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Publications de la Chambre

Les Débats constituent le rapport intégral — transcrit, révisé et corrigé — de ce qui est dit à la Chambre. Les Journaux sont le compte rendu officiel des décisions et autres travaux de la Chambre. Le Feuilleton et Feuilleton des avis comprend toutes les questions qui peuvent être abordées au cours d’un jour de séance, en plus des avis pour les affaires à venir.

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36e Législature, 2e Session

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 116

TABLE DES MATIÈRES

Le lundi 18 septembre 2000

. 1100

VVACANCE DE SIÈGE
VOkanagan—Coquihalla
VLe Président
VKings—Hants
VLe Président
VBUREAU DE RÉGIE INTERNE
VLe Président
VINITIATIVES PARLEMENTAIRES

. 1105

VLE CODE CRIMINEL
VProjet de loi C-334. Deuxième lecture
VM. Gurmant Grewal

. 1110

. 1115

VM. Carmen Provenzano

. 1120

. 1125

VM. Peter Stoffer

. 1130

VM. Rick Borotsik

. 1135

. 1140

VM. Chuck Cadman

. 1145

VM. David Pratt

. 1150

. 1155

VM. Reed Elley

. 1200

VM. Robert Bertrand

. 1205

VLES TRAVAUX DE LA CHAMBRE
VM. Chuck Strahl
VL'hon. Don Boudria
VM. Michel Gauthier

. 1210

VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU
VProjet de loi C-38. Deuxième lecture
VL'hon. Jim Peterson

. 1215

. 1220

. 1225

VM. Richard M. Harris

. 1230

. 1235

. 1240

. 1245

VM. Yvan Loubier

. 1250

. 1255

. 1300

. 1305

. 1310

. 1315

. 1320

. 1325

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1330

. 1335

. 1340

. 1345

VM. Mac Harb

. 1350

VM. Nelson Riis

. 1355

VDÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS
VLE JOURNALISTE MICHEL AUGER
VM. Mauril Bélanger
VLE TRANSPORT DU GRAIN
VM. Garry Breitkreuz
VLA BATAILLE D'ANGLETERRE
VMme Carolyn Bennett
VLE JOURNALISTE MICHEL AUGER
VM. Clifford Lincoln

. 1400

VERIC LAMAZE
VM. Dennis J. Mills
VSIMON WHITFIELD
VM. Gary Lunn
VLES ORDURES DE TORONTO
VM. Peter Adams
VLE JOURNALISTE JEAN V. DUFRESNE
VMme Francine Lalonde
VUN TIMBRE COMMÉMORATIF
VM. Sarkis Assadourian

. 1405

VL'INDUSTRIE AÉRIENNE
VM. Jay Hill
VLES JEUX OLYMPIQUES DE 2000
VM. Bryon Wilfert
VLE PRIX DU PÉTROLE
VMme Louise Hardy
VLES JEUX OLYMPIQUES DE SYDNEY
VM. Robert Bertrand
VLE CRIME ORGANISÉ
VMme Pierrette Venne

. 1410

VLES QUAIS
VM. Mark Muise
VLE DÉCÈS DE MEL SMITH
VM. Ted McWhinney
VSTOCKWELL DAY
VM. Chuck Strahl
VQUESTIONS ORALES

. 1415

VLA TAXE SUR L'ESSENCE
VMme Deborah Grey
VL'hon. Paul Martin
VMme Deborah Grey
VL'hon. Paul Martin
VMme Deborah Grey
VL'hon. Paul Martin
VM. Jason Kenney
VL'hon. Paul Martin

. 1420

VM. Jason Kenney
VL'hon. Paul Martin
VLE CRIME ORGANISÉ
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Gilles Duceppe
VLe très hon. Jean Chrétien
VM. Michel Bellehumeur

. 1425

VL'hon. Anne McLellan
VM. Michel Bellehumeur
VL'hon. Anne McLellan
VLES MÉDICAMENTS
VMme Alexa McDonough
VLe très hon. Jean Chrétien
VMme Alexa McDonough
VL'hon. Allan Rock
VLES FRAIS DE COMBUSTIBLES
VMme Elsie Wayne

. 1430

VL'hon. Paul Martin
VMme Elsie Wayne
VL'hon. Paul Martin
VLE CRIME ORGANISÉ
VM. Myron Thompson
VL'hon. Anne McLellan
VM. Myron Thompson
VL'hon. Anne McLellan
VM. Michel Gauthier

. 1435

VL'hon. Anne McLellan
VM. Michel Gauthier
VL'hon. Anne McLellan
VM. Rahim Jaffer
VL'hon. Lawrence MacAulay
VM. Rahim Jaffer
VL'hon. Anne McLellan
VL'ASSURANCE-EMPLOI
VM. Paul Crête
VL'hon. Jane Stewart

. 1440

VM. Paul Crête
VL'hon. Jane Stewart
VLES PÊCHES
VM. John Cummins
VL'hon. Harbance Singh Dhaliwal
VM. John Cummins
VL'hon. Harbance Singh Dhaliwal
VL'ASSURANCE-EMPLOI
VM. Ghislain Fournier
VL'hon. Jane Stewart
VLES AFFAIRES ÉTRANGÈRES
VMme Sue Barnes

. 1445

VL'hon. Lloyd Axworthy
VLE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES
VMme Diane Ablonczy
VL'hon. John Manley
VMme Diane Ablonczy
VL'hon. Jane Stewart
VLA SANTÉ
VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock

. 1450

VMme Judy Wasylycia-Leis
VL'hon. Allan Rock
VM. Greg Thompson
VL'hon. Allan Rock
VM. Greg Thompson
VL'hon. Allan Rock
VM. Ovid L. Jackson
VL'hon. Allan Rock

. 1455

VTRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX
VM. Werner Schmidt
VL'hon. Alfonso Gagliano
VL'ASSURANCE-EMPLOI
VM. Gérard Asselin
VL'hon. Jane Stewart
VLE LOGEMENT
VMme Libby Davies
VL'hon. Alfonso Gagliano
VLES TRANSPORTS
VM. Bill Casey

. 1500

VL'hon. David M. Collenette
VL'INDUSTRIE DE LA HAUTE TECHNOLOGIE
VM. Robert Bertrand
VL'hon. John Manley
VRECOURS AU RÈGLEMENT
VLe crime organisé
VM. Michel Gauthier

. 1505

VL'hon. Don Boudria
VM. Randy White

. 1510

VAFFAIRES COURANTES
VRÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS
VM. Derek Lee
VNOMINATIONS PAR DÉCRET
VM. Derek Lee
VDÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES
VM. George Proud
VLA JOURNÉE DU COEUR: JOURNÉE DE SENSIBILISATION À LA
VProjet de loi C-492. Présentation et première lecture
VM. Greg Thompson

. 1515

VLA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI
VProjet de loi C-493. Présentation et première lecture
VM. Peter Stoffer
VM. ROBERT MARLEAU
VL'hon. Don Boudria
VMotion
VLES COMITÉS DE LA CHAMBRE
VProcédure et affaires de la Chambre
VM. Derek Lee
VMotion
VPÉTITIONS
VLe logement
VM. Peter Adams

. 1520

VLe rein bioartificiel
VM. Peter Adams
VL'importation de plutonium
VMme Jocelyne Girard-Bujold
VLa Loi canadienne sur la santé
VM. Svend J. Robinson
VLa Loi sur le divorce
VM. Ted McWhinney
VLe prix de l'essence
VM. Michel Bellehumeur
VMme Pauline Picard
VLes organismes génétiquement modifiés
VM. Ghislain Lebel

. 1525

VQUESTIONS AU FEUILLETON
VM. Derek Lee
VL'hon. Martin Cauchon
VL'hon. Allan Rock
VL'hon Jane Stewart
VL'hon. Alfonso Gagliano
VQUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS
VM. Derek Lee
VQUESTIONS MARQUÉES D'UN ASTÉRISQUE
VM. Derek Lee
VLOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS
VProjet de loi C-3—Avis de motion concernant l'attribution
VL'hon. Don Boudria
VDEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE
VLe crime organisé
VLe Président
VM. Peter MacKay

. 1530

VM. Michel Gauthier

. 1535

VDécision de la Présidence
VLe Président
VL'hon. Don Boudria
VMotion
VM. Randy White

. 1540

VM. John O'Reilly
VINITIATIVES MINISTÉRIELLES
VLA LOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE
VProjet de loi C-38. Deuxième lecture
VM. Rick Borotsik

. 1545

. 1550

. 1555

. 1600

VMme Jocelyne Girard-Bujold

. 1605

. 1610

. 1615

VM. Réal Ménard

. 1620

VM. Peter Adams
VMme Libby Davies

. 1625

. 1630

. 1635

VM. Réal Ménard

. 1640

VM. Peter Stoffer
VM. Peter Mancini

. 1645

. 1650

VM. Peter Stoffer

. 1655

VL'hon. Lorne Nystrom
VM. Peter Mancini
VM. John Herron

. 1700

. 1705

. 1710

. 1715

VMme Libby Davies

. 1720

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1725

VL'hon. Lorne Nystrom
VM. Réal Ménard

. 1730

. 1735

. 1740

. 1745

VM. Ghislain Lebel

. 1750

VMme Christiane Gagnon

. 1755

VM. Deepak Obhrai

. 1800

. 1805

. 1810

VM. Peter Stoffer
VM. Peter Stoffer

. 1815

VL'hon. Lorne Nystrom

. 1820

VM. Rob Anders

. 1825

VM. Roy Bailey
VDÉBAT D'URGENCE

. 1830

VLE CRIME ORGANISÉ
VM. Peter MacKay
VMotion

. 1835

. 1840

. 1845

. 1850

VM. John Bryden

. 1855

VM. Myron Thompson

. 1900

VL'hon. Lawrence MacAulay

. 1905

. 1910

VM. Myron Thompson

. 1915

VM. Peter MacKay
VL'hon. Lawrence MacAulay
VL'hon. Anne McLellan

. 1920

. 1925

VM. Randy White

. 1930

VM. Michel Bellehumeur
VM. Randy White

. 1935

. 1940

. 1945

. 1950

. 1955

VM. John Bryden
VM. Garry Breitkreuz

. 2000

VM. Lynn Myers

. 2005

VM. Gilles Duceppe

. 2010

. 2015

. 2020

VM. John Bryden

. 2025

VM. Lynn Myers
VM. Darrel Stinson

. 2030

VM. Peter MacKay
VM. Peter Mancini

. 2035

. 2040

. 2045

. 2050

VM. John McKay

. 2055

VM. Garry Breitkreuz
VM. Michel Bellehumeur

. 2100

VM. Peter MacKay

. 2105

VM. Lynn Myers

. 2110

. 2115

. 2120

. 2125

VM. Peter MacKay

. 2130

VM. Michel Bellehumeur

. 2135

VM. Jim Abbott

. 2140

. 2145

VM. John Bryden
VM. Peter MacKay

. 2150

VM. Darrel Stinson

. 2155

. 2200

VM. Jim Abbott
VM. Lynn Myers

. 2205

VM. Bryon Wilfert

. 2210

. 2215

VM. Michel Bellehumeur

. 2220

VM. John McKay

. 2225

. 2230

. 2235

VM. Darrel Stinson
VM. Réal Ménard

. 2240

VM. Michel Bellehumeur

. 2245

. 2250

VMme Pierrette Venne

. 2255

. 2300

VM. John Bryden

. 2305

. 2310

. 2315

VM. Myron Thompson

. 2320

VM. Myron Thompson

. 2325

. 2330

. 2335

. 2340

. 2345

VM. John Bryden

. 2350

VM. Darrel Stinson

. 2355

VM. Réal Ménard

. 2400

. 2405

. 2410

VM. Gurmant Grewal

. 2415

. 2420

. 2425

. 2430

VM. Lynn Myers

. 2435

. 2440

(Version officielle)

HANSARD RÉVISÉ • NUMÉRO 116


CHAMBRE DES COMMUNES

Le lundi 18 septembre 2000

La séance est ouverte à 11 heures.



Prière


 

. 1100 +

[Traduction]

VACANCE DE SIÈGE

OKANAGAN—COQUIHALLA

Le Président: Il est de mon devoir de faire savoir à la Chambre que la vacance suivante est survenue à la Chambre. Il s'agit du siège de M. Jim Hart, député de la circonscription électorale d'Okanagan—Coquihalla, qui a démissionné le 19 juillet 2000.

[Français]

Conformément à l'alinéa 25(1) b) de la Loi sur le Parlement du Canada, j'ai adressé, au Directeur général des élections le mercredi 19 juillet 2000, l'ordre officiel d'émettre un bref d'élection en vue de pourvoir à cette vacance.

[Traduction]

KINGS—HANTS

Le Président: Il est de mon devoir de faire savoir à la Chambre qu'une autre vacance est survenue à la Chambre. Il s'agit du siège de M. Scott Brison, député de la circonscription électorale de Kings—Hants, qui a démissionné le 24 juillet 2000.

Conformément à l'alinéa 25(1) b) de la Loi sur le Parlement du Canada, j'ai donc transmis, le lundi 24 juillet 2000, mon mandat au directeur général des élections afin de l'autoriser à émettre un nouveau décret de convocation des électeurs pour combler cette vacance.

*  *  *

BUREAU DE RÉGIE INTERNE

Le Président: J'ai l'honneur de faire savoir à la Chambre que M. John Reynolds, député de la circonscription électorale de West Vancouver—Sunshine Coast a été nommé membre du Bureau de régie interne en remplacement de M. Jay Hill, député de la circonscription électorale de Prince George—Peace River.



INITIATIVES PARLEMENTAIRES

 

. 1105 + -

[Traduction]

LE CODE CRIMINEL

 

La Chambre reprend l'étude, interrompue le 17 mai, de la motion: Que le projet de loi C-334, Loi modifiant le Code criminel (port de décorations militaires), soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Madame la Présidente, après un merveilleux été, c'est un honneur d'être de retour pour représenter mes formidables électeurs. Je crois, madame la Présidente, que vous avez eu, à l'instar de tous les autres députés, un excellent été et je m'attends à une bonne session.

En cette première journée de session, je suis le premier orateur et j'interviens au nom des habitants de Surrey-Centre pour appuyer le projet de loi C-334, Loi modifiant l'article 419 du Code criminel afin de permettre aux parents d'un ancien combattant décédé de porter des décorations militaires sur le côté droit de la poitrine. Comme nous le savons, nos anciens combattants portent toujours leurs médailles et leurs rubans du côté gauche de la poitrine.

Les gens de Surrey-Centre voudraient que je débute mes observations d'aujourd'hui en félicitant mon collègue, le député de West Vancouver—Sunshine Coast. Non seulement il est le parrain de ce projet de loi et à l'origine du débat d'aujourd'hui, mais il a été tout récemment nommé whip en chef de l'opposition officielle, l'Alliance canadienne. Nous sommes tous très fiers de notre chevronné collègue et nous sommes tous persuadés qu'il réussira fort bien à jouer son rôle jusqu'aux prochaines élections.

Cette initiative du député ne tend pas à diminuer ni à déshonorer le service, les sacrifices et la valeur de nos anciens combattants et de ceux qui ont été décorés. Au contraire, on veut ainsi célébrer et reconnaître leurs sacrifices et leurs réalisations. On veut également reconnaître et souligner leur bravoure, leur courage, leur patriotisme et leur engagement à l'égard de notre nation.

Ces décorations ne doivent pas être oubliées ou rangées dans des boîtes et des tiroirs poussiéreux ou finir dans des marchés aux puces à cause d'une loi promulguée en 1920 qui considère comme des criminels ceux qui portent des décorations militaires qui ne leur ont pas été décernées. À l'époque, le Parlement a reconnu la nécessité d'une telle loi. Le problème qui se posait, c'est que ces décorations militaires étaient vendues et qu'il était courant que certains les achètent et les portent en donnant ainsi la fausse impression qu'ils avaient mérité une décoration qu'ils avaient en fait achetée. Les véritables récipiendaires de ces médailles voulaient protéger l'intégrité de ces décorations militaires.

En criminalisant le port d'une décoration par toute personne autre que celle à qui celle-ci a été décernée, les anciens combattants canadiens voulaient mettre l'accent sur la bravoure, l'honneur et le privilège normalement associés à ces distinctions militaires.

C'était à l'époque; mais aujourd'hui est un jour nouveau. De nos jours, les Canadiens sont de moins en moins nombreux à porter les décorations de guerre décernées par le Canada. Nos anciens combattants vieillissent et disparaissent peu à peu. Le nombre décroissant des membres de la Légion royale canadienne devrait nous inciter à reconsidérer cette disposition archaïque. C'est d'autant plus frappant que 44 p. 100 des membres de la Légion royale canadienne sont âgés de plus de 65 ans et que de ceux-là, plus du quart a dépassé les 75 ans.

Nous devons mettre davantage en lumière les manifestations organisées à l'occasion du jour du Souvenir, en permettant aux familles d'exhiber les médailles décernées à leurs anciens combattants dont ils perpétueront ainsi le souvenir.

Mon grand-père est un ancien combattant qui a été décoré pour bravoure. Mes frères, mes soeurs et mes cousins ont peut-être oublié les actes de bravoure de notre grand-père. Les décorations qui lui ont été décernées et qui devraient servir à raviver aujourd'hui le souvenir de ces actes de bravoure sont remisées dans des coffrets quelque part et il se pourrait même qu'on les ait perdues, personne après lui n'étant autorisé à les porter.

 

. 1110 + -

Le 11 novembre à 11 heures, les trois légions dans ma circonscription célèbrent le jour du Souvenir. En ma qualité de député, j'aimerais pouvoir assister aux cérémonies qui sont organisées par ces trois organismes, mais cela ne m'est pas possible. L'année dernière, j'ai envoyé à l'une de ces cérémonies notre benjamin, Livjot, pour me représenter.

La commémoration du jour du Souvenir ne devrait pas, selon moi, être limitée aux personnes âgées. Nous devrions plutôt encourager les jeunes à s'y intéresser afin qu'ils puissent s'inspirer de nos anciens combattants afin de devenir de bons citoyens.

Livjot a également prononcé en mon nom un discours très émouvant qui a été très applaudi. Mon fils a dit ceci:

    Le XXe siècle a été violent. Nous sommes parvenus à la paix mondiale mais à un coût humain qui dépasse l'imagination. La crainte, le chagrin et l'horreur suscités par la guerre étaient inimaginables. La paix a été obtenue au prix d'une guerre et de la perte de 110 000 Canadiens. Ceux qui sont revenus, peu importe leurs blessures physiques et morales, sont rentrés déterminés à bâtir à partir de ce qu'ils avaient laissé derrière eux. Ensemble, ils ont fait la guerre et forgé une nation, une nation que, fièrement, nous appelons le Canada.

    Nous nous devons de tirer des enseignements des dures vérités des guerres du passé de façon à ne plus jamais répéter les erreurs de l'humanité. Nous nous devons de transmettre ce legs à nos enfants et à nos petits-enfants, ainsi que l'a fait mon père aujourd'hui. L'amour et le souvenir sont éternels. Il est un lien que la mort ne peut pas rompre.

Ce lien, ce sont ces médailles et ces décorations militaires que ce projet de loi, s'il est adopté, permettra aux parents des anciens combattants décédés de porter le jour du Souvenir.

Le temps est venu de suivre l'exemple de la Grande-Bretagne, de l'Australie et de la Nouvelle-Zélande, nos partenaires du Commonwealth qui ont déjà modifié leurs lois pour refléter la nécessité de dévoiler ces décorations et de commémorer de nouveau le courage de ceux qui se sont vu décerner ces distinctions.

Nous vivons une ère relativement paisible. La génération actuelle a beaucoup de chances à cet égard. Les jeunes Canadiens doivent apprendre la valeur de ces médailles, la façon dont elles ont été gagnées, les raisons pour lesquelles elles sont tellement importantes et les sacrifices qu'elles ont coûtés. En permettant aux proches parents et aux descendants de nos anciens combattants de porter ces décorations militaires d'une façon différente de celle dont les portaient ceux à qui elles ont été accordées à l'origine, nous protégerions l'honneur, le courage et les privilèges que ces médailles commandent. C'est important car ces décorations et les histoires à l'origine de chacune d'elles représentent notre héritage.

Durant l'heure précédente, le Parti conservateur et le gouvernement ont abordé une seule question, soit celle de la définition de parent. Qui aurait le droit de porter les décorations militaires d'un ancien combattant canadien décédé? Je reconnais que cette définition est importante.

Mon collègue de West Vancouver—Sunshine Coast a été généreux et prévoyant en laissant aux députés et aux témoins comparaissant devant le comité le soin de définir le mot parent. Il n'a pas tenu à limiter ou à élargir exagérément la catégorie de ceux qui auraient le droit de profiter des privilèges en cause si la Chambre devait adopter ce projet de loi.

Si le gouvernement autorisait un vote libre à la Chambre, on pourrait moderniser une loi désuète. Si la Chambre appuie le projet de loi, ce dernier sera renvoyé au comité et la définition du mot parent pourra être établie démocratiquement.

Je propose que le comité songe à exiger que le parent porte une pièce de tissu rouge, vert ou bleu sur le côté droit de la poitrine pour donner un arrière-plan à la décoration et indiquer s'il est un descendant de première, deuxième ou troisième génération par rapport à l'ancien combattant décoré à l'origine.

Je propose aussi que le comité songe à instaurer un système qui obligera la personne voulant porter la décoration à satisfaire à certaines exigences pour démontrer qu'elle comprend bien la signification du port de cette médaille.

 

. 1115 + -

Le projet de loi C-334 essaie d'établir des modalités à cet égard. Il mérite une étude sérieuse à la Chambre. Il mérite d'être renvoyé au comité afin qu'on y règle les questions en suspens.

J'exhorte tous les députés à appuyer l'initiative que représente ce projet de loi. Faisons le nécessaire pour examiner cette question à fond. Préparons-nous à voir décroître le nombre d'anciens combattants présents parmi nous. Préparons-nous à donner aux descendants et aux survivants de nos héros militaires la permission de porter fièrement les décorations dont ils ont hérité. Que nos lois reflètent les besoins de l'époque et que le gros bon sens prévale.

M. Carmen Provenzano (secrétaire parlementaire du ministre des Anciens combattants, Lib.): Madame la Présidente, je prends aussi la parole au sujet du projet de loi C-334.

Les guerres sont certainement une affreuse conséquence de l'incapacité de l'humanité de résoudre les conflits de manière civilisée et raisonnable. Elles sont synonymes de mort, de destruction et d'homicides d'innocents. Malheureusement, nos grands-parents et nos arrière-grands-parents ont trop bien connu la guerre, que ce soit sur les champs de bataille d'Europe et d'Asie, dans les airs ou en mer. De nombreux Canadiens ont ainsi perdu la vie.

Il y a eu beaucoup d'actes de courage, dont un grand nombre ont été racontés et d'innombrables autres sont inconnus. Je me demande combien de Canadiens savent que plus de Croix de Victoria sont allées à des Canadiens qu'aux citoyens de tout autre pays du Commonwealth. En effet, 94 Croix de Victoria ont été remises à des Canadiens depuis la guerre de Crimée, lesquelles visent à reconnaître des actes de courage individuels. Comment savoir combien d'autres actes n'ont jamais été racontés pour la postérité?

À la fin de mai dernier, le retour à Ottawa du corps du soldat inconnu canadien nous a rappelé le courage des jeunes hommes au combat. Le corps a été exhumé de l'endroit où il était enterré non loin de la crête de Vimy et remis cérémonieusement à des représentants du Canada au Mémorial de Vimy.

Nous avons vu le retour du corps du soldat inconnu dans la capitale nationale, qui s'est fait avec toute la dignité qui était de mise pour l'occasion. Le cercueil a été exposé dans le Hall d'honneur afin que tous les citoyens canadiens puissent rendre hommage au soldat. Puis, le 28 mai 2000, lors d'une cérémonie distinguée, diffusée à la télévision à l'intention de tous les Canadiens d'un océan à l'autre, le corps de ce jeune soldat a été enterré au Monument aux Morts, comme il se devait.

Maintenant, quatre mois plus tard, on voit à cet endroit des habitants d'Ottawa et d'ailleurs qui continuent de rendre hommage au soldat, de discuter de l'événement et de déposer des fleurs fraîches. C'est là la vraie signification du souvenir.

En ce qui concerne le projet de loi, je voudrais traiter de deux questions qui ont été soulevées lors des débats du printemps dernier. D'abord, on a dit que le port des médailles d'un ancien combattant du côté droit de la poitrine indiquait forcément à un observateur qu'elles étaient portées pour honorer la mémoire d'une autre personne, soit de l'ancien combattant décédé.

Lorsqu'il a appuyé le projet de loi, le député de Berthier—Montcalm a dit: «On sait fort bien que c'est sur le côté gauche qu'un individu porte les médailles qu'il a gagnées sur un champ de bataille. On verrait donc immédiatement que, si la personne les porte à droite, ce n'est pas elle qui les a gagnées, mais un parent de celle-ci.» Cette supposition est erronée. En fait, elle l'est pour deux raisons.

D'abord, la plupart des Canadiens, sauf ceux qui ont servi dans les forces, ne savent pas faire cette distinction. Comment peuvent-ils savoir de quel côté de la poitrine les anciens combattants devraient porter leurs médailles? Ce n'est pas tout le monde qui sait cela.

Ensuite, et cela est peut-être plus pertinent, cela présuppose que les anciens combattants portent leurs médailles du côté gauche de la poitrine, et jamais du côté droit. Cela est également faux. La question est plus compliquée que cela. Arborer des médailles du côté droit ne dévoile rien au sujet de la personne qui les porte et ne dit pas si elle les a elle-même gagnées. Beaucoup d'anciens combattants portent du côté droit les médailles qu'ils ont gagnées. On pourrait les appeler médailles non officielles.

 

. 1120 + -

La règle est celle-ci: les médailles officielles se portent du côté gauche, les médailles non officielles, du côté droit. Une médaille officielle est accordée à une personne par l'État, alors qu'une médaille non officielle lui est remise par une autre entité. Par exemple, un grand nombre d'anciens combattants qui ont assisté au défilé d'inauguration de la tombe du soldat inconnu portaient, à juste titre, des médailles des deux côtés de la poitrine. Les médailles militaires étaient portées du côté gauche, et les médailles de la légion ou d'autres associations d'anciens combattants et d'autres médailles étaient portées du côté droit.

Les éléments clés sont simples. Arborer des médailles du côté droit ne constitue aucunement un indicateur valable que ces médailles sont portées en hommage à un ancien combattant décédé. Si ce projet de loi est adopté, on tiendra alors pour acquis que des médailles arborées du côté droit de la poitrine signifient que celui qui les porte est un parent d'une personne décédée qui en était le titulaire. Ces conclusions pourraient être erronées et, dans bien des cas, elles le seraient effectivement. Imaginez-vous la confusion qui régnerait le jour du Souvenir si le projet de loi était adopté.

Pendant le premier débat, il y a eu une assez longue discussion sur le sens à donner à l'expression «parents d'un ancien combattant», étant donné que le projet de loi n'aborde pas cette question, si ce n'est pour inclure une personne adoptée. Même les défenseurs du projet de loi ont reconnu que cette situation pose un problème. Le député de Berthier—Montcalm a dit à ce sujet:

    Effectivement, le terme «parents» peut prêter à confusion. On pourrait toutefois très bien circonscrire ce qu'on entend par «parents». Le cousin germain est-il couvert par cela? Est-ce en ligne directe ou collatérale? On pourrait très bien identifier dans le projet de loi ce qu'on entend par «parents».

Si cela est si facile, les auteurs du projet de loi ont oublié de le faire. Je ne suis absolument pas convaincu que ce soit aussi facile qu'on le prétend. Faut-il s'arrêter aux petits enfants ou aux arrières-petits-enfants?

Même le député d'Edmonton-Est, membre du même parti que le député présentant le projet de loi C-334, reconnaît que la définition du terme «parents» pose un véritable problème. Il a dit:

    Là où l'on pourrait améliorer le projet de loi, c'est à la définition de «parent». Il conviendrait de définir ce terme comme étant la veuve d'un ancien combattant, un parent, un enfant, un frère, une soeur, un grand-parent ou un petit-enfant, par les liens du sang, mariage ou adoption. Pareille définition fournirait des limites constructives quant aux membres de la famille pouvant porter les décorations. Les neveux et nièces, par exemple, ne seraient pas d'assez proches parents d'un ancien combattant décédé pour pouvoir lui rendre hommage en portant ces décorations.

Si les «neveux et nièces» sont exclus, il convient de se demander ce qu'il adviendrait s'ils étaient les seuls parents survivants? Ne pourraient-ils à juste titre prétendre qu'ils ont le même droit de rendre hommage à une tante ou à un oncle décédé?

Je cite de nouveau le député qui a déclaré que «la définition de «parent» pourrait être modifiée en fonction des circonstances et des changements.» Étendre le sens du terme «parent» au fil des ans pourrait donner lieu à des situations ridicules. Dès que l'on ouvre la porte au port de médailles par des personnes ne les ayant pas méritées, peu importe la précision de la définition adoptée, cette porte demeure grande ouverte à tout jamais.

Le député a ensuite proposé que l'on définisse le genre de décorations qu'un parent pourrait porter, proposant que l'on limite le tout au port de médailles pour services généraux du Canada ou du Commonwealth, par opposition aux rubans, insignes, chevrons militaires ou à toute autre décoration ou tout autre ordre. Encore là, le terrain est glissant.

Dans une veine similaire, la députée de Saint John a exprimé des préoccupations semblables au cours du dernier débat, et je cite:

    Qui peut-être considéré comme un parent? À part préciser que les proches adoptés ont le droit de porter les médailles, le projet de loi ne dit rien des personnes qui porteront publiquement ces décorations sacrées de bravoure. Il n'est question d'aucun contrôle ni d'aucun registre concernant les personnes qui porteront les décorations. Est-ce que c'est le cousin au troisième degré par alliance d'un ancien combattant qui portera les médailles ou les décorations de l'ancien combattant ou l'aîné des enfants de celui-ci? Je comprends qu'il reviendra à chaque famille de prendre cette décision si cette mesure est adoptée, mais que dire de l'honneur qui accompagne le port des médailles? Où sont les contrôles? Il faudra certes qu'un certain décorum soit respecté, mais il n'en est question nulle part dans ce projet de loi.

 

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Elle a vraiment frappé dans le mille lorsqu'elle a dit ceci, plus tard au cours de son intervention:

    Je crois qu'une fois qu'un ancien combattant qui a reçu une médaille disparaît, celle-ci devrait représenter les sacrifices faits par l'ancien combattant au service de la nation, et être exposée. Je crains qu'en passant de mains en mains, cette médaille ne perde de son importance avec le temps.

Exactement. Je suis ravi qu'elle expose avec autant d'éloquence la position qui est la nôtre, de ce côté-ci de la Chambre. Je félicite la députée de Saint John, à qui le souvenir du sacrifice et de l'héroïsme de nos anciens combattants tient à coeur, d'avoir pris le temps et la peine de contacter la Direction nationale et la Direction néo-brunswickoise de la Légion royale canadienne, qui ont toutes deux manifesté leur opposition au projet de loi. Elle a aussi signalé que les membres de sa familles dont des parents ont servi dans les Forces armées canadiennes étaient exactement du même avis.

Je terminerai mon allocution en citant ma collègue d'en face, la députée de Saint John, qui a dit ceci au cours du dernier débat:

    Il n'appartient pas à la Chambre des communes de déterminer, pour les anciens combattants, qui devrait avoir le droit de porter ces décorations. Je crois que nous devrions écouter ce que les anciens combattants ont à dire à ce sujet.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Madame la Présidente, au nom de tous les membres du caucus néo-démocrate, j'aimerais souhaiter la bienvenue à tous les députés et à leur famille ainsi qu'à tous les nouveaux pages qui se joignent à nous pour la nouvelle session parlementaire. Nous leur souhaitons la meilleure des chances. J'aimerais transmettre mes félicitations à chacun d'entre eux. J'espère que tous ont passé un bon été, qu'ils se sont bien reposés en famille et qu'ils sont prêts à s'attaquer aux affaires de l'État.

Je suis très heureux de prendre la parole sur cette question de la plus haute importance et je remercie le député de West Vancouver—Sunshine Coast de l'avoir soulevée. Je me prononcerai en faveur de ce projet de loi, non pas pour contrarier mon bon ami le député de Sault Ste. Marie, mais plutôt pour comprendre pourquoi nous en sommes arrivés là.

D'un point de vue historique, soulignons que nous célébrons cette année le 60e anniversaire de la Bataille d'Angleterre, le 50e anniversaire de la guerre de Corée, le 90e anniversaire de la création de notre marine ainsi que le 75e anniversaire de la légion. Cette année marque également le 55e anniversaire de la libération de mon pays d'origine qui est la Hollande. Ces événements marquants n'auraient pu avoir lieu sans l'aide du Canada et de sa force militaire aux diverses étapes de notre histoire.

Il est très évident que les enfants et les étudiants du Canada connaissent très mal leur histoire militaire. En fait, lorsque les anciens combattants vont rendre des visites dans les écoles, généralement dans la semaine qui précède l'Armistice, ils s'étonnent toujours de constater que les Canadiens connaissent très mal leur histoire militaire et qu'ils savent très peu de choses de tous ces hommes et ces femmes qui ont fait preuve de bravoure et de vaillance au cours des divers conflits.

Environ 120 000 Canadiens, la plupart de l'âge des pages qui sont parmi nous, ont été enterrés dans plus de 72 pays au monde. Un cénotaphe a été construit en leur mémoire avec 72 pierres à Lower Sackville en Nouvelle-Écosse. Ces pierres représentent chacun des pays où est enterré un de nos militaires morts au champ de bataille ou au cours de missions de maintien de la paix. Ces combattants sont morts pour défendre notre liberté, afin que leurs concitoyens, tout comme nous, puissent se lever à la Chambre des communes et exprimer leurs opinions, afin que nous puissions nous battre avec des mots et non avec nos poings. C'est ça la démocratie.

J'ai assisté au 38e congrès national de la légion, qui a eu lieu à Halifax. Les anciens combattants étaient nombreux à dire que le plus grand hommage était la phrase: «Nous ne les oublierons pas; leur mémoire sera à jamais perpétuée.» Pourtant, bien des Canadiens n'ont aucun souvenir de ces atrocités, car ils ne les ont jamais connues.

Le projet de loi dont nous sommes saisis pourrait aider les jeunes et les membres des générations à venir à comprendre ce que le Canada et ses habitants ont vécu pendant ces batailles d'antan. Nous espérons ne jamais revivre de telles situations, mais je sais que nos militaires seraient prêts à intervenir d'urgence, n'importe où dans le monde, pour régler un conflit.

Le plus triste, c'est que les Canadiens ont tendance à oublier. Les cérémonies du jour du Souvenir prennent de plus en plus d'ampleur, mais c'est surtout en raison de la participation des anciens combattants, de leurs familles et de la légion.

 

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Le problème est clair. Si nous n'autorisons pas les parents à porter fièrement les décorations militaires qui ont été accordées à leur oncle, à leur père ou à leur frère, la mémoire de nos vaillants combattants sera effacée. Ces médailles pourraient se retrouver dans un beau petit coffret de cèdre oublié quelque part dans un grenier. Notre histoire serait à jamais oubliée, ce qui serait une perte tragique.

Les batailles les plus marquantes de notre histoire se sont déroulées à Vimy, à Dieppe et ailleurs dans le monde. Combien de gens connaissent vraiment le rôle que les Terre-Neuviens ont joué dans l'effort de guerre? Les gens de Terre-Neuve le connaissent, mais rares sont ceux qui savent que les Terre-Neuviens ont combattu avant que Terre-Neuve devienne une province du Canada. Quand nous mentionnons ce fait aux jeunes, ils disent «Ah! vraiment?» Ils ne le savaient pas, et c'est très regrettable.

Quand je suis allé en Hollande pour le 50e anniversaire de la libération de ce pays, j'ai constaté que les enfants hollandais en savaient davantage que les Canadiens au sujet de l'histoire du Canada. C'est honteux. Quand ce fait est mentionné aux anciens combattants, notamment ceux qui sont pensionnaires de l'hôpital Camp Hill, à Halifax, où beaucoup de nos vétérans âgés passent les dernières années de leur vie, ils sont tout tristes et pleins de remords à la pensée que les Canadiens les oublient. Même si nous nous levons lors des cérémonies du jour du Souvenir pour promettre de ne pas oublier, en réalité, le temps passe et la mémoire fait défaut. La mesure à l'étude nous rendra la mémoire et l'entretiendra.

Ma mère, mon père et mon frère aîné furent libérés par les Canadiens. Mon père est maintenant décédé, mais au nom de ma famille et de tous les citoyens hollandais dans le monde, je voudrais remercier de nouveau les forces canadiennes et le gouvernement de l'époque d'être venus nous libérer et de nous avoir permis de venir dans ce pays pour y vivre dans la paix et la liberté.

J'ai promis à mon père, et à tous les militaires, de ne jamais oublier. J'ai transmis ce devoir de mémoire à mes enfants de sorte qu'ils n'oublient jamais, mais rien ne garantit qu'ils le transmettront à leurs enfants. Rien ne garantit que les autres enfants se rappelleront les sacrifices accomplis par nos militaires. La mesure à l'étude représente un moyen d'entretenir le souvenir des braves et vaillants soldats, des hommes et des femmes de partout dans notre pays, qui sont maintenant entrés dans l'éternité et dans la gloire de Dieu.

J'invite tous les députés à étudier sérieusement le projet de loi et à prendre conscience qu'il peut exister des divergences d'opinions. Cela ne fait aucun doute qu'il y a eu des divergences de vues lorsque les anciens combattants de la Seconde Guerre mondiale ont voulu faire partie de la légion et que ceux de la Première Guerre mondiale avaient des réticences. Il y en a eu lorsque les anciens combattants de la guerre de Corée sont rentrés au Canada: la guerre de Corée était-elle vraiment une guerre, et ces anciens combattants pouvaient-ils faire partie de la légion? On se demande également si le personnel militaire en poste, les agents de la GRC ou même les pompiers ne pourraient pas devenir membres de la légion.

Les sections de la légion savent qu'elles sont malheureusement en train de disparaître dans les petites localités. La légion modifie donc régulièrement ses exigences d'admission, simplement pour survivre. Certaines sections des grands centres se débrouillent assez bien, mais d'autres ont des difficultés. Les exigences ont été modifiées dans mon cas, par exemple, pour que je puisse devenir membre. Mon père a fait partie de la résistance néerlandaise et n'a pas de médailles qui en témoignent. Si c'était le cas, je serais très fier et honoré de porter ces médailles le jour du Souvenir et à l'occasion d'autres cérémonies.

Si le gouvernement étudie le projet de loi avec soin et situe ma proposition dans un contexte historique, je suis sûr qu'il envisagera de soutenir cette mesure très importante.

Au nom de ma famille et du groupe parlementaire néo-démocrate, je dirai que nous allons appuyer cette initiative et poursuivre le débat.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Madame la Présidente, je voudrais faire écho aux propos du député de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore. Revenant à la Chambre après l'ajournement de l'été, je sais, madame la Présidente, que vous être heureuse de nous revoir tous. Pour ma part, je suis très heureux de vous revoir.

Je suis très heureux de prendre la parole, au nom du Parti progressiste-conservateur, sur le projet de loi C-334 dont la Chambre est maintenant saisie. Le Parti progressiste-conservateur appuie le droit des familles des anciens combattants de célébrer la mémoire de leurs ancêtres et de leurs réalisations. Nous sommes fiers de notre histoire et de notre patrimoine militaires canadiens ainsi que des sacrifices qui ont été consentis au nom de tous les Canadiens et de la société canadienne.

 

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Comme mes collègues l'ont dit, le Parti progressiste-conservateur n'est pas en faveur de ce projet de loi. Je ne pense pas qu'il revient à la Chambre de déterminer au nom des anciens combattants qui peut porter leurs décorations. J'estime que nous devrions écouter nos anciens combattants sur cette question très importante. Ils ont fait des sacrifices, ils ont mérité leurs médailles et ils ont le droit de prendre ces décisions.

Les dirigeants de la Légion royale canadienne ont exprimé leur opposition à ce projet de loi. Mon parti appuie leur position. Il comprend certes l'intention des familles qui estiment pouvoir faire la promotion du jour du Souvenir en portant les médailles, mais les associations d'anciens combattants ne sont pas d'accord sur cette mesure.

Le bureau de la Direction nationale est d'avis et déclare que les médailles ne sont pas des symboles commémoratifs. Ce sont plutôt des symboles témoignant du service et de l'engagement des hommes et des femmes qui sont allés outre-mer. Les médailles sont accordées de manière très personnelle à certaines personnes, relativement à des circonstances et pour des sacrifices particuliers. Elles sont censées être portées par les personnes à qui elles ont été décernées.

Le projet de loi vise clairement à honorer nos valeureux soldats et à souligner leur travail. Si l'on autorise le port de la médaille par quelqu'un d'autre, il y a de forts risques que les médailles commencent à perdre leur signification. Nous devons être conscients du fait que certains anciens combattants qui arborent encore fièrement leurs médailles le jour du Souvenir pourraient prendre ombrage du fait que d'autres personnes que celles qui ont été décorées pour le courage dont elles ont fait preuve portent les médailles en question. Est-ce juste pour nos anciens combattants encore vivants?

Je partage l'avis du député néo-démocrate de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore. Les cérémonies du jour du Souvenir au Canada sont parmi les plus importantes auxquelles je me fais un devoir d'assister chaque année, le 11 novembre. J'y assiste parce que j'ai personnellement perdu un parent lors de la Grande Guerre. J'ai perdu un oncle pendant cette guerre, un oncle que je n'ai jamais connu. Lorsque je participe aux cérémonies du jour du Souvenir, c'est le souvenir de cet homme qui me rend plus fort à titre de Canadien. Je sais pertinemment que je n'ai jamais eu à me battre pour mon pays. Mon oncle s'est toutefois battu, lui. Il a consenti le sacrifice ultime et a donné sa vie pour moi.

Lorsque je participe aux cérémonies du jour du Souvenir, je me fais un devoir d'amener mes enfants avec moi. Eux aussi doivent se souvenir. Ils n'ont jamais eu à se battre pour notre pays. Ils ont simplement reçu un cadeau des hommes et des femmes qui sont allés au combat avant nous et qui ont consenti ces sacrifices. C'est ainsi que nous devons honorer la mémoire des générations qui nous ont précédés, et non pas en portant sur notre poitrine leurs médailles pour montrer que nous n'avons pas oublié. Nous pouvons nous souvenir d'eux de bien d'autres manières.

Je suis convaincu que beaucoup de députés ici présents ont aussi des membres de leur famille qui ont servi avec distinction et honneur. Les membres de la famille d'anciens combattants décédés ont certainement le droit de se souvenir des actes de bravoure et de la valeur d'hommes et de femmes qui leur sont chers. À mon avis, cependant, il existe bien d'autres moyens d'honorer ces anciens combattants que de porter leurs médailles.

Le projet de loi ne précise pas qui entre dans la catégorie des parents. On y lit que les membres de la famille adoptés pourraient porter ces décorations sacrées, mais on n'y trouve pas d'autres détails. Est-ce qu'un cousin au troisième degré par alliance pourra porter les médailles de l'ancien combattant ou si seul l'aîné des enfants de celui-ci le pourra?

Il est évident que c'est une décision que la famille devra prendre si le projet de loi est adopté. Le flou du projet de loi à cet égard soulève des questions au sujet de l'honneur que représentera le port des médailles. Où sont les dispositions sur l'observation? Il faut maintenir un certain décorum et ce n'est pas prévu dans le projet de loi.

Tous les 11 novembre, nous voyons les anciens combattants marcher en arborant fièrement les décorations durement gagnées. Le jour du Souvenir, nous reconnaissons le sacrifice que les anciens combattants ont faits. Si le projet de loi C-334 était adopté, il serait très possible que nous rendions hommage à des personnes qui portent des décorations qu'elles n'ont pas méritées et qui soulignent des hauts faits qui ne sont pas les leurs. Nous ne pouvons même pas nous assurer que ces gens sont parents avec un ancien combattant. À mon avis, cela rabaisserait les anciens combattants qui ont risqué leur vie, voire, qui l'ont sacrifiée.

Les décorations de guerre disent quelque chose au sujet de ceux qui les portent. Elles signifient que ceux-ci ont servi fièrement leur pays, avec distinction et honneur. Si le projet de loi C-334 était adopté, ce message serait perdu. On ne peut pas savoir de façon certaine si une personne qui porte une médaille a elle-même servi dans les forces armées ou s'il s'agit de la médaille d'un parent, d'un frère, d'une tante ou d'un cousin au troisième degré par alliance.

 

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La loi actuelle donne une grande signification au port des décorations militaires. Je crains que le fait de permettre le port des médailles par des personnes autres que celles à qui elles ont été décernées ne diminue la valeur de ces médailles et le privilège de les porter. Nous devons encourager les Canadiens à se souvenir de nos anciens combattants. Il y a de nombreuses façons de le faire. Cependant, que le port des décorations militaires reste le droit exclusif de ceux qui les ont gagnées.

Je maintiens que nous devrions laisser les anciens combattants eux-mêmes nous dire ce qu'ils voudraient faire. C'est eux qui ont été ainsi honorés et ce devrait être à eux de décider s'ils veulent partager cet honneur, de même que quand et avec qui ils veulent le partager.

Comme je l'ai dit plus tôt, le parti que je représente, le Parti progressiste-conservateur, est certainement très reconnaissant envers tous les anciens combattants canadiens pour les services qu'ils ont rendus à notre pays. Ce sont eux qui devraient porter ces médailles avec fierté, et non pas moi ni aucun autre député de la Chambre, à moins que nous ne les ayons nous-mêmes gagnées au champ de bataille ou au service de notre pays.

Je remercie le député d'avoir présenté cette mesure législative. Toutefois, le Parti progressiste-conservateur n'appuiera pas la mesure proposée.

M. Chuck Cadman (Surrey-Nord, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je désire moi aussi souhaiter une bonne rentrée parlementaire au Président et à mes collègues après un été qui, je l'espère, leur a permis de se détendre.

C'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-334. Ce projet de loi d'initiative parlementaire présenté par mon collègue de West Vancouver—Sunshine Coast a pour objet de modifier le Code criminel afin de permettre à un parent d'un ancien combattant décédé de porter les décorations militaires qui ont été accordées à cet ancien combattant.

Le projet de loi précise que le parent de l'ancien combattant ne peut porter ces décorations que sur le côté droit de la poitrine et qu'un seul jour par an, soit le jour du Souvenir, ce qui, actuellement, serait une infraction au Code criminel.

La loi actuelle a été rédigée dans les années 20. Je comprends qu'à l'époque elle avait sa raison d'être. Les anciens combattants légitimes de la Première Guerre mondiale ne voulaient pas que ceux qui n'avaient pas servi sous les drapeaux puissent acheter des décorations et les porter soit pour se procurer un gain personnel soit pour se faire valoir soit dans le but de commettre des actes frauduleux.

Aujourd'hui, la vaste majorité de ces anciens combattants ont disparu. Les décennies à venir verront disparaître la majorité de ceux qui ont servi pendant la Seconde Guerre mondiale et la guerre de Corée. Pour la plupart, ces décorations seront reléguées dans des caves ou des greniers, voire carrément perdues. Elles referont surface dans des marchés aux puces et des bazars où elles n'auront pas plus de valeur que toutes les autres babioles, leur véritable signification étant perdue à tout jamais.

Je ne pense pas que ce soit comme ça que nous voulions honorer la mémoire de ceux à qui nous devons la liberté dont nous jouissons aujourd'hui. Je dirais même que c'est offensant et que c'est une indignité et un déshonneur faits à leur mémoire. Ces décorations n'ont pas de prix et nous devons les traiter en conséquence.

Cette initiative ne devrait pas diminuer le service, le sacrifice ou la valeur de ceux qui ont reçu ces décorations. Elle vise plutôt à souligner leurs réalisations et à en perpétuer le souvenir. Le député propose ce projet de loi à la demande de proches d'anciens combattants. Ces gens craignent que les décorations accordées aux membres de leur famille ne tombent dans l'oubli.

La Grande-Bretagne, l'Australie et la Nouvelle-Zélande ont reconnu le besoin de modifier leurs lois à cet égard et pris les mesures qui s'imposaient. Je m'étonne que le Canada n'ait pas fait de même. Aurions-nous l'arrogance de supposer qu'en autorisant simplement des parents d'anciens combattants décédés à arborer fièrement les décorations de ces derniers le jour du Souvenir, la Grande-Bretagne, avec son long passé militaire et ses traditions, ternit la mémoire de ceux qui étaient la seule barrière entre la liberté et la tyrannie? Serions-nous en train de dire aux Australiens et aux Néo-Zélandais que nous vouons plus de respect qu'eux aux anciens combattants?

On me permettra de faire des commentaires très personnels en signalant que mon père a pris part à la Seconde Guerre mondiale. Il n'a pas été affecté à ce que d'aucuns décrivent à tort comme les activités les plus prestigieuses du service militaire. Je dis «à tort», parce que je n'ai pas encore rencontré un ancien combattant qui pense que faire la guerre ait quoi que ce soit de prestigieux.

Autrement dit, mon père n'était ni pilote de chasse ni canonnier. Il n'était ni parachutiste ni chauffeur de char. Il n'était ni homme-grenouille ni commando. Non, mon père conduisait un camion. Il était conducteur dans des convois. Il s'est enrôlé en 1939, quand la guerre a éclaté, et il a eu la chance de rentrer au Canada à la fin de la guerre, six ans plus tard.

Il a rencontré ma mère en Hollande, quand ce pays a été libéré par les Canadiens. Les cérémonies du printemps dernier ont justement eu lieu à Apeldoorn, la ville natale de ma mère. C'est là qu'ils se sont rencontrés. Elle est venue le rejoindre au Canada, en 1947.

 

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Le frère de mon père, mon oncle, a également servi en Europe pendant toute la durée de la guerre et il a épousé une Flamande.

Au début des années 1950, mon père a passé une courte période dans l'Aviation royale du Canada et ma famille a vécu deux ans dans le nord de la France. Enfant, j'ai joué dans des forêts et des champs qui avaient été des théâtres de guerre il y a moins d'une dizaine d'années auparavant. J'ai visité des cimetières en France et en Hollande dont le sol venait tout juste d'être remué. Je me revois encore debout devant l'imposant monument élevé en souvenir de la bataille de la crête de Vimy. Je me rappelle très bien les canons de fusil à baïonnette dirigés vers le ciel et surgissant de la boue d'une tranchée comblée.

Les explications de mon père quant aux causes de tout ceci ont eu un profond effet sur moi. Ni mon père ni ma mère ne parlaient beaucoup de la guerre. Ce n'était pas nécessaire. L'expérience traumatisante que ma mère avait vécue sous l'occupation nazie se reflétait dans sa réaction chaque fois qu'elle entendait quelqu'un parler avec l'accent allemand.

Une fois, j'avais amené à la maison un jeune qui était mon camarade de classe. C'était le fils d'immigrants allemands de fraîche date. Il était grand, maigre, avait les traits anguleux et les cheveux blonds et parlait avec un fort accent. Ma mère s'est montrée très affable envers lui mais après son départ elle m'a demandé de ne plus l'amener quand elle était à la maison. Elle ne s'opposait aucunement à ce que je le fréquente, mais elle ne pouvait pas supporter le fait d'être présente dans la même pièce que lui. Ce jour-là j'ai appris quelque chose au sujet de l'impact de la guerre sur les gens.

En ce qui concerne mon père, chaque 11 novembre, il demeurait un témoin silencieux en s'enfermant dans ses pensées. Mon père n'a reçu aucune décoration spéciale pour service distingué ou pour courage exceptionel. Il n'a eu que les médailles militaires qui ont remises à des milliers d'autres soldats canadiens.

Lorsqu'il est décédé, en 1996, la seule chose que j'ai demandée à mes frères et soeurs a été d'apporter ces médailles chez moi. Elles me rappellent constamment qui était mon père et la gratitude que je lui dois, ainsi qu'à des dizaines de milliers de personnes comme lui. Elles me rappellent également de façon tangible l'oppression et la terreur qu'ont vécues ma mère et des millions d'autres personnes à cause de la tyrannie nazie. Je suis certain que beaucoup d'autres enfants et parents d'anciens combattants pourraient relater des histoires très semblables.

J'admets que les opinions à cet égard sont partagées au sein de nos organisations d'anciens combattants, et je respecte certes le point de vue de ceux qui s'opposent au port de décorations militaires par toute personne autre que celles à qui elles ont été accordées. Il serait peut-être possible de trancher la question au palier local, par voie de règlement ou à l'aide d'un autre moyen. Le comité pourrait en discuter.

Pour ma part, je me demande bien pourquoi quelqu'un voudrait priver un conjoint, un fils ou un petit-fils de la possibilité et du privilège de souligner publiquement les contributions de leurs parents décédés en arborant leurs décorations militaires à l'occasion du jour désigné pour honorer leur mémoire. Il est insensé de considérer ce conjoint, ce fils ou ce petit-fils comme un criminel, le plaçant dans la catégorie des tueurs, des violeurs et des malfaiteurs. C'est ridicule.

J'ai entendu dire ici, ce matin, qu'il ne revenait pas à la Chambre des communes de décider qui devrait porter des décorations militaires et qui ne devrait pas en porter. Le Code criminel traite de cette question et seule la Chambre peut modifier le Code criminel. Le projet de loi C-334 vise à supprimer du Code criminel du Canada la disposition concernant les parents d'anciens combattants décédés qui portent des décorations militaires le jour du Souvenir. Les personnes autres que les parents seraient toujours visées par le Code, tout comme quiconque porterait les décorations un autre jour que le 11 novembre.

J'invite fortement mes collègues à appuyer le renvoi de ce projet de loi au comité permanent.

M. David Pratt (Nepean—Carleton, Lib.): Madame la Présidente, je voudrais moi aussi souhaiter la bienvenue à mes collègues et au personnel de la Chambre des communes après de longues vacances d'été.

Je suis heureux de me joindre à mes collègues pour discuter du pour et du contre du projet de loi C-334. Je reconnais qu'il y a des arguments réfléchis, raisonnables et bien intentionnés des deux côtés. C'est pourquoi il est difficile de se ranger définitivement d'un côté ou de l'autre. Cependant, il nous incombe de prendre des décisions et dans ce cas-ci, il convient, selon moi, de refuser d'adopter ce projet de loi.

Je peux certes comprendre l'argument défendu durant le dernier débat sur le projet de loi. Nos anciens combattants constituent une ressource nationale qui disparaît graduellement. Alors que nous entrons dans ce nouveau siècle, nous perdons bon nombre d'entre eux très rapidement sous l'effet du temps et du vieillissement. Un peu plus de 400 000 de nos anciens combattants sont encore vivants et leur âge moyen est de près de 80 ans.

 

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Ce fait nous impose d'honorer notre engagement et de nous rappeler leurs sacrifices maintenant et au cours des générations futures. Il s'agit de savoir en quoi consiste la meilleure façon de procéder.

Le projet de loi C-334 part du principe que le fait de permettre aux parents d'anciens combattants décédés de porter leurs médailles est une façon de préserver leur mémoire. Je ne suis pas d'accord. Mes collègues de ce côté-ci de la Chambre ont déjà précisé que la légion s'oppose au projet de loi et je crois que c'est l'argument le plus fort contre l'adoption de cette mesure législative.

Cela dit, je voudrais reprendre certaines des observations formulées par le député de West Vancouver—Sunshine Coast durant le débat de mai. Permettez-moi de citer quelques-unes des observations et des questions qu'il a formulées. Il a déclaré:

    Mon initiative vient de ce que des parents d'anciens combattants craignent que les décorations remises à ceux-ci ne soient oubliées et rangées dans des boîtes et des tiroirs poussiéreux. Comme moi, ils croient que le temps est venu de s'adapter à la nouvelle réalité et de ne pas laisser ces précieuses décorations s'empoussiérer quelque part.

Il a ajouté ensuite:

    Pourquoi est-ce un crime pour un proche que de vouloir porter une décoration, rendant ainsi hommage à un parent disparu?

Il a poursuivi:

    Ne serait-ce pas un geste positif de se souvenir d'eux en autorisant leurs familles à porter fièrement les décorations des anciens combattants qui disparaissent?

Enfin, le député a dit:

    Je crois que ces décorations appartiennent de droit aux parents de ceux à qui elles ont été données et qui, malheureusement, ne peuvent plus les porter.

Rien, absolument rien dans le Code criminel en vigueur n'interdit le port des médailles. Rien ne laisse entendre que les médailles doivent être rangées au fond d'un tiroir poussiéreux et la loi actuelle ne stipule pas que c'est un crime pour les parents des anciens combattants décédés de vouloir porter ces décorations. L'interdiction s'applique seulement au port de médaille par quiconque autre que l'ancien combattant lui-même.

Nous encourageons tous les membres des familles des anciens combattants décédés à exposer fièrement les médailles de leurs parents et de leurs grands-parents à la maison ou sur la base d'un prêt dans des endroits publics comme les bibliothèques et les musées de la région. Ils pourraient même envisager de faire don de ces médailles à une institution locale pour exposition.

L'exposition dans des endroits publics de ces médailles a, à mon avis, une signification nettement plus grande que ce qui est proposé dans ce projet de loi, à savoir permettre aux parents des anciens combattants décédés de porter ces médailles un jour par an et, implicitement, de les remettre dans une boîte jusqu'au jour du Souvenir suivant.

Nous devrions étudier très soigneusement cette proposition. Essayons d'imaginer par exemple ce qu'ont dû vivre les personnes qui ont fait la guerre et de réfléchir aux raisons qui pourraient faire qu'elles seraient froissées de voir quelqu'un d'autre porter leurs médailles. Pour ceux de nous qui n'avons pas connu la guerre, il est pratiquement impossible d'imaginer ce que ça a été.

Dans beaucoup de théâtres d'opérations, le temps était souvent très froid et humide. Les champs de bataille, surtout ceux de la Première Guerre mondiale, étaient de vastes étendues boueuses dans lesquelles on pouvait s'enfoncer jusqu'à la taille et même au-delà. Les combattants portaient sur leur dos jusqu'à 40 livres de matériel et de provisions. Ils mangeaient, dormaient et faisaient la guerre dans des tranchées ou à l'abri de barricades de fortune. Ils ne sont pas revenus au pays avant des années et sont restés loin des leurs, mais les chanceux parmi eux ont survécu. Sur le plan médical, la situation était souvent indescriptible.

À l'époque de la Première Guerre mondiale, les techniques chirurgicales antiseptiques étaient inconnues. Les antibiotiques n'existaient pas. Beaucoup d'hommes ayant échappé à la mort aux mains de leurs ennemis ont succombé à des maladies comme la grippe, la pneumonie et autres infections. Dans de telles conditions, les infirmières, des femmes courageuses dont beaucoup ont perdu la vie dans cette guerre infernale, se pliaient en quatre pour redonner du courage à ces hommes démoralisés et soigner leurs blessures.

Nos anciens combattants, confrontés à des ennemis implacables, se sont battus avec détermination jusqu'à la fin. C'était une question de vie ou de mort. Au vu de ce qu'il leur a été demandé de faire et des horreurs dont ils ont été témoins, c'est un miracle que ces hommes et ces femmes aient gardé foi dans le genre humain. C'est pourtant ce qu'ils ont fait. De retour dans leurs foyers, ils ont repris le cours normal de leur vie et entrepris de reconstruire leur pays et de s'occuper des leurs. En récompense pour les services rendus à la patrie, leur sacrifice et leur courage sous le tir de l'ennemi, ils ont été décorés.

Voyons de plus près la décoration militaire la plus connue d'entre toutes dans le Commonwealth, la Croix de Victoria. Elle porte la mention «Pro Valore», pour valeur. À mon avis, ce serait à la fois un sacrilège et un scandale pour quiconque de porter une telle décoration, qu'il s'agisse d'un parent ou autre, si cette personne n'est pas celle à qui un tel honneur a été rendu.

L'ironie du sort veut que beaucoup de Croix de Victoria aient été décernées à titre posthume, leur destinataire étant tombé au champ d'honneur au service de son pays et des ses compagnons d'armes. Si nous pouvions nous mettre d'accord pour dire que la Croix de Victoria ne devrait être portée par nul autre que le médaillé lui-même, il nous faudrait convenir du même principe pour toutes les décorations décernées pour services insignes et actes courageux.

 

. 1155 + -

Honorer la mémoire de nos anciens combattants en racontant leurs exploits est bien mieux et bien plus honorable que d'attribuer des médailles. Nous pouvons faire cela. Nous pouvons écrire leur histoire dans les parcs par exemple ou en donnant leur nom à des rues. Nous pouvons écrire leur histoire dans des lieux de dignité appropriés comme l'endroit où se trouve le Monument aux Morts. Par ailleurs, un grand nombre de nos montagnes, rivières et lacs portent maintenant le nom de nos anciens combattants bien-aimés. Nous pouvons continuer à les honorer de cette façon.

Nous pouvons inscrire dans nos coeurs la mémoire de ces braves hommes et femmes et les principes qu'ils ont défendus et pour lesquels ils sont morts. Nous transporterons cette mémoire avec nous du passé au futur.

Partout au Canada, à l'occasion de rassemblements, de réunions ou de congrès d'anciens combattants, nous verrons, par l'amitié qui s'est créée entre eux à la guerre, notre histoire comme elle s'est déroulée. Nous devons récupérer cette histoire. Nous ne pouvons pas la laisser périr, surtout pas lorsque le dernier de nos anciens combattants s'éteindra.

Revendiquer notre histoire ne se fait pas en portant des médailles qu'on n'a pas méritées personnellement en raison d'un geste posé. Nous savons quoi faire. Nous donnons un avenir à notre passé en le mettant entre les mains de la prochaine génération. Nous avons le devoir de raconter à nos enfants et à nos petits-enfants l'histoire de nos anciens combattants, le courage dont ils ont fait preuve et les sacrifices qu'ils ont faits. Il va de soi que nous leur transmettions cette histoire. C'est leur héritage à eux aussi.

Le projet de loi C-334 ne favorise pas la transmission de l'histoire. Son adoption causera du chagrin et de la colère au sein des anciens combattants. Je ne peux pas appuyer ce projet de loi.

M. Reed Elley (Nanaïmo—Cowichan, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il y a dans ma chambre un cadre dans lequel sont épinglées six médailles de guerre. Ce sont les médailles de mes grands-pères et de mon père, qui les ont reçues lorsqu'ils étaient soldats, pendant les Première et Deuxième Guerres mondiales.

Mes grands-pères ont regagné leur foyer après ces guerres, mais ils avaient tous deux subi de graves blessures. L'un d'entre eux a boité pendant tout le reste de sa vie. L'autre éprouvait énormément de douleurs dans une épaule. L'un a été blessé à la bataille de la crête de Vimy et l'autre, à la bataille de la colline 70. Mon père faisait partie du service de santé de l'Aviation royale canadienne. Dans l'exercice de ses fonctions, il a probablement sauvé la vie de nombreux aviateurs qui s'étaient écrasés pendant la guerre.

Je suis fier d'afficher ces médailles sur le mur de ma chambre. Je le serais encore plus si je pouvais les porter du côté droit de ma veste le Jour du Souvenir. Ces trois hommes, soit mes deux grands-pères et mon père, ne sont plus des nôtres. La triste réalité, c'est qu'au cours des dix prochaines années, les anciens combattants auront presque tous disparu.

Comment allons-nous perpétuer leur mémoire? Serons-nous en mesure de le faire adéquatement?

Le projet de loi dit tout simplement que ceux d'entre nous qui ont connu des anciens combattants et qui sont au courant des sacrifices qu'ils ont consentis pour le Canada pourraient porter ces médailles le jour du Souvenir et à l'occasion des cérémonies au cénotaphe et dire de façon claire, articulée et fière à ceux qui posent la question que «ce sont là les médailles qui ont été remises à ceux qui ont défendu leur pays, qui l'ont servi et qui lui ont donné leur vie».

Lorsque de petits garçons de cinq, six ou sept ans me demanderaient à quoi correspondent ces médailles, je pourrais leur répondre que «ce sont les médailles de mes deux grands-pères et de mon père».

Je prie tous les députés d'étudier attentivement ce projet de loi et de l'approuver, de le transmettre à un comité, de faire en sorte que l'on en discute et, enfin, de veiller à ce qu'il soit intégré dans les lois du pays afin que nous ayons le droit de continuer à nous rappeler de ces anciens combattants, parce que bientôt il n'y en aura plus aucun d'entre eux parmi nous. Nous ne devrions jamais oublier.

 

. 1200 + -

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux d'intervenir aujourd'hui dans le débat sur le projet de loi C-334.

Avant d'aborder vraiment le projet de loi, je voudrais faire quelques remarques sur la nature et la portée du sacrifice consenti par les anciens combattants canadiens, en particulier au cours du siècle dernier. On peut s'étonner de nous entendre parler des guerres auxquelles nous avons participé comme étant des guerres du siècle dernier. Le sacrifice consenti par nos grands-parents et nos arrière-grands-parents nous permet de dire que nous avons participé à une autre guerre mondiale depuis la première moitié du XXe siècle.

Une triste réalité du XXe siècle veut que, pour dresser l'histoire de notre pays, nous n'avons qu'à visiter les cimetières et les monuments du Canada et les cimetières militaires du Commonwealth partout dans le monde. Au cours des deux guerres mondiales, de la guerre de Corée et des missions de paix, plus de 116 000 jeunes Canadiens ont été sacrifiés pour la paix et la liberté. De leur courage, personne n'a jamais douté; ils ont manifesté un courage au combat dans des conditions qu'il est pratiquement impossible de décrire. Prenons par exemple les champs de bataille de la première Guerre mondiale, cette guerre qui devait être la dernière.

[Français]

À l'aube du XXe siècle, le Canada était une petite nation en termes de population: moins de huit millions d'habitants. Mais c'était une nation remplie d'espérances.

Pendant cette guerre, plus de 66 000 jeunes Canadiens versèrent leur sang en sol français et belge. Après la guerre, des noms comme Arras, Amiens, la Somme, la crête de Vimy et Beaumont-Hamel furent à jamais inscrits dans notre histoire.

Les statistiques des morts au cours de la Première Guerre mondiale défient l'entendement. En fait, nous ne connaîtrons jamais les chiffres exacts. Mais ce fut vraiment une guerre mondiale. Soixante-cinq millions d'hommes portèrent l'uniforme. Dix millions d'entre eux furent tués. Vingt-neuf millions furent blessés, capturés ou portés disparus. Tant de nations perdirent leurs fils bien-aimés, sans compter un potentiel énorme pour une nouvelle génération de citoyens.

[Traduction]

La Deuxième Guerre mondiale devait encore une fois plonger le monde dans la noirceur et faire disparaître plus de 45 000 de nos jeunes soldats, marins et aviateurs. Quelques années plus tard, la Corée devait en ravir 516 de plus. C'est dans l'optique d'un tel carnage que nous entamons la discussion sur la notion de courage et les médailles qui se veulent le symbole du courage sous le feu de l'ennemi. Il est bien évident que, de par sa définition même, le courage sous-entend les médailles et les citations pour bravoure.

La Croix de Victoria est la plus haute décoration pour bravoure décernée par les pays du Commonwealth. Il est presque impossible d'imaginer les actes de bravoure accomplis par tous ceux qui se sont vu décerner cette médaille. Ironiquement, lorsqu'on parle de courage aux anciens combattants, ces derniers ne semblent généralement pas se considérer eux-mêmes comme des héros.

En fait, l'un des récipiendaires de la Croix de Victoria, Fred Tilston, qui est décédé il y a quelques années, avait même l'habitude d'en rire. Quand on lui demandait ce qu'il fallait pour obtenir la Croix de Victoria, il résumait le tout en un seul mot: l'inexpérience. Je suppose qu'il riait un peu de lui-même. Fred, comme la plupart des anciens combattants, ne faisait pas étalage de son courage.

L'écrivain anglais G. K. Chesterton avait raison lorsqu'il disait que le courage est une expression plutôt contradictoire puisqu'elle correspond à un fort désir de vivre qui se traduit par une préparation à la mort. Je présume que c'est ce que cela signifiait pour les Canadiens qui ont vécu la guerre. Des hommes et des femmes ordinaires ont été appelés à faire des choses extraordinaires dans une période des plus terrifiantes. Dans cette optique, tous ceux qui ont fait la guerre ont fait preuve de beaucoup, beaucoup de courage.

C'est en pensant à ces multiples sens des notions de courage, de service et de sacrifice que j'aimerais traiter des divers aspects du projet de loi C-334.

