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Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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TABLE DES MATIÈRES

Le vendredi 20 septembre 1996

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

    Projet de loi C-54. Motion de deuxième lecture 4485
    M. Axworthy (Winnipeg-Sud-Centre) 4485

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

LE DÉCÈS DE ROSE OUELLETTE

L'ÉTAT

LES ENFANTS

LES RENCONTRES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

FORMAL SYSTEMS INC.

    M. Scott (Fredericton-York-Sunbury) 4495

LES DÉLINQUANTS PRÉSENTANT UN RISQUE ÉLEVÉ DE RÉCIDIVE

    M. Harper (Churchill) 4495

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-ISRAËL

L'IMMIGRATION

LE CANCER DU SEIN

L'AFFICHAGE COMMERCIAL

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

LE PARLEMENT

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

LE FLEUVE SAINT-LAURENT

LES ATHLÈTES OLYMPIQUES

    Mme Brown (Oakville-Milton) 4497

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

QUESTIONS ORALES

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4497
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4498
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4498
    M. Martin (LaSalle-Émard) 4498

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LA MAGISTRATURE

LA DÉFENSE NATIONALE

LA CAUSE BERTRAND

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

    M. Speaker (Lethbridge) 4501
    M. Speaker (Lethbridge) 4501

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

LA BOSNIE

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

    M. Mills (Red Deer) 4503

LE IRVING WHALE

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

LA JUSTICE

LE SIDA

LA JUSTICE

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

L'EMPLOI

    M. Martin (LaSalle-Émard) 4506

AFFAIRES COURANTES

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

LA LOI SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE L'ÉTAT ET LECONTENTIEUX ADMINISTRATIF

    Projet de loi C-325. Adoption des motions portantprésentation et première lecture 4506

LA MOTION M-240

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

    Motion d'adoption du 26e rapport 4507
    Adoption de la motion 4507

PÉTITIONS

L'AVORTEMENT

LES PRODUITS DE LA CRIMINALITÉ

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES DROITS DE LA PERSONNE

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

L'INDIVISIBILITÉ DU CANADA

L'ORIENTATION SEXUELLE

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

    Projet de loi C-54. Reprise de l'étude de la motion dedeuxième lecture 4507
    M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso) 4511
    Adoption de la motion; deuxième lecture du projet de loiet renvoi à un comité 4518

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

LOI SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA PEINE DE MORT

    Projet de loi C-261. Motion de deuxième lecture 4519

ANNEXE


4485


CHAMBRE DES COMMUNES

Le vendredi 20 septembre 1996


La séance est ouverte à 10 heures.

_______________

Prière

_______________

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.) propose: Que le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Boudria: Monsieur le Président, je voudrais que vous demandiez le consentement unanime pour que, en dépit du Règlement, la première période de 40 minutes allouée au gouvernement soit partagée entre deux députés, au lieu d'être accordée à un seul député comme d'habitude. Je crois que vous obtiendrez le consentement unanime à cette fin.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime?

Des voix: D'accord.

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'apprécie la courtoisie des députés de l'opposition, qui acceptent que le ministre du Commerce international et moi-même présentions conjointement le projet de loi.

Depuis quelques mois, les Canadiens se sont fermement engagés dans divers débats concernant la mise en vigueur de la loi Helms-Burton par le Congrès des États-Unis.

Le projet de loi que la Chambre doit débattre en deuxième lecture aujourd'hui est avant tout une mesure défensive qui devrait permettre aux Canadiens de se protéger contre certaines parties de la loi américaine et montrer que nous mettons à la disposition des Canadiens des instruments de base pour garantir la protection de leurs intérêts. Les modifications législatives comportent un certain nombre de détails techniques que le ministre du Commerce abordera.

(1005)

Au départ, je voudrais traiter du principe fondamental qui est en jeu dans la loi. Par le biais de la loi Helms-Burton, les États-Unis voudraient définir unilatéralement les règles du jeu pour les autres pays. Cela est contraire aux principes fondamentaux qui régissent le fonctionnement d'une économie ou d'une société à l'échelle internationale.

Nous avons récemment discuté à la Chambre de l'importance d'avoir une règle de droit fondamentale qui régisse les relations entre les individus. Une règle de droit doit aussi déterminer les relations entre les pays, si nous voulons promouvoir une économie internationale ouverte sur le plan des échanges commerciaux, des investissements, des télécommunications, des affaires commerciales et culturelles. Depuis 40 ou 50 ans, nous avons appris que la meilleure façon d'y parvenir consistait à s'entendre sur des lois fondamentales que nous acceptons, sur les principes de base à respecter. S'il doit y avoir des modifications à ces lois et à ces principes, les pays doivent se réunir pour négocier et discuter en vue d'arriver à un consensus.

Le ministre du Commerce a participé activement à l'établissement de l'Organisation mondiale du commerce. Cette initiative revêt une importance énorme dans le monde entier. Le principe fondamental, c'est qu'il doit y avoir des règles que les pays observeront. Quand un pays, surtout un pays extrêmement puissant, et peut-être même le plus puissant du monde, se met à adopter une approche unilatérale qu'il estime pouvoir décréter de sa propre initiative sans aucune considération pour les droits des autres individus ou États, il commence à mettre en pièces le système international que nous avons travaillé à bâtir avec tant d'acharnement depuis un demi-siècle.

Il est ironique de noter que les États-Unis eux-mêmes ont joué au cours de ces 50 années un rôle de premier plan dans l'élaboration de ces règles. Non seulement ils y ont joué un rôle de premier plan, ils en ont aussi bénéficié. Aucun autre pays du monde peut-être n'a acquis autant de force économique en contribuant à libéraliser le système international. Or, au moment où des représentants des États-Unis parcourent le monde et multiplient les beaux discours et les déclarations sur la nécessité de réglementer le commerce mondial et de travailler à libéraliser davantage nos échanges commerciaux, leur propre Congrès adoptait une loi disant essentiellement aux Canadiens: «Nous allons décider à votre place la politique que vous aurez à l'égard d'un pays tiers. Si vous ne vous conformez pas à ce que nous décrétons être la politique à suivre, nous pénaliserons vos entreprises et vos citoyens.» C'est complètement absurde. C'est tout à fait contraire à l'intérêt de la communauté internationale et certes contraire aux intérêts du Canada. J'irais même jusqu'à dire que c'est contraire aux intérêts des États-Unis.

Il est intéressant de constater que, lors d'un sondage mené par la maison Angus Reid aux États-Unis, 64 p. 100 des Américains qui avaient entendu parler de la loi Helms-Burton appuyaient le droit du Canada d'avoir sa propre politique indépendante à l'égard de Cuba. Voilà ce que nous avons toujours soutenu. Nous n'avons pas cherché à démontrer que la politique américaine envers Cuba était bonne ou


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mauvaise. Nous ne sommes pas d'accord avec leur politique. Nous avons une approche différente, mais les États-Unis ont certainement le droit de décider quel genre de relations ils entretiendront avec un autre pays.

Nous allons utiliser tous les moyens et toutes les tribunes à notre disposition pour examiner avec les États-Unis et avec les autres pays comment nous pouvons contribuer ensemble à améliorer la situation et à libéraliser davantage le régime à Cuba. Mais que les États-Unis viennent nous dire comment appliquer nos politiques et, si nous ne sommes pas d'accord avec eux, nous imposer des sanctions, voilà qui constitue un énorme recul aussi bien dans nos relations réciproques que dans ses relations avec la communauté internationale.

Il est donc important que notre Parlement adopte cette mesure pour faire comprendre que les Canadiens n'acceptent pas ce genre de mesure unilatérale et que nous allons défendre énergiquement les intérêts de nos entreprises et de nos citoyens ainsi que ceux du Canada qui doit pouvoir maintenir son propre droit souverain de décider comment il entend exercer ses relations internationales.

Je le dis avec assurance, sachant que notre approche a trouvé des deux côtés de la Chambre un appui de principe. Cet exemple illustre bien comment, lorsque nous savons faire front commun sur une question d'importance fondamentale, nous pouvons faire valoir notre point de vue avec beaucoup de force.

(1010)

Dans tout le débat sur la loi Helms-Burton, l'un des phénomènes les plus importants est que non seulement il s'est manifesté une solidarité-les gouvernements provinciaux, la population, les députés des deux côtés de la Chambre se sont ralliés-, mais que nous avons pu également monter une campagne très active et très efficace pour faire pièce à la loi Helms-Burton.

On constate que les États-Unis sont à peu près complètement isolés. Dans les Antilles et dans les pays d'Amérique latine, d'Europe et d'Asie cette loi fait l'objet d'une condamnation totale, ce qui est attribuable en grande partie au rôle de chef de file que le Canada a su jouer.

Le premier ministre a amorcé le mouvement lorsqu'il s'est rendu dans des pays des Antilles quelques semaines après l'imposition de la loi Helms-Burton et a pu obtenir de ces pays un accord total. Le ministre du Commerce international a collaboré activement avec ses collègues du Mexique et d'autres membres d'organisations commerciales comme l'ALENA et l'OMC.

Notre secrétaire d'État chargée de l'Amérique latine a piloté efficacement le dossier à l'OEA, qui a adopté à 30 voix contre une seule une résolution condamnant l'initiative américaine. Ceux d'entre nous qui connaissent un peu l'histoire de cette organisation savent tout ce que cela a d'exceptionnel, et les États-Unis en ont pris bonne note, car ce vote fait la preuve qu'ils ont franchi la limite de ce qui est juste, équitable et utile.

Grâce à notre propre cohésion, nous avons été en mesure de jouer le rôle d'un vrai chef de file dans la communauté internationale et de faire passer un message très clair. Je pense qu'il a été entendu.

Nous pouvons tirer une certaine satisfaction du fait que le président des États-Unis a différé, comme il a le droit de le faire, l'application de la troisième partie de la loi Helms-Burton, qui autorise les sociétés américaines à intenter des poursuites contre les sociétés étrangères qui participent, croient-elles, à l'exploitation de biens confisqués à Cuba. Le président n'a toutefois pas reporté indéfiniment l'application de ces dispositions.

Les sociétés canadiennes peuvent toujours continuer d'être tenues responsables, et un report de six mois en six mois ne saurait suffire. Il faut modifier cette loi pour éliminer complètement ces dispositions. L'une des mesures très efficaces que la Chambre peut prendre, c'est d'adopter le projet de loi maintenant à l'étude. Cette mesure signifie que les recours devant les tribunaux américains ne seront pas reconnus par nos propres autorités et que les sociétés canadiennes auront le droit d'intenter à leur tour des poursuites. Nous pouvons entrer dans les détails, et je sais que le ministre du Commerce international n'y manquera pas.

Tel est l'élément que nous allons ajouter à notre arsenal, soit le droit de répliquer. En outre, ce geste incitera d'autres membres de la communauté internationale à prendre des mesures semblables. D'ailleurs, je pense que le Mexique a déjà proposé une loi similaire. C'est certain qu'en Europe on songe à faire de même. Dès qu'il y aura une alliance internationale et que nous disposerons d'un arsenal juridique, nous pourrons aider les sociétés à se défendre. J'estime qu'après les élections américaines, lorsque la poussière sera retombée et que ces questions seront réexaminées, le gouvernement américain et le Congrès, je n'en doute pas, se pencheront de nouveau sérieusement sur la loi Helms-Burton et conviendront que l'adoption de cette loi a été une grave erreur.

Nous sommes certainement heureux d'entendre le point de vue de divers députés, mais le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui constitue une très importante prise de position au nom des Canadiens et d'autres pays de par le monde. La volonté de s'imposer unilatéralement sur la scène internationale comme arbitre pour déterminer ce qui est bon et ce qui ne l'est pas n'est pas un droit divin accordé à un seul État. Nous devons en fait commencer à coopérer, à dégager des consensus et à établir des règlements dans la communauté internationale. C'est comme ça que des pays comme le nôtre et la communauté internationale survivront.

(1015)

Avant de céder la parole à mon collègue, je voudrais faire une autre observation que je considère comme importante. Par notre opposition à la loi Helms-Burton, nous ne faisons pas fi des responsabilités des Canadiens qui consistent à orienter leurs relations avec Cuba de manière à faire la promotion d'un régime plus ouvert. Je puis dire à la Chambre que nous sommes engagés activement dans des discussions et des initiatives qui, à notre avis, finiront par inciter


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ce pays à développer une économie de marché plus ouverte et à rendre son gouvernement plus responsable et transparent.

Nous ne nous dérobons absolument pas à nos responsabilités en tant que membre de la communauté internationale, qui consistent à participer à la promotion des droits de la personne, du développement démocratique et d'une plus grande transparence, notamment dans notre propre hémisphère. Nous estimons que ce genre de relations avec la population et le gouvernement de Cuba est une façon de procéder bien plus utile et bien plus efficace.

Il ne s'agit pas seulement de la loi Helms-Burton. Il s'agit aussi de notre droit de maintenir, de développer et de promouvoir un engagement actif, de construire des ponts avec le gouvernement et la population de Cuba de manière à faciliter les transitions dans notre propre hémisphère et à souligner le fait que nous sommes disposés à travailler avec les autres pays de notre hémisphère à faire la promotion d'un meilleur système de gouvernement, d'un meilleur développement économique et d'un système dans notre hémisphère qui reconnaîtra la primauté du droit.

Je recommande fermement à la Chambre d'adopter ces modifications. C'est avec plaisir que je cède maintenant la parole à mon collègue, le ministre du Commerce international, qui fera ses observations. J'espère que nous allons terminer rapidement ce débat et que nous allons adresser à la population canadienne le message auquel, je pense, elle s'attend.

L'hon. Arthur C. Eggleton (ministre du Commerce international, Lib.): Monsieur le Président, il y a certaines mesures législatives que l'on préférerait ne pas déposer, et celle-ci entre dans cette catégorie. Le Canada a toutefois été obligé de renforcer les dispositions de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères en raison des mesures prises par les États-Unis à la suite de l'adoption de la loi Helms-Burton.

[Français]

Personne ne recherche l'affrontement, personne ne veut risquer d'élargir le différend.

[Traduction]

Il y a toutefois certains principes fondamentaux qui doivent être respectés, et la liberté d'appliquer notre propre politique étrangère et d'entretenir nos propres relations commerciales est l'un d'eux, comme l'a signalé à juste titre mon collègue, le ministre des Affaires étrangères. Les Canadiens peuvent légitimement s'attendre à ce que leur gouvernement riposte aux menaces à notre souveraineté, et le gouvernement actuel est tout à fait prêt à accepter cette responsabilité.

Bien des aspects de la loi Helms-Burton sont mauvais. Je vais parler de certains d'entre eux aujourd'hui. Fondamentalement, la loi en question est discutable, car elle tente d'aborder les problèmes dans une seule optique et elle refuse aux autres pays la liberté de prendre leurs propres décisions et d'appliquer leurs propres politiques. Elle prévoit ceci: «Vous devez adopter la même politique étrangère que nous, entretenir les mêmes relations commerciales que nous, avoir les mêmes amis que nous ainsi que le mêmes ennemis, sinon nos lois deviendront vos lois.» C'est inacceptable.

Il y a de nombreuses années, à propos des relations entre nos deux pays, le président Kennedy a dit ceci: «La géographie a fait de nous des voisins, et l'histoire a fait de nous des amis.» C'est vrai. Nous nous réjouissons de ces relations et de cette amitié. L'histoire a effectivement fait de nous des amis, mais elle n'a pas fait de nous le 51e État. Nous ne sommes pas assujettis aux lois américaines et nous ne sommes pas obligés de suivre leurs règles. Notre politique étrangère et notre politique commerciale sont élaborées à Ottawa, pas à Washington. C'est ce que notre pays a toujours soutenu et c'est que le gouvernement défendra toujours.

Le Canada et les États-Unis sont des nations qui commercent non seulement entre elles, mais aussi avec le monde entier. Les Américains ont toujours joué un rôle clé pour ce qui est de promouvoir et d'appuyer une plus grande libéralisation des échanges commerciaux dans le monde entier. Cet engagement remonte aussi loin que l'époque du président Woodrow Wilson, et le président Clinton l'a réaffirmé pas plus tard qu'en 1994, lors du Sommet des Amériques tenu à Miami. Là, sous la direction des États-Unis, qui accueillaient les pays participants, nous avons lancé l'accord de libre-échange des Amériques, qui vise à établir des ponts avec les nouvelles économies de l'Amérique centrale, de l'Amérique du Sud et des Caraïbes.

(1020)

Les Américains savent que le commerce met plus que jamais en contact les gens du monde entier. Le libre-échange de biens et d'investissements s'accompagne d'une plus grande ouverture aux nouvelles idées et approches. À maintes reprises, l'histoire a montré que le resserrement des liens commerciaux se traduit par des relations plus étroites entre les pays. Donc, une plus grande libéralisation du commerce et l'implantation d'un système de règles commerciales claires sont des objectifs importants que le gouvernement appuie entièrement. Cependant, certains signes récents nous laissent croire que les Américains pourraient être de moins chauds partisans du libre-échange. Tout d'abord, il y a eu tous les discours isolationnistes entendus lors des primaires de la campagne à la présidence, et maintenant il y a la loi Helms-Burton.

Ceux d'entre nous qui tiennent à abattre les barrières et à ouvrir les marchés ne peuvent pas adopter une approche sélective. Nous ne pouvons pas défendre un principe en paroles tout en nous y opposant dans la pratique. En tant que chef de file du mouvement de libéralisation des échanges, les États-Unis ne peuvent pas dire que c'est la voie que le monde doit prendre sauf lorsque nous leur disons de ne pas le faire. Les États-Unis ne peuvent pas prétendre qu'un système est fermé et anachronique et, du même souffle, adopter des lois qui imitent ce système. Ils ne peuvent pas s'opposer à l'isolationnisme en isolant sélectivement leurs adversaires.

Le Canada et les États-Unis veulent tous deux la démocratie, la réforme économique et le respect des droits de la personne à Cuba. Là où nos vues divergent, c'est sur le meilleur moyen d'obtenir des résultats. Les Américains préconisent l'isolement de Cuba tandis que nous préférons nous en rapprocher. L'histoire dira quelle attitude est la meilleure. Je souligne en passant que la politique américai-


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ne envers Cuba est vieille de 30 ans. Les présidents Kennedy, Johnson, Nixon, Ford, Carter, Reagan et Bush sont tous passés, mais Fidel Castro demeure.

Pourquoi une telle attitude face à Cuba? Il existe de profondes divergences entre les États-Unis et la Chine, ou d'autres pays mais cela n'empêche pas les Américains d'avoir des échanges totalisant des milliards de dollars avec la Chine. Personne n'oserait prétendre que, si les États-Unis commercent avec la Chine, c'est parce qu'ils acceptent maintenant certaines politiques chinoises. Pourquoi agir différemment envers Cuba? Mais il y a d'autres contradictions.

Le 21 juin, le coordonnateur des affaires cubaines du Département d'État a déclaré que la loi Helms-Burton était destinée à dissuader les étrangers d'investir à Cuba. C'est ce qu'il a dit dans une déclaration claire et directe. Pourtant, le mois dernier seulement, le représentant spécial du président à Cuba a déclaré, lors d'une conférence de presse à Ottawa, que les États-Unis ne voulaient absolument pas dire aux Canadiens de cesser de commercer avec Cuba ou d'y investir. Nous n'avons pas le fusil sur la tempe. Il a déclaré que les Canadiens devraient faire des investissements stratégiques qui feront avancer la cause de la démocratie à Cuba.

Apparemment, le commerce avec Cuba et les investissements dans ce pays sont acceptables dans la mesure où ils reçoivent l'approbation des États-Unis. C'est ce qui se passe lorsque les États-Unis adoptent des politiques à toute vapeur sous la pression des élections présidentielles. Ce n'est pas une façon d'adopter des politiques sensées à long terme. C'est un retour à l'époque où le gouvernement croyait que la politique commerciale devait être définie en fonction des circonstances et non pas en fonction de règles convenues entre tous. C'est une régression et pas un progrès.

Cette loi a un autre aspect troublant qui se répercute autant sur les alliés que les ennemis. La loi Helms-Burton a transformé le différend entre les États-Unis et Cuba en une affaire de commerce et d'investissements internationaux de premier plan. Deux articles de la loi sont particulièrement choquants. L'article 3 permet aux citoyens américains qui réclament un droit sur des biens expropriés par Cuba de poursuivre des ressortissants étrangers, notamment des Canadiens, devant des tribunaux américains. Si la société n'a pas d'actifs qu'on peut saisir aux États-Unis, un Américain pourrait essayer de s'adresser à la justice canadienne et demander aux tribunaux de faire appliquer le jugement et de saisir les ses biens ici. Il y a deux mois, le président Clinton a suspendu pour six mois ce droit d'intenter un procès. Il peut toutefois changer d'idée en tout temps. Tant que la loi Helms-Burton existera, la menace d'un procès demeurera.

(1025)

L'article 5 de la loi permet au gouvernement américain de refuser l'entrée de cadres de sociétés qui, au dire du département d'État américain, se livreraient au trafic de produits sujets à une réclamation des États-Unis. Cette interdiction d'entrée s'applique également aux familles, aux enfants de ces cadres.

L'envoyé spécial du gouvernement américain nous a dit que nous n'avions pas de fusil sur la tempe. D'après moi, cependant, il y en a deux, l'un en vertu de l'article 3 et l'autre, en vertu de l'article 4. Les deux sont chargés, mais le cran de sûreté de l'un deux, celui de l'article 3, est encore en place jusqu'à ce que le gouvernement des États-Unis décide de l'enlever.

La loi Helms-Burton est aussi régressive sur d'autres plans. À une époque où les habitants de notre hémisphère se serrent les coudes comme jamais auparavant, cette loi cherche non pas à intégrer les populations, mais à les isoler. Avec des initiatives comme le sommet de Miami et le libre-échange à l'échelle des Amériques, nous avons la chance de grouper des éléments disparates de notre hémisphère pour créer une nouvelle forme de relation, une relation fondée sur l'ouverture et l'échange d'idées ainsi que la libre circulation des personnes et des produits. La loi Helms-Burton va à l'encontre de cette tendance et cherche à élever des barrières plutôt que des ponts, à créer du ressentiment plutôt que de resserrer les liens et à créer des tensions plutôt que d'induire la confiance.

Enfin, la loi Helms-Burton est inacceptable parce qu'elle fait fi des pratiques juridiques internationales établies depuis longtemps pour le règlement des différends entre les nations concernant les réclamations d'investisseurs étrangers qui se sont fait exproprier. Ces pratiques établies ont bien servi le monde, par le passé. En passant outre à leur existence, la loi Helms-Burton établit un dangereux précédent.

Si les États-Unis se comportent ainsi aujourd'hui, qu'est-ce qui empêchera d'autres pays d'adopter des pratiques semblables demain? Si une telle débandade s'ensuit à l'échelle internationale, nous perdrons beaucoup de ce que nous avons déjà acquis en fait de règles internationales régissant le commerce.

Pour toutes ces raisons, le Canada s'est opposé à la loi Helms-Burton. Nous avons abordé cette question aux plus hauts niveaux de l'administration américaine. J'ai rencontré mes homologues mexicain et américain pour les consulter, en vertu du chapitre 20 de l'ALENA.

Le Canada a aussi soulevé cette question auprès d'autres partenaires commerciaux, tant au sein de l'Organisation mondiale du commerce que de l'Organisation pour la coopération et le développement économiques. En fait, dans le cadre des négociations qui se tiennent actuellement à l'OCDE sur l'accord multilatéral sur l'investissement, nous cherchons à nous protéger de ce type de mesure et nous ne sommes pas prêts à abandonner nos efforts en ce sens.

Guidés par l'opposition du Canada à la loi Helms-Burton, l'Union européenne et le Mexique travaillent à la rédaction d'une mesure législative allant dans le même sens que les amendements qu'il est proposé d'apporter à la LMEE et d'autres pays envisagent d'en faire de même.

La critique et les interrogations ne viennent pas seulement de l'extérieur des États-Unis. La Chambre de commerce américaine et l'association américaine des fabricants ont demandé au président de ne pas mettre en oeuvre l'article 3 de la loi Helms-Burton. Les États-Unis, disent-ils, ont autant intérêt que n'importe quel autre pays à ce que les règles commerciales soient rigoureuses, stables et fiables. Autrement dit, même les associations d'entrepreneurs représentant un grand nombre de compagnies qui pourraient intenter une action en vertu de l'article 3 sont opposées à son application. Elles savent quels sont les dangers. Elles savent ce qui est en jeu.


4489

Toutes ces pressions de l'intérieur des États-Unis et de l'étranger aident, mais nous pouvons faire encore plus de notre côté, à savoir apporter les changements nécessaires à la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères.

[Français]

Nous croyons que les amendements devant cette Chambre constituent une réponse appropriée.

[Traduction]

Les amendements que nous proposons renforceront la LMEE de deux façons. Elles permettront au procureur général de bloquer toute tentative de la part d'un revendicateur étranger de faire exécuter un jugement rendu en vertu d'une loi comme la Loi Helms-Burton, et aux Canadiens d'avoir recours aux tribunaux canadiens si les tribunaux américains ont rendu un jugement contre eux. En d'autres termes, les Canadiens peuvent faire appel à nos tribunaux pour recouvrer ou se faire rembourser par le revendicateur étranger un montant équivalent à la somme prévue dans le jugement rendu par le tribunal américain.

(1030)

Prenons par exemple le cas d'un ressortissant américain qui gagne un procès intenté contre un Canadien auprès d'un tribunal américain en vertu de la loi Helms-Burton. Le Canadien n'a pas d'avoirs aux États-Unis. L'Américain devrait demander à un tribunal canadien de faire exécuter le jugement. En vertu des amendements que nous proposons, le procureur général du Canada pourrait prendre un arrêté pour bloquer l'exécution. Si le tribunal américain donnait ordre au Canadien de payer des dommages et intérêts, celui-ci pourrait intenter une action contre l'Américain auprès des tribunaux canadiens afin de recouvrer le plein montant de la somme allouée par le jugement. Ce montant, plus les coûts engagés dans les deux pays, serait prélevé sur les avoirs de l'Américain au Canada.

L'un des problèmes que nous avons constatés jusqu'à maintenant, c'est que les entreprises canadiennes refusent de respecter la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères parce que les amendes imposées par les pays étrangers sont plus élevées que celles que prévoit notre propre loi. Afin d'inciter les entreprises à se conformer à cette loi, nous avons donc haussé le maximum des amendes prévues dans la LMEE pour les faire passer de 10 000 $ à 1,5 million de dollars.

Les modifications proposées donneraient aussi au procureur général la possibilité d'inscrire dans l'annexe à la LMEE toutes les lois étrangères qu'il considère répréhensibles. Cette liste assurerait au gouvernement une plus grande marge de manoeuvre et la possibilité de réagir plus rapidement pour défendre les intérêts des Canadiens.

Toutes les modifications proposées sont modérées et de nature défensive. Nous espérons qu'il ne sera jamais nécessaire d'y avoir recours. Elles constituent un antidote en cas de besoin, mais il est vital que les entreprises canadiennes puisse s'en prévaloir, si nous voulons faire au mieux pour les aider à se protéger au besoin.

Je prie à nouveau les États-Unis de ne pas oublier les principes pour lesquels ils se sont battus et qui ont permis que de tels progrès soient réalisés. Je leur demande de ne pas oublier les avantages qu'ils ont tirés, comme d'autres pays, de l'expansion du libre-échange et de songer à toutes les éventuelles possibilités d'un libre-échange accru.

[Français]

Nous avons parcouru trop de chemin et nous avons réalisé trop de progrès pour nous arrêter maintenant.

[Traduction]

Nous avons aboli un trop grand nombre de barrières pour commencer maintenant à en ériger de nouvelles. Nous ne devons pas sacrifier ces principes à l'opportunisme. Nous devons élargir ensemble le cercle des possibilités en multipliant les avantages du libre-échange. Au lieu d'isoler Cuba, nous devons nous efforcer ensemble de l'engager, de même que tous les Cubas du monde, afin que les libertés, les espoirs et les possibilités inhérentes au libre-échange profitent à toutes les nations de tous les coins de la planète.

[Français]

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui en cette Chambre afin de débattre en deuxième lecture du projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, qui était attendu depuis déjà un certain temps.

En effet, en déposant finalement, après des mois de tergiversations, le projet de loi C-54, le gouvernement libéral jette encore une fois de la poudre aux yeux des Québécois et des Canadiens en tentant de démontrer que le Canada défendra leur liberté d'investir et de commercer, où qu'ils soient dans le monde.

Je dis bien «tente de démontrer», car ce qui est à la fois risible et désolant dans cette saga des mesures extraterritoriales, est que le laxisme du gouvernement libéral et l'attentisme dans lequel il s'est enferré depuis plusieurs mois avant de nous présenter ce projet de loi auraient bien pu être plus coûteux pour nos gens d'affaires. La situation est très préoccupante, car le gouvernement libéral a laissé passer beaucoup trop d'eau sous les ponts avant de répondre à une loi à portée extraterritoriale adoptée dans un pays étranger, mais qui affecte directement nos gens d'affaires.

Et ce pays étranger dont il est question n'est pas un pays obscur et méconnu, un pays soumis à un pouvoir dictatorial ou un pays situé à des lieues du Canada, il s'agit bien de notre principal partenaire commercial et de notre principal allié dans le monde, c'est-à-dire les États-Unis d'Amérique.

