Passer au contenu
Début du contenu

SPRI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

Pour faire une recherche avancée, utilisez l’outil Rechercher dans les publications.

Si vous avez des questions ou commentaires concernant l'accessibilité à cette publication, veuillez communiquer avec nous à accessible@parl.gc.ca.

Publication du jour précédent Publication du jour prochain

SUB-COMMITTEE ON PRIVATE MEMBERS' BUSINESS OF THE STANDING COMMITTEE ON PROCEDURE AND HOUSE AFFAIRS

SOUS-COMITÉ DES AFFAIRES ÉMANANT DES DÉPUTÉS DU COMITÉ PERMANENT DE LA PROCÉDURE ET DES AFFAIRES DE LA CHAMBRE

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mercredi 3 février 1999

• 1538

[Traduction]

Le président (M. Lynn Myers (Waterloo—Wellington, Lib.)): La séance est ouverte. Mes excuses pour le retard. Nous avons un certain nombre de gens qui veulent faire des exposés aujourd'hui au sujet de leur projet de loi ou de leur motion.

Je vous signale la présence de M. Marceau qui remplace aujourd'hui Mme Dalphond-Guiral. Nous vous souhaitons bien sûr la bienvenue à ce comité.

Le premier nom sur notre liste des personnes qui veulent s'exprimer est celui de M. Vellacott. Je me demande, monsieur Vellacott, si vous acceptez de commencer. Vous avez cinq minutes pour nous présenter vos arguments.

M. Maurice Vellacott, (député de Wanuskewin, Réf.): C'est un plaisir de vous parler aujourd'hui de la motion 528.

En vertu de la loi actuelle, les parents ont le droit de recourir à la force pour corriger leur enfant pourvu qu'ils n'en abusent pas et qu'elle ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances. Il s'agit de l'article 43 du Code criminel qui se lit comme suit:

    Tout instituteur, père ou mère ou toute personne qui remplace le père ou la mère, est fondé à employer la force pour corriger un élève ou un enfant, selon le cas, confié à ses soins, pourvu que la force ne dépasse pas la mesure raisonnable dans les circonstances.

En fait, avant la promulgation de cet article du Code criminel, aucune loi ne limitait le recours à la force et aucun organisme gouvernemental n'avait le mandat de protéger les enfants contre la violence. C'est précisément dans ce but que l'article 43 du Code criminel a été adopté. L'ironie de la chose c'est que des partisans de l'abrogation de l'article 43 prétendent que celui-ci protège exclusivement les droits des parents alors qu'en fait à l'origine c'était bien l'intérêt des enfants que l'on visait. Ceux qui veulent qu'on le supprime passent, à mon avis, tout à fait à côté de la sage intention du Parlement.

• 1540

L'article 43 est efficace. Il a été bien conçu. Il a atteint son but et continue à être utile aujourd'hui.

À l'automne de 1998, le groupe Justice for Children and Youth a déposé une requête devant la Division générale de la Cour de l'Ontario pour qu'elle déclare l'article 43 contraire aux dispositions de la Charte et partant, inconstitutionnel. Si le groupe obtient gain de cause, on baignera dans l'absurde et la déraison. Les parents qui, dans leur tendre bonté, croient qu'il y a des occasions—peut-être rares—où le châtiment corporel est la façon la meilleure et la plus responsables de corriger un enfant... ces parents aimants et responsables seraient traités en criminels et inculpés en vertu du Code criminel.

C'est la raison pour laquelle je présente ma motion qui se lit comme suit:

    Que, de l'avis de cette Chambre, le gouvernement devrait défendre l'article 43 du Code criminel devant les tribunaux

—dans un premier temps—

    et devrait invoquer au besoin la disposition d'exemption de la Charte des droits et libertés.

Cette motion vise donc à faire en sorte que les parents réussissent le mieux possible à éduquer leurs enfants et à en faire des êtres et des membres responsables et bien adaptés de notre société. Elle protège le droit des parents à éduquer efficacement leurs enfants conformément à leurs propres croyances à cet égard, à leurs connaissances de leurs enfants et des meilleures façons de les discipliner qui leur viennent de leurs propres parents et de leurs propres expériences de vie.

La motion atteint cet objectif de deux points de vue. D'une part, elle exige du gouvernement qu'il défende énergiquement l'article 43 du Code criminel devant les tribunaux. Voilà pour la première mesure. D'autre part, s'il arrivait qu'un ou plus d'un tribunal décide d'abolir l'article 43, cette motion engagerait le gouvernement à invoquer la disposition d'exemption de la Charte des droits et libertés.

Cette motion satisfait aux 11 critères de sélection, énumérés dans Beauchesne, des affaires émanant des députés qui doivent faire l'objet d'un vote. J'aimerais toutefois terminer en vous donnant quelques autres raisons pour lesquelles la motion devrait être considérée importante.

Premièrement, comme je l'ai déjà dit, si l'article 43 est abrogé, des millions de parents canadiens aimants, responsables et respectueux des lois deviendront du jour au lendemain des criminels. Il serait absurde que le Parlement permette une telle chose. Le grand public se sent déjà assez frustré lorsqu'il entend parler de décisions bizarres rendues par les tribunaux, qui menacent la liberté et le bien-être de leurs familles. La récente décision rendue par un tribunal de la Colombie-Britannique en serait un exemple.

Deuxièmement, si l'article 43 du Code criminel est abrogé, cela donnera lieu à une intrusion excessive de l'État dans la vie privée. L'État en général n'a pas sa place dans les salles de famille des gens. L'État est un piètre parent et ne devrait pas se permettre de dire aux parents comment s'y prendre pour façonner la manière d'être morale de leurs enfants, tant que la violence n'est pas en cause.

Troisièmement, le gouvernement ne défendra pas forcément l'article 43 devant les tribunaux. Je vous rappelle que l'année dernière la ministre de la Justice s'était engagée par écrit à ce que le gouvernement défende la définition actuelle de conjoint figurant dans la Loi de l'impôt sur le revenu fédérale. Pourtant, lorsque la Cour d'appel de l'Ontario a modifié la loi, le gouvernement a eu l'occasion d'en appeler de cette décision à la Cour suprême mais a préféré s'en abstenir. Le fait que le gouvernement n'ait pas défendu la loi devant les tribunaux, pour une décision rendue pas plus tard que l'été dernier, me donne raison de dire qu'il faut plus qu'un coup de coude et des pressions pour faire en sorte que le gouvernement respecte ses engagements.

En ce qui concerne l'article 43, le Cabinet du ministre a est d'avis qu'il est efficace et qu'on devrait le conserver. Quant à mois, je suis d'avis qu'il nous faut plus que cela pour nous assurer que l'idée sera poursuivie jusqu'au bout.

Enfin, je dirai que l'éducation des enfants n'a jamais été une mince tâche. J'ai un fils qui termine sa deuxième année à l'université, une fille qui poursuit sa 12e année et enfin, un petit bonhomme à l'école maternelle. Les choses ont un peu évolué, même pendant cette période. Éduquer des enfants pour qu'ils deviennent des membres de la société responsables et respectueux des lois a toujours représenté un défi, bien sûr, mais c'est encore plus vrai aujourd'hui. La montée de la violence durant l'adolescence et certaines autres faits de la dernière décennie en témoignent.

Le moment n'est donc pas venu d'entraver le rôle des parents comme gardiens de la moralité. Je ne demande vraiment pas plus que ce que la ministre de la Justice s'est engagée à faire en ce qui concerne l'affaire portant sur la pornographie, à savoir de défendre énergiquement la cause devant les tribunaux—c'est ce que nous demandons dans la motion... et si l'article devait être abrogé, d'invoquer la disposition d'exemption de la Charte des droits et libertés afin de conserver l'article 43 dans la loi actuelle.

Merci de votre temps.

Le président: Merci beaucoup monsieur Vellacott.

Sans débattre vraiment du projet de loi, je crois que nous avons des questions peut-être pertinentes.

Monsieur Jordan.

• 1545

M. Joe Jordan (Leeds—Grenville, Lib.): En tant que père d'un enfant de quatre ans, cela tombe pile.

J'ai une simple question technique. Je vous la pose parce que vous avez fait de la recherche à cet égard. Est-ce que la violence est définie? Est-ce que l'abus est défini? Est-ce qu'on en donne une définition ailleurs dans le Code criminel?

M. Maurice Vellacott: Cette expression est définie précisément à l'article 43.

M. Joe Jordan: Je peux lire l'article, mais on y dit que ces choses... Il me semble que...

M. Maurice Vellacott: L'article n'est pas précis. On dit «ce qui est raisonnable dans les circonstances». Par le passé, les tribunaux—et à mon avis ces personnes devraient payer le plein prix et se voient imposer les peines maximales prévues par la loi. Des personnes ont été condamnées pour avoir contrevenu à l'article 43 et un juge ou un jury a décidé qu'elles avaient enfreint l'article 43. Comme les gestes posés n'ont pas été jugés raisonnables dans les circonstances, des sanctions criminelles ont été prises contre elles.

Il a donc été adopté pour protéger les enfants.

M. Joe Jordan: C'est un très bon argument.

Merci.

Le président: Merci. Y a-t-il d'autres questions pour M. Vellacott?

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau (Charlesbourg, BQ): Est-ce que vous comprenez le français?

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Pas beaucoup, non.

[Français]

M. Richard Marceau: Nous pourrons utiliser les services de traduction.

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Votre anglais semble assez bon, à vrai dire.

[Français]

M. Richard Marceau: Je le baragouine un peu.

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Bon, allez-y.

[Français]

M. Richard Marceau: J'aimerais savoir quand l'article 43 a été révisé la dernière fois. Est-ce un vieil article ou un article relativement récent?

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Vous parlez précisément de la contestation devant le tribunal ontarien par...

[Français]

M. Richard Marceau: Non. Est-ce que le libellé actuel de l'article 43 du Code criminel est récent ou pas? Date-t-il de 50 ans?

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Il n'a pas changé. L'article actuel est en vigueur depuis un certain temps maintenant. Il n'y avait rien avant. Depuis son adoption, il a résisté au passage du temps, à mon avis.

[Français]

M. Richard Marceau: Quand a-t-il été introduit dans le Code criminel?

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: Je devrais le savoir. Il a été adopté au cours des vingt dernières années.

[Français]

M. Richard Marceau: Comme mon collègue ici, je suis père. J'ai deux petits garçons de 11 mois, et ce débat m'intéresse. Vous disiez que l'État n'avait pas d'affaire dans une maison ou dans les relations familiales. N'est-ce pas dangereux d'ouvrir la porte à différentes formes de corrections qui viseraient non seulement les enfants, mais aussi les époux? Cela ouvre une porte assez large.

[Traduction]

M. Maurice Vellacott: C'est juste. C'est pourquoi je dis que l'État n'a en général pas d'affaire... et c'est bien là l'objet de l'article 43, parce que le tribunal du pays a déterminé, par l'article 43, qu'une force physique excessive avait été exercée. Il y a eu des causes à ce sujet dans cette province, dans les Maritimes, partout dans le pays.

Si mon fils de seulement deux ans—et je pense que c'est probablement la dernière fois que j'ai utilisé la force physique sur lui—s'élance dans la rue, c'est dangereux. La conséquence naturelle ou l'isolement ne sont pas des punitions qui conviennent dans ce cas. Je n'avais pas d'autre choix que de lui administrer une légère fessée. Je ne pense pas qu'il l'ait senti avec les couches qu'il portait. Si l'article 43 était supprimé, on me jetterait en prison pour agression, et je serais considéré comme un criminel. Comme parent, je n'aurais pas le droit, quelles que soient les circonstances, de recourir à la force physique.

L'article 43 prévoit que la personne qui emploie une force excessive peut faire l'objet d'une accusation criminelle et être condamnée à une peine de prison. Et c'est légitime qu'elle le soit, à mon avis.

Le président: Très bien. Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions? Mademoiselle Grey.

Mlle Deborah Grey (Edmonton-Nord, Réf.): Merci.

Savez-vous quoi que ce soit au sujet du délai dans lequel certains de ces groupes veulent faire donner suite à cette mesure? Avec quelle rapidité veulent-ils faire traiter leur demande?

M. Maurice Vellacott: Ils ont commencé leurs démarches il y a environ un an, et je ne sais probablement pas plus que vous quand leur requête sera entendue par les tribunaux et nous sera soumise. Ma motion vise justement à prévenir les choses. Des choses se sont passées l'automne dernier. Il y a des groupes qui font des démarches concernant le statut d'intervenant. Les choses bougent à Toronto à ce sujet actuellement.

• 1550

Mlle Deborah Grey: Vous jugez donc le dossier assez important pour qu'on agisse plutôt rapidement.

M. Maurice Vellacott: Oui. La décision ne sera sans doute pas rendue le mois prochain, mais on peut peut-être s'attendre à ce qu'elle le soit à l'automne. Mon initiative serait préventive.

Mlle Deborah Grey: Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Vellacott. Nous vous tiendrons au courant de l'issue de votre demande.

Monsieur Karygiannis, concernant la motion 329.

