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FISH Rapport du Comité

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PARTIE II


Suivi :
Observations et recommandations
du Comité

L'EFFONDREMENT DES STOCKS DE MORUE DU NORD


83. Le Comité est maintenant convaincu, après avoir écouté les pêcheurs durant nos réunions publiques et examiné les preuves qui lui ont été présentées, que le gouvernement fédéral est en grande partie responsable de l'effondrement des stocks de morue du Nord. Même aujourd'hui, le gouvernement fédéral permet aux pays étrangers de pêcher, comme prises accidentelles, de la morue du Nord, leur accorde des quotas de pêche à l'intérieur de notre zone de 200 milles pour des espèces dont se nourrit la morue, leur attribue des quotas pour des poissons jugés excédentaires par rapport aux besoins du Canada (toujours à l'intérieur de la zone de 200 milles), autorise des compagnies canadiennes à affrêter des bateaux et des équipages étrangers pêchant des quotas canadiens à l'intérieur de cette zone, et n'a toujours pas réussi, selon le Comité, à contrôler la pêche étrangère sur le plateau continental canadien.

84. En 1991 - un an avant le moratoire sur la morue du Nord - le quota du Canada pour la morue dans les zones côtières du Labrador (2G et 2H) s'élevait à 1 900 tonnes de moins que les quotas des pays étrangers dans les mêmes zones. Le Canada avait ainsi alloué à la France 4 500 tonnes de morue et 2 000 tonnes de flétan noir, au Danemark 2 270 tonnes de morue et 440 tonnes de flétan noir, à la Russie 1 635 tonnes de morue et 1 265 tonnes de flétan noir, à la Pologne 725 tonnes de morue et 935 tonnes de flétan noir et à la Norvège 1 820 tonnes de morue. Tous ces quotas ont été accordés par le Canada à des pays étrangers à l'intérieur de notre zone de 200 milles. Le ministère des Pêches et des Océans (MPO) soutient dans la publication Le Monde sous-marin que les morues des zones 2G et 2H font partie du stock de morues du Nord de la zone 2J3KL : «les spécimens des zones 2G et 2H passent l'hiver le long du talus continental, au large du Labrador, du banc Saglek au banc Hamilton, et migrent vers les régions côtières du sud du Labrador et du nord de Terre-Neuve en été. Leur aire de distribution chevauche donc en grande partie celle de la morue des zones 2J3KL». Un an avant le moratoire, ces quotas de morue du Nord ont été accordés à des pays étrangers parce qu'il s'agissait de poissons «excédentaires par rapport aux besoins du Canada».

85. Alors que les pêcheurs canadiens faisaient face à un effondrement de la pêche de la morue du Nord, les scientifiques du MPO ont recommandé de ne pas réouvrir la pêche de la morue dans le Bonnet flamand, au sud. Le Bonnet flamand est considéré comme une zone de frai de la morue et faisait l'objet d'un moratoire international puisqu'il s'agit d'une zone de frai et de croissance. (Dans la publication La morue de l'Atlantique du MPO, on signale que la morue connaît «des migrations importantes. La morue du Bonnet flamand, qui commence à frayer en mars... peut parcourir jusqu'à 800 km après avoir quitté sa zone de frai.») Pourtant, en 1991, un an avant le moratoire sur la morue, le Canada a convenu, même si ses propres scientifiques ne le lui conseillaient pas, de rouvrir la pêche de la morue dans le Bonnet flamand. Les comptes rendus des réunions de l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest (OPANO) montrent que le Canada s'est abstenu de voter sur la motion présentée à l'automne de 1990. Toutefois, à l'automne de 1991, le Canada a voté en faveur des quotas de morue qui suivent pour l'année 1992 : Canada, 100 tonnes; Cuba, 480 tonnes; Pologne, 500 tonnes; Norvège, 1 200 tonnes; URSS, 1 270 tonnes; Danemark, 2 900 tonnes; et CEE, 6 465 tonnes. Ces quotas sont toujours en vigueur aujourd'hui.

ESPÈCES DONT SE NOURRIT LA MORUE

86. Pêches et Océans a toujours soutenu qu'il n'existait pas de preuves scientifiques que la pêche des espèces dont se nourrit la morue pourrait avoir une incidence sur les stocks de morue.

87. Les pêcheurs que nous avons rencontrés durant nos réunions publiques ont soutenu que le gouvernement fédéral n'avait aucunement à accorder des quotas à des chalutiers étrangers pour des espèces dont se nourrit la morue et que cette décision avait beaucoup contribué à l'effondrement des stocks de morue du Nord.

Capelan

88. Durant nos audiences publiques, les pêcheurs ont indiqué que le capelan, qui est considéré comme l'une des principales espèces dont se nourrit la morue, est pratiquement disparu en 1992. Après avoir examiné les quotas accordés, le Comité n'a donc pas été surpris de constater que les pays étrangers étaient les principaux coupables. En 1991, les quotas de capelan alloués à des pays étrangers à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada ont battu tous les records.

89. Jusqu'en 1991, on n'avait jamais pêché plus de 90 000 tonnes de capelan dans les eaux canadiennes en une seule année. Cependant, en 1991, les bateaux-usines russes ont reçu des quotas de plus de 100 000 tonnes de capelan à l'intérieur de notre zone de 200 milles (65 000 tonnes en vertu d'une entente avec une compagnie canadienne, 20 000 tonnes en échange de morues de la zone 3NO, 12 000 tonnes dans la zone 2J3K «qui étaient excédentaires par rapport aux besoins du Canada» et 15 000 tonnes en vertu d'un quota de l'OPANO).

90. Même en 1992, alors que le moratoire sur la morue du Nord était en vigueur, le Canada a tout de même alloué des quotas de capelan à cinq pays étrangers à l'intérieur de notre zone de 200 milles : Cuba, 750 tonnes; Pologne, 900 tonnes; Japon, 2 800 tonnes; Norvège, 9 000 tonnes; et Russie, 15 000 tonnes.

Calmar

91. Les pêcheurs ont également signalé durant les audiences publiques que le calmar, un autre aliment de choix pour la morue, s'était raréfié depuis 1980. Une fois de plus, cette situation n'a pas étonné le Comité après qu'il eut examiné les quotas accordés pour cette espèce.

