INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 11 :
LES SECTEURS DE L'AGRICULTURE,
DE L'AGROALIMENTAIRE ET
DE LA TRANSFORMATION DES BOISSONS
Contribution à l'économie et structure
Le secteur agroalimentaire a expédié pour plus de 72,8 milliards de dollars de produits et de services en 1998 (ce qui représentait plus de 8,4 % du PIB du Canada), qui s'ajoutent aux 7,5 milliards de dollars d'expéditions des transformateurs de boissons. La production agricole primaire a justifié des expéditions totalisant 28,5 milliards de dollars, soit 3,2 % du PIB. L'industrie de la transformation des aliments et boissons (commerce de détail, commerce de gros et restauration) a totalisé environ 52 milliards de dollars, ou 6,0 % du PIB.
Le secteur de l'alimentation (poisson excepté) et des boissons (alcooliques et non alcooliques) compte 3 000 établissements et emploie environ 230 000 personnes. C'est la troisième activité manufacturière en importance au Canada et elle représente environ 80 % de la consommation totale d'aliments et boissons. Ce secteur, très fragmenté, est dominé par 67 grandes entreprises dont le chiffre d'affaires dépasse 100 millions de dollars et qui justifient de 60 % des expéditions totales du secteur. Les coopératives, présentes surtout dans les sous-secteurs des produits laitiers et de la volaille, comptent pour approximativement 20 % de la valeur des expéditions.
En 1998, les exportations canadiennes de produits agroalimentaires ont totalisé 22,6 milliards de dollars et les importations se sont élevées à 16,4 milliards de dollars, ce qui a abouti à un excédent de 6,2 milliards de dollars de la balance commerciale à ce chapitre.
L'évolution technique de la production agricole s'est poursuivie à un rythme de 1 % environ par année sur les 4 dernières décennies, ce qui a entraîné une baisse des cours à long terme de la plupart des produits agricoles en termes réels. Pendant la même période, on a observé une tendance vers l'agrandissement des exploitations, tant au Canada qu'aux États-Unis, le Canada accusant toujours un peu de retard, mais de moins en moins, sur son voisin. Par exemple, d'après les chiffres du recensement de 1996, il y avait 276 548 fermes au Canada cette année-là, ce qui traduit une baisse de 18,3 % par rapport à 1976. Par contre, les superficies cultivées sont demeurées relativement stables, si bien que les exploitations agricoles sont aujourd'hui 22 % plus grandes en moyenne qu'il y a 20 ans. Ainsi, une ferme moyenne faisait environ 608 acres (422 hectares) en 1996, contre 499 acres en 1976. À la suite de ces changements d'ordre structurel, une ferme canadienne type produit maintenant suffisamment de denrées alimentaires pour nourrir 120 personnes, ce qui représente un gain de productivité de 300 % depuis les années 1950.
La très grande majorité des fermes (98 %) sont des entreprises familiales, mais leur structure juridique évolue : en 1996, 37 % des exploitations étaient des sociétés de personnes ou des entreprises familiales constituées en société. Les grandes exploitations (celles qui affichent des recettes agricoles brutes de plus de 100 000 $) représentent une proportion croissante de l'ensemble des fermes, et leur nombre a progressé de 11 % entre 1991 et 1996, tandis que le nombre des petites fermes (recettes agricoles brutes de moins de 50 000 $) a, lui, reculé de 6 %. Résultat : les grandes exploitations agricoles représentent maintenant 30 % de l'ensemble des fermes comparativement à 15 % en 1981, tandis que les petites représentent maintenant 55 % du total contre 68 % en 1981. D'après les données les plus récentes dont on dispose, plus de la moitié du revenu moyen des exploitants agricoles (estimé à 53 435 $ en 1995) provient aujourd'hui de sources extérieures, mais la proportion varie considérablement selon le genre d'exploitation et la région.
Les revenus agricoles varient d'une année à l'autre notamment en raison des caprices du temps et des fluctuations des prix des intrants et des cours mondiaux des marchandises. Dans ce contexte, le revenu hors ferme assure une certaine stabilité au financement des opérations agricoles. Dans l'ensemble, les prix des intrants ont augmenté davantage que les cours des marchandises dans les années 1990, ce qui a entraîné une baisse des revenus, et le rendement des investissements des agriculteurs (3 % avant impôt) est 2 ou 3 fois inférieur à celui des autres sous-secteurs de l'agriculture40. Un facteur contribue depuis longtemps à la performance décevante de l'agriculture primaire : il s'agit des bas cours des marchandises sur les marchés mondiaux, en particulier dans le cas du blé et des grains, qui résultent des subventions substantielles que les gouvernements d'Europe et des États-Unis offrent aux producteurs. L'ampleur du problème transparaît dans les chiffres sur le montant estimatif de l'aide aux producteurs en proportion de la valeur de la production plus les aides publiques : Canada, 17 %, États-Unis, 22 % et moyenne pour l'Union européenne, 45 %.
