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FINA Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON FINANCE

COMITÉ PERMANENT DES FINANCES

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le jeudi 15 juin 2000

• 1531

[Traduction]

Le président (M. Maurizio Bevilacqua (Vaughan—King—Aurora, Lib.)): Je déclare la séance ouverte et je souhaite la bienvenue à tous cet après-midi.

Comme vous le savez tous, nous sommes là pour examiner le projet de loi C-213, Loi de 1999 visant à encourager la construction navale. Nous accueillons, du ministère des Finances, M. Gérard Lalonde, chef principal, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, et M. Bob Morrison, agent principal, Politique de l'impôt, Division de l'impôt des entreprises, Développement économique.

Je vous souhaite la bienvenue, messieurs. Comme vous le savez, vous disposez approximativement du temps nécessaire pour lire vos sept pages. Prenez le temps qu'il vous faut, et ensuite nous passerons à la période des questions et réponses.

M. Gérard Lalonde (chef principal, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada): Merci beaucoup.

Je m'appelle Gérard Lalonde. Je suis au ministère des Finances, où j'ai commencé dans le groupe du revenu tiré d'entreprises et de biens comme agent subalterne de la politique fiscale il y a quelque 18 ans. Au cours de cette période, j'ai vu mettre en place de nombreux crédits d'impôt qui sont ensuite disparus à cause de changements dans les politiques gouvernementales.

Je suis heureux de pouvoir discuter de certaines des questions soulevées par le projet de loi C-213, loi visant à encourager la construction navale.

On me dit que des fonctionnaires d'Industrie Canada ont déjà témoigné au sujet des questions concernant la construction navale au Canada. Je me contenterai donc d'aborder certains des facteurs à prendre en considération au titre du régime d'impôt sur le revenu comme moyen d'accorder des incitatifs gouvernementaux.

Tout d'abord, il pourrait être utile d'examiner certaines des dispositions incitatives actuelles de la Loi de l'impôt sur le revenu. Actuellement, les navires construits au Canada donnent droit à une déduction pour amortissement accéléré à un taux de 33 1/3 p. 100 selon la méthode de l'allocation uniforme. Si on ajoute cela à la convention de six mois, cela signifie que les navires sont entièrement amortis sur quatre ans. Cette mesure se compare avantageusement à la DPA de 15 p. 100 calculée selon la méthode de l'amortissement dégressif qui vise les autres bateaux, ainsi qu'au taux estimatif d'amortissement économique de 7 à 8,5 p. 100 qui vise les navires.

Les navires construits au Canada bénéficient d'un régime d'amortissement, aux fins de l'impôt, plus généreux que le régime en vigueur aux États-Unis. Ce régime est d'ailleurs plus favorable que... En fait, le régime américain prévoit un taux équivalent de 20 p. 100 calculé selon la méthode de l'amortissement dégressif.

La valeur actualisée de l'aide fiscale fédérale que procure la déduction pour amortissement accéléré représente environ 5,8 p. 100 du coût de l'actif. En d'autres termes, cela se compare à un crédit d'impôt à l'investissement de 13 p. 100 lorsque l'on tient compte de l'impôt provincial.

De plus, les bateaux neufs acquis principalement pour être utilisés dans la région de l'Atlantique peuvent aussi donner droit au crédit d'impôt à l'investissement au Canada l'Atlantique de 10 p. 100.

Voilà donc les mesures fiscales actuelles.

• 1535

J'aimerais maintenant aborder quelques-unes des questions et préoccupations que soulèvent les diverses mesures d'aide proposées dans le projet de loi C-213.

Ce projet de loi propose deux grandes mesures fiscales, un crédit d'impôt à l'investissement remboursable et l'amélioration de l'application de l'impôt aux biens donnés en location-bail.

Un crédit d'impôt remboursable, comme le laisse entendre le nom, est un crédit d'impôt remboursable lors du calcul de l'impôt à payer par le contribuable. À ce titre, ce crédit diffère quelque peu d'une subvention. Le mécanisme de prestation est très différent, et c'est cet aspect que je souhaite aborder.

Dans le cas du crédit d'impôt à l'investissement, on utilise le régime fiscal comme point de départ pour la prestation de ce crédit, ce qui donne à ce crédit des aspects uniques comparativement aux modalités de la subvention. Par exemple, dans un régime d'autocotisation, le crédit est fondé sur la loi fiscale. Par conséquent, on est limité par l'utilisation de l'anglais ou du français, selon le cas, ce qui présente certains défis. Par exemple, souvent un contribuable méritant, un contribuable qui en a besoin, ne touchera pas un crédit particulier tout simplement parce qu'il ne peut se conformer à la lettre de la loi fiscale. Dans d'autres cas, des personnes ou des sociétés qui n'étaient pas la cible du programme lorsqu'il a été mis en place toucheront des avantages fiscaux tout simplement parce qu'elles ont réussi à se conformer à la lettre de la loi ou se sont retrouvées, par pur hasard, dans une situation où elles peuvent se prévaloir du crédit d'impôt.

Conclusion: le régime fiscal ne prévoit aucun pouvoir discrétionnaire au niveau des avantages fiscaux. Si vous êtes admissible, vous êtes admissible, sinon, tant pis; voilà tout.

Il y a certains autres aspects d'un crédit d'impôt qui peuvent sembler pervers. Par exemple, ce n'est qu'au moment de la déclaration de revenu que le contribuable peut demander un crédit d'impôt, et, même alors, Revenu Canada doit d'abord examiner la demande. Par conséquent, si vous êtes une société et que vous faites une dépense le premier jour de l'année d'imposition pour laquelle vous espérez obtenir un crédit d'impôt remboursable, il vous faudra attendre, non seulement la fin de votre année d'imposition, donc environ un an, mais encore six mois pour la production de votre déclaration et encore de 60 à 90 jours avant que Revenu Canada n'ait fait l'examen de votre déclaration.

Certains considéreront que c'est une période excessivement longue pour obtenir ce qui avait été conçu comme une façon d'augmenter les liquidités. Par ailleurs, assez paradoxalement, les sociétés qui ont le moins besoin d'aide—c'est-à-dire celles qui sont rentables et qui versent des impôts et peuvent donc réclamer tout le crédit—peuvent bénéficier des avantages du crédit d'impôt immédiatement en réduisant leurs versements d'impôt sur les sociétés. Ce n'est pas tout à fait la façon de donner le plus d'aide possible, de la façon la plus efficace, à ceux qui en ont le plus besoin.

Ces aspects ont entraîné, à l'échelle internationale, une tendance générale vers la réduction ou l'élimination du crédit d'impôt à l'investissement.

Il y a une autre raison de la perte de faveur généralisée du crédit d'impôt à l'investissement qui est liée au commerce international. Ce genre de crédit peut faire l'objet de mesures de contrepartie dans des pays étrangers. Cela ne signifie pas que nous n'utilisons pas de crédits d'impôt. Manifestement, ceux-ci sont le plus utiles sous la forme de ce que nous appelons les semi-subventions. Exemple, le crédit personnel de base. Chaque particulier obtient ce crédit. Le calcul en est facile, la base se calcule bien et le crédit apparaît directement dans le calcul de votre impôt sur le revenu à chaque année.

• 1540

Les crédits d'impôt sont moins utiles dans les circonstances où vous tentez de donner de l'aide, soit à un petit groupe, soit lorsque la base est assez uniforme. Dans ce contexte, il est à noter que le ministère des Finances, au fil des ans, a fait plusieurs exposés sur le recours aux crédits d'impôt à l'investissement.

Actuellement, il ne reste que deux crédits d'impôt à l'investissement. Il y a le vestige d'un crédit d'impôt à l'investissement généralisé qui ne vise plus que le Canada atlantique. Ce crédit est fixé à un taux de 10 p. 100 et s'applique à toute une gamme d'industries; ce n'est pas un crédit axé sur un secteur. C'est important, car les mesures qui visent un secteur ont par le passé donné droit à une compensation. Il y a toujours aussi le crédit d'impôt à l'investissement pour la recherche scientifique et le développement expérimental. Il s'agit là d'un aspect bien établi du régime fiscal.

Voilà tout ce que je voulais dire au sujet des crédits d'impôt à l'investissement.

Passons maintenant aux restrictions relatives à la location-bail. Le projet de loi C-213 propose également un élargissement des restrictions relatives à la location-bail actuellement prévues. Il existe actuellement deux restrictions visant la location-bail, dont l'une est normalement qualifiée de règles sur les pertes de location-bail. Ces règles empêchent le contribuable autre qu'une entreprise principale de créer ou d'augmenter une perte en déduisant l'amortissement sur les biens donnés en location-bail.

L'autre restriction vise expressément les biens donnés en location-bail. Ces règles portent sur les biens donnés en location-bail d'une valeur de plus de 25 000 $. Ces dispositions sont conçues en reconnaissance de la réalité commerciale qui veut que les baux financiers constituent une autre forme de financement, semblable à un prêt, et que d'un point de vue fiscal il ne faut pas traiter les baux différemment des prêts. Ces règles précises sur les biens donnés en location-bail tentent de refondre le bail pour en faire un prêt et prévoient un traitement fiscal approprié.

Parallèlement à des dispositions qui prévoient que le bailleur soit traité comme un prêteur, le preneur à bail peut également choisir d'être traité comme le propriétaire de l'actif et peut demander la déduction pour amortissement accéléré de 33 1/3 p. 100.

Enfin, des préoccupations ont été exprimées au sujet de l'application de l'impôt fédéral aux incitatifs provinciaux, et il a été dit que le gouvernement fédéral prélevait de l'impôt sur ces crédits. Évidemment, ces crédits ont une incidence sur votre rentabilité, c'est-à-dire sur l'impôt à payer. Toutefois, la politique n'est pas aussi simple que de dire que l'on impose les crédits. Plutôt, la politique tente de prélever l'impôt sur l'assiette fiscale appropriée. Peut-être un exemple vous serait-il utile à ce sujet.

Si vous êtes une entreprise et que vous vous portez acquéreur de quelques trucs, soit en les achetant, soit en les fabriquant vous-même, et que le coût de ces trucs soit, disons, de 100 $, vous allez les vendre 110 $, et très clairement on considérera que vous avez un revenu de 10 $, soit la différence entre les deux.

Supposons maintenant que le gouvernement provincial vous ait donné une aide de 15 $ sous forme de subvention pour vous aider à construire ces trucs. Au lieu de vous coûter 100 $, la construction de ces trucs ne vous a coûté que 85 $. Si maintenant vous les vendez 110 $, on s'attend à ce que vous déclariez 25 $ de revenu, et non pas 10 $, puisqu'une partie de vos coûts de construction des trucs a été payée par quelqu'un d'autre—c'est-à-dire que le gouvernement provincial a contribué 15 $ au coût de construction.

