INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 6 :
LES FORCES ÉCONOMIQUES QUI TIRENT LA PRODUCTIVITÉ
Processus et stratégies économiques
Dans presque tout le monde occidental, le deuxième millénaire a été témoin d'une croissance sans précédent de la richesse matérielle qui s'est opérée essentiellement en deux phases, une troisième s'annonçant à l'aube du troisième millénaire. Ces trois phases se distinguent l'une de l'autre par les processus économiques qui les ont marquées : le commerce, l'industrialisation et l'innovation. Vint d'abord le commerce : grâce à ses abondantes ressources naturelles, le Canada a pu, dès les débuts de la colonisation par les Européens, détenir un avantage concurrentiel. Sa stratégie économique qui a consisté à spécialiser sa production dans les industries extractives et à exploiter ses talents de commerçant s'est révélée très fructueuse -- stratégie qui a été maintenue et qui, encore aujourd'hui, continue en quelque sorte à animer les efforts du secteur canadien des affaires.
À partir de la deuxième moitié du dix-neuvième siècle, les nouveaux progrès en sciences appliquées, la division croissante du travail et le développement d'organisations plus complexes ont fait de l'industrialisation le principal moteur de la prospérité. Ce phénomène, qui veut que les économies d'échelle et de gamme amènent des augmentations massives de la quantité et des types de produits fournis, repose essentiellement sur le capital physique et financier. La taille d'une nation industrielle exprimée en fonction de sa population et de son capital national, et non de son patrimoine naturel, devint donc le facteur déterminant de la richesse. Le Canada a réagi à cette évolution en adoptant des politiques qui ont favorisé la création d'un centre industriel en Ontario et au Québec et qui s'appuyaient surtout sur l'importation de capital étranger et de technologies d'avant-garde. Cette stratégie économique s'est avérée assez fructueuse pour un petit pays à la population éparse, mais l'ouverture récente des marchés étrangers dans le cadre de l'ALE et la tendance à la mondialisation ont encore renforcé cette stratégie d'amélioration de la productivité.
Le troisième millénaire nous offre une autre option économique pour parvenir à la prospérité : l'innovation. Des percées scientifiques décisives ont accéléré le rythme des progrès techniques pour ce qui est tant des produits que des technologies de production. L'innovation est le fruit de l'application des connaissances obtenues à partir d'investissements dans la R-D, notamment de l'adaptation de la R-D étrangère et de sa diffusion à l'échelle de l'économie nationale. La matière grise, ou le « capital humain », est l'instrument de ces gains de productivité. Le secteur des affaires canadien n'a pas encore embrassé systématiquement l'innovation à une échelle suffisamment grande pour jouir d'un avantage en matière de création par rapport à ses concurrents étrangers, et le pays commence à peine à s'attaquer aux défis du point de vue des politiques gouvernementales que suppose ce phénomène économique.
Chacun de ces trois phénomènes économiques et chacune des stratégies qui les accompagnent concernent de nombreuses forces qui contribuent de différentes manières à une augmentation de la productivité, dont : 1) l'exploration et la mise en valeur des ressources naturelles; 2) le commerce international et le commerce interprovincial; 3) l'investissement, l'IED et la formation de capital; 4) les capacités organisationnelles et les stratégies commerciales; 5) les cadres de réglementation et de concurrence; 6) l'innovation, la R-D et la propriété intellectuelle; 7) la formation du capital humain et 8) les conditions macro-économiques et la fiscalité. Le Comité examinera ces moteurs de la productivité dans les sections qui suivent, à l'exception des trois derniers. Étant donné que l'innovation, le capital humain et la structure de l'impôt des sociétés sont l'activité principale, la ressource et le levier politique, respectivement, d'une économie fondée sur le savoir, ils feront l'objet de chapitres distincts.
Exploration et mise en valeur des ressources naturelles
L'une des méthodes les plus anciennes d'accroissement de la productivité d'une nation est l'exploration et la mise en valeur des ressources naturelles. En fait, la productivité globale d'un pays ou d'une région est souvent fonction de la quantité et de la qualité de ses ressources naturelles. Imaginons, par exemple, une carte régionale de la productivité du Canada. L'Ontario, l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec -- dans cet ordre -- sont les provinces qui affichent la meilleure productivité en raison, notamment, de la forte valeur ajoutée par travailleur dans le secteur des ressources naturelles. La productivité atteint son niveau le plus bas au Canada atlantique, où le patrimoine naturel est modeste. L'Alberta doit sa productivité à l'industrie pétrolière et gazière, la Colombie-Britannique, à son charbon et à ses forêts et le Québec, à l'énergie électrique et à l'extraction minière33. Les ressources naturelles peuvent également jouer un rôle dans la croissance de la productivité. À preuve, le projet de mise en valeur du champ pétrolifère Hibernia et le nouveau projet de mine de nickel de la baie Voisey à Terre-Neuve et au Labrador.
Le Comité ne voudrait pas donner à penser que le patrimoine naturel d'un pays décidera en fin de compte de son niveau de productivité. Il a fait observer précédemment que la France, l'Italie et le Japon, qui comptent parmi les pays du G7 dont le secteur des ressources naturelles est relativement petit, ont une productivité globale très élevée. En fait, la spécialisation dans des activités à forte intensité de capital humain et physique peut s'avérer une stratégie plus efficace. Donc, la richesse de ses ressources naturelles ne garantit pas à un pays une forte productivité tandis que le manque de ressources naturelles ne le condamne pas à une faible productivité. Qui plus est, lorsque les ressources disponibles sont fugaces et facilement épuisables, par exemple le poisson, de solides compétences en gestion et des pratiques exemplaires sont requises pour prévenir une catastrophe écologique et économique. Un examen soigneux des données sur la productivité des pêches au Canada atlantique aurait pu nous mettre en garde contre l'effondrement des stocks de morue. Enfin, s'il y a une leçon à tirer de l'expérience des pêches, c'est que la bonne intendance des ressources passe par une production à valeur ajoutée plutôt que par l'augmentation de l'effort de pêche à la faveur de différentes subventions gouvernementales.
