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ENVI Rapport du Comité

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4.    LES PESTICIDES DANS L'ENVIRONNEMENT


Transport et dispersion des pesticides dans le sol, l'air et l'eau

4.1    Les pesticides sont libérés dans l'environnement sous l'effet d'activités anthropiques. Ils peuvent contribuer à deux formes de pollution, soit la pollution ponctuelle et la pollution diffuse. Une source de pollution est dite ponctuelle s'il s'agit par exemple du tuyau d'un système urbain de captage des eaux d'où se déverse, à un endroit précis, une eau contaminée par des pesticides. Une source de pollution est dite diffuse lorsque, par exemple, le phénomène d'érosion d'une terre agricole provoque le ruissellement du sol (contaminé par des pesticides) un peu partout dans l'environnement. La pollution diffuse agricole constitue d'ailleurs la plus importante et la plus problématique des sources de pollution des milieux aquatiques au Canada. Une fois dans l'environnement, certains groupes de pesticides se dégradent relativement rapidement, alors que d'autres persistent plus longtemps, peuvent s'y accumuler ou se transformer en contaminants (produits dérivés). En plus de se disperser au niveau du sol par ruissellement ou percolation, les pesticides sont transportés par les précipitations ou par le vent.

4.2    Les membres du Comité ont pu constater, grâce au témoignage de M. Bernard Hill25, chercheur au Centre de recherche de Lethbridge d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, que les précipitations contribuent à la dispersion des pesticides loin de leurs sources d'application par l'intermédiaire des phénomènes naturels de l'évaporation et de la condensation de l'eau. L'étude effectuée en Alberta en 1998 a démontré notamment que des quantités élevées de l'herbicide 2,4-D se retrouvent dans les précipitations de cette région, même si ce produit se dégrade rapidement en présence d'oxygène. Les chercheurs ont soulevé plusieurs hypothèses pour expliquer ce phénomène spécifique à la région de Lethbridge. On pense, entre autres, que la présence de pesticides dans la pluie reflète le fait que les agriculteurs de Lethbridge sont parmi les plus grands utilisateurs de pesticides en Alberta (plus de 20 000 kg de 2,4-D sont répandus chaque année pour la culture céréalière26). Ces résultats laissent aussi supposer que les concentrations en pesticides dans les pluies varient non seulement en fonction de l'abondance et de l'importance des pluies, mais aussi selon des facteurs tels l'utilisation des terres, la période de l'année et le portrait économique d'une région.

4.3    Certains pesticides sont transportés par l'entremise du vent sous forme de particules, de vapeur ou de gouttelettes, ce qui fait qu'ils peuvent être transportés à grande distance de leur source d'origine. Par la suite, la pluie dépose ces contaminants sur le sol ou dans les cours d'eau, où certains d'entre eux s'accumulent et se transforment. La figure 4.1 illustre le parcours effectué par certains pesticides dans un environnement schématisé. Les contaminants sont ensuite absorbés par la végétation et se retrouvent dans la chaîne alimentaire, où ils risquent de se concentrer dans les graisses animales.

Source : Affaires indiennes et du Nord Canada, Rapport de l'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien, Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, 1997.

Transport des pesticides sur de grandes distances : le cas des polluants organiques persistants (POP)

4.4    Selon l'information fournie par la Conférence circumpolaire inuit et Inuit Tapirisat du Canada devant le Comité, 80 p. 100 des polluants retrouvés dans l'Arctique (tout le territoire situé au nord du 60e parallèle, ce qui comprend en fait les régions subarctique et arctique), proviendraient d'autres pays que le Canada27. En effet, à cause d'un phénomène de transport sur de grandes distances combiné à des caractéristiques physiques et chimiques particulières, certains pesticides ou polluants organiques persistants (POP)28 parviennent à atteindre les régions arctiques par la voie des airs29. Le Comité a appris que ces POP, des substances chimiques qui se retrouvent dans l'environnement sous l'effet d'activités anthropiques, présentent trois caractéristiques semi-volatifs, persistants, liposolubles. Ils sont semi-volatils, passant facilement de l'état solide à l'état gazeux à température élevée et redevenant solides au contact du froid. Ainsi, en étant utilisés dans les régions plus au sud, ces pesticides s'évaporent en partie, sont transportés par les vents, se condensent ensuite sous l'impact de l'air froid arctique et se déposent sur le sol. Lorsque les polluants atteignent le Nord, ils ont tendance à s'accumuler car les basses températures ne favorisent pas l'évaporation. Les POP peuvent répéter ce cycle plusieurs fois et sur de longues distances, raison pour laquelle on nomme ce phénomène « l'effet sauterelle » (figure 4.2). Les POP sont persistants parce qu'ils résistent à la dégradation dans des conditions environnementales normales.

