? Les employés. Un autre emploi à plein temps disparaît. On peut se rabattre sur l'augmentation du nombre des employés à temps partiel. Les charges sociales seront acquittées, mais, au lieu d'avoir des semaines de travail de 40 heures, les employés toucheront un taux horaire pour les heures réellement effectuées. On tombe dans un cercle vicieux. Cela va se traduire par une augmentation du nombre des postes à temps partiel.

Si cela ne saute pas aux yeux du gouvernement, c'est la preuve que la plupart des personnes ici présentes n'ont jamais signé un chèque de paie. Elles n'ont pas la moindre idée de la façon dont notre économie fonctionne. Voilà pourquoi on ne réussit jamais à sortir de ce bourbier. Le gouvernement a tort de retirer 5 milliards de dollars par année de l'économie, au moyen des charges sociales, pour faire bonne figure dans ses prévisions concernant le déficit. C'est mauvais pour le pays, car cela crée un cercle vicieux. Il y aura moins d'emplois, et non plus.

Comment fonctionne le régime actuel d'assurance-chômage? Cela changera-t-il quoi que ce soit? Beaucoup d'employés n'envisagent pas l'assurance-chômage comme une mesure de transition temporaire. En outre, il n'est pas considéré comme mal de recourir à l'assurance-chômage en tant que moyen de transition vers un autre emploi. Si une personne n'aime pas son emploi, elle retirera des prestations d'assurance-chômage jusqu'à ce qu'elle en trouve un autre.

Des employeurs utilisent le régime pour mettre des gens à pied. Il est plus facile de dire à quelqu'un: «Nous allons vous mettre à pied. Nous ne voulons pas vous congédier et susciter un affrontement. Nous serons plus occupés lorsque l'été arrivera. Peut-être que nous vous rengagerons alors, peut-être que non.»

De nos jours, employeurs et employés abusent du régime d'assurance-chômage. Les gens qui occupent un emploi à plein temps mal rémunéré, soit presque tous les travailleurs du secteur tertiaire au Canada, risquent de se retrouver perdants. Ils touchent un salaire d'environ 15 000 $ par année et cotisent au régime d'assurance-chômage pour subventionner les travailleurs saisonniers qui gagnent peut-être 30 000 $ ou 40 000 $ par année.

(1200)

Si un travailleur saisonnier gagne deux fois plus qu'un travailleur à plein temps, est-il convenable que le gagne-petit subventionne l'autre? Cela ne me semble pas raisonnable. Cela me paraît même ridicule.

Si on rétablissait l'assurance-chômage sous la forme prévue au départ, c'est-à-dire si les cotisations étaient versées par les employés et perçues par les employeurs et si elles dépendaient de l'utilisation du programme, du nombre de fois qu'on y fait appel et des montants qu'on en tire, on obtiendrait, en fait, le type de programme qu'on était censé avoir initialement.

On soulève une autre crainte au sujet des modifications apportées dans ce projet de loi. Comment les Canadiens qui ont besoin d'entrer sur le marché du travail obtiennent-ils la formation voulue? D'où vient l'argent? À l'heure actuelle, on ne peut avoir accès aux programmes offerts dans le cadre de l'assurance-chômage si on ne participe pas au marché du travail. Que faisons-nous des gens qui ne participent pas au marché du travail? Comment font-ils pour être admissibles à ces programmes?

Il nous faut examiner nos responsabilités en tant que nation pour essayer de trouver la meilleure façon de fournir aux entrepreneurs et aux entreprises une main-d'oeuvre bien instruite et très bien formée dans un large éventail de domaines. Comment pourrions-nous le mieux y parvenir de concert avec les provinces? Comment pouvons-nous répondre aux besoins de formation, de recyclage et d'acquisition de compétences des Canadiens les plus défavorisés à ce chapitre?


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Je vais maintenant parler plus précisément des personnes handicapées qui sont laissées complètement de côté dans le cas présent. Comment peut-on s'assurer d'offrir à ces Canadiens les outils grâce auxquels ils pourront être formés et recyclés, ainsi que prendre leur place sur le marché du travail à l'aube du XXIe siècle, et quelle sera la nature de ce travail?

Nous devrons décider en tant que nation si nous allons nous attaquer à ces questions de façon honnête. Face à l'évolution du travail, les compétences nécessaires pour participer vraiment au marché du travail et être bien rémunérés vont exiger des changements constants, des cours de formation et du recyclage. Bon nombre de travailleurs vont être exclus. Parfois, ils n'y seront pour rien, d'autres fois, c'est parce qu'ils se seront trop fiés aux fausses promesses des politiciens.

Lorsqu'on examine la nature du travail, on s'aperçoit que de moins en moins de gens vont gagner de plus en plus d'argent. La classe moyenne continuera de s'éroder et le fossé, qui existe déjà, se creusera davantage entre les riches et les pauvres de notre société. La raison, c'est que la nature du travail change.

(1205)

Si nous acceptons cette hypothèse-car certains la rejettent-, nous devrons admettre qu'il nous faut trouver moyen de garantir un revenu minimum à tous les Canadiens. Ainsi, nous veillerons à ce que chacun se sente digne, puisque nous ferons l'essentiel pour éviter que les générations visées, actuelles et futures, soient prises dans la spirale d'une dépendance toujours croissante, au sein d'une même génération ou entre des générations, et nous garantirons à chacun le respect de soi, un sentiment de bien-être ou le pain quotidien.

Nous devons nous doter d'un pays où l'interdépendance repose sur les bases de l'indépendance. On ne peut jeter ces bases dans un pays qui promeut l'égalité des circonstances.

Notre responsabilité consiste à garantir l'accès à l'éducation et à la formation. Il revient à chaque individu d'exploiter cette éducation et cette formation. Si les individus ne veulent pas ou ne peuvent pas le faire, nous ne pourrons pas avoir l'égalité des circonstances que permettait d'envisager l'idéal des années 1960, peu importe s'il était utopique. Il ne serait pas honnête de laisser entendre que nous pouvons y arriver, car c'est impossible. À ma connaissance, jamais dans l'histoire du monde moderne, un régime n'a pu tenir cette promesse.

J'entends faire des observations sur l'importance du projet de loi et sur la façon dont il a cheminé dans notre système parlementaire, ainsi que sur l'effet de la clôture du débat.

La clôture peut avoir un effet plus insidieux sur la société que le simple fait de précipiter l'adoption d'un projet de loi à la Chambre ou de priver les députés de la possibilité d'intervenir et de dire ce qu'ils en pensent. J'estime que des mesures comme le projet de loi dont nous sommes saisis ou quelque mesure que ce soit découlant du ministère responsable de la mesure à l'étude, laquelle compte pour une forte proportion de toutes les dépenses discrétionnaires applicables à la dimension sociale de l'enveloppe budgétaire, sont de loin les plus importantes.

Nous avons étudié la semaine dernière le projet de loi C-33 concernant l'orientation sexuelle. Ce fut un triste jour pour beaucoup de députés des deux côtés de la Chambre. Il a été expédié très rapidement et est maintenant adopté.

(1210)

Cependant, le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui témoigne vraiment du genre de société que nous aurons dans un sens pluraliste. Avec ce projet de loi et d'autres qui émanent du ministère du Développement des ressources humaines, nous examinons comment nous pouvons façonner une société qui récompense l'esprit d'entreprise et l'initiative, et qui s'occupe en même temps de ceux qui sont moins en mesure de s'occuper d'eux-mêmes. Voilà l'aune à laquelle on évalue une société. La valeur d'une société se mesure en effet à la façon dont elle s'occupe de ses membres les plus faibles, non de ses membres les plus forts.

Dans le cadre de ces débats, nous devons bien réfléchir à ce que nous faisons. Les fondations que nous jetons aujourd'hui sont celles qui permettront à notre économie de croître et de prospérer. Cela peut se faire, à mon avis, en veillant à ce que rien n'enlève aux Canadiens, pris individuellement, le devoir, la capacité ou le désir de pourvoir à leurs propres besoins et à ceux de leurs enfants et de se préparer pour l'avenir. En tant que société, nous devrions reconnaître notre devoir, dans l'intérêt du bien commun, de nous occuper de ceux qui ont besoin d'aide et de faire une distinction entre les désirs et les besoins. Nous nous occupons de ceux qui sont dans le besoin. Ceux qui éprouvent des désirs doivent s'occuper d'eux-mêmes.

M. Nault: Madame la Présidente, j'invoque le Règlement pour faire savoir à la Chambre que, pendant le reste de la journée, dans le débat sur la troisième lecture du projet de loi, les députés ministériels vont se partager leur temps de parole par moitié, 10 minutes pour l'intervention et 5 minutes pour les questions et observations.

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Madame la Présidente, c'est pour moi un plaisir de prendre la parole au sujet du projet de loi C-12, qui vise à instaurer le nouveau régime canadien d'assurance-emploi.

Le projet de loi apporte beaucoup d'améliorations, mais le plus important, ce sont ses retombées pour les jeunes. En effet, les jeunes sont une préoccupation prioritaire, dans le programme gouvernemental de création d'emplois et de soutien de la croissance, et le projet de loi C-12 traduit bien cette préoccupation.

La loi sur l'assurance-emploi non seulement garantit davantage de prestations aux jeunes travailleurs, mais prévoit également des mesures constructives et dynamiques pour aider les jeunes à trouver et à garder de bons emplois. Pour les jeunes, la grande difficulté de l'actuel régime d'assurance-chômage est qu'il ne tient pas compte, bien souvent, de leurs efforts sur le marché du travail.


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Dans le régime d'assurance-chômage, le travail est mesuré en nombre de semaines, ce qui est une mesure très médiocre de la durée d'occupation d'un emploi, surtout pour les travailleurs à mi-temps et ceux qui occupent plusieurs emplois.

Grâce au système fondé sur le nombre d'heures prévu par le projet de loi C-12, les gains des travailleurs à mi-temps seront assurés; or, les quatre dixièmes de ces travailleurs ont moins de 25 ans. Un autre inconvénient de l'assurance-chômage est la tendance des employeurs à limiter à moins de 15 heures par semaine les travailleurs à temps partiel pour éviter de payer des cotisations d'assurance-chômage. La conséquence, pour beaucoup de jeunes, est qu'ils peuvent faire moins d'heures et que leurs gains ne sont pas assurés.

L'assurance-emploi élimine cette barrière des 15 heures. Désormais, toutes les heures seront prises en compte pour l'établissement de l'admissibilité. Plus de jeunes qui arrivent sur le marché du travail après leurs études et qui doivent gagner leur vie en acceptant beaucoup de petits boulots auront maintenant une assurance.

De plus, il sera particulièrement avantageux pour les jeunes que le régime d'assurance-emploi réduise le risque d'acquérir une dépendance. Beaucoup trop de jeunes entrent sur le marché du travail et finissent par toucher des prestations avant même d'avoir terminé leurs études. Ensuite, ils se trouvent dans un piège d'une autre sorte, c'est-à-dire qu'ils travaillent assez longtemps pour avoir droit aux prestations, puis touchent toutes les prestations auxquelles ils ont droit.

(1215)

Le nouveau régime d'assurance-emploi va décourager ce comportement. En fait, il encouragera les jeunes à terminer leurs études plutôt qu'à abandonner l'école pour accepter des emplois à court terme, peu rémunérés et sans possibilité d'avancement.

Le resserrement des normes d'admissibilité à l'assurance-emploi incitera les jeunes à garder leur emploi plus longtemps. L'opposition a vivement contesté la notion de resserrement des normes d'admissibilité. Cette mesure, qui est loin d'être draconienne, a été recommandé au gouvernement par bien des groupes.

Par exemple, deux rapports récents sont très précis à cet égard. Dans son rapport, le Comité permanent du développement des ressources humaines recommande l'établissement de périodes d'admissibilité plus longues afin d'amener les jeunes à garder leur emploi plus longtemps et à améliorer leurs possibilités de carrière. Le groupe de travail sur le travail saisonnier et l'assurance-emploi recommande aussi que les normes d'admissibilité soient resserrées pour les jeunes.

En vue de ce projet de loi, le gouvernement a écouté les préoccupations de Canadiens de toutes les régions et de tous les milieux dans le cadre de consultations qui ont duré plus de deux ans. Il a tenu des assemblées, des colloques et des ateliers sur la politique. Il a mis des lignes téléphoniques à la disposition des gens et a fait appel à Internet. Grâce à ces moyens et à d'autres, dont les tribunes téléphoniques, les Canadiens nous ont dit ce qu'ils voulaient, soit une réforme de la sécurité sociale.

Le ministre a invité le Comité permanent du développement des ressources humaines à examiner plus à fond des moyens d'améliorer le projet de loi. Plus d'une centaine de témoins de tout le pays ont été entendus et près de 150 mémoires ont été reçus, analysés, digérés et scrutés par les membres du comité. Je répète qu'on voulait écouter attentivement l'opinion des Canadiens sur la façon de peaufiner le projet de loi sur l'assurance-emploi afin de s'assurer que le système est juste et équilibré et qu'il reflète la situation des divers marchés du travail de tout le Canada.

Au cours de cette démarche, les dispositions du projet de loi visant à encourager le travail ont été renforcées. Des modifications ont été apportées pour que le système soit plus juste pour les jeunes, les femmes, les familles à faible revenu et les travailleurs saisonniers.

Le projet de loi profitera aux jeunes d'autres façons. Les contributions à l'assurance-emploi, par exemple, auront une incidence minimale sur les jeunes. Un étudiant qui travaille 14 heures par semaine à 7 $ de l'heure, par exemple, versera des cotisations inférieures à 3 $ par semaine. Ses heures de travail seront maintenant assurées, ce qui l'aidera à répondre aux normes d'admissibilité lorsqu'il commencera à travailler à temps plein. En outre, environ 625 000 jeunes recevront un remboursement de leurs cotisations, soit 49 p. 100 de tous ceux qui reçoivent une remise. Du nombre total de jeunes qui reçoivent une remise, 400 000 seront des étudiants à temps plein.

Examinons maintenant la situation du côté des prestations. Les prestations totales versées sous le régime de l'assurance-emploi seront un peu moindres que sous le régime d'assurance-chômage, et les prestations versées aux jeunes d'ici 2001-2002 diminueront de 6 p. 100. C'est considérablement inférieur à la diminution globale de 9 p. 100 qui avait été prévue.

Il ne faut pas oublier que l'assurance-emploi est un programme à deux volets. Il y a d'abord le soutien du revenu pour les chômeurs, puis les prestations d'emploi qui les aideront à retourner sur le marché du travail et à trouver un emploi productif. Par exemple, les subventions salariales aideront les jeunes admissibles aux prestations d'assurance-emploi à acquérir l'expérience nécessaire pour avoir accès à des emplois plus stables ou permanents.

Le gouvernement a reconnu les problèmes auxquels sont confrontés les jeunes Canadiens et a amorcé un processus devant mener à une stratégie nationale de la jeunesse, qui sera annoncée l'automne prochain. Le député de York-Nord a été nommé président du groupe de travail ministériel sur la jeunesse, qui tient déjà des consultations pour recueillir l'avis de la population au sujet de la stratégie envisagée.

(1220)

Le groupe de travail tient des rencontres publiques qu'organisent les députés et les sénateurs de la circonscription hôtesse. Une rencontre de ce genre aura lieu dans la circonscription que je représente, soit Thunder Bay-Atikokan, le 23 mai prochain. Grâce à ces rencontres, nous pouvons participer directement, recueillir


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l'opinion de nos électeurs et de nos jeunes concitoyens et élaborer par conséquent une stratégie efficace qui permettra aux jeunes de jouer le rôle crucial que sera le leur dans l'avenir de notre pays.

Le projet de loi C-12 et les initiatives gouvernementales à l'intention de la jeunesse visent à donner à nos jeunes l'espoir d'obtenir les outils nécessaires pour occuper la place productive qui leur revient et jouer un rôle important dans l'avenir du Canada.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Madame la Présidente, j'aurai l'occasion d'intervenir plusieurs fois aujourd'hui pour poser des questions ou pour faire des commentaires.

Mais quelque chose me tracasse beaucoup dans le discours du député qui vient de prendre la parole, et j'aimerais qu'il me dise de quelle façon les gens qui vivent au rythme des saisons pourront profiter de ce qu'il a vanté, à la fin de son discours, soit les pseudo-outils de formation qui semblent être contenus dans ce projet de loi.

Si j'ai bien compris, cela crée un déséquilibre dans son discours. Premièrement, au sujet de la formation de la main-d'oeuvre, le Québec a toujours dit que cela devrait revenir à la province. Alors, je ne comprends pas en quoi le fédéral viendrait se vanter de mousser la formation de la main-d'oeuvre. Dans un second temps, la région que je représente vit beaucoup de l'industrie saisonnière. Ce n'est pas de notre faute s'il y a de la glace l'hiver et qu'on ne peut pas pêcher. C'est la même chose si on est empêché de travailler en forêt ou de planter des arbres.

Ces travailleurs ont un métier qui est noble aussi. Je ne pense pas qu'ils aient besoin de formation supplémentaire pour exécuter le travail qu'ils font. Oui, ils apprennent, ils s'améliorent à chaque année, mais ce n'est pas ça qui prolongera leur saison. Le but recherché de la formation sera d'augmenter la période de travail. Alors, en quoi le projet de loi présentement devant nous, sur lequel on devra voter ce soir, est-il bon pour les gens de ces régions?

[Traduction]

M. Dromisky: Madame la Présidente, la question que le député vient de poser est intéressante. Les préoccupations qu'il a exprimées ont été discutées à maintes occasions. Les réponses à ce sujet n'ont pas changé.

Nous savons que la formation relèvera des provinces. Nous savons que le gouvernement fédéral participera à tout modèle qu'elles élaboreront. Il les appuiera pleinement.

Dans le projet de loi à l'étude, le gouvernement reconnaît parfaitement la responsabilité des gouvernements provinciaux par rapport aux programmes de recyclage et d'acquisition de nouvelles compétences et pour ce qui est d'élaborer de nouvelles mesures porteuses d'espoir pour les jeunes et même pour les travailleurs plus âgés qui souhaitent entreprendre une nouvelle carrière. Le projet de loi permet la création de nouveaux modèles à l'intention des travailleurs saisonniers; ainsi, celui qui est sans emploi peut accepter un autre type de travail moins rémunérateur, auquel viendra s'ajouter un supplément.

Il existe des solutions pour les esprits novateurs. Il suffit de travailler en partenariat-ce que le projet de loi nous permet de faire-et de trouver des solutions dont bénéficieront les Canadiens qui vivent ces situations différentes.

[Français]

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Madame la Présidente, très rapidement, j'aimerais poser une question à mon collègue. J'aimerais tout d'abord lui renouveler la mémoire à savoir qu'il y a beaucoup de chômeurs au pays et qu'il y a également beaucoup, je pense que c'est le double, de bénéficiaires de l'aide sociale. Dans la réponse qu'il vient de donner à mon collègue, il a simplement dit que l'on devrait continuer à faire ce que le gouvernement fédéral fait actuellement, c'est-à-dire pelleter la responsabilité vers les provinces et laisser les provinces s'en occuper.

Il y a des chômeurs et des assistés sociaux, mais allons vers les provinces, elles ont des programmes et elles pourront leur donner des chances d'emploi. Il y aura sept milliards de moins en transfert aux provinces.

(1225)

Est-ce que c'est ce que mon collègue partage, de pelleter continuellement vers les provinces les problèmes que le gouvernement fédéral ne peut régler?

[Traduction]

M. Dromisky: Madame la Présidente, la question qui vient d'être soulevée ne m'étonne pas. D'un côté, le député du Bloc québécois dit que toutes les responsabilités devraient être transférées au gouvernement du Québec, mais lorsque le gouvernement fédéral accorde plus de responsabilités au gouvernement provincial, il lui reproche de se soustraire à ses responsabilités. On ne peut pas tout avoir.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Madame la Présidente, avant d'entrer dans le vif du sujet, je voudrais vous féliciter des nombreuses interventions que vous avez faites à la population de Madawasca-Victoria sur ce projet de loi. Je ne voudrais pas que cela passe sous silence.

Toutes les fois que je prends la parole sur ce projet de loi et les modifications que nous avons proposées, quelque chose me distrait. Je dois admettre que c'est encore une fois le cas.

Mon collègue de Gaspé, en posant une question à mon collègue de Thunder Bay, a demandé quels effets ce projet de loi aurait sur les travailleurs saisonniers. Plus précisément, ce projet de loi accorde de la valeur à leur travail plutôt qu'à leur semaine de travail. Quiconque travaille plus de 35 heures par semaine profitera du projet de loi. Même le CTC, qui n'est pas un ardent partisan du projet de loi depuis le début, l'a reconnu.

Je suis convaincu que l'économie de la circonscription de mon collègue ne diffère guère de celle du Nouveau-Brunswick. Je suis disposé à admettre les faiblesses du projet de loi, et je l'ai fait.


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Toutefois, je m'attends également à ce que l'on en reconnaisse les forces.

Si je ne m'abuse, le député a dit que le gouvernement ne pouvait pas s'attendre à ce que les saisons soient prolongées. Ce qu'il faut faire, c'est accorder une plus grande valeur au travail. Si une personne travaille 70 heures par semaine dans une entreprise touristique, elle devrait profiter de ces 70 heures. Ce genre d'horaire de travail est assez fréquent dans les industries implantées dans les régions que nous représentons. Aux termes de ce projet de loi, une semaine de 70 heures, selon les dispositions de l'assurance-chômage, équivaut à deux semaines. C'est aussi simple que cela.

Dans une circonscription comme la mienne, de façon générale, il en résultera que les travailleurs auront une semaine et demie de travail de moins parce que ce seront les heures qui compteront, de sorte qu'ils auront droit à jusqu'à deux semaines de plus de prestations. Certes, pour ceux qui n'ont pas été dans la population active, ce sera plus difficile. Cependant, nous devons reconnaître où se trouve la valeur.

J'ai parlé de la valeur du passage des semaines aux heures. Dans notre cas, nous pensons que 85 ou 87 p. 100 des travailleurs de la province du Nouveau-Brunswick travaillent plus de 35 heures par semaine, de sorte que beaucoup de travailleurs seront avantagés par cette mesure.

Un autre avantage concerne le supplément pour les familles à bas revenu. Plus précisément, si le revenu familial est inférieur à 26 000 $, les prestations qui seront versées à la famille en cause, où qu'elle vive au Canada, seront majorées de 13 p. 100. Cela ne s'appliquera pas à une personne seule, et je l'accepte, mais il importe de souligner les forces du projet de loi.

Enfin, avec le fond d'investissement des ressources humaines, les gens auront accès aux programmes alors que ce n'était pas le cas auparavant à cause de certaines conditions. Le député de Gaspé sait sans doute ce à quoi je fais allusion. Dans le passé, les personnes qui n'étaient pas admissibles à l'assurance-chômage n'étaient pas admissibles non plus au programme. Maintenant, quiconque a touché de l'assurance-chômage au cours des trois années précédentes ou des prestations de maladie ou de maternité dans les cinq années précédentes aura droit aux prestations d'emploi. C'est là une amélioration importante qui est apportée au programme.

(1230)

Je voudrais revenir à certaines des remarques du député d'Edmonton. Il a parlé de la nécessité d'un débat honnête. Il a clairement énoncé sa position et celle de son parti par rapport à ce débat. Il a dit essentiellement que les gens qui ne peuvent pas trouver de travail au Cap-Breton ou dans le nord du Nouveau-Brunwick ou encore au Québec n'ont qu'à déménager. Ils devraient aller là où il y a du travail.

Je trouve que c'est là une solution inacceptable. Notre responsabilité à l'égard du pays va au-delà de cela. J'ai beaucoup de respect pour le député d'Edmonton et nous partageons la même opinion sur bien des points, mais certainement pas sur celui-là.

Il a parlé de la nécessité d'un revenu garanti à l'échelle nationale. C'est un concept que j'appuie depuis de nombreuses années. Que répondra-t-il aux gens qui diront qu'un revenu garanti à l'échelle nationale créerait une dépendance? Ils lui serviront sans cesse cet argument, ce que je ne ferais pas puisque j'appuie ce concept. Je suis d'avis que nous avons une responsabilité collective plus grande les uns envers les autres.

Le député a mentionné le fait que, très souvent, les gens deviennent prestataires d'assurance-chômage simplement parce qu'ils n'aiment pas leur emploi. D'après mon expérience, ce n'est pas le cas. En réalité, les chômeurs préféreraient de beaucoup verser des cotisations plutôt que de recevoir des prestations. En tant que Canadien de l'Atlantique, je suis très offusqué qu'on dise que la plupart des gens deviennent prestataires d'assurance-chômage par choix, argument qu'on nous sert de temps en temps. Je ne connais pas beaucoup de gens qui ne préféreraient pas payer des cotisations plutôt que de toucher des prestations.

Le député a fait une allusion à l'eau qui coule et a dit qu'il était inutile d'essayer d'imposer notre volonté politique pour changer l'ordre naturel des choses, qui serait que les Canadiens aillent s'installer là où il y a des emplois. Selon lui, c'est la loi naturelle et on ne peut rien y changer. Je vais faire une autre analogie.

Essentiellement, ce que le député voulait dire lorsqu'il a fait cette remarque, c'est que les gens peuvent faire ce qu'ils veulent. Nous avons des chances égales. Les gens peuvent aller à l'école, ils peuvent faire toutes sortes de choses. Autrement dit, ils sont maîtres de leur propre destinée.

Pour moi, c'est comme jeter le bébé par-dessus bord au beau milieu de la mer pour lui montrer à nager. Je ne vois tout simplement pas les choses de cette façon. J'accepte le défi du député et je suis prêt à ce que nous ayons une discussion honnête sur cette question. À mon avis, ce n'est tout simplement pas là une façon civilisée de faire les choses pour un pays.

Quelqu'un a dit que certaines régions du Canada n'ont pas de base économique ni d'emplois et qu'elles ne possèdent pas la viabilité économique des autres régions. On a dit qu'elles n'ont jamais eu ces avantages et ne les posséderont jamais. Ce n'est pas vrai.

L'économie de notre région, qui bénéficie actuellement de ces programmes, fut à une époque parmi les plus florissantes au monde. Puis nous sommes entrés dans la Confédération. Notre région connaissait alors l'abondance, le succès. Or, notre entrée dans un pays plus grand et notre adhésion a des politiques nationales nous ont amenés à orienter nos échanges commerciaux, qui se faisaient jusque-là du nord au sud, dans la direction est-ouest afin de contribuer au développement du Canada. Nous avons dû payer le prix.

Aussi, je puis difficilement accepter qu'on dise que notre région est intrinsèquement non viable. Une telle conception témoigne d'un manque de vision. La province du Nouveau-Brunswick a présentement le vent dans les voiles. Elle est perçue dans le reste du Canada comme une province en train de se ressaisir. Son économie renoue avec la croissance.


2740

(1235)

Toutefois, si le gouvernement va trop vite avec ces programmes, il étouffera l'économie des régions. C'est pourquoi j'étais convaincu de la nécessité de donner suite aux propositions d'amendement. Nous ne devons pas faire preuve de trop d'empressement au sujet de ces programmes car cela forcerait la fermeture de l'économie de la région. C'est la raison pour laquelle ces amendements ont été proposés.

Je remercie les députés qui ont participé à ce débat mené avec honnêteté.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, j'écoutais le député de Fredericton-York-Sunbury, qui est égal à lui-même, parce que je l'ai connu au sein du Comité du développement des ressources humaines et je sais que ce dont il parlait tout à l'heure, il en parlait de façon sincère. Il a même semblé vous émouvoir, madame la Présidente, parce que les arguments qu'il invoquait parlaient d'une région d'où vous êtes également originaire.

Malgré tout cela, je crois qu'il a eu la besogne un peu plus facile aujourd'hui, car il a succédé à un député du Parti réformiste qui, évidemment, attaquait de plein fouet le régime d'assurance-chômage. En quelque sorte, il s'est retrouvé dans une situation de porte-à-faux, c'est-à-dire presque dans l'opposition, et je dirais à mon collègue député de Fredericton-York-Sunbury que mon impression est qu'il serait plus à l'aise avec nous, de ce côté-ci de la Chambre, que de l'autre côté.

Mais les choses étant ce qu'elles sont, il est quand même de l'autre côté. Il est du côté du gouvernement. Je sais qu'il a fait des efforts, qu'il a proposé un amendement en particulier. Je lui donne l'occasion de parler de son amendement parce qu'on est en Chambre et qu'on est quand même là pour informer la population. Mais je le connais et je sais que les trois amendements qu'il a proposés pour les libéraux adoucissent un peu, à première vue, les coupures de 365 millions, mais en même temps, l'objectif budgétaire est le même: aller chercher deux milliards de dollars.

Pour compenser les 365 millions dont il est question dans ses trois amendements, le député de Fredericton-York-Sunbury le sait, ils doivent faire une chasse encore plus grande à ceux qui abusent et pas simplement aux fraudeurs. Des fraudeurs, c'est des fraudeurs. Je pense que dans cette Chambre on est tous d'accord pour dire qu'une fraude est une fraude. Les abuseurs, dans le sens utilisé par le gouvernement, sont ceux qui, par exemple, vont avoir recours à l'assurance-chômage pendant cinq périodes de 20 semaines consécutives. On les pénalisera de 1 p. 100 chaque fois.

Ces gens sont justement des chômeurs saisonniers de son coin et du coin de l'Acadie qu'on a visité ensemble l'année passée, où les gens nous disaient de ne pas faire cela. Je m'en souviens. Le député de Fredericton-York-Sunbury, comme moi, avait été très ému cette fois-là.

Aujourd'hui, en ce triste jour, dans ce projet parlementaire où il y a des coupures de deux milliards, même après des adoucissements, on va encore couper dans les prestations des gens, parce qu'on n'enlève pas le principe. On a enlevé la «semaine morte», mais on garde le principe de la «petite semaine». En faisant cela, on incitera davantage des gens à ne pas déclarer les revenus des petites semaines. Évidemment, cela laissera la porte toute grande ouverte à ceux qui abusent.

Je lui pose essentiellement une question: lui qui a défendu le régime d'assurance-chômage, qui a tenté avec l'énergie du désespoir de convaincre son ministre d'adoucir sa loi-il y a eu un peu d'adoucissements-malgré ces adoucissements, je lui demande en tout conscience si, aujourd'hui, il est à l'aise de ce côté-là, du côté du gouvernement, lui qui enlèvera des millions de dollars à l'économie des Maritimes et de l'est du Québec en particulier? Je lui demande s'il est à l'aise avec cela.

[Traduction]

M. Scott (Fredericton-York-Sunbury): Madame la Présidente, je sympathise avec mon collègue d'Edmonton quand mon collègue de Lévis a dit que je devrais siéger de l'autre côté. Nous disons toujours qu'il devrait être de l'autre côté. Je comprends maintenant combien cela peut être gênant.

Le passage des semaines aux heures pour le calcul du temps de travail sera avantageux pour notre région. Je crois que le projet de loi, après les amendements que nous lui avons apportés pour régler certains problèmes pratiques, sera une bonne chose pour notre région.

(1240)

Je reconnais que nous prendrons dans le système 1,2 milliard de dollars nets. Je sais que le député est conscient que beaucoup de monde retire régulièrement des prestations. Je ne parle pas de fraude ou d'abus. Je parle du fait qu'un programme a été mis sur pied pour permettre aux gens qui ne peuvent gagner assez d'argent pour vivre, dans une année donnée, d'obtenir un supplément de revenu. C'est, en partie, l'objectif du programme. Il y a des gens qui exploitent le système sans pouvoir invoquer cette raison. Quant à savoir s'il y en a beaucoup, on ne serait peut-être pas d'accord là-dessus.

Comme le député le sait, 800 millions de dollars sont réinvestis dans des programmes d'emplois qui modifieront le niveau d'emploi considéré aux fins du système. Par conséquent, je crois que nous pouvons prendre 1,2 milliard sans nuire au programme.

J'ai participé au débat pour obtenir que cela se fasse à partir du haut plutôt que de la base. C'est le sens de l'amendement.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Madame la Présidente, je vous remercie de m'accorder la parole en un jour aussi triste. C'est une des dernières chances qu'a l'opposition officielle de parler en cette Chambre d'une réforme qui touchera l'ensemble des Canadiens, l'ensemble des Québécois et des Québécoises.


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Bien des choses se sont déroulées en cette Chambre, mais je pense qu'après le rapatriement unilatéral de la Constitution, en 1982, les gens qui formaient le gouvernement à cette époque sont encore présents et sont en train de porter le dernier coup qui fera très mal à des régions comme la mienne, et non seulement à la mienne, mais à l'ensemble des travailleurs et travailleuses qui, présentement, ont la chance de travailler. Si, par malheur, un problème arrivait dans leur entreprise ou si un mauvais ajustement de l'économie se produisait, ils seraient touchés de plein fouet.

C'est avec la mort dans l'âme que je me lève ici en cette Chambre pour dire haut et fort ce que les Gaspésiens et Gaspésiennes sont venus dire, la semaine dernière, ici, devant le Parlement. Les gens se sont payé 32 heures d'autobus, d'une façon pacifique, parce que 32 heures c'est l'aller-retour, ils sont venus demander une audience au premier ministre pour qu'il entende leurs doléances, parce que rien dans ce projet de loi, ne leur permet d'espérer des jours meilleurs à partir du 1er juillet, date à laquelle le fameux projet de loi doit entrer en vigueur.

Comment peut-on encore avoir l'énergie, c'est peut-être l'énergie du dernier espoir, de demander au gouvernement de comprendre, de demander au gouvernement de surseoir à ce projet de loi, parce que je pense que c'est ce soir qu'on nous invitera à la condamnation des régions comme la mienne? C'est avec l'énergie du dernier espoir que je me lève.

Je vais reprendre tous les points un par un. Celui que je veux mentionner, c'est au sujet du titre même du projet de loi, qui est trompeur. On parle d'assurance-emploi. Rien dans ce projet de loi nous garantit la création d'emplois. Au contraire, c'est une assurance-déficit. Ils commencent avouer, de l'autre côté, qu'ils espèrent pouvoir saigner un peu plus les chômeurs, mettre cinq milliards de dollars de côté sur le dos des victimes du manque d'emploi. C'est scandaleux, c'est honteux. Cinq milliards de dollars.

Quand j'étais jeune, on faisait des farces et on disait: «Si quelqu'un vole un sac de chips au magasin, c'est un bandit.» Quand on vole cinq milliards de dollars, comment appelle-t-on ça? Un politicien? Je ne suis pas fier de faire partie du Parlement en ce jour aussi dramatique.

(1245)

J'aimerais également rappeler trois principaux irritants qui toucheront de plein fouet les gens des régions. Je veux parler de la règle de l'admissibilité, de la règle de calcul pour recevoir des prestations et de la règle d'intensité.

Que dit la règle d'admissibilité? Qu'on aura besoin de 910 heures. On en a parlé tout au long de nos discours, mais chaque fois, on nous imposait des attributions de temps, ce qui veut dire, en français, le bâillon. La règle d'admissibilité des 910 heures, lorsqu'on travaille dans des régions où on vit au rythme des saisons, à quoi cela correspond-il? À 26 semaines de 35 heures. Je ne connais pas beaucoup de métiers saisonniers qui permettent d'atteindre ce nombre d'heures de travail.

Maintenant, j'en viens à la règle de calcul. On tente de nous faire croire qu'on a diminué les irritants. Est-ce diminuer les irritants que de mettre un diachylon sur une jambe de bois? Non. C'est faux. Le projet, tel qu'il avait été déposé en cette Chambre après la prorogation, disait qu'on devait diviser le nombre d'heures travaillées selon une période consécutive. On a enlevé cette appellation et on dit maintenant qu'on devra le diviser selon le plus élevé des deux: selon le taux de chômage de la région-chez nous, ce sera 14 semaines, et si vous êtes chanceux et habitez une région à plus faible taux de chômage, ce sera divisé par un plus grand nombre de semaines-ou la période travaillée. Mais ce qui est le plus, je dirais, vicieux, c'est que tout cela devra se produire sur une période de 26 semaines. Dans un projet de loi qui deviendra loi, on consacre donc le fait que l'on devra concentrer nos heures de travail.

Que répondra un travailleur de la construction lorsque je lui demanderai, au mois de février: «Peux-tu venir réparer la poignée de porte chez moi parce que je ne suis pas là mais à Ottawa»? Il répondra: «J'aimerais que ta poignée de porte se soit brisée plutôt au mois de mai, parce que le mois de mai rentre, pour moi, dans ma période de travail de 26 semaines et que je pourrai regrouper les semaines et concentrer mon temps.» C'était pour vous donner un autre exemple. Il n'y a pas que les pêcheurs et les bûcherons qui seront touchés. C'est très important.

La règle d'intensité est une autre mesure qui vient frapper de plein fouet les gens qui travaillent dans les régions. On a tenté d'atténuer cette règle d'intensité, c'est-à-dire la pénalité de 5 p. 100 en disant qu'on va mettre un plancher, que les gens qui gagneront moins de 26 000 $ au total, et par famille, ce qui est un point sur lequel je reviendrai, pourront être exemptés.

Une personne qui gagnera 26 000 $ et qui aura une famille de quatre, comment peut-elle croire qu'elle vivra décemment? Elle ne va que survivre. Donc, j'en ai pour principe que la règle d'intensité frappera durement encore les régions qui vivent justement du travail saisonnier.

C'est triste, mais j'aimerais rappeler à tous les citoyens qui nous regardent aujourd'hui que l'opposition officielle, malgré son objectif de promotion de la souveraineté, a tenté, par tous les moyens parlementaires acceptables et reconnus, de faire le travail pour représenter la population, pour soutenir ceux qui sont victimes du manque d'emploi. Mais chaque fois, on nous a retenus. Chaque fois, on nous a bâillonnés.

J'ai vainement tenté de tendre la main, de dire qu'il nous faudrait construire un partenariat, qu'il nous faudrait construire cet esprit de relations de confiance, parce que je crois que le gouvernement a besoin de la confiance du public pour être capable de faire passer de tels changements, malheureusement, les députés de l'autre côté n'ont pas compris.

C'est révoltant, devrais-je dire, c'est frustrant pour un parlementaire comme moi qui a essayé d'utiliser les outils connus. Cependant, je voudrais que tout le monde dans cette enceinte se rappelle que c'est doublement révoltant et frustrant pour les gens qui sont victimes de ce manque d'emploi et qui vont subir des coupures de prestations dès le 1er juillet.

(1250)

J'ai peur de la grogne sociale qui va monter. J'ai peur. J'ai même peur, parce qu'on crée quand même certains liens dans cette Chambre, j'ai peur que certains des collègues libéraux se fassent chahuter


2742

grandement lorsqu'ils retourneront dans leur comté lors de l'ajournement de la Chambre pour les vacances estivales. Chacun de ces députés devra faire face à ses concitoyens. J'espère qu'ils vont se rappeler de ce 14 mai. Je l'espère.

En terminant, j'aimerais seulement dire à nos commettants, dire aussi au gouvernement que si c'était de l'argent qu'ils voulaient avoir, pourquoi n'ont-ils pas été le chercher là où il était, chez ceux qui ont de gros salaires? On baisse le maximum de 43 000 à 39 000 $, la députée de Mercier l'a très bien souligné tout à l'heure. J'aimerais ajouter que pendant que nous faisons notre travail, les gens attendent.

Pourquoi n'a-t-on pas demandé aux députés de contribuer à cette caisse-là? Pourquoi ne pas avoir demandé aux sénateurs, eux qui parfois, je crois, travaillent peu, on aurait pu prélever des cotisations sur leur salaire, justement pour les retourner à ceux qui veulent travailler et qui ne dorment pas, eux, lorsqu'ils sont en train de travailler.

[Traduction]

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Madame la Présidente, l'Ontario verse pas mal d'argent dans le système. Pour chaque dollar que les travailleurs ontariens mettent dans le système, ils reçoivent en retour 76 cents.

En 1993, les Québécois ont reçu 1,29 $ pour chaque dollar qu'ils ont versé dans le système. En vertu de la nouvelle assurance-emploi, le Québec va recevoir 1,32 $ pour chaque dollar. Le député qui estime que c'est honteux peut-il m'expliquer ce qu'il y a de si dégoûtant dans le fait pour le Québec de recevoir 1,32 $ pour chaque dollar que la province verse dans le système? N'est-ce pas juste? N'est-ce pas équitable? N'est-ce pas de la compassion?

La question que je pose est importante car, venant de l'Ontario, où nous recevons seulement 76 cents pour chaque dollar que nous versons, je pense que nous sommes très justes. Nous essayons de faire en sorte que le système fonctionne pour d'autres régions moins riches. J'aimerais bien savoir ce qu'a à dire le député face à ces faits et ces chiffres. De 1993 à 1996, le montant d'argent qu'a reçu le Québec n'a pas diminué, il a augmenté.

[Français]

M. Bernier (Gaspé): Madame la Présidente, il est malheureux qu'en cette Chambre, en cette dernière journée, en cette journée que je devrais peut-être qualifier de deuil national pour les gens d'une région, qu'on ose se lever et nous provoquer en nous comparant et en disant: «On vient de l'Ontario, on vient du Québec, on vient du Nouveau-Brunswick.» Est-il en train de nous dire qu'il y a des citoyens de seconde zone dans ce pays?

J'ai du mal à contenir ma grogne. Et ce n'est rien comparé à ce qui les attend s'ils osent venir faire un tour dans les coins de pays habités par les gens qui ont l'impression de travailler pour un noble métier. Si ces gens se font répondre que s'ils comparent à ce que l'Ontario a eu. . . Madame la Présidente, comment se fait-il que quand vient le temps de séparer les budgets de recherche et développement au niveau du ministère de l'Industrie et du Commerce, comment se fait-il que ça va toujours du même bord?

On nous dit encore: «Ils ont trop payé en assurance-chômage.» C'est scandaleux, c'est révoltant. Je préfère taire certains mots de vocabulaire parce que je veux respecter les règles parlementaires, mais je vais me prévaloir de mon droit de voter ici en cette Chambre ce soir contre ce projet de loi.

Quand vient le temps, justement, de comparer les choses, ils nous ont fait le coup jeudi passé, pendant qu'à Québec, on présentait le budget, le ministre des Pêches, lui, a présenté sa nouvelle grille de tarification. Malheureusement, le secrétaire parlementaire ne vient pas dire: «Oui, c'est vrai qu'au Québec vous allez payer un petit peu plus, au niveau de la grille d'utilisation des aides à la navigation que la Garde côtière offrira.» Quand vient le temps de nous taper dessus, bingo! En plus, ils se cachent. Ils font cela pendant que l'actualité est doublement remplie à Québec. Mais quand vient le temps de faire face, par exemple, non, ils se cachent.

(1255)

Comment leur faire comprendre? J'ai voulu travailler ici de bonne foi, j'ai voulu leur faire comprendre, mais à la dernière journée, on me compare. Si on veut comparer des pommes, on va comparer des pommes, mais quand on parle d'argent et de rétributions ainsi, j'aimerais qu'on mette toutes les choses sur la table. Ce n'est pas le cas présentement. On compare des gens qui veulent travailler mais qui, faute d'emploi, ont besoin de ce stabilisateur économique qu'est l'assurance-chômage.

Je conclurai sur le point suivant. Est-ce en plein centre-ville de Toronto que l'on peut couper du bois pour se chauffer? Est-ce en plein centre-ville de Toronto qu'on peut pêcher du homard ou d'autres espèces? Non. À ce moment-là, dites-nous-le si on n'est pas bienvenu chez vous et bye, bye.

M. Gilbert Fillion (Chicoutimi, BQ): Madame la Présidente, à partir de maintenant, tous les intervenants et intervenantes du Bloc québécois feront des discours de 10 minutes.

Dans la même foulée que mon collègue de Gaspé, j'aimerais également joindre la voix de la population du Saguenay-Lac-Saint-Jean à ce débat. C'est vrai qu'aujourd'hui est une journée triste pour l'ensemble des Canadiens et des Québécois. C'est également triste pour les régions.

Pour une dernière fois, nous pourrons nous exprimer sur ce projet de réforme de l'assurance-chômage. C'est donc un cri du coeur que je lance, mais je pense que je ne réussirai pas plus que mes collègues qui ont travaillé énormément fort au Comité du développement des ressources humaines à les faire bouger un peu. Je m'aperçois que les cris que l'on peut lancer dans cette enceinte, il n'y a personne pour les entendre.


