INDU Rapport du Comité
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CHAPITRE 12 :
LE SECTEUR DES PRODUITS FORESTIERS
Contribution à l'économie et structure
L'industrie de la fabrication de produits forestiers englobe les secteurs du papier et produits connexes, du bois et des matériaux de construction. Tributaire d'une importante ressource renouvelable, elle a des retombées socio-économiques considérables sur le niveau de vie des Canadiens. Elle représente 11 % du PIB manufacturier du Canada et occupe une place majeure dans le secteur manufacturier de toutes les régions du pays. En région rurale, cette industrie est le premier employeur, et son rôle économique y est capital : plus de 337 localités canadiennes en dépendent. Le secteur comprend plus de 3 550 établissements, qui emploient plus de 800 000 personnes. Si les grandes sociétés forestières comptent parmi les plus importantes entreprises du Canada, l'industrie est néanmoins largement dominée par les PME.
Parmi les industries en pleine maturité, elle se distingue du fait que ses expéditions augmentent régulièrement : de 1990 à 1997, leur croissance moyenne annuelle a atteint 5,7 %. Industrie centrée sur l'exportation, elle compte pour 35 milliards de dollars dans la balance commerciale nationale, soit plus que tout autre secteur manufacturier. Les expéditions de produits forestiers ont atteint 64 milliards de dollars en 1999, alors que les exportations (44 milliards $) représentaient 69 % de la production. Avec 18 % des exportations mondiales, le Canada est le premier exportateur de produits forestiers du monde, ses principaux marchés établis étant les États-Unis et le Japon. Pour l'année 1999, les exportations vers ces deux pays sont évaluées respectivement à 35 milliards de dollars (79 %) et 2,9 milliards de dollars (7 %). Toutefois, quelques nouveaux exportateurs (le Brésil, l'Indonésie et la Malaisie) commencent à se tailler une place sur les marchés mondiaux. Même si les États-Unis sont appelés à demeurer un débouché essentiel pour la production canadienne, les pays d'Amérique latine et du pourtour du Pacifique, dont les populations et les revenus par habitant sont en croissance rapide, constitueront bientôt des marchés intéressants.
Les produits de base issus de la forêt sont pour la plupart réalisés dans des installations de pointe situées à proximité des sources d'approvisionnement, tandis que les produits à plus forte valeur ajoutée sont fabriqués dans des PME souvent établies en ville ou en banlieue. Au Canada, ces deux types de production reposent sur d'immenses ressources forestières renouvelables, élément primordial dans la compétitivité du secteur. Cet avantage s'amenuise toutefois, car l'industrie doit puiser dans des peuplements de plus en plus éloignés, qui sont souvent de moins bonne qualité et d'un accès plus coûteux. Par comparaison, certains concurrents étrangers réussissent à récolter des fibres de bois dans des plantations aménagées, à meilleur compte que les compagnies canadiennes.
Les prix relatifs des intrants (fibre de bois, énergie, main-d'uvre, transport, etc.) sont déterminants pour la compétitivité. De longue date, un bois et une énergie abondants et bon marché permettent au secteur forestier canadien de mieux soutenir la concurrence. Depuis quelques années, toutefois, les prix de certaines composantes augmentent sensiblement, notamment l'électricité et les droits de coupe. Dans le même temps, contrairement à leurs concurrentes américaines, les usines canadiennes sont empêchées de réaliser d'importantes économies en ayant recours à la cogénération (c'est-à-dire en produisant leur propre électricité et en vendant les éventuels surplus aux services publics).
