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FAIT Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FOREIGN AFFAIRS AND INTERNATIONAL TRADE

COMITÉ PERMANENT DES AFFAIRES ÉTRANGÈRES ET DU COMMERCE INTERNATIONAL

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 2 mars 2000

• 1559

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine (Etobicoke— Lakeshore, Lib.)): Bonjour et bienvenue. C'est moi qui remplace le président et les vice-présidents.

D'abord, monsieur l'ambassadeur, j'aimerais vous présenter des excuses pour le retard et aussi pour le faible taux de représentation des membres qui, j'imagine, sont retenus ailleurs et se joindront peut-être à nous plus tard. Je ne suis pas très au courant de la situation.

Les membres se rappelleront que nous avons tenu des audiences en novembre et en décembre et que nous avons alors décidé de faire rapport des témoignages entendus et de formuler des recommandations.

• 1600

Nous avions aussi convenu, monsieur l'ambassadeur, de vous inviter à venir nous parler des conditions régnant dans le pays et de vous faire part des activités en cours pour bien faire ressortir les inquiétudes du comité pour nous ainsi que pour les Colombiens et les responsables canadiens de tous les niveaux.

Je tiens donc à vous souhaiter la bienvenue encore une fois et à vous signaler que toutes nos délibérations d'aujourd'hui et votre déclaration seront consignées et que tous les députés pourront en prendre connaissance. Le fait que vous vous adressiez à un nombre limité de membres ne veut pas dire que votre déclaration... Nous allons nous assurer que tout ce que vous nous communiquez sera...

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Quand vous dites «limité», vous ne parlez pas de nous, n'est-ce pas?

Des voix: Oh, oh!

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): C'est le nombre qui est limité.

Des voix: Oh, oh!

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Mais les autres pourront lire tout ce que vous avez dit, monsieur l'ambassadeur.

Merci beaucoup. La parole est à vous.

[Français]

M. Guill Rishchynski (ambassadeur du Canada en Colombie): Madame la présidente, merci beaucoup de me donner l'occasion d'être ici avec vous cet après-midi. C'est un honneur pour moi, en tant qu'ambassadeur du Canada en Colombie, d'avoir l'occasion d'être ici avec les députés canadiens qui s'intéressent à la situation en Colombie. La situation actuelle en Colombie est assez délicate, mais nous espérons être au début d'un processus qui mènera à une paix possible pour tous les Colombiens à l'avenir.

[Traduction]

Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais faire quelques observations et projeter des transparents qui figurent dans le document qui vous a été remis. Je ne les présenterai pas tous, évidement, seulement ceux qui se rapportent surtout au processus de paix. J'espère qu'une mise à jour de la situation du processus de paix en Colombie vous aidera, à la suite de vos audiences de novembre et de décembre, à comprendre ce qui se passe sur le terrain, en Colombie, et comment notre ambassade voit les choses.

D'abord et avant tout, l'ambassade du Canada à Bogota a été très heureuse d'apprendre qu'on avait tenu des audiences sur la Colombie l'automne dernier. Pour l'ambassade, le Canada a un rôle très particulier à jouer dans le processus de paix en Colombie, qui n'est pas un pays si lointain. Effectivement, la ville de Cartagena est seulement à cinq heures et demie de vol d'Ottawa, et Bogota à une heure de plus. La situation offre donc au Canada une excellente occasion de jouer un rôle de premier plan dans cet hémisphère et d'aider une société qui cherche à retrouver la paix.

Une des choses qui m'a beaucoup frappé à mon arrivée en fonction en Colombie, c'est la façon dont la Colombie voit notre pays. Pour les Colombiens, le Canada est une société tolérante, pleine de promesses et respectueuse des droits de la personne. Ce sont des caractéristiques que la Colombie aimerait bien faire siennes pour offrir paix et perspectives d'avenir à tous les Colombiens, de tous les milieux, ce qui fait partie des libertés fondamentales.

La situation en Colombie est compliquée et c'est d'abord et avant tout ce dont nous devons être conscients, en tant qu'observateurs de l'extérieur. Ce n'est pas une situation facile à définir parce qu'elle s'inscrit dans l'histoire du pays et, malheureusement, dans la réalité quotidienne de la Colombie d'aujourd'hui, étant donné que la culture et les profits de la drogue continuent de nuire au développement de la société et de présenter beaucoup de difficultés aux autorités qui veulent lutter en priorité absolue contre le narcotrafic et tous les problèmes sociaux qui y sont rattachés.

Le gouvernement du président Pastrana est très résolu à instaurer la paix et c'est en faisant preuve d'un grand courage politique et personnel que le président a décidé d'engager des négociations avec les rebelles du pays. Cela tient compte d'une réalité reconnue par pratiquement tous les Colombiens, à savoir qu'une victoire militaire par l'une ou l'autre partie en Colombie—que ce soit les forces armées, les rebelles ou les paramilitaires—n'est simplement pas possible. La situation de la Colombie est trop compliquée et sa géographie trop difficile. Voilà pourquoi l'instauration de la paix est la seule solution pour apporter un vent de changement dans un pays qui veut être une société moderne du XXIe siècle.

• 1605

Fait tout à fait nouveau en Colombie, depuis quatre mois, l'opinion publique s'est mobilisée pour appuyer le processus de paix. Le mouvement No Mas!, c'est-à-dire «Jamais plus» a rassemblé 12 millions de Colombiens qui ont manifesté dans les rues des grandes villes du pays pour dire qu'ils voulaient un changement, qu'ils voulaient que cessent l'insurrection des guérillas, les enlèvements et les activités paramilitaires pour que la Colombie puisse se moderniser en offrant la paix, la tranquillité et des ressources économiques qui sont des libertés fondamentales.

Si vous me le permettez, madame la présidente, j'aimerais maintenant vous mettre au courant de la situation du processus de paix en Colombie, d'après l'analyse de l'ambassade.

Sur le plan géographique, la Colombie est un pays de la taille du Québec et des provinces maritimes combinés. Trois énormes chaînes de montagne traversent, pratiquement côte à côte, le pays du nord au sud, dans sa partie occidentale. À l'est, on retrouve le bassin de l'Amazone, et l'avion ou le bateau sont littéralement les seuls moyens de transport. C'est un pays de 40 millions d'habitants qui compte au moins une demi-douzaine de villes de plus d'un million d'habitants; la capitale, Bogota, est une ville deux fois plus grande que Toronto, avec une population de plus de sept millions d'habitants.

Sa situation géographique est très stratégique parce que c'est le seul pays d'Amérique latine qui a un littoral sur le Pacifique et un autre sur la mer des Caraïbes. C'est ce qui fait que sa situation est vraiment très stratégique dans la région. C'est probablement une des raisons pour lesquelles la production de drogue s'est concentrée en Colombie dernièrement.

Le conflit en Colombie oppose vraiment trois grands groupes de combattants. À gauche, vous voyez les cinq principaux groupes rebelles, les guérillas de gauche. Les FARC, en haut, les Forces armées révolutionnaires colombiennes, comptent environ 15 000 hommes et femmes armés. L'ELN, l'Armée de libération nationale, regroupe environ 5 000 membres. Quant à l'EPL, l'Armée de libération populaire, elle est rattachée aux FARC et compte environ 1 000 combattants armés. Puis, il y a deux très petits groupes de rebelles, mais qui sont quand même importants: le front Jaime Bateman Cayon, qui est actif dans le sud du pays, et l'ERP. Ces deux groupes ne réunissent qu'environ 200 membres chacun.

À droite, on retrouve les groupes paramilitaires. Ces groupes ont été formés il y a longtemps, trente ou quarante ans, pour se défendre contre les guérillas de gauche. Ils représentent aujourd'hui une force très importante qui réunit entre 8 000 et 10 000 hommes. Ce sont les principaux responsables des violations commises contre les droits de la personne depuis douze à dix-huit mois en Colombie, et le gouvernement du pays estime qu'ils constituent une menace vraiment très importante à la paix et la stabilité nationale.