M. Jim Karygiannis (député de Scarborough—Agincourt, Lib.): Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître ici aujourd'hui. La question que je soumets est très importante pour moi et pour beaucoup de Canadiens.

Cette motion a pour objet de faire reconnaître officiellement par le Canada le génocide des Arméniens, survenu entre 1915 et 1923, quand plus de 1,5 million d'Arméniens ont fait l'objet d'une extermination systématique, victimes de la déportation, de la torture, de la famine et surtout de massacres.

J'aimerais d'abord, pour que l'essentiel de la motion soit bien clair, vous lire la définition que le dictionnaire Larousse donne de génocide, qui est la suivante: «extermination systématique d'un groupe humain, national, ethnique ou religieux».

Les circonstances du génocide de la communauté arménienne sont bien connues et je ne perdrai pas de temps à énumérer toute une série de faits historiques. J'aimerais cependant souligner que la reconnaissance de la disparition de ces victimes se fait attendre depuis longtemps.

Le Parlement a adopté une motion à ce sujet en avril 1996. On a toutefois modifié de façon importante la motion qui avait été proposée en remplaçant le mot «génocide» par les mots «événement tragique». Pour moi, le naufrage du Titanic et le grand feu d'Halifax sont des événements tragiques. Ce qu'a vécu la communauté arménienne n'est rien d'autre qu'un génocide, et l'appeler autrement est une façon d'en nier l'existence.

En mars et en avril 1980, l'Assemblée législative de l'Ontario et l'Assemblée nationale du Québec ont adopté une résolution demandant au gouvernement du Canada de reconnaître et de condamner officiellement ce génocide et les atrocités commises par le gouvernement ottoman à l'égard du peuple arménien. Les Nations Unies ont reconnu le génocide des Arméniens en 1986. Le Parlement européen l'a fait en 1987. Je crois que la Chambre a fait une erreur en banalisant cet horrible acte de barbarisme et je vous demande, à vous les membres du comité, de choisir que cette motion fasse l'objet d'un vote afin que la Chambre prenne les mesures nécessaires pour corriger cette situation une fois pour toute.

Parmi les autres aspects de ma motion, celui qui demande d'instituer le 24 avril jour national pour honorer la mémoire des Arméniens, serait, à mon avis, très pertinent dans les circonstances et n'exigerait pas de faire de ce jour une fête nationale.

En condamnant les tentatives en vue de nier ou de dénaturer ce qui s'est passé durant les années du génocide, on s'assure que les Ernst Zundel de ce monde ne pourront pas réfuter la réalité.

Compte tenu de ce que j'ai déclaré et, surtout, du fait que vous savez que cette question est importante, non seulement pour les Canadiens d'origine arménienne mais pour tous les Canadiens, je vous demande de choisir que cette motion fasse l'objet d'un vote.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Karygiannis. Y a-t-il des questions?

Mademoiselle Grey.

Mlle Deborah Grey: Merci, Jim. Où a-t-on substitué l'expression «événement tragique» et qui l'a fait?

M. Jim Karygiannis: Le libellé de la motion a été modifié à la Chambre en avril 1996.

Mlle Deborah Grey: Bon. Deuxièmement, l'alinéa e) demande à la Chambre d'instituer le 24 avril de chaque année jour national pour honorer la mémoire des 1,5 million d'Arméniens qui ont péri... et d'en faire une fête nationale, est-ce ce que vous avez demandé?

M. Jim Karygiannis: Non, je ne demande pas qu'on en fasse une fête nationale, simplement une journée commémorative.

Mlle Deborah Grey: D'accord. Mais qu'avez-vous dit après avoir lu ce paragraphe?

M. Jim Karygiannis: Voulez-vous que je répète... Parmi les autres aspects de ma motion, celui qui demande d'instituer le 24 avril jour national pour honorer la mémoire des Arméniens serait, à mon avis, très pertinent dans les circonstances et n'exigerait pas de faire de ce jour une fête nationale.

Mlle Deborah Grey: D'accord. Je vous remercie de cette précision.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Blaikie.

• 1555

M. Bill Blaikie (Winnipeg—Transcona, NPD): La motion de 1996 était-elle d'initiative parlementaire?

M. Jim Karygiannis: Oui. Je crois qu'elle avait été présentée par le Bloc.

M. Bill Blaikie: Qui a proposé l'amendement? Est-ce la condition que le gouvernement a posée pour son adoption?

M. Jim Karygiannis: Oui.

M. Bill Blaikie: Avez-vous la moindre raison de croire que le gouvernement serait plus disposé à l'accepter aujourd'hui?

M. Jim Karygiannis: Si la motion fait l'objet d'un vote et est présentée à la Chambre... Il faut essayer. C'est tout ce que je demande. Nous avons commis une erreur à l'époque, mais le gouvernement verra peut-être les choses autrement maintenant.

M. Bill Blaikie: La question n'est pas ici de savoir si la motion devrait ou non faire l'objet d'un vote. Je constate seulement que, malheureusement, toutes les assemblées qui ont, d'après ce que vous nous avez dit, reconnu le génocide des Arméniens—et je ne suis pas contre sa reconnaissance—ne sont pas des gouvernements. Le Parlement européen n'est pas un gouvernement. Les Nations Unis non plus. Même le Congrès américain n'est pas un gouvernement. Le problème vient des gouvernements, il me semble.

M. Jim Karygiannis: Il y a l'Assemblée législative de l'Ontario.

M. Bill Blaikie: Ce n'est pas un gouvernement national. Cette assemblée n'a pas à traiter avec la Turquie, autrement dit.

M. Jim Karygiannis: Cela n'a rien à voir avec la Turquie.

M. Bill Blaikie: Pour les Turcs, oui.

M. Jim Karygiannis: Bill, la Turquie telle que nous la connaissons aujourd'hui existe depuis 75 ans.

M. Bill Blaikie: Je le sais.

M. Jim Karygiannis: Elle vient de célébrer son 75e anniversaire. C'est un fait historique. C'est l'Empire ottoman qui a agi.

M. Bill Blaikie: Je connais toute la situation historique. Je signale simplement que, malheureusement, le problème est là. Je pense que les gouvernements devraient faire preuve de plus de courage dans leurs relations...

M. Jim Karygiannis: Le gouvernement de l'Australie l'a accepté.

M. Bill Blaikie: Très bien. En voilà un.

M. Jim Karygiannis: Le gouvernement de la Grèce aussi. Il y en a beaucoup d'autres que je peux sûrement vous nommer.

M. Bill Blaikie: Je peux comprendre dans le cas du gouvernement de la Grèce. L'Australie est plus...

Le président: Nous n'allons pas débattre de la question maintenant. Nous prenons la chose en considération et je pense que nous comprenons en grande partie la situation historique.

Monsieur Harvey, avez-vous une question?

[Français]

M. André Harvey (Chicoutimi, PC): J'aimerais savoir si le Parlement européen, qui est l'un de ceux qui ont adopté cette mesure, avait identifié le peuple qui a provoqué ce génocide. Est-ce que dans les résolutions des pays qui ont reconnu qu'il y avait eu génocide, on a précisé des noms ou identifié le pays responsable?

[Traduction]

M. Jim Karygiannis: Me demandez-vous quels sont les gouvernements qui ont déjà reconnu le génocide? Ont-ils explicitement...

[Français]

M. André Harvey: J'aimerais connaître le nom du pays responsable du génocide. Est-ce qu'on a identifié la Turquie?

[Traduction]

M. Jim Karygiannis: Je pense qu'il faut faire une distinction. La Turquie d'aujourd'hui n'existait pas à l'époque. Le génocide s'est passé à la fin de l'Empire ottoman. Ce dont il est question ici, et ce qu'il faut reconnaître, c'est l'existence du génocide des Arméniens. Nous ne pouvons tenir le gouvernement turc d'aujourd'hui responsable de ce crime étant donné que le pays n'existait pas à l'époque. Les incidents qui se sont produits à ce moment-là ont donné naissance à la Turquie telle que nous la connaissons aujourd'hui.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: J'ai cru comprendre que l'Assemblée nationale française avait récemment reconnu le génocide des Arméniens et que la Turquie avait soulevé des protestations assez véhémentes à son égard ou à l'égard du gouvernement socialiste majoritaire actuel.

[Traduction]

M. Jim Karygiannis: Vous avez tout à fait raison. Je l'avais oublié, je m'en excuse. La France a reconnu le génocide des Arméniens et, effectivement, je pense que cela a causé un problème entre les deux pays. La Turquie d'aujourd'hui, qui est vieille de 75 ans, n'a rien à se reprocher au sujet de ce qui s'est passé à l'époque.

M. Richard Marceau: Merci.

Le président: Très bien. Je vous remercie de votre exposé. Nous reviendrons à vous à la fin de la discussion pour déterminer ce qui se passe.

M. MacKay n'a pas pu se présenter, mais M. Bernier est ici à sa place pour nous parler de la motion M-508. Monsieur Bernier, je vous prie.

M. Gilles Bernier (député de Tobique—Mactaquac, PC): Merci.

Monsieur le président, je suis heureux de vous expliquer aujourd'hui, au nom de mon collègue Peter MacKay, pourquoi la motion M-508 devrait faire l'objet d'un vote. Je vous transmets les excuses de M. MacKay qui ne pouvait pas être ici aujourd'hui. Il m'a demandé de le remplacer et, comme je m'intéresse à la question des jeunes contrevenants, c'est avec plaisir que j'ai accepté.

• 1600

La motion M-508 est la suivante:

    Que, de l'avis de la Chambre, le gouvernement devrait augmenter la part du fédéral dans l'aide financière visant les dispositions de la Loi sur les jeunes contrevenants, dans le but ultime de répartir également les coûts entre le gouvernement du Canada et les gouvernements provinciaux et territoriaux.

La Loi sur les jeunes contrevenants, qui est un outil important parmi d'autres pour les services de police, présente des problèmes financiers qui méritent une attention immédiate. Peu importe ce que le gouvernement fédéral décide au sujet de la nouvelle loi sur les jeunes criminels, s'il n'assume pas une part équitable des coûts, il ne peut espérer que la nouvelle loi donnera de meilleurs résultats que celle qui est actuellement en vigueur.

La ministre de la Justice a elle-même avoué, en octobre, que le succès de la réforme du système canadien de justice pour les jeunes passe par l'injection de fonds supplémentaires. La motion M-508 est l'occasion rêvée pour la Chambre de manifester sa volonté collective de financer équitablement les mesures de lutte contre le crime chez les jeunes.

À l'origine, le gouvernement fédéral s'était engagé à assumer sa part du risque de mise en oeuvre de la Loi sur les jeunes contrevenants, y compris du risque financier. Le gouvernement fédéral a donc entrepris de contribuer un montant égal à 50 p. 100 environ des dépenses provinciales consacrées aux programmes et services aux jeunes contrevenants. Bien que la formule demeure, elle a entraîné une disparité persistante entre les provinces quand le gouvernement fédéral n'a pas assumé sa part des frais.

Au-delà de cette disparité, le fait demeure que toutes les compétences provinciales et territoriales ont souffert aux mains du gouvernement fédéral. Voilà un autre exemple du pelletage de responsabilités du gouvernement fédéral qu'il faut corriger si l'on veut procéder à une réforme réaliste de la Loi sur les jeunes contrevenants. Les provinces et les territoires sont, avec raison, vexés par l'attitude du gouvernement fédéral. Actuellement, ils financent la majorité des dépenses alors que, sur le plan constitutionnel, 70 p. 100 en moyenne des programmes destinés aux jeunes contrevenants au Canada relèvent de la compétence fédérale.

La motion M-508 permettrait aux législateurs de manifester concrètement notre engagement non seulement à modifier la loi relative à la criminalité chez les jeunes mais aussi à faire en sorte que la loi soit bien exécutée. Comme nous le savons tous, les lois ne sont efficaces que dans la mesure où on peut les faire respecter. La ministre de la Justice et le gouvernement libéral peuvent gagner en crédibilité dans leurs efforts pour renouveler le système de justice pour les jeunes en accroissant la part des programmes pour jeunes contrevenants assumée par le gouvernement fédéral.

Je vous remercie.

Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup.

A-t-on des questions à poser à M. Bernier?

Madame Grey.

Mme Deborah Grey: Peut-on préciser le montant des fonds dans des projets de loi d'initiative parlementaire et demander des sommes particulières? Je l'ignore.

Le président: Il s'agit d'une motion.

Mme Deborah Grey: D'accord.

M. Gilles Bernier: Souhaitez-vous que je vous en laisse un exemplaire?

Le président: Ce serait utile. Laissez-le au greffier, je vous prie.

M. Gilles Bernier: Je vous remercie.

Le président: C'est nous qui vous remercions beaucoup.

Nous passons maintenant au numéro 4. Nous avons une nouvelle procédure en place. M. Discepola prendra la parole pour défendre un projet de loi pour lequel on a déjà en réalité recueilli les 100 signatures requises, selon les nouvelles règles. Vous entrerez dans l'histoire, monsieur Discepola. Le comité vous souhaite la bienvenue.