Les excédents de production que causent ces subventions en Europe et les entraves à l'accès aux marchés qui résultent du protectionnisme des États (de plus en plus sous la forme de mesures de protection de l'environnement, de la santé et de la sécurité), mettent en relief l'importance de la politique en matière de commerce extérieur.
Les barrières non tarifaires qui limitent l'accès aux marchés sont probablement une question qui prend de plus en plus d'importance et pourraient même devenir la plus importante. On touche ici à tout, de la santé jusqu'à la sécurité en passant par les questions d'environnement. Il est indéniable que ces barrières se répercutent sur la compétitivité du Canada et d'autres pays. Un autre atelier de notre réunion de la semaine dernière portait sur le principe de précaution. L'UE invoque maintenant couramment ce principe. [Sally Rutherford, Fédération canadienne de l'agriculture, 28:9:20] |
Abstraction faite des excédents de production causés par ces subventions, la production agricole présente certaines caractéristiques que partagent peu d'autres secteurs d'activité (peut-être le secteur du pétrole et du gaz). La plupart des terres agricoles ont un faible coût d'option, ce qui veut dire que, lorsque les cours des denrées agricoles tombent, il s'écoule beaucoup de temps avant que les terres soient finalement retirées de la production. La plupart des autres industries réduisent la production dans les mois qui suivent l'accumulation de stocks excessifs, ce qui a pour effet de stabiliser le marché. Dans le secteur agricole, il s'écoule une longue période entre les semis et la récolte; ainsi, les coûts des semis peuvent être considérés comme des coûts d'exploitation irrécupérables, du moins durant la campagne agricole courante. Ce manque de souplesse du côté de la production peut aussi dépasser une saison et on observe que de nombreuses familles agricoles cherchent un complément de revenu hors ferme (particulièrement durant les périodes de réduction de l'aide gouvernementale). Par conséquent, en dépit des baisses des prix réels de la plupart des produits agricoles signalées ci-haut, on constate que les superficies cultivées demeurent relativement constantes; il n'y a pas eu de contraction de l'offre (simplement des ventes de faillite et d'abandon d'exploitation qui restructurent la propriété). Maintenant, avec les forts gains de productivité réalisés sur les terres agricoles avec les années, aussi mentionnés précédemment, le revenu agricole peut baisser au point de friser la crise sans que cela ne déclenche pour autant de mesures correctives ou stabilisatrices.
L'agriculture est aux prises avec une crise de ce genre en 2000. Les cours ont chuté en 1997 et n'ont pas remonté depuis. En fait, comme on l'a dit au Comité, « à court terme, cependant, je crois qu'il continuera à y avoir quelques difficultés dans le secteur des grains au niveau des prix pendant au moins encore un an » [Tim O'Neill, 30:11:10]. |
On observe un effort de restructuration important dans le secteur en aval depuis le début des années 1990. Le nombre des établissements de traitement des aliments et boissons est passé de 3 600 environ en 1990 à 3 100 environ en 1995, mais a ensuite légèrement rebondi pour se stabiliser à approximativement 3 200. Les investissements en biens d'équipement dans le secteur de la transformation se sont chiffrés en moyenne à 1,5 milliard de dollars par an durant les années 1990.
On constate à la figure 1.5 que la productivité du travail dans l'industrie canadienne des aliments et boissons représentait environ 90 % de celle de la branche d'activité correspondante des États-Unis. Ce chiffre est meilleur que celui pour l'ensemble du secteur des entreprises, dont la productivité représente environ 80 % du chiffre américain correspondant. Cependant, la tendance de la productivité dans les dix dernières années n'est pas vraiment uniforme :
La tenue décevante de la productivité multifactorielle a caractérisé le secteur de la transformation des aliments et des boissons entre 1988 et 1992; la diminution de la productivité dans le secteur des aliments l'a emporté sur la légère hausse enregistrée dans celui des boissons, ce qui a entraîné un recul (0,8 %) dans l'ensemble des deux secteurs. Cette baisse s'est produite malgré une hausse évidente du rapport capital-travail pendant cette période dans ce secteur. La performance du Canada n'a pas été à la hauteur de celle des États-Unis où la productivité multifactorielle dans le secteur de la transformation des aliments et des produits analogues a augmenté de quelque 2,8 % pendant cette période. Bien qu'elle varie selon la période, la région et le sous-secteur, la productivité du travail dans les secteurs des aliments et des boissons, exprimée en proportion du PIB réel par heure-personne travaillée, s'est accrue au cours de la période 1988-1995 de 14,2 % et de 42,4 % respectivement41. |
Comme on l'a dit précédemment, le Canada offre des crédits d'impôt qui encouragent la R-D et possède l'infrastructure publique et privée nécessaire pour appuyer la R-D dans ce secteur. Or, en dépit de ces avantages, Statistique Canada rapporte que les dépenses de R-D des entreprises canadiennes du secteur de l'alimentation (approximativement 71 millions de dollars en 1995) ont représenté 0,2 % seulement de la valeur des expéditions de produits alimentaires. À titre de comparaison, le Wall Street Journal signale que les entreprises américaines du secteur de l'alimentation consacrent entre 0,6 et 1,0 % de leur chiffre d'affaires à la R-D.