Malheureusement, il y a aussi des groupes de criminels très bien organisés, qu'on appelle en espagnol criminels de droit commun, qui poursuivent des activités criminelles dans les grandes villes et dans les campagnes.

Puis il y a évidement le narcotrafic, le crime organisé qui est très différent de ce que nous, au Canada, avons pu voir ou entendre au sujet de la Colombie depuis dix ans, parce que le narcotrafic n'est plus dominé par les grands cartels de Pablo Escobar comme c'était le cas à la fin des années 80 et au début des années 90. Le trafic de la drogue en Colombie s'est décartelisé, parce que les grands cartels ont été démantelés et, dans un sens, il est beaucoup plus difficile à éliminer aujourd'hui parce qu'il est très disséminé et tellement bien organisé sur le plan technologique.

• 1610

S'oppose à ces forces le gouvernement de la Colombie, qui est représenté par son armée et ses forces de police. L'armée de la Colombie compte 140 000 hommes et la police environ 100 000. Dans un pays de la taille du Québec et des provinces Maritimes, les distances et la réalité géographique rendent le maintien de la paix par l'armée et les forces policières difficile.

Il y a actuellement deux processus de paix en cours en Colombie, et le dialogue de paix pourrait s'élargir. Les deux principaux processus de paix sont, d'abord, les négociations que le gouvernement a engagées depuis janvier 1999 avec les FARC dans le sud-est du pays et, plus récemment, la possibilité que des négociations puissent avoir lieu entre, d'un côté, la société civile et le gouvernement et, de l'autre, l'ELN, le deuxième plus important groupe de rebelles, à un endroit qui n'a pas encore été déterminé.

D'après l'analyse de l'ambassade, il faut en venir à se demander si les paramilitaires de Colombie, qui comptent 8 000 à 10 000 hommes, ne font pas partie de la solution. Ils peuvent sûrement contribuer à la paix aujourd'hui et, à un moment donné, il faut en tenir compte sérieusement dans le processus de paix. Des membres de l'EPL, un petit groupe rattaché aux FARC, ont déclaré récemment vouloir eux aussi engager des négociations avec le gouvernement de façon indépendante.

Vous pouvez vous rendre compte qu'en engageant deux, et peut-être trois ou même plus, processus de négociation, le gouvernement se trouve dans une situation très difficile. De prime abord, on se demande pourquoi il n'est pas possible d'avoir une négociation unique. En fait, ce sont les guérillas, les rebelles armés eux-mêmes, qui ne favorisent pas la négociation unique. C'est pourquoi le gouvernement du président Pastrana n'a d'autre choix que de négocier séparément. Même si tout le monde en Colombie aimerait mieux qu'il y ait un seul accord de paix global, c'est plutôt une formule de négociation fragmentée qui a été adoptée. Le gouvernement continue de travailler dans ce contexte, en cherchant la paix et le dialogue.

Les négociations entre le gouvernement et les FARC, comme je l'ai dit, ont commencé officiellement le 7 janvier 1999, dans la ville de San Vincente del Caguan, dans le sud-est du pays. Il y a eu beaucoup de querelles de procédure pendant huit ou neuf mois, puis les négociations proprement dites ont commencé en octobre de l'an dernier.

Je devrais signaler que les FARC sont surtout établies dans les régions rurales et dirigées par des paysans. Ce n'est pas un mouvement idéologique comme l'ELN, dans le sens où ses membres défendent une idéologie de gauche proprement dite. Les membres de ce mouvement sont peu nombreux à avoir voyager. En fait, beaucoup d'entre eux n'étaient même jamais allés dans la capitale de Bogota; c'était donc un événement très important quand les membres de l'équipe de négociation des FARC ont accepté d'accompagner le commissaire pour la paix de Colombie dans sa tournée européenne en février de la présente année. Ils sont allés en Suède, en Norvège, en Suisse, en Italie, en Espagne et en France pour étudier les modèles économiques possibles pour la Colombie et aussi comprendre l'engagement de la communauté internationale à l'égard du processus de paix.

Le fait que les rebelles aient accepté d'accompagner des représentants du gouvernement à l'étranger pour se renseigner sur la réaction de la communauté internationale devant la situation qui règne dans leur pays est une marque de confiance qui nous apparaît, à nous de l'ambassade, très encourageante. C'est une mesure d'instauration de la confiance qui nous permet d'espérer que la prochaine ronde de négociations, qui va commencer la semaine prochaine, permettra de réaliser des progrès sur les questions de fond et d'en arriver à un compromis. Jusqu'ici, on a discuté de la façon de procédure et non du contenu des accords comme tels.

Comme je l'ai dit, une des premières mesures que le gouvernement a prise dans le cadre de ses discussions avec les FARC a été la démilitarisation, dans le secteur sud-est de la Colombie, d'une zone aux dimensions comparables à la Suisse ou à deux fois la taille du Salvador, où vivent environ 100 000 personnes. La zone comprend cinq villes, San Vicente del Caguan étant la plus importante et le siège des pourparlers de paix.

• 1615

Le gouvernement du président Pastrana a été durement critiqué, autant en Colombie qu'à l'étranger, pour avoir cédé une zone démilitarisée aux rebelles, mais il reste que la présence de l'État colombien dans cette partie du pays était très modeste, si on exclut le millier de soldats en garnison dans la ville de San Vincente. À la suite de cette mesure, les FARC qui étaient déjà sur place ont acquis le contrôle administratif de la région, et l'ombudsman pour les droits de la personne est le seul représentant du gouvernement national qui reste dans la zone démilitarisée.

Notre pays, avec la Hollande, la Suède et la Suisse, apporte une aide financière qui permet la présence d'un ombudsman pour les droits de la personne dans la région pour assurer la protection des citoyens qui vivent dans la zone démilitarisée.

De quoi discutent essentiellement les rebelles et le gouvernement? Au début de 1999, on s'est entendu pour inscrire douze thèmes au programme des négociations de paix entre le gouvernement et les FARC. Le cinquième thème, «les structures sociales et économiques», a été choisi comme premier sujet de discussion par les deux parties, mais surtout parce que les FARC ont insisté.

Chacun des douze thèmes approuvés sera discuté pendant une période de trois à six mois. Toute entente convenue dans chaque cas sera mise oeuvre immédiatement, et fera partie à la fin d'un accord global de paix entre le gouvernement et les FARC, accord qui régira leurs relations à l'avenir.

Les structures sociales et économiques sont importantes. L'ambassade est toutefois d'avis qu'il aurait peut-être été préférable de commencer à discuter d'abord des droits de la personne et du respect du droit humanitaire international, mais ce qui est le plus difficile dans ces négociations entre le gouvernement et les FARC, c'est l'intention avouée des rebelles de ne négocier que dans un état de guerre. Autrement dit, il n'y aura pas de cessez-le-feu ni d'arrêt des enlèvements, et les actes de guerre et les combats armés vont se poursuivre selon les directives des commandants des FARC. Cependant, nous espérons que les rebelles, à leur retour d'Europe, voient l'utilité d'imposer un cessez-le-feu et de renoncer aux actions armées contre le gouvernement et les civils, et commencent à négocier la paix dans une situation de paix et non de guerre.

Quelle est la participation de la population de la Colombie à ces négociations? Essentiellement, il y a des équipes de négociation au niveau national qui participent aux discussions quotidiennes sur la paix. Elles ont formé un sous-comité, un comité thématique qui tiendra des audiences publiques pour entendre le point de vue de la population, des citoyens et des institutions, par téléphone, courrier électronique ou d'autres moyens, et ces observations seront transmises à la commission de négociation nationale.

Le fait qu'on a prévu des consultations publiques dans le cadre de ce processus est très important. La population de Colombie aura la possibilité de s'exprimer. Le gouvernement a insisté là-dessus et nous croyons que c'est une mesure très favorable pour la paix.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Monsieur l'ambassadeur, c'est très intéressant. Il y a des audiences publiques qui sont tenues par le FARC et le gouvernement, n'est-ce pas?