 

. 1205 + -

[Français]

Le vice-président: Je regrette d'interrompre l'honorable député, mais la période prévue pour l'étude des affaires émanant des députés est maintenant expirée et l'ordre est reporté au bas de la liste de priorité au Feuilleton.

Je dois aussi aviser l'honorable député qu'il aura cinq minutes lorsque ce projet de loi reviendra devant la Chambre.

*  *  *

[Traduction]

LES TRAVAUX DE LA CHAMBRE

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, après l'ajournement de l'été, il est important pour les Canadiens de savoir quel est le programme du gouvernement, compte tenu des événements survenus cet été, qu'il s'agisse de Burnt Church, des problèmes que pose le crime organisé au Québec et ailleurs au pays, ou encore de la question de l'essence et du mazout, notamment. La question que je pose au leader parlementaire du gouvernement, c'est: quel est le programme du gouvernement pour aujourd'hui et le reste de la semaine?

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, aujourd'hui, le gouvernement a l'intention d'amorcer le débat sur le projet de loi C-38, qui concerne les institutions financières, tout de suite après la présente déclaration. S'il reste du temps, nous pourrions passer alors à l'étude du projet de loi C-41, qui porte sur les prestations des anciens combattants.

Demain, nous projetons d'appeler le projet de loi C-33, Loi sur les espèces sauvages en péril, puis, s'il reste du temps, de passer à l'étape du rapport du projet de loi C-14, qui porte sur les revendications du Manitoba.

Mercredi, nous voudrions reprendre l'étude du projet de loi C-14, si elle n'a pas été terminée.

La journée de jeudi sera une journée de l'opposition consacrée à l'Alliance canadienne.

Vendredi, nous voudrions étudier le projet de loi C-41, qui concerne les prestations des anciens combattants, si nous ne réussissons pas à le faire aujourd'hui.

Je voudrais également informer la Chambre que le gouvernement ainsi que les leaders parlementaires de tous les partis ont l'intention de demander au Comité permanent des ressources naturelles et des opérations gouvernementales de tenir une audience non officielle ce jeudi afin de consulter le commissaire à la protection de la vie privée par intérim. Suite à cette réunion, le gouvernement voudrait, à une séance ultérieure de la Chambre, procéder à la nomination du commissaire à la protection de la vie privée.

Il y a eu des consultations, et elles ne sont pas terminées, au sujet du projet de loi C-3, sur le système de justice pénale pour les adolescents, dont l'étude s'éternise, si j'ose dire, à un comité. J'ai l'intention d'en reparler à la Chambre plus tard aujourd'hui, lorsque ces consultations seront terminées.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, puisqu'on est à discuter des travaux de la Chambre, comme je l'ai annoncé, j'ai l'intention de demander à la Chambre, s'il y avait consentement unanime, de modifier l'ordre des travaux de la façon suivante.

Les discussions préliminaires que j'ai eues avec mes collègues me laissent entendre que l'ensemble des députés de l'opposition à la Chambre seraient d'accord pour appuyer une demande de consentement unanime que je vais présenter au gouvernement et qui a trait aux événements très sérieux qui se sont produits au Québec dernièrement et qui font en sorte que la lutte contre le crime organisé est devenue la très grande priorité. Il est extrêmement urgent que ce Parlement, conscient de ses responsabilités, puisse étudier cette question et prendre un certain nombre de décisions.

Je vous cite le texte au sujet duquel je demande le consentement unanime:

    Que la motion M-428, qui est inscrite sous la rubrique Avis de motions émanant des députés, malgré tout article du Règlement, soit débattue immédiatement;

    Que ce débat se tienne lors du temps normalement réservé aux ordres du gouvernement;

    Que tout député prenant la parole au cours de ce débat n'intervienne pas plus de 20 minutes;

    Qu'il soit possible de scinder le temps des interventions entre deux députés;

    Qu'une période d'au plus 10 minutes de questions et commentaires suive ces interventions; et

    Que 15 minutes avant la fin du débat, le Président interrompe les délibérations afin de mettre immédiatement aux voix les questions relatives à la motion.

 

. 1210 + -

Il s'agit de la motion M-428, que j'ai pris la précaution d'inscrire au Feuilleton pour qu'elle soit disponible pour tous les parlementaires. La motion se lit comme suit:

    Qu'il soit reconnu que la liberté de la presse et le droit du public à l'information constituent les fondements mêmes de la démocratie; que la Chambre n'entend pas céder devant l'intimidation que tentent d'exercer les groupes criminalisés envers les institutions démocratiques; que la Chambre demande au gouvernement d'élaborer et de déposer, avant le 6 octobre 2000[...]

Il est entendu qu'il pourrait y avoir une entente différente sur la date. Selon les consultations qui se tiendront, on pourrait changer la date.

      [...] un projet de loi visant à rendre criminelle l'appartenance à une organisation criminelle et ce, en invoquant si nécessaire la clause dérogatoire de la Charte canadienne des droits et libertés.

Comme cette motion est connue des parlementaires depuis déjà un certain temps, que le problème est extrêmement criant non seulement au Québec, mais dans le reste du Canada, bien qu'il le soit davantage au Québec, je demande donc le consentement unanime de la Chambre pour modifier l'ordre des travaux d'aujourd'hui.

L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, il y a eu des consultations préliminaires ce matin. Je n'ai pas terminé les consultations de ce côté-ci de la Chambre. Je ne suis donc pas en mesure, au moment où on se parle, de donner le consentement unanime à cette proposition, ni à un amendement quelconque puisque le leader parlementaire du Bloc québécois a lui-même souligné qu'il y aurait peut-être un amendement.

Toutefois, à 15 heures, immédiatement après la période des questions orales ou peut-être avant, si le député veut à nouveau poser sa question, on pourrait, s'il y a consentement d'une forme ou d'une autre pour un débat plus tard aujourd'hui, s'entendre sur une formule.

Quoi qu'il en soit, j'aimerais faire état de cette question à la Chambre à 15 heures. D'ici là, je devrai refuser le consentement unanime quitte à ce que la proposition soit présentée à ce moment-là, soit immédiatement après la période des questions orales.

Le vice-président: Ce pourrait être après la période des affaires courantes.

La Chambre consent-elle unanimement à la requête présentée par l'honorable député de Roberval?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

Le vice-président: L'honorable député de Roberval pourra présenter à nouveau cette demande plus tard cet après-midi, après la période des affaires courantes.

M. Michel Gauthier: Monsieur le Président, c'est ce que j'ai compris des commentaires faits par l'honorable leader du gouvernement à la Chambre.

L'opposition étant unanime, le gouvernement réfléchit à cette question et nous aurons possiblement une réponse positive—en tout cas, on peut l'espérer—si je représente cette demande un peu plus tard aujourd'hui. C'est bien ce que j'ai compris.

Le vice-président: Je ne veux pas parler pour le leader du gouvernement à la Chambre, mais sa déclaration est disponible pour tous les députés. C'est évident qu'il a invité l'honorable député à répéter sa requête plus tard aujourd'hui.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Français]

LOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU CANADA

 

L'hon. Jim Peterson (au nom du ministre des Finances) propose: Que le Projet de loi C-38, Loi sur l'agence de la consommation en matière financière du Canada, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

—Monsieur le Président, je suis très heureux de prendre la parole sur le projet de loi C-38 concernant nos institutions financières. C'est un projet de loi que j'ai déposé à la Chambre le 13 juin dernier.

 

. 1215 + -

[Traduction]

C'est la septième mesure importante concernant nos institutions financières que le gouvernement présente depuis quatre ans et demi.

Au début de 1996, nous avons présenté le projet de loi C-15 qui a donné au surintendant des institutions financières des pouvoirs accrus lui permettant d'intervenir immédiatement à l'égard des institutions en difficulté, ce qui contribue à améliorer la sécurité et la solidité de tout notre système financier.

En 1997, nous avons adhéré à l'accord de l'OMC sur les services financiers, qui a permis aux institutions financières canadiennes d'avoir un meilleur accès aux marchés étrangers partout dans le monde. Encore en 1997, le gouvernement a présenté le projet de loi C-82 visant à renforcer la protection des consommateurs en interdisant la vente liée coercitive.

Nous avons adopté en 1998 une mesure qui fut probablement une des plus importantes et qui a permis de mutualiser certaines de nos grandes compagnies d'assurances et mis plus de 10 milliards de dollars entre les mains des titulaires de police.

En 1999, nous avons adopté un projet de loi concernant les banques étrangères qui étaient autorisées à opérer en tant que succursales au Canada en utilisant les capitaux de leur société mère ailleurs dans le monde pour être davantage en mesure de prêter aux Canadiens.

En juin 2000, nous avons adopté un projet de loi sur le recyclage de l'argent qui constituait un coup direct porté au crime organisé en mettant un frein au blanchiment de l'argent sale par le truchement de nos institutions.

Le projet de loi C-38 est notre septième initiative dans ce domaine. Comme nous le savons tous, il s'agit d'une mesure extrêmement importante tant par son volume que par ses conséquences. Elle modifie 22 lois et établit une loi entièrement nouvelle comptant près de 900 pages. C'est une mesure d'une énorme importance car, comme nous le savons, notre secteur financier est vraiment un moteur de notre économie.

[Français]

Le secteur emploie plus de 500 000 Canadiens. Sa liste de paie annuelle dépasse les 22 milliards de dollars. Il représente environ 5 p. 100 de notre produit intérieur brut et près de 50 milliards de dollars par année au chapitre des exportations de notre pays. Il verse également plus de 9 milliards de dollars par année en impôts à tous les paliers d'administration. C'est l'industrie la plus taxée au Canada.

En raison de l'importance directe et indirecte du secteur financier, secteur dont je suis très fier, le cadre stratégique dans lequel il évolue doit favoriser les possibilités de croissance, d'exportation et de création d'emplois pour le bienfait de notre économie tout entière.

[Traduction]

Le projet de loi C-38 prévoit la mise en oeuvre d'un cadre stratégique permettant à ce secteur de poursuivre sa contribution capitale à notre bien-être économique en améliorant sa capacité de soutenir la concurrence dans le nouveau contexte de la mondialisation et des progrès technologiques rapides, en faisant en sorte qu'il soit plus facile pour ces institutions de saisir les possibilités qui s'offrent aussi bien au Canada qu'à l'étranger, et en adoptant une ligne de conduite équilibrée dans l'intérêt des consommateurs et du secteur même.

Comme nous le savons tous, le projet de loi C-38 est l'aboutissement d'un très vaste processus de consultations. Ce processus a commencé en juin 1996, lorsque nous avons annoncé la création d'un comité consultatif chargé de revoir le système de paiement. À la fin de 1996, il y a ensuite eu la création d'un groupe de travail chargé d'étudier l'avenir du secteur des services financiers canadien, ce groupe connu sous le nom de Groupe de travail MacKay nous ayant présenté son rapport en septembre 1998.

À la suite du dépôt de ce rapport, les comités des finances de la Chambre des communes et du Sénat ont tenu de vastes consultations partout au Canada et nous en ont fait rapport à la fin de l'année.

 

. 1220 + -

Nous avons pris très sérieusement en considération tous ces avis au moment de rédiger le document d'orientation de juin 1999 qui constituait la réponse du gouvernement à toutes les consultations et aux commentaires formulés par nos collègues de la Chambre. Dans l'année qui a suivi le dépôt de ce livre blanc, nous avons entrepris des consultations encore plus vastes pour pouvoir inclure dans les dispositions législatives les résultats de l'ensemble des travaux et réflexions. J'ai déposé ce projet de loi à la Chambre le 13 juin dernier.

[Français]

Plus précisément, le projet de loi C-38 encourage l'efficience et la croissance des institutions financières canadiennes dans les marchés internationaux; il favorise la concurrence intérieure; il augmente la protection des consommateurs des services financiers; et il améliore le cadre de réglementation.

[Traduction]

Pour encourager l'efficience et la croissance, nous proposons une structure de sociétés de portefeuille qui conférera plus de souplesse à ce type d'institutions pour concurrencer les institutions à vocation unique qui n'ont qu'un type d'activités. Elles bénéficieront ainsi d'un régime de réglementation moins lourd grâce à ces sociétés de portefeuille.

Pour ce qui est de la participation, nous permettons que jusqu'à 20 p. 100 des actions des grandes institutions soient utilisées pour des alliances stratégiques devant permettre à nos banques de participer à des coentreprises avec d'autres institutions au Canada et à l'étranger. Nous avons amélioré la gamme des investissements autorisés pour nos institutions financières.

[Français]

Nous avons, par des directives, souligné la possibilité des fusions, reconnaissant que les fusions peuvent être une stratégie viable. Il y aura un nouveau processus d'examen transparent pour l'évaluation des fusions et pour assurer l'intérêt public.

[Traduction]

Pour favoriser la concurrence intérieure, nous autoriserons l'établissement de nouvelles entités respectant des exigences moins élevées sur le plan des capitaux. Il y aura trois catégories d'institutions: celles dont les capitaux propres dépassent cinq milliards de dollars, celles dont les capitaux propres sont inférieurs à un milliard de dollars, et les institutions intermédiaires qui se situent entre les deux. Enfin, les grandes banques dont les capitaux propres sont supérieurs à cinq milliards de dollars devront être à participation multiple, conformément aux nouvelles exigences de 20 p. 100 du régime de participation. Ce nouveau régime de participation encouragera l'établissement de banques à rayonnement local.

[Français]

Nous avons également mis en place des dispositions faisant que les coopératives, les maisons de crédit et les coopératives de crédit pourraient peut-être voir à la création d'une entité de service national. Celle-ci permettrait aux coopératives d'adopter une structure de portée nationale et faciliterait la concurrence face aux grandes institutions canadiennes et étrangères.

[Traduction]

En permettant à des compagnies d'assurance-vie, des maisons de courtage et des fonds communs de placement en instruments du marché monétaire d'entrer dans notre système de paiements, nous allons accroître la concurrence au niveau intérieur.

Pour ce qui est de donner plus d'autonomie aux consommateurs et de les protéger, le projet de loi va assurer aux Canadiens un accès à des services financiers de base, quels que soient leur revenu ou leur lieu de résidence, et notamment un accès à des comptes à faibles coûts et à un processus qui régira la fermeture de toute succursale.

[Français]

Il met sur pied l'Agence de la consommation en matière financière pour renforcer la surveillance des mesures de protection des consommateurs et étendre la portée des activités d'éducation des consommateurs.

[Traduction]

Il établit un ombudsman indépendant pour les services financiers canadiens afin de s'occuper des différends avec les institutions.

 

. 1225 + -

Pour ce qui est d'améliorer le cadre de réglementation, nous avons rationalisé le processus d'approbation. Nous apportons des modifications importantes à la régie et à la surveillance de l'Association canadienne des paiements et nous accordons de nouveaux pouvoirs au surintendant des institutions financières afin de lui permettre de s'occuper de risques possibles.

C'est une ère de changements extrêmement rapides et de mondialisation de la concurrence. Nous reconnaissons que nos institutions financières doivent avoir la souplesse et la liberté voulues pour s'adapter à l'évolution de la situation. Le monde ne demeurera pas inchangé, pas plus que ce secteur ni nous-mêmes. C'est pourquoi il est si important d'essayer constamment de favoriser la compétitivité et de garantir une certaine sécurité et la solidité de notre secteur financier, car c'est dans l'intérêt de tous les Canadiens.

Nous avons prévu un réexamen de cette loi après cinq ans, chose unique parmi les institutions du monde, pour veiller à ce qu'il y ait des examens constants et pour nous assurer que nos institutions peuvent s'adapter.

[Français]

Deuxièmement, le gouvernement est disposé à réévaluer la législation avant que soient révolus les cinq ans séparant les examens, s'il le juge à propos, pour s'assurer que le cadre demeure adapté à un marché en rapide évolution.

[Traduction]

Troisièmement, le projet de loi permet à de nombreux éléments clés d'être réglés par règlement, afin qu'il ne soit pas nécessaire de revenir à la Chambre dans le cadre du processus très lourd de changement législatif pour permettre à notre secteur financier de s'adapter.

Le projet de loi prévoit un nouveau cadre stratégique qui assurera la solidité de nos institutions financières, protégera les intérêts des Canadiens, continuera de contribuer à la création d'emplois et à la croissance économique et permettra à notre secteur financier de demeurer sûr et stable.

Je remercie mes collègues de leurs contributions très utiles au projet de loi. Ils verront qu'il reflète une bonne partie de leurs idées et suggestions. C'est parce qu'il est le fruit de consultations intenses et de la coopération de tous les députés que le projet de loi a l'appui des associations de consommateurs et des associations d'entreprises qui souhaitent son adoption le plus rapidement possible. Nous comptons sur son adoption rapide à la Chambre.

M. Richard M. Harris (Prince George—Bulkley Valley, Alliance canadienne): Madame la Présidente, je suis moi aussi heureux de prendre la parole aujourd'hui au sujet du projet de loi C-38. À en croire le secrétaire d'État, le gouvernement libéral a accompli un véritable exploit pour parcourir tout ce chemin depuis 1993.

En ce qui concerne notre secteur bancaire et le choix de services financiers offert aux consommateurs canadiens, le secrétaire d'État dit que le gouvernement a pris sept initiatives positives alors qu'en réalité il n'y en a que deux qui auront une incidence directe du fait qu'elles accroîtront probablement la concurrence et permettront aux banques canadiennes d'entrer dans le XXIe siècle et de s'aligner sur ce qu'ont déjà fait beaucoup de pays étrangers.

Il est probable que, pour la majorité, les députés, y compris sans doute le secrétaire d'État lui-même, ignorent que le Canada a pris du retard sur d'autres pays, dont certains de nos principaux partenaires commerciaux, en ce qui concerne la modernisation de la structure financière et bancaire du pays.

Le secrétaire d'État peur être fier du projet de loi. Celui-ci contient certes de très bonnes choses. Dans l'ensemble, nous l'appuierons, mais je lui conseille d'être prudent quand il parle de la rapidité avec laquelle les libéraux ont franchi les étapes depuis 1993 pour mettre nos institutions bancaires sur un pied d'égalité avec celles des pays avec lesquels nous faisons affaire. Je suis certain que, à la réflexion, le secrétaire d'État a des doutes sur cette rapidité.

 

. 1230 + -

Il y a, dans le projet de loi C-38, des parties que nous approuvons et d'autres que nous n'approuvons pas. Il y a également des choses qui manquent et nous y remédierons en proposant des amendements au fur et à mesure que se déroulera le processus. Vu les mots d'encouragement du secrétaire d'État pour que nous l'aidions à assurer l'adoption rapide du projet de loi, je suis certain que le gouvernement aura une attitude tout aussi encourageante à l'égard des amendements que proposera l'Alliance canadienne, en particulier, et qu'il verra à ce qu'ils fassent partie de cet excellent projet de loi sur les services financiers.

Examinons certains bons points de ce projet de loi dont, incidemment, nous avions déjà exposés bien des aspects au gouvernement dans un rapport sur les banques produit en novembre 1998 par le député de Prince George—Bulkley Valley, en sa qualité de porte-parole de l'opposition officielle pour les banques et institutions financières. Dans ce rapport de 100 pages intitulé Competition: Choice You Can Bank On, nous avions clairement demandé une concurrence accrue et de meilleurs services dans le domaine bancaire. Nous avions aussi recommandé que les propositions de fusions soient évaluées à leurs mérites respectifs et que des facteurs atténuants soient intégrés à ces propositions afin que le ministre des Finances d'alors et tous les intervenants puissent examiner celles-ci et affirmer: «Oui, cette proposition est valable. Elle possède quelque mérite. Nous devons l'approuver.» ou, au contraire: «Non, cette proposition n'est pas valable, nous devons la rejeter.» Ainsi, on aurait éliminé l'approche universelle quant à l'analyse des fusions.

Nous, députés de l'opposition officielle, avons présenté un plan en 1998. Ce plan proposait d'instaurer des choix et de la concurrence dans le secteur financier. Il proposait aussi une stratégie de changement, que le gouvernement commence à peine à mettre en oeuvre, pour permettre à nos banques nationales de relever plus efficacement le défi de la concurrence mondiale.

Il était grand temps d'agir en ce sens. Comme le savent le secrétaire d'État et son gouvernement, les cotes des cinq grandes banques du pays baissent constamment à l'échelle mondiale. Les grandes banques de la planète procèdent, beaucoup plus aisément qu'on peut l'imaginer, à des regroupements et à des fusions et, ce faisant, consolident leurs forces et profitent des occasions qui se présentent sur le marché mondial. Nos banques, incapables à cause des règlements de fusionner et de grandir par les acquisitions et les autres mesures de ce genre, doivent laisser passer ces possibilités formidables dont profitent les grandes banques mondiales qui ont pu regrouper leurs forces et atteindre une envergure leur permettant de saisir ces occasions.

Ce n'est que maintenant que nos cinq grandes banques canadiennes peuvent se tourner vers l'avenir. Madame la Présidente, il faut comprendre, et vous le comprenez sûrement, que les institutions bancaires ne peuvent simplement pas se contenter d'une planification à court terme. Elles doivent se donner un horizon lointain, bien plus lointain qu'on ne peut l'imaginer. Il leur faut des projets et des plans d'entreprise à plus long terme. C'est la nature de leurs activités qui le veut.

Le gouvernement ne fait à peu près rien depuis 1993. Les banques canadiennes ont été plongées dans la plus complète ignorance sur ce qu'elles devaient attendre du gouvernement en matière de réglementation. Elles ne savaient pas dans quelle voie le gouvernement allait s'engager pour qu'elles puissent tracer des plans pour les 10, 15 et 20 ans à venir.

Les choses ont traîné en longueur. Ce n'est qu'aujourd'hui que les banques canadiennes peuvent pousser un soupir de soulagement et commencer à se concentrer sur des plans à long terme et à examiner les occasions à saisir sur le marché mondial. Les banques canadiennes pourront désormais livrer concurrence grâce à de nombreuses dispositions du projet de loi. Ne laissons pas le secrétaire d'État libéral s'arroger le crédit pour la prétendue diligence avec laquelle le gouvernement se serait occupé de cette question.

 

. 1235 + -

Il y a d'autres points dont nous voulons discuter. Les banques ont demandé une disposition qui leur permettrait de transformer certains éléments de leur organisation en sociétés de portefeuille pour qu'elles puissent avoir un régime de réglementation plus souple. Enfin, le gouvernement se rendra à leurs voeux. Les banques peuvent maintenant commencer à appliquer les plans qu'elles avaient mis en veilleuse parce que le gouvernement ne donnait aucune orientation.

Nous sommes également heureux de constater qu'un accès plus large au système de paiements canadien permettra aux sociétés d'assurance-vie, aux représentants de fonds mutuels en instruments du marché monétaire et aux courtiers en valeurs mobilières d'avoir un meilleur accès au système, pour assurer directement la compensation sans passer par les banques.

Dans le projet de loi, on ne parle pas de la possibilité que les caisses de crédit ressemblent de plus en plus à des banques nationales. Cela me surprend, parce que le groupe de travail MacKay a étudié la question et a recommandé au gouvernement d'envisager, dans le cas des caisses de crédit, la création d'établissements bancaires coopératifs. Une banque coopérative née d'une caisse de crédit accorderait simplement à chaque membre de la coopérative, qui s'adonnerait désormais à des activités bancaires, le droit de vote à l'intérieur de cette organisation. Nous nous demandons pourquoi le gouvernement n'a pas envisagé cette possibilité. Pourquoi n'a-t-il pas inséré de dispositions en ce sens s'il désire réellement offrir un plus vaste choix de services bancaires aux consommateurs et aux PME du Canada?

Nous avons l'intention de proposer à l'étape de l'étude du rapport des amendements qui donneront au gouvernement l'occasion de corriger cette omission. Nous déplorons vivement que le gouvernement ait omis d'inscrire dans ce projet de loi les dispositions nécessaires pour que les caisses de crédit deviennent des établissements bancaires coopératifs.

Par contre, nous sommes heureux de constater que le gouvernement, dans sa grande sagesse, a maintenu les restrictions limitant l'intervention des banques dans les domaines de la location de voitures et de l'assurance. Nous en félicitons le gouvernement et nous lui rappelons également que nous avons diffusé, en 1998, un rapport dont j'ai ici un exemplaire que je pourrais remettre au secrétaire d'État, même si je suis convaincu qu'il en a pris connaissance au moment de rédiger le projet de loi C-38. Dans ce rapport, nous exhortions le gouvernement à maintenir le statu quo. La location de voitures et l'assurance sont deux secteurs très compétitifs et dynamiques de l'économie canadienne et nous étions d'avis que les choix offerts aux consommateurs étaient assez vastes et que ces secteurs fonctionnaient bien.

Nous avons un peu de mal à faire confiance à l'ombudsman, l'Agence de consommation en matière financière du Canada. Il n'y a que le gouvernement pour trouver un titre à consonance aussi bureaucratique pour ce qui sera sûrement, à l'intérieur de l'appareil gouvernemental, une nouvelle bureaucratie appelée à mourir à petit feu à cause de l'inefficacité caractéristique de ces organismes bureaucratiques.

Pourtant, les choses auraient pu être si simples. Le gouvernement aurait pu prévoir dans la loi la nomination d'un ombudsman très indépendant, qui aurait été chargé de superviser le secteur des services financiers et de faire rapport directement au Parlement, aux représentants élus. Non, le gouvernement a décidé de créer cette agence qui sera dirigée par un commissaire nommé par le ministre des Finances.

 

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On aurait cru que les libéraux n'avaient désormais plus d'ami à favoriser, mais il en restait encore un qui héritera du poste de commissaire de l'Agence de la consommation en matière financière du Canada. Comme celui-ci fera rapport directement au ministre des Finances, tout ce qui sortira de cette agence devra avoir d'abord l'aval du ministre des Finances. Autrement dit, nous n'entendrons que ce que le ministre des Finances voudra bien que nous entendions. Nous ne serons pas autorisés à interroger nous-mêmes le commissaire. C'est significatif, car cela ressemble tellement au gouvernement de restreindre l'accès des partis de l'opposition aux organismes qu'il crée parce que cela ne fait pas partie de son programme.

Nous sommes heureux que le gouvernement ait abaissé le capital requis pour établir une petite banque. Nous l'en félicitons. Nous croyons que les choses vont bouger dans le domaine des services bancaires régionaux et communautaires. Nous osons croire que le gouvernement encouragera la concurrence dans les entreprises de ce genre. Nous appuyons cela.

Nous regrettons que le gouvernement soit obligé de commencer ou de continuer à exploiter des comptes déficitaires pour des particuliers ou de petites entreprises du Canada. Le gouvernement croit peut-être que c'est payant au plan politique, mais c'est en fait une ingérence dans des affaires privées. Il va un peu trop loin.

Comment le gouvernement peut-il dire à une entreprise qu'elle doit exploiter une de ses divisions sans que cela ne soit rentable? En fait, l'entreprise perdra probablement de l'argent, mais le gouvernement a décidé qu'elle devait exploiter une de ses divisions à perte. C'est ce que le gouvernement a fait dans ce projet de loi. Il a dit aux banques que, peu importe qui venait demander à ouvrir un compte, la banque devait acquiescer à cette demande. Que ce compte soit géré de façon responsable ou non, la banque doit quand même permettre à la personne d'avoir un compte dans une de ses succursales. Les banques elles-mêmes trouvent que le gouvernement leur dit comment administrer leurs propres affaires.

Les fermetures de banques sont devenues une réalité dans ce pays. Tout le monde sait que la plupart des banques ont une infrastructure trop lourde en ce qui a trait aux succursales. Dans bien des cas, les banques cherchent à alléger cette infrastructure parce que certaines de leurs succursales ne sont pas rentables, et les banques n'ont tout simplement pas pour mission de fonctionner à perte au nom de leurs actionnaires. Il faut réduire au minimum les contraintes bureaucratiques pour permettre aux banques de prendre des décisions opérationnelles prudentes.

Les banques reconnaissent que, en tant qu'entreprises, elles ont un rôle important à jouer dans bien des petites localités d'un bout à l'autre du pays. Elles ne fermeront pas de succursales de façon arbitraire. Elles prendront les dispositions nécessaires, comme l'a fait la Banque de Montréal, qui a vendu certaines de ses succursales aux coopératives d'épargne et de crédit. C'était là une décision prudente. Les gens n'ont pas perdu accès à leurs services bancaires. Le nom a changé, mais les services étaient toujours là. C'était une bonne décision. J'espère que le gouvernement permettra aux banques de prendre elles-mêmes les décisions quant à la façon de structurer leurs activités afin qu'elles puissent assurer à leurs actionnaires qu'elles pourront le faire de façon rentable.

 

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Le secrétaire d'État va rigoler quand il va entendre ce qui suit. Il va penser que je n'ai sans doute pas vraiment réfléchi avant d'aborder cette question, mais le projet de loi C-38 n'aborde absolument pas le très réel problème du régime d'imposition auquel les banques sont soumis. Le secrétaire d'État sait que, de toutes les sociétés au Canada, les banques sont assujetties à plus de paliers d'imposition que tout autre genre d'entreprise au Canada. Même des sociétés à succès comme Bombardier, SNC Lavalin et Magna International sont assujetties à un moins grand nombre de structures d'imposition que les banques.

Les banques canadiennes ont notamment dit au gouvernement que si l'on s'attend à ce qu'elles soient en mesure, comme banques intérieures, de soutenir la concurrence à l'échelle mondiale et de tirer parti des débouchés, elles doivent être assujetties aux mêmes règles du jeu que d'autres banques situées ailleurs dans le monde. Le gouvernement ne s'est pas encore attaqué au problème très concret auquel font face les banques canadiennes quant à leurs objectifs sur le plan de la concurrence mondiale, savoir le régime d'imposition auquel elles sont assujetties au Canada. Nous sommes étonnés que le gouvernement n'ait pas abordé cette question, pas plus qu'il ne s'est pas préoccupé d'accorder un allégement fiscal dans de si nombreux autres secteurs, qu'il s'agisse d'impôt sur le revenu des particuliers ou des sociétés, de droits, de services et de cotisations d'AE.

Ce n'est pas un gouvernement faisant preuve d'ouverture à l'égard des gens qui travaillent durement afin de connaître du succès et qui cherchent à gagner de l'argent. Il est au premier rang pour pénaliser le succès. C'est l'attitude qu'il adopte à l'égard de nos institutions bancaires depuis des années. L'inégalité des règles du jeu contribue à freiner les banques canadiennes lorsqu'elles doivent soutenir la concurrence.

Je souligne en terminant que nous appuierons ce projet de loi. Nous espérons qu'il sera adopté en temps opportun, tout comme la ministre de la Justice voudrait qu'il en soit pour certaines de ses mesures législatives. Nous prions le gouvernement d'analyser sérieusement les amendements que nous proposerons. Nous espérons qu'un esprit de collaboration se manifestera au moment où nous discuterons de nos besoins et où le gouvernement évoquera ses besoins concernant l'échéancier relatif à l'adoption de son projet de loi.

Notre parti prendra une part active aux diverses étapes du processus lié au projet de loi C-38.

[Français]

M. Yvan Loubier (Saint-Hyacinthe—Bagot, BQ): Madame la Présidente, j'ai entendu des collègues m'applaudir. C'est une drôle de façon de commencer une période pré-électorale que d'entendre un collègue libéral applaudir lorsque je me lève. Dois-je en conclure qu'il va appuyer tout ce que je vais dire sur son gouvernement au cours des prochaines minutes?

Il me fait plaisir de prendre la parole sur cet important projet de loi. Il est important, parce que cela fait au-delà de sept ans que nous l'attendons, et que nous avions accumulé des retards au cours des dernières années. Je vois le secrétaire d'État aux Institutions financières internationales qui était, à ce moment-là, le président du Comité permanent des finances; il sait de quoi je parle lorsque je parle de retard. On a au moins deux années de retard dans ce qui a été présenté comme projet de loi concernant les institutions financières.

Tous et toutes ici pourront témoigner de l'intérêt du Bloc québécois pour cette modification aux lois concernant les institutions financières. D'ailleurs, il y a deux ans et demi, lorsque M. McKay a présenté ses propositions, le Bloc québécois a présenté un mémoire au Comité permanent des finances. Plutôt que de questionner des témoins, cette fois-là, nous avions décidé d'apporter une contribution au débat concernant les modifications à la Loi sur les banques et les institutions financières en général en présentant un mémoire qui contenait à peu près l'esprit suivant.

 

. 1250 + -

Lorsqu'on regarde évoluer la situation sur le plan financier au niveau international, on constate premièrement que les choses vont très rapidement avec ce qu'on appelle la globalisation des marchés, avec surtout l'ouverture grandissante de plusieurs pays occidentaux dans le secteur financier, et aussi avec le fait qu'on permette l'établissement, dans le secteur du commerce électronique, de banques virtuelles. Ce sont des banques, qui n'ont pas d'assise nationale dans certains pays où on dessert une certaine clientèle, à qui on permet d'ouvrir ce qu'on appelle des banques virtuelles. Elles peuvent offrir aux consommateurs des produits financiers, sans qu'il y ait de place physique comme telle pour offrir ces produits.

La concurrence sur le plan international est de plus en plus vive. Même lorsqu'on regarde les six plus grandes banques au Canada, on constate que, à l'échelle mondiale, elles sont petites si on les compare aux banques américaines ou à certaines banques asiatiques, entre autres celles du Japon.

Il est nécessaire d'avoir un environnement législatif qui concourt à augmenter la capacité de nos institutions financières à affronter la concurrence mondiale, soit celle sur les marchés étrangers, mais aussi la concurrence qui ne manquera pas de s'installer graduellement—et cela commence—sur les marchés québécois et canadiens.

Le Bloc québécois souscrit d'emblée à l'esprit de la législation et à plusieurs de ses dispositions. L'environnement compétitif commande un tel projet de loi modifiant la Loi sur les banques et sur les institutions financières en général.

Cela dit, il y a plusieurs problèmes dans ce projet de loi et nous avons l'intention de présenter des amendements à l'étape du rapport. J'espère que de l'autre côté de la Chambre on sera attentif à ces amendements, qu'on sera attentif au fait que nous sommes ouverts, à 90 p. 100, au projet de loi; il y a peut-être un 10 p. 100 qui manque à l'appel ou qui gagnerait à être corrigé.

Premièrement, et ce n'est pas la moindre des choses, lorsqu'on parcourt les innombrables pages du projet de loi comme tel et ses annexes, soit environ 900 pages, une brique de 900 pages, on s'aperçoit qu'il y a beaucoup trop de place pour les pouvoirs discrétionnaires d'un seul homme, c'est-à-dire le ministre des Finances.

Lorsqu'on parcourt le projet de loi dans son entier, à chaque endroit où il y a des dispositions concernant les banques, les sociétés d'assurances, les fiducies et tout le secteur financier, le ministre se réserve toujours le droit d'établir, à partir de critères que lui seul connaît, qu'il y a une opération qui est acceptable ou qui n'est pas acceptable. Il définit lui-même certains concepts comme les dépôts à frais minimum.

On sait que le ministre des Finances a, supposément, le souci d'aider les plus démunis de la société à pouvoir bénéficier entre autres des services bancaires, mais il se laisse toujours de la place pour définir, à l'avenir, ce qui pourrait être bon pour les plus démunis, par exemple dans certains quartiers défavorisés de Montréal ou d'autres grandes villes, ou dans certaines régions éloignées ou dans les régions rurales.

Il y a beaucoup trop d'endroits où le ministre des Finances, soit un seul homme, peut avoir un droit de décision et un droit de vie ou de mort sur certaines opérations pour qu'on soit satisfait du résultat du projet de loi.

De façon générale, nous aurions aimé qu'il y ait plus de clarté dans le processus décisionnel et qu'il y ait aussi plus de précisions au niveau de certains concepts, comme les dépôts à frais minimum pour les plus démunis. C'est la première observation générale.

La deuxième concerne la question de la protection des consommateurs. Il est certain que nous ne pouvons être contre tout pas dans une certaine direction qui consisterait à accroître la protection des consommateur.

Par contre, lorsque nous retrouvons des dispositions qui recoupent ou qui chevauchent celles déjà contenues dans la Loi québécoise sur la protection du consommateur, nous sommes contre. D'ailleurs, la protection des consommateurs est un domaine de juridiction exclusive aux provinces. Il peut y avoir des cas de protection spécifique en regard des banques, qui sont de juridiction fédérale, mais lorsqu'on parle, de façon générale, de protection des consommateurs, ou de la protection de renseignements personnels, c'est de juridiction provinciale.

 

. 1255 + -

Or, partout dans le projet de loi, on parle des nouvelles interventions du gouvernement fédéral dans ce champ de juridiction, qui est pourtant bien couvert par le gouvernement du Québec par une panoplie de lois. On pense, entre autres, à la Loi sur la protection du consommateur, à la Loi sur la protection des renseignements personnels, à la Loi sur les assurances, à la Loi sur les sociétés de fiducie, à la Loi sur les caisses d'épargne du Québec et à la Loi sur le crédit et les valeurs mobilières. Toutes ces lois contiennent des éléments de protection du consommateur.

À un moment donné, un consommateur ne sait plus à quelle loi se vouer. Est-ce que c'est du ressort du gouvernement fédéral? Est-ce que cela touche les nouvelles lois concernant la protection du consommateur contenues dans le projet de loi C-38? Est-ce que c'est la Loi québécoise sur la protection des consommateurs qui s'applique à son cas? Bref, au lieu d'aider à la protection du consommateur, on ajoute, je dirais, à ces égards, pour certaines dispositions du projet de loi C-38, des difficultés à s'y retrouver. Quand on s'y retrouve moins, on protège nécessairement moins les consommateurs.

Un autre cas concernant la protection des consommateurs—et je le mentionnais plus tôt—c'est la protection des consommateurs les plus démunis. Le ministre a pris soin d'inclure dans le projet de loi C-38 le concept de «compte de dépôt de détail à frais modiques». Il dit qu'il y a un grand débat depuis longtemps, à savoir que dans certaines zones des grandes villes comme Montréal, Québec, Vancouver et Toronto, il y a des quartiers très défavorisés. Ils sont tellement défavorisés, que lorsqu'arrivent des personnes avec des difficultés financières, qui ont moins d'argent que le ministre des Finances, entre autres, les succursales des banques surtout accordent un traitement discriminatoire à ces personnes.

Il y a souvent eu des cas, lorsqu'on a enclenché le processus de révision de la Loi sur les institutions financières, où des individus se sont carrément vu refuser l'ouverture d'un compte bancaire, parce qu'ils n'avaient pas de revenu fixe connu, parce qu'ils n'avaient pas de travail depuis une assez longue période ou parce qu'ils ne pouvaient pas produire de cartes d'identité, ainsi de suite.

Maintenant, le ministre nous introduit ce concept de «compte de dépôt de détail à frais modiques», mais il ne dit pas ce qu'il va y avoir là-dedans. C'est un beau concept qui peut accrocher certaines associations de consommateurs, mais où le ministre veut-il en venir avec ce «compte de dépôt de détail à frais modiques»? À qui va-t-il s'adresser, ce «compte de dépôt de détail à frais modique»? Qu'est-ce qu'il va comporter comme frais? Est-ce qu'on va vraiment rejoindre les personnes qui ont eu, par le passé, des difficultés à s'assurer qu'on leur offre des services de qualité et que l'on ne fasse pas de discrimination?

Il ne faut pas oublier ceci: bien sûr, une banque opère dans un secteur concurrentiel et elle est là pour faire des profits. On n'est pas contre les profits et on ne s'y est jamais objecté. Il faut cependant avoir à l'esprit qu'une banque, comme la plupart des institutions financières au Canada, évolue dans un secteur très réglementé, donc protégé. Ce secteur étant protégé par une décision qui relève du Parlement, c'est la population qui a décidé que le cadre réglementaire régissant les banques canadiennes serait un cadre de protection. On ne laisserait pas aller nos banques comme cela.

En contrepartie, les banques ont un devoir et les actionnaires qui disposent d'actions votantes également ont des responsabilités face à la population. Nous ne retrouvons pas dans ce projet de loi ce souci de la responsabilité des banques. On n'imposerait pas à des banques des mesures qui feraient en sorte qu'elles ne fassent plus de profits. Par contre, il y a un effort particulier à faire, d'autant plus, comme je le mentionnais, que les banques évoluent dans un cadre réglementaire décidé par le Parlement. À l'intérieur du Parlement, des gens élus par la population ont pris la décision de protéger le secteur bancaire. Donc, il y a donc une certaine redevance, je dirais, communautaire, de la part des banques qu'on ne retrouve pas à l'intérieur du projet de loi.

À cet égard, nous aurions aimé, lorsqu'on parle de véritable rôle social et communautaire des banques ou, si l'on veut, le retour de l'ascenseur pour nous remercier de protéger les banques avec une réglementation serrée, nous aurions aimé que le ministre des Finances soit attentif à nos propositions, entre autres celle de mon collègue d'Hochelaga—Maisonneuve qui a présenté, il y a quelques années, un projet de loi concernant le réinvestissement communautaire des banques.

 

. 1300 + -

Cela fait longtemps qu'il mène cette bataille. Il nous a entraînés dans cette bataille, nous, députés du Bloc québécois. Nous nous battons presque quotidiennement afin que, dans certaines régions les plus défavorisées, les plus éloignées du Québec et du reste du Canada, de même que dans les quartiers très défavorisés des grandes villes québécoises et canadiennes, on retrouve un souci pour le réinvestissement communautaire.

Quel est ce concept du réinvestissement communautaire? C'est de faire en sorte—et cela relève d'une pratique qui a cours depuis le début des années 1970 aux États-Unis—que certaines banques puissent rendre des comptes à la communauté dans certaines régions ou certains quartiers défavorisés des grandes villes canadiennes. Il s'agirait d'évaluer, par exemple, l'ensemble des dépôts recueillis par ces banques au cours d'une année donnée dans des quartiers où on aurait observé, au cours des dernières années, un taux de chômage plus élevé que la moyenne nationale. Il s'agirait d'observer les dépôts reçus par ces banques de la part des individus et des entreprises et de regarder aussi les prêts et les avances que cette succursale, dans un quartier défavorisé de Montréal, par exemple, a consentis à la communauté juste pour voir s'il n'y a pas un écart entre ce qu'elle retire et ce qu'elle consent à réinjecter dans la communauté par l'entremise de prêts et d'avances.

S'il y a un écart, c'est-à-dire si cette succursale, dans un des quartiers les plus pauvres de Montréal, par exemple, recueillait plus de dépôts que ce qu'elle consent comme prêts ou comme avances aux individus et aux PME du quartier, eh bien là, on jugerait qu'il y a un problème et on pourrait demander aux banques de faire un effort supplémentaire s'agissant de cette contribution communautaire.

Les banques, dans un tel environnement de réinvestissement communautaire, seraient redevables à la population locale et au Parlement. À un moment donné, à force de cumuler des mauvais dossiers pour les banques ou pour les institutions financières dans certains quartiers défavorisés des grandes villes ou dans certaines régions éloignées, on aurait, je dirais, le pouvoir d'influencer, de façon globale, la situation quant au réinvestissement communautaire des banques à la grandeur du Canada.

Du point de vue local, de telles dispositions sur le réinvestissement communautaire incluses dans un projet de loi comme celui qu'a présenté mon collègue et que nous avons l'intention de présenter à nouveau par l'entremise d'amendements au projet de loi sur les banques, feraient en sorte aussi que des représentants de la communauté pourraient rencontrer annuellement les dirigeants de la succursale bancaire de leur quartier ou de leur région pour discuter des données quant à l'apport de cette succursale bancaire dans la communauté et trouver des façons d'améliorer les choses, trouver des projets intéressants pour les deux parties qui pourraient être financés à même les dépôts de cette communauté.

Il y a eu plusieurs bons résultats obtenus aux États-Unis. Il me fait drôle de citer les États-Unis comme un exemple d'aspect progressiste au niveau de leurs mesures, mais aux États-Unis, le fait de responsabiliser les acteurs communautaires et les acteurs bancaires dans une communauté a donné qu'à un certain moment, les banques—et c'est rare, cela ne se voit pas souvent au Canada—ont eu une bonne réputation de contributeurs à l'avancement des communautés.

C'est si vrai qu'à un moment donné, on s'est retrouvés, dans certaines parties des États américains parmi les plus pauvres, avec des situations où, par exemple, certains parmi les plus démunis encaissaient gratuitement des chèques gouvernementaux.

Donc, on se présentait dans ces succursales-là et il n'y avait plus de frais sur les chèques gouvernementaux. Il y avait l'imposition de très faibles frais sur les opérations bancaires ou l'absence de frais sur certaines opérations les plus courantes pour les personnes les plus démunies. Les banques offrent cela depuis le début des années 1970.

On a aussi convenu, après différents échanges avec la communauté, avec les représentants des succursales bancaires aux États-Unis, de geler des fonds, par exemple, pendant certains jours, certaines semaines. Lorsqu'on a rencontré des représentants voués à la protection des consommateurs, ils nous signalaient que des fonds avaient été gelés pendant plus d'une semaine.

 

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Aux États-Unis, suite à cela, à partir d'un concept qui s'appelait le réinvestissement communautaire qui obligeait l'imputabilité communautaire des banques, on a vu se profiler certaines dispositions, comme celle, entre autres, de ne plus geler les fonds déposés dans les succursales bancaires.

Aux États-Unis, à partir de ce développement du réinvestissement communautaire, certaines banques ont même décidé de réduire au minimum les frais hypothécaires pour les personnes qui accédaient pour la première fois à la propriété. Elles ont réduit au minimum les frais hypothécaires à la suite de discussions avec la communauté et sur la possibilité d'un apport bilatéral entre les gens qui étaient initialement parmi les plus démunis de cette région et la banque qui gagnait à long terme à l'enrichissement des membres de cette communauté.

Nous aurions aimé que le ministre des Finances prenne un peu plus au sérieux ce genre de nouveauté, qui n'en est pas une puisqu'elle existe aux États-Unis depuis le début des années 1970, mais qu'il prête une oreille attentive aux arguments véhiculés par mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve, et par tous les députés du Bloc québécois, quant à la possibilité d'un réinvestissement communautaire.

On ne demande pas aux banques de prendre le relais du gouvernement. D'ailleurs, je pense que, après le massacre qu'a fait le gouvernement libéral dans les programmes sociaux, on aurait peut-être été en droit de demander à ce que des gens compensent. Mais ce n'est pas ce que l'on demande, malgré les milliards et les milliards de dollars de profit des banques.

On ne crache pas sur les profits des banques; les profits des banques sont aussi un peu nos profits. Ce sont aussi des profits pour les fonds en fiducie, pour les fonds de pension des citoyens et des citoyennes du Québec et du Canada.

Par contre, ce que nous disons, c'est que les banques ont le moyen d'équilibrer les dépôts qu'elles reçoivent avec le réinvestissement qu'elles peuvent faire dans certaines communautés qui en arrachent plus que d'autres.

Il y avait un autre problème concernant les plus démunis vivant dans les quartiers défavorisés des grandes villes ou des régions éloignées, et c'était, c'est toujours, et ce sera toujours le problème avec le projet de loi, soit la fermeture des succursales bancaires et institutions financières en général.

Certaines régions n'ont pas ou plus accès à des services bancaires de qualité, parce qu'on a fermé des succursales. Ce n'était plus payant pour les grandes banques canadiennes d'aller desservir les communautés éloignées avec des services complets, comme on peut en retrouver dans les grands centres.

Il y a des quartiers défavorisés de Montréal—on parlait de Hochelaga—Maisonneuve plus tôt—où il faut chercher bien longtemps avant de trouver une succursale bancaire qui offre des services. Il n'y en a plus. Pourquoi? Parce que ce n'était pas payant pour les banques, justement.

On s'attendait—et les groupes communautaires qui ont comparu devant le comité ont sonné la cloche à maintes reprises—à ce qu'il y ait des dispositions pour empêcher, dans certaines communautés, qu'on traite les gens comme des citoyens de seconde zone, qu'on traite les gens comme s'ils étaient des moins que rien parce qu'ils avaient moins d'argent que ceux des communautés avoisinantes.

On ne retrouve rien dans le projet de loi pour contrer la fermeture des succursales, là où on retrouve des problèmes de pauvreté plus criants qu'ailleurs dans d'autres quartiers ou dans d'autres régions du Québec et du Canada.

Tout au plus, ce qu'on retrouve là-dedans—et je défie une association de consommateurs d'applaudir cette mesure—c'est qu'on a un préavis de six mois avant de fermer une succursale. La fermer tout de suite ou dans deux, trois, quatre ou six mois, cette succursale fermera quand même. Des communautés entières seront de moins en moins desservies par les institutions financières canadiennes, les institutions bancaires en particulier, parce que, dans ce projet de loi, il n'y a aucune disposition qui les protège.

La création d'un poste d'ombudsman est un pas dans la bonne direction, mais c'est nettement insuffisant. Il aurait fallu que nous retrouvions dans ce projet de loi un souci du ministre des Finances pour empêcher que des citoyens soient tout à fait en marge des services bancaires et de tout ce qu'on appelle la nouvelle économie.

 

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Il n'y a aucune volonté politique dans ce projet de loi, ni même une volonté de trouver des aménagements pour faire en sorte que les plus démunis de notre société ne puissent pas être tassés complètement du secteur financier et des services bancaires offerts ailleurs au Canada.

Outre les problèmes aux consommateurs, il y a un énorme problème dans ce projet de loi et il concerne la propriété des grandes banques, des grandes institutions financières au Canada.

J'écoutais le secrétaire d'État aux Institutions financières internationales discuter de l'importance de la flexibilité offerte aux institutions financières pour leur permettre de poursuivre leurs activités, d'affronter la concurrence et l'ouverture des marchés.

Toutefois, il y a une différence entre la flexibilité qu'on retrouve dans certains aspects du projet de loi et le fait qu'on pourrait donner littéralement certaines de nos institutions financières et bancaires à des étrangers, par exemple, ou à un seul investisseur qui pourrait disposer de la totalité ou de la quasi-totalité des pouvoirs de vie ou de mort sur ces institutions ou leur direction.

La flexibilité, nous l'achetons d'emblée. D'ailleurs, lorsque nous avons déposé notre mémoire au Comité permanent des finances, il y a plus de deux ans, nous proposions un cadre réglementaire plus flexible pour faire en sorte que des petites banques ou des banques de moyenne dimension puissent s'associer à d'autres institutions financières, ce que ne permet pas le cadre législatif actuel, mais que permettrait, par exemple, le projet de loi.

Donc, une banque pourrait s'associer à une société de fiducie, à une compagnie d'assurance, à d'autres intervenants dans le secteur financier, pour créer une espèce de consortium, une espèce de société qui pourrait rivaliser avec des grandes institutions internationales, soit sur le marché canadien, parce qu'elles ne manqueront pas d'y pénétrer—c'est déjà fait pour certaines d'entre elles, dont MBNA, par exemple, et ses banques virtuelles—mais qui pourrait aussi faire en sorte que ces alliances stratégiques puissent nous donner des blocs très importants pour affronter la concurrence internationale sur les marchés étrangers.

Il faut donner cela au secrétaire d'État aux Institutions financières internationales, il a bien travaillé. D'ailleurs, je le salue en passant, parce qu'il a été président du Comité permanent des finances pendant plusieurs années. Il a travaillé très fort sur ce projet de loi et il a livré la marchandise à l'égard de la flexibilité offerte aux institutions financières quant aux alliances stratégiques et la bonne façon de renforcer leur compétitivité.

Là ou je n'embarque pas avec lui, par contre, ni avec le ministre des Finances d'ailleurs, c'est lorsqu'on parle de la propriété des banques. Le droit pour un individu de disposer d'un certain pourcentage d'actions varie selon la dimension de ces banques au Canada.

J'ai encore beaucoup de difficulté à m'entrer cela dans la tête, et je n'ai pas eu de réponses aux nombreuses questions que j'ai posées au ministre des Finances, soit au Comité permanent des finances ou ici, lors des périodes de questions orales.

Je n'ai pas de réponses sur les raisons de telles modifications. Pourquoi, par exemple, lorsque nous sommes face à la plus grande banque du Canada, on parle de la Banque Royale, que dorénavant, un seul individu pourra disposer de 20 p. 100 des actions? On est passés de 10 p. 100 à 20 p. 100 des actions votantes. Pourquoi, lorsqu'il s'agit de la plus grande banque du Canada, est-on rendus à 20 p. 100? Mais on ne dépasse pas 20 p. 100; il ne faut pas dépasser 20 p. 100. Est-ce que vous savez pourquoi? Parce que c'est dangereux, selon le ministre des Finances et le secrétaire d'État, son porte-parole.

C'est dangereux, parce qu'un seul individu qui disposerait de trop d'actions d'une banque pourrait avoir un pouvoir inouï sur l'orientation de cette banque. Cela pourrait faire en sorte aussi qu'il y ait des problèmes de concurrence sur le marché. J'y reviendrai tantôt.

Voilà pour le traitement de la grande banque canadienne: 20 p. 100 maximum, n'allons pas plus loin.

Mais lorsqu'il est question de la plus grande banque du Québec, la Banque Nationale, qui est une banque de moyenne capitalisation, mais la plus grande banque du Québec, un seul individu pourrait disposer de 65 p. 100 des actions votantes.

 

. 1315 + -

Pourquoi cette distinction? J'ai posé la question au ministre des Finances. Pourquoi un traitement différent? Lorsqu'il est question de protéger une grande banque canadienne, ce n'est pas plus de 20 p. 100, mais lorsqu'il est question de protéger la plus grande banque québécoise, on peut aller jusqu'à 65 p. 100 des actions votantes. Il suffisait d'avoir 50 p. 100 plus une; avec 65 p. 100, je ne sais pas si on a été obnubilé par le débat constitutionnel au point qu'on ne voie plus qu'une majorité pour un détenteur d'action unique, c'est plus de 50 p. 100, soit 50 p. 100 plus une. Eh bien non, c'est allé à 65 p. 100. Même à 50 p. 100 plus une cela aurait été de trop.

Le principe de ce qu'on appelle la propriété diffuse des banques, soit de permettre un capital largement réparti aux mains de plusieurs individus, tient à des choses fondamentales dans le secteur financier. Premièrement, il y a la stabilité du secteur. Deuxièmement, le fait qu'un seul individu puisse avoir beaucoup de pouvoir avec l'épargne des citoyens et des citoyennes, cela peut être fatigant.

L'aspect fondamental de cette propriété diffuse est surtout pour éviter des cas de concurrence déloyale, et je m'explique. Un riche industriel du secteur manufacturier pourrait acheter 65 p. 100 des actions votantes d'une banque comme la Banque Nationale.

Pour ceux et celles qui ne le savent pas, la Banque Nationale est la banque des PME au Québec. C'est celle qui prête le plus aux PME québécoises. Un industriel en achète 50 p. 100 plus une—il n'a pas besoin de 65 p. 100—des actions votantes de la Banque Nationale. Cet industriel, présent dans un secteur économique x, décide que lorsque arrive quelqu'un qui veut emprunter à la Banque Nationale pour investir dans un secteur manufacturier dans lequel le propriétaire de la banque est présent, refuse de lui prêter.

Des choses étaient envisageables dans le passé et des choses sont envisageables aujourd'hui et pour l'avenir. C'est d'ailleurs pour cela que dans le passé, lorsqu'on faisait face à la capitalisation d'une banque, un individu seul ne pouvait pas disposer de plus de 10 p. 100 des actions. Déjà, à 10 p. 100, si on regarde les assemblées des actionnaires à l'heure actuelle, quelqu'un a beaucoup de pouvoir sur l'orientation des banques.

On se retrouve dans une situation où un industriel présent dans un secteur x pourrait refuser à quelqu'un qui veut emprunter à sa banque et qui oeuvre dans le même secteur industriel x. Il pourrait tasser son concurrent parce qu'il dispose du capital et du droit de vie et de mort sur cet industriel qui veut obtenir un prêt. C'est le genre de situation qui peut survenir dans le futur.

Il y a aussi les possibilités de prise de contrôle par des intérêts étrangers. Pourquoi ne serait-il pas possible pour la Banque Royale d'être victime de ce que l'on appelle un takeover, soit une prise de contrôle, avec ces dispositions? Pourquoi nous, au Québec, accepterions-nous de courir le risque qu'un investisseur étranger accapare plus de 50 p. 100 plus une des actions de la Banque Nationale, dispose du contrôle sur cette banque, envoie son siège social et son centre de décisions ailleurs, qu'il fasse disparaître les emplois spécialisés, qu'il nuise à la bonne marche de l'économie du Québec, et cela pourrait arriver? Ce sont des risques difficiles à prendre et on les prend de travers.

C'est pour cela que nous demandons qu'il n'y ait pas de différence entre le traitement réservé aux grandes banques canadiennes et celui réservé à notre grande banque québécoise. Si on fait passer la possibilité de détention d'actions votantes d'un seul individu de 10 à 20 p. 100 pour les grandes banques canadiennes, il faut que ce soit le même traitement pour la plus grande banque québécoise, soit qu'on passe de 10 à 20 p. 100.

 

. 1320 + -

Non seulement faut-il qu'on passe de 10 à 20 p. 100 comme pour le grandes banques, mais aussi de faire en sorte que, par exemple, si un individu disposait de 10 p. 100 des actions votantes et qu'il voulait passer à 20 p. 100, il serait assujetti à ce que le ministre appelle à la page 56 du projet de loi, aux articles 395-396, à une «procédure d'agrément».

Il y aurait un ensemble de critères qui détermineraient si le fait d'augmenter de 10 points la détention d'actions pour un seul individu satisfait aux critères suivants. J'en ajouterais d'autres, mais je vais commencer par mentionner ceux qui existent et j'aurais également certaines questions à poser au ministre des Finances et à son secrétaire d'État par rapport à une disposition qui me semble un peu étrange. Il a sûrement des réponses parce que le ministre a toujours des réponses. Ce ne sont pas toujours les bonnes, mais passons.

On dit que toute opération visant par exemple à augmenter de 10 p. 100 la part des actions détenues par un individu serait assujetti à un ensemble de critères. Le ministre en nomme huit. Le premier consiste pour le ministre à analyser:

      a) la nature et l'importance des moyens financiers du ou des demandeurs pour le soutien financier continu de la banque;

Cela est correct et rationnel. On n'accepte pas que n'importe qui détienne des actions, fasse n'importe quoi et interrompe les activités continues de cette banque. On regarderait également:

      b) le sérieux et la faisabilité de leurs plans pour la conduite et l'expansion futures de l'activité de la banque;

Cela vaut aussi pour les fusions, concentrations et ainsi de suite. Comme troisième critère, on regarderait:

      c) leur expérience et leur dossier professionnel;

Un autre critère est:

      d)leur moralité et leur intégrité et, s'agissant de personnes morales, leur réputation pour ce qui est de leur exploitation selon des normes élevées de moralité et d'intégrité;

      e) la compétence et l'expérience des personnes devant exploiter la banque, afin de déterminer si elles sont aptes à participer à l'exploitation d'une institution financière et à exploiter la banque de manière responsable;

C'est tout à fait correct. Il faut être très responsable, surtout avec l'argent des autres. N'oublions pas que ce sont nos dépôts qui sont là. Dans toutes les grandes banques canadiennes, ce sont nos dépôts qui sont là.

      f) les conséquences de toute intégration des activités et des entreprises du ou des demandeurs et de celles de la banque sur la conduite de ces activités et entreprises;

C'est le cas particulier qui est dilué là-dedans. C'est un cas particulier dont je faisais mention tout à l'heure, soit celui d'un industriel qui achète la majorité des actions d'une banque et refuse de prêter à un concurrent qui oeuvre dans son secteur industriel. Le ministre en tient compte. Ce n'est quand même pas si mal.

      g) l'avis du surintendant quant à l'influence que pourrait avoir la structure organisationnelle projetée du ou des demandeurs et des membres de son ou de leur groupe sur la réglementation et la supervision de la banque, compte tenu:

    (i) d'une part, de la nature et de l'étendue des activités projetées de prestation de services financiers de la banque et des membres de son groupe;

    (ii) d'autre part, de la nature et de l'étendue de la réglementation et de la supervision liées aux activités projetées de prestation de services financiers des membres du groupe de la banque;

C'est normal. Il faut qu'ils respectent certaines règles. On n'établit pas des règles si elles ne sont pas respectées. Donc, le critère aura beau ne pas être là, mais si le surintendant décide qu'il y a une réglementation qui n'est pas respectée par le ou les demandeurs, le ministre des Finances va prendre cela en considération.

On retrouve finalement, dans le même article du projet de loi, la mention suivante:

      h) l'intérêt du système financier canadien.

On aimerait que le ministre des Finances ajoute d'autres critères à son projet de loi. Nous avons l'intention de présenter certains amendements pour que ces critères soient enrichis. On sait que le Québec est aujourd'hui une société distincte. On connaît les paroles historiques. Le premier ministre a déjà reconnu que le Québec était une société distincte. En réalité, le Québec est vraiment une société distincte sur le plan financier. Il y a des juridictions et des institutions auxquelles on tient. La Banque Nationale est une institution à laquelle on tient, surtout pour sa contribution au développement économique et financier de tout le Québec et en particulier de Montréal comme place financière internationale.

D'ailleurs, le ministre des Finances du Québec, M. Landry, a fait parvenir au ministre fédéral des Finances, le 7 juin dernier, une lettre qui fait état de ses inquiétudes face à la nouvelle législation et demande des garanties concernant l'intérêt public des Québécois et des Québécoises.

Il y aurait quatre critères à rajouter. Ce n'est quand même pas la mer à boire. On sait qu'avec les ressources humaines très spécialisées et très compétentes dont on dispose à la Chambre des communes, on est capables de donner une tournure législative à ces quatre critères supplémentaires strictement québécois en tenant compte des particularités visées dans le cas de la Banque Nationale.

 

. 1325 + -

Premièrement, le ministre québécois des Finances demande que l'on tienne compte de l'effet du changement sur les activités présentes de ces banques, y compris sur les services disponibles au Québec, comme au Canada, parce que le ministre ne parle pas des services disponibles dans ses critères. Le service aux consommateurs n'a pas l'air d'être sa grande préoccupation.

Lorsqu'on a devant nous une opération financière d'augmentation de la détention des actions votantes pour une institution financière québécoise et canadienne, il faudrait que l'on tienne compte de l'effet du changement au niveau du portefeuille d'actions.

Comme premier critère supplémentaire, lorsque le ministre des Finances va décider si oui ou non il accepte qu'un détenteur d'actions augmente sa part dans une banque, il faudrait voir à l'effet du changement sur les activités présentes de ces banques, y compris sur les services disponibles.

Le deuxième critère que le ministre des Finances devrait ajouter à sa liste de critères que j'ai mentionnée plus tôt, c'est l'effet du changement sur l'emploi. C'est important, ça. Pourquoi ne considère-t-on pas l'emploi dans les critères que le ministre des Finances propose à l'article 396?

Est-ce que cela veut dire que pour les libéraux, pour le ministre des Finances et le premier ministre, l'emploi n'est pas important? L'emploi n'est pas important pour eux? Le ministre Landry et le Bloc québécois demandent qu'on regarde les effets de cette participation supplémentaire au niveau de la détention d'actions votantes sur l'emploi, tant au siège social que dans les succursales, y compris les emplois professionnels ou exigeant une expertise spécialisée.

Il est important, si on veut avoir un Québec fort sur le plan financier, de maintenir ces ressources spécialisées. Elles ne courent pas les rues.

Le troisième critère est l'effet du changement sur l'économie québécoises et sur le développement technologique au Québec. Cela aussi, c'est important. Cela ne semble même pas faire l'objet, sur le plan canadien, de critères particuliers, spécifiques, pour le ministre fédéral des Finances. C'est un scandale.

Enfin, l'effet du changement sur le secteur financier québécois et sur le rôle de Montréal comme place financière, notamment en ce qui concerne le maintien des centres de décisions ultimes à Montréal. Il faudrait donc ajouter ces critères.

Je vous annonce qu'à l'étape du rapport, le Bloc québécois présentera des modifications à cet effet, faisant en sorte que cet important projet de loi soit complété. Il ne manque pas grand-chose. Il s'agirait d'une bonne volonté de l'autre côté et je pense que le tour serait joué. Quant à nous, nous supportons globalement ce projet de loi, mais les trois points que j'ai mentionnés nous posent tellement de problèmes que, demain matin, nous voterions contre.

[Traduction]

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Madame la Présidente, je vous souhaite la bienvenue pour la reprise de la session.

Nous entreprenons cette partie de la session parlementaire avec un projet de loi très intéressant. Le projet de loi C-38 vise à apporter des modifications aux institutions financières du Canada. J'ai cru comprendre que ce projet de loi historique qui compte environ 900 pages est le plus volumineux de l'histoire du Canada. Il apporte des modifications corrélatives à environ 4 000 pages de lois existantes. De plus, de nombreux éléments seront définis dans des décrets et des lignes directrices.

Je ne crois pas qu'il y ait quelqu'un à la Chambre qui puisse prétendre avoir une bonne compréhension de l'impact général du projet de loi. Si le ministre prétend en saisir tous les tenants et aboutissants, il est un homme véritablement unique parce que les fonctionnaires me disent que personne, pas même les experts, ne comprend tous les aspects de ce projet de loi.

Évidemment, il y a de nombreux experts qui connaissent à fond diverses parties du projet de loi, mais personne ne peut saisir toutes les conséquences de l'ensemble.

 

. 1330 + -

C'est un projet de loi très détaillé. Quelle est son origine? En 1996, le gouvernement a créé un groupe de travail dirigé par M. Baillie, lequel a été remplacé par la suite par M. MacKay, de Regina, afin de se pencher sur les institutions financières et de faire des recommandations au Parlement et au ministre des Finances pour une réforme des institutions financières du pays.

Ce groupe de travail a fonctionné de 1996 à 1998 et a coûté 3,5 millions de dollars. Il a fait une vaste série de recommandations détaillées au Parlement du Canada. Le comité des finances a tenu des audiences sur les recommandations du groupe de travail MacKay en octobre, novembre et décembre 1998 si je me souviens bien. Nous avons aussi fait des recommandations au Parlement et au ministre des Finances.

Le ministère des Finances a publié en juin 1999 un document dans lequel il faisait des observations sur les 57 recommandations du rapport. Finalement, en l'an 2000, ce projet de loi extrêmement volumineux dans lequel sont proposés toutes sortes de changements a été présenté à la Chambre.

Dans un projet de loi comme celui-ci, il y a beaucoup de points positifs et de points négatifs. Notre parti votera contre ce projet de loi en deuxième lecture et continuera de le faire tant qu'un certain nombre de changements assez importants n'auront pas été apportés.

Avant de passer aux points négatifs, je tiens à dire qu'il y a aussi plusieurs points positifs. Ce projet de loi étend l'accès aux systèmes de paiements au Canada. Il existe déjà un système de paiements pour les banques à charte. Le projet de loi C-38 étendra l'accès à ce système, notamment aux sociétés d'assurances, à certaines maisons de courtage et à d'autres institutions financières. Nous voyons là un pas positif pour stimuler la concurrence dans le secteur financier, ce que souhaitent l'industrie de l'assurance, entre autres.

Un autre pas positif accompli par le projet de loi, c'est l'accroissement des pouvoirs en faveur du mouvement des coopératives de crédit. Les coopératives de crédit relèvent actuellement des provinces. Le projet de loi leur permettra de créer un réseau national afin de faciliter les transactions entre les provinces. Ainsi, un député de la Nouvelle-Écosse pourrait se rendre en Colombie-Britannique et faire des affaires dans une coopérative de crédit populaire plus facilement qu'à l'heure actuelle parce que les coopératives de crédit sont actuellement réglementées par les provinces et non par le gouvernement fédéral.

Il est également question de la création éventuelle d'une sorte de banque des coopératives de crédit. C'était une des recommandations du groupe de travail MacKay. Ce n'est pas dans le projet de loi à l'étude parce que, entre autres, si je comprends bien, les coopératives de crédit ne s'entendent sur la solution envisagée. Je pense que la Chambre et le gouvernement sont ouverts à l'idée d'un banque nationale des coopératives de crédit, à condition qu'il y ait consensus là-dessus au sein des coopératives du crédit et que le ministre donne son aval. Ce serait une question de semaines, de mois ou d'années. Je crois que les chances sont bonnes.

En vertu de la loi actuellement en vigueur, une coopérative de crédit peut posséder une banque. Ainsi, la Van City Credit Union pourrait acheter ou exploiter une banque, mais celle-ci serait une filiale de la coopérative de crédit et non pas la propriété de chacun des membres de la coopérative. La question sera débattue plus en détails au comité si le projet de loi lui sera renvoyé dans les jours qui viennent.