92. En effet, au cours de chaque année depuis 1980, le gouvernement canadien a toujours accordé à des pays étrangers des quotas de calmar à l'intérieur de notre zone de 200 milles. La zone de prédilection pour ces bateaux étrangers se trouve sur la plate-forme Scotian, à 80 milles à l'est de Halifax, dans un secteur que le Canada appelle la «zone des engins à petit maillage». Les pays étrangers ont le droit d'y utiliser des engins à petit maillage pour pêcher les poissons soi-disant «excédentaires par rapport aux besoins du Canada». (Le Comité n'a pu trouver personne dans le Canada atlantique ou au Québec qui croit, comme Ottawa, que nous avons des stocks excédentaires par rapport à nos besoins.)

93. Selon des publications scientifiques du MPO, le calmar, qui voit le jour dans les eaux de la Floride, migre vers le nord durant le mois de juin pour se rendre jusque sur la plate-forme Scotian où le gouvernement canadien permet aux pays étrangers de le pêcher. Cette pêche interrompt sa migration vers les eaux de la Nouvelle-Écosse, du golfe du Saint-Laurent et de Terre-Neuve.

94. En 1992, alors que le moratoire sur la morue du Nord était en vigueur, le Canada a tout de même accordé des quotas de calmar le long de la côte est canadienne, à l'intérieur de la zone de 200 milles : Bulgarie, 500 tonnes; Pologne, 1 000 tonnes; Cuba, 4 800 tonnes; Russie, 5 000 tonnes; et Japon, 14 700 tonnes. Ces quotas à des pays étrangers ont été majorés depuis 1992 (voir la section sur les quotas actuels des pays étrangers).

Maquereau

95. Selon la documentation scientifique du MPO, le maquereau se rend dans le golfe du Saint-Laurent pour frayer à la fin de mai et au début de juin. Même si certains pêcheurs soutiennent que de moins en moins de maquereaux viennent y frayer, le gouvernement canadien a permis aux pays étrangers qui suivent de pratiquer une «pêche expérimentale» du maquereau à l'entrée du Golfe : Pologne et Bulgarie (4 bateaux) en 1990, Russie et Norvège (6 bateaux) en 1991, et Russie (11 bateaux) en 1992.

Grenadier de roche et sébaste

96. La morue se nourrit aussi de grenadier de roche et de sébaste, deux espèces également très recherchées par les usines de transformation au Canada. En 1992, le Canada a accordé à la Russie un quota de 4 000 tonnes de grenadier de roche dans la zone où l'on retrouve la morue du Nord. Il a également accordé à Cuba et à la Russie des quotas de 10 467 tonnes de sébaste dans cette même zone.

Merlu argenté et grande argentine

97. Le merlu argenté et la grande argentine sont deux autres espèces dont se nourrirait la morue. En 1992, la première année du moratoire, le MPO les a classées dans les espèces «sous-exploitées» et dans les stocks «excédentaires par rapport aux besoins du Canada». Les quotas qui suivent ont donc été accordés en 1992 aux chalutiers étrangers pêchant à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada : Japon, 2 129 tonnes de merlu argenté et 3 000 tonnes de grande argentine; Russie, 3 583 tonnes de merlu argenté et 4 500 tonnes de grande argentine; et Cuba, 7 279 tonnes de merlu argenté.

RAPPORTS DES OBSERVATEURS

98. À la demande des témoins, le Comité a cherché à obtenir les rapports d'observateurs des navires étrangers évoluant à l'intérieur de la zone de 200 milles et dans le nez et la queue des Grands Bancs et du Bonnet flamand. Le MPO a refusé au Comité l'accès à ces rapports, prétextant que l'information ne pouvait être diffusée publiquement pour des raisons de «secret commercial». Toutefois, le Comité a mis «officieusement» la main sur un petit échantillon des rapports d'observateur de deux pays étrangers ayant pêché à l'intérieur de la zone de 200 milles en 1989 et 1990.

99. Le Comité a également passé en revue une vérification interne effectuée il y a dix ans et qui concluait que les tentatives de corruption et les cadeaux des capitaines étrangers n'étaient pas rares. Un employé du MPO a dit qu'un capitaine étranger lui avait offert un pot-de-vin de 10 000 $ tandis qu'un autre a trouvé dans la boîte aux lettres de sa résidence une somme de 22 000 $ qui y avait été déposée par le capitaine d'un bateau étranger. Ces faits ne sont pas surprenants compte tenu de la valeur des prises. Par exemple, le capitaine d'un bateau étranger qui a pêché pendant 56 jours a vendu sa cargaison pour une somme de 2,4 millions de dollars.

100. Le Comité a été scandalisé quand il a constaté le niveau des prises accidentelles de deux pays étrangers qui étaient énumérées dans le rapport de 1990 d'un observateur de la pêche du merlu argenté : espadon, 2,3 tonnes; crabe, 8,3 tonnes; homard, 33,5 tonnes; plie grise, 22,9 tonnes; sébaste, 288,4 tonnes; maquereau, 417,4 tonnes; hareng, 1 495,2 tonnes; aiglefin, 733,5 tonnes; aiguillat, 2 830,2 tonnes; grande argentine, 138,9 tonnes; calmar, 2 870 tonnes; raie, 660,7 tonnes; goberge, 2 336,3 tonnes; merlu, 119,8 tonnes; brosme, 89,4 tonnes; morue, 426,2 tonnes; et baudroie, 167,5 tonnes. À elles seules, ces prises accidentelles suffiraient pour occuper une grande usine de transformation canadienne pendant toute une année.

101. Un rapport d'observateur transmis à Ottawa en 1990 signale que 52 chalutiers-usines congélateurs étrangers pêchant à l'intérieur de la zone de 200 milles avaient commis 129 irrégularités dont les suivantes : 56 dépassements des prises autorisées de morue, hareng, goberge et aiglefin; 4 collisions avec des engins fixes canadiens; 2 rétentions d'espèces interdites (saumon); et 9 cas de rejet global. Aucune accusation n'a été portée. Le Vladimir Gavrilov a pêché 20 t de morue, d'églefin et de goberge de plus que ce qu'il avait déclaré. Quant au Pavel Orlov, il a eu recours à deux registres pour fausser les rapports sur ses prises. Le Mys Budyonnogo a oublié de déclarer 100 t de rejets et le Rio Canimar n'a pas déclaré ses rejets, a pêché du mauvais côté de la zone de pêche légale, n'avait pas déclaré quatre tonnes de farine de poisson et a utilisé un engin illégal. Aucune accusation n'a été portée contre le capitaine de l'un ou l'autre de ces bateaux. Le Comité a été atterré par certaines des déclarations faites par des observateurs à bord de bateaux étrangers pêchant à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada. Voici certaines de ces déclarations révoltantes :

102. «Il n'était pas rare qu'on perde dix tonnes ou plus de poisson durant la remontée, mais on ne voyait aucun capitaine étranger réduire l'effort de pêche ou prendre d'autres mesures pour éviter ce gaspillage inutile».