4.5    Finalement, les POP sont liposolubles mais très peu hydrosolubles. Cela signifie que les organismes vivants ne parviennent pas à les excréter, d'où leur accumulation dans les tissus. Le phénomène d'accumulation d'un contaminant dans le temps à l'intérieur d'un même organisme s'appelle la bio-accumulation. Cet organisme, qui se nourrit ensuite de plantes ou d'animaux déjà contaminés, peut accumuler de fortes concentrations de contaminants et cette concentration augmente à chaque niveau de la chaîne alimentaire. C'est le phénomène de bio-amplification (figure 4.3). L'on sait que les POP s'accumulent jusqu'au sommet de la chaîne alimentaire. Voici l'explication que M. David Stone, directeur, Direction de la recherche sur les sciences et les contaminants dans le Nord, ministère des affaires indiennes et du Nord canadien a donnée au Comité :

Tout d'abord, les pesticides organochlorés dont nous nous inquiétons sont appelés polluants organiques persistants parce qu'ils ont en commun la caractéristique de la rémanence. Ils résistent à la dégradation dans les conditions environnementales normales. Ils sont semi-volatils, et c'est là une caractéristique très importante. Autrement dit, ils passent facilement de l'état solide à l'état liquide ou gazeux. Si vous vous souvenez de vos cours de chimie, cette transformation dépend toujours de la température. Donc, à une température élevée, ces substances passent dans l'atmosphère sous forme gazeuse, et à une température froide elles retombent au sol.
Enfin, ces pesticides sont liposolubles mais sont très peu hydrosolubles. Notre organisme est conçu pour se débarrasser des polluants qu'il n'aime pas en les convertissant en substances hydrosolubles éliminées par l'urine. Or, dans le cas des substances liposolubles, ce mécanisme ne fonctionne pas, si bien qu'elles tendent à s'accumuler au fil du temps. Dans la chaîne alimentaire, cela signifie que vous pouvez obtenir des concentrations extrêmement élevées au sommet30.

 

Source : J. Jensen, K. Adare et R. Shearer, Rapport de l'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien, Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada, 1997, 508 p.

4.6    Parmi les POP qui ont été échantillonnés et détectés dans l'Arctique entre 1991 et 199731, on retrouve les pesticides énumérés au tableau 4.1. Tous font partie du groupe des organochlorés, substances qui ont la plus grande tendance à s'accumuler. Il importe aussi de mentionner que tous les pesticides se trouvant sous la rubrique « supprimés » ont été classés sous la voie 1 de la Politique fédérale de gestion des substances toxiques, ce qui signifie qu'il s'agit de substances toxiques persistantes, bio-accumulatives, qui proviennent d'activités humaines et qui devraient donc être éliminées de l'environnement32. On constate également que trois pesticides détectés lors des échantillonnages sont encore homologués au Canada, soit l'endosulfane, le méthoxychlore et le trifluraline. Le lindane, qui fait partie du groupe des hexachlorocyclohexanes, est encore homologué au Canada pour utilisation restreinte.

