PACC Rapport du Comité
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CHAMBRE DES COMMUNES
Introduction
Contexte
Observations et Recommandations
Conclusion
Opinions dissidentes au Neuvième rapport
LE TRAITEMENT DES REVENDICATIONS DU STATUT DE RÉFUGIÉ
Conformément aux dispositions de l'alinéa 108(3)e) du Règlement, le Comité permanent des comptes publics a l'honneur de présenter son
NEUVIÈME RAPPORT
Le Comité permanent des comptes publics a étudié le chapitre 25 du Rapport du vérificateur général du Canada de décembre 1997 (Citoyenneté et Immigration Canada et la Commission de l'immigration et du statut de réfugié — Le traitement des revendications du statut de réfugié) et il présente le rapport suivant :
La détermination du statut de réfugié est un processus difficile qui se déroule dans un contexte de lois et de règlements complexes. Il faut aussi réaliser un équilibre entre la compassion à l'égard des demandeurs du statut de réfugié et les besoins fondamentaux de la société canadienne, une société résolue à offrir un havre de sécurité aux véritables réfugiés.
Les coûts du système de traitement des revendications du statut de réfugié sont énormes. Selon des données partielles, les frais administratifs pour le gouvernement fédéral s'élèveraient à quelque 100 millions de dollars par année. Les provinces se chargent pour leur part de tout un éventail de services sociaux offerts aux demandeurs. Selon un estimé partiel, le coût de ces services atteindrait environ 100 millions de dollars par année tant au Québec qu’en Ontario. Or des changements apportés, tout particulièrement en Ontario, font qu’une bonne partie de ces coûts sera dorénavant assumée par les municipalités. En résumé, les coûts sont tels qu’une plus grande efficacité dans le traitement des revendications entraînera des avantages considérables.
Étant donné l'importance de la détermination du statut de réfugié et des coûts connexes, le Comité a décidé d'examiner le chapitre 25 du Rapport du vérificateur général de décembre 1997. Par conséquent, le 5 février 1998, il a rencontré M. Denis Desautels (vérificateur général du Canada), M. Richard Flageole (vérificateur général adjoint) et M. Serge Gaudet (directeur principal, Opérations de vérification) du Bureau du vérificateur général. Mme Janice Cochrane (sous-ministre) et M. Marc Lafrenière (sous-ministre délégué) représentaient le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration. Mme Nurjehan Mawani (présidente), M. Paul Thibault (directeur exécutif) et M. John Frecker (vice-président de la Section du statut de réfugié) représentaient la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Étant donné la complexité et l'importance de la question, il fut décidé de tenir une deuxième réunion, le 17 février 1998. MM. Denis Desautels, Richard Flageole et Serge Gaudet y ont comparu comme témoins pour le Bureau du vérificateur général. M. Greg Fyffe (sous-ministre adjoint, Développement des politiques et des programmes), M. Georges Tsai (sous-ministre adjoint, Services ministériels) et M. Brian Grant (directeur général intérimaire, Direction générale de l'exécution de la Loi) ont comparu au nom du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, et MM. Paul Thibault et John Frecker ont représenté la Commission de l'immigration et du statut de réfugié.
Le traitement des revendications du statut de réfugié incombe à la fois au ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration (le Ministère) et à la Commission de l'immigration et du statut de réfugié (la Commission).
Le Ministère et la Commission sont indépendants l'un de l'autre. Le Ministère détermine si les demandeurs sont admissibles au système de détermination du statut de réfugié. La Section du statut de réfugié, au sein de la Commission, décide ensuite si le demandeur est réellement un réfugié aux termes de la Convention des Nations Unies relative au statut des réfugiés. Si la revendication est rejetée, le Ministère doit alors renvoyer le demandeur du Canada. Il s'occupe également des autres options qui s'offrent aux demandeurs non reconnus qui souhaitent rester au Canada.
Cette structure et ces méthodes ont été mises en oeuvre en 1989, pour écouler un arriéré de 85 000 demandes non traitées. Le nouveau système devait permettre de régler les revendications de façon rapide, efficace et équitable et de renvoyer les demandeurs non reconnus.