103. «De nombreux capitaines étrangers pêchaient des quantités impressionnantes de poissons à chaque trait de chalut et ne semblaient pas trop préoccupés lorsque leur bateau ne pouvait remonter les prises à bord sans faire éclater la poche de chalut».

104. «Beaucoup de petits poissons ont été pêchés par les bateaux étrangers en mai et juin; en fait, ils étaient si nombreux que beaucoup de gens se demandaient s'il ne vaudrait pas mieux cesser de pêcher. Deux cent quarante six tonnes de petites morues ont été transformées en farine de poisson».

105. «L'augmentation des quotas survenue le 13 juin a aggravé un problème déjà aigu de prises accidentelles. Le commandant de la flottille étrangère savait qu'il y aurait augmentation avant les représentants canadiens... ce n'est pas une simple coïncidence... les décisions sont fondées sur du marchandage politique».

106. Les observateurs se sont intéressés en particulier à l'arrivée de nouveaux bateaux-usines étrangers sur la côte est canadienne à compter de 1989. Ils ont noté qu'ils disposaient de «systèmes perfectionnés de détection du poisson et d'appareils de transformation automatisés à bord». Chaque bateau transformait 32 tonnes de poisson par jour pendant 112 jours (poissons éviscérés, étêtés ou filets). «L'année 1989 a marqué l'arrivée de nouveaux chalutiers congélateurs plus petits. En mai, des bateaux de la classe Omul ont fait leur apparition à l'intérieur de la zone de 200 milles du Canada et ont pêché en compagnie de la vingtaine d'autres bateaux plus âgés et plus imposants. Leur équipage ne comptait aucune femme, seulement 35 hommes comparativement à 75 hommes et femmes sur les plus vieux chalutiers de la classe Bmrt. Ces nouveaux bateaux disposent d'une salle de transformation automatisée, de congélateurs réduisant radicalement les délais, de même que d'outils de navigation et d'appareils de détection du poisson perfectionnés».

QUOTAS ACTUELS DES PAYS ÉTRANGERS

«Pourquoi ces navires étrangers pêchent-ils au large de Black Tickle, dans la zone 2J qui est située en territoire canadien? J'en ai vu un qui battait pavillon étranger et qui pêchait le flétan noir. C'était un immense navire».
Un pêcheur en colère - Mary's Harbour Le 26 novembre 1997

«Contrairement à ce qui a été déclaré récemment, aucun bateau étranger ne pêche le flétan noir au large de Black Tickle. Black Tickle se trouve dans la division 2J de l'OPANO et le flétan noir qui s'y trouve a été alloué entièrement aux pêcheurs canadiens».
Ministre des Pêches et des Océans Lettre au rédacteur en chef du St. John's Evening Telegram Le 7 janvier 1998

107. Qui dit vrai? Est-ce le ministre des Pêches et des Océans, qui doit se fier aux renseignements du MPO, ou le pêcheur du Labrador qui a déclaré à notre Comité avoir vu un bateau étranger pêcher le flétan noir dans la division 2J, en territoire canadien?

108. Lorsque le pêcheur a fait cette déclaration lors de la réunion de Mary's Harbour, les membres du Comité ont eu de la difficulté à le croire parce qu'à leur connaissance aucun quota de flétan noir n'avait été accordé à un pays étranger dans la zone 2J.

109. Toutefois, durant une réunion tenue aux Îles-de-la-Madeleine, un pêcheur a souligné que des pêcheurs de Gaspé avaient été arrêtés en 1993 pour avoir pêché le flétan noir dans la zone 2J, que leurs quotas avaient été annulés et que des bateaux battant «le pavillon de Paris» pêchaient maintenant dans cette même zone.

110. Les membres du Comité ont convenu avec ces pêcheurs qu'il serait irresponsable que le gouvernement canadien permette à un pays étranger de pêcher le flétan noir alors que l'usine de Black Tickle a été fermée parce qu'elle ne pouvait obtenir la permission de pêcher cette espèce dans la division 2J et dans la même zone où les pêcheurs de Gaspé avaient été arrêtés. Nous étions d'accord avec les pêcheurs qui ont signalé que la pêche du flétan noir dans la zone 2J s'accompagne de prises accidentelles de morue du Nord et qui ont ajouté que l'habitant de Black Tickle qui irait pêcher une morue du Nord pour s'alimenter perdrait, lui, son bateau, son moteur et ses engins de pêche, devrait payer une amende et se retrouverait probablement en prison.

111. Le MPO a maintenant confirmé au Comité qu'un chalutier immatriculé à Saint-Malo avait bel et bien pêché le flétan noir dans la zone 2J, au large de Black Tickle, exactement au moment et à l'endroit où le pêcheur l'avait soutenu, en 1997, et qu'il avait ramené ses prises en France pour transformation dans l'usine qui s'y trouve. En fait, ces chalutiers étrangers ont droit à un quota annuel de flétan noir pour les dix prochaines années, avec prises accidentelles de morue du Nord, tout juste au large de Black Tickle, dans la zone 2J des eaux territoriales canadiennes.

FLÉTAN NOIR DE 3L (ET PRISES ACCIDENTELLES DE MORUE DU NORD)

112. Les quotas étrangers de flétans noirs qui s'élèvent à 17 000 tonnes dans la zone 3L permettent également aux chalutiers étrangers de pêcher 850 tonnes de morues du Nord.