Nous sommes d'accord sur le principe de la nomination d'un ombudsman des services financiers. Une telle initiative ne peut que constituer un pas dans la bonne voie. À l'heure actuelle, l'ombudsman est payé par les banques mêmes, ce qui donne lieu à une situation de conflit d'intérêts réel ou apparent. Le nouveau service d'ombudsman des institutions financières ne serait pas le fait des banques. Il s'appuierait sur un conseil d'administration indépendant qui ne serait une émanation ni de l'administration fédérale ni des établissements bancaires. Il exercerait son activité de façon indépendante.

Il est cependant une question qui me préoccupe au sujet de ce service—et nous en parlerons pendant l'étude en comité—et c'est que je ne suis pas convaincu que cet ombudsman dispose effectivement des pouvoirs nécessaires pour imposer amendes et sanctions aux banques susceptibles d'avoir enfreint la réglementation les concernant. Nous attendrons les explications détaillées du ministre à ce sujet à l'étape de l'étude en comité; en attendant, nous nous félicitons de la mise en place de cette agence de protection des consommateurs de services financiers, initiative qui constitue un pas dans la bonne voie.

 

. 1335 + -

Permettez-moi de rappeler mes souvenirs. En 1989, un bon ami à moi, le député de Nickel Belt de l'époque, John Rodriguez, avait présenté un projet de loi d'initiative parlementaire proposant la création d'un service d'ombudsman des institutions financières ou bancaires. Cet ombudsman aurait des pleins pouvoirs pour protéger les consommateurs canadiens et imposer des amendes et des sanctions aux établissements financiers ayant enfreint la réglementation. Le projet de loi représente un certain progrès à cet égard, mais nous espérons pouvoir le renforcer à l'étape de l'étude en comité.

Un autre progrès dans ce projet de loi est l'instauration de certaines agences de protection des consommateurs. L'initiative me paraît timorée. Nous avons aujourd'hui la possibilité de mettre en place un compte bancaire offrant des services minimaux comportant entre quatre à douze transactions gratuites. Si je comprends bien, il est également prévu qu'on ne peut refuser d'ouvrir un compte bancaire à une personne qui présente deux pièces d'identité, pourvu qu'il n'y ait pas eu fraude, et cela, que cette personne soit pauvre, en chômage ou autre. Pourtant, bon nombre de Canadiens ont actuellement du mal à ouvrir un compte.

Ce sont des mesures très vagues par rapport à ce qui se trouve actuellement dans la mesure législative et aux particularités de chacune des banques. Je crois comprendre qu'il doit y avoir des négociations entre la nouvelle Agence de la consommation et les banques. Un protocole d'entente sera signé avec chacune des banques et ce document pourra être différent dans chaque cas pour tenir compte des obligations particulières des diverses banques et institutions financières. Le ministre a également confirmé ces détails. Nous voulons examiner tout cela soigneusement pour voir si nous ne pourrions pas y apporter des améliorations au nom des consommateurs.

Un autre aspect positif de cette mesure législative, pour lequel nous avons exercé des pressions pendant longtemps, c'est qu'elle n'étend pas les pouvoirs des banques pour leur permettre de se lancer dans la location d'automobiles ou la vente d'assurance. Les députés se rappelleront des discussions qui ont eu lieu il y a quelques années lorsque cette idée avait été lancée pour la première fois, particulièrement dans le cadre du rapport MacKay qui recommandait que l'on accorde à toutes les banques le droit de vendre des assurances et de se lancer dans le commerce de la location de voitures. De nombreuses pressions ont été exercées d'un bout à l'autre du pays et nous avons tous été contactés. Ces pressions ont porté fruit et la mesure législative à l'étude ne comprend rien de la sorte. C'est très positif.

Le projet de loi renferme des mesures très positives. D'autres ne vont pas aussi loin que nous l'aurions voulu, mais c'est un pas dans la bonne direction.

J'aimerais parler de certaines des préoccupations soulevées. Ma plus grande préoccupation a trait à la modification de la règle concernant la participation multiple à la propriété. Je crains que cela n'ouvre la porte à une plus grande concentration de la propriété des institutions financières, à un contrôle étranger et à une plus grande influence étrangère dans nos institutions bancaires. Cela a fait l'objet d'un débat au Cabinet et je voudrais m'assurer que les Canadiens savent qu'on propose ce changement plutôt radical.

Aux termes de la loi actuelle, personne ne peut posséder plus de 10 p. 100 des actions d'une banque. Tout ce qu'un riche particulier peut acheter, c'est 10 p. 100 de la Banque royale ou 10 p. 100 de la Banque de Montréal. Cette règle a été prévue au milieu des années 60 par le gouvernement Pearson lorsque la Chase Manhattan essayait d'acheter la Banque Toronto-Dominion. On craignait fortement de perdre nos institutions financières et la Chambre des communes a donc adopté la règle des 10 et 25 p. 100. Aucun particulier ne pouvait détenir plus de 10 p. 100 des actions d'une banque et les étrangers, dans leur ensemble, ne pouvaient détenir plus de 25 p. 100 des actions d'une banque. La règle des 25 p. 100 a disparu à la suite de la signature de l'Accord de libre-échange avec les États-Unis il y a quelques années déjà.

De nos jours, la règle des 10 p. 100 s'applique toujours. Le gouvernement fera passer la proportion de 10 à 20 p. 100 pour les actions avec droit de vote et de 10 à 30 p. 100 pour les actions sans droit de vote, ce qui ouvre la porte à une plus grande concentration du secteur bancaire et va permettre à un plus grand nombre de milliardaires et de riches banques des États-Unis d'acheter une grande partie des banques canadiennes et de contrôler du même coup notre secteur bancaire. Je ne crois pas que c'est la voie dans laquelle les Canadiens veulent qu'on s'engage.

Les Canadiens s'inquiètent déjà du fait que nous avons cédé une trop grande partie de notre souveraineté nationale, que nous avons vendu une trop grande partie de notre pays et que nous avons trop supprimé les frontières. Je pense que les Canadiens nous disent maintenant que nous ne devrions pas supprimer la règle des 10 p. 100 et devrions nous assurer que les institutions bancaires canadiennes demeurent entre les mains des Canadiens et soient réglementées par le Parlement du Canada au nom des Canadiens. Je pense que c'est ce vers quoi nous devrions nous diriger.

 

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Certains disent que nous avons peut-être besoin de ce type de changements pour être compétitifs dans le monde. Nos banques sont en fait assez importantes au niveau mondial. Nous avons certaines des plus grosses banques du monde à l'heure actuelle, puisqu'elles viennent aux quinzième, seizième et vingtième rangs. Si nos banques devaient être plus grosses pour être compétitives sur la scène mondiale, pour réaliser des économies d'échelle, elles pourraient former un consortium et elles obtiendraient les mêmes avantages, les mêmes économies qu'en modifiant les règles quant à la fusion et à la propriété des institutions financières. Nous pourrions obtenir la même chose en formant un consortium.

Je m'inquiète également de la règle touchant la propriété. Le gouvernement a décidé de classer les banques en trois grandes catégories: les grosses, les moyennes et les petites.

Une voix: Bonne idée.

L'hon. Lorne Nystrom: C'est peut-être une bonne idée, mais j'ai quelques questions à poser au sujet des règles propres à chacune des trois catégories. Une banque de grande taille est une banque détenant des capitaux propres dont la valeur est supérieure à cinq milliards de dollars, comme les cinq grandes banques, soit la Banque de Montréal, la Banque Royale, la Banque Toronto-Dominion, la Banque Scotia et la CIBC.

Viennent ensuite les banques de taille moyenne, dont la valeur des capitaux propres se situe entre un et cinq milliards de dollars. Mon collègue du Bloc québécois faisait référence à ces banques, notamment la Banque nationale, une assez grande banque dont le siège est au Québec, la Banque Laurentienne et la Bank of Western Canada. La règle relative à la participation multiple ne s'applique pas aux banques de taille moyenne. Seulement 35 p. 100 de leurs actions ou actions avec droit de vote doivent être à participation multiple. Autrement dit, un actionnaire pourrait acheter 65 p. 100 des parts de la Banque nationale, de la Banque Laurentienne ou de la Bank of Western Canada. Cela préoccupe réellement le Québec et d'autres régions. Pourquoi des règles différentes s'appliquent-elles à ces banques un peu plus petites que la Banque Royale, la CIBC et la Banque de Montréal?

La Chase Manhattan ou la Citibank de New York pourrait acheter la Banque nationale en un tournemain. Les sièges sociaux ne seraient plus situés au Québec ni au Canada, et nous perdrions un partie importante de notre secteur bancaire. Pourquoi le ministre a-t-il décidé d'établir des règles distinctes pour les banques de taille moyenne et les grandes banques? Pourquoi le ministre lui-même peut-il modifier ces règles? Pourquoi le Parlement n'est-il pas la seule entité habilitée à les modifier?

Il existe aussi une troisième catégorie de banques, soit les banques de petite taille. Il s'agit de celles dont la valeur des capitaux propres s'établit en deçà d'un milliard de dollars. Aucune règle sur la propriété des actions ne s'applique à ces banques. Le député de Kamloops, Thompson and Highland Valleys pourrait fonder une banque dont la valeur pourrait atteindre un milliard de dollars sans aucune restriction quant à la propriété. Il pourrait la donner en cadeau à l'un de ses amis en Finlande ou ailleurs. Il n'existe absolument aucune règle ni restriction à cet égard. On pourrait avoir une banque Tim Hortons établie d'un bout à l'autre du pays. On pourrait avoir une banque Safeway ou Loblaws. La banque Tim Hortons pourrait devenir la plus grosse banque au Canada si cette société continue à grandir au rythme actuel.

Il n'existe pas de règle ni de règlement. Il n'existe absolument aucune restriction quant à la propriété. Nous nous demandons pourquoi ce grand changement et pourquoi cette grande différence entre les petites, les moyennes et les grandes banques. Cela revêt un intérêt particulier au Québec dans le cas de la Banque nationale.

Outre le concept de participation multiple à la propriété, un deuxième sujet de préoccupation que m'inspire le projet de loi en son libellé actuel tient à ce qu'il accorde beaucoup trop de pouvoir au ministre des Finances. Je vois le secrétaire parlementaire en face hocher la tête. C'est une tendance inquiétante que nous observons depuis 20 ou 30 ans. De plus en plus de pouvoir se trouve enlevé au Parlement du Canada, qui représente les Canadiens, pour être confié au ministre des Finances, à d'autres ministres et même, dans de nombreux cas, aux hauts fonctionnaires. Le secrétaire parlementaire peut le confirmer, le ministre des Finances peut modifier d'un trait de plume certaines de ces règles de propriété sans demander l'avis du Parlement.

Dans les faits, le ministre est devenu le tsar du système bancaire avec pouvoir de décider si, par exemple, un projet de fusion pourra se réaliser. Le projet de loi prévoit maintenant un processus d'examen des projets de fusion. Il ne s'agit que d'un processus concernant les fusions.

 

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Aux termes du processus mis en place, c'est le ministre lui-même, qui qu'il soit, qui décidera à l'avenir si une fusion est bonne ou mauvaise. Pourquoi ne serait-ce pas le Parlement? Pourquoi ne serait-ce pas le Comité des finances qui dirait au Parlement si une fusion est bonne ou mauvaise pour les habitants de notre pays? Pourquoi ne pas démocratiser cette institution et permettre aux députés élus par le peuple de jouer un rôle constructif? Pourtant, le pouvoir est concentré entre les mains du ministre des Finances en ce qui concerne les fusions, les acquisitions, les règles régissant le régime de participation et bien d'autres choses encore. Ce projet de loi de 900 pages donne ce pouvoir au nouveau tsar du secteur banquier, le ministre des Finances.

Certains libéraux en face disent que nous avons un ministre des Finances très compétent. Même si nous en convenons, aucun être humain ne devrait avoir un tel pouvoir et, de toute façon, il ne va pas rester en poste encore bien longtemps. Il y aura bientôt quelqu'un d'autre à sa place.

Est-ce que nous voulons donner ce genre de pouvoir au député de Wild Rose, par exemple, s'il devient ministre des Finances, ou au député de Brandon—Souris, s'il devient ministre des Finances? C'est pourtant ce qui est écrit dans le projet de loi. Le projet de loi donne au ministre des Finances le pouvoir de prendre des décisions importantes concernant les fusions, les acquisitions, les règles régissant le régime de participation, les règlements et d'autres choses.

Même pour ce qui de l'ombudsman, les lignes directrices ne sont pas encore écrites. Il y a eu des protocoles d'entente. Il y aura toutes sortes de règlements qui font encore l'objet de débats et pour lesquels le ministre des Finances n'a pas encore pris de décision; dans certains cas, le Cabinet ne les a même pas recommandés.

Nous allons dans la mauvaise direction si nous sanctionnons l'absence de pouvoir à la Chambre des communes et le transfert de celui-ci au ministre des Finances ainsi qu'à des bureaucrates, aussi compétents qu'ils puissent être. Ce pouvoir devrait être exercé à la Chambre, parce que nous devons justifier de nos actes auprès de la population et que nous devons rendre des comptes tous les trois, quatre ou cinq ans aux électeurs de nos circonscriptions. C'est à eux que revient ce pouvoir.

J'ai évoqué les organismes de consommateurs. À mon avis, bon nombre d'entre eux vont en principe dans la bonne direction, mais ils n'ont pas assez de pouvoirs ni d'influence sur le processus législatif pour protéger comme il convient les consommateurs. Bon nombre des règles et des règlements prennent toujours la forme de lignes directrices et de protocoles d'entente.

J'ai déjà évoqué les fusions dans une certaine mesure. On trouve dans le projet de loi les lignes directrices et le processus à appliquer en cas de fusion. Ces lignes directrices ont du bon sens dans le contexte d'un débat public. Nous avons besoin d'un processus permettant d'obtenir les détails ayant poussé les parties à fusionner et d'autres renseignements semblables. C'est le ministre des Finances qui détient le pouvoir. Il se passerait la même chose que ce qui est survenu en 1998-1999 lorsque les banques TD et CIBC ont voulu fusionner, tout comme ce fut aussi le cas de la Banque royale et de la Banque de Montréal. C'est le ministre des Finances, après des pressions exercées par le public, principalement à l'initiative de notre parti et de nos amis progressistes au sein de la population canadienne, qui a commencé à traiter de cette question à l'échelle du pays.

Dans la dernière minute qu'il me reste, j'ajouterais qu'il n'y a rien dans ce document prévoyant l'établissement d'une Loi sur le réinvestissement dans la collectivité. Il n'y a à toutes fins utiles rien pour empêcher les fermetures de succursales bancaires, sauf un préavis de quatre mois dans les villes ou de six mois dans les secteurs ruraux. Il n'y a cependant aucune mesure accordant à la collectivité le pouvoir d'empêcher une fermeture si une succursale bancaire est rentable. Il s'agit donc de nouveau d'une démarche amateur.

Enfin, il n'est absolument pas question d'impôt sur les banques dans ce document. Nous avons tous pris connaissance il y a un certain temps, du fait que le ministre des Finances, en raison des changements apportés au régime fiscal en se fondant sur les niveaux de bénéfices de 1999, accordait aux banques une réduction d'impôt supplémentaire de 500 millions de dollars par année. Ce sont les entreprises les plus rentables au pays et, pourtant, on leur accorde d'énormes réductions d'impôt.

M. Mac Harb (Ottawa-Centre, Lib.): Madame la Présidente, j'aurais quelques mots à dire du projet de loi C-38. Tout d'abord, je félicite le ministre et ses collaborateurs d'avoir présenté ce projet de loi qui garantira la concurrence et donnera des choix aux consommateurs canadiens de services financiers.

Je voudrais m'attarder à certains propos du ministre, à des éléments qui se retrouvent maintenant dans la proposition et qui donnent suite à la recommandation no 22 du groupe de travail MacKay.

 

. 1350 + -

Ce groupe de travail a proposé de légiférer pour permettre la constitution de banques coopératives et d'autres institutions financières dont la propriété et la régie seraient fondées sur les principes coopératifs, à condition qu'elles se conforment aux lois provinciales applicables. Les coopératives de crédit et les centrales de coopératives de crédit provinciales devraient pouvoir poursuivre leurs activités à titre de banques coopératives assujetties à la Loi sur les banques.

Le Comité des finances de la Chambre et le Comité des banques du Sénat ont tous deux donné leur accord aux recommandations du groupe de travail. Je crois savoir que le projet de loi accorde déjà plus de souplesse et un plus grand champ de marge de manoeuvre aux coopératives de crédit. J'ai trouvé très réconfortant d'entendre le ministre affirmer que le ministère des Finances était déterminé à poursuivre le travail avec les coopératives de crédit pour pousser un peu plus loin le modèle de banque coopérative.

J'ai hâte de travailler avec le ministre et le Comité des finances pour veiller à ce que le mouvement coopératif participe à l'étude de cette mesure législative. J'espère qu'ils tiendront compte des observations et de la contribution de ce mouvement.

L'hon. Lorne Nystrom: Je suis désolé, madame la Présidente, mais je n'ai pas saisi les dernières paroles du député d'Ottawa-Centre.

M. Nelson Riis (Kamloops, Thompson and Highland Valleys, NPD): Madame la Présidente, j'ai écouté attentivement mon collègue qui, fidèle à son habitude, a donné un exposé très détaillé sur la nature de ce projet de loi omnibus. Il a expliqué les raisons pour lesquelles nous entretenons des réserves au sujet de certaines dispositions de la mesure législative qui fait du ministre des Finances, aussi compétent qu'il puisse être, pratiquement le roi des services bancaires et financiers au Canada, ce qui n'est pas sans inquiéter de nombreux Canadiens.

Permettez-moi de poser au député la question suivante: un certain nombre d'États américains ont adopté des lois obligeant une banque qui accepte des dépôts de clients d'une région donnée de réinvestir dans cette région. Autrement dit, une banque qui accepte de l'argent de clients d'une région ou d'une localité en particulier est tenue de consentir des prêts favorisant les entreprises ou les habitants de cette région. C'est ce qu'ils appellent là-bas la loi sur le réinvestissement communautaire.

Je sais que mon collègue d'en face est au courant de cette mesure législative. Il s'agit d'ailleurs d'une initiative que nous préconisons. Dans son intervention, le député a fait remarquer qu'il n'en est pas question dans le projet de loi. Sait-il pourquoi le gouvernement a omis d'en parler dans le projet de loi? Dans la négative, le gouvernement devrait-il songer à amender son projet de loi ou pouvons-nous lui être d'un secours quelconque en proposant nous-mêmes un amendement plus tard au cours du processus législatif?

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, soyez assuré qu'un amendement sera proposé en vue d'une loi sur le réinvestissement communautaire. Il n'y a aucune raison pour laquelle nous ne pourrions pas agir comme certains États américains, qui demandent qu'une banque investisse une certaine partie de son portefeuille dans la région ou dans l'État où elle obtient ses fonds auprès des gens ordinaires, ce qui favorise le développement économique dans cette région. On l'appelle la Community Reinvestment Act.

J'ignore pourquoi cela n'a pas déjà été fait dans notre pays. C'est peut-être parce que les banques font d'énormes contributions au Parti libéral. Elles versent beaucoup d'argent dans les caisses électorales du parti. Je remarque également que le Parti libéral n'est plus le seul à bénéficier de telles contributions. J'ai noté que le nouveau chef de l'Alliance, le Fred Caillou sur patins à roues alignées, organisera très bientôt une soirée de financement à Toronto. Il en coûtera 25 000 $ la table, et ces tables seront payées par de riches banquiers, par des chefs d'entreprise et des chefs de direction fortunés. Cela montre que le Parti réformiste, qui s'appelle maintenant l'Alliance, a perdu contact avec les gens de la base.

Si nous n'avons pas de loi sur le réinvestissement communautaire, c'est parce que les banquiers renflouent les coffres du Parti libéral, et maintenant ceux de l'Alliance. Ces partis essaient de protéger les intérêts des grands banquiers et des gens riches du pays. Pensez donc, 25 000 $ la table. J'ai peine à croire ce que j'ai lu ce matin dans le Globe and Mail.

M. Nelson Riis: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je sais que vous avez prêté attention aux observations du député, mais je crois qu'il a fait erreur quand il a dit que l'Alliance canadienne organisait une soirée de financement à 2 500 $ la table. Il doit sûrement se tromper.

Des voix: Vingt-cinq mille.

 

. 1355 + -

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Comme il ne reste qu'une minute, nous allons passer aux déclarations de députés. Le député pourra examiner le hansard et voir ce qui a réellement été dit. J'ai réglé ce rappel au Règlement.



DÉCLARATIONS DE DÉPUTÉS

[Français]

LE JOURNALISTE MICHEL AUGER

M. Mauril Bélanger (Ottawa—Vanier, Lib.): Monsieur le Président, jeudi dernier, le journaliste Michel Auger, du Journal de Montréal et du Journal de Québec, était victime d'un attentat contre sa personne. Immédiatement, un vent de sympathie a soufflé à travers le Canada, dénonçant l'odieux de cette tentative de meurtre commise contre un travailleur honnête et soucieux d'informer adéquatement le public.

Michel Auger a été victime d'un acte qui dépasse tout entendement dans une société démocratique où règne le droit du public à l'information, et le droit tout court.

Mon propos se dirige ici essentiellement à l'endroit de M. Michel Auger pour lui signifier notre appui, notre soutien et notre souhait afin qu'il puisse recouvrer la santé le plus rapidement possible.

Nous vous souhaitons un prompt rétablissement, monsieur Auger, en étant assurés que vous serez en mesure de reprendre un métier que vous aimez, un métier que vous pratiquez avec amour, professionnalisme et rigueur.

Le public canadien souhaite que vous vous rétablissiez rapidement. Vos collègues ne cessent, depuis cet attentat, de vous démontrer un soutien qui vous aura probablement personnellement touché.

À notre manière, nous, parlementaires, vous offrons ce même appui. Revenez-nous vite.

*  *  *

[Traduction]

LE TRANSPORT DU GRAIN

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, en juin cette année, le gouvernement a adopté le projet de loi C-34, la nouvelle loi sur le transport du grain.

Depuis l'entrée en vigueur de cette loi, le 1er août, notre système de transport du grain connaît de plus en plus de ratés. Les wagons ne sont pas livrés à temps parce que la Commission canadienne du blé continue de contrôler la livraison et de dicter aux agriculteurs et aux entreprises où les wagons seront livrés. Cela coûte de l'argent aux agriculteurs qui doivent payer davantage pour l'entreposage et le transport routier de leur grain sur de plus longues distances.

En vertu de la nouvelle loi, la Commission canadienne du blé doit procéder par soumissions pour 25 p. 100 de sa capacité annuelle. Elle a présenté sa première proposition et demandé 250 000 tonnes de grain. Elle a reçu des contrats pour 7 p. 100 seulement de sa proposition. Ce système de soumissions ne fonctionne pas parce que la Commission canadienne du blé exerce un trop grand contrôle sur le transport du grain. Les soumissions ne fonctionnent que dans un contexte entièrement commercial et fondé sur les contrats.

Les pertes de 300 millions de dollars subies par les agriculteurs à cause de ce système de transport déficient sont entièrement attribuables au gouvernement. Les agriculteurs ont perdu 300 millions de dollars et il faut immédiatement remédier à cette situation.

*  *  *

LA BATAILLE D'ANGLETERRE

Mme Carolyn Bennett (St. Paul's, Lib.): Monsieur le Président, je suis très fière d'intervenir aujourd'hui pour souligner le 60e anniversaire de la Bataille d'Angleterre, cette période de trois mois que les stratèges militaires et les historiens ont qualifiée de l'un des tournants décisifs les plus importants de la Seconde Guerre mondiale.

Hier, lors de la cérémonie commémorative de l'Association de la Force aérienne du Canada, ici à Ottawa, mon beau-père, Peter O'Brian, a fait une allocution fondée sur le rôle qu'il a joué à titre de pilote de Spitfire dans l'Aviation royale du Canada. Il a été l'un des nombreux Canadiens qui ont héroïquement contribué à cette victoire vitale pour la liberté.

Durant la Seconde Guerre mondiale, les discours mobilisateurs et motivants de Winston Churchill ont amené les gens à combattre ensemble pour une cause commune. C'est durant cette Bataille d'Angleterre, il y a 60 ans, que Winston Churchill a laissé à l'humanité une devise très touchante en recommandant à ces vaillants soldats d'accorder une plus grande valeur à la liberté qu'à leur propre vie. Comme il le disait lui-même «Jamais dans le domaine des conflits humains tant de gens ont dû leur survie à un si petit nombre.»

Ce 60e anniversaire nous donne l'occasion de remercier les 99 pilotes canadiens qui ont participé à cette défense aérienne historique et surtout la poignée d'entre eux qui sont encore parmi nous...

Le Président: Le député de Lac-Saint-Louis a la parole.

*  *  *

[Français]

LE JOURNALISTE MICHEL AUGER

M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.): Monsieur le Président, je suis certain d'exprimer le sentiment de mes collègues de tous les partis à la Chambre en témoignant de toute ma répulsion devant l'attentat qui a failli coûter la vie au journaliste Michel Auger, du Journal de Montréal.

Parmi les droits individuels les plus fondamentaux pour une société, nous défendons avec acharnement la liberté d'expression et d'opinion, que garantissent tant la Charte canadienne des droits, que celle du Québec.

 

. 1400 + -

[Traduction]

Aucune société ne peut fonctionner librement lorsque la violence gratuite et les menaces contre la vie humaine font obstacle à nos plus chères libertés, surtout la liberté d'expression.

[Français]

Nous félicitons M. Auger pour son grand courage devant les menaces qu'il a subies au fil des années et lui souhaitons prompt et complet rétablissement.

*  *  *

[Traduction]

ERIC LAMAZE

M. Dennis J. Mills (Toronto—Danforth, Lib.): Monsieur le Président, l'histoire d'Eric Lamaze est l'histoire d'une réussite plutôt que d'un échec. Sa mère était cocaïnomane et il a été un enfant de la rue dès sa naissance. Il n'a pas de père. Sa mère ne sait même pas qui est son père.

Les choses n'ont pas toujours été faciles mais, grâce à sa détermination et à son travail acharné, Eric Lamaze a surmonté son handicap et tous les spécialistes s'entendent pour dire que sa réussite tient du miracle.

Des circonstances catastrophiques ont entouré sa dernière infraction, qui a été soumise à un arbitre indépendant, soit le professeur Ratushny. Personne à l'audience n'a contesté le caractère catastrophique des circonstances entourant l'infraction. Personne n'a contesté la preuve médicale écrasante. La procédure judiciaire a suivi son cours et le professeur Ratushny a convenu, à la lumière de toute la preuve, que M. Lamaze n'était pas responsable des circonstances catastrophiques qui avaient mené à sa dernière infraction. Il n'est donc pas étonnant que le professeur Ratushny ait immédiatement rétabli M. Lamaze sans condition.

Je demande à l'Association olympique...

Le Président: Le député de Saanich—Gulf Islands a la parole.

*  *  *

SIMON WHITFIELD

M. Gary Lunn (Saanich—Gulf Islands, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je tiens à rendre hommage à un jeune Canadien plein de fierté.

Grâce à sa détermination et à son endurance incroyables, Simon Whitfield a remporté, aux Jeux olympiques de 2000, en Australie, la première médaille d'or du Canada et la première médaille olympique de toute l'histoire au triathlon.

Âgé de 25 ans à peine et treizième au monde, il a nagé 1,5 kilomètre, fait 40 kilomètres à bicyclette et couru 10 kilomètres pour remporter la médaille d'or. Il était au 28e rang après l'épreuve de natation, au 27e rang après l'épreuve de vélo et premier à la ligne d'arrivée. J'ai été stupéfait de le voir prendre le dernier tournant et dépenser une énergie incroyable pour arriver à doubler son adversaire à l'approche de la ligne d'arrivée.

Seul son amour pour le Canada est plus grand que l'énergie qu'il a déployée pour prendre la première place. Simon était très ému lorsqu'on a joué notre hymne national et qu'on a hissé notre drapeau en son honneur.

Au nom de tous les Canadiens, je rends hommage à un jeune athlète de grand talent. Simon, nous sommes très fiers de toi!

*  *  *

LES ORDURES DE TORONTO

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, on se prépare à acheminer les ordures de Toronto vers la mine Adams, à Kirkland Lake. Le dossier me préoccupe beaucoup et pas seulement parce que la mine et moi portons le même nom.

Même si la mine était étanche, et elle ne l'est pas, ce n'est pas ainsi qu'il faut se débarrasser des déchets urbains. La seule solution, c'est de les réduire, de les réutiliser et de les recycler. Enfouir des déchets, c'est comme frotter une plaie qui suppure, on ne réussit qu'à empirer la situation. Ce n'est pas en mettant les déchets hors de la vue et des consciences qu'on va résoudre, bien au contraire, le vrai problème qui est la production de déchets. En l'occurrence, le coût exorbitant qu'entraînerait l'expédition des déchets dans le nord de l'Ontario empire encore davantage les choses.

J'exhorte la ville de Toronto et le gouvernement de l'Ontario à revenir sur cette décision ou, à tout le moins, à attendre que le grand Toronto ne devienne un chef de file national et international dans le domaine du recyclage.

*  *  *

[Français]

LE JOURNALISTE JEAN V. DUFRESNE

Mme Francine Lalonde (Mercier, BQ): Monsieur le Président, le Québec vient de perdre un de ses plus grands journalistes en la personne de Jean V. Dufresne. Pendant 45 ans, il a accompli un travail professionnel remarquable dans plusieurs journaux, à la radio et à la télévision.

Jean V. Dufresne soignait ses enquêtes et sa recherche des faits, et livrait ensuite au public des articles écrits dans une langue remarquable, ciselée, fine et toujours belle, aussi belle que la langue française peut l'être.

Autodidacte, sa curiosité était à la source de sa passion. Sa culture était vaste et universelle. Un autre grand journaliste, René Lévesque, avait repéré cet homme de talent en lui demandant d'être son secrétaire particulier en 1960, alors qu'il venait d'entrer en politique.

Mais Jean V. Dufresne retourna vite au journalisme et à sa chère indépendance. Serviteur du public avant tout, il choisit cette fonction démocratique essentielle de comprendre et de faire comprendre, d'informer.

Nos sincères condoléances à sa famille et à ses amis.

*  *  *

[Traduction]

UN TIMBRE COMMÉMORATIF

M. Sarkis Assadourian (Brampton-Centre, Lib.): Monsieur le Président, le 16 mai 2000, j'ai écrit à l'honorable André Ouellet, c.p., c.r., afin que la Société canadienne des postes crée un timbre pour marquer le 1 700e anniversaire de la chrétienté comme religion d'État au sein de la communauté arménienne.

Je suis fier de faire savoir à la Chambre que la Société canadienne des postes a annoncé officiellement que le timbre sera émis en 2001 pour souligner cette importante étape de l'histoire de la communauté arménienne au Canada.

 

. 1405 + -

Le Canada est le premier pays à émettre un tel timbre, ce qui témoigne bien du sérieux de notre gouvernement quand il parle d'intégration et de multiculturalisme.

Je remercie les nombreux ministres, députés et membres de la communauté arménienne au Canada qui ont exprimé leur appui à l'idée d'un tel timbre en m'écrivant et en faisant des démarches auprès de la Société canadienne des postes. Ce magnifique timbre illustrant l'art religieux traditionnel arménien sera admiré par tous et chacun dans le monde entier.

*  *  *

L'INDUSTRIE AÉRIENNE

M. Jay Hill (Prince George—Peace River, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous en sommes aujourd'hui au jour 47. Le 3 août dernier, le PDG d'Air Canada, Robert Milton, a promis qu'en 180 jours, il allait améliorer la satisfaction des clients, qui ont souffert de la fusion chaotique avec les Lignes aériennes Canadien. Il va sans dire qu'il avait du pain sur la planche.

Les voyageurs aériens avaient lieu d'être mécontents cet été vu les annulations répétées, les nombreux retards, les bagages égarés, la réduction du service et la menace d'une grève des pilotes. Même le ministre des Transports et ses bagages sont arrivés à des destinations différentes.

Il faut plus qu'une tapageuse campagne de relations publiques pour corriger ce qui ne va pas dans l'industrie aérienne du Canada. Même si l'Alliance canadienne approuve les initiatives de M. Milton, nous maintenons notre engagement envers la concurrence et les pratiques commerciales équitables. À cet égard, j'invite le Bureau de la concurrence à dissiper les allégations selon lesquelles Air Canada établit des prix abusifs et livre une concurrence déloyale.

Je demande au Comité des transports de convoquer M. Milton à la fin de sa campagne de 180 jours pour qu'il rende compte aux Canadiens, par l'intermédiaire de leurs représentants élus, des progrès réalisés. Les Canadiens seront alors en mesure de rendre leur verdict.

*  *  *

LES JEUX OLYMPIQUES DE 2000

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, avec tous les habitants de ma circonscription d'Oak Ridges, je voudrais souhaiter bonne chance et offrir nos meilleurs voeux de succès à nos athlètes qui participent aux Jeux olympiques à Sydney.

Je sais que les membres de notre équipe sont fiers de représenter le Canada et leurs villes. Il s'agit de Garret Pulle, de Markam, 4 x 100 mètres style libre; Rob Rusnov, de Richmond Hill, tir à l'arc; Carl Georgevski, entraîneur adjoint en athlétisme; Tammy Sutton-Brown, de Markham, basketball; John Pearce, de Stouffville, sauts équestres en équipe et individuels, que seconde Donna Peacock, valet d'écurie également de Stouffville; Mathieu Turgeon, d'Unionville, trampoline; Colleen Smith, de Markham, softball. Je sais que chacun de ces athlètes fera de son mieux aux premiers jeux du nouveau millénaire.

Bien sûr, les athlètes australiens bénéficient de l'avantage que leur procure le fait de se produire devant leurs concitoyens. J'espère que nous pourrons en dire autant, si jamais Toronto était l'hôte des Jeux olympiques de 2008.

*  *  *

LE PRIX DU PÉTROLE

Mme Louise Hardy (Yukon, NPD): Monsieur le Président, l'hiver arrive et avec la montée fulgurante du prix du pétrole, les Canadiens dépensent plus en énergie qu'en nourriture et en vêtements combinés. Dans le nord du Canada, une localité a été obligée de licencier du personnel pour pouvoir payer le mazout. Les transports ont toujours été chers dans le nord, mais avec la montée du prix du pétrole, la situation va devenir impossible.

Le gouvernement libéral ne règlemente plus les prix de l'énergie, il ne surveille même pas les prix de l'essence. Les compagnies pétrolières peuvent ainsi fixer des prix sans se soucier des difficultés qu'elles créent. Dans une résolution d'urgence, le conseil fédéral du NPD demande au gouvernement du Canada de veiller à ce que les prix du mazout, des transport et de l'électricité restent à la portée de tous les Canadiens.

J'aimerais prendre un moment pour souhaiter la bienvenue à un page du Yukon, Jamie Furniss. Sa maman nous a téléphonés pour nous demander de l'accueillir.

*  *  *

[Français]

LES JEUX OLYMPIQUES DE SYDNEY

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, les Jeux de Sydney battent leur plein et déjà les membres de la délégation canadienne ont réussi à se faire remarquer.

Soulignons l'éclatante victoire de Simon Whitfield, premier médaillé d'or lors de l'épreuve du triathlon masculin, et la performance de Curtis Myden, médaillé de bronze dans le 400 mètres individuel masculin.

Notre délégation est constituée de jeunes qui ont sacrifié des années de leur vie pour mériter l'honneur de représenter le Canada lors de ce rendez-vous marquant.

Nous voulons leur souhaiter bonne chance et les remercier de tous leurs efforts et sacrifices pour parvenir à un tel sommet.

Nous désirons remercier ceux et celles qui les accompagnent tout au long de leur carrière. Pensons également à leurs entraîneurs, leurs parents et leurs amis qui font un travail tout aussi digne de mention.

Nous disons bonne chance à tous nos merveilleux athlètes canadiens et nous attendons leur retour avec impatience.

*  *  *

LE CRIME ORGANISÉ

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, l'escalade de la violence trahit l'impuissance des forces policières à contrôler un crime organisé qui évolue plus rapidement que les outils de répression dont on tente de se doter. Voilà pourquoi le Bloc québécois réclame depuis des années une véritable loi antigang qui donnerait aux forces policières les outils dont elles ont besoin pour contrer cette forme de criminalité.

En ce sens, le Bloc québécois a déposé, le 14 septembre dernier, une motion à la Chambre des communes réclamant que le gouvernement fédéral présente un projet de loi antigang avant le 6 octobre 2000.

 

. 1410 + -

Nous croyons que la Chambre doit réaffirmer haut et fort qu'elle n'entend pas céder devant l'intimidation que tentent d'exercer les groupes criminels. Les députés de cette Chambre doivent s'unir et être impitoyables à l'égard des actions commises par les membres du crime organisé et exiger du gouvernement fédéral qu'il amende la loi dès maintenant.

*  *  *

[Traduction]

LES QUAIS

M. Mark Muise (Ouest Nova, PC): Monsieur le Président, l'année dernière, quand le gouvernement libéral a décidé de se départir du quai de Digby, le Parti conservateur a dit redouter que les partenaires locaux ne participent plus à la gestion de leurs quais.

Nos craintes se sont déjà avérées. Depuis que le gouvernement fédéral a confié la responsabilité du quai à la Maritime Harbours Society, les droits de quai ont considérablement augmenté et certains services comme l'enlèvement des ordures et l'approvisionnement en eau semblent avoir été éliminés.

Le gouvernement fédéral a donné à la Maritime Harbours Society, une organisation soi-disant à but non lucratif, plus de 3 millions de dollars pour exploiter le quai, mais les pêcheurs locaux ne sont pas admis dans la société.

Si le but de cette aliénation était de donner aux localités du coin de plus grandes possibilités de participer à l'avenir de leurs quais, à en juger par ce qui est arrivé à Digby, c'est un échec complet et absolu. Les quais sont le cordon de sécurité de tous les collectivités côtières.

En ne reconnaissant pas leur importance, le gouvernement libéral met en danger le gagne-pain de tous les Canadiens de la région de l'Atlantique, une idée que je ne puis accepter.

*  *  *

LE DÉCÈS DE MEL SMITH

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, le regretté Mel Smith a été conseiller constitutionnel de plusieurs premiers ministres de la Colombie-Britannique.

Parmi les positions constitutionnelles de la Colombie-Britannique, on compte l'idée que la province forme une société distincte, une notion constitutionnelle qui a été acceptée et confirmée par l'actuel gouvernement fédéral dans une résolution des deux Chambres du Parlement reconnaissant la Colombie-Britannique comme étant une cinquième région dans le cadre de la Constitution fédérale.

Le livre de Mel Smith, Our Home or Native Land?, a suscité un vif débat sur le statut constitutionnel des revendications territoriales autochtones, le traité des Nisga'as en particulier. Le gouvernement fédéral a prévu expressément dans la loi fédérale mettant en oeuvre le traité des Nisga'as que celui-ci est légalement assujetti à la Constitution et à la Charte des droits.

*  *  *

STOCKWELL DAY

M. Chuck Strahl (Fraser Valley, Alliance canadienne): Monsieur le Président, c'est un jour nouveau pour le Canada. Il y a un nouveau venu, et il s'appelle Stockwell Day.

Il est aux commandes du nouveau train de l'Alliance canadienne qui balaie le pays, faisant monter à son bord des voyageurs de tous les coins du pays et de tous les horizons. Sa destination est la Chambre des communes. Il apporte dans ses bagages un nouveau programme, un programme visant à redonner du lustre à la Chambre des communes, un programme visant à redonner de la valeur à l'argent des contribuables, un programme pour tous les Canadiens.

Stockwell Day est un vrai chef national possédant une vraie vision nationale, ayant fait ses preuves sur la scène politique et aimant son pays le Canada.

Les Canadiens, jeunes et vieux, veulent du changement, de l'espoir et un nouveau foyer politique. Ils ont trouvé tout cela dans l'Alliance canadienne.

Il est malheureux que le gouvernement ait eu recours à ses bonnes vieilles méthodes politiques libérales, à sa bonne vieille façon de faire de la politique. Autrement dit, le Parti libéral est dans une voie de garage pendant que l'Alliance canadienne prend de la vitesse.

Au nom de tous les Canadiens, et de la Chambre des communes, je voudrais souhaiter la bienvenue au nouveau chef de l'Alliance. Il est mûr pour gouverner. Il est prêt à relever ce défi. Il s'agit de Stockwell Day, le nouveau chef de l'opposition et le prochain premier ministre du Canada.



QUESTIONS ORALES

 

. 1415 + -

[Traduction]

LA TAXE SUR L'ESSENCE

Mme Deborah Grey (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous sommes très heureux de voir notre nouveau chef à la tribune aujourd'hui, mais nous sommes encore plus heureux de savoir qu'il sera à sa place à la Chambre des communes demain.

Notre nouveau chef demande au ministre des Finances de réduire la taxe sur l'essence depuis le temps où il était trésorier de l'Alberta. Nous sommes en pleine crise du pétrole, et le gouvernement continue de hausser le prix à la pompe.

Pourquoi le premier ministre n'a-t-il pas réduit la taxe sur l'essence?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je veux d'abord remercier le député de Pickering, qui a soulevé cette question bien avant qu'un député de l'Alliance ou du Parti réformiste ne le fasse.

Nous avons dit très clairement que, si nous réduisions la taxe sur l'essence, cet argent devait aller dans les poches des Canadiens et non dans celles des pétrolières. Cela veut dire que cette réduction doit être considérable, ce qui nécessitera la collaboration du gouvernement fédéral et des provinces.

J'ai dit que nous étions prêts à discuter avec les provinces pour voir si cette question était vraiment une priorité pour elles.

Mme Deborah Grey (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, peut-être que le député de Pickering ne tient pas à récupérer cet argent. Dans le budget de 1995, le ministre des Finances a haussé la taxe sur l'essence d'un cent et demi le litre, disant que c'était pour aider à réduire le déficit. Le déficit est disparu depuis deux ans déjà, mais la taxe est encore là.

Les Canadiens sont inquiets à cause du prix élevé du mazout domestique et de l'essence, et les camionneurs menacent de faire la grève, mais le gouvernement continue de taxer ces produits et de trouver des excuses pour se justifier.

Pourquoi le ministre des Finances n'a-t-il pas tenu sa promesse?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée de signaler que nous avons effectivement éliminé le déficit. Cela a certainement contribué à réorienter le débat.

Je ferai aussi remarquer à la députée que nous avons réduit les impôts considérablement. En fait, monsieur le Président, les réductions d'impôts que nous avons accordées aux Albertains en tant que gouvernement fédéral ont été plus élevées que celles qui leur ont été accordées par leur gouvernement provincial.

Mme Deborah Grey (chef de l'opposition, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les Canadiens d'un bout à l'autre du pays ne se sentent pas du tout rassurés par les propos du ministre des Finances lorsqu'ils font le plein.

Jeudi sera un jour désigné, et l'opposition officielle présentera une motion demandant une réduction de la taxe sur l'essence. Le gouvernement perçoit la TPS sur sa propre taxe sur l'essence. Nous voulons que cela cesse. Le gouvernement a haussé la taxe sur l'essence pour réduire le déficit. Nous voulons maintenant qu'il réduise la taxe. Il y a des façons sensées d'accorder des allégements fiscaux aux Canadiens.

Le premier ministre permettra-t-il à ses députés de voter librement sur notre motion, oui ou non?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, nous avons dit très clairement que nous allions réduire les impôts, que la réduction de l'impôt sur le revenu des particulier était en fait notre priorité. Nous avons examiné la question de la taxe sur l'essence.

Je vais être très clair. Les temps sont durs pour les gens qui doivent acheter du mazout domestique et de l'essence. Le problème est que le prix du pétrole est trop élevé, et il faudra des efforts concertés à l'échelle internationale pour pouvoir le réduire.

C'est une des questions dont nous discuterons à la réunion du G-7 à Prague. Les ministres des Finances se réuniront pour voir notamment à ce que le prix du pétrole soit plus bas et aussi à ce que le prix de l'énergie soit plus stable afin que les pétrolières et...

Le Président: Le député de Calgary—Sud-Est a la parole.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre des Finances a déclaré qu'il s'était occupé de la taxe sur l'essence. Il l'a fait en augmentant la taxe d'accise de 1,5¢, soi-disant pour éliminer le déficit qui a déjà disparu. Il force les consommateurs d'essence à payer la TPS sur les taxes qu'on applique déjà sur l'essence.

En 1998, les libéraux ont formé un comité qui a déclaré que le gouvernement devrait mettre un terme à la double imposition de l'essence. Même les députés libéraux ne veulent pas taxer les taxes par l'entremise de la TPS.

Au milieu d'une crise de l'essence, pourquoi le ministre des Finances continue-t-il de soumettre les consommateurs à la double imposition à la pompe?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, je voudrais tout d'abord féliciter le député de Calgary-Sud-Est pour sa nomination à titre de porte-parole de son parti en matière de finances. Je voudrais également féliciter l'ancien porte-parole en la matière, le député de Medicine Hat, pour sa promotion.

 

. 1420 + -

Permettez-moi simplement de dire qu'il est évident que le gouvernement va se pencher sur la question de l'imposition de la TPS sur les taxes sur l'essence, question que le député de Pickering soulève depuis pas mal de temps déjà. Le fait que le député soulève toute cette question de la TPS, à la suite de ce qui s'est produit il y a deux ou trois semaines et de la confusion qui semblait régner dans le parc Jurassic...

Des voix: Oh, oh!

Le Président: Le député de Calgary-Sud-Est a la parole.

M. Jason Kenney (Calgary-Sud-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je suis persuadé que le député de Medicine Hat est heureux de tout cela et du fait que sa nomination en tant que porte-parole en la matière effraie le ministre des Affaires étrangères.

Il est vraiment spécial que ce ministre soulève la question de la TPS. Cela vient d'un gouvernement qui devait éliminer et abolir cette taxe. C'est le même gouvernement qui nous a dit dans un rapport qu'il «envisageait de supprimer la TPS sur les autres taxes et de l'appliquer seulement sur le prix de gros de l'essence au niveau des détaillants». C'est ce que le rapport du caucus libéral disait il y a deux ans. On n'a pas donné suite à cela jusqu'à maintenant.

Pourquoi le premier ministre ne permettrait-il pas un vote libre pour que ses députés puissent représenter leurs électeurs quand nous présenterons une motion pour mettre fin à la double imposition de l'essence plus tard cette semaine?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, on pourrait se poser des questions sur les larmes de crocodile versées par le député de Calgary-Sud-Est. Le fait est que son parti a proposé un taux uniforme d'imposition qui offrirait à une personne gagnant un million de dollars par année une réduction d'impôt de 130 000 $, alors qu'une personne gagnant 40 000 $ n'obtiendrait une réduction d'impôt que de 1 400 $.

*  *  *

[Français]

LE CRIME ORGANISÉ

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, la population en a ras le bol de voir les gangs criminels faire la pluie et le beau temps au Québec et au Canada.

N'est-ce pas notre devoir de parlementaires de prendre en main la situation, de réagir, de sécuriser la population, en somme de prendre nos responsabilités?

Est-ce que le premier ministre peut s'engager aujourd'hui à donner toute son attention à ce dossier et à préparer une vraie loi antigang?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, nous avons indiqué par le passé, et continuons à le démontrer, que nous nous soucions beaucoup de ce problème. C'est pourquoi la ministre de la Justice et le solliciteur général ont rencontré la semaine dernière leurs homologues provinciaux et territoriaux, de façon à faire avancer ce dossier.

Je voudrais faire remarquer à l'honorable député qu'en 1997, le ministre de la Justice a présenté des mesures à ce sujet qui ont reçu l'appui du Bloc. À l'époque, il avait reçu les félicitations du gouvernement du Québec et l'appui des éditorialistes au Québec.

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, nous avons souscrit au projet de loi C-95. Il est évident que cela est insuffisant et ne répond pas de façon adéquate aux besoins et à la situation à laquelle on est confrontés.

Cette semaine, un rapport du gouvernement fédéral nous disait que des jurés sont menacés, que des avocats sont menacés, que des policiers sont menacés, même des parlementaires.

Va-t-on se rendre compte qu'on n'a pas tous les moyens nécessaires pour affronter le crime organisé? Est-ce que le premier ministre pourrait prendre ses responsabilités et dire: «Ça suffit! Notre société ne sera pas dominée par les gangs criminels; on va réagir avec des outils adéquats et se servir de tous les moyens dont on dispose»? Est-ce qu'il peut prendre ses responsabilités?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, l'honorable député réalisera que nous avons ajouté beaucoup de ressources au ministère du Solliciteur général de façon à ce que la Gendarmerie royale du Canada puisse faire son travail de façon adéquate.

S'il y a un problème de cette nature, ce n'est pas seulement une responsabilité fédérale, parce que l'administration de la justice à l'intérieur des provinces est la responsabilité des gouvernements provinciaux qui doivent eux aussi prendre les mesures nécessaires pour que la police soit efficace dans les circonstances.

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, au Québec, le dossier du crime organisé est un dossier très préoccupant. Il devrait l'être également pour le gouvernement d'en face.

Comme le chef de mon parti l'a dit, un rapport fédéral démontre, hors de tout doute, qu'il y a de plus en plus d'intimidation auprès des juges, des jurés, des avocats, des procureurs de la Couronne, même des députés, non seulement au Québec, mais partout au Canada. Toute l'offensive déployée contre le crime organisé se solde, plus souvent qu'autrement, par l'abandon des procédures ou l'acquittement.

Le premier ministre ne voit-il pas là l'indication que les outils dont on dispose sont nettement insuffisants et que cela prend une loi antigang?

 

. 1425 + -

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, qu'il me soit permis d'assurer au député, à tous nos collègues de la Chambre et à l'ensemble des Canadiens que le gouvernement prend très au sérieux la question du crime organisé. C'est d'ailleurs pourquoi le problème vient au premier rang de ses priorités en matière de répression criminelle.

Mon collègue, le solliciteur général, et moi avons demandé à nos sous-ministres respectifs de se rendre à Québec demain pour s'y entretenir avec les fonctionnaires provinciaux. Nous travaillerons en collaboration avec nos autres homologues provinciaux et territoriaux. S'il se révèle nécessaire de pourvoir le pays de nouveaux textes de loi pour faire échec au crime organisé, nous ne manquerons pas de le faire.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, cela fait cinq ans que le Bloc québécois demande une loi pour lutter efficacement contre le crime organisé.

En 1995, on comptait, au Canada, 28 gangs de motards criminalisés et, aujourd'hui, on en compte 35. Il y a quelque chose qui ne marche pas l'autre côté de la Chambre.

Le premier ministre va-t-il se comporter en véritable chef de gouvernement, assumer ses responsabilités et demander à la Chambre de débattre, de voter et d'adopter une loi antigang?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je le répète, le gouvernement prend très au sérieux la question du crime organisé. Depuis 1984, nous avons travaillé en étroite collaboration avec les provinces, les territoires et les organismes chargés d'appliquer la loi au Canada, pour nous assurer de la mise en place des lois appropriées.

Je tiens à assurer aux députés de l'opposition que s'il s'avère nécessaire d'adopter de nouvelles lois, nous y veillerons.

Nous devrions nous pencher sur la question de la répression criminelle et déterminer les initiatives à prendre pour nous assurer que les services de police disposent des moyens et des ressources appropriés pour combattre le crime organisé. C'est d'ailleurs ce qui explique que mon collègue, le solliciteur général, ait si bien réussi à obtenir des financements complémentaires pour la Gendarmerie royale du Canada et d'autres organismes d'exécution de la loi, afin qu'ils puissent faire échec au crime organisé.

*  *  *

LES MÉDICAMENTS

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, ma question s'adresse au premier ministre.

Au Canada, nous dépensons actuellement plus d'argent pour les médicaments que pour les services des médecins. Depuis sept ans, le gouvernement libéral fédéral nous promet de mettre en place un régime d'assurance-médicaments et de prendre des mesures pour réduire le coût des médicaments délivrés sur ordonnance.

Ma question au premier ministre est fort simple: qu'en est-il du régime d'assurance-médicaments?

Le très hon. Jean Chrétien (premier ministre, Lib.): Monsieur le Président, lundi dernier, il y a exactement une semaine aujourd'hui, le premier ministre du Canada, ses homologues des provinces et les dirigeants des territoires ont réussi à conclure un accord historique sur la santé. Aux termes de cet accord, les autorités provinciales et le gouvernement fédéral ont accepté un plan visant tous les aspects de la santé des Canadiens.

Mme Alexa McDonough (Halifax, NPD): Monsieur le Président, MM. Klein, Harris et Bouchard sont les seuls premiers ministres des provinces à avoir obtenu exactement ce qu'ils voulaient. Le premier ministre le sait pertinemment.

Partout au Canada, il y a actuellement des personnes âgées qui doivent choisir entre les médicaments délivrés sur ordonnance qui leur sont indispensables et les articles d'épicerie dont ils ont besoin. Que font les libéraux? Ils applaudissent. Au Canada, un patient sur dix n'a pas les moyens de se procurer les médicaments dont il a besoin. Que font les libéraux? Ils applaudissent encore.

Je réitère ma question au premier ministre: qu'en est-il du régime d'assurance-médicaments?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, un des éléments sur lequel tous les gouvernements sont tombés d'accord dans le plan d'action sur la santé, c'est l'idée de travailler tous ensemble pour résoudre certains des problèmes mentionnés par la députée.

Voyons un peu la position du NPD au chapitre de la santé. Lors des élections de 1997, les néo-démocrates ont dit qu'ils voulaient faire passer à 15 milliards de dollars le plancher des transferts en espèces et les transferts au titre de la santé. Aux termes du plan qui a été accepté, nous nous sommes engagés à porter ces transferts à 21 milliards de dollars. Le NPD a dit qu'il voulait accroître de sept milliards de dollars les transferts au titre des soins de santé. Nous avons maintenant prévu des augmentations cinq fois plus élevées. Il voulait ajouter 2,5 milliards de dollars...

Le Président: La députée de Saint John a la parole.

*  *  *

LES FRAIS DE COMBUSTIBLES

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, les Canadiens pourraient avoir à affronter un des hivers les plus froids de leur histoire et leur situation pourrait être aggravée par l'augmentation en flèche du prix du mazout domestique. Ce sont les personnes âgées et les plus démunis de notre pays qui seront les plus durement frappés par cette situation.

Le premier ministre aidera-t-il les familles à faible revenu et les personnes âgées en réduisant immédiatement la TPS sur le mazout?

 

. 1430 + -

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, il ne fait aucun doute que les prix élevés du pétrole provoquent de sérieux inconvénients et que les gouvernements provinciaux et fédéral doivent s'occuper de la situation. Cependant, il nous faut bien comprendre où se situe le problème.

Le problème ce n'est pas le prix de l'essence lui-même, qui n'a pas augmenté, mais le prix très élevé du pétrole. C'est avec cette situation que le gouvernement du Canada et les autres gouvernements du monde doivent composer. Il serait illogique qu'un seul palier de gouvernement agisse puisque la petite réduction de prix qu'il pourrait accorder se perdrait vite dans les prix à la pompe ou dans les profits des pétrolières. Cela ne profiterait pas aux gens...

Le Président: La députée de Saint John a la parole.

Mme Elsie Wayne (Saint John, PC): Monsieur le Président, j'aimerais que l'on s'occupe de ce dont on peut s'occuper à la Chambre des communes. J'aimerais que le gouvernement s'occupe du problème.

Les camionneurs canadiens ont vu le coût du carburant diesel augmenter de 40 p. 100 et ils doivent maintenant décider s'ils garderont leur camion sur les routes. Nous devons imaginer le coup que subirait notre économie si les camions ne livraient plus les marchandises.

Le ministre des Finances dit constamment qu'il doit discuter avec les provinces. Il n'a pourtant pas discuté avec elles lorsqu'il a augmenté les taxes. Pourquoi lui faudrait-il le faire pour les abaisser?

Le ministre s'engagera-t-il ici, sur-le-champ, à réduire la taxe d'accise sur le carburant diesel?

L'hon. Paul Martin (ministre des Finances, Lib.): Monsieur le Président, la députée connaît certainement le crédit pour TPS. Elle sait certainement que, dans notre dernier budget, nous avons indexé tous les avantages et que cela profite directement aux personnes âgées.

La députée sait très certainement aussi que, la dernière fois que le chef de son parti était au gouvernement, il a augmenté la taxe d'accise à six reprises. C'est aussi son gouvernement qui a instauré la taxe sur le carburant diesel.

*  *  *

LE CRIME ORGANISÉ

M. Myron Thompson (Wild Rose, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le 5 mars 1998, le Journal d'Edmonton mentionnait que la ministre de la Justice avait promis de protéger les substituts du procureur général, les gardiens de prison et les agents de police qui, selon les informations disponibles, faisaient l'objet de mesures d'intimidation de la part de membres de bandes de motards criminalisées. Cette promesse était aussi creuse que celle de 1997, lorsqu'elle avait promis de faire de la Loi sur les jeunes contrevenants une priorité.

Compte tenu de l'horrible attentat contre le chroniqueur judiciaire Michel Auger, pourquoi la ministre n'a-t-elle rien fait pour mettre un terme à la sanglante guerre de territoire ayant cours au Québec et dans de nombreuses autres régions du pays?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme nous l'avons déjà souligné clairement, le crime organisé et la lutte contre le crime organisé constituent depuis 1994 une priorité du gouvernement.

Comme le député devrait le savoir, et j'ai hâte d'entendre son point de vue à ce sujet, nous avons fait circuler il y a quelques mois un document de consultation concernant l'intimidation dont feraient l'objet les principaux intervenants du système de justice.

Je trouve intéressant de constater que, autant que je sache, nul membre de l'opposition officielle ne s'est jusqu'à maintenant donné la peine de commenter ce document.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Alliance canadienne): Monsieur le Président, il n'y a pas là de propos consolants pour M. Auger.

La ministre a dit «depuis 1994». Nous sommes maintenant en l'an 2000, et rien ne bouge. «Si une mesure législative s'impose», a-t-elle déclaré, «nous en adopterons une.» Au Québec seulement, les guerres de gangs ont entraîné jusqu'à maintenant la mort de 150 personnes. Le crime organisé menace la stabilité économique et sociale du pays.

C'en est assez des promesses. Il est maintenant temps d'agir. Au bout de six ans, la ministre de la Justice peut-elle me dire pourquoi il n'existe pas de plan visant à éliminer ce problème mortel?

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, non seulement y a-t-il un plan, mais encore c'est un plan sur lequel se sont entendus l'an dernier les ministres fédéral, provinciaux et territoriaux et un plan à l'égard duquel ils ont renouvelé leur engagement la semaine dernière à l'occasion de notre rencontre à Iqaluit.

Le député veut savoir ce que nous faisons. Je suppose qu'il dort depuis 1994. Il n'a eu connaissance ni de l'Initiative anti-contrebande ni du programme de protection des témoins. Il n'a eu connaissance ni du projet de loi C-17 ni de l'Initiative intégrée de contrôle des produits de la criminalité. Il n'a pas eu vent des projets de loi C-95 et C-8. Il a raté le forum sur la criminalité transfrontalière et la déclaration commune sur le crime organisé. Il n'a eu connaissance ni du projet de loi C-51 ni de la Loi sur l'extradition. Il ne sait pas que 15 millions de dollars ont été affectés à la surveillance dans les aéroports internationaux.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, la ministre de la Justice rappelle facilement aux autres ce qu'ils ont oublié.

Mais elle a oublié que les gouvernements du Québec, de l'Ontario, de la Saskatchewan, du Manitoba, la Sûreté du Québec, le Conseil de presse, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, tout ce monde-là lui demande une loi antigang. L'a-t-elle déjà oublié? Va-t-elle en présenter une?

 

. 1435 + -

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme le député le sait, mon prédécesseur, le ministre de la Justice de l'époque, a collaboré avec des fonctionnaires québécois et d'autres provinces pour mettre en place une loi antigang qui est entrée en vigueur en 1997.

Nous savons que le crime organisé est omniprésent, insidieux et qu'il évolue. Il est donc important que nos lois évoluent. Ainsi, mon sous-ministre et celui du solliciteur général rencontreront demain à Québec leurs homologues pour voir quels changements doivent être apportés à nos lois pour qu'elles contribuent plus efficacement à mettre fin au crime organisé.

[Français]

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, je rappelle à la ministre de la Justice et au premier ministre que la modification du Code criminel est leur responsabilité. Cela leur appartient. Les citoyens du Québec, tous ces organismes et tous ces gouvernements veulent savoir ce soir si oui ou non il y aura une loi antigang.

Je demande au premier ministre de regarder la caméra et de dire franchement à tous les Québécois qui regarderont le petit écran ce soir: «Oui, il y aura une loi antigang.» C'est ce qu'on attend de lui.

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, mes représentants et ceux du solliciteur général se rendront à Québec demain. Ils rencontreront leurs homologues du Québec et des autres provinces et territoires.

Si des modifications au Code criminel s'imposent afin de pouvoir lutter efficacement contre le crime organisé, nous les apporterons.

[Français]

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre des Affaires intergouvernementales croit qu'avoir une position ferme vis-à-vis les motards criminels est trop extrême.

Ce que nous trouvons extrême, à l'Alliance canadienne, c'est la vague de violence actuelle et le sous-financement des corps policiers.

Le ministre pourrait-il nous répéter ce qu'il considère trop extrême?

[Traduction]

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, si mon honorable collègue avait suivi le dernier budget, il saurait bien ce que le gouvernement a fait. Le gouvernement a joint le geste à la parole en voyant à ce que la GRC et tous les autres services de police au pays aient les outils dont ils ont besoin pour faire leur travail. La GRC a ainsi obtenu 585 millions de dollars, dont 116 millions ont été consacrés à la mise à niveau du CIPC pour assurer la disponibilité du meilleur système automatisé au pays.

Le gouvernement continuera de voir à ce que les services de police disposent des outils dont ils ont besoin pour faire leur travail.

[Français]

M. Rahim Jaffer (Edmonton—Strathcona, Alliance canadienne): Monsieur le Président, les propos du ministre sont loin d'être rassurants. L'Association des policiers du Canada réclame une législation avec des dents et la GRC réclame un financement accru.

Le ministre croit-il que l'Association des policiers du Canada et la GRC sont des organisations extrémistes?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, avec tout le respect que je dois au député, je considère que sa question repose sur des prémisses tout à fait ridicules. Nous travaillons en étroite collaboration avec la Gendarmerie royale du Canada. Comme l'a souligné le solliciteur général, le gouvernement a consenti à la GRC un apport sans précédent de nouvelles ressources pour lui permettre de collaborer avec ses homologues provinciaux et territoriaux à la lutte contre le crime organisé.

Il ne faudrait pas oublier que le maintien de l'ordre au niveau provincial et local est une question qui relève de la compétence des provinces et des municipalités. Toutefois, nous sommes toujours prêts à faire notre part. Comme je l'ai déjà signalé, si nous avons besoin de nouvelles lois pour mieux lutter contre le crime organisé, nous travaillerons en collaboration avec nos collègues des provinces et des territoires pour nous assurer que nous disposons des outils dont nous avons besoin.

*  *  *

[Français]

L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, ce qui est déplorable dans l'application de la réforme de l'assurance-emploi, c'est l'insensibilité de la ministre face aux conséquences dramatiques que subissent nos travailleurs saisonniers et leur famille.

Comment la ministre peut-elle justifier qu'avec des surplus de plus de six milliards de dollars par année elle continue à frapper sur les travailleurs saisonniers et leur famille, comme ceux du Saguenay—Lac-Saint-Jean, de la Côte-Nord, de Charlevoix, de la Gaspésie et du Bas-Saint-Laurent?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, au contraire, le député devrait savoir que la loi nous oblige à revoir les limites des régions économiques au titre de l'assurance-emploi à tous les cinq ans. Nous adoptons d'ailleurs ces changements à l'heure actuelle.

Nous nous préoccupons au plus haut point des répercussions de ces changements sur les travailleurs saisonniers de la partie ouest du Nouveau-Brunswick et de la côte Nord du Québec. La semaine dernière, mes collègues, les ministres du Revenu et du Travail, et moi avons eu le plaisir d'annoncer des changements qui nous mèneront à l'adoption de la nouvelle carte géographique de l'assurance-emploi sur une période de quatre ans. Ces mesures ont été prises en tenant compte des répercussions que cela entraînera pour les travailleurs saisonniers.

 

. 1440 + -

[Français]

M. Paul Crête (Kamouraska—Rivière-du-Loup—Témiscouata—Les Basques, BQ): Monsieur le Président, la ministre parle de solution alors que dans les faits, elle place les travailleurs en sursis en repoussant de quelques mois les coupures par manque de courage politique. Bel exemple de compassion libérale.

La ministre va-t-elle admettre que le report d'un an des coupures à l'assurance-emploi est un constat d'échec et que sa réforme n'a pas de bon sens et ne peut s'appliquer dans les régions sans frapper durement les travailleurs et leur famille?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Pas du tout, monsieur le Président. Aujourd'hui, j'ai rencontré des représentants de ces travailleurs et nous avons eu une bonne discussion sur les problèmes qui se posent aux travailleurs saisonniers. Je peux dire que nous partageons les mêmes objectifs. Je les ai invités à travailler avec mon ministère afin de trouver des solutions locales et permanentes, et j'espère qu'ils vont accepter.

*  *  *

[Traduction]

LES PÊCHES

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre des Pêches a confié à Bob Rae la tâche de médiateur à Burnt Church. Or, ce qui est en jeu en l'occurrence n'est pas une affaire de médiation, mais une affaire de conservation.

La baie de Miramichi est fermée à la pêche commerciale pour des raisons de conservation. Au cabinet du ministre, ses collaborateurs admettent que le quota de 40 000 livres de homard qu'il a autorisé en dehors de la saison a été atteint, et cela depuis plusieurs semaines.

Pourquoi le ministre ne veut-il pas agir pour protéger le homard dans la baie de Miramichi et pourquoi ne fait-il pas enlever les casiers illégaux?

L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de sa question, car elle me donne l'occasion de faire à la Chambre une mise au point.

Depuis le jugement rendu l'année dernière dans l'affaire Marshall, il s'est fait beaucoup de progrès. Je suis heureux de dire à la Chambre que nous avons conclu des ententes avec 29 des 34 premières nations. Vingt-neuf premières nations ont signé une entente. Le gouvernement a pris un engagement important en promettant de dépenser initialement 160 millions de dollars pour respecter le jugement Marshall.

Je tiens à dire au député et à la Chambre que la conservation est pour nous une priorité. Nous veillerons à faire respecter la loi. Cependant, c'est par le dialogue et la coopération que nous voulons résoudre ces problèmes, non par la confrontation.

M. John Cummins (Delta—South Richmond, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre tente de faire accepter la médiation, mais il ne tient aucun compte de la conservation. Il suscite la confrontation. Quand va-t-il faire enlever les casiers?

L'hon. Harbance Singh Dhaliwal (ministre des Pêches et des Océans, Lib.): Monsieur le Président, Bob Rae, un éminent Canadien et ex-premier ministre de la province d'Ontario, fait office de médiateur. Il tâche de réconcilier les parties. Il travaille avec la communauté. Il a demandé quelques jours de plus pour amener les parties à s'entendre.

Nous devrions respecter cette demande et veiller à faire tous les efforts possibles pour résoudre le problème de façon pacifique et dans un esprit de coopération. C'est exactement ce que nous faisons.

*  *  *

[Français]

L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Ghislain Fournier (Manicouagan, BQ): Monsieur le Président, l'économie va bien, mais malgré cela, les travailleurs saisonniers en régions subissent de nouveau les coupures du fédéral.

De même, les travailleurs innus montagnais subissent des taux de chômage moyens de 35 p. 100 et cela, trop souvent, sans pouvoir bénéficier de l'assurance-emploi.

Quand la ministre du Développement des ressources humaines proposera-t-elle des solutions permanentes, de vraies solutions qui tiennent compte des régions et des activités qu'on y retrouve?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député a raison. L'économie va très bien. Nous voulons nous assurer qu'elle est également florissante dans cette région du pays. Cela veut dire voir à ce que les travailleurs saisonniers aient accès à l'assurance-emploi quand ils en ont besoin. Cela veut dire aussi travailler sur le terrain avec les employeurs et les employés à l'édification d'une nouvelle économie sur la Côte-Nord du Québec.

J'ai demandé au député de se joindre à moi ainsi qu'à ses électeurs et aux employeurs de la région pour s'attaquer à ce problème, faute de quoi les choses ne changeront pas, ce qui pour nous de ce côté-ci de la Chambre est inacceptable.

