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FINA Rapport du Comité

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CHAPITRE 1


A. LA SITUATION BUDGÉTAIRE : LES EXCÈS PASSÉS ET LE SUCCÈS ACTUEL

1. Une crise à l'échelon fédéral


«Son problème était évident pour tous: c'était le déficit qui s'accumulait d'année en année qui faisait en sorte qu'on avait une dette qui amputait notre avenir et notre marge de manoeuvre.»
M. Benoît Latulippe (Fédération des étudiants et étudiantes universitaires du Québec)
Vers la fin de 1993, il devient évident que le Gouvernement du Canada vit une crise financière, conséquence de la récession qui vient de se produire ainsi que des dettes imposantes accumulées au cours de la décennie précédente. En 1992-1993, le déficit dépasse les 41 milliards de dollars; l'année suivante, il atteint 42 milliards de dollars. Les déficits n'ont jamais eu cette ampleur dans l'histoire du Canada1, dépassant de loin les prévisions du budget de 1993 du gouvernement précédent (35,5 milliards de dollars pour 1992-1993 et 32,6 milliards pour 1993-1994).


La dette nette a quadruplé en 10 ans et se chiffre à plus de 400 milliards de dollars.
Ces lourds déficits causent certes beaucoup d'inquiétude, mais on s'inquiète davantage des tendances à long terme sur le plan budgétaire. Au début des années 1990, les frais de la dette publique sont quatre fois plus élevés qu'au début des années 1980, et ils absorbent plus d'un tiers des recettes gouvernementales. De 5 à 6 p. 100 de la production totale de l'économie canadienne doivent être consacrés aux paiements d'intérêt sur la dette du gouvernement. L'augmentation de la dette a mis le gouvernement à la merci des marchés financiers et l'a rendu incapable d'axer ses budgets sur les priorités économiques et sociales.


«Nous ferions bien de nous rappeler que la dette actuelle se transformera en un fardeau fiscal pour nos enfants et nos petits-enfants.»
M. David Thibaudeau (président, Association des assureurs-vie du Canada)
Malgré les engagements et les interventions des gouvernements au cours des années 1980, la dette continue de s'alourdir. À partir de 1982-1983, le déficit fédéral n'a jamais été ramené en deçà de 27 milliards de dollars. De fait, pendant plus de la moitié de cette période, les recettes fiscales ne suffisent pas à soutenir les dépenses des programmes. Au début des années 1980, la dette nette du Gouvernement du Canada se situe à un peu moins de 100 milliards de dollars, environ 30 p. 100 du PIB. Une décennie plus tard, elle a quadruplé et représente près de 60 p. 100 du PIB. Elle va encore augmenter pour passer à 583 milliards de dollars, soit près des trois quarts du PIB annuel.

2. Les gouvernements provinciaux et l'épreuve du déficit

Dans les provinces, on peut observer une torpeur semblable. L'exemple le plus frappant est celui de l'Ontario, où un excédent de 90 millions de dollars en 1989-1990 se transforme en un déficit de trois milliards de dollars l'année suivante, et de 11 milliards de dollars deux ans après. Le déficit ontarien atteint son point culminant en 1992-1993, à 12,4 milliards de dollars.

La situation se répète dans d'autres provinces. En 1992-1993, l'Alberta a un déficit de 3,4 milliards de dollars, et le Québec, de cinq milliards. Cette année-là, l'ensemble des déficits des provinces et des territoires s'élève à 25,2 milliards de dollars, plus de cinq fois et demie ce qu'ils étaient seulement trois ans auparavant. Tout comme la dette fédérale nette augmente par rapport au PIB du fait de la récession, le ratio global pour les provinces passe de 16 p. 100 juste avant la récession, en 1989-1990, à 24,3 p. 100 en 1992-1993.


Plus que l'attribution de la responsabilité du gonflement de la dette à tel ou tel ordre de gouvernement - les deux ordres étant responsables -, ce qui compte davantage, ce sont les effets cumulatifs de tous ces déficits sur les marchés financiers, les taux d'intérêt canadiens et, en fin de compte, l'économie du pays.

3. Scène internationale : la queue du peloton

En 1993, les Canadiens sont forcés de constater que la situation de leurs finances publiques, au fédéral comme au provincial, frôle le désastre. Aucun gouvernement canadien, semble-t-il, n'arrive à résoudre ses problèmes financiers. Certes les déficits gouvernementaux sont une réalité mondiale, mais la situation du Canada est pire que celle des autres pays. Nous sommes à la remorque des autres pays industrialisés - au sein du G7, seul le dossier financier de l'Italie est aussi mauvais. Mais, ce qui importe davantage, notre palmarès au chapitre du déficit est constamment et notablement plus mauvais que celui des États-Unis, un pays avec lequel nous partageons une frontière très ouverte pour le mouvement des biens et des capitaux.

Mais, contrairement à l'Italie, le Canada a toujours été largement tributaire des capitaux étrangers, ce qui signifie que notre dette appartient dans une large mesure à des étrangers. Effectivement, 25 p. 100 de la dette fédérale est alors remboursable à des non-résidents et, en 1993, l'endettement net total des Canadiens à l'égard de non-résidents atteint environ 45 p. 100 du PIB. Compte tenu de l'ouverture des marchés de capitaux, de la taille de la dette extérieure et de notre mauvaise gestion budgétaire, nous sommes à la merci non seulement des fluctuations mondiales des taux d'intérêt, mais aussi de la façon dont le marché évalue les risques associés aux valeurs mobilières canadiennes.