113. Les pêcheurs et les travailleurs d'usine étaient en total désaccord avec les quotas et les prises accidentelles de morue du Nord lors des audiences publiques tenues sur la côte devant la zone 3L. Juste avant les audiences, un homme de 81 ans et son frère de 79 ans ont été reconnus coupables, en cour provinciale, d'avoir pêché illégalement de la morue du Nord dans la zone 3L pour se nourrir. On a répété tant et plus que, même si le gouvernement fédéral interdit aux Canadiens vivant près de la zone 3L de pêcher pour se nourrir cette année, il autorise les bateaux étrangers à conserver des prises accidentelles de morue du Nord; si le gouvernement fédéral autorisait la pêche de subsistance dans cette zone, les pêcheurs n'arriveraient jamais à pêcher des quantités comparables à ces prises accidentelles. Le MPO a fait valoir que jusqu'en mai 1997, seulement 70 tonnes de morues du Nord avaient été pêchées accidentellement par des bateaux étrangers pêchant le flétan noir dans la zone 3L. Les pêcheurs de Terre-Neuve ont mal accueilli cet argument pour plusieurs raisons. On accepte mal qu'on ait interdit aux Canadiens de pêcher la morue pour se nourrir alors qu'on a laissé les bateaux étrangers «pêcher seulement 70 tonnes»; les membres du Comité conviennent avec les pêcheurs que le MPO n'a aucun moyen de vérifier l'exactitude des rapports sur les prises accidentelles de morues du Nord, sur les prises de flétans noirs des bateaux étrangers dans la zone 3L : les données sur les prises accidentelles de morues du Nord sont communiquées au MPO par le bureau de l'OPANO à Halifax; ce dernier obtient ses données du pays dont les bateaux ont pêché le poisson. Le pays obtient ses données des observateurs présents à bord des bateaux étrangers; les observateurs sont embauchés par les propriétaires des navires; les données ne sont fournies par les observateurs qu'après le débarquement et la transformation du poisson, à l'étranger, dans le pays des observateurs et des propriétaires des bateaux de pêche.

114. On ne saurait reprocher aux pêcheurs de craindre que, comme on l'a dit, «le renard garde le poulailler».

115. Le Comité convient que le présent accord conclu avec la Communauté économique européenne (CEE) et les autres pays membres de l'OPANO sur les stocks chevauchant dans le nez et la queue des Grands Bancs est entièrement à revoir. On confie aux navires étrangers la surveillance de leurs propres activités. Il est dangereusement naïf de procéder de cette façon. Nous sommes d'accord avec les pêcheurs qui soutiennent que, selon le droit international, ces stocks appartiennent au Canada et ne devraient pas dépendre de l'autoréglementation des pays étrangers.

116. Le MPO a déclaré au Comité qu'il a resserré la surveillance et que ses agents montent maintenant à bord de tous les bateaux des pays membres de l'OPANO; il est donc en mesure de surveiller toute la pêche qui se déroule sur le plateau continental du Canada.

117. Un témoin a proposé que le Canada ratifie immédiatement la Convention des Nations unies sur le droit de la mer et donne avis de la réglementation canadienne concernant les stocks de poisson chevauchant dans le nez et la queue des Grands Bancs, ce qui comprend l'arraisonnement des bateaux étrangers.

Recommandation 1

Le Comité recommande que le Canada n'appuie plus l'attribution de quotas de flétans noirs à des pays étrangers dans la zone 3L au motif que les usines canadiennes de transformation ont besoin des quotas de flétans noirs qui sont présentement détenus par des pays étrangers dans la zone de morue du Nord 3L.

FLÉTAN NOIR DANS LA ZONE O

118. Les premières lettres que le Comité a reçues lorsque nous avons annoncé notre visite dans l'est du Canada provenaient de compagnies de pêche qui se plaignaient du fait que le MPO ait permis à des bateaux et des équipages étrangers de pêcher des quotas canadiens de flétans noirs à l'intérieur de la zone canadienne pendant que des équipages et des navires canadiens étaient confinés à quai. La correspondance échangée entre le MPO et les compagnies canadiennes qui s'opposent à cette mesure a été transmise au Comité.

119. Après enquête, nous constatons que le MPO délivre, à des étrangers, des permis de pêche qui visent les stocks canadiens dans des zones de pêche au large de la Nouvelle-Écosse et dans une zone au nord du Labrador. Le MPO a confirmé que des permis étaient délivrés à des étrangers pour la pêche de quotas canadiens de flétans noirs dans les zones 0B et 0A, et qu'une partie de ce poisson est transformée à l'étranger. La pratique a débuté en juillet 1992 avec l'annonce par le MPO du «Programme de mise en valeur du poisson de fond de 1992», en vertu duquel les sociétés canadiennes de transformation du poisson étaient autorisées à utiliser des bateaux et des équipages étrangers pour pêcher une espèce sous-exploitée; cette espèce sous-exploitée a été identifiée à l'époque comme étant le flétan du Groenland. Le Comité a aussi appris que ce poisson, appelé ainsi aux États-Unis, a toujours été connu sous le nom de flétan noir au Canada et qu'il a constitué, avec la morue, la principale ressource halieutique exploitée par les Terres-Neuviens depuis des décennies.

120. Les membres du Comité ont été alarmés d'apprendre que, d'après les scientifiques du MPO, le flétan noir migre chaque année vers cette zone au nord du Labrador pour se reproduire. Pourtant, en juillet 1992, lorsque le programme a débuté, le MPO a accordé à 19 chalutiers-usines congélateurs russes des permis de pêche du flétan noir dans ces frayères et, le mois suivant, Ottawa accordait à 16 nouvelles sociétés canadiennes des quotas de flétans noirs dans la même zone, autorisant 9 d'entre elles à utiliser des chalutiers-usines étrangers. La pratique se poursuit aujourd'hui. Le Comité note que 21 sociétés canadiennes ont signifié au MPO leur opposition dans une lettre datée du 17 novembre 1997 : «Une flottille de bateaux des îles Féroé avec à leur bord des équipages du même endroit continue de pêcher des quotas canadiens pendant que les navires canadiens et leurs équipages sont immobilisés. Il est inexcusable qu'en 1997, on permette à des bateaux et des équipages étrangers d'exploiter le flétan noir aux dépens des pêcheurs canadiens ... plusieurs bateaux canadiens pourraient pêcher le flétan noir dans une autre zone, la nouvelle zone de pêche du flétan noir 0A, mais le MPO a autorisé l'utilisation de bateaux étrangers dans cette zone également».

Recommandation 2

Le Comité recommande que le Canada ne permette plus aux sociétés canadiennes d'affréter des bateaux et des équipages étrangers pour pêcher dans les eaux canadiennes tant que des pêcheurs et des bateaux canadiens sont disponibles.