*  *  *

LES AFFAIRES ÉTRANGÈRES

Mme Sue Barnes (London-Ouest, Lib.): Monsieur le Président, la semaine dernière, des douzaines de jeunes venant de pays ravagés par la guerre se sont réunis à Winnipeg pour faire part des horreurs qu'ils ont vécues aux délégués à la conférence internationale sur les enfants touchés par la guerre. On ne pouvait pas ne pas être profondément émus par leur triste situation.

Le ministre des Affaires étrangères peut-il nous dire quel a été le résultat de ces importantes rencontres auxquelles ont participé les délégués de 120 pays et autres organisations multilatérales?

 

. 1445 + -

L'hon. Lloyd Axworthy (ministre des Affaires étrangères, Lib.): J'aimerais remercier la députée de London-Ouest d'être venue à la conférence et d'avoir apporté une contribution, ainsi que les nombreux invités venus d'autres pays.

Je puis dire à la Chambre qu'on a mis en place un plan d'action en 14 points qui réunira les gouvernements, les ONG et les jeunes au sein d'un réseau qui leur permettra de se préparer en vue d'une session spéciale des Nations Unies qui aura lieu l'an prochain.

Un résultat concret de la conférence est que nous sommes parvenus à négocier une entente entre les gouvernements du Soudan, de l'Ouganda, de l'Égypte et nous-mêmes sur la libération des enfants qui ont été enlevés et envoyés au Soudan. Leur libération a en fait commencé hier. C'est un bon exemple du véritable leadership que le Canada peut exercer à l'échelle mondiale.

*  *  *

LE DÉVELOPPEMENT DES RESSOURCES HUMAINES

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le conseiller en éthique du Parti libéral a été étonné d'apprendre que René Fugère a échappé à la justice. Il s'agit d'un lobbyiste non enregistré qui, comme le montrent des documents, a aidé au moins sept clients différents à obtenir plus de 1 million de dollars en subventions de DRHC.

En fin de compte, aucune poursuite engagée en vertu de la faible Loi sur l'enregistrement des lobbyistes n'a été couronnée de succès. En dépit de cela, les libéraux viennent de publier un nouveau règlement exigeant que les demandeurs de subventions dévoilent l'identité de toute personne qui fait du lobbying en leur nom.

La ministre de DRHC dira-t-elle aux Canadiens comment un nouveau règlement découlant d'une loi inapplicable contribuera à protéger l'argent des contribuables?

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, je vais essayer de clarifier quelques points.

D'abord, le Comité de l'industrie examinera les dispositions de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes au cours des prochains mois, comme il a été prévu lors de la promulgation du projet de loi, au début du premier mandat de notre gouvernement.

Ensuite, j'estime que tout règlement portant sur l'attribution de marchés publics est conforme au Règlement du Conseil du Trésor.

Mme Diane Ablonczy (Calgary—Nose Hill, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le ministre vient d'admettre que la loi est inefficace. C'est probablement pour cela que, tout récemment, nous avons eu connaissance de trois cas de lobbyistes non enregistrés, des hommes d'affaires proches du Parti libéral. Ces cas ont tous été rejetés et aucune mesure n'a été prise.

Pourtant, pas plus tard que la semaine dernière, la ministre de DRHC a dit que le nouveau règlement d'application de la loi s'inscrivait dans le resserrement global du système de subventions et contributions. Pourquoi la ministre croit-elle qu'un règlement inapplicable peut contribuer à protéger l'argent des Canadiens?

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le ministre de l'Industrie a dit très clairement qu'il prendra des mesures à cet égard.

Je répète qu'à plusieurs occasions à la Chambre, j'ai dit très clairement que les carences administratives qui existaient dans mon ministère étaient inacceptables. Cependant, je ferai remarquer que nous sommes en train de mettre en oeuvre un programme rigoureux et exhaustif. Tout récemment, une tierce partie de la firme Price Waterhouse Coopers a conclu que nous sommes sur le point d'honorer l'engagement que nous avons pris envers les Canadiens.

*  *  *

LA SANTÉ

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, comme le ministre de la Santé l'a lui-même reconnu, l'avenir de l'assurance-maladie exige le versement de fonds fédéraux importants et prévisibles ainsi que des plans de renouvellement.

Des progrès ont été réalisés. Nous l'avons reconnu au moyen des transferts versés. Cependant, nous savons aussi que l'avenir d'un régime public et universel de soins de santé dépend de programmes nationaux de soins à domicile et d'assurance-médicaments. Ces questions ne comptent absolument pas parmi les préoccupations du gouvernement fédéral.

Aujourd'hui, ma question est simple. Quand des mesures seront-elles prises au sujet de ces deux dossiers qui font problème depuis si longtemps? Quelle est la prochaine étape à franchir pour le ministre de la Santé?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, j'invite la députée à se reporter de nouveau à l'accord sur la santé que le premier ministre a négocié la semaine dernière. Cet accord sur la santé conclu entre tous les gouvernements du Canada traite expressément des soins à domicile, des services communautaires et des produits pharmaceutiques.

Les gouvernements se sont engagés à collaborer pour investir davantage dans les soins à domicile et les services communautaires, et pour trouver un moyen de gérer le coût des produits pharmaceutiques afin que les prix ne soient un obstacle à l'accès aux médicaments nulle part au Canada.

Cet accord sans précédent a été signé par 14 gouvernements qui vont dans la même direction et combinent plus d'argent dans le cadre d'un plan intelligent.

 

. 1450 + -

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Monsieur le Président, je n'ai pas besoin de dire aux députés que l'accord conclu le 11 septembre offre peu d'espoir aux Canadiens pour ce qui est d'un programme national d'assurance-médicaments ou de soins à domicile.

Notre question aujourd'hui vise simplement à savoir si le gouvernement entend remplir les engagements qu'il a pris il y a sept ans concernant un programme national de soins de santé et d'assurance-médicaments. Quand le ministre remplira-t-il la promesse qu'il a faite en mars 1998, en disant que les soins à domicile sont la prochaine étape à franchir en ce qui concerne l'assurance-maladie?

Le ministre garantira-t-il au moins à la Chambre que ces questions seront inscrites à l'ordre du jour de la prochaine réunion des ministres de la Santé, qui doit avoir lieu dans deux semaines?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, je m'étonne d'entendre la manière dont la députée parle de cet accord remarquable.

Quatorze gouvernements, dont trois gouvernements néo-démocrates, ont signé cet accord qui prévoit une augmentation de 35 p. 100 des transferts fédéraux en argent aux fins de la santé, un financement ciblé de un milliard de dollars pour renouveler le matériel, 800 millions de dollars pour accélérer la réforme des soins des santé primaires, ce qui est fondamental comme la députée le sait, et 500 millions de dollars pour la technologie de l'information nécessaire afin d'intégrer le système et le rendre plus efficace.

Il semble que les Canadiens auraient avantage à écouter le NPD de Roy Romanow plutôt que celui qui siège à la Chambre.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, la dernière injection de fonds dans le domaine des soins de santé est le meilleur exemple de solution facile du premier ministre. Par ce geste, il dit essentiellement que les intervenants devraient sauter sur les sommes offertes et se sauver en courant et surtout, qu'ils ne devraient pas le déranger parce qu'il prépare les prochaines élections.

Quand pouvons-nous espérer avoir un plan national global pour l'avenir des soins de santé? Nous en avons assez de ces solutions miracles. Quand saurons-nous enfin la date de mise en oeuvre d'un plan national?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, les députés du Parti progressiste-conservateur devraient être les pénultièmes à critiquer cette entente dans le secteur de la santé, les derniers étant, bien entendu, les députés de l'Alliance canadienne.

Les conservateurs et les alliancistes, dans leurs programmes électoraux de 1997, avaient déclaré que, s'ils étaient élus, ils modifieraient le système pour que toutes les sommes soient versées aux provinces par le truchement des points d'impôt et pour qu'Ottawa n'ait aucun rôle à jouer dans ce domaine et aucun moyen pour veiller à ce que les principes de la Loi canadienne sur la santé ne soient respectés. Ce serait la fin de l'assurance-maladie au pays. Ce serait la fin de l'accès universel aux services de soins de santé partout au Canada.

Le député, son parti et l'Alliance canadienne devraient avoir honte de cette position et les Canadiens devraient être très fiers du premier ministre.

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC): Monsieur le Président, ce ministre est celui qui a amorcé la démolition du système de santé au pays. Les sommes consenties ne font que ramener les versements aux niveaux de 1994. Songez-y un peu. Comment peut-il être fier d'un tel bilan?

Les Canadiens veulent un plan pour l'avenir et non pas une solution rapide. Quand exercera-t-il un leadership dans ce dossier? Nous voulons un plan, un véritable plan pour l'avenir, comme le souhaitent tous les premiers ministres du pays.

Le document auquel le ministre fait allusion a été rédigé par Homer Simpson, l'adjoint du ministre à l'heure actuelle.

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, nous pouvons citer les remarques des experts qui, la semaine dernière, ont regardé le premier ministre mener à bien la négociation de cette entente sans précédent et qui confirment qu'elle annonce de bonnes nouvelles pour les soins de santé au Canada.

Michael Decter, ancien sous-ministre de l'Ontario et maintenant président de l'Institut canadien d'information sur la santé, a affirmé que cette entente représentait un progrès notable pour le renouvellement de l'assurance-maladie au Canada.

Comme nous l'avons toujours dit, il est clair que le premier ministre a réussi à combiner une augmentation des sommes consenties et un plan cohérent qui amènera les gouvernements à collaborer à la réforme, à l'amélioration et à la modernisation des soins de santé.

M. Ovid L. Jackson (Bruce—Grey—Owen Sound, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser au ministre de la Santé. La semaine dernière, le gouvernement du Canada a conclu un accord remarquable avec des gouvernements de toutes les allégeances politiques.

Cette initiative permettra d'ajouter 21 milliards de dollars au Transfert canadien en matière de santé et de services sociaux qui est versé aux provinces. Le ministre peut-il nous parler de cette initiative et expliquer à tous les Canadiens, y compris à mes électeurs, dans la circonscription de Bruce—Grey—Owen Sound, comment cette initiative aidera à améliorer les services de santé offerts à tous les Canadiens?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): Monsieur le Président, il vaut la peine de répéter ces choses-là. Nous disons depuis un certain temps que, pour régler les difficultés du régime d'assurance-maladie, il faut non seulement de l'argent, mais aussi un plan. Nous avons maintenant tout cela.

 

. 1455 + -

Il y a maintenant 21 milliards de dollars de plus, et cet argent est réservé à des priorités précises, mais ce qui est peut-être le plus important de tout, c'est que le premier ministre a négocié un accord qui reconnaît expressément que le gouvernement du Canada a un rôle à jouer dans le renouvellement du système de santé et que les autorités fédérales sont un partenaire à part entière qui participe à ces efforts de renouvellement.

À la différence de l'Alliance canadienne et des conservateurs, le premier ministre est conscient qu'il existe au Canada un intérêt national. Le régime d'assurance-maladie est une réalisation nationale, et le gouvernement du Canada a un rôle essentiel à jouer dans la protection de l'intérêt national.

*  *  *

TRAVAUX PUBLICS ET SERVICES GOUVERNEMENTAUX

M. Werner Schmidt (Kelowna, Alliance canadienne): Monsieur le Président, la semaine dernière, le ministre des Travaux publics s'est fait prendre la main dans le sac, à puiser plus de 1 million de dollars qu'il a remis à sa grande amie libérale, Michèle Tremblay.

Le ministre prétend que ces marchés sont légitimes, mais il s'agit d'un contrat conclu sans appel d'offres qui garantissait deux autres contrats à Mme Tremblay. Sans procéder à des appels d'offres, le gouvernement libéral accorde pour plus de 1 milliard de dollars par année de contrats qui devraient, de l'avis du vérificateur général, faire l'objet d'appels d'offres. Pourquoi le ministre se sert-il de contrats conclus sans appel d'offres pour distribuer un milliard de dollars à ses bons et fidèles supporters?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, le député devrait vérifier ses faits. Il se rendrait compte alors que nous n'avons conclu, à l'origine, qu'un seul marché, qui se voulait un projet pilote, tout en respectant les lignes directrices du Conseil du Trésor. Tous les autres contrats ont fait l'objet d'appels d'offres et ont été accordés au meilleur soumissionnaire. Nous respectons les lignes directrices du Conseil du Trésor et le processus d'appel d'offres.

Nous avons déjà eu ce débat à la Chambre le printemps dernier. J'ai déposé une lettre dans laquelle nous précisions aux agents du Bureau d'information du Canada que, partout au sein de notre ministère, tout marché de plus de 25 000 $...

Le Président: Le député de Charlevoix a la parole.

*  *  *

[Français]

L'ASSURANCE-EMPLOI

M. Gérard Asselin (Charlevoix, BQ): Monsieur le Président, le gouvernement a annoncé un moratoire d'un an pour les chômeurs de Charlevoix et de la Côte-Nord.

La ministre du Développement des ressources humaines, pour sauver la face avant les élections, propose-t-elle une solution temporaire aux chômeurs pour pouvoir continuer à leur tomber dessus après les élections?

[Traduction]

L'hon. Jane Stewart (ministre du Développement des ressources humaines, Lib.): Monsieur le Président, le député fait erreur. Nous avons prévu une période de transition de quatre ans, car, dans le dossier de l'emploi, il faut penser à la fois à l'assurance-emploi et à la diversification de l'économie.

J'ai hâte de collaborer avec mon collègue, le ministre du Revenu, et j'espère que, avec l'appui de tous les députés d'en face et le soutien des électeurs et de leurs employeurs, nous parviendrons à diversifier l'économie de cette région afin que les gens de la côte nord du Québec puissent profiter de l'économie bien portante du Canada.

*  *  *

LE LOGEMENT

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, aujourd'hui, des personnes militant en faveur de meilleures conditions de logement sont en train de construire une maison à l'endroit où se tient la première conférence en cinq ans des ministres chargés du logement, à Fredericton. Le message adressé aux ministres est assez clair. La crise nationale du logement requiert une solution nationale et le rétablissement du financement fédéral accordé au logement social.

Le premier ministre donnera-t-il aujourd'hui l'instruction à ses ministres d'appuyer les provinces et les municipalités de façon concrète en consacrant des fonds à la construction de logements plutôt que de se contenter de faire des déclarations bidons comme on l'a vu jusqu'à maintenant? Obtiendrons-nous de véritables programmes de logement?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): Monsieur le Président, je remercie la députée de sa question. Elle me donne l'occasion d'informer la Chambre qu'après la période des questions, je me rendrai à Fredericton pour rencontrer mes collègues, tous les ministres responsables du logement au Canada. Ce soir et demain, nous discuterons des façons d'améliorer la situation, de venir en aide aux Canadiens et d'assurer à chacun un logement convenable.

Il me tarde de me rendre à cette rencontre. Il est vrai que nous ne nous sommes pas réunis depuis cinq ans, mais nous nous réjouissons du fait que nous pourrons discuter de ces importantes questions là-bas.

*  *  *

LES TRANSPORTS

M. Bill Casey (Cumberland—Colchester, PC): Monsieur le Président, ma question s'adresse au ministre des Transports. Lorsqu'on a décidé de se départir du quai de Digby, en Nouvelle-Écosse, le ministère des Transports a remis un chèque de plus de 3 millions de dollars à la Maritime Harbour Society, une société sans but lucratif. Il semble que 1 million de dollars aient été transférés à une société privée au bout de quelques jours seulement et encore 300 000 $ quelques mois plus tard. Le transfert de quelque 600 000 $ est prévu pour le mois prochain.

Le ministre exigera-t-il qu'on lui rende des comptes à l'égard de l'argent des contribuables et bloquera-t-il tout autre transfert tant qu'il n'aura pas eu l'assurance que cet argent profitera aux utilisateurs du quai de Digby?

 

. 1500 + -

L'hon. David M. Collenette (ministre des Transports, Lib.): Monsieur le Président, je remercie beaucoup le député de m'avoir soumis cette question avant la période des questions, mais je n'ai pas eu le temps d'approfondir les choses.

Conformément aux conditions de cession des actifs, l'argent doit servir à des fins spécifiques et il doit y avoir une vérification annuelle. Il est à espérer que nous aurons des précisions dès cette semaine, et que je pourrai donner alors une réponse au député, en privé ou à la Chambre.

*  *  *

[Français]

L'INDUSTRIE DE LA HAUTE TECHNOLOGIE

M. Robert Bertrand (Pontiac—Gatineau—Labelle, Lib.): Monsieur le Président, selon la firme Mosel Vitellic et le gouvernement du Québec, le gouvernement fédéral se traînerait les pieds quant à sa volonté d'implanter une usine de semi-conducteurs au Québec.

[Traduction]

Ma question s'adresse au ministre de l'Industrie. Pourquoi le gouvernement reporte-t-il un placement aussi important pour les secteurs québécois et canadien de la technologie de pointe?

[Français]

L'hon. John Manley (ministre de l'Industrie, Lib.): Monsieur le Président, ce n'est pas une question de retard dans la prise d'une décision. En fait, c'est la possibilité d'un investissement très important pour le Canada dans le secteur de la fabrication des semi-conducteurs.

En outre, comme la somme d'argent proposée est élevée, il faut un bon processus d'investigation avant d'avancer une offre de notre part. Nous continuons à négocier avec la compagnie et avec les autres intéressés pour qu'une décision soit prise au bon moment.

*  *  *

RECOURS AU RÈGLEMENT

LE CRIME ORGANISÉ

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, à la suite de ce qui s'est passé ce matin à la Chambre, et avec l'espoir qu'il y ait une bonne collaboration entre tous les partis, j'aimerais présenter de nouveau cet après-midi la demande de consentement unanime que je faisais ce matin et qu'on m'a demandée de reporter à cet après-midi pour des raisons de consultation.

 

. 1505 + -

Compte tenu qu'on a obtenu l'unanimité des partis d'opposition pour que soit débattue, à partir de maintenant, la motion M-428 qui est inscrite sous la rubrique Avis de motion émanant des députés, que ce débat ait lieu et qu'il y ait une mise aux voix à la fin du débat, tel que cela se fait de façon habituelle, je demande le consentement unanime pour procéder de cette façon, c'est-à-dire qu'on ait le débat et la mise aux voix par la suite sur la question du crime organisé. C'est une question primordiale au Québec et c'est une question extrêmement importante.

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, le gouvernement serait prêt à adopter une version différente de la motion que j'ai en main. Nous ne sommes pas prêts à adopter la motion telle que lue plus tôt aujourd'hui. Toutefois, j'en ai une que je pourrais proposer dans l'alternative, après que la Chambre aura disposé de celle qui est présentement devant elle.

M. Michel Gauthier: Monsieur le Président, est-ce que je comprends que le leader du gouvernement accepterait que le débat se fasse sur la question du crime organisé, mais qu'il n'y ait pas de vote obligeant les députés à se prononcer sur la question? Est-ce qu'il refuse en quelque sorte le consentement unanime?

Le Président: Ce que nous faisons ici est un peu irrégulier. Habituellement, nous demandons si l'honorable député a la permission de présenter la motion et ensuite elle est présentée. Toutefois, il me semble que si on veut continuer comme cela, on pourrait entendre ce qu'il a à dire. Peut-être que le leader du gouvernement à la Chambre pourrait tout simplement lire ce qu'il en main et je vais ensuite rendre ma décision.

L'hon. Don Boudria: Monsieur le Président, je vais lire la motion que le gouvernement est prêt à accepter. Libre au député d'en face de la mettre sous son nom puisque c'est son initiative. Je serais totalement d'accord avec cela. La motion acceptable au gouvernement serait la suivante:

    Que, à 18 h 30 ce soir ou à la fin de l'étude du projet de loi C-38 présentement devant la Chambre, la Chambre ne procédera pas aux délibérations conformément à l'article 38, mais continuera de siéger aux fins d'étudier la motion no M-428;

Cette motion est présentée par l'honorable député de Roberval, qui est leader parlementaire du Bloc québécois à la Chambre. Je continue la lecture de la motion.

    Que, durant l'étude de ladite motion, aucun député ne pourra parler pour plus de 20 minutes, suivi d'une période de dix minutes de questions et commentaires, pourvu que les articles concernant la division du temps de parole des députés soient appliqués;

    Que, durant l'étude de ladite motion, la Présidence ne reçoive pas d'appel de quorum ni de motion dilatoire ou de demandes pour le consentement unanime, et lorsqu'aucun député ne désirera parler, la Chambre ajournera jusqu'au jour de séance suivant.

Le Président: Il y a des ententes qui se concluent sur le parquet de la Chambre des communes. Je vais entendre encore, pour quelques secondes, le député de Roberval.

M. Michel Gauthier: Monsieur le Président, je sais que vous aimez cela quand on s'entend bien ici à la Chambre. Je sais bien que vous ne pourrez pas m'empêcher de bien m'entendre avec mon honorable collègue.

Ce que je comprends, c'est que le gouvernement refuse d'accorder son consentement pour qu'il y ait un vote. Il accepte un débat en soirée, mais ne veut pas qu'il y ait un vote. Est-ce ce que je dois comprendre?

M. Gilles Duceppe: Qu'il refuse donc. On a demandé...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. On constate ce qui se passe quand on procède de cette manière. Je pense que je n'ai pas de réponse et il va me falloir prendre une décision.

[Traduction]

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je n'ai pas la motion bloquiste devant moi et j'essaie de comprendre ce que propose le gouvernement, mais je ne sais toujours pas s'il parle de tenir un vote sur sa proposition. Le gouvernement aurait-il l'obligeance de préciser sa position pour le Président?

 

. 1510 + -

Le Président: Commençons par le commencement. Nous sommes saisis d'une motion que le député de Roberval a présentée pour demander le consentement unanime.

[Français]

Je vais mettre cela de côté et procéder immédiatement avec cette motion.

Est-ce que l'honorable député a la permission de la Chambre pour proposer cette motion?

Des voix: D'accord.

Des voix: Non.

M. Michel Gauthier: Monsieur le Président, je reviens sur une autre question, mais qui concerne toujours la question du crime organisé.

À titre de prudence, puisque cette question nous tient très à coeur, je vous ai fait parvenir une lettre un peu plus tôt aujourd'hui pour vous aviser que si le consentement unanime était refusé par le gouvernement, j'en appellerais à la Présidence et que, comme le prévoit le Règlement, je vous demanderais de nous permettre un débat d'urgence ce soir sur cette question.

Le Président: J'ai bien reçu la lettre de l'honorable député, mais avant la sienne, j'ai reçu une lettre du député de Pictou—Antigonish—Guysborough. Donc, je vais écouter les deux députés, après la période des affaires courantes, de même que tous ceux qui veulent y prendre part, et ensuite, je rendrai ma décision.

Mais pour le moment, puisque nous avons décidé que la motion était mise de côté, nous allons procéder aux affaires courantes ordinaires.



AFFAIRES COURANTES

[Traduction]

RÉPONSE DU GOUVERNEMENT À DES PÉTITIONS

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, conformément à l'article 36 du Règlement, j'ai l'honneur de déposer, dans les deux langues officielles, la réponse du gouvernement à 50 pétitions.

*  *  *

NOMINATIONS PAR DÉCRET

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de déposer, dans les deux langues officielles, des nominations par décret faites récemment par le gouvernement.

Conformément au paragraphe 110(1) du Règlement, ces décrets sont renvoyés d'office aux comités permanents compétents. La liste est jointe en annexe.

*  *  *

DÉLÉGATIONS INTERPARLEMENTAIRES

M. George Proud (Hillsborough, Lib.): Monsieur le Président, conformément au paragraphe 34(1) du Règlement, j'ai l'honneur de présenter à la Chambre, dans les deux langues officielles, le septième rapport de l'Association parlementaire canadienne de l'OTAN, qui a représenté le Canada lors de la session de printemps, tenue à Budapest, en Hongrie, du 26 au 30 mai 2000.

*  *  *

LA JOURNÉE DU COEUR: JOURNÉE DE SENSIBILISATION À LA CARDIOPATHIE CONGÉNITALE

 

M. Greg Thompson (Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest, PC) demande à présenter le projet de loi C-492, Loi instituant la Journée du coeur: Journée de sensibilisation à la cardiopathie congénitale.

—Monsieur le Président, je sais que c'est une cause qui vous est chère dans le cadre des efforts que vous avez consentis comme Président de la Chambre. C'est une loi instituant la Journée du coeur: Journée de sensibilisation à la cardiopathie congénitale.

J'ai ici quelques statistiques que je vais vous communiquer rapidement. Il est important que les Canadiens en prennent connaissance. Nous entendons beaucoup parler, et à juste titre, des maladies du coeur chez les adultes, mais combien d'entre-nous savent que les maladies du coeur ou, comme il convient mieux de les appeler, les cardiopathies congénitales, affectent plus de 32 000 nourrissons au Canada. Chaque année, un nouveau-né sur 100 au pays en est affligé.

À compter du 14 février 2001, la Saint-Valentin ou Journée du coeur, on marquerait la Journée du coeur: Journée de sensibilisation à la cardiopathie congénitale.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

*  *  *

 

. 1515 + -

LA LOI SUR L'ASSURANCE-EMPLOI

 

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD) demande à présenter le projet de loi C-493, Loi modifiant la Loi sur l'assurance-emploi (personne quittant son emploi pour prendre soin d'un membre de sa famille).

—Monsieur le Président, je suis très heureux de présenter le troisième volet de ma trilogie concernant la réforme des soins de santé.

Ce projet de loi reconnaîtra l'apport des personnes—appartenant dans la majorité à ce qu'il est convenu d'appeler la génération tartine—qui s'occupent de leurs enfants et de personnes atteintes d'incapacité, soit leurs parents.

Toute personne qui s'est occupée d'un père ou d'une mère, d'un oncle ou de toute autre personne ayant atteint les derniers stades de la maladie d'Alzheimer sait exactement ce qu'apporterait ce projet de loi. Ce dernier permettrait aux personnes qui doivent prendre une année de congé d'avoir accès à l'AE pour une période maximale de 52 semaines afin de demeurer au foyer et de s'occuper de leurs parents atteints d'incapacité. Le projet de loi définit ce qu'est un parent.

Nous faisons beaucoup au début de la vie d'une personne, dans le cadre des prestations de maternité ou de paternité, mais nous ne faisons rien en fin de vie. Ce projet de loi corrige cette erreur.

J'espère que ce projet de loi s'inscrira dans les changements en profondeur qui balaient Ottawa, que tous les parlementaires examineront attentivement cette excellente mesure législative, et qu'ils l'appuieront non seulement pour économiser l'argent des contribuables affecté au système de soins de santé mais également pour aider les gens.

(Les motions sont réputées adoptées, le projet de loi est lu pour la première fois et imprimé.)

*  *  *

[Français]

M. ROBERT MARLEAU

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, je propose:  

    Que la Chambre, désirant témoigner sa profonde reconnaissance des longs et distingués services que M. Robert Marleau a rendus, en sa qualité de Greffier de la Chambre des communes, le nomme haut fonctionnaire honoraire de la Chambre des communes, avec droit d'entrée à la Chambre et lui réserve un siège au Bureau.

Des voix: Bravo.

[Traduction]

Le Président: Le député a-t-il la permission de présenter la motion?

Des voix: D'accord.

Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

LES COMITÉS DE LA CHAMBRE

PROCÉDURE ET AFFAIRES DE LA CHAMBRE

M. Derek Lee (Scarborough—Rouge River, Lib.): Monsieur le Président, il y a eu des consultations entre les leaders à la Chambre, et je crois que vous obtiendrez le consentement de cette dernière au sujet de la motion suivante. Je propose:  

    Que la liste des membres du Comité permanent de la procédure et des affaires de la Chambre soit modifiée comme suit: Joe Jordan pour Gar Knutson, John Reynolds pour Jay Hill, David Iftody pour Raymond Bonin, et que les députés suivants soient ajoutés à la liste des membres associés dudit comité: Garry Breitkreuz, Gar Knutson, Jay Hill et Steve Mahoney.

Le Président: Le député a-t-il la permission de présenter la motion?

Des voix: D'accord.

Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

*  *  *

PÉTITIONS

LE LOGEMENT

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai ici une pétition signée par des habitants de la circonscription de Peterborough et des environs qui s'inquiètent du sort des sans-abri.

Les pétitionnaires soulignent que le problème des sans-abri et de l'insécurité par rapport au logement touche les personnes qui vivent dans la rue ou dans des refuges, celles qui vivent dans des logements surpeuplés, illégaux, temporaires ou provisoires et celles qui sont exposées au risque imminent de perdre leur logement.

Tout être humain a fondamentalement besoin d'un toit. Le gouvernement a la capacité et le devoir de jouer à cet égard un rôle à l'échelle nationale.

Les pétitionnaires exhortent le Parlement à s'employer en priorité à enrayer le problème des sans-abri et à faire en sorte que des logements abordables soient disponibles, en déclarant que le droit à un logement abordable est un droit de la personne fondamental au Canada.

 

. 1520 + -

LE REIN BIOARTIFICIEL

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une autre pétition émanant, cette fois-ci, de gens qui s'intéressent à la recherche dans le cadre du projet de rein bioartificiel. Ils font remarquer que 18 000 Canadiens soufrent de néphropathies au stade terminal et que ceux qui ont besoin de dialyse et ceux qui ont reçu une transplantation rénale reconnaissent l'importance que revêt le projet de rein bioartificiel.

Les pétitionnaires demandent au Parlement d'appuyer le projet de rein bioartificiel qui pourrait rendre inutile la dialyse et la transplantation pour ceux qui souffrent d'une maladie rénale au stade terminal.

[Français]

L'IMPORTATION DE PLUTONIUM

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer aujourd'hui à la Chambre une pétition signée par 259 personnes, résidants du Québec et du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement canadien et au Parlement de prendre toutes les dispositions requises afin que la population et ses représentants soient consultés sur le principe de l'importation du plutonium, communément appelé MOX.

[Traduction]

LA LOI CANADIENNE SUR LA SANTÉ

M. Svend J. Robinson (Burnaby—Douglas, NPD): Monsieur le Président, j'ai l'honneur de déposer une pétition qui est signée par plusieurs centaines d'habitants de l'Ontario. Elle a été préparée par le comité pour la sauvegarde de l'assurance-maladie, dont fait partie Russ Rak, qui appartient à la section des retraités de la section locale 222 du Syndicat des travailleurs canadiens de l'automobile.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement fédéral de préserver la Loi canadienne sur la santé, qui sous-tend le régime d'assurance-maladie dans toutes les provinces et régions du Canada, de la faire respecter et de faire droit aux cinq principes sous-jacents à l'assurance-maladie, à savoir l'universalité, l'accessibilité, la transférabilité, l'intégralité et l'administration sans but lucratif.

Par conséquent, les pétitionnaires exhortent le gouvernement à inscrire dans la Constitution la Loi canadienne sur la santé et les cinq principes fondamentaux de l'assurance-maladie afin de garantir à tous les Canadiens l'accès aux services de santé publics de qualité auxquels ils ont droit.

LA LOI SUR LE DIVORCE

M. Ted McWhinney (Vancouver Quadra, Lib.): Monsieur le Président, je suis heureux de présenter une pétition signée par 139 habitants de l'île de Vancouver. Elle a trait au divorce. Comte tenu du nombre des divorces au Canada, les pétitionnaires prient le gouvernement de modifier dès à présent la Loi sur le divorce pour tenir compte des recommandations formulées par le Comité mixte spécial sur la garde et le droit de visite des enfants.

[Français]

LE PRIX DE L'ESSENCE

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer à la Chambre des communes une pétition, signée par plus de 700 personnes de ma circonscription, relativement au prix abusif de l'essence.

Les gens demandent au gouvernement d'adopter une résolution pour faire échec aux cartels mondiaux sur le pétrole, mais également, c'est ce qui est important, de consacrer des fonds suffisants à la recherche d'énergies alternatives de sorte que, dans un proche avenir, les Canadiens et les Canadiennes et les Québécois et les Québécoises puissent être libérés de l'obligation d'utiliser de l'essence.

Mme Pauline Picard (Drummond, BQ): Monsieur le Président, j'ai le plaisir de déposer à la Chambre une pétition signée par 400 citoyens et citoyennes du centre du Québec et de l'Estrie.

Les pétitionnaires demandent au gouvernement, compte tenu de la montée fulgurante du prix de l'essence à la pompe et pour plusieurs autres raisons, d'adopter une résolution visant à faire échec aux cartels mondiaux du pétrole afin de provoquer une diminution du prix excessif du pétrole brut et de consacrer des fonds suffisants à la recherche d'énergies alternatives de sorte que, dans un proche avenir, les Québécois et les Québécoises puissent être libérés de l'obligation d'utiliser le pétrole comme énergie principale.

LES ORGANISMES GÉNÉTIQUEMENT MODIFIÉS

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de déposer à la Chambre une pétition, signée par 115 personnes, qui réclament d'être informées sur ce qu'elles consomment et ce qu'elles mangent, notamment en ce qui concerne les organismes génétiquement modifiés.

Les Canadiens et les Canadiennes ont le droit de savoir ce qu'ils consomment et la teneur précise de ce qu'ils avalent. Les aliments génétiquement modifiés peuvent être inquiétants à plusieurs points de vue.

Ce sont donc 115 personnes qui réclament du gouvernement cet affichage et cet étiquetage des produits génétiquement modifiés.

*  *  *

 

. 1525 + -

[Traduction]

QUESTIONS AU FEUILLETON

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, nous répondons aujourd'hui aux questions nos 85, 106, 107 et 108. .[Texte] M. Ted White:

    En ce qui concerne le formulaire de déclaration de douane qu'on remet aux voyageurs qui entrent au Canada (E311-(99)): a) quels ministères, agences et organismes ont accès à l'information en question; b) quelles lois sont ou pourraient être mises à exécution grâce à ces renseignements?

L'hon. Martin Cauchon (ministre du Revenu national et secrétaire d'État (Agence de développement économique du Canada pour les régions du Québec), Lib.): Les ministères du gouvernement, les organismes et les organisations dont le nom apparaît sur la liste suivante sont autorisés, en vertu de l'article 108 de la Loi sur les douanes, à avoir accès aux renseignements sur les voyageurs que renferment les formulaires E311:

L'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui veille à l'application de la Loi sur la protection des végétaux et la Loi sur la santé des animaux; Santé Canada, qui veille à l'application de la Loi règlementant certaines drogues et d'autres substances; Citoyenneté et Immigration Canada, qui veille à l'application de la Loi sur la citoyenneté et de la Loi sur l'Immigration; Environnement Canada, qui veille à l'application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction; Statistique Canada, qui veille à l'application de la Loi sur la statistique et qui est le seul ministère à recevoir régulièrement les renseignements en question en raison de son mandat lié à la collecte des statistiques; Développement des ressources humaines Canada (DRHC), qui veille à l'application de la Loi sur l'assurance-emploi.

Il est important de noter que l'Agence des douanes et du revenu du Canada avait antérieurement signé un protocole d'entente (PE) avec DRHC pour partager les renseignements contenus dans les formulaires E311. Toutefois, depuis le début de la mise en cause du PE devant la Cour fédérale, présentée par le commissaire à la protection de la vie privée, cette entente de partage de renseignements a été interrompue. La question est présentement débattue devant les tribunaux.

Dans le cas où une demande de renseignements personnels est présentée par une source non citée ci-dessus, une autorisation doit être obtenue du voyageur, selon laquelle ce dernier indique expressément qu'il accepte que les renseignements soient divulgués, conformément aux exigences de la Loi sur la protection de la vie privée. M. Ted White:

    En ce qui concerne les effets sur la santé signalés des aliments pour bébés contenant les protéines de soya ou des produits à base de soya: a) le gouvernement a-t-il pris des mesures pour étudier les rapports selon lesquels ces aliments peuvent causer des problèmes médicaux comme la thyroïdite auto-immune, des défauts à la naissance, des malignités et d'autres types de maladies à cause des effets hormonoides de certains produits à base de soya; b) si oui, quelles mesures d'enquêtes ont été prises; et c) suite à son enquête, le gouvernement a-t-il un plan pour exiger des messages relatifs à la santé comme ceux exigés par l'Organisation mondiale de la santé sur les étiquettes des aliments pour bébés?

L'hon. Allan Rock (ministre de la Santé, Lib.): En réponse aux questions a) et b), le gouvernement a étudié les rapports sur les problèmes médicaux soi-disant causés par les formules pour bébés à base de soya et il a examiné les textes scientifiques relatifs à cette question. À l'exception des bébés souffrant d'affections médicales rares, comme l'allergie au soya et l'hypothyroïdie congénitale, on a conclu que ces aliments ne pose aucun risque pour les bébés qui les consomment. Le gouvernement continue de surveiller la documentation scientifique pour y trouver une preuve de problèmes de santé associés aux formules à base de soya et à leurs composantes.

Les résultats préliminaires publiés récemment d'une vaste étude rétrospective, qui a permis de suivre des adultes qui avaient été nourris avec des formules à base de soya lorsqu'ils étaient nourrissons, n'indiquent aucune différence significative entre les personnes nourries avec des formules à base de soya et celle nourries avec des formules à base de lait de vache selon les variables suivantes: poids et taille, mesures de la précocité et un grand nombre de résultats de procréation et de non-procréation.

En réponse à la question c), nous ne sommes pas au courant d'une exigence de l'Organisation mondiale de la santé concernant un message relatif à la santé sur les étiquettes des aliments pour bébés.

En ce qui concerne les formules pour bébés à base de soya, Santé Canada ne recommande pas leur utilisation pour l'alimentation régulière des bébés. La déclaration du groupe de travail mixte de la Société pédiatrique canadienne, des diététiciens du Canada et de Santé Canada, intitulée, «Nutrition des bébés à terme en santé», publiée en 1998, indique avec insistance que l'allaitement maternel est la méthode optimale pour nourrir les bébés et encourage l'allaitement maternel exclusif pendant au moins les 4 premiers mois de la vie. Les formules pour bébés à base de lait de vache sont recommandées comme produit standard pour les bébés à terme en santé qui ne sont pas nourris au sein.

Dans Nutrition des bébés à terme en santé, on ajoute que les formules à base de soya ne devraient être utilisées que pour les bébés qui ne peuvent consommer des produits à base de lait pour des raisons de santé, culturelles ou religieuses, par exemple un mode de vie végétarien ou la galactosémie, un trouble métabolique rendant les bébés incapables de métaboliser la galactose, un sucre du lait. Cela réitère la recommandation formulée dans «Des bébés en santé», publication de Santé et Bien-être social Canada en 1986.

Dans «Nutrition des bébés à terme en santé», on affirme également que les formules à base de protéines de soya sont inappropriées pour les bébés qui ne sont pas nourris au sein et qui sont à risque élevé de maladies atopiques ou pour les bébés souffrant d'une allergie documentés aux protéines du lait de vache. Les formules qui devraient être utilisées dans ces cas sont des formules basées sur les protéines du lait hydrolysées; pour les bébés allergiques au lait, la protéine devrait être très hydrolysée. M. Gilles Bernier:

    En ce qui a trait au changement proposé aux limites des zones établies pour l'assurance-emploi afin de tenir compte des données statistiques sur les taux de chômage au Nouveau-Brunswick: a) ces données étaient-elles de sources privée ou publique; b) quelle est cette source; c) quelle était la formule utilisée pour évaluer les données; d) sur quelle période portaient les données; e) quelles circonscriptions fédérales seront touchées par cette refonte; f) pour réunir les données, n'a-t-on procédé qu'a un échantillonnage dans chaque province; g) quelle région du Nouveau-Brunswick a servi à la collecte de ces données; h) sur combien de travailleurs a porté la collecte des données; i) comment les travailleurs à temps plein étaient-ils définis aux fins de la collecte des données et combien d'entre eux faisaient partie de l'echantillon; j) comment les travailleurs à temps partiel étaient-ils définis aux fins de la collecte des données et combien d'entre eux faisaient partie de l'échantillon; k) comment les travailleurs saisonniers étaient-ils définis aux fins de la collecte des données et combien d'entre eux faisaient partie de l'échantillon; l) la collecte des données s'est-elle faite en consultation avec les principaux employeurs de la région de Nouveau-Brunswick-Sud-Ouest?

L'hon Jane Stewart (ministre du Développment des ressources humaines, Lib.): En ce qui a trait au changement proposé aux limites des zones établies pour l'assurance-emploi afin de tenir compte des données statistiques sur les taux de chômage au Nouveau-Brunswick, la réponse est la suivante:

(a) Les données statistiques nous proviennent d'une source publique. (b) Le nom de cette source est Statistique Canada. (c) Les données ont été évaluées à partir d'une analyse de régression et du mappage des indicateurs regroupés et non regroupés. (d) Les données proviennent du recensement de 1996 à partir du revenu, des données du revenu et de la démographie selon les quartiers de 1997 et des données du sondage sur le marché du travail jusqu'a avril 2000. (e) Aucune analyse n'a été effectuée indiquant que des circonscriptions féderales seront touchées par ces modifications. (f) Les données de base du recensement sont recueillies auprès de tous les ménages du Canada et auprès d'un ménage sur sept pour ce qui est des sujets comme l'éducation, l'appartenance ethnique, la mobilité, le revenu et l'emploi. Les données sur le revenu et la démographie selon les quartiers sont produites par Statistique Canada de façon globale à partir des déclarations de revenu déposées. Le sondage sur le marché du travail est un sondage mensuel effectué auprès de plus de 50 000 ménages au Canada. (g) Toutes les régions du Nouveau-Brunswick sont couvertes par ces données. (h) Les données couvrent tous les travailleurs canadiens, soit 15 047 895 travailleurs. (i) Aucune analyse n'a été effectuée sur les travailleurs à temps plein par rapport aux autres travailleurs. (j) Aucune analyse n'a été effectuée sur les travailleurs à temps partiel par rapport aux autres travailleurs. (k) L'emploi saisonnier a été évalué approximativement, selon que les travailleurs étaient employés pour 26 semaines ou moins au cours de l'année, ce qui a mené à une évaluation de 3 016 430 travailleurs saisonniers au Canada et 114 075 au Nouveau-Brunswick. (l) Aucune collecte spéciale de données ou consultation n'ont été effectuées auprès des principaux employeurs du Nouveau-Brunswick et d'ailleurs; ceux-ci pouvaient toutefois nous faire part de leurs commentaires comme le reste du public. M. Gilles Bernier:

    En ce qui concerne les demandes soumises au ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour les exercices 1998-1999 et 1999-2000: a) combien ont été soumises concernant le parrainage de festivals et d'événements communautaires dans chaque province et dans chaque région; b) combien de demandes ont été rejetées dans chaque province et dans chaque région?

L'hon. Alfonso Gagliano (ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux, Lib.): a) Les demandes reçues et les demandes rejetées, par région, en 1998-1999, se lisent comme suit:

Région—Rejetées—Reçues
Est—2—25
Échelle nationale—20—45
RCN—1—1
T.N.-O.—0—1
Ontario—21—56
Autres—2—2
Québec—54—221
Ouest—3—9

Les demandes reçues et les demandes rejetées, par région, en 1999-2000, se lisent comme suit:

Région—Rejetées—Reçues
Est—14—30
Échelle nationale—35—66
T.N.-O.—0—1
Ontario—27—51
Québec—212—406
Ouest—10—22

*  *  *

[Traduction]

QUESTIONS TRANSFORMÉES EN ORDRES DE DÉPÔT DE DOCUMENTS

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, si les questions nos 50, 70, 87, 90 et 93 pouvaient être transformées en ordres de dépôt de documents, les documents en question seraient déposés immédiatement.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord. .[Texte] M. Svend J. Robinson:

    Quels fonds, subventions, prêts et garanties de prêt le gouvernement a-t-il accordés dans la circonscription de Burnaby—Douglas pour chacun des exercices financiers suivants: a) 1997-1998; b) 1998-1999; et, dans chaque cas où la question est pertinente: (i) quel est le ministère ou l'agence concerné; (ii) dans le cadre de quel programme la somme a- t-elle été versée; (iii) quels sont les noms des bénéficiaires, s'il s'agit de groupes ou d'organismes; (iv) quelle est la valeur pécuniaire de la somme versée; (v) quel pourcentage du budget du programme la somme versée représente-t-elle?

(Le document est déposé.) M. Gerry Ritz:

    Pour chacun des exercices de 1994 à 1998 inclusivement, quelles ont été les dépenses d'infrastructure dans le contexte du Programme canadien d'agro-infrastructure, en précisant notamment: a) l'entrepreneur; b) l'emplacement; c) la nature des travaux effectués; d) toutes les sommes attribuées y compris, le cas échéant, les fonds supplémentaires.

(Le document est déposé.) M. John Duncan:

    Combien de fonds fédéraux, sous forme de subventions et de contributions, ont servi à l'aquaculture de poissons, avec ventilation par province et par année, depuis 1994?

(Le document est déposé.) M. Dennis Gruending:

    En ce qui concerne les marchés de services-conseils passés par le gouvernement avec des sociétés, fondations ou autres organismes depuis 1993: a) quels marchés de services le gouvernement a-t-il passés avec Cantox Inc. et ses filiales, divisions et représentants; b) quelle est la liste complète des documents que le gouvernement et ses ministères, agences et autres organismes ont reçus de Cantox Inc. et de ses filiales, divisions et représentants relativement à ces marchés; c) quels sont les marchés actuellement en vigueur entre le gouvernement et Cantox Inc. ou l'une de ses filiales?

(Le document est déposé.) M. John Williams:

    Combien d'argent le gouvernement a-t-il fourni à la société Intrawest durant chacune des années financières de 1995-1996 à 1999-2000 pour la mise en oeuvre et l'expansion de projets à Mont-Tremblant, au Québec et, le cas échéant: a) à quoi les fonds ont-ils été consacrés; b) des prévisions de trésorerie ont-elles été prévues; c) combien d'emplois ont été créés grâce à la contribution du gouvernement fédéral; d) un projet de budget a-t-il été soumis au gouvernement fédéral; e) la société Intrawest devait-elle de l'argent au gouvernement fédéral à un moment ou l'autre; f) le gouvernement fédéral a-t-il exercé une surveillance financière du projet?

(Le document est déposé.)

*  *  *

[Traduction]

QUESTIONS MARQUÉES D'UN ASTÉRISQUE

M. Derek Lee (secrétaire parlementaire du leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, auriez-vous l'obligeance d'appeler la question no 73, marquée d'un astérisque? .[Texte] <*Question no 73—M. Guy St-Julien:

    Quelles subventions et contributions le gouvernement fédéral, par l'entremise du ministère du Développement des ressources humaines, a-t-il accordé dans les circonscriptions de l'Abitibi—Baie James—Nunavik et du Témiscamingue entre le 1er avril 1994 et le 31 janvier 2000 et, le cas échéant: a) dans le cadre de quel programme et à quelle date la somme a-t-elle été versée; b) qui en sont les bénéficiaires; c) combien d'emplois ont été créés; d) quel montant a été accordé?

(Le document est déposé.)

[Traduction]

M. Derek Lee: Monsieur le Président, si la réponse à la question no 73, marquée d'un astérisque, était transformée en ordre de dépôt de document, le document en question serait déposé immédiatement.

Le Président: Est-ce d'accord?

Des voix: D'accord.

(Le document est déposé.)

*  *  *

[Français]

LOI SUR LE SYSTÈME DE JUSTICE PÉNALE POUR LES ADOLESCENTS

PROJET DE LOI C-3—AVIS DE MOTION CONCERNANT L'ATTRIBUTION DE TEMPS

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, il a été impossible d'en arriver à un accord en vertu des dispositions du paragraphe 78(1) ou 78(2) du Règlement relativement aux délibérations à l'étape du comité du projet de loi C-3, Loi concernant le système de justice pénale pour les adolescents, et modifiant et abrogeant certaines lois en conséquence.

En vertu des dispositions du paragraphe 78(3) du Règlement, je donne avis qu'un ministre de la Couronne proposera, à la prochaine séance de la Chambre, une motion attribuant un nombre spécifié de jours ou d'heures aux délibérations à cette étape et aux décisions requises pour disposer de cette étape.

Des voix: Honte! Honte!

*  *  *

[Traduction]

DEMANDE DE DÉBAT D'URGENCE

LE CRIME ORGANISÉ

Le Président: J'ai reçu deux demandes de débat d'urgence. J'ai reçu deux lettres aujourd'hui. La première venait du député de Pictou—Antigonish—Guysborough et la seconde, du député de Roberval. Je vais entendre le député de Pictou—Antigonish—Guysborough en premier lieu, car cela porte fondamentalement sur le même sujet, selon moi. Je donnerai ensuite la parole au député de Roberval.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, cette requête du Parti progressiste-conservateur vient appuyer les arguments qui ont été présentés plus tôt par mon collègue de Roberval. Elle est directement liée à la même question, soit la crise croissante que pose le crime organisé au Canada.

Il est probable que tous les députés et la très grande majorité des Canadiens savent ce qui se passe dans tout le pays. Il ne s'agit absolument pas de stimuler le débat, mais de le présenter sous une forme tangible à la Chambre où nous pouvons discuter de ces questions comme nous devrions le faire.

Nous sommes confrontés à une crise en ce qui concerne les triades asiatiques, la mafia du bloc de l'Est, les familles traditionnelles de criminels et les bandes de motards criminalisées qui infiltrent nos collectivités dans tout le pays. Je tiens à dire à mes collègues du Québec que ce n'est pas une question propre au Québec seulement. C'est peut-être un phénomène très présent au Québec, dans la région de Montréal en particulier. Cependant, on a récemment fait état d'affrontements entre bandes de motards à Kingston, en Ontario. Cela se produit également sur la côte ouest dans une large mesure.

Kingston, en Ontario, est la région où l'on retrouve la plus forte concentration de pénitenciers fédéraux au Canada et pourtant, cela n'empêche en rien ces événements de se produire. Des criminels en puissance sont libérés de ces établissements pour tomber directement dans les bras de groupes criminels organisés.

Le commissaire à la GRC a soulevé cette question dès sa nomination à ce poste. Il y a deux semaines, le nouveau commissaire à la GRC, M. Zaccardelli, a déclaré que des organisations criminelles avaient planifié d'utiliser des pots-de-vin pour déstabiliser le Parlement du pays. Cela a un effet important et c'est un problème auquel nous devons nous attaquer dans cette enceinte. Il incombe au gouvernement du Canada de lutter contre ce phénomène en faisant passer cette question au premier plan dans le cadre d'un débat permettant de discuter des moyens de nous attaquer au crime organisé de façon énergique et de parler des ressources nécessaires et de la stratégie à employer sur le plan législatif. Les procureurs généraux des provinces réclament la même chose.

Nous exhortons le gouvernement à agir et ce rapidement. J'exhorte la présidence à juger ce débat d'urgence nécessaire. Je serais prêt à proposer la motion pertinente.

 

. 1530 + -

Le Président: D'habitude, ces interventions sont très concises. J'ai lu les lettres des deux députés.

[Français]

J'invite l'honorable député de Roberval à présenter sa demande.

M. Michel Gauthier (Roberval, BQ): Monsieur le Président, la tentative de meurtre dont a été victime le journaliste Michel Auger, au Québec, la semaine dernière, a été le dernier d'une série d'événements pour le moins malheureux qui nous ont conduits à faire le bilan suivant: environ 150 personnes ont été assassinées dans le cadre de la guerre des motards au Québec depuis quelques années.

L'attentat contre M. Auger a été un point culminant et nous indique combien le crime organisé et les organisations criminelles ont pris une place inacceptable dans notre société—une place toujours inacceptable en soi—, mais d'une importance aujourd'hui qui rend encore plus inacceptable pour nous le geste qu'ils ont posé, ce qu'ils font et ce qu'ils feront dans les années à venir.

L'an dernier, c'était mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot qui était menacé parce qu'il dénonçait les cultures de marijuana chez les agriculteurs de sa région. La semaine dernière, c'était un journaliste qui était attaqué parce qu'il a écrit sur le crime organisé. À certains moments—c'est un rapport fédéral qui le dit—ce sont des magistrats qui sont menacés. C'est donc dire l'importance extrême de ce sujet. À nul autre endroit mieux qu'à la Chambre des communes, on peut s'intéresser à cette question.

Il s'agit de modifier le Code criminel. Il s'agit de faire en sorte que le Code criminel donne tous les outils nécessaires aux forces de l'ordre et à la justice pour amener la condamnation de ces criminels, de ces gens qui appartiennent aux gangs criminalisés. N'oublions pas—et c'est assez triste de le dire—que la plupart des poursuites qui ont été entamées contre ces gens-là se sont soldées par des échecs parce que la preuve est trop lourde à produire. La preuve est énorme et l'invocation de la Charte des droits et d'arguments de toutes sortes font en sorte que le système de justice ne peut plus mener la preuve à terme.

En conséquence, nous pensons sincèrement que le Parlement fédéral a l'obligation non seulement de parler de cette question. Nous aurions aimé que la Chambre des communes se prononce par un vote pour que ce soit clair, pour que chaque député soit appelé à se lever et à dire ce qu'il pense de cette question. Est-ce que oui ou non le Parlement fédéral et le gouvernement du Canada devront modifier le Code criminel? C'est ce que nous pensions, mais nous accepterions à la limite au moins que nous parlions de cette question, que nous échangions des points de vue et que peut-être cela aidera le gouvernement à se décider et à répondre à cette demande pressante de la population du Québec.

 

. 1535 + -

DÉCISION DE LA PRÉSIDENCE

Le Président: Ce qui a été soulevé aujourd'hui est très important, non seulement pour cette Chambre, mais pour tout notre pays.

[Traduction]

J'ai écouté les deux députés qui sont intervenus, le représentant de Pictou—Antigonish—Guysborough et celui de Roberval. Le problème me semble revêtir une telle importance que je vais permettre un débat d'urgence. Il débutera à 20 heures ce soir et se terminera à minuit. Il portera sur les problèmes soulevés par les deux députés.

[Français]

L'hon. Don Boudria (leader du gouvernement à la Chambre des communes, Lib.): Monsieur le Président, maintenant que vous avez rendu votre décision dans ce dossier, j'aimerais proposer ce qui suit à la Chambre, et il y a eu consultation, du moins avec certains chefs de parti. J'ai tenté de rejoindre la plupart d'entre eux au cours des dernières minutes.

Je propose:  

    Que, contrairement à toute règle de la Chambre, le débat, conformément à l'article 52, débute à 18 h 30;

    Que la Chambre ne procède pas aux délibérations conformément à l'article 38;

    Que, durant l'étude de ladite motion, aucun député ne pourra parler plus de 20 minutes, suivi d'une période de 10 minutes de questions et commentaires, pourvu que les articles concernant la division du temps de parole des députées soient appliqués;

    Que, durant ledit débat, la Présidence ne reçoive pas d'appel de quorum ni de motion dilatoire ou de demande pour le consentement unanime et, lorsque aucun député ne désirera parler, la Chambre s'ajournera jusqu'au jour de séance suivant.

La raison pour laquelle on propose ces légères modifications, c'est pour permettre que le débat commence tout de suite à 18 h 30 en utilisant la règle qui s'applique souvent aux débats en soirée. Je pense que vous obtiendrez le consentement unanime.

[Traduction]

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais avoir une précision. La Présidence a autorisé un débat. Je crois qu'on a proposé le dépôt d'une motion du député de Pictou—Antigonish—Guysborough.

La Présidence estime-t-elle que cette motion, lorsqu'elle sera déposée, pourra faire l'objet d'un vote?

Le Président: Non. À mon avis, nous allons tenir un débat qui permettra certaines modifications s'il y a accord, mais il n'y aura pas de vote.

J'ai reçu une motion. Elle dit en gros que, au lieu de commencer à 20 heures, nous commencerons à 18 h 30. Pour le reste, les règles habituelles de ce genre de débat s'appliquent.

Le député a-t-il la permission de présenter la motion?

Des voix: D'accord.

Le Président: Plaît-il à la Chambre d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

(La motion est adoptée.)

 

. 1540 + -

Le Président: Il y aura ce soir un débat d'urgence sur les motards, et il débutera à 18 h 30.

M. John O'Reilly (Haliburton—Victoria—Brock, Lib.): Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Le 18 septembre est l'un des grands jours de l'histoire du Parti conservateur, et le parti l'a peut-être laissé passer inaperçu. Je ne voulais pas qu'on oublie que le très honorable John Diefenbaker est né le 18 septembre 1895.

Le Président: Je suis sûr que cela intéresse non seulement les conservateurs, mais aussi tous les députés de notre auguste assemblée.



INITIATIVES MINISTÉRIELLES

[Traduction]

LA LOI SUR L'AGENCE DE LA CONSOMMATION EN MATIÈRE FINANCIÈRE DU CANADA

 

La Chambre reprend l'étude de la motion: Que le projet de loi C-38, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières, soit lu pour la deuxième fois et renvoyé à un comité.

M. Rick Borotsik (Brandon—Souris, PC): Monsieur le Président, une fois de plus, soyez le bienvenu à la Présidence. Nous sommes ravis de vous revoir parmi nous après les vacances d'été. Vous avez assurément l'insigne honneur de présider les travaux tandis que je présenterai mon exposé au sujet du projet de loi C-38.

Je voudrais avant toute chose remercier notre collègue qui a signalé à la Chambre que nous célébrons aujourd'hui l'anniversaire du très honorable John Diefenbaker, malheureusement décédé. Cette information n'est pas utile qu'aux seuls députés; elle l'est également pour les Canadiens en général, car nous reconnaissons l'importance de M. Diefenbaker et du Parti conservateur à l'époque où M. Diefenbaker le dirigeait, et assurément de la tranche d'histoire que le Parti conservateur représente au Canada et qui remonte à l'époque de la Confédération. Je tiens à remercier notre collègue d'avoir attiré l'attention de la Chambre et des Canadiens là-dessus.

Je me félicite de prendre aujourd'hui la parole au sujet du projet de loi C-38. Je dois cependant préciser que cette responsabilité ne m'a été confiée que depuis peu seulement.

Jusqu'à récemment, l'ancien député de Kings—Hants, M. Scott Brison—je peux désormais le nommer à la Chambre puisqu'il n'est plus député—était notre porte-parole pour ce projet de loi. J'aimerais le remercier au nom de notre parti de tout ce qu'il a fait pour nous et pour les Canadiens, parce qu'il a présenté ce que je considère comme étant la meilleure des réponses données par un porte-parole au ministre des Finances. Je dirais même que le ministre des Finances risque d'être d'accord avec moi à ce chapitre. M. Brison ne siège plus dans cette Chambre après avoir accepté de laisser son siège à un homme de la trempe du très honorable John Diefenbaker, c'est-à-dire le très honorable Joe Clark, qui doit prêter serment demain. Nous le remercions de son sacrifice et de son excellent travail.

J'ai aujourd'hui le devoir de traiter du projet de loi C-38 au nom du Parti conservateur du Canada. Je suis désolé de ne pas avoir pu prendre la parole après le député de Regina—Qu'Appelle parce qu'à mon avis il était très important qu'il y ait une certaine transition entre l'idéologie néo-démocrate et celle du Parti progressiste-conservateur en ce qui a trait à l'industrie bancaire.

Qu'on ne se leurre pas, j'ai beaucoup de respect pour le député de Regina—Qu'Appelle. Il siège à la Chambre depuis un bon nombre d'années et il connaît certainement très bien tout le domaine financier puisqu'il a siégé au Comité des finances pendant un certain temps. J'espère avoir l'occasion de travailler à ses côtés, de même qu'avec les autres membres du Comité des finances et le ministre des Finances.

Le député de Regina—Qu'Appelle embrasse très certainement l'idéologie de son parti en ce qui a trait à l'industrie bancaire et à cette mesure législative particulière, et j'en étais même presque venu à croire qu'il serait d'avis que la nationalisation de l'industrie des banques pourrait être préférable pour les Canadiens au système de marché libre que nous connaissons actuellement. Cela peut sembler un peu insensible, mais c'est probablement plus près de la réalité.

 

. 1545 + -

Les banques ne sont pas la bête noire dans cette histoire. Le secteur bancaire est très important non seulement pour nous, mais aussi pour l'économie. Je suis certain que les Canadiens savent que ce secteur emploie à lui seul 222 000 personnes. Il s'agit d'un très gros secteur réglementé par des lois. Nous modifions régulièrement ces lois, soit tous les cinq ans.

La masse salariale annuelle du secteur bancaire est estimée à environ 12,6 milliards de dollars. Ce chiffre est très important aux yeux des employés de ce secteur et des gouvernements qui, évidemment, les imposent.

Aujourd'hui, le secteur bancaire détient des avoirs dont la valeur s'élève à plus de 1,4 billion de dollars. Par ailleurs, on compte au Canada 8 423 succursales bancaires. Il s'agit d'un énorme secteur. Les banques ne sont pas la bête noire. C'est simplement un secteur qui tente de faire des affaires au Canada.

Les banques réalisent aujourd'hui plus de 49 p. 100 de leurs revenus à l'étranger. La moitié des revenus des banques proviennent de l'extérieur du Canada. Cela témoigne de la mondialisation du secteur financier et bancaire.

Un contribuable canadien sur deux possède, d'une façon ou d'une autre, des intérêts dans une banque. Il est, directement ou indirectement, propriétaire d'actions ou de parts dans le secteur bancaire. Que ce soit par l'entremise d'un régime de pension, d'actions, de fonds communs ou d'autres types de placements, un canadien sur deux possède un lien direct ou indirect avec les actions d'une banque.

Le projet de loi dont nous sommes saisis est très détaillé. Il couvre 900 pages et prend en considération 22 lois distinctes du gouvernement fédéral. Il porte sur environ 4 000 pages de ces 22 lois auxquelles il propose des modifications.

J'ai ici le projet de loi de 900 pages. Je suis impatient de passer à l'étude en détail des 900 pages du projet de loi C-38, mais entre-temps, je suis très heureux de parler du projet de loi et je vais tâcher d'aborder quelques-unes des questions dont il traite.

Le député de Regina—Qu'Appelle a parlé avec aisance de ce qui lui paraissait bon et de ce qui lui paraissait mauvais dans le projet de loi. Je pourrais approuver bien des choses qu'il a dites à propos du bon et du moins bon, bien que je ne puisse accepter bon nombre des observations qu'il a faites à d'autres égards en parlant notamment de l'augmentation de 10 à 20 p. 100 de la limite de propriété des actions d'une banque. Il y est complètement opposé, et j'y reviendrai plus tard. Nous n'y sommes pas du tout opposés.

Il a dit également qu'il n'appuierait pas le projet de loi et qu'il ne voterait pas pour le faire renvoyer au comité. Je trouve cela très étrange car le projet de loi comporte un certain nombre de bons aspects. Nous devrions l'appuyer et le renvoyer au comité de sorte que nous puissions lui apporter les modifications nécessaires, pourvu que les ministériels et les membres du comité soient disposés à bien accueillir les modifications constructives qui y seront proposées. Nous en parlerons certainement beaucoup plus tard quand nous en discuterons au comité.

Nous, du Parti progressiste-conservateur, attendions ce projet de loi depuis longtemps. Il se faisait attendre depuis longtemps. Cela fait plusieurs années que nous attendions qu'il soit présenté à la Chambre. Cela dit, j'annonce également que le Parti progressiste-conservateur a l'intention d'approuver le projet de loi en deuxième lecture pour le faire passer à l'étape de l'étude en comité, de sorte que nous puissions tâcher de lui apporter les modifications nécessaires.

Il a fallu énormément de temps avant que nous soyons saisis du projet de loi. Cela fait près de sept ans que le gouvernement est au pouvoir. Cela fait presque sept ans que le gouvernement se livre à toutes sortes de manoeuvres dilatoires sous forme de groupes de travail, de consultations, de rapports spéciaux ou autres pour éviter de se mettre au travail.

 

. 1550 + -

On a déjà dit qu'en fait ce processus avait débuté en 1996 avec le rapport du groupe de travail MacKay. Ce rapport a été remis au ministre des Finances le 14 septembre 1998. Cela fait plus d'un an que le groupe de travail a fait rapport au ministre et qu'il a été donné suite au livre blanc; et ce n'est que le 18 septembre 2000 que débute l'étape de la second lecture. Deux ans se sont écoulés depuis que le rapport MacKay a été remis au ministre des Finances et avant que nous ayons le projet de loi sur notre bureau; tout un laps de temps.

Entre temps, le ministre des Finances a dit aux banques que non, elles ne pourraient pas fusionner. Même si le rapport MacKay abordait cette question, je suppose que le ministre des Finances a été pris par surprise lorsque plusieurs banques ont annoncé leur intention de fusionner.

Pendant plus de 100 ans, le Canada a jouit d'un avantage sur les États-Unis du fait que le régime réglementaire régissant les banques y était beaucoup plus éclairés qu'aux États-Unis. Dans une vie antérieure—du temps où je travaillais vraiment par opposition à seulement être ici à la Chambre à vous adresser la parole, monsieur le Président, et à vous éclairer et à égayer votre journée de par ce fait—j'ai travaillé pour une société qui avait besoin du genre d'institutions bancaires que nous avons dans notre pays. Nous étions très concurrentiels non seulement au Canada, mais aussi aux États-Unis parce que nous pouvions traiter avec une banque nationale au Canada même. Nous pouvions mobiliser du capital, ce qui n'aurait pas forcément été possible si nous avions eu le même système bancaire que les États-Unis.

Au Canada, nous avons beaucoup de chance d'avoir l'industrie bancaire que nous avons. Par exemple, en 1987, le gouvernement conservateur a autorisé les banques à acquérir des maisons de courtage et, cinq ans plus tard, la propriété réciproque était autorisée dans les quatre piliers du système financier: les banques, les maisons de courtage, les sociétés d'assurances et les sociétés de fiducie.

En 1987, l'ouverture du secteur des maisons de courtage du Canada a permis aux banques de renforcer leur secteur, assurant ainsi la viabilité de l'industrie intérieure. À ce moment-là, nos institutions bancaires étaient les plus puissantes du monde. Cette situation a changé. Nous avons désormais du mal à soutenir la concurrence mondiale. Nous parlerons de cette question. En fait, ce projet de loi commence à en traiter.

Ensuite, au cours des années 90, le Canada a perdu son avantage concurrentiel à mesure que les organismes de réglementation américains adoptaient un système bancaire national sans restrictions, comme celui du Canada. À l'heure actuelle, le milieu de la réglementation chez nos voisins du Sud est de loin supérieur à celui du Canada.

L'automne dernier, un nouveau et important projet de loi financier a été adopté aux États-Unis. Il autorisait la propriété réciproque de banques, de maisons de courtage et de sociétés d'assurances, en plus de l'interdistribution des services. Ainsi, le processus de fusions bancaires aux États-Unis ne nécessite aucune consultation publique ni pratiquement aucune intervention politique. En fait, une récente vague de mégafusions a remodelé le secteur bancaire américain.

Monsieur le Président, nous qui appartenons à la génération des aînés, et j'en fais également partie, n'avons peut-être pas suivi les changements qui se sont opérés dans le système bancaire, mais ce système a changé. Aujourd'hui, nous n'avons pas besoin de nous rendre à la banque pour obtenir tous les services que nous désirons. Nous pouvons faire toutes les opérations bancaires par ordinateur ou par téléphone. Il n'est même plus nécessaire de nous adresser à un banquier pour discuter de garanties quand il est nécessaire d'obtenir un prêt afin de poursuivre des activités commerciales et d'obtenir des services personnels. Voilà de quoi il est question et, même si ce n'est pas encore tout à fait ce que prévoit ce projet de loi, on y arrive.

Pour les banques canadiennes, toute fusion entre banques donne lieu à un examen politique ouvert à un haut niveau. C'est comme si l'on essayait de traverser un champ de mines sans carte. Cela donne une idée des critères de fusion qu'il faut dans le système bancaire canadien. Ce projet de loi inclut même un trop grand nombre de champs de mines pour permettre aux institutions canadiennes de livrer concurrence à l'échelle mondiale, de soutenir la concurrence livrée par d'autres pays.

 

. 1555 + -

Le secteur canadien des services financiers a subi plus de changements depuis dix ans qu'il ne l'avait fait au cours des 150 années précédentes. En même temps, les Canadiens ont exprimé des préoccupations légitimes sur leur système bancaire, allant de l'accès à des capitaux pour les petites entreprises des collectivités rurales à la création d'un climat pouvant stimuler la concurrence au niveau de la prestation des services bancaires.