OBSERVATIONS ET RECOMMANDATIONS
Le Comité a appris que la structure et les méthodes actuelles ne réalisent pas les objectifs visés. L'arriéré de demandes non traitées reste élevé (au 31 mars 1997, près de 37 500 revendications attendaient une décision du Ministère ou de la Commission) et le traitement est long. En 1996-1997, il fallait quelque 13 mois pour traiter une revendication. Le renvoi des demandeurs non reconnus pose également des problèmes : des quelque 31 200 demandeurs qui n’ont pas obtenu le statut de réfugié entre 1993 et 1997 ou qui n'ont pas été acceptés au Canada, seulement 22 p. 100 ont confirmé leur départ. Le vérificateur général estime qu'un demandeur peut s'attendre à rester au Canada pendant plus de deux ans et demi. De plus, ceux qui sont restés au Canada en dépit de l’ordre de renvoi y sont en moyenne depuis deux ans et demi.
Les causes de ces problèmes se trouvent non pas dans un secteur précis du système de traitement des revendications mais bien à toutes les étapes du processus. Le vérificateur général signale avoir trouvé « des problèmes d'efficience et d'efficacité opérationnelle et des manques de rigueur » ainsi que « des faiblesses qui transcendent l'ensemble du système — un manque de coordination, d'intégration, de direction stratégique et de suivi global ». (25.35) Comme il le souligne, des mesures ponctuelles ne permettront pas de régler les problèmes qu’a cernés la vérification.
Les témoins représentant le Ministère et la Commission ont reconnu volontiers la pertinence des conclusions découlant de la vérification et ont convenu de mettre en oeuvre toutes les recommandations du vérificateur général. Le Comité a été informé que plusieurs changements sont en voie de réalisation et d'autres viendront. Il sait également que le Groupe consultatif sur la révision de la législation sur l'immigration, chargé par la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration de la conseiller sur l'orientation à donner à la législation canadienne sur l'immigration, a présenté ses conclusions. Bon nombre des recommandations du Groupe consultatif touchent directement des questions soulevées par la vérification et font maintenant l'objet de vastes consultations.
Le vérificateur général a reconnu la contribution du Groupe consultatif et a ajouté qu’il existe peut-être d’autres façons de répondre aux préoccupations soulevées, (1655) ce dont a convenu le Comité. Celui-ci formule les recommandations qui suivent dans l’espoir qu’elles contribuent à l’examen et aux mesures et de reconstruction et qu’elles permettent d’accroître sans tarder l’efficacité du processus.
Il incombe au Ministère de déterminer l’admissibilité au système. La vérification signale plusieurs problèmes à cette étape. Les décisions sont souvent prises sans l’information nécessaire. Bon nombre de réfugiés, on le comprendra, ne sont pas munis des papiers nécessaires, mais la proportion atteint presque 60 p. 100. Et pourtant, depuis 1993, plus de 99 p. 100 des revendications ont été jugées admissibles. Si l’étape première était menée avec une plus grande rigueur, le processus serait allégé. Le Comité recommande par conséquent :
Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration élabore une stratégie pour rendre plus rigoureux l’examen préliminaire des revendications, afin que les critères d’admissibilité soient respectés. Cette stratégie doit comprendre des cibles et des délais de mise en oeuvre.
La majorité des demandeurs du statut de réfugié au Canada arrivent d’un pays autre que celui dans lequel ils étaient persécutés. En 1989, le Parlement a autorisé le Ministère à refuser l’accès au processus aux demandeurs provenant de pays dont on sait qu’ils respectent les droits de la personne. La vérification a toutefois révélé que le Ministère ne s’est jamais prévalu de ce pouvoir. Mme Cochrane a expliqué au Comité que le gouvernement préfère négocier des ententes bilatérales de partage de responsabilité avec les États considérés des tiers pays sûrs, expliquant qu’il s’agit là d’une décision politique plutôt qu’administrative. Le Comité estime que le recours à ce pouvoir permettrait d’alléger le système de traitement des revendications et il recommande par conséquent :
Que le gouvernement du Canada donne la priorité à la négociation d’ententes de partage des responsabilités avec les États considérés comme des tiers pays sûrs.