FLÉTAN NOIR ET SÉBASTE DE 3L, 3N ET 3O

121. Au Québec, à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse, les pêcheurs nous ont fait remarquer que la plus grande partie du territoire des zones de pêche 3L, 3N et 3O se trouve à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles. Seule une petite partie de la zone 3L est située à l'extérieur de la zone de 200 milles, et pourtant les pays étrangers détiennent 85 p. 100 des quotas de flétan noir dans ce territoire. Les pêcheurs ont aussi fait remarquer que les pays étrangers détiennent 60 p. 100 des quotas de sébastes dans les zones 3L et 3N. Quant au sébaste de la zone 3O, dont la gestion des stocks revient entièrement au Canada, 1 500 tonnes de ce quota est accordé à la France en raison d'une entente signée avec le Canada il y a trois ans.

122. Le Comité estime que les pays étrangers pêchent leur quota complet de flétan noir pour la zone 3L dans la petite partie située à l'extérieur de la limite de 200 milles parce qu'en raison d'un accord avec le Canada, ils peuvent fournir des rapports sur leurs prises une fois revenus à leur port d'attache au lieu d'utiliser des observateurs canadiens.

123. Même si les chiffres fournis sont exacts, les prises totales provenant de ces zones, y compris les prises de flétans noirs et de sébastes dans 3LN et de sébastes dans 3O, révèlent que les pays étrangers transforment 24 500 tonnes de poissons, et le Canada, 15 000 tonnes seulement.

124. Saint-Pierre-et-Miquelon a retenu les services de bateaux de la National Sea Products pour pêcher sa part de 1 500 tonnes du quota canadien de sébastes dans la zone 3O en 1997. Le poisson a été transformé à Saint-Pierre-et-Miquelon. Des témoins ont dit au Comité qu'aucune usine canadienne de transformation du poisson ne détenait de quotas comparables à ceux garantis par le Canada à Saint-Pierre-et-Miquelon pour les dix années à venir.

Recommandation 3

Le Comité recommande que le Canada retire son appui à l'attribution de quotas de sébaste aux pays étrangers dans les zones de pêche 3L, 3N et 3O, au motif que les usines canadiennes de transformation pourraient transformer les quotas de sébaste qui sont actuellement accordés aux pays étrangers dans des zones de pêche situées presque exclusivement en eaux canadiennes.

CALMAR

125. Au cours de plusieurs réunions, les pêcheurs se sont plaints de ne pas avoir pu vendre leur calmar en 1997 à cause de l'engorgement du marché. Ils ont aussi jeté le blâme sur le gouvernement fédéral parce qu'il permet aux nations étrangères de pêcher le calmar à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles. Ils ont fait remarquer que deux nouveaux pays étrangers venaient de recevoir des quotas de calmar à l'intérieur de la zone canadienne. Ils ont déclaré que le Canada autorise désormais une douzaine de pays étrangers à pêcher le calmar dans les zones de pêche 3 et 4 qui bordent les littoraux de Terre-Neuve, du Québec et des provinces de l'Atlantique.

126. Le Comité a constaté qu'encore une fois les pêcheurs avaient raison. Le MPO a confirmé au Comité que la Corée, les États-Unis et la France ont été autorisés l'an dernier par le Canada à se joindre à d'autres pays qui détiennent des quotas annuels de calmar tout le long de la côte est du Canada, à l'intérieur de la zone de 200 milles; ces nouveaux quotas proviennent en partie d'un contingent bulgare non-exploité.

Recommandation 4

Le Comité recommande que le Canada n'appuie plus l'attribution de quotas de calmar actuellement accordés à une douzaine de pays étrangers, à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles, au motif que le calmar est un aliment de base pour la morue du Nord et d'autres poissons et qu'il constitue une part importante des prises de milliers de pêcheurs canadiens.

MERLU ARGENTÉ ET AUTRES ESPÈCES «SOUS-EXPLOITÉES»

127. Le merlu argenté des zones de pêche 4V, 4W et 4X à l'intérieur de la zone canadienne de 200 milles est qualifié de «sous-exploité» par le MPO en 1998. Le MPO juge toujours que le merlu argenté est un poisson «excédentaire par rapport aux besoins du Canada»; le gouvernement fédéral a déclaré que, en vertu de la Convention sur le droit de la mer, le Canada doit donner aux pays étrangers accès à toute espèce de poisson que le Canada ne peut pleinement exploiter, y compris le merlu argenté.

128. Comme un des témoins l'a souligné au cours des audiences, même si le Canada n'a jamais ratifié ni même signé la Convention sur le droit de la mer, il estime pourtant qu'il est de son devoir, en vertu de cette convention, de céder son poisson aux pays étrangers.

129. Le Comité est d'accord avec les avis exprimés par les témoins du Québec, de Terre-Neuve et de la Nouvelle-Écosse, selon lesquels aucun stock de poissons n'est «excédentaire par rapport aux besoins du Canada» à l'intérieur de la zone de 200 milles s'étendant au large des côtes canadiennes, et déplore le fait que le Canada continue d'être la seule nation de pêche au monde qui a déclaré posséder du poisson excédentaire par rapport à ses besoins. Le Comité est d'accord avec les témoins qui favorisent la canadianisation de la pêche du merlu argenté dans les plus brefs délais.

Recommandation 5

Le Comité recommande que le Canada décide immédiatement qu'il n'y a aucun stock de poisson «excédentaire par rapport aux besoins du Canada» à l'intérieur de la zone de 200 milles s'étendant au large de nos côtes et que tout quota accordé pour ce motif soit remis aux usines canadiennes de transformation du poisson. (Par exemple, la collectivité de Burgeo à Terre-Neuve a demandé qu'on lui accorde un quota de 5 000 tonnes de grande argentine pour lui permettre de rouvrir son usine de transformation du poisson. La grande argentine est un poisson que le Canada a cédé à des pays étrangers parce que cette espèce était sous-exploitée à l'intérieur de notre zone de 200 milles. Le ministre des Pêches et des Océans a informé le Comité qu'il avait acquiescé à cette demande.)