M. Nick Discepola (député de Vaudreuil—Soulanges, Lib.): Merci, monsieur le président. J'espère que vous passerez vous aussi à l'histoire pour en avoir fait un projet de loi soumis à un vote.

Des voix: Oh, oh!

M. Joe Jordan: Il ne faudrait pas trop faire trop d'histoire en une seule journée.

M. Nick Discepola: Monsieur le président, nous avons parfois de la chance en politique. C'est ainsi que, ce matin, je lisais La Presse et, que vois-je, si ce n'est un résumé de toutes les raisons dont j'avais besoin pour défendre mon projet de loi.

Faisons un bref historique. Comme vous le savez, ce n'est qu'hier après-midi que j'ai appris que je serais le nouveau parrain de ce projet de loi d'initiative parlementaire. M. Paradis ne pouvait continuer en cette capacité puisqu'il a été nommé secrétaire parlementaire. J'ai donc assumé la fonction avec plaisir.

J'étais membre du Comité de l'industrie en 1993, en même temps que M. Berger. À l'époque, nous avions entrepris de faire un examen global de toutes les questions liées à la petite entreprise. Celle des frais de service bancaires en était certes une.

Je rappelle aux membres du comité, si vous me le permettez, monsieur le président, que, si ma mémoire est bonne, les députés des trois dernières législatures ont essayé de régler la question des frais de service et des frais excessifs exigés par les banques de leurs clients. Nul n'a cependant vraiment réussi à faire changer la loi en dépit, dirais-je, de la loi clairement exigée par la population à cet égard.

• 1605

À cette fin, avec l'aide de M. Paradis et d'autres qui ont la question à coeur, nous avons pu recueillir l'appui de 164 députés pour cette initiative—la majorité de chaque parti, à l'exception des réformistes. Nous avons l'appui de 85 libéraux, de 18 réformistes, de 27 bloquistes, de 20 néo-démocrates et de 13 conservateurs.

Le projet de loi est plutôt simple, et nous avons essayé de lui conserver cette simplicité. Ce que nous demandons au Parlement de faire, c'est de mandater le Comité de l'industrie, dans le cas à l'étude, pour étudier les frais de service qu'exigent les banques de leurs clients. Je vous épargne la lecture du projet de loi puisque vous l'avez déjà en main, mais notre objectif consiste à injecter un peu de transparence dans le système. Beaucoup trop souvent, les tentatives faites en vue de connaître les frais de service sont cauchemardesques. Vous passez votre temps à chercher et à lire, puis vous découvrez qu'on vous a facturé 1,25 $ pour une transaction effectuée au guichet automatique.

Un journaliste de La Presse—je m'excuse, mais l'article est en français et je ne l'ai obtenu que ce matin—a visité huit établissements. Dans chacun d'entre eux, il a demandé ce qui était offert en termes de services. Il fait la liste de huit ou neuf éventails de services offerts selon le nombre de transactions, le nombre de chèques, le nombre de factures, le nombre de fois que vous vous présentez au comptoir, etc. Voici le résultat: parmi les huit établissements évalués, selon les services offerts—ils sont classés comme services à éviter et services à prendre—, en règle générale, la CIBC offre 60 produits, dont 10 sont recommandés, ce qui représente 17 p. 100; la Banque Laurentienne offre 9 services utiles sur 45; et la Banque de Montréal offre 10 services intéressants sur 70. En d'autres mots, les banques elles-mêmes offrent des combinaisons variées de services. Elles leur donnent de jolis noms, mais les frais sont exorbitants.

Quant à certains des frais dont il est question, si par exemple vous manquez de fonds dans votre compte, par exemple, on vous facture des frais de 21 p. 100, soit entre 20 $ et 25 $ par chèque sans provision. En voici un autre exemple. Si vous souhaitez obtenir confirmation des frais de services exigés à votre banque, vous devrez débourser entre 10 $ et 12 $.

Le titre dit: «Les frais de service: du vrai vol». En d'autres mots, les frais de service bancaires sont une véritable mine d'or pour les banques. Elles n'ont pas de compte à rendre à leur sujet, et je vous supplie de nous laisser modifier la Loi sur les banques en vue de permettre au comité pertinent du Parlement de simplement inviter les banques à témoigner devant lui pour justifier les frais de service. Le Parlement aurait alors en main les faits et serait en mesure de se prononcer. Le CRTC le fait quand on lui demande une augmentation de tarif. Le même traitement conviendrait, selon moi, aux banques.

Je fais donc appel à votre indulgence et vous demande d'autoriser que le projet de loi soit soumis à un vote.

Le président: Je vous remercie beaucoup de cet exposé.

Je tiens à souligner que M. Paradis, le véritable auteur du projet de loi, est des nôtres. Je vous remercie beaucoup d'être venu.

Certains ont des questions à poser. Nous commencerons par M. Jordan.

M. Joe Jordan: Merci.

Est-ce une banque en particulier qui exige des frais de 12 $ pour obtenir de l'information sur les frais?

M. Nick Discepola: Ces frais varient de 10 $ à 12 $.

Le journaliste a dressé un merveilleux tableau. La partie verte représente les comptes qu'il faut essayer d'obtenir, parce que ce sont ceux qui nous en donnent le plus pour notre argent. Comme je l'ai dit, la gamme des services intéressants offerts dans chaque établissement varie entre 17 et 20 p. 100. Il y a beaucoup de rouge ici.

Ce qu'il a dû faire, c'est se présenter dans chaque banque et dire qu'il voulait y ouvrir un compte. Il a demandé quel genre de produits était offert et quels étaient les frais. Il a tout mis sous forme d'un tableau assez facile à lire. Si vous me dites que vous voulez faire quatre chèques et trois transactions au guichet automatique ou si vous voulez connaître votre solde—soit dit en passant, au comptoir, vous êtes facturés pour cela—, il a additionné le nombre de transactions. Vous commencez par déterminer vos besoins, vous consultez le tableau, puis vous trouvez l'établissement qui vous convient. Ce n'est pas mal. L'essentiel—et c'est très révélateur—, ce sont les profils qui vont de A à J. Selon le profil, l'écart entre les frais les plus bas et les frais les plus élevés peut atteindre 142 p. 100. Par exemple, une banque exigerait 7,50 $ alors que la plus chère facturerait 14,50 $. Il n'y a pas de constante dans les prix. Allez donc me dire que les banques justifient leurs frais au moyen des coûts d'exploitation. Je ne le crois pas. C'est davantage une question de savoir combien on peut obtenir du consommateur sans que celui-ci s'en doute vraiment.

• 1610

Aux États-Unis, quand vous utilisez un guichet automatique, la phrase «Les frais pour cette transaction sont de 1,25 $» est imprimée sur le bordereau de transaction. Il n'y a aucune transparence dans notre système. C'est ce que nous tentons d'obtenir grâce au projet de loi d'initiative parlementaire à l'étude.

Le président: Je vous remercie beaucoup.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Est-ce qu'on a une estimation de la somme totale des frais bancaires que perçoivent annuellement les banques?

M. Nick Discepola: L'Association des banquiers canadiens vous dirait que cette somme s'élève à peine à 2 milliards de dollars. Les vice-présidents vous diraient que ce frais ne sont que de 4 à 6 p. 100. Bien qu'ils nous aient présenté des chiffres, nous sommes incapables de les déchiffrer. Nous savons toutefois que ces chiffres varient entre 7 et 14 p. 100 et que ces sommes varient entre 11 et 14 milliards de dollars. Il est difficile de savoir exactement quelles sont ces sommes parce qu'on n'a pas les faits exacts.

M. Richard Marceau: On présume que si le comité étudiait ce problème, on serait capable de le faire.

M. Nick Discepola: On recherche la transparence.

M. Richard Marceau: D'accord. Merci.

M. Nick Discepola: J'aimerais qu'on compare les frais imposés par les différentes banques pour un chèque sans provision.

M. Richard Marceau: Merci.

[Traduction]

Le président: Fort bien, je vous remercie. Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Je me demande simplement pourquoi vous estimez nécessaire de demander à la Chambre de confier ce mandat, de recueillir plus de 100 signatures et d'obtenir une majorité de voix à la Chambre, quand cela peut se faire annuellement par un comité de la Chambre. Tout ce que vous avez à faire, c'est de persuader la majorité des membres du comité de le faire.

M. Nick Discepola: Cependant, le comité ne pourrait pas fixer ou limiter les frais exigés par ces établissements. Tout ce qu'il pourrait faire, c'est de faire rapport à leur sujet.

Nous demandons qu'on laisse le comité faire rapport. Par décret, le gouvernement pourrait alors prendre des mesures pour limiter les augmentations des frais de service. L'expression «frais de service» est définie dans le projet de loi, de sorte que vous donnez au comité plus de mordant. Vous pourriez alors au moins limiter les montants qui sont exigés et les rendre un peu plus uniformes.

Le président: D'autres questions?

Je vous remercie beaucoup d'être venu.

M. Nick Discepola: C'est moi qui vous remercie.

Le président: Nous passons à M. Bigras et à la motion M-381.

[Français]

M. Bernard Bigras (député de Rosemont, BQ): Je vous remercie de me recevoir aujourd'hui pour que je puisse faire valoir mon point de vue sur la motion 381, qui enjoint le gouvernement fédéral de s'engager à prendre toutes les mesures nécessaires pour légaliser l'usage thérapeutique de la marijuana.

Le 19 février, pour la première fois dans son histoire, la Chambre des communes aura à débattre d'une question essentielle pour la vie de nombreux Canadiens et Canadiennes. Plusieurs études scientifiques, dont celles de la Harvard School of Public Health, du New England Journal of Medicine et de l'institut de la santé aux États-Unis, ont démonté que l'usage de la marijuana avait des bienfaits thérapeutiques et médicaux pour certains malades.

Le Dr Donald Kilby, un scientifique du Service de santé de l'Université d'Ottawa, est venu appuyer publiquement différentes démarches en vue d'offrir ce médicament aux personnes atteintes du VIH, de sclérose en plaques et d'épilepsie, ainsi qu'à ceux et celles qui reçoivent des traitements de chimiothérapie. Vendredi, l'éminent Dr Réjean Thomas, qui participe cette semaine à un congrès sur le VIH à Chicago, est venu appuyer les démarches menées par de nombreux malades. Je pense aussi à Jean-Charles Parizeau, de la région d'Ottawa, un patient atteint du sida.

• 1615

Des études scientifiques ont démontré que l'ingrédient actif contenu dans la marijuana, le tétrahydrocannabinol, qu'on appelle le THC, pouvait avoir des valeurs thérapeutiques et médicales pour les gens atteints du VIH, de sclérose en plaques et d'épilepsie, et ceux qui reçoivent des traitements de chimiothérapie.

En vertu de la Loi sur les stupéfiants, ces personnes sont passibles de six mois d'emprisonnement et de 1 000 $ d'amende. À mon avis, il est inacceptable qu'on les juge coupables. En décembre 1998, dans la cause Terry Parker, la cour ontarienne rendait inconstitutionnelle la partie de la Loi sur les stupéfiants portant sur la possession simple de marijuana par des personnes atteintes de maladie chronique.

Par cette motion, j'espère pouvoir rétablir la situation et permettre qu'on puisse offrir aux personnes malades cette alternative médicale qu'est la marijuana.

Je n'insisterai pas davantage sur les motifs de ma démarche puisque je vous ai distribué un document assez détaillé, mais j'aimerais faire un survol des 11 critères adoptés en octobre 1984 qui guideront la décision de votre comité.

Le premier critère porte sur l'intérêt national, régional et local. Il est bien clair que cette motion a un impact non seulement sur de petites régions, mais sur l'ensemble du territoire canadien.

On dit aussi que la motion ne doit être ni futile ni insignifiante. Je ne crois pas qu'il soit futile ou insignifiant de se pencher sur le sort de milliers de malades qui utilisent un médicament et sont passibles de six mois d'emprisonnement et 1 000 $ d'amende.

Le projet de loi ou la motion devant faire l'objet d'un vote ne devrait pas reprendre une affaire bien précise que le gouvernement a déjà déclarée comme faisant partie de son programme législatif. Bien que le gouvernement nous ait indiqué qu'il étudiait la question et qu'il prendrait une décision, nous sommes toujours en attente d'un échéancier neuf mois plus tard.

Le sixième critère prévoit que le nombre de fois où la Chambre des communes a été saisie d'une question peut être important, mais que l'application de ce critère tiendra toujours compte du contexte des questions et des événements politiques. Partout au Canada et plus récemment au Québec, ce dossier a fait les manchettes à maintes reprises.

Le neuvième critère prévoit qu'au cours de la sélection, on rejettera les projets de loi jugés nettement anticonstitutionnels du fait qu'ils empiètent sur le pouvoir législatif provincial et violent la Charte canadienne des droits et libertés et d'autres règles constitutionnelles bien établies. Bien au contraire, ce projet de loi a pour but de rétablir la situation puisque la cour ontarienne a rendu inconstitutionnelle la Loi sur les stupéfiants. L'objectif de cette motion est d'offrir une réparation. La légalisation de l'usage thérapeutique de la marijuana par les personnes atteintes des maladies que j'ai énumérées pourrait rétablir la situation.

