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ENSU Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON ENVIRONMENT AND SUSTAINABLE DEVELOPMENT

COMITÉ PERMANENT DE L'ENVIRONNEMENT ET DU DÉVELOPPEMENT DURABLE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 17 mars 1998

• 0913

[Français]

Le président (l'hon. Charles Caccia (Davenport, Lib.)): Bonjour, mesdames et messieurs. Nous avons le quorum nécessaire pour commencer. Je voudrais souhaiter à tous la bienvenue, particulièrement à M. Asselin, un ancien membre de ce comité qui vient d'y revenir. Nous avons regretté votre absence.

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Vous vous êtes ennuyés de moi, monsieur le président.

Le président: Oui.

[Traduction]

Avant de souhaiter la bienvenue à notre témoin, permettez-moi de signaler à votre attention cette pochette de documents qui est arrivée ce matin dans nos bureaux respectifs. Elle a été préparée à en réponse des questions posées par des membres de notre comité à des fonctionnaires d'Environnement Canada, lors de notre rencontre il y a deux semaines, sur un certain nombre de problèmes en rapport avec l'application de la loi.

La pochette comporte un manuel de formation ainsi que les renseignements requis pour les rapports d'application de la législation environnementale, si bien que ce sont des documents très indigestes et tout frais. Il s'agit d'une comparaison du projet de loi C-74 avec les lois provinciales, de renseignements pour aller de l'avant et d'autres choses.

• 0915

La seule raison de mon intervention réside dans le fait que vous recevez des tonnes de documentation tous les jours et que vous voudrez peut-être vous assurer que cette pochette ne finira pas sur une étagère, pour ainsi dire.

Au nom du Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick, nous avons devant nous ce matin Juli Abouchar, qui ne nous est pas inconnue. Elle a comparu devant notre comité à maintes reprises dans le passé au nom de cet excellent organisme dont elle est responsable.

Sans plus tarder, aimeriez-vous commencer en français ou en anglais, à votre choix. Je vous souhaite encore une fois la bienvenue.

Mme Juli Abouchar (directrice générale, Conseil de la conservation du Nouveau-Brunswick): Merci, monsieur le président. C'est un honneur d'être ici aujourd'hui pour vous parler de ce problème crucial.

J'estime que l'aspect le plus important de ce problème, même si nous parlons d'aquiculture, n'est pas le sujet vedette mais l'effet d'une entente administrative entre le Nouveau-Brunswick et le Canada, qui tente principalement d'harmoniser la réglementation applicable à l'aquiculture. Son importance est celle d'un exemple d'une entente d'harmonisation, d'une entente administrative précoce.

Je vais passer en revue le mémoire. Étant donné que nous avons du temps, je consacrerai d'abord 10 à 15 minutes à survoler le mémoire et ensuite nous passerons aux questions.

Le mémoire aborde trois sujets relatifs à l'aquiculture au Nouveau-Brunswick.

Le premier sujet est l'absence de réglementation environnementale spécifique à cette industrie. Le deuxième est un manque d'application des dispositions de la Loi sur les pêches traitant de façon générale de la prévention de la pollution, et le troisième est la question du partage des compétences dans l'industrie et dans le contexte d'une entente administrative, nommément le protocole d'entente Canada—Nouveau-Brunswick sur la mise en valeur de l'aquiculture. Au coeur de tous ces sujets, se trouve l'échec de l'entente fédérale-provinciale qui a principalement harmonisé la réglementation applicable à l'industrie de l'aquiculture.

Pour vous donner un historique rapide, l'industrie de l'aquiculture a débuté en 1979 mais a connu un départ lent en attendant l'injection de fonds importants sous forme de subventions aux détenteurs de permis par l'Agence de promotion économique du Canada atlantique (APECA). Ensuite, de 1984 à 1997, l'industrie de l'aquiculture a connu une croissance exponentielle et, comme le montre l'exposé, en prêtant très peu attention aux considérations d'ordre environnemental.

Je vais commencer maintenant par vous parler des incidences de l'industrie sur l'environnement.

Le président: Veuillez m'excuser de vous interrompre pour quelques instants. Vous utilisez comme document celui qui est intitulé «L'application de la législation environnementale fédérale», n'est-ce pas?

Mme Juli Abouchar: Oui.

Le président: Ce document a été distribué à tous nos membres, si bien qu'il n'y a aucun problème. Veuillez poursuivre.

Mme Juli Abouchar: Dois-je supposer qu'il a été lu et continuer...

Le président: Passez-le en revue.

Mme Juli Abouchar: Très bien. Je vais le passer en revue d'une façon assez détaillée, mais pas excessive.

À propos des incidences environnementales de l'industrie, j'ai été surprise de lire l'autre jour dans une phrase du Telegraph Journal, le journal du Nouveau-Brunswick, une mention du désastre écologique qui touche l'industrie de l'aquiculture au Nouveau-Brunswick. La déclaration a été attribuée à des chercheurs, ce n'est donc pas seulement le Conseil de la conservation qui considère ce qui est arrivé là comme un désastre écologique.

Les incidences environnementales comprennent une couche très épaisse de boue de mariculture composée principalement des déjections des poissons et de la nourriture inutilisée qui s'accumulent sous les cages. Les accumulations étaient si importantes en 1992-1993, exercice pour lequel nous avons les dernières données—et je vais expliquer pourquoi dans un instant—qu'un quart des secteurs était fortement dégradé. Cela signifie une couche épaisse de boue formant des bulles composées de gaz différents—sulfure d'hydrogène, ammoniaque, méthane, dioxyde de carbone, absence d'oxygène. En gros, la seule espèce qui pourrait vivre dans ces secteurs fortement dégradés ce sont les vers.

• 0920

Nous ne disposons pas de données récentes parce que, depuis 1994, la responsabilité de la surveillance de l'environnement a été transférée du ministère de l'Environnement à l'industrie elle-même et les données ont été jugées confidentielles lorsque nous les avons demandées. En outre, une députée a demandé que ces rapports soient déposés à la Chambre, ce qui a également été refusé. Le public n'a vu aucun rapport de surveillance de l'environnement depuis 1992-1993 en raison de la décision du ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick de transférer toutes les responsabilités de surveillance à l'industrie.

Ici, la principale préoccupation concerne les substances nutritives qui sont regroupées sous les cages. Les répercussions se font sentir au-delà des cages elles-mêmes. L'azote et le phosphore sont très préoccupants. Pour vous donner une idée de la quantité de ces substances nutritives déposées dans les élevages dans la baie, d'après les calculs que nous avons effectués jusqu'à présent leur montant équivaut en gros aux eaux d'égout non épurées rejetées par une population de 87 000 à 200 000 habitants. On compare ces chiffres à la population du comté de Charlotte qui compte tout juste 30 000 habitants. La quantité d'azote et de phosphore qui se retrouve dans ces secteurs est donc nettement supérieure à l'équivalent en eaux d'égout non épurées rejetées par la population locale. Je ne veux pas dire qu'il s'agit d'eaux d'égout non épurées qui rentrent; je dis que, si tel était le cas, ce serait nettement plus que ce montant.

La quantité est également nettement supérieure à toute autre source comme les usines de pâtes et papiers, les usines de traitement des eaux usées, les eaux de ruissellement, et même l'usine de mise en conserve des sardines dans la région.

Une quantité importante de substances nutritives est simplement déversée et se retrouve sous les cages.

Cela prouve que l'hypothèse du développement intégral de l'industrie, à savoir que les marées viendraient lessiver la boue durant les mois d'hiver et qu'il n'y aurait pas de répercussions au-delà du secteur des cages, est fausse. Ces deux prémisses se sont révélées erronées car nous constatons maintenant une destruction écologique dans toute la région de la baie de Fundy où se trouvent les fermes piscicoles.

Ce sont là les incidences environnementales. Les répercussions sur les poissons eux-mêmes sont également assez étonnantes.

Tout d'abord, les poissons ne vivent pas dans un milieu très agréable. Ils sont surpeuplés et ils se livrent une dure concurrence pour la nourriture qui leur est jetée. Cela les stresse. Si vous ajoutez à cela le stress découlant de la présence de toute cette boue qui s'accumule sous les cages, vous avez une situation propice aux maladies. C'est en fait ce qui s'est passé. Dans les années 80, le taux de mortalité se situait aux environs de 5 p. 100 et il a maintenant atteint 20 p. 100.