La pêche au crabe est toujours en très bonne santé à Terre-Neuve. On y pêche le crabe, on le nettoie, on le surgèle et on l'expédie au Japon. Nous avons trouvé un créneau qui nous permet de travailler avec une grande entreprise alimentaire pour assurer la transformation de ce crabe à Terre-Neuve, pour en faire un produit ayant une plus grande valeur ajoutée -- autrement dit, pour en faire des produits gastronomiques distribués par des épiceries fines du Canada et des États-Unis -- de manière qu'il y ait ainsi plus d'emplois à Terre-Neuve qu'il n'y en aurait eu si la ressource avait simplement été exportée à l'étranger. [Colin Isaacs, Institut pour le développement durable, 22:9:40] |
Certains commentateurs économiques déplorent même le succès remporté par le Canada dans la mise en valeur de ses ressources naturelles parce qu'ils estiment que notre pays en dépend trop. Ils font ressortir que la valeur de la production du secteur des ressources naturelles en pourcentage du PIB tout comme le prix des produits de base (corrigé de l'inflation) sont à la baisse depuis plus d'un siècle. Ce recul mérite certes réflexion :
... pour la plupart des produits au cours du XXe siècle... il y a une baisse à long terme des prix réels. L'aspect positif, c'est que tout d'abord, grâce à la technologie, grâce à une main-d'oeuvre très instruite, et grâce à l'application continue de nouvelles technologies, nous sommes en mesure d'offrir notre produit aujourd'hui à un prix moindre, dans certains cas, que nous pouvions l'offrir en 1920. Cette baisse de prix à long terme devrait permettre de rassurer le consommateur, qui y verra une indication selon laquelle aucune pénurie n'est envisagée pour ces produits qui sont tellement nécessaires. Que ce soit dans le secteur de la haute technologie, dans l'industrie informatique ou dans l'industrie aérospatiale, entre autres, nous sommes en mesure de livrer ce produit de façon concurrentielle. [Gordon Peeling, l'Association minière du Canada, 23:17:15] |
Les Canadiens sont donc plus productifs et plus riches en raison de cette spécialisation.
D'autres commentateurs croient par contre que, malgré l'exemple des pêches donné ci-dessus, parce que les ressources naturelles offrent relativement peu de possibilités d'activité à valeur ajoutée, de différenciation et de marquage, elles se prêtent facilement à la vente en fonction du prix seulement. La mentalité traditionnelle de « bûcherons et porteurs d'eau » pourrait nuire à l'expérience et à la pratique des affaires du Canada à l'ère d'une économie axée sur le savoir où la valeur ajoutée et la différenciation des produits par le marquage et d'autres moyens sont les stratégies gagnantes. Le Comité estime cependant que cette conclusion est prématurée. La productivité future du Canada dépendra également de la souplesse et de l'adaptabilité de son secteur des affaires ainsi que de la qualité, réputée dans le monde nous dit-on, de ses écoles de commerce.
Commerce international et commerce interprovincial
Le Canada, à titre d'économie relativement petite, a toujours compté sur les marchés étrangers pour sa prospérité. Le commerce permet aux entreprises canadiennes d'étendre leur champ d'activités au-delà du marché national tout en assurant aux Canadiens l'accès aux produits et services du monde entier aux meilleures conditions. Au dire d'un témoin, cette situation constitue un défi pour les entreprises canadiennes : « Quand on fait le commerce avec d'autres pays, cela nous force à être plus compétitifs. » [Serge Nadeau, 2:9:50]. Autrement dit :
... commerce et compétitivité sont inextricablement liés entre eux. Le Canada doit être compétitif pour vendre ses produits à l'étranger et même sur son marché intérieur, face à la concurrence étrangère. Parallèlement, parce que le Canada ne produit qu'une fraction très faible de la R-D et de l'innovation technologique à l'échelle mondiale, il est obligé de commercer et de recourir à l'investissement direct bilatéral pour acquérir les biens d'équipement, la technologie et les compétences gestionnaires et organisationnelles dont il a besoin pour être compétitif. De plus, comme notre marché ne représente que 2 % du PIB mondial... nous devons commercer pour profiter des économies d'échelle et de gamme qui sous-tendent la productivité. Donc, nous affrontons la concurrence lorsque nous commerçons et nous commerçons pour pouvoir soutenir la concurrence. C'est simple. [John Curtis, 19:9:15] |
Le Canada est, par habitant, le plus gros commerçant des pays du G7 et il est l'un des pays les plus ouverts au monde. Le Comité s'est cependant laissé dire que le Canada, paradoxalement, n'est pas une nation de commerçants :
Le Canada est en réalité un pays exportateur. Nous sommes le pays le plus ouvert au monde, en fait. Cependant, le Canada n'est pas un pays d'exportateurs. Presque 25 % de toutes les exportations canadiennes sont faites par seulement cinq compagnies. Les autres exportations sont faites par d'autres compagnies, mais il faut dire qu'environ 50 exportateurs font presque 50 % de toutes les exportations. Les cinq principaux exportateurs canadiens sont les trois grands de l'auto, IBM et la Commission canadienne du blé. [Serge Nadeau, 2:9:50] |
Toutefois, ces chiffres montrent uniquement que les exportations ne sont pas réparties uniformément entre les exportateurs canadiens; d'autres données peignent un tableau légèrement différent.