Tableau 4.1 : Pesticides détectés dans l'Arctique et échantillonnés par le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord

 

Pesticide Supprimé Non
homologué
Homologué Voie 1,
PGST33
Aldrine x     x
Chlordane x     x
DDT x     x
Dieldrin x     x
Endrin x     x
Heptachlore x     x
Hexachlorobenzène x     x
Hexachlorocyclohexane     Certains
pesticides
(lindane)
encore utilisés
 
Mirex   x   x
Toxaphène x     x
Endosulfane     x  
Méthoxychlore     x  
Trifluraline     x  


LÉGENDE :
Supprimé : Le produit a été retiré volontairement du marché par la compagnie. Par la suite, les compagnies peuvent tenter de réenregistrer le produit, tout en se conformant aux exigences actuelles. Selon l'ARLA, les chances qu'un produit supprimé soit réenregistré sont faibles.
Homologué : Homologué par l'ARLA.
Non homologué : En raison de la Loi de l'accès à l'information, il est impossible de savoir si le terme « non homologué » signifie que le produit n'a pas réussi les tests ou si aucune demande n'a été faite à son égard.
PGST :  Politique de gestion des substances toxiques

Sources :    Communications personnelles avec l'ARLA; présentation des Affaires indiennes et du Nord Canada concernant les résidus de pesticides dans l'Arctique canadien et le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, le 9 décembre 1999.

Comme l'indique le tableau 4.1, certains organochlorés très persistants ne sont plus utilisés au Canada, mais ils sont tout de même encore décelés dans l'environnement nordique. De plus, même si leur utilisation est interdite ou restreinte au Canada, ils sont fabriqués, utilisés ou rejetés dans plusieurs autres pays. Du fait qu'ils s'évaporent facilement et sont transportés par voie aérienne, tout ce qui constitue l'environnement canadien nordique y est exposé34. Les POP ne sont pas détectés uniquement dans l'Arctique, on en retrouve aussi une forte concentration dans le bassin des Grands Lacs et le fleuve Saint-Laurent.

Présence croissante des pesticides dans l'environnement urbain

Quelques chiffres américains

Aux États-Unis, au moins 80 p. 100 de la population utilise des pesticides à la maison; 57 p. 100 les emploie pour limiter les mauvaises herbes; 50 p. 100, pour combattre les parasites des animaux domestiques; 12 p. 100 font appel aux services d'une compagnie d'entretien des pelouses; et 20 p. 100 se servent de pesticides à l'intérieur des maisons. (Sierra Club du Canada, mémoire présenté au Comité)

4.7    Même si, au Canada, les pesticides proviennent majoritairement du milieu agricole et que ce secteur représente la principale source de pollution de la plupart des écosystèmes aquatiques, la population urbaine contribue de façon importante à la présence de contaminants dans l'environnement. Le Comité a entendu plusieurs groupes sensibilisés à l'utilisation des pesticides dans les villes, comme le groupe Campagne pour la réduction des pesticides, le Groupe de travail sur les dangers que représente pour la santé l'utilisation des pesticides dans les milieux urbains, le groupe Nature-Action Québec et la Fédération canadienne des municipalités. Il semblerait, si l'on se fie au témoignage de l'un de ces groupes, l'Association canadienne des eaux potables et usées, que l'utilisation de pesticides dans les villes puisse parfois même dépasser celle des exploitations agricoles. L'Association rapporte en effet les résultats d'une étude américaine qui aurait révélé que l'utilisation de produits pour l'entretien de parterres de Chicago atteindrait 9kg/ha/an, comparativement à 2kg/ha/an, pour les producteurs de soja35. Selon la Fédération canadienne des municipalités, la situation ne serait pas meilleure au Canada : les deux tiers des foyers canadiens utiliseraient des pesticides; la moitié d'entre eux appliqueraient eux-mêmes les produits, souvent sans protection; et cette pratique se répéterait en moyenne trois fois par an36.