2743

Je dois simplement vous dire qu'il n'y a actuellement rien qui presse. On pourrait-et j'implore le secrétaire parlementaire-on pourrait prendre le temps de revoir toute la problématique de l'assurance-chômage.

Pour ma région, c'est plus ou moins 25 millions de dollars par année qui seront soustraits de l'économie. Pourtant, on détient encore et ce, depuis de années, le plus haut de chômage au Canada. Je me dois de vous dire que cette réforme est une injustice envers une région comme la mienne.

Ce n'est pas ce qu'on aurait besoin dans la région. Ce n'est pas d'un coup de massue qu'on aurait besoin dans cette région, c'est beaucoup plus un coup de pouce pour s'en sortir. Les gens de chez nous sont des gens fiers, des gens qui n'ont pas peur de travailler, on veut s'en sortir.

Par cette réforme, les étudiants, les femmes, les travailleurs saisonniers sont frappés directement au coeur. Pourtant, ils ont fait connaître leurs opinions, il ont été consultés, ils ont fait parvenir ici même des pétitions. Qu'est-ce qu'on a fait de ces consultations? Ça se transpose à la grandeur du Canada, ce sont des consultations bidon. On n'a pas tenu compte de ces consultations. Pourquoi? Parce qu'au départ, on avait un faux principe, ce sont de faux principes qui ont amené cette réforme.

On disait: «Eh bien, écoutez, on va faire la réforme. Il y a trop de gens qui en profitent. Il y a des profiteurs du système. On ne comprend pas, pourtant il y a des emplois de disponibles, mais il n'y a pas de preneurs.» Au lieu de s'interroger sur ces éléments-là, on a dit qu'on allait regarder, qu'on allait essayer de couper le cou de tout le monde. Ce n'est pas tout le monde qui est profiteur. Ce n'est pas vrai.

(1300)

D'ailleurs, jamais, au Comité permanent du développement des ressources humaines et encore bien moins publiquement, le gouvernement a mis sur les tables ses études d'impact concernant cette réforme. On n'a pas été capable de nous préciser quels seraient les effets de la réforme pour les étudiants, pour les jeunes. Rien ne nous démontre ce qui affectera les travailleurs saisonniers.

C'est lorsqu'elle entrera en vigueur qu'on s'apercevra qu'on a peut-être fait des bêtises, qu'on n'aurait pas dû aller dans ce sens, mais, à ce moment-là, il sera trop tard. Il y aura beaucoup trop de personnes qui auront dû payer et payer chèrement cette réforme injuste.

Mes collègues du Bloc québécois se sont dit que, oui, il fallait réformer, il fallait revoir cette réforme, mais la revoir d'une façon juste et honnête qui permettra à tous et chacun de pouvoir en bénéficier. Donc, mes collègues du Bloc québécois ont déposé des amendements. Je ne sais même pas si on a pris la peine de les regarder attentivement.

J'ai assisté aux audiences du comité pendant six heures. Ce que j'ai pu constater, c'est que les gens d'en face ne prêtaient pas oreille à ce qui était dit par mes collègues. Non, ça semblait se dérouler comme si on se disait: «Ce n'est pas si grave que ça, on va attendre pour voir ce qui va se passer. Non, nous, on a un plan, c'est ce plan-là qu'on va établir.»

Je pense qu'on a fait fausse route, puisque cette réforme ne favorise rien de moins qu'une surenchère des emplois, et surtout des emplois précaires. Cette réforme créera également une pression sur les salaires, non pas à la hausse mais bien à la baisse. Là, vous voyez à peu près tout ce qui peut entrer dans le décor.

L'ancien régime, lui, forçait les travailleurs saisonniers, par exemple, à tenter d'accumuler le nombre de semaines requises pour se qualifier. Maintenant, ils seront obligés, avec leur employeur, de négocier un nombre d'heures, et ce, pour atteindre le seuil minimum. On voit tout de suite ce qui se passera à l'intérieur des petites industries, des PME, là où il n'y a pas de syndicat. On va s'arracher les cheveux à quelque part, entre employeur et employé. Donc, c'est un effet néfaste sur l'ensemble de la réforme.

Cette question de surenchère des salaires aboutira naturellement à la création de jobines un peu partout. On dira à quelqu'un: «Viens travailler pendant dix heures; la semaine suivante, tu ne travailleras pas; la semaine suivante, tu viendras encore travailler pendant dix heures.» C'est un cercle infernal qui ne permettra pas à beaucoup de gens de pouvoir se qualifier.

Ce qui en résultera, c'est que les gens cumuleront de plus en plus d'emplois. Une jobine ici, une jobine là, une meilleure, pour essayer d'accumuler un nombre d'heures équitable. Donc, c'est le désarroi à l'intérieur de la famille, car il y a des conséquences sociales à tout cela, des horaires éclatés. Ce sera une nouvelle façon ou une nouvelle habitude de travail que les gens auront et qui fera qu'à un moment donné, même dans la famille, il y aura des ajustements à faire. Surtout lorsqu'on sais que dans la famille, souvent, les jeunes ou la mère doivent subir les conséquences de tout cela.

Puisque vous me faites signe que c'est presque la fin de mon intervention, je termine en disant que c'est une triste journée aujourd'hui, d'autant plus que nous allons voter ce soir.

J'aimerais porter à votre connaissance le témoignage de trois travailleurs de ma région qui se sont confiés dernièrement à un journaliste.

(1305)

Ces gens ont dit ceci, et je serai très bref: «Au lieu de s'en prendre aux chômeurs, le gouvernement pourrait prendre des décisions qui seraient grandement plus efficaces, c'est-à-dire prendre le surplus de la Caisse de l'assurance-chômage et essayer de créer des emplois, d'offrir une meilleure formation et ainsi de suite, en instaurant, par exemple, une loi interdisant les heures supplémentaires.» Les travailleurs de l'Alcan ont démontré au gouvernement fédéral qu'avec une réduction des heures supplémentaires, on pouvait créer des emplois. Dans ce cas, le gouvernement doit s'ingérer, parce qu'il faut partir ce système-là.

Les travailleurs de l'Alcan l'ont fait, et c'est plus de 200 emplois qui ont été créés, à part les emplois indirects. On doit également surveiller le travail au noir. C'est là que le gouvernement fédéral a manqué le bateau en ne réalisant pas sa promesse de créer des emplois.


2744

[Traduction]

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Madame la Présidente, c'est avec grand plaisir que je prends la parole, en troisième lecture, pour commenter le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi.

Je me sens très privilégié d'avoir participé à l'étude qu'a faite du projet de loi le Comité du développement des ressources humaines. J'ai aimé procéder à un échange d'idées avec les députés d'en face dans le but d'améliorer le projet de loi pour le bien de tous les Canadiens. Je suis sincèrement convaincu que le projet de loi et tous le processus qui l'entoure en disent long sur l'exercice de la démocratie.

J'ai souvent comparu devant des comités parlementaires lorsque j'étais dirigeant agricole et depuis que je suis parlementaire, mais je n'ai jamais vu un comité apporter autant de changements importants à un projet de loi dans l'intérêt des témoins qui ont comparu devant lui. Améliorer le projet de loi pour tenir compte des préoccupations des citoyens est la raison d'être de tout ce processus. Le processus a duré longtemps.

Le livre vert sur la réforme de la sécurité sociale a été déposé voici un peu plus de deux ans. J'ai organisé une ou deux réunions publiques peu après sa publication. Les gens s'inquiétaient énormément de l'orientation que risquait de prendre le développement des ressources humaines en termes de révision de la sécurité sociale. Un comité multipartite a parcouru le Canada. Il a écouté plus de 600 témoignages. Il a écouté les gens parler des nombreuses préoccupations que suscitaient le système à deux vitesses et l'orientation éventuelle de l'assurance-chômage. Il a rédigé ce que je trouve être un merveilleux rapport sur lequel cette mesure législative est en partie fondée.

Un groupe de travail consacré à l'industrie saisonnière a été créé. Son rapport fait ressortir l'importance des industries saisonnières et explique comment celles-ci ne fonctionnent pas uniquement durant la saison, mais génèrent diverses activités économiques en aval. Ces industries créent des emplois à temps plein dans d'autres secteurs qui lui fournissent des biens et des services. Elles ont grand besoin de travailleurs hautement spécialisés qui travaillent à temps plein dans leur secteur. Le gouvernement a pris ce rapport à coeur et a tenu compte des questions soulevées lorsqu'il a préparé les étapes finales du projet de loi C-12.

Lorsque le projet de loi C-12 a été présenté, j'ai tenu des réunions publiques dans ma circonscription, comme plusieurs de mes collègues. Comme les députés ministériels, nous avons exprimé entre nous et en public certaines préoccupations concernant le projet de loi. Nous avons déclaré publiquement que certaines dispositions du projet de loi causaient problème puisqu'elles touchaient les industries saisonnières et nous avons tenté de faire corriger ces dispositions.

Nous avons aussi reconnu que le projet original contenait certains points fort valables. Le système proposé est axé sur le nombre d'heures. Il abolit le piège des emplois de 15 heures. Parmi les prestations prévues dans la partie II, il y a 800 millions de dollars qui seront réinvestis dans certains programmes comme les subventions salariales, les suppléments de revenus, l'aide au travail indépendant, les partenariats pour la création d'emplois et les prêts et subventions pour le perfectionnement. Il s'agit là d'éléments importants.

(1310)

J'ai affirmé clairement, dès le début, que l'annulation complète du projet de loi n'était pas envisageable. Nous devons faire face aux réalités du tournant du siècle. Nous devons améliorer le projet de loi et nous tenterons de le faire. En notre qualité de députés, nous devons nous efforcer de trouver des améliorations. Le ministre précédent et le ministre actuel se sont entendus et se sont montrés ouverts au changement.

Certaines personnes ont exprimé des inquiétudes. Par exemple, Jacinta Deveau a écrit:

Alors que les sociétés réalisent des profits sans précédent et réduisent quand même leur personnel, ce n'est pas le moment de hausser les critères d'admissibilité, ni de diminuer les prestations, surtout pour ceux qui doivent avoir recours à l'assurance-chômage pendant de plus longues périodes et qui sont plus nombreux à le faire. Si l'on ajoute cela à la concurrence que doivent affronter non seulement les victimes des rationalisations et des réductions d'effectifs, mais aussi tous les travailleurs saisonniers et à temps partiel, pour décrocher des emplois de plus en plus rares, on obtient la recette parfaite d'un désastre, pour la région de l'Atlantique en général et l'Île-du-Prince-Édouard en particulier.
Nous n'avons pas joué les autruches, nous avons entendu ces préoccupations. Les députés ministériels ont apporté des mesures correctives nécessaires. Nous avons corrigé le projet de loi de diverses façons. Nous avons répondu à cette inquiétude en réglant la question du travail intermittent et en améliorant la façon d'établir la moyenne. Nous sommes certains que les mesures que nous proposons vont effectivement améliorer la situation de l'emploi.

Nous n'avons pas accepté d'annuler le projet de loi. Nous avons par contre écouté les propositions et nous avons accepté de faire des améliorations. C'est très différent de ce que j'ai entendu de la part des députés d'en face.

La députée de Mercier, porte-parole du Bloc québécois, a parlé du manque de débat. Le soir où son parti a fait de l'obstruction, ceux d'entre nous qui siégeaient du côté du gouvernement, voulaient débattre des questions de fonds pour voir s'il y avait d'autres domaines où l'on pouvait apporter des améliorations. Est-ce que la députée nous demande de supprimer les mesures d'emploi qui vont aider les gens à trouver du travail? Est-ce qu'elle demande que nous supprimions les prestations pour les familles à faible revenu? Est-ce qu'elle nous demande de revenir à un système où il y avait un plancher de 15 heures, lequel était particulièrement défavorable aux détenteurs d'emplois à temps partiel, des femmes principalement? Ce projet de loi améliore cette situation et les députés d'en face devraient le reconnaître.

Je vais énumérer certaines des autres améliorations que nous avons pu apporter au cours du débat. Les députés de la majorité ont résolu la question de l'interruption, c'est-à-dire des semaines improductives. Nous avons réussi en faisant des modifications en vue d'éliminer des calculs les semaines à rémunération nulle. Nous avons donc résolu la question de l'interruption pour le plus grand bien des travailleurs saisonniers et des travailleurs en général.

Nous avons modifié le dénominateur pour le rendre plus uniforme dans l'ensemble du pays. Ce sera le taux régional plus un dénominateur de deux. Cela a deux résultats: une certaine stabilité et une garantie aux entreprises que les employés ont avantage à trouver du travail plutôt que de continuer à percevoir l'assurance-chômage.


2745

Dans une large mesure, nous avons également amélioré la règle d'intensité. Nous avons fait en sorte que cette règle ne s'applique pas aux familles à faible revenu ayant des personnes à charge. Il y aura une méthode accordant un crédit de règle d'intensité à ceux qui travaillent pendant qu'ils sont en chômage.

Cela est basé, en partie, sur les objections soulevées par certaines des personnes qui ont manifesté. Pour garantir que les bons amendements présentés par des députés libéraux soient conservés, nous avons supprimé de la loi le pouvoir des futurs ministres de modifier le dénominateur par voie de règlement. Tout changement futur devra être apporté à la Chambre et non par le pouvoir exécutif.

(1315)

Je suis heureux de ce que nous avons réussi à faire. J'admets également que les députés d'en face ont présenté un amendement intéressant que nous avons appuyé et qui est également intégré au projet de loi. Cela donne une idée de ce que nous pouvons faire si l'opposition se montre plus coopérative, au lieu de nous demander de déchirer le projet de loi. Nous n'avons vraiment pas besoin de tactiques d'obstruction. Nous avons réellement fait de grands progrès.

Le ministre a dit que cette mesure n'était pas parfaite, que certains éléments laissaient encore à désirer. Toutefois, nous avons déjà montré que, en tant que gouvernement, nous sommes à l'écoute des besoins et nous faisons les changements que réclame la population.

En terminant, je veux citer Alice Nakamura. Je crois qu'elle a tout à fait raison:

Je sais maintenant que tous ceux qui m'ont dit que cet effort de réforme était une perte de temps se trompaient. Le projet de loi C-12 s'attaque aux grands problèmes de notre programme d'assurance-chômage actuel, mettant à profit les résultats des meilleures recherches sur le fonctionnement de nos marchés du travail et de nos programmes sociaux. C'est aussi un projet de loi qui tient compte des problèmes concrets que posera la transition. Il établit un équilibre délicat entre le désespoir des gens qui ne peuvent trouver du travail et qui dépendent de l'assurance-chômage et le désespoir des économistes qui reconnaissent que notre programme actuel constitue une menace pour notre économie et pour les perspectives d'emploi des Canadiens.
[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, le député de Malpèque a peut-être tenté de m'amadouer un peu en rappelant que la majorité libérale avait accepté un amendement proposé par les députés du Bloc. Comme j'en étais l'auteur, je veux juste souligner que l'amendement en question ne touchait que deux mots: ajouter les mots «organismes communautaires», oubliés par la majorité libérale, comme pouvant bénéficier des subventions du fédéral dans la création d'emplois. J'ai simplement voulu qu'ils n'oublient pas cet aspect important.

Malgré ce petit amendement, le seul qu'ils ont daigné accepter sur une quinzaine qu'on a présentés, il y a quand même un fait. Et comme il en parle, je vais lui rappeler que la majorité libérale a présenté 42 amendements en comité. Ils ont évidemment été acceptés parce qu'ils détiennent la majorité. Alors ces 42 amendements présentés en comité, je me souviens qu'ils ont été présentés par différents députés libéraux et parfois par le secrétaire parlementaire. Lorsqu'on les questionnait sur le fond de ces amendements, la plupart du temps, dans 75 p. 100 des cas, les réponses nous venaient des fonctionnaires. Pourquoi? Parce que c'étaient les fonctionnaires qui, de façon évidente, les avaient rédigés. De quel genre d'amendement s'agissait-il? Des amendements techniques qui venaient renforcer des dispositions du projet de loi qui, n'en déplaisent à certains députés, visaient-passez-moi l'expression québécoise-à «pogner» plus de monde et à renforcer les pénalités contre ceux qui abuseraient de l'assurance-chômage. Mais ça, on ne le dit pas.

On dit qu'on a amélioré le projet de loi, soit, mais on ne dit pas que c'était pour éliminer de tels abus. Les trois amendements ont amélioré le système, parce que les trois amendements qui ont finalement été présentés en Chambre ne pouvaient être présentés par nul autre que le ministre. Ça, tout le monde le sait, il faut le rappeler à la Chambre; ceux qui sont en Chambre le savent, mais les gens de l'extérieur ne le savent pas. Alors après, on se faisait critiquer, nous, de l'opposition: «Comment se fait-il que vous ne proposiez pas des amendements? Vous critiquez, mais vous ne proposez pas d'amendements.» Il y a une règle parlementaire qui dit clairement que dès que les amendements impliquent des changements financiers, les amendements en question ne doivent être proposés que par le ministre, un ministre de la Couronne.

Alors l'opposition ne pouvait pas, en raison de cette règle parlementaire, proposer d'amendement.

(1320)

Vous comprenez bien qu'on en aurait proposé plusieurs pour éliminer les mauvais effets des deux milliards de dollars de coupures qui s'ajoutent déjà aux cinq milliards de coupures provoquées par le projet de loi C-17 lors du premier budget fédéral. Je voulais faire ce commentaire.

J'en viens maintenant à ma question. La députée de Mercier, dans un discours, et le député de Malpèque l'écoutait, rappelait l'intervention, la seule à ma connaissance, du ministre provincial du Développement économique de sa province, l'Île-du-Prince-Édouard, qui disait comment cela pouvait être néfaste pour l'économie de l'Île-du-Prince-Édouard, pourtant championne sur le plan de la création d'emplois. Mais que voulez-vous, à l'Île-du Prince-Édouard, je dirais que c'est du travail saisonnier presque mur à mur, sauf en ce qui concerne les services gouvernementaux.

Il n'y a pas d'agriculture l'hiver. Il nous rappelait cela. La pêche se fait l'été également. En ce qui concerne l'industrie touristique, ceux qui aiment l'Île-du-Prince-Édouard la fréquentent surtout l'été. Alors, est-il d'accord avec la déclaration du ministre du Développement économique de l'Île-du-Prince-Édouard qui disait que ce projet était néfaste? Également, est-il d'accord avec les chiffres du gouvernement qui disent que l'Île-du-Prince-Édouard perdra chaque année, à partir de maintenant, 11 millions de dollars dans son économie, avec une population de 170 000 personnes seulement? Est-il d'accord?


2746

[Traduction]

M. Easter: Madame la Présidente, le député est en train de faire de l'obstruction. Les amendements que nous avons acceptés en ce qui concerne les organismes communautaires sont importants. C'est ce que nous avons constaté. Il s'agit de deux mots très importants.

Nous avons écouté ce que les députés du Bloc avaient à dire au sujet de l'écart et nous avons corrigé la chose.

Je voudrais en venir au point. . .

La présidente suppléante (Mme Ringuette-Maltais): Reprise du débat, le député de Guelph-Wellington.

Mme Brenda Chamberlain (Guelph-Wellington, Lib.): Madame la Présidente, la croissance et les emplois sont les priorités de notre gouvernement. C'est le thème sous-jacent aux réformes qui ont abouti à notre nouveau régime d'assurance-emploi. Outre ce thème, il y a la nécessité de créer un régime plus juste et plus équilibré.

La population de Guelph-Wellington appuie les initiatives du gouvernement qui visent à stimuler les mesures qui contribueront à donner du travail aux Canadiens et à mettre sur pied un système qui soit moins coûteux et plus facile à administrer. Elle sait que la réduction du déficit ne peut réussir si elle s'accomplit seulement sur le dos des chômeurs. Elle reconnaît également les lacunes de l'ancien régime.

Ces réformes font partie des efforts du gouvernement pour re-structurer notre administration fédérale. C'est un moment très particulier dans l'histoire de la nation. Le gouvernement fédéral répond à des collectivités comme Guelph-Wellington qui lui ont dit de rendre le système plus juste et plus équilibré.

Regardons les points les plus importants de cette mesure législative. Nous avons apporté des changements qui rendent le régime plus juste pour les jeunes, les femmes, les familles à faible revenu et les travailleurs des secteurs saisonniers. Nous avons introduit des mesures très strictes pour prévenir la fraude et, surtout, nous avons renforcé les initiatives de travail.

Je ne suis pas heureuse du niveau de chômage au Canada. Il y a un moment, je parlais à un collègue du Québec qui n'est pas non plus heureux du niveau de chômage.

Dans la collectivité que je représente, le chômage est d'environ 8 p. 100. Je trouve que c'est inacceptable. Je sais que la population de Guelph-Wellington désire travailler. Les gens veulent être en mesure de subvenir à leurs besoins et à ceux de leur famille. Depuis le tout début, j'ai encouragé le gouvernement à aller au-delà de l'offre d'une simple aide financière aux gens de ma collectivité qui, sans s'y attendre, se retrouvaient sans travail. Nous devons donner aux chômeurs canadiens une meilleure chance de retourner sur le marché du travail.

Cette mesure législative tient compte du fait que ce ne sont pas tous les travailleurs du Canada qui ont des semaines d'emploi ininterrompues leur permettant d'avoir droit aux prestations maximales. À cet égard, j'ai travaillé étroitement avec des travailleurs du secteur de la construction qui, de par la nature même de leur emploi, travaillent dur. Plus ils travaillent dur et plus ils se retrouvent sans travail. Ils ont demandé des changements pour éliminer les obstacles au travail et récompenser ceux qui travaillent. Ils savent que le régime précédent encourageait la fraude et favorisait le travail au noir. Au fond, en encourageant les gens à travailler, nous pouvons aider l'économie souterraine à faire surface, et c'est là une bonne nouvelle qui va nous permettre d'accroître les recettes gouvernementales et de faire en sorte que nos travailleurs touchent les salaires qu'ils méritent.

(1325)

De plus, cette mesure législative rend le régime pour juste pour les jeunes, pour les femmes et pour les familles à faible revenu. Nous avons substitué le calcul des heures à celui des semaines, une décision qui a l'appui du secteur du bâtiment. Il est ressorti clairement des entretiens que j'ai eus avec des électeurs que, peu importe que l'on travaille 15 heures ou 50 heures par semaine, le régime d'assurance-chômage nous réserve le même traitement. Nous devions nous adapter à la réalité. Les Canadiens ne font plus du 9 à 5, du lundi au vendredi.

Bon nombre de mes électeurs ont plusieurs employeurs ou travaillent à contrat par intervalles. L'unité de travail qui a la même signification pour tous, c'est l'heure. L'heure est la même pour tous. Le régime fondé sur les heures est mieux adapté à la nouvelle économie. Il va assurer un segment de plus en plus grand de la main-d'oeuvre canadienne qui ne bénéficie actuellement d'aucune protection. Grâce à cet ajout majeur, 500 000 travailleurs à temps partiel vont voir leur travail assuré pour la toute première fois, une mesure particulièrement bénéfique pour les femmes et les jeunes. J'espère que mes collègues du Bloc seront favorables à ce changement.

Les femmes qui travaillent à temps partiel ou occupent plusieurs emplois auront droit, pour la première fois, à des prestations de maternité, une mesure qui va renforcer les valeurs que sont la famille et le travail. Cette disposition reconnaît l'importance du foyer et de la famille canadienne.

De plus, la mesure législative accorde un supplément de revenu familial aux familles avec enfants dont les revenus sont inférieurs à 26 000 $. C'est certes une bonne nouvelle pour les familles de Guelph-Wellington et de partout au Canada.

J'ai compris l'importance spéciale de l'industrie saisonnière. Aux termes du système basé sur les heures, 45 000 travailleurs qui, de nos jours, ne sont pas admissibles à l'assurance-chômage, auront maintenant droit à des prestations. Je suis heureuse de citer ce qu'ont dit les représentants des métiers de la construction, les porte-parole du bureau canadien de la FAT-COI qui ont déclaré ceci: «Nous avons proposé un programme d'assurance-chômage qui tiendrait compte de toutes les heures de travail et de tous les dollars gagnés, et le gouvernement a écouté.»

On ne peut parler d'assurance-chômage sans porter une certaine attention à la question de la fraude. Malheureusement, certains profitent de notre système. La grande majorité des Canadiens qui touchent des prestations d'assurance-chômage sont dans cette situation parce qu'ils ont besoin d'aide en attendant de trouver du travail. Ils ne veulent pas être sans emploi et ils ont hâte de retourner au


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travail. Ils comprennent ce que veut dire le premier ministre lorsqu'il parle de dignité dans le travail.

Dans ce projet de loi, on précise clairement qu'on ne tolérera pas la fraude. Cela s'applique tant aux employés qu'aux employeurs. Les entreprises qui fraudent volontairement le système seront passibles d'amendes plus sévères. Si la société ne peut payer l'amende, on tiendra responsable de cette dette les administrateurs. Ces idées sont novatrices et elles sont nécessaires.

Je continue de faire part de craintes portées à mon attention par de simples citoyens, des gens d'affaires et les syndicats. Je suis heureuse de constater que le ministre reconnaît la nécessité de surveiller l'application de ces modifications. Le gouvernement va mesurer les répercussions de ces réformes sur les travailleurs, les entreprises et les collectivités du Canada. Le ministre a reconnu qu'on devait savoir comment les Canadiens s'adaptent. Dans le cadre de nos efforts sur le contrôle de la qualité, une nouvelle commission de l'assurance-emploi présentera au ministre un rapport annuel qui fera suite à son examen de la façon dont s'adaptent les travailleurs canadiens, nos collectivités et notre économie. J'exhorte les gens intéressés à porter une attention particulière à l'économie souterraine. Nous devons continuer de nous assurer que nous n'encourageons pas sa croissance.

Le gouvernement a écouté et nous continuerons de le faire pour parvenir à un système équitable et équilibré pour les utilisateurs, les contribuables et les entreprises. Dans le cadre de ces modifications, nous donnons suite à notre approche équilibrée de la création d'emplois, de la croissance et de la réduction du déficit. Le chômage nous touche tous, sans exception.

(1330)

Nous devons continuer de porter une attention particulière à nos valeurs fondamentales en tant que Canadiens. Il s'agit notamment de l'équité, de l'équilibre et de la dignité par le travail. Le projet de loi C-12 mérite notre appui.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Madame la Présidente, la collègue libérale a mis le doigt sur le véritable objectif de ce projet de loi. On l'appelle le projet de loi sur l'assurance-emploi mais vous avez vu, tout au long de son intervention, finalement, il y avait une préoccupation, les nouvelles mesures sont là pour lutter contre les fraudeurs, les pseudo-fraudeurs.

Le nouveau ministre du Développement des ressources humaines, lors d'une première comparution au comité, a indiqué qu'il voulait y apporter des adoucissements, mais, lors d'une seconde visite, il nous a fait part d'une révélation extraordinaire. Il disait qu'il y avait environ 120 000 cas de fraude au Canada. La réalité, c'est qu'il y en a 116 603. On lui a demandé si c'était une augmentation. Non, c'est une diminution, parce que les fraudes ont totalisé, en 1991-1992, 131 081 $.

Je serai bref, madame la Présidente. Les chiffres nous indiquent que le dernier projet de loi leur a permis de récupérer 272 millions de dollars, alors qu'ils espèrent recouvrer 345 millions de dollars additionnels avec le nouveau projet de loi.

Or, des 272 millions, qui sont des chiffres fournis par le secrétaire parlementaire, seulement 93 millions ont été le résultat de fraudes, de vraies fraudes. Le reste, les 179 millions, trois fois sur quatre, c'étaient des erreurs de la Commission de l'assurance-chômage. Ce sont des erreurs.

Alors, au lieu présenter une loi qui est une assurance qui vise à lutter contre les fraudeurs, on aura dû rédiger un nouvelle loi qui évite les erreurs et des erreurs qui créent parfois des préjudices graves parce qu'on retourne cinq ans en arrière.

La députée est-elle consciente qu'on devrait prendre un peu plus de temps pour permettre aux fonctionnaires, par ce projet de loi, d'éviter des erreurs, la plupart du temps de bonne foi, parce que ce n'était pas clair? Mais avec des amendements présentés à la dernière minute, 42 en comité un certain soir, on pense améliorer la loi. Que pense-t-elle du fait de s'efforcer davantage à corriger des erreurs avant de s'attaquer de façon acharnée aux pseudo-abuseurs, aux pseudo-fraudeurs?

[Traduction]

Mme Chamberlain: Madame la Présidente, j'aimerais revenir sur une ou deux choses que le député a dites.

La première concerne le temps qu'a mis le gouvernement à étudier ce projet de loi. Cela fait presque trois ans maintenant, depuis le début des élections. Il faut le reconnaître, c'est un tour de force. Je vois le secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines. C'est tout à son honneur et à celui de ses collègues qui ont passé des heures, jour et nuit, à étudier le projet de loi pour s'assurer qu'il répondait à de nombreuses préoccupations.

Comme je l'ai dit dans mon discours, les métiers de la construction sont vraiment heureux que nous ayons adopté l'heure comme unité de mesure du travail. C'est ce qu'ils avaient demandé. Le gouvernement les a écoutés. C'est très important.

En outre, comme l'a mentionné le secrétaire parlementaire, grâce à cette mesure législative, le Québec retirera du système 1,32 $ pour chaque dollar qu'il y mettra. On n'a pas besoin d'être un génie en mathématiques pour s'apercevoir que si on met 1 $ dans le système et qu'on en retire 1,32 $ pour ceux qui en ont besoin, c'est important. Voter contre un projet de loi qui a un tel effet est une farce.

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Madame la Présidente, je ne suis pas ici pour faire de l'obstruction systématique comme mon collègue d'en face.

Je voulais invoquer le Règlement pour demander qu'on lui accorde la parole à nouveau s'il le désirait. Nous aurions alors pu lui poser des questions au lieu de le laisser parler pendant cinq minutes sans qu'il ne donne aux députés l'occasion de poser des questions.

Quoi qu'il en soit, j'ai une question à poser à mon collègue: le Bloc a de nouveau attaqué l'idée d'un régime axé sur les heures, que presque tous ceux qui comprennent le régime approuvent, comme l'a mentionné le député. À mon avis, les députés bloquistes ne comprennent pas l'importance d'un régime axé sur le nombre d'heures.


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(1335)

Il y a 90 000 personnes qui, en vertu du régime actuel, ne sont pas admissibles à l'assurance-chômage. Grâce au nouveau régime, les demandes seront traitées en fonction des heures et ces personnes pourront, pour la première fois, recevoir des prestations d'assurance-chômage. La moitié de ces travailleurs sont des employés saisonniers. Je veux insister particulièrement sur l'autre moitié, c'est-à-dire les travailleurs à temps partiel. Je suis déçu de voir que le Bloc n'appuie pas cette partie du régime.

Il y a 45 000 personnes qui travaillent à temps partiel ou occupent plusieurs emplois. Grâce au nouveau régime, elles seront enfin admissibles à l'assurance-chômage. Comment le député peut-il croire qu'un parti, même un parti qui veut diviser le Canada et qui consacre plus de temps à cet objectif qu'aux travailleurs de sa propre province, pourrait s'opposer à un régime avantageux pour 27 p. 100 de la population, c'est-à-dire les travailleurs à temps partiel?

Mme Chamberlain: Madame la Présidente, il est difficile de comprendre qu'un parti, en l'occurrence le Bloc, pourrait voter contre un projet de loi qui accroît l'admissibilité des travailleurs à temps partiel et des travailleurs saisonniers, qui aide les femmes à se constituer une banque d'heures et qui répond à une demande des syndicats et des métiers de la construction. Ils ont reclamé cette mesure législative. Ce serait inconcevable.

J'espère que les Québécois regardent ce débat. Ils ont beaucoup à gagner de ce projet de loi. Pour chaque dollar injecté, ils retireront 1,32 $. C'est très important. Je remercie mon collègue d'avoir attiré mon attention sur ces points.

Nous devons aider les femmes. Nous devons aider les travailleurs à temps partiel. Nous devons tenir compte du système des heures.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Madame la Présidente, c'est avec plaisir que je prends part au débat sur le projet de loi C-12.

Je trouve assez amusant le chassé-croisé des bloquistes et des libéraux à propos de la réforme de l'assurance-chômage. Cela me fait un peu sourire quand j'entends les députés bloquistes se plaindre de tout ce qu'ils vont perdre. Je leur demanderais de songer à tout ce qu'ils vont perdre si jamais ils décident de quitter le pays à tout jamais. Les pertes seraient assurément plus grandes que leur capacité d'absorption, compte tenu de la situation financière dans laquelle ils seraient alors plongés.

Je vais formuler quelques critiques constructives à l'égard du projet de loi C-12. L'ensemble des Canadiens sont à coup sûr très préoccupés par tout le dossier de l'emploi. C'est à n'en pas douter un des plus grands enjeux auxquels le pays est actuellement confronté. Le gouvernement en a fait état lors de la campagne électorale, au moment où il promettait de créer des emplois et encore des emplois. C'est une promesse dont les Canadiens attendent toujours la réalisation.

Une des grandes réserves qui nous puissions formuler vis-à-vis de ce projet de loi, c'est qu'il va dans la mauvaise direction. Certes, il ne court peut-être pas aussi vite au désastre que son prédécesseur, mais il n'en reste pas moins qu'il va dans la mauvaise direction. Et ça nous préoccupe.

Nous sommes d'avis qu'il ne faut pas considérer l'assurance-chômage comme un genre de programme social. Malheureusement, c'est précisément ce que fait ce projet de loi. Nous affirmons que ce n'est pas bon pour le pays. Nous soutenons que ce n'est pas ça qui va améliorer les perspectives d'emploi pour les Canadiens. Nous estimons que c'est un mauvais projet de loi parce qu'il ne répond pas à l'espoir que nourrit la population. Cela nous préoccupe grandement.

Le temps est venu d'opérer un virage complet en matière d'assurance-chômage, et je vais y revenir dans un moment. Je vais expliquer pourquoi nous souhaitons agir différemment après avoir examiné l'historique de l'assurance-chômage au Canada.

Remontons aux années 1971-1972 quand fut introduite la méthode de calcul des prestations en fonction des régions. À mon avis, ce n'est pas une pure coïncidence si, à l'époque où ces changements ont été apportés, le chômage a commencé à grimper de plus en plus. Jusque vers 1971 ou, du moins, la fin des années 60, le taux de chômage au Canada était à peu près le même qu'aux États-Unis. Il était très faible, oscillant entre 3 et 5 p. 100. Peu après que nous ayons adopté ces prestations, l'écart des taux de chômage entre les deux pays a commencé à se creuser. Le taux canadien a augmenté considérablement, tandis que le taux américain est demeuré à peu près inchangé.

Comme le ministère des Finances le confirme, de toute évidence, lorsque des avantages généreux sont accordés à des gens pour les récompenser essentiellement parce qu'ils demeurent oisifs, nous ne devrions pas nous étonner si d'autres réagissent à ces stimulants en devenant eux aussi oisifs. Ne soyez pas étonnés s'ils ne se précipitent pas pour trouver du travail. Ne soyez pas surpris s'ils résident dans un endroit où il n'y a pas de travail. À mon sens, c'est tout à fait compréhensible. Je ne suis pas du tout étonné que cela se produise.

(1340)

Lorsque nous présentons des mesures timides comme celles d'aujourd'hui, nous ne devrions pas nous étonner qu'elles n'aient pas un effet appréciable sur le chômage dans notre pays. En fait, je ne crois pas que ce projet de loi créera des emplois. Je soutiens qu'il en fera disparaître.

Une des préoccupations que nous avons au sujet de cette mesure législative, c'est que les travailleurs à temps partiel devront désormais verser des cotisations. Les gens qui travaillent moins de 15 heures par semaine verseront des cotisations, tout comme leurs employeurs.

Que les députés songent à ceci: les charges sociales constituent un des facteurs qui font le plus perdre des emplois, et le ministre des Finances l'a répété maintes fois. Or, nous allons maintenant imposer des charges sociales aux personnes mêmes qui ont le plus de mal à intégrer le marché du travail. Les jeunes et, bien souvent, les femmes qui travaillent à temps partiel, sont ceux qui verront leurs emplois menacés parce que le gouvernement insiste pour faire payer des cotisations aux travailleurs à temps partiel.

Le ministre des Finances a répété sans cesse que cela fera perdre des emplois. Bien sûr que oui. Absolument.

M. Milliken: Quand a-t-il dit cela?


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M. Solberg: Les députés d'en face demandent quand le ministre a dit cela. Il l'a dit à de nombreuses reprises à la Chambre. Lorsque le député était secrétaire parlementaire et siégeait plus près du ministre, il l'a probablement entendu tenir ces propos. Maintenant qu'il siège très loin de lui, ces paroles ne parviennent peut-être pas à ses oreilles.

Il n'en demeure pas moins que les charges sociales font perdre des emplois, et les députés d'en face le savent. Malheureusement, ils font fi de leurs propres conseils et imposent des charges sociales aux gens qui sont les plus vulnérables sur le marché du travail à l'heure actuelle, c'est-à-dire les jeunes et les femmes qui travaillent à temps partiel. Ce projet de loi va entraîner la suppression d'emplois.

Je veux attirer l'attention sur une émission de télévision qui est passée sur les ondes de CTV il y a une quinzaine de jours. Elle traitait des différences entre les régimes d'assurance-chômage au Canada et aux États-Unis. Elle a étudié deux économies tout à fait comparables, celles du Nouveau-Brunswick et du Maine. Dans les deux cas, ce sont des économies qui font beaucoup appel au travail saisonnier. Aux deux endroits, les gens travaillent dans le secteur forestier durant une partie de l'année, dans le secteur de la pêche durant une autre partie, et il y a également du travail dans le secteur de la construction, des travaux de bricolage peut-être et ce type de choses. Mais durant l'année, il n'y a pas beaucoup d'emplois à temps plein.

C'est très intéressant, en examinant les différences entre ces deux économies, de constater qu'au Nouveau-Brunswick le taux de chômage était très élevé, alors qu'au Maine, qui a pratiquement une économie identique, il est très faible..

Le journaliste a ensuite commencé à poser des questions à divers représentants du gouvernement et des employeurs au sujet du régime d'assurance-chômage. On s'est aperçu alors que le système d'assurance-chômage au Canada était beaucoup plus généreux que le régime américain. Il en découle que le Nouveau-Brunswick est maintenant confronté à ce qu'on appelle du chômage structurel, comme c'est certes le cas de nombreux autres endroits. Aux Étas-Unis, le Maine, dont l'économie est presque identique, a pourtant un taux de chômage qui est bien moins que la moitié.

Lorsque le journaliste a demandé à certains travailleurs au Maine de dire quelle était la différence, on lui a répondu que non seulement le système était beaucoup moins généraux qu'au Canada, mais que les cotisations étaient davantage fondées sur les antécédents. Ainsi, si un employeur licencie des gens, il paie des cotisations plus élevées ensuite. Les employeurs gardent donc leurs travailleurs même durant les périodes creuses, car ils savent qu'autrement, ils vont payer plus tard des cotisations plus élevées. Ce n'est pas tout à fait une grande révélation. Cela est tout à fait sensé pour moi, mais pour une raison ou une autre, cette logique échappe au gouvernement.

(1345)

Il y a l'exemple du grand magasin à rayons situé dans le Maine, où, au lieu de faire des mises à pied pendant les périodes de ralentissement, comme on le faisait autrefois, on a demandé aux employés de faire de la peinture et d'accomplir des tâches qui ne leur revenaient pas normalement, puisqu'il s'agissait de commis,

parce que l'employeur ne voulait pas verser des cotisations plus élevées. Le problème ici, c'est que le système en place récompense l'employeur qui fait des mises à pied. C'est ridicule! C'est l'envers du bon sens.

Encore une fois, je soutiens que, même si ces réformes améliorent légèrement le système, dans la mesure où il ne récompense pas celui qui fait des mises à pied, nous faisons néanmoins fausse route.

Il est temps de faire une nette distinction entre un système d'assurance-chômage et un programme d'assistance sociale. Il nous faut un vrai système d'assurance. C'est dans cette direction que nous devons aller. Si nous l'avions fait, nous aurions sûrement moins de problèmes. Nous aurions un système qui récompense les employeurs qui gardent leurs employés, même s'il semble parfois plus avantageux d'en faire des assistés sociaux.

Si nous avions un vrai système d'assurance, les gens sauraient qu'il n'y a plus d'incitatif au chômage et qu'il n'y a aucun avantage à dépendre d'un système gouvernemental. Nous sommes catégoriquement opposés à l'orientation de ce projet de loi.

Quand il était premier ministre de Terre-Neuve, Clyde Wells avait fait remarquer que le système actuel apprenait aux gens à dépendre de l'assurance-chômage. La situation à Terre-Neuve est intéressante, quoique tragique dans un sens, parce qu'il y a toute une génération qui a appris à compter sur l'assurance-chômage pour vivre. Cette situation devrait servir de leçon aux députés, pour qu'ils n'élaborent pas de nouveaux systèmes qui finiront pas faire encore grimper le chômage.

Le premier ministre terre-neuvien a reconnu que le système ne fonctionnait pas. Quand on pense à Terre-Neuve aujourd'hui et au taux de chômage qui y est si élevé, n'est-il pas évident que la compétence ou la formation d'un coiffeur importe peu, puisqu'il ne décrochera tout simplement pas un emploi, puisqu'il n'y a pas d'emplois?

Le Comité des finances a entendu un témoin de la région de Gaspé, où le taux de chômage s'élève à 33 p. 100 et cause une véritable tragédie sociale. N'est-il pas évident que le système actuel ne fonctionne pas, quand il existe des taux de chômage aussi élevés? Ce fait ne saute-t-il pas aux yeux, quand des gens restent en place, parce qu'un système les empêche peut-être de saisir des occasions et tue l'espoir auquel ils ont droit en tant que Canadiens? C'est absolument ridicule.

Il est clair que la solution ne réside pas dans la façon dont nous avons tenté de résoudre les problèmes du passé. C'est ce qui a causé les problèmes. La solution devra être quelque chose de différent. Il est temps d'aller de l'avant et d'abandonner ce système pour passer à un véritable système d'assurance.

Dans les années 30, beaucoup d'Albertains ont dû quitter la terre. Il y a dans la province des régions spéciales où les gens ont dû abandonner leur ferme parce qu'il était tout simplement impossible d'y faire pousser quoi que ce soit. Ils sont partis parce qu'il était


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absurde d'y rester plus longtemps. Ils sont allés là où il y avait des emplois. Cela me semble parfaitement raisonnable.

Or, le système actuel agit contre cette impulsion naturelle. Les gens sont naturellement attirés vers les endroits où il y a des emplois. Si nous les payons pour rester où ils sont, il ne faut pas nous étonner qu'ils répondent à cet encouragement. C'est ce que fait la mesure à l'étude. Elle les encourage à rester où ils sont. Je ne leur reproche pas de l'accepter. Je reproche cependant au gouvernement de le leur offrir. C'est ridicule.

Nous connaissons ce problème dans mon coin de pays également. Il n'est peut-être pas aussi aigu que dans certains coins des provinces de l'Atlantique ou du Québec, mais nous avons le même problème.

(1350)

Le fait est que, peu importe où l'encouragement est offert, les gens, étant comme ils sont, répondront à cet encouragement. Il ne faut pas continuer de les retenir. Il ne faut pas continuer d'étouffer leur potentiel. Il faut plutôt créer un programme d'assurance-emploi qui ait un véritable caractère d'assurance, dont les primes soient établies selon les antécédents, qui encourage les gens à continuer de travailler et qui les décourage de quitter leur emploi.

Il incombe au gouvernement de créer un environnement favorable à la création d'emplois. C'est vraiment là une des choses que le gouvernement actuel n'a pas fait. On ne le sait pas beaucoup, mais c'est un fait, depuis que le gouvernement actuel est au pouvoir, il a fait adopter des mesures productrices de recettes et imposé des hausses de taxes et d'impôt pour faire entrer plus de 10,5 milliards de dollars dans ses coffres. C'est là une somme d'argent stupéfiante qu'il est allé chercher dans les poches des contribuables. Cela tue des emplois. Cela tue toutes sortes de possibilités de développement pour les Canadiens. Cela ne peut pas continuer.