La différence entre les deux—soit la différence entre dire que nous imposons l'aide et l'autre exemple où nous en tenons compte dans le calcul de la valeur de votre actif et de votre revenu—c'est que si vous preniez ce même exemple, mais que le marché est à la baisse et que malheureusement vous ne pouvez plus vendre votre truc que 85 $, dans ce cas vous n'avez ni revenu ni perte, ni impôt à payer, même si vous avez reçu 15 $ d'aide du gouvernement provincial.

• 1545

Voilà mes commentaires. Je suis maintenant à la disposition du comité pour répondre à vos questions.

Merci beaucoup.

Le président: Merci, monsieur Lalonde.

Monsieur Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé (Lévis-et-Chutes-de-la-Chaudière, BQ): Malheureusement, il n'y a pas beaucoup de monde aujourd'hui. C'est la dernière journée de la session. Je remercie mes deux collègues de l'Ontario d'être là. Il semble que cela intéresse beaucoup les gens de l'Atlantique, mais ce n'est pas le cas aujourd'hui.

J'aimerais vous poser une question. J'ai présenté mon projet de loi à la suite d'une consultation auprès des gens de l'industrie. Quand je dis l'industrie, je parle de grands chantiers qui sont réunis dans une association qui s'appelle l'Association de la construction navale du Canada et qui ont présenté un mémoire au gouvernement, autant aux Finances qu'aux Transports et à l'Industrie.

Je veux savoir si vous, personnellement, ou M. Morrisson ou quelqu'un de votre service, avez discuté dernièrement de ces questions avec les gens de l'industrie navale.

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Des représentants de l'industrie ont fait des représentations au ministère il y a environ un an. On demandait tout particulièrement un assouplissement des règles sur les biens donnés en location-bail. Ces représentants ont rencontré notre sous-ministre, ou se sont réunis dans le bureau de notre sous- ministre.

Je ne pense pas pouvoir vous dire qui exactement est venu voir notre sous-ministre, mais nous avons certainement discuté de la question et expliqué à ces personnes la politique sous-jacente aux règles précises sur les biens donnés en location-bail et aux règles sur les pertes de location-bail.

Plus particulièrement, nous leur avons expliqué que si la construction navale était exclue de l'application de ces deux règles, on craignait de se retrouver en réalité avec un abri fiscal au niveau de la vente au détail.

Peut-être puis-je revenir en arrière un instant et expliquer comment cela donne un abri fiscal. De façon générale, la définition additionnelle d'un abri fiscal prévoit une déduction fiscale qui dépasse vos coûts réels. Par exemple, si vous avez un actif dont la valeur n'a pas du tout diminué, ou qui a même gagné en valeur—disons que, aux fins de l'exemple, l'actif n'a perdu aucune valeur et vous avez toujours cet actif vous pouvez toujours le vendre si vous le voulez, mais vous obtenez la déduction pour amortissement sur ce coût.

Poussons l'exemple un peu plus loin. Supposons que l'actif perde de la valeur, mais que la déduction aux fins de l'impôt dépasse largement la dépréciation réelle. Dans le cas d'un navire, d'un navire canadien certifié, n'était-ce des règles précises sur les biens donnés en location-bail, vous pourriez déduire 33 1/3 p.100 selon la méthode d'allocation uniforme, sous réserve de la convention des six mois.

Comme je l'ai mentionné, cela vous permet de radier le coût sur quatre ans. Très clairement, un navire a une durée plus longue que quatre ans; donc si vous pouviez radier le coût de votre revenu immédiatement, déduire le coût du navire de votre revenu immédiatement, et pourtant garder le navire, et avoir ainsi les liquidités et le financement que cela crée, vous auriez un abri fiscal traditionnel.

On veut que nous adoptions des dispositions qui prévoient: «Si vous êtes l'utilisateur-exploitant d'un navire, vous pouvez demander la déduction pour amortissement de 33 1/3 p. 100 et réduire ainsi votre revenu parce que vous réduisez le revenu de la même source.» Mais si vous êtes quelqu'un d'autre—si vous êtes le bailleur, disons—vous ne réduisez pas l'impôt de la même source, vous réduisez l'impôt d'une autre source. Dans le cas d'un abri fiscal au détail, ce serait par exemple le particulier.

On pourrait dire: «Et pourquoi pas? Vous étiez prêt à absorber la perte fiscale dans le cas de l'utilisateur-exploitant; pourquoi n'êtes vous pas disposé à le faire dans le cas du bailleur?» Malheureusement, cela crée d'autres problèmes pour le gouvernement. Comme vous le savez, nous avons un régime fiscal d'autocotisation, et nous comptons que la population canadienne considère que le régime fiscal a un certain niveau d'intégrité. Cela diminue lorsque la population canadienne constate que le banquier, l'avocat et le médecin au bout de la rue ramènent leur revenu à zéro et ne versent aucun impôt après avoir investi dans divers abris fiscaux.

• 1550

Par conséquent, on a mis en place dans ce projet de loi divers mécanismes qui tentent de limiter les déductions d'impôt qui pourraient autrement être considérées comme un abri fiscal à la source de ce revenu.

Un exemple vient justement des règles précises sur les biens donnés en location-bail. Un autre découle des règles sur les pertes de location-bail. Il y a ensuite les règles sur les pertes des sociétés en commandite. Il y a aussi les diverses règles concernant la couverture de l'excédent de pertes prévues dans la loi de l'impôt dans le cas des transactions sans lien de dépendance. Toute une gamme de dispositions dans ce projet de loi tentent de lier la déduction à la source du revenu.

Voilà le problème fondamental dans le cas des règles sur les biens donnés en location-bail. D'une part, vous pouvez dire: oui, ces dispositions facilitent le financement très clairement, puisqu'elles aident à faire disparaître l'impôt que le bailleur devrait autrement verser. Par contre, sur le plan structurel, vous vous retrouvez malheureusement avec divers types d'abris fiscaux qui réduisent l'intégrité du régime.

Vous avez également parlé des crédits d'impôt à l'investissement. Comme je l'ai dit précédemment, de notre point de vue, du point de vue de la politique fiscale, un crédit d'impôt à l'investissement remboursable est un peu différent d'une subvention.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je reçois beaucoup d'information, mais ma question se limitait à demander si vous aviez rencontré les gens de l'industrie. Je vous pardonne facilement, mais je vais manquer de temps pour mes autres questions si vous répondez toujours aussi longuement.

Est-ce que je peux poser d'autres questions?

[Traduction]

Le président: Il est important de savoir non seulement qu'il les a rencontrés, mais aussi qu'il a appris ce qu'ils avaient à dire.

[Français]

M. Antoine Dubé: Oui.

[Traduction]

Le président: Je comprends. Je pense qu'on nous a donné un bon résumé de la conversation.

Avez-vous d'autres questions, monsieur Dubé?

[Français]

M. Antoine Dubé: Je ne prendrai pas de risque. Je vais poser trois ou quatre questions.

Premièrement, j'ai un commentaire à faire. Vous ne l'avez pas répété aujourd'hui, mais dans votre texte, vous dites que les crédits d'impôt pourraient être contestés par l'OMC. Je veux vous signaler que j'ai posé une question la semaine dernière à M. Saint-Jacques du Commerce extérieur et qu'il m'a répondu que jamais, à sa connaissance, il n'y avait eu de plainte à l'OMC dans ce domaine. Il y avait eu une menace de plainte entre l'Europe et la Corée et le conflit s'est réglé, semble-t-il. Donc, il n'y a pas eu de plainte.

Il n'y a pas eu de plainte de la part du gouvernement du Canada, bien que les États-Unis aient des mesures protectionnistes qui vont à l'encontre des mesures de l'OMC. Il n'y a pas eu de plainte du Canada non plus concernant les subventions données par l'Europe et les autres pays.

Dans ce contexte, je signalais que le Canada est le seul pays à respecter l'esprit des règles de l'OMC dans le domaine de la construction navale, de même que les règles de l'OCDE, qui n'ont jamais été appliquées. C'est le contexte dans lequel on se trouve.

Vous nous avez parlé ensuite d'abris fiscaux. Selon plusieurs experts internationaux, s'il est un domaine où les privilèges et les abris fiscaux existent dans les autres pays, c'est bien le domaine maritime. C'est justement pour cela qu'on essaie d'élaborer le cadre d'une politique respectant plus rigoureusement ce que vous dites.

Comment pouvez-vous dire qu'on risque d'être contestés à l'OMC à cause de notre définition du crédit d'impôt puisque cela n'a jamais été fait? C'est ma première question.

Deuxièmement, comment se fait-il que le Québec, qui a un crédit d'impôt applicable et appliqué depuis 1997, n'ait jamais été contesté d'aucune façon? Cela existe aussi dans d'autres pays. Pourquoi les autres règles fiscales qui existent en Colombie-Britannique, par exemple, ne sont-elles pas plus contestées? Donc, personne ne conteste à l'OMC. Pourquoi dire devant ce comité qu'on risque d'être vulnérables à ce niveau?

• 1555

Ma troisième question porte sur le crédit d'impôt. Lorsque vous dites qu'un chantier naval n'est pas profitable, je comprends. Il n'y a pas d'effet pervers étant donné le taux de taxation au Canada. Puisqu'on est dans un régime fédéral, le provincial et le fédéral prélèvent tous les deux des taxes. C'est du moins le cas du Québec. Mais dans le cas où il y a un profit, le profit généré par le crédit d'impôt québécois est en quelque sorte diminué par l'impôt fédéral. Donc, il s'agit d'une mesure provinciale qui est contrebalancée.

Je me limiterai à ces trois questions, mais j'en aurais bien d'autres.

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Merci beaucoup.

Tout d'abord, en ce qui concerne une éventuelle contestation des crédits d'impôt, nous avions par le passé plusieurs types de crédits d'impôt à l'investissement dans la loi qui s'appliquaient de diverses façons. Par exemple, il y avait un crédit d'impôt à l'investissement dans l'industrie de la construction. Il y avait un crédit d'impôt à l'investissement dans les transports. Il y avait des crédits d'impôt à l'investissement qui s'appliquaient dans des régions prescrites et désignées. Il y avait un crédit d'impôt à l'investissement spécial qui s'appliquait dans le Nord.