M. Guill Rishchynski: C'est cela. Les audiences publiques seront tenues dans un endroit à l'aide de moyens électroniques comme les appels conférences, l'utilisation de sites Internet et le téléphone. Il ne sera pas possible de tenir des audiences publiques dans tout le pays pour des raisons de sécurité. Il y aura un endroit où les gens du public pourront communiquer avec le comité thématique pour donner leur opinion, et ensuite on fera des recommandations à la Mesa Nacional.

Mme Francine Lalonde: Ciudadanos, est-ce que cela veut dire «citoyens»?

M. Guill Rishchynski: C'est ça, et il y aura aussi des institutions représentatives comme des ONG et des institutions universitaires. C'est la première fois qu'il existe une telle structure pour recueillir l'input du public au processus du paix. Pour nous, c'est très significatif.

Mme Francine Lalonde: C'est fantastique. Est-ce qu'il y aurait moyen d'avoir une photocopie de ça?

M. Guill Rishchynski: Bien sûr. J'espère que c'est dans les diapositives que vous avez déjà. C'est la première fois que le gouvernement crée une structure pour dialoguer avec les citoyens colombiens. Pour nous, c'est absolument indispensable. C'est un aspect fondamental du processus.

Mme Francine Lalonde: Mais est-ce que les citoyens y croient? Le gouvernement peut créer une structure, mais si cette chose ne semble pas vraie, les citoyens n'y participeront pas.

• 1620

M. Guill Rishchynski: Je pense qu'après la tournée du FARC en Europe, ils commencent à croire que ce processus peut leur permettre d'être écoutés par le négociateur. Pour nous, c'est très significatif.

Le FARC et le gouvernement vont reprendre les négociations cette semaine à San Vicente del Caguán et on va voir où le processus va mener. L'autre groupe, le ELN, a commencé un dialogue avec le gouvernement, mais il a essayé en même temps d'exercer des pressions militaires pour faire avancer sa cause. Au cours des derniers mois, Il y a eu, en Colombie, plusieurs actes de terrorisme au niveau de la structure électrique du pays et des pipelines de gaz naturel et de pétrole, par exemple. Le ELN commence à exercer des pressions pour avoir le même statut que le FARC au niveau des négociations de la paix.

[Traduction]

Qu'est-ce que l'ELN cherche? Bien, d'abord et avant tout, l'ELN veut parvenir à un accord semblable à celui que les FARC ont obtenu pour démilitariser une autre zone dans le pays. Elle en serait responsable sur le plan administratif et elle pourrait y rencontrer le gouvernement pour négocier. D'ailleurs, le gouvernement qui a précédé celui du président Pastrana a beaucoup négocié avec l'ELN.

L'ELN est un groupe fort différent des FARC en ce qui concerne l'orientation intellectuelle. L'ELN se rapproche davantage d'un mouvement d'insurgés à la Fidel Castro; c'est un mouvement beaucoup plus idéologique qui a été fondé par des prêtres qui croyaient que le marxisme pouvait permettre la libéralisation des sociétés. À cause de son orientation intellectuelle, on pense que lorsque les négociations seront véritablement entamées, ce groupe pourra progresser plus rapidement que les FARC, qu'il sera en mesure de comprendre non seulement les dimensions et la responsabilité internationales, mais aussi les accords eux-mêmes.

La prochaine étape, la déclaration d'une éventuelle zone démilitarisée dans la partie sud de la province de Bolivar, en plein centre de la Colombie, fait actuellement l'objet de beaucoup de discussions. Le problème que pose cette zone démilitarisée, c'est que contrairement au secteur contrôlé par les FARC—où ils sont le seul groupe d'insurgés—les paramilitaires sont très actifs dans cette partie de la Colombie. Bien sûr, les FARC elles-mêmes sont également très actives dans cette région et l'ELN et les FARC ne s'entendent absolument pas en ce qui concerne le positionnement des guérilleros en un seul groupe homogène.

L'ELN espère amorcer ce qu'elle appelle une convention nationale, assortie de négociations directes avec le gouvernement. Dans un tel contexte, l'ELN espère discuter dans le cadre de tables rondes—l'orientation est très différente de celle qui existe au sein des FARC—des droits de la personne, du droit humanitaire international, de l'impunité et de la justice; de l'énergie et des ressources naturelles; de l'économie et des problèmes sociaux et enfin de la culture, des problèmes agraires et du narcotrafic. On espère que ces négociations pourront progresser au cours des prochaines semaines, mais nous avons un problème au sujet de la création de cette zone démilitarisée, car on ne sait pas comment les mouvements paramilitaires vont réagir à cet égard.

Le rôle de la société civile dans ce processus reste à définir. Il n'y a pas encore de structure en place pour faciliter la participation du public au processus, comme nous l'avons vu dans le cas des FARC, bien que des membres de la société civile fassent partie de l'équipe de négociation du gouvernement avec l'ELN.

Avec ces deux processus, que va-t-il se passer maintenant? Nous aimerions poser quelques questions en ce qui concerne l'évolution future de la situation en Colombie.

Nous croyons qu'il y a une fenêtre de trois à quatre mois, peut-être plus longue, au cours de laquelle la paix peut vraiment s'enraciner dans le pays, étant donné que les prochaines élections présidentielles doivent avoir lieu en 2002. Le président Pastrana aura rempli la moitié de son mandat en août. Cette année, des élections pour les postes de maires et de gouverneurs vont également avoir lieu dans tout le pays; elles sont très politisées et marquées par l'engagement actif des divers groupes d'insurgés.

Le mouvement «No mas» est un nouveau phénomène en Colombie. L'opinion publique est en train de se mobiliser. En octobre, 12 millions de manifestants se sont élevés contre la violence et la guerre. Ils prévoient d'autres manifestations de masse en Colombie au cours du mois de mai. On s'inquiète au sujet de l'éventualité d'un plan B, certains de ces groupes souhaitant se militariser pour atteindre leurs objectifs, ce qui pourrait provoquer encore plus de violence en Colombie que celle dont nous sommes aujourd'hui témoins.

• 1625

La contribution américaine au Plan Colombia, concept sur lequel je vais revenir, est une grande inconnue. Les États-Unis envisagent une aide de l,6 milliard de dollars pour la Colombie. La majeure partie de cette aide sera militaire, mais une partie assez importante également visera le domaine social. Pour que le Plan Colombia réussisse, la contribution des États-Unis doit être assortie de contributions de l'Europe, du Japon et d'autres donateurs de manière que l'élément social et la totalité du Plan Colombia puissent se réaliser.

En raison d'idées erronées dans beaucoup de régions du monde, je dois préciser que le Plan Colombia n'est pas simplement une aide américaine. Le Plan Colombia est à la fois une aide internationale et un investissement colombien de 7 milliards de dollars, la contribution américaine s'élevant à 1,6 milliard de dollars. La Banque mondiale, la Banque inter-américaine de développement, l'Union européenne, le Japon et bien d'autres donateurs devraient apporter une aide de près de 3 milliards de dollars. La Colombie elle-même va probablement investir quelque 4 milliards de dollars de ses propres ressources.

C'est important, car c'est le premier plan global qui vise à régler la question des stupéfiants et à trouver un développement alternatif aux stupéfiants et qui examine également les questions de paix et de durabilité de la paix. Le gouvernement du président Pastrana accorde beaucoup de priorité à ces questions pour l'avenir.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Excusez-moi.

M. Guill Rishchynski: Oui, madame.

Mme Francine Lalonde: J'ai mal compris. Le Canada participe-t-il à ce Plan Colombie?

M. Guill Rishchynski: Nous n'avons pas reçu de demande officielle, mais au niveau de notre aide bilatérale, nous sommes déjà en train de refocaliser notre programme d'aide bilatérale pour qu'il corresponde aux priorités du Plan Colombie. On va mettre l'accent sur les personnes déplacées, sur la question des droits de la personne et sur le développement alternatif au niveau du secteur agricole. Nous sommes en train de faire cela et nous espérons qu'au début de l'année prochaine, nous serons en mesure de commencer la mise en oeuvre de ce projet spécifique.

Mme Francine Lalonde: Est-ce que les ONG sont d'accord sur ce plan-là?