Le gouvernement américain, qui se veut pourtant le principal défenseur de la libre entreprise, étonnera toujours la communauté internationale en promulguant des lois telles que The Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act, mieux connue sous le nom de loi Helms-Burton. Ce qui est étonnant est que ce n'est pas la première fois qu'une loi de ce type émane des États-Unis et ce n'est pas la première fois que nous devons y réagir.

(1035)

Déjà en 1985, le gouvernement américain, en voulant imposer un embargo à ce petit pays d'Amérique centrale qu'est le Nicaragua, avait sanctionné une loi ayant des répercussions extraterritoriales pouvant nuire aux intérêts des Québécois et des Canadiens.


4490

L'administration républicaine prétendait que la loi américaine devait s'appliquer à toutes entreprises étrangères dont les activités seraient susceptibles d'entraîner des répercussions aux États-Unis ou pour les sociétés américaines.

Le Canada avait alors répliqué à cet embargo américain contre le Nicaragua, auquel les États-Unis voulait associer l'ensemble de la communauté internationale, en adoptant le projet de loi C-14, la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères.

Il faut noter que les dispositions de cette loi n'ont jamais servi, et c'est ce qui risque encore d'arriver au projet de loi C-54 qui vient amender la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères afin de faire face à deux nouvelles législations américaines.

En effet, l'administration démocrate, sous les pressions conservatrices du Congrès à majorité républicaine, vient d'entériner deux lois permettant à des ressortissants américains de poursuivre des sociétés québécoises et canadiennes ou d'ailleurs dans le monde: la première, communément appelée, comme nous l'avons vu, la loi Helms-Burton qui vise à étendre l'embargo contre Cuba, et une deuxième loi, la Loi de 1996 sur les sanctions contre l'Iran et la Libye.

Comme le disait le ministre des Affaires étrangères tout à l'heure, les États-Unis ont certainement toute la latitude requise pour imposer des sanctions contre tout pays, s'ils le jugent nécessaire, mais on ne peut cependant accepter qu'un pays, quel qu'il soit, puisse adopter des lois à portée extraterritoriale s'appliquant à des sociétés opérant à partir d'un territoire d'un autre État souverain.

Dans le cas présent, il est important de rappeler dans quel contexte ces lois américaines furent adoptées. La loi Helms-Burton fut la manifestation politique de la riposte américaine contre l'attaque de deux petits avions civils américains par l'aviation militaire cubaine pour avoir violé, selon les autorités cubaines, l'espace aérien cubain.

De son côté, la Loi imposant des sanctions à l'Iran et la Libye qui sont deux pays soupçonnés de soutenir le terrorisme international, a été adoptée dans la foulée de l'écrasement mystérieux d'un avion de la TWA cet été, tout juste après son départ de New York.

Mais quelles que soient les motivations, fussent-elles légitimes, avancées par l'administration américaine pour justifier l'adoption de sanctions contre ces pays, nous ne pouvons accepter que les États-Unis ou n'importe quel autre pays puisse se permettre d'adopter unilatéralement des lois qui affectent, à l'extérieur de leurs frontières, des entreprises et des ressortissants de chez nous.

La loi Helms-Burton et celle qui cherche à étendre les sanctions contre l'Iran et la Libye vont non seulement à l'encontre de toutes les ententes internationales relatives à la libéralisation des échanges commerciaux-je pense notamment à l'Accord de libre-échange, à l'Accord de libre-échange nord-américain et aux accords de l'Uruguay Round instituant l'Organisation mondiale du commerce-mais elles ne conviennent absolument pas au type de relations harmonieuses, profitables et positives que devraient normalement entretenir des alliés aussi proches que le Canada et les États-Unis le sont.

Comme le disait le ministre des Affaires étrangères précédemment, nous ne pouvons accepter que les États-Unis mettent de l'avant ou se réfugient derrière les ententes de commerce international lorsque cela fait leur affaire, et lorsque cela ne leur convient pas, adoptent des mesures unilatérales de la nature de celles dont il est question actuellement.

C'est donc une question de principe autant qu'une question économique, car le Canada entretient somme toute des relations économiques relativement modestes avec Cuba. Il a importé pour 320 millions de dollars depuis Cuba en 1995 et y a exporté pour 250 millions de dollars la même année.

Il est évident que ce genre d'attitude arrogante et autoritaire à l'égard de pays amis n'est pas de nature à favoriser une relation de confiance axée sur le dialogue. C'est pourquoi ces deux nouvelles lois américaines nous apparaissent totalement inacceptables.

Les États-Unis semblent disposés à risquer de froisser des pays amis dans le seul but de déstabiliser le régime castriste et ceux de l'Iran et de la Libye. En fait, on se surprend toujours de voir avec quel acharnement nos voisins américains s'en prennent à certains membres de la communauté internationale en s'appuyant sur des principes nobles et généreux certes, mais qu'ils oublient volontiers dans d'autres cas.

Les États-Unis, par exemple, se montrent beaucoup plus permissifs à l'égard de la Chine et du Vietnam sur la question de la démocratie et des droits de la personne qu'ils ne le sont à l'égard de Cuba. Mais la Chine et le Vietnam, faut-il le reconnaître, sont des marchés en pleine expansion, ce qui rend souvent les principes beaucoup malléables.

(1040)

Là-dessus, je dois dire que le gouvernement canadien est tout à fait sur la même longueur d'onde que l'administration américaine. Mais des cas pathétiques comme celui de Trân Trieu Quân, ce citoyen canadien condamné aux travaux forcés au Vietnam doivent toujours continuer de nous faire prendre conscience que la croissance des échanges commerciaux ne se traduit pas nécessairement par une amélioration de la situation des droits de la personne.

Quoi qu'il en soit, en examinant plus attentivement la loi Helms-Burton, on constate que deux articles en forment le coeur pour l'essentiel. Tout d'abord, l'article 3 qui permet aux ressortissants américains de poursuivre devant les tribunaux américains des sociétés étrangères qui auraient profité de propriétés ou d'installations qui appartenaient auparavant à ces ressortissants, mais qui auraient été confisquées par le gouvernement cubain aux termes de la révolution de 1959.

Pour illustrer la situation, disons que c'est comme si en quittant le pays ces entreprises s'étaient vu réserver un droit de propriété immuable sur ces terrains et installations, afin de s'assurer que personne d'autre ne puisse jamais en retirer un quelconque bénéfice.

Vient ensuite l'article 4 qui, pour sa part, interdit de séjour aux États-Unis les cadres et les actionnaires majoritaires des sociétés étrangères qui auraient pris part à ce que la loi américaine définit comme le «trafic» de biens américains expropriés par les autorités cubaines, de même que leurs conjoints et leurs enfants mineurs.


4491

Là où il y a problème avec le projet de loi C-54 soumis aujourd'hui en cette Chambre, c'est que le président américain s'est prévalu, le 15 juillet dernier, de son droit discrétionnaire de suspendre l'application de l'article 3 concernant les poursuites judiciaires. Il peut renouveler cette suspension tous les six mois, s'il estime que c'est dans l'intérêt national des États-Unis de le faire.

Le projet de loi C-54 a donc une portée purement symbolique pour le moment, puisqu'il ne vise qu'à contrecarrer les effets de cet article 3. Le gouvernement canadien peut ainsi se donner l'impression qu'il a montré les dents, qu'il s'est porté valeureusement à la défense des gens d'affaires québécois et canadiens, mais il l'a fait uniquement après avoir auparavant obtenu l'assurance que les Américains n'entendaient pas, de toute façon, appliquer cet article qui suscitait tout à coup cette soudaine manifestation de courage inattendu de la part du gouvernement.

Par contre, il est révélateur et préoccupant de constater que l'article 4 de la loi Helms-Burton portant sur l'interdiction de séjour aux États-Unis est pour sa part en vigueur et que le gouvernement canadien ne prévoit aucune mesure de protection ou de rétorsion par rapport à cet article dans le projet de loi qui fait l'objet du débat d'aujourd'hui.

Le gouvernement fédéral donne donc l'impression de réagir avec force et diligence lorsqu'il sait que c'est sans conséquence, alors qu'il se montre toujours aussi impotent lorsqu'il s'agit d'adopter des mesures véritablement efficaces et significatives.

Il est donc très surprenant de constater que le gouvernement libéral ait attendu que le président américain utilise son pouvoir discrétionnaire de suspendre l'article 3 pendant six mois, avant d'aller de l'avant avec le projet de loi C-54.

En annonçant le 17 juin dernier qu'il allait déposer un projet de loi afin de modifier l'actuelle Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, le gouvernement savait déjà que le président allait rendre la décision de suspendre cet article.

Je suis heureux d'avoir entendu tout à l'heure le ministre des Affaires étrangères nous dire que la suspension de l'application de l'article 3 ultérieurement n'était pas suffisante pour le Canada, que ce que le Canada réclamait, ni plus ni moins, c'était la modification et même le retrait pur et simple de cette loi et de l'article 3 dont il est question plus particulièrement.

Mais il y a un oubli en effet. L'article 4 de la loi Helms-Burton interdit depuis le 1er août l'entrée aux États-Unis pour un certain nombre de ressortissants canadiens. À ce jour, au moins sept personnes, faisant essentiellement partie de la direction de l'entreprise Sherritt International Corporation, sont déjà touchées par l'application de cet article. Et que fait le gouvernement fédéral pour contrecarrer l'application de cet article? Rien, absolument rien. Il se complaît dans l'attentisme et l'immobilisme, probablement trop hésitant à vouloir heurter les susceptibilités de nos partenaires américains.

Cette société canadienne basée à Toronto détient des actifs à Cuba dans les mines de nickel, dans l'exploitation pétrolifère, de même que dans les secteurs agricole et touristique. Ses activités commerciales tout à fait honorables font en sorte que les dirigeants de cette entreprise sont désormais persona non grata sur le territoire américain. Pourtant, ces personnes n'ont jamais commis de crime, que ce soit au Canada ou aux États-Unis. Ces personnes n'ont pas de casier judiciaire. Ces personnes sont simplement coupables d'avoir investi et d'avoir fait du commerce à Cuba.

(1045)

Par exemple, comment réagirait le gouvernement des États-Unis si le gouvernement canadien s'avisait d'appliquer ce genre de loi à des ressortissants américains?

Même s'il n'est pas toujours en accord avec les choix et les priorités politiques et commerciales des États-Unis, le gouvernement canadien n'a jamais été jusqu'à considérer des ressortissants américains comme des criminels sur son territoire pour cette seule raison. Ce qui veut dire que le projet de loi C-54 est incomplet, puisqu'il ne sert qu'à contrer une partie actuellement inopérante de la loi Helms-Burton. L'étape qu'il faut maintenant franchir, si le gouvernement canadien entend véritablement protéger les intérêts des Québécoises et des Canadiens, serait de réclamer la formation d'un groupe spécial sur le règlement des différends en vertu de l'ALENA.

Car même si plusieurs ministres du gouvernement fédéral ont effectué, au cours des derniers mois, des représentations vigoureuses afin de décrier les conséquences de la loi Helms-Burton, même si le président américain a suspendu pour six mois le droit des ressortissants américains d'entamer des poursuites judiciaires dans le cadre de la loi Helms-Burton, et même si le gouvernement libéral est fier de présenter aujourd'hui le projet de loi C-54, il n'en demeure pas moins que la loi Helms-Burton existe toujours et qu'elle cause des torts importants à des citoyens québécois et canadiens et qu'elle risque d'en causer encore davantage au cours des prochains mois.

Qu'attends donc le gouvernement, dans ces circonstances, pour amener ce différend devant l'ALENA?

Même si le Canada s'est élevé contre la loi Helms-Burton au sein d'institutions internationales comme l'Organisation mondiale du commerce, l'Organisation de coopération et de développement économique, l'Organisation des États américains, il n'en demeure pas moins qu'il se doit maintenant de prendre des actions concrètes sur le plan légal.

Le Canada a des alliés de taille dans cette lutte contre la loi Helms-Burton, car le Mexique, par exemple, qui est lui aussi partie prenante de l'ALENA, est également touché par l'application de cette loi. Déjà, le groupe mexicain de télécommunication Domos vient de voir cinq de ses dirigeants se faire refuser l'entrée sur le territoire américain en raison d'investissements à Cuba s'élevant à plus de 700 millions de dollars.

Nous encourageons donc le gouvernement à soumettre la loi Helms-Burton en association avec le Mexique, qui est lui aussi touché par cette loi, devant les instances compétences de l'ALENA.

Je dois vous avouer très honnêtement que nous devons exprimer quelques doutes quant à la volonté réelle du gouvernement de protéger véritablement les intérêts des citoyens québécois et canadien. Car même si nous avons devant nous un projet de loi dont l'objet est effectivement de protéger leurs intérêts, il nous est permis de penser que cette loi ne servira probablement jamais.


4492

En effet, le ministre du Commerce international lui-même admettait candidement en cette Chambre, le 18 juin dernier, que les mesures législatives proposées par le gouvernement ne seraient utilisées qu'en dernier recours et qu'il espérait ne jamais avoir à les utiliser.

En voulant à tout prix éviter de s'opposer aux États-Unis, le gouvernement libéral pose préjudice à ses citoyens et ses citoyennes.

Une autre disposition du projet de loi C-54 qui oblige les entreprises canadiennes à se conformer aux lois canadiennes reçoit cependant notre assentiment. Dans un communiqué daté du 16 septembre dernier, le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international annonçait, et je cite: «Que le gouvernement réaménage aussi les pénalités imposables sous le régime de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères afin que les Canadiens soient moins portés à se conformer à des lois étrangères répréhensibles et plus portés à respecter la loi canadienne.»

Nous avons déjà fait état en cette Chambre d'un exemple bien concret d'une entreprise opérant sur le territoire canadien et qui applique scrupuleusement l'embargo américain contre Cuba. Je fais ici référence au cas d'American Express, qu'on a déjà souligné au ministre du Commerce international. La filiale canadienne d'American Express viole la loi canadienne depuis de nombreuses années, car elle observe toujours les directives de la maison mère à l'effet de ne pas faire de commerce avec Cuba.

Nous avons en notre possession une lettre provenant d'American Express et adressée à un résidant du Québec. Dans cette lettre, on lui annonce tout bonnement que la maison mère américaine et toutes ses filiales disséminées à travers le monde se conforment aux lois américaines. Je vais d'ailleurs vous en citer un extrait:

[Traduction]

«Nous regrettons que vous ne soyez pas en mesure d'utiliser les chèques de voyage à Cuba. C'est dû à la réglementation du gouvernement américain qui interdit l'exportation de biens et de services à Cuba. Cette réglementation s'applique à toutes les sociétés incorporées aux États-Unis et, par conséquent, à leurs filiales et agences.»

(1050)

[Français]

Le ministre du Commerce international a déjà dit en cette Chambre qu'il examinerait le cas d'American Express, mais l'opposition officielle attend toujours. Il est très choquant de constater que des filiales de compagnies américaines établies au Canada respectent des lois et directives émises par un gouvernement étranger.

En vertu des amendements proposés par le projet de loi C-54, une société située au Canada et qui se conforme à des lois étrangères plutôt qu'à la législation canadienne pourrait se voir attribuer des pénalités financières plus importantes que celles qui prévalent aujourd'hui. Auparavant, ces pénalités étaient de l'ordre de 10 000 $ et pourraient dorénavant passer à un 1,5 million de dollars. Par comparaison, les États-Unis imposent des amendes, dans des cas semblables, pouvant aller jusqu'à un million de dollars américains.

Il ne faut pas se contenter de simplement voter des lois, il faut aussi les faire appliquer. Si des sociétés situées au Canada ne respectent pas la loi canadienne, il faudrait voir à l'application effective de la loi.

En terminant, le Bloc québécois s'inscrit dans le même esprit que la majorité de nos partenaires étrangers qui s'opposent à la loi américaine Helms-Burton et à la Loi sur les sanctions contre l'Iran et la Libye. Nous croyons que le gouvernement canadien doit cesser de prétendre à une certaine indépendance à l'égard de notre principal allié s'il n'accompagne pas ses prétentions de gestes concrets.

Puisque le gouvernement propose d'autoriser la non-reconnaissance de jugements rendus à l'étranger envers des sociétés ou individus québécois et canadiens, et puisqu'il suggère d'augmenter les pénalités destinées à se conformer à des lois étrangères plutôt qu'à la législation canadienne, nous ne pouvons qu'appuyer le projet de loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères.

Par contre, nous pensons qu'il faut faire plus en demandant la formation d'un groupe spécial de règlement des différends en vertu de l'ALENA. Le ministre du Commerce international nous disait, en mars dernier, que le Canada demanderait la tenue d'une consultation en vertu du chapitre 20 de l'Accord de libre-échange nord-américain. En poursuivant ainsi, le gouvernement s'assurerait d'invalider cette loi, qui est contraire à tous les efforts déployés ces dernières années afin de libéraliser les échanges commerciaux.

[Traduction]

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais commencer mon discours sur le projet de loi C-54 en disant que le Parti réformiste appuiera la mesure législative, bien qu'il estime que ce n'est qu'une demi-mesure.

Mon conseil, lorsque cette question a été soulevée pour la première fois, était de soumettre le problème à un groupe de résolution des différends en vertu de l'ALENA et d'obtenir l'invalidation de la loi Helms-Burton. Si nous avions agi rapidement, nous ne serions pas loin d'une solution définitive au différend. L'ALENA nous offre un mécanisme de règlement des différends qui a été négocié. Il est en place, et nous ne devrions pas avoir peur de l'utiliser.

Il est clair que la loi Helms-Burton contrevient à notre accord avec les États-Unis. C'est également un affront au Canada, puisqu'on ne lui reconnaît pas le droit de définir sa propre politique étrangère et de continuer à commercer avec Cuba et d'investir dans ce pays. Nous ne pouvons pas permettre que cette loi américaine reste incontestée. L'adoption du projet de loi C-54 est une mesure défensive que nous pouvons prendre, mais nous devrions prendre une mesure beaucoup plus efficace contre la loi Helms-Burton en soumettant la question au règlement des différends en vertu de l'ALENA. Je répète que cela devrait se faire immédiatement et non après les élections américaines de novembre.

Le ministre des Affaires étrangères nous a dit que, en vertu de la loi Helms-Burton, les responsabilités continuent de s'accumuler. Le report n'est qu'une mesure provisoire. C'est dans cette optique que nous appuyons le projet de loi, mais nous estimons que la question doit être réglée une fois pour toutes.


4493

Nous devons tenir bon. Nous ne pouvons pas laisser les États-Unis continuer à nous malmener, comme ils l'ont fait dans le cas du bois d'oeuvre ou dans le cas du blé, et nous dire maintenant où nous pouvons investir et faire des affaires. Si nous cédons aux menaces des Américains, cela ne fera que les encourager à utiliser la manière forte.

Il y a deux jours, nous avons lu dans la presse que le représentant du commerce américain à titre intérimaire et le secrétaire responsable de l'agriculture avaient publié une déclaration conjointe disant qu'ils allaient utiliser les lois commerciales américaines pour empêcher la croissance de nos exportations de blé. En 1994, le Canada a capitulé face aux Américains et il a accepté de limiter ses exportations de blé à 1,5 million de tonnes. Les choses ont été assez tranquilles cette année parce que les approvisionnements de blé américain ont augmenté et que les prix canadiens n'étaient plus concurrentiels. De toute évidence, tout cela est contraire au principe même du libre-échange que le Canada veut établir dans le monde entier et contraire à l'économie du marché.

Nous avons été un des premiers, et c'est louable, à négocier des accords de libre-échange, et je pense que nous devons faire en sorte que les pays respectent les règles. Face à la récolte exceptionnelle que nous avons enregistrée cette année, les Américains craignent que notre blé ne soit à nouveau attrayant. Divers groupes d'intérêts américains ont remarqué que nous avions tendance à plier l'échine. Or, c'est là une attitude tout à fait à déconseiller car ça encourage le recours aux tactiques de bras de fer. Force nous est donc de mettre en oeuvre tous les moyens dont nous disposons pour combattre la loi Helms-Burton et toute autre mesure visant à entraver le libre-échange.

(1055)

Le projet de loi C-54 apporte certaines modifications à la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères de façon à permettre au gouvernement canadien d'atténuer les aspects les plus pernicieux de la loi Helms-Burton. Ces mesures sont bonnes, mais ne vont pas assez loin.

J'aimerais aborder les détails de la loi Helms-Burton et montrer en quoi les modifications proposées à la Loi sur les mesures extraterritoriales sont de nature à pallier aux effets de la loi américaine. Cette dernière permet aux ressortissants américains qui revendiquent des droits à l'égard d'un bien immobilier exproprié par le gouvernement cubain d'intenter une action en justice contre les sociétés et les citoyens canadiens qui commercent avec l'entreprise détenant ce bien immobilier. La loi donne un sens très large au mot «commercer»: détenir des intérêts dans un bien immobilier confisqué, se livrer à des activités commerciales au moyen d'un bien immobilier confisqué ou participer aux bénéfices par l'intermédiaire d'une autre personne qui fait des affaires dans ce bien immobilier.

En vertu de la loi Helms-Burton, un ressortissant américain qui présente une revendication en bonne et du forme à l'égard d'un bien immobilier exproprié peut entamer une action en justice devant un tribunal américain en se prévalant de l'article 3. Des porte-parole américains ont affirmé que Washington a reconnu la légitimité de près de 6 000 revendications d'expropriation. Sur ce nombre 800 environ se situent au-dessus du seuil de 50 000 $ en valeur commerciale fixé en 1959, année où Fidel Castro s'est emparé du pouvoir. D'autres n'entrent plus dans la catégorie des revendications pouvant être faites par des ressortissants américains.

Certes, le président Clinton a reporté jusqu'en janvier l'application de certaines dispositions autorisant la prise d'actions en justice contre les sociétés étrangères. Or, il n'y a rien qui nous garantisse qu'il va répéter son geste. La loi est là pour nous protéger. Mais nous devrions prendre une mesure immédiate dans le cadre de l'ALENA afin de résoudre cette question une fois pour toutes. Comme quelqu'un l'a dit tout à l'heure, les choses continuent de se gâter.

En vertu de la loi Helms-Burton, une fois que les procédures judiciaires sont entamées et qu'un tribunal américain reçoit une revendication en bonne et due forme, l'amende peut équivaloir jusqu'à trois fois le montant des dommages-intérêts réclamés par le ressortissant américain. Si la société canadienne refuse d'acquitter la somme accordée, la loi Helms-Burton autorise le ressortissant américain à demander aux tribunaux canadiens d'appliquer ce jugement.

C'est là qu'interviennent les modifications à la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères. Dans sa version nouvelle et améliorée, la Loi sur les mesures extraterritoriales autorise le procureur général à déclarer qu'une telle ordonnance ne saurait être reconnue ou appliquée au Canada. C'est un pas dans la bonne direction.

Si la société canadienne a des biens aux États-Unis, la loi Helms-Burton donne le pouvoir aux tribunaux américains de les saisir et de les vendre pour verser le dédommagement accordé au ressortissant américain. Là encore, le poids de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères se fera sentir. L'entreprise canadienne pourra récupérer devant les tribunaux canadiens les montants octroyés aux États-Unis.

Cependant, le problème dans tout cela, c'est que le ressortissant américain devra avoir des biens au Canada pour qu'on puisse les saisir. Je ne connais pas beaucoup de ressortissants américains qui peuvent intenter des poursuites aux termes de la loi Helms-Burton et qui ont des biens au Canada. Ils ne sont certes pas nombreux. Ainsi, nous allons remettre cela en question et formuler des recommandations au comité sur la façon d'améliorer la situation à cet égard.

La loi Helms-Burton cherche à empêcher, dans une certaine mesure les citoyens étrangers et les entreprises étrangères d'investir à Cuba et de poursuivre leurs activités dans ce pays. Une fois de plus, en modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, on montre aux Américains que les Canadiens se tiennent debout. Nous allons faire passer de 10 000 $ à 1,5 million de dollars les sanctions imposées aux entreprises canadiennes qui refusent de commercer avec Cuba de peur des sanctions américaines.

Par exemple, si une société projetait de lancer une opération commerciale avant l'adoption de la loi Helms-Burton et a eu peur de passer à l'action, elle pourra se voir imposer des sanctions parce qu'elle aura laissé la loi américaine influencer sa décision. J'ai lu que la GRC a mené environ 24 enquêtes sur des plaintes dénonçant des filiales au Canada pour avoir violé les dispositions initiales de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, qui avaient pour objectif de ne pas laisser les sièges sociaux américains influencer leurs échanges commerciaux avec Cuba. Je crois comprendre qu'il n'y a pas eu de poursuites jusqu'à maintenant.

Il est facile pour une filiale de dire qu'elle a abandonné une vente à Cuba pour des raisons commerciales valables qui n'ont rien à avoir avec la loi Helms-Burton. C'est pourquoi je crois que ces modifications à la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, même si elles sont une bonne chose, ne constituent qu'une mesure palliative. Il faut essayer de faire abroger la loi Helms-Burton.

4494

Le projet de loi C-54 ne touche pas aux dispositions de la Loi Helms-Burton qui interdisent l'entrée aux États-Unis à des cadres supérieurs de certaines sociétés canadiennes. Il est clair que cela va à l'encontre de l'ALENA. En effet, l'article 1603 de l'ALENA précise que chacune des parties doit autoriser l'admission temporaire des hommes et femmes d'affaires qui satisfont par ailleurs aux conditions d'admission établies en vertu des mesures applicables concernant la santé et la sécurité publiques ainsi que la sécurité nationale. Dans le cas qui nous occupe, les cadres supérieurs des entreprises canadiennes ne violeraient pas les dispositions de l'ALENA, et nous devrions le préciser très clairement.

Les Américains ont-ils le droit, en vertu de l'ALENA, d'empêcher les gens d'affaires canadiens respectueux des lois et en santé d'entrer aux États-Unis? Je ne le pense pas. Pas après la signature de l'ALENA. C'est tout à fait clair.

Le Président: Cher collègue, je dois vous interrompre. Vous aurez la parole immédiatement après la période des questions. Je crois comprendre qu'il vous reste environ 30 minutes.

Comme il est 11 heures, nous passons maintenant aux déclarations de députés.

______________________________________________


4494

DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LE DÉCÈS DE ROSE OUELLETTE

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Monsieur le Président, vendredi dernier, à l'âge de 93 ans, Rose Ouellette, surnommée affectueusement «la Poune», figure légendaire du burlesque au Québec, rentrait dans l'histoire, après une carrière artistique de trois quarts de siècle.

Aux moments les plus douloureux de la dépression des années 1930, cette femme, si près des gens, a su donner à son public cette ration de bonne humeur qui permet de faire face à un quotidien difficile. Au-delà de la scène, proches et voisins du Chez-nous des artistes le confirment: Rose Ouellette était une personne généreuse et joviale.

Animant tour à tour le Théâtre Cartier, le Théâtre Dominion, le Théâtre national, le Mocambo, le Café de l'est, elle a été au coeur de la culture populaire québécoise. Avec ses partenaires de scène, Olivier Guimond, Juliette et Arthur Pétrie, Paul Desmarteaux et Jean Despré, elle a rejoint les Québécois et les Québécoises chez-eux, dans leur coeur et leurs racines.

Madame Rose, les gens de chez-nous garderont de vous un souvenir impérissable.

* * *

[Traduction]

L'ÉTAT

M. Jim Silye (Calgary-Centre, Réf.): Monsieur le Président, je voudrais partager avec vous une lettre que m'a envoyée un électeur, M. Doug Leitch père. La lettre dit:

Le Canada a été bâti par ses habitants, non par l'État. Remettons le pays entre les mains des habitants en réduisant le rôle de l'État. Laissons les citoyens-et non quelques personnes à Ottawa-déterminer leur mode de vie et leur destinée.
Cela signifie qu'il faut habiliter le palier de gouvernement le plus près des citoyens à assurer les services, et permettre aux citoyens de prendre eux-mêmes leurs décisions, au lieu de laisser l'État les prendre à leur place. Cela veut dire qu'il faut réduire la taille du gouvernement fédéral à 250 députés, et non l'élargir à 301. Cela signifie moins de double emploi, de chevauchements et de paperasserie dans les administrations fédérales et provinciales. Cela signifie que les gouvernements devraient diriger le pays à distance, et non concurrencer directement leurs citoyens et les entreprises par des subventions modulées. Enfin, cela veut dire moins de pouvoir aux politiciens et plus de pouvoir à la population.

* * *

LES ENFANTS

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, nous considérons les enfants comme l'avenir de notre société. Alors, pourquoi certains membres de la société traitent-ils les enfants comme des possessions au lieu de trésors?

Un million d'enfants de moins de 18 ans travaillent comme prostitués en Asie et un million d'autres ailleurs dans le monde entrent dans le commerce du sexe chaque année. Ces statistiques sont honteuses. Il s'agit là d'un problème international qu'il faut enrayer, non seulement au Canada, mais également dans le reste du monde.

Une première démarche à faire est d'adopter le projet de loi C-27, ce qui aiderait à appréhender et à poursuivre en justice les personnes qui recherchent et utilisent des prostitués enfants, que le crime soit commis au Canada ou ailleurs. Cette mesure législative protégera les enfants contre leurs prédateurs.