Il y en a bien cinq qui dominent, mais nous avons aussi un certain nombre d'entreprises de plus grande envergure qui justifient d'une grande part de nos exportations... Nous avons un répertoire de quelque 20 000 entreprises prêtes à exporter. Certaines le font déjà tandis que d'autres sont prêtes à le faire. [Louise Charron Fortin, Affaires étrangères et Commerce international Canada, 19:11:00] |
Le Canada est en outre un chef de file dans l'arène de la politique commerciale internationale. Notre pays a travaillé d'arrache-pied à l'établissement d'un système commercial international fondé sur des règles plutôt que sur la puissance. Ce régime lui convient beaucoup mieux comme pays commerçant de taille moyenne. En plus de participer aux négociations multilatérales de l'Organisation mondiale du commerce (OMC), le Canada a négocié de nombreux accords bilatéraux, dont l'ALE en 1988, l'Accord de libre-échange Canada-Israël en 1989, l'Accord de libre-échange nord-américain (ALENA) en 1994 et l'Accord de libre-échange Canada-Chili en 1997. Le Canada a également entamé des pourparlers sur le libre-échange dans le cadre des négociations de la ZLEA avec les pays de l'Organisation des États américains (OEA) et il a entrepris des démarches analogues auprès de l'Union européenne (UE), de l'Association européenne de libre-échange (AELE) et de l'Organisation de coopération économique Asie-Pacifique.
Un accord commercial n'est pas en lui-même le gage d'un commerce accru et d'une production efficiente. Il faut chercher des débouchés et engager certaines dépenses. Une question intéressante se pose alors : Le gouvernement a-t-il un rôle à jouer dans la promotion des exportations? Autrement dit, comment les coûts devraient-ils être partagés entre le gouvernement et les éventuels exportateurs? La réponse à la première question semble être oui, jusqu'à un certain point, à en juger par les nombreux services offerts par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international :
Les entreprises ont besoin d'informations et de renseignements commerciaux pour réussir, pour maintenir leur compétitivité et pour demeurer à la fine pointe du marché. Le ministère leur fournit ce service au moyen de rapports sur le marché régulièrement actualisés. À l'heure actuelle, nous produisons quelque 560 rapports visant environ 25 secteurs pour pratiquement la totalité de tous nos grands partenaires commerciaux. Nous faisons 220 nouvelles mises à jour par année. Ces rapports sont disponibles en ligne, c'est-à-dire tous les jours, 24 heures par jour, et sont accessibles de n'importe où dans le monde. Les usagers doivent pouvoir avoir accès instantanément à ces renseignements. Le marché mondial évolue à un rythme qui, pour être honnête, laissera les timorés derrière. Nous avons 17 000 clients enregistrés qui utilisent ces rapports. [Louise Charron Fortin, 19:9:25] |
L'argument économique en faveur de ces efforts était le suivant :
... lorsqu'on passe du niveau des secteurs à celui des entreprises et des produits, on réalise que, bien qu'en dernière analyse ce soit le produit qui affronte la concurrence sur le marché international, la qualité du produit, ou même son prix, n'est pas le seul critère de succès. L'expertise en marketing de l'entreprise, l'efficacité de ses canaux de distribution et sa capacité à nouer des partenariats internationaux entrent aussi en ligne de compte. Voilà pour le niveau de l'entreprise. Ensuite, il faut tenir compte de certaines caractéristiques propres à chaque pays... l'image de marque, c'est-à-dire la crédibilité de l'étiquette « fabriqué au Canada », qui peut être et qui est effectivement favorisée par les activités de promotion et d'exportation du gouvernement... [John Curtis, 19:9:15] |
Notre performance sur le plan du commerce interprovincial n'est pas aussi reluisante. Les échanges qui se faisaient au Canada d'est en ouest entre les provinces prennent désormais des allures internationales et épousent un axe nord-sud, l'écart entre le commerce international et le commerce interprovincial étant maintenant de plus de 20 points de pourcentage en faveur du premier (environ 40 % du PIB par comparaison à 20 %). Parmi les facteurs qui contribuent à cet état de choses figurent l'ALE et l'absence de règles strictes dans l'Accord sur le commerce intérieur. Les obstacles au commerce interprovincial imposeraient des coûts annuels de 7 milliards de dollars à l'économie canadienne, ce qui représente une perte de 1 % pour le PIB, de sorte qu'il n'est pas surprenant que la plupart des experts en commerce croient qu'il est plus facile pour les Canadiens de commercer à l'étranger que chez eux34. Voici à ce sujet le point de vue de l'industrie aérospatiale du Canada :
Nous trouvons vraiment bizarre qu'il y ait autant de barrières pratiquement tarifaires entre les provinces au Canada tant pour la main-d'oeuvre que pour les biens et marchandises. Nous avons l'expérience du commerce mondial, puisque nous vendons nos produits à 54 ou 55 pays, et souvent il est plus facile d'expédier des biens et des services vers ces nations que de les faire circuler d'une province à l'autre... franchement... notre pays a un énorme potentiel de croissance supplémentaire, mais ces barrières qui se sont mises en place avec le temps sont devenues un obstacle à cette croissance. Nous devrions tout faire pour encourager une plus grande mobilité et une accréditation universelle de la main-d'oeuvre... Il faut encourager encore plus ce genre d''initiative. Que les biens et les personnes puissent se déplacer le plus facilement possible d'un bout à l'autre du pays ne peut qu'améliorer d'une matière radicale notre productivité. [Peter Smith, Association des industries aérospatiales du Canada, 25:10:00] |
Il n'est pas surprenant qu'on ait dit au Comité qu'il fallait éliminer les obstacles au commerce et à l'investissement interprovinciaux qui ont fragmenté une économie déjà petite35. Le Comité est d'accord et recommande :
11. Que le gouvernement du Canada cherche à conclure avec les provinces un meilleur accord sur le commerce intérieur qui éliminerait les obstacles au commerce interprovincial qui restent et renfermerait un mécanisme de règlement des différends et des dispositions de mise en uvre modelés sur ceux de l'Accord de libre-échange nord-américain, mais adaptés au contexte canadien.