La première épidémie a été une maladie d'origine bactérienne appelée vibriose en eaux froides et elle a eu lieu en 1993. Depuis lors, nous avons assisté à beaucoup d'autres. L'année suivante, il y a une infestation de poux du poisson qui a coûté à l'industrie près de 35 millions de dollars sur deux ans en perte de saumons.

En réaction, les détenteurs de permis ont exercé des pressions sur le gouvernement pour faire approuver certains insecticides afin de lutter contre les poux du poisson. Le peroxyde d'hydrogène et la pyréthrine ont été approuvés, mais dans le cadre d'un processus d'urgence ultra rapide. Croyez-le ou non, ces insecticides n'ont fait l'objet d'aucun test en milieu marin. Ils sont habituellement utilisés à d'autres fins, mais ici on en a versé dans les cages et directement dans les eaux.

Un autre pesticide utilisé couramment, bien que de façon illégale—il n'est pas approuvé—est la cyperméthrine. Elle provoque des troubles endocriniens et elle est très toxique pour le poisson. Elle est si toxique qu'une bataille juridique est maintenant engagée par suite de la mort d'un grand nombre de homards—60 000—dans un vivier situé près de cages à saumons. On a décelé des traces de cyperméthrine dans les carcasses de homards morts. On a donc des preuves que la cyperméthrine est toxique et le MPO et les autorités provinciales ont simplement fermé les yeux sur son utilisation.

• 0925

En passant, une seule accusation a été portée en vertu d'une loi quelconque à propos des activités de l'industrie de l'aquiculture, et il s'agissait d'une poursuite en vertu de la Loi provinciale sur le contrôle des pesticides. L'amende n'a été que de 500 $ et c'était pour une utilisation illégale de la cyperméthrine.

Plus récemment, nous avons subi une autre maladie, l'anémie infectieuse du saumon. Il s'agit d'un virus mortel qui est très contagieux. Il a touché le quart des piscicultures de saumon. En décembre 1997, le gouvernement du Nouveau-Brunswick a ordonné l'abattage de tous les poissons de la classe de 1997, de tous ceux qui avaient un an en 1997. Et en date de février de cette année, environ 200 000 poissons avaient été abattus, et un million d'autres attendent d'être tués. Comme on pouvait s'y attendre dans une telle situation, le gouvernement provincial exerce maintenant des pressions sur le MPO pour qu'il participe à un programme d'indemnisation des titulaires de permis.

Ceci prouve assez clairement que la qualité de l'environnement marin a été dégradée par l'aquiculture. Plus précisément, elle a eu des conséquences négatives sur les espèces marines et sur l'habitat du poisson. Comment cela est-il arrivé?

Je vais maintenant aborder les questions de compétence en matière d'environnement et d'application de la loi, qui sont les principaux sujets qui nous préoccupent aujourd'hui. Comme nous le savons tous, la Loi fédérale sur les pêches comporte des dispositions de prévention de la pollution qui couvrent clairement le dépôt de substances délétères dans le milieu marin. Pourtant, ni le ministère fédéral des Pêches, ni Environnement Canada n'ont pris la moindre initiative pour porter des accusations dans de telles situations.

Pour justifier cette inaction, ils invoquent cette entente administrative, le protocole d'entente Canada—Nouveau-Brunswick sur la mise en valeur de l'aquiculture. J'en ai apporté un exemplaire avec moi au cas où les membres du comité aimeraient voir le texte de l'entente elle-même. Je pense que l'entente est assez révélatrice parce qu'elle se contente avant tout de faire ce que fait l'entente d'harmonisation. Je passerai en revue quelques-unes des dispositions importantes pour étayer cette thèse.

Tout d'abord, le protocole d'entente ne confère pas au MPO un droit de veto. Toutefois, il comporte une clause de dérogation qui stipule clairement que «le Canada peut prendre les mesures jugées nécessaires pour protéger des questions qui sont de son ressort». Par conséquent, même s'il n'a pas de droit de veto, il se réserve à lui-même, au gouvernement fédéral, le pouvoir de prendre les mesures nécessaires dans les domaines de son ressort.

En outre, l'entente stipule spécifiquement qu'elle ne limite nullement les pouvoirs constitutionnels et législatifs respectifs des parties. Cela ressemble à ce que l'entente d'harmonisation prétend faire: protéger les pouvoirs traditionnels.

Malgré ces protections, le MPO a joué un rôle de non-intervention. Au lieu d'utiliser ces protections, il respecte toutes les contraintes imposées par le protocole d'entente. Plus précisément, le protocole d'entente stipule que «le Canada continuera de mener et de parrainer des activités de R-D scientifique». C'est par essence tout ce que le gouvernement fédéral a fait à propos de l'aquiculture dans la région, se concentrer sur la R-D; c'est là qu'il a consacré toutes ses ressources.

Par ailleurs, l'entente donne expressément au Nouveau-Brunswick le droit d'accorder des permis et des baux sur tous les types d'installations et d'exploitations d'aquiculture, en conformité de ses propres règlements, mais elle stipule également textuellement «en conformité de toutes les lois fédérales pertinentes». Malgré cet avertissement, à savoir que la province est supposée accorder des permis en conformité de la réglementation fédérale, il n'existe pas de conditions d'émission des permis en rapport avec la protection de l'environnement ou la protection de l'habitat du poisson ou d'interdiction de rejeter des substances délétères dans l'environnement marin. L'octroi des permis s'attache à des limites concernant la densité de l'empoissonnement et la distance entre les cages. Il oblige également les exploitants à signaler les maladies et à préciser les médicaments et les pesticides utilisés.

• 0930

Il n'y a aucune obligation explicite. Il y a l'obligation d'effectuer une surveillance de l'environnement, que j'ai déjà mentionnée. Ces rapports ne sont pas disponibles au public. Il n'y a pas de seuils qui déclencheraient une intervention du ministre en cas de préjudice grave à l'environnement. Il n'y a pas de véritable protection. Il n'y a pas de normes ou de critères visant à établir un seuil de préjudice à l'égard de l'environnement.

Le MPO n'a aucun rôle précis à jouer dans l'établissement des conditions d'octroi des permis, en dehors d'un rôle consultatif. C'est un autre volet du protocole, à savoir que le gouvernement du Canada a le droit de faire des commentaires sur les permis. Il participe à ce processus de dénombrement par le biais d'un comité qui est composé de deux membres du MPO et d'un membre du ministère des Pêches et de l'Aquiculture du Nouveau-Brunswick. Il a un rôle purement consultatif.

À maintes reprises, le comité a recommandé très fermement de ne pas approuver des permis. Plus précisément, en 1997, le comité a recommandé le rejet de sept des huit nouvelles demandes de permis. Le ministre provincial n'en a rejeté qu'une. Le gouvernement fédéral est essentiellement relégué à un rôle consultatif dans ce dossier et ses commentaires ne sont pas pris en considération.

Un autre volet pertinent du protocole d'entente stipule que les deux parties doivent collaborer à l'établissement de critères pour l'octroi de sites d'aquiculture. Même si les critères sont établis d'un commun accord, les fonctionnaires du MPO qui observent le processus prétendent qu'il n'y a aucune application apparente des critères par le gouvernement provincial.

Le protocole d'entente comporte une autre disposition intéressante qui est essentiellement une clause d'harmonisation. Ce que cela signifie, c'est que si un tribunal compétent conclut qu'un règlement est ultra vires, le gouvernement qui a compétence en la matière est prié d'adopter un règlement semblable, quant au fond, à celui qui a été mis en oeuvre par le gouvernement n'ayant pas compétence en la matière.

J'y reviendrai parce que cela prête un peu à confusion. Ce que cela signifie, c'est que lorsqu'il y a une question de compétence constitutionnelle... Disons que, dans ce cas, le gouvernement fédéral voulait contester l'autorité du gouvernement provincial en matière d'adoption de règlements concernant les pêches, et disons que le gouvernement fédéral a gagné. Selon ce protocole d'entente, il serait donc tenu d'adopter, quant au fond, le même règlement que celui de la province. Il serait tenu d'adopter ce règlement par le biais de son propre mécanisme constitutionnel. Dans le fond, il y a ici une tentative d'harmonisation en faveur du niveau provincial.

Ce que le protocole d'entente fait ici, c'est de conférer au gouvernement provincial la responsabilité administrative de la réglementation de l'industrie par l'octroi de permis et de baux. Par la même occasion, il confère ensuite aux deux parties un pouvoir d'inspection. Il semble y avoir là une contradiction. Un pouvoir consiste à être la seule autorité administrative et l'autre pouvoir est un pouvoir d'inspection. Le gouvernement fédéral a le pouvoir d'inspecter, mais c'est avant tout un voeu pieux puisque cela n'arrive pas. Aucune accusation n'a été portée en vertu de la Loi sur les pêches ou de la Loi sur l'aquiculture. L'inspection est avant tout un voeu pieux.