L'industrie connaît actuellement une évolution structurelle, car la tendance est aux sociétés de grande taille plus spécialisées, à une intégration plus marquée des activités de production du bois, de la pulpe et du papier, ainsi qu'à l'augmentation de la production à valeur ajoutée. Ces changements stratégiques ont, en partie, permis aux entreprises américaines d'obtenir sur leurs investissements un rendement avant impôt beaucoup plus élevé que les sociétés canadiennes. Ces dernières années, on a assisté à quelques fusions et acquisitions à l'échelle nationale (la fusion Abitibi-Consolidated/Donohue) à des mainmises étrangères (l'achat de MacMillan Bloedel par Weyerhaeuser et celui de Cartons Saint-Laurent par Smurfit-Stone) et à des achats d'avoirs américains par des sociétés canadiennes (achat par Canfor de Northwood à Mead Corp.).
Autrefois, la production et les exportations canadiennes se composaient principalement de produits de base assujettis à une demande et à des prix cycliques. Au cours des années 1990, l'industrie a peu à peu orienté sa production sur une valorisation de la ressource fondamentale. Par exemple, les usines ont accru leur production de papier couché et elles sont passées progressivement du papier journal à des papiers d'imprimerie et d'écriture de qualité supérieure. Du côté du bois, certes la production de contre-plaqué se maintient, mais la fabrication de panneaux d'OSB, de panneaux de fibres à densité moyenne et de bois de haute technologie prend de l'expansion.
Pour conserver sa situation de leader mondial, l'industrie canadienne des produits forestiers investit chaque année au-delà de 2,5 milliards de dollars dans les immobilisations. Si le montant total de ce type de dépenses demeure très haut, la nature des investissements évolue depuis un certain temps. Au cours des années 1990, les restrictions qui ont affecté l'offre nord-américaine de bois d'uvre ont limité l'augmentation de capacité. Une importante partie des nouveaux investissements dans l'industrie est dorénavant consacrée à la modernisation et à la conversion des usines, en vue de fabriquer des produits de plus grande valeur. Les futurs changements devraient favoriser une croissance économique considérable et une importante création d'emplois, réduire le caractère cyclique de l'industrie et assurer un rendement plus intéressant des ressources forestières.
La productivité du travail dans le secteur canadien du bois et du papier compte parmi les plus élevées du secteur manufacturier. La productivité canadienne dépasse celle des États-Unis depuis une décennie, mais l'écart s'amenuise. De plus, l'adoption de nouvelles technologies au cours des 10 dernières années a provoqué une évolution des compétences, et l'on trouve dorénavant dans l'industrie davantage de spécialistes de la biotechnologie, de la chimie, des technologies du bois et de quelques autres domaines. Toutefois, les dépenses de R-D dans le secteur forestier, qui représentent environ 0,3 % des ventes, demeurent relativement faibles face aux grands concurrents du Canada, qui affichent une moyenne allant de 0,8 à 1,1 %.
L'adoption des nouvelles technologies de l'information est passablement avancée dans les grandes sociétés d'envergure mondiale qui fabriquent du papier ou du bois d'uvre, mais elle reste lente dans les PME qui produisent des matériaux de construction ou transforment le papier. Les grandes sociétés, toutes utilisatrices d'une technologie d'échange des données, appliquent des méthodes de planification des ressources pour améliorer leur efficience et se convertissent aux achats et aux ventes par Internet, afin de rattraper la concurrence américaine. Un certain nombre de portails et de concentrateurs Internet leur permettent d'acheter et de vendre du matériel et des fournitures par voie électronique. Au Canada, le Québec a créé un marché virtuel sur Internet pour faciliter les ventes et réduire les stocks de copeaux de bois. La Colombie-Britannique a mis en place une technologie Web qui facilite le paiement par les compagnies forestières des droits de coupe.