Investissement intérieur et étranger et accumulation du capital
L'investissement dans le capital physique, notamment le matériel et l'outillage (M&O), a déjà été identifié comme un facteur clé de la productivité : les travailleurs sont simplement beaucoup plus productifs si le capital matériel est plus abondant et de meilleure qualité. De plus, plus ce capital est nouveau, plus il y a de chances qu'il fasse appel aux meilleures technologies, d'où un stimulant de plus pour la productivité. Le Comité ajouterait aussi que des systèmes financiers solides, stables et concurrentiels favorisent un transfert efficient de l'épargne des particuliers au secteur des entreprises aux fins d'investissement. Ici, le gouvernement fédéral pourrait grandement moderniser le cadre législatif du secteur des services financiers pour répondre à la stupéfiante évolution technologique qui a étendu la portée des fournisseurs de services financiers au-delà des frontières nationales et des piliers où ils étaient historiquement confinés (banques, sociétés de fiducie, compagnies d'assurance et maisons de courtage).
En juin 1999, Finances Canada a déposé devant le Parlement un livre blanc intitulé La réforme du secteur des services financiers canadiens, où sont abordées ces préoccupations, parmi d'autres. Ce document recommande un certain nombre de changements, en prenant pour principes la promotion de l'efficience et de la croissance, la stimulation de la concurrence intérieure, l'accroissement du pouvoir et la protection des consommateurs de services financiers et l'amélioration du contexte réglementaire. Le gouvernement présentera bientôt une loi destinée à réaliser ces réformes. Par conséquent, le Comité recommande :
12. Que le gouvernement du Canada modernise son cadre législatif dans le secteur des services financiers afin d'améliorer la productivité.
De tout temps, l'économie canadienne s'est caractérisée par une forte dépendance vis-à-vis du capital étranger comme source de travail et de technologie; cependant, pour la première fois, depuis 1997, les investissements du Canada à l'étranger sont supérieurs à l'IED au Canada. L'ouverture des marchés mondiaux au cours des deux dernières décennies a incité les entreprises canadiennes à investir à l'étranger pour offrir un meilleur service à leurs clients de l'extérieur. Le commerce et l'IED ne sont donc plus considérés comme des substituts, le deuxième étant utilisé pour surmonter les obstacles tarifaires et non tarifaires imposés au premier, mais plutôt comme des compléments. Ainsi, l'IED au Canada a représenté plus de 10 % de la formation brute de capital fixe en 1997, ce qui engloberait les structures résidentielles et commerciales du secteur privé de même que le M & O, contre plus de 19,2 % pour l'IED à l'étranger36. À l'échelle internationale, le Canada s'est classé au neuvième rang comme destinataire (16,5 milliards $US) en 1998 et au sixième rang comme investisseur (26,6 milliards $US).
Aussi impressionnantes que soient ces statistiques, il y a encore lieu de s'améliorer. Les investisseurs nationaux doivent s'ouvrir davantage sur le monde; pour être concurrentielles à l'échelle internationale dans le nouvel environnement de la mondialisation, les entreprises doivent adopter des stratégies mondiales en matière de commerce international et d'investissement étranger. L'exigeant marché canadien est un excellent point de départ à partir duquel augmenter la force de frappe de leurs produits clés et procédés de fabrication.
Pour ce qui est des investisseurs étrangers, le Comité s'est laissé dire que les entreprises étrangères sont, généralement parlant, plus productives que leurs homologues nationales :
L'investissement direct étranger est bon pour la productivité... Pour montrer que l'investissement étranger est bon, les analystes montrent que les firmes contrôlées par l'étranger sont plus productives que les firmes sous contrôle national... Ce qu'on voit... c'est un écart global de 13 % entre les firmes sous contrôle canadien et celles sous contrôle étranger. Donc, en moyenne, les firmes sous contrôle étranger au Canada sont de 13 % plus productives que les firmes sous contrôle canadien. [Serge Nadeau, 2:9:45] |
Non seulement les entreprises étrangères représentent une source d'importation de la R-D, mais elles en sont aussi une importante source nationale :
Quand je faisais mes études, nous considérions que le Canada était une économie de filiales. Cette expression désignait simplement le fait que les firmes étrangères présentes au Canada étaient des firmes tronquées. Elles n'avaient pas une gamme complète d'activités. Elles faisaient toute leur R-D à l'étranger et, plus important encore, elles en faisaient même moins ici que les firmes nationales. Les données des 15 dernières années portent à croire que cette image n'est pas exacte. Nous disposons d'une enquête sur l'innovation qui porte à penser que, depuis 1993, les firmes étrangères sont plus susceptibles de faire de la R-D au Canada que les firmes canadiennes. Quand on sépare les firmes nationales de celles qui sont multinationales ou sous propriété étrangère, on constate très peu de différence entre ce groupe et le groupe des étrangères. Toutefois, le groupe des étrangères reste légèrement en avance du point de vue de sa tendance à avoir des installations de R-D et à faire de la R-D continue dans un service distinct -- ce sont tous les facteurs qui les rendent dans un certain sens plus actives en R-D. Ces firmes signalent aussi qu'elles ont recours aux innovations plus fréquemment que les firmes canadiennes. [John Baldwin, 2:10:15] |
Étant donné l'importance de l'IED pour la concurrence, et malgré les 45 000 emplois créés par milliard de dollars d'IED, la perte de la part relative de l'IED destiné à l'Amérique du Nord dont il est fait état au chapitre 3 mérite un examen plus poussé37. L'ampleur et la source de ce problème ont été définis ainsi :
... les investissements directs étrangers du Canada sont passés de 90 milliards de dollars en 1985 à environ 217 milliards de dollars en 1988. Il s'agit des investissements cumulatifs que les entreprises étrangères ont effectués au Canada. Dans le contexte de ce qui se passe à l'intérieur de l'Amérique du Nord et dans le monde, vous remarquerez qu'entre 1985 et 1998 la part du stock d'investissements directs étrangers nord-américains que détient le Canada a chuté, passant d'environ 25 % à un peu plus de 13 %. Une bonne partie de cette baisse est attribuable, dans une proportion de plus de 90 %, à la réduction de la part du stock d'investissements directs étrangers des États-Unis au Canada. [Rocco Delvecchio, Industrie Canada, 19:9:40] |
Cette performance relativement médiocre remet en question la capacité du Canada de soutenir la concurrence dans une économie axée sur le savoir.