Les députés d'en face se préoccupent de ce fait. Ils ont bien raison de s'en préoccuper, car cela tue les emplois. Le député d'en face se préoccupe manifestement du fait qu'environ 10,5 milliards de dollars sortent des poches de ses électeurs et des Canadiens en général.

Le ministre des Finances a dit que les charges sociales tuent les emplois. J'ajouterais même que tous les impôts et taxes tuent les emplois. Plus on va chercher d'argent dans les poches des contribuables, moins il leur en reste pour épargner. Ces épargnes finiraient par servir à créer de nouvelles possibilités d'emploi sous la forme de nouvelles entreprises. Moins il reste d'argent aux contribuables, moins ils en ont à dépenser pour acheter des biens et des services. Il y a donc d'autant moins d'emplois pour les travailleurs de ces secteurs. Le député d'en face déplore que son gouvernement hausse les taxes. Je ne le blâme pas.

Le ministre des Finances a déclaré l'autre jour qu'il n'avait pas augmenté les impôts au dernier budget. À strictement parler, il a raison. C'est après le budget qu'il l'a fait. Au moyen de mesures diverses, il est allé chercher des recettes qui totalisent des milliards de dollars. Les nouvelles modifications apportées à la TPS arracheront environ 1 milliard de dollars aux contribuables par de nouvelles taxes ou la suppression du crédit pour intrants sur les produits d'occasion, qui représentent de 60 à 80 milliards de dollars par année dans l'économie. Ces mesures enlèvent de l'argent aux contribuables et font disparaître des emplois.

Il y a une foule de mesures que le gouvernement pourrait prendre pour arrêter de détruire des emplois et commencer à en créer. Il faut qu'il arrête d'augmenter les impôts. Il doit se rapprocher de l'équilibre budgétaire autrement qu'à pas de tortue. Il doit annoncer une date cible. Toutes les provinces ont équilibré leur budget ou au moins adopté un plan en vue de le faire. Le gouvernement fédéral n'a même pas annoncé de date. Il n'a même pas admis qu'il y avait un problème.

Si on jugeait de la force du ministre des Finances et du gouvernement à leur capacité de maîtriser le déficit, ils se classeraient bons derniers. Ils sont mous. Ils ne sont pas à la hauteur.

Nous conseillons aux Canadiens de harceler le gouvernement, de lui demander d'équilibrer son budget, de lui dire qu'il est temps de s'attaquer au problème du déficit et de la dette.

Lorsque le budget sera enfin équilibré, le gouvernement devra commencer à diminuer les impôts. L'Ontario, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba le font. Toutes les provinces réduisent leurs impôts. Elles créent des emplois. Que fait le gouvernement fédéral? Il fait disparaître des emplois, puisqu'il augmente les impôts. Il détruit nos chances.

Ce projet de loi n'est que la partie visible de l'iceberg. C'est une mauvaise mesure, mais le gouvernement n'a rien fait de ce qu'il faudrait pour créer des emplois.

Ce que le gouvernement doit faire, ce n'est pas rafistoler le projet de loi C-12 et le régime d'assurance-chômage, mais apporter une vraie solution. Qu'il arrête de tourner autour du pot et qu'il mette en place un régime d'emploi qui incitera les chômeurs à chercher du travail au lieu de les décourager de le faire. Ce que le gouvernement doit faire, c'est équilibrer le budget et abaisser les impôts. C'est ce que les Canadiens veulent, et ils y ont droit.

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, le député se plaint des augmentations d'impôts prévues dans les budgets fédéraux précédents. Il a raison. Nous avons éliminé certaines subventions et certains allégements fiscaux qui étaient accordés auparavant aux entreprises.

(1355)

Nous avons accédé aux demandes des Canadiens qui réclamaient un régime fiscal plus juste et plus équilibré. Une de nos initiatives, en particulier, est très profitable. Le député se souviendra que, pendant une période marquée par la récession et la chute de l'emploi, les Canadiens ont été outrés d'apprendre que les banques enregistraient des profits record qui atteignaient plusieurs millions de dollars. Il se souviendra peut-être que l'une des augmentations d'impôt dont il se plaint était justement une surtaxe sur les bénéfice des banques.

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Le député se souviendra aussi peut-être des petites entreprises qui se plaignaient du mal qu'elles avaient à traiter avec les banques et des consommateurs qui se plaignaient des frais de service que leur imposaient les banques. Il voudra peut-être dire aux Canadiens si le Parti réformiste appuie ou non la surtaxe sur les profits mirobolants des banques.

M. Solberg: Monsieur le Président, je remercie la députée pour sa question. Elle a parlé des surtaxes imposées aux banques et mentionné du même coup les frais de service.

Je me demande si la députée peut me dire si elle croit que la surtaxe a contribué à faire augmenter ou à faire diminuer les frais de service imposés aux petites entreprises. Les recettes provenant de cette surtaxe ont-elles été versées aux contribuables canadiens ou ont-elles simplement servi à payer l'intérêt sans cesse croissant sur la dette nationale?

Dans les deux cas, c'est le contribuable qui y perd. Ces surtaxes sont à l'origine des augmentations des frais de service et des taux d'intérêt, solutions que les banques ont trouvées pour récupérer le manque à gagner. C'est justement parce que le gouvernement fédéral a mis tant de temps à rembourser la dette nationale qu'il consacre tout l'argent qu'il peut prélever à cette seule cause et que nous payons tant. Le gouvernement fédéral a attendu trop longtemps avant de s'attaquer aux problèmes de la dette et du déficit.

Le Président: Il reste à peu près deux minutes; le député pourra entendre une autre question après la période des questions. Comme il est 14 heures ou presque, nous passons maintenant aux déclarations des députés.

______________________________________________


2751

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Traduction]

LESLEY TASHLIN

M. John O'Reilly (Victoria-Haliburton, Lib.): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi de prendre ici la parole au sujet d'une athlète fort talentueuse du comté de Haliburton. Lesley Tashlin, qui s'est qualifiée aux 100 mètres haies, va représenter le Canada aux Jeux olympiques à Atlanta.

Récemment, à une compétition à l'extérieur tenue aux États-Unis, Lesley a battu le temps normal de qualification et a mérité une place au sein de l'équipe canadienne qui participera aux jeux d'été. Elle a fait son meilleur temps en courant en 13,04 secondes, battant le temps normal par un dixième de seconde, ce qui est considérable en athlétisme, et elle frôle le record mondial, qui se situe juste au-dessous de 13 secondes.

Lesley s'entraîne maintenant à l'Université de la Louisiane et se prépare à participer aux jeux.

Au nom des électeurs de Victoria-Haliburton et de tous les Canadiens, je souhaite à Lesley tout le succès possible aux jeux. Nous vous accordons tous notre appui et nous vous souhaitons bonne chance.

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, je tiens aujourd'hui à dénoncer les effets néfastes que la réforme de l'assurance-chômage aura sur les femmes et les jeunes.

En effet, les statistiques révèlent que ce sont les femmes et les jeunes qui composent près des deux tiers des travailleuses et des travailleurs à temps partiel. Conséquemment, ils seront durement touchés par la série de nouvelles mesures.

Des exemples: durcissement des règles d'admissibilité au régime; diminution des prestations; réduction de la durée maximale des prestations; obligation de cotiser dès la première heure de travail; pénalité à l'encontre des chômeurs fréquents; durcissement des règles d'admissibilité aux prestations de maternité, et la liste pourrait se poursuivre encore longtemps.

Cette réforme ne démontre qu'une chose: l'aveuglement du gouvernement qui se manifeste par son désir de couper, de sabrer et de démolir les programmes sociaux. Il est odieux de faire porter la responsabilité du déficit au seul groupe des chômeurs et chômeuses, et c'est malheureusement ce que fera le projet de réforme de l'assurance-chômage.

* * *

[Traduction]

LES DROITS DES GRANDS-PARENTS

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, les grands-parents sont souvent les victimes oubliées sur le champ de bataille d'un divorce et on fait souvent fi de la relation importante que les enfants ont avec leurs grands-parents.

Le projet de loi C-245, Loi modifiant la Loi sur le divorce, vise à aider les grands-parents à obtenir le droit de demander à avoir accès à leurs petits-enfants.

Aujourd'hui, je vais comparaître comme témoin devant le Comité de la justice afin de présenter encore une fois mon argumentation en faveur des petits-enfants et des grands-parents. J'espère que les membres du Comité de la justice vont faire comme la Chambre a fait à la deuxième lecture de mon projet de loi, à savoir l'adopter à l'unanimité.

Des témoins qui ont comparu au cours de la dernière session ont reconnu que ce projet de loi est conforme à la Constitution, qu'il répond à un besoin et qu'il n'entraînera pas une multiplication des litiges devant les tribunaux. Il assurera que toutes les questions concernant les enfants soient réglées en même temps.

Les députés ministériels disent appuyer les valeurs familiales. Cet après-midi, au Comité de la justice, ils auront l'occasion de le prouver.


2752

LA SOCIÉTÉ ELIZABETH FRY

Mme Paddy Torsney (Burlington, Lib.): Monsieur le Président, c'est un honneur pour moi que de prendre la parole aujourd'hui pour souligner l'important travail de la Société Elizabeth Fry, qui célèbre la semaine Elizabeth Fry du 6 au 12 mai.

La quatrième semaine nationale Elizabeth Fry a pour thème les solutions de rechange à l'incarcération. La société et ses 21 sociétés membres espèrent sensibiliser davantage le public aux circonstances dans lesquelles se déroulent les démêlés des femmes avec la justice criminelle.

Ces organismes sont réputés pour leur travail consciencieux dans toutes nos collectivités. Les sociétés membres offrent des services et des programmes pour venir en aide aux femmes qui ont des démêlés avec la justice ou qui risquent d'en avoir.

Ces organismes souscrivent à des principes auxquels tous les Canadiens devraient adhérer, soit que la loi ne fait acception de personne et s'applique également à tous, et que tous ont droit à la même protection et au même bénéfice de la loi, indépendamment de toute discrimination; que tous ont droit à être représentés par un avocat, à l'application régulière de la loi et à la protection de la justice naturelle; et que les femmes ont droit à un accès égal aux programmes du système de justice et à être jugées sans crainte des préjugés et de la discrimination fondée sur le sexe.

Chers collègues, je vous prie de vous joindre à moi pour appuyer l'important travail de la Société Elizabeth Fry.

* * *

[Français]

LE DÉCÈS DU DR GUSTAVE GINGRAS

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, à la suite du décès du Dr Gustave Gingras, survenu la semaine dernière, je veux souligner l'apport extraordinaire de ce grand homme de renommée internationale.

Le Dr Gingras, originaire de Montréal, fondait, en 1949, l'Institut de réhabilitation de Montréal, dont il devint le directeur général jusqu'en 1977. Grâce à sa réputation, ses conseils sont recherchés dans le monde entier. Son expertise a été grandement appréciée pour la planification des politiques de réadaptation.

Parmi les nombreux prix dont il fut lauréat, mentionnons l'Ordre du Canada, l'Ordre Très Vénérable de l'hôpital de Saint-Jean de Jérusalem, le Canadian Centennial Medal, la Silver Medal International, le B'nai Brith Humanitarian Award et la Médaille de mérites du Vietnam-Sud. En 1982, il devenait un Queen's Honourable Physician.

De ses écrits, soulignons qu'il est l'auteur de Combats pour la survie et coauteur de Human Rights for the Physically Handicapped and Aged.

La nation vient de perdre un éminent citoyen. À son épouse et à toute sa famille, je veux offrir mes plus sincères condoléances.

[Traduction]

LE DÉCÈS DE M. LEN CARDOZO

M. Derek Lee (Scarborough-Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour rendre hommage à Len Cardozo, un concitoyen torontois, qui est décédé subitement la semaine dernière des suites d'un accident automobile.

Depuis son immigration au Canada en provenance du Pakistan en 1974, Len a été actif dans nombre d'organismes et de groupes communautaires dans notre ville. Fait à remarquer, au cours des deux dernières décennies, il a été un des dirigeants des torontois originaires de Goa et il a oeuvré à l'intégration de la communauté immigrante chrétienne de 15 000 âmes venant d'Inde et du Pakistan.

Len était un bon voisin. Il a été président de la Pelmo Park Community Association, membre fondateur de la St. Francis Xavier Credit Union; il a travaillé dans les relations communautaires avec le Humber Memorial Hospital et a été président de la Canorient Christian Association, qui vient en aide aux nouveaux immigrants et aux personnes âgées à Toronto.

Len se passionnait pour la politique, tant fédérale que provinciale, mais ce dont il était le plus fier, c'était d'avoir incité nombre de Torontois à participer au rassemblement pour l'unité nationale à Montréal au mois d'octobre dernier, un haut fait de sa participation à la vie politique.

Homme engagé dans sa communauté, Len nous manquera. Il laisse dans le deuil sa femme, Melba, quatre enfants et quatre petits-enfants.

* * *

LA JUSTICE

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, j'ai vécu hier la plus grande épreuve de ma vie: j'ai assisté avec Allen et Debbie Wayne, leur famille et leurs amis aux funérailles de leur fils Allen.

Allen était un jeune homme que tout le monde aimait. La douleur qu'on pouvait lire dans les yeux de ses parents le démontrait bien.

En août dernier, un jeune contrevenant, dont on ne peut pas révéler l'identité, qui circulait dans une automobile volée a embouti l'auto d'Allen, brisant ainsi de nombreuses vies. Pendant huit mois, Allen s'est accroché désespérément à la vie. Il a perdu le combat.

Le jeune contrevenant, qui s'était déjà vu interdire de conduire, a cette fois assassiné un jeune homme innocent.

Les positions adoptées par des gouvernements ineptes m'irritent et je me demande parfois pourquoi je suis entré en politique, mais Allen et ses parents, Debbie et Allen, père, me donnent le courage de rester et de me battre pour obtenir justice. La lutte continue.

Allen, tu as perdu la vie, mais ton courage et ton souvenir vivent dans le coeur d'autres personnes. Merci, Allen.


2753

(1405)

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. Janko Peric (Cambridge, Lib.): Monsieur le Président, la population de ma circonscription, Cambridge, et les Canadiens de tout l'Ontario se font une fois de plus avoir à la pompe, avec les hausses printanières du prix de l'essence.

Pour beaucoup de Canadiens, la question est claire: les sociétés pétrolières sont autorisées à faire payer le litre d'essence autant qu'elles veulent.

J'attends avec impatience de voir ce qui se passera le premier long week-end du printemps. Il ne fait aucun doute que nous assisterons comme par hasard à une augmentation marquée du prix de l'essence. Cela se produit tout le temps.

Quand le gouvernement décidera-t-il de faire face aux grandes sociétés pétrolières et gazières et de prendre les mesures qu'il faut pour protéger les Canadiens de ces hausses injustifiées du prix de l'essence?

* * *

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, au nom des Canadiens d'un bout à l'autre du pays qui en ont assez de payer leur essence un prix exorbitant pour satisfaire la gourmandise des pétrolières, je veux profiter de cette occasion pour féliciter le ministre de l'Industrie d'avoir emboîté le pas à de nombreux députés néo-démocrates et au gouvernement néo-démocrate de la Colombie-Britannique en demandant une enquête sur le prix élevé de l'essence.

Il y a deux semaines, des députés néo-démocrates de l'Ouest ont proposé un boycott de l'essence comme moyen d'en faire baisser le prix. Hier, Glen Clark, nouveau premier ministre néo-démocrate de la Colombie-Britannique, a établi une commission d'enquête sur le prix de l'essence. Le premier ministre Romanow a également appuyé cette mesure contre les pétrolières.

Si cette enquête et cette question tiennent vraiment à coeur au ministre, qu'il donne au Bureau de la concurrence des pouvoirs réels en créant une commission d'examen des prix de l'énergie, qui assurerait une surveillance permanente.

Nous sommes heureux que le ministre ait enfin décidé de suivre notre exemple. Nous pourrions dire «mieux vaut tard que jamais», mais nous ne le dirons pas.

* * *

[Français]

L'EXPLOITATION MINIÈRE

M. Robert Bertrand (Pontiac-Gatineau-Labelle, Lib.): Monsieur le Président, le Québec participe à l'exploitation minière et à la mise en valeur des minéraux depuis plus de 150 ans. Une des premières découvertes d'or placérien au Canada a eu lieu près de la rivière Chaudière dans les Cantons de l'Est, et même si cette découverte serait aujourd'hui qualifiée de peu importante, elle a donné lieu à la production de milliers d'onces d'or en 1862 et 1886.

Non seulement le Québec se classe au deuxième rang au Canada pour la production de minéraux, mais il est bon premier au chapitre des dépenses d'exploitation minière depuis 1992.

Tous ces travaux d'exploitation n'ont pas été réalisés en vain. L'exploitation de la mine d'or à Louvicourt a été entamée l'année dernière et l'avenir nous réserve plusieurs autres ouvertures de mines. Ainsi, la mine de zinc-cuivre Grevet ouvrira en juin 1996, la mine d'or Troilus au début de l'année prochaine et la mine de nickel-cuivre Raglan en 1998.

La somme de un milliard de dollars sera investie dans l'exploitation minière au Québec entre 1995 et 1998. Grâce à ces nouvelles mines, l'industrie minière maintiendra sa contribution importante à l'économie du Québec et du Canada. La semaine minière. . .

Le Président: Je regrette d'interrompre le député, mais son temps de parole est expiré.

* * *

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, depuis que le gouvernement a déposé son projet de réforme de l'assurance-chômage, les travailleuses et travailleurs saisonniers n'ont pas cessé de manifester leur opposition à cette réforme injuste pour cette catégorie de travailleurs qui vit au gré des saisons.

Travailleurs de l'industrie de la pêche, des forêts, de la construction, du tourisme et bien d'autres encore auront manifesté, discouru, amassé des fonds pour combattre à leur façon cette réforme qui les laissera sur la paille.

En effet, pour eux, la réforme de l'assurance-chômage est le contraire d'une solution miracle pour créer des emplois. Alors que pour ces personnes, l'assurance-chômage sert de stabilisateur économique, la réforme proposée autorisera le gouvernement à se dégager de sa responsabilité envers les populations qui vivent d'une économie régionale et saisonnière.

Le message que le gouvernement envoie aux gens des régions, c'est carrément «Débrouillez-vous, le gouvernement s'en lave les mains.»

* * *

[Traduction]

LES DROITS DES MINORITÉS

M. Pat O'Brien (London-Middlesex, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement de Terre-Neuve a demandé d'apporter à la Constitution une modification qui aurait pour effet de supprimer la protection des droits de la minorité à l'enseignement religieux. Je crois que cela créerait un dangereux précédent politique qui pourrait être invoqué plus tard par d'autres provinces tentées d'abolir l'enseignement confessionnel.


2754

En outre, l'adoption de cette modification constitutionnelle pourrait représenter une menace pour d'autres droits des minorités, notamment les droits des minorités linguistiques et ceux des autochtones.

Il semblerait tout à fait opportun de tenir des audiences publiques avant que le Parlement n'examine la requête de Terre-Neuve. La tenue d'audiences donnerait une chance équitable à toutes les parties intéressées de faire connaître leur point de vue sur cette importante question.

Il incombe à la population de Terre-Neuve et à ses dirigeants politiques de résoudre ensemble les problèmes que connaît le système scolaire de leur province.

Toutefois, une attaque contre les droits d'une minorité où que ce soit au Canada constitue une attaque contre les droits de toutes les minorités canadiennes.

(1410)

J'invite le gouvernement à réfléchir sérieusement avant d'intervenir dans ce dossier crucial. Si la Chambre doit se prononcer à ce sujet, elle devrait le faire par un vote libre.

* * *

[Français]

LA RÉFORME DE L'ASSURANCE-CHÔMAGE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, je tiens à souligner les résultats d'un sondage paru ce matin et réalisé par SONDAGEM pour le quotidien Le Devoir.

Ce sondage révèle l'ampleur de l'opposition que soulève le projet de réforme de l'assurance-chômage au Québec. En effet,79 p. 100 des répondants estiment que la réforme profitera avant tout au gouvernement fédéral. Pire encore, 91,2 p. 100 des répondants ne sont pas dupes, en voyant clairement que cette réforme n'a pour but que d'aider le gouvernement fédéral à réduire ses dépenses publiques.

De plus, dans le même sondage, trois répondants sur quatre souhaitent que le gouvernement du Québec administre le régime d'assurance-chômage. Ce sondage confirme ce que tout le monde sait déjà: la réforme ne se fait pas dans l'intérêt de la population, mais bien plutôt dans celui du déficit fédéral. La population n'oubliera jamais l'acharnement du gouvernement libéral à l'égard des chômeurs et chômeuses dont témoigne la réforme de ce gouvernement.

* * *

[Traduction]

LE RACISME

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Madame la Présidente, j'interviens pour répondre aux remarques anti-réformistes du chef du Parti conservateur et du chef du Parti libéral.

Le député conservateur a-t-il oublié que feu le député conservateur Dan McKenzie, rentrant d'un voyage en Afrique du Sud, avait prêché les mérites de l'apartheid et déclaré que les noirs étaient intellectuellement inférieurs aux blancs? Assurément, ce n'est pas là la position des conservateurs.

A-t-il oublié la fois où en 1991, le député conservateur, Jack Shields, a crié quelque chose comme «ferme-la, Sambo» au sénateur néo-démocrate Howard McCurdy, le seul député noir à la Chambre à l'époque? M. Shields n'a même pas été destitué de son poste. Le silence du chef conservateur était certes assourdissant. Et l'affaire Bill Kempling et Don Blenkarn?

Les libéraux ont-ils oubliés que leur premier ministre a dit qu'il aimait bien les députés noirs de son caucus car il étaient très souriants? Est-ce la politique du Parti libéral de faire des remarques raciales aussi flagrantes? Cela a-t-il provoqué des cris d'indignation? Imaginez-vous un peu si un réformiste avait dit une chose pareille.

Dans tous les partis politiques, il arrive qu'un membre fasse des remarques inconsidérées. Le test de la vraie nature d'un parti réside dans. . .

Le Président: La députée de Saint John.

* * *

LES ENTREPRISES DE DÉMÉNAGEMENT

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, le nouvel appel d'offres pour le déménagement des militaires, de leurs familles et d'autres employés du gouvernement pose de très nombreux problèmes.

Le CN et son sous-traitant, la société Corporate Moving Systems, se sont vu adjuger 40 p. 100 du contrat. Comme nous le savions alors, la société Corporate Moving Systems n'avait aucune infrastructure et ne pouvait rien déménager, pas même un téléphone.M. Baird n'avait pas l'infrastructure nécessaire pour exécuter le contrat, pas plus que le CN.

À présent, l'entente entre le CN et la société CMS est tombée à l'eau. Les autres entreprises qui ont obtenu une partie de ce contrat ont dû communiquer au ministère une liste prouvant qu'elles étaient en mesure de faire le travail que l'on attendait d'elles.

Le ministre en charge de ce ministère va-t-il annuler ce contrat avec le CN et lancer un appel d'offres? Où est passé ce million de dollars de cautionnement versé par le CN? Le gouvernement l'a-t-il eu? Le ministre va-t-il modifier le prochain appel d'offres pour le déménagement des militaires et de leurs familles?

* * *

[Français]

LES JURIDICTIONS PROVINCIALES

M. Nick Discepola (Vaudreuil, Lib.): Monsieur le Président, notre premier ministre a profité de son passage à Montréal, hier, pour lancer un important message aux 1 500 personnes qui s'étaient déplacées pour venir l'entendre.

Le gouvernement du Canada, fidèle aux grandes orientations de son dernier discours du Trône, profitera de la prochaine rencontre des premiers ministres afin de confirmer le retrait du gouvernement fédéral de plusieurs champs de compétence provinciale.

2755

Sans aller dans le détail, le premier ministre a ciblé en priorité les dossiers des mines, des forêts, des affaires municipales, des ports et aéroports, ainsi que la formation de la main-d'oeuvre comme étant les premiers secteurs desquels le gouvernement fédéral se retirera.

Notre premier ministre l'a dit hier à Montréal, notre gouvernement respectera ses engagements à l'égard des provinces et du Québec en particulier. Il ne nous reste qu'à espérer que le gouvernement péquiste du Québec acceptera notre invitation de s'impliquer davantage dans ce processus.

* * *

[Traduction]

LA SOCIÉTÉ CANADA TALC

M. Larry McCormick (Hastings-Frontenac-Lennox and Addington, Lib.): Monsieur le Président, il convient particulièrement que je prenne la parole durant la semaine des mines au Canada pour féliciter Canada Talc à l'occasion du 100e anniversaire de son exploitation de l'est de l'Ontario, près de Madoc, dans ma circonscription, Hastings-Frontenac-Lennox and Addington.

(1415)

Comme c'est le cas dans d'autres villes minières du pays, la mine Canada Talc offre non seulement une activité économique importante, mais elle a créé des emplois bien payés pour plusieurs générations d'habitants de Madoc.

Cette exploitation est un bon exemple du succès durable que peuvent connaître les sociétés minières qui investissent au Canada. En modifiant l'allocation fiscale relative aux ressources, le gouvernement a bien montré l'engagement qu'il a pris de faciliter le succès à long terme de l'industrie minière au Canada.

Au nom de la Chambre, je salue la société Canada Talc, dont les débuts remontent à la dernière décennie du siècle dernier et aux premiers balbutiements de l'industrie minière en Ontario. Je souhaite à Canada Talc de poursuivre ses activités avec autant de succès jusque bien avant dans le prochain millénaire, pour qu'elle continue à assurer dans ma circonscription un développement soucieux de l'environnement et axé sur la haute technologie.

Étant moi-même prospecteur à temps partiel, je profite de la semaine des mines du Canada pour féliciter les prospecteurs et les mineurs des quatre coins du Canada.

______________________________________________


2755

QUESTIONS ORALES

[Français]

LES RÉFÉRENDUMS

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre, bien sûr.

Le gouvernement fédéral, en modifiant sa stratégie et en s'acoquinant avec Guy Bertrand pour adopter la ligne dure envers le Québec, se place dans une situation de confrontation, non seulement avec les souverainistes québécois, mais également avec les fédéralistes, puisqu'il se range nettement du côté des partisans du plan B, c'est-à-dire le plan de la ligne dure avec le Québec.

Le premier ministre admet-il que la décision fédérale de s'impliquer dans la cause Bertrand pour faire valoir la primauté du droit sur la démocratie équivaut à exiger que le Québec obtienne la permission de toutes les provinces du Canada pour appliquer une décision majoritaire prise dans un référendum?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement remplit ses obligations. Au nom du gouvernement, le ministre de la Justice défend les droits constitutionnels de tous les Canadiens.

Le débat est actuellement devant les tribunaux et ceux-ci rendront les jugements qui s'imposent. Nous aviserons à la suite de ces jugements.

Comme le disait M. Bouchard lundi, il est impossible pour un gouvernement de ne pas être présent dans une cause comme celle-là. Quand je lui ai offert, s'il se retirait, de demander au procureur général du Canada de ne pas être là, ils ont décidé de présenter une motion qui dit directement qu'à un moment donné, la Constitution du Canada ne s'appliquerait pas à des citoyens du Canada. Or, c'est le devoir du gouvernement de protéger la Constitution canadienne.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre admettra-t-il qu'en s'associant avec Guy Bertrand, dont l'objectif est de subordonner la décision démocratique des Québécois à l'accord de toutes les provinces, il recrée ainsi un véritable climat de confrontation, comme il avait si bien su le faire en 1982?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai rien à ajouter à ce que j'ai dit. C'est le devoir du gouvernement de protéger la Constitution canadienne et les citoyens de toutes les parties du Canada qui ont des droits acquis.

Quant au référendum, nous avons participé à des référendums. Cela s'appelle la Loi sur la consultation populaire. J'ai toujours dit, et je l'ai dit ici à la Chambre des communes plusieurs fois, il y a cette notion qu'on va briser un pays avec une voix de majorité dans un référendum. Dans la constitution de la CSN, par exemple, il y a cinq ou six dispositions exigeant l'approbation des deux tiers des membres pour modifier quelque chose dans la constitution de la CSN, c'est la même chose à la FTQ et, apparemment, dans la constitution du Parti québécois.

Nous disons, nous, que les lois du Canada doivent être respectées, qu'il n'y aura pas de déclaration unilatérale d'indépendance et que le droit international, aussi, doit être respecté.

M. Michel Gauthier (chef de l'opposition, BQ): Monsieur le Président, le premier ministre qui est le grand responsable, on s'en souviendra, du gâchis constitutionnel de 1982, réalise-t-il que sa stratégie d'isoler le Québec du reste du Canada ne mène nulle part, sinon à une crise constitutionnelle encore plus grave que celle que nous connaissons depuis l'imposition d'une constitution que personne au Québec n'a signée depuis 15 ans?


2756

(1420)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, à plusieurs reprises, le Bloc québécois parle de démocratie. Il y a eu deux référendums où les gens du Québec ont décidé de rester au Canada. C'est ce qu'on demande, le respect de la démocratie.

Ils veulent que le Québec ne soit pas isolé, et c'est mon souhait le plus grand. Je souhaite que le premier ministre du Québec respecte l'opinion des Québécois qui ont voté non au référendum et qui, au surplus, dans tous les sondages, invitent et le gouvernement canadien et le gouvernement québécois à s'asseoir ensemble pour trouver une solution. C'est ce que nous essayons de faire.

Lorsque la conférence des premiers ministres aura lieu au mois de juin, le gouvernement fédéral est prêt à faire beaucoup de changements qui sont demandés depuis des années. Alors que je propose des changements, le Bloc ne veut pas de changements. Ils n'ont pas l'honnêteté de dire que leur seule préoccupation, c'est la séparation. Évidemment, je serai toujours contre la séparation.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, si on suit la logique du premier ministre, le Québec devrait demander la permission de toutes les provinces canadiennes pour déterminer son propre avenir. Imaginez le refus d'une seule province, comme Terre-Neuve, pourrait bafouer la volonté de la majorité des Québécois.

Ma question est fort simple. Avec sa nouvelle stratégie constitutionnelle et provocatrice, le premier ministre est-il conscient qu'il cherche à brimer la liberté des Québécois à décider eux-mêmes de leur avenir, un droit fondamental qui appartient au peuple québécois?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons rien contre le fait de connaître la position des Québécois. Nous avons fait deux référendums. Nous avons participé aux référendums. Personnellement, j'ai participé aux deux. Mais il y a une réalité: c'est que par deux fois le peuple québécois s'est prononcé en faveur de rester au Canada.

Mais le Bloc québécois, comme le Parti québécois, refuse de reconnaître l'expression de la volonté des Québécois. Ils ne veulent pas accepter le choix populaire. Ils disent que c'est un choix qu'ils n'aiment pas, alors ils vont recommencer.

Ce ne sont pas des séries de hockey. Ce n'est pas une série trois de cinq ou quatre de sept. Il faut respecter la volonté populaire et la volonté populaire, c'est que les gens veulent que nous trouvions un fédéralisme renouvelé, ce que nous, nous sommes prêts à faire et nous espérons que le Bloc québécois, comme le Parti québécois, voudra nous aider à renouveler la fédération canadienne.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, tout le Québec est heurté de plein fouet, autant les fédéralistes que les souverainistes, par le plan B, le plan de la ligne dure du gouvernement, le plan de la confrontation avec le gouvernement du Québec.

Comment le premier ministre peut-il prétendre que, pour lui, la Constitution de 1982, Constitution que le Québec n'a jamais signée, il doit s'en rappeler, puisse avoir priorité sur la démocratie?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, si vous voulez parler de priorité à la démocratie, il faudrait commencer à respecter la démocratie après deux référendums tenus au Québec.

Au lieu d'avoir une question honnête, on avait une question gagnante et malgré une question gagnante, ils ont perdu. C'est ça, la réalité démocratique. Ce que le peuple québécois veut, comme les Canadiens en ce moment, c'est que nous travaillions tous ensemble à renouveler la Constitution canadienne.

J'en ai parlé dans mon discours, nous allons apporter des changements considérables et j'espère que le Bloc québécois aura au moins l'objectivité de considérer nos propositions. C'est sûr qu'ils ne seront jamais satisfaits, parce qu'ils veulent la séparation, mais ce n'est pas ce que veulent les Québécois.

* * *

[Traduction]

L'UNITÉ NATIONALE

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, près de sept mois se sont maintenant écoulés depuis la tenue du référendum au Québec, et le gouvernement ne nous a toujours pas présenté de plan d'unité nationale.

Des comités spéciaux du Cabinet ont été formés. Un nouveau ministre a été nommé. Le premier ministre a fait de vagues déclarations à propos de l'avenir, mais il n'a proposé aucun plan important.

Hier, le premier ministre a dit qu'il présentera des offres sérieuses de changements constructifs au sein de la fédération lors de la prochaine Conférence des premiers ministres.

Le premier ministre peut-il nous dire en quoi consistent au juste les offres sérieuses de changements constructifs qu'il entend présenter en juin aux premiers ministres des provinces?

(1425)

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le chef du troisième parti n'a qu'à lire le discours du Trône, où il est dit très clairement que le gouvernement fédéral compte se retirer du domaine de la formation. Nous avons parlé d'autres secteurs desquels nous souhaiterions nous retirer.

Nous avons aussi dit que nous nous emploierions à améliorer le fonctionnement de l'union économique canadienne. Nous avons parlé d'une commission nationale des valeurs mobilières qui simplifiera la circulation des capitaux au Canada et l'entrée de capitaux provenant de l'étranger. Nous avons proposé d'autres mesures qui concernent, par exemple, l'inspection des aliments.


2757

Nous voulons adopter un train de mesures qui permettra au Canada de mieux fonctionner, mais je regrette de devoir envoyer une copie du discours du Trône au chef du troisième parti.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, si le premier ministre croit que l'inspection des aliments va unifier le pays, il vit sur une autre planète.

Si nous examinons les diverses annonces faites par le gouvernement, il y a à peu près cinq points qui ressortent de ce prétendu train de mesures. Il y a des propositions qui visent à démêler certains aspects administratifs. Il y en a d'autres qui visent une décentralisation symbolique. Il y a la proposition concernant le droit de veto, celle sur la société distincte et la réduction limitée des pouvoirs de dépenser du gouvernement fédéral.

S'il n'y a rien de plus, le premier ministre a alors mal interprété le désir de changement profond dans le reste du Canada, tout comme il n'a pas saisi le désir de changement au Québec avant le référendum.

Pour revitaliser la fédération, le premier ministre n'a-t-il rien de plus solide à offrir aux Canadiens et aux premiers ministres des provinces?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, j'ai parlé d'une longue liste de propositions et j'ai mentionné les pouvoirs de dépenser du gouvernement fédéral.

Nous avons tout un plan à comparer à celui du Parti réformiste. Ce que souhaite le Parti réformiste, c'est probablement la destruction du Canada. Personnellement, je veux que le gouvernement fédéral puisse fonctionner dans l'intérêt de tous les Canadiens et donner suffisamment d'autonomie aux provinces pour leur permettre de servir leur population comme il se doit.

J'ai une longue liste de propositions. J'en ai discuté avec les premiers ministres des provinces. J'espère que tout le monde examinera cette liste sérieusement. Si nous rejetons tout avant même que ne débutent les négociations, nous n'irons nulle part. C'est pour cette raison que le Parti réformiste ne va vraiment nulle part ces jours-ci.

M. Preston Manning (Calgary-Sud-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, si le premier ministre répète à ses homologues provinciaux en juin ce qu'il vient de dire à la Chambre, s'il n'a rien d'autre à proposer pour revitaliser la fédération, il devrait alors annuler la conférence, car elle ne produira pas les effets recherchés.

Je pose à nouveau la question au premier ministre: peut-il produire un plan d'unité nationale solide avant la rencontre des premiers ministres de juin et, le cas échéant, le présentera-t-il à la Chambre?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons un plan. Il sera présenté aux premiers ministres en juin. C'est un plan extrêmement important.

Je me souviens de ceux qui étaient présents lors de la dernière rencontre. J'ai envie de rire quand je vois le chef du troisième parti prendre la parole. Il a voté contre l'accord de Charlottetown. Aujourd'hui, il prend la parole et dénonce le fait que les sénateurs ne sont pas élus. Il a rejeté cela. Il ne pouvait pas comprendre que, quand on essaie de tout faire en même temps, on n'aboutit à rien.

Nous ferons ce qui peut se faire aujourd'hui, demain et l'an prochain, et le Canada sera transformé. Plutot que de nous contenter de faire des discours et d'organiser des conférences, comme ce fut le cas pendant dix ans, des mesures concrètes seront prises en juin.

* * *

[Français]

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

On apprend aujourd'hui qu'au moins cinq soldats des forces canadiennes auraient non seulement assisté à la torture d'un adolescent somalien qui fut battu à mort, mais ne lui seraient pas venus en aide ou n'auraient même pas tenté d'arrêter le massacre. Pire, on apprend qu'après ces événements, ces soldats auraient même obtenu une promotion.

Comment le ministre de la Défense peut-il justifier que des soldats qui n'ont même pas eu la décence d'intervenir pour arrêter la torture et l'assassinat d'un adolescent somalien reçoivent ainsi des promotions au sein de l'armée canadienne?

(1430)

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait savoir que, en vertu de la Loi sur la défense nationale, qui a été adoptée par le Parlement en 1952, tous les pouvoirs concernant les promotions jusqu'au grade de colonel inclusivement ont été conférés par décret au chef d'état-major de la défense, et non au ministre.

À l'instar d'autres ministres, ce ministre ne peut s'ingérer dans le processus de promotion du personnel des forces armées.

Je sais qu'un certain nombre de promotions ont été retardées en attendant la conclusion de diverses poursuites judiciaires. Certaines de ces promotions ont ensuite été autorisées, tandis que d'autres sont toujours en suspens, ce qui est conforme à la procédure normale.

[Français]

M. Jean-Marc Jacob (Charlesbourg, BQ): Monsieur le Président, je ne demande pas au ministre de me fournir le processus normal des promotions dans l'armée, ni de se cacher derrière des règles normales dans une affaire extraordinaire comme la Somalie. Je demande au ministre quelle sorte de message il pense envoyer à la population avec tout ce qui entoure cette fameuse enquête?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je ne me cache pas derrière des règles. J'observe la loi. Le député doit comprendre cela. Il y a une loi qui gouverne les activités


2758

des Forces canadiennes. C'est très clair. Tout ministre, député ou citoyen canadien est tenu d'observer la loi.

* * *

LE PARTI LIBÉRAL

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, pour l'information du gouvernement libéral, Christie Blatchford a récemment écrit dans le Sun's: «L'intégrité, c'est comme la virginité. Une fois qu'on l'a perdue, on ne la retrouve jamais plus.» Il est clair que le gouvernement a perdu les deux il y a longtemps.

Quand le premier ministre a déclaré aux dernières élections qu'il allait tenir toutes les promesses qu'il avait faites durant la campagne électorale, voulait-il parler seulement de celles dont il ne pouvait se dégager en versant des milliards de dollars? Qu'advient-il de l'intégrité du gouvernement à présent?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous tenons nos promesses. Je donnerai un exemple au député. Son parti dit toujours que nous devrions avoir des votes libres à la Chambre des communes.

Quand nous avons eu un vote libre la semaine dernière, les membres du parti du député ont tous été obligés de voter dans le sens que leur a imposé leur chef. Ce sont là les membres d'un parti qui a prétendu vouloir changer le Parlement. Ils sont tellement civilisés que, au début, leur chef occupait un fauteuil dans la dernière rangée. Il se trouve maintenant au premier rang, et ils jettent les livres par terre.

M. Monte Solberg (Medicine Hat, Réf.): Monsieur le Président, le fait que le premier ministre soit fier qu'il y ait eu un vote libre en deux ans et demi est très encourageant. Peut-être allons-nous quelque part.

Il est dit dans le livre rouge: «Cette désaffection semble tenir à plusieurs causes: certains élus ont commis des indélicatesses [. . .]» Par exemple, Sheila Copps qui se présente maintenant à l'élection partielle et le premier ministre lui-même qui fait l'autruche.

Maintenant que le monde entier sait que la promesse concernant la TPS n'a pas été respectée, pourquoi le premier ministre nie-t-il avec autant d'arrogance qu'il a embobiné les Canadiens et n'a pas tenu la promesse solennelle qu'il avait faite durant la campagne électorale?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait aller à son bureau et relire la page 22 du libre rouge. Il verra que nous sommes en train de remplir notre promesse. C'est très clair.

* * *

[Français]

LE PROGRAMME JEUNESSE CANADA AU TRAVAIL

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre du Patrimoine canadien.

L'opération propagande se poursuit au ministère du Patrimoine canadien. Aujourd'hui, ce sont les jeunes qu'on veut embrigader dans l'opération «unité nationale». En effet, une question du formulaire que doivent remplir les jeunes intéressés à participer au programme appelé Jeunesse Canada au travail, leur demande d'écrire un texte de 250 mots sur ce que le Canada représente pour eux.

La ministre du Patrimoine reconnaît-elle que cette question a pour objectif de sélectionner les jeunes en fonction de leur opinion politique?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et ministre du Patrimoine canadien par intérim, Lib.): Monsieur le Président, c'est très clair, dans le dernier budget fédéral, on a décidé d'encourager l'emploi chez les jeunes. On a doublé le budget pour les jeunes cet été. C'est cela l'intention du gouvernement et c'est pour ça que nous avons des programmes spécifiques pour aider nos jeunes à avoir des emplois cet été.

M. Stéphan Tremblay (Lac-Saint-Jean, BQ): Monsieur le Président, on n'a rien contre ça, encourager les jeunes, sauf qu'étant donné que cette question contrevient au droit le plus fondamental de l'individu qui est celui de la liberté d'expression, la ministre va-t-elle retirer ce questionnaire de la circulation et va-t-elle ordonner qu'on détruise toutes les réponses qu'elle a recueillies à ce jour?

(1435)

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et ministre du Patrimoine canadien par intérim, Lib.): Monsieur le Président, depuis quand s'agit-il d'empêcher la liberté d'expression dans ce pays? Depuis quand? Les jeunes sont tout à fait libres d'exprimer leur opinion au Canada et au Québec, et nous entendons poursuivre dans cette voie.

* * *

[Traduction]

LES DÉPENSES PUBLIQUES

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, tout contrat de l'ACDI de plus de 100 000 $ doit être approuvé par le ministre. Le processus d'adjudication de l'ACDI, approuvé par le Conseil du Trésor, exige qu'il n'y ait pas de favoritisme régional dans l'octroi des contrats. Cependant, 71 p. 100 de la valeur totale des 20 contrats de service les plus importants qui ont été signés en 1995 sont allés à des entités québécoises.

Vu ces chiffres, peut-on prouver que l'ACDI traite les entreprises hors Québec avec équité, ou est-ce que le critère de la répartition régionale a été appliqué avec une certaine souplesse en raison du référendum de 1995?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, en l'absence du ministre du Commerce international, je peux assurer au député que le travail de l'ACDI est soumis exactement aux mêmes règles que tous les autres organismes gouvernementaux, lesquelles prévoient que les appels d'offres, l'adjudication des contrats et l'évaluation des soumissions se font selon le mérite.


2759

M. Lee Morrison (Swift Current-Maple Creek-Assiniboia, Réf.): Monsieur le Président, l'ACDI accorde des subventions à des universités, à des pays et à des institutions internationales. Vu le nombre d'organismes dignes d'intérêt qui existent tant au Canada qu'à l'étranger, il est étonnant que deux universités du Québec aient reçu, en 1995, les deux subventions bilatérales les plus importantes, dont la valeur combinée s'élevait à plus de 42 millions de dollars. C'est beaucoup.

L'ACDI est-elle encore un organisme de développement international ou est-elle devenue un organisme de développement régional chargé d'acheter des voix libérales au Québec?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, un des principaux objectifs du programme de développement international est d'offrir aux jeunes de notre pays l'occasion de voyager et de faire venir ici des étudiants étrangers pour qu'ils puissent bénéficier de la même expérience que celle que nous offrons dans les universités canadiennes.