Tous ces crédits d'impôt à l'investissement ont attiré l'intérêt d'autres pays qui ont présenté des requêtes en vue de l'imposition de droits compensateurs. J'ai témoigné à titre personnel devant les Américains et leurs fonctionnaires du ministère du Commerce pour tenter de décrire le régime canadien de crédits d'impôt à l'investissement et pour expliquer pourquoi il ne pouvait donner lieu à des droits compensateurs. Dans ce contexte, il y a eu plusieurs contestations. On a présenté une requête dans le cas des produits tubulaires d'acier canadiens—bref, des tuyaux. Il y a eu une autre requête dans le cas des poêles à frire électriques, des petits thermostats. Apparemment, pour une raison quelconque, le Canada peut...

[Français]

M. Antoine Dubé: Mais ce n'est pas le cas en construction navale.

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Non, mais il reste que plusieurs industries peuvent être frappées. Les plaintes dont le Canada peut faire l'objet n'ont pas à viser spécifiquement une industrie. Je ne veux pas dire qu'il va y avoir des plaintes. Je dis simplement que les crédits d'impôt à l'investissement ne sont pas à l'abri des contestations en vertu des pétitions sur les droits compensateurs, et il en va de même des subventions.

Ce que je veux dire, c'est que si l'on choisit la formule des subventions pour accorder des avantages à une industrie, que ce soit une subvention directe ou un crédit d'impôt—et un crédit d'impôt remboursable est à peu près l'équivalent d'une subvention—le crédit d'impôt à l'investissement ne sera pas protégé par une formule magique, et on ne pourra pas prétendre qu'il est bien dissimulé au coeur du régime fiscal et qu'il ne pourra pas faire l'objet de droits compensateurs.

Il est déjà arrivé que des crédits d'impôt fassent l'objet de droits compensateurs dans un certain nombre de dossiers, notamment, comme je l'ai dit, l'acier tubulaire, les thermostats et les limousines. Même les fleurs ont fait l'objet de droits compensateurs.

Voilà ce que je voulais dire à ce sujet.

Dans votre deuxième exemple, la société ne faisait ni profit ni perte, elle rentrait tout juste dans ses frais—disons qu'il lui en coûte 100 $ pour produire un gadget qu'elle vend 100 $; elle couvre donc ses frais—mais la province intervient alors et lui accorde, dans votre exemple, un crédit d'impôt de 15 $...

[Français]

M. Antoine Dubé: Je voulais parler d'une compagnie qui est profitable et qui, par conséquent, est taxée par le gouvernement fédéral sur un profit atténué. Il faut admettre qu'on parle d'un léger profit, car ce secteur n'est pas très rentable, mais dans un tel cas, les taxes fédérales ont pour effet d'atténuer la mesure provinciale. C'est d'un cas de ce genre, où il y a un profit, que je voulais parler.

J'ai un exemple en tête. Je ne peux pas dévoiler le nom de l'entreprise, mais celle-ci m'a bien dit que présentement, c'est le régime fédéral et cette double taxe qui la pénalise.

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Je reconnais avec vous que c'est un régime fiscal «double». En fait, l'aide provinciale est prise en compte dans le calcul du revenu. Ce n'est pas nécessairement ce qui va déterminer si la société est imposable ou non; c'est un élément qu'il faut prendre en compte dans le calcul des profits de la société.

De toute évidence, si les coûts ont été financés d'une façon ou d'une autre, la société fait plus de profits, et le principe fondamental de la fiscalité, c'est qu'on taxe les profits, d'où qu'ils viennent, que ce soit de la vente d'un produit à prix plus élevé ou d'une réduction des coûts de production. Le principe reste le même, les profits sont taxés.

• 1600

De la même façon, si un contribuable... Je travaille pour le ministère des Finances, et j'ai un salaire, qui constitue mon revenu annuel. Quelqu'un d'autre travaille dans une exploitation agricole et reçoit un salaire pour l'année. On ne va pas considérer qu'il s'agit de deux formes de revenu différentes, et qu'il faut les taxer différemment. On ne tient compte que du revenu.

Lorsque des coûts sont subventionnés, ils s'en trouvent réduits d'autant, ce qui fait augmenter le revenu ou diminuer les pertes.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je reviendrai peut-être lors d'un deuxième tour.

Le président suppléant (M. Paul Szabo (Mississauga-Sud, Lib.)): Oui.

[Traduction]

Monsieur Pillitteri.

M. Gary Pillitteri (Niagara Falls, Lib.): Merci beaucoup, monsieur le président.

Cette question n'intéresse pas uniquement le Canada atlantique. Il y a aussi des chantiers navals en Ontario. J'ai grandi à côté des cales sèches de Port Wheeler, qui existent toujours, et où on fabrique toujours des bateaux. C'est donc une question qui intéresse tous les Canadiens.

Je voudrais vous poser une question sur les chantiers navals. Partout, et en particulier à la Chambre, on entend parler de la doctrine Monroe, et on nous dit qu'on ne peut pas construire de bateaux au Canada ni accéder au marché des États-Unis. On apprend aussi que les Coréens reçoivent des subventions énormes et qu'on ne peut plus les concurrencer.

J'aimerais que vous m'expliquez deux choses. Je suis un homme d'affaires et je comprends qu'en matière de radiation il est préférable de bénéficier d'une radiation sur quatre ans que sur 12 ans. C'est beaucoup plus avantageux pour moi.

Deuxièmement, qu'en est-il aux États-Unis et dans les autres pays? Si nous pouvons construire ce produit au Canada, est-ce qu'on nous empêche d'exporter nos bateaux aux États-Unis parce qu'ils doivent obligatoirement contenir une certaine proportion de composantes étrangères?

Troisièmement, à défaut de subventions provinciales directes, quelle est la meilleure chose à faire? Comment nous mettre au même niveau que les entreprises étrangères de construction navale?

Je vois que c'est la Loi Jones, et non pas la Loi Monroe. J'ai dû me tromper. «Jones» est un nom courant, comme «Smith», ce qui peut porter à confusion.

M. Ken Epp (Elk Island, Alliance canadienne): Les Jones, les Smith, les Monroe... tout ça c'est pareil.

M. Gérard Lalonde: Il me semblait que la doctrine Monroe concernait la destinée manifeste. Vos propos m'ont donc un peu intrigué, mais, effectivement, nous connaissons tous la théorie de Davy Jones.

Vous avez dit que vous étiez de Welland. J'aurais aimé que Roger Gallaway soit ici, car je lui aurais dit que je viens de Sarnia et...

M. Gary Pillitteri: Je viens de Niagara-on-the-Lake, de Niagara Falls.

M. Gérard Lalonde: J'aurais pu lui dire que je viens de Sarnia et qu'autrefois je regardais passer les gros bateaux qui naviguent sur les Grands Lacs. C'est un spectacle étonnant. Comme vous, j'ai un faible pour les bateaux.

Mais je ne suis pas venu ici aujourd'hui pour vous parler de l'aide que la construction navale canadienne peut ou ne peut pas recevoir. Je laisse ce sujet à des gens mieux renseignés que moi, par exemple ceux d'Industrie Canada. Je crois d'ailleurs qu'ils sont en train de consulter les entreprises de construction navale, comme ils s'étaient engagés à le faire.

Ce que je veux dire, c'est qu'une fois qu'un gouvernement a décidé d'aider une industrie, il a le choix entre différentes formules. S'il a décidé de n'accorder aucune aide, l'histoire s'arrête là, mais s'il décide d'en accorder, il doit en fixer le montant et choisir la meilleure formule.

• 1605

Les crédits d'impôt à l'investissement ne sont pas sans inconvénients par rapport aux subventions. Évidemment, ils ont la préférence par rapport à ce dont je parlais tout à l'heure, c'est-à-dire une semi-subvention. Les subventions peuvent être préférables dans les cas où on a affaire à un petit nombre d'intervenants ou à une base indistincte. Les crédits d'impôt sont préférables lorsqu'on a affaire à un grand nombre d'intervenants et à une base bien déterminée.

Votre question portait sur les obstacles américains au commerce et sur la Loi Jones. Il serait préférable d'interroger à ce sujet les spécialistes du commerce et de l'industrie. Moi, je suis un bonimenteur du ministère des Finances spécialisé en politique fiscale, et je préfère vous parler aujourd'hui des avantages et des inconvénients de l'aide accordée par l'intermédiaire du régime fiscal.

Le président suppléant (M. Paul Szabo): Merci.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Merci beaucoup.

Je suis désolé d'être arrivé en retard, mais tout en écoutant, j'ai parcouru votre rapport, et je suppose que votre exposé oral était assez semblable à ce qui figure dans ce document.

Voici mes quelques questions. Tout d'abord, on nous dit que la Corée et le Japon occupent une partie importante du marché de la construction navale, notamment parce que les entreprises de ce secteur sont fortement subventionnées. Dans ce cas, pourquoi devrions-nous, au Canada, nous préoccuper tant des crédits d'impôt ou des autres mécanismes qui peuvent passer pour des subventions et pourquoi devons-nous nous défendre, alors que les Asiatiques réussissent à s'en tirer, au détriment de notre industrie?

M. Gérard Lalonde: Sur les questions commerciales, vous avez déjà reçu, je crois, des spécialistes en commerce qui ont témoigné devant le comité. Je ne suis pas qualifié pour répondre aux questions d'ordre commercial.

Vous voulez savoir pourquoi nous devrions éviter de donner l'impression que nous accordons des incitatifs fiscaux. Je considère qu'il appartient tout d'abord au gouvernement de décider s'il y a lieu d'accorder une aide et, dans l'affirmative, de considérer avec attention les différentes formes qu'elle peut prendre. Les crédits d'impôt ne sont pas nécessairement le meilleur choix.

Les crédits d'impôt ne sont pas nécessairement la meilleure formule, car ils ne permettent aucun pouvoir discrétionnaire. On applique un code, et, si tout est conforme au code, l'entreprise y a droit, sinon elle est exclue. Je pourrais vous citer des exemples où un avantage a été refusé à un contribuable, et d'autres où le gouvernement a dû assumer des coûts.

En outre, le moment choisi peut donner de curieux résultats. La société qui n'a pas d'impôt à payer risque d'attendre son chèque pendant longtemps. Celle qui est intégralement imposable n'a pas besoin d'encaisse et devra pouvoir constater immédiatement l'avantage du crédit d'impôt sur son encaisse, car cela lui permettra de réduire ses acomptes provisionnels.

M. Ken Epp: Bien.

Nous parlons ici de considérations fiscales, mais dans la construction navale il y a beaucoup de recherche, aussi bien sur les méthodes de construction que sur la conception des navires et sur les équipements dont ils sont dotés.

Pensez-vous que les crédits d'impôt ont un effet stimulant aussi bien sur ce secteur économique que sur l'ensemble de l'économie, ou bien, au contraire, est-ce qu'il ne s'agit pas de pénaliser le contribuable ordinaire et de déprimer l'ensemble de l'économie pour privilégier un secteur d'activité?