4.8    La Fédération canadienne des municipalités a par ailleurs rapporté au Comité que 1,3 millions de kilogrammes de pesticides auraient été répandus en 1993 dans les régions urbaines de l'Ontario. Ce chiffre, qui ne tient même pas compte des quantités utilisées par les particuliers, équivaut au quart du total utilisé à des fins agricoles37. La représentante du groupe Nature-Action Québec a, quant à elle, mentionné que les ventes de pesticides sont toujours à la hausse au Québec (15,2 p. 100 depuis 1995)38. Outre l'épandage de pesticides sur les terres publiques et par les citoyens, l'entretien des terrains de golf, des lignes électriques, des voies ferrées et des conduites d'eau et de gaz contribue également à la pollution urbaine.

4.9    Lors de leur comparution devant le Comité, les témoins ont exprimé de sérieux doutes quant à la pertinence d'utiliser de telles quantités de pesticides dans la vie courante. Selon eux, l'utilisation des pesticides en milieu urbain n'est pas essentielle car on n'y a généralement recours que pour embellir les pelouses, les jardins et les parcs publics. Le groupe Nature-Action Québec explique le phénomène comme suit :

On utilise énormément de pesticides sur les pelouses parce qu'on y a créé des conditions qui attirent les ravageurs en essayant d'entretenir des monocultures. De plus, les consommateurs sont actuellement sous l'influence massive des vendeurs de pesticides, qui disposent de budgets importants pour convaincre les gens de la nécessité d'avoir une pelouse parfaite39.

Une étude toute récente réalisée par Environnement Canada sur les pesticides en milieu urbain illustre bien le problème de la contamination urbaine par les pesticides. En 1998, une équipe de la Ecosystem Health Division à Guelph a échantillonné deux ruisseaux de Toronto et trois étangs de rétention des eaux de pluie de Guelph afin de déterminer le degré de contamination de l'eau par les pesticides appliqués en milieu urbain. L'étude a permis aux chercheurs de tirer les conclusions suivantes en ce qui a trait à l'utilisation abondante de pesticides urbains : on détecte fréquemment des herbicides (2,4-D, MCPP) et des insecticides (diazinon, chlorpyrifos) tout de suite après une période de pluie; on observe un schéma similaire de contamination dans les localités urbaines de Toronto, de Hamilton et de Guelph; les quantités de diazinon et de chlorpyrifos détectées dépassaient les normes établies pour le maintien de la qualité de l'eau40.

4.10    Les témoins ont insisté sur le fait que les pesticides représentent une menace constante pour les gens; les produits antiparasitaires appliqués à proximité des maisons pénètrent à l'intérieur de celles-ci et y persistent probablement plus longtemps qu'à l'extérieur où plusieurs facteurs environnementaux font qu'ils se dégradent plus rapidement.

4.11    À la lumière de ces témoignages, le Comité considère que la question de l'utilisation des pesticides dans les villes constitue une problématique tout aussi importante que l'utilisation de ces produits en milieu agricole. Par conséquent, le secteur urbain doit faire partie intégrante d'un bon système de gestion des pesticides au Canada.

Présence de pesticides dans l'environnement aquatique

4.12    Lors des audiences, la problématique de la contamination de l'eau, tant en milieu naturel qu'urbain, est ressortie comme une des préoccupations majeures actuelles. Selon plusieurs groupes (notamment l'Association canadienne des eaux potables et usées, l'Association canadienne des troubles d'apprentissage, l'Association canadienne de la santé publique, le Fonds mondial pour la nature et le Sierra Club du Canada), l'eau potable est constamment soumise à de multiples expositions aux pesticides, que ce soit par contact avec l'air, par ruissellement ou à la suite des précipitations. Ces problèmes s'ajoutent aux pressions de plus en plus fortes qui s'exercent sur les ressources aquatiques depuis quelques décennies à cause de la croissance de la population, du développement des secteurs agricole, industriel et commercial, ainsi que de l'augmentation des besoins en eau.