• 0935

Un autre volet de cette entente qui traduit ou rappelle l'entente d'harmonisation stipule que les deux parties doivent s'efforcer de supprimer tout obstacle—et je vais lire le texte exactement:

    [...] s'engagent à supprimer ou modifier tout instrument législatif ou administratif susceptible de faire obstacle à la mise en oeuvre de la présente entente.

Par conséquent, même si d'autres articles de l'entente stipulent que les deux parties conserveront leurs responsabilités législatives, elle exige également que les deux parties modifient leurs instruments législatifs ou administratifs respectifs susceptibles de faire obstacle à la mise en valeur de cette industrie.

C'est en gros ce qui s'est passé dans la pratique. Les deux paliers de gouvernement ont affirmé qu'ils appuyaient sans réserve l'aquiculture comme panacée pour résoudre le problème que nous rencontrons dans notre industrie des pêches, et les emplois ont eu préséance sur le développement durable et prudent de cette industrie.

Que l'un des deux paliers de gouvernement ait supprimé ou non les obstacles législatifs n'est pas pertinent puisque le gouvernement fédéral a carrément ignoré ces exigences législatives. Je pense à l'article 36 de la Loi sur les pêches, la clause concernant les substances délétères, et également à l'article 35 concernant la destruction de l'habitat du poisson. Bien que les obstacles n'aient pas été explicitement supprimés, ils ont tout simplement été ignorés.

Que faudrait-il faire dans cette situation? Pour répondre à cette question, je mentionne deux autres articles de l'entente. L'entente peut être modifiée d'un commun accord entre les parties et, en outre, l'une ou l'autre des parties peut mettre fin à l'entente.

Le Conseil de la conservation recommande qu'étant donné que le protocole d'entente est un échec sur le plan de la protection de l'habitat du poisson et de la qualité de l'environnement marin, le Canada devrait vraiment donner avis qu'il souhaite modifier l'entente en stipulant que le gouvernement fédéral, le MPO, doit posséder un droit de veto sur l'approbation de tout site dont on a des motifs raisonnables de croire qu'il menace de détruire ou d'affecter l'habitat du poisson.

En outre, le gouvernement fédéral devrait avoir le pouvoir d'inclure des exigences spécifiques en matière de performance environnementale dans les permis. Si le MPO s'inquiète de l'accumulation de boue sur un certain site, il devrait pouvoir imposer des conditions à l'octroi du permis afin d'exiger qu'elle soit enlevée, ou d'exiger des cages en milieu fermé ou d'exiger la prise de certaines mesures qui résoudraient le problème environnemental.

Si le Nouveau-Brunswick devait rejeter les modifications proposées, le Conseil de la conservation suggère que le gouvernement fédéral devrait simplement se retirer, devrait mettre fin à l'entente, parce qu'elle n'a pas prévu les responsabilités du gouvernement fédéral en matière de protection de l'habitat du poisson.

À la place de cette entente, et pour combler le vide qui existe à l'heure actuelle dans la législation, il y aurait lieu de rédiger des règlements sur la performance environnementale concernant l'industrie de l'aquiculture aux termes de la Loi fédérale sur les pêches.

En outre, Environnement Canada ne possède actuellement qu'une seule station chargée de veiller à l'application de la législation en matière de pollution dans le cadre de la Loi sur les pêches. Les autres volets de la Loi sur les pêches ont peut-être des agents des pêches chargés de leur application, mais il n'y a qu'une seule personne au Nouveau-Brunswick pour faire appliquer les dispositions de la loi en matière de prévention de la pollution. Il faut absolument remédier à cette situation.

Il faudrait consacrer des ressources à la mise en application de la Loi sur les pêches et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement (LCPE) au Nouveau-Brunswick—dans la région de l'Atlantique mais surtout au Nouveau-Brunswick—pour améliorer la capacité d'inspection des sites d'aquiculture en particulier et pour faire respecter les règlements applicables.

De plus, nous suggérons que la partie III de la LCPE, celle qui traite des substances nutritives, soit modifiée de manière à inclure explicitement le dépôt dans les eaux marines de nitrates et de phosphates provenant d'exploitations d'aquiculture. Il faut rédiger un règlement visant à limiter la charge de substances nutritives dans les eaux marines provenant de cette source.

Enfin, nous recommandons que le comité entreprenne un examen de cette entente administrative dans le contexte de l'examen de l'entente d'harmonisation qui doit avoir lieu tous les deux ans. L'efficacité de cette entente administrative est d'une importance capitale au niveau des problèmes d'harmonisation et des obstacles que nous rencontrerons avec l'entente d'harmonisation.

• 0940

Nous apprécions l'occasion qui nous est donnée de présenter ces préoccupations devant le comité et il nous serait grandement utile que le comité puisse nous donner une certaine orientation quant à la compétence du gouvernement fédéral dans ce domaine. Il y a beaucoup de flou. Nous parlons de la baie de Fundy. Le gouvernement fédéral revendique cette région car elle comporte des eaux intérieures au Canada et pourtant les deux provinces la revendiquent également en disant qu'elle est de leur compétence.

Jusqu'à présent, le gouvernement fédéral s'est en fait tenu à l'écart mais il a également maintenu son pouvoir constitutionnel par le biais de cette entente administrative, en conservant principalement une sorte de pouvoir théorique seulement, mais sans intervenir sur le terrain.

Cette démarche nous préoccupe également. Nous demandons aussi votre opinion quant au rôle approprié du gouvernement fédéral en cette matière.

Le président: Permettez-moi non seulement de vous remercier de témoigner devant nous mais également de vous féliciter pour ce mémoire des plus intéressant que vous avez préparé. Il nous donne un aperçu complet d'une situation dont nous avons entendu parler par bribes au fil du temps, mais jamais d'une façon aussi bien coordonnée. Votre exposé présente assurément aux membres de notre comité un tableau plutôt alarmant dont nous devrons tenir compte dans notre rapport.

Nous allons maintenant effectuer un bon tour de questions. Lorsque nous en aurons terminé avec les questions, nous nous réunirons à huis clos pour parler des activités futures—en particulier du voyage à Washington, de la LCPE et du changement climatique. Nous aurons également une discussion sur le contenu éventuel du rapport sur l'application des dispositions législatives. J'inviterai Mme Hébert à nous donner un bref aperçu des problèmes qui ont surgi jusqu'à présent.

Je tiens à vous rappeler que tout cela figure à notre programme avant d'ajourner aux environs de 11 heures.

Pour commencer, comme d'habitude, nous avons M. Casson.

M. Rick Casson (Lethbridge, Réf.): Merci, monsieur le président.

Je tiens également à vous remercier d'être venue témoigner aujourd'hui et de nous avoir apporté cette étude très instructive.

Vous avez appelé cela un désastre écologique. Les dernières données publiées remontent à 1992 et 1993. Vous avez parlé de la mort ou de l'abattage d'un poisson sur cinq à l'heure actuelle.

Pourquoi quelqu'un—et ce n'est peut-être pas une question honnête à vous poser, mais elle me chagrine—investirait-il de l'argent et surmonterait-il toutes ces tracasseries en vue de créer cette entreprise pour ensuite la détruire avec du poison et toutes les autres choses dont vous nous avez parlé? Quelle est la situation actuelle de l'industrie? Est-elle encore en croissance? Commence-t-elle à péricliter? Est-elle finie? Que s'est-il passé?

Mme Juli Abouchar: Je ne suis pas vraiment la personne qualifiée pour répondre à cette question. Il faudrait la poser au gouvernement provincial. Ceci étant dit, je peux vous faire une mise à jour sur la situation de l'industrie.

L'infestation de poux du poisson se poursuit. On m'a dit qu'il y avait des cas de poux du poisson cet hiver. C'est une situation sans précédent d'avoir des poux en hiver. Un million de poissons sont en attente d'être abattus pour essayer de régler le problème. Il y a encore des permis en attente d'être approuvés.

Il semble que tout cela a eu une incidence préjudiciable sur l'industrie, mais on dirait que le processus d'octroi de permis se poursuit encore. Certains indices font penser que la province envisage d'accorder du temps à certaines des régions les plus infestées pour se mettre en jachère, en quelque sorte, et disposer d'une période de six mois pour faire un grand nettoyage. L'intention est assurément de continuer cette industrie et de prendre certaines mesures provisoires pour régler le problème, mais nous devons envisager une réglementation meilleure et plus durable de l'industrie.