Les résultats de la vérification montrent clairement que le Ministère et la Commission ont de la difficulté sur le plan de la collecte et du partage opportuns de données pertinentes. Par exemple, le vérificateur général a souligné que les systèmes d’information du Ministère « ne permettent pas de compiler les renseignements nécessaires pour rendre compte des ressources affectées au traitement des revendications ». (25.38) L’information recueillie lors du premier contact avec le demandeur pourrait être plus complète et plus pertinente, et le Ministère et la Commission pourraient mieux la partager. (25.48 — 25.50) Par ailleurs, le Ministère ne dispose pas d’informations suffisantes pour surveiller efficacement l’octroi de la résidence permanente sur la base de considérations humanitaires. (25.129) Il manque également d’informations pour gérer efficacement les renvois. (25.138) Le vérificateur général a d’ailleurs remarqué que le Ministère « ne connaît pas avec exactitude le nombre de personnes prêtes au renvoi ». (25.138)
Lors des audiences, des porte-parole ont souligné que le Ministère a adopté un plan pour faire face à la situation. Un nouveau système de gestion des cas devrait entrer en vigueur au début de 1999, pour répondre aux lacunes révélées par la vérification. Mme Cochrane a en outre admis que les systèmes du Ministère sont désuets et ne permettent pas d’obtenir l’information voulue. (1720)
Pour gérer efficacement le processus des revendications, le Ministère et la Commission doivent avoir accès en temps opportun à des données complètes. Cette information est également nécessaire pour que le Ministère et la Commission puissent rendre compte de leurs activités en matière de traitement des revendications du statut de réfugié. Le Comité recommande par conséquent :
Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et la Commission de l’Immigration et du statut de réfugié élaborent une stratégie afin de créer les systèmes d’information nécessaires pour combler les lacunes qu’a cernées le vérificateur général. Cette stratégie doit comprendre une évaluation des coûts et des avantages prévus ainsi que des cibles et des délais de mise en oeuvre.
Le Comité constate également que le Ministère et la Commission s’efforcent maintenant de mieux partager l’information et d’accroître la coordination. Notant qu’ils sont sur la bonne voie, le Comité les encourage à poursuivre leurs efforts.
Tel que souligné, le Ministère et la Commission ont besoin d’information sur leurs activités afin de rendre des comptes. Pourtant le vérificateur général a pu constater qu’aucune de ces deux entités n’a fourni d’informations complètes et pertinentes sur le traitement des revendications du statut de réfugié dans leurs documents pour le Budget des dépenses (Rapport sur le rendement, Rapport sur les plans et les priorités). Le Comité estime que la qualité de l’information doit s’améliorer mais souligne aussi que le Ministère et la Commission ont convenu de s’en occuper. Par conséquent, il recommande :
Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié fournissent dans leur Rapport sur le rendement annuel de l’information sur leurs activités touchant la détermination du statut de réfugié. Cette information doit être fondée sur des mesures du rendement claires davantage axées sur les résultats que sur les processus.
Le Comité partage les préoccupations du vérificateur général en ce qui concerne la nomination des commissaires à la Commission. Pour prendre en temps opportun des décisions équitables, les commissaires doivent avoir une connaissance suffisante du système. Or, la vérification révèle que pendant une certaine période, les mandats des commissaires ont été relativement courts et le taux de roulement assez élevé, d’où une faible productivité et l’accroissement de l’arriéré des revendications non traitées. La formation de nouveaux membres fait également augmenter les coûts. Mme Mawani a souligné qu’il serait utile que les commissaires restent en fonction plus longtemps. (1620) Or le Comité constate que les mandats ont rallongé récemment et que le taux de roulement a diminué. Étant donné l’importance de conserver un certain niveau de compétence à la Commission, le Comité recommande :
Que le gouvernement, quand il renouvelle le mandat des commissaires à la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le rallonge. Il devra alors tenir compte tout particulièrement du rendement antérieur.