4. Le budget fédéral de 1995 : un revirement

C'est dans ce contexte que le ministre des Finances présente sa première mise à jour économique et financière, à l'automne de 1994. La stratégie budgétaire et les objectifs provisoires touchant le déficit annoncés dans le budget de 1994 sont gravement menacés par le mouvement ascendant des taux d'intérêt qui débute au printemps de 1994 et se poursuit en 1995. Il s'agit jusqu'à un certain point d'un phénomène international, les taux américains à court terme ayant augmenté de 3 à 6 p. 100. Mais les taux canadiens augmentent encore davantage, passant de 4 à 8 p. 100, ce qui creuse l'écart entre le Canada et les États-Unis. Comme environ la moitié de la dette fédérale en souffrance est détenue sous forme de valeurs à court terme, cette hausse substantielle des taux d'intérêt a un impact négatif considérable sur les coûts du service de la dette. À ce moment, on estime qu'une augmentation soutenue de 100 points de base dans les taux d'intérêt entraîne une hausse du déficit de 1,8 milliard de dollars dans la première année et de 3,1 milliards de dollars dans la troisième. Compte tenu de la majoration de 400 points de base dans les taux canadiens à court terme, l'impact éventuel sur les finances publiques suscite une inquiétude très réelle.

Il n'est pas rare que des circonstances imprévues fassent augmenter le déficit. Mais dans le cas du Canada, les imprévus à la hausse sont devenus la règle plutôt que l'exception; une nouvelle récidive menace d'enlever aux cibles fixées par le fédéral ce qu'il pouvait leur rester de crédibilité. Le ministre réagit alors en déclarant que les objectifs du gouvernement concernant le déficit seront atteints coûte que coûte - et le budget subséquent fait écho à cette détermination. Le budget de 1995 marque véritablement un point tournant dans la politique budgétaire du Canada.


«Le gouvernement mérite des félicitations pour avoir dépassé son objectif de réduction du déficit grâce au cercle vertueux des compressions, de l'abaissement du déficit, des taux d'intérêt peu élevés qui à leur tour permettent de réduire davantage le déficit,...»
Dr Barry McLennan (Coalition pour la recherche biomédicale et en santé)
D'après les estimations, les mesures prises à ce moment doivent entraîner une réduction du déficit de 29 milliards de dollars sur trois ans. Au cours de cette période, les compressions des dépenses équivalent à 6,90 $ pour chaque dollar d'augmentation des recettes, sans qu'il n'y ait hausse de l'impôt sur le revenu des particuliers. Différents éléments sont mis à contribution : l'examen des programmes, des réductions dans les paiements de transfert aux provinces en vertu du nouveau programme de Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, et la réforme du Régime d'assurance-emploi. Il convient de noter cependant que le Programme de péréquation de 8 milliards de dollars demeure intact.

Dans les budgets de 1996 et 1997, d'autres mesures de restriction viendront renforcer les initiatives prises en 1995, mais elles seront d'une importance secondaire. L'expérience canadienne de 1995 démontre qu'un seul budget décisif peut complètement renverser la vapeur et faire renaître une prudence et une responsabilité budgétaires dont on avait perdu la trace depuis de nombreuses décennies.

5. Les avantages de la retenue budgétaire

Les gouvernements canadiens ne sont plus du tout dans la même situation financière aujourd'hui. Comme nous venons de le voir, le gouvernement fédéral a remis de l'ordre dans ses finances. Le déficit, qui atteignait près de 6 p. 100 du PIB en 1992-1993 et l'année suivante, a régressé à 5 p. 100 du PIB en 1994-1995, puis à 1,1 p. 100 en 1996-1997. Il faut remonter à 1970-1971 pour trouver un déficit aussi bas relativement à l'économie. Pour parvenir à ce résultat, le gouvernement a dû se ménager un solde de fonctionnement très important. L'an dernier, il atteignait 36 milliards de dollars, le double de ce qu'il était l'année précédente.


« ...le gouvernement a choisi la bonne voie pour s'attaquer au déficit budgétaire. Nous félicitons le gouvernement d'avoir réduit le déficit autant qu'il l'a fait.»
M. Francis Reid (directeur général, Construction Association of Prince Edward Island)
Les dépenses des programmes ont subi une forte réduction. À 13,1 p. 100 du PIB, elles sont maintenant 25 p. 100 plus basses qu'il y a quatre ans seulement par rapport à la taille de l'économie. En dollars, c'est presque 18 milliards de dollars de moins qu'il y a quatre ans. Une chute aussi substantielle et soutenue des dépenses est sans précédent dans la période de l'après-guerre. Les frais de la dette publique, qui avaient atteint un sommet l'an dernier, ont marqué un recul, et ils diminuent également en tant que pourcentage du PIB.


«La réduction du déficit était la grande affaire la dernière fois, mais un autre facteur important était le rétablissement de la crédibilité du ministère des Finances et du ministre, du point de vue de leur détermination en matière de politique financière.»
M. Paul Boothe (professeur, Département de sciences économiques, Université de l'Alberta)
L'exercice financier 1997-1998 s'annonce tout aussi impressionnant. Pour les six premiers mois de l'exercice, le gouvernement a réalisé un excédent de 1,7 milliard de dollars, à comparer avec un déficit de sept milliards en 1996-1997. Le ministère des Finances nous rappelle qu'une partie de cette amélioration est attribuable à des événements ponctuels et à des modifications de l'échéancier de certaines recettes, mais il est clair que le gouvernement fédéral est en voie d'égaler la performance déjà respectable de 1996-1997.