En septembre 1998, le rapport du groupe de travail MacKay a proposé une série de recommandations qui ont permis d'équilibrer les intérêts des consommateurs avec la compétitivité mondiale de notre secteur des services financiers. Dans sa réponse, le ministre des Finances a mis l'accent uniquement sur les intérêts à court terme des consommateurs sans tenir compte des intérêts à long terme de tous les consommateurs canadiens. En fait, étant donné la timidité avec laquelle le ministre a répondu au rapport MacKay, je ne vois pas pourquoi le gouvernement n'aurait pu présenter le projet de loi C-38 en 1994.

Ceux qui élaborent les politiques gouvernementales doivent absolument tenir compte des réalités et non des perceptions. On se fait bien des fausses idées au sujet du secteur bancaire canadien. En réalité, les banques canadiennes offrent des services de qualité aux Canadiens.

Nous comptons sur l'un des systèmes bancaires les plus stables et efficaces au monde. Le capital des banques canadiennes est largement réparti. De nombreux Canadiens, environ 7,5 millions d'entre eux, détiennent des actions dans les banques canadiennes. Grâce à leurs actions, ces 7,5 millions de travailleurs canadiens espèrent épargner en vue de leur retraite ou toucher un revenu de placement.

Plus d'un demi million de Canadiens travaillent dans le secteur des services financiers. Leur salaire représente, je le répète, 22 milliards de dollars, soit 5 p. 100 du PIB.

Certaines dispositions importantes de ce projet de loi autorisent une personne à détenir 20 p. 100 des actions avec droit de vote des cinq grandes banques, une hausse par rapport à la limite de 10 p. 100 actuellement en vigueur. Ces banques doivent toutefois avoir leur siège social au Canada et les trois quarts des membres de leur conseil d'administration doivent être canadiens. Qu'on augmente ainsi de 10 à 20 p. 100 le nombre d'actions avec droit de vote que peut posséder une personne est un aspect intéressant du projet de loi.

Ainsi, les banques peuvent mettre en place une structure qui, à son tour, peut avoir des filiales régies séparément, y compris des banques de détail, des compagnies de cartes de crédit et des compagnies d'assurance. Il s'agit là d'une initiative très sage qui a été incluse dans le projet de loi.

Dans le cas des banques dont le capital s'établit entre 1 milliard et 5 milliards de dollars, une personne pourrait détenir jusqu'à 65 p. 100 des actions. La règle actuelle limite à 10 p. 100 le nombre d'actions que peut posséder une personne. Entrent dans cette catégorie des banques comme la Banque Laurentienne, la Banque Nationale et la Banque Canadienne de l'Ouest. Toute prise de contrôle nécessiterait quand même l'aval du ministre, ce qui protégerait ces banques contre les OPA hostiles.

On nous a exposé tout à l'heure des préoccupations quant au pouvoir ministériel, préoccupations que nous partageons. Nous croyons que ce projet de loi confère des pouvoirs significatifs au ministre. C'est une des choses que nous voudrons voir modifier considérablement au comité et aux audiences. Nous voudrions que les intervenants nous disent ce qu'ils pensent du fait que, une fois toutes les démarches suivies, la décision finale reviendra au ministre. On a dit plus tôt que le Parlement devrait avoir son mot à dire à cet égard et pas seulement le ministre.

Un nouvel ombudsman fédéral indépendant des banques existantes sera chargé d'entendre les plaintes. Ses jugements ne seront pas exécutoires pour les banques, mais cet ombudsman aura le pouvoir de publier les plaintes. C'est une excellente chose.

Il y aura une nouvelle agence de la consommation en matière financière qui permettra de mieux surveiller les banques et de mieux défendre les consommateurs dans le secteur des services financiers.

Tous les consommateurs auront accès à un compte de banque et à des services de base à bas prix. Cela répondra aux plaintes formulées par le passé voulant que les pauvres aient du mal à avoir un compte de banque. C'est un changement pour le mieux que nous, du Parti conservateur, appuyons sans réserve. C'est aussi une des modifications du projet de loi que le député de Regina—Qu'Appelle a qualifiées de nets progrès. C'est pourquoi je trouve difficile à comprendre que le député ne juge pas bon de renvoyer ce projet de loi au comité de telle sorte que cette mesure au moins puisse aller de l'avant et former une partie très importante du nouveau système de réglementation de l'industrie bancaire.

 

. 1600 + -

Par ailleurs, le projet de loi ne met pas en place un processus moins arbitraire et moins politique en ce qui concerne les fusions bancaires. Nous avons déjà entendu les spécialistes du gouvernement libéral et les membres du comité, ces puits de connaissances qui prennent place en face de nous, dire qu'ils ne pensaient pas qu'une proposition sur les fusions bancaires serait présentée prochainement. J'ai du mal à accepter que ces gens-là, qui sont des spécialistes du secteur financier, laissent maintenant entendre que les fusions bancaires ne s'inscrivent pas dans l'avenir. Les fusions font partie de l'avenir et, actuellement, elles se produisent bel et bien à l'échelle internationale et aux États-Unis.

Non seulement le projet de loi C-38 retarde-t-il indéfiniment les fusions et prévoit-il des assouplissements aux restrictions sur la participation qui pourraient mener à la domination étrangère du secteur bancaire canadien, mais il ne propose pas non plus de solution satisfaisante au problème de la concurrence. Si le gouvernement voulait vraiment accroître la concurrence, il aurait adopté les recommandations du groupe de travail MacKay, qui propose que le réseau Interac devienne pleinement accessible et fonctionnel. En devenant pleinement fonctionnel, le réseau Interac offrirait commodément à toute nouvelle banque 14 000 points d'accès.

Selon le gouvernement, le projet de loi vise à permettre aux banques d'évoluer pour pouvoir soutenir la concurrence tout en protégeant les consommateurs. Je pense toutefois que, parce que le gouvernement a tardé à réagir aux changements survenus dans le secteur des services financiers, le Canada accuse déjà un retard. Ce qui est sûr, c'est qu'après avoir laissé planer l'incertitude pendant des années, le gouvernement actuel a enfin apporté certains éclaircissements et assuré une certaine stabilité dans le secteur bancaire.

Le Parti progressiste-conservateur du Canada appuiera le projet de loi. Nous estimons que c'est un premier pas modeste dans la bonne direction.

[Français]

Mme Jocelyne Girard-Bujold (Jonquière, BQ): Monsieur le Président, il me fait plaisir de prendre la parole aujourd'hui sur le projet de loi C-38, Loi sur l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.

Nous voici dans une phase extrêmement importante de l'avenir du système bancaire canadien. Le 13 juin dernier, le ministre des Finances est entré dans sa phase finale de cogitation par rapport à cette problématique en déposant le projet de loi C-38. Or, d'entrée de jeu, permettez-moi de souligner que je m'opposerai à ce projet de loi tout comme mes collègues du Bloc québécois. Je voudrais en profiter pour remercier et féliciter mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot qui a mené avec une grande efficacité, soit dit en passant, le débat sur cette question.

Le Bloc québécois proposera des amendements au projet de loi à l'étape du rapport afin de réparer l'iniquité envers les grandes banques québécoises.

Pourquoi devrions-nous nous opposer à ce projet de loi? Plusieurs éléments du projet de loi me laissent perplexe, notamment le fait que le ministre des Finances se donne à lui seul les pleins pouvoirs pour décider de l'avenir des banques québécoises. Je considère qu'il est inadmissible de constater qu'un tel pouvoir discrétionnaire a autant sinon plus de force que la loi elle-même.

Le Bloc québécois s'inquiète du fait qu'un seul actionnaire pourrait, après avoir obtenu l'accord du ministre des Finances—on sait que c'est grave—après avoir obtenu l'accord d'un seul homme, détenir 65 p. 100 des actions de la Banque Nationale, la plus importante banque québécoise. Le ministre des Finances n'a aucunement besoin de permettre ce contrôle excessif pour assurer la flexibilité dont a besoin la Banque Nationale pour continuer de prospérer.

 

. 1605 + -

En quoi un actionnaire qui possède 65 p. 100 de la propriété d'une banque donne plus de flexibilité que 65 actionnaires qui en détiennent 1 p. 100? Poser la question, c'est y répondre. Le risque encouru peut être grand si un tel projet de loi était adopté.

On se souviendra probablement de la question de la restructuration de l'industrie aérienne qui a fait couler beaucoup d'encre l'été dernier. L'ancienne loi, qui a été modifiée par le projet de loi C-26, ne permettait pas à un actionnaire de contrôler plus que 10 p. 100 des actions d'une compagnie aérienne, justement, et c'est ce qui est important, pour empêcher tout contrôle excessif par un seul actionnaire.

Le Bloc québécois avait mené une belle lutte sur cette question, et à la faveur d'une journée d'opposition, trois députés libéraux avaient appuyé notre position. J'espère que certains d'entre eux auront le courage et un sens aigu des convictions démocratiques pour s'opposer, encore une fois, à cette mesure du projet de loi C-38.

Il faut se rendre compte que le ministre des Finances n'a aucun besoin—je le répète, il n'a aucunement besoin—de permettre ce contrôle excessif pour assurer la flexibilité de la Banque Nationale. Soyons sérieux. Nous ne parlons pas de 10 p. 100, comme dans le cas des Lignes aériennes Canadien International, mais bien de 65 p. 100. La loi devrait être là pour s'assurer que les banques ne puissent tomber sous le contrôle d'un seul actionnaire, comme cela pourrait se produire dans le cas du projet de loi C-38. C'est grave.

Nous devons avoir des garanties législatives contre tout effet négatif résultant de ces nouvelles règles de propriété, sur l'emploi professionnel, sur le service aux consommateurs et aux PME. Qui plus est, les effets négatifs de ce projet de loi se feront le plus sentir au Québec. Je me pose la question, à savoir si ce projet de loi n'a pas été fait pour que les effets négatifs soient ressentis au Québec.

Il ne faut pas oublier que le fait de détenir 65 p. 100 des actions d'une banque touche principalement, et je le répète une troisième fois, la Banque Nationale, la banque la plus importante au Québec. Cet enjeu est beaucoup trop important pour que l'on s'en remette à la volonté d'un seul homme, le ministre des Finances en l'occurrence, surtout qu'il n'y a aucune garantie législative dans ce projet de loi. Le projet de loi C-38 se contente uniquement d'une liste de facteurs à considérer qui dépend de ce seul ministre.

Je me pose la question: à quoi sert le pouvoir législatif dans ce cas, si tout dépend du ministre des Finances? Pourrait-on me répondre? S'il y a perte d'emplois, vers quoi ces employés vont-ils se tourner quand on connaît les restrictions sévères au régime d'assurance-emploi? Seulement 40 p. 100 de ces travailleurs pourront toucher des prestations. N'oublions pas que dans le domaine bancaire, ce sont presque à 100 p. 100 des femmes qui occupent ces emplois. Encore une fois, ces mesures feront en sorte que ce seront les femmes qui seront touchées par des pertes d'emploi, quand on sait que 77 p. 100 des femmes ne peuvent pas avoir accès à l'assurance-emploi. C'est grave, c'est cruel et c'est tragique.

 

. 1610 + -

C'est un autre fait qui démontre à quel point ce projet de loi doit être révisé.

Qu'adviendra-t-il des autres? Je doute que le ministre des Finances y apporte une compassion particulière lorsqu'on connaît ses politiques néo-libérales.

Plus grave encore, le projet de loi C-38 est truffé de passages comme: «Le ministre peut juger nécessaire» ou que des dispositions de la loi cesseront de s'appliquer «si le ministre le décide». Il y a toujours des «si le ministre le décide». Comment peut-on se fier aux décisions du ministre, lui qui n'a toujours pas décidé ou jugé nécessaire d'indiquer s'il se présentait aux prochaines élections, de devenir un jour premier ministre ou de payer ses impôts au Canada, comme tout le monde.

Avec des «si», avec un ministre qui tangue d'un côté ou de l'autre, je me pose vraiment des questions.

Ce projet de loi, dont les dispositions me font penser au projet de loi C-33, ne prévoit pas de dédoublement avec les champs de compétences des provinces, «si le ministre l'estime nécessaire». Comment veut-on que je fasse confiance à ces belles promesses vides de sens?

Il ne faut pas se leurrer sur les bienfaits du projet de loi C-38. Ce sont les PME qui pourraient être les plus touchées par ce projet de loi au Québec. Il n'est pas évident que le projet de loi du ministre des Finances permettra une saine concurrence sur le marché national. Pourtant, cette concurrence compte plus pour le développement économique futur que la quête d'une quelconque taille à l'échelle internationale. Mais le ministre des Finances a décidé de faire une loi pour les grandes banques, même si pour y arriver, il doit brader les banques québécoises, dont la Banque Nationale, la banque des PME québécoises.

De plus, qui dit projet de loi du gouvernement libéral dit presque toujours empiètement dans les champs de compétences des provinces. Nous y sommes habitués, car cette façon de procéder est devenue la marque de commerce de ce gouvernement. Dans le projet de loi du ministre des Finances, on instaure l'Agence de la consommation en matière financière dont l'objectif serait de protéger les consommateurs. Ce n'est un secret pour personne que le Bloc québécois est un fervent défenseur des droits des consommateurs.

Je tiens à rappeler, pour le bénéfice des députés de cette Chambre, que des lois à cet effet existent déjà au Québec, comme par exemple la loi sur l'Office de la protection du consommateur, la Loi sur la protection des renseignements personnels, les lois sur les assurances, les sociétés de fiducie, les caisses d'épargne, de crédit et de valeurs mobilières, et j'en passe.

On voit comment, au Québec, le consommateur est bien protégé. Pourquoi, encore une fois, ce gouvernement veut-il empiéter dans les champs des compétences des provinces? Les provinces ont fait leur devoir, comme le Québec l'a fait.

La création de l'agence, prévue dans le projet de loi C-38, est donc susceptible de créer de nouveaux chevauchements réglementaires avec les mesures que le Québec a déjà mises de l'avant. Ce sont des mesures qui vont de soi puisque ce pouvoir appartient aux provinces.

Je ne me lasserai jamais de dire que ce gouvernement doit entendre raison. S'il veut légiférer, qu'il légifère dans son champ de compétences et qu'il laisse les champs de compétences qui appartiennent aux provinces.

Je ne peux que m'indigner de la duplicité des libéraux sur cette question car, après le référendum de 1995, ils ont adopté une motion vide de sens qui reconnaissait le Québec comme étant une société distincte.

 

. 1615 + -

Le problème est que les libéraux devraient tenir compte de cette motion et calmer leurs pulsions incontrôlées d'empiéter dans les champs de compétence du Québec, s'ils étaient conséquents avec eux-mêmes. Or, voilà qu'un autre dédoublement risque de se produire, tout comme pour le projet de loi C-33 sur les espèces menacées que j'ai mentionné précédemment dans mon intervention.

Avant de conclure, j'aimerais faire allusion à une autre disposition de ce projet de loi, c'est-à-dire le «compte de dépôt de détail à frais modiques» qui doit assurer, selon le ministre des Finances, une accessibilité aux services financiers pour les personnes à revenu modeste.

Quelle belle disposition floue selon laquelle personne ne sait ce qu'est véritablement ce compte, à part peut-être le ministre. Personne ne sait qui pourra profiter de ce compte, à part le ministre des Finances. Pourquoi? Parce que le ministre réglera ces questions par règlement. Le décret, quelle belle forme de démocratie qui valorise le rôle des parlementaires.

Qu'on me pardonne mon ironie, mais j'ai tout de même de la misère à croire les belles paroles du ministre des Finances, et ces belles paroles ne me réconfortent nullement en ce qui a trait à une meilleure protection des consommateurs, notamment en ce qui concerne les fermetures ou la réduction des services des succursales bancaires.

Qu'est-ce que le projet de loi C-38? Un simple préavis. Comment le ministre peut-il affirmer, avec une telle disposition, une accessibilité accrue aux services financiers? J'aurais également aimé parler du rôle communautaire des banques, du réinvestissement communautaire dans les quartiers où elles devront rendre des comptes à cette communauté, un rôle de responsabilité au sujet duquel mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve interpelle ce gouvernement depuis 1995.

Il y a peut-être des bons côtés à ce projet de loi, mais il y a aussi de grands trous noirs, comme ceux que s'apprête à maintenir la ministre du Développement des ressources humaines avec le trou noir du printemps, et tous ces changements qu'elle a apportés à l'assurance-emploi. Cela va faire en sorte que le trou va s'élargir de plus en plus pour les gens qui occupent des emplois saisonniers.

Je demande à ce gouvernement d'être à l'écoute des gens ordinaires. Je pense que les députés ministériels sont très loin des gens ordinaires et je leur demande de revenir les deux pieds sur terre et de répondre aux vraies attentes des gens, des contribuables, des gens ordinaires. Le projet de loi C-38 est une proposition législative floue et énonce davantage un voeu pieux qu'une véritable volonté politique.

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, tout d'abord, je dois dire que c'est agréable de vous voir occuper le fauteuil présidentiel, pour reprendre là où on s'est quitté. Avant de poser une question à ma sympathique et séduisante collègue de Jonquière, je veux souhaiter la bienvenue aux pages d'un peu partout et leur dire que la collaboration du Bloc québécois leur est acquise.

Comme toujours, ma collègue a fait un éloquent discours, parce que c'est une femme dont les racines sont profondes dans la communauté de Jonquière. C'est avec beaucoup d'intérêt, je crois, qu'elle a fait comprendre aux députés de la Chambre qu'à toutes fins pratiques, le projet de loi C-38 devrait être retiré. C'est trop injuste que pendant plusieurs mois, on ait mobilisé des gens qui se sont impliqués à l'intérieur du groupe de travail MacKay. Ce groupe de travail a eu des propositions extrêmement concrètes pour les consommateurs.

Est-ce qu'on croit sérieusement que le groupe de travail MacKay a eu un écho favorable du côté du gouvernement? Absolument pas. Est-ce que ma collègue peut nous rappeler combien nous avons raison d'être déçus, de ce côté-ci de la Chambre, et que tous ceux qui croient à l'intérêt supérieur des consommateurs ont raison d'être déçus, parce qu'il n'y a pas de mesures concrètes pour les consommateurs?

Je sais que ma collègue est très en lien avec le Mouvement Desjardins de sa région qui, non seulement la fréquente à l'occasion de cocktails ou d'autres événements semblables, mais je crois que ma collègue adhère depuis de très nombreuses années aux valeurs du mouvement coopératif.

 

. 1620 + -

Ma collègue croit vraiment qu'il est important, dans une région, d'avoir le Mouvement Desjardins. Quelle est la règle de base du Mouvement Desjardins? C'est un vote par personne et tout le monde est égal dans son statut de sociétaire. Est-ce que ce n'est pas là une logique intéressante?

Tantôt, on a parlé de la spécificité du système financier québécois. Quelle est la première propriété qui est caractéristique de cette spécificité du système financier québécois? C'est bel et bien le Mouvement Desjardins. Mon collègue, le député de Chambly, me corrigera si je me trompe, mais je crois que le Mouvement Desjardins fête son 100e anniversaire cette année. Je suis sûr qu'au cours de nos travaux, d'ici le mois de décembre, nous aurons l'occasion de rappeler que tout cela a commencé très modestement dans un sous-sol d'église. Il y avait cette idée qu'il était important d'épargner. Pourquoi? Ce n'était pas pour thésauriser, pas pour mettre de l'argent de côté afin de devenir riche, mais épargner pour vraiment contrôler son destin et avoir une plus grande emprise sur nos leviers économiques.

Est-ce que ma collègue ne croit pas que le ministre des Finances aurait pu s'inspirer de la logique qui anime profondément le Québec d'aujourd'hui et avoir une vision plus coopérative et plus communautaire dans ce projet de loi? Partage-t-elle mon indignation à l'effet que le ministre est, à toutes fins pratiques, un sans-coeur, quelqu'un qui n'a pas écouté les commissaires de la commission MacKay, et peut-être, comme moi, se rend-elle à l'évidence à l'effet qu'on ne trouve rien de concret pour les consommateurs qui auraient un urgent besoin de protection additionnelle?

Je termine car mon temps est épuisé, mais j'aurai l'occasion dans quelques instants de parler de ce qui se passe dans Hochelaga—Maisonneuve, de parler des prêteurs sur gage, des shylocks et des méfaits qui s'installent dans une communauté quand on ne prend pas nos responsabilités en matière d'institutions financières. Le point de vue de ma collègue est important pour moi.

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le Président, j'aimerais remercier mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve. Je ne pourrais être plus éloquente que lui.

C'est vrai que le Mouvement Desjardins fête ses 100 ans cette année. Je veux en profiter pour le féliciter et le remercier de toute son implication et de l'aide qu'il a apportée aux simples citoyens.

Je pense que le ministre des Finances du gouvernement libéral bafoue les simples citoyens avec ce projet de loi. Je vais écouter avec attention le discours de mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve. Dans les prochaines minutes, il va nous le dire: ce gouvernement n'est aucunement préoccupé des effets que des règlements et une loi sur le nouveau redéploiement du système bancaire auront sur le simple citoyen.

Je vais reprendre les mots de mon collègue: ce gouvernement est sans coeur. C'est vrai, et il le montre à tous les jours. On vient de revenir à la Chambre aujourd'hui et déjà il nous montre qu'il n'a pas de coeur. On a demandé un débat d'urgence pour ce qui touche le crime organisé. On nous a annoncé un bâillon dans le cas du projet de loi C-3 portant sur les jeunes contrevenants.

Une voix: Ça sent les élections!

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Assez, c'est assez! Au Québec, on en a marre des sans-coeur.

Je vais écouter avec attention le discours de mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve.

M. Peter Adams (Peterborough, Lib.): Monsieur le Président, j'ai une question à poser à la députée. Quelle est la date exacte de l'anniversaire du Mouvement Desjardins?

Mme Jocelyne Girard-Bujold: Monsieur le Président, c'est le mois de mars 2000. Nous avons fêté le 100e anniversaire en mars 2000.

[Traduction]

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Monsieur le Président, comme ma collègue, je suis moi aussi très heureuse de vous revoir à la Chambre. Je veux également souhaiter la bienvenue à tous les pages qui commencent leur travail ici. J'espère que nous ne les rendrons pas fous avant la fin de la session.

Je vais partager mon temps de parole avec le député de Sydney—Victoria.

 

. 1625 + -

Je suis très heureuse de participer à ce débat aujourd'hui.

Plus tôt dans la journée, notre porte-parole en matière de finances a décrit de façon très éloquente le travail et la position du NPD sur ce volumineux projet de loi dont nous sommes saisis. Au cours des années, notre porte-parole en matière de finances a fait un travail incroyable afin d'exposer à la Chambre le manque de responsabilisation et de démocratie du secteur bancaire, et d'exprimer les préoccupations des consommateurs et de tous les Canadiens. Je le félicite pour son analyse et pour les remarques très éclairées qu'il a faites plus tôt.

Hier, à Ottawa, j'étais assise à la table dans une cuisine et je discutais de la vie politique avec un jeune couple qui a un nouveau-né. Ce sont des gens qui travaillent. La nouvelle maman a dit: «Parlons de nos histoires d'horreur concernant les banques.» Pendant deux heures, ce jeune couple et les amis qui étaient là ont échangé des histoires portant sur les situations horribles qui se produisent lorsqu'on fait affaire avec une grande banque.

Je ne vois aucune autre question sur laquelle les Canadiens sont à ce point d'accord, que ce soit les nationalistes au Québec ou les gens de Vancouver ou ceux des Maritimes. Tous semblent partager les mêmes soupçons et le même mépris à l'égard de ce qui se passe dans le secteur bancaire. Nous savons tous par expérience ce que c'est que de faire affaire avec ces énormes institutions, qui saignent à blanc les Canadiens.

Une jeune étudiante à qui j'ai parlé, il y a quelques semaines, a été scandalisée en se rendant compte qu'elle devait maintenant payer des frais de 1,50 $ pour utiliser le guichet automatique de sa propre banque, la Banque Royale. Nous savons tous qu'il y a des frais à payer lorsque nous allons dans une autre banque, mais, maintenant, même la banque avec laquelle nous faisons affaire exige des frais. Il s'agit en l'occurrence d'une jeune étudiante lourdement endettée qui se fait encore arnaquer. Et ce n'est qu'un cas parmi une foule d'autres.

Ce projet de loi, long de quelque 900 pages, constitue une très importante mesure législative, mais il requiert de nous, les députés, que nous l'examinions de près afin de déterminer s'il atteint son objectif, soit réformer le secteur financier et protéger vraiment les Canadiens contre certaines pratiques consternantes et abusives.

Dans ma circonscription, celle de Vancouver-Est, qui est probablement affligée de la plus haute incidence de pauvreté et de familles à faible revenu du pays dans un cadre urbain, une des plaintes que j'entends le plus de la part de mes électeurs, c'est que les pauvres n'ont pas accès aux institutions financières. La discrimination à leur égard est terrible. On n'arrive pas à croire que cela puisse exister dans la société d'aujourd'hui. Cette discrimination est si subtile et les assistés sociaux sont traités avec un tel manque de respect et un tel mépris qu'ils se sentent comme des moins que rien et des sous-humains.

En tant que nouvelle députée, j'ai présenté depuis quelques années à la Chambre des communes des motions traitant précisément de cette question afin d'attirer l'attention sur la discrimination dont sont victimes les pauvres et les Canadiens à faible revenu dans le secteur financier et sur le fait que cela doit absolument cesser. Le projet de loi fait quelques pas dans cette direction, mais il n'y a aucune garantie que cela se produira. Aucune mesure n'a été prise pour veiller à ce qu'il y ait un compte bancaire de base. Nombre de recherches qui ont été réalisées montrent que cela est tout à fait possible et que les banques peuvent très facilement créer un tel compte.

Par exemple, une de mes motions invite le gouvernement à travailler avec les groupes communautaires pour changer, non seulement la loi, mais encore l'attitude des banques envers les pauvres, pour rendre illégal le fait de refuser l'accès aux services bancaires à quelqu'un en raison de son revenu.

 

. 1630 + -

Ceux qui ne croient pas que les choses se passent ainsi devraient se rendre à l'une des grandes banques le jour de livraison des chèques d'aide sociale; ils verront tout le brouhaha et ils pourront observer l'angoisse et l'anxiété chez ceux qui essaient d'encaisser leurs chèques. Les gens se découragent et s'adressent aux commerces et aux agences d'encaissement de chèques. Ils versent des parts importantes de leurs maigres revenus pour qu'on accepte d'encaisser leurs chèques, lesquels proviennent dans certains cas d'un gouvernement provincial ou du gouvernement du Canada. Il peut s'agir de retraités présentant un chèque de pension. C'est une question fondamentale en matière d'égalité et de lutte contre la discrimination au Canada.

La situation est devenue si grave dans Vancouver-Est que notre gouvernement provincial, en collaboration avec la collectivité locale, a établi une caisse d'épargne communautaire à l'intersection des rues Main et Hastings, la Four Corners Community Savings. En fait, elle est située là où se trouvait auparavant une succursale de la Banque de Montréal qui a fermé ses portes, comme tant d'autres qui ont déménagé et mis fin à leurs opérations. Nous avons maintenant à cet endroit un modèle très réussi d'entreprise communautaire assurant l'accessibilité et la non discrimination. Les pauvres peuvent dorénavant dire qu'ils peuvent déposer quelques dollars à la banque sans être pénalisés ni méprisés. Ils ne veulent pas être relégués à une file spéciale. Les grandes banques les obligent à attendre dans une file à part parce qu'ils sont pauvres. Je suis déçue car ce projet de loi ne règle pas ce problème fondamental.

Certains autres éléments du projet de loi inquiètent aussi les députés du NPD. Il y a notamment le fait que cette mesure législative n'aborde pas la question de la concentration des entreprises. Nous avons six grandes banques avec des actifs et des profits qui valent des milliards de dollars. Le projet de loi encourage une plus grande concentration dans le secteur financier en faisant passer le pourcentage d'actions qu'une seule personne peut détenir de 10 à 20 p. 100 si elles s'accompagnent d'un droit de vote et de 10 à 30 p. 100 si elles ne donnent pas droit de voter. À mon avis, cela ne tient pas de la réforme, cela n'a rien à voir avec une réforme. C'est là donner aux banques un avantage majeur dont elles n'ont pas besoin et qui conduira à une concentration.

C'est une bonne chose que, après tant d'années, on reconnaisse finalement les coopératives d'épargne et de crédit en les autorisant à avoir des unités de services intégrés pour servir leurs membres. C'est probablement à Vancouver que l'on trouve la coopérative de crédit qui est la plus grosse et qui réussit le mieux au Canada. Il s'agit de la Van City. Elle offre aux citoyens des services qu'ils considèrent vraiment comparables à ceux des grandes banques. Le gouvernement mérite nos félicitations pour les dispositions du projet de loi sur les coopératives de crédit.

Par ailleurs, il est très étonnant que le projet de loi ne contienne rien sur l'impôt. Les six grandes banques du Canada font des profits combinés après impôts de 9,1 milliards de dollars. Que fait le gouvernement du Canada? Que fait le ministre des Finances? Est-ce que ce dernier s'occupe de cette situation? Instaure-t-il l'équité dans le système fiscal pour alléger le fardeau des Canadiens à revenus modestes et faibles? Non, ce serait plutôt le contraire. Nous constatons que le ministre des Finances accorde un allégement d'impôt, le taux passant de 28 à 21 p. 100. Cela signifie que les banques accroissent davantage leur pouvoir. Elles obtiennent plus d'argent. C'est en opposition directe avec une réforme démocratique.

Il convient donc de se demander qui pourra faire face à ces banques. Je ne pense pas que ce sera le gouvernement libéral. Il entretient des relations plutôt chaleureuses avec elles. Ce n'est assurément pas l'Alliance canadienne. Il nous faut nous secouer la tête et nous demander ce qui se passe donc.

Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui on peut lire que les portefeuilles s'ouvrent à des occasions comme celle d'un dîner à 25 000 $ le couvert en compagnie de M. Day à Toronto, qui devrait attirer 2 000 dirigeants d'entreprise. Les dirigeants sont vraiment intéressés par la plate-forme de l'Alliance canadienne qui préconise l'instauration d'un impôt uniforme, la déréglementation et la diminution du rôle du gouvernement fédéral au sein de la confédération. On est ici témoin d'une collusion entre ces dirigeants argentés et un parti politique qui se veut pourtant le champion des gagne-petit. Voilà bien de quoi il retourne. Il suffit de voir où ces gens-là vont chercher leur financement et qui ils comptent bien attirer.

 

. 1635 + -

La question de savoir qui défend les intérêts des banques devrait être abordée par le Parlement. Notre parti a déjà tranché. Nous avons constamment réclamé une réforme démocratique. Nous avons constamment réclamé la présence d'un ombudsman qui ait des pouvoirs autrement que sur papier.

Une des vraies préoccupations que suscite le projet de loi, c'est qu'il accorde encore plus de pouvoirs au ministre des Finances, et non pas au Parlement. On retire certains pouvoirs au Parlement.

À ce stade-ci, nous n'appuierons le projet de loi que si on y apporte les changements qui s'imposent. Ce qu'il importe d'examiner à propos de ce texte c'est de savoir s'il vise vraiment à protéger le consommateur.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je remercie mes collègues de leur aimable solidarité qui se traduit dans chacune des instances où nous sommes appelés à évoluer ensemble, que ce soit le caucus, le conseil général ou ici, au Parlement. Nous formons un bloc aussi solide qu'indéfectible.

Cela étant dit, je veux également remercier ma collègue de son discours. On connaît les préoccupations sociales qui sont les siennes depuis son entrée ici, au Parlement, en 1997.

Je me demandais si je pouvais compter sur son appui vivant, engagé et tonitruant, en faveur d'un amendement à venir. Je crois que je peux me commettre, au nom de mon collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot, qui est également un esprit très éclairé en matière d'engagement social. Nous faisons une bataille, depuis 1996, en faveur du réinvestissement communautaire des banques.

Tel que vous me voyez dans toute ma candeur, je me suis présenté, en 1996, aux États-Unis, pour rencontrer Joe Kennedy junior, qui a été l'instigateur de la deuxième génération du réinvestissement communautaire des banques puisque, c'est assez incroyable, en 1977, aux États-Unis, on a adopté une législation, dont je parlerai tantôt, qui s'appelle le Community Reinvestment Act.

On ne peut pas dire que les États-Unis représentent une terre où la liberté d'entreprise est menacée. On ne peut pas dire que le système bancaire américain n'est pas soumis à une concurrence féroce puisque, à la différence du système bancaire canadien, le système bancaire américain est beaucoup plus fragmenté. Il y a des banques régionales, il y a même des banques locales.

Alors, ce que je demande à ma collègue, c'est si elle croit que le surintendant des institutions financières doit évaluer l'effort que font les banques pour répondre aux besoins en crédit de l'ensemble des consommateurs, y compris dans les communautés les plus défavorisées.

[Traduction]

Mme Libby Davies: Monsieur le Président, je n'aurai pu posé meilleure question moi-même. Je remercie le député pour cette excellente question car je n'ai vraiment pas eu le temps d'aborder ce point.

Je tiens à dire de façon tout à fait catégorique que notre parti est absolument et très clairement en faveur de la loi sur le réinvestissement communautaire. Ce que l'on a réussi à accomplir aux États-Unis montre clairement que lorsque la loi est claire, et nous avons bien précisé que notre position était de protéger les Canadiens et les consommateurs, nous pouvons forcer les banques à être socialement responsables. C'est possible.

Je connais des collectivités où les entreprises locales ne peuvent pas obtenir un prêt de la banque parce qu'elles sont considérées comme étant situées dans une région défavorisée. C'est le cas de la collectivité d'où je viens. Des pâtés de maisons entiers sont condamnés et vides, en partie parce qu'il est impossible d'avoir accès aux institutions financières. C'est ce qui est arrivé à Chicago et dans d'autres villes.

Une loi sur le réinvestissement communautaire qui dit que certains de ces profits massifs doivent être utilisés pour le bien de la collectivité, dans son intérêt, est une bonne loi, une loi démocratique et rationnelle, ce n'est pas le cas de ce projet de loi.

Je suis ravie que mes collègues du Bloc québécois soulèvent aussi la question. Je pense que nous devrions insister auprès du gouvernement afin qu'il nous dise pourquoi, dans ces 900 pages, il n'est pas prévu de loi sur le réinvestissement communautaire, et pourquoi les libéraux renflouent encore une fois les banques.

 

. 1640 + -

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le président, je signale à la Chambre que le député de Souris—Moose Mountain, du Parti de l'Alliance canadienne, et son épouse ont fêté, le 18 août dernier, leur cinquantième anniversaire de mariage. Tous les députés des Communes se joignent à moi pour les en féliciter.

Voici la question que je souhaite poser à la députée de Vancouver-Est. Il y a plusieurs années, le gouvernement du Canada avait fait du ministre des Pêches et des Océans le roi et maître de la pêche au Canada en lui conférant des pouvoirs que jamais aucun autre ministre n'avait détenus jusque-là. Il apparaît aujourd'hui que le projet de loi à l'étude fera du ministre des Finances le roi et maître des banques. Je voudrais savoir ce que pense notre collègue de Vancouver-Est de ce nouveau roi et maître des banques que le projet de loi pourrait créer s'il venait à être adopté.

Mme Libby Davies: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Un peu plus tôt aujourd'hui, notre excellent porte-parole en matière de finances, le député de Regina—Qu'Appelle, a très précisément expliqué à ce sujet que l'une des difficultés concrètes posées par ce projet de loi tenait au fait qu'il accorde des pouvoirs sans précédent à un ministre donné, au lieu de conférer ces pouvoirs au Parlement tout entier où se tiennent des débats publics et démocratiques.

C'est là un des aspects les plus déplorables de ce projet de loi que l'on cherche à passer au nez et à la barbe des Canadiens en leur faisant croire qu'il vise à protéger le consommateur alors que, en réalité, il confère le contrôle aux banques et à un seul et unique ministre. Cet état des choses ne saurait être sain.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, c'est avec plaisir que je prends la parole aujourd'hui. Comme l'ont fait ceux qui m'ont précédé je veux dire que je suis heureux d'être de retour. C'est presque comme si nous n'étions jamais partis.

Aujourd'hui, nous débattons le projet de loi C-38, le projet de loi sur la réforme du secteur financier. On peut penser qu'il n'y a probablement pas d'institutions qui aient plus besoin d'être réformées que celles du secteur financier, en partie à cause du tollé général suscité il y a deux ans par les projets de fusion dans le secteur bancaire. Nous savons quelle est la position des Canadiens là-dessus.

Je voudrais faire quelques remarques. Notre excellent porte-parole en matière de finances, le député de Regina—Qu'Appelle, a déjà presque tout dit de la position de notre parti sur cette mesure législative. L'examen que nous en avons fait est équilibré. Il a annoncé, et nous sommes en accord avec lui là-dessus, que pour le moment nous nous opposerions au projet de loi car, bien qu'il contienne de bonnes choses, il y en a beaucoup d'autres qu'il faut modifier et améliorer.

Je suis heureux de pouvoir commenter ce projet de loi. Cet été, alors que j'étais dans ma circonscription pour rencontrer mes électeurs et pour régler des affaires, j'ai reçu un coup de téléphone tard le soir du directeur d'une succursale de la Banque de Nouvelle-Écosse qui m'appelait pour me prévenir que la banque allait annoncer la fermeture de l'une des petites succursales qui servait un certain nombre de personnes. Heureusement, m'a-t-il dit, il n'y aurait pas de perte d'emplois. Certains des postes seraient transférés dans une autre succursale.

C'est un exemple de certaines des choses dont nous parlons et des préoccupations que nous avons. Il y a, au Canada un énorme monopole dans le secteur bancaire. Beaucoup de petites collectivités rurales souffrent lorsque des banques ferment leurs portes. J'en parlerai brièvement dans un instant.

Il est intéressant que nous ayons des divergences d'opinions. Il est clair que le porte-parole du Parti conservateur ne pouvait comprendre pourquoi le NPD pouvait s'opposer à certains aspects de cette mesure législative. Cela montre que les porte-parole du Parti conservateur et, selon moi, de l'Alliance canadienne partageaient le même point de vue sur quelques aspects de ce projet de loi.

Permettez-moi de préciser au départ que nous allons aborder cette mesure législative de façon équilibrée. Je ne crois pas qu'il appartienne à qui que ce soit de tout simplement critiquer le gouvernement pour le simple plaisir. Ce que nous aimons faire dans notre parti, c'est formuler des critiques constructives et signaler les préoccupations des Canadiens. Cette mesure législative renferme de bonnes dispositions.

 

. 1645 + -

Tout d'abord, comme on l'a précisé, on apporte une certaine aide aux coopératives d'épargne et de crédit. Ainsi, on va permettre la création d'unités de services intégrés pour soutenir les membres des coopératives de crédit. Bien entendu, nous sommes assez d'accord avec cela et j'appuie cette initiative.

Les coopératives de crédit ont toujours été de solides institutions au Canada. Je prétends que le mouvement en question est né au Cap-Breton. Le révérend Moses Coady et le père Jimmy Tompkins ont commencé à collaborer avec des pêcheurs locaux dans ma région du pays il y a bien longtemps, en aidant les agriculteurs et les pêcheurs à s'organiser afin qu'ils puissent contrôler leurs propres biens. Ils ont commencé à bâtir le mouvement local de coopératives et de caisses de crédit à partir du Cap-Breton. De cette région et du Québec sont sortis les deux grands piliers du mouvement coopératif dans le domaine financier et nous allons donc appuyer cette mesure.

L'accroissement des pouvoirs et de la souplesse organisationnelle des coopératives de crédit va, à long terme, les aider à jouer un rôle plus important dans le secteur bancaire. C'est essentiel. Depuis longtemps, les coopératives de crédit ne sont pas sur le même pied que les banques et n'ont pas non plus la même capacité d'être compétitives.

Lorsque j'étais un jeune avocat au début de ma pratique, j'ai voulu ouvrir un compte en fiducie à ma coopérative de crédit et j'ai découvert qu'aux termes de la loi provinciale de la Nouvelle-Écosse, c'était impossible. J'ai dû m'adresser à une des banques à charte. On est en train de corriger cette situation. Ce projet de loi contribue dans une certaine mesure à faire reconnaître l'importance des caisses de crédit.

En outre, un des aspects positifs du projet de loi est la création du poste d'ombudsman des services financiers. Cette proposition n'est pas nouvelle. Comme l'a souligné le député de Regina—Qu'Appelle, le NPD avait proposé cette initiative il y a 10 ans. À cette époque, un projet de loi d'initiative parlementaire, présenté par un député de ce parti, visait à créer ce même poste, mais il aurait eu beaucoup de mordant, de sorte que les consommateurs qui se sentaient en quelque sorte laissés pour compte ou traités injustement par les banques auraient pu avoir recours à ce service. Nous sommes favorables à cette mesure. Notre parti l'a proposée il y a plus de 10 ans, et je suis heureux de constater que le gouvernement se laisse enfin gagner par quelques-unes des propositions novatrices de notre parti.

Les conservateurs se demandent pourquoi nous n'appuyons pas le projet de loi. C'est que certains aspects de ce dernier nécessitent un examen plus approfondi. L'un d'eux, que le député de Regina—Qu'Appelle a mentionné, concerne l'impôt sur les revenus des banques.

Le député de l'Alliance canadienne s'est montré bien disposé à l'égard des banques. Il a dit qu'elles ne bénéficiaient pas des mêmes allégements fiscaux que bien d'autres sociétés, et je crois qu'il a mentionné Shell Canada et quelques autres grandes sociétés pétrolières.

Vu leurs longs antécédents, les banques occupent une place privilégiée dans notre société. Elles sont protégées. Elles sont dorlotées et soutenues depuis plus de 130 ans en tant que grandes institutions. Lorsqu'on laisse entendre que nous devrions être bien disposés à leur égard et qu'elles ne devraient pas payer davantage d'impôts, alors qu'elles enregistrent des bénéfices records, la plupart des Canadiens n'estiment pas qu'il s'agit là d'une priorité.

Je suis d'accord pour dire que les banques offrent le plus gros du crédit aux Canadiens. Elles font fructifier l'argent de notre économie et récoltent des bénéfices énormes. En ce qui a trait à la façon d'imposer ces profits, il me semble normal de prévoir la perception de ces taxes sur le montant brut des profits avant distribution des dividendes puisqu'il s'agit de profits énormes qui sont réalisés par les banques.

C'est une des questions qui nous préoccupent et nous sommes d'avis que la mesure législative proposée ne va pas assez loin.

Je m'inquiète également des fermetures de banques. J'aimerais parler de la banque de ma propre localité.

À l'heure actuelle, dans les régions rurales où il n'y a pas d'autres institutions qui acceptent des dépôts dans un rayon de 10 kilomètres, on devra donner un préavis de six mois avant de pouvoir fermer une banque. La loi prévoit les périodes d'avis que les banques devront donner avant de fermer leur succursale.

 

. 1650 + -

La région que je représente compte un bon nombre de personnes âgées. La région que je représente compte également une importante communauté rurale où on ne trouve peut-être qu'une seule banque dans toute la région. Il s'agit encore là de monopoles.

Il m'est arrivé une chose très intéressante au courant de l'été une fois que je suis allé faire le plein d'essence. Je me permets de m'éloigner un peu de mon sujet ici. Je me suis donc rendu au magasin du quartier qui fournit les résidents de Margaree Harbour en essence depuis 80 ans. Sur place, on m'a fait savoir que les grandes compagnies ne voulaient plus vendre d'essence à ce magasin parce qu'il n'en vendait pas suffisamment. La même situation se reproduit dans toutes les communautés rurales au pays. À cause de ces monopoles, les gens doivent maintenant parcourir cinq, six ou même dix milles pour s'approvisionner dans la prochaine grande ville.

Le même scénario se produit avec les banques dans de nombreuses collectivités rurales. Je pense à Ingonish, dans ma circonscription, et à la ville de Baddeck. Je pense à d'autres petites collectivités qui ne comptent qu'une seule succursale où les transactions bancaires se font en personne. Les banques devraient être tenues de conserver ces succursales à moins de pouvoir montrer que, pour une raison quelconque, elles ne sont plus rentables.

D'un autre côté, la fermeture de ces succursales est parfois avantageuse pour la coopérative de crédit locale. Dans certaines des collectivités de ma circonscription, quand la banque disparaît, une coopérative de crédit s'y établit et donne aux habitants l'accès à des capitaux communautaires.

Il y a bien d'autres aspects que je voudrais aborder. Ma collègue de Vancouver-Est, qui a pris la parole avant moi, a parlé un peu du fonds communautaire d'investissement et de réinvestissement. C'est dans cette direction que nous devrions aller.

J'ose espérer que nous pourrons établir une discussion équilibrée au sujet de ce projet de loi. J'espère que le comité tiendra compte de certaines des recommandations que le NPD a formulées et que nous pourrons améliorer le projet de loi. Cette mesure législative contient de bons éléments, et j'en félicite le gouvernement, mais, puisque c'est le travail de l'opposition, nous apportons des suggestions importantes, critiques et constructives sur la façon de l'améliorer.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je remercie de ses observations mûrement réfléchies le député de ma belle province, la Nouvelle-Écosse, et de la belle île du Cap-Breton.

Le gouvernement est majoritaire et fait preuve à bien des égards d'une arrogance flagrante envers les Canadiens, surtout ceux des campagnes et des petites localités. Selon le député, pour que les petites localités et les collectivités rurales aient droit à des services bancaires adéquats, que devraient faire les Canadiens qui nous regardent pour signaler les lacunes du projet de loi au Parti libéral et à d'autres partis qui sont portés à appuyer le projet de loi?

M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je sais, à cause des lettres que je reçois de ceux qui regardent CPAC et lisent le hansard, que des gens entendront certaines de ces propositions. Il y a un certain nombre de choses à considérer.

Je demande aux téléspectateurs ou aux lecteurs du hansard de prendre note de certaines des observations et des objections que nous avons faites à propos notamment de la règle du capital largement réparti. Je n'ai pas eu l'occasion d'aborder le sujet dans mon intervention, mais la chose importante que le projet de loi permettra de faire, c'est de concentrer la propriété des banques.

Une initiative du gouvernement de Lester Pearson visait à interdire à tout groupe donné de posséder, d'exploiter et de diriger les banques parce que, comme l'a dit un dirigeant libéral, si nous perdons le contrôle de notre économie, nous perdrons notre souveraineté. Cela montre à quel point ce parti tend maintenant vers la droite et s'éloigne des valeurs libérales traditionnelles et des initiatives de Lester Pearson qui voulait s'assurer qu'une seule personne ne pouvait détenir plus de 10 p. 100 des actions d'une banque. Cela montre aussi à quel point le Parti libéral est prêt à tendre vers la droite dans le but, j'imagine, de faire concurrence à l'Alliance canadienne et au Parti conservateur.

 

. 1655 + -

J'exhorte les Canadiens qui s'inquiètent des services bancaires offerts en milieux ruraux et des intérêts étrangers dans les banques canadiennes à écrire à leur député. C'est la bonne marche à suivre. De temps à autre, j'envoie à mes électeurs des formulaires où ils n'ont qu'à cocher des cases avant de me renvoyer le tout. Les gens devraient organiser des pétitions. Ils devraient téléphoner au bureau local de leur député. Voilà comment fonctionne la démocratie directe.

Quand les gens comprendront qu'on semble vouloir assouplir la règle du capital largement réparti, comme le signalait le député de Regina—Qu'Appelle, et que cela permettra à un, deux ou trois riches particuliers ou organismes de prendre le contrôle des banques canadiennes et de maîtriser tout le secteur bancaire, ils réagiront en écrivant à leur député ou en l'appelant.

La députée de Vancouver-Est a mentionné un fait intéressant. Elle a parlé d'un dîner, à 25 000 $ le couvert, présidé par le chef de l'Alliance canadienne.

Une voix: Erreur.

M. Peter Mancini: Je me trompe. C'est 25 000 $ la table.

Il semble donc qu'il soit possible pour les Canadiens qui désirent contrôler les banques de payer pour pouvoir influer sur la politique gouvernementale. Par conséquent, j'exhorte les Canadiens à communiquer avec leur député.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, je ne crois pas que j'irai à ce dîner. Je me demande si vous irez, mais je comprends que vous ne pouvez pas répondre à une question à la Chambre. J'en poserai donc plutôt une à mon collègue du Cap-Breton.

Je trouve très étrange que le nouveau parti de l'Alliance canadienne, qui est l'ancien Parti réformiste, qui était lui-même l'ancien parti du Crédit social, ait vivement contesté à une certaine époque ce que les banques faisaient aux citoyens ordinaires. Je me souviens avoir entendu le député de Souris—Moose Mountain, par exemple, dénoncer à qui mieux mieux l'insensibilité des banques à l'égard des localités rurales de la Saskatchewan, notamment.

Je me demande si le député conviendra avec moi que ce grand dîner à 25 000 $ le couvert, qui aura bientôt lieu à Toronto et auquel sont évidemment conviés des banquiers de différentes banques du Canada, n'oblige pas le Parti réformiste, qui s'appelle désormais l'Alliance canadienne, à taire un peu ses critiques autrefois traditionnelles des banques. Je me rappelle que cela avait l'habitude d'être un de ses thèmes favoris. Lorsque mon collègue, le député de Souris—Moose Mountain, était créditiste, il y a de nombreuses années, il avait l'habitude de faire campagne auprès de ses voisins en dénonçant les pouvoirs excessifs des banques. Bien sûr, il arrive à beaucoup de monde de changer tout à coup d'avis.

Voici qu'on organise maintenant un dîner à 25 000 $ le couvert qui ne s'adresse évidemment pas aux gens ordinaires. Le parti a donc perdu le contact avec les simples Canadiens. Le député croit-il que cela explique peut-être cette volte-face?

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, je sais que l'Alliance canadienne prétend être un parti populaire, mais je puis vous dire que le populaire en l'occurrence est très riche. Je ne puis imaginer personne dans ma circonscription capable d'acheter des billets pour un dîner à 25 000 $ la table. Il s'agit d'un dîner à la mode de Bay Street. Cela est très révélateur quant aux gens qui contrôlent les priorités de ce parti. Cela nous montre qui établit ces priorités et qui est le patron de ce nouveau parti soi-disant populaire.

M. John Herron (Fundy—Royal, PC): Monsieur le Président, plus tôt aujourd'hui, quand je me préparais à m'acquitter de mes fonctions puisque je suis de service aujourd'hui pour mon parti à la Chambre, on ne m'a pas informé que j'aurais à parler de ce projet de loi, mais je crois qu'il est impérieux de le faire. Le projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui a plus de 900 pages. Il est d'une importance vitale pour moderniser le secteur bancaire de notre pays.

Monsieur le Président, vous avez suivi tout le débat. Je trouve difficile à croire qu'au cours de la journée, le gouvernement n'a fait intervenir qu'un seul de ses députés dans le débat de son projet de loi, un projet de loi de plus de 900 pages. En y réfléchissant bien, je pense que c'est un autre signe de l'arrogance que manifeste le gouvernement envers la Chambre et le processus démocratique.

 

. 1700 + -

La majorité de ces 900 pages sont de nature technique. Il est bien peu question de vision dans ce projet de loi. Ce dernier n'annonce aucune orientation fondamentale que le gouvernement entend donner au pays concernant les institutions financières. C'est un projet de loi d'ordre administratif.

Étant le porte-parole de mon parti en matière d'environnement, je sais que, même si le gouvernement est en place depuis plus de sept ans, il n'a jamais adopté de sa propre initiative la moindre mesure environnementale. Il n'est donc pas surprenant que le gouvernement n'ait qu'un maigre programme législatif à présenter aux Canadiens.

Le bruit court que le premier ministre voudrait déclencher des élections anticipées, mais il ne peut trouver la moindre justification pour le faire, parce qu'il n'a rien à présenter aux Canadiens qui les intéresse suffisamment pour qu'ils redonnent aux libéraux un gouvernement majoritaire.

Je me souviens de l'époque où le gouvernement du Canada faisait preuve de leadership. Je pense spontanément au dossier du libre-échange. Bon nombre des gens d'en face ont dénoncé cette initiative en 1988. Or, cette initiative audacieuse a transformé le pays. Nos échanges avec les Américains étaient alors de l'ordre de 90 milliards de dollars. Aujourd'hui, grâce à l'accord de libre-échange et à son successeur, l'ALENA, nos échanges avec nos cousins américains atteignent 320 milliards de dollars par an. Voilà le genre d'initiative et de mesure dont a fait preuve un gouvernement qui savait que le Canada devait maintenir sa compétitivité dans notre économie de plus en plus mondialisée. Au contraire, cette mesure n'est qu'un projet de loi d'ordre administratif.

Ce projet de loi renferme cinq principes de base: la promotion de l'efficience et de la croissance au sein du secteur des institutions financières; la prise de mesures visant à habiliter et à protéger les consommateurs; la prise de mesures visant à stimuler la concurrence intérieure; l'établissement d'un cadre réglementaire au sein du secteur des institutions financières; et, enfin, l'établissement d'une période d'examen quinquennal, comme c'était le cas dans le passé. Tels sont les cinq points que nous allons examiner.

L'une des questions les plus contestées relativement aux institutions financières, c'est le fait qu'un seul actionnaire pourrait détenir jusqu'à 20 p. 100 des actions d'une institution financière, par opposition à 10 p. 100 seulement. Pour certaines personnes, cela représente un problème grave, mais pour moi cela n'est que le reflet de ce qui est nécessaire pour stimuler la concurrence, pour attirer d'autres investisseurs dans le secteur financier.

Je pense que tout le monde convient qu'il est de bon ton de s'en prendre aux banques. Nous savons aussi que celles-ci ont pu afficher de solides rendements et étaler leur puissance dans notre société grâce à l'environnement protégé que nous leur avons assuré depuis des années. À l'époque, c'était sans doute la meilleure politique financière à adopter afin que notre pays puisse compter sur un secteur financier souverain et solide. Il suffit de penser à l'effondrement du marché des matières premières et des institutions financières qui a frappé les pays côtiers du Pacifique il y a trois ans pour s'en rendre compte.

Aujourd'hui, notre secteur financier est davantage déréglementé. Les concurrents étrangers peuvent venir au Canada et offrir des produits aux Canadiens. Il est clair que plus il y a de concurrence, mieux c'est.

 

. 1705 + -

Cependant, nous devons fournir aux banques une façon efficace de défendre leur position au sein de notre économie. Lorsque les gens constatent les profits colossaux des banques, il faut placer les choses en perspective.

Mon éminent collègue, le député de Brandon—Souris, nouveau porte-parole de notre parti en matière de finances, qui remplace temporairement un autre député fort compétent dans ce domaine, Scott Brison, l'ancien représentant de Kings—Hants, nous a fait remarquer un fait très peu connu. Un Canadien sur deux est propriétaire d'une part ou d'une action du secteur bancaire. Il peut la posséder directement ou par le truchement de sa participation à un fonds commun de placement. Il existe toute une panoplie d'actions dans divers fonds de cette nature. Il peut aussi être propriétaire parce qu'il contribue à un régime de retraite. Ces régimes investissent énormément dans nos institutions bancaires.

Dans les banques, le rendement du capital investi n'est pas phénoménal lorsqu'on songe à la dimension des institutions financières elles-mêmes. En pourcentage, le RCI des banques n'est pas tellement supérieur à celui de bien d'autres entreprises qui réussissent, mais les profits faramineux dont on fait état sont proportionnels à la dimension des institutions.

Nos cousins du NPD ont fait un commentaire. Habituellement, en matière d'argent, d'initiatives financières, de questions fiscales ou de sujets de cet ordre, je ne suis presque jamais d'accord avec l'aile socialiste de la Chambre, mais je fais une exception pour les propos de la députée de Vancouver-Est. Elle a soulevé un point fort valable. Elle a déclaré qu'il fallait faire en sorte que les banques acceptent d'ouvrir un compte à toute personne qui n'est pas cliente et veut encaisser des chèques du gouvernement fédéral, à la condition de fournir des pièces d'identité. Un dépôt minimum et un emploi ne peuvent pas être des conditions pour l'ouverture d'un compte.

De telles conditions créent une discrimination contre les citoyens canadiens qui ont les revenus les moins élevés. Plus nous en ferons pour rendre les banques plus accueillantes aux gagne-petit, mieux ce sera. Les institutions bancaires doivent s'ouvrir à tous et, à cet égard, les commentaires de la députée de Vancouver-Est sont tout à fait appropriés.

Il s'agit d'une initiative visant à nous assurer que les établissements bancaires se modernisent et reconnaissent que la façon de faire des transactions bancaires est aujourd'hui radicalement différente de ce qu'elle était il y a dix, cinq, voire deux ans seulement. Je ne serais pas étonné que beaucoup de députés fassent leurs transactions bancaires par l'Internet. J'ai moi-même commencé il y a environ six mois. Nous payons beaucoup de frais à nos banques pour nos télépaiements. Nous utilisons les guichets automatiques pour la majorité de nos transactions bancaires. Notre façon de traiter et d'échanger avec nos banques a beaucoup changé. C'est pourquoi il est impérieux d'avoir une loi qui tient compte de la réalité.

Il nous faut aussi comprendre que le gouvernement a laissé passer une belle occasion de préciser comment il ferait face à la question des fusions, si elle se posait. Il y a eu toute l'histoire autour de la rumeur de fusion entre la Banque royale du Canada et la Banque de Montréal que le ministre aurait apprise aux nouvelles en se brossant les dents ou en buvant son café du matin. Ce ministre des Finances est pourtant le ministre des Finances probablement le plus lié à Bay Street de toute l'histoire du Canada, mais il n'a apparemment pas d'assez bons contacts pour savoir ce qui se passe dans le secteur financier. Franchement, je trouve cela bien difficile à croire.

 

. 1710 + -

Le ministre des Finances a raté une grande occasion d'améliorer le secteur des institutions financières au Canada pendant le débat sur la fusion. Je me rappelle que les PDG de la Banque royale, de la Banque de Montréal, de la Banque TD et de la CIBC étaient disposés à faire des promesses solennelles concernant les avantages dont bénéficieraient les Canadiens si l'on autorisait le processus de fusion. Je ne défends absolument pas une position selon laquelle il aurait été bien ou mal de permettre la fusion à ce moment-là. Toutefois, il ne convenait absolument pas de mettre un terme aux discussions à ce moment-là.

À titre d'exemple, ils étaient prêts à promettre solennellement de maintenir le nombre d'institutions bancaires dans les régions rurales. Ils étaient disposés à promettre solennellement d'accroître les risques liés au prêt de fonds au secteur des petites entreprises. Je me rappelle avoir lu qu'ils étaient prêts aussi à promettre solennellement de maintenir, voire même de diminuer en masse les frais de services imposés aux clients.

La question de savoir si ces promesses solennelles auraient servi au mieux les intérêts des Canadiens ou si on aurait dû autoriser les fusions n'a jamais pu faire l'objet d'un débat public de la part des Canadiens et des législateurs parce que le ministre des Finances a choisi d'être populiste. Il a dit que les banques étaient impopulaires. Il n'allait pas leur accorder quoi que ce soit parce que cela pourrait mettre en péril ses aspirations à la direction. Selon moi, ce fut sans doute l'élément le plus important durant le débat à ce moment-là.

Nous sommes ici pour parler de l'amélioration et de la modernisation du secteur bancaire et du secteur des institutions financières. J'espère que nous pourrons compter dans un proche avenir sur une mesure législative qui contribuera à améliorer les grands paramètres de l'économie. Si l'on s'arrête aux taux d'imposition, le Canada vient au deuxième rang des pays du G-7 en ce qui concerne le taux d'imposition des sociétés en pourcentage de notre économie. Nous savons également qu'en pourcentage de notre économie, nos taux d'imposition sur le revenu des particuliers sont les plus élevés des pays du G-7. Nous savons aussi qu'en pourcentage de notre économie, l'argent que nous consacrons au règlement des intérêts et non véritablement à la diminution de la dette nationale constitue un immense fardeau pour notre économie.

Au lieu d'un projet de loi de 900 pages, dont le gouvernement ne veut pas que ses députés assurent la défense et dont ils ne veut même pas qu'ils parlent, j'aimerais voir une vision prévoyant la mise en ordre des éléments fondamentaux de notre économie. Faisons ce que le Parti progressiste-conservateur a préconisé: réduisons notre dette nationale par la voie législative. Nous devons réduire les impôts.

M. Dale Johnston: Où êtes-vous allé chercher cette idée?

M. John Herron: Le député de l'Alliance vient de demander où j'ai été chercher l'idée selon laquelle le Parti progressiste-conservateur veut rembourser la dette et réduire les impôts. Je vais citer une note diffusée plus tôt aujourd'hui qui mentionne en fait que, à bien des égards, les politiques du Parti progressiste-conservateur et de l'Alliance réformiste sont presque identiques. C'est certainement le cas lorsqu'il est question d'un des enjeux les plus importants pour les Ontariens: la politique budgétaire, y compris l'imposition, la réduction de la dette et la gestion globale des finances du Canada. Je demande au député de Brandon—Souris s'il sait qui est l'auteur de ces remarques. C'est le député de l'Alliance canadienne dans la circonscription de Markham, qui appuyait le programme économique du Parti progressiste-conservateur. Voilà d'où je tire cette idée dont le député a parlé.

Je voudrais pouvoir légiférer afin que nous remboursions notre dette de manière à ce que ceux qui souhaitent investir dans l'économie canadienne le fassent, ce qui n'est pas le cas actuellement.

 

. 1715 + -

Voilà pourquoi le dollar canadien ne vaut que 66 cents américains. C'est pour cela qu'il a atteint son niveau, peut-être le plus bas de l'ère moderne par rapport à la devise de notre principal partenaire commercial, les États-Unis.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'il s'agit là d'un signal montrant très clairement que les investisseurs étrangers se demandent si le fait d'investir dans notre pays est la bonne chose à faire dans l'avenir. Nous devons envoyer certains signaux pour montrer que nous ne menacerons pas les bénéfices réalisés dans les provinces par des taux d'imposition excessifs, aussi bien en ce qui concerne l'impôt sur le revenu des particuliers que celui sur le revenu des sociétés, et pour montrer que nous allons mettre de l'ordre dans nos affaires et renforcer nos assises économiques en remboursant notre dette.

Un dollar élevé contribue à la valeur de nos échanges commerciaux jusqu'à un certain point, mais à long terme il indique que les Canadiens en tant que concurrents mondiaux sont en perte de vitesse et que notre capacité d'acheter des biens sur le marché mondial s'est affaiblie.

C'est la preuve que le gouvernement a très peu de vision ou d'intérêt en ce qui a trait au programme législatif de ce grand pays qu'est le Canada. Cette mesure comporte quelque 900 pages et nous n'avons vu qu'un seul député parler au nom du gouvernement. J'ignore si c'est une première dans l'histoire de la procédure parlementaire. Voilà une bien drôle de situation. Il y a 900 pages et un seul député a pris la parole au nom du gouvernement.

Si le gouvernement manque de vision, qu'il cède la place à des gens qui sont en avance sur leur temps. Certains qualifient le très honorable Joe Clark d'homme du passé. Il sera à la Chambre pour améliorer le système parlementaire au cours des prochains mois. Il voulait rembourser la dette et équilibrer le budget en 1979, soit à une époque où tout le monde trouvait l'idée farfelue.

Si c'est un homme du passé, c'est qu'il était déjà avant-gardiste à ce moment-là. Il nous faut voir le courage et le leadership dont M. Clark a fait preuve dans son budget de 1979. Il nous faut voir la vision et le courage qui se sont manifestées lors de l'accord de libre-échange de 1988. Dans les deux cas, l'initiative venait de premiers ministres progressiste-conservateurs. Voilà ce dont il nous faut pour améliorer et maintenir notre position sur le marché mondial, car on n'a que faire de projets de loi de nature administrative concernant les institutions bancaires. Il faut remettre de l'ordre dans nos finances en remboursant la dette, en baissant les impôts et en investissant dans nos deux secteurs prioritaires que sont les soins de santé et l'éducation post-secondaire.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): Madame la Présidente, j'apprécie les commentaires du député, notamment le fait qu'il trouve très curieux que les députés libéraux ne disent rien à propos de ce projet de loi. Pas plus que l'Alliance canadienne.

Cela me semble bizarre pour un projet de loi d'une telle importance, un projet de loi de 900 pages qui touchera tous les Canadiens qui ont un compte en banque. Comme je l'ai mentionné dans mes remarques, les gens sont outrés de voir comment les banques fonctionnent et je pense que nous avons tout intérêt à veiller à ce que les consommateurs soient traités équitablement. C'est assez alarmant de voir que les ministériels ne veulent même pas discuter de la question. De quoi ont-ils peur?

Le député a fait part à la Chambre de ses préoccupations et de celles de ses électeurs. Quant à moi, je sais qu'une des choses qui préoccupe le NPD, c'est l'absence dans le projet de loi C-38 d'une disposition sur le réinvestissement communautaire, particulièrement dans le cas des régions du Canada comme celle que représente le député, où il existe une disparité économique, où les collectivités locales sont vraiment en difficulté.

Exiger de ces banques qui font d'énormes profits qu'elles réinvestissent dans la collectivité serait très sain pour les économies locales. Cela aiderait les petites entreprises, les entrepreneurs individuels, l'économie locale et aurait des retombées positives. Ne devrions-nous pas prévoir dans la loi ce genre de réinvestissement communautaire de la part de l'industrie bancaire? J'aimerais bien savoir si le député et son parti sont en faveur d'une telle mesure et s'ils feront ou non pression dans ce sens sur le gouvernement.

 

. 1720 + -

M. John Herron: Madame la Présidente, la députée de Vancouver-Est soulève une question fort intéressante qu'il aurait cependant été encore plus difficile d'aborder dans un contexte moderne, même il y a peu d'années de cela.

Les banques sont parfois les seuls établissements financiers visibles dans une petite localité. Elles peuvent à l'évidence améliorer leurs revenus grâce aux cartes de crédit, Visa et autres, aux prêts aux petites entreprises, aux prêts hypothécaires et à tous les produits financiers qu'elles offrent à leurs clients. Dans ce contexte moderne, il n'est pas aisé de surveiller des entreprises comme Citicorp ou ING Direct et bien d'autres encore, essentiellement des banques virtuelles qui offrent leurs services via les médias électroniques. Évidemment, leur investissement direct dans ces communautés, ou même dans le pays, serait nul à toutes fins pratiques.

De ce fait, les Canadiens ont bénéficié d'une concurrence et d'un choix accrus. Je suis tout à fait favorable à ce qu'on impose un taux de réinvestissement communautaire. C'est pourquoi je suis un peu réticent, de ce point de vue, à ce qu'on se complaise à dénigrer les banques. La question est bien plus complexe qu'elle ne l'était.

Quand nous avons déréglementé le secteur des institutions financières le 14 février 1997, nous avons donné notre aval pour que les Citicorp, MNBA et ING puissent offrir des prêts aux petites entreprises, des prêts hypothécaires avantageux pour elles, des prêts personnels ou même des services de cartes de crédit. Pourtant, les banques perdaient certains de leurs services les plus rentables et elles se retrouvent aujourd'hui dans une situation où elles doivent absolument mettre au point de nouveaux produits à proposer à leurs clients si elles veulent rester à flot.

Comme je le disais, il n'est dans l'intérêt de personne de dénigrer les banques. Un Canadien sur deux est détenteur d'actions bancaires sous une forme ou une autre. Le Parlement et le législateur ont pour mission de surveiller les institutions financières et de définir des règlements respectueux de l'intérêt du consommateur.

Je félicite la députée de Vancouver-Est pour sa détermination à faire mettre en place un régime devant nous assurer que les Canadiens à faible revenu ne seront pas victimes de discrimination aux mains des banques.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Madame la Présidente, mon collègue du Parti conservateur est-il d'avis, comme moi, que la règle relative à la participation multiple ne devrait pas être modifiée?

Les libéraux de Pearson avaient mis en place une règle, qui est en vigueur depuis de nombreuses années, stipulant qu'une personne ne pouvait pas détenir plus de 10 p. 100 des parts d'une banque. Cette règle visait à protéger le secteur bancaire canadien de la propriété étrangère. À une époque, pas plus de 25 p. 100 des parts d'une banque ne pouvaient être détenues par des intérêts étrangers, mais cette restriction a été abandonnée en raison de l'Accord de libre échange.

La première règle sera toutefois modifiée. Il sera maintenant possible de détenir 20 p. 100 des actions avec droit de vote et 30 p. 100 des actions sans droit de vote, contre actuellement 10 p. 100 dans les deux cas, en ce qui concerne les grandes banques dont la valeur des capitaux propres s'élève à plus de cinq milliards de dollars par année.