• 0945

M. Rick Casson: La subvention de 45 millions de dollars qui a été accordée par les gouvernements, s'agissait-il de fonds d'immobilisations pour fabriquer des cages et d'autres choses ou s'agit-il d'un montant suivi? La subvention est-elle toujours versée?

Mme Juli Abouchar: En autant que je sache, c'était sous forme de prêts pour démarrer l'industrie. Je n'ai pas suffisamment de renseignements pour vous dire si on accorde encore ces prêts. À mon avis, il s'agissait de fonds de démarrage.

M. Rick Casson: Vous avez parlé de la destruction de homards d'une valeur de 700 000 $. Ces homards sont-ils également élevés ou sont-ils...

Mme Juli Abouchar: Oui, il s'agissait de homards dans un vivier, si bien qu'on les aurait attrapés pour les garder dans un bassin.

M. Rick Casson: Y a-t-il des problèmes du même genre dans cette industrie—le surpeuplement et les maladies?

Mme Juli Abouchar: Je ne suis pas une spécialiste de l'industrie du homard, je suis désolée. Je tiens également à souligner que Janice Harvey est l'auteur de ce rapport, si bien que toutes les félicitations devraient lui être adressées.

À ma connaissance, le homard ne passe pas beaucoup de temps dans le vivier. Il ne rencontre donc pas les mêmes problèmes.

M. Rick Casson: Juste une autre question, monsieur le président, si vous le permettez. Dans la nouvelle entente d'harmonisation signée récemment, voyez-vous quelque chose qui permettra d'atténuer certains des problèmes dont vous avez parlé ou seront-ils aggravés, à votre avis?

Mme Juli Abouchar: Non, je pense que l'entente d'harmonisation n'atténuera pas les problèmes mais les aggravera. Si l'entente confère aux provinces le contrôle sur les industries, principalement sur les émissions industrielles, et ne réserve au gouvernement fédéral que le contrôle sur l'industrie en activité sur les terres fédérales—cette industrie se trouve dans les eaux situées au large de la côte qui sont des eaux contestées par les provinces et par le gouvernement fédéral—les incertitudes se perpétueront et je ne vois pas comment l'entente d'harmonisation pourra résoudre les problèmes. J'estime que l'entente d'harmonisation adoptera les mêmes approches que cette entente et je ne vois pas comment cela pourra améliorer la situation.

Le président: Merci, monsieur Casson.

[Français]

Monsieur Asselin, s'il vous plaît.

M. Gérard Asselin: Bonjour et bienvenue au comité.

Je voudrais que votre voyage du Nouveau-Brunswick à Ottawa soit des plus efficaces et que vous repartiez avec la satisfaction d'avoir obtenu certaines réponses ou d'avoir vu le gouvernement fédéral écouter sérieusement vos revendications de ce matin concernant l'aquaculture, les habitats et la pollution de l'environnement marin.

Voici la question que je voudrais vous poser. On parle d'absence d'entente. Est-ce qu'il y a une absence totale d'entente ou s'il y a des ententes dans les champs de compétence que se partagent le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial? Vous savez, au Québec comme au Nouveau-Brunswick, le gouvernement provincial est élu. Il y a aussi dans les provinces des ministères de l'Environnement. Elles veulent être maîtres chez elles et elles souhaitent qu'on respecte leurs champs de compétence.

Voici ce qui cause souvent certains problèmes. Le gouvernement fédéral signe une entente avec le gouvernement provincial en lui disant que oui, il va collaborer, que oui, il va apporter des ressources, que oui, il sera un allié ou un partenaire du ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick, mais lors de coupures budgétaires, il y a un retrait de ressources humaines et aussi de ressources financières, et le gouvernement de la province se retrouve à faire face seul aux problèmes environnementaux, entre autres au niveau de l'aquaculture. Si on ne s'en occupe pas, cela a pour effet, avec le temps, de détruire l'habitat et la ressource naturelle elle-même qu'est le saumon.

• 0950

Il y a également la pollution de l'environnement marin. Comme vous l'avez très bien dit, les eaux appartiennent au fédéral, mais je pense qu'il doit y avoir un partage des responsabilités entre la province et le fédéral. À ce moment-là, on pourrait blâmer le gouvernement qui n'assume pas ou qui n'assume que partiellement ses responsabilités.

J'aimerais, pour nous et pour le bénéfice du comité, qu'on donne suite à notre rencontre de ce matin en tentant de régler les problèmes que vous retrouvez au niveau de l'aquaculture. Je sais que vous faites sept recommandations, mais selon vous, quelle entente pourrait être la plus bénéfique et éliminerait les chevauchements et les dédoublements? Quand il y a des ententes, c'est toujours la faute de l'autre gouvernement quand ça ne marche pas.

[Traduction]

Mme Juli Abouchar: Merci pour vos commentaires. Je suis d'accord avec la majorité de vos propos. Je ne pense pas que le problème et la solution résident ici dans une sorte d'entente magique mais j'estime que les deux paliers de gouvernement devraient plutôt assumer la responsabilité des questions qui relèvent de leur compétence.

Dans ce cas précis, le gouvernement fédéral a une certaine responsabilité à laquelle il a renoncé et si c'est un problème de ressources, un problème de capacité, alors il faut l'aborder. À mon avis, ce n'est pas une question de trouver des mots magiques dans une entente, mais plutôt une question de volonté politique, celle du gouvernement fédéral d'exercer son pouvoir de protection de l'habitat du poisson.

[Français]

M. Gérard Asselin: Monsieur le président, en terminant, j'aimerais poser une question complémentaire. Est-ce qu'il existe une telle entente? Et si une telle entente existe, pourquoi est-ce que ça ne fonctionne pas?

[Traduction]

Mme Juli Abouchar: J'estime que l'entente doit être moins condescendante que dans les tentatives qui ont été faites, surtout dans l'entente d'harmonisation. Il faut en revenir aux rouages essentiels et inciter chaque palier à agir au lieu de renvoyer la balle à l'autre. Si c'est une question de synchronisation, il faut préciser que vous agirez dans le cadre d'un échéancier sinon l'autre palier agira. Il faut vraiment se concentrer sur la façon d'exercer la responsabilité que chaque palier doit assumer au lieu de se concentrer sur une grande intention, situation que je constate dans l'entente.

Le président: Merci, monsieur Asselin. Madame Kraft Sloan, suivie de M. Knutson.

Mme Karen Kraft Sloan (York-Nord, Lib.): Merci. Pour une personne qui est principalement végétarienne, en dehors de manger du poisson, votre exposé de ce matin donne plutôt matière à réflexion.

Je me demande si vous êtes au courant d'études effectuées au Canada ou ailleurs dans le monde sur les incidences de la consommation de poisson d'élevage sur la santé, surtout dans des conditions épouvantables comme celles-ci.

Mme Juli Abouchar: Non, je n'ai pas connaissance de telles études. De fait, la province est d'avis qu'il n'y a pas de répercussions sur la santé humaine. Par conséquent, s'il y avait des études sur le sujet, il serait intéressant de les consulter car la province détruit tous ces poissons, non pas parce qu'ils sont malsains pour les humains mais parce qu'il faut se débarrasser de l'infestation de poux du poisson.

Mme Karen Kraft Sloan: Oui, et je me demande comment cela pourrait aussi affecter les êtres humains, comme tous les autres produits chimiques et insecticides, etc. Possédez-vous des renseignements sur le pourcentage de poisson qui est—je ne sais pas si le terme «récolté» est correct—dans les piscicultures par rapport à l'état sauvage?

Mme Juli Abouchar: D'après les seuls renseignements que je possède, la plupart des poissons que vous achetez sont élevés en piscicultures. La plupart des truites et des saumons viennent de piscicultures.

• 0955

Il y a des problèmes avec le poisson sauvage. Le mercure est un problème grave chez le poisson sauvage. En réalité, on dit aux gens qu'il vaut mieux pour eux manger du poisson d'élevage que du poisson sauvage à cause du mercure.

Mais nous sommes en train de déborder du cadre de mes propos. Je suis d'accord avec vous que l'utilisation d'antibiotiques, d'insecticides et de pesticides dans les entreprises d'aquiculture marine doit laisser des résidus dans le poisson.

Mme Karen Kraft Sloan: Exact. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'ai cessé de consommer de la viande.