Je ne sais pas; peut-être que M. Morrison est plus en mesure de répondre, puisqu'il s'affiche comme économiste.

M. Bob Morrison (agent principal, Politique de l'impôt, Division de l'impôt des entreprises, Développement économique, ministère des Finances Canada): Merci.

Il me semble qu'il y a quelques années le ministère a fait une étude pour évaluer le programme du crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental, et il a constaté que c'était un programme efficace, car il pouvait être combiné avec d'autres programmes gouvernementaux pour aider l'industrie à faire de la R-D.

• 1610

Cette aide au développement expérimental et à la recherche scientifique est accordée à cause des avantages marginaux de la R-D pour l'économie. Ce sont des retombées dont tous les contribuables profitent, même lorsqu'ils ne participent pas directement à la transaction.

L'une des caractéristiques de ce programme, ou du moins l'une des raisons pour lesquelles l'aide est accordée par l'intermédiaire d'un crédit d'impôt, concerne le fait qu'on ne peut pas déterminer à l'avance qui fait de la R-D. Ce peut être n'importe quel contribuable et n'importe quelle société. De nombreux contribuables en font. Donc, comme c'est un vaste domaine d'activité et que de nombreux contribuables en font, il est plus efficace d'exécuter le programme sous la forme d'un régime de crédits d'impôt.

Pour ce qui est de l'octroi d'un crédit d'impôt aux entreprises de construction navale, seul un petit nombre de ces entreprises canadiennes seraient admissibles à un tel crédit. Par conséquent, si l'on juge cette aide nécessaire, il serait préférable de chercher son mécanisme d'exécution à l'extérieur du régime fiscal.

M. Ken Epp: J'ai une autre question. En ce qui concerne la déduction pour amortissement dont vous avez parlé, le projet de loi envisage un régime fiscal plus favorable aux contrats de crédit- bail, tandis que vous insistez sur le fait que nous avons des déductions pour amortissement accéléré sur les bateaux. Ce sont vraisemblablement des navires enregistrés au Canada, dont les propriétaires payent de l'impôt au Canada. J'ai deux questions à ce sujet.

Premièrement, est-ce qu'on trouve des régimes semblables dans d'autres pays? Sommes-nous en avance ou en retard sur ce point? Deuxièmement, est-ce qu'on a constaté que ce régime incite les Canadiens à faire construire ou réaménager leurs bateaux au Canada? Lorsqu'ils le font faire à l'étranger, est-ce qu'ils n'obtiennent pas les mêmes crédits d'impôt si leur navire est enregistré au Canada?

M. Bob Morrison: La déduction pour amortissement accéléré est une radiation linéaire de 33 1/3 p. 100 répartie sur quatre ans, avec la règle semestrielle. Pour qu'une société puisse procéder à cette radiation, il faut un navire construit ou réaménagé au Canada et un contribuable canadien.

M. Ken Epp: Ah, bien.

M. Bob Morrison: L'achat d'un bateau étranger ou des travaux effectués à l'étranger donnent droit à une déduction pour amortissement dégressif de 15 p. 100.

M. Ken Epp: Une société canadienne a donc intérêt à faire faire ses travaux de construction navale au Canada.

M. Bob Morrison: Oui. Pour vous donner une idée...

M. Ken Epp: Je sais que cela ne relève pas de votre domaine d'expertise, mais est-ce qu'il ne peut pas y avoir de droits compensateurs dans ce cas?

M. Bob Morrison: Je ne suis pas un spécialiste des subtilités de l'OMC, mais si on considère qu'il s'agit d'une aide, je crois savoir... Je ne sais pas s'il s'agit des exportateurs, s'il faut que l'aide soit accordée à des gens qui exportent. Pour avoir droit à la déduction pour amortissement accéléré, il faut être un contribuable canadien et acheter un bateau canadien. C'est donc une transaction interne. Je ne sais pas exactement quelles en sont les conséquences.

M. Ken Epp: D'accord.

M. Bob Morrison: Je voudrais vous donner une idée de l'importance de l'aide accordée sous forme de déduction pour amortissement accéléré. Sur un investissement de 100 000 $, par exemple, la possibilité d'amortir plus vite, c'est-à-dire à 33 1/3 p. 100 plutôt qu'à 15 p. 100, donne environ 5 800 $ par an. C'est environ 5,8 p. 100 du coût. Si on y ajoute les impôts provinciaux, on s'approche sans doute de 8 ou 9 p. 100 du coût. Comme je l'ai dit, cela équivaut à un crédit d'impôt à l'investissement de 13 p. 100.

M. Ken Epp: Est-ce que d'autres pays font la même chose?

M. Bob Morrison: Je ne connais pas les détails de l'aide accordée aux constructions navales étrangères par l'intermédiaire du régime de l'impôt sur le revenu, sauf aux États-Unis, où il n'existe, à ma connaissance, aucune mesure incitative spéciale. Les Américains ont un régime d'amortissement un peu plus généreux que notre régime ordinaire de 15 p. 100.

• 1615

M. Ken Epp: Sur 11 ans, n'est-ce pas?

M. Bob Morrison: C'est un amortissement sur 11 ans, une combinaison d'amortissements dégressifs, qui correspondrait à un amortissement dégressif de 20 p. 100 au Canada. Il est donc plus généreux que nos 15 p. 100, mais pas aussi généreux que l'amortissement accéléré de 33 1/3 p. 100 accordé pour les navires construits au Canada.

M. Ken Epp: Monsieur le président, d'après ce que j'ai entendu, je ne suis pas certain que ce projet de loi soit plus avantageux que le régime actuel. Voilà ce que j'en pense. Il faudrait qu'on me donne d'autres renseignements pour me faire changer d'avis. Merci.

Le président: Je suis sûr que vous aurez cet été des tonnes de renseignements à lire sur ce projet de loi.

Paul Szabo, puis M. Dubé. C'est bien cela?

[Français]

M. Antoine Dubé: Ça va.

[Traduction]

M. Paul Szabo: Merci.

J'ai plusieurs questions à poser, et j'aimerais qu'on se dépêche, pour faire avancer nos travaux. Si ma question ne relève pas de votre domaine de compétence ou si vous ne savez pas, n'hésitez pas à le dire. Est-ce que vous connaissez des institutions financières auxquelles le gouvernement fédéral peut garantir des taux de financement privilégiés?

M. Gérard Lalonde: Cela ne relève pas de notre rôle en matière de politique fiscale.

M. Paul Szabo: Bien. Vous avez dit dans votre témoignage que les règles applicables au crédit-bail et le crédit remboursable pouvaient être avantageux. Avez-vous lu la loi? Pouvez-vous me dire ce que représente le crédit d'impôt remboursable?

M. Gérard Lalonde: Non, car la loi n'indique pas le taux applicable à cette mesure, ni le montant de la dérogation par rapport aux règles en matière de biens donnés en location à bail.

M. Paul Szabo: Je l'ai remarqué. Si cette loi est adoptée... À l'article 5, il est question du «gouverneur en conseil», c'est à dire du Cabinet, qui «prend les règlements nécessaires afin de modifier toute loi fédérale ou ses règlements dans le but de mettre en oeuvre l'objet de la présente loi». On dit pour l'essentiel que le Cabinet doit prendre les mesures nécessaires pour mettre en oeuvre un crédit d'impôt remboursable au montant qu'il juge approprié. Le Cabinet ne fixe pas le montant; c'est au ministère de le calculer. Je trouve cela inhabituel; pas vous?

M. Gérard Lalonde: Si. D'habitude, il faut modifier la Loi de l'impôt sur le revenu pour mettre en oeuvre un crédit d'impôt à l'investissement; on ne peut pas le faire par voie de règlement.

M. Paul Szabo: C'est exact. Il faut donc procéder par la voie législative.

M. Gérard Lalonde: Oui, je pense. Il faut indiquer les mesures à prendre dans la loi.

Les règles concernant le crédit-bail sont fixées par voie de règlement. Il existe des règlements d'application de la Loi de l'impôt sur le revenu; on peut donc s'en servir.

M. Paul Szabo: Le crédit d'impôt remboursable comporte deux éléments. Dans le cas où un propriétaire fait construire un navire au Canada—supposons que l'acheteur soit Canadien—le crédit d'impôt remboursable profite à l'acheteur ou au propriétaire au Canada. Mais s'il s'agit d'un navire étranger qui est construit ou réaménagé, le crédit d'impôt remboursable profite au chantier naval.

Serait-il possible d'accorder le crédit d'impôt remboursable sur la construction d'un navire au chantier naval plutôt qu'à l'acheteur du navire?

M. Gérard Lalonde: On pourrait concevoir le programme de façon à créer un crédit d'impôt à l'investissement qui diminue le coût de la construction du navire pour le vendeur, puis concevoir un crédit d'impôt différent qui s'appliquerait dans le cas où le crédit est accordé à l'acheteur et peut-être déduit du prix d'achat.

M. Paul Szabo: Est-ce que vous connaissez le compte du Canada?

M. Gérard Lalonde: Le compte du Canada? Non.

M. Paul Szabo: La Société pour l'expansion des exportations a comparu devant nous. J'ai appris—et vous pourrez le confirmer si vous êtes au courant—que la loi créant la Société pour l'expansion des exportations oblige cette dernière à fonctionner comme une société commerciale. Si le gouvernement veut agir en dehors des règles du commerce et prendre une mesure spéciale, il peut le faire grâce au compte du Canada; le gouvernement du Canada prend alors personnellement un risque et assume tout écart par rapport aux conditions commerciales et aux taux normalement applicables.

• 1620

Mais je crois savoir, monsieur le président—et nous pourrons vérifier ultérieurement—que le compte du Canada est réservé à des activités et des garanties très précises. Il s'applique dans des conditions très restrictives, qui concernent le domaine international.

Tout à l'heure, je vous ai posé une question sur les institutions financières, car il me semble... Vous pourrez peut-être le confirmer. Est-ce que le gouvernement du Canada peut légiférer pour obliger l'une de nos banques à charte à accorder un taux préférentiel aux entreprises de construction navale?

M. Gérard Lalonde: Mon témoignage se limite aux questions d'impôt sur le revenu. Je travaille à la Division de la législation de l'impôt, au ministère des Finances.

Je sais que sur certains sujets, comme les prêts aux étudiants, il peut y avoir une entente entre le gouvernement canadien et les banques, mais cela ne relève pas de mes fonctions à la Division de la législation de l'impôt.