Les banques de taille moyenne sont celles dont la valeur des capitaux propres se situe entre un et cinq milliards de dollars par année. Le Québec craint qu'une règle différente ne s'applique à la Banque nationale. Pour ce qui est des banques de taille moyenne, le Règlement précise que la propriété doit être à participation multiple pour seulement 35 p. 100 des parts. Autrement dit, une personne pourrait acheter 65 p. 100 de la Banque nationale. Le député a signalé que ING Direct, Citibank ou Chase Manhattan pourrait acheter la Banque nationale, la Banque Laurentienne ou la Bank of Western Canada.

Mon collègue est-il d'avis que la règle relative à la participation multiple devrait être la même pour les banques de grande et de moyenne taille? Est-il aussi d'avis que le passage à 20 p. 100 ouvre la porte à un plus grand contrôle étranger de notre système bancaire, qui est actuellement vraiment Canadien?

Étant donné que l'Alliance canadienne ne participe pas au débat, je demande au plus progressiste des deux partis conservateurs de répondre à cela.

 

. 1725 + -

M. John Herron: Madame la Présidente, je crois que le député m'a posé deux questions. Cela ne me tente pas de faire passer la limite de 10 à 20 p. 100. Cet aspect ne m'inquiète pas tellement, puisque le secteur bancaire canadien compte maintenant beaucoup plus d'investissements étrangers qu'autrefois, qu'il fait face à une concurrence beaucoup plus forte de l'étranger et qu'il doit compter avec une participation étrangère beaucoup plus importante. Si tout cela est dû à la situation actuelle, nous devrons donc pouvoir compter sur des banques canadiennes fortes pour maintenir notre souveraineté. De prime abord, la question de l'augmentation de la limite à 20 p. 100 ne me préoccupe pas outre mesure. C'est un élément que nous pourrons faire disparaître au cours de l'étude détaillée du projet de loi.

Pour ce qui est de la deuxième question du député, je crois que la question des 65 p. 100 est une réelle préoccupation. Elle pourrait peut-être faire l'objet d'une étude et d'une discussion en comité, tout particulièrement en ce qui a trait à la Banque Nationale ou à la Banque Laurentienne. À mon avis, cela mérite une attention plus poussée. Je ne suis pas du tout prêt à étudier la situation, probablement pas autant que la question du ratio de 20 p. 100, mais je comprends que la question des 65 p. 100 peut soulever certaines préoccupations d'entrée de jeu.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Madame la Présidente, je me réjouis de voir que le député du Parti conservateur est disposé à y jeter un coup d'oeil. Le problème à cet égard tiendrait à l'acquisition de la Banque Nationale et de la Banque Laurentienne, dont le siège social pourrait déménager de Montréal, de la province de Québec et même du Canada si ces banques étaient achetées par une société étrangère. Il me semble que les règles qui s'appliquent aux grandes banques devraient s'appliquer également aux banques de taille moyenne.

Le député ne trouve-t-il pas bizarre que la Banque Nationale, qui est très importante et pas beaucoup plus petite que la plus petite des cinq ou six grandes banques, soit assujettie à des règles différentes, surtout au moment où nous nous soucions de la politique d'union nationale, et soit traitée différemment des banques du reste du pays à cause de l'endroit où est situé son siège social?

M. John Herron: Madame la Présidente, comme je l'ai déjà dit au député, c'est une chose que nous pourrons étoffer au cours de l'étude du projet article par article au comité. Voilà pourquoi nous sommes favorables au renvoi du projet de loi au comité de sorte que nous puissions commencer à analyser ces 900 pages, puisque le gouvernement n'est pas intéressé à en discuter à la Chambre.

En fin de compte, une proportion plus élevée représente probablement une progression naturelle car les banques de petite taille finissent par devenir des banques de taille moyenne.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Madame la Présidente, je suis très heureux de participer à ce débat d'importance sur un projet de loi qui, pour décevant qu'il soit, demeure une matière à considération.

Pour les gens qui se joignent à nous, le projet de loi à l'étude concerne la réforme des banques. La réforme des banques, cela a à voir avec la démocratie, avec la conception qu'on se fait de l'égalité des chances.

Si nous avons un reproche à faire au gouvernement, c'est celui d'avoir été et d'être extrêmement timide à propos d'un sujet qui nous aurait permis de poser un ancrage résolument social-démocrate, résolument en faveur de l'égalité des chances, qui nous aurait permis, comme parlementaires—je profite de la présence de la députée de Québec pour le dire—de finalement lutter efficacement contre la pauvreté. J'aurai l'occasion d'y revenir.

Pour tous ceux qui suivent le dossier de l'évolution des banques et de leur localisation stratégique, on constate qu'il y a des pans entiers, des communautés entières où il n'y a pas de banque, où il n'y a pas de succursale bancaire. Il y a quelques années, Option consommateurs, qui est un organisme voué évidemment, comme son nom l'indique, à la défense des consommateurs en lien avec les thématiques financières, avait fait la recension de la localisation des succursales bancaires.

 

. 1730 + -

On avait constaté que la géographie de l'absence des banques correspond assez parfaitement à la géographie de la pauvreté. Que ce soit au Cap-Breton, que ce soit à Terre-Neuve, dans l'est de Montréal ou dans le sud de l'Ontario, je me rappelle bien, pour avoir vu cette carte, que des communautés entières sont privées de services financiers.

Je veux d'abord commencer en rappelant que, il y a quelques mois, le gouvernement avait mandaté un groupe de travail. Ce groupe de travail est passé à l'histoire sous le nom de ce président, M. MacKay. M. MacKay, entouré d'une vingtaine de commissaires, avait regardé la Loi sur les banques et l'ensemble des véhicules apparentés aux besoins en crédit qui existaient au Canada et avait fait des recommandations extrêmement précises au gouvernement.

La commission MacKay s'était entre autres inquiétée du fait que dans certaines communautés du Canada on puisse fermer des succursales bancaires impunément, sans préavis, sans trop se préoccuper des conséquences qu'il y a pour une communauté quand des sociétaires perdent l'accès à ce crédit. Avec cette motivation en tête, je dois dire que ce sera difficile pour le Bloc québécois d'appuyer le projet de loi C-38, du moins si le gouvernement maintient le statu quo.

Les députés du Bloc québécois savent très bien que depuis 1993, notre collègue, le député de Saint-Hyacinthe—Bagot, a été une voix extrêmement préoccupée par toutes les questions de justice sociale et de protection du consommateur. Je comprends que par son intermédiaire et par le mien, nous allons, à l'étape du rapport en comité, présenter des amendements. J'espère qu'un débat de cette importance ne souffrira pas de partisanerie politique. J'espère que tous les députés voteront pour les amendements qui seront suggérés, avec une seule et unique considération, à savoir si l'amendement proposé permet de bonifier le projet de loi et apporte une valeur ajoutée au niveau de la protection des consommateurs? Cette considération doit transcender les différents objectifs partisans.

Avant d'aller plus loin sur le fond des amendements que je souhaite moi-même proposer avec l'appui de mon collègue, je dois dire que nous n'appuierons pas le projet de loi C-38 parce qu'il nous apparaît souffrir d'un déséquilibre important.

Quand on regarde la Loi sur les banques, on se rend compte qu'il y a un équilibre à atteindre pour ce qui est de la propriété des banques. Il y avait un consensus, une règle connue dans l'univers banquier canadien, à savoir qu'on ne pouvait pas autoriser qu'un propriétaire détienne plus de 10 p. 100 des actions des banques. Cette formule a assuré un relatif succès.

Je dis «relatif» car il ne faudrait pas penser que le secteur bancaire n'est pas un secteur concentré. On sait qu'il y a six ou sept grandes banques à charte, définies à partir de la première annexe de la Loi sur les banques. Elles contrôlent une partie importante des capitaux et détiennent une partie importante du pouvoir bancaire. Malgré tout, il apparaissait que la règle du 10 p. 100 était un peu une balise, une sauvegarde, une règle de prudence qui nous préservait d'une trop grande concentration.

Je pense que la députée de Québec, qui suit ce dossier comme beaucoup d'autres, sait comme moi qu'il y a une disposition du projet de loi permettant aux banques de moyenne importance de détenir 20 p. 100. Un même actionnaire pourrait détenir 20 p. 100. On ne comprend pas trop la rationalité de tout cela. Comme le souligne ma collègue de Québec, il y a même des banques d'une autre catégorie qui pourraient être détenues par un propriétaire unique.

 

. 1735 + -

On ne comprend pas trop la rationalité de revoir cet équilibre qu'on croyait salutaire dans l'univers des banques. On peut compter sur toute la fougue, la détermination, voire l'agressivité tempérée du député de Saint-Hyacinthe—Bagot pour mener une bataille adéquate, comme il se doit. Nous espérons que les députés ministériels entendront le bon sens, ne serait-ce qu'une seule fois dans leur vie, et qu'ils se rendront à la nécessité de voter en faveur de l'amendement du Bloc.

Pour l'heure, je voudrais parler d'une question à laquelle je m'intéresse depuis 1996. Je sais que lorsque je me lève à la Chambre, on a toujours l'impression que j'ai la trentaine florissante et qu'on ne voit pas les années passer, mais le fait est que j'en suis déjà à mon deuxième mandat, et ce n'est pas sans plaisir que je veux vous annoncer que j'en solliciterai un troisième. Comme on le sait d'ailleurs, j'ouvre une petite parenthèse pour dire que le Bloc québécois est le premier dans les intentions de vote.

Alors, je crois que notre collègue, transfuge du PC qui est passé aux libéraux, doit un peu se mordre les doigts d'avoir posé un geste aussi peu stratégique, parce qu'au Québec, le parti qui récolte le plus la faveur populaire des Québécois, celui qui obtient la faveur dans les intentions de vote, qui est le plus populaire, c'est définitivement le Bloc québécois.

De ce côté-ci de la Chambre, et mes collègues vont être d'accord avec moi pour affirmer que nous sommes très confiants de gagner dans Compton—Stanstead où nous avons un candidat de grande valeur.

Cela étant dit, je poursuis sur la question du réinvestissement communautaire des banques. En 1996, je me suis rendu à Washington pour rencontrer Joe Kennedy junior, qui a quitté la vie politique dans un contexte que je ne sens pas le besoin de rappeler ici, à la Chambre—il y avait eu des choses avec la bonne, il avait été obligé de démissionner—mais enfin, tout ça n'est pas fondamentalement du domaine public.

Je veux que vous sachiez qu'aux États-Unis, nous en sommes à une deuxième génération de loi sur le réinvestissement communautaire des banques. Je me suis permis de regarder très attentivement, pour que ce soit clair pour tous les parlementaires, l'objectif de ce qu'on appelle la Community Reinvestment Act, le CRA.

On conviendra, tout comme moi, que ce serait tout à fait possible que nous ayons une disposition dans la Loi sur les banques qui s'en inspire très fortement.

Une institution financière réglementée est tenue de démontrer que ses installations de dépôt, donc évidemment, les succursales, servent les besoins en matière de dépôt et de crédit de la collectivité à laquelle sa charte est associée—et c'est là que c'est très important, je me permets d'insister là-dessus—elle a l'obligation d'aider à remplir les besoins de crédit des communautés locales associées à sa charte.

Ce qui est vraiment très intéressant de comprendre et de savoir, c'est qu'il y a, aux États-Unis, un peu l'équivalent de notre surintendant des institutions financières qui regarde annuellement ce que font les différentes banques afin de répondre aux besoins en crédit de l'ensemble de la communauté.

C'est certain que lorsqu'on est propriétaire de trois PME, qu'on est indépendant de fortune, qu'on est un homme ou une femme d'affaires prospère, on n'a pas de difficulté à obtenir du crédit. Mais quand on est dans Hochelaga—Maisonneuve ou dans Saint-Sauveur ou dans certains coins de Rosemont, mon collègue doit le réaliser, ou dans certains coins de Trois-Rivières—pour ce qui est de Chambly, je nuancerais un peu, mais je pense qu'il y a des zones de pauvreté dans Chambly—quand on est dans certaines collectivités où la pauvreté sévit, le fait est que les banques n'y sont plus.

Je vais vous donner un exemple. Il y a 20 ans, dans Hochelaga—Maisonneuve, il y avait 20 banques. Combien en reste-t-il? Il en reste quatre. Alors, à toutes fins pratiques, les banques ne sont pas sur mon territoire.

Si nous avions une législation qui permettait au surintendant des institutions financières d'évaluer comment les banques à charte répondent aux besoins en crédit de l'ensemble des communautés, nous aurions, comme législateurs, une emprise, une poignée, un mécanisme qui nous permettrait de faire pression sur les banques.

 

. 1740 + -

Aux États-Unis, le système bancaire est beaucoup plus fragmenté. Il y a des banques locales, des banques régionales et des banques un peu plus continentales. Cependant, pour que des banques puissent prendre de l'expansion et opérer dans plusieurs États—c'est la prise que le législateur américain a sur les banques—, pour que, par exemple, une banque de New-York puisse opérer en Illinois, elle doit répondre au besoin en crédit de l'ensemble de la communauté. Il y a une cote A, B, C ou D qui est divulguée au public.

Le système américain n'est pas d'abord un système coercitif. C'est un système qui mise sur la vigilance des consommateurs. On comprend toutefois que lorsque la First Bank of America a une mauvaise cote pour ce qui est de ses obligations à l'endroit des communautés défavorisées, que le rapport est rendu public et que les associations de consommateurs suivent cela, il est extrêmement difficile pour cette banque de justifier qu'elle est un bon citoyen corporatif. Tout le système américain, qui n'est pas coercitif, est fondé sur la pression populaire et celle des groupes de consommateurs.

C'est une bataille importante dans ma vie. J'en ai fait quelques-unes, mais celle-là, elle est importante. Je voudrais penser que tous les parlementaires de la Chambre vont accepter l'amendement que le Bloc québécois va déposer.

J'ai senti une certaine ouverture de la part du ministre. Quand on regarde le livre blanc que le gouvernement a rendu public et quand on regarde le projet de loi, on sent quand même une ouverture timide qui n'a pas encore atteint sa maturité. Le gouvernement aurait pu aller beaucoup plus loin, mais on sent qu'il y a une volonté d'avoir des comptes bancaires et des dépôts à frais modiques. Il faudra évidemment définir tout ce que cela veut dire, mais il me semble que le Community Reinvestment Act s'inscrit dans cette philosophie.

La loi américaine est encadrée par quatre organismes de surveillance. Je veux donner aux députés quelques exemples de la forme que peut prendre le réinvestissement communautaire des banques.

Cela peut être des opérations à frais peu élevés. On sait très bien que lorsqu'il y a des opérations bancaires en cours, que ce soit un débit, un crédit, le fait d'encaisser un chèque ou de payer un compte, les banques imposent des frais. Cela peut être de 1,75 $, 2 $ ou 2,75 $. Certains États américains permettent une exemption sur des opérations bancaires faites par les personnes les plus nécessiteuses. C'est un exemple de la forme très précise que peut prendre le réinvestissement communautaire des banques.

Cela peut également être des comptes réservés à des consommateurs qui utilisent un nombre limité de chèques. Cela peut être des banques qui, dans certaines parties du nord-est américain, ont accepté de consentir des prêts hypothécaires à l'amélioration résidentielle dans des secteurs à faibles revenus. Cela peut être l'établissement de comptes-chèques économiques comportant un compte minimal. Cela peut être cinq chèques qui sont à tous les mois traités gratuitement ou d'encaisser les chèques gouvernementaux gratuitement. Je pense que dans l'ensemble, c'est déjà quelque chose qui a cours au Québec et au Canada. Je ne crois pas qu'une personne qui reçoit des prestations de la sécurité du revenu ou de la sécurité de la vieillesse doive payer des frais. Il faudra le vérifier, mais je ne crois pas qu'il y ait une tarification sur ces chèques.

Possédant cette information, j'ai fait mon devoir de parlementaires et, en 1996, j'ai déposé, comme je le disais tout à l'heure, un projet de loi qui a d'ailleurs fait l'objet, je dois le dire, d'un très large soutien auprès de mes collègues du Bloc québécois. C'est dans un moment comme celui-là que j'ai vraiment senti que nous formions une très grande équipe parlementaire. J'ai parcouru le Québec en entier pour faire signer des carnets bancaires. Je ne sais pas si les députés s'en rappellent. C'était une espèce de pétition sous forme de carnet bancaire. Je suis allé dans le comté de Frontenac—Mégantic. Je suis allé à Québec et j'en garde un très très bon souvenir. Ma collègue, la députée de Québec, m'a accueilli. Nous avons visité le mail Saint-Roch qui a d'ailleurs été rénové.

 

. 1745 + -

Il y a vraiment eu un investissement considérable de la part de la Ville de Québec. J'y suis passé, il n'y a pas très longtemps, et vraiment, j'ai senti qu'à travers le Québec, il y avait un courant d'opinions extrêmement favorable pour que nous ayons une législation, comme celle qui existe aux États-Unis, sur le réinvestissement communautaire des banques.

Mon projet de loi avait cinq grands objectifs. Pour atteindre l'équité en matière de réinvestissement communautaire, ce sur quoi portait mon projet de loi, les banques situées dans les communautés défavorisées devaient analyser leurs opérations, leur système, leurs règles et usages, et mesurer l'écart qui existait entre les dépôts et les prêts consentis aux personnes désignées dans une communauté x.

Une fois cette analyse complétée, les banques devaient déposer un rapport avec des mesures qui indiquaient quel redressement elles entendaient prendre dans le cas où on constatait qu'il y avait un écart entre les dépôts que reçoivent les banques et les prêts consentis dans leur communauté d'appartenance.

Troisièmement, et c'était peut-être l'aspect le plus important du projet de loi, le surintendant des institutions financières avait l'obligation de proposer des critères d'évaluation susceptibles de favoriser l'application du concept de réinvestissement communautaire. Un rapport devait être déposé à la Chambre par le ministre des Finances, ce qui permettait de comprendre, d'avoir une vision globale de l'effort des banques dans les communautés défavorisées. Je crois que c'était un excellent projet de loi.

Le projet de loi C-38 nous permet de revoir cette disposition où on souhaiterait, comme parlementaires, inciter les banques à être présentes dans l'ensemble des communautés.

En terminant, je rappelle que lorsque les banques ne sont pas dans les communautés, d'autres mécanismes les remplacent. Récemment, j'ai fait une intervention sur les prêteurs sur gages. Les prêteurs sur gages, c'est un mécanisme d'exploitation des petites gens.

Nous aurons l'odieux de porter, comme parlementaires, la responsabilité en nous disant que lorsque les banques ne sont pas dans les communautés défavorisées, d'autres mécanismes les remplacent, mais ce n'est pas toujours à l'avantage et pour le mieux-être des consommateurs et des consommatrices.

J'invite tous mes collègues députés à réfléchir à ces questions, à faire montre d'une grande ouverture d'esprit et à appuyer l'amendement que le Bloc québécois déposera en faveur du réinvestissement communautaire des banques.

M. Ghislain Lebel (Chambly, BQ): Monsieur le Président, j'ai écouté avec beaucoup d'attention le formidable discours de mon collègue, le député de Hochelaga—Maisonneuve.

Pour moi, c'est une découverte, et j'en remercie le député. Lorsqu'on parle de réinvestissement communautaire—c'est du moins ce que j'avais à l'esprit et je m'en excuse—je pensais que c'était automatique d'imposer l'obligation de faire la charité dans un secteur donné, de mettre des sommes à fonds perdus, comme disaient les personnes d'un autre âge, dans une activité quelconque. Je m'aperçois que ce n'est pas tout à fait cela.

Mon collègue semble bien connaître le système bancaire américain et ses tenants et aboutissants. Est-ce que, aux États-Unis, où on a cette fameuse loi sur le réinvestissement communautaire, en contrepartie de l'investissement ou du réinvestissement communautaire, on a soulagé la banque ou le banquier des impôts qu'il devrait normalement par ailleurs payer?

Je me demande s'il y a un jeu de vases communicants. Est-ce qu'il a étudié cet aspect de la question? Je souscris à ce qu'il propose comme réinvestissement, c'est-à-dire d'amoindrir les charges de l'utilisateur moins nanti, moins favorisé. Mais en contrepartie, est-ce qu'aux États-Unis, on ne va pas, d'une autre façon, compenser la banque en étant moins exigeant?

 

. 1750 + -

Le député va comprendre le pourquoi de ma question. C'est que lors du dépôt du budget de 1999 de l'actuel ministre des Finances, le Bloc québécois s'était élevé, dans son commentaire en réponse au budget, contre le fait que le ministre des Finances faisait des cadeaux aux gens les plus riches, c'est-à-dire aux banquiers et que ceux-ci auraient dû être beaucoup plus taxés qu'ils ne l'avaient été jusqu'alors. Malgré une petite hausse de taxation dans leur domaine, c'était nettement insuffisant pour établir une justice sociale et fiscale.

Je demande à mon collègue de Hochelaga—Maisonneuve si, dans le cas des Américains, ils font les mêmes entourloupettes auxquelles se prête notre valeureux ministre des Finances avec ses amis, les banquiers.

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je remercie mon collègue, ci-devant notaire et député de Chambly, de sa question, je dirais, à mi-chemin entre des préoccupations totalement pécuniaires et sa soif de justice sociale qui ne s'est jamais démentie.

Cela étant dit, le député de Chambly a bien raison. Je ne pourrais pas spontanément donner aux députés des exemples d'hypocrisie qui égalerait celle du ministre des Finances, parce que je n'en connais pas. Mais notre collègue de Saint-Hyacinthe—Bagot pourrait le dire avec plus d'exactitude que moi.

Je crois que dans le dernier budget, nous avions levé l'imposition d'une taxe de 180 millions de dollars que les banques avaient dû payer à partir de 1994. Nous n'étions pas tellement confortables avec cette idée qu'il nous fallait alléger le fardeau fiscal des banques, puisque nous leur reconnaissons le droit de faire de l'argent. Elles évoluent dans un milieu extrêmement protégé en vertu de la Loi sur les banques et de l'annexe 1. Il n'y a alors pas de véritable concurrence dans le secteur bancaire. Peut-être y en aura-t-il davantage dans les prochaines années, mais ce n'était certainement pas le cas au cours des années antérieures.

En conclusion, pour répondre précisément à la question de mon collègue, je ne crois pas qu'il y ait de vases communicants. Je crois que l'objectif du Community Reinvestment Act, tel que je l'ai étudié et tel que je le comprends, c'est définitivement d'assurer une meilleure desserte en accès au crédit pour l'ensemble des communautés présentes sur le territoire américain et que nous ne devons pas établir de liens avec des questions liées à l'impôt et à la taxation. Ce sont, pour ce que j'en comprends, deux dossiers qui ont leur parfaite autonomie.

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Monsieur le Président, j'aimerais demander à mon collègue qu'il nous explique de façon un peu plus concrète en quoi le projet de loi C-38 va venir bousculer le système financier au Québec.

Tout à l'heure, il a parlé de pourcentage, à savoir comment les actionnaires détenaient un certain pourcentage d'actions. Mais comment le projet de loi C-38 viendrait-il bousculer la façon de faire du Québec? Notre réserve à nous, du Bloc québécois, c'est que le projet de loi C-38 sur la fusion des banques viendrait menacer la Banque Nationale, par exemple, qui est la banque des PME au Québec. Qu'adviendrait-il concrètement—c'est ce que je demande à mon collègue pour le bien de nos téléspectateurs—et pourrait-il nous donner un peu plus d'éclairage sur l'équilibre difficile dans notre système bancaire?

M. Réal Ménard: Monsieur le Président, je remercie la députée de Québec, dont on connaît mon attachement à sa personne et à ce qu'elle représente et continue bien sûr de représenter.

Je crois que la réponse la plus éloquente est venue du ministre québécois des Finances, un des meilleurs, on le sait, à avoir siégé sur les banquettes ministérielles. Je me permettrai de citer ses propos, si ce n'est pas abuser du temps de la Chambre, lorsqu'il s'adressait au ministre canadien des Finances, en décembre dernier, lors de la rencontre des ministres des Finances:

    Nous vous avions fait part de nos préoccupations touchant les modifications que vous entendiez apporter aux règles de contrôle des banques au Canada. Votre proposition consiste à traiter différemment les banques de grande, de moyenne ou de petite capitalisation. Dans le cas des banques de grande taille, soit celles ayant plus de cinq milliards de dollars de capitaux propres, il serait possible pour une même personne de détenir non pas 10 p. 100, mais 20 p. 100 des actions votantes.

    En ce qui a trait aux banques de cinq milliards de dollars ou moins de capitaux propres, le statut est différent. Elles peuvent opter pour un régime de propriété à participation restreinte.

 

. 1755 + -

Je pense que l'essentiel à comprendre est ceci:

    Une même personne pourrait détenir plus de 20 p. 100 des actions votantes, soit jusqu'à 65 p. 100 pour les banques ayant des capitaux propres entre un et cinq milliards de dollars, et 100 p. 100 pour celles de moins de un milliard.

Si je résume, il y a un danger pour les banques à petite capitalisation de moins de cinq milliards d'être détenues par un propriétaire unique possédant la totalité des actions votantes. Or, les banques qui soutiennent le plus concrètement le marché des petites et moyennes entreprises au Québec sont des banques comme la Banque Nationale et la Banque Laurentienne, qui seraient dans un régime de reclassification des banques de petite envergure ou de banques de moins de cinq milliards de dollars.

Je crois que c'est une préoccupation légitime, puisque nous pensons que la diversité des propriétaires concernant les actions votantes est un gage de démocratie, puisqu'il se situe a contrario de la concentration de la propriété.

J'espère avoir répondu à la députée de Québec dont la curiosité intellectuelle est un peu insatiable.

[Traduction]

M. Deepak Obhrai (Calgary-Est, Alliance canadienne): Monsieur le Président, l'été a été très intéressant pour l'Alliance canadienne. Nous avons choisi un nouveau chef. Les Canadiens de tout le pays sont enthousiastes. Cet après-midi, les députés néo-démocrates se sont plaints du coût du dîner-bénéfice organisé par mon chef. Je voulais leur dire que les Canadiens sont prêts à payer pour écouter notre nouveau chef. Je suis persuadé que lorsque les députés néo-démocrates veulent collecter des fonds, ils ne sont probablement pas en mesure d'attirer autant de gens. Je suppose que c'est la raison pour laquelle ils se plaignent.

Je suis heureux de parler du projet de loi C-38, Loi constituant l'Agence de la consommation en matière financière du Canada et modifiant certaines lois relatives aux institutions financières.

Lorsque nous parlons des institutions financières, les Canadiens en général ont certaines craintes. Ils s'inquiètent de la façon dont les banques fonctionnent au Canada, du monopole dont elles jouissent depuis des années et de l'accroissement constant de leurs profits. Ces préoccupations découlent du fait qu'il n'y a pas beaucoup de concurrence dans le secteur financier et que depuis toujours les banques sont protégées. Cela se justifiait dans le passé, notamment pour assurer la viabilité du système bancaire canadien, ce qui a fonctionné à l'époque.

Or, comme nous le savons, de nos jours, le contexte commercial a changé au Canada et dans le monde entier. On doit maintenant offrir des choix aux consommateurs. Les Canadiens ont pu voir à quel point ils profitent de la déréglementation et ils ont pu constater ce qui se passe lorsqu'un gouvernement laisse les coudées franches aux entreprises. La baisse des coûts des interurbains montre les avantages que la concurrence peut apporter aux consommateurs canadiens.

Les consommateurs canadiens réclament des choix dans le secteur bancaire et ce, à juste titre. Ils veulent des frais de services moindres et de meilleurs services. Dans une certaine mesure, ce sont les banques elles-mêmes qui sont responsables de leur image négative chez les consommateurs canadiens. Je suis persuadé que les banques peuvent mieux faire connaître aux consommateurs canadiens les services qu'elles sont en mesure d'offrir.

 

. 1800 + -

Nous avons l'exemple récent d'Air Canada et des Lignes aériennes Canadien. Les premières étapes de la fusion ont été une catastrophe. Le manque de concurrence dans les transports aériens inspire de vives inquiétudes aux Canadiens. Le gouvernement tarde à agir comme c'est le cas la plupart du temps lorsqu'il s'agit de donner aux Canadiens les solutions qu'ils cherchent.

Le projet de loi lui-même témoigne de la lenteur du gouvernement, qui a tardé sept ans avant de présenter une mesure législative quelconque pour accroître la concurrence dans le secteur bancaire.

Les députés de l'Alliance canadienne vont accepter le projet de loi parce qu'il ouvre davantage le secteur financier, comme les Canadiens l'exigent. Nous avons des préoccupations à bien des sujets. Nous estimons que le secteur financier n'est pas complètement ouvert. Nous ajoutons ici d'autres niveaux de bureaucratie. Néanmoins, il y a dans le projet de loi assez de dispositions pour permettre la concurrence.

Les députés se rappelleront le fiasco de la fusion des banques et la clameur que, à juste titre, les Canadiens ont fait entendre. La population était d'avis qu'il y aurait trop de concentration dans le secteur bancaire et moins de concurrence. Il fallait donc présenter un projet de loi comme celui-ci pour offrir plus de choix aux consommateurs et ouvrir le secteur. Lorsqu'il y aura décloisonnement, les banques pourront se fusionner et devenir des protagonistes mondiaux sur le marché d'aujourd'hui.

À titre de porte-parole pour le commerce international, j'estime que cela est nécessaire et opportun, car les marchés s'ouvrent dans le monde entier. Les banques canadiennes ont sans aucun doute un rôle déterminant à jouer en ce qui concerne la nécessité d'avoir davantage de capitaux, des marchés plus importants et également un plus grand réservoir de compétences. C'est bien, mais les Canadiens s'inquiètent de ce qui va arriver au marché national. Va-t-il pâtir du fait que les banques, par le biais de fusions et de regroupements, vont se tourner vers le marché international?

C'est une chose qui inquiète aussi notre parti. Il est important que le secteur bancaire canadien soit ouvert à d'autres acteurs qui pourront occuper la niche laissée vacante par les banques canadiennes si elles décident qu'elles veulent se retirer du marché national. Personnellement, je pense que ce serait stupide de leur part. Quoi qu'il en soit, il faut permettre la concurrence. Il faut que les Canadiens sachent qu'ils ont le choix et, dans une certaine mesure, c'est ce que fait ce projet de loi.

Nous savons quelle est la position de nos collègues du Bloc et du NPD. Mon collègue du Parti conservateur a donné une réponse très vague au sujet des banques de taille moyenne. Il est très clair que si nous ouvrons les marchés financiers, il y aura des acteurs prêts à occuper cette niche. Les banques canadiennes moyennes peuvent devenir de grosses banques, mais dans une certaine mesure il faut laisser jouer les forces du marché. Permettons-leur de fusionner, de saisir les occasions qui se présentent à elles.

La question qui se posera toujours est la suivante: que va-t-il arriver aux consommateurs canadiens? Nous pensons que si on permet la concurrence, les consommateurs canadiens seront très bien protégés. Ils pourront profiter des occasions offertes par l'ouverture du secteur canadien des services financiers.

 

. 1805 + -

Je vais donner un exemple. En tant que porte-parole en matière de commerce international, je siège au Comité des affaires étrangères et je suis en mesure de constater le rôle que joue la Société pour l'expansion des exportations. Le comité a entendu de nombreux témoins qui s'intéressent au commerce international et qui reconnaissent qu'ils ont besoin d'avoir plus facilement accès à du capital pour pouvoir faire des affaires à l'étranger. Près de 43 p. 100 du PIB est lié aux exportations et que les entreprises canadiennes sont toujours à la recherche de capital. Les banques devraient saisir l'occasion d'offrir ce service aux entreprises canadiennes et de les aider à aller de l'avant. Il faut avouer toutefois que l'intervention des banques dans ce domaine a été et est encore aujourd'hui limitée par la SEE. La SEE est en quelque sorte une société d'État. Elle ne paie pas d'impôt. La SEE est politisée depuis si longtemps que bien des Canadiens ne savent pas ce qu'elle est ni quel rôle elle joue.

Nous croyons que le gouvernement fait directement concurrence aux banques par l'entremise de la Société pour l'expansion des exportations. L'Alliance canadienne pense qu'il faut mettre un terme à cette concurrence et que la SEE devrait se retirer du secteur du financement des exportations à court et à moyen termes.

Il est dans l'intérêt de tous les Canadiens que les banques puissent jouer un rôle crucial dans notre économie. À mesure que s'accroît l'économie et que se multiplient les marchés mondiaux, elles doivent saisir l'occasion de collaborer avec les entreprises canadiennes pour créer un climat propice qui favorisera tous les Canadiens. Voilà une des principales raisons pour lesquelles l'Alliance appuie dans une certaine mesure ce projet de loi qui donnera plus de souplesse aux banques.

Bien sûr, le gouvernement a veillé, comme d'habitude, à ce que des mécanismes de surveillance plus rigoureux soient également instaurés. Il a proposé la création de l'Agence de la consommation en matière financière et celle du poste d'ombudsman. Dans une certaine mesure, cela paraît fort bien. On pourrait croire que le gouvernement cherche à protéger les intérêts des consommateurs canadiens. Cependant, nous connaissons les antécédents du gouvernement. Qui occuperont les postes en question? Les titulaires seront-ils tous des gens de l'extérieur ou les libéraux feront-ils d'autres nominations teintées de favoritisme?

Chaque fois que le gouvernement propose la création de mécanismes de surveillance ou d'organismes sur lesquels il a une autorité absolue, il pourrait peut-être songer à inviter un comité parlementaire à examiner les nominations, au lieu de demander au ministre des Finances de le faire. Tout le monde accueillerait les nominations à ces organismes avec énormément de confiance.

Nous remarquons que le gouvernement n'est pas allé très loin dans sa proposition d'élargir le rôle des caisses de crédit. Voilà un secteur qu'il pourrait élargir pour offrir des choix aux consommateurs canadiens. Nous croyons sincèrement que l'offre de choix aux consommateurs canadiens contribuera à long terme à réduire les frais de service et à améliorer les services offerts. Cela ne veut pas dire que les banques n'essaient pas actuellement d'offrir des services aux consommateurs. Elles essaient de le faire. Cependant, une plus grande concurrence les obligera à innover. Pour retenir leurs clients, les banques devront forcément écouter les consommateurs. En fin de compte, voilà ce que pense le consommateur canadien de ces possibilités d'ouverture du marché.

 

. 1810 + -

En terminant, je dirai que l'Alliance canadienne appuiera ce projet de loi parce qu'il offre des choix plus nombreux, de meilleurs choix au consommateur canadien. Nous voudrions que le marché soit plus concurrentiel et je suis certain que notre porte-parole proposera quelques amendements pour faire en sorte que cela se produise.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je suis de nouveau étonné que l'Alliance canadienne, qui s'appelait auparavant le Parti réformiste, pense que la concurrence doit toujours venir de l'étranger. En ce qui concerne la politique en matière de transport aérien, ce parti est favorable à la présence de transporteurs américains qui détruiraient un jour l'industrie du transport aérien au Canada. Il souhaite également un plus grand contrôle de nos institutions financières par des étrangers, ce qui signifierait probablement la fin du contrôle exercé par le Canada sur les banques du pays.

Lorsque nous parlons des banques et d'autres choses semblables, la majorité des Canadiens, comme c'est le cas lorsqu'ils abordent la question des bureaux de poste, n'ont pas beaucoup de remarques positives, mais ils parlent du piètre service ou des fermetures de banques dans leur collectivité.

Ce projet de loi accordera énormément de pouvoirs au ministre des Finances. Il ou elle détiendra d'énormes pouvoirs et deviendra en fait un tsar ou une tsarine des banques tout en éliminant les responsabilités parlementaires ou même l'aptitude des députés dûment élus par la population du Canada à apporter une contribution. C'est une situation semblable à celle du ministre des Pêches et des Océans, que nous qualifions désormais de tsar des pêches, qui détient au sein du ministère d'énormes pouvoirs qui prévalent sur la volonté du Parlement.

Le député peut-il commenter le fait que le projet de loi ferait du ministre des Finances un tsar des banques qui pourrait parfois passer outre à la volonté du Parlement?

M. Deepak Obhrai: Monsieur le Président, j'aimerais répondre à mon collègue du NPD. Nous entretenons certes des divergences idéologiques concernant la façon dont nous aimerions aborder cette question pour le bien du consommateur canadien. Je suis convaincu qu'en bout de piste le député a aussi la même préoccupation: comment protéger le consommateur? C'est bien cela, mais nous entretenons des vues divergentes sur la façon d'y arriver. Il veut une réglementation gouvernementale. Je l'invite à étudier l'histoire, et il constatera que ce n'est pas la formule qui a été favorable aux Canadiens. Il constatera que la concurrence, ainsi que la déréglementation et la diminution du contrôle exercé par le gouvernement ont profité aux consommateurs et au public canadiens.

En ce qui concerne sa question quant à la possibilité que le ministre des Finances devienne un puissant tsar des banques, je partage la même préoccupation avec lui. Nous ne voulons pas que le ministre des Finances devienne un puissant tsar. Nous estimons néanmoins que le comité parlementaire pourrait exercer un contrôle à distance, comme je l'ai dit, et veiller à ce que le ministre des Finances n'exerce pas un rôle aussi grand. Le Parlement doit jouer un rôle, les députés ont un rôle à jouer et le comité pourrait certes contribuer à éviter qu'une personne exerce autant de contrôle.

M. Peter Stoffer (Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore, NPD): Monsieur le Président, je ne parlerai que pendant cinq minutes environ afin de permettre à mon collègue du Bloc de s'exprimer aussi sur cette question.

Je tiens seulement à dire au député que je trouve plutôt paradoxal que son parti souhaite voir adopter ce projet de loi au plus vite, je suppose. Ce n'est pas une coïncidence si la RBC Dominion Securities, cette société même—que l'on me corrige si j'ai tort—qui a déjà été mêlée à une situation frauduleuse, paiera 25 000 $ la table pour rencontrer M. Day.

 

. 1815 + -

Je trouve plutôt paradoxal que l'Association des banquiers canadiens, dont la Banque Royale fait partie, souhaite l'adoption rapide de ce projet de loi. Les conclusions sont faciles à tirer: une table à 25 000 $ assure l'adoption rapide d'un projet de loi. L'Alliance défend manifestement les intérêts des banques et non ceux des Canadiens ordinaires.

J'ai ici deux lettres, une de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, et l'autre de River John, en Nouvelle-Écosse. Leurs auteurs sont tous deux de petits entrepreneurs qui sont très préoccupés par la fermeture des banques de leur localité. C'est ce qui arrive lorsqu'on gouvernement central s'occupe de ce qui se trouve entre Windsor et Québec en oubliant les régions rurales du pays.

D'un bout à l'autre du Canada, les gens tiennent beaucoup à leurs banques et nombreux sont ceux qui, comme moi, étaient très fiers de l'histoire des banques au Canada. Dernièrement, toutefois, les banques ont oublié le devoir qu'elles ont de servir les collectivités rurales du Canada.

Personne ne niera jamais que les banques donnent très généreusement à diverses manifestations artistiques, sportives et culturelles et qu'elles doivent en être félicitées, mais les petites localités de tout le Canada ont besoin de la présence de banques dans leur sein.

Beaucoup de personnes âgées et handicapées, notamment, ont beaucoup de mal à avoir accès à des services bancaires. Certaines personnes n'ont pas les moyens technologiques ni financiers de s'offrir des services informatisés à la maison. La majorité des Canadiens n'ont toujours pas d'ordinateur à la maison. Beaucoup de gens se méfient grandement des guichets automatiques. Dans certains cas, les services de guichet automatique offerts à la majorité des gens sont restreints.

De plus, notre parti s'inquiète beaucoup des pouvoirs que confère cette mesure à un individu au Parlement, ou au Cabinet dans ce cas particulier. Comme je l'ai mentionné plus tôt, au cours de la période des questions et des observations, le ministre des Pêches et des Océans, ou le tsar des pêches comme je l'appelle, dispose de pouvoirs incroyables dans tout son ministère pour apporter des changements. Un exemple récent est celui de la décision arbitraire de transférer les quotas de 1 500 tonnes métriques de crevettes nordiques de Terre-Neuve et Labrador à l'Île-du-Prince-Édouard, sans tenir compte le moins du monde du principe de contiguïté qui s'y rattache.

Toutefois, le ministre des Finances aussi peut maintenant prendre de telles décisions et se moquer de la volonté du Parlement, voire même de la volonté que les Canadiens expriment par la voix de leurs représentants élus, en agissant à sa guise. Ce pouvoir lui serait conféré par ce projet de loi. Je trouve cela troublant.

Il est renversant de penser qu'un document de 900 pages puisse être adopté à toute vapeur à la Chambre. Un document de 900 pages devrait au moins faire l'objet d'un examen attentif et approfondi. La durée de cet examen ne devrait pas être limitée. Rédigé dans une langue simple et claire, le document devrait être mis à la disposition de tous pour que les Canadiens comprennent bien ce qu'il signifie dans la vie pratique.

Le député de Regina—Qu'Appelle, qui l'a étudié assez attentivement, a fait part d'inquiétudes très graves sur l'absence d'investissement de la communauté, sur le fait qu'une banque en particulier, la Banque Nationale par exemple, puisse vraiment être absorbée et déménagée aux États-Unis. Ce sont des craintes très sérieuses, non seulement pour le Québec, mais pour d'autres régions canadiennes aussi.

Tout cela aboutira finalement à la mainmise américaine ou étrangère sur nos institutions financières. Je suis d'avis que la plupart des Canadiens craindraient cela, en fait.

L'hon. Lorne Nystrom (Regina—Qu'Appelle, NPD): Monsieur le Président, un élément du projet de loi dont nous sommes saisis aujourd'hui m'inquiète vraiment et c'est la modification apportée à la règle sur l'actionnaire important. Le gouvernement propose maintenant de relever le seuil de 10 p. 100 définissant l'actionnaire important à 20 p. 100 dans le cas des actions avec droit de vote et à 30 p. 100 dans le cas des actions sans droit de vote.

Nous avons déjà vendu ou cédé une si grande part de notre pays qu'il me semble que si nous modifions cette règle, nous encouragerions une plus grande concentration et une propriété étrangère accrue dans le secteur bancaire. Un ou deux milliardaires pourraient essentiellement contrôler une grande banque nationale.

Au cours des derniers jours, j'ai parlé à quelques personnes dans ma ville, Regina, et elles craignent aussi de perdre l'une des dernières industries qui contrôlent vraiment le pays.

Il y a eu tellement de changements depuis l'accord de libre-échange. C'est l'un des rares secteurs qui nous restent. L'autre point qui m'inquiète c'est le traitement différent que le gouvernement propose pour les banques moyennes et les grandes banques. Un étranger, une institution ou un particulier très riche pourrait acheter jusqu'à 20 p. 100 des actions d'une grande banque. Dans le cas d'une banque moyenne, dont l'avoir se situe entre un et cinq milliards de dollars, une seule personne pourrait acheter 65 p. 100 des actions. Autrement dit, la Chase Manhattan Bank ou un particulier quelconque pourrait acheter la Banque Nationale au Québec. On constaterait soudainement que cette banque n'existerait plus, qu'elle aurait quitté la province et le pays. Son siège social étant déménagé ailleurs, les emplois disparaîtraient. Nous pourrions ainsi perdre une partie importante de notre pays.

 

. 1820 + -

J'aimerais demander à notre collègue de la Nouvelle-Écosse s'il partage ces points de vue. Ce sont vraiment deux questions différentes en ce qui concerne le relèvement du seuil et en ce qui concerne le traitement différent des trois banques de taille moyenne. Ce n'est pas seulement la Banque Nationale, mais encore la Banque Laurentienne et la Bank of Western Canada.

Pour une plus petite banque, à savoir une banque ayant un capital-actions de moins d'un milliard de dollars, il n'y a aucune restriction. Les petites banques peuvent appartenir à n'importe qui, à des intérêts canadiens ou étrangers. Il y a également une différence à cet égard.

Telles sont mes préoccupations relativement à la règle de propriété élargie et à la perte d'une particularité que nous avions en tant que Canadiens, d'une mesure que nous avions adoptée et qui nous a été assez profitable au fil des ans. Je crains qu'en raison de l'absence de débat à la Chambre sur cette question il ne soit difficile de mobiliser l'opinion publique afin qu'elle exerce des pressions sur le gouvernement.

Les députés libéraux ne participent même pas à ce débat. Le ministre a parlé pendant douze minutes, et c'est tout. L'opposition officielle a désigné un de ses membres, qui n'a parlé que pendant quelques minutes, et c'est tout. Ils ne posent pas de questions et ne font pas d'observations alors qu'il s'agit d'une très importante question.

C'est un projet de loi de 900 pages, un projet de loi qui modifiera une foule d'autres lois. Ces 900 pages se traduiront par 4 000 pages de modifications qui seront apportées à d'autres lois. Une bonne partie de ces modifications seront apportées par décrets, par protocoles d'entente et par l'adoption de lignes directrices. Le ministre disposera d'énormes pouvoirs qui feront de lui le tsar des banques du Canada.

Telles sont les préoccupations de la plupart d'entre nous. J'espère que nous pouvons entraîner des députés d'en face dans le débat. C'est une question très importante. Ils ont beaucoup parlé durant la campagne de fusion bancaire en 1998-1999 à propos du changement des règles et du renforcement des pouvoirs du Parlement, et de l'affaiblissement de ceux des fonctionnaires et du ministre. Nous avons maintenant la chance de le faire. Tous doivent prendre part à ce débat.

M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, comme je l'ai déjà dit, je crois que nous nous engageons ici sur une pente très glissante qui débouchera bientôt sur la domination étrangère de nos institutions bancaires et qui entraînera une reprise des pourparlers sur les fusions bancaires. De leur propre aveu, les banques disent que, si elles pouvaient procéder à des fusions, des milliers de Canadiens perdraient leur emploi et des milliers de succursales fermeraient leurs portes partout au Canada. Au bout du compte, je pense que, comme c'est le cas pour bien d'autres institutions de notre pays, nous perdrons la mainmise sur ces institutions et qu'elles passeront sous la domination étrangère ou américaine.

Je m'étonne que l'Alliance canadienne et le Parti libéral du Canada refusent de débattre de la question. Habituellement, lorsqu'ils refusent de débattre d'une question, cela veut dire qu'ils essaient de cacher quelque chose ou de passer en douce quelque chose aux Canadiens. Je trouve dégoûtant qu'ils refusent simplement d'amorcer un débat sur cette question très importante pour les Canadiens.

M. Rob Anders (Calgary-Ouest, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais savoir ce que le député pense des réductions d'impôt, des baisses d'impôt importantes, des réductions qui permettraient à chaque famille canadienne de payer moins d'impôt?

Le vice-président: Le député de Sackville—Musquodoboit Valley—Eastern Shore a la parole. Je suis sûr qu'il parle des réductions d'impôt qui découlent du projet de loi C-38.

M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je sais que nous avons ici changé de sujet, mais je ne crois pas qu'il y ait un seul Canadien dans notre pays qui estime ne pas payer trop d'impôt. Les Canadiens veulent aussi que le gouvernement leur rende compte de l'utilisation des deniers publics qu'ils versent à Ottawa et, malheureusement, cela n'améliore pas la situation actuellement.

C'est bien d'envisager des réductions d'impôt, mais si celles-ci entraînent une multiplication des frais d'utilisation, nous avons encore plus de réserves à cet égard. Comme je l'ai dit à maintes occasions à la Chambre, nous devons tenir un débat public exhaustif sur l'imposition dans notre pays à tous les paliers, aux niveaux municipal, provincial, territorial et fédéral. Nous devons aussi tenir un débat exhaustif sur les programmes que les Canadiens souhaitent, sur ce qu'ils sont prêts à payer et sur l'obligation de rendre compte des parlementaires qui dépensent les fonds publics durement gagnés par les contribuables.

 

. 1825 + -

L'hon. Lorne Nystrom: Monsieur le Président, il est plutôt étonnant que l'on ne voie personne de l'opposition officielle participer pleinement au débat. Bien sûr, une brève question vient d'être posée, mais elle portait à vrai dire sur un autre sujet. Je me demande si cette abstention a quelque chose à voir avec le banquet que l'Alliance canadienne est sur le point de donner à Toronto. Les tables sont vendues 25 000 $ aux riches Canadiens, ce qui montre bien que ce parti s'est beaucoup éloigné des citoyens ordinaires, des citoyens de la base. Je me demande si cela pourrait se répercuter sur les députés et influencer leur décision de prendre part ou pas à un débat sur les banques puisqu'il y aura certainement des banquiers à ce banquet à 25 000 $ la table. Il n'y aura pas de gens ordinaires de l'est de Calgary ou du nord de Regina. Il y aura cependant des riches de Bay Street et beaucoup de convives proviendront du milieu des banques.

J'ai également constaté que les profits de quelques-unes de nos grandes banques ont beaucoup augmenté ces dernières années. Si, par exemple, nous remontons à 1992, les profits des six grandes banques s'établissaient à 1,8 milliard de dollars. En 1994, ils étaient de 4,3 milliards. En 1997, ils se chiffraient à 7,6 milliards pour finalement atteindre les 9,2 milliards en 1999. Avec tout cet argent, je suis convaincu qu'il y aura des banquiers qui réserveront des tables à 25 000 $.

J'arrive maintenant à la question des allégements d'impôt consentis aux riches et aux millionnaires. Quelqu'un a déclaré à la Chambre aujourd'hui que le taux d'imposition unique de 17 p. 100 promis par l'Alliance canadienne représenterait une réduction d'impôt de 130 000 $ par année pour un contribuable gagnant un million de dollars par année.

C'est toute une métamorphose pour un parti qui était à ses débuts un parti de la base. Il est maintenant un parti de Bay Street, un parti de la grande entreprise, des riches et des privilégiés. Je me demande si c'est pour cela que les députés de ce parti s'abstiennent de prendre part au débat.

M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, je répondrai rapidement à cette question par une autre question. Combien de membres individuels du Parti de l'Alliance auront en fait les moyens de s'offrir le dîner? Je doute fort que beaucoup d'entre eux soient présents.

M. Roy Bailey (Souris—Moose Mountain, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai suivi les diverses interventions faites aujourd'hui au sujet du projet de loi C-38. J'aimerais poser quelques questions avant que l'heure ne soit écoulée.

Le Canada a un système bancaire on ne peut plus sain. Non, je n'ai pas d'actions dans les banques, mais le Canada possède un système bancaire qu'envie le monde entier. Je me demande ce que pensent les Canadiens qui suivent ce débat aujourd'hui.

Les députés disent que les banques devraient être tenues de maintenir leurs opérations. Le gouvernement obligerait-il le Dairy Queen à maintenir ses activités dans une ville en train s'écrouler économiquement? Des gens disent que les banques sont des institutions terribles parce qu'elles facturent des frais pour leurs services. Certains disent à la Chambre qu'il n'y a pas de concurrence. Il y a aujourd'hui, dans l'industrie bancaire, plus de concurrence qu'il n'y a eu dans toute l'histoire du Canada. Il y a plus de concurrence dans tous les secteurs.

Au lieu de ressasser des interventions faites en 1955, voire avant, sur la façon de nationaliser l'industrie bancaire au Canada, nous devrions reconnaître que les institutions qui font concurrence aux banques sont des institutions valables.

Pourquoi les députés tiennent-ils à dresser un tableau aussi négatif de nos institutions bancaires, non seulement aux investisseurs, mais aussi à l'ensemble des Canadiens? C'est le message qu'ils adressent et j'ai honte, en tant que Canadien, de devoir écouter toutes ces sornettes voulant que notre système bancaire, célèbre dans le monde, soit terrible.

M. Peter Stoffer: Monsieur le Président, personne de ce coté-ci de la Chambre, à ce que je sache, n'a parlé de nationaliser les banques. Et, à ma connaissance, personne de ce coté-ci de la Chambre a dit qu'elles étaient mauvaises.

Le député a raison. Nos banques excitent l'envie de tout le monde. Elles sont très rentables et les collectivités de River John, en Nouvelle-Écosse, et de Fredericton, au Nouveau-Brunswick, sont très préoccupées par la fermeture de leurs banques.

On n'exige pas qu'elles fournissent ce service. Elles font des milliards et des milliards de dollars de profits. On croyait que les banques avaient encore assez d'esprit communautaire pour servir les Canadiens. En y réfléchissant bien, je pense que c'est un autre signe de l'arrogance que manifeste le gouvernement envers la Chambre et le processus démocratique.


DÉBAT D'URGENCE

 

. 1830 + -

[Traduction]

LE CRIME ORGANISÉ

Le vice-président: Comme il est 18 h 30, aux termes de l'ordre adopté plus tôt aujourd'hui, la Chambre passe maintenant à l'étude d'une motion d'ajournement en vue de la discussion d'une affaire importante dont l'étude s'impose d'urgence, soit le crime organisé.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC) propose:  

    Que la Chambre s'ajourne maintenant.

[Français]

—Monsieur le Président, le sujet dont il est question ce soir est très important, c'est évident.

[Traduction]

Comme vous l'avez expliqué, monsieur le Président, ce débat d'urgence a lieu en raison d'une situation qui existe depuis des mois, des années, et qui va en empirant. C'est une situation qui revêt une importance critique pour notre pays. Le crime organisé s'enracine plus profondément chaque jour dans diverses localités du pays.

C'est certainement quelque chose qui n'est pas limité à une seule province. On pourrait dire que la présence du crime organisé et des gangs établis se fait sentir de façon plus aiguë au Québec, ce qui pourrait être dû en partie au fait qu'ils ont établi leur quartier général dans cette province et que cela fait longtemps qu'ils s'y livrent aux diverses activités odieuses qui sont les leurs. Quoi qu'il en soit, ils sont en train d'étendre leurs tentacules. Tel un fléau, ils gagnent l'ensemble du pays.

Le crime organisé n'a rien de nouveau au Canada, mais il est en train de prendre des formes de plus en plus subtiles. Il est en train de devenir de plus en plus varié, comme une industrie qui se diversifie. Le crime organisé est autant un problème dans les régions rurales du Canada que dans les villes.

En guise d'introduction, j'aimerais dire que c'est une question qui transcende les partis. Ce n'est pas une question dont on veut se servir pour marquer des points politiques. C'est une question sur laquelle nous devrions faire front commun. Mais qui plus est, en cet endroit, c'est une question que, ensemble, nous devrions nous efforcer de résoudre; nous devrions au moins discuter de la manière d'y parvenir de façon civile.

Pour reprendre une vielle chanson de Neil Young intitulée Rust Never Sleeps, le crime ne s'arrête jamais. C'est une chose qui se produit nuit et jour d'un bout à l'autre du pays. Ça n'arrête pas. Le crime frappe à tort et à travers. Il touche les communautés peut-être moins fortunées, moins riches. Il s'en prend aux faibles. Il a recours à l'intimidation. Il est insidieux dans son approche.

En votre qualité de représentant du district de Kingston, je sais que la question saura vous intéresser, monsieur le Président. La région connaissant une recrudescence des guerres intestines qui opposent différentes bandes de motards et hébergeant un grand nombre d'établissements carcéraux canadiens, elle constitue un lieu de prédilection pour le crime organisé. Les détenus relâchés se retrouvent souvent sous la coupe du crime organisé qui les attend à bras ouverts.

Samedi dernier, plus de 70 bandes de motards, dont plusieurs dizaines des Rock Machine, se sont retrouvées à London, en Ontario, à l'occasion d'un rassemblement annuel de gangs de motards criminalisés qui avait pour objet de leur permettre de nouer de nouveaux liens. Tout comme les entreprises, elles fusionnent et se prêtent mutuellement main forte pour se faire des alliés, en l'occurrence dans le cadre de la guerre menée aux Hell's Angels, grossir leurs rangs et obtenir la part du lion des activités criminelles en cours. Dans le contexte de cette guerre qui fait rage et les oppose aux Rock Machine, les Hell's Angels envisagent de s'emparer du commerce des drogues illicites, du secteur des divertissements pour adultes et des activités de racket et d'extorsion.

Le problème est manifeste. Les gens ne se sentent plus en sécurité dans leur communauté. Ils ont l'impression que la police se contente essentiellement d'exercer une surveillance, sans avoir les moyens d'intervenir et de frapper au coeur du problème. Nous devons cette situation à un manque de moyens, à mon sens. L'écueil des services de police en la matière tient à un manque de moyens, de ressources financières, pour concurrencer le crime organisé à armes égales. Ces services n'ont pas non plus les pouvoirs législatifs voulus, qu'ils réclament d'ailleurs à cor et à cri. Ils veulent pouvoir obtenir les mandats qui leur permettront de mener des actions rapides. Dans la plupart des cas, les forces policières sont confrontées à des situations délicates nécessitant une intervention rapide, à la fois prudente et musclée. Nos corps policiers ont des ressources limitées.

 

. 1835 + -

Pour sa part, le crime organisé n'a pas à respecter les limites de la loi. Il n'a pas à suivre certaines procédures établies. Il n'a pas à obtenir un mandat ni à s'assurer que certains recours juridiques seront offerts. C'est très bien. Nous acceptons tous le fait que les corps policiers doivent respecter la primauté du droit, mais ils sont gênés dans leurs efforts. Ils ne luttent pas à armes égales avec le crime organisé qu'ils cherchent à faire disparaître.

Au Québec, au cours des derniers jours et des derniers mois, des journalistes qui ont exposé ce problème sont devenus des cibles directes et des victimes d'attaques et de tentatives d'assassinat. On assiste à une escalade dangereuse au Canada. C'est un phénomène dont nous devrions certes discuter dans cette enceinte pour trouver des solutions, des moyens, si possible, pour faire face à cette situation.

Il y a deux semaines, le ministre Serge Ménard, du Québec, a exhorté le gouvernement fédéral à envisager le recours à la disposition d'exemption relativement à l'appartenance à des bandes comme les Hell's Angels et les Rock Machine. Alors qu'on discutait de ce scénario, Michel Auger a reçu cinq projectiles dans le dos pour avoir justement écrit là-dessus. Nous ignorons quels sont les auteurs de ce crime, mais le moment choisi nous amène certes à croire que cela était relié à ces articles qu'il avait choisi d'écrire sur le sujet.

Les bandes criminelles sont présentes dans pratiquement toutes les provinces et le crime organisé a infiltré pratiquement tous les secteurs de notre société. Récemment, nous avons vu des réseaux de contrebande se manifester avec une fréquence alarmante sur la côte ouest. Les triades chinoises ou les groupes chinois de passeurs d'immigrants clandestins sont de plus en plus présents et se livrent de plus en plus au grand jour à ce trafic d'êtres humains.

C'est déshumanisant et cela constitue une menace aux fondements mêmes de la démocratie. Pourtant, les corps policiers, notre service interne de sécurité, se sentent gênés dans leurs efforts pour lutter contre cette menace. Il est évident que cela ne se limite pas à un élément du crime organisé. Nous connaissons l'existence des groupes habituels du type mafia. On rapporte de plus en plus que des pays du bloc de l'Est, en particulier l'Union soviétique, se sont taillé un marché en Amérique du Nord. La police les considère comme une réelle menace en raison de la cruauté dont ils font preuve. Les forces policières craignent aussi les triades chinoises dont j'ai parlé. Des éléments du crime organisé sont présents aux quatre coins du pays.

Dans ma propre circonscription, celle d'Antigonish, nous avons vu arriver des gangs de motards qui deviennent très apparents. En Saskatchewan, de nouvelles sections des Hell's Angels ont été mises sur pied. C'est partout. La même chose est vraie au Manitoba et en Ontario.

La guerre des drogues se déroule souvent dans les rues des collectivités. Des innocents sont souvent atteints par des projectiles. Ce sont souvent des innocents qui deviennent les victimes des bombes posées par les criminels pour intimider l'autre gang, y mettre fin ou l'infiltrer.

Même lorsque des membres du crime organisé sont arrêtés et se retrouvent en prison, ils continuent de recruter, d'organiser activement la criminalité et de communiquer entre eux. Par exemple, mercredi dernier, le 13 septembre, après avoir utilisé un téléphone cellulaire pour importer de la drogue de Colombie au Canada, un détenu du pénitencier de Millhaven purgeant une peine de 17 ans a été de nouveau accusé d'infraction à la loi sur les stupéfiants, d'une infraction relative à des armes et de conspiration visant à s'échapper.

C'est navrant de constater que les gangs de criminels défient ouvertement la loi. Nous devons aussi nous attaquer au recrutement auquel les gangs procèdent. Les activités criminelles font souvent l'objet de marchés. On implique des aspirants criminels en leur promettant une récompense s'ils soumissionnent et participent au trafic de la drogue, à la prostitution et à des actes de violence, afin de gagner la faveur des maîtres du crime organisé. Cela se produit de plus en plus fréquemment.

 

. 1840 + -

Des criminels recrutent des jeunes pour commettre leurs crimes. Cela se produit. C'est indéniable. C'est une situation que le gouvernement lui-même doit combattre plus activement.

Je sais que le solliciteur général et la ministre de la Justice interviendront sur cette question. La ministre de la Justice soulignera avec raison que le gouvernement présente des mesures législatives et l'on s'en réjouit. Ces mesures sont bien accueillies dans la collectivité. Cependant, la plupart du temps, le gouvernement parle à maintes reprises des montants qu'il affecte au système du CIPC et des chèques qu'il a envoyés récemment à la GRC, bien qu'ils soient postdatés. L'argent ne sera pas disponible avant des années.

Or, c'est maintenant qu'il faut de l'argent. Des mesures législatives doivent être adoptées sans tarder, parce que la criminalité pénètre insidieusement toutes les couches de la société. En faisant des annonces à la Chambre et à la tribune des journalistes, comme il a tendance à le faire, alors qu'on sait qu'en fait il n'y a aucune affectation de fonds, le gouvernement ne fait qu'encourager le crime organisé. Il n'y a que des ressources fantômes.

On entend maintes et maintes fois parler des priorités du gouvernement. Sa première priorité était les soins de santé. Ensuite, le ministre de la Défense a dit que la pénurie d'hélicoptères constituait la plus haute priorité. Nous avons entendu dire aujourd'hui que le crime organisé constituait la plus haute priorité. Les priorités changent comme les sables du Sahara. Elles changent peut-être comme les sables des fosses où le premier ministre aime jouer au golf.

Ce débat n'aidera pas à résoudre le problème. Il n'aidera pas à combler le manque de ressources policières et l'absence d'initiatives législatives qui s'imposent pour que la police puisse s'attaquer au problème et s'engager dans la guerre contre les activités criminelles et les gangs au Canada.

Nous avons actuellement un comité dont je suis fier de dire que je suis membre. Le Comité de la justice a pour mandat, à l'initiative du Bloc et avec l'appui de tous les députés, d'examiner ce problème en détail, et nous le ferons en détail. Il y a beaucoup à examiner. La question est très complexe et très sérieuse. On ne saurait la minimiser, comme certains députés voudraient le faire.

Nous devons nous attaquer aux sources du crime organisé. Nous devons endiguer le flot de ressources à la disposition des criminels, ce qui peut nécessiter la présentation d'une mesure législative plus rigoureuse à l'égard des produits de la criminalité, initiative qui, je le sais, est actuellement en oeuvre. Nous pouvons faire davantage. Nous pouvons toujours faire davantage lorsque le problème est aussi criant et manifeste qu'il l'est aujourd'hui. Une partie de la solution consiste certes à tenir un débat ici, mais nous espérons voir des exemples concrets des mesures que prendra le gouvernement d'une manière responsable. Nous espérons qu'il présentera une mesure législative concrète, au lieu du parler du problème à la Chambre et devant la presse.

Il faut agir. Il faut montrer aux Canadiens que cette assemblée peut travailler efficacement et en temps opportun. Nous devons agir afin que tous les Canadiens constatent que leur gouvernement appuie les policiers et les tribunaux dans leurs efforts en vue d'éradiquer le crime organisé.

Le commissaire de la GRC, qui possède une longue expérience dans la lutte au crime organisé sur le terrain, aura peut-être, plus que tout autre au sein de son organisation, une connaissance directe de la situation et il comprendra peut-être mieux à quel point c'est grave. À preuve, il nous a servi un avertissement dès sa première semaine en poste. Il nous a interpellés. Il a expliqué à quel point la situation s'est envenimée. Il a parlé très sérieusement. Nous avons reçu un avertissement qui devrait nous faire réfléchir. Il nous dit que le milieu du crime organisé est prêt à acheter des parlementaires.

J'ai écouté attentivement la discussion sur la collecte de fonds qui se déroule présentement au pays et sur la méthode qu'emploient souvent les partis politiques pour chercher à se procurer du financement. C'est une pratique acceptée; c'est toujours ainsi que nous avons procédé. Or, lorsque les partis se vendent aux enchères en organisant des activités de financement à fort prix, des dîners à 25 000 $, ils prêtent le flanc naïvement, ils se placent en position de vulnérabilité, ils s'exposent à être soudoyés exactement comme le disait le commissaire Zaccardelli en nous mettant en garde.

 

. 1845 + -

On peut acheter pas mal d'influence avec 25 000 $. Pourquoi des membres du crime organisé ne voudraient-ils pas s'y essayer? Ils en ont certes les moyens. Ils disposent certes des ressources qu'il faut et ils sont prêts à le faire. Ils ont essayé de le faire autrement.

Le crime organisé existe. Il mine constamment le tissu social et moral de la collectivité. Il s'y emploie tous les jours. Il sort de l'ombre. Il n'est pas dans les ruelles. Il n'est plus dans les hôtels mieux. Il travaille au grand jour. Sur Internet. Chez des gens que nous connaissons peut-être.

Dieu fasse qu'il n'arrive jamais à se glisser dans l'enceinte même de la démocratie. Mais c'est ce dont parle le commissaire. Il fait savoir que les parlementaires sont tout aussi vulnérables que les autres Canadiens. C'est parfois cet élément subtil qu'est l'intimidation dont le crime organisé aime à se servir. Cela fait nettement partie de ses tactiques.

Il faut agir vite. Plus important encore, on ne peut pas reculer sur cette question, essayer de l'enterrer, de l'oublier ni prétendre qu'elle n'est pas vraiment importante. Le crime organisé s'étend.

J'ai dit que toutes sortes d'éléments se font la lutte pour obtenir une part de son marché. Nous avons besoin non pas d'autres paroles creuses, mais bien de solutions. Il nous faut trouver des moyens concrets et bien réels de régler la situation. Les belles promesses ou les chèques postdatés n'y feront rien. Il nous faut parler des priorités, reconnaître que ceci est une priorité.

Je ne veux en rien diminuer l'importance ni le sérieux de la question, mais le temps est certes venu d'agir. J'espère qu'à la suite de ce débat, les députés de l'opposition, certes, mais surtout le gouvernement prendront des mesures concrètes. La GRC reconnaît l'existence de ce problème. Les corps policiers municipaux, qui font certainement leur large part pour ce qui est de maintenir l'ordre dans les localités rurales du Canada, en sont conscients. Ils soulèvent constamment ce problème.

Pour avoir assisté à la conférence qui a eu lieu récemment, la ministre sait sûrement que les ministres des provinces souhaitent la collaboration du gouvernement fédéral. Ils veulent que le gouvernement fédéral fasse preuve de leadership et adopte des mesures susceptibles de les aider.

Le Code criminel relève exclusivement de la compétence du gouvernement fédéral, et c'est là que réside une partie de la solution. C'est notamment à ce niveau qu'il faut amorcer les changements, que ce soit en modifiant les dispositions sur les produits de la criminalité qui concernent le crime organisé ou en donnant aux autorités policières davantage de latitude pour obtenir des mandats, pour entrer dans un local et pour travailler efficacement de manière à pouvoir s'attaquer à la source au crime organisé.

Le recrutement est en train de devenir un problème plus grave. Nous devrons peut-être rédiger des dispositions législatives tout à fait nouvelles qui traiteront expressément de cet aspect du recrutement. L'idée qui a été proposée et dont on a déjà discuté dans une certaine mesure, c'est celle de rendre illégale l'appartenance à ces organisations criminelles. Je sais que ceux qui sont enclins à défendre la protection des libertés civiles ont des raisons légitimes de s'inquiéter de la façon dont nous nous y prendrons pour faire cela efficacement. Évidemment, une partie de la solution réside dans la définition même de ce qu'englobe le crime organisé. Quelle sera la teneur de cette définition?

Le fait de porter les couleurs qui traduisent l'appartenance à une organisation criminelle est tout simplement inacceptable. Autrement dit, il est inacceptable d'afficher devant les autorités les couleurs d'une organisation du crime organisé. Nous devons prendre des mesures énergiques qui montrent que non seulement nous ne sommes pas intimidés, mais que nous riposterons et que nous agirons de manière davantage proactive au lieu de simplement réagir.