Une des premières priorités de ce programme est de travailler avec la francophonie, dont sont membres certains des pays les plus pauvres du monde avec lesquels nous avons depuis longtemps des liens culturels et linguistiques. C'est pour cette raison que nous mettons l'accent sur l'aide au développement des pays francophones les plus pauvres.

* * *

[Français]

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, à la page 22 du livre rouge, on peut lire, et je cite: «Un gouvernement libéral renégociera le traité de libre-échange canado-américain et l'ALENA pour prévoir un code de subventions, un code antidumping, un mécanisme plus efficace de règlement des différends [. . .].»

Plus de deux ans et demi après son élection, et malgré le fait que la date limite fixée pour arriver à un accord avec les Américains était le 31 décembre dernier, comment le ministre explique-t-il qu'aucun résultat tangible n'ait été atteint dans ce dossier, où les enjeux sont pourtant très importants?

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, en fait, le Canada s'occupe activement du dossier des recours commerciaux avec ses partenaires signataires de l'ALENA. C'est à cette condition que l'ALENA a été signé et nous avons respecté notre engagement à poursuivre nos démarches à cet égard.

Le groupe chargé du dossier des recours commerciaux présentera son rapport sous peu. Certains progrès ont été réalisés, mais il reste encore beaucoup à faire avant d'atteindre nos objectifs dans le cadre de l'ALENA. Nous poursuivrons nos efforts en vue d'éliminer les dispositions législatives s'appliquant aux recours commerciaux et d'instaurer un véritable système de libre échange.

[Français]

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, les entreprises attendent toujours. Étant donné que les États-Unis ne cessent de harceler nos industries, dont celle de l'acier, et ce, afin de régler le contentieux en matière de recours commerciaux au chapitre des droits compensateurs et des droits antidumping, le ministre adoptera-t-il bientôt une approche industrie par industrie?

(1440)

[Traduction]

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, nous continuons notre travail dans le dossier de l'industrie sidérurgique, afin de mettre fin aux mesures antidumping, comme nous le faisons dans tous les autres secteurs où il existe des irritants au commerce.

Il faut souligner que les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis sont les relations commerciales bilatérales les plus importantes au monde. Les échanges entre nos deux pays se chiffrent à un milliard de dollars par jour. Cela représente des très nombreux emplois et une croissance économique pour notre pays. Quatre-vingt-quinze pour cent de ce commerce se fait sans problème, ni complication d'aucune sorte. Un faible pourcentage du commerce requiert notre attention et il obtient toute l'attention requise de la part du gouvernement.

* * *

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

M. Bob Speller (Haldimand-Norfolk, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Affaires étrangères.

Depuis des semaines qu'un jeune Canadien fait la grève de la faim aux États-Unis pour protester contre la décision des autorités douanières américaines de saisir des ordinateurs en provenance du Canada et à destination de Cuba. Qu'est-ce que le ministre a fait pour venir en aide à ce jeune Canadien et faire en sorte que ces ordinateurs, qui ont été expédiés là-bas pour des raisons humanitaires, arrivent à Cuba?

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déclaré à la Chambre, il y a quelques semaines, nous sommes en contact direct avec le jeune Canadien qui fait la grève de la faim.

Les fonctionnaires de mon ministère ont négocié quotidiennement avec leurs homologues américains pour régler ce problème. Je suis heureux de pouvoir informer la Chambre que nous avons conclu une entente avec les autorités américaines quant à la restitution des ordinateurs. Ceux-ci seront expédiés au Mexique.M. Rohatyn va se rendre à San Diego pour récupérer les ordinateurs.

Je tiens à profiter de l'occasion pour remercier les fonctionnaires de mon ministère et ceux du département d'État américain, qui ont su collaborer pour résoudre ce problème très sérieux.


2760

LES PRISONS

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, l'évasion à la prison pour femmes d'Edmonton a eu d'autres répercussions.

La détenue, Tamara Papin, qui est maintenant incarcérée dans une prison provinciale, car elle s'est échappée de la prison pour femmes d'Edmonton, a été accusée hier du meurtre de Denise Fayant, une autre détenue.

Il est tout à fait stupide d'exploiter une prison pour délinquants violents comme un centre de villégiature. La mort de Denise Fayant a été brutale et inutile. Le ministre va-t-il reconnaître que la philosophie fondamentale qui sous-tend le fonctionnement de la prison pour femmes est un échec total et va-t-il fermer cette institution, oui ou non?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, les tribunaux sont saisis à l'heure actuelle de l'incident dont parle le député. Il serait imprudent de ma part de formuler des observations là-dessus.

Je vais donc parler de la question plus générale de la sécurité à l'établissement d'Edmonton. On examine actuellement cet incident. On se penche sur tous les incidents, qu'il s'agisse des aspects violents ou des questions concernant la sécurité. Nous attendons le rapport et les recommandations du comité. Nous allons nous assurer que toutes les recommandations analysées et approuvées seront mises en oeuvre.

De plus, on a approuvé les améliorations de 400 000 $ qui ont été annoncées il y a plusieurs semaines. Il faudra pratiquement deux mois pour procéder aux travaux nécessaires. Nous allons nous assurer que toute l'enquête sur la sécurité sera terminée avant de renvoyer des détenues dans cet établissement.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement ne peut se mettre dans la tête qu'une détenue est morte dans cette prison. Il y a quelque chose d'anormal à cet endroit.

Le Service correctionnel du Canada a bâti la prison pour femmes pour que les femmes détenues reçoivent un traitement spécial en fonction de leur sexe. La directrice, Jan Fox, croit qu'aucune criminelle n'est dangereuse et que les femmes ne commettent des crimes que parce qu'elles sont elles-mêmes des victimes.

Étant donné que le Service correctionnel du Canada a laissé la directrice Fox mettre en danger la sécurité publique dans le cadre de son expérience fondée sur le sexe, le solliciteur général va-t-il la licencier maintenant, ou devons-nous attendre que quelqu'un d'autre meure?

M. Nick Discepola (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il est évident qu'à la lumière de ce fiasco et des incidents qui se sont produits, les députés réformistes sont tentés d'abandonner cet établissement.

Nous croyons que ce modèle d'incarcération représente encore la meilleure façon de répondre à un besoin bien spécial des femmes. Ce besoin a été relevé par le groupe de travail, en 1989, et récemment par la commission Arbour.

Il serait prudent, de notre part, de tirer les leçons qui s'imposent de ces incidents et de nous assurer de mettre en pratique les mesures voulues pour empêcher d'autres incidents de ce genre dans d'autres établissements.

* * *

(1445)

[Français]

LA COMMISSION DE L'IMMIGRATION ET DU STATUT DE RÉFUGIÉ

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration.

On apprenait, la semaine dernière, que des accusations criminelles avaient été portées contre un commissaire de la Commission de l'immigration et du statut de réfugié à Montréal. On apprenait également que cette personne n'avait pas été suspendue de ses fonctions, sous prétexte que cette question était d'ordre privé.

Compte tenu de la nature des fonctions de commissaire à cette Commission, comment la ministre peut-elle justifier que cette personne n'ait pas été suspendue le temps que la cour rende un jugement?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et ministre du Patrimoine canadien par intérim, Lib.): Monsieur le Président, en fait, comme vous le savez, la Commission de l'immigration et du statut de réfugié est un tribunal quasi judiciaire. La présidente de l'organisme a tous les pouvoirs de gestion au niveau des ressources humaines qui sont engagées à la Commission.

À ce que je sache, dans le cas qui est devant nous, il s'agit en fait d'un incident privé et non d'un incident qui s'est produit à l'intérieur des responsabilités professionnelles de l'individu en cause. Selon l'information que j'ai, cet individu ne serait pas au travail présentement.

M. Osvaldo Nunez (Bourassa, BQ): Monsieur le Président, en effet, il est en vacances. Des accusations graves de nature criminelle ont été portées contre ce commissaire, dont celle de proférer des menaces de mort contre une collègue de travail.

La ministre se rend-elle compte qu'elle cautionne, par son inaction, la crédibilité de l'ensemble de la Commission, alors que la présidente s'entête à maintenir dans ses fonctions un commissaire qui fait l'objet d'accusations criminelles?

L'hon. Lucienne Robillard (ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et ministre du Patrimoine canadien par intérim, Lib.): Monsieur le Président, je ne cautionne rien du tout et je souhaiterais que le député de Bourassa soit plus prudent aussi dans ses affirmations. Je pense que la présomption d'innocence existe toujours dans notre pays, le Canada, et il devrait attendre que la cause soit entendue avant de porter un jugement.

* * *

[Traduction]

LES TRANSPORTS

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, le gouvernement libéral actuel laisse tomber les habitants de Yar-


2761

mouth et du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse. L'économie de cette région dépend du service du traversier Bluenose, qui transporte les produits de la Nouvelle-Écosse vers les marchés de la côte est des États-Unis. Voici que le gouvernement veut interrompre ce service pendant l'hiver. Les travailleurs et les représentants du secteur privé s'inquiètent de l'avenir de la région, mais ils ne possèdent pas assez de renseignements pour intervenir.

Le ministre des Transports accepte-t-il qu'une étude exhaustive soit menée sur la privatisation du service du Bluenose toute l'année durant, et s'engage-t-il à en rendre les résultats publics pour que tout le monde soit au courant des faits?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, depuis qu'il est allé dans les Maritimes, le député appuie fermement les subventions dans le domaine des transports. J'en suis ravi.

Je lui ferai remarquer que nous subventionnons actuellement le service dont il parle au rythme de plus de 5 millions de dollars par an. Nous essayons de réduire les subventions dans les transports, et nous y parvenons. Nous avons constaté qu'en interrompant le service pendant les six mois d'hiver, quand il y a seulement 8 p. 100 des activités, nous pouvons économiser 1,5 million de dollars.

C'est une décision difficile, mais le gouvernement est disposé à prendre de telles décisions en se fondant sur ses principes. Dans leur budget des contribuables, les réformistes ont parlé d'éliminer complètement les subventions dans le domaine des transports. Pourtant, le député et ses collègues n'hésitent pas à proposer une hausse de ces subventions. Leur position est très contradictoire.

M. Jim Abbott (Kootenay-Est, Réf.): Monsieur le Président, quand il regagnera son bureau, le ministre pourra peut-être demander à son personnel de lui expliquer la différence entre subventionner et privatiser.

Les gens de la Nouvelle-Écosse demandent de consacrer 100 000 $ du budget des infrastructures à cette étude sur la privatisation. Ils savent bien que les libéraux ont gaspillé plusieurs millions de dollars pour aménager des terrains de jeu de boules et construire des stades couverts. Ils savent aussi que le gouvernement est responsable d'une dépense d'un quart de million pour marquer le départ d'un général.

Oui ou non, le ministre va-t-il autoriser la réalisation d'une étude sur la privatisation, au coût de 100 000 $?

L'hon. David Anderson (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, le député m'a remis une lettre sur cette question et, si je ne m'abuse, il en a remis une copie à tous les membres de la presse parlementaire.

Je peux lui dire qu'à l'été 1995, nous avons rendue publique toute la prise de décisions financières par Marine Atlantique au sujet de ce service. La documentation rendue publique comprenait les états financiers, tous les revenus, toutes les subventions et toutes les dépenses, soit tous les chiffres réels et prévus des exercices 1992 à 1998. Je ne manquerai pas de faire parvenir au député toute l'information qui a été publiée l'été dernier, puisqu'il ne semble pas l'avoir.

(1450)

Quant au montant de 100 000 $ que le député a mentionné, il se rapporte à une autre étude sur ce service, dont nous étudions actuellement la demande et sur laquelle nous rendrons une décision en temps opportun. À la fin de l'étude, nous en communiquerons les résultats à tous les députés, y compris mon vis-à-vis.

Nous avons des décisions difficiles à prendre au Canada atlantique. Les députés réformistes ne nous aident pas, puisque, au moment des élections partielles au Labrador, ils disaient qu'il fallait subventionner la construction de routes et aujourd'hui ils semblent. . .

Le président: Le député d'Etobicoke-Lakeshore a la parole.

* * *

LA SITUATION DE LA FEMME

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, un événement très important prend naissance aujourd'hui à Vancouver. Des Canadiennes entreprennent une marche d'un bout à l'autre du pays et arriveront à Ottawa le 14 juin.

Qui écoute? Puis-je demander à la secrétaire d'État chargée de la Situation de la femme de bien vouloir informer la Chambre du message que ces femmes apporteront à Ottawa?

L'hon. Hedy Fry (secrétaire d'État (Multiculturalisme) (Situation de la femme), Lib.): Monsieur le Président, en tant que secrétaire d'État chargée de la Situation de la femme, je me réjouis que les femmes entreprennent une marche d'un bout à l'autre pays pour du pain et des roses, pour des emplois et la justice.

Lorsque nous sommes allées à Beijing l'année dernière, nous y avons soulevé un bon nombre des objectifs que visent ces femmes dans leur marche. Nous y avons convenu que les organisations non gouvernementales et les groupes de femmes ont un rôle à jouer, de concert avec le gouvernement, pour mettre les questions féminines en évidence. Je suis donc très heureuse que ces femmes recourent à leur rôle d'ONG pour mettre de l'avant ces questions qui favoriseront l'égalité des femmes partout au Canada.

* * *

[Français]

L'INDUSTRIE DE LA PÊCHE

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Pêches et des Océans.

Hier, plus de 1 100 personnes se sont réunies à Tracadie et en Gaspésie pour dénoncer l'actuel plan de pêche aux crabes des neiges. Ce plan manifeste une totale insensibilité à l'égard des conséquences sur l'emploi des membres d'équipage et des travailleurs d'usine de cette industrie. En effet, le quart perdront leur emploi et les trois quarts verront leur temps de travail réduit de quatre semaines.


2762

Étant donné que la pêche aux crabes est boycottée dans le secteur du Golfe, zone 12, le ministre est-il conscient de l'urgence de la situation et du drame humain qui couve parmi les membres d'équipage et les travailleurs d'usine de ces régions?

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, le plan consistait à partager 16 100 tonnes de crabe; 77,5 p. 100 allaient aux grands crabiers semi-hauturiers qui sont à l'origine du boycott dont parle le député, et 22,5 p. 100 allaient aux petits pêcheurs côtiers. Le problème, c'est que les crabiers semi-hauturiers ne sont pas contents du quota de77,5 p. 100. Ils veulent 100 p. 100.

S'il y a de l'insensibilité entourant ce plan et s'il y a de l'injustice à l'égard des travailleurs d'usine, ce n'est pas le fait de la Chambre ni du plan. C'est plutôt le fait des crabiers semi-hauturiers qui veulent avoir la totalité de la ressource sans rien partager avec les petits pêcheurs.

[Français]

M. Yvan Bernier (Gaspé, BQ): Monsieur le Président, de toute évidence, le plan de pêche aux crabes des neiges manque sa cible et a pour conséquence principale l'appauvrissement des salariés déjà à faible revenu. C'est ce qu'il faut que le ministre comprenne.

Le ministre peut-il s'engager formellement en cette Chambre à répondre positivement, dans les meilleurs délais, à une demande de ces travailleurs qui tiennent à le rencontrer?

[Traduction]

L'hon. Fred Mifflin (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, ce qui empêche les travailleurs d'usine de travailler, c'est la cupidité des gens qui veulent la totalité de la ressource.

S'il y a quelqu'un qui ne comprend pas, c'est bien le député. Il ne comprend pas qu'il y a 16 100 tonnes de crabe à pêcher à un moment où les pêcheurs de la région de l'Atlantique meurent d'envie de pêcher n'importe quoi. Il devrait se préoccuper du véritable problème: il y a des crabes à pêcher; il y a des pêcheurs qui veulent pêcher ces crabes; je vais m'assurer que ces crabes soient pêchés par ceux qui veulent les pêcher.

* * *

(1455)

L'AGRICULTURE

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, le ministre albertain de l'Agriculture vient d'annoncer un projet visant à acheter des céréales aux agriculteurs, à un dollar le camion, pour le leur revendre ensuite aux États-Unis, toujours à un dollar le camion, et ce, afin de contourner le monopole qu'exerce la Commission canadienne du blé. Cela rapporterait 2 500 $ de plus le camion aux agriculteurs à court d'argent qui tentent de composer avec l'augmentation des frais d'ensemencement.

Les agriculteurs albertains ont décidé, au cours d'un plébiscite, qu'ils voulaient être libres de commercialiser leur blé et leur orge comme ils l'entendaient. Le ministre agira-t-il immédiatement pour respecter les désirs des agriculteurs, ou continuera-t-il de soutirer aux agriculteurs 2 500 $ le camion, de l'argent dont ils ont désespérément besoin pour les semences printanières?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, le député se réjouit sûrement tout comme moi de l'augmentation constante du cours mondial du prix des céréales, augmentation qui profite aux agriculteurs du Canada.

En ce qui concerne le système de commercialisation, le député sait fort bien qu'il existe depuis plusieurs mois au Canada un processus qui a été établi l'an dernier, qui s'est poursuivi au cours de l'hiver et qui devrait donner des résultats au mois de juin. Dirigé par le groupe sur la commercialisation du grain de l'Ouest, ce processus doit permettre à tous les agriculteurs qui ont des points de vue différents sur la commercialisation du grain d'exprimer leur avis et de débattre de la question de façon logique et ordonnée.

Je suis convaincu que le député ne veut pas que je fasse fi des opinions exprimées par les agriculteurs qui ont collaboré au processus. Contrairement à l'opinion hâtive qu'il a formulée, je lui rappelle que 130 000 familles agricoles comptent sur notre système de commercialisation très viable pour vendre leurs produits.

M. Leon E. Benoit (Végréville, Réf.): Monsieur le Président, le ministre maîtrise l'art de la procrastination.

Les agriculteurs albertains se sont déjà prononcés à ce sujet. Ils ont déterminé, au cours d'un plébiscite, que l'indifférence du ministre leur coûte 2 500 $ le camion à un moment où ils ont désespérément besoin de cet argent pour les semailles.

Quand le ministre cessera-t-il de lutter contre les agriculteurs et commencera-t-il à respecter les désirs qu'ils ont exprimés de façon démocratique?

L'hon. Ralph E. Goodale (ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire, Lib.): Monsieur le Président, les propos du député renferment une contradiction très intéressante.

De toute évidence, le député est un adversaire farouche de la Commission canadienne du blé. Il demande clairement au gouvernement d'adopter une mesure qui minerait la Commission canadienne du blé. Fait plutôt intéressant, dans notre livre rouge diffusé en 1993, nous confirmions notre appui à la Commission canadienne du blé. En accédant à la demande du député, nous violerions une de nos promesses électorales. Il est intéressant de constater que les réformistes semblent nous inviter à rompre nos promesses quand, dans un autre contexte, ils nous incitent d'un ton très moralisateur à respecter les engagements que nous avons pris dans le livre rouge. Pourraient-ils se décider une fois pour toutes?

2763

L'ÉCONOMIE

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

La politique du gouvernement a fait grimper le taux de chômage et le gouverneur de la Banque du Canada nous dit que la politique en matière de taux d'intérêt freine la croissance de l'économie, à tel point qu'une déflation catastrophique nous guette.

Lorsqu'ils siégeaient dans l'opposition, les libéraux condamnaient la politique destructrice d'emplois de l'ancien gouverneur de la Banque du Canada, John Crow. N'est-il pas temps que le ministre des Finances reconnaisse humblement qu'il appuie la même politique destructrice d'emplois et ordonne à la Banque du Canada de favoriser une croissance économique durable au lieu de lutter contre une inflation imaginaire?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, lorsque nous étions dans l'opposition et que nous avons pris la position dont parle le député, les taux d'intérêt étaient considérablement plus élevés au Canada qu'aux États-Unis.

Aujourd'hui, grâce aux mesures que notre gouvernement a prises, les taux d'intérêt à court terme sont considérablement moins élevés au Canada qu'aux États-Unis. Ils sont inférieurs de près de 400 points de base ou de quatre points de pourcentage à ce qu'ils étaient il y a un an.

En outre, l'emploi est à la hausse par suite des décisions de notre gouvernement. Le taux de chômage est passé de 11,5 à 9,4 p. 100. Ces quatre derniers mois, notre pays a créé plus de 160 000 emplois. La situation n'est plus du tout la même.

(1500)

Il y a une autre différence. . .

Des voix: Encore!

Le Président: La parole est au député de Thunder Bay-Atikokan.

* * *

L'INDUSTRIE MINIÈRE

M. Stan Dromisky (Thunder Bay-Atikokan, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse à la ministre des Ressources naturelles.

Comme cette semaine a été proclamée la semaine nationale de l'activité minière, le lobby qui préconise le maintien d'un secteur minier au Canada a produit un plan provocateur en 12 points pour l'industrie minière canadienne.

Le gouvernement donnera-t-il suite à ce plan en 12 points et que fera-t-il pour promouvoir davantage l'activité minière au Canada?

Mme Marlene Cowling (secrétaire parlementaire du ministre des Ressources naturelles, Lib.): Monsieur le Président, le plan en 12 points correspond sensiblement aux objectifs actuels du gouvernement et à ses responsabilités.

Le gouvernement fédéral intervient dans les secteurs qui relèvent de sa compétence pour renforcer l'industrie minière dans notre pays. Le Canada demeure l'un des meilleurs endroits dans le monde pour les investissements dans le secteur minier. Nous estimons que 49 mines pourraient ouvrir d'ici deux ans.

De plus, je me réjouis que l'industrie participe à la deuxième semaine annuelle de l'activité minière au Canada, qui est en cours. C'est grâce à des partenariats comme celui-là que nous sensibiliserons à l'activité minière les Canadiens de toutes les régions de notre pays.

Le Président: La députée de Halifax soulève une question de privilège.

* * *

QUESTION DE PRIVILÈGE

CERTAINS PROPOS TENUS AU COURS DE LA PÉRIODE DES QUESTIONS

Mme Mary Clancy (Halifax, Lib.): Monsieur le Président, c'est avec regret que je porte à votre attention la remarque lancée par la députée de Saint John après la réponse donnée par la secrétaire d'État au Multiculturalisme et à la Situation de la femme. La députée a dit: «Ces femmes sont toutes folles. Vous êtes toutes folles.»

Le Président: Chère collègue, étant à l'extrémité opposée de la salle, le Président n'a pas entendu cette remarque. Si elle a bel et bien été faite, et j'espère que ce n'est pas le cas, je dois dire que parfois, au cours des échanges, de telles paroles sont entendues. J'espère que cette remarque n'a pas été faite, mais, puisque vous avez précisé de qui elle venait et que la personne est ici, je lui accorderai la parole si elle veut donner des éclaircissements. Cependant, je ne veux pas lancer de débat sur la question. Si la députée de Saint John veut la parole, je la lui accorde.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, ce que je voulais dire à la députée de Halifax, c'est que les libéraux ne devraient pas encourager des femmes à traverser le Canada à pied. Les libéraux devraient discuter avec elles et peut-être leur fournir un véhicule.

Le Président: Je déclare que l'incident est clos.

______________________________________________


2763

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

(1505)

[Traduction]

LA LOI SUR L'ASSURANCE-CHÔMAGE

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi du Canada, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Bernie Collins (Souris-Moose Mountain, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir l'occasion de prendre la parole à la Chambre aujourd'hui sur l'un des principaux projets de loi du programme du gouvernement.


2764

Le gouvernement, dans son engagement envers le Canada, a dit que la nouvelle loi sur l'assurance-emploi prendrait effet le 1er juillet de cette année. En guise d'introduction, j'invite les députés à adopter rapidement ce projet de loi afin que les Canadiens puissent commencer à profiter sans tarder du nouveau régime, qui est plus juste et équilibré, qui supprime les iniquités devenues les caractéristiques de l'actuel régime d'assurance-chômage.

Le nouveau système d'assurance-emploi est l'aboutissement de plus de deux années de consultations tenues auprès des Canadiens de tous les horizons. En fait, j'ai tenu quatre assemblées populaires à l'automne de 1994 pour recueillir les points de vue de mes électeurs. Grâce à cet apport du public, la nouvelle loi sur l'assurance-emploi aidera des chômeurs à trouver du travail. En effet, elle renforcera les initiatives de travail, garantira un traitement plus équitable à tous les travailleurs et aidera ces derniers à s'adapter au climat économique changeant en investissant dans des prestations de retour au travail. Elle permettra aux contribuables canadiens d'économiser 1,2 milliard de dollars d'ici l'an 2001.

Je voudrais parler maintenant des avantages dont jouira un groupe important de ma circonscription, les travailleurs à temps partiel et ceux qui occupent plus d'un emploi. Tel que modifié par le comité permanent, le nouveau régime sera plus simple, plus moderne et plus équitable. Au coeur de la nouvelle approche se trouve la méthode d'admissibilité à l'assurance-emploi, qui est fondée sur le nombre d'heures travaillées plutôt que sur le nombre de semaines. La semaine constitue une mesure assez malaisée du travail d'une personne donnée. Le recours à cette mesure pour calculer les crédits de l'assurance-chômage n'est ni juste ni adéquat.

Aux fins de l'actuel régime d'assurance-chômage, une semaine est une semaine, qu'elle comprenne 15 ou 70 heures. Cette méthode est loin d'être représentative de la réalité d'aujourd'hui, où de plus en plus de gens travaillent à temps partiel ou occupent plus d'un emploi à temps partiel.

Dans le régime actuel, il faut travailler 15 heures par semaine pour être admissible à l'assurance-chômage. Si on travaille moins que cela, on n'a pas droit à l'assurance-chômage. Cette condition a fini par pousser certains employeurs à engager des travailleurs pour moins de 15 heures par semaine, évitant, du coup, de payer des cotisations à l'assurance-chômage.

J'ai entendu nombre de mes électeurs dire qu'ils ont été victimes de cette condition. Quiconque travaillait moins de 15 heures par semaine, même si c'était toute l'année, n'était pas admissible à l'assurance-chômage. De même, quiconque occupait deux ou trois petits boulots, qui pourraient bien être l'équivalent d'un emploi à temps plein, n'était pas admissible à l'assurance-chômage.

Par exemple, le travailleur ayant trois emplois à temps partiel de 14 heures par semaine chacun, pour un total de 42 heures, n'était pas admissible à l'assurance-chômage. Par contre, celui qui travaillait à temps plein 42 heures par semaine était admissible à l'assurance-chômage. Les travailleurs à temps partiel et ceux qui occupent plusieurs emplois sont doublement pénalisés. Ils ont de la difficulté à travailler plus de 15 heures par semaine à cause du plafond imposé par les employeurs. Ils ne peuvent ainsi devenir admissibles à l'assurance-chômage.

En fondant l'admissibilité sur le nombre d'heures travaillées, ce projet de loi élimine ces iniquités. L'assurance-emploi établit également de meilleures règles pour l'établissement du niveau des prestations pour les travailleurs à temps partiel. Les prestations d'assurance-chômage actuelles sont fondées sur le total des semaines de travail rémunérées avant la perte d'emploi. Le nouveau régime d'assurance-emploi utilisera la rémunération moyenne au cours d'une période fixe avant la perte d'emploi. La durée de la période variera selon le taux de chômage de chaque région. Le montant des prestations sera déterminé en fonction des gains hebdomadaires moyens, de sorte que tous les gains réalisés pendant la période fixe seront comptabilisés aux fins des prestations. Ce système est équitable.

(1510)

Les amendements apportés par suite de l'examen du comité permanent permettront de tenir compte des écarts de revenu au moyen d'une méthode améliorée qui permettra de comptabiliser tous les gains accumulés au cours de la période de 26 semaines précédant la demande de prestations. En outre, le nouveau dénominateur, soit deux semaines de plus que la norme minimale d'admissibilité de chaque région, permettra de tenir compte des différences régionales au chapitre des conditions d'emploi.

Ces mesures permettent de relier plus directement les prestations aux gains que ne le faisait l'ancien système. Elles inciteront davantage les travailleurs à chercher d'autres emplois.

Le projet de loi C-12 avantage les travailleurs à temps partiel et les personnes ayant plusieurs emplois de plusieurs façons fondamentales. Plus le travailleur aura accumulé de gains pendant la période de 26 semaines précédant le chômage, jusqu'à concurrence d'un maximum annuel, plus ses prestations seront élevées, indépendamment de la manière dont il aura accumulé ses gains. Les gains totaux provenant de tous les emplois, y compris les emplois à temps partiel de moins de 15 heures par semaine, occupés pendant les 26 semaines précédant le début de la période de chômage sont inclus. Le travail supplémentaire effectué pendant la période de gains fixe, même à moindre salaire, contribuera à accroître les gains et, de ce fait, les prestations.

Le nouveau régime d'assurance-emploi englobera 2,4 millions de travailleurs à temps partiel, comparativement à 1,9 million à l'heure actuelle. Pas moins de 500 000 travailleurs à temps partiel de plus verront pour la première fois leurs gains assurés. Certains de ces travailleurs devront également payer des cotisations pour la première fois. On estime cependant que 380 000 d'entre eux auront droit au remboursement de leurs cotisations.

Le nombre de travailleurs à temps partiel qui paieront des cotisations sera moins élevé en vertu du nouveau régime d'assurance-emploi qu'en vertu du système actuel, soit 1,7 million comparativement à 1,9 million. Environ 300 000 travailleurs à temps partiel qui gagnent actuellement moins de 2 000 $ par année et qui versent des cotisations recevront un remboursement de leurs cotisations. C'est très important. Pour le reste des travailleurs à temps partiel cotisant au système actuel, soit 1,6 million de travailleurs, leurs cotisations seront réduites de 3 $ à 2,95 $ pour chaque centaine de dollars de gains assurables. En tant que groupe, les travailleurs à temps partiel paieront environ 6 millions de dollars de moins qu'aujourd'hui, en cotisations.


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Le projet de loi C-12 offre un régime d'assurance-emploi qui correspond à la réalité économique actuelle. L'assurance-emploi continuera à offrir un soutien au revenu à 2,4 millions de chômeurs canadiens. L'assurance-emploi tient compte des circonstances variables sur le marché du travail des différentes régions. L'assurance-emploi traite tous les travailleurs équitablement et détermine les prestations selon un calcul réaliste de leur travail. L'assurance-emploi encourage les travailleurs à augmenter leurs heures de travail et leur revenu et décourage la dépendance de cette forme d'aide.

Les mesures d'emploi prévues dans le nouveau système contribueront à ramener les chômeurs au travail et à créer de l'emploi et stimuleront la croissance. Les exigences de l'assurance-emploi sont beaucoup plus faciles à administrer pour les employeurs.

Ayant cotisé 32 ans à ce programme, je sais qu'il a besoin d'être modernisé. Les députés de mon parti et moi-même sommes prêts à appuyer ce projet de loi. Nous devons faire vite, pour aider les contribuables du Canada en épargnant 1,2 million de dollars d'ici l'an 2001. Les députés ont toutes les raisons du monde d'adopter ce projet de loi sans délai.

M. Wayne Easter (Malpèque, Lib.): Monsieur le Président, je sais que le député de Souris-Moose Mountain se trouvait, en fin de semaine dernière, à l'Île-du-Prince-Édouard où il examinait les problèmes des jeunes avec le comité. Nous avons eu la chance de l'avoir parmi nous. À l'occasion de sa visite, il a parlé à un grand nombre d'insulaires. Pourrait-il nous dire ce que pensent les insulaires de la nouvelle loi sur l'assurance-emploi? Je vais faire un petit rappel à l'intention du député. Plus tôt dans la matinée, le député de Lévis a laissé une impression tout à fait fausse de ce qu'a dit le ministre du Développement économique de l'Île-du-Prince-Édouard au comité.

(1515)

Pour la gouverne des députés de Souris-Moose Mountain et de Lévis, le ministre du Développement économique de l'Île-du-Prince-Édouard a dit ceci: «L'idée que des changements soient apportés au système en place n'a jamais fait peur à l'Île-du-Prince-Édouard. Ce ne sera pas la première fois.»

Puis il a poursuivi: «J'espère que vous avez une influence sur les ministériels qui font également partie de ce comité, car je crois qu'il est très important que vous profitiez de l'occasion pour entendre ce que les gens de l'industrie saisonnière pensent à ce sujet.»

Pour conclure, il a dit: «L'Île-du-Prince-Édouard appuie l'initiative du gouvernement en vue de s'attaquer à la situation que vous avez décrite. Vous avez l'appui du gouvernement de l'Île-du-Prince-Édouard et, je suppose, de tous les partis politiques de l'île.

À son avis, les gens qui se trouvaient à cette réunion à l'Île-du-Prince-Édouard n'estiment-ils pas que les changements que nous avons apportés sont très positifs et très clairvoyants, contrairement à ce que le député de Lévis a essayé de laisser entendre plus tôt?

M. Collins: Monsieur le Président, je remercie le député de Malpèque de sa question.

Permettez-moi d'assurer au député que les gens dans l'est du Canada et sur l'île appuient les initiatives proposées. S'il y a des gens qui comprennent le problème, ce sont bien les gens de l'Île-du-Prince-Édouard.

Ils sont prêts à changer et ils n'attendent que le genre de leader-ship dont le gouvernement est prêt à faire preuve par l'intermédiaire du ministre et du comité. Ils comprennent que les changements sont inévitables et qu'ils prendront en considération ceux que les iniquités du système avaient auparavant laissés pour compte. Si une personne travaille 15 heures par semaine, ces 15 heures doivent donner lieu à des prestations.

Je remercie le député d'avoir soulevé cette question. De temps à autre, on fait des erreurs en citant quelque chose. Je suis heureux que le ministre du Développement économique de l'Île-du-Prince-Édouard ait comparu devant le comité pour tirer cela au clair. Les travailleurs sont en mesure de reconnaître des initiatives positives et de voir que les gens qui ont travaillé moins de 15 heures par semaine peuvent accumuler ces heures. Ils se rendront compte que, grâce aux prestations d'assurance-emploi, ils seront traités équitablement dans le cadre du système.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, je serai très bref. Le député de Malpèque, en invitant son collègue à corroborer ses propos, a voulu corriger une impression. Je me rappelle très bien, même si je n'ai pas les bleus avec moi en Chambre en ce moment, de la réponse à une de mes questions. Je lui demandais ce qu'il entendait par «parler aux autres députés libéraux pour les convaincre d'adoucir quelque peu» parce que, disait-il, les changements étaient trop rapides.

Je pose une question très simple à l'honorable député pour lui donner la chance de répondre. Est-il d'accord, lui qui représente l'île-du-Prince-Édouard, à ce que ses concitoyens perdent 11 millions de dollars?

[Traduction]

M. Collins: Monsieur le Président, j'ai compris la première partie de la question.

Lorsque nous aurons apporté tous les changements à ce projet de loi, le député constatera que tous les Canadiens, qu'ils soient de sa circonscription ou de l'Île-du-Prince-Édouard, seront traités équitablement, y compris ceux qui étaient auparavant exclus du régime.

Y aura-t-il assez d'argent pour tout le monde? La réponse est oui. La réduction de la cotisation, qui baissera de 3 $ à 2,95 $ dans certains cas, représente à elle seule un élément important. Les femmes exclues du régime parce qu'elles occupent plusieurs petits emplois seront dorénavant admissibles. Je crois que le gouvernement mérite des félicitations. Je suis convaincu que ce projet de loi recevra un appui général dans tous les coins du pays.

Mme Roseanne Skoke (Central Nova, Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi C-12 ne met pas simplement l'accent sur la modernisation d'un régime d'assurance-chômage qui était périmé. Il porte sur les emplois. Il offre de nouvelles possibilités et crée un


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meilleur climat pour la création d'emplois. Il vient aider les chômeurs canadiens à trouver du travail. Il veut vaincre le statu quo, aider les jeunes, les femmes, les travailleurs déplacés partout au pays à retourner rapidement sur le marché du travail et à reprendre le contrôle de leur vie. Il fait ressortir la priorité numéro un du gouvernement: investir dans les Canadiens.

(1520)

Au cours des quatre derniers mois, le nombre d'emplois a augmenté de 91 000, la plus forte augmentation trimestrielle en deux ans. Depuis novembre 1993, plus d'un demi-million d'emplois, 596 000, pour être exact, ont été créés dans notre pays. Notre stratégie de création d'emplois fonctionne donc. L'assurance-emploi est un élément clé de cette stratégie. La clé de voûte de l'assurance-emploi se trouve dans la partie II du projet de loi C-12: ce sont les nouvelles prestations d'emploi.

Nous faisons de mesures actives favorisant l'emploi une partie intégrante du régime d'assurance. Nous disons que l'assurance-emploi ne devrait pas simplement être un soutien passif du revenu pour les chômeurs. Elle doit aider à abattre les obstacles qui empêchent les chômeurs de trouver du travail. Elle doit contribuer à faire en sorte que ceux qui perdent leur emploi obtiendront l'aide dont ils ont besoin pour essayer de s'adapter à une économie en évolution rapide. Elle doit garantir la croissance et l'évolution de notre économie et veiller à ce que les travailleurs reçoivent le type d'aide dont ils ont besoin pour s'adapter.

L'assurance-emploi y parviendra en se concentrant sur ce qui fonctionne, sur les choses qui font réellement une différence pour ceux qui cherchent du travail, en travaillant ensemble, en construisant des ponts entre les différents niveaux de gouvernement, les entreprises, les collectivités et les organismes de service, en clarifiant le rôle du gouvernement fédéral sur le marché du travail et en créant des accords plus souples avec les provinces et les territoires pour harmoniser les prestations d'emploi que l'on propose avec les programmes provinciaux.

Regardons comment se présentent ces points dans le projet de loi C-12. Le projet de loi définit de la façon la plus claire et la plus simple l'objectif des prestations d'emploi: aider les gens à obtenir ou à conserver un emploi.

Les prestations d'emploi sont axées sur les résultats et elles seront gérées en fonction des résultats. Il n'y a qu'une règle qui compte: remettre les gens au travail. Cette règle figure précisément dans le projet de loi, à l'alinéa 57(1)f). Nous essayons de rationaliser le labyrinthe des programmes d'emploi fédéraux pour en faire un ensemble d'outils beaucoup plus simples et beaucoup plus souples, qui ont été essayés et éprouvés et qui garantissent des résultats.

Par exemple, les subventions salariales fonctionnent. Elles encouragent les employeurs à embaucher une personne qui risquerait d'être en chômage pendant longtemps parce qu'elle se heurte à certains obstacles. En vertu des programmes antérieurs, ceux qui recevaient ces subventions étaient en mesure d'obtenir en moyenne 16 semaines de travail de plus, ce qui augmentait leur rémunération annuelle moyenne de près de 5 000 $, éliminant presque quatre semaines d'aide sociale et tout cela pour un coût de seulement 3 000 $ par participant.

Les suppléments de rémunération fonctionnent. Ils aident à créer du travail pour les chômeurs qui ont besoin d'aide pour se réinstaller dans un emploi. L'emploi indépendant fonctionne puisqu'il aide les chômeurs à créer leur propre travail et, en même temps, à en créer pour d'autres.

Notre expérience, jusqu'à maintenant, nous apprend que ces nouveaux entrepreneurs gagnent 142 $ par semaine de plus que les non-participants, qu'ils réclament 92 p. 100 de moins de prestations d'assurance-chômage que les travailleurs comparables et qu'ils ont 30 p. 100 de moins de chances d'avoir recours à l'assistance sociale. En moyenne, tous les participants qui lancent une nouvelle entreprise pour eux-mêmes créent également un autre emploi pour quelqu'un d'autre.

Les partenariats pour la création d'emplois fonctionnent. Aux termes de cette prestation, les travailleurs sans emploi sont incités à gagner un revenu tout en faisant l'acquisition de nouvelles compétences et d'une expérience de travail utile. Ce type de prestation d'emploi non seulement améliore les perspectives d'avenir des personnes concernées, mais aide également à développer et diversifier les économies locales.

Nous savons aussi que l'acquisition de compétences est une bonne chose. La meilleure façon d'obtenir un emploi pour un Canadien est d'avoir les compétences nécessaires pour l'économie d'aujourd'hui. Lorsque les provinces donneront leur accord, on offrira une cinquième prestation d'emploi, des prêts et subventions de perfectionnement qui donneront aux travailleurs sans emploi la possibilité de poursuivre leur perfectionnement. Ces prêts et subventions seront centrés sur les choix individuels plutôt que sur la formation dictée par le gouvernement.

Nous sommes également conscients du fait que la formation et l'éducation sont de compétence provinciale. Ainsi, on ne mettra en oeuvre les prêts et les subventions de perfectionnement dans une province qu'avec l'accord de cette province. En fait, un des points forts du projet de loi C-12, c'est qu'il clarifie plus que jamais les responsabilités fédérales et provinciales dans ce domaine. Il engage le gouvernement fédéral à travailler de concert avec les provinces pour aider les travailleurs à se trouver de l'emploi.

(1525)

Dans le cadre d'ententes officielles avec les provinces, le gouvernement fédéral verra à ce qu'on réponde aux besoins des sans-emploi et à ce que les mesures d'emploi leur donnent la possibilité de retourner rapidement sur le marché du travail. C'est un signe sans précédent d'ouverture et de souplesse qui prouve que le fédéralisme est un système dynamique en pleine évolution qu'on peut modifier pour répondre aux besoins des gens.

En fin de compte, le projet de loi C-12 a pour objectif de bâtir des ponts, de faire tomber les anciennes barrières qui étaient un obstacle à la collaboration dans le passé et qui empêchaient des Canadiens de travailler. Ce qui importe pour les Canadiens, ce sont les résultats, peu importe l'ordre de gouvernement qui offre les prestations et mesures d'emploi. La souplesse, la responsabilité, la collaboration et les partenariats sont essentiels pour obtenir des résultats.

Grâce à l'assurance-emploi, de nouveaux partenariats pourront se créer et évoluer à l'avenir. Elle conduira à des programmes d'emploi plus efficaces, correspondant davantage aux réalités sur le marché du travail local. On va également consacrer toutes nos


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ressources et nos énergies au véritable défi auquel nous sommes confrontés, celui d'aider les Canadiens à trouver et garder un emploi.

Nous allons investir dans des mesures d'emploi quelque 800 millions de dollars prélevés sur les économies que nous allons réaliser grâce à ce projet de loi. Si on ajoute à cela le 1,9 milliard de dollars déjà prévu pour les services d'emploi, cela signifie qu'au total, on va dépenser 2,7 milliards de dollars pour aider activement les chômeurs à retourner sur le marché du travail.

Cet investissement sera rentable, puisqu'on aidera jusqu'à 400 000 Canadiens chaque année et qu'on créera plus de 100 000 emplois. De plus, un fonds de transition de 300 millions de dollars créera des milliers d'autres emplois dans les régions à chômage élevé. C'est le type de résultats dont nous avons besoin. Cela doit être l'objectif de l'assurance-emploi, aider les gens qui perdent leur emploi à retourner sur le marché du travail le plus rapidement possible.

C'est une grande priorité pour le gouvernement et pour tous les Canadiens de tout le pays. Les travailleurs canadiens veulent plus que des programmes bureaucratiques rigides et un programme d'assurance-chômage périmé, conçu simplement pour maintenir le statu quo. Ils veulent des emplois. Ils veulent un système qui donne des résultats, un système tourné vers le XXIe siècle. Ils ont besoin d'un régime d'assurance-emploi moderne, actif et efficace comme celui défini dans ce projet de loi et je recommande à la Chambre d'adopter cette mesure.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, je m'étais préparé à faire un discours de 20 minutes, mais on me dit que c'est maintenant 10 minutes. J'exprimerai alors 10 idées. La première qui me vient à l'esprit s'impose d'elle-même. Pour moi, aujourd'hui est une journée funeste, c'est une journée triste, parce que c'est la troisième lecture du projet de loi C-12 portant sur la réforme de l'assurance-chômage.

C'est triste parce que cette réforme amène deux milliards de dollars de coupures, en plus des cinq milliards de coupures effectuées par le premier budget fédéral et le projet de loi C-17 concernant l'assurance-chômage, il ne faut pas l'oublier.

Les présentes coupures s'additionnent aux autres. Il ne faut pas oublier non plus les trois millions de prestataires qui, à un moment ou l'autre de l'an passée, ont eu droit à l'assurance-chômage. Tout le monde subira des coupures d'au moins 10 p. 100 individuellement.