20. Actuellement, en vertu de la Loi, les audiences de la Commission peuvent avoir lieu avec un seul commissaire, pourvu que le demandeur y consente. D’après le Rapport sur le rendement de la Commission pour la période se terminant le 31 mars 1997, les tribunaux à un seul commissaire, tenus avec le consentement des demandeurs, sont passés de 9 p. 100 de toutes les audiences en 1995-1996 à 21 p. 100 en 1996-1997. Ailleurs dans le Rapport, la Commission indique que le recours accru aux tribunaux à un seul commissaire a contribué à ses gains de productivité en 1996-1997. Le Comité estime qu’en attendant d’éventuelles modifications législatives, cette option offre le potentiel d’accroître l’efficacité et il recommande par conséquent :
Que la Commission cherche activement des façons d’accroître le nombre de tribunaux à un seul commissaire.
Le Comité craint également que la Commission ne soit pas dotée des ressources nécessaires pour exécuter son mandat. Mme Mawani a souligné qu’avec un effectif stable de commissaires (actuellement 169) et un contingent de 25 000 revendications par année, la Commission pourra ramener la durée du traitement à huit mois d’ici l’exercice 2000-2001. Elle s’attend à ce que le nombre de cas en attente tombe à 19 000.
M. Thibault a souligné que l’augmentation du nombre de commissaires réduirait les retards de traitement. (1605) Dans son rapport, le vérificateur général indique que les États-Unis et les Pays-Bas ont augmenté sensiblement leurs effectifs dans l’espoir de réduire les arriérés et les abus. (25.14) Le Comité estime qu’il y a lieu d’étudier les niveaux de dotation de la Commission et recommande :
Que la Commission de l’immigration et du statut de réfugié revoit ses besoins en personnel afin de déterminer les gains d’efficacité que permettrait la nomination de commissaires additionnels.
Selon la vérification, il est inquiétant que le Ministère éprouve tant de difficultés avec les renvois. Dans son rapport, le vérificateur général indique que des 31 200 demandeurs dont le renvoi a été ordonné entre 1993 et 1997, 22 p. 100 seulement ont confirmé leur départ. En outre, à la fin de la vérification, le Ministère a pu confirmer le départ de 4 300 seulement des 19 900 personnes qui étaient censées avoir quitté le Canada.
Il est vrai que les améliorations proposées ci-dessus pour la collecte et la gestion de données aideraient à effectuer les renvois, mais il faut faire davantage. Mme Cochrane a expliqué au Comité que le Ministère a mis au point une stratégie globale de renvoi. Cependant, cette stratégie ne sera efficace que dans la mesure où elle est mise en oeuvre et que les décisions sont prises sans délai. Le Comité recommande par conséquent :
Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration fasse part, dans son Rapport sur le rendement pour la période se terminant le 31 mars 1998 et chaque année par la suite, des mesures prises et des résultats obtenus dans le cadre de sa stratégie globale de renvoi.
Comme nous l’avons souligné, les propositions de réforme des politiques d’immigration du Canada, y compris le traitement des revendications du statut de réfugié, font l’objet d’un examen approfondi. Il est probable que le mode de traitement des revendications changera radicalement. Étant donné la complexité de la question et les défis auxquels font face le Ministère et la Commission, il est essentiel que la transition entre le système actuel et le nouveau soit planifiée avec soin et prudence. Le Comité recommande par conséquent :
Que le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration et la Commission de l’immigration et du statut de réfugié élaborent ensemble un plan stratégique pour gérer la période de transition entre l’actuel système de traitement des revendications du statut de réfugié et le nouveau système qui sera mis en oeuvre. Ce plan doit notamment viser à éviter dans la mesure du possible les répercussions néfastes sur l’efficience et l’efficacité que pourraient entraîner la transition.
En dernier lieu, le vérificateur général informe le Comité que personne au gouvernement fédéral ne suit la situation générale des revendications. Il souligne également que le Parlement ne reçoit aucune information sur le rendement interministériel pour ce qui est du traitement des revendications. Il s’agit là de lacunes qui doivent être corrigées et le Comité recommande par conséquent :
Que le gouvernement crée un mécanisme de contrôle de la situation générale des revendications du statut de réfugié et prévoit le dépôt au Parlement de rapports sur le rendement interministériel en matière de revendications.