Voilà l'ensemble des critères qui guideront la décision du comité. C'est fondamentalement une question de compassion. Il faut prendre les mesures nécessaires pour remédier à la situation actuelle. Il faut naturellement débattre de la question, mais aussi aller plus loin et demander au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin d'offrir ce médicament aux gens les plus malades. Merci.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Bigras. Vous avez des questions? Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Bernard, je crois comprendre que vous ne désirez pas qu'on légalise l'usage de la marijuana par tous et chacun, mais plutôt à des fins très précises. Est-ce que l'usage de la marijuana serait contrôlé? Si oui, comment? Comment ce produit serait-il accessible?

• 1620

M. Bernard Bigras: Dans un premier temps, il est fondamental que le gouvernement reconnaisse la valeur thérapeutique du THC et de la marijuana. Je demande également au gouvernement de se pencher sur la façon dont ce médicament pourrait être offert aux personnes malades. On a soulevé certaines hypothèses, dont la possibilité d'avoir recours à la Ferme expérimentale à Ottawa, qui a l'infrastructure nécessaire pour produire la marijuana.

Il va sans dire que ce médicament ne serait offert qu'aux personnes les plus malades à la suite d'un diagnostic de leur médecin et pas autrement, et qu'elles pourraient se le procurer en pharmacie. Il faut d'abord se pencher sur la question de la légalisation; c'est pas mal plus important.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: J'ai une question d'ordre technique. Je suppose que je ne m'y connais pas vraiment à ce sujet, mais j'ai beaucoup entendu parler des effets sur la santé dans les médias. Vous avez certes travaillé fort pour ficeler tout cela.

Non seulement le fait de fumer me semble-t-il avoir mauvaise image, mais il comporte aussi des risques pour la santé. Pourquoi n'en retire-t-on pas le T.H.C. et ne l'offre-t-on pas sous forme de pilule si c'est lui qui a les propriétés thérapeutiques? Il existe des pilules de morphine et d'autres médicaments à base de plantes. Est-ce possible et y a-t-il une raison pour laquelle on n'a pas retenu cette solution?

[Français]

M. Bernard Bigras: Il y a deux façons de consommer le THC: par ingestion et par inhalation. Le médicament marinol est actuellement disponible sous forme de pilules et peut être offert aux patients atteints du VIH. Par contre, tous s'entendent pour dire—d'ailleurs, j'ai assisté à une conférence de presse en compagnie du Dr Réjean Thomas vendredi passé où il le confirmait—que l'ingestion de cette pilule n'a pas un effet aussi prononcé que l'inhalation de la marijuana. N'oublions pas qu'une personne atteinte du VIH doit déjà consommer plusieurs pilules. Vous pouvez vous imaginer quel impact peut avoir l'ingestion d'une autre pilule.

D'autre part, il ne faut pas se cacher le fait que l'inhalation de fumée a des effets secondaires. Cependant, lorsqu'on est atteint de la sclérose en plaques ou du sida, les bénéfices du THC l'emportent nettement sur les effets nocifs de l'inhalation de fumée dans les poumons. Tout médecin ou tout pharmacien peut témoigner du fait que tous les médicaments ont des effets secondaires, y compris l'AZT. Les traitements de chimiothérapie que reçoivent les patients atteints de maladies chroniques ont aussi des effets secondaires, mais leurs bénéfices l'emportent. C'est la même chose dans le cas de l'inhalation de marijuana.

[Traduction]

Le président: Je vous remercie.

Monsieur Harvey.

[Français]

M. André Harvey: Monsieur le président, je vous remercie. Je veux féliciter notre collègue M. Bigras pour la qualité de sa présentation.

J'aimerais savoir s'il y a un équivalent du THC sur le marché médical. Cela nous empêcherait d'aller plus loin dans cette démarche.

M. Bernard Bigras: Votre intervention revient un peu à la question de mon collègue. Oui, il existe une solution alternative, et c'est le marinol, qui contient une composante du THC, mais son impact est loin d'être aussi important que celui de la marijuana inhalée.

M. André Harvey: Est-ce prouvé scientifiquement?

M. Bernard Bigras: Oui, c'est prouvé. Le rapport de l'institut national de la santé aux États-Unis démontre qu'on peut varier le taux de TCH selon la maladie et que sa consommation a des effets bénéfiques et significatifs sur la santé des gens.

• 1625

Il faut bien comprendre que la pilule de marinol ne donne pas les résultats souhaités et qu'une personne atteinte du VIH et du sida qui devrait l'ingérer en plus des 10 autres pilules qu'elle doit déjà prendre chaque jour risquerait souvent de la rejeter, rendant ainsi ses effets quasi nuls.

À mon avis, c'est une question de compassion. C'est la première fois que la Chambre des communes débattra de cette question. On mérite plus qu'un débat; on mérite une décision et un engagement.

D'ailleurs, plus de 26 États américains ont déjà adopté des lois régissant l'usage de la marijuana à des fins thérapeutiques. Lors du dernier référendum qui s'est tenu dans le cadre de l'élection américaine, les six États qui ont été consultés sur la question ont tous répondu favorablement. Le plus récent sondage Angus Reid sur cette question révèle que 80 p. 100 des Canadiens sont favorables à la légalisation de l'usage de la marijuana à des fins thérapeutiques.

Les juges ont pris une décision et rendu inconstitutionnelle une partie de la Loi sur les stupéfiants. Il ne reste plus qu'aux législateurs à agir.

Bien honnêtement, je ne crois pas qu'on devrait laisser les tribunaux agir à notre place. Il appartient aux législateurs de prendre une décision et de s'engager. Cette motion n'est pas restrictive; elle demande simplement au gouvernement de prendre les mesures nécessaires afin de légaliser l'usage de la marijuana à des fins thérapeutiques. Cela ouvrira la porte à bien des choses et à bien des consultations.

Le président: Merci, monsieur Bigras.

[Traduction]

Je vous remercie beaucoup.

Nous cédons maintenant la parole à M. Cadman au sujet du projet de loi C-260. Suivra ensuite une autre motion, peut-être, de Mme Hardy.

M. Chuck Cadman (député de Surrey-Nord, Réf.): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie. Je vous sais gré de me donner l'occasion de vous parler du projet de loi C-260. Je lirai des notes que j'ai préparées, mais je souhaite dire au départ qu'à mon avis, le projet de loi répond à tous les critères, sans quoi je ne serais pas ici. Naturellement, je suppose que pas mal tous les députés qui ont défilé devant vous ont dit la même chose.

Tout d'abord, j'aimerais faire remarquer que le projet de loi n'est certes ni long ni compliqué. Il modifie simplement l'article 7.2 de la Loi sur les jeunes contrevenants en vue de prévoir une double procédure pour l'imposition de la peine. Ne vous laissez pas leurrer. Ne croyez pas que ce changement est insignifiant. Il est au contraire très important, et c'est ce dont je souhaite vous convaincre.

La Loi sur les jeunes contrevenants s'attire beaucoup de critiques de la part des Canadiens, et, selon mon expérience personnelle, les personnes qui s'engagent devant un tribunal de la jeunesse à superviser les jeunes ne prennent pas cette responsabilité au sérieux. Quiconque accepte volontairement de prendre un engagement devant le tribunal, mais omet sciemment de s'y conformer devrait être passible, dans les circonstances pertinentes, d'une condamnation pour acte criminel. J'ai pesé mes mots avec soin afin d'inclure la justification et l'esprit du délit tels que prévus dans notre loi actuelle.

Comme je l'ai déjà mentionné, je souhaite simplement modifier la loi pour remplacer la procédure sommaire par une procédure double. En modifiant la Loi sur les jeunes contrevenants dans ce projet de loi, nous nous trouverions naturellement à appliquer nos lois de manière uniforme dans tout le pays. Toutes les provinces et tous les territoires prévoiraient le même délit et la même gamme de peines.

Le projet de loi a reçu l'aval des rédacteurs de lois de la Chambre des communes. Il s'agit d'une simple modification qui accroît la peine prévue pour une infraction mixte. Le libellé se modèle sur celui de plusieurs autres articles du Code criminel et de la Loi sur les jeunes contrevenants. Comme l'esprit de la modification est très simple, je crois que vous serez satisfait du libellé.

La ministre de la Justice prévoit déjà apporter des modifications importantes à la Loi sur les jeunes contrevenants, mais je ne souhaite pas me lancer dans un débat sur la date exacte de ces modifications. Elle a fait distribuer sa stratégie pour la refonte de la justice pour les jeunes, mais il n'y a aucune indication, dans ses plans et dans ses déclarations publiques, qu'elle souhaite régler la question soulevée dans le projet de loi d'initiative parlementaire à l'étude. La question des engagements pris devant les tribunaux de superviser les jeunes n'a suscité aucun intérêt chez elle, à quelque égard que ce soit. Par ailleurs, que je sache, la Chambre ne s'est jamais penchée sur la question jusqu'ici.

Je me suis familiarisé avec cette question mon fils a été tué par un jeune contrevenant en 1992. Ce jeune contrevenant était en liberté au sein de la collectivité dans le cadre d'un engagement signé pris par le parent devant le tribunal. Cela signifie que le jeune contrevenant devait respecter un couvre-feu décrété par le tribunal du crépuscule jusqu'à l'aube. Pourtant, mon fils a été tué à minuit. Les faits montraient que le parent était très peu résolu à superviser comme il le faut son enfant, ce qui a entraîné la commission d'un crime plus grave.

• 1630

Depuis cet incident tragique, on a attiré mon attention sur d'autres cas analogues, et des pressions ont été exercées en vue de faire changer la loi de manière à prévoir une peine plus lourde pour le non-respect d'un engagement pris devant la cour de superviser convenablement de jeunes accusés. On ne peut pas contester la constitutionnalité de cette modification. Elle change simplement la gravité de la peine. Elle n'affecte en rien les relations fédérales-provinciales puisque la peine continue de relever de la compétence provinciale.

La Chambre n'a pas été saisie de cette question durant la présente session, et je doute qu'elle ait jamais fait l'objet d'un débat parlementaire, sauf peut-être lorsque la loi a été déposée en 1985. Cependant, vous pouvez voir vous-mêmes que le projet de loi répond à tous les critères des projets de loi pouvant être soumis à un vote.

Il s'agit d'une simple modification à une mesure législative très controversée. Le passage d'une infraction punissable par procédure sommaire à une infraction mixte illustrera à quel point le Parlement considère comme étant sérieux l'engagement pris devant un tribunal. Il permettra à la Couronne d'ajouter une flèche à son arc, pour ainsi dire, dans sa lutte contre le crime et la désobéissance civile. Il améliorera la sécurité de nos concitoyens. Il est juste et pratique, et je vous exhorte à appuyer la décision de le soumettre à un vote.

Je vous remercie.

Le président: Monsieur Cadman, je vous remercie beaucoup.

Monsieur Jordan, je vous prie.

M. Joe Jordan: Chuck, vous avez un intérêt personnel dans cette question et vous parlez comme un avocat. Je n'ai pas tout saisi. Si j'ai bien compris, vous dites que, si mon fils a des démêlés avec la justice et que le tribunal m'en confie la garde...

M. Chuck Cadman: À condition que vous preniez un engagement.

M. Joe Jordan: Oui. Donc, je dis que je vais assumer la responsabilité. L'autre option consiste à...

M. Chuck Cadman: À ce que l'enfant soit détenu.

M. Joe Jordan: Donc, vous dites, si je ne respecte pas...

M. Chuck Cadman: Le mot clé ici est «sciemment». Il figure dans le projet de loi.

M. Joe Jordan: ...sciemment l'engagement, je suis passible d'une peine. Que prévoit la loi actuellement? Qu'arrive-t-il actuellement si je ne respecte pas l'engagement?

M. Chuck Cadman: On parle ici de l'article 7.2. Je puis vous affirmer tout de suite que la plupart des procureurs ne connaissent même pas l'existence de cet article. Dans notre cas, il ignorait que cet article existait. Pour l'instant, l'infraction est punissable par déclaration sommaire.

M. Joe Jordan: Ce qui veut dire?

M. Chuck Cadman: Ce qui veut dire une amende maximale de 2000 $ ou six mois d'emprisonnement. C'est à ce moment-là que la Couronne a une option. La Couronne doit décider s'il s'agit d'une simple infraction punissable par procédure sommaire ou d'un acte criminel. Un acte criminel est passible d'une amende et d'un emprisonnement maximal de deux ans.

M. Joe Jordan: Cette décision serait fondée sur les circonstances.

M. Chuck Cadman: Oui. Il arrive parfois que des jeunes ne respectent pas leur couvre-feu, qu'ils se font simplement prendre à violer leur couvre-feu, sans plus. Dans un tel cas, il semble raisonnable que l'infraction soit punissable par procédure sommaire. Mais comme je l'ai dit, dans notre cas personnel, l'absence de supervision s'est traduit par un meurtre.