THON

130. Lors de plusieurs réunions, les pêcheurs se sont plaints qu'ils ne pouvaient obtenir un quota de thon alors que le Japon détenait d'important quotas de thon et d'espadon en eaux canadiennes. «Laissez-moi pêcher un thon rouge et je serai heureux», disaient souvent les pêcheurs au chômage. Ces derniers ont fait remarquer qu'un thon rouge valait quelque 25 000 $. Ils se sont fortement opposés à ce qu'on accorde aux thoniers japonais un quota beaucoup plus élevé que celui détenu par les pêcheurs dans leur propre province. Le Comité a fait remarquer que deux thoniers japonais étaient amarrés dans le port de St. John's, le MPO a dit au Comité que le quota de thon rouge accordé au Japon en eaux canadiennes était de 113 tonnes pour 1998 alors qu'aucune province canadienne ne dispose d'un quota de plus de 35 tonnes.

131. La flottille japonaise a aussi le droit de pêcher autant de thons des autres types qu'elle désire. Elle pêche aussi l'espadon par la même occasion. Elle ne doit respecter qu'un quota, celui de 113 tonnes de thons rouges en prises accidentelles dans les eaux canadiennes cette année alors que les pêcheurs de chacune des provinces de l'est sont limités à 35 tonnes.

132. Le Comité est déçu que le MPO ait refusé qu'il l'accompagne lors des négociations de la Commission internationale pour la conservation des thonidés de l'Atlantique (CICTA) en novembre 1997, en Espagne. Le Comité a appris que les stocks reproducteurs de thons rouges dans le nord ont diminué de 90 p. 100 depuis 1975 et que les prises accidentelles de 2 354 tonnes de thons rouges négociées pour quatre pays dans le cadre de la CICTA sont quatre fois plus élevées que les prises recommandées si on veut assurer le rétablissement des stocks au cours des 20 prochaines années.

Recommandation 6

Le Comité recommande que le Canada cesse immédiatement d'accorder aux navires japonais des permis de pêche au thon et à l'espadon en eaux canadiennes, au motif que les pêcheurs et travailleurs d'usines canadiens ont besoin de ces ressources et qu'ils devraient y avoir accès, si les objectifs de conservation le permettent.

SAUMON

133. Les membres du Comité ont été estomaqués d'apprendre, lors des audiences publiques tenues sur la côte sud de Terre-Neuve, que la France participait à la pêche commerciale du saumon autour des îles de Saint-Pierre-et-Miquelon et dans le corridor de 80 milles de long qui s'étend vers le sud à partir des îles. Le Comité a aussi appris que la France utilisait lors de cette pêche commerciale du saumon, des engins achetés des pêcheurs de Terre-Neuve exclus de cette pêche par le gouvernement fédéral.

134. La pêche commerciale du saumon au Canada a été fermée le long de la côte méridionale de Terre-Neuve il y a plusieurs années parce que le gouvernement fédéral prétendait qu'elle nuisait à la remontée du saumon vers les rivières de Terre-Neuve, des provinces de l'Atlantique et du Québec. Le gouvernement fédéral a offert une compensation financière en espèces aux pêcheurs. Le Comité a été ahuri de découvrir que le gouvernement fédéral savait depuis quatre ans que des bateaux étrangers se livraient à la pêche commerciale du saumon sans jamais s'y opposer.

Recommandation 7

Le Comité recommande que le Canada exige du gouvernement français qu'il interdise la pêche commerciale du saumon autour de Saint-Pierre-et-Miquelon, au motif que ce saumon doit remonter vers les rivières de frai de Terre-Neuve, des provinces de l'Atlantique et du Québec. (Le Comité note qu'il n'y a aucune rivière à saumon dans les îles de Saint-Pierre-et-Miquelon.)

PART DES QUOTAS CANADIENS ALLOUÉE À LA FRANCE

135. En 1994, le Canada a signé à Paris une entente qui donnait à la France un pourcentage de plusieurs quotas canadiens de poissons le long de toute la côte est, de la Terre de Baffin au sud de la Nouvelle-Écosse.

136. C'est à cause de cette entente que la flottille «métropolitaine» française, basée à Saint-Malo, a aujourd'hui accès à un pourcentage des quotas canadiens qui va de 30 p. 100 pour le grenadier de roche, dans le nord, à 15 p. 100 pour le sébaste, dans le sud. Saint-Pierre-et-Miquelon transforme une partie de ce poisson (p. ex. on y a transformé 1 500 tonnes de sébastes pêchés par les chalutiers de la National Sea en 1997), mais l'entente ne précise pas que le poisson doit être débarqué à Saint-Pierre-et- Miquelon (les prises susmentionnées de flétans noirs dans 2J au large de Black Tickle, en 1997, ont été transformées en France).

137. L'entente sur la pêche donnera à la France une part des quotas canadiens pendant dix ans après la levée du moratoire sur la morue du Nord.

Recommandation 8

Le Comité recommande que le Canada se retire des ententes actuelles qui donnent à la France une part de plusieurs de ses quotas en eaux canadiennes au large de la Terre de Baffin, du Labrador, de l'est de Terre-Neuve, du Québec, de l'Île-du-Prince-Édouard et de la Nouvelle-Écosse, pour le motif que ce poisson est nécessaire aux pêcheurs et aux travailleurs d'usines canadiens ainsi qu'à leurs familles, qui devraient y avoir accès, si les objectifs de conservation le permettent.

BONNET FLAMAND

138. Aux audiences, de nombreux pêcheurs se sont plaints que les pays étrangers pêchaient plus de 100 millions de dollars de crevettes chaque année sur le plateau continental du Canada, tandis que les pêcheurs canadiens se voyaient refuser des permis. Le Bonnet flamand, territoire en litige, est reconnu mondialement comme faisant partie de notre plateau continental. Il est géré par l'OPANO, dont le Canada fait partie.

139. Le Comité a vérifié le fait que bien que le Bonnet fasse partie de notre plateau continental et que le Canada convienne chaque année des quotas de pêche, les pêcheurs canadiens n'en tirent pas beaucoup de bénéfices. Les chiffres officiels fournis au Comité par le MPO confirment les dires des pêcheurs : la valeur des débarquements des crevettes pêchées par les bateaux étrangers dans cette partie du plateau continental du Canada dépassait les 100 millions de dollars, en 1997. Ce chiffre sur la valeur au débarquement provient des ports d'attache des bateaux étrangers et son exactitude est douteuse. Le Comité soupçonne que les débarquements pourraient être bien plus considérables que ce que les pays étrangers signalent.