« ... il faut vraiment féliciter le ministre des Finances M. Martin d'avoir su prendre en main les finances du pays. Il est le premier ministre des Finances depuis longtemps qui a écouté de sages conseils pour préparer son budget.»
M. Anthony Toth (président, B.C. Road Builders and Heavy Construction Association)
L'accroissement des recettes a aussi joué un rôle dans la nouvelle situation du déficit fédéral, tant au Canada qu'aux États-Unis. Depuis 1993-1994, en effet, les recettes fédérales totales ont connu une hausse spectaculaire. Mais le facteur le plus important, et de loin, a été la croissance économique. Les mesures adoptées par le Gouvernement du Canada dans ses divers budgets en vue d'augmenter ses recettes ont été somme toute passablement modestes, ne produisant que des revenus supplémentaires de 2,6 milliards de dollars en 1996-1997. Le cercle vicieux des déficits et des taux d'intérêt élevés, d'une faible croissance économique et d'un fort taux de chômage a été rompu et remplacé par un «cercle vertueux» de déficits moindres qui entraînent des taux d'inflation plus faibles, une croissance économique plus forte et un plus grand nombre d'emplois créés, ce qui en retour fait grimper les recettes gouvernementales et réduit davantage les déficits.

Par ailleurs, il convient de noter qu'au cours des quelques dernières années, les recettes fédérales ont très peu augmenté par rapport au PIB; ce n'est que l'an dernier qu'elles ont repris le terrain perdu depuis la dernière récession. En outre, la forte augmentation des recettes de l'an dernier tient à certains facteurs à caractère unique ainsi qu'à des modifications dans le calendrier des recouvrements. Il s'ensuit que le taux de croissance des recettes de l'an dernier n'est pas représentatif de la hausse qu'on pourra maintenir dans les années à venir.

Dans les provinces, on assiste à un revirement budgétaire semblable, mais certaines sont déjà rendues beaucoup plus loin que d'autres. En 1995-1996, leur déficit total était tombé sous les 12 milliards de dollars et ne représentait que 1,5 p. 100 du PIB, soit moins de la moitié de leur déficit total trois ans avant.

Dans l'ensemble des provinces et des territoires, les gouvernements ont des excédents de fonctionnement (à la hausse depuis plusieurs années); ils réduisent leurs dépenses de programmes et, comme on l'a déjà signalé, abaissent leur déficit.


«...La bonne nouvelle, c'est que pour la première fois en 20 ans, nous allons avoir un excédent; il faut cependant se rappeler que pendant ces années, nous avons accumulé des déficits qui ont augmenté considérablement la proportion de la dette brute par rapport au PIB du pays.»
M. Leo de Bever (vice-président, Recherche et économie, Conseil du Régime de retraite des enseignantes et des enseignants de l'Ontario)
Les différents gouvernements du Canada ont choisi divers moyens pour résoudre leurs problèmes financiers. L'Alberta est très prudente dans l'estimation de ses recettes. Dans cette province, le poids du secteur des ressources naturelles assujettit l'économie, partant les recettes gouvernementales, à de vastes mouvements cycliques. L'Alberta étant déjà une juridiction à faible imposition, le gouvernement a choisi, au lieu de réduire les impôts, d'utiliser ses recettes excédentaires pour rembourser sa dette. La Saskatchewan, contrairement à l'Alberta qui a réussi à s'en tenir à une réduction des dépenses, a eu recours à la fois à des compressions de dépenses et des augmentations fiscales.

En Colombie-Britannique, le gouvernement a fixé des objectifs touchant les dépenses réelles par habitant et les frais du service de la dette. En Ontario, on fait porter les efforts sur une baisse des impôts et une réduction draconienne des dépenses de programmes. La baisse de 30 p. 100 de l'impôt sur le revenu des particuliers en Ontario est de loin la plus importante, mais d'autres provinces ont aussi pris des mesures à ce chapitre. Tous les gouvernements provinciaux s'attendent à avoir éliminé leur déficit d'ici la fin de la décennie.

En 1996-1997, le gouvernement fédéral a enregistré un déficit légèrement supérieur à celui des provinces et des territoires réunis. Cette année, il devrait lui être inférieur, ce qui ne s'est pas produit depuis de nombreuses années. Cela témoigne du virage spectaculaire effectué dans la gestion des finances fédérales, et du fait que les plus grosses provinces ont agi avec une relative lenteur dans leur lutte contre le déficit.


« ...nous ne sommes pas encore sortis du bois, mais nous sommes au moins sur la bonne voie.»
M. Dave Neal (Fredericton Chamber of Commerce)
La preuve la plus convaincante que le contexte budgétaire a changé réside dans le ratio de la dette nette au PIB des gouvernements fédéral et provinciaux. Ce ratio (dette gouvernementale totale par rapport au PIB) a augmenté d'environ 50 p. 100 à partir de 1987-1988, les dettes provinciales augmentant à un rythme plus rapide que la dette fédérale, si bien que le total combiné dépassait légèrement 100 p. 100 du PIB en 1995-1996 si l'on prend pour base de mesure les comptes publics. Ce n'est que l'an dernier que la dette fédérale nette, ainsi que la dette totale nette, ont diminué en proportion de la production nationale.


«À titre de contribuable, je voudrais d'abord féliciter le ministre des Finances et le Gouvernement du Canada d'avoir démontré tant de discipline et de leadership dans la lutte contre le déficit et d'avoir éliminé ce fardeau qui pourrait entraver, à moyen et à long terme, l'essor du pays.»
Dr Rafick-Pierre Sékaly (directeur de laboratoire, Institut de recherches cliniques de Montréal, membre du Conseil pour la recherche en santé du Canada)
6. Scène internationale : la tête du peloton

Un autre moyen d'évaluer la réussite budgétaire du Canada consiste à le comparer à ses pairs à l'échelle internationale, soit les pays du G7 et, plus particulièrement, les États-Unis. Suivant les mesures des comptes nationaux, les dépenses et les déficits ont diminué plus rapidement au Canada, pour l'ensemble du secteur gouvernemental, que dans tout autre pays du G7. En 1996, le déficit gouvernemental total au Canada représentait essentiellement la même proportion de la production nationale qu'aux États-Unis. Pour 1997, cependant, le résultat canadien est inférieur au résultat américain. Ces ratios au Canada et aux États-Unis sont inférieurs à la moitié de la moyenne des cinq autres pays du G7. Il s'agit là d'un contraste marqué avec la situation qui régnait en 1990, lorsque le résultat canadien était près de deux fois plus élevé que la moyenne du G7.