Mais c'est trise aussi pour la démocratie, parce que s'il y a un projet de loi important actuellement à l'étude, c'est bien celui-là qui affecte trois millions de personnes. S'il y a eu un projet important dans le cours de la présente législation, ou présenté par l'actuel gouvernement, c'est bien celui-là.

Qu'a fait le gouvernement face à son plus important projet de loi? Il a adopté une stratégie de camouflage. Il a adopté un agenda qui essayait de jeter le plus d'ombre possible sur ce projet de loi.

(1530)

Je suis membre du Comité du développement des ressources humaines. On a parlé d'une grande réforme des programmes sociaux dans laquelle se situait la réforme de l'assurance-chômage. On a fait une tournée, et 80 p. 100 des gens se sont prononcés contre la réforme. On a déposé un rapport en février 1995, et on a attendu longtemps, jusqu'à l'après référendum. On a laissé passer une période de sept à huit mois et on a attendu que le référendum québécois soit terminé pour déposer en Chambre ce projet de loi, le 1er décembre dernier.

Pourquoi le 1er décembre? Parce que c'était la période des Fêtes. On espérait que ce projet de loi passe inaperçu. Cela n'a pas été le cas. Partout, il y a eu des manifestations, surtout dans les régions de l'Atlantique et au Québec. Mais cette réforme a semblé soulever moins de réactions dans certaines régions, notamment dans la région de Québec et de Chaudière-Appalaches. À première vue, la nouvelle n'a pas suscité beaucoup de réaction dans cette région.

Mais c'est une opération bâillon, parce qu'on a tenté de nous bâillonner à plusieurs reprises, premièrement à l'étape de la première lecture; on a éliminé la deuxième lecture; on a procédé à des pré-études en comité et on a limité le travail en comité. Pour la troisième fois dans l'histoire de la Confédération, on a bâillonné le travail en comité, on a limité le travail en comité.

Au cours de l'étape du rapport, on a également bâillonné la Chambre et, en troisième lecture, on limite le débat à une seule journée. Mais là, on choisit la bonne journée, on essaie de faire coïncider cela avec des événements politiques plus savoureux, à première vue. D'abord, il y a eu le projet de loi C-33, un projet de loi qui portait sur la discrimination contre les homosexuels. C'est bien important, je suis d'accord. Et là, qu'est-ce qu'on fait? On fait coïncider cela avec les débats qui ont lieu au Québec et un peu partout sur la cause Bertrand, qui tente d'attirer l'attention de tous les médias sur quelque chose d'important, oui, la Constitution canadienne et le droit que veut invoquer M. Bertrand pour empêcher le Québec d'avoir accès à sa souveraineté. C'est important, sauf qu'en plaçant cela ainsi dans le calendrier politique, on tente aujourd'hui de mettre de l'ombre sur ce projet de loi.

Je parlais de pétitions. Certaines sont recevables par la Chambre et certaines ne le sont pas. Hier, je me suis rendu en Beauce, dans une région tranquille, le royaume de la PME au Québec, où il y a plus de 500 entreprises, et une coalition pour l'équité sociale m'a remis une pétition de 2 142 noms. Cependant, ils ont oublié de spécifier à qui elle s'adressait, en indiquant: «On demande à la Chambre des communes le retrait du projet de loi.» Ils se prononçaient contre le projet de loi, mais ils ont oublié les mots «Chambre des communes». La pétition n'est donc pas recevable, mais je me suis engagé à la remettre à qui de droit et à la fin de mon discours, je vais la remettre au ministre du Développement des ressources humaines, à son cabinet, car c'est très important.

Ce matin, j'ai déposé une pétition venant des travailleurs de la MIL Davie, qui ont particulièrement écopé. Vous savez que dans la région de Québec, MIL Davie est la plus grosse entreprise privée. J'ai fait le décompte de l'impact que cela aurait pour eux. Si, pour la


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prochaine année, on a le même taux de chômage et le même nombre de chômeurs qu'au cours des cinq dernières années, on aurait un impact de 884 280 $. C'est simplement pour ces travailleurs. Mais à terme, en cinq ans, à cause de l'effet récurent, ce serait près de 1,4 million de dollars que les travailleurs perdraient de leurs poches pour nourrir leur famille, mais aussi pour payer l'épicerie, pour acheter des marchandises dans la région de Lévis. Les gens semblent oublier cela.

Au niveau de la grande région de Québec et Chaudière-Appalaches, l'année passée, 59 000 personnes ont bénéficié des prestations d'assurance-chômage. Elles ont touché au total 586 064 393 $. C'est de l'argent, ça! Si on tient compte du pourcentage que le gouvernement a établi lui-même pour la réforme à terme, 10 p. 100, cela veut dire tout près de 60 millions, 58 millions de dollars de moins pour la grande région de Québec. Cela a un impact pour le propriétaire de dépanneur. Cela a un impact aussi pour le concessionnaire automobile.

(1535)

Cela a un impact pour tout le monde, pas simplement pour les familles concernées. Pour l'ensemble du Québec, la répercussion économique à terme de cette réforme sera un manque à gagner de 534 millions par année, soit une diminution de 10 p. 100.

Systématiquement, je demande aux députés du Parti libéral, lorsqu'ils parlent en Chambre, s'ils se rendent compte qu'à Terre-Neuve, ce sera 105 millions de moins par année; à l'Île-du-Prince-Édouard, 116 millions de moins par année; en Nouvelle-Écosse, 63 millions de moins par année; au Nouveau-Brunswick, 72 millions de moins par année; au Québec, je l'ai dit, 534 millions de moins par année s'ajoutant déjà au quelque 700 millions de pertes à cause du projet de loi C-17. C'est donc 1,2 milliard par année que le gouvernement libéral privera les Québécois au cours des prochaines années. En Ontario, il s'agit de 380 millions de moins; au Manitoba, 31 millions de moins; en Saskatchewan, 26 millions de moins; en Alberta, 93 millions de moins; en Colombie-Britannique-et j'entendais le député de Medicine Hat, cette région de l'Alberta tout près de la Colombie-Britannique-c'est 240 millions.

Selon les chiffres du gouvernement, au total, c'est 1,56 milliard de dollars. Les observateurs disent au contraire que c'est au-delà de deux milliards.

Il y a aussi un impact pour les industries et il y en a qui sont plus affectées que d'autres. Dans le domaine forestier, 14 p. 100 de moins; en agriculture, 12 p. 100 de moins; celui de la fabrication, 9 p. 100 de moins; dans la construction, 9 p. 100 de moins; le transport, 8 p. 100 de moins; l'hôtellerie, 8 p. 100 de moins; les mines 7 p. 100 de moins; les services gouvernementaux, parce qu'il y a des coupures, 7 p. 100 de moins; l'immobilier, 6 p. 100 de moins; le commerce, 6 p. 100 de moins; les finances, 5 p. 100 de moins, etc. Il n'y a aucun secteur qui sera avantagé par la réforme.

L'aspect scandaleux de l'affaire, c'est que les députés d'en face se sont fait élire, le premier ministre actuel en tête, lui qui avait écrit une lettre, le 26 mars 1993, dénonçant le projet de loi que les conservateurs voulaient adopter comme étant scandaleux. Il s'objectait, il trouvait cela injuste. Je lui réponds que ce projet de loi qu'il a présenté devant la Chambre est aussi injuste, régressif, créateur de pauvreté.

Et si on pense qu'il y a seulement les gens du Bloc québécois qui sont contre ce projet de loi, un sondage paru dans Le Devoir d'aujourd'hui indique ce qu'en pensent les Québécois. Le titre est le suivant: «75 p. 100 des Québécois sont pour le rapatriement de l'assurance-chômage». Mais ils sont contre les effets des mesures annoncées.

Le Bloc québécois est là pour représenter les intérêts du Québec et aussi de l'ensemble des Canadiens à titre d'opposition officielle. Et on se sent appuyés.

La députée de Mercier a remis au ministre du Développement des ressources humaines 40 000 cartes de protestation venant de citoyens dans l'ensemble du Québec. On ne se sent pas seuls. Le journal dit que la députée de Mercier s'est butée à une porte close, le ministre n'étant pas là, comme il n'était pas là non plus la semaine dernière pour recevoir les gens qui avaient fait 14 heures d'autobus pour venir le rencontrer ici à Ottawa. Aucun ministre n'a voulu les rencontrer. Aucun ministre, ni le premier ministre n'a voulu les rencontrer.

Tout cela pour vous dire en quelques minutes que le Québec, et non seulement le Québec, mais les gens des provinces Maritimes, et 80 p. 100 des personnes qui ont soumis des mémoires étaient contre la réforme de l'assurance-chômage.

M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, pour commencer, j'ai un commentaire relativement à l'exposé que vient de faire le député d'en face.

J'aimerais faire un commentaire relativement à l'assurance-emploi et les femmes. Le projet de loi qui est devant la Chambre cet après-midi est un projet de loi qui élimine le piège des emplois à 15 heures par semaine. Pour éviter de payer des cotisations d'assurance-chômage, certains employeurs limitent la durée de travail des employés à temps partiel à moins de 15 heures par semaine.

Le nouveau système qui est fondé sur les heures travaillées éliminera ce plafond invisible. Dans le nouveau système aussi, les employeurs auront moins de raisons de limiter les heures de travail de leurs employés à temps partiel, puisque toutes les heures seront assurables aux fins du système.

(1540)

Il faut aussi se rappeler que les femmes constituent une très grande part de ces travailleurs, c'est-à-dire 69 p. 100. Ensuite, relativement à l'assurance-emploi et aux femmes, il s'agit d'étendre la protection de cette assurance à tous les travailleurs à temps partiel. Il faut aussi se souvenir que des 270 000 femmes travaillant à temps partiel, il y en aura 204 000 seulement au Canada qui auront droit au remboursement de leurs cotisations.

C'est aussi important de mentionner que beaucoup de femmes ici, dans ce pays, détiennent plus d'un emploi. Lorsqu'elles détiennent plus d'un emploi, c'est tout simplement parce qu'elles n'avaient pas accès à l'assurance-emploi parce qu'elles travaillaient moins de 15 heures par semaine.

Ce qui est aussi important, c'est que les dépenses engagées dans les mesures de soutien à l'assurance-emploi aideront plus de 180 000 femmes ici, dans ce pays, à se trouver du travail.

Ma question est la suivante: le député d'en face a émis une remarque à l'effet que ce projet de règlement avait un caractère


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régressif et qu'il créerait du chômage. Ne reconnaît-il pas que ce projet de loi a une certaine équité vis-à-vis les femmes?

M. Dubé: Monsieur le Président, c'est bien le contraire. Le député tombe à point. Je sais que ma collègue de Québec, dans une prochaine allocution, aura l'occasion de lui fournir d'autres renseignements. C'est vrai que ceux qui détiennent en majorité les emplois précaires et à temps partiel, ce sont les femmes, à 70 p. 100, mais il y a aussi des jeunes. Ce qu'on peut retenir, c'est que théoriquement, ils pourront se qualifier, mais en pratique, c'est tout le contraire qui va arriver.

Je vais expliquer au député qui, habituellement, comprend bien les choses. Voici ce qui se produira. Il est vrai que certains employeurs faisaient ce que le député disait, mais là, il y aura un changement de comportement chez les employeurs. Avant, ils ne cotisaient pas pour les employés qui travaillaient 15 heures et moins, mais maintenant qu'ils devront cotiser, qu'est-ce qui va arriver? Ils préféreront faire faire des heures supplémentaires à des employés permanents plutôt que de cotiser.

Il faut se rappeler que le projet de loi est un peu le contraire de Robin des Bois. Ce projet de loi abaisse le plafond des gains assurables de 42 380 $ à 39 000 $, faisant en sorte que les employeurs seront portés à utiliser ces employés-là et à leur faire faire des heures supplémentaires, donc diminuer le travail des employés à temps partiel. C'est l'effet contraire à l'effet recherché.

Au plan statistique, selon les prévisions de plusieurs spécialistes dans le domaine, 25 p. 100 des femmes travaillant à temps partiel plus de 15 heures vont être abandonnées par le système parce qu'on augmente le nombre d'heures. Maintenant, pour se qualifier, dans ma région, il faudrait qu'une personne travaille 17 heures et demie par semaine pendant 26 semaines. Auparavant, c'était beaucoup moins que ça.

On élimine du monde. Au moins 25 p. 100 des gens seront éliminés du système. Il n'y aura que 5 p. 100 de plus. Alors, l'écart est de moins 20 p. 100. Ça, ce sont de vrais chiffres, les chiffres du ministère. Ils ne sont pas inventés, pas charriés, ce sont les chiffres du ministère.

Si c'est si bon que ça, comment se fait-il que la Fédération des femmes du Québec, dimanche dernier, après une étude approfondie, ait dit que cela avait un caractère discriminatoire pour les femmes et pour les jeunes. Elle se demandait même si elle ne pouvait pas aller devant les tribunaux pour déclarer l'aspect discriminatoire de cela, parce que les deux groupes les plus affectés par ces changements sont les femmes et les jeunes.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, je suis native du Saguenay, mais je suis la députée de Québec. Je suis heureuse de me prononcer, encore une fois aujourd'hui, sur ce projet de loi. Je peux dire que je suis heureuse de me prononcer sur ce projet de loi, mais pas ce sur quoi le gouvernement s'apprête à voter.

Je vais vous dire pourquoi je ne suis pas heureuse de ce projet de loi. C'est un projet de loi qui va pénaliser une grande partie de la population de mon comté. Je pense, par exemple, aux artistes de mon comté, aux femmes et ceux et celles de mon comté qui n'ont pas d'emploi présentement. Dans mon comté, il y a une partie de la population qui vit sous le seuil de la pauvreté et dans certains secteurs de mon comté, 50 p. 100 des gens vivent sous le seuil de la pauvreté.

(1545)

Donc, je peux dire que les artistes de mon comté, ceux qui travaillent aussi dans le domaine du tourisme sont des travailleurs saisonniers et ils seront pénalisés par ce projet de loi.

Je pense aussi aux jeunes et aux femmes de mon comté. Je sais qu'il y a beaucoup de femmes monoparentales dans mon comté et aussi des jeunes qui sont présentement sans emploi.

Ce projet de loi fait également des dédoublements, des chevauchements, malgré les belles promesses qu'on a entendues dans le discours du Trône. On a pu encore entendre M. Chrétien, le premier ministre, pas plus tard qu'hier soir nous annoncer qu'il verrait peut-être à faire en sorte qu'on cesse d'empiéter dans les juridictions des provinces. Ce sont encore de belles promesses. On l'avait promis dans le discours du Trône, et on n'a même pas le courage de le faire dans un projet de loi tel que celui que nous étudions présentement.

Donc, je ne suis pas heureuse non plus parce que les critères sont resserrés. Par contre, on est capable de se garder 5 milliards de dollars dans la Caisse de l'assurance-chômage, quand ce gouvernement ne verse plus un sou à cette même caisse.

Donc, je pense que c'est un mauvais projet de loi. Il pénalisera beaucoup de gens. Il ne tient pas compte de la réalité du marché ainsi que de la réalité économique, de la précarité de l'emploi. C'est également un projet de loi qui bafoue la volonté du peuple du Québec de rapatrier la formation de la main-d'oeuvre.

Un sondage SONDAGEM vient justement d'être publié dans lequel on dit que 75 p. 100 de la population souhaite que le Québec puisse gérer l'assurance-chômage; 70 p. 100 nous disent que les programmes de formation professionnelle devraient aussi relever de la compétence provinciale. Ce n'est pas nous, c'est la population qui le dit avec nous. Ce gouvernement ne respecte pas la volonté du Québec.

M. Nault: Oh, oh!

Mme Gagnon (Québec): Vous non plus, mon collègue de l'autre côté de la Chambre. Quand vous parlez, cher collègue, je vous écoute.

C'est un mauvais projet de loi parce qu'il va grossir les rangs des assistés sociaux du Québec et peut-être d'ailleurs au Canada. C'est un projet de loi qui ne tient pas compte de cette réalité. D'ailleurs, le président du Conseil du Trésor se vantait en disant que lorsque le gouvernement du Québec allait annoncer son budget, on allait pouvoir, nous du Canada, dire que seul le gouvernement canadien pourrait assurer un filet de sécurité sociale.


2770

Donc, je dis que ce projet de loi va grossir les rangs des assistés sociaux au Québec. Et qui va payer pour ça? Ce sont les provinces, dont la provinces de Québec. D'autant plus qu'on a coupé aussi dans le Transfert social canadien. On l'a peut-être oublié, mais je vais le rappeler ici pour ceux et celles qui m'écoutent présentement, on a aussi coupé dans le Transfert social canadien, ce qui vient également pénaliser le budget du secteur des assistés sociaux.

C'est un mauvais projet de loi, parce qu'on entrera dans le couloir de la pauvreté de façon encore plus rapide. C'est un projet de loi punitif, qui veut rendre responsables les personnes, celles et ceux qui n'ont pas d'emploi. On veut les rendre responsables de la précarité de l'emploi. Je vous dirai pour quelle raison par la suite.

Il est dommage que je n'aie que je ne dispose que de dix minutes car une grande quantité d'éléments de ce projet de loi pénaliseront beaucoup de gens.

Ce projet de loi fait également cadeau à certaines personnes, aux employeurs et aux employés qui détiennent un emploi dont la rémunération dépasse les 39 000 $. Ces salariés n'auront plus à cotiser à l'assurance-chômage, ce qui représente un montant de 900 millions de dollars. Quel effet aura cette proposition? Que les salariés qui gagnent 39 000 $ feront les heures supplémentaires, parce qu'aucun employeur ne décidera d'embaucher quelqu'un à temps partiel ou un surnuméraire pour lequel il devrait cotiser à l'assurance-chômage. Il s'agit donc d'un mauvais projet de loi.

(1550)

Je vais vous dire pourquoi c'est un mauvais projet de loi. C'est parce que 77 p. 100 des femmes occupent des postes à temps partiel et 31 p. 100 de ces postes sont occupés par des femmes qui font moins de 15 heures. On sait que celles qui font moins de 15 heures auront, avec ce projet de loi, à payer des cotisations, mais ne pourront pas se qualifier.

On sait très bien que c'est une façon de faire du gouvernement d'aller chercher plus d'argent dans les poches de la population. Donc c'est un mauvais projet de loi parce que les revenus des femmes sont de 25 000 $ et moins. C'est un mauvais projet de loi parce qu'elles vont doubler leurs heures de travail et celles qui ont du travail à temps partiel ne pourront pas se qualifier.

L'absence prolongée de certaines femmes qui auront des enfants ou qui se sont retirées du marché du travail pendant un certain nombre d'années, quand elles voudront y revenir, si elles veulent obtenir un travail à temps partiel, elles devront faire encore beaucoup plus et ne pourront toujours pas se qualifier.

Bien que la secrétaire d'État à la situation de la femme nous ait dit que c'est un projet de loi empreint d'équité et d'inclusion, le resserrement des critères fait en sorte que c'est le contraire que l'on va atteindre. On va donner à moins de monde, et à moins de monde on donnera beaucoup moins d'argent et beaucoup moins de semaines de prestations.

Je voudrais vous citer des propos du rapporteur de l'ONU qui disait que «la violence est un problème social qui prend ses racines dans l'inégalité entre les sexes». Moi je vous rappelle cela aujourd'hui parce que je sais que le gouvernement s'est vanté d'avoir un plan stratégique sur l'égalité des sexes et que ce plan sera mis en oeuvre dans tous les ministères. Je pense qu'on est bien mal partis. Le ministère du Développement des ressources humaines adopte un projet de loi qui ira à l'encontre de l'intérêt économique des femmes.

Je voulais aussi vous souligner qu'il y a des artistes dans mon comté qui seront pénalisés. Le Conseil de la culture de Québec, dans une lettre adressée, justement, au ministre du Développement des ressources humaines, disait que c'était un mauvais projet de loi parce que les artistes ont un travail saisonnier et cela va aggraver leurs conditions économiques. Il y aura donc une perte importante des revenus pour les danseurs, étant donné la nature contractuelle et saisonnière de leur travail.

Pourquoi? Pour trois raisons: calcul de l'admissibilité en fonction du nombre d'heures travaillées; calcul de la durée des prestations reliées aux dernières semaines précédant la dernière semaine travaillée; et la règle d'intensité. On sait que les femmes et les travailleurs saisonniers, dont les artistes, les gens travaillant dans le domaine du tourisme, quand ils iront demander plusieurs fois de l'aide à l'assurance-chômage, à cause de la précarité de leur emploi, ils seront pénalisés de 1 p. 100 par année sur cinq ans.

Si on me dit que c'est un bon projet de loi, pourquoi y a-t-il eu 40 000 personnes qui ont signé une pétition dénonçant ce projet de loi? Pourquoi la Fédération des femmes du Québec et autres groupes représentant les femmes du Canada ont-ils dénoncé ce projet de loi? Pourquoi y a-t-il 75 p. 100 des gens qui ont écrit un rapport pendant les travaux du comité, lesquels donnaient des orientations à ce ministre et aux gens qui vont adopter aujourd'hui ce projet de loi, 75 p. 100 de ces gens se sont prononcés contre?

C'est dommage et j'espère que ce gouvernement en paiera le prix un jour.

[Traduction]

M. Robert D. Nault (secrétaire parlementaire du ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, je note avec intérêt que la députée de Québec, dans ses observations, ne mentionne pas que la partie II du projet de loi décrit très clairement les cinq grands outils de création d'emplois qui seront utilisés avec le consentement des provinces et, en l'occurrence, du Québec.

(1555)

Je voudrais lui poser une question très précise concernant les travailleurs saisonniers et les travailleurs à temps partiel. La députée a répété maintes fois que les travailleurs à temps partiel sont des laissés-pour-compte.

Grâce à ce projet de loi, 18 000 Québécois qui n'étaient pas admissibles à l'ancien régime d'assurance-chômage auront désormais droit aux prestations d'assurance-chômage sous le nouveau régime. Pour la première fois dans l'histoire de ce programme, ces gens seront admissibles, en tant que travailleurs à temps partiel. Il s'agit le plus souvent de femmes, d'étudiants et de Canadiens à faible revenu. Quand on travaille à temps partiel, on ne touche pas de gros salaires. Ces gens sont désormais admissibles.


2771

Pourquoi la députée continue-t-elle d'affirmer que ce projet de loi exclut ces gens du régime, alors que 18 000 Québécois auront droit au nouveau régime fondé sur les heures plutôt que sur les semaines?

[Français]

Mme Gagnon (Québec): Monsieur le Président, je vois que mon collègue, qui s'apprête à voter sur ce mauvais projet de loi, n'a pas une lecture très précise de la réalité des choses sur le temps partiel. Je prends l'exemple de quelqu'un qui a deux emplois à temps partiel pour pouvoir se qualifier et qui, en cours de route, s'aperçoit qu'il n'est pas capable d'occuper ces deux emplois parce que les horaires ne conviennent pas ou que les responsabilités familiales pour les femmes ne lui permettent plus maintenant de l'occuper, parce qu'elle ou il veut se qualifier.

M. Nault: That's the best you can do?

Mme Gagnon (Québec): Vous m'avez posé une question et je vais vous répondre, mais écoutez-la. Donc, je vais hausser le ton, ces personnes ne pourront pas se qualifier parce qu'elles auront abandonné un des deux emplois. C'est la course à la «jobine». On voit bien que M. le député a un travail à temps plein.

Je peux vous dire que plusieurs personnes au Québec et, je suis contente, ailleurs aussi au Canada ont dénoncé ce projet de loi, justement pour les travailleurs à temps partiel. Donc, on voit queM. le député ne vit pas cette condition de façon quotidienne. Donc, c'est un mépris et c'est un manque de compréhension.

Je pense que quand il y a des gens qui ont dénoncé à 75 p. 100 ce projet de loi, que 75 p. 100 des gens ont dénoncé ce projet de loi, il doit y avoir des gens qui ont raison quelque part. Donc. . .

Le vice-président: Je regrette, mais le temps de l'honorable députée est expiré.

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, ma collègue de Québec, sauf votre respect, n'a pas eu les dix minutes, parce que j'ai terminé à moins dix. En plus, deuxième aspect, je ne sais pas si vous allez le recevoir, elle a été dérangée tout le temps par le secrétaire parlementaire, qui a confirmé son attitude méprisante envers les gens qui sont chômeurs et victimes du chômage.

Le vice-président: Malheureusement, le temps était expiré depuis quelques minutes. S'il y a consentement unanime de la Chambre pour prolonger son temps, on peut le faire, mais malheureusement, c'est le devoir du Président de couper de temps en temps. Je n'ai pas fait le calcul, mais je pense qu'il y a assez de temps pour les deux, le député qui a posé la question et la députée qui a répondu.

M. Bernard Patry (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien, Lib.): Monsieur le Président, le véritable enjeu du débat en cours, c'est la façon dont les différents partis représentés en cette Chambre envisagent l'avenir.

Le projet de loi dont il est question aujourd'hui montre que le gouvernement met à la disposition des Canadiens et des Canadiennes des outils plus nombreux que jamais pour les aider à profiter des emplois qu'offre l'économie moderne dans le cadre de son engagement à mettre en place une stratégie productive en matière d'emploi.

Il montre que nous avons trouvé, sur cet aspect primordial du marché du travail, un juste milieu entre les demandes irréalistes de l'opposition officielle et les politiques étroites de l'autre parti.

Il montre aussi que nous sommes fermement décidés à respecter les compétences des autres gouvernements et à travailler avec eux dans un esprit de collaboration qui sera beaucoup plus profitable que les anciennes solutions imposées d'en haut. Nous sommes déterminés à en faire davantage, de concert avec ces gouvernements, pour remettre les chômeurs au travail.

(1600)

Je veux vous parler tout particulièrement de ce que cela signifie pour le Québec. Deux questions priment, deux questions sont importantes: la formation et les prestations d'emploi, et les mesures, soyez assurés que nous les aborderons.

Le gouvernement fédéral comprend bien que sa stratégie visant à promouvoir la croissance économique et la création d'emplois dépend grandement de la disponibilité d'une main-d'oeuvre compétente, mobile et souple. L'assurance-emploi, grâce à un partenariat avec les provinces et le secteur privé, offre une gamme de mesures actives d'emploi afin d'aider les chômeuses et les chômeurs canadiens à trouver et à conserver leur emploi.

Nous voulons que ces gens aient accès à des mesures de réemploi qui soient efficaces, qui leur redonnent rapidement du travail et qui réduisent pour l'avenir la demande de prestations de soutien du revenu.

Nous tenons à offrir des mesures pratiques, concrètes et qui ont fait leur preuve afin d'aider les Canadiens et les Canadiennes à retourner rapidement sur le marché du travail et à continuer à travailler. L'ancien système ne répond plus aux impératifs de l'économie d'aujourd'hui. Le Québec partage ces intérêts et le premier ministre du Canada a énoncé les intentions du gouvernement de façon parfaitement claire, le 27 novembre 1995.

Permettez-moi de vous rappeler ce qu'il a dit à ce moment-là au sujet de l'assurance-emploi: «[. . .] le gouvernement du Canada adoptera une approche respectueuse de la compétence des provinces dans le domaine de l'éducation et du rôle des gouvernements provinciaux dans la formation de la main-d'oeuvre. Ainsi, le gouvernement du Canada se retirera de la formation de la main-d'oeuvre, des programmes d'apprentissage, des programmes d'enseignement coopératif et de la formation offerte en milieu de travail; il n'achètera plus de cours de formation auprès des établissements provinciaux, publics et privés.»

Notre gouvernement a réitéré cet engagement dans son discours du Trône du 27 février dernier. Il a de nouveau promis de se retirer graduellement de ce secteur d'ici trois ans, afin de permettre une transition sans heurt pour tous les intéressés. Mais nous mènerons ce processus à terme bien avant ce délai, si c'est ce que veulent les provinces.

Ce n'était pas un engagement pris à la légère et il s'est concrétisé dans les dispositions du projet de loi C-12 portant sur des mesures actives d'emploi. À entendre parler certains députés, on a l'impression qu'ils ne sont pas encore au courant de tout cela. C'est à croire qu'ils n'ont pas lu le projet de loi. Eh bien, aidons-les un peu.


2772

Par exemple, le projet de loi prévoit expressément que le gouvernement fédéral ne peut appliquer le volet des prêts et des subventions au perfectionnement de la main-d'oeuvre que dans les provinces qui ont donné leur accord. Si le gouvernement du Québec dit non, ce volet ne sera tout simplement pas offert aux bénéficiaires québécois de l'assurance-emploi.

La Partie II du projet de loi C-12 engage aussi le gouvernement du Canada à travailler de concert avec les gouvernements du Québec et des autres provinces à la conception, à la mise en oeuvre et à l'évaluation des mesures d'emploi visant les bénéficiaires de l'assurance-emploi. Ces mesures comprennent les subventions salariales, les suppléments de revenu, l'aide au travail indépendant et les partenariats pour la création d'emplois. Nous voulons trouver de nouveaux mécanismes souples pour le versement des prestations d'emploi.

Cette souplesse permettrait notamment de se servir des programmes provinciaux existants pour venir en aide aux bénéficiaires de l'assurance-emploi. Qu'est-ce que cela signifie? Tout simplement que le gouvernement du Québec pourrait offrir lui-même toutes ces prestations d'emploi, ou certaines d'entre elles, aux bénéficiaires de l'assurance-emploi. Il pourrait le faire dans le cadre de ses propres programmes, avec l'appui du gouvernement fédéral, dans la mesure où ces programmes répondent aux objectifs énoncés à la Partie II du projet de loi et sont foncièrement semblables aux mesures énoncées dans le projet de loi.

Des lignes directrices fédérales guideront l'élaboration et la mise en oeuvre des mesures d'emploi: harmonisation en vue d'éviter les dédoublements et les chevauchements; programmes visant à réduire la dépendance à l'égard des prestations de soutien du revenu; insistance particulière sur la responsabilité personnelle; coopération et partenariat; souplesse nécessaire à la prise de décisions au niveau local; structure d'évaluation des résultats.

L'objectif central est l'atteinte des résultats, c'est-à-dire permettre aux chômeurs et chômeuses de réintégrer le marché du travail le plus rapidement possible.

(1605)

À notre avis, notre approche qui se fonde sur la collaboration fera en sorte que chaque dollar consacré à ce secteur soit dépensé en fonction des priorités du travail local. Nos efforts pour aider nos bénéficiaires à améliorer leur employabilité seront ainsi plus rentables.

Au Québec, comme ailleurs, nous sommes déterminés à traduire ces engagements et ces objectifs en résultats. Notre gouvernement en prend d'ailleurs déjà les moyens en négociant avec les gouvernements provinciaux toute une série d'accords sur la mise en valeur de la main-d'oeuvre. Ces dispositions peuvent varier d'une province à une autre afin de répondre aux circonstances et aux besoins locaux.

Nous laissons nos différends derrière nous et nous concentrons nos efforts sur le retour au travail des Canadiens. Il est certain que le gouvernement fédéral a des responsabilités. Il ne peut s'y soustraire.

Il a d'abord une responsabilité envers les millions de travailleurs et d'employeurs de tout le Canada qui financent le Régime d'assurance-emploi et qui partagent les risques liés au chômage d'une manière qui est avantageuse pour la population du Québec.

Il a la responsabilité de gérer ce régime dans les meilleurs intérêts de l'économie canadienne, en fonction d'un marché du travail qui a une dimension nationale et des besoins nationaux. Il a aussi la responsabilité de fournir à cette Chambre l'information dont elle a besoin au sujet des activités visées par la Loi.

Enfin, il a la responsabilité de veiller à ce que chaque dollar affecté aux prestations d'emploi destinées aux bénéficiaires de l'assurance-emploi soit dépensé efficacement et qu'il serve exclusivement à cet usage.

De façon générale, il s'agit tout simplement de reconnaître que tous ceux et celles qui contribuent à l'assurance-emploi, d'un bout à l'autre du pays, sont en droit d'en attendre des résultats et d'en avoir pour leur argent.

Les nouvelles ententes permettront d'assurer une aide plus efficace aux chômeurs, la réduction des chevauchements et la promotion de la cohérence et de l'harmonisation entre les programmes fédéraux et provinciaux.

Permettez-moi de vous citer à ce sujet M. Ghislain Dufour, du Conseil du patronat du Québec: «À cet égard, notre fédération patronale [ . . . ]accueille avec satisfaction les dispositions de la réforme qui vise à harmoniser les programmes fédéraux avec ceux des provinces et [ . . . ]à permettre à une province de conclure une entente administrative avec le gouvernement fédéral en vertu de laquelle elle pourrait [ . . . ]gérer complètement ces programmes».

M. Dufour reconnaît que cette démarche représente une belle occasion pour les deux paliers de gouvernement. La partie II respecte les compétences constitutionnelles légitimes de chaque gouvernement, et elle est juste et raisonnable.

Tout est en place pour une entente qui permettra à nos deux gouvernements de se rapprocher de leur objectif commun, à savoir, l'amélioration des possibilités d'emploi des travailleurs et des travailleuses du Québec. Avec le projet de loi C-12, le processus est maintenant bien enclenché. Je demande instamment aux membres de l'opposition officielle d'appuyer cette démarche.

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec intérêt mais surprise le discours de mon collègue, d'autant plus que ce matin dans le quotidien Le Devoir, il y a un sondage qui donne l'opinion des Québécois sur la réforme de l'assurance-chômage.

Voyons quelques indices. Le premier est qu'il y a 75 p. 100 des Québécois en faveur du rapatriement du programme d'assurance-chômage au Québec. Les gens sont d'accord à 59,8 p. 100 avec l'opposition faite à la réforme contre 27,5 p. 100 qui appuient la réforme. Soixante-dix-neuf pour cent des Québécois pensent que cette réforme profitera d'abord au gouvernement. Il y a une opposition de 72,3 p. 100 à la réduction des sommes versées aux chômeurs

2773

et de 66 p. 100 contre la réduction de la période où on peut recevoir du chômage.

De quelle façon le député peut-il appeler l'opposition à voter en faveur de cette motion du gouvernement, alors qu'il est très clair et très net qu'elle subit la désapprobation totale de l'ensemble de la population québécoise? Il y a là une majorité très évidente, d'autant plus que 73 p. 100 des gens ont entendu parler de la réforme.

On ne peut pas présumer aujourd'hui que c'est l'opinion d'agitateurs professionnels. On ne peut pas présumer non plus que ce sont des spécialistes des négociations, des gens de syndicats. On a été chercher l'opinion publique des Québécois en général qui sont préoccupés par cette question, qui ont analysé la réforme, qui se sont informés sur les effets possibles de la réforme, qui ont pu constater comment les travailleurs saisonniers seront pénalisés par cette réforme, et qui ne l'acceptent d'aucune façon.

(1610)

Si on avait fait le même sondage dans les Maritimes, les députés libéraux qui s'apprêtent à voter en faveur de cette loi verraient l'impact majeur qu'il aura sur la scène électorale la prochaine fois. Tous les députés des Maritimes qui ont été élus grâce au slogan «jobs, jobs, jobs» et qui, aujourd'hui, viendront voter en faveur de ce projet de loi rencontreront le même genre de désapprobation de la part de leurs électeurs que celle qui est identifiée clairement dans le sondage qui a été fait au Québec.

À ce moment-là, qu'est-ce que le député peut invoquer comme argument positif pour la mise en place de cette réforme qui n'aura que des effets négatifs qui amèneront des changements draconiens à des économies régionales à des moments où on n'a pas prévu de mesures tampons? On n'a prévu nulle part des mesures pour relancer l'économie, pour diversifier l'économie des régions. C'est un peu semblable à l'exemple où quelqu'un dont la vieille auto consomme beaucoup d'huile dit qu'au lieu de faire réparer le moteur, il cessera d'ajouter de l'huile. C'est la même chose qu'on est en train de faire avec les économies régionales.

Je voudrais savoir ce que le député voit de positif dans cette réforme qui est rejetée par l'ensemble des Québécois.

M. Patry: Monsieur le Président, je remercie l'honorable député de sa question. Je le surprendrai peut-être, mais je fais partie des75 p. 100 de Québécois qui demandent au gouvernement canadien le rapatriement de la formation de la main-d'oeuvre au gouvernement du Québec. Je suis fier de faire partie de ce groupe; je suis également fier du projet de loi sur l'assurance-emploi. C'est pourquoi je demanderais aux députés de l'opposition de voter en faveur de ce projet de loi.

Au sujet de la formation de la main-d'oeuvre, c'est ce qu'entend faire le gouvernement fédéral d'ici aux trois prochaines années, tel qu'il est dit dans la Partie II du projet de loi C-12. Et si le gouvernement du Québec veut rapatrier ces pouvoirs d'une façon beaucoup plus rapide, je crois qu'il se doit de négocier avec le gouvernement du Canada, et je suis sûr que nous accepterons ces négociations, qui seront sûrement faites de bonne foi.

* * *

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, j'informe la Chambre que, après s'être consultés, les partis se sont entendus pour qu'on présente la motion suivante. Je propose:

Que, lorsque la Chambre s'ajournera le mercredi 5 juin 1996, elle demeure ajournée jusqu'au lundi 10 juin 1996;
Que, le lundi 3 juin et le mardi 4 juin 1996, la Chambre continue de siéger jusqu'à 21 h 30 pour l'étude des ordres émanant du gouvernement et que les délibérations conformément à l'article 38 du Règlement aient lieur à 21 h 30;
Que, le mercredi 5 juin 1996 soit réputé être le jour de séance où une motion peut être proposée conformément à l'article 27 du Règlement;
Que, le mardi 11 juin 1996, la Chambre se réunisse à 14 heures, heure à laquelle la Chambre abordera les déclarations des députés et les questions orales, suivies des affaires courantes;
Que le Président des États-Unis du Mexique prononce un discours dans la matinée du mardi 11 juin 1996, devant les membres du Sénat et de la Chambre des communes dans l'enceinte de la Chambre des communes;
Que le discours, de même que les allocutions de présentation et les remarques d'usage faites à cette occasion, soient imprimés en appendice aux Débats de la Chambre des communes du même jour et fassent partie des archives de la Chambre; et
Que les médias soient autorisés à transmettre et à enregistrer les délibérations de ce jour, conformément aux directives de la Chambre des communes.
(La motion est adoptée.)

______________________________________________


2773

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je propose:

Que dans le cadre d'une étude sur la coopération circumpolaire, huit (8) membres du Comité permanent des affaires étrangères et du commerce international se déplacent à Whitehorse, Inuvik, Tuktoyaktuk, Cambridge Bay, Yellowknife, Edmonton et Calgary du 26 au 31 mai 1996 et que sept (7) membres et un membre associé du même comité soient autorisés à se déplacer à Kuujjuaq, Iqaluit, Cape Dorset, Resolute, Montréal et Québec du 27 au 31 mai 1996 afin de tenir des audiences et de visiter des lieux, et que le personnel nécessaire de la Chambre des communes et de la Bibliothèque du Parlement accompagne le Comité.
(1615)

(La motion est adoptée.)

> 2774


2774

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-12, Loi sur l'assurance-emploi au Canada, soit lu pour la troisième fois et adopté.

M. Francis LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, je me réjouis de pouvoir traiter de ce projet de loi important à sa troisième lecture. Tout d'abord, je tiens à féliciter les actuel et ancien ministres du Développement des ressources humaines et leur secrétaire parlementaire d'avoir présenté cette mesure législative et de l'avoir pilotée à la Chambre.

Je félicite les fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines d'avoir préparé une analyse d'impact et des explications aussi détaillées de ces mesures. Je félicite également les membres du comité parlementaire qui a examiné le projet de loi, de même que ceux qui ont participé à l'examen de la sécurité sociale que ce comité a effectué en 1994, pour le travail soutenu et acharné qu'ils ont accompli pour élaborer ces réformes.

[Français]

Du côté de l'opposition, j'aimerais surtout signaler la contribution des députés du Bloc québécois, notamment l'honorable députée de Mercier, l'honorable député de Lévis et l'honorable député de Kamouraska-Rivière-du-Loup. Bien qu'ils se soient opposés au projet de loi, ils ont fait leur travail d'opposition avec diligence et professionnalisme et ont donc contribué à l'amélioration des réformes en question.

[Traduction]

Je tiens à souligner également le travail exceptionnel des députés de Fredericton-York-Sunbury, Etobicoke-Lakeshore, Halifax-Ouest et Malpèque, dont les amendements apportés au projet de loi C-12 et concernant le dénominateur fixe, la règle de l'intensité et le problème des semaines interrompues ont grandement amélioré le projet de loi et le nouveau régime d'assurance-emploi.

En janvier 1994, lorsque l'ancien ministre du Développement des ressources humaines a dévoilé l'intention du gouvernement de procéder à un examen exhaustif du régime de sécurité sociale du Canada, personne ne s'attendait à ce qu'il soit facile d'opérer ces réformes. Ce serait difficile à n'importe quel moment, mais d'autant plus si le climat économique exigeait de consacrer moins de ressources, et non davantage, à la réforme des programmes sociaux.

Cela rendait les choix plus difficiles, mais il était d'autant plus impérieux de bien réformer les programmes, étant donné l'évolution dramatique de la situation qui existe au Canada depuis que nombre de ces réformes ont été mises en place.

La nécessité de moderniser et de renouveler le régime d'assurance-chômage était au coeur du programme de réforme. Depuis son adoption en 1940 en tant que régime de protection à court terme contre la perte d'emplois, l'assurance-chômage a évolué et est devenue la clé de voûte du régime de sécurité sociale du Canada et, pour bien des gens des industries saisonnières, une composante habituelle de leur revenu familial.

Malheureusement, les preuves sont également de plus en plus nombreuses que l'assurance-chômage est devenue un obstacle à la création d'emplois. Non seulement le niveau des cotisations nécessaires pour financer les prestations d'assurance-chômage mine la capacité des petites entreprises de créer des emplois, mais le niveau des prestations elles-mêmes crée des distorsions dans les économies des localités qui ont le plus besoin d'une croissance de l'emploi.

Selon certains observateurs, l'assurance-chômage a nui à la mobilité, encouragé le choix d'emplois de courte durée entrecoupés d'assurance-chômage, au détriment d'emplois plus stables, et dissuadé les jeunes d'acquérir les compétences nécessaires pour fonctionner dans une économie en changement.

Pourtant, même s'il est abondamment prouvé que le programme d'assurance-chômage a freiné la création d'emplois et fait ressortir le besoin d'une réforme, il est nettement plus difficile de prouver à l'avance que la réforme mènera aux emplois que les chômeurs demandent. La réforme de l'assurance-chômage a toujours donné lieu à ce dilemme. Le gouvernement y a réagi avec bon sens. Les modifications proposées dans le projet de loi C-12 visent avant toutes choses à produire un environnement qui favorise davantage la création d'emplois.

Le nouveau système d'assurance-emploi reconnaît qu'il y a de grandes différences dans la capacité des régions de créer des emplois. Il n'est pas question d'imposer un système rigide à tous les Canadiens.

(1620)

Au lieu de chercher à réaliser des économies en restreignant l'accès au programme, comme le gouvernement aurait pu le faire, le système d'assurance-emploi élargit cet accès. Non le système d'assurance-emploi protégera un plus grand nombre de Canadiens et il prévoit, au niveau du revenu et de l'emploi, une aide plus grande qui se poursuivra au-delà de la durée des prestations. C'est que, pour déterminer l'admissibilité aux prestations d'assurance-emploi, le régime est fondé sur la rémunération comptabilisée à partir de la première heure; les heures ont remplacé les semaines.

Le régime étant fondé sur les heures, de nombreux travailleurs à temps partiel qui n'étaient pas admissibles aux termes de l'ancien système auront désormais droit à des prestations. De plus, il sera plus facile aux travailleurs saisonniers, qui travaillent souvent de longues heures pendant de courtes périodes d'emploi, de devenir admissibles à des prestations d'assurance-emploi.

Il ne sera pas possible de recevoir le même niveau de prestations avec le minimum de travail pour avoir droit à l'assurance-emploi, comme c'était le cas avec l'assurance-chômage. Aux termes du


2775

nouveau régime, le plafond des prestations sera moins élevé. Toutefois, le nouveau régime protège les travailleurs à faible revenu qui sont au chômage, grâce à diverses mesures, dont le supplément familial qui garantit jusqu'à 80 p. 100 de la rémunération.