De plus en plus, d'après les courants de l'opinion, l'économie mondiale, surtout les économies des pays industrialisés, passe d'une économie fondée sur les ressources à une économie davantage axée sur les connaissances... Il vaut la peine de noter que, dans ce contexte, les industries basées sur les connaissances sont vraiment plus libres de toutes attaches que les industries primaires. Dans un certain sens, on ne peut supposer que certaines des industries fondées sur le savoir -- par exemple la conception de logiciels -- seraient ancrées dans une région ou une partie du pays ou dans une partie du monde. C'est une partie de la réalité qui rend d'autant plus intense la concurrence dont sont l'objet les investissements -- surtout dans les secteurs fondés sur le savoir, à haute valeur ajoutée et à forte croissance. [Rocco Delvecchio, 19:9:40] |
Dans ces circonstances, un témoin a dit s'interroger sur les raisons que le Canada avait d'imposer des restrictions à la propriété étrangère dans des secteurs clés de la haute technologie.
Je connais un secteur qui relève entièrement du gouvernement où il est incontestable que celui-ci s'est tiré dans le pied. En dépit de tout l'intérêt que l'on porte à la productivité et de tous les efforts qu'Industrie Canada déploie pour l'améliorer, pourquoi diable a-t-on imposé des restrictions à AT&T en vertu des règlements sur la propriété étrangère? AT&T a toujours été à l'origine d'un plus grand nombre d'inventions que, pour ainsi dire, n'importe quelle autre société. C'est une des entreprises les plus innovatrices dans un des secteurs les plus innovateurs et les plus importants. [Dale Orr, 10:10:35] |
Dans l'intérêt d'une meilleure productivité et d'une plus grande concurrence, le Comité recommande :
13. Que le gouvernement du Canada évalue, secteur par secteur, les restrictions à la propriété étrangère actuellement imposées au monde des affaires et effectue une analyse économique de leurs avantages et de leurs coûts.
Et :
14. Que le gouvernement du Canada analyse ses mécanismes de réglementation et son cadre administratif sous l'angle des obstacles à l'investissement au Canada et supprime ces derniers, lorsqu'ils vont à l'encontre du bien commun.
Capacités organisationnelles et stratégies
Le siècle dernier a été témoin d'énormes changements dans l'organisation de l'entreprise. À l'origine, l'exploitation des grandes économies d'échelle et de gamme inhérentes aux nouvelles technologies nécessitait une imposante structure de gestion, les cadres supérieurs donnant des instructions que devaient mettre à exécution des divisions spécialisées (p. ex. production, achats, finances, vente et distribution, marketing, recherche). Le champ d'action et la structure de ces divisions variaient, mais chacune avait sa propre administration de sorte que la supervision, la surveillance et le contrôle sont inévitablement devenus plus complexes et plus exigeants pour les cadres supérieurs de l'entreprise. Les opérations à grande échelle laissaient aussi les entreprises à la merci des principaux fournisseurs de matières premières et des fabricants de sous-ensembles. La solution consistait souvent à mettre oeuvre une stratégie d'intégration horizontale et verticale pour préserver la productivité du réseau d'entreprise et la rentabilité de son capital. La capacité de production des dimensions horizontale et verticale exigeait cependant qu'une plus grande attention soit portée à la coordination de toute la chaîne à valeur ajoutée.
En fin de compte, les pressions exercées sur la direction par cette structure organisationnelle se sont révélées insupportables. Les entreprises continuaient à prendre de l'expansion, mais les indicateurs de rendement ne dénotaient pas une augmentation proportionnelle de la productivité, d'où la nécessité d'une nouvelle réorganisation. La solution a souvent consisté en une entreprise composée de multiples unités, dont les cadres supérieurs, responsables de la planification, allouaient du capital et des ressources aux cadres intermédiaires qui dirigeaient des unités fonctionnelles structurées en fonction de gammes de produits ou de régions géographiques particulières. Ces nouvelles divisions sont devenues des centres de profit; comme auparavant, elles employaient leurs propres administrateurs, mais la responsabilité des décisions relatives aux activités quotidiennes étaient de plus en plus déléguées à des cadres subalternes et à des superviseurs bien informés. Libérés de leurs responsabilités liées à l'administration et au marketing tactique, les cadres supérieurs pouvaient enfin consacrer leur temps et leurs efforts à la surveillance des cadres intermédiaires et à l'exploitation d'une espèce de marché financier en miniature.