« ... je suis extrêmement encouragé, tout comme mes collègues du Conseil des chefs d'entreprise, par les progrès et le succès enregistrés jusqu'à présent sur le chemin de la réduction du déficit. ... Pour cela, le ministre des Finances mérite nos plus grandes félicitations,...»
M. Thomas d'Aquino (président et directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprise)
Toutefois, le Canada ne peut encore crier victoire. Qu'on examine les données des comptes publics pour les gouvernements fédéral et provinciaux ou qu'on étudie les données internationales basées sur les comptes nationaux, une conclusion s'impose : les gouvernements canadiens ont accumulé une trop lourde dette. Bien qu'ils aient finalement décidé de renoncer à leurs dépenses excessives et à leurs déficits irresponsables, ils ne sont pas encore venus à bout de leurs problèmes d'endettement. Jusqu'ici, ils ont réussi à freiner le gonflement de la dette par rapport à l'économie. C'est une réussite importante, mais il reste à réduire substantiellement le ratio de la dette au PIB.


«...équilibrer le budget n'améliorera aucunement la situation.»
M. Robert O'Rourke (président, Simscape Development Corporation)
Notre dette nette est près de 50 p. 100 plus élevée que la dette moyenne des pays du G7, et notamment celle des États-Unis. Parmi les pays du G7, seule l'Italie est en plus mauvaise posture. Aujourd'hui, la gestion de nos finances est marquée au coin de la prudence et de la responsabilité, mais il nous reste à réparer le préjudice causé par les politiques budgétaires imprudentes du passé.

B. UNE POLITIQUE FINANCIÈRE RESPONSABLE GRÂCE AUX INNOVATIONS BUDGÉTAIRES


« Les gens n'arrêtent pas de parler de déficit. ... Personne ne parle de notre dette de 600 milliards de dollars, et j'estime que nous devons sérieusement songer à la payer.»
M. Terry Moorehead (trésorier, M.F. Schurman Co. Ltd.)
Les modalités d'élaboration du budget fédéral ont beaucoup changé en cinq ans et les réductions récentes du déficit fédéral n'auraient pas été possibles autrement. Témoin après témoin ont dit au Comité qu'il importait que le gouvernement dépasse constamment ses objectifs de réduction du déficit parce que sa crédibilité aux yeux des marchés financiers s'en trouve grandement améliorée, ce qui lui permet de signaler ses intentions au secteur privé. Chose plus importante encore, une politique budgétaire crédible et prudente contribue à faire garder les taux d'intérêt bas, ce qui évite au gouvernement de hausser les impôts tout en réduisant pour les familles canadiennes les frais associés à la propriété d'un logement et à l'achat d'autres biens durables.


«...il nous faut en effet commencer par réduire notre dette de façon à avoir la souplesse et la marge de manoeuvre nécessaires pour progresser.»
M. Josh Mendelsohn (premier vice-président et économiste en chef, Banque Canadienne Impériale de Commerce)
Voici les principales innovations budgétaires : le remplacement des projections quinquennales par des objectifs mobiles de deux ans; l'utilisation des prévisions économiques du secteur privé rajustées pour plus de sûreté au lieu des prévisions économiques du ministère des Finances; l'utilisation explicite d'une réserve pour éventualités afin de parer aux hausses de taux d'intérêt et à d'autres imprévus ainsi qu'aux erreurs de prévision fréquentes dans la budgétisation.

Les consultations prébudgétaires du Comité constituent une autre innovation budgétaire. Plus de 2 000 particuliers et organismes canadiens nous ont fait part de leur opinion. De ce fait, nous estimons que le Comité non seulement ouvre un processus qui était jusqu'à présent voilé de secret, mais aussi veille à ce que ses recommandations reflètent le caractère composite de notre grand pays.

1. Horizon de planification de deux ans : atteindre l'objectif


«...le budget doit renfermer un objectif.»
Mme Maureen Farrow (Loewen, Ondaatje, McCutcheon Ltd.)
Les prévisions quinquennales ont été abandonnées à cause de l'inaptitude du gouvernement à prévoir aussi loin dans l'avenir avec précision. Les résultats s'avéraient toujours si inexacts que tout le processus des projections à long terme perdait toute crédibilité et toute utilité. Les objectifs mobiles de deux ans, par contre, sont d'une immédiateté telle que seuls des événements extraordinaires pourraient excuser l'incapacité de les atteindre. Cette pratique empêche également le gouvernement de remettre à plus tard dans la période de planification les mesures qui s'imposent. Comme le ministre l'a déclaré à plusieurs reprises, ces objectifs fournissent au public des normes au moyen desquelles il peut tenir le gouvernement comptable.