M. Guill Rishchynski: Selon les commentaires qu'on a entendus dans les consultations sur le peace building cette semaine, elles sont en général d'accord. L'ACDI en a profité pour demander aux ONG de lui faire part des projets et des idées qu'elles veulent mettre en oeuvre pour appuyer le processus de la paix en Colombie. Je pense que nous avons un rôle très spécial à jouer, parce qu'en Colombie, on respecte très clairement le Canada comme société qui peut aider à trouver un compromis pour la création de la paix. Je pense que nous pouvons jouer un rôle assez important pour appuyer le processus que le président a entamé.

Mme Francine Lalonde: Les États-Unis n'investissement pas seulement pour soi-disant éradiquer la drogue. C'est plus que ça.

M. Guill Rishchynski: Je reviendrai à ça. Peut-être puis-je le montrer maintenant. L'aide américaine prévue dans le Plan Colombie est de 468 millions de dollars pour aider l'armée colombienne à confronter le narcotrafic. L'interdiction n'est pas seulement pour la Colombie, mais pour toute la communauté andine. Cet argent servira aussi à la police nationale, qui a la responsabilité première du contrôle du narcotrafic. C'est en plus des 300 millions de dollars américains que les Américains donnent déjà à la police colombienne. Il y a aussi 31 millions de dollars pour aider les gens qui seront obligés de quitter les endroits où la culture est plus forte, et il y a aussi environ 145 millions de dollars pour la Colombie, le Pérou, la Bolivie et les autres pays pour régler les problèmes de développement et de déplacement qui existent déjà. Le total est de presque de 1,6 milliard de dollars américains.

La plus grande partie de cette argent doit servir à la création d'un bataillon supplémentaire pour combattre le narcotrafic. Il y en a déjà un. Cet argent servira à acheter des hélicoptères pour le bataillon qui combattra les narcotrafiquants.

• 1630

[Traduction]

Les deux autres questions qui restent en suspens à propos de l'orientation possible du processus à moyen terme sont la possibilité d'une convergence des deux processus en un seul dialogue, ce qui, pour l'instant ne semble pas possible, si l'on s'en tient aux positions relatives des insurgés et à la question paramilitaire.

J'aimerais pour l'instant vous donner le point de vue de l'ambassade à propos de toute la question des paramilitaires qui, d'après des rapports récents de Human Rights Watch et aussi du Comité des droits de l'homme des Nations Unies, sont considérés comme les responsables de plus des trois quarts des violations des droits de la personne dans le pays.

Certains disent que les paramilitaires sont le prolongement de la police colombienne. J'aimerais dire officiellement aujourd'hui que du point de vue de l'ambassade, nous ne croyons pas que ce soit le cas. Cela ne cadre pas avec ce que l'on entend de la part des commandants supérieurs des forces armées et du gouvernement lui-même. Le gouvernement reconnaît que les paramilitaires posent un problème dans le sens où ils ont de plus en plus d'indépendance et d'impunité dans tout le pays et où ils sont un obstacle au processus de paix.

Il me semble qu'au cours des trois ou quatre derniers mois, le gouvernement du président Pastrana et le ministre de la Défense considèrent cette question de façon plus globale. Même s'il y a eu des signes de quelques cas de collusion entre certains commandants à divers niveaux de l'armée colombienne et des paramilitaires, dire en quelque sorte que le gouvernement colombien appuie l'activité paramilitaire est, à mon avis, inexact et ne tient pas suffisamment compte du fait que le gouvernement comprend ce problème qui maintenant prend plus d'ampleur.

Toutefois, le gouvernement doit prendre des mesures plus actives—et nous l'encourageons dans ce sens—pour régler la question paramilitaire sans détour, poursuivre ceux qui sont coupables de collusion et créer les mécanismes juridiques qui s'imposent pour considérer ce phénomène comme une violation des droits de la personne, lorsqu'il touche les populations civiles innocentes. Je crois que le gouvernement sait très bien que la communauté internationale l'observe à ce sujet et il est à espérer qu'au cours des mois à venir, cela se traduira par l'adoption de mesures politiques.

Pour ce qui est du rôle du Canada et de la communauté internationale, nous observons de plus en plus que la lutte antidrogue doit être un effort international; on ne peut pas dire qu'il s'agisse simplement d'un problème propre à la Colombie. Dans le monde d'aujourd'hui, on ne peut pas vraiment parler de pays producteurs et de pays consommateurs. Nous sommes tous des producteurs et nous sommes tous des consommateurs. En Colombie, le problème se pose en partie parce que le trafic de stupéfiants continue à alimenter les activités de groupes illégaux de n'importe quelle allégeance politique. Nous croyons que les perspectives de paix augmenteront parallèlement à une diminution de la production des stupéfiants.

Pour ce qui est des priorités colombiennes à propos du Plan Colombia, une rencontre internationale des donateurs aura lieu en Espagne en juin de cette année. Cette rencontre vise à susciter un apport financier et des engagements en faveur des activités du Plan Colombia dans le domaine du développement social, du développement alternatif et de la répression du narcotrafic.

Pour ce qui est de l'actuel appui international au processus de paix, le groupe de Rio des pays d'Amérique latine et le groupe ibéro-américain composé de l'Espagne, du Mexique, du Costa-Rica, du Venezuela et de Cuba appuient également le processus, tout comme la Russie et Israël. Le Venezuela et le Pérou se heurtent à des complications à cause de programmes bilatéraux. En règle générale cependant, l'appui apporté par la région et par la communauté internationale prend actuellement de l'ampleur.

Le processus ELN a déjà fait participer le Venezuela, puisque c'est dans ce pays qu'ont eu lieu les négociations. L'Allemagne— au cours de 1998—ainsi que l'Espagne, Cuba et les bons offices de partenaires internationaux vont être importants et essentiels pour la progression du processus ELN.

Le point trois représente un événement très important. En décembre de cette année, le secrétaire général Annan a nommé un représentant spécial pour la Colombie, M. Jan Egeland, ancien ministre norvégien des Affaires étrangères. M. Egeland a participé aux accords de paix en Amérique centrale, ainsi qu'aux accords d'Oslo avec le PLO et Israël. Il a une longue expérience des négociations de paix et, en tant que conseiller spécial pour la Colombie, il a maintenant l'occasion d'exercer son influence et de faire avancer le processus. Nous croyons que la tournée des FARC en Europe, qui va débuter en Suède et en Norvège, doit beaucoup au travail effectué en coulisse par M. Egeland.

• 1635

L'OEA pourrait être une tribune permettant d'appuyer le processus de paix de Colombie, même si la présence d'un ancien président de Colombie en tant que secrétaire général peut compliquer les choses. Nous croyons que l'OEA jouera certainement un rôle imminent dans la recherche de la paix.

Le Canada est en faveur d'un accord négocié. Nous persistons à croire que les droits de la personne et la protection des droits de la personne, ainsi que le respect du droit humanitaire international, doivent être des priorités dans le contexte de la recherche de la paix, car d'une part, la paix ne peut s'établir si un tel respect n'existe pas et d'autre part, il est impossible de faire respecter les droits de la personne si la paix n'existe pas.

Quelles sont les perspectives pour l'avenir immédiat? Nous voyons à la fois des points positifs et des points négatifs et il faudra surveiller la situation de très près, mais il est certain que le gouvernement du président Pastrana est décidé à entamer des négociations de paix ce qui, en lui-même, est un développement très positif.

L'appui international se manifeste maintenant en ce qui concerne le Plan Colombia et le processus. Le phénomène «No Mas» appuie la recherche de la paix. À notre avis, l'ELN s'affaiblit en tant que force militaire et l'armée colombienne s'en sort mieux dans ses confrontations avec les insurgés. Si l'on en croit les événements historiques, la société colombienne ne va tout simplement pas tolérer la poursuite de la violence ad vitam eternam.