Avez-vous des renseignements sur les incidences que les piscicultures de saumon ont sur le saumon sauvage dans cette région, ou bien les quantités de saumon sauvage sont—elles si faibles que cela n'a plus aucune importance?

Mme Juli Abouchar: Non, la remise en liberté de saumons dans l'environnement affecte le saumon sauvage et cela nous préoccupe. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous tenons absolument à nous débarrasser de tous les saumons infectés.

Je possède certaines données au bureau sur les effectifs de saumons d'élevage qui ont été attrapés dans des rivières sauvages. Je pourrais vous faire parvenir ces données.

Mme Karen Kraft Sloan: Si vous pouviez les déposer auprès du comité, ce serait utile.

Je me demande s'il y a d'autres pays. Vous avez cité certains autres pays dans votre mémoire. Je me demande simplement s'il y a d'autres pays qui ont des piscicultures mais qui appliquent leurs règlements d'une façon un peu plus proactive et disposent de systèmes d'élevage de leurs poissons dans des conditions moins épouvantables. Êtes-vous au courant de ce qui se passe dans certains de ces pays? Si oui, pouvez-vous nous parler de quelques caractéristiques de ces pays dont le Canada pourrait tirer une bonne leçon?

Mme Juli Abouchar: Une fois encore, je pourrai vous fournir des données plus précises sur ce sujet lorsque je serai de retour au bureau.

Certaines des options à l'étude dans d'autres pays comportent des cages en milieu fermé. C'est un système permettant principalement de conserver les déjections et de les traiter comme des déchets au lieu de les évacuer dans l'environnement. Le meilleur scénario est donc cette proposition visant à utiliser des cages en milieu fermé dans certains pays.

Mme Karen Kraft Sloan: Rencontrez-vous les mêmes difficultés avec l'application de la loi ou s'agit-il d'un problème essentiellement canadien?

Mme Juli Abouchar: D'après mes connaissances générales, beaucoup de pays rencontrent des problèmes d'application de la loi à cause de leur capacité et des ressources consacrées à la protection de l'environnement. Mais ce ne sont là que mes connaissances générales.

Mme Karen Kraft Sloan: Rencontre-t-on les mêmes problèmes sur la côte Ouest dans les piscicultures à saumon?

Mme Juli Abouchar: Oui. La Fondation David Suzuki a rédigé un rapport sur les piscicultures à saumon sur la côte Ouest. Les auteurs ont constaté bon nombre des mêmes problèmes et ont formulé certaines des mêmes recommandations que les nôtres, incluant les cages en milieu fermé.

Le président: Merci. Monsieur Knutson.

M. Gar Knutson (Elgin—Middlesex—London, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Diriez-vous que le fait d'avoir un seul agent d'application des règlements au Nouveau-Brunswick est en quelque sorte une mauvaise blague?

Mme Juli Abouchar: Si ce n'était pas aussi nuisible et préjudiciable, j'appellerais cela une blague. C'est lamentable. Cette situation préoccupe énormément les environnementalistes. Vous pouvez imaginer qu'il en résulte l'inapplication de la plupart des règlements.

M. Gar Knutson: Combien y a-t-il d'habitants au Nouveau-Brunswick, en gros? C'est simplement une question de connaissance générale.

Mme Juli Abouchar: Il y en a 750 000.

M. Gar Knutson: Nous avons donc une personne dont le travail consiste à faire appliquer toutes les lois fédérales touchant l'environnement?

M. Juli Abouchar: Oui, pour toutes les dispositions de la LCPE et de la Loi fédérale sur les pêches. Elles doivent s'occuper des usines de pâtes et papiers, des grosses industries. Elles doivent s'occuper de...

M. Gar Knutson: Il ou elle.

Mme Juli Abouchar: Il ou elle. Oui, cette personne. Merci.

Une seule usine de pâtes et papiers occuperait suffisamment cette personne. De fait, une seule personne ne pourrait vraisemblablement même pas s'occuper d'une usine de pâtes et papiers. Il faudrait probablement deux ou trois personnes pour s'occuper de l'application des lois dans cette usine de pâtes et papiers.

À vrai dire, j'ai lu certains des témoignages présentés le 26 février. On y mentionnait qu'il serait utile d'avoir deux ou trois personnes dans une usine de pâtes et papiers.

• 1000

M. Gar Knutson: Lors d'un accident ou de quelque chose d'autre.

Mme Juli Abouchar: Exact.

M. Gar Knutson: J'ai toujours été inquiet à propos de la perte de capacité par le gouvernement fédéral, mais je pense à présent que c'est une sorte de question spéculative. Nous n'avons tout simplement pas la capacité nécessaire dans la situation actuelle.

J'apprécie le fait que vous soyez venue nous parler spécifiquement du poisson d'élevage et du saumon, mais je me demande si vous pourrez développer le sujet pour savoir dans quel autre secteur nos efforts d'application de la loi sont insuffisants et quelles sont les conséquences de ces efforts ou de cette pénurie d'efforts ou de ressources, simplement dans une perspective générale au Nouveau-Brunswick.

Mme Juli Abouchar: Eh bien, au Nouveau-Brunswick, je peux vous parler de données non scientifiques. Les industries relevant de la compétence fédérale englobent assurément les usines de pâtes et papiers. Elles comportent la production de substances toxiques. Par exemple, je pense à la production de BPC par la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick. Elle a des BPC dans ses transformateurs. Il y a des problèmes au niveau de la destination de ces BPC dans la province.

Je suis au courant d'un cas qui se passe sur une réserve, où les BPC sortent pratiquement par la porte arrière de la Société d'énergie du Nouveau-Brunswick pour être détruits ou brûlés par une personne sur la réserve. Cette personne obtient le cuivre du transformateur et le revend. La situation est totalement incontrôlée.

M. Gar Knutson: Cela se passe dans un incinérateur adéquat?

Mme Juli Abouchar: Non, cela ne se passe pas dans un incinérateur adéquat et approuvé. C'est un dossier dans lequel le gouvernement fédéral a une grande responsabilité car il concerne les Indiens, les terres sur les réserves et une substance toxique. On laisse la situation perdurer. En conséquence, des personnes qui vivent sur la réserve, à l'intérieur ou à proximité de ce bâtiment, meurent du cancer.

M. Gar Knutson: Quelqu'un a-t-il déposé une plainte auprès d'Environnement Canada?

Mme Juli Abouchar: La situation perdure. C'est maintenant une tradition. Elle dure depuis plusieurs années, cinq ou dix ans, et je crois qu'elle a cessé en raison du décès de l'homme concerné.

Nous étions en conversation avec le fonctionnaire d'Environnement Canada, la semaine dernière, précisément à propos de l'harmonisation et des problèmes autochtones. Il a prétendu qu'il ne savait rien de la situation.

J'ai l'impression que pour la collectivité autochtone, cela pose assurément un gros problème. Ils en auraient bien parlé à quelqu'un mais, d'un autre côté, il y avait la présence d'une personne qui essayait de gagner sa vie, alors il est difficile de dire si cette collectivité se sentirait libre d'intervenir dans cette activité.

M. Gar Knutson: Le gouvernement provincial offre-t-il un appui solide en matière d'application de la législation environnementale? Intervient-il étant donné que ce pauvre fonctionnaire d'Environnement Canada ne peut pas faire tout le travail?

Mme Juli Abouchar: La province dirait que les choses vont très bien, merci. Mais de notre point de vue, la province semble entretenir des liens trop étroits avec les industries influentes sur l'échiquier politique dans la province pour le faire de sa propre initiative. J'ai l'impression que la province aimerait vraiment obtenir un appui solide du fédéral mais si les ressources ne sont pas disponibles, si elles ne sont pas là, alors le gouvernement fédéral est considéré comme une gêne, un obstacle.

Je ne peux pas parler au nom de la province, je ne peux parler que de ce que je vois. Je constate que la province occupe une position un peu faible face à une industrie influente sur l'échiquier politique.

• 1005

M. Gar Knutson: Merci.

Le président: Monsieur Herron, suivi de M. Charbonneau.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Merci, monsieur le président. Je vous prie de bien vouloir m'excuser pour mon retard. Vous avez peut-être déjà abordé certains de ces points au cours de la discussion.

C'est un sujet dont nous entendons parler un peu chez nous, car c'est devenu une industrie très importante pour la province. Je sais qu'il y a beaucoup d'élevage de poisson qui se fait dans d'autres pays, que ce soit au Chili, en Islande, en Suède ou en Norvège, en particulier.