S’il est vrai que la vérification a révélé des problèmes dans le système de traitement des revendications, il reste que le Canada s’est acquis une réputation mondiale pour ce qui est de son programme de protection des réfugiés. Le Comité reconnaît également le dévouement et les efforts de ceux qui travaillent dans le système en place et ont à coeur d’allier atteinte des objectifs et efficacité. Néanmoins, il importe de s’attaquer aux lacunes et de bâtir sur les succès antérieurs afin de préparer l’avenir. Il importe également que la population canadienne fasse confiance au système et que celui-ci traite les demandeurs de façon juste et humaine.
Le Comité est convaincu que les mesures prises suite aux consultations sur le rapport du Groupe consultation et l’adoption des recommandations du Comité et de celles du vérificateur général permettront d’améliorer le processus de traitement des revendications du statut de réfugié et de s’assurer la confiance de la population canadienne.
Le Comité demande qu’en vertu de l’article 109 du Règlement, le gouvernement dépose une réponse globale au présent rapport.
Les opinions dissidentes de l’Opposition officielle et du Bloc Québécois sont annexées au présent rapport.
Une copie des Procès-verbaux pertinents (réunions nos 15, 18, 23, 28 et 30 ) est déposée.
Respectueusement soumis
Le président,
JOHN WILLIAMS
Opinion dissidente de l’opposition officielle
à l’intention du Comité permanent des comptes publics
Conformément à l’alinéa 108(3)e) du Règlement de la Chambre des communes, les membres du Comité permanent des comptes publics représentant l’opposition officielle ont l’honneur de présenter leur opinion dissidente à adjoindre au
Neuvième Rapport
L’opposition officielle est d’avis que le rapport du Comité permanent des comptes publics n’est pas représentatif des opinions et recommandations formulées par l’ensemble du Comité, mais plutôt de celles de ses membres du parti ministériel.
INTRODUCTION
« Le système actuel n’est pas à l’abri des abus et ne protège pas rapidement ceux qui en ont vraiment besoin. »1
Notre propos, dans le présent rapport, n’est pas de nous lancer dans un débat sectaire sur les conclusions du vérificateur général (VG), mais plutôt de les mettre à profit pour aider plus rapidement ceux qui ont vraiment besoin de la protection du Canada. L’opposition officielle est d’avis que le Comité a adhéré à cet objectif dans le contexte général de son rapport. Toutefois, les membres ministériels du Comité ont parfois semblé se soucier avant tout de limiter les dégâts et de soigner l’image publique du gouvernement alors qu’une analyse et une critique constructives s’imposaient.
L’opposition officielle reconnaît aussi que le Comité permanent de la citoyenneté et de l’immigration entreprend actuellement une étude approfondie du rapport du Groupe consultatif sur la révision de la législation sur l’immigration intitulé Au-delà des chiffres. La présente opinion dissidente portera donc surtout sur les problèmes généralisés, voire même systémiques, signalés par le VG dans son rapport et laissera les détails techniques à ceux qui ont pour tâche de réviser la législation.
LA RÉCEPTION DES REVENDICATIONS
Le VG et le Comité font tous deux état, dans leurs rapports respectifs, de points faibles dans la procédure de réception des revendications du statut de réfugié. À la première recommandation, à la page 4 de son rapport, le Comité recommande que le ministère « élabore une stratégie pour rendre plus rigoureux l’examen préliminaire des revendications... ».
L’opposition officielle est d’avis que le gouvernement doit cesser de favoriser éhontément les immigrants de la composante à caractère économique qui tentent d’entrer au Canada comme réfugiés et commencer à accepter en plus grand nombre les réfugiés authentiques par l’intermédiaire de ses bureaux à l’étranger.
De plus, nous croyons que le gouvernement devrait resserrer les normes d’identification qu’il applique aux demandeurs de statut qui ne produisent pas de documents de voyage.2 Cette stratégie devrait en outre permettre d’empêcher les immigrants qui viennent au Canada en passant par des tiers pays sûrs, comme les États-Unis, de présenter des demandes ici.3
Dans son rapport, le Comité signale l’importance de la « réputation mondiale [du Canada] pour ce qui est de son programme de protection des réfugiés ». Les membres ministériels du Comité ont défait une motion qui proposait d’insérer, après le passage précité, la phrase suivante : « Il y aurait lieu d’insister davantage sur la réinstallation des véritables réfugiés au sens de la Convention des Nations Unies ». L’opposition officielle estime qu’en mettant plus l’accent sur la réinstallation, le ministère donnerait plus efficacement suite à l’observation du VG selon laquelle
... le processus actuel n’accorde pas rapidement la protection du Canada aux revendicateurs qui en ont vraiment besoin. De plus, il ne dissuade pas les personnes qui ne méritent pas ou ne requièrent pas la protection du Canada de revendiquer le statut de réfugié.4
L’opposition officielle implore le ministère de la Citoyenneté et de l’Immigration de rechercher activement à l’étranger les véritables réfugiés au sens de la Convention dont la vie est en danger immédiat et qui n’ont pas les moyens de venir chercher asile au Canada.