M. Joe Jordan: Je ne veux pas entrer dans les détails, et le président m'interrompra certainement si je le fais, mais explique- t-on cela aux personnes concernées au moment de la comparution devant le tribunal? Si vous êtes responsable de quelqu'un vous explique-t-on ce qui vous attend en cas d'échec ou tient-on pour acquis que vous savez cela?

M. Chuck Cadman: En tant que parent, il faut signer devant le tribunal un engagement par lequel on accepte d'assurer la supervision.

M. Joe Jordan: Très bien. Merci.

Le président: Monsieur Cadman, je veux savoir précisément ce que vous souhaitez faire. Vous souhaitez injecter plus de souplesse dans le système, n'est-ce pas?

M. Chuck Cadman: Oui. Il s'agit d'une procédure mixte où la Couronne aura le choix de s'en tenir à la lettre de la loi, qui prévoit une simple infraction punissable par procédure sommaire ou, dans le cas d'une infraction plus grave attribuable à l'échec de la supervision ou d'opter pour l'acte criminel, ce qui rehausserait la pénalité, la sanction.

Le président: Ce n'est donc pas l'un ou l'autre. C'est plutôt qu'on aura le choix...

M. Chuck Cadman: C'est l'un ou l'autre. La Couronne peut décider d'opter pour l'infraction sommaire ou pour l'acte criminel et ce, en se fondant sur les circonstances.

Le président: Merci beaucoup.

Y a-t-il d'autres questions?

Merci.

M. Chuck Cadman: Je vous remercie. J'ai des exemplaires de mon exposé si quelqu'un en veut.

Le président: Oui, la greffière les prendra volontiers.

M. Chuck Cadman: Monsieur le président, je m'excuse, mais je n'en ai pas de version française car je n'ai pas eu le temps de le faire traduire.

Le président: Je vais faire un changement car d'après ce que j'ai compris, quelqu'un doit prendre un avion. Monsieur Breitkreuz, vous avez la parole.

M. Garry Breitkreuz (député de Yorkton—Melville, Réf.): Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de présenter mon projet de loi C-278, qui s'intitule Loi portant abrogation de la Loi sur les armes à feu.

Je vais simplement lire les notes que j'ai préparées et ensuite, répondre à vos questions.

L'opposition à la loi inefficace sur le contrôle des armes à feu prend de l'ampleur. La manifestation tenue sur la Colline en septembre dernier a réuni encore plus de monde que celle qui avait eu lieu il y a quatre ans. Au cours de la présente législature seulement, j'ai personnellement présenté 1 751 pages de pétitions comportant 40 910 signatures de citoyens qui invitent le gouvernement à abroger le projet de loi C-68, la Loi sur les armes à feu.

• 1635

Les gouvernements de l'Ontario, de l'Alberta, du Manitoba, de la Saskatchewan et des deux Territoires ont décidé de porter leur cause devant la Cour suprême et refusent d'administrer la Loi sur les armes à feu dans leur province et territoire respectifs. Tous les sondages effectués auprès des agents de police de la première ligne montrent qu'entre 76 et 99 p. 100 d'entre eux s'opposent au projet de loi C-68 et particulièrement à l'enregistrement de toutes les carabines et fusils de chasse. Cela n'est pas une situation saine pour notre système de justice pénale.

Les pétitionnaires prient le gouvernement de cesser ce gaspillage de plusieurs centaines de millions de dollars et d'injecter cet argent dans la lutte contre le crime, notamment pour augmenter les effectifs policiers dans les rues et sur les routes, démanteler des bandes de motards, s'attaquer aux réseaux du crime organisé, appliquer la législation relative à la pornographie infantile et mieux financer les programmes de prévention du crime et les programmes destinés aux jeunes contrevenants. La liste des priorités en matière de justice pénale est interminable.

Selon ces pétitionnaires, lutter contre le crime, ce n'est pas faire des criminels de propriétaires d'armes à feu respectueux des lois sous prétexte qu'ils n'ont pas rempli toute la paperasse du gouvernement. Selon eux, lutter contre le crime, ce n'est pas imposer tellement de tracasseries administratives aux 7 000 vendeurs d'armes à feu que beaucoup ferment boutique. Selon eux, lutter contre le crime, ce n'est pas forcer les agents de police à pourchasser les chasseurs de canards pour vérifier si leurs carabines sont enregistrées. À leur avis, lutter contre le crime, c'est investir les rares fonds disponibles là où ils seront le plus efficaces, et c'est la raison d'être du projet de loi C-278.

S'il était adopté, le projet de loi obligerait le vérificateur général à passer en revue toute la législation sur le contrôle des armes à feu d'ici les cinq prochaines années et à vérifier le niveau de la sécurité publique. Ces vérifications indépendantes détermineraient quelles dispositions de contrôle des armes à feu réussissent à augmenter la sécurité publique et à réduire la fréquence des actes criminels violents comportant l'usage d'armes à feu, tout en étant efficaces sur le plan des coûts. Le vérificateur recommanderait ensuite au Parlement le maintien des mesures de contrôle des armes à feu jugées efficaces. Un comité d'examen ainsi que la Chambre devraient approuver les recommandations du vérificateur général pour que soit prolongée l'application des mesures de contrôle. Les résidents des dix provinces et des deux territoires ainsi que les politiciens de toutes affiliations appuieraient sans réserve les mesures de contrôle des armes à feu qui auraient passé le test de sécurité publique du vérificateur général et qui se seraient avérées efficaces et rentables pour réduire la fréquence des actes criminels violents et améliorer la sécurité publique.

Le système actuel comporte une lacune. En effet, il n'y a jamais de vérifications indépendantes des mesures de contrôle des armes à feu adoptées par le Parlement en vue de vérifier si elles réalisent les objectifs visés au moment de leur adoption. Les politiciens se querellent, mais la question n'est jamais résolue. Le débat se poursuit. Au bout du compte, seuls les vrais criminels y gagnent car l'argent des contribuables ne sert pas à financer les mesures de lutte contre le crime qui seraient les plus utiles.

Il est temps que le vérificateur général nous dise quelles mesures de contrôle des armes à feu sont un succès ou un échec. Il est temps de faire de notre législation de contrôle des armes à feu la meilleure du monde. Voilà l'objet du projet de loi C-278. Soit dit en passant, ce projet de loi respecte tous les critères de sélection des mesures pouvant faire l'objet d'un vote et, dans l'intérêt du système de justice pénale, je vous demande respectueusement de permettre trois heures de débat pour que tous les députés aient l'occasion d'exprimer l'opinion de leurs commettants sur cette mesure législative d'une importance cruciale.

D'ailleurs, le vérificateur général lui-même a dit que nous devrions instaurer un tel mécanisme afin de déterminer dans quelle mesure les dispositions de contrôle des armes à feu déjà prises ont été efficaces avant d'en introduire de nouvelles.

Je vous remercie beaucoup. Je suis maintenant disposé à répondre aux questions.

Le président: Je vous remercie de votre exposé.

Y a-t-il des questions ?

Où le vérificateur général aurait-il dit cela ?

M. Garry Breitkreuz: Il a affirmé cela dans une recommandation en 1993, si je ne m'abuse.

M. Joe Jordan: Dans le cadre de l'examen de l'efficacité de la loi, quels paramètres utilisera-t-on pour prendre en compte les mesures qui n'ont pas été prises, peut-être en raison de la loi? Va-t-on comparer le taux de criminalité à celui des années précédentes lorsque la loi n'était pas en vigueur? Est-ce l'instrument de mesure dont on se servirait? Comment envisagez-vous cela?

M. Garry Breitkreuz: Ce n'est pas à moi qu'il appartient de déterminer tous les instruments qu'utiliserait le vérificateur général. Je pense qu'il faut lui laisser carte blanche à cet égard. Il y a déjà eu de nombreuses études menées sur le sujet. À mon avis, le vérificateur général est sans doute la personne la plus indépendante sur laquelle nous puissions compter à ce stade-ci. Je ne pense pas qu'il fasse l'objet d'ingérence politique. Un comité se pencherait sur ses recommandations et ferait ensuite rapport au Parlement. Ce n'est pas lui qui prendrait la décision finale, mais il ferait des recommandations.

• 1640

Soit dit entre parenthèses, je pense que c'est le genre de mécanisme qu'on aurait intérêt à appliquer à d'autres mesures législatives également.

M. Joe Jordan: J'allais demander s'il effectue déjà ce genre de travail au sujet d'autres mesures législatives.

M. Garry Breitkreuz: Non, mais je pense que le moment est opportun. Cela se traduirait par des économies considérables pour le contribuable car il arrive parfois que des bureaucraties se créent et...

M. Joe Jordan: Pas ici.

M. Garry Breitkreuz: Oh, non.

À mon avis, le principe est inattaquable, et le projet de loi a été vérifié soigneusement par les employés de la bibliothèque du Parlement et les avocats du service du contentieux. Je ne pense pas que l'on puisse être en désaccord avec le principe sous-jacent. À mon avis, une telle initiative pourrait recueillir de tous les partis car elle permettrait un examen indépendant d'une loi en place qui est contestée par les provinces, comme je l'ai fait remarquer.

Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup. Nous allons vous laisser partir à temps.

M. Garry Breitkreuz: Je vous remercie beaucoup.

Le président: De rien.

Monsieur Mark, vous avez la parole au sujet du projet de loi C-312.

M. Inky Mark (député de Dauphin—Swan River, Réf.): Monsieur le président, membres du comité, je vous remercie de bien vouloir m'écouter.

Mon projet de loi d'initiative parlementaire, le C-312, vise à assurer un traitement équitable à tous en matière de déductions d'impôt. À mon avis, cette mesure rendra service non seulement à la population du pays, mais également aux politiciens. Comme vous le savez, l'opinion populaire veut que les politiciens soient avantagés dans certains cas, voire dans tous les cas.

Le thème du projet de loi a été discuté à la Chambre l'année dernière sous forme de motion. Vous vous souviendrez peut-être d'avoir participé au débat. La mesure porte sur les dons de charité de 1 150 $ ou moins. À mon avis, ces dons devraient être traités de la même façon que les dons aux partis politiques. Il existe une différence à cet égard. Les premiers 200 $ versés à une oeuvre de bienfaisance donne droit à un crédit d'impôt correspondant à 17 p. 100 de cette somme. Tout don de plus de 200 $ donne droit à un crédit d'impôt de 29 p. 100 de la somme et le montant maximum ouvrant droit à un crédit d'impôt représente 50 p. 100 du revenu du déclarant. Dans le cas d'un don à un parti politique, les premiers 100 $ donnent droit à un crédit d'impôt de 75 p. 100, les 450 $ suivants à un crédit d'impôt supplémentaire de 50 p. 100 et les 600 $ suivants à un crédit d'impôt supplémentaire correspondant au tiers de la somme versée. Le montant maximal ouvrant droit à un crédit d'impôt se chiffre à 1 150 $, ce qui donne droit à un crédit d'impôt de 500 $.

En 1993, la moyenne des dons de charité était de 626 $. Aux termes des règles actuelles, le crédit d'impôt s'établissait à 158 $. Si cette même somme de 626 S avait été versée à un parti politique, elle aurait donné droit à un crédit d'impôt de 325 $. Soit une différence de 168 $.

Quelles sont les incidences de cela sur les recettes? D'après le service de recherche de la bibliothèque du Parlement, il est très difficile de cerner ces chiffres. Selon des estimations, si l'on se fonde sur le niveau actuel des dons, cela se traduirait par des pertes d'environ 800 millions de dollars pour le gouvernement. Je suppose que nous pourrions considérer cela comme un allégement fiscal.

L'incertitude relative aux recettes s'explique surtout par le fait qu'en augmentant le crédit d'impôt pour les dons de charité, on encouragerait les citoyens à donner davantage aux oeuvres de bienfaisance. À une époque où le gouvernement n'est pas en mesure d'en faire autant qu'avant, je pense qu'on devrait encourager les citoyens à faire preuve de générosité accrue envers les oeuvres de bienfaisance.

À mon avis, le projet de loi vise à traiter tous les Canadiens sur un pied d'égalité. Il y a des années qu'on entend dire que les politiciens ne devraient pas être avantagés par rapport aux organismes de bienfaisance pour ce qui est de recueillir de l'argent pour leur cause.

Merci.

Le président: Je vous remercie beaucoup de votre exposé.

Y a-t-il des questions? Madame Grey.

Mme Deborah Grey: Si le crédit d'impôt pour dons politiques se situe à ce niveau et le crédit d'impôt pour dons personnels à ce niveau, que voulez-vous faire, augmenter le crédit d'impôt personnel?

M. Inky Mark: Oui, l'augmenter pour l'amener au même niveau.

Mme Deborah Grey: Vous voulez l'augmenter au même niveau que le crédit d'impôt pour dons à un parti politique ou abaisser le crédit d'impôt pour les dons à un parti politique?