M. Paul Szabo: Bien.

Voici ma dernière question; je suppose que, comme vous travaillez au ministère des Finances, vous connaissez bien certaines lois... Dans la dernière disposition de ce projet de loi, on dit que le Cabinet ne peut, par règlement, modifier ni abroger un règlement pris en vertu de cette loi. Avez-vous déjà trouvé un projet de loi qui précise que plus rien ne pourra changer par la suite?

M. Gérard Lalonde: Il me semble que cela limite la possibilité, pour les Parlements à venir, d'agir à leur guise conformément à la notion de suprématie du Parlement.

M. Paul Szabo: Merci, monsieur le président.

Le président: Merci, monsieur Szabo.

Nous passons à M. Dubé.

[Français]

M. Antoine Dubé: C'est peut-être une question de traduction, mais je veux reprendre un élément soulevé par M. Szabo. À l'alinéa 3(1)b) de la version française, on dit bien: «en modifiant les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu», et à l'alinéa 3(1)c), on parle de modifier «les dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu ou ses règlements afin d'accorder un crédit d'impôt».

Dans les deux cas, il y a ce genre de disposition. Peut-être ne les aviez-vous pas vues, mais cela existe. Peut-être que la formulation n'est pas au goût de M. Szabo, mais cela existe. Or, vous avez répondu qu'il n'y a rien dans le projet de loi qui permet de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Je vous donne deux exemples où on dit qu'on peut le faire: les alinéas 3(1)b) et 3(1)c). Les aviez-vous vus?

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Votre question s'adresse-t-elle à M. Szabo ou à moi? J'ai vu le projet de loi.

M. Paul Szabo: Si vous me le permettez, je voudrais essayer de poser simplement le problème. Le paragraphe 5(1) précise que le gouverneur en conseil prend des règlements. Il en prend pour apporter périodiquement des changements. Mais le gouverneur en conseil ne peut pas prendre de règlements qui modifient une loi. La seule façon de modifier une loi est d'en proposer une nouvelle, qui modifie une loi existante.

Le gouverneur en conseil ne peut donc pas agir ainsi, et par conséquent ce projet de loi n'est pas acceptable.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je ne ferai pas un débat là-dessus aujourd'hui, mais je voulais apporter une précision parce que, selon le témoin, il n'y a pas de disposition dans le projet de loi qui permette de modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Je voulais juste signaler qu'il y en a deux.

Quant au paragraphe 5(1), je respecte votre opinion, mais je ne suis pas juriste. Je leur laisse cela. Je veux juste préciser qu'il y a deux dispositions dans le projet de loi qui permettent de modifier d'autres lois.

Quant à la raison pour laquelle je l'ai écrit ainsi sur les conseils de mon conseiller législatif, qui ne peut pas venir ici parce qu'il est en repos prolongé, je dirai qu'un député de l'opposition ne peut pas être plus précis que cela. Si le projet de loi avait été présenté par le gouvernement, il y aurait eu des précisions, des montants, etc., mais puisque le projet de loi a été présenté par un député de l'opposition—cela relève du Comité de la procédure et des affaires de la Chambre—il n'aurait pas pu être soumis à un vote s'il avait comporté de telles précisions. C'est la raison pour laquelle il est présenté comme cela. C'est ce que le Comité de la procédure et des affaires de la Chambre m'a dit. Le comité l'a accepté, mais si j'avais été plus précis, si j'avais tenté d'amender des règlements, j'aurais outrepassé mon rôle et le projet de loi n'aurait pas été accepté.

• 1625

Si on me dit que pour corriger cela, M. Szabo, qui est membre du parti gouvernemental, nous soumet cette proposition, je l'appuierai, mais je ne voudrais pas qu'on détruise ce projet de loi pour une simple raison technique. Je vous rappelle que lors de la deuxième lecture, vous aviez voté en faveur de ce projet de loi parce que vous vouliez aider la construction navale.

Je passe à une autre question. Les gens de l'Association de la construction navale du Canada...

[Traduction]

M. Paul Szabo: Monsieur le président, j'accepte ce que vient de dire le député. Je reconnais aussi que la Chambre a adopté le principe de ce projet de loi en deuxième lecture, tel qu'il est formulé à l'article 1, c'est-à-dire qu'il s'agit d'aider la construction navale à devenir plus compétitive.

Le projet de loi n'a pas été adopté en deuxième lecture pour ce qui est des dispositions sur lesquelles nous avons reçu des témoignages, et je pense qu'à ce niveau nous allons avoir un problème—j'espère du reste que nous pourrons le résoudre.

Le véritable problème, c'est que ce projet de loi comporte des difficultés techniques qui risquent de le rendre inapplicable. Si le gouverneur en conseil ne peut pas modifier la Loi de l'impôt sur le revenu, ce projet de loi est inapplicable, et il est inutile d'en parler. Autant s'en débarrasser tout de suite.

En fait, comme je l'ai dit dès le premier jour de nos audiences, ce projet de loi est formulé comme une motion: que le gouvernement aide la construction navale à obtenir les crédits d'impôt et les autres mesures qui l'aideront à devenir plus compétitive. Mais il ne précise pas le montant de ces crédits d'impôt, n'indique pas dans quelle mesure il faut modifier les dispositions concernant le crédit-bail ou les déductions pour amortissement. Il précise que la construction navale doit recevoir une aide financière, mais personne ne peut me dire quelles sont les institutions qui relèvent de notre compétence et que nous pourrions obliger par la voie législative à accorder des taux préférentiels aux entreprises de construction navale. Il n'existe actuellement aucune institution au Canada dont le gouvernement puisse contrôler les taux par la voie législative, pas même la Société pour l'expansion des exportations. Ce serait contraire à la loi qui l'a créée.

Voilà le problème, monsieur Dubé. Vous dites que ce serait terrible de rejeter ce projet de loi pour des motifs techniques. Pourtant, c'est bien là que se situe le problème.

Le projet de loi a été adopté à la Chambre, et je ne conteste pas l'opinion de la Chambre quant à la nécessité d'aider la construction navale. Cependant, notre comité a pour tâche de vérifier si le projet de loi peut atteindre ces objectifs. Je dois dire en toute franchise que presque toutes les dispositions posent des problèmes techniques, et je ne suis pas certain que nous puissions y remédier.

C'est donc un problème d'ordre technique, qui ne concerne pas la construction navale. C'est un problème qui fait partie du projet de loi. C'est cela qu'il faut résoudre, et j'espère que nous pourrons le faire.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je suis très respectueux de l'opinion du toujours très sérieux député Szabo, que je respecte, mais je pense qu'on pourrait faire cela à un autre moment, lors de l'étude article par article. Nous pourrons alors nous faire aider. De toute façon, de la manière dont les choses se passent, on aura tout l'été pour se faire aider.

Nos témoins viennent de nous répondre que leur juridiction est le domaine des finances. Lorsqu'on parle d'un programme de garantie de prêts, on vise davantage le domaine de l'industrie, et nous les avons questionnés à ce sujet à un autre moment. D'ailleurs, monsieur Lalonde, votre mémoire vise précisément deux mesures: le crédit d'impôt et la question de l'amortissement.

Je n'ai pas inventé de toutes pièces les dispositions de ce projet de loi puisqu'elles reflètent ce que réclament les gens de l'Association de la construction navale, qui réunit les propriétaires, les syndicats qui ont appuyé les demandes des propriétaires, ainsi que tous les premiers ministres et gouvernements provinciaux, y compris M. Lord, qui questionnait encore M. Manley dernièrement. Alors, je sens qu'il est très légitime que je pose cette question.

Les autres pays où l'on fabrique des navires et auxquels nous faisons concurrence appliquent des mesures protectionnistes et accordent des abris fiscaux importants, lesquels attirent des armateurs canadiens qui vont y faire construire leurs bateaux. Nous devons faire quelque chose pour corriger cette situation.

Je vous ai proposé deux mesures fiscales pour y remédier. Ces mesures visent également une autre dimension puisqu'elles ont pour objet la construction de ces navires dans nos chantiers ici, ce qui nous permettrait de maintenir ici des emplois et d'en créer d'autres. Finalement, on ramène ici des des impôts de particuliers.

• 1630

Est-ce qu'un fonctionnaire ou un service du ministère des Finances s'est penché sur l'impact qu'aurait la perte de ces emplois: l'impact du statu quo où l'on conserverait le nombre actuel de travailleurs, et l'impact des mesures que je propose et qui, selon les gens qui oeuvrent dans la construction navale, se traduiraient par 1 000 à 1 500 emplois assez rémunérateurs, générant ainsi des impôts qui couvriraient pratiquement tous les coûts liés à ces mesures? Est-ce que vous avez évalué les impacts de ces scénarios?

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Encore une fois, je n'ai pas à dire s'il y a lieu d'accorder une aide à cette industrie; ce n'est pas mon rôle. Des gens d'Industrie Canada sont venus vous parler de la situation des chantiers navals, des emplois qu'ils offrent et des fluctuations des niveaux d'emploi.

La raison d'être du projet de loi, c'est qu'il faudrait accorder une aide à la construction navale, et le projet de loi propose différentes formules pour y parvenir. Moi, je voudrais vous dire que les formules envisagées ne sont peut-être pas les meilleures, et rien n'indique que d'autres formules aient été envisagées. Voilà mon propos.

Par exemple, je sais que vous avez consulté l'industrie. Je sais que vous avez consulté les syndicats. J'étais ici lorsqu'ils ont témoigné. Il est évident que tous ces gens se sont prononcés en faveur de l'octroi d'une aide à l'industrie. Ce qui l'est moins, ce sont les raisons pour lesquelles les autres modalités d'octroi de cette aide n'ont pas été envisagées.

Si on veut utiliser le régime fiscal, on se retrouve coincé à l'intérieur de ce régime. Comme je l'ai dit, plusieurs conséquences sont envisageables. Dans le dernier budget, on voit que le crédit d'impôt pour la recherche scientifique et le développement expérimental se heurte à des difficultés. Nous avons un problème en ce qui concerne les logiciels internes: est-ce qu'ils sont admissibles au titre de la recherche scientifique? C'est un problème concernant la base du programme.

Si vous vous reportez à la jurisprudence en matière fiscale, vous constaterez que des décisions très coûteuses ont été rendues en ce qui touche le crédit d'impôt spécial à l'investissement. Un groupe, en particulier, a soutenu avec succès qu'il avait droit à ce crédit alors que nous pensions le contraire.