Vous avez parlé un peu des systèmes en milieu fermé. Pourriez-vous me dire si l'un de ces pays a réellement vécu une expérience pratique de gestion de systèmes plus fermés pour résoudre les problèmes d'excédents de nourriture et d'excréments des poissons?

Mme Juli Abouchar: Encore une fois, je devrai vous faire parvenir certains renseignements du bureau. J'ai l'impression que des pays nordiques ont expérimenté des systèmes en milieu fermé.

M. John Herron: Je sais que les intervenants du Programme d'action des zones côtières de l'Atlantique sont en réalité assez préoccupés par la gestion des excréments, parce que c'est là que la situation devient très désagréable sur le plan environnemental.

L'autre commentaire que je voulais faire c'est qu'en lisant votre mémoire la nuit dernière, j'y ai trouvé une référence aux années 80, lorsque l'industrie en était à ses premiers balbutiements. Le taux de mortalité se situait alors aux alentours de 5 p. 100 et il est maintenant d'environ 20 p. 100.

Pour ce qui est de la croissance des industries que nous avons constatée, par exemple en Écosse ou en Norvège, y a-t-il une comparaison pour savoir si ce taux est «normal» ou est-ce une situation à laquelle il faudrait prêter une attention toute particulière?

Mme Juli Abouchar: Cela semble être une tendance et c'est un problème, alors je n'utiliserais pas le mot «normal». C'est une tendance dans d'autres pays, surtout dans les pays nordiques que nous avons étudiés, mais cela était également considéré comme un problème dans ces pays.

M. John Herron: Une dernière question, monsieur le président.

Du point de vue de la biodiversité concernant l'identification d'autres rivières à saumon, que ce soit en Norvège, en Écosse ou en Irlande, l'inquiétude est grande à propos des poissons d'élevage qui se retrouvent en réalité avec les poissons sauvages et les infectent, si c'est le bon terme à utiliser, dans l'Atlantique.

Pouvez-vous faire des commentaires à ce sujet et éventuellement sur l'incidence de ne pas avoir... sur l'aptitude de nos cages à poisson à pouvoir garder les espèces dans la pisciculture par opposition à ce que font les autres pays?

Mme Juli Abouchar: Comme je l'ai déjà mentionné, nous possédons, au Conseil de la conservation, certaines données sur les effectifs, en particulier au Nouveau-Brunswick, de saumons d'élevage que l'on retrouve dans les rivières de la province. Je déposerai ces renseignements auprès du comité. Je ne les ai pas avec moi aujourd'hui mais je vous les ferai parvenir.

M. John Herron: Sur le même sujet, je suis quasiment un peu plus inquiet de ce qui se passe le long de la côte du Pacifique, parce que des saumons de l'Atlantique sont élevés sur la côte du Pacifique. Est-ce le résultat que l'on obtiendrait sur le plan de la biodiversité?

Mme Juli Abouchar: Oui.

M. John Herron: Pouvez-vous nous parler de certaines des préoccupations qu'auraient les éleveurs de saumon de la Colombie-Britannique?

Mme Juli Abouchar: C'est une grande préoccupation, surtout en Colombie-Britannique, parce qu'il s'agit d'une espèce non indigène qui peuple les rivières du Pacifique. C'est une préoccupation qui a été soulevée dans le rapport de la Fondation Suzuki à propos de l'industrie de l'aquiculture en Colombie-Britannique.

M. John Herron: Très bien. Merci.

Le président: Merci, monsieur Herron.

[Français]

Monsieur Charbonneau suivi par le président.

M. Yvon Charbonneau (Anjou—Rivière-des-Prairies, Lib.): Madame Abouchar, je voudrais vous remercier d'avoir attiré notre attention sur ce dossier de l'aquaculture du saumon au Nouveau-Brunswick et de l'application de la loi environnementale fédérale dans cette industrie. Vos recommandations vont sûrement nous stimuler dans notre examen de l'application des lois et nous amener à poser des questions plus pertinentes aux représentants du ministère de l'Environnement et du ministère des Pêches et des Océans.

Vous faites plusieurs recommandations qui, à première vue, m'apparaissent avoir beaucoup de sens, mais il faudra questionner les ministères fédéraux pour avoir leur version sur ces questions que vous soulevez.

Je voudrais profiter de l'occasion de votre comparution ici, étant donné que vous êtes directrice générale du Conseil de la conservation, pour vous demander s'il y a d'autres dossiers sur lesquels vous aimeriez attirer notre attention de manière plus large, au moins en termes généraux quant à l'application ou à la non-application de la loi fédérale en matière d'environnement.

• 1010

Dans ce mémoire, vous avez abordé avec beaucoup de soin un dossier, celui de l'aquaculture. Est-ce parce que c'est le problème le plus criant du Nouveau-Brunswick ou s'il y en a d'autres tout aussi criants et tout aussi importants que vous pourriez au moins nous mentionner, sinon nous expliquer en détail?

[Traduction]

Mme Juli Abouchar: Le Conseil de la conservation s'est concentré dernièrement sur les questions marines, si bien que nous avons étudié l'aquiculture. Mais il y a d'autres dossiers à l'horizon qui concernent les pêches. L'un est la récolte du fucus et l'autre est la récolte du krill, qui feront tous les deux l'objet d'ententes administratives similaires. Ces deux dossiers nous préoccupent.

La question du fucus concerne essentiellement la récolte d'algues de la côte pour les vendre comme aliments ou à d'autres fins industrielles. Un projet pilote a été lancé au Nouveau-Brunswick et s'achèvera sous peu. Nous espérons qu'il sera renouvelé dans le cadre d'une industrie à grande échelle. Nous nous attendons à vivre la même situation, le gouvernement fédéral prenant du recul par rapport aux ministères provinciaux des Pêches et de l'Aquiculture et aux autres ministères provinciaux concernés. C'est donc une préoccupation.

Un autre souci que nous voyons poindre à l'horizon est le krill, qui est une crevette minuscule à l'extrémité de la chaîne alimentaire. Un projet a été déposé devant le MPO en vue d'avoir une industrie du krill à grande échelle dans la baie de Fundy et dans les Maritimes. Le krill servirait en réalité de nourriture pour le saumon. Le résultat supplémentaire, c'est qu'il accentue la coloration rose du saumon, si bien qu'il ressemble à un saumon sauvage. Nous sommes préoccupés par l'industrie du krill—parce qu'elle suivra la même orientation, le gouvernement fédéral prenant du recul.

Ce sont là deux éléments nouveaux qui se profilent à l'horizon.

Dans le passé, nous avons connu des problèmes avec les diverses industries au Nouveau-Brunswick, avec les émissions dans l'atmosphère et dans l'eau des diverses industries au Nouveau-Brunswick—l'industrie des pâtes et papiers ainsi que la raffinerie de pétrole et nos quelques services publics, les centrales au charbon. Ce sont toutes des sources de pollution plus ou moins graves.

En outre, une industrie qui me vient à l'esprit est celle de la récolte et de la transformation des pommes de terre. C'est une situation dans laquelle le gouvernement fédéral est en fait intervenu et a accusé la compagnie McCain's d'une infraction à la Loi sur les pêches pour avoir déversé des déchets organiques dans l'eau. C'est un exemple de collaboration possible entre le gouvernement fédéral et les provinces. Cette mesure a obligé McCain's et la province à collaborer. Ainsi, pendant que le gouvernement fédéral faisait le méchant dans cette situation, il a obligé la province à mettre au point une technologie plus propre avec McCain's.

Dans un sens, la situation est risible car l'amende imposée en fin de compte à McCain's a été d'un dollar par jour. C'est l'amende que les tribunaux provinciaux ont imposée en vertu de la Loi fédérale sur les pêches, et c'est un peu lamentable, mais il n'en résulte pas moins qu'une telle mesure a obligé la province et l'industrie à remédier à une situation.

Je crois qu'un tel cas illustre bien l'importance que le gouvernement fédéral soit un intervenant viable—autrement dit qu'il soit pris au sérieux. Même si le résultat final impose une pression à la province et à l'industrie pour qu'elles s'entendent, le gouvernement fédéral est un gendarme important ou un filet de protection important dans la province.

• 1015

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Nous avons examiné ici le niveau des ressources fédérales en matière de mise en oeuvre de la réglementation environnementale dans les Maritimes ou dans les provinces de l'Atlantique. Pouvez-vous nous donner une idée de l'évolution des ressources publiques ou des ressources gouvernementales en environnement au Nouveau-Brunswick? Est-ce qu'elles augmentent ou diminuent? Comment est organisée la surveillance de la législation et de la réglementation environnementales au Nouveau-Brunswick? Est-ce qu'on y met de plus en plus de soin ou de moins en moins de soin?