Nous avons vu cela aux États-Unis. Je ne veux pas toujours citer les États-Unis en exemple, mais ils ont affecté assez de ressources pour contribuer à la résolution du problème à la source. Le démantèlement de la garde côtière et de la police des ports par le gouvernement a marqué l'ouverture des activités dans les ports. Cette mesure a signalé au crime organisé que nous ne pouvons plus contrôler l'entrée de matériel de contrebande au pays. Cette situation a causé toutes sortes de problèmes à la police locale et à la GRC parce que l'une et l'autre n'ont tout simplement pas la capacité de surveiller les activités de ces ports.

Il y a d'autres exemples manifestes de cas où les ressources ont été réduites, et où la police est restée avec le sentiment de faire du sur place.

 

. 1850 + -

Le gouvernement a la possibilité de faire un pas en avant, d'accroître sa participation et de faire preuve de leadership, de faire preuve d'initiative et d'accorder à la police l'aide et le soutien voulus en mettant à sa disposition les ressources et les mesures législatives qu'elle réclame à grands cris.

Il peut y avoir aujourd'hui une manifestation en ce sens. J'espère que la ministre ne se contentera pas aujourd'hui des belles paroles habituelles et d'un exposé sur ce qui a déjà été fait. Parlons de façon proactive des mesures que nous pouvons adopter pour aider nos services de police et faire disparaître le doute voulant que nous perdions du terrain, et que le crime organisé est une menace de plus en plus grande.

Nous devons agir en ce sens, de façon non partisane. À mon avis, nous constaterons que tous les députés veulent que le gouvernement fasse de cet objectif un engagement et une priorité. Si les libéraux ont l'intention de déclencher des élections, peut-être cela en sera-t-il un thème. Agissons pendant que nous en avons l'occasion.

C'est un scénario de vie et de mort. Je sais que c'est un commentaire qui revient toujours, qu'il s'agisse de la santé, de l'environnement ou de la justice. C'est une question qui touche la vie des gens du pays au moment même où nous en parlons. Outre le fait que nous avons une responsabilité et un mandat d'agir dans cette affaire, nous avons aussi une obligation tout à fait indéniable envers les Canadiens d'intervenir immédiatement, rapidement et en temps opportun, pour reprendre les propos de la ministre, et d'agir de façon claire et décisive.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, je félicite le député d'en face pour ses excellentes remarques. Je ferai cependant remarquer qu'il s'est concentré principalement sur les efforts en vue d'améliorer le maintien de l'ordre et que ses remarques s'adressaient à la ministre de la Justice et au solliciteur général.

J'aurais pensé que la solution pour venir à bout du problème du crime organisé était, et le député y a fait allusion, de s'attaquer aux profits du crime organisé. J'aimerais attirer l'attention du député sur le fait qu'il y a des années que je fais campagne à la Chambre pour obtenir que le gouvernement rédige une mesure législative qui obligerait les oeuvres de bienfaisance et les organismes à but non lucratif à rendre compte publiquement de la provenance et de l'utilisation de leurs fonds.

Les forces de police internationales se sont plaintes auprès du solliciteur général du fait que le Canada était devenu le centre mondial du blanchiment d'argent, du blanchiment des profits du crime organisé sans parler de l'argent collecté pour le compte des conflits ethniques et des terroristes à l'étranger. Le député n'est-il pas en faveur de faire pression sur le gouvernement afin qu'il prenne des mesures positives en obligeant les oeuvres de bienfaisance et les organismes à but non lucratif à rendre des comptes sur la provenance de leurs fonds et à être plus transparentes? Le député se rend-il compte par exemple que les organismes à but non lucratif ne sont tenus de divulguer aucun renseignement? Même les déclarations de renseignements financiers que ces organismes font au gouvernement ne sont pas accessibles au public, encore moins aux journalistes et aux députés.

Deuxièmement, je voudrais attirer l'attention du député d'en face sur un autre aspect. Je profite de la présence de la ministre de la Justice et du solliciteur général, qui s'intéressent beaucoup à ce débat tous les deux. L'autre jour, j'ai reçu à mon bureau de circonscription une personne qui s'occupe d'import-export. Cet homme avait eu connaissance que 16 conteneurs avaient quitté le Canada pour la Jamaïque sans faire l'objet de la moindre inspection.

Le député d'en face a dit que les autorités policières avaient du mal à inspecter les livraisons qui arrivent au Canada en fraude, mais sait-il qu'il n'y a presque aucune inspection des livraisons qui quittent le pays et qu'il est très facile au Canada d'expédier à peu près n'importe quoi n'importe où dans le monde?

Si nous allions au Nigeria aujourd'hui, nous verrions des véhicules volés qui portent encore la marque du concessionnaire sur les plaques minéralogiques. On n'y change même pas les plaques, une fois qu'un véhicule a été volé et expédié dans un pays d'Afrique.

Le député voudrait-il commenter? Ne sommes-nous pas dans une situation où il ne suffit plus de limiter le droit d'association ni d'augmenter le nombre de policiers, ce qui est bien entendu la solution favorite de l'Alliance canadienne? Augmenter le nombre de policiers n'est pas une panacée. Les parlementaires ne devraient-ils pas insister pour que toutes les organisations qui expédient de l'argent soient transparentes et rendent des comptes au grand public?

 

. 1855 + -

M. Peter MacKay: Monsieur le Président, je remercie le député d'en face de sa question et de son commentaire. Je sais que c'est une question qui lui tient très à coeur. Je conviens que ce n'est pas une question facile à résoudre. Elle comporte plusieurs aspects et plusieurs niveaux.

Le député a raison de dire, comme il l'a fait dans la dernière partie de son discours, qu'il y a beaucoup d'exportations en provenance de ce pays. En tant que procureur de la Couronne, j'étais très au courant du nombre de véhicules qui étaient volés et envoyés à l'étranger, en Europe plus précisément, des voitures très coûteuses qui étaient acheminés vers les ports, chargées à bord de navires et disparaissaient ainsi.

Voilà qui illustre bien la nécessité d'une coopération internationale, comme le député n'est pas sans le savoir. La transparence et le contrôle de l'argent et des ressources dont disposent les gens qui se livrent à ce genre d'activité, voilà ce qui s'impose.

J'ai ce dossier très à coeur et je suis très encouragé par ce que son porte-parole a dit au sujet des manquements des ministériels à cet égard. Ils ont tous les moyens pour ce faire. Cette responsabilité incombe au gouvernement. Ils ont en main les dispositions législatives nécessaires pour remédier à ces cas.

C'est ainsi qu'aux États-Unis il y a les dispositions dites RICO, qui concernent les organisations corrompues et impliquées dans des rackets. Voilà exactement le genre de législation dont a besoin notre pays. Cela, j'en suis sûr, la ministre le sait très bien. Elle en a entendu beaucoup parlé et a probablement beaucoup lu là-dessus. Je suis heureux de constater que le solliciteur général et la ministre de la Justice sont ici, prêts à prendre part au débat. Nous sommes impatients de prendre connaissance des initiatives dont ils comptent nous faire part.

À propos de cette coopération internationale qu'il nous faudra favoriser, on ne nous dira certainement pas qu'il faudra avoir recours à un système informatisé auquel il sera possible d'accéder, comme ce fut le cas cet été quand on a laissé ouverte une porte dérobée par laquelle même nos alliés ont pu pénétrer et découvrir les stratagèmes que nous avions retenus pour faire échec au crime organisé. J'ose espérer que l'on ne nous servira pas cette solution.

Partager l'information est une chose. Mais c'en est une autre que de laisser la porte ouverte pour que tout le monde, y compris les membres du crimes organisé, et tous ceux qui s'adonnent à ce type d'activité fort complexe par ailleurs et nécessitant une technologie de pointe, découvre les actions projetées par le gouvernement avant que celui-ci ne puisse les mener.

J'espère que des mécanismes seront mis en place pour régler ce problème qui a rendu extrêmement vulnérables nos systèmes informatiques et nous a pris au dépourvu, nous laissant dans l'embarras devant nos alliés.

Nous sommes impatients d'entendre les députés d'en face, les ministériels et tous les autres, s'exprimer sur cette question des plus graves et des plus importantes.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Alliance canadienne): Monsieur le Président, le député peut intervenir sur cette question, s'il le veut. Pendant que les libéraux soulignent que l'Alliance préconise une plus grande surveillance policière, les libéraux préfèrent dépenser des millions et des millions, voire des milliards de dollars, pour s'en prendre aux chasseurs de canard, de cerf de Virginie et de geomys. Ils jettent l'argent par les fenêtres. Voilà comment ils combattent le crime.

Ayant visité bien des endroits avec la police et constaté les difficultés avec lesquelles elle est aux prises dans bien des villes, je suis d'accord avec le député puisque j'ai vu bien des jeunes revêtus de vestes identifiables montrant qu'ils faisaient partie d'une organisation. Je considère qu'il s'agit là d'un problème qui touche les plus vulnérables de la société, à savoir nos enfants.

Je vois des provinces, comme l'Alberta, qui adoptent des lois pour lutter contre cela et pour permettre à la police d'enlever de la rue les adolescents qui se prostituent, et non pas de les arrêter, de les accuser, mais de les détenir pour tenter de les aider. Ces lois permettent d'enlever de la rue des jeunes de 12 ou 13 ans, mais un juge a déclaré que c'était inconstitutionnel. Une autre loi permettait à la police d'arrêter ces membres de groupes identifiables à des barrages policiers. Un autre juge a décidé que c'était inconstitutionnel.

Je me demande si le député se rend compte de ce qui se passe. Qu'y a-t-il de mal à permettre à la police de mettre un terme à bien des activités? La police a les mains liées à cause de lois stupides et le gouvernement dépense de l'argent en pure perte.

 

. 1900 + -

M. Peter MacKay: Monsieur le Président, même si les observations du député de Wild Rose me tiennent à coeur et que je sais qu'il se préoccupe beaucoup de cette question, je ne pense pas que nous puissions simplifier les choses en affirmant que ce sont seulement les tribunaux qui causent ou aggravent les problèmes.

Il y a certainement des cas où nous avons besoin d'un système plus simple. Nous devons parfois être en mesure d'aller droit au but lorsque le crime organisé est actif dans une collectivité et manipule le système. Il devra toujours y avoir des freins et contrepoids et c'est pourquoi j'hésiterais beaucoup à avoir rapidement recours à la bombe atomique législative, la disposition d'exemption. Cependant, elle est prévue dans notre droit à des fins bien précises. C'est comme l'épée de Damoclès. Elle devrait être brandie au-dessus de la tête des tribunaux et parfois des avocats et des juges, pour rappeler aux Canadiens que le Parlement est le pouvoir suprême lorsqu'il s'agit d'adopter ou de promulguer des mesures législatives. C'est là où la Chambre des communes entre en jeu, tout comme le Sénat, car c'est l'endroit où on établit la loi.

Je suis d'accord avec l'utilisation des rares ressources à une époque où les policiers réclament plus d'heures supplémentaires, ainsi que des progrès technologiques accrus pour ce qui est de l'utilisation d'ordinateurs et du partage de renseignements. Nous ne cessons de verser de l'argent dans ce cauchemar bureaucratique très lourd qu'est le système d'enregistrement des armes à feu, alors que nous savons très bien que cela n'aura aucun effet sur le crime organisé, que les criminels n'adhéreront pas à ce système et que les policiers ne pourront s'y fier. Non seulement la mise en place du système coûte-t-elle des centaines de millions de dollars, mais on a maintenant entrepris une campagne publicitaire poussée pour le faire accepter aux gens qui n'en veulent pas. Tout cela n'est qu'un grand stratagème tendant à désinformer les gens en prétendant qu'on va ainsi rendre nos rues plus sûres. Ce système ne va tout simplement pas fonctionner et il ne changera pas, bien entendu, tant qu'il n'y aura pas un nouveau gouvernement.

Comme dans le cas des soins de santé, on ne peut régler le problème à coups de dollars. La réponse consiste notamment à donner les faibles ressources à ceux qui en ont besoin. Des initiatives législatives et des efforts coopératifs aideront au moins à s'attaquer directement au crime organisé de façon efficace et vigoureuse.

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec la ministre de la Justice.

Premièrement, je tiens à joindre ma voix à celle de ceux qui, ces derniers jours, ont exprimé leur profonde inquiétude à l'égard de l'attentat survenu à Montréal. La police montréalaise mène actuellement une enquête, comme le veulent les parlementaires.

Nous savons que le recours à la violence et à l'intimidation par les criminels peut ébranler le système de justice pénale et d'autres institutions démocratiques. Il s'agit d'un problème avec lequel bien des pays sont aux prises et que le Canada ne tolèrera pas.

Lors d'une rencontre récente à Iqaluit, la ministre de la Justice et moi-même ainsi que nos collègues des provinces et des territoires avons confirmé que la lutte contre le crime organisé est une priorité nationale. Les ministres reconnaissent que l'intimidation à laquelle ont recours les membres du crime organisé constitue une grave préoccupation pour les Canadiens.

Comme le nouveau commissaire de la GRC l'a indiqué, personne n'est immunisé contre le crime organisé. Ce qu'il voulait clairement dire, c'est que le crime organisé nous concerne tous et que nous devons tous faire preuve de prudence.

Le crime organisé constitue la priorité de mon ministère en ce qui a trait à l'application de la loi. Il s'agit d'un problème national et international qui devient de plus en plus complexe. De façon plus importante, il s'agit d'un problème d'ordre social et communautaire au Canada.

Les conséquences de ce problème sont vastes et graves partout au pays. C'est un problème qui touche les jeunes, les familles, l'économie et notre qualité de vie en général. Le gouvernement affiche un très bon rendement au chapitre de la lutte contre le crime organisé d'un océan à l'autre.

 

. 1905 + -

Nous savons qu'il n'y a pas de solution simple et facile au problème. Il ne s'agit pas uniquement d'adopter une loi, de dégager des ressources ou d'améliorer la coordination. En fait, les trois éléments doivent entrer en jeu.

Le gouvernement fédéral a investi dans l'exécution de la loi. En 1997, nous avons créé 13 unités mixtes des produits de la criminalité au sein de la GRC. Ces unités font intervenir aussi les corps policiers provinciaux et locaux. Cela représente au cours des dernières années de nouveaux investissements totalisant 180 millions de dollars dans les services d'exécution liées aux profits de la criminalité. Jusqu'à maintenant, ces unités mixtes ont saisi plus de 140 millions de dollars de produits de la criminalité. De ce total, 70 millions de dollars proviennent de confiscations ordonnées par les tribunaux.

En avril 1999, nous avons versé 115 millions de dollars à la GRC afin qu'elle modernise le Centre d'information de la police canadienne, qui appuie les forces policières dans toutes leurs activités, y compris la lutte contre le crime organisé. En juin 1999, nous avons annoncé de nouveaux crédits de 15 millions de dollars pour permettre à la GRC d'accroître sa présence aux trois plus grands aéroports du Canada, soit Toronto, Montréal et Vancouver. Nous pouvons ainsi empêcher les membres du crime organisé de chercher à s'installer au Canada pour faire des affaires.

Encore en juin 1999, nous avons accordé 78 millions de dollars de plus sur quatre ans pour l'initiative anti-contrebande lancée en 1994 pour lutter contre la criminalité transfrontalière avec des ressources de la GRC, de Justice Canada et de Douanes Canada.

Dernière mesure, mais pas des moindres, dans le budget de cette année, la GRC a obtenu une augmentation de crédits qui représente 584 millions de dollars au cours des trois prochaines années. Bien sûr, une partie de cet argent servira à la lutte contre le crime organisé.

Le gouvernement a pris les moyens pour donner aux forces policières les outils dont elles ont besoin pour lutter contre le crime organisé. De nouvelles mesures antigang ont été adoptées en 1997 et tous les services de police et les procureurs du pays y ont recours pour lutter contre les bandes organisées. Nous savons que bon nombre des dispositions qui ont été adoptées servent abondamment et sont très utiles. Nous savons également que certaines personnes les trouvent complexes et nous consultons les services de police et les procureurs pour voir l'utilisation que l'on en fait et tenter de les améliorer.

Nous avons adopté des mesures de lutte contre le blanchiment d'argent en juin dernier avec le projet de loi C-22. Cette loi a aidé les services de police à s'attaquer aux profits de la criminalité. Nous avons également travaillé avec le public pour mettre au point des stratégies et des plans communautaires en vue de lutter plus efficacement contre les bandes criminelles.

Peut-on faire plus pour lutter contre le crime organisé? Oui, il y a d'autres choses à faire. Le crime organisé est un problème complexe qui se manifeste de bon nombre de façons. La violence et l'intimidation n'en sont que deux aspects. Deux des plus troublants aspects bien sûr. Il ne faut pas oublier non plus les répercussions qu'entraîne le commerce illégal des drogues sur nos jeunes. La violence exercée par les bandes criminelles crée de la crainte et de l'anxiété dans nos communautés. Tout cela a des répercussions sur notre économie et notre environnement.

Le trafic d'étrangers illégaux et la contrebande d'êtres humains prennent de l'ampleur à l'échelle internationale et ont des répercussions certaines sur notre pays. Les spécialistes de la fraude par télémarketing s'attaquent aux personnes âgées. Le nombre des fraudes par cartes de crédit augmente à un rythme effréné selon les renseignements que l'on obtient de l'industrie et des services de police. Le crime organisé est actif dans les vols interprovinciaux et internationaux de véhicules automobiles et cela a des conséquences directes sur nos primes d'assurance. Ce sont les honnêtes citoyens qui défraient les coûts du mode de vie des criminels organisés au pays.

La nature diversifiée du problème exige que nous traitions de la question sous divers angles. C'est ce que nous avons fait. C'est la stratégie que nous avons adoptée. Nous continuerons de le faire en travaillant à cette mesure législative, en prévoyant des mesures d'application de la loi et en travaillant de concert avec les collectivités d'un peu partout au pays.

 

. 1910 + -

Nous poursuivons la mise en place de nouvelles initiatives en collaboration avec les gouvernements provinciaux, la police et les collectivités du pays. Nous travaillons aussi en étroite collaboration avec les États-Unis et nos autres partenaires internationaux en vue de coordonner l'application de la loi et d'établir des normes communes dans le cadre d'une initiative globale de lutte contre le crime organisé.

Je tiens à souligner qu'il faut que les gouvernements du pays travaillent en collaboration. Nous faisons face à un problème national et nous devons nous y attaquer de façon coordonnée. C'est là ma principale priorité en ma qualité de solliciteur général et il me tient à coeur de veiller à ce que les mesures voulues soient adoptées.

Le public canadien est le facteur dominant dans la lutte contre le crime organisé. Il sait que les bandes de motards et autres criminels organisés ne sont pas des romantiques ou des révoltés. Les personnes qui pensent autrement se trompent tout simplement de façon grave. Les bandes et autres criminels organisés sont un cancer pour notre société. Ils exploitent les libertés que nous chérissons tant dans notre grand pays. Ils exploitent nos jeunes gens honnêtes et la qualité de vie que les Canadiens honnêtes qui travaillent d'arrache-pied cherchent à atteindre et à maintenir. Le grand public doit reconnaître que les membres des bandes et du crime organisé s'en prennent à nous tous.

Nous devons à titre collectif et individuel refuser d'accorder quelque soutien que ce soit aux bandes criminelles. Nous devons faire de la tolérance zéro notre politique. C'est donc dire que nous devons refuser d'acheter des marchandises de contrebande. Nous devons collaborer avec la police locale lorsque des problèmes se posent dans nos collectivités. Nous ne devons pas permettre aux bandes de s'installer dans nos collectivités.

La ministre de la Justice et moi avons rencontré nos homologues des provinces et territoires à Iqaluit. Ils estiment, au même titre que nous, qu'un effort coordonné s'impose sur tous les fronts, avec la GRC, les services de police provinciaux et les services de police municipaux. Ils reconnaissent certes les mérites de certaines des initiatives que nous avons adoptées, comme la création de la Banque nationale de données génétiques qui contribue de façon si importante à envoyer les criminels où ils devraient se trouver, soit derrière les barreaux.

Ma collègue la ministre de la Justice a rendu public un livre blanc sur le jugement de la Cour suprême dans l'affaire Campbell et Shirose. Nous attendons les présentations de nos collègues d'en face et de partout au pays afin de veiller à ce que nous donnions à la GRC et à d'autres forces policières du pays les outils voulus pour faire ce qu'il faut.

Je demeure fermement engagé à faire tout ce qui est en mon pouvoir, à collaborer avec les gouvernements provinciaux et les Canadiens afin de lutter contre le grave problème du crime organisé auquel nous faisons face au Québec et partout au pays.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je serai très bref. J'ai deux questions à poser. Elles demandent des réponses fort simples que j'écouterai attentivement.

Le solliciteur général a parlé d'un bilan très solide en matière de crime organisé. En ce qui concerne la loi anti-gang adoptée en 1997, il y a déjà plus de trois ans, j'aimerais demander au solliciteur général combien de condamnations ont été prononcées en vertu de cette loi. Si la réponse est supérieure à zéro, j'aimerais avoir des détails sur ces condamnations.

Deuxièmement, le solliciteur général pourrait-il expliquer l'en-tête du communiqué de presse de l'Association canadienne des policiers et policières où il est dit: «Les policiers réclament des mesures plus sévères pour contrer le crime organisé. Cessez de discuter et agissez clame l'Association canadienne des policiers et policières.» Nous n'avons pas vu de gestes concrets jusqu'à maintenant.

Pourrait-il expliquer ses commentaires lors de son point de presse et me dire combien de condamnations ont eu lieu?

L'hon. Lawrence MacAulay: Monsieur le Président, je ne sais pas combien de condamnations ont eu lieu, mais la loi en place exerce certainement un effet dissuasif sur les criminels du crime organisé et les membres de gangs. Ils savent très bien que s'ils enfreignent la loi et sont associés à un gang, ils sont passibles de peines consécutives. Ils n'ont même pas à être trouvés coupables d'un crime survenu par la suite. C'est important comme élément dissuasif pour les gangs.

 

. 1915 + -

Dans sa deuxième question, mon collègue me demande quels outils nous avons fournis aux policiers. Un événement important a lieu en ce moment et c'est la publication du livre blanc produit par mon collègue. Je me demande si mon collègue de Wild Rose, qui semble si préoccupé, a présenté des mémoires ou a formulé des suggestions quant à ce qu'il faudrait faire sur un plan très public.

La ministre de la Justice et moi-même, tout comme nos homologues à travers le pays, souhaitons prendre des mesures. Nous voulons une approche coordonnée. Les effets de galerie ici à la Chambre des communes n'aident pas ceux qui souffrent de l'impact du crime organisé. Nous devons nous assurer que nous n'allons pas simplement donner un spectacle. Nous devons adopter les lois requises pour combattre le crime organisé au pays et c'est ce que nous allons faire.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, c'était là une réponse merveilleuse de la part du solliciteur général. Il y a cependant une chose que je ne réussis pas à concilier à partir de ces observations et de celles qu'il a faites plus tôt: si le gouvernement en a tant fait et a présenté tant de projets de loi et a tant donné à la police pour les aider, comment se fait-il que le crime organisé augmente toujours? Pourquoi empire-t-il, comme il l'a reconnu dans son intervention? Cela ne colle pas.

Je veux faire porter ma question sur un aspect très précis de ses responsabilités de solliciteur général. Nous savons qu'il est survenu un certain nombre d'incidents graves dans les limites actuelles. En 1997, les gardiens de prison Diane Lavigne et Pierre Rondeau ont été abattus lors d'attaques et d'embuscades distinctes attribuées aux Hell's Angels. La semaine dernière, après la fusillade du mois d'août, un gardien de prison du Québec a été abattu alors qu'il se rendait à son travail en voiture.

J'aimerais que le solliciteur général me dise une chose. Que fait-il précisément pour protéger ses gardiens de prison? Je fais allusion au projet de programme de remise en liberté de 50 p. 100 des détenus. Que fait-il pour venir en aide à ses gardiens de prison?

L'hon. Lawrence MacAulay (solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député de Pictou—Antigonish—Guysborough. Le gouvernement n'a pas réduit de 83 millions de dollars le budget de la GRC comme le parti du député l'avait proposé.

En fait, le gouvernement a eu à remédier au gâchis financier légué par le gouvernement conservateur. Il ne restait des ressources pour personne. Voilà pourquoi, après avoir accompli des progrès très prudents, notre gouvernement est maintenant en mesure de fournir à la GRC et aux autres organismes d'exécution de la loi les outils dont ils ont besoin pour effectuer leur travail.

L'hon. Anne McLellan (ministre de la Justice et procureur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je sais que tous les députés sont préoccupés par le grave problème du crime organisé. Ce problème touche toutes les provinces et toutes les collectivités, urbaines ou rurales, du Canada.

Des incidents survenus au Québec et dans d'autres provinces ces dernières années nous ont montré que le crime organisé a de nombreux visages, dont le trafic de stupéfiants, la prostitution, le trafic d'armes, le blanchiment d'argent et le transport illégal de migrants.

Des crimes, des procès et des enquêtes fortement médiatisées au Québec, au Manitoba, en Alberta, en Colombie-Britannique, en Ontario et dans d'autres provinces ont attiré l'attention et soulevé l'inquiétude de tous les Canadiens. Les incidents survenus récemment au Québec, notamment la tentative de meurtre d'un respecté et courageux journaliste de Montréal, ont porté le problème du crime organisé à l'avant-plan de la conscience collective.

Dans le sillage de ces incidents troublants, mon collègue, le solliciteur général, et moi avons déclaré que les lois pénales du Canada seront examinées pour qu'on puisse déterminer si les moyens dont disposent les policiers et les procureurs sont utilisés pleinement et s'ils peuvent être améliorés.

 

. 1920 + -

Nous et nos collaborateurs de tous les niveaux travailleront avec les autorités provinciales et municipales, particulièrement avec les policiers, qui sont aux premières lignes dans cette bataille, pour veiller à ce que des ressources suffisantes et ciblées soient disponibles et utilisées d'une façon coordonnée.

[Français]

Soyons clair. Comme je l'ai mentionné plus tôt aujourd'hui, nous travaillerons en collaboration avec nos homologues provinciaux et territoriaux, afin de s'assurer que si nous avons besoin de nouvelles lois, nous les aurons.

[Traduction]

Avant de parler de nouveaux outils ou de nouvelles ressources, je voudrais rappeler certaines mesures que le gouvernement a prises ces dernières années pour s'attaquer au crime organisé. La stratégie de lutte contre la contrebande visant surtout le trafic de drogues, la contrebande des armes à feu et d'autres activités de contrebande auxquelles s'adonnaient les criminels organisés a été mise en oeuvre en 1994 et son financement a été renouvelé récemment, soit en juin 1999.

La Loi sur le programme de protection des témoins est entrée en vigueur en 1996. Il est de notre devoir de veiller à ce que ce programme soit bien appliqué et financé adéquatement.

La Loi réglementant certains drogues et autres substances a été adoptée en 1997. La loi et le Règlement sur l'exécution policière en découlant accordent des exemptions aux agents d'infiltration participant à des opérations policières de lutte anti-drogue et autorisent la saisie des biens utilisés pour la perpétration de ces crimes.

Le projet de loi C-22, adopté un peu plus tôt cette année, offre de nouveaux outils pour améliorer la détection, la prévention et la dissuasion du recyclage des produits de la criminalité, des outils qui nous sont essentiels pour nous attaquer aux rouages complexes du crime organisé. Comme nous le savons tous, l'argent est au coeur des activités du crime organisé.

Fait encore plus important, pour contrer la menace que faisaient planer les bandes de motards et les autres organisations criminelles, le gouvernement a adopté le projet de loi C-95, en vertu duquel la participation aux activités illégales d'une organisation criminelle devient un acte criminel passible d'un maximum de 14 années de détention à purger consécutivement à toute autre peine. Cette disposition prévoit que quiconque participe ou contribue substantiellement aux activités d'une organisation criminelle et prend part à la perpétration d'actes criminels au profit de cette organisation, à sa demande ou en association avec elle, est coupable d'une infraction.

On propose toutefois qu'il suffise de prouver qu'une personne est membre d'une organisation criminelle reconnue sans avoir à prouver qu'elle est coupable d'un acte criminel. Il a été suggéré que, si nécessaire, on invoque la disposition dérogatoire pour appuyer cette proposition.

Cette approche a l'avantage d'être simple, mais bien que je sois prête à étudier toutes les propositions visant à renforcer la législation existante, et bien que je ne rejette d'emblée aucune suggestion, il faudra étudier soigneusement, rigoureusement et sous tous les angles celle qui constitue à faire une infraction de la seule appartenance à une organisation criminelle.

Il est clair que la répression du crime organisé demeure une priorité nationale et que des progrès ont été accomplis dans la réalisation du programme adopté en 1999 pour ce faire. Dans le cadre de cet effort national, on utilise les outils législatifs, réglementaires et administratifs existants ainsi que des approches novatrices nouvelles afin de: premièrement, cibler les biens acquis de façon criminelle et les produits de la criminalité; deuxièmement, faciliter les enquêtes sur le crime organisé en améliorant la mise en commun de l'information; troisièmement, poursuivre plus efficacement le crime organisé; et quatrièmement, protéger l'intégrité du système de justice pénale compromise par les menaces du crime organisé en particulier en empêchant que la police, les procureurs, les juges, les jurés, les témoins et toute autre personne jouant un rôle critique dans le système de justice ne soient intimidés.

Le concept de confiscation civile est un exemple d'approche novatrice nouvelle. Cette technique s'attaque aux biens du crime organisé et aux produits de la criminalité d'une manière différente du droit pénal traditionnel.

 

. 1925 + -

Cette approche est étudiée par les provinces et par les fonctionnaires du ministère de la Justice. La division constitutionnelle des pouvoirs au Canada complique cette approche, mais il y a une volonté ferme au sein de tous les gouvernements canadiens de collaborer pour trouver de nouveaux moyens de s'attaquer au crime organisé.

Des hauts fonctionnaires de mon ministère, ainsi que de celui du solliciteur général, se réunissent demain matin avec leurs homologues québécois. Ensemble, ils se pencheront sur les difficultés de rassembler des preuves et divers problèmes qui s'opposent dans cette province à l'utilisation des dispositions législatives existantes qui ciblent le crime organisé. Il y aura sans doute des réunions à tous les niveaux avec d'autres fonctionnaires provinciaux. Le crime organisé est un problème envahissant qui existe partout au Canada et nous devons collaborer avec tous nos collègues provinciaux et territoriaux à la recherche de solutions.

Je crois qu'il est possible d'améliorer les lois et de les appliquer le plus efficacement possible. Si l'on assure une coordination efficace et si l'on affecte les ressources appropriées, les efforts d'exécution des autorités de la police et de la justice de tous les niveaux au Canada permettront l'application efficace des nouveaux instruments législatifs.

Un sous-comité du Comité de la justice se penche déjà sur le problème du crime organisé, ayant entamé ses travaux récemment. Je sais que l'intimidation au sein du système de justice criminelle est une question que le comité examinera sans doute de près, tout comme les nombreux autres aspects du crime organisé. J'invite le comité à exécuter ses travaux avec célérité. Sa tâche est importante.

Le problème que constitue le crime organisé est grave. Nous devons être prêt à examiner nos lois et à voir s'il y a moyen de les améliorer pour qu'elles soient plus efficaces. Nous devons aussi songer aux efforts à déployer pour enquêter activement et traduire en justice ceux qui s'adonnent à de telles activités criminelles, mais nous devons aussi faire très attention avant de dire que, dans une société libre et démocratique, nous ne pouvons lutter contre le crime organisé avec des outils efficaces qui permettent aussi le respect des libertés civile et de la justice fondamentale.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai écouté les députés du parti ministériel parler des dispositions législatives que le gouvernement a adoptées. À l'instar du député de Pictou—Antigonish—Guysborough, je pense que, même si de nouvelles dispositions législatives ont été adoptées pour améliorer le système, celui-ci est pire qu'avant.

Je pense à l'article du Code criminel qui a été adopté en 1997. À mon avis, la disposition traitant de la participation aux activités d'une organisation criminelle est assez bien rédigée. J'ai étudié la question de savoir si quelqu'un avait été trouvé coupable en vertu de cette disposition du Code criminel et, à ma connaissance, il n'y a qu'une personne qui l'a été depuis 1997. Je sais aussi qu'un certain nombre d'affaires ont fait l'objet d'une négociation de plaidoyer et qu'à la suite de cette négociation, on n'a pas tenu compte de l'aspect de la loi qui prévoit automatiquement des peines consécutives ou additionnelles. J'accepte cela.

À mon avis, le problème ne vient donc pas nécessairement uniquement de l'absence de dispositions législatives. Le problème vient du secteur judiciaire et des tribunaux de notre pays. De nombreuses victimes au Canada vous diront que c'est là où résident les difficultés auxquelles elles se sont heurtées.

La ministre de la Justice peut-elle nous dire si, à son avis, il serait possible de contourner cet aspect de la négociation de plaidoyer et de faire en sorte que, s'il est prouvé qu'un individu fait partie d'une organisation du crime organisé, la peine de deux à quatorze ans s'applique et ne soit pas négociable devant les tribunaux?

L'hon. Anne McLellan: Monsieur le Président, je remercie le député de poser la question. Celle-ci est importante.

 

. 1930 + -

Comme le dit le député, les modifications apportées en 1997 aux dispositions de la loi relatives au crime organisé prévoient des peines beaucoup plus sévères. En fait, on peut aller jusqu'à imposer une peine consécutive de 14 ans d'emprisonnement.

Je ne peux pas commenter les jugements des procureurs provinciaux en ce qui concerne la négociation de plaidoyers. Nous avons avec nous ce soir un ancien substitut du procureur général en la personne du porte-parole en matière juridique du Parti progressiste-conservateur. Celui-ci serait probablement beaucoup mieux en mesure que moi de dire ce qui se passe lorsque le substitut du procureur et le procureur général d'une province conviennent de négocier un plaidoyer dans une situation donnée.

Ce que je veux faire, c'est reconnaître, comme l'a dit le député, que les dispositions existent. Nous devons nous demander pourquoi la négociation de plaidoyers existe dans le système judiciaire. Nous savons tous pourquoi, mais il est frustrant pour nous tous à l'occasion de voir que l'on n'invoque pas ces dispositions prévoyant des peines d'emprisonnement consécutives ou que les tribunaux n'ont pas l'occasion de s'en prévaloir à cause de la négociation de plaidoyers.

Le député soulève une grave question. Je crois que je devrais en parler à mes homologues provinciaux et territoriaux, car ils ont la responsabilité d'appliquer ces dispositions et nous ne l'avons pas. Les procureurs généraux des provinces sont très jaloux de cette compétence, comme le député le sait. Je prends donc bonne note de l'inquiétude légitime et sincère du député et je vais m'enquérir auprès de certains de mes confrères provinciaux des raisons pour lesquelles ils ont consenti dans les cas en question à la négociation de plaidoyers.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je vais essayer d'être bref malgré que ce soit très important.

J'ai manqué le début du discours de la ministre parce que je participais à des entrevues téléphoniques à la radio sur le sujet que nous discutons présentement.

Les gens sont très inquiets. Ils ne comprennent pas qu'on ne vote pas ce soir sur une mesure visant à donner des dents à une loi qui serait efficace en ce qui a trait à la criminalité et aux groupes criminels.

Depuis 1995, on a tenté de modifier toutes sortes de législations pour donner des outils aux policiers, que ce soit le Code criminel, la Loi sur les aliments et drogues, la Loi sur les stupéfiants ou celle sur les libérations conditionnelles. La ministre peut bien avoir un beau discours angélique, mais ça ne marche pas. Il faut passer à autre chose. Il faut essayer autre chose pour faire échec à une situation très complexe.

Ma question est fort simple. Est-ce que la ministre s'engage à étudier très sérieusement l'utilisation si nécessaire de la clause nonobstant pour vraiment donner des dents à une loi antigang?

[Traduction]

L'hon. Anne McLellan: Monsieur le Président, comme je l'ai dit plus tôt aujourd'hui, et je le répète, le solliciteur général et moi enverrons nos collaborateurs au Québec demain rencontrer leurs homologues provinciaux. Vous aurez beau secouer la tête, mais je puis vous dire que des fonctionnaires québécois ont beaucoup travaillé sur la façon de modifier les dispositions du Code criminel sans recourir à la clause de dérogation pour les rendre plus efficaces.

Contrairement à vous, je voudrais me renseigner sur leurs travaux. Je voudrais que le résultat de ces travaux soit communiqué aux collègues provinciaux et territoriaux afin de déterminer si nous pouvons mettre en place...

Le Président: Je vous rappelle, chers collègues, que vous devez vous adresser la parole par mon entremise, et non directement. Je me sens un peu seul sur mon fauteuil. Je sais que vous venez tout juste de rentrer après l'été. La période des questions et des observations est terminée.

Avant que le député de Langley—Abbotsford prenne la parole, je voudrais savoir s'il prendra ses vingt minutes.

M. Randy White (Langley—Abbotsford, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vais prendre vingt minutes et vous savez que je m'adresserai à vous. Je ne ferai pas comme la ministre de la Justice.

C'est avec plaisir que je prends la parole sur cette question ce soir. Il est intéressant d'entendre les propos du côté ministériel. Je voudrais citer des propos tenus par la ministre de la Justice aujourd'hui et par le solliciteur général ce soir. La ministre de la Justice a dit que le crime organisé est la première priorité du gouvernement.

 

. 1935 + -

Il est étrange que cette question soit la première priorité du gouvernement aujourd'hui alors que nous en avons très peu entendu parler la semaine dernière, l'an dernier et les années précédentes. Comment se fait-il qu'une question devienne la principale priorité du gouvernement quand survient un événement qui le pousse dans cette direction? Il est vraiment déplorable que tout d'un coup nous tenions un débat spécial à la Chambre des communes parce qu'un journaliste s'est fait tirer cinq balles dans le dos au Québec.

Je rappelle au gouvernement que des événements liés au crime organisé se produisent depuis des années. Je rappelle au gouvernement que, seulement au cours de l'année passée, quelque 400 personnes sont mortes de surdoses dans deux villes canadiennes, Vancouver et Toronto. Les drogues sont fournies par-dessus tout par le crime organisé. L'année précédente, il y en avait eu plus de 300 à Vancouver seulement, et il y en avait eu les deux autres années précédentes également. Alors, pourquoi sommes-nous ici aujourd'hui, jour de la rentrée parlementaire, à prendre part à un débat d'urgence, alors que cette situation d'urgence perdure depuis des années? D'accord, on a concocté des lois, mais elles n'ont pas fonctionné. Voilà l'essentiel du message, je pense, qu'il s'agit de transmettre.

Le gouvernement passe son temps à dire qu'il va étudier la question, mais l'heure n'est plus à l'étude. Ce problème n'a que trop duré.

Une partie de la responsabilité de cette situation incombe au gouvernement, parce que les mesures qui découleront de cet exercice auraient dû et auraient pu être prises depuis quelque temps, selon moi. Certes, le solliciteur général a dit, entre autres, ce soir: «Nous ne le tolérerons pas». Il a également dit: «C'est ma priorité absolue».

Voilà des années que nous disons au solliciteur général qu'il y a un problème sérieux dans les prisons. Il y a un grave problème en ce qui a trait aux libérations conditionnelles. Mais, le lundi 18 septembre 2000, la priorité absolue c'est le crime organisé parce qu'il s'est produit quelque chose qui a poussé le gouvernement dans cette direction. Ce n'est pas ainsi qu'on dirige un pays ou un gouvernement, en réagissant après coup.

On parle beaucoup des Hell's Angels et des Rock Machine au Québec. Je voudrais rappeler au gouvernement, et aux autres qui nous écoutent, qu'il suffit de vivre dans le voisinage des triades en Colombie-Britannique pour se rendre compte combien ces criminels peuvent être sans pitié. Il suffit de se rendre au Manitoba pour comprendre à quoi ressemblent les Warriors. Il y a aussi les Satan's Choice en Ontario ou les Para-Dice Riders, ou les bandes vietnamiennes ou encore les Big Circle Boys et j'en passe. Il ne s'agit pas simplement de deux groupes. À mon avis, ce serait même une erreur d'identifier deux groupes en particulier dans le Code criminel, car on exclut alors beaucoup de groupes. Il est important de se rappeler de cela.

Je voudrais savoir pourquoi, il y a deux ou trois ans, le gouvernement a éliminé la police portuaire. On nous a dit à l'époque qu'il s'agissait d'une compression budgétaire. J'ai passé beaucoup de temps avec la police portuaire et je connais le rôle qu'elle jouait sur les deux côtes, dans le port d'Halifax en particulier et à Vancouver. C'est intéressant. Pratiquement tout de suite après la disparition de la police portuaire à Vancouver, l'un des groupes de criminels organisés a entrepris ses activités dans le port de Vancouver.

 

. 1940 + -

En quoi le crime organisé profite-t-il de la situation? Comment prend-il de l'expansion? Ces groupes grandissent grâce à l'élimination d'organisations comme la police portuaire ou grâce aux compressions dont est victime la GRC. Je souhaiterais pouvoir avoir un débat dans cette enceinte avec le solliciteur général sur les compressions budgétaires imposées par le gouvernement à la GRC. Cela fait à peine un an ou deux que nous avons supplié pratiquement le gouvernement à la Chambre de donner plus d'argent à la GRC. En fait, soumis à d'énormes pressions, le solliciteur général a cédé en fin de compte et a versé à la GRC l'argent dont il se vante ce soir. Là encore, on ne fait que réagir. Ce n'est pas bon pour le pays.

J'ai quelques exemples ici de la vraie nature du crime organisé. Je voudrais en faire part à la Chambre. Les gens de tout le pays vont comprendre à quel point le problème du crime organisé est grave.

Wing Fu Ha, un membre d'une triade, the Big Circle Boys, est arrêté à Vancouver pour le meurtre d'un bébé, incident qui serait produit dans le cadre d'une guerre des gangs, selon la police. Wing est demeuré à Vancouver même s'il avait fait l'objet d'une ordonnance d'expulsion plus tôt.

Je vais formuler plus tard des recommandations sur les mesures à prendre, mais je peux dire à la Chambre que je me suis aussi penché sur cette question personnellement. L'une des difficultés que nous éprouvons en matière de crime organisé est attribuable à l'absence de conviction profonde, chez les membres du gouvernement libéral, lorsqu'il s'agit de déporter les individus qui enfreignent nos lois. C'est un fait. Je voudrais vous faire part de l'histoire de l'un d'entre eux. Cet homme fait partie d'une triade. Il aurait dû être déporté il y a belle lurette.

Contrairement à l'avis unanime émis par les services de police, la police des ports est démantelée et, aussitôt après, une société ayant des liens avec le crime organisé se voit accorder l'autorisation d'exploiter des quais dans le port de Vancouver. La quantité et la qualité de l'héroïne aujourd'hui en vente à Vancouver sont telles que, en août 2000, les héroïnomanes—c'est-à-dire ceux qui n'en sont pas morts—sont descendus dans la rue pour dénoncer l'inaction du gouvernement. Les héroïnomanes disent qu'il y a trop d'héroïne sur le marché. C'est un fait. J'y étais. J'en suis témoin. J'en ai discuté avec eux.

En juin 1999, il y a un peu plus d'un an, la police de Vancouver a démantelé un important réseau dirigé par un certain Simon Kwok, identifié comme un membre de la triade 14K, qui donne dans l'importation de drogues illicites, la prostitution, l'utilisation frauduleuse de cartes de crédit, l'invasion de domicile et l'extorsion dirigée contre la grande communauté chinoise de Vancouver.

Voilà quelles sont les activités d'un pareil individu. C'est cela, le crime organisé. Telle est la réalité. Voilà ce qui se produit au quotidien dans les rues de ma ville et de toutes les autres d'un bout à l'autre du Canada, et notamment à Halifax.

Nous sommes au courant de la guerre qui oppose les Rock Machine aux Hell's Angels au Québec, à coups de fusillades, d'attentats à la bombe et d'innombrables morts, mais voici ce qu'on ne dit pas. Michel Auger, un homme décent, un professionnel digne de ce nom, reçoit cinq balles dans le dos. J'ai lu tout récemment dans la presse de Halifax qu'un individu avait été atteint de deux balles.

Les fusillades comme celle-ci sont aujourd'hui monnaie courante au Canada. Qu'est-il advenu de la Loi sur le contrôle des armes à feu? Le principal argument qui avait été avancé à la Chambre en faveur de ce texte de loi était qu'il nous aiderait à enrayer le crime, mais il n'en est rien. Cette loi est devenue une source de recettes pour l'État.

M. Peter Adams: Foutaise.

 

. 1945 + -

M. Randy White: Monsieur le Président, un des libéraux a dit: «Foutaise». Le fait est que le projet de loi C-68, qui a mené à la loi sur les armes à feu, n'a pas aidé Michel Auger. Il n'a pas aidé cinq personnes en une nuit, dans ma circonscription, il y a deux ans. Qui aide-t-il alors?

M. Peter Adams: Monsieur le Président, 80 p. 100 des décès sont causés par des fusils de chasse.

M. Randy White: Nos vis-à-vis n'aiment pas entendre cela.

De violents incidents de fusillade et d'attentat à la bombe entre gangs vietnamiens et divers gangs des triades se produisent constamment à Vancouver, à Edmonton et à Toronto. Le rapport de 1998 du solliciteur général confirme que le crime organisé est responsable de l'entrée illégale au Canada d'environ 16 000 personnes chaque année, du blanchiment de plus de 10 milliards de dollars par année, ce qui coûte plus de 10 milliards de dollars par année aux Canadiens, de tentatives d'influence ou de corruption de fonctionnaires de l'État, ce qui se produira probablement au Canada, et le nouveau commissaire de la GRC a même fait des commentaires à ce sujet, et de l'entrée illégale au Canada de personnes qui demandent le statut de réfugié et qui se livrent ensuite à des activités criminelles organisées.

La police de Toronto a démantelé un réseau de prostitution dirigé par la triade Big Circle Boys, qui amenait illégalement des jeunes femmes chinoises et asiatiques dans notre pays et les forçait à se prostituer.

Si je donne ces exemples, c'est que je désire poser une question aux députés d'en face. Les libéraux disent qu'ils ont fait adopter une loi et une autre, mais qu'ont fait ces lois pour mettre un terme à cela? Cette situation se produit tous les jours dans notre pays, et tout ce que le solliciteur général et la ministre de la Justice nous disent, c'est: «Nous ne le tolérerons pas. C'est notre plus haute priorité. Nous réexaminerons la situation.»

Nous avons aussi entendu que de meilleures mesures législatives s'imposent. Nous pouvons être en accord avec cela, mais jusqu'ici, nous avons été témoins d'une escalade du crime organisé dans pratiquement tous les secteurs où les criminels peuvent s'infiltrer. Quels résultats ont donc donnés les lois?

L'hon. Lawrence MacAulay: Pourquoi le député ne parle-t-il pas des démantèlements de réseaux de trafic de stupéfiants?

M. Randy White: Le solliciteur général veut que je parle des coups de filet contre les trafiquants de drogue. Je peux lui assurer que les coups de filet contre les trafiquants de drogue sont mineurs par rapport aux quantités de drogue vendues à nos enfants. Ils sont vraiment mineurs.

La Province de Vancouver confirme que selon la GRC, Stanley Ho est chef de la triade depuis 1991. Or, malgré cela, Ho s'est vu accorder de multiples visas de visiteur, a des intérêts au Canada, fait des dons privés et de société au Parti libéral et a en fait donné un cocktail en l'honneur du premier ministre au cours de la conférence de l'APEC à Vancouver. C'est ce qui figurait dans le journal, et j'espère que c'est exact.

Je ne veux nullement laisser entendre qu'il y a un lien. Ce que je veux dire, c'est que des agents du crime organisé entrent dans ce pays et en sortent régulièrement. Le gouvernement le sait et je sais que le ministère de l'Immigration est au courant de la situation. Tout ce qui arrive, c'est que les criminels ont recours à toutes sortes de procédures, interjetant appel après appel, si on entame contre eux des procédures d'expulsion. Le système ne fonctionne pas.

La ministre de l'Immigration n'a mentionné aucune mesure législative. La ministre de la Justice et le solliciteur général se trouvent ici. La ministre de l'Immigration devrait dire à la Chambre qu'elle comprend qu'il existe des problèmes et qu'une mesure législative est nécessaire, mais elle ne le fait pas. Le ministre des Finances ou le ministre du Revenu devrait dire à la Chambre aujourd'hui qu'en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu, il devrait être plus facile de saisir des avoirs et de les vendre. Ce ne sont pas seulement deux personnes, mais bien tous les membres du gouvernement, qui doivent se pencher sur la situation. Il ne suffit pas d'envoyer deux, trois ou quatre personnes à Québec. Il faut faire beaucoup plus.

 

. 1950 + -

Je sais qu'il s'agit des ministres provinciaux et territoriaux de la Justice. Là n'est pas le problème. Le problème est que je ne pense pas que le gouvernement déploie un effort coordonné. C'est insignifiant à mon avis de retirer un article du Code criminel, l'article 467.1, pour tenter de le modifier et d'espérer que la situation se règlera. Ce n'est vraiment pas suffisant.

M. John McKay: Utilisez la disposition d'exemption.

M. Randy White: Si le député avait écouté, il saurait que je n'ai pas dit d'utiliser la disposition d'exemption. C'est l'un des problèmes du gouvernement. Il n'écoute pas très bien. C'est pourquoi il est dans le pétrin aujourd'hui.

Un rapport de la GRC révèle que des triades et la mafia russe font venir au Canada des jeunes femmes d'Europe de l'Est aux fins de prostitution et de la pratique de danses exotiques au moyen de faux visas de visiteur et de fausses demandes de statut de réfugié. Je reviens encore une fois au fait qu'il ne s'agit pas d'une question qui concerne seulement la ministre de la Justice et le solliciteur général. Un grand nombre des problèmes touchent l'immigration au Canada, l'ouverture des frontières et le refus de renvoyer les personnes qui arrivent au Canada.

Je veux faire une déclaration et poser une question en même temps. J'ai entendu la réponse de la ministre de la Justice tout à l'heure quand j'ai posé la question au sujet de la négociation de plaidoyer. Bien que je ne sois pas avocat et que je n'aie nullement l'intention de le devenir, je reconnais et comprends très bien qu'il y a des différences entre les systèmes juridiques fédéral et provinciaux et que l'administration des tribunaux relève de la compétence des provinces. Toutefois, le gouvernement fédéral devrait avoir une certaine influence sur les tribunaux provinciaux pour pouvoir mettre un frein à ce genre de négociations de plaidoyers qui, dans bon nombre de cas, font surtout du mal à la victime. C'est la réalité.

Il me semble qu'il serait scandaleux que les lois canadiennes permettent au système judiciaire de contourner ce qui pourrait bien s'avérer la solution au problème, c'est-à-dire une peine consécutive dans le cas de l'appartenance au crime organisé. À mon avis, le solliciteur général et la ministre de la Justice devraient se pencher tout particulièrement sur la question. Ils devraient faire appliquer la loi. C'est ce que les Canadiens réclament.

J'avais plusieurs recommandations à faire et je crois bien avoir parlé de la majorité d'entre elles, mais j'en présenterai quelques autres. Nous devons prévoir une peine minimale d'emprisonnement obligatoire de cinq ans pour la contrebande ou l'exploitation criminelle d'immigrants illégaux au pays. Il faudrait interdire toute mise en liberté sous condition pour un délinquant qui va être expulsé. La Loi sur l'immigration devra être modifiée pour prévoir entre autres l'expulsion obligatoire de toute personne reconnue comme faisant partie d'un groupe criminel organisé.

S'il y a une chose que j'aimerais que la ministre de la Justice et le solliciteur général comprennent bien ce soir, c'est que nous au Canada, nous voulons des mesures concrètes et non de nouvelles études. Une fois qu'une loi est adoptée, elle doit être appliquée par nos tribunaux.

 

. 1955 + -

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, j'ai un grand respect pour le député qui vient d'intervenir. C'est un excellent parlementaire. Je voudrais lui poser une question que je voulais poser au solliciteur général ou à la ministre de la Justice, mais je n'ai pu le faire à cause de contraintes de temps.

La question est à la fois la plus facile et la plus difficile à poser dans ce débat. Elle est très simple. Le solliciteur général est le policier en chef du pays. La tradition au Canada veut que nos policiers soient responsables de l'application de la loi. C'est la tâche fondamentale que nous confions à nos policiers.

En fin de compte, la loi suprême au Canada est la Charte des droits et des libertés. Ne s'ensuit-il donc pas que, quoi que nous fassions et quelles que soient les mesures que nous prenons, la ministre de la Justice, le solliciteur général et le Parlement doivent protéger les principes de la Charte des droits et des libertés?

M. Randy White: Monsieur le Président, le problème que nous avons constaté à propos de la Charte tient aux nombreux jugements prononcés par les tribunaux. Nous n'avons qu'à penser au dossier de la pornographie juvénile pour le constater.

Il est nécessaire d'invoquer la disposition dérogatoire parce que les dispositions de la charte générale des droits et des libertés ont été mal interprétées par la magistrature. La plupart des causes judiciaires de nos jours sont inscrites par des avocats au nom de clients qui veulent faire interpréter la charte et vont dans cette direction. La disposition dérogatoire est une nécessité absolue.

En ce qui concerne la Charte des droits et des libertés, je n'y trouve rien à redire à part la mauvaise interprétation qu'en fait la magistrature, et c'est là que réside la principale lacune depuis 12 ans. C'est devenu la mode dans les tribunaux que de tâcher de la modifier.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je vais essayer de poser ma question aussi rapidement que possible, mais j'ai ici de l'information documentaire que j'aimerais lire.

Je suis certain que la Chambre se souviendra que, en 1995, nous avons adopté un projet de loi connu sous le nom de projet de loi C-68, qui rendait obligatoire l'enregistrement de toutes les armes à feu au Canada. En gros, ce que fait cette mesure législative, c'est qu'elle assortit chaque arme à feu existant dans ce pays d'un bout de papier. Elle n'a pas encore été entièrement mise en oeuvre. Moins de 25 p. 100 des armes feu du Canada sont assorties d'un certificat. En fait, il se pourrait que ce pourcentage n'atteigne même pas 10 p. 100, si seulement nous pouvions obtenir cette information du gouvernement.

En 1995, Bob Runciman, solliciteur général de l'Ontario, a fait la déclaration suivante devant le comité. Je vais la lire à la Chambre car je pense qu'elle est révélatrice des priorités erronées du gouvernement. M. Runciman a dit ceci:

    Notre position est que ces dispositions [du projet de loi C-68] qui prévoient l'enregistrement obligatoire des toutes les armes à feu détourneront des ressources de la police qui devraient être consacrées à des tâches plus importantes. Et ces dispositions réduiront le nombre d'agents et les sommes disponibles pour réprimer la criminalité grave. Elles rendront le contrôle véritable des armes à feu plus difficile et plus dangereux pour les agents de police qui y sont préposés et n'auront en fin de compte aucune incidence sensible sur le crime violent ou l'utilisation des armes à feu par les criminels violents.

Il a ensuite ajouté que si nous consacrions 500 millions de dollars à ce registre, nous pourrions faire patrouiller les rues par 5 900 agents de police de plus. Ces 5 900 agents de police de plus auraient une incidence sensible sur le problème. Que se passe-t-il aujourd'hui?

M. Randy White: Monsieur le Président, je sais ce qui motive les propos de mon collègue et il soulève un point très intéressant.

Un des éléments déjà manquant et n'ayant pas été abordé dans la discussion concernant le crime organisé, c'est que lorsqu'il y a un meurtre au Canada, celui-ci est habituellement commis avec une arme à feu. J'ai fait une observation à la ministre de la Justice il y a un certain temps. Il est triste de constater que le gouvernement s'applique à dire que toute la situation est attribuable au crime organisé, que cela n'a rien à voir avec le contrôle des armes à feu et que ce n'est qu'une loi contre ce qu'on appelle le crime organisé. Ce n'est pas juste. En réalité, la loi concernant les armes à feu fait aussi partie de ce problème.

 

. 2000 + -

M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, en ma qualité d'ancien chef de la Force de police régionale de Waterloo qui comptait 700 policiers et sachant quel est le point de vue des chefs de police et de la majorité des policiers à ce sujet, je dis que M. Runciman errait en 1995 et que la situation n'a pas changé à ce jour.

Le parti d'en face ne fait rien d'autre qu'évoquer des peurs et que recourir à des tactiques alarmistes. Nous avons vu M. Day à la Chambre aujourd'hui. Imaginez-vous, il ne veut que de belles et bonnes choses. Il veut donner un nouveau ton de civilité aux débats à la Chambre. Les propos du député d'en face sont caractérisés par toute autre chose qu'un ton de civilité. Nous sommes plutôt en présence du genre de mots codes anti-immigration, de mots codes qui font entrer en ligne de compte le volet racial. Nous avons vu cela se produire. Les députés devraient vérifier dans la transcription des délibérations les noms de famille des personnes mentionnées. Un nouveau ton de civilité, a-t-on dit! Est-ce vraiment ce vers quoi se dirige l'Alliance canadienne?

Je demande aux députés d'en face, parce qu'ils récriminent toujours contre le contrôle des armes à feu, de me nommer un groupe de victimes au Canada qui appuie la position qu'ils ont adoptée sur ce plan. Je pose cette question parce que les députés de l'opposition passent leur temps à dire qu'ils sont du côté des victimes et qu'ils défendent leurs droits. Je veux qu'ils me disent le nom d'un seul groupe de victimes qui appuie leur position. Je connais la réponse à cette question. Il n'y en a pas un seul.

M. Randy White: Monsieur le Président, il est intéressant d'entendre le député dire cela. Je suis le rédacteur du premier projet de déclaration nationale des droits des victimes. Il est triste d'entendre de telles choses de la part de nos vis-à-vis.

C'est le problème lorsque nous discutons de ce genre de questions. Les accusations de racisme ne tardent pas à pleuvoir. Je n'ai certainement rien laissé entendre de tel. Il est malheureux de voir de simples députés du côté ministériel nous faire un procès d'intentions lorsque nous essayons de faire comprendre notre point de vue. Il est évident que le solliciteur général et la ministre de la Justice nous écoutent, je les ai vus prendre des notes. Je n'ai aucune intention cachée. Lorsque nos vis-à-vis n'ont aucun argument légitime à apporter au débat, ils font ce genre de...

Le Président: À l'ordre, s'il vous plaît. Je demande aux députés d'écouter les interventions de leurs collègues.

M. Randy White: Monsieur le Président, je suis heureux de poursuivre en pouvant compter sur le civisme habituel à la Chambre des communes plutôt qu'en subissant de telles observations.

Je tiens à dire honnêtement que j'ai pris la parole ce soir pour tenter d'apporter des suggestions stimulantes à deux des quatre ou cinq personnes responsables. Je crois que c'est ce qu'il faut, mais je suis déçu de constater que mes suggestions ont été rabaissées.

Fondamentalement, ce que je dis, c'est que nous attendons du changement depuis des années. Les toxicomanies et les dizaines de milliers de jeunes qui consomment des drogues ne sont pas apparus du jour au lendemain. Le phénomène se développe depuis des années. Ce n'est plus le temps de commencer à l'étudier. Ce n'est pas le temps pour le gouvernement de déclarer que c'est aujourd'hui sa première priorité. C'est ce qu'il fallait faire il y a dix ans. Il est maintenant temps de prendre des mesures concrètes. J'espère sincèrement que le gouvernement écoute les suggestions qui sont formulées à la Chambre ce soir et ne voit pas nos interventions comme d'épouvantables critiques qui ne devraient jamais être faites.

Notre travail consiste à formuler des suggestions et c'est ce que nous entendons faire, que cela plaise aux libéraux ou pas.

 

. 2005 + -

[Français]

M. Gilles Duceppe (Laurier—Sainte-Marie, BQ): Monsieur le Président, l'attentat contre le journaliste Michel Auger, il y a quelques jours, a été la goutte qui a fait déborder le vase.

Plusieurs événements préalables expliquent ce ras-le-bol de la population québécoise face au règne de terreur que les groupes de criminels organisés, groupes de motards et d'autres également, imposent à la société québécoise, mais également à l'ensemble de la société canadienne. Je parle plus précisément de la situation au Québec, parce qu'elle nous concerne directement.

Je lisais un rapport du ministère fédéral de la Justice rendu public hier. C'est donc quelque chose qui, j'imagine, intéresse nos collègues d'en face. Ce rapport explique que des témoins ont été menacés par ces groupes, que des jurés ont été menacés par ces groupes, que des avocats ont été menacés par ces groupes et, j'ajoute, que des parlementaires ont été menacés par ces groupes.

Depuis cinq ans, il y a eu 150 victimes au Québec, dont 30 victimes innocentes, des hommes, des femmes, des jeunes, qui ont eu le malheur de passer là où il ne fallait pas, alors qu'une bombe explosait: 30 victimes innocentes.

Le nouveau commissaire à la GRC tout récemment nommé, M. Zaccardelli, invoque des craintes quant à la corruption de politiciens et de politiciennes. Ce n'est pas moi qui dis cela, c'est le responsable en chef de la GRC.

Depuis 1995, il y a plus de groupes qu'il y en avait auparavant. Même après l'adoption, en 1997, du projet de loi C-95, on a vu le nombre de groupes de motards criminels passer de 28 à 35 au Canada, une augmentation du nombre de groupes. Est-ce que ce n'est pas là une preuve que les outils nous manquent pour véritablement s'attaquer au problème? Que faudrait-il faire face à cette situation? Rester passif, discourir?

Je pense que notre devoir de parlementaires—parce que nous avons des devoirs—c'est d'intervenir, de se lever, de répondre présent à l'appel de la population.

Certains ont dit: «Mais c'est de l'électoralisme.» Surtout pas dans le cas du Bloc québécois. Cela fait des années qu'on soulève cette question, ici, à la Chambre; on soulève cette question depuis 1993. On a fait des gains, bien sûr: l'élimination des billets de 1 000 $, cela vient du Bloc.

Monsieur le Président, vous et moi n'avons jamais eu de billets de 1 000 $ dans les poches, mais ces gens comptent leur argent sur une balance dans des sacs de hockey. Des billets de 1 000 $, cela prend moins de place. C'est justement ce qui s'est passé. Le député d'en face devrait s'en rendre compte, ce n'est pas tellement drôle. Lui, il s'amuse, mais les victimes ne se sont pas amusées.

Non, ce n'est pas par électoralisme. D'ailleurs, nous ne sommes pas les seuls à faire cette demande: le gouvernement du Québec et Jean Charest, chef du Parti libéral du Québec, appuient la motion proposée par le Bloc. Il en est de même du gouvernement de l'Ontario, de la Sûreté du Québec, de l'Association canadienne des policiers et policières, du Conseil de presse du Québec—ce n'est pas un organisme répressif—de la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, du Service de police de la Communauté urbaine de Montréal, et les gouvernements néo-démocrates de la Saskatchewan et du Manitoba. Ce ne sont pas tous des méchants souverainistes qui voudraient profiter d'une situation pour faire de l'électoralisme.

Il y a un problème sérieux, et peut-être est-il temps qu'on s'en rende compte de l'autre côté de la Chambre.

Que dit notre motion? Parce qu'on y reviendra, cela ne se termine pas aujourd'hui. On n'éteindra pas cela dans un débat de fin de soirée, où il n'y a pas de vote à la fin. On n'a pas peur de voter; on n'a pas peur de se tenir debout; on n'a pas peur de dire ce qu'on pense. On n'aura jamais peur et on va revenir. Il y aura d'autres occasions, et ce sera déposé à nouveau, ici, à la Chambre.

Appuyée par tous les partis d'opposition, je le rappelle, la motion disait qu'il faut «rendre criminelle, au sens du Code criminel, l'appartenance à un groupe reconnu de criminels, et ce, si nécessaire—je dis bien «si nécessaire»—en utilisant la clause nonobstant de la Charte des droits et libertés».

 

. 2010 + -

Cela a semé tout un émoi chez les libéraux. Cela me rappelle une manchette lue dernièrement dans un journal ontarien. Je n'en revenais pas. Les droits constitutionnels des Hell's Angels ont été violés par la police de l'Ontario, parce qu'ils ont des droits.

Je vois le premier ministre à l'ONU prononcer un discours pour parler du plus beau pays du monde et dire: «Dans notre pays, notre démocratie est tellement développée que même les Hell's Angels ont des droits constitutionnels ainsi que les Rock Machine et les Outlaws».

Que c'est beau au Canada que ces groupes aient des droits constitutionnels. Notre démocratie est tellement avancée que ces gens ont des droits constitutionnels. Nous ne voulons même pas penser utiliser quelque chose de légal bien que la clause nonobstant fasse partie de la Charte. Toutefois, nous n'utiliserons pas cette clause contre des bandes criminelles. Ce serait rabaisser le niveau de la démocratie au Canada parce que les Hell's ont le droit à leurs droits constitutionnels ainsi que les Rock Machine.

Allez donc dire cela à la mère du jeune Daniel Desrochers que vous ne pensez même pas utiliser cette clause en raison des droits constitutionnels des Hell's Angels. Il faut le faire. On pourrait dire que cela frise le ridicule si cela n'était pas épouvantable comme résultat.

L'attitude des libéraux est déplorable. Tout d'abord, le premier ministre, pire que jamais—et ce n'est pas peu dire—nous déclare: «On voudrait que je me mêle des compétences des provinces en intervenant au niveau du Code criminel.» Mais, bon Dieu, pour quelqu'un qui a été ministre de la Justice, qui est ici depuis plus de 35 ans et qui est premier ministre, de ne pas savoir que le Code criminel relève du fédéral, qu'on nous en conte, mais qu'on ne nous passe pas celle-là. À moins qu'il ne le sache pas. C'est vrai qu'il ne savait pas qu'il ne payait pas d'assurance-emploi. Mais concernant le Code criminel, il le sait. Intervenir dans les compétences des provinces, cela lui fait tellement plaisir. Pour une fois que c'est dans ses propres compétences, il n'intervient pas.

Par la suite, on voit les libéraux refuser de prendre position sur la motion que l'on étudie actuellement parce qu'elle pouvait faire l'objet d'un vote. En d'autres mots, parlons, discutons, discourons, mais surtout ne prenons pas d'engagement parce que les droits constitutionnels des Hell's Angels, c'est trop important.

Mais ces gens se montrent solides envers les jeunes contrevenants. Pour ce qui est d'emprisonner des enfants de 10 ou de 12 ans, là on est braves, là on est courageux. Emmenez-les les petits enfants, on va les mettre dans le coin. Au lieu de la fessée, c'est en dedans, en prison. Mais quand on parle des Hell's, des Rock Machine et de tout cela, ces gens sont craintifs, ils sont muets, ils disparaissent, ils discourent: «Les droits constitutionnels des Hell's Angels et des Rock Machine, mais n'allons pas toucher à cela. Peu importe ce qu'ils font, ils ont des droits. Ce serait de rabaisser le niveau de la démocratie»

Est-ce que c'est une attitude responsable? Est-ce que c'est cela être un parlementaire qui fait face à ses devoirs? Le Québec demandait, dans le cas des jeunes contrevenants, de laisser la loi comme elle est présentement parce qu'il y avait des succès. Les résultats le prouvent. On fait le contraire. Dans ce cas-ci, on demande parce qu'on a une expertise. S'il y a plus de pression au Québec—et c'est le rapport fédéral qui le disait—, c'est parce qu'il y a plus de mesures prises par les forces policières contre ces groupes. Ce n'est pas un hasard. Les libéraux réagissent d'autant plus qu'ils savent qu'on n'a pas tous les moyens, alors qu'eux, ils ne se gênent pas. Dans le cas des jeunes contrevenants, on l'impose au Québec.

Que dit cette motion? Est-ce qu'elle dit qu'il faut absolument utiliser la clause nonobstant? Absolument pas. Elle dit: «Pourriez-vous considérer de réaliser ce que l'on propose, soit de rendre criminel l'appartenance à de tels groupe? Si vous ne pouvez pas dans le cadre de la loi, considérez la clause nonobstant.»

La clause nonobstant fait partie de la Charte. Ce n'est pas le Québec qui a imposé cette clause. On n'a rien signé dans tout cela. Ce sont les provinces du Canada anglais qui n'auraient pas accepter la Charte n'eut été de l'inclusion de cette clause. Maintenant qu'elle y est, on ne veut pas l'utiliser. Les droits constitutionnels des Hell's Angels sont plus importants.

On ne peut pas accepter une telle situation. Qu'est-ce que je vais dire aux jeunes de mon comté, aux jeunes hommes, aux jeunes femmes qui se prostituent parce que victimes de la drogue et de ces groupes. Je vais leur dire: «Vous savez, la ministre de la Justice vous aime et vous comprend, mais elle ne veut pas utiliser la clause nonobstant.»