De tels changements organisationnels ne consistent pas en un simple « réarrangement des fauteuils de la direction »; ils ont des répercussions sur la productivité globale et la rentabilité de l'entreprise à mesure que ses activités prennent de l'ampleur. Le Comité s'est laissé dire ceci :
La croissance de la productivité est la progression de notre efficience en production. Elle est fonction de l'enrichissement de nos connaissances et de nos techniques de production. Elle s'opère parce que les établissements croissent et exploitent des économies d'échelle, utilisent une main-d'oeuvre de meilleure qualité ou conçoivent de meilleurs produits. Elle peut également tenir à des changements organisationnels de gestion des établissements ou de modes d'organisation de la production. [John Baldwin, 2:9:05] |
Les efforts déployés plus récemment par les stratèges et par les gourous de la gestion ont en fait propulsé l'entreprise dans la direction opposée. Les gestionnaires, sur qui des pressions s'exercent actuellement pour qu'ils augmentent la productivité par le biais de l'innovation plutôt que des économies d'échelle, se sont attachés à concevoir des stratégies de production sans gaspillage et à restreindre leurs activités essentielles tout en sous-traitant les fonctions non essentielles et les activités liées aux sous-ensembles. La déstratification de la pyramide hiérarchique et la constitution d'équipes multidisciplinaires pour tirer parti des compétences des travailleurs de l'entreprise ont entraîné une augmentation de la productivité. L'entreprise qui connaît du succès doit toutefois s'assurer qu'il y a sous-traitance de la capacité périphérique plutôt que du savoir, laquelle, étant donné son caractère particulier et « libre de toute attache », doit faire l'objet d'une recherche, d'une intégration et d'un maintien vigilants.
Même si la structure et l'organisation des secteurs manufacturiers canadien et américain sont considérées comme très similaires (sauf en ce qui concerne leur taille), une analyse des données sur la productivité montre que le Canada a tendance à recourir plus volontiers à la sous-traitance que les États-Unis :
On note des choses curieuses dans les différences entre le Canada et les États-Unis, notamment le fait que d'après les données il semble que le secteur manufacturier canadien utilise des intrants intermédiaires à un taux de croissance beaucoup plus rapide que son homologue américain. Depuis dix ans, le rythme d'augmentation des intrants canadiens appelés intermédiaires -- on pense aux services ou aux biens en transformation -- a été supérieur de 30 % à celui des intrants intermédiaires américains. Il y a donc une différence marquée entre les deux pays, à laquelle on ne peut apporter aucune explication systématique. Il se pourrait que la sous-traitance ait été plus grande. Il se pourrait que la circulation des composantes entre les deux pays ait augmenté à cause de la plus grande spécialisation résultant du libre-échange. [Richard Harris, 20:16:10] |
Au-delà de la structure et des capacités de toute organisation commerciale se situent les tâches interminables que sont la recherche de l'efficacité opérationnelle et la conception et la mise en oeuvre de stratégies commerciales appropriées. L'efficacité opérationnelle peut résulter d'un certain nombre de nouvelles techniques, dont la gestion de la qualité totale et l'analyse comparative. La stratégie de l'entreprise, qui dépendait autrefois du positionnement sur le marché dans un environnement plutôt statique, s'est élargie pour englober le maintien d'un avantage concurrentiel, l'apprentissage et la gestion du changement dans un environnement dynamique. En fait, d'après des témoignages entendus par le Comité, la stratégie d'entreprise serait essentielle à la compétitivité :
... le degré de perfectionnement de la stratégie et de l'exploitation d'une entreprise est fonction des choix stratégiques fondamentaux de cette entreprise, et... ces choix déterminent la mesure dans laquelle l'entreprise se dote des outils de productivité et de compétitivité auxquels elle peut faire appel. Si l'entreprise ne se fixe pas des aspirations et des objectifs suffisamment élevés -- si elle se contente de vouloir être une bonne entreprise canadienne plutôt qu'une bonne entreprise mondiale --, elle va vouloir jouer seulement au Canada ou dans une partie du Canada. Et pour gagner sur son marché, elle va peut-être choisir de se servir d'une main-d'oeuvre à bon marché ou de matières premières peu coûteuses. Mais ces choix ne vont absolument pas lui permettre de devenir plus compétitive ou plus productive... une série de choix incompatibles avec l'amélioration de la compétitivité et de la productivité. [Roger Martin, 22:10:55] |
Pour certains, la stratégie d'entreprise et la compétitivité se résument, en dernière analyse, à une forte productivité :
L'augmentation de la productivité doit vraiment être partie intégrante de toute stratégie commerciale dans l'industrie canadienne de nos jours, parce que les marchés libres, une concurrence internationale très intense et la surcapacité dans de nombreux secteurs font que les entreprises ne sont absolument pas capables d'augmenter leurs prix lorsque leurs coûts de production augmentent... L'industrie canadienne est arrivée à le faire dans les dix dernières années en s'y prenant de deux manières. Elle a d'abord cherché à améliorer le rapport coût-efficacité. Cela veut dire que les compagnies s'efforcent de réduire tous leurs frais généraux, essaient de diminuer leurs stocks, optent pour la sous-traitance quand les biens et services peuvent être fournis à un coût moindre ou sont de meilleure qualité ailleurs, automatisent leurs systèmes de production, réduisent le gaspillage, font attention aux défauts, s'organisent pour ne pas avoir à remanier le travail et réduisent les délais de mise en route. Elles accélèrent le processus de production autant qu'elles le peuvent de manière à pouvoir concevoir, fabriquer et livrer à leurs clients des produits le plus vite possible avant la concurrence. Les entreprises réduisent aussi l'espace qu'il faut pour la fabrication en adoptant des systèmes d'automatisation très souples. Quant aux défauts, bien des compagnies voudraient les ramener à trois par million. C'est un objectif qui modifie vraiment la façon d'envisager l'amélioration du rapport coût-efficacité et de la productivité, la gestion des processus de fabrication et la façon de faire des affaires. [Jayson Myers, 28:10:35] |
Dans ce contexte, le Comité a appris que, malgré un
cadre micro-économique plutôt favorable
(p. ex. politique de la concurrence, réglementation, etc.), la gestion au Canada ne se
compare pas avantageusement à celle de nos principaux concurrents.