Le fait que les FARC aient maintenant entrepris une tournée en Europe et dialoguent avec le reste du monde est à notre avis une démarche très positive. Toutefois, les FARC sont également plus fortes que jamais en tant que force militaire et grâce aux produits du narcotrafic et des enlèvements, elles sont en mesure de financer l'achat d'équipement encore plus perfectionné. Selon certains rapports non confirmés, les FARC disposeraient d'hélicoptères et de missiles surface-air, et de ce point de vue, elles sont devenues une force militaire beaucoup plus puissante que dans le passé.

La stratégie du gouvernement en matière de paix a été jusqu'à présent divisée. Actuellement, le gouvernement recherche une solution plus globale pour la paix avec l'appui de la communauté internationale. Toutefois, les signes de bonne volonté de la part des insurgés en matière de cessez-le-feu et d'interruption des enlèvements doivent encore se manifester. Il est évident que la présence de deux armées de guérilleros et d'une importante force paramilitaire dans le pays rend les perspectives de paix difficiles. La situation économique de la Colombie marquée par une récession très dure ces deux dernières années signifie bien sûr que beaucoup de jeunes—en particulier—se joignent aux forces d'insurgés pour gagner de l'argent.

La police d'État ainsi que l'absence d'une conjoncture favorable pour la paix sont toujours de grands défis pour le gouvernement. D'après l'ambassade, les 12 à 18 prochains mois en Colombie seront absolument critiques pour ce qui est de la capacité de soutenir un processus de paix pour l'avenir et de parvenir éventuellement à des accords.

La communauté internationale est engagée. Nous croyons que le Canada, en tant que chef de file dans cet hémisphère, en sa qualité de pays hôte du sommet OEA en juin de cette année et du sommet des dirigeants de l'hémisphère à Québec en avril de l'an prochain, a un rôle particulièrement important à jouer. Nous sommes politiquement engagés avec la Colombie. Nous appuyons le gouvernement du président Pastrana dans sa recherche pour la paix. Nous sommes ici les défenseurs des droits de la personne et faisons tout pour que ces questions restent prioritaires et que les acteurs armés du conflit ne commettent plus d'actes de violence contre des civils innocents. Dans un environnement aussi complexe que celui-ci, nous croyons que l'intervention du Canada est non seulement perçue, mais également appréciée.

D'un point de vue politique, nous croyons que le Canada en tant qu'un des leaders de l'hémisphère occidental peut jouer un rôle de premier plan pour ce qui est de l'aide à la Colombie. D'après les discussions entre le président et le premier ministre et, plus récemment, à l'occasion de la visite du ministre Axworthy, nous croyons certainement que le Canada est maintenant bien placé en Colombie pour jouer un rôle actif dans la recherche de la paix dont pourront bénéficier 40 millions de personnes.

Merci beaucoup.

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Je crois que nous avons devant nous la réponse de M. Axworthy au comité, ainsi que le suivi des résolutions que nous avons présentées. Vous avez donc cette documentation.

Très bien, nous allons commencer par M. Martin.

M. Keith Martin (Esquimalt—Juan de Fuca, Réf.): Merci beaucoup.

• 1640

Merci, monsieur l'ambassadeur. Veuillez m'excuser de mon retard, mais j'ai dû prononcer un discours à la Chambre, croyez-le ou non et c'est là que le devoir m'a appelé. Merci beaucoup de comparaître devant le comité.

J'ai plusieurs questions. Ma circonscription se trouve à Victoria et il est tout à fait étonnant, comme vous le savez, que beaucoup de personnes à cet endroit-là s'intéressent de près à la situation en Colombie et s'emploient très activement à promouvoir les droits de la personne en Colombie.

J'ai ici une lettre d'un de mes électeurs et je vais simplement poser quelques-unes de ses questions, si vous permettez.

La première porte sur l'indemnisation—si vous en avez parlé dans votre exposé, je suis désolé de ne pas avoir été présent pour l'entendre—prévue pour le peuple Embera en raison des dommages causés aux terres qui lui appartiennent par le barrage Urra I qui, comme vous le savez bien, est partiellement financé par la SEE.

Ma deuxième question porte sur le barrage Urra II: est-ce que nous allons le financer et est-ce que nous allons assister à une situation semblable, c'est-à-dire que des gens vont être déplacés et qu'ils ne vont pas être indemnisés?

La troisième question porte sur l'appui de M. Pastrana aux organisations paramilitaires. D'après vous, que pouvons-nous faire, en tant que pays, pour indiquer à M. Pastrana que les agissements des paramilitaires et les violations des droits de la personne qu'ils commettent sont inacceptables de notre point de vue?

Enfin, en ce qui concerne l'appui du Canada dans le domaine des hélicoptères pour la Colombie, qu'est-il advenu de ces hélicoptères? À quelles fins sont-ils utilisés—à des fins militaires ou civiles? La GRC se trouve-t-elle sur les lieux pour assurer l'entraînement des troupes de M. Pastrana?

Merci beaucoup.

M. Guill Rishchynski: Merci, monsieur.

En ce qui concerne le barrage Urra, je crois que la réponse que M. Axworthy a envoyée au comité traite de cette question de façon approfondie, mais je vais ajouter quelques observations personnelles découlant d'une rencontre d'une heure et demie avec le ministre de l'Environnement, qui a porté sur le barrage Urra uniquement et qui, je crois, a apporté des éclaircissements en ce qui concerne le point de vue du gouvernement colombien au sujet de ce projet.

Lorsque nous avons rencontré le ministre plus tôt cette année, ce qui est ressorti de ses remarques, c'est que l'approche du gouvernement colombien à propos de ce projet a été très fragmentée, qu'elle n'a pas été globale. Le gouvernement, par exemple, a obtenu un permis pour construire le barrage, mais n'a pas parallèlement obtenu un permis pour creuser un réservoir et le remplir pour alimenter le barrage de manière qu'il puisse produire de l'hydroélectricité. D'après le ministre, cette politique a été très inopportune de la part du gouvernement colombien en 1992-1994, car elle a omis de prendre en compte les éventuels impacts à long terme du projet et a essentiellement considéré le barrage comme un projet à lui seul.

Ainsi, des questions concernant le déplacement possible de communautés indigènes dans cette région n'ont pas été prises en compte à l'origine du projet, parce que tant que le réservoir n'avait pas été construit et rempli, la communauté Embera n'était pas touchée par la construction du barrage. Le ministre a été très surpris, en fait, que ses prédécesseurs n'aient pas suspendu un tel projet compte tenu des circonstances, mais il a été confronté à la dure réalité, six ans après l'approbation du projet et après la construction du barrage.

Je devrais mentionner que M. Juan Mayr, ministre de l'Environnement de Colombie, a lui-même consacré 30 ans de sa vie à appuyer les indigènes de Colombie. Il a joué un rôle prépondérant au sein de l'ONG qui a mis sur pied la réserve indigène des Taironas dans la région de Santa Marta, un territoire sacré pour les Taironas de la Colombie. Je crois qu'il s'est occupé de cette question en toute sincérité et transparence pendant la construction du barrage Urra au cours des deux dernières années.

Après la construction du barrage et la décision de remplir le réservoir, le gouvernement colombien a fait un certain nombre de propositions au peuple Embera en ce qui a trait à une éventuelle réinstallation. D'après les renseignements que l'ambassade a pu obtenir, environ la moitié du peuple Embera a décidé d'accepter l'offre gouvernementale de réinstallation et d'indemnisation et vit maintenant dans une autre région de la province de Cordoba. Ils se sont installés dans de nouvelles collectivités et ont reçu du gouvernement une indemnisation pour les aider à exploiter les nouvelles terres sur lesquelles ils vivent maintenant.

• 1645

Environ la moitié du peuple Embera a décidé de refuser l'offre du gouvernement. Selon eux, la cause première du refus réside dans le fait que le gouvernement ne les a pas consultés avant de prendre la décision. Le gouvernement a reconnu qu'il aurait dû procéder à cet exercice au début, mais qu'en leur offrant un plan d'indemnisation et de réinstallation, il estimait d'une part mettre à la disposition du peuple Embera un programme qui leur permettrait de rester dans la région où étaient situées leurs terres traditionnelles et d'autre part, les indemniser de manière à ce qu'il puisse éventuellement se réinstaller.