M. Inky Mark: Non. Je veux hausser le crédit d'impôt auquel donnent droit les dons aux oeuvres de bienfaisance pour qu'il soit égal à celui consenti pour les dons aux partis politiques. De cette façon, il serait traité de la même façon.

Le président: Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: Vous avez dit que le don de charité moyen se chiffrait à 600 $ environ.

M. Inky Mark: En 1993.

M. Joe Jordan: S'agit-il simplement du total des dons aux organismes de bienfaisance?

M. Inky Mark: C'était strictement pour les dons.

M. Joe Jordan: Mais nous ignorons combien de dons versés aux organismes de bienfaisance s'inscrivaient dans ce créneau.

M. Inky Mark: C'est juste.

M. Joe Jordan: Pour placer tous les dons sur un pied d'égalité, souhaitez-vous que l'on supprime le plafond applicable aux dons aux partis politiques?

• 1645

M. Inky Mark: Je propose un amendement à...

M. Joe Jordan: Mais à l'heure actuelle, quel est le plafond pour les dons aux partis politiques?

M. Inky Mark: Mille cent cinquante dollars.

M. Joe Jordan: Par conséquent, les dons aux oeuvres de bienfaisance l'emportent au niveau supérieur. Dans les deux systèmes, ce ne sont pas les dons aux partis politiques qui tirent tous les avantages. Tout dépend de leur niveau.

M. Inky Mark: Le problème, c'est que les dons aux oeuvres de bienfaisance accompagnent la déclaration d'impôt sur le revenu.

M. Joe Jordan: Mais pour rendre égaux les deux types de dons, souhaitez-vous que l'on supprime le plafond pour les dons aux partis politiques?

M. Inky Mark: Non. La limite supérieure demeurera 1 150 $.

M. Joe Jordan: D'accord.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Oui. J'ai très bien compris l'argument de M. Mark et j'y suis sensible, mais soit dit officiellement, je pense qu'on mélange les pommes et les oranges lorsqu'on parle du même souffle de ce que nous faisons pour financer la démocratie et pour financer les organismes de bienfaisance. Il y a peut-être de bonnes raisons pour hausser le crédit d'impôt lié aux dons de charité, mais je pense que vous nuisez à votre argumentation lorsque vous essayez de mélanger les deux.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Marceau.

[Français]

M. Richard Marceau: Dans l'optique de ce que mon ami Bill vient de dire, la prémisse sur laquelle vous vous basez est que les gens ne font pas confiance aux politiciens, à tort ou à raison. N'est-ce pas comparer des pommes et des oranges, c'est-à-dire des organismes de charité et des partis politiques qui ont des objectifs complètement différents? La comparaison est très mauvaise pour différentes raisons. Les buts ne sont pas les mêmes. De plus, par exemple, certaines limites imposées aux partis politiques ne sont pas imposées aux organismes de charité. N'est-ce pas de la démagogie un peu facile que de dire que les politiciens ont droit à cela alors que ceux qui s'occupent des pauvres et des malades n'ont pas droit au même bénéfice?

[Traduction]

M. Inky Mark: Voilà le genre de réaction typique d'un politicien. Lorsque la plupart des gens font un don, ils le font du fond du coeur, pour une cause qui leur est chère. Lorsqu'un politicien me dit que je mélange les pommes et les oranges, je trouve son argument inacceptable. Il s'agit d'un don personnel, et mon projet de loi aura sans doute pour effet d'augmenter les dons provenant de personnes qui sont moins en mesure d'en faire. On se rapproche de ce qui se fait maintenant pour les organisations politiques. Essentiellement, on ouvre la porte à la générosité des gens. On leur permet de donner des sommes moindres, mais d'en récupérer davantage sous forme de crédit d'impôt.

Le président: Très bien. Je vous remercie beaucoup, monsieur Mark.

M. Inky Mark: Merci.

Le président: Nous allons maintenant passer à Mme Hardy, au sujet de la motion M-265.

Mme Louise Hardy (député de Yukon, NPD): Je vous remercie de m'entendre aujourd'hui.

Essentiellement, ma motion vise à supprimer la possibilité d'invoquer la provocation comme défense. Cette défense remonte à l'époque où le meurtre était passible de la peine capitale. Ce n'est plus le cas, de sorte qu'en invoquant la provocation, on se trouve à passer du meurtre à l'homicide involontaire. Le véritable problème, c'est que cette défense est fondée sur l'honneur, fondée sur l'insulte, fondée sur un acte répréhensible qui peut être interprété de nombreuses façons. Cette disposition n'a pas changé depuis 100 ans, sauf pour une modification mineure. Malheureusement, elle est invoquée pour excuser le fait que des hommes tuent leur femme dans un accès de rage. C'est aussi une excuse que la loi autorise en cas de viol, alors qu'on ne saurait l'invoquer pour des motifs humanitaires.

Je pense que le moment est venu de réviser notre conception de la justice, surtout lorsqu'il s'agit de meurtres fondés sur l'honneur, sur le fait de prendre une personne en flagrant délit d'adultère. Il y a lieu de se demander s'il est justifié d'excuser un meurtre pour une telle raison. En fait, on excuse un meurtre sur la foi d'une insulte, et non pour des motifs de légitime défense.

Cette mesure a une portée nationale, elle ne fait aucune discrimination et elle n'est certainement pas sectaire. Depuis 18 mois, j'ai présenté des pétitions en provenance de presque toutes les provinces et territoires du pays pour que l'on supprime la possibilité d'invoquer la provocation comme défense.

Le président: Y a-t-il des questions pour Mme Hardy?

Madame Grey.

• 1650

Mme Deborah Grey: Il s'agit d'une de ces questions chargées d'émotion qui vous bouleversent et qui transcendent tout le reste. Comme vous, j'ai suivi l'affaire Susan Klassen; ses soeurs et son père vivent dans ma circonscription. Il ne devrait pas suffire de dire: «J'ai été provoqué par cette garce.»

Avez-vous rencontré beaucoup de résistance jusqu'ici? Pourquoi n'avons-nous pas déjà fait cela? C'est tellement terrible.

Mme Louise Hardy: J'ai organisé une assemblée communautaire dans ma circonscription sur cette question qui suscite des réactions très fortes. L'un des arguments juridiques que l'on avance, c'est que nous souhaitons que notre législation fasse droit à la fragilité humaine, mais souhaitons-nous vraiment excuser un comportement provoqué par une insulte? Nous pouvons comprendre que quelqu'un défende son enfant, mais ce cas ne relèverait-il pas de la légitime défense? On peut aussi comprendre qu'il puisse arriver que l'on doive défendre un étranger dans une situation dangereuse. Parfois, nous ne permettons même pas cela, mais de façon générale, on passe l'éponge lorsqu'un mari agit sous le coup de la colère.

On fait valoir aussi qu'il serait bon de conserver cette disposition pour des motifs raciaux, notamment lorsque des gens ont été accablés d'injures ou provoqués parce qu'ils sont Noirs ou Autochtones. Cependant, je pense que l'on peut régler ce genre de situation d'autres façons. Quelles que soient nos valeurs, je ne pense pas que l'on doive accepter l'idée qu'une personne en ayant insulté une autre, cette dernière a perdu le contrôle. On ne plaide pas l'aliénation mentale. C'est un cas où une personne qui a perdu la maîtrise de soi s'est cru en droit d'en tuer une autre.

Mme Deborah Grey: Mais vous parlez d'un crime passionnel, où tout à coup, tout bascule et la personne adopte un comportement violent de façon spontanée... En l'occurrence, le meurtrier s'est rendu en voiture du sud de l'Alberta au Yukon, de sorte qu'on peut difficilement parler d'un crime passionnel où il aurait malheureusement perdu la maîtrise de ses émotions.

M. Joe Jordan: Il devenait tout simplement de plus en plus enragé.

Mme Deborah Grey: Exact.

Il me semble que nous devrions pouvoir faire adopter cela aisément. Il faut affirmer qu'il ne suffit pas de dire qu'on a été provoqué. Il y a des responsabilités qui accompagnent les droits.

Le président: Madame Hardy, je pensais que le ministère de la Justice avait préparé un document de consultation sur le sujet. Savez-vous où cela en est?

Mme Louise Hardy: J'ai posé la question, mais je n'ai pas eu de réponse, et cela m'ennuie. Je veux que cette question demeure à l'avant-scène, parce que j'estime qu'elle est importante.

J'aimerais commenter ce qu'a dit Deborah Grey au sujet de cette affaire. La femme qui a été tuée était âgée de 36 ans. C'était une conteuse dans la communauté. C'était vraiment une femme exceptionnelle. Tous les arguments avancés pour condamner le responsable du meurtre ont été réfutés en raison de cette défense. L'homme en question avait fréquenté un séminaire de théologie. C'était un ministre du culte. Sur le plan moral et intellectuel, il se croyait au-dessus des membres de la communauté. C'était un homme de qui on aurait dû s'attendre à mieux, un homme qui aurait dû être capable de se maîtriser, mais tous ces arguments ont été réfutés: l'homme en question était tellement intelligent, il avait une éthique tellement irréprochable. Ce n'était qu'une aberration. Dans de telles circonstances, on aurait dû pouvoir arguer que cet homme aurait dû, plus que quiconque, être tenu responsable de ses actes, mais il l'a été moins. Il purgera à peine cinq ans de prison pour avoir étranglé sa femme et lui avoir attaché autour du cou un oreiller pour faire croire que ce n'était pas un meurtre.

C'est un exemple de ce qui se produit. D'ailleurs, je sais que cette défense ne va pas au coeur de la question. En effet, son avocat n'a pas été autorisé à invoquer cette défense. Au lieu du terme «provocation», tout ce qu'il a pu dire, c'est que la victime avait insulté son client et qu'elle l'avait poussé à bout. Si vous aviez connu cette femme, vous sauriez qu'elle n'aurait jamais tenu de tels propos. C'est une terrible tragédie, et ce n'en est qu'une parmi tant d'autres.

Ce moyen de défense permet de renverser la situation et a également certaines répercussions parmi les homosexuels, puisque le meurtre d'un homosexuel est ainsi autorisé, sous prétexte qu'il a peut-être fait des avances sexuelles à son meurtrier. Les répercussions sont très vastes et je crois que la question mérite d'être débattue.

Le président: Merci.

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: Très rapidement, madame Hardy, en abolissant cette disposition, les procureurs ont-ils toujours la possibilité d'examiner les faits et de prendre des décisions au sujet des accusations qui sont portées?

Mme Louise Hardy: Oui. Le fait est que la peine de mort n'existe pas. Quiconque est accusé de meurtre ne fait pas automatiquement face à la peine de mort et le juge dispose toujours de tous les critères sur lesquels il s'appuie pour la détermination de la peine.

M. Joe Jordan: Tout en sachant qu'il est difficile de l'accepter, savez-vous combien de fois, en l'espace d'une année, on y a recours comme moyen de défense?

• 1655

Mme Louise Hardy: On y a recours assez régulièrement et beaucoup d'études ont été faites à ce sujet. On pourrait croire que les femmes qui sont pendant longtemps victimes d'abus pourraient y avoir recours, mais elles en sont empêchées par le critère relatif à un acte soudain et impulsif sans qu'il n'y ait eu d'injure ou d'insulte préalable. À cause de cela, si une femme battue se défend et qu'il lui arrive de tuer son conjoint, elle ne peut invoquer ce moyen de défense, puisqu'elle savait qu'elle allait être battue et que, par conséquent, elle n'avait pas le droit de se défendre.

M. Joe Jordan: Merci.

Le président: Merci beaucoup et merci pour votre exposé.

Nous passons maintenant à notre amie Mme Dalphond-Guiral. Vous nous manquez de ce côté de la table.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (député de Laval-Centre, BQ): You miss me. C'est très bien. Bonne fin d'après-midi. J'espère que vous ne passerez pas la nuit à délibérer.

Avant de vous présenter directement le projet de loi C-299, je veux vous parler un tout petit peu du contexte.

À la fin de 1997, quatre de mes collègues du Bloc québécois et moi-même avons déposé chacun un projet de loi visant à améliorer le projet de l'assurance-emploi, dont on sait qu'il a entraîné, depuis son adoption, des conséquences assez dramatiques pour la population du Canada et du Québec, d'un océan à l'autre. Il est de notoriété publique que la Loi sur l'assurance-emploi a besoin d'être modifiée pour répondre aux vrais besoins des gens.

Dans ce contexte, je suppose que vous allez écouter et peut-être reconnaître la nécessité que ce projet de loi fasse l'objet d'un vote. En décidant qu'il doit faire l'objet d'un vote, le sous-comité choisirait d'envoyer au gouvernement un message disant qu'il faut absolument prendre le parti des gens mal pris. Dans une société comme la nôtre, sans véritable raison, on se retrouve avec un taux de pauvreté que la Loi sur l'assurance-emploi, telle qu'elle est actuellement, contribue à augmenter. Voilà, mon petit laïus de présentation est terminé. Je vais maintenant vous parler du fond du projet de loi C-299.

Le projet de loi C-299 vise deux parties de la Loi sur l'assurance-emploi. La première partie concerne le taux de cotisation à l'assurance-emploi.