140. Le Comité est plutôt d'accord avec certaines des observations des pêcheurs, selon lesquelles la quantité de poissons pêchés par les pays étrangers sur le nez et la queue des Grands Bancs et sur le Bonnet flamand pourrait permettre de rouvrir toutes les usines fermées, si ce poisson canadien était débarqué au Canada. Les mêmes pêcheurs poussent le Canada à prendre le contrôle du poisson sur notre plateau continental.

Recommandation 9

Le Comité recommande que le Canada prenne immédiatement le contrôle des stocks de poisson qui vivent sur le plateau continental du Canada en invoquant le fait que les pays étrangers pratiquent actuellement une surpêche des stocks sur le nez et la queue des Grands Bancs et sur le Bonnet flamand, que ces stocks appartiennent de droit au Canada et qu'ils permettraient le fonctionnement à l'année de nombreuses usines de transformation; ces stocks ne pourront cependant être exploités que si les objectifs de conservation le permettent.

LSPA ET RECOUVREMENT DES COÛTS

141. Les pêcheurs et les travailleurs d'usines mis au chômage par l'effondrement des stocks de morue du Nord ont présenté des arguments convaincants en faveur du maintien des paiements de LSPA et des programmes de retraite anticipée et de rachat de permis. Ils ont également demandé des changements aux mesures de récupération et une réduction générale des nouveaux droits de permis et des autres droits récemment mis en vigueur par le MPO.

142. Des témoins nous ont même apporté leur livret de banque pour nous montrer l'état d'indigence dont souffrent leurs familles. Des témoins ont comparé la Stratégie avec l'aide versée aux agriculteurs de l'Ouest quand ils ont connu des difficultés. On nous a relaté d'innombrables récits de budgets familiaux modestes planifiés jusqu'en mai 1999, échéance à laquelle s'étaient engagés par écrit plusieurs ministres du Cabinet et fonctionnaires fédéraux. Les témoins ont été bouleversés d'apprendre qu'un engagement fait envers chacun d'entre eux par écrit pouvait être abrégé d'un an si cruellement.

143. Plusieurs témoins ont signalé la stérilité d'une mesure de récupération imposée récemment aux pêcheurs. Lorsque leur revenu total atteint 26 000 $ dans l'année, chaque cent au-delà doit être remboursée au gouvernement fédéral, quelles que soient les dépenses liées à la pêche. On a expliqué au Comité qu'une fois ses dépenses payées, le pêcheur n'avait plus guère de profit si tout ce qui dépassait le plafond de 26 000 $ devait retourner au gouvernement fédéral. Des témoins ont proposé une mesure de récupération semblable à celle de l'assurance-emploi, c'est-à-dire au-delà du seuil de 39 000 $.

144. Tous les pêcheurs se sont plaints de l'augmentation sans précédent des droits de permis, des droits pour les bateaux, des frais d'utilisation de la Garde côtière, etc., et du moment très mal choisi de ces augmentations incroyables, qui ont coïncidé avec le moratoire sur la pêche de la morue.

Recommandation 10

Le Comité, persuadé par les témoignages des pêcheurs et par l'ensemble des preuves examinées du rôle considérable joué par le gouvernement fédéral dans l'effondrement des stocks de morue du Nord, estime qu'il appartient au gouvernement fédéral de donner son soutien aux pêcheurs et à ceux dont les emplois ont été directement touchés par le déclin de la pêche sur la côte est du Canada. Ce soutien devrait comprendre :

a) Le maintien de LSPA, au moins jusqu'à l'échéance originale de mai 1999 convenue par écrit.

b) La réallocation immédiate des quotas de pêche étrangers aux Canadiens, en donnant la priorité aux pêcheurs et aux usines les plus gravement touchés par l'effondrement de la pêche au large de la côte est du Canada.

c) Le maintien du programme de retraite volontaire et du programme de rachat volontaire de permis de LSPA dans tous les cas où la capacité de pêche est réduite.

d) Un changement du plancher de récupération du revenu pour les pêcheurs bénéficiaires de LSPA, correspondant à celui du régime de l'assurance-emploi.

e) Une réduction des droits de permis et de frais afférents récemment augmentés par le gouvernement fédéral, qui touchent les pêcheurs d'une façon qui ne correspond aucunement à leur capacité de payer.

f) La mise sur pied d'un programme pluriannuel d'infrastructure et de diversification des emplois financé par le fédéral et administré selon les pratiques établies, qui doit être destiné aux gens les plus touchés par le déclin des pêches sur la côte est et auquel doit participer la communauté. Ce programme devrait viser avant tout à permettre aux Canadiens d'exploiter et de transformer les ressources halieutiques et de trouver des marchés pour leurs produits.

COÛTS D'EXPLOITATION DES BATEAUX

145. Le Comité convient que l'allocation nominale pour frais de 25 p. 100 accordée aux propriétaires de navire en vertu de LSPA est inéquitable et improductive.

Recommandation 11

Le Comité recommande que les propriétaires de navire puissent de nouveau réclamer les frais réels engagés au lieu de l'allocation de 25 p. 100.

POLITIQUE DE REMPLACEMENT DES NAVIRES

146. Le Comité a entendu maints témoignages selon lesquels les règles du MPO concernant le remplacement des navires sont trop restrictives. Ces règles peuvent nier aux pêcheurs l'accès aux ressources sur leurs propres lieux de pêche et compromettre leur sécurité même si rien sur le plan de la conservation ne justifie l'imposition de limites de taille des navires.

Recommandation 12

Le Comité recommande que la politique sur le remplacement des navires soit revue en consultation avec les pêcheurs et que des modifications soient adoptées en conséquence.

PHOQUES

147. Le Comité est de l'avis des pêcheurs que l'explosion de la population de phoques constitue désormais une grave menace potentielle pour le rétablissement des stocks de morue et de capelan et qu'il est primordial de résoudre ce problème le plus tôt possible. Il convient également que les phoques constituent une ressource de base et un débouché économique importants pour nombre de collectivités de la côte est du Canada.

Recommandation 13

Le Comité recommande de permettre aux pêcheurs côtiers du Québec et du Labrador de poursuivre la chasse traditionnelle au phoque en les capturant au filet et aux pêcheurs de la côte est de vendre les peaux des dos bleus (petits du phoque à capuchon) capturés légalement selon les règlements existants. Le règlement actuel qui interdit aux pêcheurs de garder un phoque trouvé mort dans un filet et de vendre les peaux des dos bleus capturés légalement est un gaspillage éhonté.