Le ministre Mayr estimait, en ce qui a trait à l'enquête effectuée son ministère et le respect de la loi colombienne, qu'ils avaient rigoureusement respecté leurs obligations. Le fait que la moitié du peuple ait refusé l'offre laissait supposer que les populations étaient disposées à négocier avec ce groupe pour trouver une solution. Il m'a également dit que la communauté Embera ne souhaite pas négocier directement avec le gouvernement, mais par l'entremise de tiers. Le gouvernement a répliqué qu'il n'accepte pas cette façon de faire. Il veut négocier directement avec la communauté ou ses représentants afin de tenter de trouver une solution équitable.

Nous marquons un temps d'arrêt en ce qui a trait à cette question. Un certain nombre de représentants du peuple Embera occupent le patio du ministère de l'Environnement pour faire progresser leurs revendications. Le ministre Mayr les rencontre à intervalles réguliers, sinon tous les jours. Le gouvernement espère qu'ils reviendront à la table de négociation pour amorcer un dialogue en vue de résoudre ce problème et d'en arriver à une entente qui soit acceptable pour cette partie de la communauté, du genre de celle qu'a jugée acceptable l'autre moitié du peuple Embera qui a opté pour le plan de réinstallation. Il s'agit pour ainsi dire d'une question d'ordre juridique.

En ce qui a trait à «Urra dos», je crois que d'après le gouvernement le projet Urra, pour ce qui est de la production d'électricité, ajoute une valeur marginale à la production d'énergie électrique du pays. «Urra dos», en tant qu'option dans le cadre du développement futur, n'est pas un projet auquel ils envisagent de donner suite. Le gouvernement n'a aucunement laissé entendre qu'il ira de l'avant avec ce projet. En fait, rien ne laisse présager une participation éventuelle du gouvernement canadien.

Il faudrait peut-être souligner que la participation du Canada à hauteur de 18,2 millions de dollars américains au projet «Urra uno» de plus de 700 millions de dollars américains, financé surtout par la Scandinavie—la Suède.

Les Suédois ont été assujettis, à l'instar du Canada, au même genre d'examen. Ils se sont joints à nous dans l'espoir que le gouvernement colombien et les communautés touchées pourront trouver une solution légale à ce problème, dans le respect de la loi et de la jurisprudence colombiennes existantes et que la population sera convaincue que l'offre faite par le gouvernement est à la fois juste et équitable.

M. Keith Martin: Puis-je poser rapidement une question?

Si aucun plan n'était prévu pour «Urra uno» ou si le plan était mal défini, pourquoi la SEE a-t-elle investi 18,2 millions de dollars? C'était un bien petit montant par rapport au montant global. Néanmoins, il s'agissait de l'argent des contribuables et consacrer une telle somme à un plan aussi mal défini était pour eux... À partir de quel moment ont-ils été coupés de la réalité?

M. Guill Rishchynski: En ce qui concerne les critères qui ont été appliqués au moment de l'approbation du projet, je ne peux parler au nom de la SEE. Cependant, je crois qu'un exportateur canadien, en tant que sous-traitant dans ce projet, a demandé l'appui de la SEE et que la société a effectué son analyse par rapport à la situation de l'Urra en 1992.

Je crois, en ce qui a trait à l'examen de projets de ce genre, que les choses ont beaucoup évolué au cours des sept ou huit dernières années. Il nous faudrait demander à la SEE quelle serait sa position si un projet de cette nature se présentait sous le régime actuel. À titre d'agent du ministère des Affaires étrangères, j'ai appris qu'on ne se prononce jamais au nom de la Société pour l'expansion des exportations.

M. Keith Martin: Est-ce qu'il me reste du temps?

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Il vous reste deux minutes.

M. Keith Martin: Un massacre aurait été perpétré le 19 février. Est-ce bien le cas? Le cas échéant, qui en est l'auteur et quelles mesures ont été prises pour poursuivre les responsables du massacre?

M. Guill Rishchynski: Le 18 février je visitais la municipalité d'Apartada dans la région d'Uribe. Le lendemain de mon départ, des membres de groupes paramilitaires ont pénétré dans une «communauté pacifique». Une «communauté pacifique» est une communauté qui s'est déclarée neutre en Colombie. Ils ont désigné cinq personnes, de petits entrepreneurs, pour les exécuter.

• 1650

Il s'agissait d'un geste abject que le Canada a officiellement condamné. Notre conseiller politique, M. Coghlan, qui a comparu devant ce comité en octobre ou novembre, a passé les quatre derniers jours dans la région d'Uribe. Il est allé protester auprès des autorités militaires, civiles et ecclésiastiques et il cherche à obtenir des précisions sur l'état de l'enquête.

M. Keith Martin: Qu'a répondu M. Pastrana?

M. Guill Rishchynski: M. Pastrana et le ministre de la Défense ont condamné catégoriquement les gestes posés par ces groupes. Je pense que cela répond peut-être à l'autre question que vous avez soulevée au sujet des liens entre les paramilitaires et le gouvernement colombien. Comme je l'ai dit, peut-être avant que vous arriviez, il y a des cas bien établis de collusion entre des officiers responsables de l'armée colombienne en collusion et des les paramilitaires et des officiers du service général ont aussi fait partie de groupes paramilitaires.

Il semble exister un lien dans ce cas à peut-être un certain niveau de participation de l'armée colombienne à des activités paramilitaires, si l'on se fie sur un insigne qu'on aurait aperçu sur l'uniforme d'un des responsables. J'estime toutefois qu'il est tout simplement inexact de dire que la Colombie a pour politique d'appuyer les groupes paramilitaires. Au contraire, je crois que le président Pastrana et le ministre de la Défense reconnaissent aujourd'hui que les paramilitaires constituent une menace pour l'État, probablement aussi importance que celle que représentent d'autres insurgés. Mais comme les paramilitaires existent pour réagir à l'insurrection de la gauche, il y a eu des cas de collusion.

Je crois que le gouvernement a besoin d'être plus énergique lorsqu'il s'agit de poursuivre ceux qui sont trouvés coupables dans ces cas. Cependant, je ne crois pas, d'après ce que j'ai vu au cours de mes six premiers mois à titre d'ambassadeur, que le gouvernement cherche préventivement à collaborer avec les forces paramilitaires dans le pays. Rien ne porte tout simplement à le croire.

M. Keith Martin: Merci beaucoup.

[Français]

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Madame Lalonde.

Mme Francine Lalonde: Je continue parce qu'on m'a fait les mêmes représentations et fourni les mêmes informations. La question qui se pose est de savoir comment les membres des Églises, par exemple, peuvent profiter d'une certaine sécurité.

M. Guill Rishchynski: Les problèmes de sécurité se posent malheureusement pour tout le monde, pas seulement pour les communautés religieuses, mais aussi pour les ONG. À notre avis, il semble que la présence internationale dans les endroits «chauds», pourrait-on dire, du point de vue de la violence... Il y a trois ou quatre endroits en Colombie où sont en même temps présents les paramilitaires, les guérilleros et peut-être deux ou trois autres groupes. C'est sans doute dans de tels endroits que la situation est le plus difficile au pays. Il y a en effet un amalgame de groupes situés à 20 kilomètres l'un de l'autre. La probabilité des confrontations et des abus est donc élevée, malheureusement.

À notre avis, la présence des ONG, des brigades internationales de la paix et des autres organismes qui accompagnent les défenseurs des droits de la personne ou kes communautés religieuses est plutôt positive. Cela constitue une certaine protection parce que les groupes peuvent les voir, se rendre compte qu'ils sont vus par le reste du monde et ne peuvent pas agir comme ils le veulent. Ils sentent une certaine responsabilité.

Cela ne veut pas dire qu'ils peuvent éliminer complètement les possibilités d'abus contre les droits de la personne, mais il semble que la présence internationale favorise en quelque sorte un plus grand respect des droits de la personne. Cependant, dans quelques endroits du pays, la sécurité des personnes ne peut être garantie parce que, malheureusement, le contexte en est un de violence déclarée. Presque toutes les familles et tous les citoyens de ces endroits ont été touchés à plus d'un titre par la violence qui existe dans le pays.