De plus, les amendements apportés en comité au projet de loi initial ont amélioré l'équité du régime. Par exemple, les amendements apportés au calcul du niveau des prestations ont minimisé les effets nuisibles dus au dénominateur fixe et au problème des semaines discontinues.

Les amendements proposés concernant la baisse des prestations en vertu de la règle d'intensité ont aussi réduit l'incidence de cet aspect du régime pour ceux qui ont des revenus plus élevés, tout en protégeant ceux qui se situent sous le seuil du revenu familial stipulé.

La fonction de surveillance, qui est une caractéristique essentielle de la mise en oeuvre de cette mesure législative, garantira un suivi attentif de la part du gouvernement et fera en sorte que nous saurons l'effet de la mesure sur les Canadiens, surtout ceux qui habitent les régions où le taux de chômage est très élevé. La mise en oeuvre de ces réformes vise surtout à produire un environnement qui favorise la création d'emplois.

De nombreux Canadiens, y compris ceux qui ont participé à ce débat, ont assez entendu parler de réforme. Ils veulent la stabilité de ces programmes. Ils veulent qu'on cesse de parler de réformes. Ils veulent poursuivre leurs activités. Ils veulent penser à autre chose. Maintenant que le projet de loi est sur le point de passer au Sénat, ils espèrent que nous en sommes bientôt au début de la fin.

Je partage leur lassitude, mais je ne crois pas que nous puissions encore nous arrêter. Nous avons encore beaucoup de travail à faire pour remodeler le système de sécurité sociale pour le XXIe siècle. Nous n'en sommes pas au début de la fin, pour citer Churchill, mais plutôt à la fin du début.

Le régime d'assurance-emploi énoncé dans le projet de loi C-12 constitue un point de départ important pour la création d'un nouveau système pour le XXIe siècle. Il comporte certains éléments très importants qui représentent une amélioration considérable par rapport au régime existant, mais je préfère encore le voir comme un point de départ important plutôt que comme le dernier mot concernant ce régime.

Cela peut paraître prématuré, puisque le projet de loi C-12 n'est même pas encore adopté, mais, dans les quelques instants qui me restent, je voudrais parler de l'avenir et de ce qui figure ensuite dans notre programme d'action.

Personne ne doute que nous vivons à une époque de profonds changements socio-économiques et d'incertitude. Peter Drucker la qualifie d'époque de transformation sociale. Les répercussions de la révolution informatique ont pénétré dans tous les aspects de notre vie et, en l'espace de quelques années seulement, ont modifié dramatiquement le rythme et la profondeur du changement. Le bouleversement n'est nulle part plus prononcé que dans le monde du travail.

Que l'on soit un pessimiste invétéré, comme Jeremy Riffkin, qui prédit un chômage massif et une inégalité croissante des revenus à cause du déplacement des travailleurs attribuable à ce profond changement, ou que l'on soit un optimiste invétéré, comme William Bridges, qui entrevoit des possibilités de croissance, de créativité et de liberté dans la nouvelle économie post-emploi, une chose semble claire à propos de l'avenir. Les conditions du succès dans le monde du travail à la veille du XXIe siècle sont bien différentes de ce qu'elles étaient pour le siècle précédent.

(1625)

Les individus devront faire preuve de flexibilité, être prêts à adopter l'éducation permanente comme une réalité de leur vie, être prêts à accepter un degré accru d'instabilité et d'incertitude dans leur emploi et faire preuve de beaucoup plus d'innovation et d'esprit d'entreprise. Voilà les caractéristiques qui font la différence.

Le régime d'assurance-emploi doit faire davantage que simplement fournir une protection du revenu contre la perte d'un emploi. Il doit être un soutien pour chacun des Canadiens.

Lorsque le régime d'assurance-chômage a été mis sur pied, dans les années 40, le monde du travail était bien différent. Le régime devait assurer un soutien de base et à court terme à des chômeurs qui attendaient de trouver un nouvel emploi, sachant que leurs compétences étaient essentiellement celles dont ils auraient besoin pendant le reste de leur vie.

Le nouveau monde du travail est beaucoup plus compliqué. Il fallait concevoir le nouveau régime d'assurance-emploi pour faire face aux changements de plus en plus importants qui se produisent au Canada et tenir compte des autres politiques du gouvernement visant à créer une économie vigoureuse et à aider les travailleurs à l'intérieur de cette économie.

L'assurance-emploi marque un important progrès dans réflexion qui sous-tend le soutien des chômeurs. De plus en plus, les travailleurs ont besoin d'aide pour passer successivement d'un emploi à l'autre. Il faut de nouvelles compétences, de nouvelles attitudes, une souplesse renouvelée. Telle est la réalité du monde où nous vivons. Et la réalité, c'est que le gouvernement doit trouver un régime qui permettra aux travailleurs de produire.

L'assurance-chômage, maintenant remplacée par l'assurance-emploi, est un programme national. La réforme de cet élément clé du système de sécurité sociale au Canada ne doit pas être perçue, comme elle l'a trop souvent été, dans une perspective purement défensive, mais comme un travail fondamental et constructif dans l'évolution de notre pays.

Le vice-président: Je regrette, mais je dois interrompre le député, le temps qui lui était accordé étant écoulé.


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[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, je voudrais remercier le député de Cap-Breton Highlands-Canso pour ses bons mots pour les membres du comité. Je pense qu'effectivement, on a fait un travail très sérieux lors de la tournée à travers le Canada.

Dans les questions que j'ai à poser au député, la première est probablement celle-ci: est-ce que le résultat qu'on voit aujourd'hui dans le projet de loi est conforme à ce que nous avons entendu lors de ces tournées?

Est-ce que le fait d'avoir une règle d'intensité qui viendra diminuer les prestations versées aux travailleurs saisonniers se retrouve effectivement dans la consultation? Est-ce que quelqu'un, pendant la consultation, avait dit ce genre de chose? Est-ce que le comité sur les travailleurs saisonniers qui avait été formé par le ministre ne nous a pas dit que les travailleurs saisonniers n'étaient d'aucune façon responsables des effets négatifs sur leur emploi, que ce n'était pas eux qui décidaient de ne pas avoir d'emploi, mais qu'il n'y avait tout simplement pas d'emploi? J'aimerais que le député réponde à ces questions.

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, même si tous les aspects du projet de loi n'ont pas nécessairement trouvé expression dans les recommandations qui ont été faites lorsqu'on a traversé le Canada avec le comité parlementaire, je peux dire qu'essentiellement, le désir de restructuration de ce programme était fondamental dans les propos qu'on a entendus à travers le pays.

De plus, une des choses que nous avons entendues était, et c'est très important-et c'est une contribution que le comité a apportée dans l'évolution de ce débat-c'est qu'en faisant une réforme du programme d'assurance-chômage, plutôt que de restreindre l'accès au programme en permettant un niveau plus élevé de bénéfices, il serait plutôt important d'élargir l'accès, la couverture, et d'assurer que l'accès au programme soit disponible à un plus grand nombre d'individus.

Je dois terminer, mais il y a beaucoup d'autres leçons qu'on aurait pu apporter au comité et auxquelles je pourrais faire référence dans la description de cette loi, mais je pense que le député a une idée du sens de mes propos.

(1630)

[Traduction]

M. Penson: Monsieur le Président, je suis heureux de partager le temps qui m'est accordé avec le député. . .

Le vice-président: Excusez-moi. Je regrette, mais je croyais que le député allait poser une question ou faire une observation.

Une voix: Reprise du débat.

Le vice-président: Reprise du débat seulement. Dans ce cas-là, les deux députés auraient pu prendre plus de temps.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, ce petit imbroglio de procédure me permet de poser une autre question à mon collègue à la suite des commentaires qu'il a faits. Effectivement, on fait un changement majeur, important pour le XXIe siècle, qui fera que cela touchera tout le marché économique, tout le marché de l'emploi.

A-t-il l'impression que dans les modifications apportées, on a tenu compte de cette nouvelle réalité de l'emploi temporaire, de l'emploi précaire, de la façon dont les gens pourront s'assurer un emploi dans l'avenir? Il y a un aspect dans l'assurance-chômage qui est le fait de pouvoir avoir un traitement entre deux emplois.

N'y a-t-il pas beaucoup de mesures dans la réforme qui détournent un peu les objectifs d'utilisation de l'argent? Quand les gens paient leurs cotisations d'assurance-chômage, quand les employeurs paient leurs cotisations, est-ce que ce n'est pas principalement pour permettre à des gens entre deux emplois de s'assurer un revenu qui leur permette de continuer à mener leur train de vie, de s'assurer qu'ils puissent passer à travers une période de chômage, alors que dans la réforme, on utilisera beaucoup des sommes dans des programmes qui continuent les dédoublements qui existent avec les provinces, notamment en matière de formation de la main-d'oeuvre?

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, je serai bref. Essentiellement, c'était le point que je voulais apporter à ce débat. La nouvelle réalité de l'emploi, et on ne la connaît pas toute présentement, la nouvelle réalité demande qu'un programme de soutien de revenu pour les gens qui sont en chômage fasse plus, soutienne le revenu, mais ce programme doit aussi être créé pour permettre et aider les gens à passer d'une situation d'emploi à une autre, de continuellement renouveler leurs compétences et renouveler leur capacité de travail et leur employabilité afin d'être aussi capables que possible de répondre aux besoins du marché du travail dans l'avenir.

Si on ne fait pas cela, si on ne réalise pas cela avec notre programme, ce sera toujours mal dirigé, ce sera toujours de plus en plus en désaccord avec les besoins des Canadiens et c'est pour cela que nous avons commencé. On commence avec cette réforme. On continuera à être obligés de la modifier, de l'améliorer, mais on commence par un système qui sera plus flexible et plus capable de répondre aux besoins du XXIe siècle. C'est pour cela que cette réforme est si importante.

[Traduction]

Le vice-président: Le député de Peace River a déclaré qu'il désirait partager le temps qui lui est accordé avec un député d'une autre formation politique. Y a-t-il consentement unanime pour ce faire?

Des voix: D'accord.

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de partager le temps qui m'est accordé avec le député de Saskatoon-Clark's Crossing, afin de donner au plus grand nombre possible de députés l'occasion d'intervenir dans ce débat important.

Il s'agit d'un débat sur la réforme du régime d'assurance-chômage, réforme qu'attendent les Canadiens depuis longtemps. Ce que les Canadiens recherchent dans un régime d'assurance-emploi, c'est l'assurance d'avoir un programme qui aidera brièvement les chômeurs qui traversent une période difficile de leur vie, jusqu'à ce qu'ils se trouvent un nouvel emploi et s'adaptent à leur nouvelle situation.

Malheureusement, ce n'est pas ce que nous offre ce programme. Nous n'obtenons pas l'égalité. Des conditions différentes s'appliquent aux diverses régions du pays. Il y a environ 62 régions différentes, auxquelles s'appliquent des critères différents. Il y a des


2777

gens que sont fâchés par cet état de choses. Ils sont fâchés parce que les mêmes conditions ne s'appliquent pas à toutes les régions du pays. Ils s'inquiètent aussi de la dépendance à l'égard du régime, mais j'y reviendrai dans un instant. Ils veulent que nous essayions de faire que le régime de l'assurance-emploi soit vraiment un régime d'assurance.

(1635)

Je veux parler des inégalités entre les régions que crée ce projet de loi. Tout le monde veut la justice. C'est le député de Kenora, je crois, qui, en réponse à un député du Bloc qui laissait entendre que ce projet de loi n'était pas juste à l'endroit des Québécois, a dit tout à l'heure à ma grande surprise que le gouvernement est juste puisqu'il redonne 1,33 $ pour chaque dollar contribué par les gens du Québec. Cela en dit long.

Un dollar pour un dollar. Il me semble que toutes les parties du Canada devraient être traitées de la même façon et que les mêmes normes devraient s'appliquer à toutes.

Une partie de notre pays est très prospère; beaucoup d'emplois y sont créés. Quatre-ving-sept p. 100 de tous les emplois qui ont été créés au Canada dans les six dernières années l'ont été en Alberta et en Colombie-Britannique. Avec ce projet de loi, on encourage les gens à rester chez eux dans les parties du Canada où il n'y a pas de perte nette d'emplois et où il est peu probable que des emplois soient créés. C'est un véritable défi au bon sens.

Aux environs de 1912, mes grands-parents et ma mère vivaient à quelque 40 milles au sud d'ici. Ils ont déménagé en Alberta où il y avait de nouvelles possibilités et des terres agricoles à exploiter. Cela fait bien des années que les Canadiens se déplacent d'une région du Canada à l'autre. Cela semble faire partie de la société canadienne. Nous allons où les emplois se trouvent. En général, les gens ne veulent pas vivre de l'assurance-chômage. Ils veulent des possibilités.

Il fut un temps où le Centre d'emploi du Canada de ma propre circonscription affichait un taux de chômage de 4 p. 100. Comme mon collègue, le député de Medicine Hat l'a expliqué, cela signifie l'absence de chômage. Ce chiffre ne renvoie qu'à la façon dont nous avons structuré la réforme de l'assurance-chômage en 1971, lorsque le gouvernement du Canada s'en est mêlé.

L'an dernier, alors qu'il n'y avait pour ainsi dire pas de chômage dans ma circonscription, celle de Peace River, j'ai rencontré un certain nombre d'entrepreneurs. Ils m'ont dit qu'ils avaient de la difficulté à recruter des travailleurs spécialisés, mais que le centre d'emploi refusait d'annoncer les emplois à l'échelle du Canada. Il y avait pourtant des emplois lucratifs.

Des gens en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve, des plombiers, par exemple, étaient à la recherche d'un emploi. Ils ne voulaient pas recevoir de prestations d'assurance-chômage, mais il n'y a avait pas d'emplois dans leur province. Ils n'ont même pas été informés des perspectives d'emploi dans les autres régions de leur pays. Le Centre d'emploi du Canada annonçait toutefois des emplois à Edmonton et à Calgary pour la région de Grand Prairie. Les deux secteurs se portaient très bien; il n'y avait pas de chômeurs. Il était donc impossible d'embaucher des travailleurs spécialisés. La situation était intolérable.

L'Alberta et la Colombie-Britannique connaissent une forte croissance et de nombreux emplois y sont créés. Sur les 443 000 emplois créés au Canada depuis six ans, 345 000 l'ont été en Alberta et en Colombie-Britannique. Les quatre plus grandes provinces du Canada ont créé 101 p. 100 des emplois de notre pays, ce qui signifie que le reste du Canada a perdu des emplois. Nous savons où se trouvent les régions en question. Malgré cela, les réformes que le gouvernement propose continuent d'encourager les gens à rester dans des régions qui affichent une perte nette d'emplois et à y toucher des prestations d'assurance-chômage. C'est honteux.

Le pays est morcelé en 62 régions. En Nouvelle-Écosse, il y a cinq régions où les critères de chômage sont différents. C'est tout simplement inacceptable. Nous avons besoin de normes nationales auxquelles souscrivent toutes les provinces.

Je vais parler de la dépendance, qui a été malheureusement une caractéristique du régime d'assurance-chômage, surtout depuis 1971. C'est au moment où le gouvernement fédéral est intervenu. Il s'est servi d'un programme d'équité régionale pour essayer de pratiquer la sociologie appliquée.

Nous envoyons le mauvais message aux Canadiens. Nous leur disons que la dépendance, c'est acceptable. Nous en sommes maintenant à la deuxième et à la troisième génération de familles qui viennent de reprendre le cycle de la dépendance envers l'assurance-chômage. Pourtant, au même moment, des régions du pays manquent de main-d'oeuvre.

(1640)

Quels sont les facteurs à l'origine de cette dépendance? C'est l'obligation de travailler 12 semaines dans une bonne partie du Canada atlantique et au Québec pour être admissible. Dans le reste du pays, il faut travailler 18 semaines. Est-ce que c'est juste? Les travailleurs de ma circonscription devraient-ils être traités différemment de ceux de Terre-Neuve ou du Québec? Non. Cela crée la même dépendance. Les gens resteront à la maison pour toucher de l'assurance-chômage.

Ce n'est pas un véritable régime d'assurance. Ce dont nous avons besoin, c'est d'un régime administré par les employeurs et les employés. Ces derniers détermineraient rapidement qui sont les tricheurs. Leurs cotisations servent à financer les gens qui abusent du système.

L'abus est très courant dans le domaine de l'assurance-chômage, et les charges sociales reflètent d'ailleurs cette réalité. Les employeurs et les employés ont dû payer des montants plus élevés ces dernières années, ce qui a donné lieu à un surplus dont le gouvernement se servira pour réduire le déficit. On demande aux employeurs et aux employés de contribuer à réduire le déficit. C'est injuste.

Les charges sociales au Canada sont très élevées. Jusqu'en 1971 environ, nous pouvions voir, en comparant les chiffres du chômage aux États-Unis et au Canada, qu'ils étaient presque identiques. Dans les périodes de vaches grasses comme dans celles de vaches mai-


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gres, les chiffres du chômage dans les deux pays étaient presque identiques.

Qu'est-il arrivé en 1971 lorsque le gouvernement fédéral est intervenu et a assumé la responsabilité de la caisse d'assurance-chômage? On a observé un écart constant d'environ 4 points de pourcentage entre le Canada et les États-Unis au cours des 25 dernières années. Le taux de chômage au Canada est toujours plus élevé. C'est là la conséquence du chômage institutionnel qui fait désormais partie intégrante de notre système à cause de ces généreuses prestations.

Nous avons besoin de normes nationales. Nous avons besoin d'un régime administré par les employés et les employeurs. Cela pourrait se faire au niveau provincial, ce qui permettrait au système d'être mieux adapté aux besoins locaux.

L'autre partie du projet de loi qui m'ennuie vraiment, c'est que plus de deux millions de travailleurs à temps partiel devront payer des cotisations d'assurance-chômage. Ces gens ont déjà de la difficulté à joindre les deux bouts. Ils travaillent souvent au salaire minimum. On leur demande maintenant de cotiser aussi au régime d'assurance-chômage. Je crois que cela aura pour effet d'amener beaucoup de gens à se dire: «Pourquoi devrais-je travailler? Je ferais aussi bien de rester à la maison et de toucher des prestations d'assurance-chômage.»

Nous allons dans la mauvaise direction. Ce que les Canadiens veulent, c'est une véritable réforme du régime d'assurance-chômage, et non un système à caractère régional, un système injuste. Ils veulent que tous les gens soient traités de façon égale. Ils veulent mettre fin aux abus du régime d'assurance-chômage. Ils veulent être assez généreux pour dire aux chômeurs: «Oui, nous allons vous aider durant cette période de votre vie où vous avez la malchance d'être sans emploi.»

Les Canadiens sont généreux. Ils veulent faire cela. C'est pourquoi nous payons des cotisations d'assurance-chômage. Nous ne payons pas ces cotisations pour que des personnes vivent aux frais du système année après année. Ce genre d'abus ne fait rien pour rehausser notre estime de soi. Je crois que la plupart des gens ont besoin de travailler et de sentir qu'ils contribuent à la société.

Nous n'arrêtons pas le cycle de dépendance qui a commencé il y a 25 ans. Nous envoyons le mauvais message aux Canadiens. Je m'oppose au projet de loi C-12. Je voterai contre cette mesure législative. Si nous en avons un jour l'occasion, nous ferons de ce régime un vrai régime d'assurance. J'attends ce moment avec impatience.

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié la présentation de mon collègue. Quoique je ne sois pas d'accord avec plusieurs des points qu'il a soulevés, il a quand même soulevé une question de fond.

(1645)

On nous dit que les gens doivent rester chez eux et attendre les emplois. Est-ce qu'ils ne devraient pas être mobiles à travers le Canada? À cela je réponds que les gens ne sont pas juste des bêtes économiques. Ce ne sont pas que des consommateurs, ce sont des humains avec des familles installées depuis plusieurs années souvent, depuis plusieurs générations dans la région. Ils ont le droit, je pense, parce que le Canada a été développé comme ça dans le passé, à des outils de développement économique permettant de mettre en valeur leur milieu régional. Il n'y a pas de région au Canada où on ne peut pas développer de l'emploi, développer des choses, faire en sorte que ce milieu se prenne en main, se développe et soit fier de son développement.

L'optique présentée par les députés réformistes est dans le fond de revenir un peu à ce qui pouvait exister avant 1935. Là-dessus je voudrais lui citer le premier ministre Bennett, qui disait à ce moment-là: «Pendant les années d'angoisse que vous venez de vivre-on parlait de l'époque de la grande noirceur, de la grande crise économique-vous avez pu constater les grandes faiblesses et les abus du régime capitaliste. Le chômage et la misère en sont les manifestations. Pour répondre aux besoins nouveaux, il faudra remanier le régime capitaliste et en faire un instrument plus utile au peuple, répartir plus équitablement les avantages entre les différentes classes de la population et les diverses régions du pays.»

Quand les gouvernements ont choisi de faire la répartition, est-ce que ce n'était pas plutôt pour permettre à un programme qui a fait ses preuves d'être un bon régulateur économique et de faire que chacun puisse se développer chez lui?

Comme dernier commentaire j'aimerais dire que c'est vrai que le Québec a longtemps reçu plus d'assurance-chômage qu'il ne payait de cotisations, mais cela était lié au chômage. L'année passée, en 1995-1996, ce n'était pas un dollar et un tiers pour un dollar, c'est un dollar pour un dollar qui a été dépensé.

Est-ce que finalement la position que le député défend, qui est d'enlever tout rôle régulateur au régime d'assurance-chômage, n'aura pas un effet négatif supérieur aux avantages qui pourraient être retirés par le Canada?

[Traduction]

M. Penson: Monsieur le Président, je suis heureux d'entendre cette remarque, car le député vient de mentionner un point que je veux expliquer.

Je crois que lorsque quelqu'un se retrouve temporairement sans emploi ou à l'aide sociale, il incombe à la population du Canada de s'occuper de lui pendant une période temporaire lui permettant de faire les rajustements nécessaires. Cependant, je suis un peu irrité lorsque je vois des gens qui intègrent cette aide à leur mode de vie. Je ne crois pas que quelqu'un veuille de cela. Ce n'est pas bon, même pas pour les personnes touchées.

Je veux aussi parler de la question des régions. Lorsque la situation n'est pas très rose dans une région et que nous savons quelle en est la raison, je crois que nous devons remédier à la situation. Il incombe au gouvernement de créer un milieu propice aux entreprises pour attirer des investissements et faire marcher les affaires. Je ne crois pas que cela ait été fait. Par exemple, si nous demandons à des petites entreprises pourquoi elles ne prennent pas


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d'expansion, elles répondront qu'elles en sont dissuadées par les frais que cela représente et par les charges sociales élevées. Le fait que le gouvernement doive consacrer au service de la dette 10 milliards de dollars de plus cette année qu'en 1993, au début de son mandat, est assez révélateur.

Le cas du Canada atlantique illustre très bien pourquoi il faut progresser. Avant la confédération, les échanges du Canada atlantique se faisaient surtout avec la Nouvelle-Angleterre. Ces échanges dans l'axe nord-sud allaient très bien et c'était là le sens naturel des échanges. Après la confédération, nous avons changé le sens des échanges. Nous avons encouragé les échanges dans le sens est-ouest. Les tarifs élevés stimulaient les échanges dans l'axe est-ouest. Cela a nui au Canada atlantique.

Aujourd'hui, avec le libre-échange, nous pouvons dire aux Canadiens des provinces atlantiques que nous ouvrirons quelques portes pour qu'ils puissent devenir des partenaires à part entière au sein du Canada. Il incombe au gouvernement du Canada d'éliminer les obstacles au commerce et de permettre à des régions comme le Canada atlantique de tirer le maximum de son potentiel. Je crois que ces régions ont d'énormes possibilités.

[Français]

Le vice-président: Avant de poursuivre le débat, je dois faire connaître à la Chambre les questions qu'elle abordera au moment de l'ajournement ce soir: l'honorable député de Mackenzie-Les compagnies ferroviaires; l'honorable député de Mégantic-Compton-Stanstead-Le crédit d'impôt pour invalidité; l'honorable député de Davenport-La santé.

[Traduction]

M. Chris Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing, NPD): Monsieur le Président, je tiens tout d'abord à remercier le député de Peace River de partager son temps de parole avec moi, d'autant que nous divergeons d'opinion au sujet de cette question. Je soulèverai trois points à propos des changements apportés au régime d'assurance-chômage.

(1650)

Premièrement, le gouvernement retire sans vergogne 1,1 milliard de dollars, selon ses propres chiffres, du fonds de l'assurance-chômage. Cet argent appartient aux employés et aux employeurs. Selon d'autres estimations, c'est 4 milliards qui y seront puisés. Cet argent n'appartient pas au gouvernement, mais aux employés et aux employeurs. Il provient de leurs cotisations et le gouvernement n'a aucun droit moral d'y toucher.

Deuxièmement, je dénonce les attaques continuelles du gouvernement fédéral contre les chômeurs. Le président d'une banque a déclaré la semaine dernière que le véritable taux de chômage au Canada est de 13 p. 100. Les amendements au projet de loi sur l'assurance-chômage ajoutent aux attaques contre les chômeurs plutôt que contre le chômage.

Si les députés ministériels avaient siégé dans l'opposition lorsque le projet de loi a été déposé, comme ils le faisaient avant 1993, non seulement auraient-ils parlé contre cette mesure mais ils auraient également voté contre. Ils auraient été indignés par son contenu.

Troisièmement, le projet de loi prévoit des prétendus programmes actifs qui ont pour objet de permettre aux chômeurs canadiens d'acquérir les qualifications nécessaires pour pouvoir réintégrer le marché du travail. Ces programmes sont conçus de façon presque perverse. Le gouvernement n'a de toute évidence pas tenu compte des mesures actives efficaces qui font partie des programmes d'assurance-chômage d'Europe, d'Europe du Nord en particulier. Si on y avait prêté attention, les mesures actives prévues dans le projet de loi auraient été conçues tout à fait différemment. C'est presque comme si on voulait que ces mesures d'emploi dynamiques ne soient pas efficaces.

Plus tôt aujourd'hui, on a parlé des consultations qui ont eu lieu. Ces consultations sont une véritable comédie. C'est très bien d'avoir d'importantes réunions qui n'en finissent pas. Cependant, si le gouvernement n'écoute pas ce que les gens, en particulier les critiques ont à dire, ce ne sont pas de véritables consultations. C'est ce qui est arrivé.

Il ne fait absolument aucun doute que les propositions du gouvernement sont celles qui ont été présentées à l'origine par le gouvernement conservateur. Le gouvernement a suivi exactement les politiques du gouvernement conservateur. Nous savons que, en 1993, le gouvernement a changé, mais pas les bureaucrates ni les politiques. C'est une continuation du programme conservateur.

C'est la neuvième fois depuis 1975, la quatrième fois au cours des années 90 et la deuxième fois depuis 1993 que l'on s'attaque systématiquement au système d'assurance-chômage.

D'ici la fin de 1997-1998, il y aura un excédent de 9,4 milliards de dollars dans le compte d'assurance-chômage. Cet argent appartient aux 13 millions de travailleurs qui ont cotisé à ce compte, il n'appartient pas au gouvernement qui s'en sert pour payer les conséquences de sa mauvaise gestion financière.

En 1971, 96 p. 100 des chômeurs participaient au programme d'assurance-chômage. En 1990, c'était 87 p. 100. En 1995, en vertu de ces règles, ils étaient seulement 52 p. 100. En janvier de cette année, on en comptait 46 p. 100. À l'heure qu'il est, seulement42 p. 100 des chômeurs participent à l'assurance-chômage. D'ici la fin de ce processus, moins de 40 p. 100 des chômeurs participeront. Notre niveau sera inférieur à ceux de certains États des États-Unis. On continue à s'attaquer aux chômeurs et non au chômage.

Ces changements auront des conséquences dévastatrices, surtout dans le Canada Atlantique, dans le nord et dans les régions où le taux de chômage est élevé. Ils auront des effets dévastateurs sur les familles à faible revenu et pousseront un nombre de plus en plus grand de personnes et de familles au-dessous du seuil de la pauvreté.


2780

L'ancien ministre du Développement des ressources humaines a dit, à propos des coupes effectuées dans le régime d'assurance-chômage par l'ancien gouvernement conservateur, lesquelles étaient nettement moins importantes que celles-ci, qu'ils n'était pas du tout d'accord avec ces changements et que ce type de mesure législative proposée par le ministre de l'Emploi et de l'Immigration donnait à Margaret Thatcher des allures de Mère Teresa. Tout ce que fait cette mesure législative, c'est de mettre des pressions sur les gens qui peuvent le moins se protéger. Ces paroles sont éloquentes. Ce n'est pas étonnant que les Canadiens trouvent que le gouvernement manque d'intégrité.

(1655)

Le gouvernement affirme que l'assurance-chômage pose un problème pour trois raisons. Il dit que cela décourage les chômeurs de travailler et constitue donc une des causes de la hausse du chômage. Il prétend que l'assurance-chômage décourage en réalité les gens de chercher du travail. Il prétend que le programme favorise la dépendance dans certaines régions et industries. Il prétend que les cotisations sociales qui financent le régime ont leur propre «effet pervers sur la création d'emploi, qui a contribué à la croissance du taux de chômage fondamental, au Canada.

Les études que le gouvernement a commandées à des spécialistes du domaine réfutent chacune de ses critiques contre l'assurance-chômage. Les études que le gouvernement a présentées pour appuyer ses arguments montrent clairement que le chômage est involontaire, dans une très forte proportion, et qu'il est attribuable à l'insuffisance des emplois et des heures de travail par rapport à la demande. Autrement dit, les gens ne sont pas chômeurs par choix, et les chômeurs devraient s'offusquer de ce que le gouvernement laisse entendre le contraire.

Ces études montrent indéniablement que c'est le manque d'emplois plutôt que le manque d'incitations au travail qui crée le haut taux de chômage du Canada. Les études font aussi remarquer que les cotisations constituent un mode de financement adéquat. Tout laisse croire que le coût du programme est totalement assumé par les travailleurs et non par les employeurs, et que ce n'est pas un facteur dissuasif notable, comme le ministre des Finances se plaît à le dire.

Ceux qui ont réalisé les études au nom du gouvernement réfutent donc les raisons d'attaquer le régime d'assurance-chômage alors qu'ils devaient plutôt trouver des justifications à cette attaque. Le gouvernement poursuit simplement le programme et les compressions du gouvernement Mulroney. J'occupe un siège à la Chambre depuis 1989. C'est la cinquième fois que je vois le même programme ressortir.

Le principal problème et la raison qui fait que ce gouvernement aime, tout comme ses prédécesseurs, s'attaquer aux chômeurs plutôt qu'au chômage, c'est qu'il n'a pas une bonne perception de la réalité, pas de stratégie industrielle claire, pas de stratégie économique claire et aucune idée de la direction que notre pays pourrait et devrait prendre. On connaît tous ces paroles célèbres de Yogi Berra: «Quand on ne sait pas où l'on s'en va, on risque de se retrouver ailleurs.» Avec ce programme, les Canadiens risquent de se retrouver ailleurs sans la sécurité d'emploi dont ils ont besoin.

En terminant, ces programmes proposés par le gouvernement qu'on a appelés «programmes actifs» comportent deux défauts indéniables. L'une des choses qu'il aime faire et qu'il devrait faire, c'est offrir des renseignements sur les emplois disponibles d'un bout à l'autre du pays; il devrait également fournir aux employeurs une indication du genre de qualifications que possèdent les chômeurs afin de mieux assortir qualifications et emplois.

Le gouvernement aurait dû examiner le système de la Suède. Dans ce pays, les employeurs sont obligés de déclarer au ministère approprié tout emploi d'une durée de plus de 10 jours. Les employés sont également obligés de s'inscrire auprès des ministères. En Suède, 90 p. 100 des postes vacants sont protégés par ce programme. Quand on veut du travail, c'est par là qu'on passe.

En l'absence d'obligation de ce genre de la part des employeurs, toute tentative visant à mettre en contact employés et employeurs ne peut qu'être vouée à l'échec. Pourquoi ne pas avoir un système de ce genre? Pourquoi le gouvernement n'a-t-il pas tiré des leçons du succès de ce système?

L'Allemagne est un autre exemple. Les éventuels chômeurs sont dépistés très tôt afin de pouvoir prendre des mesures préventives. Pourquoi ce genre de système n'existe-t-il pas au Canada?

Pour terminer, je dirai qu'on aura beau avoir tous les programmes proactifs au monde, si on n'a pas de stratégie de plein emploi, les Canadiens continueront à être au chômage dans des proportions inacceptables.

[Français]

Le vice-président: Nous passons maintenant à la période de questions et commentaires. Comme des députés de trois partis désirent poser des questions, je vous demanderai d'être très brefs.

[Traduction]

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, je suis arrivé récemment en cette Chambre et je n'ai pas l'expérience du député de Saskatoon-Clark's Crossing. Je me demande s'il accepterait de confirmer ou d'interpréter ses commentaires.

(1700)

Les libéraux changent-ils maintenant de philosophie par rapport à celle qu'ils pratiquaient lors de la législature précédente, lorsqu'ils étaient dans l'opposition? Le député est-il en train de nous dire que libéraux et conservateurs, c'est blanc bonnet et bonnet blanc? Comment explique-t-il cela?

M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, voilà une question que de nombreux Canadiens se posent.

Libéraux et conservateurs, c'est du pareil au même. Les députés le savent très bien. Il est évident que le présent gouvernement n'est que la suite du précédent. Les Canadiens en sont conscients. Le problème ne se règle pas, il s'accentue.


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[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, dans le même ordre d'idées, je constate que le député du Parti réformiste a partagé son temps avec un député du Nouveau Parti démocratique qui vient de la même région.

Je voudrais demander à l'honorable député si c'est le présage d'une nouvelle association entre le Parti réformiste et le NPD concernant les programmes sociaux.

[Traduction]

M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, j'en doute.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Monsieur le Président, j'ai bien apprécié la déclaration du député. Le député du Parti réformiste, représentant de Saskatoon, vient de l'ouest du Canada tout comme moi.

Les députés du Parti réformiste ont parlé d'équité et de justice et ont souligné, avec raison, la croissance de l'emploi dans l'ouest du Canada. Je voudrais demander au député du NPD s'il admet que le nombre de semaines donnant droit à des prestations d'assurance-chômage devrait être le même au Manitoba et dans toutes les autres régions de l'ouest du Canada, par exemple en Alberta.

M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, le point important, ce ne sont pas les règles et règlements précis régissant les détails de l'assurance-emploi. Le point important, c'est de veiller à ce que tous les Canadiens sans emploi trouvent du travail. Nous ne pourrons le faire avec un régime comme celui-ci, tout simplement parce qu'il ne fait pas partie d'un programme global, qui place l'emploi en premier lieu dans la liste de priorités du Canada.

Nous pourrons le faire uniquement si nous nous engageons à instaurer une économie du plein emploi. Alors nous n'aurons plus à demander à quoi servira la formation. Nous n'aurons plus à demander quelles cotisations exiger dans chaque région du pays. Nous progresserons vers une véritable économie où la croissance de l'emploi aura sa place.

La Saskatchewan, où le taux de chômage est le plus bas au pays, a adopté une approche de partenariat; le gouvernement agit de concert avec le milieu des affaires. Les intervenants travaillent ensemble pour créer des emplois et assurer la croissance de l'économie. Voilà ce que le gouvernement devrait faire.

M. David Iftody (Provencher, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'avoir la possibilité de parler du projet de loi C-12 et de dire de quelle façon les modifications proposées amélioreront le climat des affaires au Canada.

La nouvelle approche simplifiée pour calculer les cotisations et rationaliser le processus de déclaration mis en place par cette mesure législative réduira de façon substantielle les coûts d'administration et la paperasserie associés à l'ancien programme d'assurance-chômage.

C'est particulièrement important pour la petite entreprise. Nous avons entendu dire très souvent, de la part des milieux d'affaires et, en particulier, des petites entreprises, qu'il en coûtait cher d'administrer le vieux régime d'assurance-chômage que l'on qualifiait de trop bureaucratique.

Il est juste de dire que ce régime antique exigeait un travail administratif important. En vertu du régime d'assurance-chômage actuel, les employeurs doivent comptabiliser les rémunérations hebdomadaires de leurs employés. Ils doivent s'assurer, par exemple, que la rémunération hebdomadaire, c'est-à-dire le montant gagné, est au-dessus du minimum hebdomadaire fixé par la Loi sur l'assurance-chômage.

Si la rémunération est trop basse, l'employeur doit vérifier également si les heures, c'est-à-dire les heures travaillées, dépassent le minimum hebdomadaire. L'employeur doit également vérifier si la rémunération de l'employé est supérieure au maximum hebdomadaire.

Une fois qu'il a fait tout ça, l'employeur doit calculer la cotisation de chaque employé et la cotisation correspondante de l'employeur. Est-ce que ça vous paraît complexe? De toute évidence, ça l'est.

Dans certains cas, ce régime compliqué doit être répété chaque semaine et pour chaque travailleur. Imaginez la difficulté administrative, même pour une petite entreprise qui doit employer du personnel pour faire ce travail fastidieux.

(1705)

Le nouveau système mettra fin à ce processus complexe. Le paiement des primes sera calculé systématiquement sur toutes les rémunérations et il n'y aura pas de minimum d'heures ou d'argent aux fins de l'admissibilité. Il sera également beaucoup plus facile à l'employé de comprendre ce qui se passe.

Tel que c'est actuellement, il est difficile pour un employé de savoir si l'employeur a bien calculé sa cotisation, à moins que l'employé lui-même ne se livre au même processus complexe en tenant un état de ses cotisations cumulatives à l'assurance-chômage.

Pour ceux qui gagneraient moins de 2 000 $, les cotisations versées seront remboursées en vertu d'un système simplifié, direct et facile à administrer. En même temps que nous simplifions le processus, nous l'étendons également à beaucoup plus de travailleurs, ce qui que plus d'entreprises, en particulier les petites entreprises, seront maintenant incluses dans le régime.

On s'est inquiété de l'impact possible de ces changements sur les coûts salariaux des petites entreprises, particulièrement dans le secteur des services où de nombreux travailleurs à temps partiel, qui étaient précédemment exclus de l'assurance-chômage, seront maintenant admissibles au nouveau programme. Voici quelques réponses à cela.

En vertu du nouveau régime, environ les deux tiers des petites entreprises qui cotisent actuellement au programme d'assurance-chômage paieront moins ou la même chose que ce qu'elles payaient précédemment et, si les cotisations sont réduites, comme on espère qu'elles le seront lorsque l'argent commencera à rentrer, le nombre des petites entreprises qui paieront moins ou la même chose que


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précédemment passera à 77 p. 100. Il reste encore les 23 p. 100 qui pourraient devoir subir une augmentation.

La mesure législative vise à améliorer le régime et non pas à accroître les coûts salariaux de la petite et moyenne entreprise. Le projet de loi prévoit le remboursement temporaire des cotisations dans le cas des petites et moyennes entreprises qui connaîtront un relèvement des cotisations supérieur à 500 $ au cours des années 1997 et 1998. Le remboursement annuel maximum est fixé à 5 000 $. On estime que cette mesure d'allégement temporaire profitera à 300 000 petites et moyennes entreprises dont les employés seront désormais admissibles au programme d'assurance-emploi.

Ainsi donc, nous croyons que le projet de loi maintient un juste équilibre entre l'objectif de rendre le régime d'assurance-emploi accessible à des dizaines de milliers de travailleurs à temps partiel qui sont actuellement assujettis à la règle de 15 heures par semaine en leur accordant la possibilité de satisfaire aux critères d'admissibilité aux prestations, d'une part, et le souci de ne pas alourdir la fardeau de certains employeurs, d'autre part.

De plus, nous croyons que la rationalisation et la réforme de l'ancien régime d'assurance-chômage, ainsi que les épargnes et les compressions de toutes sortes, sans oublier l'allégement du fardeau administratif, seront des mesures très appréciées du milieu des affaires.

Ces changements vont également se traduire par l'adoption de modalités de fonctionnement plus efficaces, d'où des économies pour le gouvernement du Canada. Il faut actuellement plus de 2 000 employés du ministère du Développement des ressources humaines pour traiter les relevés d'emploi. Si ces formulaires sont simplifiés et que le processus de déclaration est rationalisée, un appareil gouvernemental plus simple et plus facile à administrer pourra rapporter des gains d'efficacité substantiels.

L'autre grand avantage qu'offre ce projet de loi, c'est qu'il contribue à l'employabilité des travailleurs par le truchement des avantages liés à l'emploi que prévoit la partie II de la mesure législative, notamment les mesures en matière de prestations d'emploi. Cette partie de la mesure législative revêt une grande importance pour le milieu des affaires, car elle contribuera à mieux intégrer les besoins des travailleurs et ceux des employeurs pour créer des expériences d'emploi enrichissantes.

Ces mesures renforceront la valeur du travail. Les mesures en matière de prestations d'emploi se veulent des mesures d'incitation au travail et aideront employeurs et employés à s'adapter aux changements économiques et à tirer parti des nouvelles possibilités.

Ainsi, les avantages sous forme de subventions salariales encourageront les employeurs à recruter des personnes qui ont besoin d'expérience professionnelle, mais ne sont pas encore en mesure de donner leur plein rendement. Les employeurs seront ainsi à même d'accueillir un apport de sang neuf et de permettre aux nouveaux travailleurs de développer leurs compétences sans que le prix à payer soit trop élevé.

Des suppléments de rémunération viendront accroître les salaires des travailleurs admissibles, ce qui les incitera à accepter des emplois, même s'ils sont moins bien rémunérés, au lieu de toucher des prestations d'assurance-chômage. Cela aidera à apaiser les craintes exprimées selon lesquelles les petites entreprises se trouvent souvent en concurrence directe avec les employés de l'assurance-chômage.

(1710)

À ce sujet, il est important de noter qu'à la suite d'un sondage effectué récemment dans la région de l'Atlantique, on s'est aperçu qu'en fait, 45 p. 100 des employeurs dans cette région se plaignaient de devoir concurrencer le système d'assurance-chômage du gouvernement fédéral et disaient pouvoir offrir des emplois aux Canadiens de la région de l'Atlantique si on modifiait les fondements de ce système.

Le nouveau projet de loi nous donnera la possibilité de continuer à poursuivre des programmes de partenariats pour la création d'emplois en collaboration avec les provinces, les collectivités locales et le secteur privé pour créer des emplois conformes aux objectifs locaux de développement économique. Nous avons déjà d'excellents exemples de projets très efficaces de création d'emplois de concert avec des partenaires du secteur privé. Nous savons que cette façon de procéder s'impose et va donner les résultats escomptés.

Le nouveau régime d'assurance-emploi sera bon pour le secteur privé. C'est également l'opinion de nombreux chefs d'entreprise. Les représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante ont signalé au Comité permanent du développement des ressources humaines que les employeurs appuyaient l'objectif fondamental du projet de loi, qui est d'encourager les chômeurs canadiens à obtenir de véritables emplois. Le régime actuel d'assurance-chômage décourage les gens de retourner sur le marché du travail.

Le Business Council of British Columbia voit le projet de loi C-12 comme une initiative plus constructive. Le président de la Chambre de commerce du Québec croit qu'un programme rationalisé sera plus efficace. Le directeur exécutif du Conseil canadien des ressources humaines dans le secteur environnemental a déclaré que grâce à la nouvelle stratégie d'assurance-emploi, on pouvait, avec l'aide des conseils sectoriels canadiens, aider les Canadiens à trouver et garder des emplois.

C'est ce que le gouvernement veut faire, soit aider les Canadiens à trouver et à garder un emploi. Le nouveau projet de loi sur l'assurance-emploi est une partie intégrante essentielle de cette nouvelle vision tournée vers l'an 2000.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, le député de Provencher a beaucoup parlé des entreprises et des employeurs en partant du principe qu'il y voyait un avantage car les deux tiers des entreprises allaient voir leurs cotisations diminuer.

J'aimerais lui poser deux questions. La première est celle-ci: Est-il est au courant, dans le projet de loi, pour une entreprise dont les employés abuseraient du système, dans le sens qu'il y aurait une fraude et que l'employeur aurait une augmentation du simple au


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double dans certains cas et même du triple, des pénalités visant les employeurs? Ma sous-question serait la suivante: Est-il au courant que même un administrateur bénévole d'un organisme à but non lucratif, si jamais il arrivait qu'un employé causait un problème, une irrégularité quelconque avec le gouvernement, pourrait être reconnu coupable de fraude? Est-il au courant de ces nouvelles dispositions qui renforceront énormément les pénalités et les charges des employeurs à cet égard?