Il ne s'agit donc pas tant d'établir si cette politique se limiterait à la construction navale. Je ne suis pas ici pour discuter de ce point. Je suis ici pour vous expliquer les avantages des mécanismes fiscaux qui ont été choisis, le premier étant un crédit d'impôt par opposition à un mécanisme d'aide directe et pour vous expliquer aussi quel serait l'inconvénient de supprimer les règles sur les pertes de location-bail et les règles sur les biens donnés en location-bail qui ont été mises en place pour une raison bien précise, cette raison étant de protéger l'intégrité du régime fiscal dans l'esprit de tous les Canadiens, qui n'aiment pas que des sociétés florissantes et des particuliers à revenu élevé ne paient pas d'impôt.

[Français]

M. Antoine Dubé: Mais il y a une foule de Canadiens et de Québécois qui se posent des questions et qui n'aiment pas la situation actuelle. Des armateurs canadiens font construire des bateaux dans des pays qui accordent plein d'abris fiscaux, où il n'y a pas de surveillance fiscale du tout et où les employés ne payent même pas d'impôts. Il y existe toutes sortes de mesures. Est-ce que le Canada, dont le ministre des Finances actuel est le président du Groupe des Vingt, ne devrait pas être un leader lorsqu'il s'agit d'étudier la fiscalité dans d'autres pays où les mesures fiscales n'ont pas de sens? On dénonce le fait que nos concurrents étrangers ne sont pas soumis aux mêmes conditions.

Si ma proposition n'est pas la meilleure, quelle est la meilleure? Selon vous, une subvention directe ne causerait-elle pas moins de problèmes? Le gouvernement fédéral aide certains secteurs et subventionne de très nombreuses activités. J'aimerais profiter de votre expertise et vous demander quels autres moyens on pourrait envisager si on ne retient pas ceux que j'ai proposés.

S'il n'y a pas d'autres possibilités, il faudra accepter qu'on ferme tout simplement les portes de nos chantiers, comme on l'a déjà fait à la Saint John Shipbuilding. Si tous les chantiers maritimes au Canada fermaient demain matin, on aurait un grave problème. Nous ne pourrions même plus faire réparer nos bateaux et les bateaux étrangers. Les gens nous éviteraient, leurs bateaux accosteraient au port de New York et ils feraient ensuite transporter leur marchandise par train ou par un autre moyen. Il faut être conscient de ça. Quelles sont les autres solutions? Si les crédits d'impôt et l'amortissement ne sont pas la solution qu'on retient, à quelles autres mesures pourrions-nous avoir recours? La situation actuelle est intolérable. Tout le monde est en train de fermer. Il y avait 12 000 emplois en 1993, il n'y en a maintenant que 2 500 et leur nombre chute à chaque mois. Est-ce qu'on va laisser cela continuer pendant longtemps?

• 1635

Je profite de l'occasion pour exprimer ma déception, monsieur le président. Nous avions prévu de faire l'étude article par article le 7 juin. Lors de la dernière séance, nous avions convoqué des fonctionnaires à la suggestion de M. Szabo. Les fonctionnaires du ministère des Finances ne pouvaient être libres à ce moment et ils le sont aujourd'hui, le dernier jour de séance. Comment un gars comme moi peut-il interpréter cela? Je me rends compte qu'on ne présente pas de solutions de rechange. Il y a eu une volonté politique lors de l'adoption en deuxième lecture, mais on dit que ces moyens-là ne sont pas la meilleure solution. En avez-vous de meilleures à proposer? Dois-je comprendre que vous n'êtes pas mandatés pour en trouver des meilleures?

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Vous avez mentionné certains des aspects politiques de la question. Je ne suis pas un politicien, comme le montre probablement le fait que je ne peux pas répondre brièvement aux questions.

Comme je l'ai déjà dit, je pense qu'il est impérieux que le gouvernement, dans ce contexte, décide effectivement qu'il veut aider l'industrie navale. Le ministère de l'Industrie a, à cet égard, décidé de jouer un rôle de chef de file. Je n'ai pas à me prononcer sur l'orientation qu'a adoptée le ministère.

Je suis cependant d'avis qu'il y a de meilleures façons d'aider l'industrie une fois qu'on a décidé de le faire. L'une des façons de s'y prendre serait de réduire les impôts pour l'ensemble des Canadiens et de faire en sorte que tous les secteurs économiques au Canada soient plus ouverts et plus compétitifs. C'est l'objectif que vise le budget 2000 par lequel le gouvernement a décidé de réduire les impôts de l'ensemble des sociétés et des particuliers au cours des cinq prochaines années. Cette mesure profitera clairement à tous.

La mise en place de stimulants visant un secteur donné constitue un mécanisme d'aide plus coûteux, et le recours à ce genre de mécanismes fait en sorte qu'il est plus difficile par la suite de prendre des mesures de portée générale. Si le gouvernement a décidé d'aider un secteur donné et a réservé des fonds à cette fin, il s'agit ensuite pour lui de décider quelle sera sa contribution à ce secteur et quelle forme elle prendra. Le projet de loi dont vous êtes saisis propose d'accorder une aide à l'industrie par l'intermédiaire de deux ou trois mesures fiscales ainsi que par un programme de garantie de prêt.

L'aide accordée à l'industrie peut prendre la forme de programmes de subvention. Ces programmes peuvent comporter des taux d'intérêt peu élevés ou des prêts sans intérêt qui sont remboursables et auxquels s'appliquent certaines conditions. On a eu recours par le passé à différents types de mécanismes qui comportent tous leurs avantages et leurs inconvénients. J'ai essayé de vous expliquer certains des inconvénients des mesures fiscales. À mon avis, le système fiscal n'est pas la meilleure façon de stimuler une industrie.

Les personnes qui se sont adressées à vous ont opté pour des mesures fiscales et elles avaient sans doute des raisons de le faire. Si une aide est accordée par l'intermédiaire du régime fiscal, il est possible de ne pas divulguer de renseignements à ce sujet, étant donné que l'information touchant le revenu d'un contribuable est confidentielle et que Revenu Canada ne peut pas divulguer à qui que ce soit si un particulier a pu se prévaloir d'un crédit fiscal. Certains bénéficiaires potentiels de cette aide accordent peut-être de l'importance à la confidentialité de ce renseignement. Je l'ignore.

Par ailleurs, comme le montant des subventions versées figure dans les livres comptables du gouvernement, si vous êtes en faveur de la transparence, vous préférerez sans doute ce mécanisme d'aide. Si vous pensez cependant que le gouvernement du jour, un gouvernement futur ou un parti d'opposition n'aimera pas beaucoup que ce renseignement soit publié dans les journaux, vous verrez les choses autrement.

• 1640

Le président: Je pense que vous avez répondu à la question, monsieur Lalonde.

Une dernière question, monsieur Dubé. Ce sera ensuite au tour de MM. Cullen et Epp.

[Français]

M. Antoine Dubé: Le crédit d'impôt que je propose est davantage un incitatif ou un argument de vente que peut utiliser un constructeur naval lorsqu'il soumissionne pour la construction d'une plateforme pétrolière ou d'un bateau. En raison de l'augmentation du prix du pétrole, le secteur pétrolier devient de plus en plus intéressant. L'incitatif est comptabilisable et il peut être anticipé. Lorsqu'un constructeur naval qui fait une soumission sait à l'avance qu'il pourra s'en prévaloir et que la politique est bien établie, il peut dégager une marge de manoeuvre qui lui permettra d'être plus concurrentiel. Les gens qui oeuvrent dans la construction navale sont venus nous dire qu'il y avait un peu de resserrement en raison des effets de la crise asiatique. L'écart entre l'Europe et le Canada se rétrécit et de nombreux pays européens ont réussi à devenir concurrentiels. Il est donc très important que nos constructeurs puissent invoquer cet argument et sachent, au moment où ils présentent une soumission, de quelle marge de manoeuvre ils disposent. Lorsqu'on parle d'un bateau de 100 millions de dollars, même 3 p. 100 de plus compte. Cela nous permet de créer de l'emploi, et il y a plus de construction, ce qui a des retombées économiques positives. De plus, un crédit d'impôt est accordé après l'exécution des travaux. Bien qu'une subvention soit peut-être plus visible et plus transparente, elle est accordée avant la fin des travaux et il y a un risque de perte de contrôle. Je ne veux pas faire de démagogie, mais je pourrais faire allusion au débat actuel au sujet des subventions versées par le ministère du Développement des ressources humaines. On a cherché à savoir si les gens qui en avaient bénéficié les avaient utilisées aux fins prévues. Un crédit d'impôt me paraît avantageux parce qu'il intervient d'abord comme incitatif, parce qu'il crée du travail et parce que le gouvernement peut exercer un contrôle à la fin par des mesures législatives très précises. C'est là que je vois l'avantage. Qu'en pensez-vous?

[Traduction]

M. Gérard Lalonde: Je crois qu'il n'existe pas de subvention qui ne puisse être présentée comme un crédit d'impôt et vice versa. Prenons le cas que vous donnez d'un crédit d'impôt à l'investissement de x p. 100. Au moment de présenter sa soumission, le constructeur de navires canadien sait que Revenu Canada lui remboursera x p. 100 du coût de son navire, qu'il ait des impôts à payer ou non, puisqu'il s'agit d'un crédit d'impôt remboursable. Il sait donc qu'il touchera un chèque de Revenu Canada correspondant à un certain pourcentage de coût de son navire.

Il sait aussi qu'il ne touchera pas ce crédit avant d'avoir soumis sa déclaration de revenus. Revenu Canada peut ou non vérifier cette déclaration. Il ne le fera sans doute pas. Le ministère a cependant jusqu'à quatre ans pour faire une vérification et réévaluer, modifier ou peut-être même éliminer le crédit d'impôt. Dans cette mesure, le crédit fait l'objet d'une vérification.

Du point de vue structurel, rien ne distingue ce mécanisme d'une subvention qui serait versée au constructeur sur réception de l'information voulue au sujet du coût de construction du navire. Les dépenses de construction engagées font aussi l'objet d'une vérification.

Il s'agit simplement de savoir qui gère le programme d'aide. Est-ce que ce sera Revenu Canada par l'intermédiaire du régime fiscal ou un autre organisme qui accordera une aide plus directe? Chaque formule comporte des avantages et des inconvénients.

• 1645

Ainsi, si cette aide prend la forme d'une subvention... Je répète qu'il ne m'appartient pas de me prononcer sur la question de savoir si le gouvernement doit accorder une aide ou non, mais si le gouvernement décide d'accorder une aide, il peut le faire par divers moyens. Il est possible de prévoir des versements périodiques pendant la période de construction, ce que le régime fiscal ne permet pas. Une aide prenant cette forme pourrait aider le constructeur à payer ses frais salariaux, etc.