[Traduction]

Mme Juli Abouchar: Au Nouveau-Brunswick, le budget du ministère de l'Environnement semble assez stable. Même si nous avons constaté certaines baisses l'an dernier, le gouvernement provincial a expliqué que c'était l'amortissement d'une dette, ou quelque chose du genre, et que cela n'affectait pas directement le véritable budget du ministère. Mais si vous regardez le budget de mise en oeuvre de la réglementation au sein du ministère de l'Environnement, vous constaterez une certaine baisse dans ce domaine, au niveau des ressources qui sont consacrées à la mise en oeuvre, et au niveau de l'accent mis sur la mise en oeuvre.

Si vous lisez la politique de mise en oeuvre et d'observation au Nouveau-Brunswick, du début à la fin l'accent n'est pas mis sur la mise en oeuvre au sens que nous allons poursuivre les pollueurs. L'accent est mis sur la collaboration avec l'industrie afin d'amener les entreprises à respecter la loi à long terme. C'est une démarche philosophique du ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick et elle n'est pas appuyée à fond par le Conseil de la conservation. Nous voyons un rôle pour l'observation de la loi, pour la collaboration avec l'industrie et pour la coopération.

Mais sans la menace du gendarme, sans prendre cette situation au sérieux, sans l'apparence que ces lois sont des lois criminelles, sans avoir le sentiment que l'abus de l'environnement est un acte criminel, nous constatons que les mesures adoptées par la province sont immédiatement affaiblies.

C'est donc un sujet de préoccupation. La philosophie concernant la mise en oeuvre de la réglementation au Nouveau-Brunswick nous préoccupe.

Le président: Très bien, alors avant de commencer le deuxième tour...

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Une dernière question?

Le président: Au deuxième tour.

M. Yvon Charbonneau: C'est pour compléter. Comment décririez-vous la relation entre le ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick ou le gouvernement du Nouveau-Brunswick et un organisme comme le vôtre, le Conseil de la conservation? Est-ce que vous êtes un organisme dont la direction est nommée par le ministère ou si vous êtes un regroupement d'organismes non gouvernementaux? Quelle est la relation en général entre le ministère de l'Environnement et les organismes bénévoles qui s'occupent de la surveillance de l'environnement? Est-ce une bonne relation de coopération ou si c'est plutôt une relation d'adversaires?

[Traduction]

Mme Juli Abouchar: Tout d'abord, nous sommes un organisme non gouvernemental...

[Français]

M. Yvon Charbonneau: Complètement?

[Traduction]

Mme Juli Abouchar: Nous sommes un organisme complètement non gouvernemental. Nos ressources proviennent de nos membres et de subventions de fondations que nous recevons pour effectuer des travaux précis en aquiculture, par exemple, et sur d'autres dossiers environnementaux.

Je dirais que nous avons une bonne relation avec les fonctionnaires au sein du ministère. Dans les rangs du ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick, il y a assurément beaucoup de personnes très engagées et nous collaborons avec elles sur ces dossiers. Je n'irai donc pas plus loin dans mes commentaires.

Par ailleurs, ces questions sont litigieuses. Nous nous retrouvons souvent dans la position de devoir critiquer les politiques du gouvernement du Nouveau-Brunswick. Nous adoptons donc cette position sans compromis lorsqu'on nous le demande, lorsque c'est nécessaire.

Le président: Merci, monsieur Charbonneau.

• 1020

Avant de commencer un deuxième tour, j'aimerais poser deux ou trois questions. Dans votre quatrième recommandation, vous portez à l'attention du comité le fait qu'il y a un seul agent du ministère fédéral de l'Environnement au Nouveau-Brunswick et vous préconisez une augmentation de la capacité d'inspection et d'application de la loi.

Avez-vous réfléchi à ce que serait une augmentation convenable pour le Nouveau-Brunswick? Pourriez-vous éventuellement étendre votre réflexion à l'ensemble de la région de l'Atlantique? Ensuite, en tant que citoyenne concernée, pourriez-vous nous donner une idée de ce que devrait être, à votre avis, le tableau national de l'application de la loi?

Mme Juli Abouchar: Eh bien, j'hésiterais à répondre par des chiffres, mais nous aurions besoin d'un certain nombre d'inspecteurs et d'enquêteurs capables d'effectuer le travail. Cela pourrait nécessiter un service complet, un service complet de mise en application et d'enquête, à l'intérieur du Nouveau-Brunswick. Je pense peut-être à 10 personnes. Ce serait peut-être trop, mais 10 personnes serait assurément un bon nombre à demander.

Mais l'élément important consisterait également à avoir des personnes spécialisées en poursuites environnementales. C'est ce qui fait défaut au niveau provincial au Nouveau-Brunswick. Étant donné qu'il n'y a pas beaucoup d'accusations qui aboutissent véritablement à des poursuites judiciaires, on n'a pas constaté la courbe d'apprentissage à l'intérieur du ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick et du cabinet du substitut du procureur général du Nouveau-Brunswick.

Un exemple nous vient du dossier Irving. La compagnie Irving a été poursuivie devant les tribunaux l'an dernier pour une infraction en matière de pollution atmosphérique. Il était assez évident que le problème, au niveau de la poursuite, résidait dans le fait que la preuve n'avait pas été recueillie d'une façon qui serait soutenable en cour. Il existe donc un véritable besoin. La compagnie était défendue par un avocat qui est venu de Toronto pour la représenter et qui a littéralement battu haut la main le ministère du Nouveau-Brunswick.

Ce fut un procès très publicisé, très public, et ce genre de chose... Si j'étais un procureur au ministère de l'Environnement du Nouveau-Brunswick, j'hésiterais beaucoup à intenter d'autres poursuites. J'estimerais que la formation et l'expérience ne sont pas disponibles en raison du faible nombre de poursuites intentées.

Si le gouvernement fédéral devait apporter son aide dans ce domaine et fournir non seulement des enquêteurs et des inspecteurs mais un procureur spécialisé, ce serait certainement très utile à la région.

Le président: Pouvez-vous également faire quelques commentaires sur l'ensemble de la région de l'Atlantique?

Mme Juli Abouchar: Je ne peux pas faire de commentaires sur la Nouvelle-Écosse. D'après ce que je sais, Environnement Canada consacre plus de ressources en Nouvelle-Écosse qu'au Nouveau-Brunswick. Je pense donc que la Nouvelle-Écosse ne se trouve pas dans une situation aussi désespérée que le Nouveau-Brunswick.

Le président: Merci.

Lors du deuxième tour—qui sera bref—nous commencerons par M. Casson.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

J'aimerais aborder un point que vous avez soulevé ici à propos du nombre de poissons malades qui ont été abattus en février dernier—et il y en a d'autres qui sont prêts à l'être, un autre million—et le fait que le gouvernement provincial exerce maintenant des pressions sur le MPO pour obtenir de l'aide dans le cadre d'un programme d'indemnisation. Savez-vous sous quelle forme ou pourquoi le gouvernement provincial s'attendrait à ce que le MPO y participe? Il me semble que la province a créé le problème à cause des permis qu'elle a émis.

Mme Juli Abouchar: Oui, la province a créé le problème et, d'après ce que je sais, les négociations ne vont pas très bien. Le ministère fédéral des Pêches et des Océans n'est pas disposé à participer à un quelconque programme d'indemnisation; il n'est pas particulièrement intéressé à le faire.

Il me semble donc, d'après ce que je sais, que le MPO a adopté la position suivante: vous avez créé ce problème, à vous de le régler.

M. Rick Casson: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Casson.

Monsieur Knutson, s'il vous plaît.

• 1025

M. Gar Knutson: Sur ce dernier point, je soupçonne que l'on essaie tout simplement de calquer l'abattage sur ce qui se passerait si Agriculture Canada devait intervenir et tuer un troupeau de vaches ou d'autres animaux. L'éleveur aurait droit à une indemnisation de la juste valeur marchande, en vertu de la loi fédérale, si vous interveniez et si vous faisiez abattre les animaux d'une ferme pour enrayer une maladie.

Ma question sera brève. Pouvez-vous faire parvenir au comité un exemplaire du protocole d'entente?

Mme Juli Abouchar: Oui, je le ferai. J'en ai un avec moi, je peux le faire dès aujourd'hui.

M. Gar Knutson: Ce serait formidable. Merci.

Le président: Merci. Monsieur Herron.