Actuellement, le taux de cotisation est proposé par la Commission de l'assurance-emploi, mais ce taux doit recevoir l'aval du gouverneur en conseil et, bien sûr, au bout du compte, c'est le ministre qui décide du taux. On se retrouve donc dans une situation où les travailleurs et les employeurs, de même que les parlementaires parce que c'est quelque chose qui les intéresse, sont en attente. On ne sait jamais quand ça va venir.

Nous demandons que la commission tripartite soit la seule à décider du taux de cotisation, et la raison en est bien simple: la commission a la responsabilité d'analyser la réalité et de faire des prévisions à partir des instruments fiables dont elle dispose.

Depuis le début des années 1990, le gouvernement ne contribue plus à la caisse d'assurance-emploi. Il fait partie de la commission; donc, c'est une commission tripartite. Il n'est pas question de dire au gouvernement qu'on le met de côté parce qu'il ne contribue plus. Il est raisonnable que le gouvernement ait un siège à la commission tripartite, et il doit y rester. Ce qui devrait disparaître, c'est cette nécessité d'obtenir l'aval du Conseil des ministres. Cela aurait l'avantage, et c'est évident pour tout le monde, d'augmenter la transparence.

Dans ce projet de loi, il est prévu qu'on fasse rapport et qu'on entende les personnes directement intéressées par tout ce qui touche les montants des cotisations. On les inviterait à se présenter devant la commission. Il y aurait dans les journaux des annonces très évidentes pour que les gens sachent que ça existe, pour que ça ne soit pas fait en catimini. Cette commission entendrait les témoins dans les six mois suivant l'adoption de ce projet de loi ou une modification équivalente à la Loi sur l'assurance-emploi, et par la suite une fois tous les deux ans. C'est la première partie.

• 1700

La deuxième partie a trait aux fameux surplus. Avoir des surplus, c'est extraordinaire. Quand j'ai des surplus dans mon compte de banque, j'en suis extrêmement contente. Donc, il y a des surplus à l'assurance-chômage et, comme tout le monde le sait, ces surplus viennent d'un écart entre les recettes, c'est-à-dire les cotisations des travailleurs et des employeurs, et les dépenses générées par les pertes d'emploi. Nous voudrions que le montant de la différence soit placé dans un compte distinct de celui de l'assurance-emploi.

J'ai terminé ma présentation. Je suis prête à répondre à vos questions.

Le président: Merci, madame.

[Traduction]

Merci. Y a-t-il des questions? Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: N'était-ce pas le vérificateur général qui en a recommandé le versement au Trésor? En connaissez-vous la raison d'être? C'était avant mon temps.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Le vérificateur général a affirmé à plusieurs reprises qu'il était un peu curieux que ce soit le gouvernement qui détermine le taux et qu'il vaudrait mieux que ce taux soit déterminé par la commission, qui est une commission responsable et qui représente les bailleurs de fonds. Les bailleurs de fonds de la caisse de l'assurance-emploi sont les travailleurs et les employeurs, et non pas nous qui sommes autour de cette table.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

[Traduction]

Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: Je voulais simplement dire, que l'on ait décidé que ces affaires doivent faire l'objet d'un vote ou non, que je suis certainement d'accord; en effet, le statu quo en ce qui concerne les primes d'assurance-emploi et la façon dont elles sont justifiées et perçues et en ce qui concerne ceux qui prennent les décisions à ce sujet, est totalement inadéquat. Je voulais simplement le signaler aux fins du compte rendu.

Une voix: Il n'y a pas de compte rendu, Bill.

M. Bill Blaikie: Si, il y en a un.

Le président: Nous nous demandions en fait quel était votre sentiment, monsieur Blaikie.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ce sera enregistré avec le sourire de M. Blaikie.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

Merci, madame.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Ça m'a fait plaisir. Je reviendrai la prochaine fois à la place de Richard. Merci, Richard, d'avoir accepté de me remplacer. Oui, il est parfait.

[Traduction]

Le président: Très bien, merci.

Monsieur Gallaway, veuillez nous parler du projet de loi C-393.

M. Roger Gallaway (député de Sarnia—Lambton, Lib.): Merci, monsieur le président et membres du comité. Je suis heureux d'être ici pour vous dire pourquoi, à mon avis, le projet de loi C-393 devrait faire l'objet d'un vote. Ce n'est pas habituel, monsieur Blaikie.

En général, ce projet de loi traite de la commercialisation par abonnement par défaut ou de la facturation par option négative. Ces façons de procéder consistent en fait à renverser la relation traditionnelle vendeur-acheteur, si bien que les clients se voient offrir de nouveaux produits ou services et qu'ils doivent expressément refuser ces nouvelles offres pour éviter d'être facturés. En termes simples, si vous ne répondez pas, on considère que vous avez donné votre consentement et vous êtes donc facturé. À mon avis, cette une façon assez perverse de faire des affaires.

C'est injuste à l'égard des consommateurs et cela représente une grave menace en matière de concurrence dans notre pays, surtout lorsque l'on sait que les grandes banques et les câblodistributeurs ont recours à la commercialisation par abonnement par défaut. La fourniture de nouveaux produits et services par l'entremise de facturation par défaut n'encourage pas les consommateurs à «magasiner». En fait, beaucoup de consommateurs risquent même de ne pas savoir qu'ils ont la possibilité de choisir.

À titre d'exemple, je vous ferais remarquer que lorsque l'on obtient une hypothèque auprès de certaines banques, on se rend compte que l'on a en même temps acheté une police d'assurance temporaire sur la vie, sans s'en rendre compte. Habituellement, la prime que l'on paye pour cette police d'assurance temporaire sur la vie coûte plus cher que celle que l'on aurait pu trouver en «magasinant».

Je prétends donc que cela étouffe la concurrence et donne aux grands intervenants une part de marché encore plus concentrée. Je peux vous dire, et cela se trouve dans les documents que je vous ai remis, que l'Association des courtiers d'assurance du Canada s'inquiète au sujet de la commercialisation par abonnement par défaut pour exactement la même raison.

• 1705

J'aimerais signaler qu'en 1996, le Bureau fédéral de la consommation d'Industrie Canada a publié une étude sur la commercialisation par option négative qui renferme la mise en garde suivante:

    La commercialisation par option négative présente le potentiel d'un outil important de commercialisation dans le secteur des services financiers. Les exemples incluent l'envoi de cartes de crédit non sollicitées et de changement de la structure des comptes bancaires sans le consentement des consommateurs. L'industrie cherche de nouvelles sources de revenu, offrant de nouveaux services et changeant les anciens. Des ordinateurs de plus en plus puissants rendent ces changements plus faciles à effectuer et moins onéreux qu'auparavant pour l'industrie... Ces nouvelles technologies pourraient permettre à l'industrie de faire des bénéfices supplémentaires en introduisant de nouveaux frais et de nouveaux services à l'insu de ses clients.

L'année dernière, le 31 octobre, la Banque Toronto Dominion a eu recours à la commercialisation par option négative pour priver les clients de la banque du respect de la vie privée. Le Commissaire fédéral à la protection de la vie privée en a fait mention dans son rapport annuel de 1997-1998 au Parlement:

    Plusieurs appels sont également parvenus à nos bureaux au sujet de la nouvelle brochure de la Banque Toronto Dominion. Des personnes protestaient contre le fait d'être contraintes de choisir de figurer ou non à ses projets de partage de leurs informations avec les autres filiales. Les clients avaient jusqu'en octobre 1998 pour faire part de leur préférence. S'ils ne se prononçaient pas, la Banque pouvait en conclure que les informations pouvaient être partagées. Alors que les défenseurs de la vie privée privilégient un consentement actif plutôt que passif, ce critère est conforme au critère de consentement du Code de protection de la vie privée de l'Association des banquiers canadiens, ainsi que celui de l'Association canadienne de normalisation sur lequel il a été modelé.

Pour quelque chose d'aussi fondamental que la protection de la vie privée d'un client, la définition de consentement, d'après la banque, vise tous ceux qui ne répondent pas à sa publicité importune.

Voici la petite brochure qu'elle a envoyée. À la page 6, si vous l'avez lue lorsque vous avez reçu votre relevé bancaire, il est indiqué que vous devez contacter votre banque pour lui dire: «Non, vous n'allez pas partager mes renseignements personnels avec vos filiales». C'est une belle façon de faire affaire.

Le projet de loi C-393 vise à protéger le droit du consommateur d'exprimer son consentement avant d'acheter un nouveau produit ou un nouveau service offert par une entreprise sous réglementation fédérale, comme une banque, une société d'assurance, une compagnie de câblodistribution ou de téléphone. Il modifie la Loi sur la concurrence. Il ne propose pas d'interdire formellement la commercialisation par abonnement par défaut. Il peut y avoir des cas où un consommateur pourrait tirer profit d'une telle entente; toutefois, pour que ce soit le cas, les consommateurs doivent être en mesure de prendre une décision éclairée.

C'est la raison pour laquelle ce projet de loi propose certaines mesures à prendre pour qu'un plan d'abonnement par défaut soit légal ou acceptable. Il s'agit de la communication soutenue de renseignements, d'un préavis de trois mois et, plus important encore, du consentement exprès du client ou du consommateur.

Le projet de loi propose des amendes pour ceux qui contreviennent à la loi et exige également qu'un rapport annuel des plaintes déposées auprès du Bureau de la concurrence soit présenté au Parlement de manière à ce que nous soyons informés de ce qui se passe sur le marché. C'est une approche semblable à celle adoptée pour le projet de loi C-20, qui traite du télémarketing déloyal.

Enfin, j'aimerais brièvement parler des critères de votre comité pour le choix des affaires devant faire l'objet d'un vote.

Tout d'abord, les consommateurs veulent la protection que ce projet de loi leur apporte. Cela s'est clairement manifesté lors de la révolte des consommateurs en 1995 contre la facturation par défaut pratiquée par les câblodistributeurs. Cela s'est clairement manifesté au cours du débat sur le projet de loi C-216 lors de la dernière législature. Cela apparaît clairement dans les nombreux articles et éditoriaux des grands journaux canadiens. Ce projet de loi n'est donc ni futile ni insignifiant.

Deuxièmement, il ne suscite pas de la discrimination pour ou contre une région donnée du pays.

Troisièmement, il ne concerne pas les limites électorales ou le nom de circonscriptions électorales.

Quatrièmement, tel que libellé, il apporte les modifications nécessaires à la Loi sur la concurrence pour protéger les consommateurs des abus en matière de commercialisation par abonnement par défaut de la part des entreprises sous réglementation fédérale.

Cinquièmement, le sujet du projet de loi ne reprend pas celui d'une affaire que le gouvernement a déjà déclarée comme faisant partie de son programme législatif. Cette question a été soulevée à plusieurs reprises à la Chambre et je crois aussi qu'elle a été soulevée à de nombreuses occasions dans les divers caucus de partis.

Tous les autres facteurs étant égaux, l'adoption de ce projet de loi est la seule façon dont dispose la Chambre pour répondre adéquatement aux consommateurs qui exigent des mesures à cet égard. Ce projet de loi n'est pas rédigé en des termes partisans et traite d'une question à laquelle les députés trouveraient probablement difficile de s'opposer. Soyons francs, tous, nous représentons les consommateurs, indépendamment de notre parti ou de la région du pays dans laquelle nous vivons.

• 1710

Le projet de loi traite d'un sujet qui relève clairement de la compétence fédérale. Le sujet de ce projet de loi n'a pas encore fait l'objet d'un vote au cours de cette session de la législature et il n'y a pas d'autres affaires devant faire l'objet d'un vote à ce sujet.

En conclusion, je vous incite à appuyer ce projet de loi pour qu'il fasse l'objet d'un vote. En faisant cette demande, je peux vous dire que ce projet de loi a reçu l'appui de l'Association des consommateurs du Canada, du Centre pour la promotion de l'intérêt public et de l'Association des courtiers d'assurance du Canada.

J'attire également votre attention sur le fait que dans les documents que je vous ai remis, se trouve un éditorial du Hamilton Spectator d'hier qui approuve le projet de loi; par ailleurs le Toronto Star a écrit un article à ce sujet. Il n'a pas encore été débattu et pourtant il reçoit l'appui des éditoriaux.

Les consommateurs canadiens ont exigé que nous les protégions des abus de commercialisation par abonnement par défaut; en choisissant ce projet de loi pour qu'il fasse faire l'objet d'un vote, nous pouvons atteindre cet objectif.

S'il y a des questions, je me ferais un plaisir d'y répondre.

Le président: Merci beaucoup.

Monsieur Jordan.

M. Joe Jordan: Roger, je suis déconcerté, car je croyais que cela avait déjà été fait.

M. Roger Gallaway: Non.

M. Joe Jordan: Que s'est-il passé?

M. Roger Gallaway: Tout d'abord, M. Blaikie a parlé d'un projet de loi déposé au cours de la dernière législature. Il a été adopté à la Chambre des communes et envoyé au Sénat où il a été examiné quelque temps et où il a fait l'objet d'un léger amendement avant d'être renvoyé à la Chambre.