LE TRAITEMENT DES REVENDICATIONS DU STATUT DE RÉFUGIÉ
Dans son rapport, le Comité recommande de prolonger le mandat des membres de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) et d’évaluer leur rendement antérieur avant de les reconduire dans leurs fonctions. L’opposition officielle abonde dans le même sens, mais estime que cette recommandation n’aura aucun effet sur le recrutement et la sélection des commissaires.
Dans son rapport, le vérificateur général a écrit que « [l]es commissaires à la CISR doivent prendre des décisions complexes qui peuvent avoir un impact important sur la vie, la liberté ou la sécurité du revendicateur et sur l’intégrité du système, impact qui rapproche leur rôle de celui des juges de cours de justice. »5
L’opposition officielle estime que le recrutement et la sélection des membres de la CISR laissent à désirer, compte tenu des responsabilités qui leur incombent. Des personnes très compétentes ont été nommées à la Commission, mais à notre avis, elles sont l’exception plutôt que la règle. Les nominations à la Commission sont en majorité basées sur le favoritisme politique plus que sur la compétence ou l’expérience des candidats retenus. Au sujet des commissaires à la CISR, le vérificateur général a écrit qu’« [i]l ne doit exister aucun doute quant à leur compétence et à leur indépendance. »6
Le groupe consultatif ministériel a été créé pour recommander des candidats au ministre afin d’éliminer tout risque d’allégation de favoritisme politique. Le problème qui s’est manifesté, selon le fondateur de la CISR, M. Gordon Fairweather, est qu’on ignore les candidats qui ne sont pas libéraux, indépendamment de leurs références, au profit de ceux qui sont notamment libéraux.7
Au sujet du traitement des revendications du statut de réfugié non reconnues, le vérificateur général a fait l’observation suivante :
CIC arrive difficilement à régler les cas des revendicateurs non reconnus de façon rapide et efficace. L’évaluation des risques de retour comporte des ambiguïtés qui suscitent des questions sur son fondement. Nous avons également constaté que l’évaluation des considérations humanitaires invoquées par les revendicateurs non reconnus manque de rigueur. CIC éprouve en outre de sérieuses difficultés à mettre en oeuvre les mesures de renvoi.8
Pour résoudre ces problèmes, l’opposition officielle propose que le gouvernement charge tous nos organismes d’application de la loi de mettre de l’ordre dans notre procédure de déportation. Comme on peut le lire dans le rapport majoritaire du Comité, le vérificateur général a révélé que sur les 19 900 mesures de renvoi prises depuis 1993, on ne peut confirmer que 22 p. 100 (4 300) des départs.9
Les Canadiens ont perdu confiance en notre système d’immigration à cause du favoritisme éhonté du gouvernement, de l’incompétence dont ils soupçonnent les agents et de l’incapacité de renvoyer ceux à qui on a ordonné de quitter le Canada.
CONCLUSION
L’opposition officielle perçoit la Commission de l’immigration et du statut de réfugié d’un tout autre oeil que le gouvernement. Elle remplacerait l’actuelle CISR, entachée de favoritisme et non justiciable, par des agents d’immigration bien formés et responsables devant le Parlement et les Canadiens.
Nous comprenons fort bien qu’il n’est pas dans l’intérêt du gouvernement de mettre fin au favoritisme dans les nominations à la CISR, mais nous ne voyons pas pourquoi il ne semble aucunement intéressé à promouvoir une responsabilité, une efficacité et une efficience accrues lorsqu’il est question de réformer la Commission.