M. John Herron: Au Nouveau-Brunswick, l'aquiculture compte actuellement un nombre précis d'emplois dans cette industrie. Il s'agit de gens d'affaires qui se préoccupent de leur image publique et aussi de leur produit.

En ce qui concerne certaines des questions, il y a le problème de la biodiversité, le fait qu'ils perdent une assez grande quantité d'autres produits à cause de maladies, et ils ont également des préoccupations graves à propos de l'habitat. Quel genre de dialogue avez-vous peut-être tenu avec eux? Élément peut-être plus important encore, quel genre de dialogue ont-ils tenu entre eux, et espérons-le avec le public, pour examiner ces questions? Cela les préoccupe-t-il?

Mme Juli Abouchar: Oui, cela les préoccupe. L'association des éleveurs de saumon et les détenteurs individuels de permis s'inquiètent beaucoup de la situation. Notre position consiste à ne pas critiquer les détenteurs de permis en particulier, mais à critiquer les politiques qui nous ont amenés à la situation actuelle, car cela ne leur fait aucun bien non plus.

En ce qui concerne le dialogue officiel avec les éleveurs de saumon, le Conseil de la conservation n'en a pas eu, mais il y a eu un dialogue informel. Comme je l'ai dit, le blâme n'est pas jeté sur l'industrie mais plutôt sur le gouvernement.

M. John Herron: J'aurais une brève question, monsieur le président.

Sur ce point, si vous voulez avoir des règlements fédéraux ou provinciaux concernant les dépôts de nitrates sur le fond des océans, etc., il faut qu'il s'agisse d'une solution de l'industrie. Il faudrait chercher quelles autres technologies sont disponibles afin que cette industrie puisse continuer à prospérer. Je pense qu'une analyse comparative, à propos de ce qui se fait ailleurs, est très importante pour stimuler le débat.

C'est une chose de dire que vous ne pouvez pas faire ceci. Cela signifie que l'existence de l'industrie serait remise en cause.

J'estime qu'il faudrait aborder la question de la protection de l'habitat. On ne peut pas nous obliger à nous tourner vers un gouvernement pour faire appliquer une mesure alors qu'il ne sait pas vraiment ce qu'est un niveau acceptable... Le niveau actuel n'est pas acceptable. Comment arrive-t-il à l'autre partie?

C'est pourquoi nous devons encourager l'industrie à vraiment proposer ces solutions en fin de compte. Peut-être que le marché finira par en dépendre. Il se dira que s'il n'y a pas de place pour une méthode écologique, alors certains marchés ne vendront pas forcément du poisson d'élevage sur ce genre de marché.

Suivez-vous mon raisonnement?

Mme Juli Abouchar: Oui, je vous suis. L'industrie a certainement un rôle à jouer mais ce qui me préoccupe c'est qu'il y a eu jusqu'à présent une collaboration entre l'industrie et le gouvernement pour faire fonctionner l'industrie. L'expérience dure depuis dix ans et cela n'a pas bien fonctionné.

Nous ne pouvons donc pas laisser l'industrie s'occuper de la situation et proposer des solutions. Mon sens de l'histoire me dit que nous n'obtiendrons pas une solution convenable. Il faut que le gouvernement prenne les choses en mains. Il faut que le gouvernement essaie de trouver les autres secteurs d'activité dans la baie de Fundy, les autres intérêts économiques, le secteur de l'écotourisme, sans oublier le secteur écologique, que le public partage. J'estime que les deux paliers de gouvernement doivent assumer cette responsabilité, avec la participation du public.

En raison de l'expérience antérieure, je serais inquiète si l'industrie s'en occupait et s'autoréglementait.

• 1030

Le président: Merci. Monsieur Laliberte, s'il vous plaît.

M. Rick Laliberte (Rivière Churchill, NPD): Merci.

En ce qui concerne votre exposé et votre expérience de travail avec la LCPE et les enjeux du MPO, qui me semblent très proches des habitants du Nouveau-Brunswick... À propos du droit du public de savoir, vous dites que le gouvernement et l'industrie prennent des décisions à huis clos. Quelle est la perception du public? Y a-t-il des options dans le cadre de la LCPE? La situation est-elle conviviale? Est-ce un point qu'il faut réexaminer?

Comme vous l'avez mentionné, il y a des ONG qui prendront position, relèveront un défi ou prendront une mesure en rapport avec un incident. Mais pour ce qui est de la sensibilisation du public, de la transparence des enjeux et de la prise de conscience globale des répercussions de l'industrie, quelle est la situation?

Mme Juli Abouchar: Eh bien, je me suis préparée pour venir ici vous parler de l'aquiculture, alors je vais aborder spécifiquement cette question en fonction de l'aquiculture au Nouveau-Brunswick, qui est très proche.

Comme je l'ai dit, en vertu des règlements provinciaux, les détenteurs de permis de l'industrie sont tenus de fournir des rapports de surveillance en matière d'environnement. Ces rapports se réglementent eux-mêmes. Ils sont rédigés par les détenteurs de permis et sont fournis au ministère des Pêches et de l'Aquiculture. Ils ne sont pas mis à la disposition du public.

Le Conseil de la conservation a présenté une demande de droit à l'information pour obtenir les rapports de surveillance en matière d'environnement. Le chef du NPD a demandé qu'ils soient déposés à l'Assemblée législative du Nouveau-Brunswick, en vain jusqu'à présent. Ils ne sont pas disponibles au public, même s'ils sont exigés par la loi. J'estime que c'est une préoccupation très grave. Un rapport est exigé en vertu de la loi pour le bienfait du public et il n'est pas mis à la disposition du public. C'est une véritable violation de la démocratie participative au Nouveau-Brunswick.

Le président: Merci.

Le président aimerait poser une question et ensuite nous conclurons, à moins qu'il y ait d'autres questions.

Pour donner suite à la cinquième recommandation du rapport que vous avez présenté ce matin, pourriez-vous dire aux membres du comité si le Conseil a fait des observations au ministre des Pêches et des Océans, ou à tout autre ministre à Ottawa, à propos de la cinquième recommandation?

Mme Juli Abouchar: Non, nos tentatives en la matière se sont limitées au ministère provincial des Pêches et de l'Aquiculture.

Le président: Avez-vous l'intention de faire des observations aux ministres des Pêches?

Mme Juli Abouchar: Absolument.

Le président: Avez-vous l'intention de faire des observations au ministre de l'Environnement?

Mme Juli Abouchar: Oui.

Le président: Avez-vous une idée de la date?

Mme Juli Abouchar: Dans un avenir très rapproché. J'ai le sentiment que nous leur enverrons un rapport sur l'aquiculture que le Conseil de la conservation a achevé.

De fait, il a peut-être déjà été envoyé systématiquement. Nous vous en avons envoyé un, monsieur le président. Nous leur enverrons donc ce rapport en exprimant nos préoccupations.

De fait, ce rapport est disponible pour tous les membres du comité qui le veulent. Il a été rédigé conjointement par Inka Milewski, Janice Harvey et Beth Buerkle. C'est un très bon résumé des aspects environnementaux de l'aquiculture au Nouveau-Brunswick.

Le président: J'aurais souhaité que vous fassiez cette annonce un petit peu plus tôt, mais ce n'est pas encore trop tard.

Y a-t-il d'autres questions pour le deuxième tour?

M. Gar Knutson: Le rapport dont vous venez tout juste de parler sera-t-il déposé devant le comité?

Mme Juli Abouchar: Je me ferai un plaisir de le déposer. Nous l'avons déjà envoyé au comité, mais je le déposerai sur ce sujet particulier.

Il n'aborde pas spécifiquement les rouages de l'entente et les questions de mise en application, mais il parle de l'état de l'industrie. On peut se le procurer au prix de huit dollars auprès du Conseil de la conservation.

M. Gar Knutson: Alors, pouvons-nous l'acheter?

Le président: Oui, nous pouvons.

M. Gar Knutson: Pouvons-nous en avoir 25 exemplaires?

Le président: Y a-t-il d'autres questions pour le troisième tour?

Il n'y a pas d'autres questions. Alors, madame Abouchar, encore une fois merci, mes félicitations et mes meilleurs voeux pour le bon travail accompli par le conseil. Nous espérons être tenus au courant de vos initiatives et de vos démarches futures auprès des ministères fédéraux.

Mme Juli Abouchar: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci.

Nous allons maintenant continuer la séance à huis clos.

[Note de la rédaction: La séance se poursuit à huis clos]