Mme Francine Lalonde: J'ai beaucoup apprécié votre exposé. D'après vous, à quelles conditions ce processus peut-il réussir, et quelle contribution doivent apporter le Canada et d'autres pays?

M. Guill Rishchynski: Pour qu'une politique de la paix ait une chance d'être appliquée, je pense qu'il est absolument indispensable de commencer aujourd'hui à parler d'une sorte de réconciliation nationale et à y travailler avec la Colombie et les Colombiens. C'est absolument indispensable. La violence existe depuis déjà plusieurs années. Les groupes d'insurgés qui existent et leurs commandants ont passé plus de 50 ans dans la brousse comme combattants. Cinquante années de violence ont fait naître de nombreuses récriminations, et la conciliation de ces divers points de vue est absolument indispensable.

• 1655

L'expérience du Canada sur le plan de l'instauration et du maintien de la paix dans divers lieux du monde, en tant que peacekeeper, lui permet d'entrevoir un scénario après conflit: comment démobiliser les acteurs armés dans un conflit, comment provoquer un changement d'attitude vis-à-vis des objectifs spécifiques des autres groupes d'insurgés, etc.

Je pense que notre point de vue est respecté par les Colombiens, pas seulement par les gouvernements, mais aussi par les groupes d'insurgés, qui reconnaissent que le Canada représente, au niveau international, un pays entièrement engagé dans l'établissement de conditions de paix dans les pays du monde. Selon moi, le plus grand défi qui se pose à nous est celui d'acquérir de la visibilité en Colombie sur le plan politique afin de commencer à travailler avec les ONG et les ambassades pour en venir au point où on puisse parler d'accords concrets sur des points spécifiques, d'accords portant non seulement sur une déclaration de paix mais aussi sur l'établissement d'une paix véritable dans le pays.

Il est absolument indispensable que le travail de pacification soit accompagné d'un travail important sur le plan socioéconomique, car si on ne change pas les conditions économiques qui poussent les campesinos à cultiver de la drogue, rien ne va changer en Colombie.

Le président en est très conscient, et c'est pour cette raison que Plan Colombie a pour objectifs, non seulement d'éradiquer la drogue, mais aussi d'obtenir les investissement sociaux nécessaires pour créer des conditions économiques qui permettent aux personnes qui demeurent en milieu rural, en Colombie, de changer leur mode de vie. Il est absolument indispensable de le faire en même temps qu'on parle de paix. Sinon, il est possible qu'on voie surgir une autre insurrection, sous divers prétextes, dans 10 ou 12 ans, pour réclamer la même chose.

Le Canada, dans les deux domaines, a une certaine liberté d'action. Notre programme d'aide bilatérale est un programme modeste, mais il s'adresse aux gens qui ont des besoins et des exigences dans l'immédiat. Notre expérience, dans le domaine de la paix, nous permet de jouer notre rôle traditionnel de broker au niveau international, mais en même temps, celui d'un leader qui énonce ce que devraient être les objectifs généraux d'un processus de pacification en Colombie.

Mme Francine Lalonde: Il y a beaucoup d'investissements canadiens en Colombie. Je ne me souviens plus de...

M. Guill Rishchynski: Cinq milliards de dollars.

Mme Francine Lalonde: Oui, cinq milliards de dollars. On a vu, lors de la construction de la digue Urra, que le projet n'avait pas joué du côté de... Il avait été très critiqué là-bas. Les autres entreprises, à votre point de vue, jouent-elles un rôle positif ou si vous faites des pressions auprès d'elles pour qu'elles fassent attention de ne pas encourager la violence?

M. Guill Rishchynski: La communauté d'affaires canadienne qui est aujourd'hui en Colombie est très sensibilisée à sa responsabilité vis-à-vis de la situation qui existe dans le pays. Plusieurs de ces entreprises travaillent en milieu rural, là où les insurgés opèrent. Elles sont aussi conscientes de la nécessité de travailler avec les communautés qui vivent près de ces endroits, dans les secteurs du pétrole, du gaz naturel, etc., car ces communautés ont besoin de profiter de l'activité économique créée autour d'elles.

• 1700

J'ai été très impressionné, quand je suis arrivé en Colombie, de voir que la Chambre de commerce colombo-canadienne avait été la première chambre de commerce bilatérale à appuyer la création d'un forum sur les droits de la personne et l'investissement éthique en Colombie. Cela fait partie du leadership canadien exercé auprès des entreprises que de les convaincre qu'elles ont à dire à la communauté d'affaires colombienne qu'il est important pour elles, en tant que gens d'affaires, de s'intéresser aux questions des droits de la personne et d'en discuter ouvertement.

C'est tout un défi que d'arriver à convaincre les gens, en particulier les entreprises traditionnelles colombiennes, que cela a sa place dans la discussion, même économique, pourrait-on dire. Quatre cents personnes ont été convoquées au séminaire et 10 p. 100 sont venues. Mais c'est peut-être 10 p. 100 de plus que deux ans auparavant, et peut-être que le forum suivant en attirera 100.

Le fait que le Canada ait décidé d'exercer ce type de leadership auprès de nos entreprises est très positif, et nous pouvons être fiers, comme Canadiens, de leur avoir confié cette responsabilité. D'un point de vue pratique, le fait que le Canada travaille en Colombie dans le secteur des mines, dans le secteur du pétrole, dans le secteur du gaz naturel et dans le secteur des télécommunications, c'est-à-dire aux infrastructures, amène les entreprises canadiennes à ressentir une responsabilité claire vis-à-vis des communautés avec lesquelles elles sont en contact, fait que cette responsabilité leur apparaît clairement et est acceptée par elles.

J'ai été très surpris et en même temps très fier d'entendre le chef du syndicat minier de Colombie me dire, au cours d'un séminaire, qu'il aimerait voir plusieurs entreprises canadiennes oeuvrer dans le pays parce que les entrepreneurs canadiens non seulement connaissent le travail dans les mines, mais sont aussi conscients de leurs responsabilités sociales. Pour moi, c'est très important.

Mme Francine Lalonde: Doit-on transmettre vos félicitations aux travailleurs canadiens?

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Est-ce que ça va?

Mme Francine Lalonde: Oui, oui. Je vais laisser un peu de temps à M. Paradis. Nous avons un vote, madame la présidente.

M. Denis Paradis (Brome—Missisquoi, Lib.): Pas de questions.

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Monsieur l'ambassadeur, j'ai une ou deux questions à vous poser.

La première question est simple. Agissons-nous à titre d'acteur ou d'intervenant dans les pourparlers de paix qui s'en s'annoncent?

Ma deuxième question a trait à la conformité aux recommandations des Nations Unies et de l'OEA, surtout la recommandation visant à régler la question des droits de la personne dans le domaine des disparitions forcées, et le veto que le président a semblé... Je crois qu'il s'agit peut-être du troisième veto qui a été opposé à la question des disparitions forcées.

Pourriez-vous répondre à ces deux questions?

M. Guill Rishchynski: En ce qui concerne votre première question, madame la présidente, à savoir si nous sommes acteur ou intervenant, avec l'arrivée du conseiller spécial du secrétaire général des Nations Unies sur la Colombie, un mouvement se dessine au moment où on se parle afin d'établir le cadre de la création d'un groupe d'amis du processus de paix, un peu comme celui qui a été établi dans le cas de l'Amérique centrale au cours des années 80. En ce sens, le Canada serait un acteur s'il est invité à joindre les rangs de ce groupe d'amis.

Pour l'instant nous sommes des intervenants, en ce sens que si on nous invite, nous offrons alors nos bons offices pour appuyer le processus. Mais le rôle de la Communauté internationale, en toute lettre, reste à définir à la table de négociation par les insurgés et le gouvernement, d'une manière acceptable pour les deux parties.