Un exemple typique de cette attitude est l’adoption par les membres ministériels du Comité d’une motion proposant de retirer le terme « généralisé » de l’ébauche du rapport du Comité, qui disait initialement que « ... la vérification [du VG] a révélé des problèmes généralisés dans le système de traitement des revendications ».
Cet exemple démontre à souhait que les membres ministériels du Comité avaient pour mandat de faire écho aux recommandations du vérificateur général, mais en les purgeant de tout terme qu’ils jugeraient peu élogieux à l’égard du gouvernement.
En conséquence, le rapport du Comité, qui aurait pu être une évaluation éclairée de celui du vérificateur général, n’est finalement qu’une publicité pour la Commission, le ministère et le gouvernement dans son ensemble.
Dans la conclusion de son rapport, le Comité passe rapidement sur les « problèmes » et « lacunes » du système pour ensuite mettre au premier plan « le dévouement et les efforts de ceux qui travaillent dans le système en place et ont à coeur d’allier atteinte des objectifs et efficacité ».
L’opposition officielle a à coeur de représenter les Canadiens ordinaires et s’engage à leur redonner foi en leur système d’immigration en faisant en sorte qu’il travaille à leur avantage. Pour que ce voeu se réalise, le gouvernement doit reconnaître les problèmes généralisés signalés par le vérificateur général dans plusieurs de ses rapports, dont le Chapitre 25 de son rapport de décembre 1997, et y remédier.
___________________________________
1
Communiqué de presse, Bureau du vérificateur général du Canada, Décembre 1997 – Chapitre 252 Rapport du vérificateur général du Canada – Décembre 1997, pp. 25-15 – 25-19
3 Ibid., pp. 25-19
4 Ibid., p. 25-38
5 Ibid., p. 25-20
6 Ibid., p. 25-20
7 The Ottawa Sunday Sun, cahier du 8 février 1998
8 Rapport du vérificateur général du Canada – Décembre 1997, p. 25-5
9 Ibid., p. 25-32
Opinion dissidente au neuvième rapport
du
Comité permanent des Comptes publics
Le 7 mai 1998
Respectueusement soumis :
Odina Desrochers, député |
René Laurin, député |
Nonobstant les vœux pieux exprimés dans le présent rapport majoritaire des libéraux de rendre plus efficace et plus rapide la Commission de l’immigration et du statut de réfugié (CISR) dans le traitement des revendications du statut de réfugié, le Bloc Québécois considère que les problèmes soulevés par le Vérificateur général ne seront pas résolus tant et aussi longtemps que le mécanisme de nomination des commissaires de la CISR ne sera pas basé sur la compétence, plutôt que la partisanerie.
Même si le Parti libéral, en 1993, avait décrié les nominations politiques des conservateurs faites au sein de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié, le gouvernement de Jean Chrétien a maintenu les mêmes pratiques.
Voici en quels termes, le Parti libéral s’engageait en 1993, à procéder aux nominations au sein de l’appareil de l’État.
« Les conservateurs ont également pratiqué le copinage lorsqu’ils ont comblé des milliers de postes au sein des conseils, des commissions et des agences. (…) Pour combler les postes qui existeront toujours, un gouvernement libéral veillera à ce que les nominations tiennent compte des compétences… »
Livre Rouge, page 88
Or, depuis leur arrivée au pouvoir, la réalité est pourtant révélatrice. Les libéraux n’ont pas cessé de faire des nominations politiques au sein de la Commission de l’immigration et du statut de réfugié.
Le Bloc Québécois, à de nombreuses reprises, a demandé au gouvernement libéral d’instaurer une procédure de nomination qui assurerait une entière impartialité et un choix fondé sur la compétence et l’expérience professionnelles des candidats.
Quant au premier paragraphe, à la page 8, du présent rapport, il aurait sa pertinence si on apportait plus de précision à la première recommandation, à la page 4, qui parle de grands principes. Le Bloc Québécois souhaite que les cibles et les délais soient mieux identifiés, avec un échéancier clair et précis, ce qui permettrait au Parlement d’être en mesure d’effectuer un véritable contrôle sur les changements proposés pour améliorer le traitement des revendications de statut de réfugié fait par le CISR.