J'exhorte le gouvernement à prendre également d'autres mesures permettant de protéger notre ressource naturelle la plus importante que sont nos enfants.

* * *

LES RENCONTRES AU NOUVEAU-BRUNSWICK

M. Harold Culbert (Carleton-Charlotte, Lib.): Monsieur le Président, au cours des deux derniers mois, j'ai rencontré des chefs d'entreprises et des représentants de chambres de commerce et de municipalités des six régions du Nouveau-Brunswick. Ces rencontres, qui ont été coordonnées grâce aux efforts des commissions industrielles de la province, ont pris la forme de tables rondes où la discussion était centrée sur l'emploi et la petite entreprise.

Ces rencontres nous ont permis de discuter des mesures prises jusqu'à maintenant et de celles qu'il faut prendre désormais pour réaliser notre objectif de croissance continue dans les secteurs de la petite entreprise et de l'emploi.

(1105)

Même si nous avons atteint ou dépassé nos objectifs de réduction du déficit et créé plus de 600 000 nouveaux emplois au Canada, il reste encore beaucoup à faire. Ces rencontres régionales ont aidé à


4495

élaborer des initiatives favorisant la création de nouvelles possibilités.

Je voudrais remercier les responsables de commissions industrielles et tous les participants qui ont fait de ces tables rondes un succès éclatant au Nouveau-Brunswick.

* * *

FORMAL SYSTEMS INC.

M. Andy Scott (Fredericton-York-Sunbury, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de souligner l'impressionnante expansion d'une entreprise de pointe de Frederiction.

Formal Systems Inc. vient d'annoncer la création prochaine de 100 nouveaux emplois. L'entreprise pourra créer des emplois, grâce au prêt remboursable de 750 000 $ qu'elle a obtenu de l'APECA, étant donné que ses activités mènent à l'élaboration de nouvelles technologies. Ces technologies porteront sur le changement de date qui se produira au tournant du siècle, soit dans moins de 1 000 jours ouvrables.

Les ordinateurs sont réglés selon une date à deux chiffres de sorte que, lorsque l'aiguille marquera l'an 2000, ils indiqueront l'année 1900, causant de toute évidence bien difficultés partout, qu'il s'agisse de la facturation des appels téléphoniques ou du calcul des intérêts. La plupart des ordinateurs ne sont pas réglés de manière à suivre le changement de date. Formal Systems mettra au point un dispositif de conversion automatique pour remédier à cette difficulté.

Les entreprises du Nouveau-Brunswick montrent encore une fois qu'elles possèdent l'ingéniosité, la technologie et le dynamisme nécessaires pour satisfaire les exigences de la technologie de l'information partout dans le monde.

* * *

LES DÉLINQUANTS PRÉSENTANT UN RISQUE ÉLEVÉ DE RÉCIDIVE

M. Elijah Harper (Churchill, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu deux ans cette semaine, Sarah Kelly, une jeune femme de The Pas, dans ma circonscription, a été sauvagement assassinée par un homme reconnu comme délinquant dangereux. Après ce drame, je me suis joint à mes électeurs pour déplorer la mort de cette jeune femme et réclamer des lois plus sévères à l'égard des délinquants dangereux et des délinquants sexuels qui récidivent.

Cette semaine, deux après la mort de Sarah, le ministre de la Justice a déposé le projet de loi C-55, qui vise expressément les délinquants dangereux et les délinquants sexuels. Je crois que cette mesure honorera la mémoire de Sarah en aidant à prévenir d'autres drames semblables à l'avenir.

J'invite tous mes collègues à se joindre à moi pour appuyer cet important projet de loi.

[Français]

L'ACCORD DE LIBRE-ÉCHANGE CANADA-ISRAËL

M. Stéphane Bergeron (Verchères, BQ): Monsieur le Président, le 31 juillet dernier, le ministre canadien du Commerce international et le ministre israélien de l'Industrie et du Commerce signaient un accord de libre-échange entre le Canada et Israël, dont l'entrée en vigueur est prévue pour le 1er janvier 1997.

Le Bloc québécois, évidemment, applaudit la conclusion de ce traité qui accroîtra l'accès au marché israélien pour nos entreprises. Cependant, bien que cet accord touche une multitude de ces entreprises partout au Canada, rappelons qu'il fut négocié en catimini, c'est-à-dire sans véritable débat, ni consultation publique.

Nous dénonçons donc avec vigueur ce manque de transparence de la part du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Nous croyons qu'il est du devoir du gouvernement fédéral d'informer la population des enjeux qui entourent les négociations commerciales avec d'autres pays. C'est le moins qu'on puisse attendre d'un gouvernement qui se prétend transparent.

* * *

[Traduction]

L'IMMIGRATION

Mme Val Meredith (Surrey-White Rock-South Langley, Réf.): Monsieur le Président, j'ai été heureuse de constater que la ministre de l'Immigration avait décidé de mettre elle-même la main à la pâte dans son ministère cet été en allant voir sur le terrain comment s'appliquent les dispositions canadiennes sur le statut de réfugiés.

Qu'est-ce que la ministre a découvert? Elle a été étonnée d'apprendre que certains réfugiés n'étaient pas de vrais réfugiés. Elle a été scandalisée de voir que, lorsqu'un Chilien a réclamé le statut de réfugié parce qu'il était incapable de trouver du travail dans son pays d'origine, il a été autorisé à rester au Canada.

La ministre a depuis annoncé qu'on prendrait des mesures contre les réfugiés bidon et que la Loi sur l'immigration serait révisée. Enfin, voici un membre du gouvernement qui a décidé d'écouter le Parti réformiste et constaté que ce que nous disons à la Chambre depuis trois ans est conforme à la réalité.

Mais j'apprends que les libéraux ont été inspirés par le cas du chômeur chilien qui demandait le statut de réfugié. Comme leur stratégie visant à résoudre les problèmes de chômage a échoué, les libéraux envisagent d'envoyer le million de chômeurs canadiens au sud de notre frontière pour demander le statut de réfugié aux États-Unis.


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LE CANCER DU SEIN

M. John Richardson (Perth-Wellington-Waterloo, Lib.): Monsieur le Président, j'interviens aujourd'hui à la Chambre pour aborder une question extrêmement importante: le cancer du sein.

Selon les statistiques, on diagnostiquera le cancer du sein chez une Canadienne sur neuf. De plus, une victime sur trois mourra de cette maladie. Cependant, les statistiques n'illustrent pas toute l'horreur qui se cache derrière cette maladie: la peur, la douleur et l'incertitude.

(1110)

Deux habitants de ma circonscription, Paul et Mary Knowles, comprennent bien la terreur qui entoure cette maladie. Mary a survécu au cancer du sein. Récemment, les Knowles ont publié un ouvrage intitulé Close to the Heart. Il s'agit d'une anthologie de poèmes et de nouvelles rédigées par des poètes canadiens. Tous les produits de la vente de ce bouquin seront versés à la recherche sur le cancer du sein au Canada.

Je félicite Paul et Mary Knowles pour leur travail acharné et leur dévouement à cette cause et j'encourage tous les Canadiens à donner généreusement à la lutte contre cette terrible maladie.

* * *

[Français]

L'AFFICHAGE COMMERCIAL

M. Paul DeVillers (Simcoe-Nord, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais aujourd'hui attirer l'attention de la Chambre sur la question de l'affichage commercial à Ottawa, lequel a des incidences non seulement sur la communauté francophone à Ottawa, mais aussi sur la question de l'unité nationale.

Faut-il toujours rappeler aux récalcitrants des deux côtés de la guerre linguistique que le Canada est un pays bilingue ayant deux langues officielles? Les commerçants d'Ottawa ne sont certes pas obligés par la loi d'afficher en français. N'empêche que la courtoisie requiert qu'ils affichent en français ainsi qu'en anglais, tout comme les commerçants montréalais se doivent d'afficher dans les deux langues officielles, tel qu'il leur est permis par la loi.

Le Canada se veut un pays qui s'accommode des différences des uns et des autres. Tous doivent y contribuer, sans quoi l'idéal canadien cessera d'exister.

* * *

LE CHEF DU BLOC QUÉBÉCOIS

Mme Eleni Bakopanos (Saint-Denis, Lib.): Monsieur le Président, pour le chef bloquiste du 20 septembre 1996, et je cite ses paroles: «En ce qui me concerne, il n'est pas question de faire de la mission du Bloc la vente du partenariat dans le reste du Canada.»

Le chef bloquiste du 16 juin dernier déclarait, quant à lui, et je le cite: «. . . actuellement, au moment où on se parle, j'ai un groupe de travail qui est en train de regarder comment on pourrait coordonner nos efforts dans le reste du Canada pour expliquer le partenariat de notre projet politique qui est conséquent à la souveraineté.»

[Traduction]

La seule chose qui ressort clairement des contractions des chefs du Bloc, c'est qu'ils invitent les Québécois à les suivre aveuglément, sans savoir vraiment où ils s'en vont.

Encore une fois, chez eux, la fin, c'est-à-dire la souveraineté, justifie les moyens.

* * *

[Français]

LE PARLEMENT

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, la ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux inaugurait récemment le site Internet de son ministère. Son communiqué annonçait qu'une caméra vidéo fournira des images du Parlement sur le Web, 24 heures sur 24.

La ministre justifie cette dépense par le fait, et je cite: «que la tour de la Paix est un des symboles canadiens les plus reconnus, au même titre que le castor et la feuille d'érable.» Elle voulait possiblement nous annoncer l'apparition prochaine sur nos écrans des feuilles d'érable et des castors interactifs.

Ce que la ministre ne nous dit pas, c'est le nombre de huards que devront débourser les contribuables pour promouvoir le castor. Ce nouveau site n'est rien de plus qu'un autre élément de la stratégie de sa collègue, la ministre du Patrimoine, visant à promouvoir artificiellement et à grand coût un sentiment d'appartenance au Canada.

Depuis le référendum, les Québécoises et les Québécois savent que le Canada est un pays en sursis, mais ce que nous ignorions cependant, c'est que son Parlement est maintenant devenu une réalité virtuelle.

* * *

[Traduction]

LA COMMISSION CANADIENNE DU BLÉ

M. Allan Kerpan (Moose Jaw-Lake Centre, Réf.): Monsieur le Président, cette semaine, durant la période des questions, le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a cité mes paroles et celles du député de Swift Current-Maple Creek-Assiniboia.

Il a dit que, dans un reportage radiophonique de la SRC, nous avons tous les deux déclaré avoir reçu à nos bureaux une majorité d'appels en faveur du maintien du monopole de la CCB. C'est exact, mais les appels à un bureau ne constituent guère un sondage scientifique et sont loin d'être un plébiscite.

Ils traduisent cependant une grande inquiétude de part et d'autre. Cette inquiétude vient du fait que le ministre joue du violon pendant

4497

que l'industrie est la proie des flammes. Comme il n'a pas obtenu les réponses qu'il souhaitait du groupe de consultation sur la commercialisation du grain qu'il a lui-même constitué, le ministre est en train de se terrer comme une marmotte.

Les agriculteurs des deux camps s'agitent. Je préviens le ministre que pareille inaction risque d'annuler tous les aspects positifs de la CCB.

Je mets aussi le ministre en garde contre le fait d'être assis entre deux chaises. La partie de son anatomie qui se trouve entre les deux le fera souffrir. Les réformistes, au moins, écoutent ce que les agriculteurs ont à dire.

* * *

[Français]

LE FLEUVE SAINT-LAURENT

M. Bernard Patry (Pierrefonds-Dollard, Lib.): Monsieur le Président, il me fait plaisir d'informer cette Chambre qu'après plus de dix ans d'efforts soutenus et plusieurs milliards de dollars d'investissement, le programme fédéral-provincial Saint-Laurent Vision 2000 commence à porter fruit.

(1115)

En effet, lors d'une conférence de presse qui s'est tenue à Montréal, les représentants des gouvernements canadien et québécois ont été en mesure d'annoncer que les rejets des 50 plus gros pollueurs du Saint-Laurent et du Saguenay ont diminué de 96 p. 100.

D'autres mesures sont actuellement en application et visent une cinquantaine d'autres entreprises qui sont situées sur d'autres affluents du fleuve.

L'opération de dépollution du fleuve Saint-Laurent n'est pas complétée, loin de là. Mais en prenant connaissance de ces résultats, nous avons toutes les raisons d'être fiers de nos réalisations, et cela nous encourage à continuer notre travail dans le but de remettre un jour à la population un fleuve dont elle pourra jouir en toute sécurité.

* * *

[Traduction]

LES ATHLÈTES OLYMPIQUES

Mme Bonnie Brown (Oakville-Milton, Lib.): Monsieur le Président, demain, le 21 septembre, sera un grand jour dans l'histoire d'Oakville. Les électeurs de ma circonscription accueilleront et honoreront alors nos quatre athlètes olympiques: le boxeur Domenic Filane, le cycliste Eric Wohlberg, le pagayeur Gavin Maxwell et le sprinter Donovan Bailey.

Après un petit déjeuner avec un groupe d'enfants, les quatre athlètes défileront en automobile dans les rues de la ville, avant de se rendre à un grand rassemblement dans un parc situé au bord de l'eau. Le réseau Newsworld de la CBC couvrira le rassemblement en direct, à compter de midi.

Je vous invite, monsieur le Président, et j'invite mes collègues de la Chambre ainsi que tous les Canadiens à partager avec nous la fierté et la joie qui éclateront demain à Oakville. Joignez-vous à nous en écoutant le reportage que présentera à midi le réseau Newsworld de la CBC.

LA TAXE SUR LES PRODUITS ET SERVICES

Mme Daphne Jennings (Mission-Coquitlam, Réf.): Monsieur le Président, le ministre des Finances a déclaré qu'il n'avait pas l'intention d'exempter les imprimés de la TPS parce qu'il ne pouvait pas se permettre de perdre des recettes de 140 millions de dollars.

Or, le ministre ne manque pas de fonds quand il s'agit du révoltant régime de pensions des députés, de la campagne de propagande et de vente de drapeaux de la vice-première ministre et de l'offre d'un milliard de dollars faite aux premiers ministres du Canada atlantique pour qu'ils adhèrent au plan d'harmonisation. Le ministre des Finances a refusé d'exempter les imprimés de la TPS même si le premier ministre s'était personnellement engagé à le faire et même si telle était la politique du Parti libéral.

Le gouvernement continue à prétendre qu'il encourage l'alphabétisation tout en prélevant une taxe sur les livres. Le plan d'harmonisation forcera les habitants de la région de l'Atlantique à payer 15 $ à l'achat d'un livre de science de 100 $.

Autre exemple de la fausse logique du gouvernement, ce dernier, pour faire la promotion de l'alphabétisation, prélèvera la TPS sur les timbres spéciaux de 50c. vendus par la Société canadienne des postes. La société versera 5c. par timbre vendu à un fonds d'alphabétisation, alors que le gouvernement empochera 4c. sur le même timbre.

Le gouvernement manque clairement d'intégrité, non seulement parce qu'il n'exempte pas les imprimés de la TPS, mais encore parce qu'il prélève une taxe sur l'alphabétisation en tant que telle.

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4497

QUESTIONS ORALES

[Français]

LE VÉRIFICATEUR GÉNÉRAL

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances semblait fier, hier, du rapport de la majorité libérale concernant le scandale des fiducies familiales, rapport qu'il disait même applaudir. Pourtant, l'ancien vérificateur, M. Dye, soutenait que les députés libéraux n'ont rien compris au rôle de chien de garde du vérificateur général, et le vérificateur lui-même affirmait cette semaine, après la parution du rapport, que si c'était à recommencer il ferait la même chose. Et tant mieux, parce que c'est son rôle.

Je demande ceci au ministre des Finances: Alors qu'il est évident que les députés libéraux ont gaffé en produisant ce rapport, en s'attaquant au vérificateur général, pourquoi le ministre des Finances s'entête-t-il toujours à endosser ce rapport? Et je lui répète la question d'hier: Qui ce gouvernement protège-t-il?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le rapport majoritaire est très favorable. Il est d'ailleurs rempli d'observations très favorables à l'égard du travail du vérifi-


4498

cateur général. C'est vrai, sur un point ils ne sont pas en accord avec le vérificateur général. Mais un comité permanent de notre Chambre a le droit de critiquer ou de ne pas être d'accord avec un fonctionnaire du Parlement, que ce soit, comme je l'ai dit hier, le premier ministre, le ministre des Finances, le gouverneur de la Banque du Canada ou le vérificateur général.

Maintenant, le député me pose la question à savoir pourquoi on endosse le rapport majoritaire. Parce que le rapport endosse la grande majorité des observations, des commentaires du vérificateur général. C'est pour cette raison.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, ce n'est pas une grande vérité de dire qu'un comité a le droit d'émettre des opinions. Bien sûr qu'en démocratie on a le droit d'avoir tort. Ce n'est pas un péché, ça.

Mais on demande au gouvernement, sachant qu'il a tort: pourriez-vous vous tenir debout et agir? Parce que sur ce qu'il y a d'important, ce n'est pas un hasard que tous les éditorialistes, du moins ceux des journaux francophones, interviennent en disant que ça n'a pas de bon sens.

(1120)

L'ancien vérificateur dit que cela n'a pas de bon sens, le vérificateur actuel dit que cela n'a pas de bon sens. Ça commence à faire du monde. On le dit nous aussi, bien évidemment. «Sur un petit point», dit le ministre des Finances. Pourtant, le 9 mai dernier il a dit:

[. . .] nous avons énoncé très clairement qu'il y avait certainement des lacunes dans le système de taxation qu'il fallait combler. Nous avons appuyé les démarches du vérificateur général dans ce domaine, nous allons continuer de le faire.
C'est ce qu'on demande. Ce qu'on demande, c'est ceci: Encore une fois, quels intérêts défendent-ils s'ils ne répondent pas au jugement porté par le vérificateur général? «Un petit point» semble-t-il sur lequel ils ne sont pas d'accord, nous on pense qu'ils ne sont pas d'accord sur le point principal du rapport du vérificateur.

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, le point principal du vérificateur général est que le problème qui existe est le suivant: Comment traite-t-on les gains en capitaux lorsque quelqu'un, un immigrant, une personne, une fiducie, une société, un partenariat veut quitter le Canada?

C'est le point principal du vérificateur général et le rapport majoritaire a endossé ce point voulant qu'il fallait agir. Nous sommes d'accord et c'est notre intention d'agir.

M. Gilles Duceppe (Laurier-Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, l'échappatoire est toujours là. Le vérificateur le dit et on tente de taper sur les doigts du vérificateur parce qu'il l'a dit. On dit au vérificateur: Vous n'auriez pas dû toucher à cela.

J'ai l'impression que le ministre des Finances a suivi des cours de camouflage 101 avec le ministre de la Défense nationale. Ils sont assis l'un près de l'autre, il y a des confidences qui se font, j'en suis convaincu. Je lui demande pourquoi il se rend complice du rapport du vérificateur. Qui a ordonné qu'on enterre ce scandale? Le premier ministre ou quelque généreux donateur qui pourrait peut-être se servir de cette échappatoire?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, c'est tout à fait ridicule. C'est le gouvernement qui a demandé au Comité permanent des finances de se pencher sur le rapport du vérificateur général et de nous donner son opinion sur le point principal: comment traite-t-on les gains en capitaux lorsqu'un immigrant veut quitter le pays?

Le rapport majoritaire a traité ce point de façon très profonde et c'est l'intention du gouvernement d'agir. Certainement, ce n'est pas notre position d'enterrer la situation. On a voulu mettre la lumière là-dessus. Le rapport majoritaire l'a fait et on va agir.

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, le ministre des Finances a demandé au Comité des finances de se pencher sur le problème, mais pas de pencher juste d'un bord, par exemple. On a très hâte que le ministre des Finances cesse d'être le ministre uniquement des dix familles les plus riches du Canada mais qu'il soit le ministre des Finances de tous les contribuables canadiens.

Au lieu de boucher l'échappatoire fiscale qui a permis la sortie du Canada d'une fiducie de deux milliards de dollars nets d'impôt, le rapport de la majorité libérale du Comité des finances ouvre toutes grandes les portes pour les familles riches du Canada. En effet, le rapport conclut à la légalité du scandale, donnant ainsi raison à une décision de Revenu Canada qui pourrait coûter aux contribuables canadiens des centaines de millions de dollars.

Ma question s'adresse au ministre des Finances. Reconnaît-il qu'en acceptant ce rapport, comme il l'a fait hier, et comme il le fait encore aujourd'hui, il va directement à l'encontre des recommandations du vérificateur général et permet la sortie massive du pays de capitaux de riches familles canadiennes qui ne paieront pas d'impôt au Canada?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il n'y a pas de doute que la question des gains de capitaux pourrait toucher certainement les plus riches. Mais cela peut aussi toucher des familles ayant des revenus moindres.

J'ai donné un exemple hier, c'est-à-dire une veuve, épouse d'un immigrant, qui décide de retourner chez elle. Si elle a par exemple des actions dans une petite compagnie privée, elle aussi sera touchée parce que la question est celle-ci: Comment traite-t-on les gains en capital lorsqu'une personne, un individu décide de quitter le pays? Une retraitée qui va demeurer en Floride, par exemple, ce qui se produit souvent. Le point est là et c'est une question très sérieuse qui devrait être traitée avec tout le sérieux que ça mérite.

(1125)

Le député parle d'échappatoires, et j'ai une liste d'échappatoires de trois pages que nous, comme gouvernement, avons fermées depuis que nous avons pris le pouvoir. C'est ça le point: comment donner un système de taxation équitable. C'est notre objectif et j'aimerais bien que les députés de l'opposition contribuent au moins au débat.


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M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe-Bagot, BQ): Monsieur le Président, on n'a rien contre la planification des revenus et l'étalement, comme le dit si bien le ministre. Mais on en a contre, toutefois, l'utilisation de ces véhicules et des dispositions de la Loi de l'impôt, que le ministre des Finances refuse de changer, pour transférer des millions exempts d'impôts aux États-Unis ou ailleurs. Ça, ce n'est pas normal. On demande à tous les contribuables de payer à Revenu Canada et quand vient le temps de traiter de la question des riches amis du Parti libéral, on ne fait rien. Ce n'est pas normal, ça.

Je lui demande donc ceci: En acceptant ce rapport, est-ce qu'on veut protéger les intérêts des personnes qui gravitent autour des hautes sphères politiques avec la complaisance du ministre des Finances?

[Traduction]

M. Martin (LaSalle-Émard): Monsieur le Président, depuis notre arrivée au pouvoir il y a trois ans, nous avons supprimé plus d'échappatoires fiscales que tout autre gouvernement précédent. Grâce aux mesures que nous avons prises, la Loi de l'impôt sur le revenu est plus équitable. Les contribuables mieux nantis paient plus d'impôt. J'ai ici trois pages de mesures que nous avons prises à cet égard.

Cette question ne s'applique pas qu'aux nantis. Elle s'applique aux Canadiens moyens qui, pour une raison ou pour une autre, décident de quitter le pays, que ce soit pour prendre leur retraite à l'étranger ou pour retourner dans leur pays d'origine. Ces gens-là devraient être traités de manière équitable. Ils devraient être traités de manière à ce que l'État ne soit pas privé des impôts qui lui reviennent.

Par ailleurs, nous avons conclu des traités fiscaux avec quelque 60 pays. Nous nous en tenons aux modalités établies par l'OCDE. Notre système est plus rigoureux que celui de la vaste majorité des autres pays. Je suis convaincu que les députés d'en face ne voudraient pas que nous agissions d'une manière inéquitable envers les Canadiens moyens. C'est pourquoi nous avons demandé au Comité des finances de se pencher sur la question, ce qu'il a fait. C'est pourquoi nous avons dit que nous donnerons rapidement suite à ses recommandations.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, les iniquités et les conflits d'intérêts abondent dans l'enquête sur la Somalie. Le ministre de la Défense ne cesse de faire de l'ingérence dans cette enquête. Il a permis que le général Boyle bénéficie d'un traitement préférentiel en voyant à ce que l'équipe d'éminents avocats du gouvernement ait accès à des rapports confidentiels de la police militaire et il a peut-être permis le plus grand conflit d'intérêts relativement à la rédaction du mandat de la commission d'enquête sur la Somalie.

Le ministre de la Défense peut-il confirmer à la Chambre que le général Boyle a joué un rôle dans la rédaction du mandat de la commission d'enquête sur la Somalie et dans l'établissement des paramètres de cette enquête?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les paramètres de l'enquête ont été établis par mon bureau, en consultation avec des fonctionnaires du ministère.

J'ai apporté des modifications à ces paramètres à une étape tardive du processus pour y inclure certains éléments que je jugeais essentiels à l'efficacité de l'enquête. Ces paramètres ont été établis par moi, et j'en assume l'entière responsabilité. Il a été reconnu que ces paramètres sont assez complets et détaillés pour permettre à la commission d'aller au fond de cette affaire.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, je veux remercier le ministre encore une fois pour ne pas avoir répondu à ma question. Je voulais savoir si le général Boyle avait participé à la rédaction du mandat de la commission et à l'établissement des paramètres de l'enquête.

Non seulement le gouvernement se cache derrière cette enquête, mais il ne cesse de faire de l'ingérence. Le premier ministre a critiqué l'enquête de la façon la plus flagrante. Il s'en est ensuite pris aux nobles membres des forces armées qui ont choisi de partir. Ces hommes ont fait preuve de leadership et ont assumé leurs responsabilités. Le premier ministre s'en est pris à eux. Le premier ministre croit-il que c'est conforme à la morale que de s'en prendre à des généraux à la retraite qui ont servi honorablement leur pays?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, s'il y a eu ingérence dans le processus, c'est plutôt de la part du député et de ses collègues. Comme je l'ai dit hier à sa collègue de Beaver River, les réformistes ont passé des commentaires sur les preuves, fait des procès d'intentions et porté toutes sortes d'accusations farfelues à la Chambre.

(1130)

Cela montre bien pourquoi nous devions avoir une enquête au départ, soit pour sortir cette affaire de l'atmosphère sectaire de la Chambre des communes afin de l'examiner dans un cadre judiciaire impartial où toutes les parties auraient la chance de se faire entendre et où toutes les preuves pourraient être analysées minutieusement.

Le député est la meilleure preuve qu'il fallait établir une commission d'enquête. Tout ce que lui et ses collègues ont fait au cours des derniers mois, c'est se servir de cette question pour faire de la politicaillerie. Je ne crois pas que les Canadiens apprécient beaucoup cette attitude.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, les Canadiens penseront à cette affaire au moment de juger le gouvernement.

Le ministre voudrait nous faire croire que les compressions budgétaires à la Défense nationale sont à l'origine de la baisse de moral dans les forces armées. Ce n'est pas les compressions budgétaires qui ont déchiqueté des documents. Ce n'est pas les compressions budgétaires qui ont menti à la police militaire. Ce n'est pas les compressions budgétaires qui ont enfreint la Loi sur l'accès à


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l'information. Non, c'est le général Boyle, et le ministre et le gouvernement approuvent ce qu'il a fait.

Pourquoi n'admet-il pas que c'est la manque d'intégrité et le manque de sens moral du gouvernement libéral, et non le manque d'argent, qui sont en train de miner les Forces armées canadiennes?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, il semble très évident que, à mesure que le temps passe, le député devient de plus en plus hystérique au sujet de cette question. Nous préférons régler les choses de façon calme et rationnelle et laisser la commission d'enquête faire son travail.

Le député dit que les Canadiens vont nous juger. Monsieur le Président, je crois que les sondages d'opinion montrent clairement que les Canadiens ont déjà jugé le parti du député et ont déjà déterminé que son rendement est insatisfaisant à l'égard de pratiquement toutes les questions qui touchent les Canadiens, et ce sera la même chose pour cette question.

* * *

[Français]

LA MAGISTRATURE

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Hier, le Conseil canadien de la magistrature a voté majoritairement en faveur de la destitution du juge Bienvenue, juge de la Cour supérieure du Québec. Or, le 5 juillet dernier, le ministre de la Justice avait clairement indiqué qu'il attendait les recommandations du Conseil canadien de la magistrature avant d'agir dans le dossier du juge Bienvenue.

Le ministre de la Justice peut-il nous indiquer s'il accepte oui ou non la recommandation du Conseil canadien de la magistrature demandant la destitution du juge Bienvenue?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous n'avons pas encore reçu la décision formelle du Conseil canadien de la magistrature. Nous l'attendons, peut-être aujourd'hui ou la semaine prochaine.

Quand j'aurai reçu le rapport, j'ai l'intention d'en discuter avec mes collègues pour décider de la prochaine étape.

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, le comité d'enquête a recommandé la destitution du juge Bienvenue et maintenant, c'est au tour du Conseil de la magistrature d'endosser une telle recommandation. Qu'est-ce que le ministre attend pour agir et pourquoi attend-il? C'est dans les nouvelles, tout le monde le sait, cela fait longtemps que ce dossier est dans l'actualité.

Qu'est-ce que le ministre attend pour déposer, dès maintenant ou dès le début de la semaine prochaine, une résolution en ce sens pour en finir une fois pour toutes avec un tel dossier et que la Chambre destitue le juge Bienvenue?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le député n'aura pas à attendre longtemps, mais le processus suivra son cours. Il faut d'abord que je reçoive l'avis officiel de la décision du conseil et que je consulte mes collègues du Cabinet avant de prendre une décision. C'est exactement ainsi que nous allons procéder à cet égard.