4.13    D'après l'Association canadienne des eaux potables et usées, la contamination de l'eau potable par les pesticides est un problème réel. Même si les concentrations ne dépassaient pas les normes canadiennes recommandées, des résidus de pesticides ont été détectés dans les sources d'eau potable par des équipes de surveillance gouvernementales aux quatre coins du pays41. Des échantillons prélevés au Québec ont montré que 30 p. 100 des réseaux d'eau potable québécois examinés entre 1989 et 1994 contenaient des résidus de l'herbicide atrazine ou de ses métabolites42. L'atrazine est l'un des pesticides que l'on retrouve le plus souvent dans les eaux de surface ou souterraines, que ce soit au Québec, en Ontario, en Colombie-Britannique, en Nouvelle-Écosse ou en Saskatchewan. Par ailleurs, si on observe le cas spécifique de l'Île-du-Prince-Édouard, où l'agriculture est intensive, Santé Canada a observé en 1985 et 1986 la présence du pesticide aldicarbe dans 80 p. 100 des échantillons et a noté que certaines concentrations dépassaient la norme recommandée pour l'eau potable. L'aldicarbe et ses métabolites sont très persistants dans les eaux souterraines. Toujours à l'Île-du-Prince-Édouard, d'autres études ont permis de constater, à huit reprises, des évidences de contamination de l'eau en 199943.

4.14    L'Association canadienne des eaux potables et usées s'inquiète en particulier de l'incidence des pesticides sur le traitement de l'eau potable et des eaux usées par les municipalités. Malgré le fait que les technologies actuelles soient aptes à assurer la réduction des pesticides dans l'eau à un niveau acceptable, la présence accrue de contaminants pourrait éventuellement nécessiter un changement des procédés de traitement des eaux, ce qui impliquerait des coûts élevés et mènerait, selon l'Association, à des résultats plus ou moins satisfaisants. L'Association est d'avis que le système canadien de protection de l'eau potable doit être réévalué, notamment à cause des pressions de plus en plus fortes exercées sur la ressource. L'Association prône le développement d'initiatives gouvernementales qui visent la réduction des pesticides.

4.15    De son côté, l'Association canadienne des troubles d'apprentissage a déploré devant le Comité le fait qu'il n'y a aucun contrôle systématique de la qualité de l'eau effectué au pays, contrairement à ce qui se fait aux États-Unis. Ce manque de contôle rend impossible l'étude de l'exposition totale de la population aux pesticides, alors qu'il existe des preuves de leur présence dans l'eau :

Il a été prouvé qu'un certain nombre de pesticides sont présents dans l'eau de puits. La U.S. pesticides in groundwater database examine les données relatives à 68 000 puits dans 45 États. Des pesticides ont été relevés dans l'eau de plus de 16 000 puits dans 42 États. Dans près de 10 000 de ces puits, les concentrations dépassaient les normes de l'EPA pour l'eau potable.
Le seul relevé dont M. Shantora, (directeur général, Direction générale de la prévention de la pollution par les toxiques, Environnement Canada) avait eu connaissance au Canada -- l'analyse de l'eau de puits de 1988 en Ontario -- avait constaté dans un échantillon la présence d'atrazine à une concentration de 210 parties par milliard, soit 40 fois la norme canadienne fixée pour ce produit à cinq parties par milliard. De plus, l'atrazine a été trouvée dans 30 p. 100 des échantillons d'eau de pluie prélevés en Europe44.

4.16    Les membres du Comité sont gravement préoccupés par l'incidence des pesticides sur la qualité des eaux souterraines et de surface du Canada. Ils estiment que la question de la sécurité et de la gestion de la ressource eau doit être considérée par les gouvernements. Devant l'évidence des témoignages présentés au Comité, l'idée d'une réduction de l'utilisation des pesticides s'impose de plus en plus.

4.17    Outre les environnements urbains et aquatiques, on a communiqué au Comité des chiffres très variables sur l'épandage des pesticides en milieu forestier. Ces chiffres vont de 200 000 ha traités aux insecticides en 199845, à 12 millions d'hectares (120 000 km2) traités aux pesticides biologiques (Bt) durant la dernière infestation de la tordeuse des bourgeons de l'épinette46. Étant donné que les Autochtones dépendent de la chasse, de la pêche et de la cueillette pour leur subsistance, il convient d'adopter le principe de la prudence pour la pulvérisation des pesticides dans les milieux forestier et aquatique.