Vous ne le savez peut-être pas, mais le Règlement de la Chambre est tel qu'il n'y a pas de limite de temps pour le débat d'un projet de loi d'initiative parlementaire, amendé au Sénat et renvoyé à la Chambre, si bien qu'on ne peut jamais clore le débat. Il durait depuis trois heures lorsque les élections ont été déclenchées. Il ne peut jamais faire l'objet d'un vote. C'est l'un des défauts du Règlement et j'ai déjà dit aux comités qu'il faudrait envisager de le modifier, mais autant que je sache, cela n'a jamais été fait.

Deuxièmement, le projet de loi dont vous faites mention, le projet de loi C-216, était un amendement à la Loi sur la radiodiffusion. Ce projet de loi est plus vaste et, je dois dire, qu'il est mieux rédigé que le précédent, c'est évident. On a passé beaucoup de temps à la rédaction de ce projet de loi.

M. Joe Jordan: Je me demande comment on peut s'y opposer.

M. Roger Gallaway: Eh bien, vous auriez dû être là lors de la dernière législature.

M. Joe Jordan: Je comprends que nous nous aventurons...

M. Roger Gallaway: Cela dépend de l'industrie en cause. Je dirais que les arguments du côté de la câblodistribution se rapportent à de vastes objectifs culturels. Je n'en dirais pas plus.

Du côté du consommateur, je sais que les banques ont déjà été... en fait, je dois rencontrer demain les représentants d'une des banques à ce sujet. À leur avis, cela va d'une certaine façon entraver leurs plans de commercialisation...

M. Bill Blaikie: Sans aucun doute.

M. Joe Jordan: Bien.

M. Roger Gallaway: ...que souhaite, d'après eux, le consommateur. Je ne me permets pas de parler au nom des banques.

Le président: Merci.

[Français]

Monsieur Marceau.

M. Richard Marceau: Monsieur Gallaway, vous ne vouliez pas aller plus en profondeur sur ce que vous avez appelé, avec un rire éclatant, les broad cultural objectives. Il me semble qu'un des effets, positifs ou négatifs selon le point de vue où on se place, de la stratégie de marketing des compagnies de câble est d'offrir des canaux spécialisés français dans des endroits où la population francophone, si elle n'avait pas cette option, ne ferait pas le poids et ne pourrait pas avoir accès à ces services. Le même raisonnement s'applique aux minorités anglophones du Québec, à l'extérieur de Montréal, de l'Outaouais ou de l'Estrie. Je ne vois pas, dans votre projet de loi, certains barèmes ou certaines protections offertes à ces minorités, dans le cadre de la politiques de télévision, afin de leur assurer l'accès à des services spécialisés dans leur langue partout au Canada.

M. Roger Gallaway: Comme vous le savez, le CRTC a le droit d'ordonner aux câblodistributeurs de mettre certains canaux sur le réseau. Dans de telles circonstances, ils n'ont pas de choix.

• 1715

Vous parlez des droits des minorités au Québec et hors Québec. Le CRTC a dit, il y a deux semaines, que les câblodistributeurs devaient mettre certains canaux sur le réseau. Ils n'ont pas de choix. La question qui se pose ici n'est pas une question de culture; il s'agit des droits des consommateurs de ce pays. Ce n'est pas du tout une question de droits linguistiques, mais bien de droits des consommateurs. Le conseil peut toujours dire aux compagnies de ce pays qu'elles doivent mettre certains canaux sur le réseau, et les compagnies n'ont pas de choix. On voit souvent cela. On voit cela aujourd'hui. Ce projet de loi n'est pas un amendement à la Loi sur la radiodiffusion. Il ne touche pas ce secteur. Il modifie la Loi sur la concurrence.

M. Richard Marceau: Tout à l'heure, Deborah vous a demandé quelles étaient les raisons qui avaient fait en sorte que votre projet de loi n'avait pas été accepté. Cela a soulevé certaines questions. J'ai regardé l'éditorial du Hamilton Spectator dont vous nous avez donné copie, dans lequel on dit

[Traduction]

que votre projet de loi a été achevé par des lobbyistes qui ont soutenu avec succès que les chaînes de langue française doivent nécessairement faire l'objet d'une commercialisation par abonnement par défaut, puisque les marchés francophones ne sont pas suffisamment importants pour être financièrement viables.

[Français]

Ces lobbyistes, peu importe qui ils étaient, avaient sûrement des chiffres sur lesquels ils se basaient.

[Traduction]

M. Roger Gallaway: Ce que vous ne semblez pas comprendre, c'est que le CRTC a le droit d'imposer n'importe quelle chaîne dans le service de base. Vous parlez par exemple du Manitoba où l'on retrouve une minorité francophone visible. Comment la protéger? C'est le rôle du CRTC. Cela ne le touche d'aucune manière, car la Loi sur la radiodiffusion stipule que le CRTC peut ordonner aux câblodistributeurs d'inclure obligatoirement cette chaîne dans leur service de base. Cette loi ne traite nullement de cela. Elle ne peut absolument pas y toucher. Elle ne vise nullement cela. Cette loi ne s'aventure nullement sur ce terrain. Cette loi est beaucoup plus vaste et beaucoup plus large.

Si vous vous inquiétez au sujet de la câblodistribution, cette loi viserait les cas où, par exemple, un beau matin, je m'aperçois que j'ai la chaîne spécialisée du jardinage, chaîne que le CRTC n'impose pas dans le service de base. Si un beau matin, je m'apercevais que j'ai la chaîne spécialisée du jardinage, et que, à la fin du mois, je réalise que je paye un dollar de plus pour cette chaîne, tout simplement parce que j'ai été subrepticement induit en erreur par le câblodistributeur, je n'aurai pas à payer ce supplément. C'est un produit que je ne veux pas. Cela ne touche d'aucune façon le droit du gouvernement de dire qu'une certaine télévision ou un certain réseau doit être obligatoirement transmis et que vous devez payer. Il ne prétend nullement aborder cette question et ne peut le faire.

[Français]

M. Richard Marceau: D'accord. Merci.

[Traduction]

Le président: Monsieur Blaikie.

M. Bill Blaikie: J'ai remarqué que les organismes de charité procèdent maintenant de cette manière. Je fais des versements à un organisme de charité, par exemple, le Plan de parrainage du Canada, qui m'écrit pour me dire: «Si cela ne vous dérange pas, nous allons augmenter vos paiements trimestriels de tant de dollars et si vous ne vous manifestez pas, cela veut dire que vous êtes d'accord. Si vous ne répondez pas, c'est que vous approuvez cette mesure.» Il faudrait en fait écrire et dire: «Non, je suis vraiment près de mes sous; ne le faites pas.» Vous voyez ce que je veux dire, n'est-ce pas? C'est donc un genre de pression indue.

• 1720

Je me demandais si vous étiez au courant de la situation. C'est la première fois que cela m'arrive, et cela s'est produit cette année. Et cela a fonctionné. Je n'ai pas écrit. Je me demande simplement si, d'après vous, cela tombe sous le coup de votre projet de loi.

M. Roger Gallaway: Je n'ai jamais entendu parler d'un tel exemple, mais, comme opinion de l'homme dans la rue, je dirais que oui, cela tombe sous le coup de ce projet de loi. C'est à mon avis un exemple intéressant. Ce qui m'intrigue, c'est que si, par exemple, vous payez 20 $ et que l'on vous propose des paiements de 30 $, et que le débit est préautorisé, comment une banque peut-elle tout d'un coup commencer à prélever 30 $, alors que vous ne l'avez autorisée à prélever que 20 $.

M. Bill Blaikie: Eh bien, cela se fait. Les banques peuvent faire bien des choses.

M. Roger Gallaway: Et elles ne se gênent pas.

M. Bill Blaikie: Il me semble que l'un des points que vous pourriez examiner... Cela dépasse la portée de ce projet de loi, mais cela me rappelle l'histoire d'un de mes amis qui travaille par postes et qui, bien entendu, est constamment dérangé durant la journée par des agents de télémarketing. Vous voyez ce que je veux dire; on lui propose de nettoyer ses tapis, ses murs, etc. Sans vouloir révéler quoi que ce soit, son travail lui permet de facilement savoir qui est à l'origine de ces appels. Il a donc cherché les présidents de ces entreprises pour leur téléphoner au milieu de la nuit, à quatre heures du matin pendant qu'ils dormaient, pour leur dire: «Je vous appelle tout simplement pour vous réveiller». L'interlocuteur a répondu: «Que voulez-vous dire, vous me téléphonez pour me réveiller?» «Eh bien, vous me réveillez, lorsque je dors; je ne fais que vous rendre la pareille.»

Je me demande si nous ne pourrions pas faire quelque chose du genre et envoyer à tous les dirigeants des banques et d'autres entreprises une sorte de publicité politique importune, qu'ils ne liraient pas. Elle dirait par exemple: «Si vous ne répondez pas d'ici 48 heures, votre nom figurera en pleine page du Globe and Mail, indiquant que vous faites partie de ceux qui demandent l'abolition des frais de services bancaires», ou autre chose du genre, pour voir ce qu'ils en pensent.

M. Joe Jordan: J'aime bien ça.

Le président: Peut-être pas en Ontario.

Nous avons beaucoup passé de temps là dessus, 20 minutes. Merci beaucoup, monsieur Gallaway.

Madame Venne, s'il vous plaît, au sujet du projet de loi C-226. C'est le dernier et nous prendrons les décisions à huis clos.

[Français]

Mme Pierrette Venne (député de Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Bonjour. Mon projet de loi porte en sous-titre les mots «protection des témoins». Ce n'est pas moi qui ai choisi ce sous-titre. En réalité, je pense qu'on devrait plutôt dire: «protection des victimes».

Ce projet de loi porte sur le contre-interrogatoire des victimes par les accusés qui ont refusé de se prévaloir des services d'un avocat. Les paragraphes 486(1.1) et (2.3) permettent au juge du procès d'interdire à un accusé de contre-interroger la victime lorsque celle-ci est âgée de moins de 14 ans. C'est ce qui est actuellement inscrit dans le Code criminel.

Nous élargissons cette procédure pour qu'elle puisse s'appliquer à toutes les personnes témoignant lors de procédures relatives à une infraction d'ordre sexuel ou pour laquelle est alléguée l'utilisation, la tentative ou la menace de violence. Cette interdiction s'appliquerait uniquement dans le cas où l'accusé refuserait délibérément les services d'un avocat pour le représenter à son enquête préliminaire ou à son procès.

Le but de ce projet de loi est d'éliminer des anomalies juridiques comme les procès d'Agostino Ferreira et de Valery Fabrikant, que je mentionne entre autres exemples. Ferreira a pu interroger à son aise les femmes qu'il avait séquestrées et violées.

J'aimerais vous faire remarquer que la constitutionnalité de ce projet de loi est préservée du fait que l'accusé conserve son droit de contre-interroger le témoin et donc de bénéficier d'un procès juste et équitable. Il le fera dorénavant par l'intermédiaire d'un avocat.

• 1725

Quant aux critères que le comité retient à l'occasion, j'aimerais vous faire remarquer qu'il n'y a aucune discrimination pour une région du pays. Le projet de loi n'exige pas de modification évidente à une loi en vigueur. Il s'agit simplement de corriger un paragraphe du Code criminel. Ce projet de loi ne fait pas partie du programme législatif du gouvernement.

En terminant, j'aimerais vous dire que les agressions sexuelles et la violence en général sont des problèmes endémiques dans notre société. Un accusé qui pratique l'autodéfense replonge la victime dans l'horreur et aggrave son traumatisme. C'est dans le but d'éviter aux victimes d'être confrontées de nouveau avec leur agresseur que j'ai déposé ce projet de loi.

Ce projet de loi avait passé l'étape de la deuxième lecture et avait été renvoyé au Comité permanent de la justice et des questions juridiques lors de la 35e Législature. En plus, lors du vote en deuxième lecture, le 7 mai 1996, le résultat avait été 107 pour et 89 contre. Malheureusement, mon projet de loi n'a pas été ramené à l'étape où il était avant la dissolution du Parlement, en 1997, et la seule raison qu'on m'a donnée, c'est que ça faisait trop longtemps qu'on en avait parlé.

Les organismes et les juristes me téléphonent pour me demander où est rendu le projet de loi. J'ai été obligée de leur dire hier, parce que j'ai appris hier qu'on avait refusé de le ramener à l'étape où il était, que je dois recommencer le processus. C'est pourquoi je suis devant vous aujourd'hui.

Je vous demande donc, si c'est possible, de faire en sorte qu'il puisse faire de nouveau l'objet d'un vote. Merci.

Le président: Merci beaucoup, madame Venne. Avez-vous des questions à poser?

Mme Pierrette Venne: C'est clair? Merci.

[Traduction]

Le président: Mesdames et messieurs, nous allons prendre une pause de deux minutes pour permuter la traduction. Nous allons poursuivre à huis clos, comme vous le savez.

[La séance se poursuit à huis clos]