* * *

LA DÉFENSE NATIONALE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, nous avons vu qu'après son intervention de mercredi, le général Boyle a maintenant inventé un tout nouveau proverbe militaire: «Si vous trouvez la situation intenable, vous n'avez qu'à sortir par la porte de derrière.» Le général peut bien se dérober à un examen rigoureux, mais le ministre ne peut pas se dérober à l'examen de la Chambre et éluder les questions qui lui sont posées.

On a demandé au ministre si le général Boyle avait participé à la rédaction du mandat de la commission d'enquête sur les événements en Somalie. Y a-t-il participé, oui ou non?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai répondu complètement à la question dans ma première réponse.

Le texte du mandat que j'ai déposé en mars 1995 reflétait la volonté du gouvernement d'aller au fond de cette affaire. Un certain nombre de personnes, un certain nombre de fonctionnaires travaillé à l'élaboration du mandat conjointement avec le sous-ministre et avec le juge-avocat général. J'affirme que ce mandat est l'affaire du gouvernement, dont il reflète clairement les intentions.

(1135)

M. Chuck Strahl (Fraser Valley-Est, Réf.): Monsieur le Président, nous en sommes manifestement à la période des questions, non à celle des réponses.

Je vais répéter lentement pour que le ministre comprenne bien. Nous posons une question toute simple touchant la responsabilité ministérielle. Nous voulons savoir si le général Boyle a participé à la rédaction des lignes directrices pour la commission d'enquête sur les événements en Somalie. Y a-t-il participé, oui ou non? Répondez aux Canadiens.

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les députés d'en face m'interrogent sur la responsabilité ministérielle. C'est moi le ministre. J'assume la responsabilité de ce mandat.

Le mandat reflète les intentions du gouvernement. Il a été rédigé par des fonctionnaires du ministère, conjointement avec le juge-avocat général, sous mon autorité, et j'en assume la responsabilité.


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[Français]

LA CAUSE BERTRAND

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice.

Hier, Me Guy Bertrand a déclaré, devant une brochette de personnalités proches des hautes sphères du Parti libéral du Canada, qu'il désirait poursuivre sa croisade judiciaire visant à empêcher le Québec d'accéder à la souveraineté. Or, en mai dernier, le ministre déclarait que la raison principale de la participation fédérale à la cause Bertrand était la position prise par le gouvernement du Québec.

Peut-il nous dire ce qui pourrait maintenant motiver son intervention aux côtés de Me Bertrand puisque, cette fois-ci, le gouvernement du Québec se retire du dossier?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme j'ai dit lundi passé en réponse à la même question posée par un autre député, nous avons l'intention de décider, dans les jours à venir, de ce que nous ferons.

J'espère que j'aurai, la semaine prochaine, une réponse sur la position du gouvernement sur cette question.

M. René Laurin (Joliette, BQ): Monsieur le Président, parlant de l'affaire Bertrand, le chef du Parti libéral du Québec, M. Johnson, déclarait au quotidien Le Soleil, et je le cite: «Je trouve qu'il n'est pas opportun de relancer des arguties judiciaires autour du projet de souveraineté.»

Le ministre peut-il nous dire s'il partage cette opinion?

[Traduction]

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit dès le début que d'importants principes juridiques étaient à considérer, que c'est une question à la fois politique et juridique.

Nous avons dit aussi que nous prendrions toutes les mesures qui s'imposent pour respecter notre engagement. S'il y a un autre référendum, la question sera claire, le débat approfondi, le processus juste et les conséquences bien comprises et que tous les Canadiens auront leur mot à dire sur l'avenir de leur pays.

Tels sont nos objectifs et nous allons prendre toutes les mesures qu'il faut pour les atteindre.

* * *

LE MINISTÈRE DE LA DÉFENSE NATIONALE

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Défense nationale.

On a demandé très clairement au ministre de la Défense nationale si le général Boyle avait participé à l'établissement du mandat de la commission d'enquête. Le ministre n'a dévoilé le nom d'aucun des hauts fonctionnaires qui y ont participé. On en déduit que le général Boyle était de ceux-là.

Le ministre voudra-t-il confirmer cela ou, à défaut, préciser qu'il n'a pas pris part?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, j'ai beaucoup de respect pour le député de Lethbridge. Après toutes les années qu'il a passées au gouvernement, il devrait savoir comment fonctionne la démocratie parlementaire au Canada.

La responsabilité ministérielle existe. On n'attaque pas et on n'admoneste pas des fonctionnaires, quels qu'ils soient, à la Chambre des communes.

On pose des questions au gouvernement. Le gouvernement est responsable de toutes les décisions qui se prennent dans les divers ministères.

J'ai répondu deux ou trois fois à la question. J'assume seul, au nom du gouvernement, l'entière responsabilité du mandat en question. J'ai consulté des collègues du Cabinet et il s'agit d'une oeuvre de collaboration dans cette. . .

M. Hart: Alors, il devra partir.

M. Harris: Camouflage, camouflage.

M. Hart: Démissionnez.

M. Collenette: . . .il s'agit d'une oeuvre de collaboration dans cette affaire. En régime parlementaire, les ministres assument seuls la responsabilité. Ce mandat est vaste et détaillé et permettra de donner aux Canadiens les réponses qu'ils veulent.

(1140)

M. Ray Speaker (Lethbridge, Réf.): Monsieur le Président, je dirai très clairement au ministre de la Défense nationale que son refus de répondre à la question revient à du camouflage.

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Je signale que les députés ne doivent pas imputer des intentions lorsqu'ils posent des questions. Je demande au député de retirer le mot «camouflage».

M. Speaker (Lethbridge): Monsieur le Président, je le retire dans les circonstances.

Ma question au ministre est très simple: le ministre va-t-il déposer le nom des hauts fonctionnaires qui ont participé à l'établissement et à la recommandation du mandat de la commission d'enquête de telle sorte que les Canadiens sachent de qui il s'agit au juste, qu'il n'y a pas eu de conflit d'intérêts et qu'il n'y a eu absolument aucun camouflage d'aucune sorte? Le ministre déposera-t-il ces noms lundi prochain au Parlement du Canada?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, le député et ses collègues oublient encore un principe fondamental du gouvernement responsable en régime parlementaire. Je


4502

l'invite à relire en fin de semaine des manuels qui expliquent comment notre système parlementaire a évolué.

Le fait est que les ministres élus par le peuple sont responsables des décisions qui ont cours dans leurs ministères respectifs. Je suis le seul et unique responsable de l'établissement de ce mandat.

* * *

[Français]

LES FORCES ARMÉES CANADIENNES

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Le dernier d'une longue liste de scandales à frapper l'armée nous a été révélé hier à la télévision. Plusieurs officiers supérieurs de la base de Valcartier ont mis au point un système de détournement de fonds et de pots-de-vin. Pire encore, cette pratique, qui dure depuis au minimum 15 ans, aurait même été érigée en système dans plusieurs autres bases militaires au pays.

Compte tenu que ce système de fraude s'ajoute à la longue liste de scandales que l'on connaît déjà, qu'attend le premier ministre pour faire un grand ménage dans la direction des forces armées, en commençant par le ministre de la Défense et par son protégé, le chef d'état-major?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les allégations de pratiques frauduleuses à la base des Forces armées canadiennes de Valcartier sont connues depuis un certain temps et ont fait l'objet d'enquêtes. Un certain nombre de personnes ont déjà été accusées et d'autres accusations pourraient encore être portées.

Nous devons laisser les enquêteurs faire leur travail et le processus judiciaire suivre son cours. Il est clair que allégations de cette nature nous inquiètent, d'autant plus que l'on prétend que ces pratiques durent depuis au moins dix ans.

[Français]

M. Pierre de Savoye (Portneuf, BQ): Monsieur le Président, ce dernier scandale, qui coûte une fortune aux contribuables, s'ajoute en réalité à toute la série de gaspillages de fonds publics qui se poursuit encore au ministère neuf mois après l'arrivée du général Boyle. Par exemple, plus de 31 millions de dollars sont littéralement dilapidés chaque année en raison d'un système de paie inefficace.

Le premier ministre ne voit-il pas là le résultat concret de son acharnement à garder le général Boyle en poste, puisque, pendant que le général gaspille son temps à gérer avec ses avocats ses propres gaffes, l'armée, elle, est en train de sombrer?

[Traduction]

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, de toute évidence, comme je l'ai déclaré en réponse à d'autres questions, le ministère avait besoin de sérieuses réformes de ses pratiques administratives. Apparemment, nous sommes devant des allégations de pratiques frauduleuses qui ne seront pas tolérées, bien sûr. Il y a eu des enquêtes. Des accusations ont été portées et d'autres sont sur le point de l'être. Des mesures ont déjà été prises contre au moins un individu.

L'important, c'est que, une fois la situation connue, peu importe la gravité des allégations, on agisse, et vite. C'est ce que le ministère a fait en l'occurrence.

* * *

(1145)

LA BOSNIE

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, l'opposition semble tellement empressée de prendre le contrôle des travaux concernant l'enquête sur la Somalie que tout le monde semble avoir oublié que nous avons des hommes et des femmes qui se dévouent en Bosnie.

Le ministre peut-il dire à la Chambre quelle position il défendra au sujet du maintien de nos troupes en Bosnie lorsqu'il assistera à la rencontre des ministres de la Défense de l'OTAN, la semaine prochaine en Norvège?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, la question sera évidemment abordée par le Cabinet. Mon collègue, le ministre des Affaires étrangères, dirigera les discussions.

Je suis heureux que le député ait fait mention du dévouement de nos troupes en Bosnie.

Le gouvernement canadien a toujours défendu la stabilité dans cette région. C'est pour cette raison que nous avons envoyé un millier de militaires au sein de la force d'intervention militaire multinationale (IFOR). La plupart des gens admettent que, lorsque le mandat de l'IFOR sera terminé, il faudra assurer le maintien de la force d'une façon ou de l'autre. Les ministres aborderont la question la semaine prochaine.

Une fois que les besoins auront été déterminés, le Canada devra évidemment décider s'il continue de participer et dans quelle mesure.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, nous avons dissout un régiment, nous avons vu sortir du pays à la dernière minute des éléments importants en tant que témoins, nous avons maintenant un général qui semble en situation manifeste de conflit d'intérêts.

Le ministre présentera-t-il une liste des personnes responsables de la définition du mandat de l'enquête sur la Somalie?


4503

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, voilà qui en dit long sur la mentalité des députés réformistes. Ils ne se contentent pas de s'attaquer aux ministres, ce qui pourrait aller parce que, si nous avons accepté le poste, nous devons être capables de défendre nos politiques.

Non, le Parti réformiste croit qu'il ne faut pas s'arrêter aux politiciens, ce qui serait un comportement acceptable dans notre processus démocratique. Les gens de ce parti veulent s'en prendre aux fonctionnaires qui ne font que leur travail, qui sont incapables de se défendre publiquement, à la Chambre des communes, comme je le fais.

C'est pour cette raison que les Canadiens rejettent chaque jour un peu plus l'attitude du Parti réformiste.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, le ministre parle de responsabilité ministérielle et du devoir de rendre des comptes. Il parle aussi de perception. Pour l'instant, tous les Canadiens ont l'impression qu'il y a conflit d'intérêt jusque dans le mandat de l'enquête sur la Somalie.

Pourquoi le ministre ne peut-il répondre par oui ou par non: Le général Boyle a-t-il participé à la définition du mandat de l'enquête sur la Somalie?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, les Canadiens voient le Parti réformiste comme un parti qui ne comprend pas les traditions parlementaires. Il ne comprend pas le fait que les fonctionnaires travaillent pour le gouvernement et qu'ils ne peuvent pas se défendre dans l'arène politique.

Je pense que le député serait beaucoup plus à l'aise s'il siégeait à la Chambre des représentants, à Washington, plutôt qu'au Parlement du Canada, à Ottawa.

* * *

[Français]

LE IRVING WHALE

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de l'Environnement.

La semaine dernière, nous apprenions qu'il reste encore des quantités importantes de sédiments contaminés aux BPC sur le site de l'opération Irving Whale. Avant cette opération, on retrouvait dans les échantillons contaminés des concentrations de 400 à 900 parties par million.

Étant donné la présence importante et inquiétante de BPC, qu'entend faire le ministre, à très court terme, pour corriger cette situation qui menace directement toute la ressource halieutique vivant dans cette partie du golfe Saint-Laurent?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, tout d'abord, je voudrais féliciter la députée pour sa question. C'est un problème que nous prenons très au sérieux. Comme elle le sait, les habitants de l'Île du Prince-Édouard et de l'île de la Madeleine étaient extrêmement en faveur de débarrasser l'océan de ce risque pour l'environnement. Ils étaient extrêmement en faveur du renflouage de la barge auquel nous avons procédé cet été.

La barge renflouée, plusieurs bateaux sont restés quelques jours pour remonter des sédiments du fond de l'océan dans les environs de l'empreinte.

(1150)

Nous avons prélevé 35 échantillons avant que la barge ne soit renflouée et 25 échantillons après. Dans un petit nombre de cas, des traces inquiétantes de PCB ont été relevées. On continue de prélever d'autres échantillons pour voir si d'autres mesures palliatives sont nécessaires.

Mon ministère et le Ministère des Pêches et des Océans travaillent là-dessus. Il se peut qu'il y ait du nouveau au cours des premiers jours d'octobre. Le cas échéant, d'autres mesures palliatives seront prises avant l'hiver.

[Français]

Mme Monique Guay (Laurentides, BQ): Monsieur le Président, on parle de sédiments contaminés à 10 000 parties par million. La situation est extrêmement sérieuse.

Le ministre de l'Environnement peut-il nous assurer que les BPC seront récupérés avant la saison hivernale, afin que l'industrie de la pêche ne soit pas menacée l'an prochain?

[Traduction]

L'hon. Sergio Marchi (ministre de l'Environnement, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai dit plus tôt, quelque 70 barils de sédiments ont été recueillis autour de l'empreinte et rapportés au port de Halifax où l'on procède à leur destruction. L'échantillon où le taux de sédimentation était de 10 000 parties par million a été recueilli près de l'empreinte.

Nous avons fait appel à des experts et à des techniciens afin de déterminer si ce taux de sédimentation de 10 000 parties par million se limite à ce seul échantillon ou s'il s'étend à une zone plus vaste.

Dès que les fonctionnaires de mon ministère et du ministère des Pêches et des Océans nous auront fait connaître leur réponse, s'ils nous disent que d'autres mesures palliatives et que d'autres quantités de sédiments doivent être remontées, nous prendrons d'autres mesures palliatives et remonteront d'autres quantités de sédiments. J'ai donné des instructions précises pour que, dans ce cas, ce soit fait avant l'hiver.

* * *

L'ENQUÊTE SUR LA SOMALIE

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le ministre de la Défense nationale parle de responsabilité ministérielle et fait un grand discours à la Chambre à ce sujet.


4504

La responsabilité ministérielle ne vaut rien sans l'obligation ministérielle de rendre des comptes. Le général Boyle a rédigé le mandat de la commission d'enquête sur la Somalie. Le ministre est-il prêt à assumer la responsabilité de son propre ministère et à offrir de démissionner tout de suite?

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, je suis soulagé. J'attends depuis deux jour que le député me demande de démissionner et voilà qu'il a enfin soulevé la question.

Nous devons nous demander ce que le Parti réformiste tente de faire avec cette enquête judiciaire indépendante car il vise de toute évidence à la politiser.

Je me suis efforcé de ne pas tomber dans le sectarisme politique cette semaine lorsque nous avons parlé de cette question très délicate pour le gouvernement et pour tout le monde. Cependant, on peut observer un certain désespoir politique chez nos vis-à-vis. Leur chef est assailli. Leur porte-parole de Calgary-Ouest ou Calgary-Centre ne s'est pas présenté à la Chambre. Trois ou quatre d'entre eux refusent même d'appuyer le chef du Parti réformiste. Ce parti tente donc de politiser ce qui devrait être un processus tout à fait impartial.

Le Parti réformiste adopte des tactiques indignes de la Chambre.

M. Jim Hart (Okanagan-Similkameen-Merritt, Réf.): Monsieur le Président, le Parti réformiste pose les questions que tous les Canadiens ont à l'esprit. Il fait son travail. Pourquoi le ministre refuse-t-il de faire le sien et d'assumer sa responsabilité ministérielle?

Si nous devions découvrir qu'un autre témoin a rédigé le mandat de la commission d'enquête, les avocats du gouvernement crieraient au meurtre. Or, nous avons découvert aujourd'hui que le général Boyle a rédigé le mandat de la commission d'enquête sur la Somalie alors qu'il était appelé à témoigner devant cette même commission.

Il s'agit d'un conflit d'intérêts. Le ministre a déclaré qu'il acceptait la responsabilité ministérielle. Il doit donc accepter aussi la reddition de comptes et poser le geste qui s'impose, c'est-à-dire démissionner dès aujourd'hui.

L'hon. David M. Collenette (ministre de la Défense nationale et ministre des Anciens combattants, Lib.): Monsieur le Président, alors que l'unité du pays est menacée, que nous devons relever les défis de la mondialisation, les Canadiens se demandent pourquoi un groupe de députés s'acharnent chaque jour à la Chambre à politiser un processus qui est censé être apolitique.

(1155)

Voilà ce qui préoccupe les Canadiens.

J'ai répondu à la question concernant le rôle des ministres et des fonctionnaires dans le cadre d'un gouvernement responsable. Je prie le député d'analyser sa propre question car sa formulation n'est pas logique.

* * *

LA JUSTICE

M. Andy Mitchell (Parry Sound-Muskoka, Lib.): Monsieur le Président, cette semaine, le ministre de la Justice a présenté des mesures pour protéger les Canadiens contre les délinquants récidivistes violents. J'applaudis à cette initiative.

Toutefois, les Canadiens s'inquiètent de la montée des crimes avec violence parmi les jeunes et ils voudraient savoir pourquoi le ministre n'applique pas ces nouvelles mesures plus strictes aux jeunes délinquants.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, le projet de loi C-55 que nous avons déposé cette semaine est une étape importante qui contribuera à accroître la sécurité des Canadiens dans nos collectivités. Il vise les délinquants adultes, ceux qui présentent un risque fort élevé de récidive, les délinquants sexuels. Il permet aux tribunaux d'imposer une période de supervision pouvant atteindre dix ans après la fin de la peine de prison, afin que ceux qui sont les plus susceptibles de récidiver fassent l'objet d'un certain contrôle dans la collectivité.

Ce régime s'appliquerait à un jeune délinquant transféré à un tribunal pour adultes et condamné par ce tribunal. Cependant, cela ne s'applique pas au tribunal pour adolescents. Comme le député le sait, le président du Comité permanent de la Justice et des affaires juridiques termine actuellement un examen complet de la Loi sur les jeunes contrevenants.

Une des questions considérées, c'est la façon de traiter les jeunes délinquants violents. Je suis certain que le comité examinera soigneusement la question pour savoir si ces principes peuvent s'appliquer au système de justice pour les jeunes.

* * *

[Français]

LE SIDA

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Santé.

Mardi dernier, la Société canadienne du sida et le Réseau juridique canadien déposaient une étude révélant que le nombre de détenus séropositifs a augmenté de 46 p. 100 entre 1994 et 1996 dans les prisons canadiennes.

Le ministre de la Santé entend-il intervenir énergiquement auprès de son collègue, le solliciteur général, afin que celui-ci prenne d'urgence les mesures nécessaires pour stopper l'augmentation du sida dans les prisons?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, le député soulève une question qui contient un certain nombre de recommandations pour le ministère de la Santé.


4505

Nous espérons travailler davantage en étroite collaboration avec le solliciteur général et agir sur les recommandations qui ont été annoncées, tant dans le domaine de la recherche que dans celui de la surveillance.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, compte tenu qu'il y a deux ans, un comité d'experts a remis déjà des recommandations précises au gouvernement sur des types de mesures à appliquer dans les prisons, le ministre de la Santé peut-il nous expliquer pourquoi son gouvernement n'a rien fait depuis deux ans?

[Traduction]

L'hon. David Dingwall (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je dirais que je ne suis pas d'accord avec la prémisse de la question du député.

En fait, les deux ministères ont fait beaucoup de travail dans ce domaine. Le ministère de la Santé et le solliciteur général ont pris des mesures sur un certain nombre de points.

Toutefois, dans les recommandations du rapport publié, on insiste sur le fait qu'il doit se faire plus de travail dans le domaine de la recherche, et c'est ce que nous avons l'intention de faire.

* * *

LA JUSTICE

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre de la Justice, mais je voudrais signaler au ministre de la Défense nationale que nous serons de retour lundi.

La pire chose que notre système de justice puisse faire, c'est d'emprisonner une personne pour un crime qu'elle n'a pas commis. Il y a deux ans et demi, j'ai demandé au ministre de la Justice d'examiner les longs retards dans le traitement des requêtes prévues à l'article 690 du Code criminel qui sont basées sur la preuve d'un emprisonnement injustifié.

Le ministre de la Justice a déclaré à l'époque qu'il allait annoncer dans les mois à venir des changements au système ayant pour but de s'assurer qu'on traitait toutes ces requêtes de façon équitable et le plus rapidement possible.

Je n'ai pas entendu d'annonces au cours des deux dernières années. Le nouveau système a-t-il été mis en place?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, à la suite de la question que m'a posée à cette occasion le député, le ministère de la Justice a élaboré et publié ensuite un ensemble de procédures régissant les requêtes visées à l'article 690 pour faire en sorte que les requérants sachent exactement ce qu'on exigeait d'eux et pour préciser clairement les étapes que le ministère de la Justice allait suivre pour traiter ces requêtes. Nous suivons cette procédure depuis et je pense qu'on a beaucoup amélioré la façon dont on traite ces requêtes.

(1200)

Je suis très conscient du fait qu'on doit rendre une décision au sujet de ces requêtes le plus rapidement possible. Dans la majorité des cas, il s'agit de gens emprisonnés. Par contre, il m'incombe de lire le dossier, d'examiner les instances présentées et de rendre une décision objective non seulement sur ce qu'on doit faire, mais également sur les raisons qui le justifient, étant donné la valeur des précédents que ces affaires établissent.

Nous faisons de notre mieux avec les ressources à notre disposition. Je vais fournir au député une copie des lignes directrices ou des procédures que nous avons publiées, et je sais qu'il continuera de s'intéresser à ces questions.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président,M. Wilfrid Beaulieu attend toujours après plus de deux ans que le ministre de la Justice réponde à la requête qu'il a déposée en vertu de l'article 690. M. Richard McArthur attend depuis plus longtemps que cela.

Il est incroyable que Clifford Olson, un tueur en série d'enfants, ait la garantie que le gouvernement va réexaminer son inadmissibilité à une libération conditionnelle, alors que les gens comme MM. Beaulieu et McArthur attendent presque indéfiniment que le ministre de la Justice veuille bien agir face aux preuves qui montrent clairement qu'il y a peut-être eu erreur judiciaire.

Le ministre peut-il donc nous dire quand MM. Beaulieu et McArthur peuvent s'attendre à ce qu'on rende une décision au sujet des requêtes qu'ils ont déposées en vertu de l'article 690?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, il est vrai queM. Wilfrid Beaulieu a présenté sa requête il y a deux ans environ. Cependant, cela ne signifie pas pour autant que nous avons, depuis tout ce temps, tous les documents voulus pour rendre une décision éclairée.

Ce n'est que plus tôt cette année que j'ai reçu le rapport complet, une fois qu'on a eu remis à l'avocat de M. Beaulieu les preuves pertinentes pour qu'il puisse se prononcer là-dessus. Ce n'est que plus tôt cette année que j'ai reçu de l'avocat une réponse avec des recommandations. Dans l'intervalle, j'ai examiné le tout en détail. J'ai étudié d'autres aspects de l'affaire au sujet desquels j'avais des questions, et j'entends m'occuper de cette affaire dans les semaines à venir.

Lorsque je donne les raisons justifiant les décisions dans ces cas, j'ai pris l'habitude d'annexer une chronologie, afin que la population sache combien de temps s'est écoulé depuis la présentation de la requête initiale. Souvent, il faut demander des renseignements supplémentaires dont on a besoin et attendre les réponses de l'avocat du requérant. Si beaucoup de temps s'est écoulé, ce n'est pas nécessairement la faute du ministère de la Justice.

Cela dit, il faut traiter ces requêtes rapidement. . .

* * *

LA SOCIÉTÉ RADIO-CANADA

M. Nelson Riis (Kamloops, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre suppléant.

4506

Tard hier soir, après les dernières informations, j'ai reçu un appel téléphonique d'un électeur de Kamloops, un libéral de longue date qui a dit avoir l'impression d'avoir été mordu par son chien.

Il m'a rappelé qu'on peut lire, à la page 84 du livre rouge, qu'un gouvernement libéral dotera les institutions culturelles nationales comme Radio-Canada d'un budget pluriannuel stable.

Pour reprendre la métaphore, a-t-il été mordu par son chien?

M. Guy H. Arseneault (secrétaire parlementaire de la vice-première ministre et ministre du Patrimoine canadien, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question, car elle me donne une occasion de souligner certains aspects positifs dans ce dossier.

La SRC fait l'objet d'une rationalisation et de réductions, mais c'est également le cas dans d'autres ministères. Je souligne que, bien que des réductions aient été faites, notre budget prévoit encore consacrer 800 millions de dollars à la SRC. Elle pourra puiser dans un fonds de production de 200 millions de dollars et sa programmation sera entièrement canadienne.

* * *

L'EMPLOI

Mme Colleen Beaumier (Brampton, Lib.): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Finances.

Le gouvernement ne cesse de se vanter du fait que 208 000 emplois ont été créés jusqu'ici en 1996. Pourtant, beaucoup de Canadiens souffrent encore. La forte popularité du gouvernement dans les sondages le satisfait-il au point de ne pas tenir compte des difficultés qu'éprouvent plus d'un million de Canadiens qui sont sans emploi?

Le gouvernement a-t-il de nouveaux projets de création d'emplois?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, une personne dont toutes les connaissances au sujet de la politique canadienne proviendraient uniquement de son écoute de la période de questions aujourd'hui trouverait plutôt étrange que, étant donné que la croissance économique et une meilleure qualité de vie sont la principale préoccupation des Canadiens, seul un membre du Parti libéral ait posé une question sur ce qui préoccupe réellement les Canadiens.

(1205)

La députée a raison. La plus haute priorité du gouvernement est d'offrir des emplois et un meilleur niveau de vie aux Canadiens. C'est pour cette raison que les taux d'intérêt ont baissé de plus de 4,5 points de pourcentage. En outre, depuis que nous sommes au pouvoir, nous avons créé plus de 750 000 emplois.

C'est pour cette raison que nous avons adopté la politique d'ouverture des espaces aériens, qui a favorisé le tourisme au Canada et créé d'innombrables emplois dans le secteur des importations. C'est pour cette raison que nous avons réduit les droits de douane, ce qui a rendu l'industrie canadienne beaucoup plus concurrentielle. C'est pour cette raison que nos missions commerciales ont remporté un si grand succès. Nous avons investi dans la technologie.

______________________________________________


4506

AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Ovid L. Jackson (secrétaire parlementaire du président du Conseil du Trésor, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 36(8) du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à quatre pétitions.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de présenter, dans les deux langues officielles, le vingt-sixième rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre concernant la nomination de membres associés de divers comités. Avec le consentement de la Chambre, j'ai l'intention de proposer l'adoption de ce rapport plus tard aujourd'hui.

* * *

LA LOI SUR LA RESPONSABILITÉ CIVILE DE L'ÉTAT ET LE CONTENTIEUX ADMINISTRATIF

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.) demande à présenter le projet de loi C-325, Loi modifiant la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif.

-Monsieur le Président, ce projet de loi modifierait la Loi sur la responsabilité civile de l'État et le contentieux administratif de façon à ce que les détenus purgeant des peines d'emprisonnement ne puissent plus poursuivre en justice le gouvernement fédéral ou ses employés.

Cette mesure législative interdirait notamment que des détenus puissent intenter des actions en justice contre le gouvernement fédéral pour des questions relatives à leur peine d'emprisonnement ou à leur séjour en prison.

Nous avons un besoin urgent d'une telle loi au Canada. En effet, s'il est adopté, ce projet de loi mettra un point final à cette pratique scandaleuse chère aux prisonniers, qui consiste à intenter des actions en justice contre des contribuables canadiens, et ce, pour des motifs frivoles. J'encourage tous les députés à examiner à fond cette mesure législative.

(Les motions sont adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et l'impression en est ordonnée.)

* * *

[Français]

LA MOTION M-240

M. Réal Ménard (Hochelaga-Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je pense que vous obtiendrez le consentement de la Chambre, après vérification auprès du gouvernement et des députés réformistes, pour qu'une modification soit apportée au libellé de la motion M-240 dont je suis le proposeur, qui se lirait désormais comme suit:

4507

Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait accorder aux agents de la GRC le droit de se syndiquer et de négocier collectivement sous le régime du Code canadien du travail.
Il s'agissait d'une erreur.

Le vice-président: Étant donné que le député a consulté tous les autres députés des partis, y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour accepter cette correction?

Des voix: D'accord.