2. Hypothèses prudentes : prudence est mère de sûreté


«...le budget devrait toujours être établi à partir d'hypothèses économiques très conservatrices.»
Mme Maureen Farrow (Loewen, Ondaatje, McCutcheon Ltd.)
Les hypothèses économiques prudentes utilisées dans le budget sont établies comme suit. Avant la préparation du budget et la publication de la mise à jour économique et financière, les prévisionnistes du secteur privé sont sondés sur leurs prévisions économiques. Ces dernières années, l'échantillon a compté de 15 à 21 répondants. En 1997, les hypothèses prudentes employées par le gouvernement ont ajouté 80 points de base à la prévision moyenne des taux d'intérêt à court terme du secteur privé et 50 points de base à la prévision moyenne des taux d'intérêt à long terme. Le Comité a recommandé, dans son premier compte rendu de consultations, que le facteur de prudence oscille entre 50 et 100 points de base. Le gouvernement avait déjà employé un facteur de prudence de 50 points de base pour les taux à court terme.

Cette pratique a deux effets positifs importants. Les estimations des frais de service de la dette se trouvent à être majorées de même que les estimations du déficit. Par exemple, une augmentation de 100 points de base des taux d'intérêt ajoute, estime-t-on, 1 milliard de dollars au déficit dans la première année. La surestimation des taux d'intérêt réduit également les estimations gouvernementales de la croissance économique et, par conséquent, les estimations de recettes et de dépenses. Les hypothèses du budget de 1997 concernant le taux de croissance nominal du PIB étaient inférieures de 20 points de base aux prévisions moyennes du secteur privé pour 1997 (4,7 p. 100 contre 4,9 p. 100) et de 60 points de base pour 1998 (4,7 p. 100 contre 4,1 p. 100). L'analyse de sensibilité du présent budget indique qu'une diminution d'un pourcentage du taux de croissance nominal fait monter le déficit de 1,3 milliard de dollars. Pour la deuxième année de l'horizon de planification, ces hypothèses prudentes font augmenter l'estimation du déficit d'environ 2,5 milliards de dollars.

3. Réserve pour éventualités : pour parer aux imprévus

La budgétisation prudente a pour troisième élément le recours à une réserve pour éventualités. Au départ, le gouvernement établissait une réserve de 2,5 milliards de dollars pour la première année de son horizon de planification et de 3 milliards pour la deuxième année. La réserve plus élevée se justifiait du fait que plus l'horizon recule, plus il y a d'incertitudes. Cette approche a été légèrement modifiée dans le budget de 1997, la réserve étant fixée à 3 milliards de dollars pour les deux années de la période de planification.

Une réserve de 3 milliards de dollars offre une protection contre les effets dans la première année d'une hausse de 300 points de base des taux d'intérêt ou d'une baisse de 2,3 p. 100 du taux de croissance nominal du PIB. Les hypothèses économiques prudentes jointes à la réserve pour éventualités dégagent un coussin de 4 milliards de dollars dans la première année de l'horizon budgétaire et de 5,5 milliards dans la deuxième année.

La politique actuelle du gouvernement ne permet pas de réaffecter la réserve pour éventualités à des dépenses de programme. Si elle n'est pas utilisée, elle sert à réduire le déficit. Le ministre des Finances a dit au Comité qu'il en serait de même à une époque de surplus budgétaires. Si elle n'est pas utilisée, elle servira à réduire la dette nette du gouvernement.

La réserve pour éventualités a plusieurs fonctions, dont celle, et ce n'est pas la moindre, de servir de coussin pour garantir un budget équilibré. Pas un gouvernement n'a produit de budgets équilibrés consécutifs depuis 1969.

C. La croissance économique : le rôle des bons fondamentaux

Le gouvernement n'a qu'un impact indirect sur l'économie. Le gouvernement fédéral a beau disposer de toute une gamme de leviers, il lui est difficile de manipuler les variables économiques de manière à imprimer une direction à l'économie. Il peut cependant tâcher d'«améliorer les fondamentaux» et laisser ainsi le secteur privé accomplir ce qui relève de sa compétence.

1. La récession de 1990-1991 et le chômage


«... la dernière récession a été relativement légère aux États-Unis, contrairement au Canada où elle a été très sévère. Les États-Unis s'en sont remis beaucoup plus vite que nous. L'économie canadienne met plus de temps à s'en remettre. La Banque du Canada a-t-elle quelque chose à voir dans tout cela?»
M. David Laidler (département d'économie, Université Western Ontario)
On ne saurait bien comprendre les problèmes financiers du gouvernement canadien sans évoquer les conditions économiques du début de la décennie. L'économie canadienne s'est contractée pendant quatre trimestres consécutifs en 1990 et 1991. Ce n'est que vers la fin de 1993, après une reprise anémique, que le Canada a commencé à enregistrer des taux de croissance acceptables. Mais cette expansion n'a duré que deux ans, la croissance fléchissant à nouveau et restant faible jusqu'au milieu de 1996.

La récession a été manifestement plus dure au Canada qu'aux États-Unis. Quand on la mesure par rapport au potentiel économique, l'économie américaine a décru environ moitié moins que l'économie canadienne et s'est rétablie beaucoup plus rapidement. Dès 1995, l'économie américaine produisait à nouveau au-delà de son potentiel estimatif. Au Canada, nous sommes toujours environ 2 p. 100 au-dessous de l'estimation de potentiel économique du FMI. Dans d'autres pays industrialisés, cependant, les résultats économiques ont ressemblé davantage à ceux du Canada qu'à ceux des États-Unis. Au Royaume-Uni, le cycle de la récession et de la reprise s'est déroulé à peu près comme au Canada. Les économies française, allemande, italienne et japonaise semblent coincées dans le creux du cycle économique, un peu plus loin de leur potentiel que le Canada et ne montrant aucun signe d'amélioration marquée. À court terme, elles ne sont pas censées croître aussi rapidement que l'économie canadienne.