Recommandation 14

Le Comité recommande que tous les phoques capturés soient pleinement utilisés et que soit interdite la capture de phoques dans le but de n'en utiliser que des parties.

Recommandation 15

Le Comité recommande également la tenue immédiate d'une conférence réunissant pêcheurs et scientifiques et organisée par le MPO pour diffuser publiquement les faits quant aux types de poissons dont se nourrissent les phoques; si les pêcheurs ont raison, comme le pense le Comité, cette conférence fera des recommandations quant à l'augmentation des quotas de phoques, la promotion, la chasse au phoque et la commercialisation des produits du phoque. Cette conférence devrait être ouverte au public.

MORUE DU NORD, 1998

148. De nombreux témoins affirment que la morue est plus abondante que jamais dans les baies de la côte est de Terre-Neuve, qui fait partie du domaine de la morue du Nord. Le Comité s'est fait dire que la morue est si abondante qu'on peut la voir de la côte. Des pêcheurs qui ont une longue expérience affirment qu'elle est si abondante qu'on en capture dans les casiers à homard et les filets à lompe.

149. Les seules données scientifiques sur l'abondance de la morue du Nord que le Comité a obtenues durant les audiences proviennent des rapports sur la pêche indicatrice de la morue à la trappe. Le Comité a examiné les prises de trappes à morue placées au même endroit et durant la même semaine, en 1995, 1996 et 1997. Les résultats confirment la présence d'une grande quantité de morue de grande taille dans les baies de la côte est de Terre-Neuve. Les prises ont augmenté radicalement année après année et l'abondance est la plus grande dans la zone 3L, au large de la côte est de Terre-Neuve, qui fait partie de la zone de la morue du Nord.

150. Les pêcheurs se plaignent que les pays étrangers peuvent pêcher, en prises accidentelles, 850 tonnes de morue dans la zone 3L et que les scientifiques du MPO utilisent aujourd'hui une méthode peu fiable pour dénombrer la morue du Nord. La méthode par sondages acoustiques, à laquelle les pêcheurs s'opposent, ainsi que les résultats de la pêche indicatrice, permettront aux gestionnaires de décider s'il y aura pêche expérimentale ou pêche de subsistance en 1998. Les pêcheurs ont expliqué que la nouvelle méthode utilisée par les scientifiques du MPO fait appel au dénombrement des morues le long de lignes imaginaires longues de cinq milles à partir de la côte, plutôt que sur les hauts-fonds où les poissons se concentrent.

Recommandation 16

Le Comité recommande que le Canada prenne immédiatement des mesures pour réduire les prises accidentelles de morue du Nord, 850 tonnes, allouées actuellement aux pays étrangers qui pêchent le flétan noir en zone 3L. Si les mesures de conservation le permettent, ce quota pourrait être accordé aux Terre-Neuviens au fin d'une pêche alimentaire et d'une pêche expérimentale sur les côtes est et nord-est de l'île à compter de l'été de 1998.

Recommandation 17

Le Comité recommande que le MPO organise une conférence réunissant pêcheurs et scientifiques, ouverte au public sans restriction, afin de résoudre le différend au sujet des méthodes de dénombrement de la morue et de déterminer un ensemble de conditions permettant la réouverture de la pêche de la morue du Nord.

FILETS FANTÔMES

151. Le Comité a entendu des témoignages convaincants selon lesquels la pêche par les filets fantômes constitue un important problème de conservation dans certaines régions. La récupération de ces filets pourrait contribuer grandement au rétablissement des stocks de poissons de fond, tout en procurant aux pêcheurs sans travail des emplois dont ils ont désespérément besoin.

Recommandation 18

Le Comité recommande que le gouvernement fédéral finance un projet pilote pour retrouver et récupérer les filets fantômes.

APPROCHE ÉCOLOGIQUE

152. Des témoins ont dit que le gouvernement fédéral devrait consacrer des ressources à l'étude des interactions qui existent entre les différentes espèces qui font partie des écosystèmes marins. Ils ont blâmé le MPO d'avoir compartimenté les pêches en stocks séparés sans tenir compte de l'effet que la pêche d'une espèce a sur l'ensemble de la chaîne alimentaire. Selon eux, le MPO devrait adopter une approche plus intégrée à la gestion des ressources.

Recommandation 19

Le Comité recommande la tenue d'un examen indépendant des méthodes utilisées par le MPO pour fixer le total des prises admissibles et gérer les ressources en général.

CONFIANCE ET VISION MINISTÉRIELLE

153. Le Comité s'inquiète beaucoup de la tendance évidente de la haute direction du MPO à s'aliéner l'industrie et les collectivités côtières. Le Comité est d'avis que le ministère doit revoir sa vision et qu'il ne faut ménager aucun effort pour rétablir la confiance entre le MPO et le milieu de la pêche.

Recommandation 20

Le Comité recommande de remercier du ministère les hauts dirigeants que le milieu de la pêche perçoit comme étant responsables de la crise des pêches.

MISE EN APPLICATION ET COMMUNICATION

154. Le Comité a entendu à maintes reprises des témoins dire que les fonctionnaires du MPO font du mieux qu'ils peuvent malgré les circonstances difficiles, mais que les effectifs sont insuffisants pour assumer adéquatement les tâches essentielles. Le problème est particulièrement aigu au chapitre de la mise en application et de la communication.

Recommandation 21

Le Comité recommande de dégager des ressources humaines additionnelles pour assumer les tâches requises, au niveau local; on pourrait pour ce faire procéder à une réorganisation de l'administration centrale du MPO à Ottawa. (Il faut multiplier et améliorer les efforts de mise en application et améliorer grandement les communications au sein du MPO pour que toute information pertinente soit transmise aux populations touchées, le cas échéant.)

Recommandation 22

Le Comité recommande au gouvernement fédéral de suspendre sa décision de fermer la station radio de la Garde côtière aux îles-de-la-Madeleine et de tenir des consultations publiques des pêcheurs, des autres utilisateurs et des chefs des collectivités.

Recommandation 23

Le Comité recommande que le MPO examine immédiatement les préoccupations des propriétaires de petits bateaux en matière de sécurité, advenant que les gros bateaux ne surveillent plus la fréquence maritime VHF16 après l'entrée en service du GMDSS, le 1er février 1999, et rende publiques ses constatations.