On peut prolonger la période de vérification au besoin ou la raccourcir, puisqu'on n'a pas à se conformer aux règles en matière fiscale. Si l'aide est accordée par l'intermédiaire du régime fiscal, il faut se conformer aux règles fiscales. Il faut aussi protéger l'assiette fiscale. Si l'aide vise les navires d'un certain tonnage et que quelqu'un construit un navire inférieur de deux tonnes au tonnage prévu, il n'a pas droit à cette aide. Celui qui construit un navire dont le tonnage est supérieur de deux tonnes au tonnage prévu y a cependant droit.

Le régime fiscal n'est pas idéal. À mon avis, un mécanisme comportant une plus grande souplesse est préférable. J'ai évidemment un avis sur la question, et je suis d'ailleurs là pour vous le communiquer.

Le président: Je vous remercie, monsieur Dubé.

Monsieur Cullen.

M. Roy Cullen (Etobicoke-Nord, Lib.): Je vous remercie, monsieur le président.

Je vous remercie, monsieur Lalonde et monsieur Morrison.

Permettez-moi d'abord de dire, monsieur Dubé, que je suis sûr que vous êtes très sincère dans vos efforts. Je sais que vous essayez de sauver une industrie importante pour votre circonscription et que, comme tous les Canadiens, vous attachez beaucoup d'importance à la protection des emplois. Je voulais le dire publiquement.

Pour ce qui est de ce projet de loi, monsieur Lalonde, vous savez que le ministère des Finances étudie tout un ensemble de mesures fiscales. Le coût de chaque mesure fiscale est évalué en fonction du nombre de bénéficiaires potentiels de cette mesure, etc.

Je sais que le projet de loi prévoit certaines mesures qui ne sont pas à strictement parler des mesures fiscales, mais êtes-vous en mesure d'établir quel serait le coût de ce projet de loi?

M. Gérard Lalonde: De ce projet de loi-ci? Non, étant donné que le projet de loi ne précise pas le taux d'intérêt qui serait offert ni quelles seraient les modifications apportées aux règles sur les biens donnés en location-bail. Le projet de loi énonce seulement à cet égard que cette restriction serait modifiée.

M. Roy Cullen: Très bien. Si le Parlement adoptait donc ce projet de loi, dois-je comprendre que nous ne saurions pas ce que coûterait sa mise en oeuvre?

M. Gérard Lalonde: C'est juste. Vous pourriez sans doute fixer une limite réaliste au crédit d'impôt qui serait accordé. Celui-ci ne serait pas supérieur à 100 p. 100. À part cela...

M. Roy Cullen: Cette limite permettrait le passage d'un camion.

M. Paul Szabo: Ou d'un navire.

M. Roy Cullen: Je ne prétends nullement être un spécialiste de la procédure, mais j'ai l'impression que ce projet de loi comporte une dépense fiscale et qu'il s'agit donc d'un projet de loi de finances. Le Président de la Chambre ou le conseiller législatif peut ne pas partager ce point de vue.

Présumons cependant pour l'instant qu'il ne s'agit pas d'un projet de loi de finances. J'aimerais revenir sur le point qu'a abordé M. Szabo, mais j'aimerais le faire sous un angle un peu différent. Je présume que pour que le projet de loi ne soit pas considéré comme un projet de loi de finances, le conseiller législatif a recommandé de ne pas préciser certains points, ce qui explique que nous ne savons pas vraiment quel en serait le coût.

Supposons que le projet de loi soit adopté. Le Cabinet devra établir quelle sera la valeur du crédit d'impôt à l'investissement remboursable qui sera accordé ainsi que les dispositions portant sur le crédit-bail. Après avoir été adopté par le Parlement, le projet de loi sera soumis au Cabinet, qui, pour diverses raisons, pourrait ne pas être favorable à celui-ci. Le Cabinet devra cependant établir des règlements portant sur un projet de loi qu'il n'appuie peut-être pas.

Les membres du Cabinet se retrouveraient alors dans une position difficile. Ils pourraient évidemment prévoir un crédit d'impôt à l'investissement remboursable d'une valeur de zéro et des dispositions sur le crédit-bail qui ne présenteraient aucun avantage. Je blague, mais j'essaie de faire ressortir le dilemme dans lequel nous nous trouvons, même si on parvient à régler le problème que soulève M. Szabo.

• 1650

Je comprends que les fonctionnaires du ministères des Finances qui comparaissent devant nous représentent la Direction de la politique fiscale, mais ce projet de loi comporte un programme de garanties d'emprunt. Je ne sais pas si le ministère des Finances nous a dit ce que coûte un programme semblable mis en oeuvre aux États-Unis. Nous devrions savoir combien de constructeurs navals se sont prévalus de ce programme et combien d'emprunts ont dû être remboursés par le Trésor. Vous pourriez peut-être vous renseigner à ce sujet auprès d'autres fonctionnaires du ministère. Je pense que nous devrions aussi savoir à combien peut s'élever la facture totale pour ce qui est des emprunts non remboursés.

Monsieur Morrison, vous appartenez à la Division du développement économique. Si j'étais un constructeur naval, les mesures proposées devraient me paraître avantageuses, n'est-ce pas? étant donné qu'aucune limite n'a encore été fixée.

M. Bob Morrison: Je crois que l'association des constructeurs navals a proposé, au cours des deux dernières années et demie, plusieurs mesures semblables à celles qui se retrouvent dans le projet de loi au sujet du crédit-bail et des crédits d'impôt remboursables. Lors des discussions que nous avons eues avec les représentants de l'association—je crois qu'ils nous ont aussi fait part de ces suggestions par écrit—ils ont proposé un crédit d'impôt semblable à celui qu'offre le Québec, lequel repose sur une échelle mobile fondée sur la constructions de plusieurs navires.

Voici les chiffres qui nous ont été fournis il y a quelque temps par Industrie Canada. En supposant que le crédit d'impôt soit de 15 p. 100, ce qui se traduirait par une augmentation de 350 millions de dollars des investissements annuels dans le domaine naval—Industrie Canada m'a dit récemment que cela représentait environ la moitié de la capacité navale au Canada—le crédit d'impôt coûterait environ 50 millions de dollars. Ce genre de crédit d'impôt réduirait le prix d'un navire de 15 p. 100.

En supposant qu'un nombre assez important de constructeurs navals se prévalent des nouvelles dispositions sur le crédit-bail et en supposant que le bailleur paie des impôts chaque année, ces mesures coûteraient un peu plus, soit entre 60 et 90 millions de dollars. Nous nous fondons ici sur un taux de participation au programme de 50 p. 100, de 60 p. 100 et de 70 p. 100.

Les modèles très simples que nous avons mis à l'essai permettent de conclure que le relâchement des restrictions sur le crédit-bail permettrait de réduire le paiement de location de 10 à 15 p. 100. C'est la façon dont le stimulant serait versé à l'exploitant de navires pour l'encourager à acheter plus de navires. Ces deux mesures permettraient ensemble de réduire de 30 p. 100 le prix d'un navire, de sorte qu'il serait beaucoup plus avantageux de construire des navires au Canada.

M. Roy Cullen: En effet. Cela règle le problème du crédit-bail et du crédit d'impôt à l'investissement remboursable, mais pas celui de la garantie d'emprunt. Je crois que vous n'avez pas encore de données là-dessus.

M. Bob Morrison: Je ne sais pas ce qu'il en est à cet égard.

M. Roy Cullen: Supposons que ce projet de loi soit adopté sous sa forme actuelle et prévoie le crédit d'impôt et les dispositions sur le crédit-bail que vous venez de nous décrire. Je sais que les représentants de nombreuses industries présentent continuellement au ministère des Finances des façons de stimuler leurs industries. Pensez-vous que d'autres secteurs réclameront une aide semblable? Peut-on s'attendre à ce que cela soit le cas?

M. Bob Morrison: Fort probablement. Divers secteurs et industries avancent de très bonnes raisons de demander de l'aide.

• 1655

M. Roy Cullen: En effet. Si le Parlement adoptait ce projet de loi, il faudrait en déduire que l'industrie navale est considérée comme une industrie prioritaire. Il faudrait que le gouvernement dise qu'il va accorder cette aide à l'industrie navale, mais qu'il ne l'accordera pas à d'autres industries qui pourraient réclamer la même chose par la suite. Si le gouvernement décidait d'aider de la même façon d'autres industries, cette aide coûterait aussi quelque chose.

M. Bob Morrison: Oui.

M. Roy Cullen: Je soulève une question de forme. Je ne suis pas un spécialiste de la procédure, mais lorsqu'un projet de loi comporte une dépense fiscale—ce qui est le cas de celui-ci, bien que cette dépense ne soit pas précisée—je pense qu'on peut dire qu'il s'agit d'un projet de loi de finances. La Chambre devra décider si c'est le cas ou non.

Je n'ai rien d'autre à ajouter, monsieur le président. Je vous remercie.

Le président: Merci beaucoup, monsieur Cullen.

M. Epp posera la dernière question.

M. Ken Epp: Je suis sûr que M. Cullen s'opposera à ce que je vais dire, mais je pense que les grands esprits se rejoignent, parce qu'il a presque posé la question que je voulais poser moi-même.

J'aimerais obtenir une précision. Ces crédits d'impôt ne constituent une dépense pour le gouvernement que si quelqu'un s'en prévaut. Autrement dit, si une société navale ne construit pas un navire, cela ne coûte rien au gouvernement. Si la société construit un navire, cela génère des recettes pour le gouvernement, desquelles sont défalqués les crédits d'impôt. Ai-je raison à cet égard?

M. Bob Morrison: Si personne ne se prévaut du crédit d'impôt ou des autres mesures d'aide qui sont prévues, il est probablement vrai...

M. Ken Epp: Ces mesures n'ont alors aucune incidence financière.

M. Bob Morrison: ...il n'y a aucun coût. Si toutefois une activité a lieu, vous devez considérer quelles autres ressources et secteurs seront touchés. Vous allez simplement déménager peut-être des travailleurs d'une région à l'autre, ou prendre l'argent qui aurait servi dans d'autres régions pour l'investir dans le secteur de la construction navale ou dans une industrie que vous voulez aider. Cela vous coûtera peut-être la perte de bénéfices et d'activités dans d'autres régions.

M. Ken Epp: Mais s'il s'agissait de chômeurs, vous ne pourriez pas le déplorer.

M. Bob Morrison: On peut de façon générale supposer qu'il s'agit de ressources non utilisées, oui.

M. Ken Epp: Je pense que c'est le cas, et M. Dubé me corrigera probablement si je fais erreur. Je pense que s'il a présenté ce projet de loi, c'est notamment parce que nos entreprises canadiennes de construction navale sont loin de fonctionner à plein rendement. On a mis des travailleurs à pied, ce qui a entraîné des coûts élevés de chômage. Si on remettait ces travailleurs au travail, cela produirait des revenus et sous forme d'impôts sur le revenu et sous forme de cotisations à l'assurance-emploi.