En fait, lorsque la consultation publique a été lancée, le Canada comptait parmi les 15 pays qui ont été invités à se rendre dans la zone démilitarisée et à rencontrer les chefs des FARC—ce que j'ai été en mesure de faire—afin de s'entretenir avec eux de questions ayant trait aux droits de la personne. Je pense qu'il s'agissait d'une avancée importante.

Pour ce qui est de notre rôle permanent dans le processus, je pense qu'en tant qu'observateurs d'un conflit dans un pays en particulier, nous devons attendre qu'on nous invite à participer activement. Mais il faut avant tout que nous comprenions bien ce qui nous amène à participer au processus si on devait nous le demander. C'est là où nous en sommes pour l'instant.

En ce qui concerne les recommandations des Nations Unies, et plus particulièrement la Loi contre les disparitions forcées, je dois mentionner que, lors de sa visite en janvier, le ministre Axworthy a soulevé cette question auprès du président Pastrana. Il lui a demandé pourquoi il avait opposé son veto et ce qu'il prévoyait faire pour tenter de rétablir cette loi lorsque le Congrès colombien reprendra ses travaux.

• 1705

Le président a répondu qu'il avait des réserves relativement à deux articles de la loi et que le gouvernement ne pouvait simplement s'y opposer; il n'a d'autre choix que de rejeter la loi toute entière pour être en mesure de redresser la situation à l'Assemblée législative. C'est la raison pour laquelle il a opposé son veto le 31 décembre. Il a assuré le ministre Axworthy que, dès que le comité législatif se pencherait sur cette question au Congrès de la Colombie, la loi serait approuvée et, au besoin, soumise au tribunal constitutionnel pour qu'il en donne une interprétation si des questions restent en suspens relativement à ces deux articles ou d'autres.

En ce qui a trait aux deux articles, l'un d'entre eux porte sur la question du crime de génocide dans un conflit armée. Par exemple, je crois que l'objection portait sur le fait de savoir s'il était possible de poursuivre des soldats qui combattent dans le contexte du crime de génocide, ce qui n'était pas clair dans la loi. Il y a un autre article, dont l'importance m'échappe pour l'instant m'échappe. Le point crucial semblait être le génocide.

Le haut-commissaire aux droits de l'homme des Nations Unies émis un communiqué pour préciser la Convention des Nations Unies pour la répression du crime de génocide dans l'espoir que cela suffirait, mais le gouvernement avait déjà opposé son veto et il ne restait d'autre solution que de retourner devant le Congrès.

Le président a laissé entendre qu'il présenterait de nouveau la loi au Congrès au cours de la session de mars, qui commence dans environ deux semaines. Nous espérons que le président respectera cet engagement et déposera la mesure législative, indiquant ainsi très clairement à la communauté internationale que la Colombie dispose des mécanismes législatifs et des cadres juridiques lui permettant de traiter les disparitions forcées comme un crime et que des gens peuvent être poursuivis pour avoir posé de tels gestes dans le pays.

Nous avons fait part de cette opinion non seulement au président mais aussi à d'autres paliers, comme au ministre des Affaires étrangères et à d'autres membres du Cabinet colombien. Nous surveillons donc de très près la situation pour nous assurer qu'au cours de cette session cette mesure législative sera de nouveau présentée.

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): C'est bien. Je suis très heureuse de vous l'entendre dire. Cette question revêt une très grande importance. Le fait que le président et le gouvernement reconnaissent les abus revêt de l'importance pour nous et pour la communauté internationale.

M. Guill Rishchynski: Oui, en effet.

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Madame Lalonde.

[Français]

Mme Francine Lalonde: Ai-je le temps de poser une dernière question?

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Oui.

Mme Francine Lalonde: Monsieur l'ambassadeur, serait-il possible d'avoir les chiffres des investissements gouvernementaux canadiens en Colombie? Par exemple, j'aimerais connaître le montant des opérations de l'ACDI. Y a-t-il d'autres programmes d'aide humanitaire? Les investissements de la SEE...

M. Guill Rishchynski: Je pense que oui.

Mme Francine Lalonde: J'aimerais savoir tout ce qu'on investit. Ce serait intéressant.

M. Guill Rishchynski: Tout est du domaine public. Je ne sais pas si on est en mesure de le faire, mais il suffirait de compiler les chiffres et de les envoyer au comité. Je pense que ce serait possible. Le Canada est le deuxième investisseur de l'étranger en Colombie. Seuls les Américains ont plus d'investissements. C'est pourquoi nous sommes connus dans le pays, à la fois en tant que société et par nos entreprises mêmes.

C'est aussi pourquoi nous avons à Bogotá une chambre de commerce qui compte 80 entreprises associées. La semaine dernière, j'étais à Medellín, capitale du département d'Antioquia, pour y établir le deuxième chapitre d'une chambre de commerce. Je pense que le Canada comme investisseur, à cause de l'aide au développement qu'il accorde sur le plan social et du rôle qu'il joue dans le monde, est considéré comme un interlocuteur assez important par la Colombie, un interlocuteur qui peut aider au processus de paix.

Jusqu'à maintenant, notre type de présence dans le pays s'harmonise bien avec les intérêts que nous y avons. De plus, le leadership que nous exerçons dans tout l'hémisphère et tous les sommets qui se tiendront ici, au Canada, cette année et l'année prochaine, créeront un moment favorable pour que le Canada songe non seulement à relever les défis qui se posent en Colombie, mais aussi à apporter une contribution assez importante au processus de paix et à l'amélioration des conditions de vie d'une majorité de Colombiens qui souhaitent un changement et un arrêt total de la violence.

Merci beaucoup, madame.

• 1710

[Traduction]

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Je tiens à vous remercier de nous aider à comprendre cette situation très complexe en Colombie. En tant que parlementaires canadiens, nous nous intéressons vivement à la paix et aux droits de la personne de même qu'à la situation en Colombie.

Veuillez faire part—et je suis convaincue que vous le faites dès que l'occasion se présente—à d'autres parlementaires, à la société civile et à d'autres la préoccupation qui se reflète dans les résolutions qu'a adoptées le comité. Cette question revêt une très grande importance pour nous. Je crois que les hauts fonctionnaires de la Colombie et tous les intermédiaires que nous avons là-bas devraient comprendre que les parlementaires canadiens jugent le problème sérieux.

M. Guill Rishchynski: Madame la présidente, permettez-moi de faire une dernière observation. J'ai eu le privilège et l'honneur d'être invité par le Congrès colombien à témoigner devant leur comité permanent des droits de la personne au cours du mois de novembre. J'y ai rencontré un grand nombre de vos collègues du Congrès colombien et du Comité sénatorial des affaires étrangères.

Ils m'ont demandé entre autres—parce que je leur ai signalé que vous teniez des audiences sur la Colombie—de vous exhorter à envisager la possibilité de vous rendre en Colombie un jour ou l'autre. Ils aimeraient que vous vous rendiez à Bogota pour vous entretenir avec vos homologues du Congrès et du Sénat. Ils y sont très favorables dans le contexte du dialogue parlementaire panaméricain.

Un grand nombre d'entre eux sont venus au Canada pour assister au forum parlementaire qui a eu lieu à Québec il y a quelques années. Ils seraient très heureux, je crois, que des membres de ce comité puissent s'asseoir avec eux et les entendent parler directement non seulement des défis que la Colombie a à relever mais aussi de son avenir prometteur. Ce qu'il faut entre autres savoir au sujet de la Colombie en tant que pays c'est que son degré d'avancement et ses perspectives sont prometteurs à la condition que ce processus de paix soit poursuivi. Je crois que cette vision de la Colombie compléterait de façon très positive un grand nombre des faits qui ont été rapportés à votre comité par le passé.

Il est certain que les membres du Comité des affaires étrangères du Sénat de Colombie seraient très heureux que vous leur rendiez visite. Nous, de l'ambassade, serions très heureux de vous accueillir à Bogota.

La présidente suppléante (Mme Jean Augustine): Merci, monsieur l'ambassadeur. Nous transmettrons l'invitation.

Je suppose que le comité ne peut suspendre ses travaux tant que je n'utilise pas ce maillet. La séance est levée.