* * *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

Mme Marlene Catterall (Ottawa-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, si la Chambre donne son consentement, je propose, appuyée par le député de Glengarry-Prescott-Russell, que le 26e rapport du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre, présenté à la Chambre aujourd'hui, soit adopté.

(La motion est adoptée.)

* * *

(1210)

[Traduction]

PÉTITIONS

L'AVORTEMENT

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Réf.): Monsieur le Président, je présente une pétition dont les signataires demandent au Parlement d'appuyer la tenue d'un référendum national exécutoire aux prochaines élections dans lequel on demanderait aux Canadiens s'ils sont en faveur du financement de l'avortement sur demande.

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, je prends la parole aujourd'hui pour présenter trois pétitions. Les signataires de la première pétition demandent au Parlement de promulguer le plus rapidement possible le projet de loi C-205 présenté par le député de Scarborough-Ouest afin d'inscrire dans la loi canadienne l'interdiction pour une personne de tirer des gains d'un acte criminel qu'elle a commis.

Cette pétition est signée par 43 de mes électeurs.

LA CONDUITE AVEC FACULTÉS AFFAIBLIES

M. John Finlay (Oxford, Lib.): Monsieur le Président, dans la deuxième et la troisième pétitions, des Canadiens demandent au Parlement d'adopter le projet de loi C-201, pour que la peine imposée à toute personne reconnue coupable d'avoir conduit avec des facultés affaiblies ou d'avoir blessé ou tué quelqu'un en ayant des facultés affaiblies traduise à la fois la gravité du crime et la tolérance zéro des Canadiens face à ce crime.

Ces pétitions ont été signées par 375 électeurs de ma circonscription.

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter au Parlement une pétition signée par 360 personnes de ma circonscription de Red Deer.

Les pétitionnaires prient le Parlement de modifier sans tarder le Code criminel pour que la peine imposée à toute personne reconnue coupable d'avoir conduit avec des facultés affaiblies ou d'avoir blessé ou tué quelqu'un en ayant des facultés affaiblies traduise à la fois la gravité du crime et la tolérance zéro des Canadiens face à ce crime.

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais déposer deux pétitions qui soulèvent la question des droits de la personne, de la violence et du terrorisme.

[Français]

LES DROITS DE LA PERSONNE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, j'ai un nombre de pétitions que je voudrais déposer aujourd'hui.

[Traduction]

La première pétition est signée par les habitants de la circonscription de Hull-Aylmer, qui dénoncent l'inclusion de l'expression «orientation sexuelle» dans la Loi sur les droits de la personne.

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, la deuxième pétition vient de certains électeurs de la circonscription de Glengarry-Prescott-Russell, qui appuient une initiative du député de Scarborough-Ouest, soit le projet de loi C-205.

L'INDIVISIBILITÉ DU CANADA

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, la troisième pétition vient d'électeurs de Hull-Aylmer et concerne l'indivisibilité du Canada.

L'ORIENTATION SEXUELLE

M. Don Boudria (Glengarry-Prescott-Russell, Lib.): Monsieur le Président, la quatrième pétition vient également d'électeurs de Hull-Aylmer, qui dénoncent l'inclusion de l'expression «orientation sexuelle» dans le Code criminel.

LES PROFITS DE LA CRIMINALITÉ

M. Herb Grubel (Capilano-Howe Sound, Réf.): Monsieur le Président, ma pétition a pour objet de demander au Parlement d'appuyer le projet de loi C-205. Cette mesure vise à modifier le Code criminel et la Loi sur le droit d'auteur, afin d'empêcher les criminels de tirer des gains de leurs crimes en vendant des livres, des vidéos et d'autres oeuvres du genre ayant trait à leurs actes criminels.

______________________________________________


4507

INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR LES MESURES EXTRATERRITORIALES ÉTRANGÈRES

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-54, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.


4508

M. Charlie Penson (Peace River, Réf.): Monsieur le Président, avant l'interruption pour la période des questions, je parlais des éléments du projet de loi C-54 qui ne garantissent pas les droits des Canadiens, de sorte qu'il faut recourir à un groupe spécial de l'ALENA pour régler ce problème une fois pour toutes.

Un point important est le fait que le projet de loi C-54 ne comporte aucune disposition contre la loi Helms-Burton interdisant l'entrée de hauts dirigeants de certaines sociétés qui font des affaires aux États-Unis.

Le projet de loi C-54 est muet sur certains points, lesquels devraient être réglés par un groupe spécial de l'ALENA. Les États-Unis ont-ils le droit de saisir les biens de sociétés canadiennes aux États-Unis? Bien sûr que non. L'article 1110 stipule qu'aucune des parties ne pourra exproprier un investissement effectué sur son territoire par un investisseur d'une autre partie, ni prendre une mesure équivalant à l'expropriation d'un tel investissement.

(1215)

Voici un autre article de l'ALENA qu'il faut soumettre à un groupe spécial. L'article 1105 dit que chacune des parties accordera aux investissements effectués par les investisseurs d'une autre partie un traitement conforme au droit international, notamment un traitement juste et équitable ainsi qu'une protection et une sécurité intégrales. Personne ne viendra me dire que la loi Helms-Burton ne contrevient pas à cette disposition de l'ALENA.

Je sais que les fonctionnaires du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international ont essayé de voir si la loi Helms-Burton au sujet de Cuba allait à l'encontre des obligations internationales des États-Unis en matière commerciale, dans le cadre de l'Organisation mondiale du commerce. Un haut responsable du Département d'État américain a dit l'an dernier que le projet de loi signifiait essentiellement que les États-Unis affirmaient leur compétence sur le transfert entre deux parties non-américaines de terres ou de biens situés à l'extérieur des États-Unis. Le fonctionnaire soutenait que cette mesure outrepassait de beaucoup les pratiques internationales acceptées et serait difficile à défendre sous le régime de la loi américaine. Je ferai remarquer qu'elle serait encore plus difficile à défendre sous le régime de l'Organisation mondiale du commerce.

Les juristes des Affaires étrangères ont sûrement dit au ministre quelle était le meilleur recours pour le règlement des différends. Passons donc à l'action. Cessons de tergiverser sur cette question et ripostons par une mesure législative adéquate. De nos jours, quand une brute nous intimide, nous n'avons pas à fuir piteusement. Nous n'avons pas non plus à nous laisser battre. Nous pouvons le poursuivre en justice devant un tribunal international. Il faut donc poursuivre les Américains pour voir si nous ne pouvons pas faire annuler la loi Helms-Burton.

Les États-Unis constituent un partenaire commercial très important pour le Canada. Les Américains ne sont pas seulement des partenaires commerciaux, mais des amis. Les échanges commerciaux entre nos deux pays se chiffrent à environ un milliard de dollars par jour. Cela ne veut cependant pas dire que les Américains peuvent étendre leur différend avec Cuba à l'extérieur de leurs frontières nationales. Je reconnais que les États-Unis ont parfaitement le droit de contester le régime cubain et d'imposer des sanctions à caractère binational. Il n'entre cependant pas dans les paramètres internationaux du bon voisinage ou du commerce international d'étendre ce différend à l'extérieur de ses frontières et d'y mêler des pays comme le Canada.

Je voudrais parler brièvement de nos relations commerciales avec Cuba et des investissements que nous y faisons. Le Canada a maintenu des relations complètes avec Cuba après la révolution de 1959 qui a porté Castro au pouvoir. Même si l'économie de ce pays est en grande partie dirigée par l'État et qu'il est lassant et exaspérant de se prêter aux tracasseries administratives, nous continuons d'y faire des affaires. L'année dernière, les exportations canadiennes à Cuba se chiffraient à 108 millions de dollars. Elles étaient surtout constituées de produits alimentaires, de produits chimiques, de machines industrielles et de matériel de transport. Nos exportations ont augmenté de plus de 130 p. 100 l'an dernier. Nous avons importé de Cuba pour 194 millions de dollars, principalement du sucre, du nickel brut et des engrais.

Au total, 37 entreprises canadiennes ont des bureaux à Cuba et des entrepreneurs canadiens participent à une trentaine de coentreprises avec des partenaires cubains dans divers domaines, dont les produits miniers, le pétrole et les aliments transformés.

Des entreprises canadiennes vont construire plus de 4 000 chambres d'hôtel à 11 endroits au cours des dix prochaines années. Ces projets valent plus de 500 millions de dollars et comprennent des terrains de golf, des écuries et des marinas. Bien sûr, Cuba est une destination-vacances très importante et très courue, car quelque 120 000 Canadiens s'y rendent chaque hiver.

Cuba continuera d'offir des perspectives intéressantes pour les entreprises canadiennes qui veulent chercher de l'or, exploiter des engrais et extraire du nickel. Ce qui est intéressant, notamment, c'est que des entreprises canadiennes collaborent à des projets de biotechnologie avec des instituts cubains.

Tout en faisant du commerce avec Cuba, le gouvernement libéral du Canada doit travailler à y instaurer une réforme démocratique. Il est intéressant de remarquer que même si nous faisons du commerce avec Cuba depuis plus de 30 ans, le ministre des Affaires étrangères dit aujourd'hui seulement qu'il faut encourager une réforme démocratique dans ce pays. Que ne l'a-t-on fait avant?

Le ministre du Commerce international dit que nous ne devrions pas avoir une politique isolationniste comme celle que les États-Unis ont à l'égard de Cuba, mais encourager les Cubains à changer. Je suis tout à fait d'accord.

Il est étrange qu'il faille une loi comme la loi Helms-Burton pour que le Canada décide de favoriser une réforme démocratique à Cuba. Nous devrions nous efforcer, dans nos relations commerciales avec les Cubains, d'encourager ceux-ci à démocratiser leur pays.


4509

(1220)

Les échanges commerciaux entre Cuba et le Canada sont bons pour le Canada et bons pour Cuba. Je crois aussi que le maintien des échanges commerciaux est la meilleure façon de promouvoir la démocratie et le respect des droits de la personne à Cuba. La politique commerciale que nous appliquons pour Cuba est la même que celle que les États-Unis appliquent dans le cas de la Chine. Si nous continuons d'exploiter les voies commerciales, la situation politique devrait s'améliorer un jour. Je crois que nous devrions faire davantage pour encourager cette possibilité. De toute façon, nous insistons pour faire reconnaître notre droit de prendre nos propres décisions en ce qui concerne les échanges commerciaux et les investissements que ce soit avec Cuba ou d'autres pays. Les États-Unis ont pleinement le droit de prendre des mesures contre Cuba, mais leur querelle avec Cuba ne devrait pas s'étendre à nous.

Le Parti réformiste appuie le projet de loi C-54, qu'il considère comme une première étape pour repousser la loi Helms-Burton, mais aussi comme une simple solution provisoire. Profitons du mécanisme de règlement des différends prévu dans l'ALENA pour éclaircir la situation. Si nous n'insistons pas pour faire reconnaître nos droits, nous ne ferons qu'encourager les Américains à nous marcher sur les pieds. Le temps est venu pour le Canada de jauger la détermination des États-Unis. Vont-ils respecter les accords commerciaux internationaux et les règles qui les régissent, oui ou non?

Je crois que le temps est également venu de jauger la détermination du gouvernement libéral. Les États-Unis dénoncent devant l'Organisation mondiale du commerce la politique commerciale du Canada et notre position concernant les revues à tirage dédoublé. Ils ont contesté certaines de nos décisions dans le cadre du processus de l'ALENA. De quoi le gouvernement canadien a-t-il peur? Il est temps de tester la détermination de notre gouvernement. Croit-il aux accords commerciaux qu'il a signés, à l'ALENA et à l'Organisation mondiale du commerce? Est-il prêt à les faire respecter? Il me semble que nous avons travaillé très fort. Le Canada a joué un rôle de leader dans la promotion d'accords commerciaux internationaux et dans l'établissement de règles concernant le règlement des différends. Il est ridicule de ne pas utiliser ces instruments pour régler des questions de ce genre.

[Français]

M. LeBlanc (Cap-Breton Highlands-Canso): Monsieur le Président, j'ai accepté de céder ma place à mon honorable collègue de Terrebonne et je vais le suivre dans l'ordre du discours.

M. Benoît Sauvageau (Terrebonne, BQ): Monsieur le Président, je dois, dans un premier temps, souligner le geste de gentillesse posé par le secrétaire parlementaire. À cause de raisons personnelles, il a bien voulu accepter de changer son temps de parole en cette Chambre, et je l'en remercie.

Avant de débuter mon intervention sur le projet de loi C-54, vous allez me permettre de prendre quelques secondes pour féliciter un organisme de mon comté, la Chambre de commerce de Bois-des-Filion qui, ce matin même, a organisé un déjeuner avec conférenciers, auquel le chef du Bloc québécois et moi-même étions présents. Vous voyez qu'on se promène un peu. C'est avec beaucoup de dynamisme, beaucoup d'entrain, beaucoup de professionnalisme que cette chambre de commerce a organisé ce petit déjeuner. Je tiens à féliciter le président, M. Alain Éthier, ainsi que tous les membres de l'organisation de la Chambre de commerce, qui a su si bien rendre la marchandise.

Je vais maintenant passer au vif du sujet, c'est-à-dire le projet de loi C-54, tel que présenté par le ministre du Commerce international et aussi le ministre des Affaires étrangères. Comme vous avez pu le constater lors du précédent discours du député du Bloc québécois, nous n'avons pas l'intention de nous opposer à l'adoption en deuxième lecture du projet de loi C-54.

La raison est bien simple, c'est que le Bloc québécois s'oppose à la volonté américaine de limiter la liberté de commerce des entreprises canadiennes et étrangères. Cette manière d'agir est illégale et c'est pourquoi le Bloc québécois ne cesse depuis des mois de réclamer du gouvernement fédéral plus de dénonciations dans les médias et aussi des réponses vigoureuses à la tentative américaine de subordination du Canada à son embargo contre Cuba.

Il est clair pour nous, du Bloc québécois, que la protection de nos entreprises québécoises et canadiennes qui commercent à l'étranger est primordiale et qu'il faut tout mettre en oeuvre pour les protéger. C'est pourquoi nous voterons en faveur du projet de loi C-54. Même si nous ne nous objectons pas à son adoption, nous avons toutefois des réserves et nous sommes un petit peu perplexes face au travail du gouvernement qui a été fait jusqu'à présent dans le dossier Helms-Burton.

Il est évident pour tout le monde que les agissements américains sont des plus répréhensibles. La Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act, communément appelée loi Helms-Burton, fait l'unanimité quant à son caractère inacceptable, autant au Canada que dans plusieurs pays, tels ceux de l'Union européenne, les Antilles, les Caraïbes, et certains pays d'Amérique latine et de l'Amérique du Sud.

(1225)

Par conséquent, on aurait pu s'attendre à ce que la communauté internationale s'insurge contre la tentative américaine de soumettre le monde entier à ses politiques étrangères et à ses politiques commerciales.

Du Canada maintenant, on aurait pu s'attendre à un plus grand leadership pour combattre les agissements du gouvernement américain, dans un premier temps parce que le Canada est un partenaire économique important pour Cuba, mais aussi en raison des solides liens économiques qui existent entre le Canada et les États-Unis. Mais non, le gouvernement canadien a choisi plutôt la stratégie douce-le temps va faire passer les choses, disent-ils-et la dénonciation sur la voie publique plutôt que l'action concrète et efficiente.

L'action, ou l'inaction, que le gouvernement considère la plus efficace est un projet de loi incomplet et surtout tardif, alors que le gouvernement a la possibilité de convoquer un comité spécial en vertu de l'ALENA depuis le 29 juillet dernier. D'ailleurs, je me demande si le gouvernement n'aurait pas pu appliquer le processus de l'ALENA dès le début, soit en mars ou en avril dernier. Alors que le gouvernement a cette possibilité-là devant lui, il attend, il attend, et une fois que le mal est passé, on commence à réagir.


4510

Le Bloc québécois a dénoncé haut et fort l'intervention législative américaine à portée extraterritoriale, et ce, depuis le début, et a pressé le gouvernement libéral d'agir avec force, rigueur et rapidité. Cependant, je dois dire que le gouvernement est loin d'avoir rencontré nos attentes et répondu à nos questions. Il a tardé à prendre des actions et les solutions qu'il nous propose aujourd'hui sont loin d'être complètes.

Rappelons brièvement maintenant l'histoire et l'essence de la loi Helms-Burton. Suite à la prise du pouvoir par Fidel Castro à Cuba en 1959, les États-Unis décident, en 1963, d'imposer un embargo économique contre Cuba. À partir de ce moment, il devient illégal pour les compagnies américaines de faire des affaires, de faire du commerce avec Cuba. Au fil des ans, les sanctions économiques américaines contre Cuba se multiplient jusqu'à récemment où le gouvernement américain adopte une loi qui empêche maintenant les compagnies étrangères de commercer librement à Cuba, se moquant ainsi du droit international et de la souveraineté des États.

En 1995, le Sénat américain avait présenté un projet de loi visant à renforcer les sanctions de l'embargo. Cependant, en 1995, nous n'étions pas dans une campagne présidentielle, donc, le projet de loi était loin de faire l'unanimité. Même le Président américain, à ce moment-là, était contre parce que, selon lui, certaines mesures étaient trop fortes, telles que l'interdiction de pénétrer le territoire américain ainsi que le droit de poursuite.

La situation a changé lorsque deux avions civils appartenant à des exilés cubains ont été détruits alors qu'ils survolaient le détroit de Floride. Suite à ce triste incident, la Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act a été adoptée par le Congrès américain et signé par le Président Clinton le 12 mars 1996. La loi vient renforcer l'embargo et cette loi vient imposer des mesures de représailles contre toutes les compagnies qui ne respectent pas l'embargo américain contre Cuba, qui utilisent des propriétés ou des intérêts américains expropriés, et ce, après la victoire de Fidel Castro il y a plus d'une trentaine d'années, est-il utile de le rappeler.

Il y a deux chapitres qui ont attiré l'attention de cette loi. D'abord, le chapitre 3 intitulé Protection of property rights of United States nationals. Cet article permet à une entreprise américaine de poursuivre en justice les compagnies étrangères qui profitent d'investissements expropriés par le régime castriste. La loi permet de saisir les actifs de cette compagnie sur le sol américain. Bien que l'entrée en vigueur de ce chapitre ait été suspendue à partir du 1er août pour une période de six mois par le Président américain, il reste que, sans un renouvellement de la suspension, cette clause peut entrer en vigueur dès le mois de février 1997.

Il y a ensuite, il est important de le rappeler, le chapitre 4 qui, lui, est en vigueur depuis le 1er août. Ce chapitre est intitulé Exclusion of certain aliens qui permet de bloquer l'entrée aux États-Unis de dirigeants de compagnies et aussi de leurs familles, dirigeants qui ont acheté ou investi dans des propriétés américaines expropriées.

Jusqu'à maintenant, des dirigeants et des membres de leurs familles de la compagnie canadienne Sherritt International Corporation ont été interdits d'entrée aux États-Unis. Il est à noter que le Président des États-Unis a le pouvoir de suspendre le chapitre 3 et le chapitre 4, mais n'a utilisé son pouvoir discrétionnaire que pour la mesure la plus controversée, c'est-à-dire le chapitre 3 concernant le droit de poursuite.

(1230)

Le Bloc québécois a toujours été d'avis qu'il fallait réagir avec vigueur contre la loi Helms-Burton pour donner un signal sans ambiguïté au gouvernement américain que son comportement est inacceptable et que nous ne nous soumettrons pas à son impérialisme.

Maintenant, quelques mots aussi sur la loi extraterritoriale sur l'Iran et la Libye. Malheureusement, le gouvernement libéral a manifesté son opposition avec assez peu de vigueur lorsque le gouvernement américain a récidivé en adoptant une autre loi à portée extraterritoriale, cette fois pour empêcher le commerce avec l'Iran et la Libye. En effet, le 23 juillet 1996, le Congrès des États-Unis a adopté à l'unanimité la loi 1996 sur la sanction contre l'Iran et la Libye. Cette loi vise à dissuader les entreprises de faire d'importants investissements dans les secteurs pétrolier et gazier, iranien et libyen. C'est contre le principe sur lequel le gouvernement canadien devait s'opposer, non pas sur des ententes techniques de la loi, mais sur le principe.

La loi Helms-Burton et la loi de 1996 sur les sanctions contre l'Iran et la Libye portent directement atteinte à l'esprit des accords commerciaux internationaux. Ces lois violent le principe de la souveraineté des États et de leurs territoires, pourtant reconnu par le droit international.

Bien que je me garde de m'opposer à la tentative du gouvernement fédéral de contrer les effets de la loi Helms-Burton, je constate que le projet de loi C-54 se résume en quelques mots: trop peu, trop tard. Trop tard, parce que la loi Helms-Burton est en vigueur depuis le mois de mars et que le gouvernement a attendu jusqu'à maintenant pour répondre à la menace américaine.

Ce projet de loi est trop peu aussi parce que son action est incomplète. D'abord, son action ne touche que le chapitre 3 en ce qui concerne les poursuites. Ensuite, C-54 ne vient pas contrer le chapitre 4, ce qui a pour conséquence, à l'heure actuelle, que la seule disposition de la loi Helms-Burton qui a des effets contre des citoyens canadiens, soit l'interdiction d'entrer aux États-Unis, le gouvernement ne fait rien pour y remédier. Alors que ce gouvernement a, depuis le 29 juillet 1996, la possibilité de convoquer un comité spécial en vertu de l'ALENA, il se refuse pour des raisons obscures, dont peut-être le secrétaire parlementaire nous fera part tout à l'heure.

Le projet de loi C-54 qui est devant nous aujourd'hui modifie une loi existante: la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères. Parlons brièvement de cette loi. Cette loi est entrée en vigueur en 1985, il y a 11 ans maintenant. Elle fut instaurée par le gouvernement Mulroney pour répondre à des actions qui pouvaient être prises par des gouvernements ou des tribunaux étrangers dans le but de s'immiscer dans les juridictions canadiennes.

Elle a été modifiée à deux reprises depuis: en 1990 et en 1992. En 1992, des modifications ont été apportées à la loi pour répondre à la loi américaine Torricelli à portée extraterritoriale elle aussi, touchant le commerce avec Cuba.


4511

Cette loi a deux volets: un volet concernant les actions en justice et l'exécution des jugements, ainsi qu'un autre volet sur le respect des lois canadiennes versus des lois étrangères préjudiciables et des amendes à être imposées.

La loi existante, il est très important de le rappeler, n'a jamais été utilisée jusqu'à maintenant. Pourtant, elle prévoit depuis 1992 que les compagnies canadiennes, y compris les filiales de compagnies américaines, doivent respecter les lois canadiennes et donc ne pas se soumettre à l'embargo américain contre Cuba. Lors de la période de questions du 18 juin 1996, j'ai questionné le ministre du Commerce international sur le cas de la compagnie American Express. Je lui ai demandé à ce moment pourquoi il n'avait pas imposé une amende à cette compagnie, la loi sur les mesures extraterritoriales étrangères lui permettant de poursuivre les compagnies canadiennes et les filiales de compagnies étrangères qui se soumettent à une loi étrangère contraire à une loi canadienne.

La compagnie American Express mère, celle des États-Unis, a donné des instructions sans équivoque à ses filiales à l'étranger et à sa filiale canadienne de respecter l'embargo américain contre Cuba. Même si les fonctionnaires du ministère du Commerce international étaient au courant de cette situation depuis deux ans, le ministre du Commerce international nous disait, en juin dernier, ignorer ce cas. Et aucune mesure, en juin dernier, n'avait été prise contre American Express par le gouvernement.

(1235)

Et maintenant que se passe-t-il depuis? Il a eu trois mois pour agir sous l'ancienne loi et il n'a rien fait. Nous sommes donc en droit de nous demander si les modifications que propose le projet de loi C-54 serviront à quelque chose. Serait-ce de la poudre aux yeux encore une fois?

Effectivement, puisque la loi n'a jamais été utilisée jusqu'à maintenant, tout nous porte à croire que la loi modifiée par le projet de loi C-54 restera inutilisée. Même le ministre le soulignait ce matin en disant: «Nous espérons que cette loi demeure inutilisée.» D'autant plus, comme on le sait, la loi Helms-Burton risque de rester lettre morte après les élections américaines de novembre prochain. Le projet de loi C-54 arrive donc trop peu, trop tard.

En réponse à ma question du 18 juin dernier, le ministre du Commerce international, je le rappelle, a répondu que ces modifications qu'il voulait amener à la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères visaient à neutraliser les effets de la loi Helms-Burton et qu'il s'agit d'une mesure de dernier recours.

Il a aussi fait le souhait, comme il l'a répété ce matin, de ne pas l'utiliser. En effet, le gouvernement canadien s'est donné le temps de voir ce qu'il allait faire devant les Américains avant d'annoncer la couleur réelle de son projet de loi.

Après avoir répété sur tous les tons que le Canada était contre la loi Helms-Burton et qu'en tant que gouvernement fédéral il s'opposait avec force et véhémence, nous devons donc conclure que ce même gouvernement n'a rien fait de très concret. Effectivement, le gouvernement libéral dans ce dossier a décrié haut et fort la manière illégale d'agir des États-Unis, mais n'a jamais fait preuve de sérieux lorsqu'est venu le temps de contrecarrer et de manifester son opposition face à l'administration américaine. Du temps, du temps et du temps.

Nous allons voter quand même pour ce projet de loi C-54 quoique nous doutions de son utilisation, pour la seule et unique raison que nous voulons protéger les entreprises québécoises et les entreprises canadiennes. Cependant nous tenons à informer la Chambre de notre insatisfaction face à l'inaction du gouvernement canadien et à son manque d'action efficace dans ce dossier.

D'ailleurs en refusant d'agir auprès de l'ALENA pour faire invalider la loi américaine, le gouvernement nuit effrontément aux dizaines d'entreprises québécoises et canadiennes qui commercent avec Cuba. Les Canadiens et Canadiennes, les Québécois et Québécoises s'attendent à plus de rigueur de la part de leur gouvernement.

Je vous remercie Monsieur le Président et je remercie mes collègues de leur attention.

M. Francis G. LeBlanc (secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères, Lib.): Monsieur le Président, j'aimerais tout d'abord remercier les porte-parole de l'opposition officielle ainsi que le porte-parole du Parti réformiste de l'appui qu'ils ont accordé au projet de loi C-54 aujourd'hui. Ce projet de loi, Loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères continue la campagne active, ferme et mesurée que le Canada mène à travers le monde et aux États-Unis pour convaincre l'administration américaine ainsi que le Congrès américain de retirer le projet de loi Helms-Burton et de changer la course qu'ils ont menée avec cette législation.

C'est une campagne dont le Canada a manifesté le grand leader-ship dans tous les forums internationaux reliés à cette question, l'Organisation mondiale du commerce, l'Union européenne, l'Organisation des États américains et bien d'autres organismes multinationaux où nous avons pris le leadership pour agir contre ce projet de loi.

Aujourd'hui ce projet de loi que nous présentons en cette Chambre continue cette campagne pour, encore une fois, convaincre les États-Unis de changer et de retirer ce projet de loi qui affecte les relations commerciales avec bien d'autres pays.

(1240)

[Traduction]

Il est certes regrettable que ces modifications soient nécessaires. Nos relations commerciales et politiques avec les États-Unis sont dans l'ensemble très étroites. Nous ne pouvons toutefois fermer les yeux sur la loi Helms-Burton. Elle nuit clairement aux relations commerciales entre des entreprises canadiennes et Cuba.

En l'occurrence, certains principes fondamentaux du droit international sont en jeu. Les États-Unis s'immiscent en effet unilatéralement dans les affaires entre d'autres pays. Nous ne pouvons accepter cela sans rien dire. Nous devons réagir. Nous devons donner aux entreprises canadiennes les moyens de se protéger. C'est évidemment ce que nous faisons en présentant ce projet de loi.

Je tiens à souligner que cette mesure législative fait suite à une initiative. Nous réagissons à une initiative américaine qui a des répercussions sur certains Canadiens. Ce n'est pas nous qui avons amorcé cette querelle.


4512

Certains pourraient dire qu'un conflit était inévitable parce que le Canada et d'autres pays ont choisi une voie différente de celle adoptée par les États-Unis, dans leurs rapports avec Cuba. Je réponds à cela que le désaccord au sujet de notre politique par rapport à Cuba ne justifie pas la loi Helms-Burton. En vertu du droit international, les États-Unis ont d'autres recours pour résoudre leur différend avec Cuba.

La loi Helms-Burton est certainement une initiative regrettable au chapitre de la politique étrangère américaine. Je sais que le gouvernement américain avait de sérieuses réserves au sujet de la loi Helms-Burton avant qu'un aéronef civil américain ne soit abattu par des avions cubains en février.

Je sais aussi qu'en juillet, le président Clinton a suspendu pour six mois le droit des entreprises américaines d'intenter des poursuites contre des sociétés étrangères en vertu de la disposition de la loi Helms-Burton relative aux demandes d'indemnité. Je signale que l'envoyé spécial du président, Stuart Eizenstat, a déclaré à Ottawa que les États-Unis n'enjoignaient absolument pas aux Canadiens de cesser leur commerce avec Cuba et leurs investissements dans ce pays.

La loi Helms-Burton demeure toutefois une menace pour les entreprises canadiennes qui font des affaires avec Cuba. La loi est en vigueur. Elle habilite le président Clinton ou ses successeurs à autoriser des entreprises américaines à déposer des demandes d'indemnité à l'endroit de sociétés canadiennes ou étrangères. Les États-Unis ont déjà informé certains Canadiens qu'ils se verront refuser l'accès au territoire américain à cause de cette loi.