Une fois cette balle lancée, comment empêcher qu'on ne fasse la même chose dans tous les autres secteurs industriels? C'est vraiment une façon radicale de penser, et peut-être devrions-nous songer à réduire considérablement les impôts des sociétés, de façon à devenir concurrentiels à l'échelle internationale, afin de faire travailler nos gens, afin de faire entrer l'argent, plutôt que de nous inquiéter de ce qu'il en coûtera au gouvernement lorsque cela se produit.

M. Bob Morrison: Je pense que c'est là l'un des messages qui découlent du dernier budget. Pour les sociétés, le gouvernement a annoncé son intention de réduire l'impôt de 28 p. 100 à environ 21 p. 100 au cours des quatre ou cinq prochaines années. C'est une solution très générale à ce problème.

M. Ken Epp: J'ai fait un calcul rapide, à raison d'un million de dollars de coûts de construction. Si vous regardez l'amortissement... Malheureusement, je n'ai jamais travaillé dans une grande entreprise, et donc je ne sais pas quel est le taux d'imposition des grandes sociétés. C'était 24 p. 100. Est-ce à peu près cela?

M. Bob Morrison: Dans le cas des grandes sociétés, à l'échelle fédérale, le taux est de 29 p. 100 et à l'échelle provinciale cela varie, mais en moyenne on peut dire que c'est 42 à 43 p. 100.

• 1700

M. Ken Epp: Vraiment?

M. Bob Morrison: À l'heure actuelle, mais ce taux est à la baisse.

M. Ken Epp: Très bien. J'ai utilisé un taux de 24 p. 100 pour chaque million de dollars. Si vous calculez l'amortissement sur quatre ans, cela donne 240 000 $ d'épargnes fiscales au taux de 24 p. 100, et donc 290 000 $ par million de dollars à un taux de 29 p. 100. Immédiatement, si vous utilisez cette somme pour construire un navire dans la région de l'Atlantique, cela vous donne encore 10 p. 100, donc encore 100 000 $. Le gouvernement récupère en fait, si on peut dire, grâce à l'amortissement et grâce à ce crédit d'impôt à l'investissement, le tiers du coût du navire. À mon avis, cela me semble déjà un bon incitatif.

Je suis donc curieux de savoir pourquoi notre industrie de la construction navale dépérit alors que dans les autres pays, elle va beaucoup mieux. Est-ce simplement qu'ailleurs, les coûts de production, les coûts de main-d'oeuvre, etc. sont de beaucoup inférieurs? Je ne vois pas ce que nous pouvons faire de plus, sauf peut-être dire: très bien, que l'on construise des navires comme on peut, avec qui on peut, et éliminons complètement le gouvernement, ce qui évidemment, comme je l'ai laissé entendre plus tôt, représenterait un précédent de taille pour tous les autres secteurs du pays. Je suis sûr que tous pourraient prétendre que,—les fabricants d'automobiles, et Bombardier, voudraient des assouplissements dans le secteur de la construction des avions, des trains, et à juste titre.

Monsieur le président, je pense qu'il serait très intéressant que nous fassions un examen de ce que donnerait une réduction considérable du taux d'imposition des sociétés dans ce pays, dans tous ces autres secteurs. J'ai l'impression que cela mettrait le pays sens dessus dessous. Mais je ne suis pas économiste; je ne suis pas théoricien. Peut-être y a-t-il des contraintes.

Enfin, c'est tout ce que je voulais dire. Si vous voulez me dire ce que vous en pensez, j'en serais heureux, mais sinon...

M. Bob Morrison: Je n'ai qu'une précision à apporter. J'ai répondu à votre question en vous donnant le taux d'imposition des sociétés le plus élevé, et vous l'avez appliqué au secteur de la fabrication. Dans ce secteur-là, le taux de toutes les sociétés est de 21 à 22 p. 100.

M. Ken Epp: Très bien. J'ai utilisé 24 p. 100.

M. Bob Morrison: Le taux de 29 p. 100 s'applique aux sociétés des secteurs autres que la fabrication, mais, selon ce qui a été annoncé dans le budget, c'est l'intention du gouvernement d'ici cinq ans de mettre en place un taux de 21 à 22 p. 100.

Le président: Avez-vous une autre question?

[Français]

M. Antoine Dubé: J'ai une question pour vous, monsieur le président, et peut-être aussi pour le greffier.

Le projet de loi a été étudié en deuxième lecture à la fin mars et il faut prévoir un délai pour que le comité fasse son rapport. Je pense que c'était le 28 mars. Je voudrais savoir quel est le délai habituel. En fait, j'aimerais connaître la suite des événements. Quand le Comité des finances devra-t-il donner une réponse au Parlement? Quand devra-t-il faire l'étude article par article et faire un rapport?

[Traduction]

Le président: Je pense que c'est en octobre, mais nous vérifierons. C'est bien 60 jours de séance?

La greffière du comité: Je pense que c'est 90 jours.

Le président: Nous vérifierons.

[Français]

M. Antoine Dubé: Le comité a 90 jours de séance à partir de l'adoption du projet de loi en deuxième lecture.

[Traduction]

Le président: En effet.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je suis venu au Comité des finances pour demander qu'on accélère l'étude. On peut prendre 90 jours, mais on peut aussi ne prendre que quelques jours. Le gouvernement peut décider d'aller plus vite. De toute façon, on est devant un fait aujourd'hui: la session prend fin ce soir. Peut-on espérer que le Comité des finances fera d'autres études s'il le faut? Peut-on espérer que des gens se mettront à la tâche durant l'été afin de répondre aux questions techniques ou aux questions d'évaluation, selon le scénario? M. Morrison a présenté un scénario. Qu'on demande à l'industrie de faire la même chose.

Je signale en passant que l'Association de la construction navale a déposé aujourd'hui des extraits de son mémoire. Je pense qu'il va suivre dans les prochains jours, mais peut-on espérer, monsieur le président, que le comité fera une requête aux divers ministères afin qu'ils nous donnent de l'information par écrit dès qu'on se reverra?

• 1705

[Traduction]

Le président: Le travail du comité se poursuit même quand la Chambre des communes ne siège pas. Par exemple, pendant l'été, nous allons recevoir des mémoires de diverses organisations canadiennes et de particuliers dans le cadre des consultations prébudgétaires et de la réforme du secteur des services financiers. C'est ce que nous faisons à titre personnel, et non comme comité; nous lisons ces mémoires de façon à être prêts pour la session de l'automne.

C'est la même chose dans le cas de votre projet de loi. Nous allons tenter de continuer à... Il y a quelques problèmes techniques qu'a soulevés M. Szabo et que je vais examiner personnellement pour voir si en fait il a raison, et pour voir s'il y a des façons de modifier le projet de loi pour qu'il devienne acceptable aux membres du comité.

Vous pouvez être assuré que le travail se poursuivra, et nous allons rester en contact pendant l'été.

[Français]

M. Antoine Dubé: Monsieur le président, je ne suis pas un membre régulier du Comité des finances, mais je vous assure de mon entière disponibilité à partir de maintenant pour qu'enfin quelque chose se produise, pour qu'on donne un suivi à cela.

[Traduction]

Le président: Je ne pense pas que vous deviez attendre un appel pour vous inviter à une réunion du comité cet été. Je ne pense pas que le comité se réunisse au cours de l'été. Nous allons nous réunir à l'automne, à notre retour. Cela ne signifie pas toutefois que les attachés de recherche, d'autres membres du comité et moi-même n'allons pas continuer le travail du Comité des finances; au contraire, il le faut. C'est la seule façon de nous préparer à faire face aux défis que représentent l'examen du secteur des services financiers et les consultations prébudgétaires. Essentiellement, c'est la même chose que l'examen de 1993 du régime de sécurité sociale.

Monsieur Epp.

M. Ken Epp: Dans ce contexte, je ne veux pas décourager M. Dubé, mais nous sommes censés revenir ici le 18 septembre. La Chambre reprend alors ses travaux. Or si des élections étaient tenues le 23 octobre, il faudrait que le décret soit émis le 17 septembre, soit la veille du retour prévu.

Le président: De quelles élections parlez-vous? S'agit-il du troisième tour de l'Alliance canadienne? Avez-vous de nouveaux candidats que je ne connais pas?

Des voix: Oh, oh!

Le président: Monsieur Dubé, très sérieusement, je ne saurais trop vous remercier d'avoir attiré l'attention du comité sur cette question. Vous vous préoccupez de cette question, et je pense que vous avez très bien présenté le dossier. Il y a quelques problèmes. Nous allons les examiner. Mais je pense que vous avez fait de l'excellent travail, et nous allons voir ce que nous pouvons faire.

M. Antoine Dubé: Très bien.

Le président: Au cours de l'été, sentez-vous tout à fait libre de communiquer avec moi.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je ne sais pas quelles sont les habitudes du comité, mais si, par exemple, on avait une évaluation écrite ou que des renseignements étaient mis à la disposition du comité, est-ce que les membres du comité et le parrain du projet de loi pourraient être informés et recevoir ces informations?

[Traduction]

Le président: Oui, certainement.

[Français]

M. Antoine Dubé: Je termine en souhaitant...

[Traduction]

Le président: Savez-vous que je vous traite comme un membre du Comité des finances dans le cas de l'examen de ce projet de loi...

[Français]

M. Antoine Dubé: Bien sûr.

[Traduction]

Le président: ...parce que vous avez assisté à toutes les réunions. La greffière et les attachés de recherche recevront instructions de vous traiter comme si vous étiez un membre du comité. Toute information que nous recevrons, vous la recevrez aussi. Cela vous convient?

M. Antoine Dubé: Ça va.

[Français]

Je vous en remercie et je suis content qu'on ait entendu des points de vue différents. Je pense que pour le gouvernement, la question est simple: veut-on aider la construction navale? M. Epp a fait un bon commentaire que je partage: le gouvernement ayant dit le 28 mars en Chambre qu'il veut aider la construction navale, il reste à savoir si ce sera avant les élections. Je vais collaborer, mais si le gouvernement faisait en sorte que cela ne passe pas avant les élections, de tout gentil que je suis habituellement, je pourrais changer de ton. Merci.

[Traduction]

Le président: Très bien.

[Français]

M. Antoine Dubé: Bonnes vacances.

• 1710

[Traduction]

Le président: Merci pour cet avertissement.

Encore une fois, monsieur Morrison et monsieur Lalonde, merci pour votre participation. Vous avez fait un excellent tour d'horizon. Merci.

La séance est levée.