Perspectives et enjeux stratégiques
Les agriculteurs canadiens dépendent plus que la plupart du marché international et assument donc plus de risques. Pour cette raison, le Canada offre depuis longtemps des programmes de stabilisation des prix et des revenus pour aider les agriculteurs, tradition qui remonte sans doute à l'institution du tarif du Nid-de-Corbeau au début du XXe siècle.
Les compressions budgétaires des gouvernements fédéral et provinciaux et les récentes contraintes du commerce international ont porté un dur coup au revenu des agriculteurs. L'aide gouvernementale aux agriculteurs a chuté de 50 % pour passer de 2,8 milliards de dollars en 1993 à 1,4 milliard de dollars en 1998. L'abrogation de la Loi sur le transport du grain de l'Ouest, qui avait remplacé le tarif du Nid-de-Corbeau, a par exemple eu pour effet de faire augmenter les coûts de transport des agriculteurs de 550 millions de dollars annuellement. En outre, les mesures de recouvrement des coûts du gouvernement fédéral ont entraîné une augmentation des droits et en ont ajouté de nouveaux à l'égard des services dispensés par les ministères fédéraux. Selon une étude publiée par Agriculture et Agroalimentaire Canada l'année dernière, sur la période de 4 ans allant de 1994-1995 à 1997-1998, les droits exigibles dans le secteur agroalimentaire ont progressé de 28 % pour passer de 109 millions de dollars à 139 millions de dollars. Une autre tranche de coûts de 5 millions de dollars a été transférée aux agriculteurs par le transfert de services publics au secteur privé.
Le Comité estime que, le déficit fédéral étant maintenant résorbé, il est temps que le gouvernement réinvestisse dans l'agriculture. Il recommande :
24. Que le gouvernement du Canada consulte les parties concernées du secteur de l'agriculture en vue d'élaborer une politique agricole et agroalimentaire améliorée comportant des mesures de soutien des prix et des revenus des agriculteurs, afin de stimuler la productivité de façon continue.
Les perspectives des activités situées en aval de l'agriculture sont bien meilleures. Les possibilités de croissance sont bonnes dans le secteur des aliments et boissons, mais les transformateurs devront exploiter à fond leurs avantages et s'adapter à l'évolution de la concurrence marquée par la mondialisation, la mutation des besoins des consommateurs et le progrès technologique. La libéralisation des échanges va se poursuivre et avec elle l'intégration de l'économie mondiale. La mondialisation influe déjà considérablement sur la structure de l'industrie, et les entreprises canadiennes sont lentes à rectifier le tir pour cibler davantage les marchés internationaux.
Le secteur des aliments et boissons se caractérise entre autres par la place de plus en plus grande qu'y occupent les grandes entreprises multinationales, lesquelles jouissent de nombreux avantages : image de marque, économies d'échelle au niveau de la production, pouvoir d'achat, installations de R-D de haute qualité et systèmes de distribution d'envergure mondiale. Les grandes multinationales justifient déjà de 40 % environ de la production du secteur. En outre, avec l'intégration croissante du marché nord-américain, leurs usines canadiennes fabriquent moins de lignes de produits pour le marché national. Essentiellement, en restructurant leurs opérations de manière à gagner des « mandats de produits » pour l'ensemble de l'Amérique du Nord, ces entreprises peuvent réaliser des économies d'échelle impossibles à obtenir sur le seul marché canadien.
Cependant, malgré la tendance à la mondialisation, il y aura toujours des créneaux particuliers aux niveaux régional et local. Il suffit de penser par exemple aux hôtels et restaurants qui exigent des produits spécialisés de haute qualité à valeur ajoutée, ce qui permet la participation des PME au secteur. En outre, les grandes multinationales préfèrent parfois confier à de petites entreprises la fabrication de certains de leurs propres produits de marque (p. ex. conditionnement à forfait) dans le cas notamment de séries limitées qui répondent aux exigences locales en matière d'emballage ou qui comportent des ajustements de formulation en fonction des préférences et des goûts locaux. Les PME fabriquent aussi des produits de marque maison pour de grandes chaînes d'alimentation, ce qui a pour effet de transférer en aval le développement de marque, fort coûteux.
40 La Fédération canadienne de l'agriculture, L'agriculture au Canada.
41 Agriculture Canada, Le secteur canadien de la transformation des aliments et des boissons -- s'adapter au marché mondial.