Il est également regrettable que la loi Helms-Burton ne soit pas un cas isolé. Le président a en effet ratifié une loi, l'Iran-Libya Sanctions Act, aux termes de laquelle les États-Unis s'immiscent encore une fois dans les relations commerciales d'autres pays. Les dispositions des deux lois sont différentes, mais le principe en est le même.

Cela annonce-t-il un changement d'orientation de la politique étrangère des États-Unis? Cela veut-il dire que les États-Unis sont prêts à faire fi des règles habituelles du droit international pour arriver à leurs fins? Je voudrais pouvoir répondre non. Je voudrais pouvoir dire que la longue tradition américaine favorable au libre-échange et aux règles acceptées à l'échelle internationale est toujours aussi solide, mais je n'en suis pas si certain.

Il y a des signes encourageants. Le président Clinton a publiquement avalisé l'Organisation mondiale du commerce, et les États-Unis ont recours au mécanisme de règlement des différends de l'OMT pour régler certains différends commerciaux. En outre, les États-Unis ont participé activement à un certain nombre de négociations dans des domaines comme les télécommunications et les services financiers et ils continuent de faire pression en faveur d'une plus grande libéralisation du commerce dans le monde.

D'autre part, les États-Unis ont eu tendance à jouer les matamores dans de récentes négociations internationales. Dans certains cas, ils ont donné l'impression qu'ils étaient déterminés à ne faire aucun compromis. De plus, la cause du libre-échange semble avoir perdu du terrain, au Congrès américain du moins. J'en veux pour preuve le refus du président d'autoriser le recours à la procédure accélérée pour négocier l'admission du Chili au sein du groupe des signataires de l'Accord de libre-échange nord-américain.

Ce n'est pas exagéré que de dire que les États-Unis constituent l'un des pays les plus ouverts et les plus généreux du monde. Plus de 95 p. 100 des échanges commerciaux entre le Canada et les États-Unis se font librement sans la moindre entrave. Les États-Unis continuent de montrer aux membres du G-7 et aux autres organismes internationaux qu'ils veulent travailler de concert avec leurs partenaires sur les questions économiques et politiques. Je suis convaincu que cela reste le fondement de la politique américaine.

Néanmoins, nous ne pouvons pas permettre que des mesures comme la loi Helms-Burton soient adoptées sans résistance de notre part. Ce n'est qu'en faisant preuve de fermeté et en travaillant de concert avec les autres pays que nous garantirons que la loi Helms-Burton ne deviendra pas la façon normale de procéder. Cela a été un élément essentiel de notre politique dans tout le débat sur cette loi.

(1245)

Sur le plan intérieur, nous présentons un projet de loi modifiant la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères pour répliquer à ce qui constitue clairement une violation de la souveraineté canadienne. Ces modifications visent principalement, bien sûr, à doter les sociétés canadiennes des outils nécessaires pour se défendre si les tribunaux américains donnent gain de cause aux demandeurs américains qui les poursuivent en vertu de la loi Helms-Burton.

En vertu des modifications à la LMEE, les entreprises canadiennes peuvent essayer de récupérer ces dommages en poursuivant les sociétés américaines devant les tribunaux canadiens. Il y a d'autres modifications qui donnent au procureur général le pouvoir de bloquer l'application dans les tribunaux canadiens des lois américaines qui ne sont pas raisonnables. J'espère que ces changements contribueront à dissuader les entreprises américaines d'intenter des poursuites contre des sociétés canadiennes en vertu de la loi Helms-Burton. Au moins, cela leur donnera matière à réflexion.

Nous ne limitons pas nos actions au territoire canadien. Le Canada a joué un rôle de premier plan dans l'élaboration d'une action internationale concertée depuis que le président a promulgué la loi Helms-Burton. Le ministre des Affaires étrangères, le ministre du Commerce international et la secrétaire d'État responsable de l'Amérique latine ont discuté de la question avec leurs collègues dans d'autres pays et dans les organismes internationaux. Cette question a également fait l'objet de discussions avec les leaders d'autres pays qui sont venus en visite au Canada. Cette action internationale concertée donne certains résultats.

Le Mexique examine une mesure législative semblable à la nôtre. L'Union européenne envisage de prendre des mesures par l'intermédiaire de l'Organisation mondiale du commerce. L'Organisation des États américains a demandé au Comité juridique interaméricain d'examiner si la loi Helms-Burton est conforme au droit international. Ensemble, ces mesures réussiront peut-être à limiter les dommages causés par la loi Helms-Burton. Au-delà de cela, j'espère que cette expérience aura un impact sur les législateurs à Washington et qu'elle contribuera à les dissuader de prendre de telles mesures extraterritoriales à l'avenir.

Nous ne pouvons cependant pas vivre d'espoir. Nous devons prendre des mesures concrètes pour protéger nos intérêts. C'est là le but des modifications à la LMEE et c'est pourquoi je les appuie.


4513

M. Bob Mills (Red Deer, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat sur le projet de loi C-54, qui élargit la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères pour donner au Canada les moyens de contrer la loi Helms-Burton. Nous convenons tous, je crois, que la loi américaine est une mesure draconienne unilatérale coercitive qui manque de discernement. Cette loi va à l'encontre du droit international et de l'ALENA.

En tant que porte-parole du Parti réformiste pour les affaires étrangères, je peux affirmer que notre parti ne conteste pas les États-Unis, qui sont un ami, un allié et un partenaire commercial, mais seulement la loi Helms-Burton. En fait, étant donné les rapports très étroits du Canada avec les États-Unis, nous avons tous été très étonnés que cette loi prenne le Canada pour cible comme elle le fait.

J'invite cependant les Canadiens à y voir davantage un irritant attribuable aux prochaines élections présidentielles qu'un véritable reflet des relations entre le Canada et les États-Unis. D'autres avant moi ont parlé du meurtre de civils, du nombre d'électeurs d'origine cubaine en Floride et du lobby Helms-Burton, qui est actif depuis un certain nombre d'années aux États-Unis. On peut espérer que, après les prochaines élections, cet irritant disparaîtra.

Néanmoins, en tant que parlementaire, nous ne pouvons pas faire comme si la loi n'existait pas et ne constituait pas une menace pour la souveraineté et le commerce du Canada. C'est pourquoi nous devons agir. Le Parti réformiste estime que le gouvernement aurait déjà dû porter cette affaire devant le mécanisme de règlement des différends prévu dans l'ALENA. Par conséquent, je ne pourrais pas dire que nous approuvons sans réserve la stratégie adoptée par le gouvernement. Toutefois, nous appuierons le projet de loi C-54, même s'il apparaît un peu comme une version de la loi du talion et si sa validité pourrait sans doute être contestée.

(1250)

Mon collègue de Peace River, porte-parole de notre parti pour les questions de commerce, a passé en revue la plupart des éléments du projet de loi C-54 et les objections qu'ils soulèvent. J'approuve entièrement l'analyse de mon collègue et, plutôt que de répéter les mêmes choses, je parlerai brièvement de la promotion de la démocratie à Cuba, car, à mon sens, cela fait partie de l'équation et, si les politiciens américains y avaient accordé plus d'importance, ils n'auraient pas eu à adopter la loi Helms-Burton.

Je tiens à ce qu'il soit bien clair que le soutien du parti réformiste au projet de loi C-54 et notre vive opposition à la loi Helms-Burton ne signifient en aucun cas que nous appuyons le dictateur cubain Fidel Castro. En fait, le Parti réformiste estime, comme bien d'autres, que la situation à Cuba serait nettement meilleure si ce pays était une démocratie.

Nous devons nous rappeler que Cuba est le dernier pays de notre hémisphère à rejeter la démocratie. Par conséquent, notre politique extérieure devrait s'orienter davantage sur la promotion de la démocratie à Cuba. Nous aiderions ainsi le peuple cubain et, en plus, une attitude aussi constructive montrerait à nos voisins du sud que nos objectifs sont les mêmes que les leurs même si nos méthodes diffèrent.

Je crois, comme le ministère des Affaires étrangères l'a déclaré, que le rapprochement est le meilleur moyen d'exercer une influence, et cela est vrai, qu'il s'agisse de la Chine ou de Cuba.

Par ailleurs, nous ne devons pas perdre de vue le nombre d'atteintes aux droits de la personne et le nombre de problèmes qui existent à Cuba. Nous ne pouvons pas étaler la vérité en ce qui concerne un pays et la cacher dans le cas d'un autre, mais c'est souvent ce que nous faisons.

Si le Canada devient un leader de la lutte pour la démocratie à Cuba, j'ai bon espoir que la loi Helms-Burton cessera d'être un problème. Cette mesure extrême a été prise en représailles à l'action extrême de Cuba qui a abattu des avions.

C'est pourquoi le Canada doit s'affirmer dans les réunions de l'Organisation des États américains et s'assurer que la défense de la démocratie et de la réforme des institutions et des droits de la personne à Cuba soient la priorité de l'OEA. Il ne fait aucun doute qu'une fois démocratisé, Cuba pourra devenir une force très positive dans les Antilles. Je crois que Cuba possède un potentiel considérable, mais ce potentiel ne pourra être réalisé et servir des objectifs positifs qu'une fois que le peuple cubain aura pris en main la direction de ses affaires politiques. Un changement politique à Cuba entraînera inévitablement une relance de son économie.

Les échanges commerciaux entre le Canada et Cuba se poursuivent en dépit de la loi Helms-Burton, mais je crois que les débouchés commerciaux dans un Cuba libre dépasseraient de loin les possibilités actuelles. Par exemple, la seule levée de l'embargo américain permettrait une rapide croissance économique à Cuba. Une fois libéré du communisme, non seulement Cuba aura-t-il besoin des produits de consommation et de la technologie du Canada, mais notre industrie des services pourra y prospérer. Les ressources du Canada dans des secteurs d'activité comme les banques, les assurances, les communications sans fil et la technologie de pointe nous assureront une position avantageuse si Cuba modernise son économie.

Nous devons nous donner une vision de ce genre, mais, à l'aube du XXle siècle, je crois qu'elle fait défaut au gouvernement actuel. Je crois que la position que semble adopter le Canada face au statu quo est une grave source d'inquiétude pour nous tous. Nous semblons croire que nous pouvons régler nos problèmes d'emploi par des programmes d'infrastructure. C'est oublier le nombre considérable d'emplois que nous pourrions créer si nous défendions la démocratie et si nous faisions la promotion de ce que nous avons à offrir dans le monde.

Il convient également de signaler que Cuba est situé juste à côté d'Haïti, cet autre pays de notre hémisphère aux prises avec les plus graves problèmes sociaux, politiques et économiques. Je suis convaincu que la prospérité, la stabilité et la démocratie permettraient à Cuba de contribuer au développement à long terme de Haïti. Leur proximité font de Cuba et de Haïti des partenaires commerciaux tout désignés. Je souhaite également que, lorsque Cuba aura noué avec la démocratie, il pourra assumer une part du fardeau que le Canada doit supporter depuis quelques années pour aider Haïti.


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(1255)

Toutefois, ces possibilités ne deviendront réalité que si des changements politiques surviennent à Cuba. Sans démocratie, Cuba demeurera un paria sur la scène internationale et continuera de subir les foudres des Américains. N'oublions pas que Cuba n'est qu'à 90 milles des côtes des États-Unis et que tous les Américains voient cette proximité comme une menace réelle.

En terminant, je reconnais la nécessité du projet de loi C-54 et je lui accorderai mon appui. J'espère que les députés reconnaîtront que le Canada doit faire plus que s'opposer à la loi Helms-Burton et qu'il doit aussi lutter contre la dictature et pour la démocratie à Cuba.

L'hon. Roger Simmons (Burin-Saint-Georges, Lib.): Monsieur le Président, j'étais sur le point de dire que mes collègues du Parti réformiste sont en pleine forme comme d'habitude. C'est toujours bon d'avoir leur soutien pour une mesure comme la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères que je suis heureux d'appuyer. Je félicite le ministre des Affaires étrangères et le ministre du Commerce international pour cette initiative. C'est une initiative importante que je suis heureux d'appuyer.

Je pense que nous sommes tous contrariés-le mot est trop faible-dégoûtés par la loi Helms-Burton qui a été adoptée il y a quelques mois. Outre le fait qu'elle fait fi de la primauté du droit et de l'intégrité territoriale des pays souverains, elle témoigne de l'arrogance des personnes qui osent proposer ce type de législation.

Je suis allé en Asie assez récemment. Les gens là-bas ne savent souvent pas faire la différence entre un Américain et un Canadien avant qu'on le leur dise. Ils sont anxieux qu'on le leur dise. C'est incroyable et réconfortant de voir comment les gens nous reçoivent lorsqu'ils apprennent qu'on est Canadien et non Américain.

Je ne veux pas me livrer aujourd'hui à une campagne de dénigrement des Américains. Je voulais seulement faire la remarque car je pourrais faire un long discours sur mon admiration à l'égard de certains aspects du système américain. J'ai fait des études supérieures à l'université de Boston il y a de nombreuses années et j'ai beaucoup de bons amis aux États-Unis.

En même temps, je pense que tous ceux de nous qui avons voyagé à l'étranger avons été d'abord amusés puis perplexes de constater que certains Américains sont facilement arrogants et se croient vraiment supérieurs. Il y a deux séries de règles différentes, l'une pour les Américains et l'autre pour le reste du monde.

(1300)

Le projet de loi vise à donner plus de mordant à la loi, pour permettre au Canada de réagir aux tentatives des États-Unis d'empiéter sur sa souveraineté. C'est un objectif qui, selon moi, obtiendra l'appui de tous les partis à la Chambre. Le projet de loi modifié permettra aux entreprises canadiennes de s'opposer aux réclamations financières autorisées par la loi Helms-Burton. Il permettra aux Canadiens de récupérer, auprès des tribunaux canadiens, toute somme d'argent accordée par un tribunal américain en vertu de la loi Helms-Burton, plus les frais associés à toute poursuite devant des tribunaux canadiens ou américains.

Comme mon collègue le ministre du Commerce international le disait plus tôt aujourd'hui dans son discours à la Chambre, en tant que Canadiens, nous partageons les objectifs du gouvernement américain en ce qui a trait à Cuba. Oui, nous voulons que la démocratie soient instaurée dans ce pays. Oui, nous voulons que les droits de la personne y soient respectés davantage. Les Américains veulent la même chose. C'est sur les moyens à prendre pour obtenir ces changements que nous ne nous entendons pas. Les Américains essaient d'arriver à leurs fins avec la vieille politique de l'isolement depuis au moins 170 ans-cela remonte au début des années 1820-sans être arrivés à grand-chose. Cela n'a pas très bien fonctionné, en tout cas certainement pas à Cuba. Il suffit de voir la série de dirigeants américains qui ont eu leur heure de gloire et sont disparus depuis que cette politique est en vigueur. M. Castro est toujours au poste.

Il suffit de voir l'hypocrisie des Américains dans leurs relations avec Cuba, par rapport à la manière dont ils traitent avec d'autres pays. Les Américains ont certainement des différends avec plusieurs pays. Les États-Unis ont certainement fait savoir qu'ils avaient un différend de taille avec la Chine en ce qui concerne les droits de la personne. Toutefois, la loi Helms-Burton n'est ni utilisée ni même envisagée en relation avec ce pays.

J'ai toujours été d'avis que la position américaine à l'égard de Cuba était motivée davantage par l'esprit de revanche et par l'orgueil que par le bon sens. Si elle était motivée par le bon sens, je prétends que la politique aurait été différente. Elle aurait été beaucoup plus efficace dans la recherche de résultats qu'elle ne l'a été jusqu'à maintenant mais, malgré tout, on ne voit aucune promesse de changement. Il n'y a aucune indication que l'attitude américaine à l'égard de Cuba va amener plus de résultats maintenant qu'elle n'en a amenés au cours des 30 dernières années.

Bref, même ce commentaire est en dehors du sujet. Notre rôle de parlementaires canadiens, de citoyens canadiens ou de gouvernement canadien n'est pas de dire aux Américains ce qu'ils doivent faire. Nous n'avons pas passé beaucoup de temps là-dessus. Mon commentaire n'avait pas l'intention de nous amener dans cette direction. Je ne me fais pas d'illusions d'ailleurs, je sais bien que, de toute façon, ils n'écouteraient pas, mais le fait est que nous ne devrions pas leur dire ce qu'ils doivent faire. C'est ça que je veux dire. Alors que nous n'essayons pas de leur dire quoi faire, eux pensent qu'ils ont le droit de nous dicter notre conduite. Ils pensent qu'ils ont le droit d'adopter une mesure législative qui cherche à s'appliquer au-delà de leurs frontières. Ils peuvent adopter toutes les lois qu'ils veulent pour réglementer les activités dans leur propre pays et à l'égard de leurs propres citoyens. C'est ça un gouvernement, du moins une bonne partie.

(1305)

À partir du moment où ils vont au-delà, à partir du moment où ils disent: «Canada, nous respectons votre souveraineté tant que vous faites ce que nous voulons que vous fassiez», nous devons nous opposer à eux. J'applaudis les ministres responsables et l'administration de cette modification à la loi qui appuiera nos efforts en vue


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de contrer la loi Helms-Burton et d'autres initiatives qui pourraient être prises.

Regardons rapidement ce que le ministre, et en particulier le procureur général, pourront faire lorsque cette modification aura été adoptée, comme elle le sera j'espère. Le procureur général sera en mesure de prendre des arrêtés déclarant que les jugements rendus en vertu de certaines lois étrangères ne seront pas exécutés ou reconnus au Canada s'il estime que ces lois violent le droit international.

Deuxièmement, une fois que la modification à la loi sera en place, le procureur général sera en mesure d'autoriser les Canadiens à réclamer devant les tribunaux canadiens les montants qui ont été accordés en vertu de décisions étrangères plus les coûts associés à ces jugements au Canada et à l'étranger. On pourrait appeler cela de la récupération.

Troisièmement, le procureur général sera en mesure de publier, puis de modifier, avec l'accord du ministre des Affaires étrangères, une annexe énumérant les mesures législatives étrangères qui, à son avis, sont contraires au droit international.

C'est une bonne mesure législative et je suis heureux de l'appuyer.

[Français]

Mme Maud Debien (Laval-Est, BQ): Monsieur le Président, le Bloc québécois soutient le principe du projet de loi C-54 qui vise à contrer les effets extraterritoriaux de la loi Helms-Burton au Canada et au Québec. En effet, nous appuyons la démarche du gouvernement canadien qui vise à protéger les sociétés, les entreprises canadiennes et québécoises contre des mesures de rétorsion prises par des pays étrangers.

Nous constatons malheureusement que nos voisins des États-Unis utilisent de plus en plus des menaces de représaille contre les entreprises de tiers pays et amis comme le Canada afin d'isoler certains États avec lesquels ils ont des différends.

Dans le cas qui nous préoccupe aujourd'hui, nous assistons essentiellement à un conflit politique américano-cubain qui dégénère en une guerre commerciale à portée extraterritoriale. De plus, la loi Helms-Burton risque de compromettre les efforts que font plusieurs pays, dont les États-Unis, ne l'oublions pas, afin de libéraliser les échanges commerciaux. Enfin, nous ne pouvons admettre qu'un tiers pays vienne dicter à un autre sa conduite en matière de politique étrangère.

Le projet de loi C-54 peut certes constituer un début de riposte à la loi américaine, mais le ministre du Commerce international et le gouvernement libéral ont encore du pain sur la planche dans ce dossier.

Voyons d'abord les éléments qui ont mené à l'élaboration du projet de loi C-54 pour en bien saisir la portée, l'utilité, ainsi que les lacunes. La loi Helms-Burton ou Cuban Liberty and Democratic Solidarity Act a été sanctionnée par le Président américain en mars 1996.

(1310)

Cette loi vise à amener les entreprises étrangères qui possèdent ou utilisent des propriétés ou des intérêts de ressortissants américains expropriés par Cuba à y cesser leurs activités sous peine de représailles de la part des États-Unis. Le Canada comme le Québec, ainsi qu'un grand nombre de pays et d'organisations telles l'OCDE, l'Union européenne, l'Organisation des États américains se sont déjà formellement opposées à cette loi, qui impose la juridiction américaine à l'extérieur du territoire des États-Unis à des entreprises et des citoyens non américains.

Par ce recours, la loi Helms-Burton viole les principes du droit international et la souveraineté des États sur leur territoire. Le Bloc québécois croit que le gouvernement américain s'opposerait catégoriquement à toute forme d'ingérence extérieure dans la conduite de ses affaires. Cela est également vrai pour le Canada. Il importe donc de contrer la loi Helms-Burton, afin que les principes établis par l'usage commercial concernant les différends entre États soient respectés.

Par le projet de loi C-54, le gouvernement libéral entend donc modifier la Loi canadienne sur les mesures extraterritoriales étrangères de 1985 dans le but de désamorcer les effets qu'aurait la loi Helms-Burton au Canada et au Québec. Mais nous devons nous demander si cette riposte sera suffisante. Est-ce que les Canadiens et les Québécois qui font affaire avec Cuba seront en mesure d'y trouver les outils nécessaires pour se protéger contre d'éventuelles poursuites américaines?

Afin de répondre à cette question, je me permets de commenter les articles de la loi américaine qui s'avèrent être dommageables pour les entreprises du Canada et du Québec, ainsi que les mesures du projet de loi C-54 visant à les contrer.

Deux clauses de la loi Helms-Burton affectent particulièrement les intérêts canadiens et québécois; il s'agit des articles 3 et 4. L'article 3 de la loi Helms-Burton permet aux citoyens américains qui ont subi l'expropriation au cours de la révolution cubaine de poursuivre devant les tribunaux tous ceux, Américains ou non, qui auraient investi dans les propriétés qu'ils possédaient à Cuba. Cet article devait entrer en vigueur dès le 1er novembre prochain, mais le Président américain a décidé d'en suspendre l'application jusqu'en février 1997. Près de 6 000 réclamations juridiques en ce sens sont en attente et bon nombre visent, sans aucun doute, des compagnies canadiennes et québécoises.

Quant à l'article 4, entré en vigueur le 1er août dernier, il permet de refuser l'entrée aux États-Unis à toute personne ayant investi dans les propriétés américaines expropriées à Cuba. Déjà, au Canada, les dirigeants d'une compagnie torontoise ainsi que les membres de leur famille se sont vu refuser l'entrée aux États-Unis en vertu de cette clause.


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D'après nous, le problème consiste en ce que les modifications à la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères proposées dans le projet de loi C-54 ne sont pas complètes et qu'elles arrivent un peu tard.

J'ai souligné tout à l'heure qu'il y avait deux articles de la loi Helms-Burton qui menaçaient les intérêts canadiens et québécois, les articles 3 et 4. S'ils s'adressent aux effets encourus par l'article 3, article dont l'application est suspendue jusqu'après les élections présidentielles américaines, le projet de loi C-54 ne propose aucune mesure pouvant aider la cause des Canadiens et des Québécois touchés par l'article 4, c'est-à-dire l'article qui a déjà causé des préjudices à des citoyens canadiens.

Le Bloc québécois s'interroge quant à la décision du gouvernement canadien de ne pas prendre de mesures pour s'attaquer aux problèmes relatifs à l'interdiction d'entrée et de séjour aux États-Unis qui pénalise, comme on le sait, les cadres, les actionnaires de ces sociétés, ainsi que leurs conjoints et enfants mineurs. Pourquoi le gouvernement a-t-il laissé cette partie de la loi Helms-Burton sans riposte de sa part?

Nous nous entendons tous pour condamner la loi américaine Helms-Burton et pour déplorer les incidences malheureuses qu'elle risque d'avoir, eu égard aux bonnes relations de voisinage que nous entretenons avec les États-Unis.

Mais ce qu'il faut savoir, c'est que cette loi ne date pas d'hier, et c'est là que le bât blesse. Cela fait un an et sept mois que le torchon brûle, permettez-moi l'expression, autrement dit, que le gouvernement sait ce qui lui pend au bout du nez s'il n'agit pas promptement.

(1315)

C'est en février et en automne 1995 que le projet de loi Helms-Burton était présenté au Sénat et à la Chambre des représentants. Ce n'est qu'en mars 1996 que le premier ministre exprimait son opposition à la loi, et six mois plus tard, il transformait son opposition verbale en projet de loi.

Nous connaissons les délais encourus dans le cadre du processus de l'ALENA pour le règlement des différends. Mais force est de constater qu'aujourd'hui, il n'existe plus de prétexte pour apprendre. Dans ce contexte, les élections américaines ne doivent pas empêcher le gouvernement d'agir. C'est la raison pour laquelle nous prions le ministre du Commerce international de demander la convocation d'un groupe spécial chargé de régler le différend au sein de l'ALENA. En refusant d'agir pour faire invalider la loi américaine au sein de l'ALENA, le gouvernement libéral continuera d'exposer les Canadiens et les Québécois aux effets de la loi Helms-Burton, et surtout de l'article 4.

Après avoir manifesté son opposition verbalement depuis six mois, il serait peut-être temps, pour le gouvernement libéral, d'appuyer ses dires par des actes concrets visant à invalider purement et simplement la loi américaine.

M. Philippe Paré (Louis-Hébert, BQ): Monsieur le Président, tout a été à peu près dit sur les dix articles qui constituent le projet de loi C-54. Je vais donc plutôt profiter de ce projet de loi pour réfléchir sur un certain nombre de grandes questions auxquelles la communauté internationale est confrontée.

Depuis la chute du mur de Berlin et le démantèlement de l'Union soviétique, on a vu un vent de libéralisation et de mondialisation du commerce souffler sur la planète. Et je présume que pour la plus grande puissance économique au monde, les États-Unis, ce doit être extrêmement frustrant de constater qu'il résiste, en Amérique, un tout petit pays qui s'inscrit en faux devant ce mouvement de libre marché, et c'est Cuba.

Penser à la situation de Cuba en regard des États-Unis, c'est un peu comme faire la comparaison entre David et Goliath. Depuis plus de 30 ans, les Américains tentent, par tous les moyens qu'ils ont pu utiliser, de faire tomber le régime de Fidel Castro, et pourtant, ils n'ont pas encore réussi.

Ils croyaient sans doute que le vent de libéralisation du commerce qui soufflait sur la planète finirait par emporter aussi la dictature de Cuba. Cependant, je pense qu'ils font une mauvaise lecture des choses. Sans doute qu'au lieu de tenter de resserrer encore davantage l'embargo contre Cuba, s'ils avaient joué plutôt, depuis un certain nombre d'années, le jeu inverse, sans doute que le peuple cubain lui-même se serait donné les moyens de sortir de cette dictature.

Mais le peuple cubain, présentement, se sentant opprimé par les États-Unis, a plutôt le réflexe d'être solidaire de son chef, et c'est ce qui fait que le régime tient un peu envers et contre tous. C'est sûr que tout aurait pu être différent. Lorsqu'on pense au contentieux Cuba-États-Unis, tout aurait pu être différent.

Je me rappelle d'une émission à la télévision où l'animateur nous montrait les grands rendez-vous manqués dans l'histoire de l'humanité, et entre Cuba et les États-Unis, il y a eu un rendez-vous manqué. L'animateur de cette émission nous rappelait que quelques mois, sinon quelques semaines, avant la mort du Président Kennedy, un journaliste français avait été retenu pour agir comme intermédiaire entre Fidel Castro et le Président Kennedy pour organiser une rencontre qui aurait sans doute été historique et qui aurait possiblement permis à ce vaste conflit entre les deux pays de se dénouer.

(1320)

Cependant, on sait ce qui est arrivé en novembre 1963: le Président Kennedy a été assassiné et l'animateur de cette émission rappelait que lorsque Fidel Castro a entendu cette nouvelle, il s'est effondré, parce qu'il espérait que l'affrontement avec les États-Unis prendrait fin à ce moment-là.

Il est sûr que la loi Helms-Burton est en lien direct-ne nous faisons pas d'illusion-avec les élections. De la même façon qu'on peut affirmer sans beaucoup de risque de se tromper que l'intervention américaine en Irak dernièrement était encore en relation avec les élections américaines, ce qu'il faut déplorer.

Il est évident que cette loi vise, et visait en tout cas, sans doute à resserrer davantage l'embargo autour de Cuba, mais elle visait aussi à plaire au vote des Espagnols aux États-Unis.


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La loi Helms-Burton est une loi anachronique, parce qu'elle va exactement à l'encontre des tendances de libéralisation du commerce auxquelles on assiste depuis un certain nombre d'années. Rappelons-nous la longueur des négociations qui nous ont amenés, en 1993, à l'OMC, donc l'Uruguay Round. Elles ont duré sept ans. Elles devaient libéraliser le commerce. Rappelons-nous les négociations qui ont entouré l'ALENA, le libre-échange, tout ça sous le leadership, je pense, des États-Unis. Voici qu'aujourd'hui, on nous arrive avec un projet de loi qui va à l'encontre de ce grand mouvement de libéralisation du commerce.

Il faut déplorer qu'en dépit, la loi Helms-Burton est un exemple de l'incapacité des États-Unis d'accepter que d'autres pays plus petits puissent avoir aussi des privilèges et des droits. Après la négociation de l'accord de libre-échange, on se rappelle ce qui est arrivé dans le cas de Norsk Hydro, une compagnie québécoise, où, par des moyens de tout type, on a tenté, et les États-Unis ont réussi, finalement, un peu à contrer l'effet du libre-échange.