«Le taux de chômage aujourd'hui reste obstinément bloqué au niveau inacceptable de 9 p. 100. Pourtant, nous avons vu une amélioration de la création d'emplois, avec sept mois consécutifs de gains nets dans le chiffre d'emplois. ...l'emploi des jeunes a, en fait, augmenté de plus de 50 000 avec au moins trois mois consécutifs de croissance depuis mai, soit l'augmentation soutenue la plus importante depuis 1994.»
M. Thomas d'Aquino (président et directeur général, Conseil canadien des chefs d'entreprise)

C'est la situation du marché du travail qui témoigne le plus éloquemment de la lenteur et de la mollesse de notre reprise. Bien que le taux de chômage mette en général plusieurs années après la fin d'une récession pour reprendre le terrain perdu, la reprise en cours semble tout de même plus lente que d'habitude. Le taux de chômage reste obstinément au-dessous de 9 p. 100. Un autre indicateur parlant, le taux d'emploi, nous dit quelle proportion de la population en âge de travailler a un emploi. Au sommet du dernier cycle économique, il était d'environ 62 p. 100. Pendant la récession, il est passé à moins de 59 p. 100 et reste dans ces eaux depuis 1993. Une bonne partie de ce déclin est attribuable à la baisse du taux de participation, ce qu'on appelle souvent le phénomène du «travailleur découragé». Bien que l'économie canadienne ait également dû pendant cette reprise s'ajuster au libre-échange et au ralentissement de l'inflation, l'on sent que la reprise cyclique est faible. Cela s'explique par le fait que la récession s'est terminée en 1991, mais que le taux de chômage s'élève toujours à 9 p. 100, soit environ 4 p. 100 de plus qu'aux États-Unis.


«Le point principal, c'est que la reprise ne durera que dix-huit mois alors que nous aurions eu besoin de quatre ans, comme l'ont fait les États-Unis, pour rétablir le plein emploi.»
M. Pierre Fortin (département d'économie, Université du Québec à Montréal)

Il y a cependant quelque chose qui distingue cette période des périodes antérieures et qui explique peut-être en partie la performance apparemment mauvaise du marché du travail. C'est que nous continuons de sentir les effets de l'austérité financière pratiquée par les pouvoirs publics canadiens, lesquels ont procédé à d'importantes compressions d'effectifs dans le secteur public. Du début de 1993 au début de 1997, l'emploi du secteur public a diminué de plus de 5 p. 100


Depuis la dernière partie de 1993, le nombre net d'emplois créés par le secteur privé au Canada est de plus d'un million.

Depuis 1993, la croissance de l'emploi a été légèrement plus forte chez les femmes que chez les hommes.
.

Néanmoins, il est encourageant de noter que l'emploi a augmenté d'environ 10 p. 100 dans le secteur privé au cours de la même période. Il s'est créé 426 000 emplois au Canada depuis janvier 1996 et 268 000 dans les dix premiers mois de 1997. Depuis le quatrième trimestre de 1993, le secteur privé a créé plus d'un million d'emplois.


«Le gouvernement doit traduire son succès budgétaire en une croissance économique saine et une création d'emplois durables.»
M. Manuel Dussault (directeur de la recherche et de l'analyse, Alliance des manufacturiers et des exportateurs du Québec)
De toute évidence, le taux de chômage brosse un tableau plus sombre que les statistiques de création d'emplois. Il n'empêche que la performance décevante du marché du travail exige une attention continue.

2. La croissance économique récente : au-delà des attentes

L'économie canadienne a été très lente à sortir de la dernière récession. Mais la situation semble être en train de changer, divers facteurs s'étant récemment combinés pour produire une forte croissance économique. Depuis la seconde moitié de 1996, l'économie croît à un rythme supérieur à 3 p. 100 par an - en juillet 1997, son taux de croissance a été de 0,8 p. 100 - et elle a surpassé les prédictions de la plupart des prévisionnistes. Comme il est dit dans le budget, en 1996, les prévisionnistes du secteur privé s'attendaient à ce que la croissance de 1997 soit inférieure à 3 p. 100. Or, dès février 1997, ils prévoyaient une croissance de 3,3 p. 100 et ils pensent aujourd'hui qu'elle sera de 3,7 p. 100.


Les prévisionnistes du secteur privé prévoient une croissance d'environ 3,7 p. 100 en 1997 et en 1998 - les taux consécutifs les plus élevés depuis près de 10 ans.
L'Economic and Financial Market Outlook: 1998-1999 de la Banque Royale révèle que, lorsqu'on compare la croissance économique des pays du G7, les années 1997 et 1998 appartiennent clairement au Canada. On s'attend à ce que le Canada vienne en tête ou presque de tous les autres pays pour la croissance et son économie est la seule qui est censée enregistrer une forte croissance soutenue. Les économistes des autres banques à charte sont généralement du même avis. Par exemple, le Medium Term Outlook for the US and Canadian Economies que la Banque de Montréal a publié le 22 octobre prévoit une croissance de 3,8 p. 100 en 1997 et de 4,3 p. 100 en 1998. En juillet, les économistes de la banque prévoyaient des taux de croissance de seulement 3,5 p. 100 et 3,7 p. 100 respectivement. Et le dernier sondage de Consensus Economics Inc. indique que les attentes concernant la performance de l'économie s'amélioreront cette année et l'année prochaine. L'économie canadienne est censée jouir d'une forte croissance et d'une inflation modérée au moins jusqu'à la fin de la décennie.