Voici maintenant le deuxième aspect de ma question. Il a parlé de la simplification des procédures. Je voudrais juste corriger un aspect. Il a dit: «Ah, une merveille!» Jusqu'à 2000 $, les étudiants pourront bénéficier d'un remboursement, alors qu'ils n'ont même pas à cotiser actuellement. Je ne vois pas l'amélioration du système, puisque les jeunes devront attendre neuf mois de plus avant d'être remboursés.

[Traduction]

M. Iftody: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question plutôt longue.

Au sujet des demandes frauduleuses, les discussions que j'ai eues avec mes électeurs de Provencher à propos des cotisations des employeurs et des employés m'ont permis de conclure d'une façon très catégorique que, peu importe si des agriculteurs embauchent des employés à temps partiel pour l'été et que ces employés demandent des prestations d'assurance-chômage par la suite, ou peu importe s'il s'agit de gens du nord de la circonscription qui travaillent dans l'industrie forestière, tant les employeurs que les employés, en fait tous les Canadiens, sont préoccupés par l'utilisation frauduleuse de l'argent des contribuables.

(1715)

L'autre aspect que je voudrais souligner très brièvement au député concerne la création d'emplois. Le député voudra peut-être examiner la composante travailleur autonome de ce programme de création d'emplois, même dans sa province, et le fait que bon nombre des femmes qui se retrouvent au chômage au Québec trouveront peut-être un avantage dans ce régime en particulier.

M. Jake E. Hoeppner (Lisgar-Marquette, Réf.): Monsieur le Président, je me demande si le député de Provencher convient avec mon collègue de Peace River qu'il devrait y avoir un incitatif au déplacement vers les endroits où des emplois sont disponibles.

J'ai déménagé pour devenir agriculteur. Si je ne l'avais pas fait, mes garçons ne seraient pas agriculteurs aujourd'hui. Par conséquent, ne devrait-il pas y avoir un incitatif quelconque pour aller vers les régions où il y a des possibilités d'emploi?

M. Iftody: Monsieur le Président, le programme que le gouvernement a proposé renferme au moins une mesure prévoyant des paiements de transition. Je crois qu'un montant considérable est alloué à cette fin, de sorte que les travailleurs qui changent d'emplois et qui déménagent pour occuper de nouveaux emplois bénéficieraient de prestations.

Mme Jean Augustine (Etobicoke-Lakeshore, Lib.): Monsieur le Président, je commencerai par dire que j'appuie le projet de loi C-12 tel que la Chambre en est maintenant saisie.

Avec ce projet de loi, le gouvernement a tenu son engagement à réformer le régime d'assurance-chômage et à proposer un régime juste et équilibré qui réponde aux besoins des Canadiens de toutes les régions.

En tant que membre du Comité permanent du développement des ressources humaines, j'ai été heureuse de prendre une part active à l'élaboration des amendements au projet de loi. Je tiens à féliciter de leur approche non seulement le gouvernement et le ministre, mais aussi deux de mes collègues de l'opposition qui nous ont encouragés et nous ont poussés dans la voie où les explications et les discussions ont contribué à améliorer le processus.

Quand il a comparu devant le comité, le ministre nous a invités à suggérer des améliorations. J'ai été heureuse de voir qu'il a bien réagi à la Chambre et fait bon accueil aux amendements que nous avons proposés et qui portaient sur le dénominateur utilisé pour calculer les prestations, sur la question des interruptions dans les gains et sur la règle dite d'intensité régissant la réduction des taux de prestation pour les prestataires antérieurs. Tous ces amendements ont beaucoup amélioré le projet de loi. J'invite tous les députés d'opposition à appuyer le projet de loi dans sa version finale.

Je voudrais aborder trois points qu'il me paraît important de souligner à mes collègues dans le cadre du débat. Les députés du Bloc ont soutenu que les normes d'admissibilité plus élevées à l'assurance-emploi allaient rendre plus difficile aux femmes de réintégrer le marché du travail et les forcer à recourir à l'aide sociale.

Pour dissiper toute confusion, je dirai qu'il est vrai que les personnes qui deviennent ou redeviennent membres de la population active seront plus probablement des femmes. Cependant, ces personnes auront maintenant besoin de 910 heures de travail assurable pour avoir droit aux prestations. Toutefois, si elles travaillent au moins 490 heures au cours de leur première année dans la population active, elles auront besoin uniquement d'un minimum de 420 à 700 heures pour y avoir droit l'année suivante.

Le gouvernement reconnaît à quel point il est difficile pour une femme de rentrer sur le marché du travail après en être sortie un certain temps pour élever une famille. C'est pourquoi il a élargi l'admissibilité aux prestations de l'assurance-emploi aux Canadiennes qui ont touché des prestations de maternité ou des prestations parentales au cours des cinq années précédentes.

Les prestations d'emploi aideront les femmes à augmenter leurs gains, contribueront à leur stabilité d'emploi et traceront de nouveaux chemins dans de nouveaux secteurs. Ces prestations seront offertes dans la collectivité de la femme. Elles encourageront les autres femmes à participer et à tiendront compte des besoins de la population active locale.

(1720)

Une aide pour la garde des enfants sera à la disposition des femmes qui profiteront de ces prestations d'emploi. Étant donné que l'admissibilité sera établie d'après les heures, beaucoup de femmes qui travaillent à mi-temps ou cumulent plusieurs petits emplois pourront devenir admissibles aux prestations de maternité pour la première fois. Il ne leur faudra toujours que 700 heures de


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travail pour être admissibles à des prestations spéciales comme les prestations de maternité.

L'assurance-emploi va non seulement améliorer les débouchés pour les femmes, mais aussi créer des emplois. Ces réformes devraient entraîner la création de 65 000 à 115 000 nouveaux emplois financés par un fonds d'investissement de 800 millions de dollars. En plus de tout cela, la modernisation va créer 150 emplois et un fonds d'emploi de transition devrait donner du travail à 15 000 autres personnes.

Le milieu du travail au Canada reconnaît l'importance de la participation féminine, et la loi sur l'assurance-emploi reflète les réalités du monde moderne. L'une de ces réalités, c'est que les femmes travaillent à mi-temps. Elles représentent 70 p. 100 des travailleurs à temps partiel. Pour la première fois, grâce à l'assurance-emploi, leurs gains seront assurés dès le premier dollar.

Les femmes constituent également une faible majorité parmi les travailleurs qui cumulent plusieurs emplois. Là encore, le régime les assurera pour la première fois. Alors qu'un plus grand nombre de femmes seront assurées, beaucoup d'autres auront droit au remboursement de leurs cotisations. Environ 700 000 femmes qui gagnent 2 000 $ ou moins par année toucheront un remboursement, y compris 495 000 femmes qui paient maintenant ces cotisations.

Le gouvernement a également pris des mesures spéciales pour contrebalancer l'effet de la réforme sur les prestataires à faible revenu, dont beaucoup sont des femmes. Les prestations pour les familles monoparentales, dirigées par une femme pour la plupart, dont le revenu est inférieur à 26 000 $ augmenteront d'environ13 p. 100 en moyenne dans le cadre du nouveau régime. Les prestations aux travailleurs à faible revenu avec enfants augmenteront de 12 p. 100 en moyenne.

Le supplément familial haussera la rémunération hebdomadaire de nombreuses familles à faible revenu, apportant en moyenne 800 $à chaque famille dont le revenu est inférieur à 26 000 $.

Selon les nouvelles règles, les femmes à faible revenu pourront gagner davantage chaque semaine, sans compromettre leur demande d'assurance-emploi. L'exemption concernant le plafond de la rémunération signifie que les femmes pourront gagner jusqu'à 50 $ par semaine ou 25 p. 100 de leur rémunération, selon le montant le plus élevé, tout en touchant des prestations. Cela veut dire que l'assurance-emploi ne fait pas qu'encourager les efforts pour trouver un emploi, mais améliore aussi l'employabilité des femmes.

Je voudrais dire quelques mots sur la situation des jeunes. D'après certains bloquistes, les critères d'admissibilité plus sévères condamneront les jeunes Canadiens à l'aide sociale et au travail au noir. La vérité, c'est que ceux qui arrivent sur le marché du travail, en grande partie des jeunes, devront avoir travaillé pendant 910 heures pour avoir droit aux prestations.

Ces critères ont été resserrés pour une raison importante. Nous voulons dissuader les jeunes de compter sur la générosité et les encourager à poursuivre leurs études, au lieu de décrocher et d'accepter des emplois instables. Trop de jeunes épuisent leurs prestations sans même chercher à parfaire leurs études ou à acquérir des compétences. Ils sont pris dans un engrenage désespérant, celui des emplois de courte durée entrecoupés de demandes d'assurance-chômage.

Il est prouvé que les jeunes sont attirés vers le marché du travail avant la fin de leurs études, à cause de la facilité d'accès à l'assurance-chômage. En fait, le groupe de travail sur les emplois saisonniers et l'assurance-chômage a déclaré qu'il fallait faire quelque chose au sujet de l'admissibilité, pour empêcher les jeunes d'abandonner les études afin de profiter des prestations d'assurance-chômage à court terme, au détriment de leurs perspectives d'avenir professionnel.

Le resserrement des critères d'admissibilité fera en sorte que les jeunes seront davantage liés au marché du travail. Il fera en sorte que les jeunes restent aux études pour acquérir les compétences dont ils auront besoin pour occuper les emplois du XXIe siècle.

(1725)

Il est exact que les exigences d'admissibilité plus sévères nuiront aux jeunes travailleurs, mais elles permettront aussi à bien des jeunes qui travaillent à temps partiel ou qui gagnent leur vie en occupant plusieurs petits emplois d'assurer leur emploi pour une fois. Quelque 39 000 de ces jeunes, qui n'ont pas droit à l'assurance-chômage, seront admissibles à l'assurance-emploi.

Ces réformes ont pour principal objet d'aider les Canadiens, y compris les jeunes, à décrocher et à garder des emplois stables. Les nouvelles mesures d'emploi sont dynamiques et elles aideront les jeunes à acquérir les compétences qu'exige un marché du travail en changement.

Voilà notamment pourquoi les députés devraient être convaincus du bien-fondé de ce projet de loi. C'est une mesure qu'il faut appuyer. Malgré tous les arguments qui ont été défendus, j'invite tous les députés à se prononcer en faveur du projet de loi C-12.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis, BQ): Monsieur le Président, je connais bien la députée d'Etobicoke-Lakeshore parce que j'ai fait partie du Comité du développement des ressources humaines avec elle depuis l'élection du gouvernement libéral voilà deux ans et demi.

Je reconnais sa sensibilité habituelle, sauf que lorsqu'elle revient en Chambre, je la sens un peu mal à l'aise parce qu'elle nous expose ce que nous ont dit plusieurs fois en comité les fonctionnaires du ministère du Développement des ressources humaines. Je lui demanderais, à un autre niveau, comment a-t-elle ressenti, en tant que femme qui s'est toujours montrée sensible, humaine, les témoignages de la Fédération des femmes du Québec et des autres organismes représentant des femmes partout au Canada qui sont venus nous dire en comité que cette réforme de l'assurance-chômage n'avait pas de sens parce que les femmes seraient pénalisées?

Oui, avec le principe du nombre d'heures, environ 5 p. 100 des femmes pourront peut-être profiter désormais de l'assurance-chômage, mais 25 p. 100 en seront exclues. Pourquoi, et la députée le sait, c'est parce que ceux qui avaient 15 heures de travail par semaine et moins auront besoin de beaucoup plus pour avoir droit à l'assurance-chômage. Notamment dans ma région, il faut que les


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personnes travaillent au moins 26 semaines à raison de 17 h 30 par semaine. Elles vont cotiser, mais elles ne pourront pas en recevoir.

À un tel point que la Fédération des femmes du Québec songe à aller en cour pour soulever un élément de discrimination envers les femmes pour empêcher l'application de cette loi. C'est la même chose en ce qui concerne les jeunes.

J'ai du mal à retrouver ma collègue quand elle prend cette position-là, quand elle trouve normal qu'on soit plus durs envers les jeunes qui n'ont pas encore bénéficié de l'assurance-chômage. Actuellement elle se laisse attendrir par les arguments des fonctionnaires qui disaient que les jeunes sont des fraudeurs potentiels, des abuseurs potentiels.

Je fais appel à sa sensibilité, je fais appel à son écoute en tant que membre du Comité du développement des ressources humaines, quand il y avait des hommes et des femmes qui venaient l'entendre, que 75 à 80 p. 100, depuis deux ans et demi, nous ont dit que ce n'était pas acceptable, j'essaie de voir et je lui demande si elle est vraiment à l'aise avec la ligne de son parti.

[Traduction]

Mme Augustine: Monsieur le Président, j'ai beaucoup d'admiration pour le dernier orateur, avec qui j'ai l'occasion de travailler depuis deux ans.

Le député doit sûrement savoir que j'ai pris au sérieux les arguments qu'il a avancés. J'en ai pris note et j'ai passé beaucoup de temps à examiner, avec mes collègues et d'autres intervenants, les passages du projet de loi qui semblaient nous donner du mal. Nous avons étudié les parties du projet de loi qui auraient pu, à notre avis, défavoriser plusieurs personnes. Nous avons proposé des amendements pour bonifier la mesure législative.

Le député sait aussi que nous n'avons pas agi sans analyser sérieusement tous les aspects de la question: les heures de travail, le revenu et la situation des travailleurs dans les diverses régions du pays. Ce n'est qu'après avoir examiné en détail l'ensemble de la situation que j'en ai conclu que nous agissions dans l'intérêt de tous les Canadiens, vivant dans toutes les régions du pays, en modifiant certaines parties du projet de loi.

(1730)

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska-Rivière-du-Loup, BQ): Monsieur le Président, c'est la dernière intervention que je vais faire en Chambre sur ce projet de loi. On l'a accompagné au niveau du comité pendant près de deux ans. On a essayé de sensibiliser le gouvernement à la réalité canadienne. Ce soir, plutôt que de parler d'arguments techniques, je voudrais demander aux députés libéraux d'envisager le vote qui s'en vient en considérant les effets que cela aura sur les Canadiens, sur la population des Maritimes, la population du Québec, la population de l'Ontario, particulièrement du nord de l'Ontario, de l'Ouest canadien et même des grands centres, et je veux m'expliquer là-dessus.

Ce projet de loi sur la réforme de l'assurance-chômage est un peu un choix de modèle de société que le gouvernement nous demande de faire. Il a décidé de faire mourir l'ancien modèle du Canada où il y avait des choses qui fonctionnaient et d'autres qui fonctionnaient moins, mais l'espèce de volonté de compassion, de faire que chacune des régions puisse recevoir des montants équitables, à tout le moins en termes de compensation pour le développement économique, n'était pas là. Le gouvernement a décidé de faire le deuil de ce type de développement et on le retrouve dans le projet de loi d'aujourd'hui.

Je vais donner un exemple plus terre à terre mais qui m'apparaît correspondre très bien à la réalité. Vous savez, l'économie de nos régions est un peu comme une auto usagée qui boit de l'huile. Son moteur a de la difficulté parce que l'huile s'évapore trop facilement. Habituellement, on remet de l'huile dans le moteur pour qu'il puisse continuer à tourner et, à un moment donné, on décide de le faire réparer pour qu'il puisse ensuite fonctionner correctement.

Pour la réforme de l'assurance-chômage, le gouvernement a décidé que même si le moteur buvait de l'huile, la solution était de ne plus donner d'huile et ensuite, le moteur se réparera de lui-même. On sait très bien que ce n'est pas ainsi que cela fonctionne. Les économies régionales, les économies qui dépendent d'industries saisonnières sont des économies qui ont besoin de diversification.

Cela été prouvé par le comité sur les travailleurs saisonniers du ministre du Développement des ressources humaines, cela a aussi été prouvé par les démonstrations qui nous ont été faites au Comité du développement des ressources humaines. Cela nous a aussi été démontré par les gens dans la dernière consultation sur le projet de loi lui-même, où les gens de la Gaspésie, entre autres, nous donnaient des exemples, que pour un emploi il y avait eu 50, 75, 100 postulants. Donc, les gens veulent travailler et veulent avoir l'occasion que leur économie soit développée et cela met en question en profondeur un principe inéquitable, un principe inacceptable que l'on retrouve dans le régime actuel, soit de décider à la base que les gens profitent du système.

Ce projet de loi présume de la culpabilité des gens à utiliser le régime d'assurance-chômage. Il considère qu'on doit les punir pour pouvoir les ramener dans le droit chemin. Cette approche en est une qu'on peut difficilement comprendre du gouvernement actuel, parce que quand il a été élu, il a dit: «Nous allons mettre de l'avant la question des emplois.» Son slogan était: «jobs, jobs, jobs.»

Il a donc proposé un modèle de société qui était complètement différent de celui de l'ancien gouvernement conservateur. Si on avait devant nous la réforme actuelle et que c'était l'ancien gouvernement conservateur qui l'avait proposée et qui avait été élu, on pourrait dire que les Québécois, les Canadiens ont choisi ce type de gouvernement, c'est ce qu'ils voulaient, on va réagir en conséquence. Mais non, on a devant nous un gouvernement qui a été élu en présentant une philosophie complètement différente de celle qu'on retrouve dans le projet de loi.

Aujourd'hui, il nie en profondeur ce qu'est la responsabilité d'un élu, c'est-à-dire de réaliser la raison pour laquelle il a été élu. Ce


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gouvernement, particulièrement les députés des Maritimes, vont vivre avec un poids politique fantastique s'ils votent en faveur de ce projet de loi.

C'est d'autant plus vrai, et je vais vous citer rapidement quelques extraits d'une lettre que le premier ministre actuel avait signée le 26 mars 1993, alors que les conservateurs prenaient des mesures qui sont moins sévères que celles qu'on retrouve présentement dans le projet de loi. Cette lettre disait, entre autres, et c'est le premier ministre actuel qui parle, lui qui était chef de l'opposition à l'époque:

Je peux vous assurer que le Parti libéral partage votre inquiétude face à cette charge contre les chômeurs. Nous ne croyons pas non plus que les récentes modifications superficielles changent la nature fondamentalement injuste de ces mesures.
Vous ne trouvez pas que cela ressemble un peu aux trois petits amendements qu'on nous a mis sur la table dernièrement? Ensuite, le premier ministre, qui était chef de l'opposition à ce moment-là, dit:

Au lieu de s'attaquer au fond du problème, il s'en prend aux chômeurs.
(1735)

Et il finit en disant:

Soyez assurés que les libéraux continueront de demander que le gouvernement retire ce projet de loi injuste.
C'est peut-être l'effet le plus grave de ce projet de loi.

C'est vrai que ça pénalise les régions et les travailleurs, c'est vrai qu'il y a des économies régionales qui risquent de s'effondrer, c'est vrai que ça met de l'avant le fait que les gens ne sont considérés que comme des agents économiques.

On dit qu'il faut que les gens soient mobiles. Ce n'est pas parce que tu es dans le même milieu depuis des générations que tu as le droit d'y rester, que tu as le droit de demander que l'économie de ce coin-là se développe, non. Il faut que tu te déplaces en fonction du marché du travail. Ce sont ces choses-là que le gouvernement met de l'avant. Mais le plus grave, c'est que ça met en question la crédibilité des élus. Le fait d'être élu avec un mandat et de ne pas le respecter fait qu'aujourd'hui les politiciens ont un taux de popularité de 4 p. 100. Et ça, c'est une chose absolument inacceptable.

C'est vrai qu'il y a des impacts économiques négatifs majeurs. Ça sera vrai sur l'économie des régions, mais ça aura aussi un effet dans les grands centres. Dans les prochaines années, la main-d'oeuvre va quitter les régions, entre autres la main-d'oeuvre spécialisée dans l'industrie touristique, qui ne pourra plus trouver le nombre d'heures nécessaires pour être admissible à l'assurance-chômage. Il y aura une chasse aux heures. La main-d'oeuvre va se déplacer vers les grands centres et videra les régions de ressources intéressantes et exercera une pression inacceptable sur la main-d'oeuvre des grands centres. Ce seront des effets négatifs importants.

Le Régime d'assurance-chômage est le meilleur régulateur de l'économie en période de récession. Ma peur la plus profonde, c'est que lors de la prochaine récession on se retrouvera avec des comportements économiques semblables à ceux de la crise de 1929, où parce qu'il n'y avait pas de programmes sociaux, les gens mouraient littéralement de faim.

On a mis en place ces programmes-là. On s'est rendu compte que le Régime d'assurance-chômage permettait au moins d'éviter les effets à court terme de la récession. Le fait de recevoir des prestations d'assurance-chômage permet de continuer à contribuer à l'économie, de continuer à consommer et cette réalité n'existera pas. Ce sont les changements majeurs.

Ce sont les effets négatifs de ce choix de société, le choix d'aller vers un néo-libéralisme qui ne tient pas compte de la nécessité, dans un pays comme le Canada, d'avoir des mesures de temporisation, des mesures d'évaluation de l'économie qui permettent d'avoir une société plus correcte.

Quand vous voterez tantôt, pensez-y donc si vous connaissez des gens qui demeurent à Shediac, à Bonaventure, à Charlottetown, en Gaspésie, à Nouvelle, à Gaspé, dans toutes les régions, dans tous les secteurs, qu'est-ce qui va arriver de nos économies régionales? Qu'est-ce qu'on fera d'une main-d'oeuvre qui traditionnellement, depuis plusieurs années, a été investie dans des industries saisonnières, des industries dans lesquelles ça prend des travailleurs qui ne peuvent pas travailler à l'année? On va placer les travailleurs dans des situations inacceptables, dans des situations où ils devront recourir à l'aide sociale.

Tout ça dans une société où on a un Régime d'assurance-chômage qui génère, de façon systématique, cette année, l'année prochaine et les autres années, un surplus de cinq milliards. Est-ce que quelque part ça correspond aux valeurs de développement qu'on a voulu donner au Canada depuis 20, 25, 30 ans? Est-ce que les gens voudront continuer à vivre dans un pays qui met de côté toutes ces valeurs? Je pense que pour les Québécois, la réponse est très claire.

Le gouvernement libéral devra porter le poids de sa décision. Ce n'est pas seulement un engagement qui n'est pas respecté, c'est une espèce de mépris de la démocratie auquel on fait face présentement. Qui sont les vrais maîtres derrière ces décisions? Qu'est-ce qui fait qu'on crée un système comme celui-là?

Qu'est-ce qui fait que des députés élus en disant à leurs électeurs qu'ils vont travailler de bonne foi pour l'emploi, pour utiliser le potentiel humain afin qu'ils soient heureux dans leur milieu de vie, se taisent tous deux ans et demi plus tard? Ils ne disent plus un mot sur ces questions et ne présentent plus rien pour en arriver à ces résultats.

Pourquoi est-ce que personne n'est venu nous dire de fixer des objectifs en matière de lutte au chômage, comme on en a fixé pour la lutte au déficit? Comment cela se fait-il? Ce sont des questions fondamentales qu'on doit se poser, parce que ce n'est pas seulement dans ce projet de loi qu'on va le retrouver, mais aussi dans d'autres mesures du gouvernement.

Il y a deux types de maître. Je pense qu'il y a un vice de forme fondamental dans cette réforme, c'est d'avoir associé la lutte au déficit au Régime d'assurance-chômage.

(1740)

Que les prestataires d'assurance-chômage aient à faire des contributions, ils en ont fait dans le passé. Qu'on leur demande d'en faire encore, cela aurait pu être possible. Mais là, on s'obstine à aller

2787

chercher 5 milliards par année dans un régime dont l'objectif fondamental est de permettre aux gens d'avoir un revenu entre deux emplois. On les pénalise et on les culpabilise d'utiliser le régime d'assurance-chômage pour couvrir les aspects négatifs où le gouvernement n'a pas pris ses responsabilités.

Au sujet des 5 milliards dont on veut se servir comme revenu un peu artificiel pour couvrir le déficit, on aurait dû se dire qu'on regarderait plus à fond dans les dépenses du gouvernement, telles que les ambassades ou la Défense nationale pour voir si on n'était pas capable de fouiller un peu plus. On va régler une fois pour toutes la question de la main-d'oeuvre et les 250 millions qui sont gaspillés d'année en année seulement en dédoublements avec le gouvernement du Québec.

Si on avait fouillé à fond là-dedans, on n'aurait pas été obligés de poser des gestes comme celui qu'on pose, c'est-à-dire de défendre une réforme qui est indéfendable par rapport à ses objectifs économiques. Ce régime génère 5 milliards en surplus. Ces 5 milliards sont versés dans une machine bureaucratique et on crée des conditions où l'argent ne sera pas productif. Pourquoi n'aurions-nous pas pu faire le choix plutôt que de diminuer les cotisations des employés et diminuer les cotisations des employeurs, que cet argent se remette à rouler dans l'économie et qu'elle puisse générer des emplois?

On dit que pour chaque sou de diminution des cotisations des employeurs, on a un équivalent d'à peu près 12 000 emplois qui peuvent être créés à travers le Canada.

Quand est-ce que la machine bureaucratique va pouvoir générer des choses aussi intéressantes? Je pense qu'il faut être très conscient, le gouvernement n'a plus de voie de sortie pour financer ses dépenses dans des secteurs qui dépendent des provinces, n'a plus d'argent pour intervenir dans ces secteurs, n'est plus capable d'aller emprunter sur les marchés extérieurs; il ne lui reste que cette vache à lait qu'a été le régime d'assurance-chômage. Et on va dans un système où le gouvernement ne met plus un sou. Tout l'argent du régime d'assurance-chômage est fourni par les employeurs et par les employés.

Le surplus de 5 milliards de dollars sur lequel on ne leur donne pas le contrôle de la gestion, on ne dit pas: Vous allez, employeurs et employés, décider ce que vous faites avec le surplus. Est-ce que vous faites une petite réserve pour les années moins bonnes? Est-ce que vous diminuez les cotisations pour les autres? Est-ce que vous mettez le surplus dans d'autres régimes? Est-ce que vous augmentez les prestations pour les gens qui sont dans des situations plus difficiles? C'est votre argent, faites donc ce que vous voulez avec et on aura un petit droit de regard, on s'assurera que les dépenses seront faites correctement. Non, il n'y a rien de ça.

Il ne faut absolument pas s'étonner, à ce moment-là, de voir le jugement qui est porté par la population du Québec sur l'ensemble de ces décisions. Présentement, aujourd'hui, au Québec, 75 p. 100 de la population dit, dans un sondage, que toute la question de la gestion de l'assurance-chômage devrait être rapatriée au Québec. Il y a 59,8 p. 100 de la population qui est en opposition à la réforme de l'assurance-chômage contre 27 p. 100 qui l'appuie. Il y a 79 p. 100 des gens qui pensent qu'elle va profiter d'abord au gouvernement fédéral, non pas aux travailleurs et non pas aux employeurs. Ils ont très bien compris ce que j'ai dit tantôt.

Il ont très bien compris que ce n'est qu'une question de lutte au déficit et que les employeurs et les employés sont pris en otage par ce gouvernement.

Ils ont aussi compris qu'ils sont, à 72 p. 100, contre le fait qu'il faut diminuer les sommes versées aux chômeurs, à 66 p. 100 contre la réduction de la période pendant laquelle on peut recevoir du chômage. C'est évident et sain de voir que la population du Québec a très bien compris quels sont les impacts négatifs de ce régime.

Il y a d'autres symboles. On est allé remettre au ministre du Développement des ressources humaines 40 000 cartes postales où les gens demandent le retrait du projet de loi et où ils demandent en même temps qu'il y ait rapatriement du secteur de la main-d'oeuvre. Si 40 000 personnes ont pris le temps d'envoyer une carte postale, je pense que c'est un message clair. Il y a un message pour les libéraux fédéraux du Québec, mais il y a un message aussi, et je pense que c'est le même dans les Maritimes, si on faisait un sondage demain matin sur la perception dans les Maritimes, on aurait la même réalité.

En conclusion, je voudrais citer un poète de chez nous, M. Gilles Vigneault, qui disait dans une chanson qui s'adresse très bien au gouvernement libéral actuel, particulièrement au premier ministre: «À semer du vent de cette force, tu te prépares une joyeuse tempête.»

Cette tempête va venir des jeunes, de ceux auxquels vous allez imposer 910 heures de travail, 26 semaines de 35 heures à temps plein pour devenir admissibles à l'assurance-chômage plutôt que 300 heures. Elle viendra aussi des travailleurs saisonniers auxquels vous diminuez les prestations, alors qu'eux-mêmes ont payé pour ces prestations. Pour chaque tranche de 20 semaines d'assurance-chômage, ils vont perdre 1 p. 100 de leur montant de prestations. C'est nous qui aurons voté pour ce projet de loi, pour tous ceux qui vont l'avoir accepté.

Cela touchera aussi les propriétaires de petits commerces. Dans une région comme la mienne, il y aura 10 millions de dollars en moins dans l'économie régionale. C'est donc très important. Je pense qu'il faut clairement dénoncer ce projet de loi. On a encore le temps de le rejeter et je pense que le gouvernement libéral devrait prendre le même message que celui qu'il a adressé aux conservateurs concernant la fermeture des bureaux de poste. Les conservateurs avaient cru que c'était eux qui avaient raison et que la population avait tort. Le gouvernement est en train de faire la même chose et s'il ne change pas d'idée, il aura le même jugement de la population.

______________________________________________


2787

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET COMMERCE INTERNATIONAL

M. Paul Zed (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, en rapport avec la motion adoptée plus tôt aujourd'hui autori-

2788

sant le Comité des affaires étrangères à voyager, je demande le consentement unanime de la Chambre pour ajouter à la liste des membres du personnel qui vont accompagner le comité le nombre nécessaire d'interprètes du ministère des Travaux publics.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

______________________________________________


2788

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-12, Loi concernant l'assurance-emploi au Canada, soit lu pour la troisième fois et adopté.

Le vice-président: Comme il est 17 h 46, je dois interrompre les délibérations et mettre immédiatement aux voix toutes les motions nécessaires pour mettre fin à la troisième lecture du projet de loi dont la Chambre est maintenant saisie.

La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont en faveur de la motion veuillent bien dire oui.

Des voix: Oui.

Le vice-président: Que tous ceux qui sont contre veuillent bien dire non.

Des voix: Non.

Le vice-président: À mon avis, les non l'emportent.

Et plus de cinq députés s'étant levés:

Le vice-président: Convoquez les députés.

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 86)

POUR

Députés
Alcock
Anderson
Assad
Augustine
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bertrand
Bodnar
Bonin
Boudria
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Calder
Campbell
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Cowling
Crawford
Culbert
Cullen
DeVillers
Dhaliwal
Dion

Discepola
Dromisky
Duhamel
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gallaway
Gerrard
Godfrey
Goodale
Grose
Guarnieri
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lastewka
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Lee
Lincoln
Loney
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McWhinney
Mifflin
Milliken
Murphy
Murray
Nault
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Pickard (Essex-Kent)
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robillard
Rock
Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Skoke
Speller
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Valeri
Vanclief
Verran
Volpe
Wappel
Whelan
Wood
Young
Zed-123

CONTRE

Députés
Ablonczy
Althouse
Asselin
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Bachand
Bélisle
Benoit
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Brien
Canuel
Chrétien (Frontenac)
Crête
Cummins
Dalphond-Guiral
Daviault
Deshaies
Dubé
Duceppe
Dumas
Epp
Fillion
Forseth
Frazer
Gagnon (Québec)
Gauthier
Gilmour
Godin
Gouk
Grey (Beaver River)
Guay
Guimond
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harris
Hayes
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
Jacob
Lalonde
Landry
Langlois
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lebel
Leblanc (Longueuil)
Leroux (Richmond-Wolfe)


2789

Loubier
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Ménard
Mercier
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Nunez
Paré
Penson
Picard (Drummond)
Plamondon
Pomerleau
Ramsay
Rocheleau
Schmidt
Solberg
Speaker
Stinson
St-Laurent
Strahl
Thompson
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Venne
Wayne
White (Fraser Valley West/Ouest) -80

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bakopanos
Bellehumeur
Bergeron
Cannis
Caron
de Savoye
Debien
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Marchand
Payne
Pettigrew
Regan
Sauvageau
Serré
Sheridan
Walker

(1810)

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

Le vice-président: La Chambre passe maintenant au vote par appel nominal différé à l'étape de la deuxième lecture du projet de loi C-19, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur.

* * *

LOI DE MISE EN OEUVRE DE L'ACCORD SUR LE COMMERCE INTÉRIEUR

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 13 mai, de la motion: Que le projet de loi C-19, Loi portant mise en oeuvre de l'Accord sur le commerce intérieur, soit maintenant lu une troisième fois et adopté.

M. Boudria: Monsieur le Président, je me demande si vous pourriez demander le consentement unanime pour que tous les députés qui ont voté sur la motion précédente soient inscrits comme ayant voté sur la motion dont la Chambre est maintenant saisie, les députés libéraux votant oui.

[Français]

Mme Dalphond-Guiral: Monsieur le Président, les membres de l'opposition officielle voteront oui.

[Traduction]

M. Strahl: Monsieur le Président, les députés réformistes présents voteront non, à moins que certains d'entre eux ne veuillent faire autrement.

M. Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing): Monsieur le Président, les députés néo-démocrates voteront non.

Mme Wayne: Monsieur le Président, je voterai oui.

[Français]

M. Bernier (Beauce): Monsieur le Président, je vote oui.

[Traduction]

(La motion, mise aux voix, est adoptée.)

(Vote no 87)

POUR

Députés
Alcock
Anderson
Assad
Asselin
Augustine
Bachand
Barnes
Beaumier
Bélair
Bélanger
Bélisle
Bernier (Beauce)
Bernier (Gaspé)
Bernier (Mégantic-Compton-Stanstead)
Bertrand
Bodnar
Bonin
Boudria
Brien
Brown (Oakville-Milton)
Bryden
Calder
Campbell
Canuel
Catterall
Cauchon
Chamberlain
Chrétien (Frontenac)
Clancy
Cohen
Collenette
Collins
Cowling
Crawford
Crête
Culbert
Cullen
Dalphond-Guiral
Daviault
Deshaies
DeVillers
Dhaliwal
Dion
Discepola
Dromisky
Dubé
Duceppe
Duhamel
Dumas
Dupuy
Easter
Eggleton
English
Fillion
Finlay
Flis
Fontana
Fry
Gaffney
Gagnon (Québec)
Gallaway
Gauthier
Gerrard
Godfrey
Godin
Goodale
Grose
Guarnieri
Guay
Guimond
Harb
Harper (Churchill)
Harvard
Hubbard
Ianno
Iftody
Irwin
Jackson
Jacob
Keyes
Kilger (Stormont-Dundas)
Kirkby
Knutson
Kraft Sloan
Lalonde
Landry
Langlois
Lastewka
Laurin
Lavigne (Beauharnois-Salaberry)
Lavigne (Verdun-Saint-Paul)
Lebel
LeBlanc (Cape/Cap-Breton Highlands-Canso)
Leblanc (Longueuil)
Lee
Leroux (Richmond-Wolfe)
Lincoln
Loney
Loubier
MacAulay
MacDonald
MacLellan (Cape/Cap-Breton-The Sydneys)
Malhi
Maloney
Manley
Marchi
Marleau
Massé
McCormick
McGuire
McWhinney
Ménard
Mercier
Mifflin
Milliken
Murphy
Murray
Nault
Nunez
O'Brien (London-Middlesex)
O'Reilly
Pagtakhan
Paradis
Paré
Parrish
Patry
Payne
Peric
Peters
Peterson
Picard (Drummond)
Pickard (Essex-Kent)
Plamondon
Pomerleau
Proud
Reed
Richardson
Rideout
Ringuette-Maltais
Robillard
Rocheleau
Rock


2790

Scott (Fredericton-York-Sunbury)
Shepherd
Skoke
Speller
Steckle
Stewart (Brant)
Stewart (Northumberland)
St-Laurent
Szabo
Telegdi
Terrana
Thalheimer
Torsney
Tremblay (Lac-Saint-Jean)
Tremblay (Rimouski-Témiscouata)
Tremblay (Rosemont)
Valeri
Vanclief
Venne
Verran
Volpe
Wappel
Wayne
Whelan
Wood
Young
Zed-169

CONTRE

Députés
Ablonczy
Althouse
Axworthy (Saskatoon-Clark's Crossing)
Benoit
Breitkreuz (Yorkton-Melville)
Bridgman
Cummins
Epp
Forseth
Frazer
Gilmour
Gouk
Grey (Beaver River)
Hanger
Hanrahan
Harper (Calgary West/Ouest)
Harris
Hayes
Hill (Macleod)
Hill (Prince George-Peace River)
Hoeppner
McClelland (Edmonton Southwest/Sud-Ouest)
Meredith
Mills (Red Deer)
Morrison
Penson
Ramsay
Schmidt
Solberg
Speaker
Stinson
Strahl
Thompson
White (Fraser Valley West/Ouest) -34

DÉPUTÉS «PAIRÉS»

Bakopanos
Bellehumeur
Bergeron
Cannis
Caron
de Savoye
Debien
Gagnon (Bonaventure-Îles-de-la-Madeleine)
Lefebvre
Leroux (Shefford)
Marchand
Payne
Pettigrew
Regan
Sauvageau
Serré
Sheridan
Walker

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée.

(Le projet de loi est lu pour la troisième fois et adopté.)

Le vice-président: Comme il est 18 h 16, la Chambre passe maintenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

* * *

LE CODE CRIMINEL

M. Jay Hill (Prince George-Peace River, Réf.) propose: Que le projet de loi C-218, Loi modifiant le Code criminel et la Loi sur les jeunes contrevenants (peine capitale), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, quand je pense à ce que tous les Canadiens doivent penser d'un débat comme celui-ci, ce soir, j'ai honte d'être un député, un représentant du peuple, un serviteur du peuple. Depuis l'abolition de la peine capitale en 1976, c'est la troisième fois que cette question est débattue à la Chambre.

Rien n'a encore été réglé. La raison en est que, depuis 20 ans, le nombre de Canadiens favorables au rétablissement de la peine capitale a toujours été de près de 70 p. 100, mais que les députés ont toujours refusé de représenter leurs électeurs sur cette question. Ils ont voté en fonction de leur opinion personnelle ou avec la bénédiction de leurs dirigeants politiques.

Dans ma propre circonscription, 85 p. 100 des gens qui ont répondu à un sondage en 1994 ont dit qu'ils étaient en faveur du rétablissement de la peine capitale. Mes efforts visant à faire respecter les souhaits de mes électeurs et de 70 p. 100 des Canadiens ont été contrecarrés par le sous-comité chargé de décider quels projets de loi d'initiative parlementaire pourront faire l'objet d'un vote et qui est dominé par les libéraux. Ce comité a décidé que le projet de loi C-218 ne méritait pas trois heures de débats suivies d'un vote libre. Ce projet de loi peut être débattu pendant une heure, après quoi il est rayé du Feuilleton.

Idéalement, les gens devraient avoir leur mot à dire sur cette question dans un référendum national exécutoire tenu au moment des prochaines élections générales fédérales. C'est la position du Parti réformiste du Canada et c'est une position à laquelle je souscris sans réserve.

Cependant, le premier ministre et le ministre de la Justice ont déjà dit qu'ils n'avaient pas l'intention de laisser aux Canadiens moyens le soin de trancher cette question. En septembre 1995, mon collègue de North Vancouver a présenté une motion sur l'adoption d'une loi prévoyant la tenue d'un référendum sur la peine capitale. Encore une fois, les députés ministériels ont refusé de faire en sorte que cette motion puisse faire l'objet d'un vote.

(1820)

Un vote libre sur un projet de loi d'initiative parlementaire aurait été un deuxième choix très acceptable, particulièrement s'il s'était agi d'un vote libre où tous les députés auraient pu exprimer la volonté réelle de la majorité des électeurs de leur circonscription plutôt que de voter selon leur propre conscience, sans égard à l'opinion des électeurs.

Après ce soir, les Canadiens n'auront pas l'impression que le gouvernement les écoute dans cette affaire et ils devront continuer de regarder des meurtriers s'en tirer à bon compte. C'est là une triste constatation sur le travail des députés.

Le projet de loi ne porte pas uniquement sur la peine capitale. Le rétablissement de la peine de mort n'est qu'une des nombreuses mesures que les Canadiens réclament contre les meurtriers. Le projet de loi visait à combler une grave lacune de notre système de justice.

Nous voyons des meurtriers qui ne manifestent aucun remords après avoir brutalement abattu leur victime. Il est impossible de les réinsérer dans la société et ils languissent en prison aux frais des contribuables. Pire encore, lorsqu'ils sont remis en liberté ou en liberté conditionnelle, on s'attend à ce que nous les accueillons à bras ouverts dans nos collectivités.


2791

Il nous a fallu ravaler notre dégoût lorsque certains meurtriers libérés ont récidivé ou commis d'autres crimes violents. Nous voyons des jeunes de 16 ou 17 ans qui n'ont aucun respect pour la loi se faire simplement réprimander après avoir commis des meurtres.

Il y a deux semaines, à Prince Rupert, en Colombie-Britannique, trois adolescents ont reçu des sentences allant de seulement sept mois à deux ans pour avoir battu à mort à coups de bâton un pêcheur connu sous le nom de Gentle Giant. Je ne crois pas qu'il y ait des Canadiens prêts à tolérer encore longtemps de tels crimes évitables et de tels dénis de justice.

Les politiciens et les universitaires sont fiers de citer des chiffres optimistes sur le taux de criminalité lorsqu'ils dénoncent la peine capitale. Cela est inutile. Les Canadiens savent que leurs rues sont plus dangereuses aujourd'hui qu'elles ne l'étaient il y a 20 ans. Les statistiques ne reflètent pas toujours fidèlement la réalité.

Comme les députés le mentionneront certainement, il y a eu une légère diminution du taux d'homicide depuis l'abolition de la peine de mort en 1976. Toutefois, la dernière exécution au Canada a eu lieu en 1961, soit 15 ans auparavant. Le taux d'homicide a presque doublé durant ces 15 années. Il est encore 50 p. 100 supérieur à que ce qu'il était lorsque le dernier condamné à mort a été exécuté.

Certains députés d'en face disent que c'est le sensationnalisme entourant une poignée de meurtres qui nous pousse à réclamer une amélioration du système de justice. Sensationnalisme? Comment peut-on qualifier de sensationnalisme des efforts visant à empêcher des meurtres, même si ce n'était qu'un meurtre?

Nous devons nous servir de ces tragédies comme guide pour nous aider à apporter les changements fondamentaux nécessaires afin d'empêcher l'angoisse que ces crimes provoquent. Le gouvernement se sert de la prévention pour justifier la mise en oeuvre d'un système bureaucratique d'enregistrement des armes à feu tout à fait inutile, mais refuse de même considérer ce que les gens réclament vraiment: une peine proportionnelle à la gravité du crime.

Dans un autre exemple d'hypocrisie, le gouvernement appuie les politiques de l'Association canadienne des policiers lorsqu'il s'agit du contrôle des armes à feu, mais ne tient pas compte d'une résolution ferme de la même association réclamant le rétablissement de la peine de mort. Au total, 107 policiers ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions entre 1961 et 1994.

Même après des années en prison et malgré les efforts d'une armée de psychiatres et de travailleurs sociaux, nous ne pouvons pas réadapter un meurtrier violent qui n'a aucun remords. Dans pareil cas, la peine doit être proportionnelle à la gravité du crime. Soixante-dix pour cent des Canadiens croient que le meurtre au premier degré devrait entraîner la peine de mort. Cette opinion ne repose pas sur une volonté de vengeance, mais sur la nécessité de faire comprendre aux criminels que la société refuse de cautionner ou d'excuser des meurtres sadiques et prémédités.

Je ne prétends pas que la perspective de la mort dissuadera d'autres individus suffisamment détraqués pour commettre des meurtres, mais au moins la société n'aurait pas à subvenir aux besoins de meurtriers pendant 15 à 25 ans. L'exécution par injection n'aurait aucun effet dissuasif, mais elle permettrait au moins de prévenir la récidive.