Une autre explication possible de nos mauvais résultats en productivité est la gestion. Le Canada possède le quatrième meilleur environnement micro-économique au monde, selon le Forum économique mondial. L'environnement micro-économique désigne les lois sur la concurrence, les règlements, etc. Toutefois, en termes d'activités et de stratégies des entreprises, nous arrivons au douzième rang, alors que les Américains, nos principaux concurrents, arrivent au premier. [Serge Nadeau, 2:9:55] |
Une interprétation plus accablante a été offerte au Comité :
... ce qui pose problème, c'est la nature de l'avantage en matière de concurrence que recherchent les entreprises canadiennes. Si l'on se demande si nos entreprises essaient de fonder cet avantage sur une main-d'oeuvre moins coûteuse ou des matières premières moins coûteuses, ou au contraire sur l'originalité des produits et des procédés, on constate que nous avons beaucoup plus tendance à compter sur une main-d'oeuvre à moindre coût ou des matériaux à moindre coût -- nous occupons la 21e place dans le monde sur ce plan. D'après une étude analogue, nous sommes au 20e rang dans le monde en matière d'innovation, au 19e en matière de conception de produits, et au 15e en matière de contrôle de la distribution internationale. [Roger Martin, 22:10:55] |
Le Rapport sur la compétitivité mondiale classait en outre le Canada au 17e rang pour la présence de la séquence des valeurs et au 14e rang pour le marquage.
De toute évidence, le succès dans un environnement de travail axé sur le savoir sera plus exigeant pour ce qui est de : 1) l'intégration et la coordination de toute la chaîne à valeur ajoutée, 2) l'attention à la création de nouveaux produits et 3) l'importance de la différenciation des produits et du marquage. Une différence notable, et qui complique un peu la situation, dans une économie axée sur le savoir, est que l'avantage d'une entreprise en matière d'innovation est beaucoup plus temporaire que l'avantage concurrentiel que lui confèrent des économies d'échelle. Cela est en partie attribuable aux cycles de vie plus courts des produits, mais aussi à une concurrence plus vive dans un environnement où les formules gagnantes sont plus faciles à découvrir et à imiter. En outre, les technologies de production d'une industrie innovatrice peuvent changer radicalement en très peu de temps; les activités non essentielles d'hier confiées à des sous-traitants sont les activités essentielles d'aujourd'hui sur lesquelles il faut exercer un contrôle direct. L'agencement optimal des actifs ou des capacités de production fluctue beaucoup plus dans une économie innovatrice. Ainsi, pour les cadres d'entreprise, il n'est plus question d'avoir une petite vie tranquille. Il n'est pas étonnant que la durée des fonctions du PDG d'une grande entreprise ait diminué considérablement au cours des dernières décennies tandis que son salaire a augmenté exponentiellement.
En définitive, nous n'avons pas trouvé de solution unique simple pour améliorer notre productivité. Il est clair que de nombreux facteurs influent sur notre capacité de produire des biens de façon efficace et l'efficacité organisationnelle... en [fait] partie. Au niveau de l'organisation, la capacité des gens de rassembler tous ces éléments dépend de leurs compétences fondamentales. Leur niveau d'instruction et leur formation au travail se répercutent partout, de leur capacité d'utiliser de façon optimale l'équipement à leur capacité d'effectuer de nouvelles activités rapidement et efficacement... La capacité de la direction d'innover et de sortir de nouveaux produits... ne doit pas être oubliée lorsqu'on cherche des moyens d'améliorer le rendement. [Jim Frank, 8:9:15-9:20] |
Cadres de la réglementation et de la concurrence
Un autre important facteur déterminant de la productivité et de la compétitivité est relié aux cadres de la réglementation et de la politique de la concurrence de notre pays. Dès le tournant du vingtième siècle, le Canada s'est doté de cadres pour apaiser diverses préoccupations publiques, touchant notamment les monopoles et la discrimination. Comme petit pays, le Canada a grandi avec une économie industrielle mettant en vedette quelques grandes sociétés et unités commerciales dominantes sur un certain nombre de marchés clés. Une structure de marché fortement concentrée n'est cependant pas toujours propice à la productivité, ni dans le meilleur intérêt des consommateurs et des petites entreprises. La structure micro-économique comportait donc des cadres de la réglementation et de la politique de la concurrence qui avaient comme objectif législatif de servir de complément aux efforts des intervenants sur le marché. Un témoin a résumé la situation en ces termes :
... les citoyens qui élisent un gouvernement s'attendent à ce qu'il fasse preuve de bon sens et de jugement dans les politiques et les règlements qu'il imposera à la société et qui auront une incidence sur les structures économiques et sociales. Les économies de marché qui ne comportent aucun élément de responsabilité sociale sont très dangereuses, car c'est finalement la société dans laquelle on vit... [Fraser Mustard, Institut canadien de recherches avancées, 22:10:10] |
Un autre a insisté sur la nécessité de la fiabilité et de la prévisibilité du processus réglementaire :
Le fait de disposer d'une forte capacité de réglementation qui est reconnue comme l'une des meilleures au monde est un facteur très important et le gouvernement en a d'ailleurs pris acte. Il est absolument essentiel de pouvoir compter sur un environnement réglementaire fiable et prévisible pour assurer le développement industriel... et cela donne aussi au public l'assurance et la confiance que tout produit qui en résulte est non seulement sûr mais efficace. [Paul Hough, BIOTECanada, 25:15:40] |
Évidemment, il faut arriver à mettre en place un cadre qui incite les entreprises à saisir les occasions d'affaires intéressantes qui s'offrent tout en imposant des restrictions quant aux coûts des produits et aux structures de prix dans l'intérêt des consommateurs. D'après le Rapport sur la compétitivité mondiale, le Canada a fait un travail respectable en ce sens à en juger par sa quatrième position. Cependant, il ne peut pas s'endormir sur ses lauriers étant donné l'évolution rapide du marché vers une économie axée sur le savoir. Nos cadres de la réglementation et de la concurrence doivent être adaptés à ces nouvelles circonstances.