Selon une récente étude de Nesbitt Burns2, des réductions sensibles du chômage sont encore possibles, mais leur impact ne se fera pas sentir uniformément d'un bout à l'autre du pays. Les auteurs de l'étude notent que, pour peu que la croissance économique se poursuive au rythme actuel, le taux de chômage devrait baisser à 7,5 p. 100 dans les 12 à 18 mois. Le marché du travail devrait donc s'aligner sur les autres indicateurs économiques. Suivant cette étude, d'autres stimulants fiscaux et monétaires ne sont pas nécessaires pour atteindre ce taux et ne pourraient pas de toute façon le faire baisser davantage.


«... c'est la nature de la main-d'oeuvre locale qui détermine non seulement la localisation géographique mais aussi la nature des emplois créés.»
Mme Judith Maxwell (présidente, Canadian Policy Research Networks Inc.)
Toujours selon cette étude, le chômage au Canada estun problème non plus macro-économique, mais «micro»-économique. Il y a une demande excédentaire de travailleurs dans des provinces comme le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta tandis que c'est la main-d'oeuvre qui est excédentaire dans des régions comme le Québec et le Canada atlantique.

Une tendance semblable se trouve dans l'évaluation par le Fonds monétaire international des perspectives canadiennes. En mai 1997, il a révisé à la hausse ses propres estimations et conclu que le Canada viendrait en tête des autres grands pays industrialisés avec un taux de croissance de 3,5 p. 100 en 1997 et de 3,4 p. 100 en 1998.3 Et il y parviendrait avec un taux d'inflation bien inférieur à 2 p. 100 par an, taux plus bas que celui de la plupart des grands pays industrialisés. Selon l'enquête du FMI sur les pressions inflationnistes, rien n'indiquait au début de l'année que l'inflation allait augmenter.


«J'estime que grâce à la croissance soutenue des quelques prochaines années, nous sommes tout à fait en mesure de rembourser la dette.»
M. William Robson (Institut C.D. Howe)
La réduction des déficits gouvernementaux, le rétablissement de la confiance des entreprises et des consommateurs et la politique monétaire du gouvernement ont tous contribué à la forte croissance actuelle, selon le rapport du FMI. Le FMI déclare : «la force des fondamentaux au Canada présage une croissance soutenue en 1997-1998, l'inflation restant à l'intérieur de la fourchette-cible.»4

3. L'inflation modérée profite à tout le monde


«... la meilleure banque centrale au monde et la plus respectée, une banque qui, malgré que tout se liguait contre elle du point de vue de la politique budgétaire, a sauvé le Canada de la catastrophe économique... John Crow est vraiment un héros canadien. Nous récoltons maintenant le fruit du travail de John Crow. Les taux d'intérêt au Canada sont maintenant moins élevés qu'aux États-Unis.»
M. Michael Walker (directeur exécutif, Fraser Institute)
Comme on l'a vu, l'économie canadienne enregistre depuis quelque temps une forte croissance alors que l'inflation reste à des niveaux historiquement bas. Les bienfaits de l'inflation modérée sautent aux yeux de tous, notamment les faibles taux d'intérêt. Les taux d'intérêt canadiens n'ont jamais été aussi bas depuis des décennies. Cette année, le taux des bons du Trésor de 3 mois a atteint en moyenne 3 p. 100 contre près de 11 p. 100 en 1990. Le taux préférentiel est inférieur à 5 p. 100 contre 14 p. 100 en 1990, les taux hypothécaires de 5 ans s'élèvent à 7,2 p. 100 contre 13,4 p. 100 en 1990 et les obligations de 10 ans du gouvernement canadien sont à 6,3 p. 100 contre 10,7 p. 100 en 1990.

Les Canadiens ont payé le prix fort pour obtenir un taux d'inflation faible, et ils ne veulent pas qu'on revienne aux taux élevés du début des années 90.


«Nos taux d'intérêt sont, pour la première fois depuis 30 ans, inférieurs à ceux pratiqués aux États-Unis. C'est la conséquence logique de la politique financière et monétaire...»
M. David Laidler (département d'économie, Université Western Ontario)
Les taux canadiens ont non seulement chuté, ils sont inférieurs aux taux américains pour des échéances semblables. Il en va maintenant de même aussi bien pour les taux à court terme qu'à très long terme. Bien que les taux des bons du Trésor au Canada aient été inférieurs aux taux américains depuis le début de 1996 et qu'ils soient inférieurs de plus de 200 points de base aux taux américains depuis un an, les taux de 30 ans sont récemment tombés au-dessous de leurs pendants américains, ce qui aurait été difficile à imaginer il y a quelques années seulement. Il ressort de tout cela que les faibles attentes inflationnistes ont pris racine au Canada. Les investisseurs sont disposés à accepter des rendements moins élevés qu'aux États-Unis parce qu'ils ont confiance dans le pouvoir d'achat du dollar canadien.


« Le taux d'augmentation de la masse monétaire compatible avec l'objectif anti-inflationniste de la Banque du Canada et du gouvernement à long terme, oscille sans doute autour de 3 à 6 p. 100 par an. »
M. David Laidler (département d'économie, Université Western Ontario)
Cette inflation modérée et les faibles taux d'intérêt qui en découlent sont le résultat direct de l'engagement que le gouvernement et la Banque du Canada ont pris de maintenir l'inflation dans la fourchette-cible établie, à savoir 1 à 3 p. 100 par an. Depuis l'établissement des objectifs en matière d'inflation en 1992, l'inflation canadienne n'a jamais dépassé la fourchette-cible et s'est généralement située dans la partie inférieure de cette fourchette. De plus, l'inflation a toujours, depuis, été plus faible au Canada qu'aux États-Unis, l'écart étant souvent de près de 200 points de base.