Perspectives et enjeux stratégiques
L'avenir de l'industrie forestière canadienne est prometteur. Grâce à l'arrivée des nouvelles technologies de l'information et des communications, ainsi que du commerce électronique, on assiste à une hausse de la demande mondiale :
Je veux souligner que, contrairement à la croyance populaire qui veut que les produits forestiers représentent une industrie déclinante, nous constatons que la demande mondiale de pâtes et papiers et d'autres produits forestiers continue à croître parallèlement à la croissance économique globale dans le monde. Avec l'avènement d'Internet et de ses différentes applications commerciales, on a entendu beaucoup de prédictions pessimistes, comme ce fut le cas lorsque l'ordinateur et les télécopieurs se sont répandus. En fait, Internet se révèle un complément à la demande de papier, plutôt qu'un substitut. [...] La plupart des entreprises « .com » achètent des pages complètes de publicité pour inciter les gens à consulter leurs sites Web. Pour le commerce électronique, il faut plus d'emballage lors de la livraison des produits aux clients. Pour le moment, c'est donc un atout de plus pour l'industrie. [Fiona Cook, Association canadienne des pâtes et papiers, 28:10:55] |
L'industrie canadienne, qui se positionne pour répondre à cette nouvelle demande, estime que des politiques publiques plus favorables pourraient lui permettre de mieux répondre au défi que lui posent ses nouveaux concurrents mondiaux.
[S]i le Canada maintient sa part de toujours, nous devrons accroître notre capacité de son état actuel jusqu'à 30 ou 40 millions de tonnes. Nous ne croyons pas qu'une telle croissance soit probable, mais nous croyons que, malgré les faibles taux de rendement et les brèches que se sont taillées nos concurrents des autres pays, le Canada devrait être capable de s'approprier une partie de cette croissance. Pour ce faire, il faudra faire certains changements fondamentaux à l'orientation de la politique économique du Canada. [Fiona Cook, 28:10:55] |
De longue date, le Canada jouit d'un avantage comparatif, grâce à la grande richesse de ses ressources forestières; toutefois, sa supériorité s'amenuise à mesure que les fibres de haute qualité et les peuplements accessibles se raréfient. La fibre à bon marché des concurrents étrangers continuera d'exercer des pressions sur la compétitivité canadienne. Il reste relativement peu de régions où les forêts commerciales ne sont pas déjà attribuées aux fins d'exploitation, et sauf réattribution d'une société forestière à une autre, il est impossible de se procurer de nouveaux terrains forestiers dont les ressources sont considérées comme commerciales. Cette réalité, ajoutée à la faible valeur du dollar canadien, explique les nombreuses prises de contrôle des sociétés canadiennes par des sociétés américaines.
Les obligations liées à l'exploitation durable et à l'obtention d'attestations influent sur l'accès aux marchés et sur les préférences de la clientèle. En vertu de la réglementation provinciale, les sociétés sont tenues d'appliquer des méthodes d'exploitation durable et d'obtenir une attestation selon la norme d'aménagement forestier durable de l'Association canadienne de normalisation, ou encore le Forest Stewardship Council ou l'ISO 14001. Plus elle sera obligée, ou plus elle acceptera volontairement, de respecter des règles nationales et internationales, en réponse à divers problèmes liés aux toxines, à la pollution de l'air et aux changements climatiques, plus l'industrie forestière canadienne devra consacrer une part plus importante de ses dépenses d'immobilisations à ses obligations de nature environnementale.
Les barrières commerciales gênent également la croissance. Par exemple, l'Accord sur le bois d'uvre résineux, conclu avec les États-Unis, qui expire le 31 mars 2001, a pour effet de réduire les exportations et les bénéfices des producteurs de bois d'uvre, ce qui a réduit la capacité de l'industrie de réinvestir et de rehausser sa productivité. Le Comité reconnaît également que, depuis l'entrée en vigueur de cet accord, toutes les provinces canadiennes ont augmenté leurs droits de coupe et autres redevances imposées au secteur, dont elles ont éliminé toutes les subventions implicites. Aujourd'hui, l'Accord sur le bois d'uvre résineux est manifestement devenu inutile par rapport aux objectifs qu'il aurait pu servir. Par conséquent, le Comité recommande :
25. Que le gouvernement du Canada prenne position pour que l'Accord sur le bois d'uvre résineux avec les États-Unis ne soit pas renégocié lorsqu'il viendra à échéance.