Certaines utilisations de pesticides

Le pentachlorophénol est utilisé exclusivement comme préservatif sur les poteaux de téléphone. Ce pesticide contient de petites quantités de dioxines et de furanes. Les dioxines et les furanes sont considérées toxiques par Environnement Canada.

L'acroléine est un herbicide homologué pour utilisation dans les canaux d'irrigation agricoles. Même si l'utilisation d'acroléine pourrait constituer un acte de déversement de produit toxique dans un habitat du poisson, l'application de ce produit dans les canaux d'irrigation est permise malgré que la Loi sur les pêches interdise le déversement de substances toxiques pour les poissons, à moins que cela soit autorisé par règlement.

Programmes de recherche en environnement

4.18    Différents programmes de recherche existent dans les ministères fédéraux concernés par les pesticides (Agriculture et Agroalimentaire, Environnement, Ressources naturelles, Santé, Pêches et Océans) afin d'étudier les problèmes occasionnés par les pesticides à l'environnement. Le ministère de l'Environnement effectue principalement ses recherches sur la contamination des eaux de surface et de la faune, alors que le ministère de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire analyse plutôt les eaux souterraines et les cours d'eau en zone agricole47.

Agriculture et Agroalimentaire Canada mène aussi d'importants travaux de recherche sur l'utilisation d'indicateurs agro-environnementaux. Ces indicateurs permettent d'évaluer les tendances et les changements qui se produisent dans l'environnement à la suite d'activités agricoles. Deux documents ont été produits depuis 1993 (sur le sol et l'atmosphère), et les résultats sur l'eau devraient être disponibles sous peu48.

Ressources naturelles Canada effectue essentiellement ses travaux de recherche dans le domaine de la lutte intégrée contre les ravageurs forestiers. (Voir à ce sujet le chapitre 11 « Les solutions de rechange aux pesticides »).

4.19    Les travaux de recherche de Pêches et Océans Canada (MPO) complètent les travaux d'Environnement Canada, qui dispose de pouvoirs administratifs en vertu de l'article 36 de la Loi sur les pêches relativement à l'habitat du poisson. Le MPO dispose d'un programme national axé sur les sciences de l'environnement et participe donc à la recherche qui concerne l'incidence des pesticides sur le poisson et son habitat. Dans le cadre de ces travaux, Environnement Canada et Pêches et Océans Canada ont pu établir un lien entre les pesticides utilisés en milieu forestier et leurs répercussions dans le secteur de la pêche. M. Ron Pierce, de Pêches et Océans, a déclaré :

Les études réalisées jusqu'ici démontrent qu'il existe effectivement un lien entre l'utilisation des ingrédients qui entrent dans la composition des pesticides et le déclin des populations de saumon de l'Atlantique, surtout dans le secteur de la pêche sportive. Nous poursuivons nos études, qui n'ont produit que des résultats préliminaires. Nous sommes en train d'effectuer une nouvelle étude échelonnée sur trois ans qui vise à analyser les relations de cause à effet entre les ingrédients qui entrent dans la composition des pesticides et leurs effets possibles sur les jeunes saumons de l'Atlantique49.

4.20    D'autres études permettront à l'avenir d'évaluer de façon plus approfondie les relations de cause à effet des pesticides en milieu aquatique. M. Pierce a toutefois confié au Comité que les réductions budgétaires et le départ de chercheurs chevronnés ont amoindri les ressources scientifiques du MPO et que cette situation touche tous les ministères à vocation scientifique50. Le Comité est conscient de ce problème et considère qu'il doit être réglé compte tenu de la nécessité, pour une bonne gestion des pesticides, d'avoir accès à des données scientifiques. Le chapitre 17, « Le dilemme du financement », présente en détail, par l'intermédiaire de la description du budget de l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire, l'insuffisance des fonds qui sont accordés pour la recherche en environnement.