Jusqu'à il y a quelques années, la crédibilité des objectifs en matière d'inflation souffrait du fait que la politique budgétaire du gouvernement ne cadrait pas avec une politique d'inflation modérée et ne l'appuyait pas non plus. L'augmentation temporaire des taux d'intérêt induite par des restrictions monétaires supplémentaires tend à faire monter le ratio de la dette au PIB de tout gouvernement qui enregistre des déficits ou de petits surplus de fonctionnement. Comme le ratio de la dette au PIB ne peut pas augmenter indéfiniment, une politique budgétaire de ce genre va à l'encontre d'une politique monétaire d'inflation modérée. Certains pouvaient donc en venir à douter de l'aptitude d'une banque centrale à atteindre ses objectifs dans de telles circonstances. Aujourd'hui, la crédibilité du Canada à cet égard ne fait plus de doute. Avec de gros surplus de fonctionnement, la politique budgétaire canadienne est entièrement compatible avec une politique monétaire de stabilité des prix.

La politique budgétaire est non seulement compatible avec la politique monétaire qui réduit l'inflation et les taux d'intérêt, mais est elle-même responsable de la baisse des taux d'intérêt aujourd'hui comme demain. Plus le ratio de la dette au PIB d'un gouvernement est élevé, plus les taux d'intérêt qu'il doit payer sur sa dette le sont aussi. Maintenant que le ratio de la dette au PIB du secteur gouvernemental canadien est en baisse, les primes de risque associées à cette dette devraient continuer de baisser.

C'est sur le marché du logement que les effets de la baisse des taux d'intérêt se font sentir le plus. L'indice d'abordabilité du logement, qui mesure la proportion de son revenu qu'un ménage consacre aux frais associés à la propriété, sont à leur plus bas niveau en dix ans. À environ 30 p. 100 du revenu des ménages, cet indice est inférieur de 40 p. 100 à son sommet de 1990 et inférieur de 20 à 25 p. 100 aux niveaux du milieu des années 1980. Cette amélioration de l'abordabilité a entraîné une augmentation marquée des ventes et des mises en chantier de logements au cours des trois dernières années.

Les achats de biens durables sont censés augmenter de près de 11 p. 100 en 1997 et de plus de 7 p. 100 en 1998 contre seulement 3 p. 100 en 1996.

La baisse des taux d'intérêt influe également sur l'aptitude des ménages à supporter leur endettement. L'endettement des ménages a augmenté constamment au cours des dix dernières années pour dépasser maintenant 100 p. 100 du revenu disponible des particuliers. (Une partie de la hausse récente est due à l'acquisition d'actifs financiers par les ménages.) Grâce aux faibles taux d'intérêt, le service de la dette n'absorbe aujourd'hui que 7 p. 100 des recettes contre plus de 10 p. 100 en 1990.

Tout cela concourt à une amélioration marquée des fondamentaux de l'économie canadienne. L'année écoulée a été une bonne année et on s'attend que les choses continuent à bien aller. Une des mesures de la santé des fondamentaux, c'est la confiance des consommateurs et des entreprises. En octobre, la mise à jour économique et financière notait que l'indicateur de la confiance des consommateurs du Conference Board du Canada était à son plus haut niveau en huit ans et demi. Moins de deux semaines plus tard, le Conference Board annonçait que la confiance des consommateurs approchait de son plus haut niveau en dix ans.

Bien que la confiance des consommateurs ait été lente jusqu'à tout récemment à se manifester, la confiance des entreprises a augmenté tout au long de la décennie. La preuve la plus tangible en est l'évolution des investissements non résidentiels des entreprises. Cet indicateur de l'investissement est en hausse depuis 1993, mais il monte en flèche depuis quelque temps. Selon les données les plus récentes, les taux de croissance des investissements s'élèvent à 20 p. 100 par an.

Ce qui prouve que la confiance des consommateurs est en hausse, c'est que la demande nationale est forte et qu'elle est le moteur d'une bonne partie de notre expansion économique. Pendant la majeure partie de la période qui a suivi la récession, les améliorations de l'économie canadienne étaient surtout dues aux exportations, dont l'expansion tenait principalement à la forte croissance de l'économie américaine. Comme elle est en expansion depuis un bon moment, on craignait toujours qu'un ralentissement de l'économie américaine ne tue dans l'oeuf toute reprise de l'économie canadienne.

On craint moins cette éventualité maintenant que les divers facteurs qui sous-tendent l'économie canadienne sont en meilleur équilibre. Pendant que le secteur des exportations continue de croître, la baisse des taux d'intérêt et l'augmentation de l'emploi donnent aux Canadiens la confiance nécessaire pour dépenser.

L'amélioration de la confiance des consommateurs indique non seulement que les sources de la croissance économique se font plus équilibrées, mais que les avantages d'une économie qui fonctionne mieux et qui croît sont aussi plus également répartis. La confiance des entreprises, qui atteint aujourd'hui des niveaux record, s'est rétablie assez tôt au cours de la reprise économique alors que la confiance des consommateurs était à la traîne. L'augmentation de la confiance des consommateurs indique que les familles commencent à jouir d'une meilleure sécurité de revenu.


1 Blank Line
En proportion du PIB, les déficits du milieu des années 1980 étaient plus importants. Par exemple, le déficit de 38 milliards de dollars en 1984-1985 dépassait 8 p. 100 du PIB, alors que celui de 1993-1994 n'atteignait que 6 p. 100 du PIB.

2 Blank Line
S. Cooper et A. Araujo, Regional Diversity: The Canadian Unemployment Story, rapport spécial, Nesbitt Burns, Toronto, 14 novembre 1997.

3Blank Line
Fonds monétaire international, La globalisation : opportunités et défis, Perspectives de l'économie mondiale, mai 1997.

4 Blank Line
Ibid., p. 23.