Les efforts du Canada en vue d'obtenir des réductions plus rapides des tarifs douaniers sur les produits forestiers, dans le cadre d'une nouvelle série de négociations de l'OMC, ont été gravement affectés par l'échec de la réunion des ministres du Commerce de Seattle, provoqué en partie par les soupçons des organisations non gouvernementales environnementales à propos de ce que celles-ci ont qualifié d'« accord de l'OMC sur l'exploitation forestière ». De plus, des obstacles techniques au commerce apparaissent, en remplacement des droits d'importation qui ont été réduits ces dernières années.
Malgré la mondialisation des marchés, les producteurs de pâtes et papiers canadiens doivent toujours surmonter des barrières tarifaires aux États-Unis, et les marchés ayant le plus de potentiel de croissance sont l'Asie et l'Amérique latine. En fait, près de 10 millions de tonnes, ou le tiers de la production du Canada, sont toujours destinées à des régions où les droits de douane demeurent un problème. Nous croyons que, en moyenne, ces droits ajoutent un coût estimé à 20 $ la tonne aux cargaisons à destination de l'Asie, et de 50 $ la tonne aux cargaisons à destination de l'Amérique latine. Ces sommes représentent en fait toute la marge bénéficiaire de l'industrie. Il s'agit là d'une estimation prudente, parce que cela ne tient pas compte du coût de renonciation, c'est-à-dire des ventes qui n'ont pas été conclues en raison de ces droits de douane. [Fiona Cook, 28:10:55] |
Pour l'avenir du secteur, il est capital que la R-D se poursuive. Depuis quelques années, le déclin des financements versés aux trois principaux instituts de recherche de l'industrie forestière ( PAPRICAN, FERIC et Forintek), des fonds qui proviennent avant tout des droits d'adhésion des membres, a nui à la capacité d'innovation des industries. Après plusieurs années de pertes financières, l'industrie canadienne est redevenue rentable en 1999. Il faudra que les bénéfices se maintiennent, pour assurer les investissements futurs dans les technologies et les processus de pointe.
Il nous faut cesser de copier ce que les autres font et créer un avantage durable quelconque en effectuant de nouveaux investissements dans de nouvelles technologies. Il nous faut donc nous pencher sur les incitatifs actuels. Selon nous, la restructuration de ceux-ci serait une bonne façon d'encourager de nouveaux investissements. Nous suggérons des mesures telles que l'amortissement fiscal accéléré ou des crédits d'impôt à l'investissement. Car il faut bien reconnaître que de tels investissements jouent un rôle capital dans le maintien de notre compétitivité, certes, mais ils constituent également un facteur clé du développement des industries de la technologie de pointe. [Steve Stinson, 28:11:00] |
Le Comité souscrit à cette opinion, qu'il a traduite dans la recommandation 20.
L'Association canadienne des pâtes et papiers, en tant que représentante d'une industrie à fort coefficient de capital, réclame elle aussi l'élimination de tous les impôts sur le capital, qui étouffent l'innovation dans le secteur des produits forestiers du Canada et qui entraînent l'importation de technologies étrangères.
Notre troisième point a trait à l'élimination des impôts sur le capital. Nous constatons que les impôts sur le capital sont inutiles et constituent un frein à l'innovation. Le secteur des produits forestiers, comme je l'ai mentionné, est l'industrie qui a les immobilisations les plus élevées au pays. En fait, le quart des dépenses en capital annuelles en matériel et outillage au Canada lui reviennent. Or, l'innovation dans le secteur forestier passe surtout par l'acquisition de technologie. Il est donc essentiel que les niveaux d'investissement voulus soient là, puisque notre capacité de soutenir la croissance et le maintien des emplois dans le secteur forestier en dépendent. [Steve Stinson, 28:11:00] |
Ici encore, le Comité souscrit à cette opinion.