4.21    Tous ces projets de recherche constituent une source vitale d'information sur la présence et les effets des pesticides dans l'environnement. Le Comité considère que les résultats de tels travaux représentent un outil inestimable pour assurer une bonne gestion des pesticides. Il s'agit toutefois de veiller à ce que cette information soit d'abord utilisée de façon efficace. Les organismes responsables des travaux de recherche ne peuvent pas travailler en vase clos, mais doivent collaborer et échanger l'information de façon harmonieuse et efficace. D'autre part, les membres du Comité déplorent les coupures budgétaires dont sont victimes les ministères à vocation scientifique et pressent le gouvernement de mettre les ressources nécessaires à leur disposition.

Le Comité demande instamment au gouvernement d'augmenter de façon substantielle le financement destiné à l'étude et au suivi des effets des pesticides sur l'environnement, afin d'assurer la protection de la santé.

25 Bernard D. Hill et al., Phenoxy Herbicides in Alberta Rainfall: Cause for Concern? (affiche inédite), Agriculture et Agroalimentaire Canada.

26 Ibid.

27 Conférence circumpolaire inuit et Inuit Tapirisat du Canada, mémoire présenté au Comité.

28 En 1998, le Canada a signé des accords internationaux concernant 16 polluants organiques persistants (POP), 11 d'entre eux correspondant à des pesticides. Les 16 POP actuellement visés par des actions internationales sont les pesticides -- chlordane, DDT, aldrine, dieldrine, endrine, heptachlore, hexachlorobenzène -- mirex, chlordécone, lindane, toxaphène; les produits chimiques industriels -- BPC, hexabromobiphényle; les contaminants (sous-produits) -- dioxines, furanes, hydrocarbones aromatiques polycycliques (HAP).

29 J. Jensen, K. Adare et R. Shearer, Rapport de l'évaluation des contaminants dans l'Arctique canadien, Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada, 1997, 508 p.

30 Témoignages, réunion no 16, le 14 décembre 1999.

31 Le Programme de lutte contre les contaminants dans le Nord, qui a permis cette étude, est décrit au chapitre 7, « Les autres groupes vulnérables de la population ». Outre les pesticides cités ici, les POP suivants ont été détectés dans l'Arctique : hexabromobiphényle, HAP, BPC, dioxines, furanes.

32 Le chapitre 9 intitulé « La gestion des risques » traite de la Politique de gestion des substances toxiques.

33 En date de mai 2000, les substances suivantes se retrouvent aussi sous la Voie 1, mais elles ne sont pas des pesticides : Dibenzo-p-dioxines polychlorées, Dibenzofuranes-polychlorées, BPC

34 J. Eetoolook, président intérimaire de Nunavut Tunngavik Inc., mémoire présenté au Comité.

35 Association canadienne des eaux potables et usées (ACEPU), mémoire présenté au Comité.

36 Fédération canadienne des municipalités, mémoire présenté au Comité.

37 Ibid.

38 Nature-Action Québec, mémoire présenté au Comité.

39 Ibid.

40 Struger, J., et B. Ripley, Pesticides Concentrations in Urban Aquatic Environments, document de présentation (affiche), Ecosystem Health Division, Environnement Canada, Guelph; Laboratory Services Division, University of Guelph; Industrial Waste and Stormwater Quality Unit, Toronto Works and Emergency Services, 1999.

41 Association canadienne des eaux potables et usées (ACEPU), mémoire présenté au Comité.

42 Gouvernement du Québec, rapport de 1989 à 1994 sur la qualité de l'eau. Cité dans le mémoire de l'ACEPU présenté au Comité.

43 La mortalité de poissons dans des rivières qui seraient contaminées par des pesticides comme l'insecticide azinphos-méthyl a, entre autres, été observée dans les rivières Valleyfield et Souris (ACEPU, 1999).

44 Témoignages, réunion no 4, le 16 novembre 1999.

45 Témoignages, réunion no 127, le 2 juin 1999.

46 Ibid.

47 Témoignages, réunion no 128, le 8 juin 1999.

48 Ibid.

49 Ibid.

50 Ibid.