On se rappelle de la saga qui entoure le bois d'oeuvre. On signe un accord pour libéraliser le commerce entre le Mexique, le Canada et les États-Unis, et après la signature, les États-Unis prennent tous les moyens pour tenter, directement ou indirectement, de revoir le contenu de l'accord. Finalement, le Canada se trouve contraint de signer une espèce d'annexe où, pendant cinq ans, on limite l'exportation du bois d'oeuvre aux États-Unis.

Je terminerai par une fable de La Fontaine. Lorsqu'on examine l'attitude des États-Unis en regard du commerce, on a l'impression qu'on est en présence de la fable du loup et de l'agneau. Rappelons-nous qu'un petit agneau buvait de l'eau dans une rivière et qu'un loup était en amont de lui. Le loup reprochait au petit agneau de brouiller son eau, et le petit agneau répondit: «Comment pourrais-je brouiller votre eau, puisque je suis en aval par rapport à vous.» Le loup lui dit: «Si vous ne l'avez pas fait aujourd'hui, vous l'avez fait il y a six mois.» L'agneau de répondre: «Je n'ai pas pu le faire il y a six mois, je n'étais pas né.» Le loup ajoute: «Si toi, tu ne l'as pas fait il y a six mois, c'était sûrement tes parents.» Et la fable se termine en disant: Il se jeta sur lui et le dévora. C'est un petit peu, d'après moi, l'attitude des Américains en regard des propres mesures qu'ils se font eux-mêmes. Ils se font justice eux-mêmes pour contrer les effets des accords qu'ils ont librement signés.

[Traduction]

M. Boudria: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je crois comprendre que le député d'Okanagan-Shuswap va demander la parole pour faire un discours.

(1325)

Je pense que vous constaterez qu'il y a consentement unanime pour que la Chambre ne tienne pas compte de l'heure, à 13 h 30, afin que le député puisse formuler ses observations dans les 20 minutes normalement accordées aux députés, et pour qu'on passe aux initiatives parlementaires une fois qu'on aura mis la question aux voix.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour permettre au député de parler pendant 20 minutes?

Des voix: D'accord.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, depuis près de 100 ans, les relations entre notre voisin du Sud et principal partenaire commercial, les États-Unis, et le petit pays situé à 90 milles au sud des États-Unis, c'est-à-dire Cuba, connaissent des hauts et des bas. Depuis 1898, lorsque les forces américaines ont envahi Cuba et chassé les Espagnols, le Canada fait parfois les frais des tensions entre ces deux pays.

Le projet de loi C-54 dont nous sommes saisis aujourd'hui est nécessaire, car le Canada continue encore de subir les conséquences de ces tensions. Cependant, pour placer cette mesure législative dans son contexte, je crois qu'il est utile pour nous de revenir en arrière, sur les périodes où les relations entre les deux pays ont été les meilleures et sur celles où elles ont été les pires.

Pendant quatre ans, de 1898 jusqu'au début de ce siècle, les troupes américaines ont occupé Cuba et dirigé le pays. Lorsque les Américains ont imposé l'amendement Platt leur donnant le droit de dicter à Cuba sa politique étrangère et donnant aux troupes américaines la possibilité d'intervenir dans les affaires internationales de Cuba, cette situation a duré pendant plus d'une génération. Ce n'est qu'en 1934 que le président américain Franklin Delano Roosevelt a abandonné les pouvoirs que les États-Unis s'étaient attribués avec l'amendement Platt.

À terme, les sociétés américaines et le crime organisé américain se sont fortement établis à Cuba jusqu'à ce qu'un révolutionnaire barbu nommé Fidel Castro prenne le pouvoir en 1960.

On voit bien les relations spéciales que le Canada entretient avec Cuba lorsqu'on sait que quand Castro a exproprié les banques étrangères établies à Cuba à son arrivée au pouvoir, il n'en a exempté que deux: la Banque de la Nouvelle-Écosse et la Banque Royale, toutes deux canadiennes. Il semble qu'une copie de l'acte de vente de la filiale cubaine de la Banque Scotia au gouvernement cubain se trouve maintenant dans les coffres de la banque, au centre-ville de Toronto.

En 1962, des rapports de renseignement révélèrent que l'U.R.S.S. était en train d'installer à Cuba des missiles balistiques capables d'atteindre des cibles américaines et canadiennes. Le président américain d'alors, John Kennedy, décréta un blocus naval au large du Cuba.

Le gouvernement canadien disposa d'à peine 90 minutes d'avis pour placer les Forces canadiennes à l'état d'alerte DEFCON 3. Notre ministre de la Défense d'alors, Douglas Harkness, réagit rapidement. Mais le cabinet Diefenbaker était divisé et le débat s'éternisa.

Entre-temps, les navires approchaient lentement de la zone de quarantaine que les Américains avaient établie au cours de la semaine. Le premier ministre Diefenbaker autorisa donc l'alerte le 24 octobre et celle-ci fut annoncée à la Chambre le 25 octobre 1962.

Bon nombre d'entre nous se rappelleront le soulagement qu'éprouva le monde entier quand le chef d'État soviétique, Nikita Khrouchtchev, consentit quelques jours plus tard à démanteler ces missiles balistiques menaçants et à les retirer de Cuba. Bien des gens craignèrent que la crise cubaine de 1962 débouche sur une guerre nucléaire.


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En 1985, la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères voyait le jour au Canada. Elle visait à défendre les intérêts canadiens contre des tentatives de gouvernements ou de tribunaux étrangers pour imposer des lois déraisonnables au Canada. La Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères accorde actuellement au procureur général le pouvoir d'empêcher la mise en application au Canada de lois ou de décisions prises par des tribunaux qui menacent la souveraineté canadienne. Néanmoins, les amendes qu'elle prévoit sont inférieures aux amendes que les États-Unis menacent, par l'entremise d'une récente loi, d'imposer aux personnes qui font des affaires avec Cuba.

Mais depuis l'adoption de la Loi sur les mesures extraterritoriales étrangères et surtout au cours des 35 ans qui ont suivi la prise du pouvoir par Fidel Castro au détriment du dictateur de droite, plusieurs milliers de Cubains ont fui le régime communiste dictatorial de M. Castro pour aller s'installer dans l'État de Floride. Selon certaines estimations, le nombre total d'exilés cubains vivant en Floride pourrait s'élever à un million.

Le 24 février de cette année, quatre de ces exilés cubains, membres d'un groupe appelé les Frères à la rescousse, qui étaient des citoyens américains, ont été abattus par des MIG cubains en zone internationale et sont morts.

(1330)

Quelques jours plus tard, environ 50 000 exilés cubains, dont un grand nombre arboraient la photo du mort à la poitrine, se sont rendus au stade de l'Orange Bowl pour assister à un service commémoratif. Ils ont entendu le discours émouvant prononcé par l'ambassadrice américaine aux Nations Unies, Madeleine Albright, qui a averti Cuba que les États-Unis ne toléreraient pas d'autres attaques contre l'organisme Brothers to the Rescue.

Mme Albright a notamment fait la promesse suivante: «L'Amérique assurera à ses citoyens une protection dans les eaux internationales et dans l'espace aérien international. Nous resserrons les sanctions contre le gouvernement cubain et nous prendrons tous les moyens diplomatiques pour garantir la démocratie à Cuba.»

Malgré les protestations du Canada et du Mexique, ainsi que de nombreux autres pays, le président Clinton des États-Unis a ratifié la loi Helms-Burton le 12 mars dernier.

En guise de protestation, les membres du Parlement européen ont adopté une résolution invitant la Commission européenne à «enquêter sur les effets des dispositions extraterritoriales du projet de loi sur les entreprises européennes.»

La résolution a également invité la CE à envisager sérieusement de contester le projet de loi qui «contrevient gravement à l'Accord général sur les tarifs douaniers et le commerce, aux règles de l'Organisation mondiale du commerce et du droit international».

Il n'y a pas si longtemps, des dirigeants d'entreprises canadiennes qui ont investi à Cuba ont reçu un avis officiel du gouvernement américain les informant qu'eux et leurs familles ne seraient pas bien accueillis aux États-Unis.

Dans les mois qui ont passé depuis l'adoption de la loi Helms-Burton, le débat a fait rage dans les journaux canadiens concernant la position que devrait défendre le Canada à l'égard de Cuba et de la dictature communiste de Castro.

Bien des gens font remarquer que le Canada a imposé des sanctions contre l'Afrique du Sud et que notre ministre des Affaires étrangères, le député de Winnipeg-Sud-Centre, a proposé d'imposer des sanctions économiques contre le gouvernement du Nigéria.

D'autres se sont demandé pourquoi le Canada consacrait autant de temps, d'énergie et d'argent, envoyant dernièrement encore des troupes canadiennes dans un autre pays des Caraïbes, Haïti, pour essayer d'y assurer la paix au retour du président Jean Bertrand Aristide qui avait été écarté, alors que nous refusons de faire quoi que ce soit pour aider à faire tomber Fidel Castro.

La politique américaine à l'égard de Cuba est-elle tellement différente de celle du Canada envers Haïti? Je dis qu'elle ne l'est pas. Néanmoins, je crois aussi qu'il est extrêmement important que la Chambre adopte le projet de loi C-54 pour mettre à jour la Loi sur les mesures extraterritoriales par suite de l'adoption, aux États-Unis, de la loi Helms-Burton.

Ma position n'a pas d'autre explication que le patriotisme, même si certains parleraient sûrement d'entêtement.

Il reste qu'en tant que fier et authentique Canadien de l'Ouest, ou de «redneck», comme les libéraux aiment à le dire, j'apprécie peu qu'un autre pays dicte au Canada la conduite de ses politiques étrangères. Je n'approuve peut-être pas la politique étrangère du Canada, mais c'est à nous qui représentons les Canadiens, à la Chambre des communes et au Sénat, d'en décider. La politique étrangère du Canada à l'égard de Cuba ou d'un autre pays ne doit pas être dictée par le gouvernement d'un autre pays ni assujettie à des sanctions rigoureuses imposées par cet autre gouvernement. Par conséquent, j'invite les députés à appuyer comme moi le projet de loi C-54.

[Français]

Le vice-président: La Chambre est-elle prête à se prononcer?

Des voix: Le vote.

Le vice-président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

Le vice-président: Je déclare la motion adoptée à l'unanimité. En conséquence, le projet de loi est renvoyé au Comité des affaires étrangères et du commerce international.

(La motion est adoptée et le projet de loi, lu pour la deuxième fois, est renvoyé à un comité.)

[Traduction]

Le vice-président: La Chambre passe main-tenant à l'étude des initiatives parlementaires inscrites au Feuilleton d'aujourd'hui.

4519


4519

INITIATIVES PARLEMENTAIRES

(1335)

[Traduction]

LOI SUR LE RÉTABLISSEMENT DE LA PEINE DE MORT

M. Bob Ringma (Nanaïmo-Cowichan, Réf.) propose: Que le projet de loi C-261, Loi visant à exiger la tenue d'un référendum sur la peine de mort et modifiant la Loi référendaire, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

-Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député de Prince George-Bulkley Valley.

Tout d'abord, il convient de préciser ce que vise le projet de loi C-261 et ce qu'il ne vise pas. Il ne propose pas directement de rétablir la peine de mort au Canada et ne veut pas dire non plus que la peine de mort est la seule peine qui convient en cas de meurtre au premier degré. Que cela soit bien clair.

Il propose que l'on demande à la population canadienne son opinion sur la peine de mort. Demandons aux Canadiens ce qu'ils en pensent. Le Canada est notre pays. Il appartient à la population et pas à l'élite politique qui sait tout mieux que les citoyens ordinaires.

Le projet de loi dit simplement «soumettons la question à l'électorat». Demandons à la population ce qu'elle veut. J'espère que ce n'est pas trop demander de notre système parlementaire. Demandons simplement au public ce qu'il pense.

Le projet de loi C-261 dit de «soumettre la question au public dans le cadre d'un référendum». Pour que cela ne soit pas trop coûteux, on propose de tenir ce référendum en même temps que les prochaines élections fédérales. Ainsi, les électeurs exprimeraient leur opinion sur la peine de mort en même temps qu'ils voteraient pour élire un député. Quel système pourrait être plus simple et moins coûteux? Les référendums peuvent être très coûteux, mais ma proposition réduit les coûts.

Arrêtons-nous maintenant la question qui serait posée. Elle demanderait simplement: «Êtes-vous d'accord pour que, si une personne est trouvée coupable de meurtre au premier degré, le juge ou le jury ait le choix entre la peine d'emprisonnement à vie et la peine capitale?» Il importe de comprendre qu'une autre possibilité existe.

Évidemment, s'il subsistait le moindre doute quant à la culpabilité de l'accusé, même si ce dernier était trouvé coupable, le tribunal opterait pour la prudence. D'autre part, dans les cas extrêmes et s'il n'y avait pas le moindre doute quant à la culpabilité de l'accusé, comme dans le cas de Clifford Olson et de Bernardo, le tribunal pourrait choisir la peine capitale comme châtiment.

Qui devrait trancher cette question, nos dirigeants, nos élites ou la population? La levée de boucliers qui se produit chaque fois qu'on pose la question me fait dire deux choses. D'abord, nos dirigeants et nos élites ne font pas confiance au jugement des gens ordinaires. En second lieu, les élites pensent qu'elles ont toujours raison. Qui plus est, elles en ont la certitude absolue.

Pendant la campagne électorale de 1993, j'ai demandé à nombre de mes électeurs de la circonscription de Nanaïmo-Cowichan de discuter avec moi de cette question avec moi quand je leur ai rendu visite. Ils craignaient qu'une fois élu j'exprimerais mon propre point de vue sur ce sujet, notamment, plutôt que de les représenter et de faire valoir le leur. Ces électeurs ont évoqué le cas de Tommy Douglas, un éminent parlementaire et l'un de mes prédécesseurs comme député de la circonscription.

(1340)

Apparemment, un sondage dans la circonscription de Nanaimo-Cowichan et les îles avait révélé que plus de 80 p. 100 des électeurs étaient favorables au maintien de la peine de mort. Or, Tommy Douglas, aussi respectable soit-il, est revenu à Ottawa et a voté en faveur du projet de loi visant à abolir la peine de mort, car cela allait contre sa conscience. C'est peut-être compréhensible, mais cela nous amène à nous demander quelle est la première obligation d'un député.

Voilà pourquoi le Parti réformiste s'est doté d'une politique touchant les questions de moralité ou de conscience personnelle. En vertu de cette politique, quand de telles questions de moralité se présentent, nos députés devraient faire trois choses. D'abord, quand on le leur demande, ils devraient faire part de leur opinion personnelle à leurs électeurs; deuxièmement, établir l'opinion de la majorité de leurs électeurs sur la question; et troisièmement, voter conformément aux voeux de la majorité.

C'est en raison de cette politique que j'ai pris des mesures concrètes pour découvrir ce que la majorité de mes électeurs souhaitait dans ce cas-là. En utilisant l'année dernière un système de télévote permettant à tous les électeurs de faire connaître leur opinion dans le cadre d'un scrutin secret, j'ai constaté que la majorité dans ma circonscription-et je suppose que c'est l'opinion de la majorité partout au Canada-était favorable au rétablissement de la peine de mort. Cette expression directe de l'opinion de mes électeurs m'a amené à préparer le projet de loi C-261 d'initiative parlementaire dont nous discutons aujourd'hui. Voilà, mesdames et messieurs, ce qu'est la démocratie en action. Cela nous fait faire un pas de plus dans la voie de la démocratie directe.

Il y en a à la Chambre, dans le pays et dans ma circonscription, à qui l'idée de démocratie directe ne plaît pas. Certains d'entre eux n'aiment peut-être pas la démocratie purement et simplement. Je crois cependant que la majorité des gens l'aiment.

Voyons les avantages qu'il y a au plan éducatif à faire trancher une question comme celle-ci dans le cadre d'un référendum annoncé bien à l'avance. Contrairement à ce qui se fait aux États-Unis, nous ne connaissons pas la date des élections. Voilà une autre lacune à laquelle le Parti réformiste voudrait remédier. Quoi qu'il en soit, nous savons quand même que des élections auront lieu au Canada d'ici deux ans. Si mon projet de loi était adopté à la Chambre, le


4520

public disposerait d'une période indéterminée de temps, à cause de notre système, mais quand même substantielle, pour débattre du pour et du contre de la peine de mort.

J'adresse l'observation suivant aux membres de la soi-disant élite. L'adoption de mon projet de loi leur donnerait amplement le temps de faire valoir leur point de vue. Il n'y a pas de raison de craindre le public. Allez lui dire ce que vous pensez et écoutez ensuite son pointe de vue. D'un côté comme de l'autre, on apprendra peut-être quelque chose, et tout le monde en profitera. Plus on connaîtra de faits, plus les opinions seront nombreuses et plus nos décisions seront judicieuses. L'information est une retombée utile de tous les référendums et cela serait particulièrement avantageux dans ce cas-ci.

(1345)

Il faut entendre le point de vue de la population. Écoutons l'opinion de ceux qui sont farouchement opposés à la peine capitale et aussi les vues de ceux qui y recourraient trop allègrement. Les gens ne sont pas stupides. Ils ont beaucoup de bon sens. Ils peuvent voir où se situent les extrêmes et trouver un compromis qui leur semble acceptable.

Il est important que cette question fasse l'objet d'un vote. Je voudrais maintenant demander le consentement unanime de la Chambre pour que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote.

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime pour que ce projet de loi puisse faire l'objet d'un vote?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: De toute évidence, il n'y a pas consentement unanime.

M. Ringma: Monsieur le Président, les non qui sont venus du côté des libéraux font ressortir le problème de démocratie que nous avons en 1996. Le problème existe d'ailleurs depuis un certain nombre d'années. Les libéraux ont peur de laisser le public exprimer son opinion. Ils ont peur des députés qui donnent leur opinion au lieu de celle dictée par l'élite, le whip et ceux qui ont toujours raison dans le Parti libéral et disent: «Ce n'est pas la position officielle du parti, ne votez pas de cette manière.» Ils ont peur des votes libres.

C'est là-dessus que je vais conclure. Laissons la chose en suspens. Il reste encore quelques minutes au débat. J'espère que les députés d'en face écoutent et qu'ils apprendront à avoir l'esprit un peu plus ouvert. Il s'agit d'un projet de loi important pour le Canada et les Canadiens. Nous savons pas mal à quoi nous en tenir sur l'opinion majoritaire.

Le vice-président: Chers collègues, le député de Nanaimo-Cowichan a fait savoir au début de son intervention qu'il voulait partager le temps qui lui est accordé avec le député de Prince George-Bulkley Valley. Je ne crois pas que le Règlement permet au député qui présente un projet de loi d'initiative parlementaire de faire cela. Il faut donc demander le consentement unanime de la Chambre.

Y a-t-il consentement unanime de la Chambre pour permettre au député de Nanaimo-Cowichan de partager le temps qui lui est accordé avec le député de Prince George-Bulkley Valley?

Des voix: D'accord.

M. Dick Harris (Prince George-Bulkley Valley, Réf.): Monsieur le Président, je suis très heureux d'avoir l'occasion d'aborder ce projet de loi.

Avant les élections de 1993, pendant la période où nous nous efforcions d' apprendre à connaître tous les gens qui nous entourent, j'ai veillé à faire une mise au point. Il y a un certain nombre de questions qui pourraient être considérées comme des questions morales ou personnelles. J'ai senti l'obligation, à titre de candidat, de bien préciser ma position.

L'une de ces questions avait trait à la peine capitale. J'ai bien précisé aux habitants de ma circonscription que, en tant que candidat du Parti réformiste, j'étais personnellement en faveur du rétablissement de la peine de mort. Je l'ai dit à tous ceux qui me posaient la question. J'ai même fait un effort pour l'annoncer afin qu'il n'y ait pas de doute à ce sujet. J'ai été élu. Je n'ai pas été élu en raison de ma position sur la peine de mort, mais grâce à l'excellent programme qu'avait élaboré le Parti réformiste.

En fin de compte, ce n'est pas l'opinion du député de Prince George-Bulkley Valley qui devrait déterminer la nature de mes interventions ou la façon dont je vote au Parlement, mais bien l'avis des gens qui m'ont élu.

J'ai donc mené, dans ma circonscription, de nombreux sondages sur divers sujets. Dans un de ces sondages, je demandais: Seriez-vous en faveur d'un référendum national à caractère exécutoire sur la peine de mort? Dans ma circonscription, 71 p. 100 des répondants étaient en faveur, 17 p. 100 étaient contre et les autres étaient indécis. Soixante et onze pour cent étaient en faveur. Cela m'a permis de croire que, pour la plupart, dans une très grande majorité, mes électeurs sont d'accord avec moi là-dessus.

(1350)

Fait intéressant à signaler, j'ai accordé récemment une interview dans ma circonscription. Nous parlions de Clifford Olson et du fait qu'il pourra, grâce aux libéraux, demander une libération conditionnelle anticipée. Que cela soit bien clair pour les Canadiens qui sont aujourd'hui à l'écoute. Clifford Olson, l'auteur de toute une série de meurtres, a le droit de demander une libération conditionnelle anticipée et cela, grâce aux gouvernements libéraux, passés et présent, dont l'idéologie est partagée par le ministre de la Justice et par le député de Notre-Dame-de-Grâce, qui était ministre de la Justice dans le gouvernement qui a accordé cette possibilité à Olson.

N'oublions jamais quelle est la position du gouvernement libéral et de ses prédécesseurs en matière de crime et de châtiment. Quoique le ministre de la Justice impose à la Chambre sous la forme de maints projets de loi qui apportent de menues retouches au système judiciaire, les Canadiens ne sont pas dupes quant à l'idéologie du gouvernement libéral.


4521

Pour en revenir à ce que je disais, Clifford Olson peut demander une audience. J'ai déjà dit que, s'il n'en tenait qu'à moi, Clifford Olson verrait sa peine suspendue. . . au bout d'une corde. Mon adjoint de comté s'est exclamé que je ne pouvais pas dire cela. Pourquoi pas, dis-je, puisque c'est ce que pensent la vaste majorité de mes électeurs. Lorsqu'il m'a demandé comment je le savais, je lui ai proposé un petit test.

Quelqu'un que je connaissais est entré, et je lui ai demandé s'il accepterait de faire un sondage d'opinion pour moi, cet après-midi-là. «Allez simplement à l'extérieur et, en respectant la composition démographique-c'est-à-dire en interrogeant des jeunes, des personnes d'âge moyen et des aînés, hommes et femmes-demandez-leur, s'ils avaient la possibilité de faire exécuter Clifford Olson, s'ils s'en prévaudraient. Demandez-leur de manière non tendancieuse et sans les influencer. » Il est allé à l'extérieur et, en déambulant simplement sur la rue, il a interrogé 37 personnes. Sur ces 37 personnes, 31 ont répondu oui sans hésiter, 4 ont dit qu'il devrait effectivement être exécuté, mais qu'elles ne pensaient pas pouvoir le faire, et 2 ont dit ne pas avoir d'opinion bien arrêtée sur cette question. Cela reflète tout à fait ce que pensent les gens de ma circonscription, mais aussi de partout au Canada.

Même si une majorité de Canadiens réclament la tenue d'un vote à ce sujet, le gouvernement libéral actuel et ses prédécesseurs libéraux et conservateurs ont refusé tout référendum sur cette question. Comment les députés d'un parti politique qui est au pouvoir, qu'il s'agisse de libéraux ou de conservateurs, peuvent-ils siéger à la Chambre, se réunir en caucus et, tout en sachant que les Canadiens souhaitent se prononcer sur cette question, décider arbitrairement et unilatéralement de ne pas autoriser la tenue d'un tel vote? Ce n'est pas cela la démocratie. Ce n'est pas la mission de la Chambre.

Si je me trompe, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice me corrigera peut-être, mais j'ai toujours cru que nous étions venus ici pour représenter les Canadiens. Va-t-il nous dire si nous sommes ici pour représenter les Canadiens? J'espère qu'il répondra à cette question. Si c'est le cas, si c'est là la raison de notre présence ici, pourquoi alors ne pas tenir un référendum national dont le résultat serait exécutoire au sujet de la peine capitale?

(1355)

Au fil des ans, une moyenne de 68 p. 100 de Canadiens s'est prononcée en faveur. Depuis les années 60, les sondages ont régulièrement montré que les Canadiens sont en faveur de la peine capitale. En moyenne, depuis les années 60, 68 p. 100 de la population a clairement indiqué qu'elle privilégiait le rétablissement de la peine capitale.

Une proportion beaucoup plus élevée de Canadiens veut avoir au moins la possibilité de se prononcer sur cette question. Les libéraux ne leur offriront pas cette possibilité. Ils se prononceront contre. Les conservateurs ne leur ont pas offert cette possibilité non plus. Pas plus que le gouvernement libéral précédent.

Nous en revenons à la question de savoir pourquoi ils sont venus ici. Sont-ils venus ici pour appuyer certains principes libéraux régissant le traitement de meurtriers ayant commis d'horribles crimes prémédités. Sont-ils ici pour appuyer les principes libéraux

relatifs aux criminels qui tuent des gens? Ce sont des meurtriers sauvages qui tuent avec préméditation et de propos délibéré. Sont-ce des principes libéraux qui devraient déterminer comment punir ces meurtriers? Je ne le pense pas. Le gouvernement actuel, comme d'autres qui l'ont précédé, a la chance d'appuyer ce projet de loi et de savoir ce que la population canadienne veut vraiment faire.

En guise de conclusion, je voudrais demander s'il y a consentement unanime à ce que ce projet de loi soit renvoyé au Comité de la justice?

Le vice-président: Y a-t-il consentement unanime à ce que le projet de loi soit renvoyé au Comité de la justice?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: Il n'y a pas consentement unanime. Le temps de parole du député est expiré.

M. Gordon Kirkby (Prince-Albert-Churchill River, Lib.): Monsieur le Président, je suis très heureux de participer au débat sur le projet de loi C-261, présenté par le député de Nanaïmo-Cowichan.

En tant que Canadiens, nous comprenons la douleur que les familles des victimes doivent endurer et trouvons ces crimes horribles. Cependant, même si l'infraction de meurtre nous répugne au plus haut point, et à juste titre, on n'a pas encore réussi à démontrer qu'on agirait dans l'intérêt public en rétablissant la peine de mort pour les personnes reconnues coupables de meurtre.

La réalité est claire. Depuis l'abolition de la peine de mort en cas de meurtre, le taux d'homicide a diminué et non augmenté. En 1975, avant l'abolition de la peine de mort en cas de meurtre, le taux d'homicide était à un certain niveau. Dans les années qui ont suivi, soit de 1975 à 1994, le taux d'homicide n'a jamais dépassé le taux de base de 1975. En 1994, ce taux se situait aux deux tiers de ce qu'il était en 1975.

La question de la peine de mort a été longuement examinée au niveau national. Après de nombreux débats sur cette question entre 1966 et 1976, la Chambre des communes a adopté en 1976, lors d'un vote libre, un projet de loi abolissant la peine de mort pour les personnes reconnues coupables de meurtre.

Le plus récent débat à la Chambre a eu lieu en 1987 lorsque le gouvernement du jour a tenu sa promesse électorale de tenir un débat sur le rétablissement de la peine de mort. Après un long débat à la Chambre des communes, il a été décidé, lors d'un vote libre, que la peine de mort ne serait pas rétablie.

Les arguments des deux côtés de la question n'ont pas vraiment changé depuis 1987. Il est facile de trouver des arguments convaincants contre la peine de mort. De tels arguments ont été présentés à la Chambre au cours des années, et je n'ai pas l'intention de les répéter aujourd'hui.


4522

Cependant, l'un des arguments les plus convaincants est peut-être la possibilité d'une erreur judiciaire. Quiconque choisirait de ne pas tenir compte de cette possibilité n'a qu'à penser à deux affaires relativement récentes, soit les condamnations injustifiées de Donald Marshall fils et de Guy Paul Morin.

(1400)

Notre système judiciaire est conçu et appliqué par des humains et les humains, on le sait, sont enclins à l'erreur. Des personnes innocentes pourraient être reconnues coupables et condamnées à la peine de mort.

Nos braves réformistes prônent le rétablissement de la peine capitale. L'un d'entre eux est-il prêt à devenir la première victime d'une erreur judiciaire? Les réformistes accepteraient-ils qu'un de leurs enfants ou leur conjoint subissent les conséquences d'une erreur? Personnellement, je ne suis pas prêt à l'accepter et je ne puis donc pas imposer ce fardeau aux autres. On ne répare pas une erreur par des excuses.

Le député de Nanaïmo-Cowichan a dit qu'en cas de doute au sujet de la culpabilité d'une personne accusée de meurtre, il fallait renoncer à l'exécuter. Cela témoigne d'une profonde ignorance du droit criminel, car si l'on doute que la personne en question a commis le meurtre, on ne la condamne pas au départ.

M. Ringma: Avez-vous des doutes au sujet de Bernardo?

M. Kirby: C'est typique du Parti réformiste. Il arrive que l'on fasse des erreurs dans les affaires relevant du droit criminel. Je ne crois pas que le Parti réformiste prend cette question au sérieux.