Le Comité a cherché à approfondir cet aspect micro-économique pour ce qui est du secteur des télécommunications du Canada, où des progrès rapides au niveau des produits et de la technologie semblent abattre les murs entre des compartiments des communications auparavant distincts : la téléphonie, la communication de données, la câblodistribution et le divertissement. Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a récemment décidé d'ouvrir la voie à la concurrence pour les services téléphoniques interurbains et locaux et la distribution des services de radiodiffusion (radiodiffusion par satellite et télédistribution sans fil) et de ne pas réglementer Internet dans le cadre de son mandat de radiodiffusion. Sa récente décision relative au service téléphonique dans les zones de desserte à coût élevé améliorera sans doute la compétitivité du secteur des petites entreprises dans les régions les plus éloignées du pays, d'autant plus que la définition des services de base a été élargie pour inclure l'accès à Internet. Cela réduira vraisemblablement les chances que le paysage commercial du Canada soit parsemé de collectivités « nanties » et de collectivités « démunies ». De plus, le CRTC a promis au Comité qu'il maintiendrait sa tendance à une plus grande libéralisation du marché, étant donné les revendications croissantes des consommateurs et les produits novateurs mis en marché dans le secteur qui relève de sa compétence.
Selon le Conseil, la concurrence est le meilleur moyen pour stimuler l'innovation en matière de nouveaux produits, de nouveaux services et de meilleures offres de prix. Il n'y a pas mieux pour encourager la création de nouvelles entreprises de communication concurrentielles et de nouveaux emplois. Notre rôle diffère de celui des autres agences. Nous avons un double mandat : veiller à ce que les forces du marché jouent plus librement et à ce que les consommateurs aient accès à des services abordables... Au cours des dernières années, le Conseil a vigoureusement soutenu la concurrence des marchés, comme principal moyen d'élargir les choix proposés au consommateur, de stimuler l'innovation dans le développement de nouveaux services et de promouvoir de nouvelles options de tarification. [David Coville, Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes, 26:15:20] |
Par conséquent, ce secteur sera de plus en plus assujetti à l'application moins interventionniste du cadre de la politique de la concurrence.
Cependant, en ce qui concerne un autre marché de la haute technologie en plein essor -- les biotechnologies pharmaceutiques -- des témoins ont indiqué au Comité que, même si le fardeau réglementaire était raisonnable, une insuffisance de fonds et de personnel était source de préoccupation. Les porte-parole de l'industrie lui ont fait part de leur mécontentement au sujet des retards réglementaires dans l'approbation des produits par Santé Canada, qu'ils considèrent comme un obstacle de taille à la productivité et à la compétitivité de leur industrie.
... nous recommandons de créer un organisme distinct de la Direction générale de la protection de la santé qui sera chargé d'étudier et d'approuver les produits de la biotechnologie... [U]n article... souligne les lenteurs de l'approbation des médicaments au Canada. D'après les données, l'objectif du Canada, c'est-à-dire de Santé Canada, était de 355 jours. En fait, entre 1996 et 1998, le Canada a pris 518 jours pour approuver de nouveaux médicaments, soit un retard de 160 jours. C'est tout simplement inacceptable. Nous sommes loin derrière les États-Unis qui en sont à 365 jours, ou encore le Royaume-Uni, à 308 jours et la Suède, à 371 jours. Ce sont nos concurrents. Le temps c'est de l'argent. Nous ne pouvons nous permettre d'accuser pareil retard. [Barry McLennan, Coalition pour la recherche biomédicale et en santé, 25:10:35] |
Le gouvernement du Canada a décidé de relever le défi. Budget 2000 prévoit l'octroi de 90 millions de dollars de plus au cours des 3 prochaine années à la réglementation des produits et des procédés biotechnologiques.
33 Voir le Centre d'étude des niveaux de vie, ouvrage déjà cité, mars 1998, tableaux en annexe.
34 Trousse d'information sur l'Accord sur le commerce intérieur, 1996.
35 M. Porter et R. Martin, Canadian Competitiveness : Nine Years after the Crossroads, document présenté à la conférence du Centre d'étude des niveaux de vie, janvier 2000, p. 6.
36 Nations Unies, ouvrage déjà cité, 1999.
37 Ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, Ouverture sur le monde : Priorités du Canada en matière d'accès aux marchés internationaux 1999, chapitre 3, p. 1.