Selon le rapport de 1994 du vérificateur général, la détention d'un prisonnier dans un pénitencier fédéral coûte environ 48 000 $ par année. Un meurtrier peut devenir encore plus dangereux à cause du ressentiment et de l'amertume accumulés pendant sa détention. Des individus condamnés pour meurtre ont eux-mêmes déclaré que la peine de mort est plus humaine qu'une période prolongée d'incarcération.

En 1982, le tiers des 300 détenus condamnés pour meurtre au Canada ont déclaré qu'ils auraient préféré la peine de mort à l'emprisonnement à perpétuité. En 1983, un individu condamné pour meurtre en Saskatchewan a demandé officiellement de subir la peine capitale par injection, pour le motif que l'emprisonnement à vie constituait un châtiment cruel et inusité. La cour a rejeté sa requête.

(1825)

L'inévitable remise en liberté des meurtriers est une question qu'on ne peut pas passer sous silence dans le débat actuel. Comment se sentent les députés à l'idée qu'un jour Paul Bernardo pourrait être leur voisin? Les Canadiens ne veulent pas que des criminels condamnés pour torture, viol ou meurtre au premier degré soient remis en liberté et aillent récidiver. Ils ont de bonnes raisons d'être inquiets.

Entre 1986 et 1995, 133 détenus condamnés pour meurtres aux premier et second degrés ont été remis en liberté et ont commis de nouveaux crimes. Ils ont perpétré 87 crimes de violence et infractions sexuelles et 10 meurtres. Deux autres meurtriers se sont évadés de prison et ont commis de nouveaux meurtres. Comment expliquer aux familles des victimes que nous avons donné à ces 12 meurtriers la chance de tuer encore? Comment peut-on défendre notre système judiciaire aux yeux de la famille d'une victime?

Prenons le cas de Allan James Sweeny, condamné pour meurtre et soi-disant réadapté. Il a été condamné pour meurtre en 1978. Après sa mise en semi-liberté en 1984, les contribuables qui avaient assumé les frais élevés de son séjour en prison ont été horrifiés d'apprendre qu'il en avait profité pour tuer à coups de couteau après l'avoir violée une employée d'un foyer de transition d'Ottawa âgée de 21 ans.

Et le cas de Jean-Guy Chantal, dont la réadaptation a été tellement impressionnante? Il a été mis en liberté conditionnelle en 1984, après avoir purgé dix-sept ans d'une peine à perpétuité pour un meurtre qu'il avait commis en 1967. Trois ans après sa libération, il a battu à mort un concierge avec une queue de billard et un contenant de peinture. Ce sont là seulement deux tragédies que l'on aurait pu empêcher si notre système judiciaire avait servi nos intérêts.

En supposant qu'une personne condamnée pour meurtre au premier degré ait fait appel d'une peine de mort et ait eu gain de cause, ce projet de loi aurait au moins eu pour avantage de veiller à ce qu'elle reste en prison. En prison et sans possibilité de semi-liberté.

Ce n'est pas une consolation pour les familles de Wanda Wood-ward et de Vital Piquette, assassinés en 1987 par Daniel Gingras, un meurtrier condamné qui a profité de son cadeau d'anniversaire, une journée de sortie de la prison d'Edmonton, pour commettre un nouveau meurtre. Il avait été placé sous la surveillance du travail-


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leur social qui s'occupait de lui, un homme qui faisait la moitié de sa taille et qu'il avait terrassé et attaché avant de s'échapper pour errer en toute liberté pendant près de deux mois. Gingras n'aurait jamais dû sortir de prison au départ. Il était trop tard pour protéger Woodward et Piquette mais pas trop tard pour protéger les autres victimes en puissance.

Ce projet de loi aurait fait de la peine capitale la peine minimum obligatoire pour les adultes condamnés de meurtre au premier degré. Pour ceux qui croient que c'est un moyen extrême et que la prison à vie est une peine adéquate pour ces meurtriers, je demande aux députés d'examiner le caractère extrêmement généreux de l'article 745 du Code criminel. C'est incroyable, mais il permet à ces criminels d'abréger leur peine de prison à vie. Même s'ils ont été condamnés à la prison à vie, tous les criminels peuvent obtenir qu'un jury révise leur peine après 15 ans. Si le jury accède à leur demande, ils peuvent alors demander une libération conditionnelle.

Depuis 1987, de tous les détenus qui ont réclamé une libération conditionnelle en vertu de cette disposition, seuls 13 ont essuyé un refus. C'est effrayant quand on s'arrête à penser que même Clifford Olson, qui a tué plusieurs enfants, deviendra admissible à une libération anticipée le 12 août prochain.

Le ministre de la Justice dit qu'il souhaite conserver l'article 745. Il juge que cette échappatoire est acceptable, malgré que 16 000 Canadiens aient signé une pétition pour demander au gouvernement d'abroger l'article 745. Encore une fois, le gouvernement fait l'autruche et refuse d'accéder aux désirs des Canadiens.

En révisant les éléments punitifs de notre système judiciaire, nous ne devons pas oublier les zones grises que forme cette catégorie de criminels qu'on appelle «jeunes contrevenants». Actuellement, un jeune contrevenant reconnu coupable de meurtre au premier degré risque un maximum de dix ans de prison. Ce jeune de 16 ou 17 ans est parfaitement conscient de la gravité de ses actes et comprend très bien la différence entre le bien et le mal.

Beaucoup de gens croient que nous devrions mettre l'accent sur la réadaptation au lieu de punir ces jeunes. Je ne suis pas d'accord. Il faut qu'il y ait un équilibre. Comment un jeune qui n'a que du mépris pour la justice peut-il en arriver à la respecter s'il n'est pas tenu responsable de ses actes?

Chaque année, entre 35 et 65 jeunes sont accusés de meurtre, la plupart approchant l'âge de la majorité. Des jeunes âgés de 12 à 17 ans ont été accusés de 10 p. 100 de tous les homicides commis entre 1983 et 1992. Tout comme les criminels plus âgés, il faut qu'ils sachent que leurs actions ne sont pas acceptables dans notre société.

(1830)

Ce projet de loi aurait condamné à la prison à perpétuité quiconque âgé de 16 ou 17 ans qui aurait commis un meurtre au premier degré. En outre, il aurait fait en sorte que ce groupe d'âge purge au moins 7 ans pour meurtre au second degré. Les jeunes âgés de moins de 16 ans reconnus coupables d'un meurtre au premier degré auraient été passibles d'une peine minimum de 10 à 15 ans alors que dans le cas d'un meurtre au second degré, ils auraient écopé de cinq à sept ans de prison. On remarquera que le mot clé ici est «minimum», pas «maximum».

Je reconnais que si on recommande la peine capitale, il faut s'assurer qu'on n'exécutera pas des innocents. La loi et la science ont beaucoup progressé depuis 20 ans. Le mécanisme proposé dans le projet de loi aurait donné au jury l'option de recommander la clémence afin que seuls ceux qui étaient coupables sans la moindre ombre d'un doute soient exécutés.

La procédure d'appel proposée était rigoureuse et équitable. On aurait pu en appeler à la Cour suprême d'une condamnation sur la base des faits et de la loi. Cela signifie que des motifs juridiques auraient pu suffire pour renverser une condamnation. Plus important encore, les faits et les détails entourant le procès pour meurtre auraient pu être réexaminés pour déterminer si la condamnation était justifiée.

Les outils et les techniques d'enquête qu'offre la science moderne réduisent certainement de beaucoup l'incertitude quant à l'innocence ou à la culpabilité. L'analyse génétique s'est avérée un moyen puissant de détection des individus soupçonnés d'avoir commis un crime grave. Le projet de loi C-104, adopté à l'unanimité par le Parlement en juin 1995, fait en sorte qu'il est plus facile pour les autorités d'obtenir des preuves de nature génétique en prélevant des spécimens de cheveux ou de poils, de salive, de sang et de peau sur les individus dont on a des motifs raisonnables de croire qu'ils ont commis un crime.

Ceux qui s'opposent à la peine de mort aimeraient qu'elle évoque dans notre esprit l'image d'une rangée de condamnés se balançant au bout de leur corde. C'est du sensationalisme. Une injection mortelle de thiopental de sodium assure une mort rapide et sans douleur et évite que la culmination d'une chaîne d'événements tragiques déclenchés par un meurtre brutal ne devienne un cirque médiatique et public.

Je recommande des changements au système judiciaire en ma qualité de simple Canadien, qui voit qu'on dorlote et protège les criminels alors que leurs victimes sont privées de leur droit le plus élémentaire, le droit à la sécurité. Le rétablissement de la peine capitale et certaines autres mesures, comme la convention sur les droits des victimes proposée par mon collègue de Fraser Valley-Ouest, pourraient restaurer en partie la confiance de la population à l'égard de notre système judiciaire.

Il y a des défenseurs acharnés de notre programme de réhabilitation, qui croient que l'on peut toujours récupérer ces âmes perdues grâce au counseling et à la formation. Bien entendu, il s'agit du programme auquel le vérificateur général a consacré, dans son rapport de mai 1996, un chapitre complet où il présente une longue liste de lacunes et de faiblesses.

Les Canadiens veulent que les meurtriers soient adéquatement punis pour leurs crimes. Ils ne veulent pas voir les meurtriers circuler dans les rues et tuer à nouveau. Ils en ont assez de voir les adolescents rire de nos lois. Ils n'en peuvent plus de payer pour de fausses réhabilitations. Ils refusent d'accepter que des meurtriers ne purgent pas leurs peines en entier.


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Le gouvernement dit tant pis pour les Canadiens. Le ministre de la Justice et son gouvernement préfèrent le statu quo. On s'en fiche de l'opinion des Canadiens. On leur refuse le droit de voter en faveur de ces changements lors d'un référendum national et maintenant, leurs représentants, les députés, n'ont plus le droit de voter en leur nom.

Les Canadiens veulent que la peine de mort soit rétablie. Sondage après sondage, les résultats le prouvent incontestablement. La peine de mort a été abolie en 1976, après 98 heures de débat. En 1996, on accorde une heure ce soir au même débat. Une seule heure.

Si le rétablissement de la peine de mort recevait toute l'attention qu'il mérite de la part du Parlement, il ne serait plus possible de reculer. Les Canadiens exigeraient que cette mesure soit adoptée. Étant donné l'appui énorme des Canadiens à l'égard du rétablissement de la peine de mort, et vu que les députés ont le devoir de défendre les intérêts de leurs électeurs à la Chambre, je demande le consentement unanime de la Chambre pour que le projet de loi C-218 fasse l'objet d'un vote ce soir.

(1835)

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote ce soir?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: J'ai entendu au moins deux députés dire non. Par conséquent, il n'y a pas de consentement unanime. Nous poursuivons le débat.

[Français]

Mme Pierrette Venne (Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, ce projet de loi présenté par le député de Prince-George-Peace River vise à rétablir la peine de mort. Le meurtre au premier degré commis par un adulte serait punissable par la peine de mort, alors que pour le meurtre au deuxième degré, la sentence proposée demeurerait l'emprisonnement à perpétuité avec des conditions de remise en liberté plus sévères.

La Loi sur les jeunes contrevenants serait modifiée également pour prévoir une peine pouvant aller jusqu'à 25 ans, en cas de meurtre au premier degré, et jusqu'à 10 ans, en cas de meurtre au deuxième degré.

Voilà qui repart le débat sur la peine capitale. Cette question, comme vous le savez, a déjà été débattue en long et en large dans cette Chambre. Demandons-nous, premièrement, si des éléments nouveaux justifient de remettre en question les dispositions actuelles du Code criminel?

Avons-nous eu une augmentation du nombre de meurtres au Canada? Selon les dernières statistiques publiées par Statistique Canada dans la revue Juristat, le taux d'homicides au Canada a diminué de 6 p. 100 en 1994, atteignant son plus faible niveau en 25 ans. Les 596 homicides qui ont été déclarés représentent une diminution de 34 par rapport à 1993, ce qui constitue la troisième diminution consécutive d'une année à l'autre.

La diminution du nombre de meurtres en 1994 est essentiellement le résultat d'un recul de 30 homicides dans la région métropolitaine de Montréal. C'est aussi la raison pour laquelle la province de Québec a enregistré 33 homicides de moins qu'en 1993. Dans le cas des autres provinces, seulement le Nouveau-Brunswick et l'Alberta ont connu une augmentation de leur taux d'homicides en 1994. Les meurtres commis à l'aide d'une arme à feu ont continué à constituer environ le tiers de tous les homicides.

Statistiques à l'appui, je ne crois pas qu'il y ait de motifs valables pour réexaminer cette question de nouveau. L'emprisonnement à perpétuité avec possibilité de libération conditionnelle après 25 ans est une sentence suffisante. Rien ne prouve que la peine capitale pourrait sauver une vie. Par contre, les risques qu'un innocent soit condamné à mort sont plus grands. Telle est essentiellement ma position.

Reprenons, si vous le voulez bien, le principal argument avancé à l'appui de la peine capitale. Les tenants de la peine capitale pensent qu'elle constitue une mesure plus dissuasive que la peine d'emprisonnement à perpétuité.

Nous devons cependant leur faire remarquer que pour certains, aucune peine ne pourra les dissuader, notamment pour les fanatiques et les impulsifs. On a même enregistré une baisse globale du taux de meurtres au Canada après l'abolition de la peine capitale. Les études effectuées jusqu'à maintenant portent à croire que la peine de mort ne dissuade pas plus que la perspective d'un emprisonnement à vie. La perspective de perdre sa liberté pour le reste de ses jours constitue une mesure de dissuasion suffisante.

C'est en exerçant un meilleur contrôle des armes à feu et de la consommation d'alcool, en donnant plus d'attention à la santé mentale, en luttant efficacement contre la pauvreté et le chômage qu'on réduira le nombre de meurtres bien plus qu'en rétablissant la peine de mort. C'est sans fondement que certains pensent que la peine de mort peut faire diminuer le nombre de meurtres.

Récemment, à Senneville, près de Montréal, un policier en devoir a été tué alors qu'il arrêtait un automobiliste pour une infraction au code de sécurité routière. Le meurtrier court toujours. Est-ce qu'on peut penser que la peine de mort aurait pu empêcher cette tragédie? Rien ne permet de le croire.

Toujours d'après les données de Statistique Canada, en 1994, un agent de police a été victime d'homicide dans l'exercice de ses fonctions, comparativement à deux en 1993, un en 1992 et trois en 1991. Pour la dixième année consécutive, aucun travailleur correctionnel fédéral ou provincial n'a été victime de meurtre dans l'exercice de ses fonctions.

(1840)

À l'encontre de la peine de mort, l'argument peut-être le plus valable vient du danger qu'il y a d'exécuter des innocents. Aucun


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système ne peut garantir l'infaillibilité du jugement. Dans le passé, il y a eu des cas où des personnes ont été mises à mort par erreur et, malgré toutes les garanties qu'offre notre système moderne, le risque subsiste. Un témoin peut se tromper ou se parjurer.

Notre système judiciaire repose sur la crédibilité des témoins. Si tous les meurtriers étaient comme Paul Bernardo et fournissaient la preuve vidéo de leur meurtre, ce serait différent. Mais nous avons eu, dans un passé récent, des accusés qui ont été reconnus coupables de meurtre à tort, comme David Milgaard, Donald Marshall, Guy Paul Morin. Ces trois hommes seraient depuis longtemps morts et enterrés si la peine de mort était toujours en vigueur dans ce pays. L'État se serait fait meurtrier sans possibilité d'y remédier. On a découvert qu'au cours des deux derniers siècles, 343 personnes ont été condamnées pour meurtre par erreur aux États-Unis.

Bien sûr, certains cas nous révoltent, tels que les cas de viols et de meurtres d'enfants, comme dans l'affaire Bernardo. Il faut considérer que tous les cas de meurtres ne sont pas aussi spectaculaires. Ce n'est pas à partir de quelques cas exceptionnellement révoltants que nous devons adopter une position extrême qui s'appliquera à tous les cas de meurtre avec préméditation.

D'autres facteurs militent à l'encontre de la peine de mort, tels que la réhabilitation éventuelle du meurtrier. La commutation de la peine de mort en une peine d'emprisonnement à perpétuité par le gouverneur en conseil, tel que proposé dans le projet de loi que nous avons devant nous, ouvre la porte à l'arbitraire et amènerait le public à considérer le système judiciaire avec moins de respect.

De plus, le projet de loi propose de conférer au juge qui condamne une personne à mort de la recommander à la clémence royale ou de retarder l'exécution de la sentence pour une raison quelconque, et pour une période indéfinie. On voit bien que même l'auteur de ce projet de loi a des doutes sur le bien-fondé de la peine capitale.

Les amendements proposés par le député réformiste de Prince George-Peace River proposent également de modifier la Loi sur les jeunes contrevenants pour sévir davantage lors d'un meurtre commis par un juvénile. On y prévoit pour le meurtre au premier degré une peine de 15 à 25 ans dans le cas d'un mineur âgé entre 16 et 17 ans, et une peine de 10 à 15 ans dans le cas d'un mineur âgé de moins de 16 ans. La peine maximale prévue actuellement est de 10 ans pour tous les mineurs. Pour un meurtre au deuxième degré, il est proposé de fixer une peine maximale de 10 ans et un minimum de cinq ans. La loi actuelle prévoit une peine maximale de sept ans.

Les peines actuelles viennent d'être augmentées en décembre dernier par cette Chambre. Elles tiennent compte davantage des représentations qui nous ont été formulées devant le Comité permanent de la justice. La prévention et la réhabilitation sont des mesures beaucoup plus efficaces, surtout envers des mineurs, alors que l'accent doit être mis sur des mesures d'éducation appropriées.

En somme, je suis carrément contre ce projet de loi, qui nous retournerait 20 ans en arrière. J'exhorte donc les membres de cette Chambre à voter comme moi contre ce projet de loi.

[Traduction]

M. Gordon Kirkby (secrétaire parlementaire du ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer à ce débat sur le projet de loi C-218, qui est parrainé par le député de Prince George-Peace River.

Le projet de loi C-218 vise à imposer la peine capitale dans les cas de meurtre au premier degré commis par une personne âgée d'au moins 18 ans et à modifier les peines d'emprisonnement imposées aux personnes âgées de moins de 18 ans ayant commis un meurtre au premier degré. Dans mes observations d'aujourd'hui je veux traiter de deux aspects de ce projet de loi. Premièrement, la sagesse de rouvrir le débat sur la peine capitale dans les cas de meurtre et, deuxièmement, l'idée de prolonger les peines d'emprisonnement à l'égard des personnes âgées de moins de 18 ans ayant commis un meurtre.

(1845)

Le dossier de la peine capitale a été examiné à fond à l'échelle nationale. Après avoir débattu la question de la peine capitale un certain nombre de fois entre 1966 et 1976, la Chambre des communes a adopté, en 1976, un projet de loi abolissant la peine capitale.

Le débat approfondi le plus récent a eu lieu il y a moins de 10 ans, en 1987. L'objet du débat était une motion d'initiative ministérielle qui priait la Chambre des communes d'appuyer le principe du rétablissement de la peine capitale et de créer un comité spécial qui serait chargé de formuler des recommandations sur deux aspects: premièrement, sur les infractions qui pourraient entraîner la peine capitale et, deuxièmement, sur la ou les méthodes à utiliser pour exécuter la peine de mort. Lors d'un vote libre et après avoir débattu la question en long et en large à la Chambre des communes, les députés ont voté contre la motion et, par conséquent, contre le rétablissement de la peine capitale dans le Code criminel.

Il convient de noter qu'à l'époque où la question a été débattue pour la dernière fois à la Chambre, la peine capitale n'était pas un enjeu d'intérêt national. Le député présente ce projet de loi alors même qu'en 1994, le Canada a enregistré le taux d'homicide le plus bas depuis 1969.

En 1975, juste avant que la peine capitale ne soit abolie dans les cas de meurtre, le taux d'homicide au Canada s'élevait à 3 p. 100. En 1987, lorsque le dernier grand débat sur cette question a eu lieu, le taux était de 2,4 p. 100 et en 1994, la dernière année pour laquelle nous avons des chiffres, il s'établissait à 2 p. 100. Ces chiffres montrent que le taux d'homicides au Canada n'a pas augmenté, mais bien baissé depuis l'abolition de la peine de mort. On peut donc difficilement justifier un débat sur la peine capitale.

Les Canadiens sont révoltés, à juste titre, par des meurtres pour lesquels le Code criminel prévoit les peines les plus sévères, mais rien ne prouve vraiment que la législation actuelle ne punit pas les meurtriers comme il se doit et qu'il faut la modifier. Selon moi, la peine capitale dépasse ce qui est nécessaire pour réaliser divers objectifs légitimes en matière d'établissement des peines.

Il revient à ceux qui voudraient modifier la législation de façon aussi fondamentale de présenter des arguments irréfutables. Or, les arguments qu'on me présente ne me persuadent pas.


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Je m'oppose également à la peine capitale pour des motifs pratiques, moraux et de conscience. Je crois qu'on peut facilement présenter des arguments efficaces pour soutenir cette position. On l'a fait au fil des ans à la Chambre.

Depuis le débat de 1987, cependant, on a été confronté à deux affaires importantes, les condamnations à tort pour meurtre de Donald Marshall junior et de Guy-Paul Morin. Si la peine capitale avait été en vigueur, ils n'auraient peut-être pas eu une seconde chance dans la vie. C'est pourquoi je m'oppose à la peine capitale pour des raisons très pratiques.

Si, en tant que législateurs, nous devions soutenir la peine capitale, serions-nous prêts à être, nous-mêmes ou un membre de notre famille, la première victime d'une erreur judiciaire? Je ne le pense pas. C'est pourquoi je suis tout à fait opposé à la peine capitale.

Même s'il donne d'excellents résultats, notre système de justice n'est certes pas parfait et commet des erreurs. Lorsqu'il s'agit de la vie d'une personne innocente, nous ne pouvons nous permettre aucune erreur.

La question de la peine capitale est à la fois morale et personnelle. Il s'agit également de savoir comment nous nous percevons en tant que pays et que peuple. Rétablir la peine capitale au Canada irait à contre-courant sur le plan international. La tendance dans les autres pays veut qu'elle soit abolie. Appuyer le rétablissement de la peine de mort en cas de meurtre serait une démarche rétrograde.

Certains États américains appliquent la peine capitale. Cela a-t-il contribué à enrayer les crimes de violence aux États-Unis? Non, pas du tout.

(1850)

Je voudrais maintenant porter mon attention sur la proposition d'accroître la peine d'emprisonnement des personnes de moins de 18 ans qui sont reconnus coupables de meurtre. Il est très étonnant que le député présente ces propositions à un moment où de nouvelles dispositions sur la détermination de la peine et sur l'admissibilité à une libération conditionnelle dans le cas des adolescents reconnus coupables de meurtre sont entrées en vigueur il y a moins de six mois, soit le 1er décembre 1995.

Un adolescent qui est âgé de 14 ans ou plus au moment où il commet un meurtre au premier ou au deuxième degré peut être transféré à un tribunal pour adultes. Différents régimes de peine et d'admissibilité à une libération conditionnelle s'appliquent, selon que le jeune contrevenant est condamné par un tribunal pour adolescents ou pour adultes.

S'il est reconnu coupable de meurtre par un tribunal pour adultes, il sera condamné à une peine d'emprisonnement à perpétuité. Dans ces cas, la période devant précéder l'admissibilité à la libération conditionnelle était auparavant établie par les tribunaux et se situait entre cinq et dix ans. Depuis le 1er décembre dernier, un jeune de 16 ou 17 ans condamné pour meurtre au premier degré doit purger au moins dix ans de sa peine avant de pouvoir bénéficier d'une libération conditionnelle. Un jeune de 16 ou 17 ans condamné pour meurtre au deuxième degré doit en purger au moins sept. Un jeune de 14 ou 15 ans condamné pour meurtre au premier ou au deuxième degré devant un tribunal pour adultes doit purger entre cinq et sept ans de sa peine, avant d'avoir droit à une libération conditionnelle.

Dans le cas d'une condamnation par un tribunal pour jeunes, la peine maximale pour un meurtre au premier degré a été augmentée, de sorte qu'elle est maintenant de cinq à dix ans. Un meurtre au deuxième degré entraîne aujourd'hui une peine de sept ans. En cas de meurtres de premier et de deuxième degrés, les sentences prononcées par un tribunal pour jeunes comportent une peine maximale de détention et une peine maximale de supervision conditionnelle dans la collectivité.

Le Comité permanent de la justice et des questions juridiques de la Chambre des communes étudie actuellement les problèmes reliés à la criminalité juvénile, le programme de la justice pour les jeunes et les questions concernant le fonctionnement et l'application de la Loi sur les jeunes contrevenants. Nous devrions attendre le rapport du comité avant de chercher à modifier davantage cette loi. Nous devrions également attendre d'avoir une occasion d'évaluer les modifications apportées récemment à la loi.

De plus, d'autres recommandations de modifications à la Loi sur les jeunes contrevenants nous viendront bientôt du groupe de travail constitué à cet égard par les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la justice.

Je ne puis appuyer le projet de loi parce que je ne suis pas favorable au rétablissement de la peine de mort. Je crois que les modifications proposées ont déjà été apportées à la Loi sur les jeunes contrevenants. Il me semblerait prématuré et peu judicieux de vouloir apporter maintenant des additions ou des changements à cette loi avant la conclusion des travaux du comité et avant la présentation des recommandations du comité des ministres fédéral, provinciaux et territoriaux de la justice.

Je n'appuie pas le projet de loi. Je remercie la Chambre de m'avoir donné l'occasion de participer au débat.

M. Randy White (Fraser Valley-Ouest, Réf.): Monsieur le Président, c'est pour moi un honneur de parler du projet de loi C-218, qui réintroduit la notion de peine capitale.

Je félicite mon collègue de Prince George-Peace River d'avoir eu le courage de présenter de nouveau cette mesure à la Chambre, même si les députés d'en face n'ont pas le courage de remettre aujourd'hui cette question aux voix.

L'une des questions que je me pose, c'est pourquoi, encore une fois, c'est mon parti qui doit mettre sur le tapis des questions qui intéressent les simples citoyens. Tout ce que nous voulons, au sujet de la peine capitale, c'est un débat et un vote. Pourquoi faut-il mener tout un combat comme il a fallu le faire pour les droits des victimes? Pourquoi faut-il en arriver là? Pourquoi le gouvernement ne profite-t-il pas du mouvement pour tenter de régler ces problèmes?

L'autre jour, je lisais un livre publié par Amnistie internationale, When the State Kills. Je vais en citer un passage qui jettera peut-être un certain éclairage sur ce que nous, de ce côté-ci, avons en tête. Voici le texte: «Il ne faut pas oublier que toute personne peut s'améliorer et devrait avoir l'occasion de le faire, peu importe la gravité des erreurs qu'elle a pu commettre. C'est que, au fond de chaque être humain, existe le potentiel d'accéder au plus grand bien. La peine de mort abolit totalement ce potentiel.» Réfléchissez à cet


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extrait. Je vais le répéter: «Il ne faut pas oublier que toute personne peut s'améliorer et devrait avoir l'occasion de le faire, peu importe la gravité des erreurs qu'elle a pu commettre.»

(1855)

À l'instar de mon collègue de Prince George-Peace River, je peux vous fournir toute une liste d'erreurs qui ont été commises. Je ne sais pas comment on peut dire que Wayne Perkin a commis une erreur lorsqu'il a cruellement assassiné Angela Richard, la poignardant à 26 reprises. Cela s'est produit dans ma localité. Il avait commis la même erreur quelques années plus tôt. Il était en liberté conditionnelle lorsqu'il a récidivé.

Ce ne sont pas des erreurs. Ce sont des actes barbares et prémédités, des actes contraires à la nature humaine, attribuables uniquement à l'instinct animal. Je n'arrive vraiment pas à comprendre comment on peut parler d'erreurs dans de tels cas. Il faut aborder la question à un niveau plus élevé.

Des députés d'en face ont tenu des propos que je ne peux passer sous silence. Leurs observations traduisent leur manque de logique. La députée du Bloc a déclaré que, selon les statistiques actuelles, le nombre d'homicides a diminué dans toutes les catégories. Le député libéral a ajouté que nous enregistrons actuellement le plus faible taux d'homicide depuis bien des années et que le nombre de meurtres a réellement fléchi.

Je pourrais vous fournir une bonne explication pour cet état de choses. Samedi dernier, j'ai participé à une manifestation en faveur des droits des victimes et j'ai discuté avec une dame qui s'appelle Leona. Leona et moi avons eu l'occasion de discuter à plusieurs reprises. Elle a traversé toutes les épreuves possibles et imaginables. Je vais expliquer à la Chambre pourquoi les statistiques montrent que le taux d'homicide-notamment de meurtre au premier degré-a diminué.

Je vais vous lire exactement ce que Leona m'a dit au sujet d'un dénommé Bobby Gordon Oatway. Les députés se souviendront peut-être de ce nom qui a été mentionné récemment. Cet individu devait être libéré sous condition dans la circonscription d'un de mes collègues. Les résidents se sont récriés et on a essayé de le libérer dans Abbotsford, ma circonscription. Nous avons fait ce qu'il fallait et il a été envoyé à Toronto, où il vit maintenant.

Voici ce que dit Leona: «Je suis une victime de cet homme et je peux vous en dire plus long sur lui que la plupart des gens. C'est un des plus dangereux pédophiles qui existent. Pendant une dizaine d'années de ma vie, cet homme a violé, battu et vendu ses petites victimes. Un des hommes à qui il nous a vendus-elle était un de ces enfants-était Clifford Olson.» Je suis sûr que la plupart d'entre vous ont entendu parler d'Olson.

«Nous avons subi tous les mauvais traitements imaginables. M. Oatway a changé de nom en prison. Il s'appelait Robert Gordon Stevens. Au cours de mon enfance et de mon adolescence, j'ai été plusieurs fois forcée de regarder Oatway et quelquefois Olson tuer un enfant. Il nous obligeait à l'aider à enterrer les cadavres de ses victimes. En tant que victime d'Oatway, je me suis toujours battue pour essayer de protéger les autres enfants des viols, raclées et meurtres horribles auxquelles j'étais obligée d'assister.»

Elle a dit dans cette lettre comment elle s'était efforcée de raconter ce qui se passait, mais que personne ne voulait rien entendre. Elle a ajouté ceci: «Les viols que j'ai dû subir, les nombreuses fois où j'ai essayé de prévenir un meurtre, le sang que j'ai sur les mains, les petits cadavres que j'ai serrés dans mes bras; c'était tellement horrible et je n'étais pas la seule à vivre cela. Nous étions nombreux à vivre ce cauchemar horrible. Ces accusations de meurtre n'ont pas été et ne seront pas portées contre Oatway parce que je suis considérée comme un témoin instable par suite des horreurs auxquelles j'ai assisté».

«À l'origine, il y avait 41 chefs d'accusation contre Oatway. Une fois que ceux me concernant ont été supprimés, il en est resté seulement 19. Après que tous les témoins eurent témoigné, l'avocat de la Couronne a conclu un marché avec Oatway. Celui-ci a plaidé coupable à sept chefs d'accusation, soit un de viol, deux de bestialité, deux de sodomie et deux de voies de fait contre des femmes. Il a été condamné en tout et pour tout à dix ans d'emprisonnement.»

Cet homme a tué des enfants. Il aurait dû être accusé d'assassinats assortis de circonstances aggravantes. Il aurait dû être condamné à la peine capitale. Si les statistiques sur ce genre de crimes sont à la baisse, c'est parce que les avocats et les juges s'en mêlent. Ils réduisent les accusations de meurtres au premier et au deuxième degrés à des accusations d'homicides involontaires, de sodomie, de voies de fait et de bestialité. Voilà pourquoi les statistiques sont à la baisse. C'est devenu un jeu pour les avocats et les juges. Ils ont systématiquement recours au marchandage de plaidoyers.

(1900)

J'ai d'autres exemples. J'ai été témoin de cela. Hier, j'ai assisté aux funérailles d'une victime de ce genre de crime. On dit qu'il y a moins d'homicides. À l'extérieur de la Chambre, il y a un monument à la mémoire des agents de la GRC qui ont été assassinés au Canada. Le nom de Roger Pierlet est inscrit sur ce monument. J'ai rencontré le frère et la soeur de Roger Pierlet dans ma circonscription. Ils m'ont demandé d'assister à une audience de John Harvey Miller qui, avec Vincent Cockriell, a abattu cet agent de la GRC en 1974.

Ils ont tous les deux été condamnés à être pendus, puis le gouvernement libéral a supprimé la peine capitale. Leur châtiment a alors été commué en peine d'emprisonnement à perpétuité. Cockriell a été libéré il y a environ sept mois. Tant pis pour l'emprisonnement à perpétuité. Tant pis pour la famille. Tant pis pour la considération à l'endroit des victimes. Il semble que Cockriell soit sur le point d'être admis à un collège universitaire de la vallée du Fraser. Je me demande ce qui ne va pas dans notre pays. Autrefois, la mort signifiait la mort, mais ce n'est plus le cas maintenant. Désormais, cela signifie aboutir dans un collège de la vallée du Fraser.

2797

Les statistiques disent que les meurtres sont à la baisse, mais il n'en est rien. Le problème, c'est qu'il n'y a pas un gouvernement au Canada qui a le courage de tenir compte des convictions de l'électorat. C'est dommage. Il est regrettable que nous ne puissions convaincre le gouvernement de voter ce soir sur une question aussi importante. Il constaterait ainsi que la peine de mort est une mesure dissuasive nécessaire, ce que pensent bien des Canadiens, et que cela pourrait être non pas négatif, mais positif.

L'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.): Monsieur le Président, il est intéressant de regarder les députés du Parti réformiste, du moins les moins civilisés d'entre eux, tenter de nous ramener 300 ans en arrière. Ils ne semblent pas se rendre compte qu'il y a quelques années, le Parlement et le pays, par un vote historique, ont décidé de supprimer une fois pour toutes la peine capitale.

Une voix: Est-ce que c'était un vote libre?

M. Caccia: Oui, c'était un vote libre.

Au Canada, on peut examiner avec confiance les statistiques ainsi que la réalité de la vie de tous les jours. Je voudrais soulever deux points brièvement, en raison des limites de temps.

Contrairement à ce que l'orateur précédent a dit, les statistiques sont une réalité que personne ne peut nier. Les statistiques sont là pour nous guider. Si certains députés réformistes n'aiment pas les statistiques, nous n'y pouvons rien. Le fait est que les statistiques montrent, non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis, que le taux de meurtres et le taux de criminalité ont diminué. Ce n'est peut-être pas une bonne nouvelle pour les prophètes de malheur, mais c'est néanmoins un fait.

Il existe des preuves des deux côtés de l'Atlantique que la peine capitale n'a pas d'effet dissuasif. C'est un fait qui, de toute évidence, n'arrive pas à entrer dans le crâne de certains députés réformistes. La peine capitale n'a pas d'effet dissuasif, et cela a été prouvé dans un pays après l'autre. Il y en a un au sud de nous qui peut faire la preuve n'importe quand que la peine capitale n'a pas d'effet dissuasif. Cela a été prouvé depuis 60 ans dans tellement de pays que des progrès sur cette question ont été réalisés justement par suite de ces constatations au cours des dernières décennies.

(1905)

En rétablissant la peine capitale, l'État donnerait un bien mauvais exemple. En effet, nous voulons que la société se comporte d'une manière positive vis-à-vis du respect de la vie. Nous voulons que l'État fasse la promotion de ce concept. Nous voulons que l'État fasse tout ce qu'il peut, au nom de la population, pour protéger la vie.

Si ces principes sont sages, comme la plupart d'entre nous le croient, nous ne pouvons pas alors permettre à l'État de commettre un meurtre. L'État ne peut pas user de violence contre les citoyens. L'État ne peut pas adopter deux poids deux mesures. C'est là un autre point qui est si difficile à comprendre et à accepter pour les réformistes. L'État doit donner l'exemple. L'État ne peut pas utiliser de violence pour enlever la vie.

C'est là une ligne de démarcation nette sur la question, en plus, évidemment, des autres considérations que nous connaissons toutes, notamment les erreurs judiciaires qui ont entraîné la condamnation à mort de personnes dont l'innocence n'a été prouvée que des décennies plus tard. Les archives sont pleines d'exemples.

Cela mis à part, on sait que si l'État doit donner l'exemple à suivre à la population, l'État ne peut pas être vu en train d'enlever la vie à un individu. Certains criminologues sont arrivés à la conclusion que l'emprisonnement à vie constitue une peine très grave et très lourde pour un être humain puisqu'il se voit privé de sa liberté et de la possibilité de profiter des choses de la vie dont peut profiter une personne libre.

Il est très clair que certains députés réformistes ont de la difficulté à comprendre la valeur de certaines données statistiques. Ces données n'existent pas à leurs yeux parce qu'elles ne confirment pas leur idée préconçue. C'est regrettable, mais c'est ainsi. Les députés réformistes ont de la difficulté à comprendre que la peine capitale n'est pas un bon moyen de dissuasion. Qu'ils aillent visiter les pays où la peine capitale existe encore pour voir si elle a permis de réduire le taux de criminalité. Ce châtiment n'a absolument rien changé.

Selon un concept qui est peut-être trop profond pour que les députés réformistes le comprenne, l'État doit donner l'exemple à suivre aux citoyens.

Pour toutes ces raisons, il me semble que la motion doit être rejetée. Je suis convaincu que si elle est un jour mise aux voix, elle sera défaite. Nous ne pouvons pas revenir 300 ans en arrière. Nous sommes entrés dans une ère où nous nous sommes formés des valeurs et où nous avons tiré des leçons de nos erreurs du passé.

Nous avons passé un seuil il y a quelques années, après un très long débat et un vote très serré remporté par environ huit voix. Cependant, la décision a été prise et le Canada a décidé qu'il serait un pays qui n'applique plus la peine de mort. Nous voulons être certains qu'un retour en arrière ne sera pas envisagé sérieusement avant au moins mille ans.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de pouvoir parler de cette question pendant quelques instants.

Je commence à me rendre compte de plus en plus du problème qui existe ici, à la Chambre des communes, et le dernier orateur vient justement de le démontrer. Lorsqu'un député prend la parole à la Chambre pour nous dire pourquoi nous ne devrions pas rétablir la peine de mort, il se trouve à dire à 70 p. 100 des Canadiens qu'ils ne savent pas ce dont ils parlent. Encore une fois, cette vieille attitude ressort, celle qui veut que ce soit nous, le Parlement, qui ayons raison et non les 70 ou 75 p. 100 de Canadiens qui, d'après les sondages, réclament le rétablissement de la peine de mort.

(1910)

L'orateur précédent a parlé de statistiques. Les sondages disent qu'un très fort pourcentage de Canadiens sont en faveur de la peine de mort.

2798

Les libéraux ont l'audace de prendre la parole à la Chambre pour envoyer un message à tous les Canadiens disant que nous sommes les plus intelligents, que nous avons raison et que nous allons décider parce que les contribuables ordinaires ne savent pas ce qui est bon. Cette motion ne fera pas l'objet d'un vote.

J'entends le député de Kingston et les Îles qui dit que c'est une chance que ce projet de loi ne fasse pas l'objet d'un vote. Je suis d'accord avec lui. Les libéraux sont probablement heureux qu'il n'y ait pas de vote parce qu'ils auraient été obligés encore une fois de voter contre la volonté des habitants de leurs propres circonscriptions et ils préféreraient ne pas avoir à faire cela trop souvent. Ils l'ont déjà fait tellement de fois qu'on ne peut pas les compter. Ils n'écoutent pas les gens et font ce qu'ils veulent. C'est ce qui m'ennuie plus que toute autre chose.

Les gens disent ce qu'ils attendent de nous. Les Canadiens veulent que nous assumions une responsabilité fondamentale qui existe depuis toujours, celle d'adopter des mesures législatives visant à protéger la vie et les biens des citoyens. C'est une demande fondamentale de la part des Canadiens. Le moins que nous puissions faire, et ce serait une nouveauté, est de proposer des projets de loi qui soient conformes à la volonté de ceux qui paient la note, c'est-à-dire les contribuables canadiens.

Examinons le cas de Clifford Olson. Il a commis un meurtre et aurait pu être condamné à la prison à perpétuité et à 25 ans de détention. Il a tué une deuxième fois et cela ne lui a rien coûté, ni d'ailleurs ses troisième, quatrième ou cinquième meurtres. En tout, il a commis onze meurtres, qui ne lui ont pas coûté plus cher que s'il n'en avait commis qu'un. Il lui a suffi de tuer une seule fois pour recevoir la sentence qui lu a été infligée.

Or, il y a quelques années, les faiseurs de prodiges de l'autre côté de la Chambre ont adopté une disposition qui permettait même à des individus comme Clifford Olson de demander une mise en liberté après 15 ans de détention. Je ne crois pas que ce genre de mesure fasse l'affaire de la population canadienne. Elle correspond plutôt à la mentalité qui règne dans les rangs d'en face. Les Canadiens en ont plus qu'assez de ce genre de mentalité.

Les Canadiens souhaitent que nous envoyions un message aux Paul Bernardo, Karla Homolka et Clifford Olson de notre pays, celui qui dit que si l'on pourchasse, capture, maltraite et tue un autre être humain, le gouvernement du Canada nous pourchassera et nous capturera au nom de la justice et de nos victimes innocentes. Si on y est autorisé par la justice après un procès juste et équitable, on nous enlèvera la vie non pas par vengeance, mais au nom de la justice et pour nous empêcher de récidiver et pour dissuader d'autres individus d'agir comme nous. Voilà ce que nous devons faire savoir aux Canadiens et aux personnes comme Bernardo, Homolka et Olson.

J'aimerais qu'un ou l'autre des députés d'en face m'invite dans sa circonscription pour aller débattre de cette question. Je voudrais voir mes collègues de l'autre côté participer à un débat en face de leurs électeurs. J'aimerais également les inviter dans ma circonscription pour qu'ils tentent de convaincre mes propres électeurs que leur point de vue est le bon. Ils ne feront pas ça. C'est bien plus drôle d'interrompre les autres et de ne pas voter.

Je ne comprends pas pourquoi nous avons à la Chambre un comité chargé de déterminer quels projets de loi peuvent faire l'objet d'un vote et quels projets de loi ne le peuvent pas. Il existe des critères clairement établis quant à ce qui fait qu'un projet de loi peut faire l'objet d'un vote. Quand ces critères sont totalement respectés, l'opinion personnelle d'un membre du comité ne devrait pas, à mon avis, entrer en jeu. J'ai du mal à comprendre ça. Pourtant, le gouvernement, qui contrôle les comités, permet que l'opinion personnelle des gens l'emporte sur les règles en place afin de déterminer si une question peut faire l'objet d'un vote.

(1915)

Encore une fois, ça n'a aucun sens. J'en ai personnellement assez de cette petite dictature qui n'en finit pas.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, je sais que mon temps est compté et que j'ai à peine deux minutes. Voici une question que je veux poser aux représentants du gouvernement libéral qui occupent les fauteuils d'en face. Ont-ils songé un seul instant à ce qui constitue le principal objectif du gouvernement? C'est la sécurité et le bien-être des citoyens. Un gouvernement n'est pas au service des criminels, mais des citoyens respectueux de la loi. Sauf que ce n'est pas le cas de ce gouvernement et de ses ministres, qui disent que notre premier objectif, en ce qui a trait au crime, doit être de réadapter les criminels. C'est la priorité de notre gouvernement.

Ce que j'entends ici, c'est que notre préoccupation première est pour les criminels. Si ce n'est pas la chose la plus révoltante que j'aie entendue, en fait d'objectif gouvernemental, je ne vois pas ce que ça pourrait être. Le gouvernement a totalement rejeté sa principale raison d'être, soit la protection de la sécurité et du bien-être des citoyens respectueux de la loi.

Comme mes collègues le disent depuis le début du débat, le gouvernement semble avoir choisi l'inverse. Nous connaissonsM. Olson. Nous avons aussi entendu parler des familles de ses victimes, qui doivent vivre quotidiennement leur calvaire.

Le vice-président: Je suis désolé, mais l'heure réservée à l'étude des initiatives parlementaires est maintenant écoulée. Par conséquent, l'article est rayé du Feuilleton.

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