Le Parti réformiste veut rétablir la peine capitale dans le Code criminel à titre de panacée, mais c'est loin d'en être une. Se concentrer sur la peine capitale comme option pour les meurtres au premier degré et tenir un référendum sur cette question, c'est refuser de se pencher sur le problème plus fondamental de la façon de mieux protéger la société.

Je voudrais tourner mon attention sur la question du référendum. Le projet de loi propose la tenue d'un référendum sur le rétablissement de la peine capitale pour les meurtres au premier degré lors de la première élection générale à survenir après l'entrée en vigueur des propositions.

Les élections fédérales sont très importantes pour les Canadiens auxquelles elles offrent la possibilité de choisir et d'élire leurs représentants et leur premier ministre. Tenir un référendum en même temps que les élections générales risquerait de diminuer l'importance des élections fédérales. Ce n'est donc pas une coutume au Canada. En fait, le système électoral canadien ne prévoit pas de procédure permettant la tenue d'un référendum en même temps que les élections générales.

Le gouvernement a été élu sur la base d'un programme qui ne prévoyait pas la tenue de référendums en même temps que les élections générales, et qui ne prévoyait pas non plus l'examen de la question du rétablissement de la peine capitale. Alors que les référendums étaient une partie importante de la politique du Parti réformiste, notre plate-forme visait surtout à accroître le rôle des députés comme décisionnaires en matière de politique gouvernementale.

La question de la démocratie participative, laquelle comprend le recours à des référendums, a déjà été étudiée par un comité des Communes il n'y a pas longtemps. Le Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre a été chargé par la Chambre des communes d'étudier les diverses questions de procédure, y compris l'examen des mesures pour parvenir à une participation plus directe des citoyens, notamment par le biais de référendums ayant force exécutoire.

Toutefois, selon M. Patrick Boyer, un ancien député et auteur de plusieurs livres sur les référendums qui ont été présentés au comité, le processus référendaire ne devrait pas être considéré pour toutes les questions soumises au Parlement. Même s'il prétendait que l'on devrait permettre des référendums pour des questions non-constitutionnelles, M. Boyer était d'avis que seulement certaines questions d'importance nationale, qui débordent du mandat actuel du Parlement et n'ont jamais été discutées lors d'élections antérieures, devraient être soumises à un référendum.

Ce qui est important ici, c'est de savoir quelle est la vraie raison d'un référendum? Ils nous disent, de l'autre côté, que les sondages leur révèlent que les Canadiens sont en faveur de la peine de mort. Donc pourquoi demander un référendum, s'ils sont tellement convaincus que les Canadiens veulent le retour de la peine de mort? Je vais vous dire quelle est la vérité. Ils ne sont pas prêts à se mouiller et à dire qu'eux-mêmes sont en faveur de la peine de mort. Ils ne sont pas prêts à dire cela parce que, s'il y a une bavure, ils veulent pouvoir blâmer les Canadiens. Ils veulent jouer à Ponce Pilate, se laver les mains et dire vous avez demandé Barabas. Ils veulent pouvoir dire ici:«Vous, les Canadiens, vous avez voté en faveur. La bavure, la personne innocente qui vient de perdre la vie, ce n'est pas notre responsabilité.» De ce côté de la Chambre, nous sommes prêts à prendre nos responsabilités au sérieux. Je les prie de ne pas se camoufler derrière cet écran de fumée qu'est le référendum qu'ils nous proposent. S'ils veulent présenter une modification au Code criminel, s'ils veulent réintroduire la peine de mort, qu'ils aient le courage de se lever et de le dire ici.

(1405)

M. Epp: Monsieur le Président, j'ai une brève rappel au Règlement. Je pense que le secrétaire parlementaire a par erreur utilisé, en anglais, le terme non parlementaire de «guts», ce qui veut dire «courage» pour parler des Réformistes et j'aimerais qu'il se rétracte.

Le vice-président: Je ne pense pas que le mot «guts» soit antiparlementaire. Je n'ai pas vérifié récemment, mais je suis à peu près sûr que ce mot ne figure pas dans la liste. Si le député d'Elk Island, une personne cultivée, peut me prouver que le mot «guts» a été jugé antiparlementaire auparavant, je serai très heureux de lui donner raison. Entre-temps, nous allons poursuivre le débat.


4523

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier-Montcalm, BQ): Monsieur le Président, effectivement, je suis un peu d'accord avec le gouvernement sur ce point. Oui, la peine de mort est un sujet, une décision qui est extrêmement sérieuse et on doit y réfléchir.

Mais il y a aussi d'autres sujets extrêmement importants. Est-ce que, si on prend le principe développé par le Parti réformiste, sur chaque question importante, il faudrait qu'un gouvernement se présente devant le peuple par référendum? L'avortement, par exemple, est un sujet extrêmement important; est-ce que le Parti réformiste est en faveur d'un référendum sur l'avortement? Est-ce que le Parti réformiste veut aussi un référendum sur la façon de réduire le déficit, sur les missions de paix?

Si on parle de démocratie, je pense que la démocratie a parlé en octobre 1993 et parlera éventuellement lors des prochaines élections fédérales. Lors d'une élection, on a l'occasion de se faire demander ce qu'on pense de tel ou tel sujet. Je me souviens très bien qu'en 1993, des commettants m'ont posé des questions sur la peine de mort: «Est-ce que vous êtes pour ou contre la peine de mort, monsieur Bellehumeur?» Je répondais à la question: «Non, je ne suis pas pour la peine de mort.» Et je disais les raisons pour lesquelles j'étais contre ce principe. Pourtant, les électeurs de ma circonscription de Berthier-Montcalm m'ont quand même élu. Donc, je suis en mesure aujourd'hui de prendre la parole, au nom de mes commettants, sur un sujet comme celui de la peine de mort.

On n'est pas obligé de procéder par référendum sur chaque sujet sur lequel on pense que la population pourrait avoir une opinion divergente ou quoi que ce soit ou, comme le député du Parti libéral l'a dit, pour s'en laver les mains purement et simplement. Je pense qu'on a reçu des mandats, chacun dans nos circonscriptions respectives, pour représenter nos commettants et faire valoir l'opinion qui, nous le pensons, reflète celle de la majorité.

La façon de faire des réformistes dans plusieurs domaines, entre autres, dans le domaine de la peine capitale, est, je pense, très simpliste. On a encore vu, cette semaine, le Parti réformiste aller au plus facile sur bien des sujets. On n'aime pas les bloquistes, on trouve qu'ils sont trop présents, qu'ils sont trop dérangeants, on va essayer de leur enlever l'opposition officielle.

Cette semaine, on les a entendus parler des délinquants dangereux. On va les laisser le plus longtemps possible en prison; on va les laisser moisir là le plus longtemps possible. Que le ministre présente n'importe quoi pour renforcer la loi, ce n'est jamais assez pour les réformistes, on en veut toujours plus.

Les jeunes délinquants, c'est la même chose. On ne sait pas quoi en faire, donc, on dit: les jeunes délinquants, changeons la Loi sur les jeunes délinquants pour abaisser l'âge jusqu'à neuf et dix ans. C'est facile ça. C'est la même chose pour les meurtres au premier degré. Le plus facile, ce serait quoi? S'en débarrasser le plus vite possible; la peine capitale.

On veut bien dire par le projet de loi qu'on a devant nous, le projet de loi C-261, que ce n'est pas la question de savoir si on est pour ou contre la peine de mort.

(1410)

Dans les discours des députés du Parti réformiste que j'ai entendus, il est clair qu'ils sont en faveur de la peine de mort. C'est exprimé de façon très claire, mais on désire camoufler tout cela.

Si on regarde très sérieusement la question de la peine capitale, on se rend compte qu'en 1975-1976, lorsque le Parlement s'est penché sur cette question, il a pris la bonne décision, je pense, d'abolir la peine capitale, comme plusieurs autres pays partout dans le monde l'ont fait à travers les années. Plusieurs pays ont aboli cette peine capitale pour arriver à des conclusions.

Tout à l'heure, le secrétaire parlementaire a donné des statistiques et, effectivement, les statistiques sont bonnes. J'ai une étude très approfondie qui a été faite entre les années 1985 et 1996 où on disait qu'au Canada, après avoir enlevé la peine capitale, les infractions d'homicides, meurtres, homicides involontaires et infanticides ont diminué au Canada de 20 p. 100. Donc ceux qui pensent que si on rétablit la peine de mort on fera diminuer les meurtres et les homicides et tous ces crimes crapuleux, c'est faux. Et ça, c'est au Canada.

Si on prend la France, par exemple, dans les années 1980, elle a également aboli la peine capitale et les chiffres sont sensiblement les mêmes. Ce n'est pas parce qu'il y a la peine capitale qu'automatiquement les crimes vont diminuer, et vice versa.

Ce que j'entends souvent de la part des réformistes et de tous ceux qui prônent le rétablissement de la peine capitale, c'est la fameuse théorie de la dissuasion, mais ça ne tient pas avec les chiffres que nous avons devant nous.

On a également parlé des risques encourus de condamner des innocents et de mettre des innocents de façon involontaire sur la chaise électrique ou autre méthode pour en finir. Il y a ce volet qu'il faut également regarder. Pour ce qui est de l'inégalité de la justice, on n'a qu'à regarder ce qui se passe aux États-Unis et on se rend compte que la justice entre les riches et les pauvres, quand c'est question de chaise électrique, ce n'est pas nécessairement la même chose.

Les riches ont les moyens de se payer des avocats puis une batterie de justiciables pour éviter la chaise électrique, alors que les plus démunis devant le système sont encore plus démunis et, bien souvent, ne peuvent présenter une défense équitable, une défense qu'un riche aurait pu présenter.

Une des données qui m'a surpris est l'incertitude dans la justice qu'occasionnerait le rétablissement de la peine capitale, et peut-être que les réformistes ne savent pas cela. Encore là, lorsqu'on a aboli la peine capitale, dans les années 1960 et 1976, on s'est aperçu que cela avait eu un effet direct sur le taux de condamnation.

Toujours selon des statistiques de Statistique Canada et d'experts, je vais vous lire ce que l'un d'eux nous dit, un dénommé Mackenzie. Il nous dit qu'au Canada, entre 1960 et 1974, à l'époque


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où on avait la peine capitale, le taux de condamnation pour meurtre au premier degré était inférieur à 10 p. 100 et, après l'abolition de la peine capitale, le taux de condamnation est passé à 20 p. 100 entre 1976 et 1982, la période de l'étude.

Pourquoi? Parce que le jury qui entend la cause sait que s'il décide que M. X sera condamné ou décide que M. X a fait le meurtre, c'est la pendaison, la chaise électrique ou quoi que ce soit qui l'attend. Donc les membres du jury désirent avoir une preuve hors de tout doute raisonnable, mais encore plus. De telle façon que, bien souvent, on a un petit doute face à un individu devant nous qui pourrait être condamné à mort.

(1415)

Si c'était seulement un minimum de 25 ans de prison, peut-être qu'on dirait qu'il est coupable, mais là on a un doute. On décide qu'on ne peut trouver l'unanimité et le prévenu sera libéré.

Les chiffres sont là. En abolissant la peine capitale, il y a 20 p. 100 de condamnations; avec la peine capitale, il n'y en a que 10 p. 100. Ce sont des chiffres qu'il faut examiner. Il n'est pas vrai que l'on doive lancer un débat philosophique à travers le Canada lors d'une élection fédérale sans avoir pris connaissance de ces chiffres avant, sans avoir pris conscience-à moins qu'ils ne soient complètement irresponsables, ce que je ne pense pas-qu'ils n'aient pas examiné ces choses-là avant de présenter un tel débat, avant de demander au gouvernement de présenter un tel référendum lors des prochaines élections fédérales.

S'ils ne l'ont pas fait, je les invite à le faire. À un certain moment, on tombe dans un cercle vicieux. Plus on parle que ça va mal, plus ça va mal; plus on parle qu'il y a des meurtres, plus il y en a, il me semble. On crée une espèce de panique publique alors qu'il n'y a pas de raison. Oui, il y a des meurtres, oui il y a des choses épouvantables qui se produisent, mais je pense que la population québécoise et canadienne ne sont pas si à droite que le Parti réformiste.

Les réformistes disent souvent qu'ils représentent M. ou Mme Untel qui a perdu son enfant, et qu'elle trouve ça épouvantable et veut le rétablissement de la peine capitale.

Je termine en vous parlant d'Isabelle Bolduc qui a fait les manchettes des journaux pendant l'été. Elle a été tuée par quelqu'un qui était en libération conditionnelle, c'est un meurtrier. Mais son père, M. Bolduc, est contre la peine de mort, il l'a dit clairement. Il travaille pour une meilleure réhabilitation et réinsertion sociale.

Le problème n'est pas nécessairement si oui ou non le problème est la peine capitale. Le problème est peut-être dans l'application des règles que nous avons présentement. C'est ce que je veux dire au Parti réformiste aujourd'hui. Je ne pense pas que ce soit la majorité de ceux qui nous écoutent dans l'Ouest canadien qui pense comme les réformistes. Je suis sûr que c'est une minorité qui pense de la façon que les réformistes pensent à l'heure actuelle sur cette question.

[Traduction]

Le vice-président: Le député d'Elk Island m'a apporté une copie de Beauchesne qui montre que l'expression «has not the guts» a été jugé antiparlementaire en mai 1959. C'est il y a presque 30 ans. Son point serait excellent, sauf qu'il n'était pas à sa place lorsqu'il a fait ce rappel au Règlement.

Son bon point semble donc être annulé par le fait qu'il n'était pas à sa place. Nous prenons tous bonne note du fait qu'il existe un commentaire, comme seul un enseignant peut se rappeler, dans Beauchesne.

M. Jack Ramsay (Crowfoot, Réf.): Monsieur le Président, d'après ce que je comprends, le Règlement m'interdit d'utiliser le mot «guts» en anglais. Est-ce exact? Pourtant, cela aurait été le mot qui convient pour ce que je voulais dire de certaines observations formulées par les députés d'en face.

Je prends la parole aujourd'hui pour appuyer le projet de loi de mon collègue, le député de Nanaïmo-Cowichan, le projet de loi d'initiative parlementaire C-261. Le projet de loi C-261 vise à donner aux Canadiens la possibilité d'exprimer leur opinion sur l'une des questions les plus litigieuses de l'histoire du Canada, le recours à la peine de mort comme châtiment pour le meurtre au premier degré.

Cela me faisait drôle d'entendre mon collègue du Bloc, qui vient de prendre la parole, dire qu'il est en faveur du processus démocratique référendaire, et que la direction, l'orientation et le fonctionnement d'un pays doit suivre les voeux de la majorité qui l'a élu à la Chambre. Toutefois, maintenant qu'il est élu, il affirme que les 69 p. 100 de la population qui voudraient un référendum sur la peine de mort ou qui voudraient qu'on réexamine la question ne savent pas ce qui est vraiment dans leur intérêt et qu'ils devront lui faire confiance. C'est ce que le député libéral nous disait.

(1420)

Ces députés disent aux Canadiens qu'ils savent ce qui est dans leur intérêt lorsqu'ils les élisent à la Chambre, mais qu'après cela, sur des questions comme la peine de mort ou d'autres questions qui ont des répercussions sur les gens d'un point de vue moral, ils devront les laisser prendre les décisions, car ils savent ce qui est bon pour eux. Ils disent aussi aux gens qu'ils ne savent pas ce qui est bon pour eux, leur famille, leur collectivité ou leur nation et qu'il vaut mieux s'en remettre aux élites comme eux. C'est ce que notre vis-à-vis libéral prétend et ce que notre collègue bloquiste affirme.

Je ne veux pas m'attarder sur la question de la peine de mort. Je ne veux pas prendre davantage du temps de la Chambre pour discuter du pour et du contre de la peine de mort. J'ai choisi aujourd'hui de m'arrêter sur la question de la démocratie, car c'est le fond du projet de loi d'initiative parlementaire de mon collègue, le projet de loi C-261.

Cette mesure vise à exiger la tenue d'un référendum sur la peine de mort et à modifier la Loi référendaire. Je suis en faveur de l'utilisation de référendums nationaux pour déterminer la volonté de la majorité sur des questions morales ou controversées. Si le gouvernement libéral croyait dans la démocratie, s'il croyait vraiment que la majorité décide au Canada, il souscrirait au recours à


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des référendums nationaux et appuierait ce projet de loi d'initiative parlementaire.

Les députés libéraux mettraient de côté leur idéologie libérale et leurs préjugés personnels au sujet de la peine de mort et ils laisseraient les Canadiens, par l'entremise de ce processus démocratique, décider du sort des auteurs de meurtres au premier degré.

La définition de la démocratie qu'on retrouve dans le Gage Canadian Dictionary ressemble à celle qui figure dans la plupart des autres dictionnaires. Voici ce qu'on dit:

1) un gouvernement qui est élu périodiquement et contrôlé ainsi par les gens qui vivent sous ce gouvernement. Sous un régime démocratique, les gens décident, soit par un vote direct dans le cadre d'assemblées publiques ou de façon indirecte, en élisant des représentants pour les gouverner;
2) les idéaux et les principes d'un gouvernement de ce genre, comme l'égalité des droits et des chances et la règle de la majorité. . .
Une démocratie est formée par la volonté de la majorité, mais non des minorités, des groupes d'intérêt ou des groupes de pression. La majorité élit un gouvernement pour établir des lois et des programmes qui protègent la vie et les biens, ainsi que les libertés de tous les citoyens.

La meilleure garantie pour les gens, à titre individuel, qu'ils vont pouvoir bénéficier de libertés et droits fondamentaux, se trouve dans la volonté exprimée par une majorité bien informée.

De tout temps, les caractéristiques en question ont eu un effet stabilisateur très fort dans la société. Un groupe de nations, appuyées par leurs majorités, ont libéré le monde du régime nazi qui niait à des millions de gens leurs libertés et leur droit même de vivre et de posséder des biens.

C'est la majorité des Américains qui ont demandé que les Afro-Américains aient la liberté de voter malgré les objections d'une minorité. C'est un ensemble de nations, appuyées là encore par leurs majorités, qui ont fait reculer le dictateur Saddam Hussein.

Même s'il y a peut-être des exceptions dans l'histoire, ce sont les groupes minoritaires et les élites que représente la voix qu'on entend ici qui ont commis les plus graves violations des droits fondamentaux de la personne. Ce sont les pays où il y a gouvernement par la majorité qui ont adopté les meilleures déclarations des droits de la personne et qui les ont le mieux respectés.

Le chef des conservateurs fédéraux a fait fi de la détermination manifestée par les jeunes délégués de son parti face à la peine de mort lors de leur dernier congrès. Le Parti réformiste estime que cette décision doit être prise par la majorité des Canadiens dans le cadre d'un vote libre et ouvert, une fois que tous les aspects de la question auront été débattus.

Notre méthode est des plus démocratique. La méthode du chef conservateur ne l'est pas. Et la méthode du Parti libéral, si on s'en tient aux propos qui ont été tenus au cours du débat d'aujourd'hui, ne l'est pas davantage.

Le leadership autocratique, élitiste, dont font montre le chef conservateur et le gouvernement est le facteur qui a donné naissance au Parti réformiste du Canada et qui favorise la violation des droits fondamentaux de la personne.

Le style de leadership antidémocratique des précédents gouvernements conservateurs et libéraux ont plongé notre pays dans l'abîme, j'entends par là notre dette nationale de 600 milliards de dollars. Cette dette résulte, en bonne partie du moins, des subventions et des programmes qui ont été créés pour les groupes d'intérêts particuliers, sans le consentement de la majorité.

La plus grande menace qui pèse sur notre stabilité sociale et économique, nos familles, les simples citoyens et notre pays, c'est le pouvoir illimité que le gouvernement a d'imposer nos biens et nos richesses sans notre consentement.

(1425)

La question de la souveraineté du Québec prend le pas à l'assemblée législative provinciale sur l'aspect économique et le Bloc continue de pousser l'affaire à la Chambre malgré le fait que la majorité s'est exprimée, malgré le fait que les référendums sur la séparation du Québec ont été négatifs, non pas une fois mais deux.

Le rétablissement de la peine de mort ne saurait être décidé par le seul gouvernement libéral. Nous ne savons que trop bien de quel côté si situent les libéraux dans ce débat orageux sur la peine de mort. Nous savons de quel côté ils penchent dans le débat sur le projet de loi C-45.

Contrairement au Parti réformiste, le gouvernement libéral et le chef du Parti conservateur ne sont pas du côté des victimes assassinées et leurs familles. Le gouvernement libéral est du côté des meurtriers. On l'a vu clairement dans son opposition au projet de loi d'initiative parlementaire visant à supprimer l'article 745 et dans son appui au projet de loi C-45, qui maintiendrait la possibilité d'obtenir une libération conditionnelle anticipée pour ceux qui ont commis un meurtre au premier degré.

C'était plus évident que jamais hier, lorsque le secrétaire parlementaire a accusé les réformistes d'exploiter les familles des victimes de meurtres, ce qui, comme je l'ai dit à la Chambre, est carrément méprisable. C'est à des fins politiques que le député de Prince Albert-Churchill River nous a accusés d'exploiter les familles des victimes de meurtres. Il a déclaré: «Le Parti réformiste veut toujours parler des conséquences pour les victimes.» Oui, nous tenons toujours à parler des effets dévastateurs des meurtres sur les proches des victimes. Notre devoir et notre responsabilité consistent à décrire le traumatisme horrible que subissent les familles des victimes à la pensée que le tueur de leur fils ou de leur fille pourrait être libéré aux termes de l'article 745.

Je tiens à dire au député et à ses collègues que des familles de victimes de meurtre ont communiqué avec moi. Elles nous ont

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remerciés, mes collègues et moi, d'avoir rappelé à la Chambre, devant les Canadiens, leurs pénibles histoires et ce que l'article 745 signifiait pour elles, et d'avoir dit aux Canadiens à quel point l'article 745, la lueur d'espoir que les libéraux avaient créée pour les membres les plus sadiques de notre société, leur avait fait revivre leur cauchemar.

Si le député de Prince-Albert-Churchill River et ses collègues libéraux ne veulent pas parler des victimes, s'ils veulent rester dans leur tour d'ivoire, indifférents à la réelle douleur et à la souffrance que l'on éprouve dans le pays, ça les regarde. Quant à nous, nous resterons à l'écoute des gens, de leurs sentiments et de leurs préoccupations.

En terminant, je tiens à dire que le rétablissement de la peine de mort ne devrait pas être décidé par la Chambre, par une poignée de politiciens, mais par une majorité des Canadiens. Telle est la nature de la démocratie, c'est-à-dire le principe de la majorité, que la plupart des citoyens n'ont absolument aucun mal à comprendre.

M. Darrel Stinson (Okanagan-Shuswap, Réf.): Monsieur le Président, je dois dire tout d'abord que c'est pour moi un grand plaisir d'appuyer le projet de loi d'initiative parlementaire C-261.

Le secrétaire parlementaire a dit que nous n'avions pas assez de cran pour avouer que nous étions en faveur de la peine capitale. Je le suis, pour certains crimes, et je suis fier de le dire. Mais je ne suis pas fier d'un gouvernement qui refuse de donner aux Canadiens l'occasion de se prononcer. Cela ne m'inspire aucune fierté. C'est là qu'il y a un manque de courage. C'est en face, pas de ce côté-ci, qu'on manque de cran.

Lorsque le secrétaire parlementaire fait des déclarations semblables, je pense aux hypocrites qui sont en cause. On n'est jamais allé aussi loin dans l'hypocrisie. Le projet de loi C-261 ne met en cause ni mon opinion personnelle, ni la leur. Il propose de donner aux Canadiens l'occasion de prendre une décision, décision qui lierait le gouvernement. Ce projet de loi vise à donner leur mot à dire aux Canadiens.

S'il n'en tenait qu'à moi, la «peine capitale» serait immédiatement rétablie. Il n'en est pas de même du bon gouvernement actuel, de ce gouvernement bienveillant et généreux qui se préoccupe uniquement de sa survie et de son régime de retraite. Non. Le gouvernement actuel peut ne raconter que ce qui lui plaît aux Canadiens. À cette fin, il déformera les faits et altérera les statistiques. Il présentera des données qui n'ont absolument rien à voir avec la réalité.

Le pire dans tout cela, c'est qu'il y a en face de nombreux députés qui pensent exactement comme nous de ce côté-ci, mais qui sont soumis à une discipline interne. C'est de la politique de bas étage dans un pays qui est censé être dirigé de façon démocratique. Quand on ne permet pas à la population d'avoir voix au chapitre dans pareils débats, quand on ferme sans cesse les yeux et qu'on laisse les gens craindre pour leur vie dans les rues parce que le gouvernement n'a pas le courage de laisser les gens donner leur point de vue, c'est une honte.

(1430)

Les députés d'en face peuvent bien avoir le sourire accroché au visage, tôt ou tard, les Canadiens auront leur mot à dire. Et j'espère que ce sera bientôt.

Ce projet de loi est une bonne mesure. Il aurait dû être considéré comme une motion pouvant faire l'objet d'un vote. Les députés ministériels peuvent bien avoir l'air satisfait et dire: «Non, pas nous. Nous ne laisserons pas les gens avoir voix au chapitre dans cette affaire parce que c'est nous qui dirigeons. Nous sommes ici pour vous gouverner.» C'est ce qu'ils pensent. Ils ont perdu de vue la raison d'être d'un gouvernement. Je suis désolé que le gouvernement ait oublié cela. Comme les conservateurs avant eux et les libéraux avant les conservateurs, les libéraux croient qu'ils sont ici pour régner avec une poigne de fer. Ce qu'ils pensent, c'est «vous ferez ce que nous voulons et nous ne ferons pas ce que vous voudriez que nous fassions pour gouverner comme il se doit». Je trouve cela choquant.

J'entends les libéraux dire constamment qu'ils sont à l'écoute de la population. Foutaise. S'ils représentaient véritablement la population, ils lui donneraient au moins la possibilité de s'exprimer sur la question. Il n'appartient pas aux députés d'imposer leurs valeurs morales à la population. C'est plutôt l'inverse qui serait vrai. Tôt ou tard, les libéraux l'apprendront.

Vous n'êtes que des salariés de la population. Vous êtes embauchés par les contribuables. Vous êtes embauchés pour exprimer leurs désirs et leurs exigences. Vous pouvez dire que vous êtes élus. Ils paient votre salaire, ne l'oubliez jamais.

Le vice-président: À l'ordre s'il vous plaît. Comme tous ses collègues, le député pourrait-il adresser ses commentaires à la présidence et non directement à un député d'en face ou de son côté.

M. Stinson: Je vous remercie, monsieur le Président, vous avez raison.

Les députés à la Chambre sont embauchés. Ils ne sont pas supérieurs au commun des mortels. Les contribuables nous paient pour les représenter, et non pour faire valoir nos desiderata. C'est là que le gouvernement se trompe et que ceux qui l'ont précédé se sont trompés. Il est grand temps que les contribuables exigent que les politiciens les écoutent. Nous en avons plus qu'assez.

M. Ramsay: Nous avons une dette de 600 milliards.

M. Stinson: C'est exact. Nous avons une dette de 600 milliards. Nous traitons les criminels bien mieux que nous ne traitons leurs victimes. C'est une honte. Je sais ce qui arriverait, dans les autres pays, aux politiciens qui se croient supérieurs à la population.

Prenons par exemple les initiatives parlementaires. De nombreux députés font un travail énorme pour essayer de présenter à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire que le gouvernement refusera simplement d'examiner le moment venu. Notre plus grave erreur à l'égard des initiatives parlementaires est de ne pas considérer que tous les projets de loi qui ont franchi l'étape du tirage au sort sont dignes de faire l'objet d'un vote. Cette partie des travaux devrait être exempte de toute politique.

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Le projet de loi C-261 est la preuve incontestable du fait que nous nous sommes engagés, en arrivant à la Chambre, à tenir des référendums afin de consulter la population et que nous respectons sa décision. C'était une promesse du Parti réformiste. J'ai suivi les déclarations des ministériels. Les députés d'en face disent: «Comment pouvez-vous faire une telle chose?» Ils se croient beaucoup plus intelligents que le reste de la population et ils ont terriblement tort.

Nous étions tous animés par de tels idéaux lorsque nous sommes arrivés ici après avoir été élus. Il est étrange de voir à quel point les idéaux sont disparus chez les gens d'en face. Leurs idéaux ont été complètement anéanti. Ils devraient s'en souvenir. Ils doivent toujours se raser et se regarder dans le miroir le matin. Je me demande parfois comment ils peuvent le faire lorsqu'ils permettent les choses qui se passent dans notre pays.

Le droit d'accorder un référendum aux Canadiens semble toujours être au programme. Ce n'est pas la première fois que cette question est présentée à la Chambre, et ce ne sera pas la dernière, tant que leur souhait n'aura pas enfin été exaucé et qu'ils ne pourront pas voter sur cette question. J'espère que le gouvernement leur accordera au moins ce droit aux prochaines élections fédérales. Il serait alors étonné de l'opinion de la population.

[Français]

Le vice-président: Collègues, la période prévue pour l'étude des Affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est rayé du Feuilleton.

[Traduction]

Comme il est 14 h 33, la Chambre s'ajourne à 11 heures, lundi.

(La séance est levée à 14 h 35.)