 

. 2015 + -

Mais les droits constitutionnels des Hell's Angels, voyez-vous, c'est plus important que le sort de ces jeunes. C'est ce qu'ils nous disent, de l'autre côté.

Qu'est-ce que je vais dire aux restaurateurs de mon coin qui paient la protection? À toutes ces victimes innocentes? Ah, il y a les droits constitutionnels des Hell's Angels.

La ministre fait signe que non. Eh bien, bon Dieu, qu'est-ce que c'est, si ce n'est pas ce que je dis? C'est exactement ça. C'est à cause de la clause nonobstant, qu'ils n'ont pas voulu considérer, qu'ils se sont opposés à notre motion. C'est de la pure hypocrisie; ce n'est rien d'autre que ça.

Qu'est-ce qu'on dit aux proches des victimes? «Madame Desrochers, on pleure avec vous. On ira peut-être même chanter gratuitement avec vous.» Mais les droits constitutionnels des Hell's Angels, on ne peut pas toucher à ça. C'est trop important. C'est le critère jugeant de notre démocratie.

C'est beau, la démocratie, quand les droits constitutionnels de ces groupes passent avant le sort des victimes, avant toute la dégradation de notre société, de notre jeunesse, de l'avenir. Ce sont les droits constitutionnels des Hell's Angels.

Il faut agir plus que ça, bien sûr. Maintenant, il y a un sous-comité. Après deux ans d'efforts du Bloc, il y a un sous-comité traitant du crime organisé. Il y a le sous-comité, mais il a beaucoup d'autres dimensions à considérer. Je pense aux ramifications internationales, au blanchiment de l'argent, à l'intervention dans des entreprises légales, parce que ces gens, avec de l'argent sale, créent de l'argent propre. Il faut voir où ils en sont rendus, sur quel conseil d'administration ils sont, dans quels réseaux d'affaires ils sont, dans quels réseaux politiques ils sont. Pour tout ça, il faut prendre le temps.

Mais entre-temps, qu'est-ce qu'on dit aux futures victimes? Parce qu'il y a de futures victimes qui nous écoutent ce soir. Il y a des jeunes qui vont se droguer ce soir. Mais pas un mot, on ne pense pas à ça, parce que, voyez-vous, il y a les droits constitutionnels des Hell's Angels qui sont en jeu.

On ne veut pas utiliser une arme dont on dispose. On se refuse à l'avance de l'utiliser. C'est beau, la démocratie canadienne. On va se couper de ces moyens-là.

Ce n'est pas l'objectif d'utiliser la clause. On ne dit pas qu'il faut utiliser cette clause, ou que, nécessairement, on va l'utiliser. On dit «si nécessaire». S'il n'y a pas d'autres moyens, que fait-on? On baisse les bras et on dit aux gens: «Vous comprenez, il n'y a pas d'autres moyens. On y a pensé, on a analysé, mais il aurait fallu utiliser la clause nonobstant et ça, c'est contre nos principes.»

Pourtant, il y a des pays qui l'ont fait, dont la France. La France, ce n'est pas un pays de dictature. Il y a une loi sur les malfaiteurs. C'est interdit, je pense que c'est passible de 10 ans de prison. Est-ce qu'il y a des syndicats qui sont disparus depuis ce temps-là? N'y a-t-il pas des associations de protestation sur tous les sujets en France? Est-ce qu'on a arrêté ceux qui ont bloqué les routes, parce que ce pouvait être criminel? Voyons donc! Ça n'a pas de sens. On sait bien à qui cela s'adresse. Est-ce que c'est à l'existence de tels groupes, parce qu'ils ont des droits, qu'on juge la grandeur de notre démocratie?

Ce sont des questions qu'il faut se poser, parce que cette démocratie, elle est attaquée sur tous les plans. Elle est attaquée au niveau politique: des parlementaires ont été visés, ont été menacés. Le commissaire de la GRC a dit que certains sont victimes de tentatives de corruption, qu'il y a peut-être corruption.

Le pouvoir juridique est attaqué par les témoins, les avocats et les jurés. «Menacés», dit ce rapport. La liberté de presse: c'est cela, l'attentat contre Michel Auger. Il y en avait eu un également avant contre Jean-Pierre Charbonneau, maintenant président de l'Assemblée nationale du Québec. Nos institutions économiques sont en danger également, parce que l'argent sale qui produit de l'argent propre, ça vient de l'argent sale. C'est une vérité de La Palice que de dire cela.

Mais ces gens-là grimpent lentement, ils ont des prête-noms. On arrête les petits, mais certains se promènent, paradent dans notre société. Certains ont ce qu'ils appellent—je ne sais pas si la ministre est au courant, elle viendra dans ma circonscription—filthy few tatoué sur l'épaule. Pour être un filthy few, il faut avoir tué quelqu'un. Ces gens-là sont organisés en filthy few. Et s'il y a un libéral de l'autre côté qui veut jouer au filthy few, qu'il se mette un tatouage comme ça, qu'il se promène dix minutes sur la rue Sainte-Catherine, dans l'est, et ce seront les dix dernières minutes de sa vie.

On connaît ces gens, on sait ce qu'ils font. Et quelqu'un qui ne sait pas ce qu'est un Rock Machine, un Outlaw, un Devil's Disciple, un Hell's Angel, c'est quelqu'un qui ne vit pas sur cette planète. Ce n'est pas une amicale de joueurs de cartes, ce n'est pas une ligue de quilles. On sait ce qu'ils font.

Bien sûr, l'ex-ministre—je ne pense pas que l'actuel ministre m'ait servi ce raisonnement creux, même si pontifical—disait: «On n'attaque pas, on ne condamne pas les gens pour ce qu'ils sont, mais pour ce qu'ils font.» Moi, je vous dis qu'ils font ce qu'ils font parce qu'ils sont ce qu'ils sont. C'est aussi simple que ça, et ne pas comprendre cela, c'est passer à côté.

 

. 2020 + -

La Charte est faite pour qui? Pour ces groupes ou pour les honnêtes citoyens? Est-ce qu'on ne peut pas s'inspirer de la Charte des Nations Unies? À l'article 20, on parle du droit d'existence, de réunion et d'association pacifiques. Il faudrait qu'on prouve que ces groupes sont des regroupements pacifiques, il faudrait le dire. Je vous laisse le fardeau de la preuve de nous démontrer que ce sont des groupes pacifiques.

On n'arrête pas les gens pour ce qu'ils sont mais pour ce qu'ils font. Je vous dis qu'on saura ce qu'est ce gouvernement en fonction de ce qu'il fera. De quel côté sera-t-il? Du côté des droits constitutionnels des Hell's Angels et des Rock Machine, ou du côté de la jeunesse, du côté de l'avenir, du côté de la démocratie?

La population exige qu'on se tienne debout. La population ne peut accepter ces discours creux, savants, pontificaux qui font tout pour ne rien faire. On ne l'accepte pas. Cette lutte va se poursuivre; ces gens auront des comptes à rendre tantôt.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, je suis un ancien journaliste. Comme journaliste, je sais que le journaliste le plus célèbre du Canada et du Québec était René Lévesque.

C'était un journaliste qui a défendu les droits humains, ici au Canada, ainsi qu'ailleurs dans le monde. J'admirais René Lévesque. Il était la véritable image du journaliste, avec sa cigarette aux lèvres et son sens de l'humour. C'était un homme très honnête qui comprenait bien ce que c'était qu'être journaliste.

Au Québec, on propose de limiter la liberté d'association en ce moment. Je me demande ce qu'aurait pensé René Lévesque de cette proposition de limiter les droits inclus dans la Charte des droits et libertés.

Comment croit-il que René Lévesque aurait réagi à cela, lui qui a défendu tous ces droits?

M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, je me suis souvent rendu compte qu'ici, on admire beaucoup plus René Lévesque depuis qu'il est mort, malheureusement, que du temps où il était vivant.

Cela étant dit, ce sont ces mêmes libéraux qui n'ont pas hésité à voler les cartes de membre du parti de René Lévesque dans le temps...

Une voix: Ils mettaient le feu.

M. Gilles Duceppe: ...qui n'ont pas hésité à mettre le feu à des granges, et comble de malheur...

Des voix: Oh, oh!

M. Gilles Duceppe: Oui, des gens de la GRC ont mis le feu à des granges, cela a été prouvé à la Commission McDonald. Et savez-vous quoi? On leur a donné des récompenses, des promotions.

On frise l'hypocrisie quand on veut se cacher, comme cela, de ce qui s'est passé, de ce qu'on a fait. Ce que je viens de dire sont des faits véritables et vérifiables. Sur la limite à imposer quant aux droits d'organisation et d'association, je vous ferai remarquer qu'au niveau de la liberté d'expression, il y a des limites et que les propos haineux sont interdits. Il n'y a pas une âme sensible au Canada, et avec raison, qui ait protesté parce que des gens étaient condamnés pour des propos haineux.

Je suis d'accord avec cela. Des propos haineux, cela ne doit pas faire partie du droit de libre expression, pas plus que de donner des droits constitutionnels aux Hell's Angels.

 

. 2025 + -

[Traduction]

M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'écoutais le député et je me demandais ce qui l'ennuyait le plus. Est-ce le fait que le Canada est le meilleur pays au monde, ce Canada qu'il veut diviser, ou est-ce plutôt le fait, comme il le dit, que les simples citoyens canadiens de toutes les régions du pays devraient avoir des droits? Il semblait laisser entendre que les Canadiens ne devraient pas avoir de droits, ce qui est fort surprenant de la part d'un député du Bloc. Il nous semble pourtant que son parti devrait faire preuve de plus de jugement dans ce domaine.

Après tout, notre charte et notre constitution forment la base même sur laquelle repose notre pays. Elles illustrent ce que nous sommes et les valeurs que nous défendons. Il est tout à fait ridicule de la part du chef du parti d'en face et de tout son parti de proposer de réduire une question très complexe à un choix à faire entre les Hell's Angels et les jeunes Canadiens.

C'est toute une performance qu'ils nous ont livrée, n'est-ce pas? Alliant le sarcasme et l'ironie, ils se sont moqués de la ministre de la Justice et du solliciteur général. Nous avons eu droit à une performance hors du commun de la part d'un parti qui se dit libertarien.

Sauf qu'ils en ont un peu trop mis. Le chef du Bloc et tous les membres de son parti devraient avoir honte d'avoir déclaré que la constitution sur laquelle repose notre pays et la charte aux termes de laquelle les droits de tous les Canadiens sont garantis ne tiennent qu'à la disposition d'exemption.

Je voudrais que le député nous donne un autre exemple des circonstances dans lesquelles il invoquerait la disposition d'exemption. Je voudrais qu'il nous décrive une autre situation où il invoquerait cette disposition. Je veux savoir exactement les droits qu'il est prêt à retirer non seulement aux Québécois, mais à l'ensemble des Canadiens. Je lui demande de répondre directement à la question.

[Français]

M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, quand mon collègue a dit qu'il avait réfléchi pendant mon discours, je me suis dit: «C'est une amélioration par rapport au passé.»

Quand je l'ai écouté, j'ai constaté que ce n'était pas tellement haut comme réflexion. Je n'ai pas dit qu'il fallait absolument utiliser la clause nonobstant. J'ai dit qu'il fallait considérer utiliser la clause nonobstant qui fait partie de la Charte.

Est-ce que le député pourrait écouter ce que j'ai à dire. J'ai écouté ses insipidités. Qu'il me laisse le temps de parler, cela va peut-être lui permettre de mieux réfléchir. Monsieur le Président, c'est à vous que je m'adresse. Il est vrai que c'est plus intéressant que ce que dit cet énergumène.

On entend ce député nous dire: «Vous allez enlever des droits à des citoyens ordinaires.» Les Hells Angels et les Rock Machine ne sont pas des citoyens ordinaires. Comme ex-policier, s'il ne sait pas cela, je me dis qu'il a dû être aussi efficace dans cette fonction qu'il l'est depuis qu'il est député, c'est-à-dire pas beaucoup. C'est inacceptable d'entendre cela.

S'il y a des gens qui ont été méticuleux par le passé quant au respect des droits collectifs et individuels, c'est bien nous. On n'a pas l'intention d'utiliser cela pour le plaisir. On se dit: «Doit-on utiliser cela, doit-on utiliser une clause qui existe?» On dit cela parce qu'elle existe.

Or, si cela est la façon de réfléchir des libéraux, je me dis qu'il est peut-être à l'exemple de son chef qui ne sait pas que le Code criminel fait partie des compétences fédérales. Cependant, le député ne pourra jamais répéter ces choses comme le premier ministre parce que, à l'écouter, à l'évidence même, il ne sera jamais ministre.

[Traduction]

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, nous venons d'entendre certaines remarques du député de Waterloo—Wellington. À titre de parlementaire, le député ne trouve-t-il pas très inquiétant d'entendre quelqu'un qui est censé représenter le gouvernement se porter plus ou moins à la défense des criminels de notre pays?

[Français]

M. Gilles Duceppe: Monsieur le Président, si le député pouvait se taire je répondrais à la question.

Je ne pense pas qu'il le fait intentionnellement et volontairement. Cela demande du jugement.

 

. 2030 + -

Je crois que pour plusieurs, c'est une position dogmatique; ils ont cette idée ancrée, tel un dôme et un icône, de la clause nonobstant. Mais elle est pourtant dans la Charte. Cette Chambre a adopté la clause nonobstant; elle a adopté un outil qui pourrait être utile. Je ne dis pas de l'utiliser nécessairement, mais je dis que c'est dans la Charte tout de même.

J'espère que c'est uniquement pour cette raison que certains députés de l'autre côté ont ce comportement.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite le chef du Bloc québécois pour son discours.

[Traduction]

Ma question concerne tout particulièrement les mesures législatives qui permettraient de régler le problème. Il est bon de constater la présence de la ministre de la Justice. La ministre a fait un excellent discours sur ce que le gouvernement aimerait faire dans un monde idéal.

Le député est-il en train de dire que, si l'on veut résoudre le problème avant qu'il ne s'étende davantage à l'extérieur du Québec, partout au Canada, comme nous avons pu le constater ces derniers mois et ces derniers jours, il nous faut adopter rapidement et énergiquement des dispositions législatives générales proposées sans tarder et visant expressément à rendre illégales la participation aux activités d'une organisation criminelle et l'appartenance à cette organisation, dispositions qui feraient ressortir l'aspect dissuasif et témoigneraient de la réponse énergique du gouvernement au simple fait de participer aux activités d'une organisation criminelle et d'arborer les couleurs de cette organisation?

M. Gilles Duceppe: C'est exactement cela, monsieur le Président. Mon collègue a exprimé clairement ce que nous proposons. Nous avons aussi mentionné qu'il faudra peut-être recourir à la disposition d'exemption, pas obligatoirement, mais si c'est nécessaire. C'est la seule chose qui empêche les libéraux d'appuyer la motion.

Nous ne devrions pas buter sur un principe, mais nous concentrer sur le besoin. Nous devons prendre position, répliquer et montrer à la population du Canada et du Québec que nous sommes ici pour les représenter, pour les défendre et pour assurer leur sécurité.

M. Peter Mancini (Sydney—Victoria, NPD): Monsieur le Président, je vais utiliser les 20 minutes qui me sont accordées. Je vais reprendre le débat là où il a commencé, avec les observations du député de Pictou—Antigonish—Guysborough. Il a tout d'abord souligné la gravité du problème, qui est effectivement très grave. Nous tenons ce soir un débat d'urgence. Il n'arrive pas souvent que le Président décide qu'un sujet est assez grave pour justifier la tenue d'un débat d'urgence. Ce problème-ci a été jugé assez grave.

Le député de Pictou—Antigonish—Guysborough a commencé par dire que le débat devrait s'élever au-dessus de l'esprit de parti, car il est trop important pour dégénérer dans les habituels échanges de blâmes. J'espère que nous saurons être à la hauteur, car le débat ne porte pas sur le contrôle des armes. Et pas forcément sur la disposition de dérogation non plus. Il porte sur le crime organisé et sur les moyens que le Parlement doit prendre pour le conmbattre.

Le Président a décidé qu'il y avait urgence. Le pays est-il plongé dans une crise? J'ignore si le terme «crise» est trop fort, mais il y a urgence. Le problème a éclaté au grand jour à cause de l'attaque récente, le 3 septembre, dont le journaliste québécois Michel Auger a été victime. Au nom de mon parti et de tous les parlementaires, je tiens à faire part de ma sympathie et de mon inquiétude à M. Auger et à sa famille. Ce journaliste a incarné les mots de Robert Kennedy: le courage moral est bien plus rare dans notre société que la force au combat ou les grandes intelligences. Il faut louer et respecter le courage dont ce journaliste a fait preuve.

L'attentat a polarisé le débat sur le crime organisé et aussi sur la liberté de la presse. Permettez-moi de rappeler en passant que la liberté de la presse est l'un des piliers de la démocratie. Aucun journaliste ne devrait avoir à craindre pour sa sécurité lorsqu'il creuse un dossier.

 

. 2035 + -

Je me souviens que, lorsque j'ai interrogé le ministre des Transports sur la police des ports il y a trois ans, il y avait une jeune journaliste que j'ai connue par la suite et qui couvrait le sujet pour la radio de CBC; elle bénéficiait d'une protection policière parce qu'à l'époque, en 1997, elle mettait au jour certains effets néfastes des gangs dans la région de Halifax. Aucun journaliste ne devrait avoir peur de faire cela. Aucun député ne devrait avoir peur d'aborder ces questions. Aucun juge, aucun homme de loi ne devrait avoir peur du crime organisé.

J'en arrive ainsi à demander comment nous en sommes arrivés à la situation actuelle. Comment se fait-il que nous tenons un débat d'urgence à la Chambre des communes sur la question du crime organisé? Ce n'est pourtant pas un mystère. Je le répète, en 1997, j'ai exhorté le ministre des Transports à rétablir la police des ports. La question a maintes fois été posée depuis.

Je regrette de devoir dire que mon parti ou moi avions raison alors, parce que les répercussions du démantèlement de la police des ports sont apparues. J'ai rencontré la police sur les quais à Halifax et des membres de la police des ports m'ont expliqué clairement les répercussions du démantèlement de cette force policière.

Ce démantèlement signifiait que les ports canadiens, que ce soit à Montréal, à Halifax ou à Vancouver, devenaient des territoires ouverts au crime organisé. À maintes reprises, j'ai interrogé le ministre des Transports sur le sujet. À maintes reprises, il m'a répondu qu'il croyait fermement que la police provinciale et la GRC seraient en mesure de s'attaquer au problème du crime organisé dans les ports. Aujourd'hui, trois ans plus tard, nous tenons un débat d'urgence à la Chambre des communes sur la question du crime organisé.

Nous sommes ici à cause des mesures de réduction des coûts prises par un gouvernement inflexible. Il n'agissait pas seul. Il était encouragé de diverses façons par d'autres. Il régnait une hystérie autour de la dette et du déficit et, advienne que pourra, il fallait éliminer la dette. Aujourd'hui, nous avons un excédent de 30 milliards de dollars et malheureusement, ce qui devait arriver est arrivé.

Les provinces ont subi des coupes au cours des six ou sept dernières années. Les sommes pour les paiements de péréquation ont été réduites et ce sont les provinces qui doivent administrer la justice, comme nous l'avons appris au cours du présent débat. Lorsqu'une province n'a pas les sommes requises pour payer ses procureurs, pour embaucher des procureurs, pour fournir les ressources nécessaires à sa force policière provinciale, nous nous retrouvons en débat d'urgence.

Les provinces ont, à leur tour, réduit les budgets municipaux et les forces policières municipales ont subi les contrecoups de ces coupes. Il n'est donc pas surprenant, après toutes ces coupes, ces réductions et ces compressions, que les ressources ne suffisent plus pour accomplir la tâche. La garde côtière, la police des ports, l'école et le centre de formation de la Gendarmerie royale du Canada ont subi des coupes et maintenant nous récoltons ce que nous avons semé.

Cela ne signifie pas que nous sommes impuissants. Je ne veux pas insister sur le passé car j'ai dit que ce débat devrait être non partisan. Mon but n'est pas de blâmer quelqu'un, mais de chercher, avec tous les autres députés à la Chambre, une solution au problème qui accable le pays aujourd'hui.

La situation est grave. Je félicite les députés du Bloc québécois, notamment, d'insister depuis quelque temps pour qu'on se penche sur la question du crime organisé. C'est une question très grave. Il existe de nombreux types de crime organisé. Lorsqu'on parle de crime organisé, beaucoup de gens pensent tout de suite aux vieux films de mafia. Nous n'en sommes plus depuis longtemps au crime organisé du genre dépeint dans le film Le Parrain. Il y a au Canada des réseaux de crime organisé dirigés depuis l'Asie qui se spécialisent dans le trafic d'êtres humains. Ils se spécialisent dans l'importation d'héroïne et de cocaïne. Il y a des bandes de l'Europe de l'Est qui donnent dans l'extorsion, le meurtre, la prostitution, la vente de drogues et la contrebande de tabac et d'armes. Elles sont impliquées dans la fraude en matière d'immigration et dans la contrefaçon.

 

. 2040 + -

Il y a le crime organisé classique que nous connaissons, la mafia. Il y a les gangs de motards hors-la-loi, à cause desquels nous tenons le présent débat. Les Hell's Angels. Les Rock Machine. Nous lisons à leur sujet au Québec, mais nous savons qu'ils ne sont pas exclusifs au Québec et qu'ils existent dans tout le Canada.

Je me rappelle que, il y a deux ans, dans ma province, à Halifax, les Hell's Angels étaient présents et leurs rivaux, les Rock Machine, essayaient d'acheter une propriété à Dartmouth, de l'autre côté du port. On voyait bien ce qui se préparait. On voyait bien où cela allait mener.

Le problème du crime organisé est grave aujourd'hui au Canada. Il est grave au Manitoba. C'est ce que m'ont dit mes collègues qui représentent ici la ville de Winnipeg et qui s'inquiètent de la sécurité de leur collectivité. Nous savons qu'on a dû construire dans cette province un tribunal spécial pour juger des membres du crime organisé qui ont fini par plaider coupable.

Le problème est bien réel. Il est vraiment urgent de le régler. Lorsque des journalistes sont abattus, lorsque les gens sont inquiets, lorsque des députés sont menacés, la situation est grave.

On ne gagne rien à semer la panique. On ne gagne rien à essayer de se faire du capital politique avec une question pareille. Tout comme nous avons un réel problème, nous avons aussi des forces policières déterminées, dévouées qui, en dépit du manque de ressources, ont travaillé très fort pour remplir leur mandat. Nous en voyons les résultats. Trop souvent, ces résultats n'obtiennent pas toute l'attention qu'ils méritent dans les médias. Cet été, nous avons vu des saisies de stupéfiants qui ont semblé battre tous les records. Nous savons que, sur les deux côtes, la police a fait son travail. Nous savons que le nouveau directeur de la GRC est déterminé à faire la lutte au crime organisé.

Les citoyens du pays qui suivent ce débat et qui lisent le hansard devraient savoir que si nous sommes aux prises avec un sérieux problème relativement au crime organisé, nous pouvons également compter sur une force policière dévouée et déterminée qui est prête à s'attaquer de front au problème.

Toutefois, cette force policière a besoin de ressources. Les ressources ont été réduites au fil des ans et il est temps de réinvestir dans les ressources policières. La ministre de la Justice a dit que certaines dispositions ont été ajoutées au Code criminel en 1997. Elle a raison. Comme l'a dit le député de l'Alliance canadienne, ces articles sont bien rédigés. Ils devraient se traduire par la poursuite en justice pénale des membres des groupes criminels et du crime organisé.

Certains députés ont, avec raison, demandé à la ministre de la Justice pourquoi il n'y a pas eu de condamnation. Il a été question de la négociation de plaidoyers, de l'intervention judiciaire, et ainsi de suite. Ce sont des questions secondaires à mon avis. La réalité, c'est que toutes les lois du monde n'y pourront rien si la police ne dispose pas des ressources suffisantes pour traduire ces gens-là en justice. Pour pouvoir le faire sans enfreindre nos droits à tous, lesquels il ne convient pas de sacrifier sur l'autel de l'hystérie, et pour respecter les dispositions de la Charte des droits, la police a besoin de ressources. La police fait des erreurs et contrevient peut-être à la Charte si elle ne dispose pas des ressources suffisantes pour bien faire son travail.

Le solliciteur général a dit que la GRC avait obtenu des fonds supplémentaires, mais je pense que cela ne suffira pas.

 

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On peut prendre une page du procès-verbal de l'assemblée de l'Association canadienne des polices qui a eu lieu cet été et a abordé le dossier. J'ai eu l'honneur de prendre la parole devant cet organisme. Les dernières paroles que j'ai adressées à cet organisme—c'était avant la tenue d'un débat d'urgence et les malheureux incidents qui se sont produits au Québec—, ça été de promettre de collaborer avec eux dans la lutte contre le crime organisé au Canada. Je leur ai demandé de collaborer avec le sous-comité sur le crime organisé dont je suis fier de faire partie.

J'ai également eu l'occasion de jeter un coup d'oeil à quelques-unes des suggestions qu'ils avaient fournies concernant la lutte contre le crime organisé. Certaines d'entre elles sont tout à fait pertinentes et je les soumets à l'attention de la ministre de la Justice et du solliciteur général.

L'association a demandé l'élaboration et la mise en oeuvre d'une réponse stratégique nationale au crime organisé en vue d'accorder une priorité plus grande et d'assurer un financement, un soutien et une coordination accrus pour les corps policiers locaux, provinciaux et fédéraux dans leur bataille contre le crime organisé. J'ai dit qu'il nous fallait commencer par réinvestir dans la police. L'association a également demandé que l'on travaille de concert avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, Douanes et Accise, les services nationaux de police, le Service canadien de renseignements criminels, dans le cadre d'un partenariat avec les forces policières fédérales et provinciales.

Je me réjouis et je félicite la ministre de la Justice et le solliciteur général du fait qu'ils se rendront au Québec demain pour rencontrer leurs homologues provinciaux et territoriaux. Mais je pense qu'on peut prêter l'oreille à l'Association canadienne des policiers et faire intervenir les autres ministres, y compris le ministre des Transports puisque le rétablissement de la police portuaire ferait beaucoup dans ce dossier.

L'Association des policiers a aussi réclamé la mise en place d'un service national de protection des frontières. Appelez-le comme vous voulez, monsieur le Président. Appelez cela police portuaire ou service national de protection des frontières, l'association a réclamé sa mise en place et c'est une chose en faveur de laquelle le Parlement devrait pousser.

L'Association a aussi demandé l'examen des critères de financement des élections et des candidats de façon à donner aux représentants élus des lignes directrices claires pour empêcher l'infiltration d'agents du crime organisé.

Il existe des solutions à ce problème. Elles doivent être mises en oeuvre immédiatement. Nous ne pouvons pas nous permettre de passer beaucoup de temps à les étudier. Nous savons quels sont les problèmes et nous avons une partie des réponses. Cela ne devrait pas empêcher la tenue d'une enquête plus poussée. Le sous-comité sur le crime organisé peut jouer un rôle essentiel sur ce plan.

La motion originale proposée par le Bloc québécois demandait le dépôt d'une loi à la Chambre des communes avant le 6 octobre. Il n'y a pas de raison qu'une loi ne puisse être examinée par un sous-comité sur le crime organisé qui existe déjà. Je donnerais de mon temps et je sais que les autres membres du comité le feraient aussi pour garantir que la loi, telle que rédigée, passe l'épreuve de la charte et qu'elle soit efficiente et efficace.

L'Association canadienne des policiers et certains députés ont fait d'amples suggestions quant à la façon de mettre fin à cette situation. Nous devons le faire.

Comme je l'ai dit, la ministre s'est engagée à—je pense que ce sont les termes qu'elles a utilisés—réexaminer le code pour voir s'il y avait des moyens, avec notre aide, de combattre le crime organisé. Elle peut certainement compter sur moi et sur mon parti pour y travailler avec elle. Je la prends au mot.

Il a été question de la disposition de dérogation et de savoir si elle devrait ou non être invoquée. La motion originale présentée par le Bloc québécois disait «Que la Chambre demande au gouvernement d'élaborer et de déposer, d'ici le 6 octobre 2000, un projet de loi visant à rendre criminelle l'appartenance à une organisation criminelle.»

Comme je l'ai indiqué, les gens devraient savoir qu'il existe déjà une loi rendant criminelle l'appartenance à une organisation criminelle. En réponse à une question posée par le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, le leader du Bloc québécois a précisé qu'il voulait que la loi aille plus loin et rende criminel le fait de porter les couleurs d'un gang.

La résolution disait ensuite «en invoquant si nécessaire la disposition de dérogation de la Charte des droits et libertés». Le chef du Bloc québecois a ajouté que son parti ne comptait pas nécessairement invoquer la disposition de dérogation, mais seulement si cela devait se révéler nécessaire.

 

. 2050 + -

Si nous craignons et combattons le crime organisé, c'est dans le but de protéger nos libertés civiles. Il est certainement à la portée de la Chambre, en sa qualité d'institution démocratique, avec les ressources du ministère de la Justice et du solliciteur général, de collaborer avec l'Association canadienne des policiers, les chefs de police de tout le Canada ainsi que le commissaire de la GRC pour élaborer des lois appropriées pour protéger nos concitoyens sans pour autant porter atteinte aux droits qui leur sont garantis.

Je me dois de rappeler que la Charte des droits et libertés ne reconnaît pas de droits aux criminels. On n'y trouve pas de disposition affirmant «tels sont les droits des hommes; tels sont les droits des femmes; tels sont les droits des victimes; tels sont les droits des criminels». Ce sont des droits garantis à l'ensemble des Canadiens et, si nous les suspendons pour pénaliser un groupe donné, nous ne devons pas oublier que nous suspendons les droits de tous les Canadiens. Cela n'arrive pas souvent.

Nous l'avons fait avec la Loi sur les mesures de guerre, avant que nous n'adoptions la Charte canadienne des droits et libertés. Le premier ministre Pierre Trudeau avait invoqué la Loi sur les mesures de guerre et suspendu les libertés civiles des Canadiens, énoncées à l'époque non pas seulement dans la Déclaration des droits, mais reconnues par voie de précédents et de longue tradition constitutionnelle. En y repensant aujourd'hui, force nous est de nous interroger sur le bien-fondé de cette initiative.

J'invite instamment les députés à agir avec promptitude et de manière décisive pour protéger le Canada contre le crime organisé, sans pour autant nuire à la liberté de la population.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le Président, je remercie le député d'avoir apaisé le climat d'hystérie qui règne à la Chambre et je le félicite pour son discours réfléchi.

Décrire le problème est, selon moi, relativement facile. Il est aussi assez facile de trouver des exemples de crime organisé et de jauger l'opinion des Canadiens au sujet de la question. Mais élaborer une réponse législative est beaucoup plus complexe.

J'ai deux questions à poser au député. La première vise à obtenir son point de vue au sujet de l'article 467 du Code criminel, anciennement le projet de loi C-95, que nous avons conçu à toute vapeur. Nous nous en repentons d'ailleurs maintenant. Il a été prouvé au comité que cet article qu'a adopté le Parlement il y a trois ans ne marche pas. Il est exigeant et ne respecte probablement pas la Charte. Ni la police ni la Couronne ne l'utilisera. Ils craignent de mettre leurs enquêtes en péril. Le député pourrait-il tenir compte des conséquences qu'aurait la disposition de dérogation sur une loi qu'on peut qualifier de problématique en ce qui a trait à l'article 467?

La deuxième question concerne la résolution visant à présenter à la Chambre d'ici le 6 octobre une loi rendant illégale l'appartenance à un groupe organisé. Je voudrais connaître l'opinion du député à propos de l'article 467 et de la résolution proposée.

M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je suis heureux de répondre à cette question.

 

. 2055 + -

À mon avis, le député a jusqu'à un certain point raison lorsqu'il dit que l'article 467.1 a été adopté trop rapidement. Ce n'est pas la première mesure législative adoptée à la Chambre et inscrite au Code criminel à toute vitesse dont nous nous repentons par la suite.

Les dispositions du Code portant sur la pornographie juvénile tombent dans la même catégorie. Elles ont été adoptées à toute vapeur par la Chambre des communes et elles font aujourd'hui l'objet de toutes sortes de débats enflammés devant la Cour suprême du Canada. Nous ne serions pas aux prises avec ce problème si le travail avait été bien fait dès le départ. Le député pourrait bien avoir raison quand il dit que l'article 467.1 tombe dans la même catégorie.

Toutefois, la solution ne passe pas nécessairement par la disposition de dérogation. Il faudrait plutôt remplacer cet article. Si cette mesure a été mal rédigée et qu'elle a été adoptée à toute vitesse, la pire chose qui puisse arriver serait de réagir de nouveau à la hâte et de reproduire la même erreur. La meilleure solution reformuler la mesure. Il ne faudrait donc pas refaire la même erreur. Rédigeons la loi de façon que les services de police puissent s'en servir utilement, donnons-lui la force nécessaire et assurons-nous qu'elle est applicable.

Ne paniquons pas. Ne réglons pas la question en deux semaines pour revenir ici même dans trois ans, pour certains d'entre nous en tous les cas, en disant que nous devons faire quelque chose pour améliorer cette mesure législative défaillante alors que les organisations criminelles ont proliféré au pays.

Je crois avoir répondu aux deux questions, à savoir ce que nous devrions faire de cet article et si l'on pourrait en présenter un nouveau d'ici le 6 octobre. Pas nécessairement, à moins que nous puissions préparer un projet de loi convenable. Je suis d'avis que le Sous-comité sur le crime organisé peut jouer un rôle légitime en revoyant la mesure législative et en s'assurant qu'elle est adéquate.

M. Garry Breitkreuz (Yorkton—Melville, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'aimerais remercier le député de Sydney—Victoria de son discours. Il contient une contradiction qui, si elle n'a peut-être pas été remarquée par les autres députés, m'a sauté aux yeux. Il a dit que le présent débat ne portait pas sur le contrôle des armes à feu, mais il s'est empressé de souligner qu'il portait sur les ressources.

J'ai été interrompu plus tôt alors que je parlais du solliciteur général de l'Ontario qui avait demandé que le gouvernement abandonne son projet et engage plutôt 5 900 agents de police de plus pour patrouiller les rues. D'où la pertinence de ce que je disais.

Selon les derniers renseignements que nous avons obtenus grâce à l'accès à l'information, le gouvernement est en train d'investir plus de 300 millions de dollars dans quelque chose qui n'a réellement aucune incidence mesurable sur le crime organisé et qui ne touche en aucune façon les éléments criminels de notre pays. À ce jour, le gouvernement n'a recouvré que 17 millions de dollars en droits et il va devoir dépenser jusqu'à 300 millions de dollars pour cette seule année.

Ne devrions-nous pas étudier nos lois pour voir si elles sont efficaces en termes de coûts? Si elles ne le sont pas, ne devrions-nous pas investir les ressources qui y sont consacrées dans des domaines où elles pourraient véritablement contribuer à améliorer la justice au Canada?

M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je crois que nous sommes en train de confondre des choses tout à fait distinctes. Je le dis sincèrement. Je comprends le point de vue du député qui trouve que nous devrions essayer de voir si nos lois sont efficaces par rapport à leur coût.

En 1997, la plate-forme du Nouveau Parti démocratique proposait de faire exactement cela avec le projet de loi C-68: une vérification fédérale. Cela devient évidemment encore plus important quand nous voyons les montants dépensés à cette fin.

Selon moi, il s'agit cependant d'un problème distinct. Nous n'avons pas à choisir entre la réglementation des armes à feu et la lutte contre le crime organisé. Je ferai remarquer, comme on l'a déjà dit, que ni l'Association canadienne des chefs de police ni l'Association canadienne des policiers n'ont demandé qu'on choisisse. Elles demandent les deux.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je serai bref, car un député libéral a posé une question semblable au député.

Effectivement, je l'ai rencontré à Halifax le 1er septembre, parce que le député du Nouveau Parti démocratique est intervenu juste avant moi lors d'une allocution que j'ai prononcée devant l'Association canadienne des policiers et policières à Halifax.

 

. 2100 + -

Dans mon discours, je parlais des difficultés pour les corps policiers d'utiliser la Loi antigang. Je pense que c'est faux de l'appeler ainsi, mais la Loi antigang qu'on dit avoir adoptée est en vigueur depuis 1997.

J'aimerais savoir de la part du député s'il y a un corps policier, quelque part au Canada ou dans toute autre province comme le Québec, qui a dit que c'était un instrument facile à appliquer, que c'était ce dont il avait besoin pour lutter efficacement contre les groupes criminalisés? Ma question est simple. Lorsqu'on a adopté cette loi qui est en vigueur depuis 1997, est-ce que cela répondait aux attentes des corps policiers, et si depuis qu'on a cet outil qu'on appelle la Loi antigang, est-ce que cela a changé quelque chose dans les faits?

[Traduction]

M. Peter Mancini: Monsieur le Président, une question posée plus tôt a montré que cette disposition du Code criminel n'avait pas atteint ses objectifs. Je crois qu'il n'y a aucune discussion là-dessus. La police n'est pas satisfaite, les tribunaux ont des réserves et les parlementaires s'en inquiètent. La réponse est non: cette disposition du code ne marche pas. Comme je l'ai dit plus tôt, la solution consiste à proposer une mesure législative claire, solide et qui a du mordant.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, j'apprécie cette intervention. Je tiens à féliciter mon honorable collègue de son intervention savante, pénétrante et bien réfléchie. Il apporte toujours ce genre de contribution au débat. J'ai été particulièrement heureux de l'entendre insister sur la nécessité d'avoir plus de procureurs à charge et de ressources. Je sais qu'il parlait sincèrement.

J'en arrive à la question que je veux précisément lui poser quant à ce que nous pouvons faire concrètement pour nous attaquer à ce problème au moyen d'une initiative législative. Je me fais l'écho des propos tenus par le procureur général de l'Ontario à propos du besoin d'une loi permettant d'élargir la définition d'organisation criminelle, de criminaliser la participation aux activités de l'organisation et le recrutement de ceux qui s'engagent dans ce genre d'activités, d'interdire le port d'identifications et d'insignes clairement conçus pour faire connaître l'appartenance à un gang, et d'établir des sentences obligatoires pour certains types d'activités associées aux organisations criminelles. Telles semblent être les mesures concrètes à prendre et à inclure dans le projet de loi dont nous discutons aujourd'hui, afin d'élargir les pouvoirs de la police de perquisitionner et d'enquêter sur les lieux d'un crime où l'on soupçonne l'intervention d'une organisation criminelle. Telles semblent être les mesures concrètes qui sont suggérées par le procureur général de l'Ontario et dont il est question ici à la Chambre.

Je sais que le député a une grande expérience en matière de droit pénal, mais je me demande si ces points et d'autres dont il peut avoir connaissance sont les points que nous devons examiner au comité. Alors que le Comité de la justice, dont il fait partie, et la Chambre discutent de cette question, est-ce que ce sont là les points que nous devons aborder si nous voulons proposer un projet de loi qui résistera à l'épreuve du temps? Cela ne se fera pas à la hâte, mais certainement, pour reprendre l'expression de la ministre, d'une façon opportune qui enverra un solide message de dissuasion. Je sais que c'est une chose que connaît le député.

Ce qui s'impose maintenant à propos du crime organisé, c'est d'envoyer un message de dissuasion non seulement à ceux qui se livrent présentement à des activités criminelles mais aussi à ceux qui pourraient s'y engager délibérément. J'estime que ce message doit être inclus dans le projet de loi, et je suis impatient d'entendre sa réponse.

M. Peter Mancini: Monsieur le Président, je crois effectivement qu'il faut davantage de procureurs. Je crois également qu'il faut davantage de ressources en matière d'aide juridique, comme l'a réclamé l'Association du Barreau canadien. Je sais que le député est d'accord avec moi à ce sujet.

Pour répondre directement à sa question, je crois que nous devons envisager d'élargir les pouvoirs de la police. Je ne suis pas souvent d'accord avec le procureur général de l'Ontario, mais sur certaines de ces questions...

Une voix: N'est-il pas conservateur?

M. Peter Mancini: Je pense qu'il est membre de l'Alliance canadienne, mais je n'en suis pas sûr.

Je crois sérieusement que nous devons envisager d'élargir les pouvoirs de la police.

 

. 2105 + -

Le député sait que nous avons déjà parlé de moyens d'autoriser la police à contrevenir parfois aux lois pour infiltrer des gangs. Il est possible que nous devions envisager cela. Une solution consisterait peut-être à élargir les pouvoirs de la police pour qu'elle soit autorisée à faire des fouilles et des perquisitions, mais à condition qu'elle soit munie de mandats judiciaires. Je suis disposé à explorer ces options.

J'espère que la ministre de la Justice est sincère lorsqu'elle nous dit qu'elle est prête à réexaminer la loi. Il n'y a aucune raison de penser qu'elle n'est pas sincère, et j'espère que mon collègue et moi travaillerons de concert sur cette question, comme nous l'avons fait sur bien d'autres.

M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je dirai tout d'abord que le crime organisé est un problème très grave. Je ferai remarquer non seulement à la Chambre, mais à tous les Canadiens que le gouvernement du Canada, la ministre de la Justice, le solliciteur général, le premier ministre et tous les membres de notre caucus, et sûrement tous les députés, prennent ce problème très au sérieux.

Je peux dire à la Chambre que, dans le cadre de mes activités avec la police, j'ai assisté à de nombreuses conférences et j'ai été impliqué dans bien des situations où la question a été débattue. Ensemble, nous avons examiné la question en tentant de déterminer ce qu'il faudrait faire exactement dans ce dossier. Nous voulions rassembler les partenaires de tout le Canada et de tous les niveaux—provincial, fédéral, territorial, municipal, régional, entre autres—pour que nous puissions agir efficacement et faire en sorte que les politiques et les lois en place contribuent toutes à garantir que le fléau que constitue le crime organisé diminue, s'il n'est pas éliminé.

Je prends cela bien au sérieux. Il y a peu de temps, la ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration et moi nous sommes rendus en Ukraine et en Russie, qui sont aux prises avec de graves problèmes causés par le crime organisé et la criminalité. La situation est grave, surtout que les gens essaient d'entrer au Canada et de contaminer notre beau pays.

Nous devons redoubler d'efforts pour que nos frontières soient sûres et que les Canadiens et leurs familles, d'un bout à l'autre de ce magnifique pays, vivent en sécurité.

Je prendrai un moment pour passer en revue certaines observations qui ont été faites à la Chambre ce soir. Bien sûr, nous avons entendu le député de Pictou—Antigonish—Guysborough qui a entamé le débat sur cette motion. Il a fait des observations très intéressantes.

Toutefois, je m'élève un peu contre un élément du discours du député. Il nous a recommandé de prendre exemple sur les Américains pour régler ce problème. Sa proposition est ridicule quand on sait que, aux États-Unis, les taux de criminalité et d'homicide sont très élevés et des quartiers défavorisés sont complètement ravagés par la criminalité. Les gens préfèrent aller se murer dans les banlieues. Avec tout le respect que je dois au député, je lui ferai quand même remarquer que les Américains ne nous offrent pas un exemple à suivre. En fait, c'est le pire exemple qu'il pouvait donner.

Je tiens aussi à signaler que le Parti progressiste-conservateur et certains de ses membres ont fait campagne en 1997 en proposant de retrancher 83 millions de dollars au budget de la lutte contre la criminalité. Je trouve odieux que le député réclame ce soir une augmentation du budget, lui qui disait tout le contraire pendant la campagne électorale.

Nous avons aussi eu droit à une intervention de la part du porte-parole en matière de justice de l'Alliance, qui reprochait au gouvernement de ne pas avoir de loi pour refuser à des criminels l'entrée au Canada. Permettez-moi, encore une fois, de parler de l'Ukraine et de la Russie que j'ai visitées il n'y a pas si longtemps en compagnie de la ministre. À l'instar de ses collègues de l'Alliance, le député a complètement tort. Nous avons déjà des lois dans ce domaine et la ministre a bien précisé que nous ne laisserions pas les indésirables entrer au pays. Ces directives ont été élaborées avec le plus grand soin.

 

. 2110 + -

Les députés de l'Alliance qui perpétuent ces mythes devraient faire un examen de conscience et se demander pourquoi ils s'acharnent à tenir des propos aussi insensés. Ils devraient plutôt lire les lois. Ils devraient tenter de comprendre ce que signifient les lois et de déterminer comment ils pourraient les appliquer au lieu de mener des campagnes alarmistes. Les extrémistes d'en face avec leurs politiques droitistes cherchent toujours à provoquer l'ire des Canadiens et à envenimer le conflit...

Le président suppléant (M. McClelland): Le député d'Elk Island invoque le Règlement.

M. Ken Epp: Monsieur le Président, j'étais assis ici pendant que le député parlait. Franchement, on n'aide pas le débat en proférant des insultes et en disant des faussetés à notre sujet. Je crois que vous devriez le rappeler à l'ordre. Il devrait s'en tenir au sujet du débat d'aujourd'hui, à savoir, les groupes criminels et comment résoudre le problème qu'ils posent.

Le président suppléant (M. McClelland): Comme toujours durant un débat, il existe deux points de vue, soit essentiellement un pour chaque côté. J'ai aussi écouté les propos du député et je ne crois pas qu'il se soit éloigné du sujet.

M. Lynn Myers: Merci, monsieur le Président. Je ne sais pas à quel moment, durant mon intervention, j'ai froissé le député. Je suppose que c'est lorsque j'ai qualifié les gens de son parti d'extrémistes de droite. C'est sans doute ce qui l'a offusqué le plus, mais si le chapeau lui fait, il peut le porter et je suis certain que c'est le cas.

L'autre point que je voulais soulever au sujet du porte-parole de l'Alliance canadienne en matière de justice...

Le président suppléant (M. McClelland): Pour le moment, nous n'allons pas faire subrepticement ce que nous n'oserions faire directement. Je demande au député de Waterloo—Wellington de retirer son dernier commentaire au sujet du chapeau qu'il faut porter quand il nous fait.

M. Lynn Myers: Si le chapeau ne fait pas au député, je retire certes mes paroles.

Ce dont je veux parler a trait au contrôle des armes à feu. Nous avons en fait entendu le porte-parole en matière de justice dire—et je ne pouvais croire qu'il puisse penser cela—que, si la Loi sur le contrôle des armes à feu était aussi bonne que ce qu'on prétend—je paraphrase ici—M. Auger n'aurait peut-être pas été en danger et n'aurait peut-être pas reçu cinq balles dans le dos. J'ai dû réfléchir à cela un instant, car c'est vraiment un raisonnement un peu tordu.

Je dirais plutôt que notre système de contrôle des armes à feu a l'appui d'une grande majorité de Canadiens. Ils l'appuient parce qu'ils savent qu'il s'agit d'un outil efficace pour la police, le CPIC et les Canadiens, où qu'ils vivent au Canada, en ce qui concerne la réduction de la criminalité. C'est une valeur canadienne. C'est ce qui nous distingue notamment de nos voisins du Sud.

Avec leurs amis de la NRA, M. Heston, le Corps de milice du Michigan, les Minutemen et les cinglés de l'extrême droite comme on en trouve aux États-Unis, les alliancistes conseillent en fait aux gens de violer la loi et de ne pas enregistrer leurs armes.

Si, à l'inverse, les gens enregistreraient leurs armes et les alliancistes avaient aidé à cet égard au lieu de gêner le processus et de faire traîner les choses comme ils le font depuis quelques années, nous aurions un système qui fonctionnerait.

Je renverse donc cette affirmation et je dis que les alliancistes devraient avoir honte de ne pas penser à la sécurité des gens en souscrivant à un projet qui a l'appui non seulement des chefs de police du pays, mais également celui de l'Association canadienne des policiers. Ils devraient savoir et reconnaître que c'est une chose fondamentale pour notre pays. Ils devraient être fiers de faire cela plutôt que de se conduire de façon honteuse, comme ils le font relativement au contrôle des armes à feu.

Nous avons également entendu le leader du Bloc parler avec beaucoup de sarcasme et de railleries de constitution et de la Charte canadienne des droits et libertés dont tous les Canadiens jouissent. Je me suis vraiment demandé où il voulait en venir. Est-ce là ce que souhaitent des Québécois? Est-ce conforme à ce que les Canadiens souhaitent relativement à notre merveilleuse Charte des droits et libertés, ce remarquable document qui aide à nous définir en tant que peuple et à nous unir en tant que nation?

 

. 2115 + -

M. Myron Thompson: Foutaises.

M. Lynn Myers: Le député de l'Alliance dit «Foutaises». Imaginez. Il ne comprend pas la Charte. Il ne comprendrait rien de la Charte ni des droits et libertés de quiconque même s'il la lisait. Tout cela le dépasse. Les membres de l'Alliance n'ont que faire des droits et libertés de la personne. Ils voudraient que nous devenions tous des monolithes comme eux, mais cela n'arrivera pas.

Mais entendre le chef du Bloc parler de la destruction des droits individuels n'a pas manqué d'être étonnant. On aurait cru que ce parti aurait eu une meilleure position quand il s'agit de quelque chose d'aussi fondamental que notre grande Charte des droits et libertés, qui fait l'envie du monde entier, dont nous devrions être fiers et que nous devrions défendre à la première occasion. Nous devrions tous la protéger comme la prunelle de nos yeux.

Nous avons entendu la ministre de la Justice dire aujourd'hui et répéter ce soir qu'elle ferait tout pour ne pas succomber au fléau du crime organisé. Elle a dit de façon catégorique que le gouvernement prendra les mesures qui s'imposent dans ce domaine d'une importance capitale. Elle l'a dit parce que c'est ce que les Canadiens veulent. Ils veulent que le gouvernement agisse quand c'est le temps. Ils veulent que leurs droits soient protégés. Ils veulent que les criminels soient traduits en justice et que l'on vienne ainsi en aide aux victimes.

Contrairement aux députés d'en face, nous, du parti ministériel, sommes disposés à faire cela. On a beau les écouter attentivement, les députés d'en face ne proposent aucune solution. Ils ne font que parler de problèmes, de circonstances et de situations. Contrairement à nous, du parti ministériel, ils ne proposent aucune solution.

Nous avons accordé davantage d'argent au CIPC. Nous avons amélioré la sécurité des aéroports. Nous avons accru de beaucoup les ressources de la Gendarmerie royale du Canada. Au plan de l'immigration, nous continuons de nous assurer que l'on ait l'argent et les ressources nécessaires pour veiller à tenir le plus possible les criminels loin de notre magnifique pays d'une façon que les Canadiens approuvent. Nous avons produit les preuves concrètes dont le gouvernement a besoin pour assurer la sécurité des Canadiens.

Est-ce parfait? Absolument pas. Est-ce tout ce que nous pouvons faire? Absolument pas. Reste-t-il des choses à faire? Tout à fait. Nous devons continuer à faire ce qu'il faut pour supprimer le plus possible le crime organisé tel que nous le connaissons, compte tenu de la situation dans laquelle nous nous trouvons. C'est ce que nous allons continuer à faire.

Nous avons entendu la ministre de la Justice et le solliciteur général du Canada dire que ces efforts seront déployés de façon significative et constante dans le respect de la Charte et des droits et libertés fondamentales dont bénéficient tous les Canadiens. Cela semble échapper à des députés d'en face. Ils ne semblent pas comprendre que le monde n'est pas seulement noir et blanc comme ils voudraient nous le faire croire, mais tout en nuances et que différentes choses doivent être prises en considération. C'est exactement ce que nous faisons en tant que gouvernement et mon expérience, mes antécédents et mes connaissances dans le domaine me disent que c'est exactement ce qu'il faut faire. Je félicite le gouvernement. Je suis fier de faire partie d'un gouvernement qui prend des mesures adéquates, de manière concertée.

S'il nous faut, par l'entremise de la loi, prévoir des outils supplémentaires pour aider nos corps policiers à enrayer le blanchiment d'argent ou pour mettre en place des accords permettant aux forces de l'ordre d'unir leurs efforts aux niveaux local ou régional, provincial et fédéral—il est question, à ce palier, de la Gendarmerie royale du Canada—nous devrions nous employer à le faire. Nous savons qu'il s'agit là du genre de mesures que nous devrons peut-être prendre et nous sommes prêts à le faire.

Nous savons que tous les corps policiers du Canada doivent pouvoir partager efficacement l'information et les renseignements qu'ils possèdent. Nous devons faire en sorte que cela puisse se faire sans heurt, sans donner lieu à une guerre des compétences, dans un effort concerté pour garantir le partage des connaissances et pour permettre aux gens de faire front commun dans ce domaine très important.

Je voudrais parler brièvement de certaines mesures qui sont déjà en place pour assurer une coordination du travail des forces de l'ordre et le partage de leurs renseignements et pour garantir qu'il en soit ainsi entre tous les partenaires dans la lutte au crime organisé.

 

. 2120 + -

Les renseignements et l'information sur les groupes criminalisés et leurs activités sont le fondement même de l'application efficace des lois. Nous sommes conscients de cela et nous savons que cela existe. Il faut qu'il y ait un partage de ce type de renseignements et d'information. C'est ce sur quoi s'appuient les policiers pour déterminer quels groupes ou activités constituent une menace pour les Canadiens et le Canada, pour l'économie de notre pays et, bien entendu, pour ses valeurs morales.

La police utilise donc ces informations pour établir ses priorités et cibler ses ressources, de manière à avoir le plus de répercussions possibles compte tenu des ressources à sa disposition. Les renseignements et cette information sont donc la principale pierre angulaire des efforts déployés pour lutter contre le crime organisé.

Le Service canadien des renseignements criminels, ou SCRC, a été créé en 1966. Il s'agit d'une organisation nationale qui unit les services de renseignement sur la criminalité et les organismes canadien d'exécution de la loi dans la lutte contre la propagation du crime organisé. Le SCRC a un bureau central dans les locaux de la GRC, à Ottawa, et un réseau de neuf bureaux dans les provinces. Ses activités sont coordonnées à l'échelle nationale, puis provinciale et régionale.

En ce moment, plus de 120 corps policiers alimentent le réseau du SCRC en renseignements. Les structures et le réseau informatique aident les corps policiers et les autres agences d'exécution à partager l'information et à coordonner la lutte contre le crime organisé dans tout le Canada. Cela est important pour assurer une action concertée.

Je voudrais aussi parler de l'exécution coordonnée des lois. Les agences ne peuvent pas, chacune de leur côté, s'attaquer aux groupes criminels, c'est impossible. Il est nettement préférable de pouvoir faire appel aux organismes des différents paliers au besoin. En faisant travailler ensemble les agences de différents paliers, la police peut élargir et renforcer son réseau d'exécution de la loi. Cela permet aussi à tous les intervenants de pouvoir bénéficier de compétences, aptitudes, expertises et connaissances variées.

Les 13 unités mixtes des produits de la criminalité sont un bon exemple de l'exécution coordonnée des lois. Elles ont été mises sur pied par la GRC en 1997, après l'adoption d'une loi et j'ajouterai, grâce au bon jugement du gouvernement. Ces unités mettent en commun les ressources et l'expertise de la GRC, des corps policiers locaux, régionaux et provinciaux, des agents des douanes et du revenu du Canada, des avocats du gouvernement et des juricomptables pour dépister et saisir les produits des activités illégales des groupes criminels organisés.

Les groupes ont saisi jusqu'à maintenant des éléments d'actifs criminels d'une valeur supérieure à 140 millions de dollars. C'est important, car cela fait ressortir l'engagement du gouvernement du Canada dans ce secteur très important.

Dans le Grand Toronto, la Gendarmerie royale du Canada, la police provinciale de l'Ontario ainsi que les services régionaux de Toronto, Peel et York collaborent à diverses initiatives interpolices visant à lutter contre des groupes nationaux et internationaux du crime organisé. Figurent parmi les participants le Service interpolices de la criminalité asiatique, le Groupe spécial interpolices et le Groupe de regroupement des renseignements interpolices de Toronto.

Ces groupes sont coordonnés par la GRC et ont connu de très grands succès dans leur lutte contre les groupes criminalisés nationaux et internationaux. La mise au jour d'un groupe international qui, à l'aide de cartes de débit et de crédit effectuait des fraudes de millions de dollars à Toronto l'an dernier constitue un exemple.

Bon nombre d'autres initiatives interpolices importantes ont été mises au point et dirigées par des gouvernements provinciaux ainsi que des services de police. Le gouvernement du Québec a mis sur pied des groupes de lutte contre les bandes de motards dans les principales villes de la province. Ces groupes sont présentement à l'oeuvre à Montréal et à Québec ainsi que dans la région de l'Outaouais. Ils comprennent des agents de police provinciaux et municipaux ainsi que de la GRC.

En Ontario, il existe un groupe spécial de la police provinciale qui lutte contre les bandes de motards. Ce groupe de la PPO travaille en collaboration avec la GRC, le Service de renseignements criminels de l'Ontario et 16 services de police locaux. Il réunit des renseignements et met en oeuvre des mesures d'application de la loi dirigées contre les grandes bandes de motards criminalisées qui sont en plein essor.

Je pourrais poursuivre la liste des mesures que le gouvernement et que les services de police de notre grand pays adoptent. Faut-il en faire plus? Tout à fait. Devons-nous en faire plus? Nous devons absolument le faire et nous le ferons.

 

. 2125 + -

En bout de piste, nous ferons en sorte que le travail se déroule sous le signe de la collaboration et de la transparence de façon à garantir la sécurité que les Canadiens ont à maintes reprises tenue pour acquise au fil de l'histoire de notre grand pays. Nous agirons d'une façon efficace qui souligne l'engagement, non seulement de la ministre de la Justice et du solliciteur général, mais aussi de tous les députés ministériels désireux de veiller à ce que les Canadiens se sentent en sécurité dans leur foyer et à ce que nous ne tenions pas pour acquis le genre de situation et de système fondés sur la loi et l'ordre. Ils tiennent plutôt à ce que nous travaillons en concertation avec tous les députés afin de veiller à ce que les Canadiens bénéficient du meilleur système d'application de la loi possible, compte tenu des ressources disponibles et des priorités énoncées, afin que nous adoptions les mesures voulues et que nous garantissions la sécurité non seulement des Canadiens, mais aussi de leur famille et de notre grand pays.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je félicite le député d'en face de ses commentaires. À mon avis, il a démontré très clairement qu'il comprend bien l'étendue du problème, comme la plupart des députés qui ont pris la parole au cours de ce débat d'ailleurs. Malheureusement, lorsqu'il parle d'approche coopérative, ses propos sont empreints d'une attitude clairement partisane. Il ne manque jamais une occasion d'accuser, de pointer le doigt et de rejeter le blâme sur les autres.

Nous avons la preuve devant nous. Bien que le gouvernement actuel et ceux qui l'ont précédé se soient déjà penchés sur la question, le problème persiste. Il prend même de l'ampleur, ce qui prouve bien l'importance et la portée du problème et démontre qu'en dépit des initiatives adoptées et compte tenu des maigres ressources en place, la situation empire.

Les belles paroles, les accusations et les vains propos tenus au cours de ce débat sur un ton d'esprit partisan ne fait rien pour améliorer la situation. Cela ne fait qu'envenimer le problème. Si le député croit sincèrement à l'approche coopérative, peut-être pourrait-il présenter ses commentaires de façon moins sectaire.

Je dois admettre qu'il était plutôt rafraîchissant d'entendre la ministre de la Justice reconnaître qu'il y a parfois au pays des moments historiques où le pouvoir législatif doit exercer ses prérogatives en ce qui a trait à ses obligations face aux citoyens de ce pays et avoir recours à la disposition d'exemption. Le premier cas qui me vient à l'esprit a trait à la pornographie enfantine. Ce serait sans contredit une situation qui appellerait ce genre de mesure législative et le recours à la disposition d'exemption.

À mon avis, le crime organisé est un problème tout aussi grave et important. Le député est-il d'accord avec la ministre de la Justice pour dire qu'il y a des situations qui l'exigent et peut-être auront-ils la force d'âme et la conviction nécessaires pour invoquer la disposition d'exemption dans le cas qui nous occupe. Le député est-il prêt à reconnaître qu'il y a des occasions où le recours à la disposition d'exemption est la dernière option possible, et je sais qu'en tant qu'ancien policier, il croit sincèrement à la primauté du droit et à l'importance d'un ordre juridique fort. Je ne voudrais pas laisser sous-entendre qu'on devrait y avoir recours à la légère, sans contrôle ou restriction, mais n'y a-t-il pas des cas où le gouvernement aurait des bonnes raisons d'avoir recours à la disposition d'exemption en vertu de la Constitution?

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, je prends vraiment très au sérieux le système judiciaire du pays. Je sais que dans le monde entier il est considéré comme le meilleur pour ce qu'il représente en matière de jurisprudence, non seulement au niveau national, mais également sur le plan international.

Je prends aussi extrêmement au sérieux la Charte des droits et libertés, qui a été promulguée en avril 1982. Je sais que tous les Canadiens font de même parce que c'est une valeur qui est essentielle à la définition d'un Canadien.

Je sais également que l'application régulière de la loi est incontournable. Pour les Canadiens, c'est non seulement quelque chose qu'ils veulent, mais c'est également quelque chose que les Canadiens d'un océan à l'autre s'attendent à ce que nous, en tant que parlementaires et membres du gouvernement, fassions de sorte que tout soit conforme aux valeurs fondatrices de notre pays.

 

. 2130 + -

Je sais que la semaine dernière, la ministre de la Justice et le solliciteur général se sont rendus à Iqaluit. Ils ont rencontré leurs partenaires provinciaux et territoriaux afin de passer en revue ce programme très important et d'examiner le dossier très important qu'est le crime organisé. Je sais qu'ils se réuniront à nouveau sous peu au Québec pour assurer la poursuite des discussions car, contrairement à ce que le chef du Bloc a laissé entendre, que cela concerne le code criminel, ce dossier ne relève pas exclusivement du gouvernement fédéral, c'est un domaine de compétence partagée entre les divers paliers de gouvernement. Sa naïveté m'a beaucoup étonné.

Quoi qu'il en soit, il est important que nous collaborions avec nos partenaires provinciaux et territoriaux et que nous agissions conformément à ce que les Canadiens attendent de leur gouvernement et selon les valeurs que sous-tendent la liberté, la charte, ainsi l'application régulière de la loi et la justice pour tous les Canadiens.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, je désire souhaiter la bienvenue au député à titre de nouveau membre du Comité permanent de la justice et des droits de la personne.

Je sais qu'il était membre du Comité permanent de la santé. Il était peut-être habitué à entendre des choses se rapportant à la santé, mais je l'invite à être plus réaliste, à retomber sur ses deux pieds et à voir qu'il s'agit d'un problème extrêmement important.

Surtout, je l'invite à lire la Constitution canadienne. Le député se rendra compte que le Code criminel n'est pas de juridiction partagée. Tous les articles que l'on retrouve dans le Code criminel, c'est le législateur fédéral, ici en cette Chambre, qui les a adoptés. Ce n'est pas une compétence partagée. L'administration de la justice, cependant, relève des assemblées législatives, donc des provinces.

Ce que nous demandons, c'est que le gouvernement d'en face se mette les yeux dans les bons trous, qu'il regarde la problématique du crime organisé correctement, qu'il modifie le Code criminel afin de donner de véritables outils au système judiciaire, tant aux policiers qu'aux procureurs de la Couronne.

Ce n'est pas une question de juridiction partagée. Il y a une seule et unique entité qui peut modifier le Code criminel, c'est le Parlement fédéral, nous ici.

J'invite le député à retomber sur ses deux pieds, à prendre des cours de rattrapage en Constitution 101, pour se rendre compte de ce qui est de juridiction fédérale et de ce qui est de juridiction des provinces. Par la suite, on pourra se parler et écouter ce que dit le député. Présentement, il ne fait que sourire, se pavaner dans cette Chambre, mais c'est zéro au niveau de la compréhension du problème du crime organisé. C'est un peu effrayant et épeurant de voir que le solliciteur général a un tel secrétaire parlementaire.

Pas grand-chose n'avancera au Comité de la justice si le bonhomme d'en face parle à travers son chapeau, s'il ne connaît même pas le fondement de la Constitution canadienne.

Lorsque la Constitution canadienne a été signée—il a peut-être même oublié son histoire—qui était ministre de la Justice? C'était l'actuel premier ministre qui était ministre de la Justice à l'époque.

Le ministre de la Justice de l'époque a inclus l'article 33 dans la Charte canadienne, un article qui nous permet, à titre de législateurs à Ottawa, d'utiliser la clause dérogatoire si on veut subtiliser à un groupe ou à un individu certains droits réservés par la Charte. Si le législateur a mis cet article dans la Charte, c'est parce que, un jour ou l'autre, on pouvait l'utiliser.

C'est seulement cela qu'on veut, et ce, «si nécessaire». Il y a peut-être des choses à faire avant de l'utiliser, mais il ne faut pas fermer les yeux et se boucher les oreilles comme le fait le député d'en face.

[Traduction]

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, les bloquistes sont bien susceptibles ce soir. Qu'ils sont donc susceptibles! Ils peuvent envoyer des coups mais ne semblent pas capable d'en recevoir. Je n'ai pas besoin d'une leçon sur le droit constitutionnel. Je sais exactement ce qu'est la loi constitutionnelle au Canada.

Je sais fort bien que si le gouvernement canadien, la ministre de la Justice et le solliciteur général faisaient quoi que ce soit sans consulter le Québec au cours des prochains jours, les députés d'en face montreraient sur leurs grands chevaux. Ils se plaindraient encore une fois d'être des victimes, d'avoir été tenus à l'écart, d'avoir encore une fois été coupés du reste de la société canadienne. Ils monteraient sur leurs grands chevaux et se prêteraient à toutes sortes de manèges.

 

. 2135 + -

Ce que je veux dire, c'est que, dans les jours qui viennent, nous allons consulter nos homologues au Québec pour veiller à travailler ensemble dans un esprit de coopération. Le député ne semble pas arriver à comprendre cela. Il devrait revoir sa position, se calmer et réfléchir à ce qu'il dit au lieu de se laisser emporter et d'agir de façon ridicule. Mais qu'importe. Cela fait peut-être partie de sa personnalité.

Tout ce que je dis, c'est que le gouvernement, la ministre de la Justice et le solliciteur général ont été très clairs. Nous traiterons de cette question avec nos partenaires des provinces et des territoires d'une façon efficace. Nous veillerons à travailler d'une manière compatible avec les valeurs canadiennes qui sont fondamentales pour le pays.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je partagerai mon temps de parole avec le député d'Okanagan—Shuswap.

Le débat de ce soir a connu des bas, mais aussi des hauts. À mon avis, nous songeons à troquer des libertés personnelles pour assurer notre sécurité individuelle, pour ainsi dire. Les libertés dont nous bénéficions au Canada sont sacro-saintes. Ce sont les libertés pour lesquelles il a fallu se battre lors de deux guerres et d'autres escarmouches. Des personnes se sont battu et ont donné leur vie pour les libertés dont nous jouissons. Avant d'envisager l'utilisation de la disposition d'exemption pour abandonner nos libertés personnelles, nous devons examiner en profondeur la question. Nous devons cerner ce qui a précipité l'étude du problème.

Premièrement, nous parlons d'un gang de motards qui aurait tiré sur un journaliste. C'est là-dessus que nous nous penchons. Nous devons d'abord comprendre que chaque type de gang pose des gestes différents. Les motards sont reconnus pour adopter une approche très brutale pour régler les problèmes à mesure qu'ils surviennent. Il y a aussi les gangs autochtones, la mafia, d'autres organisations ethniques, des gangs ayant des intérêts communs, comme les gangs colombiens qui s'adonnent à l'importation et à la distribution d'héroïne.

Il est malheureux et inexact de dire que les motards représentent le crime organisé. Il est utile de le faire dans cette terrible situation. comme on l'a dit, nos pensées sont avec M. Auger et son entourage. Il est difficile de se rendre compte dans ces atroces circonstances que cet attentat, si en effet il est prouvé qu'il est l'oeuvre d'un gang de motards, n'est qu'un seul acte potentiellement attribuable au crime organisé parmi de nombreux autres, probablement des milliers.

Il faut comprendre que nous débarrasser du crime organisé au moyen d'une action d'envergure, par exemple la disposition d'exemption, équivaudrait à soigner une fièvre typhoïde en administrant un traitement contre le paludisme. On ne plâtre pas un bras pour guérir une jambe cassée. Nous devons circonscrire le problème. Nous devons comprendre que les députés ont pour mission de systématiquement défendre la liberté d'association des individus, laquelle liberté rime on ne peut plus concrètement avec la sécurité personnelle de ces individus.

Je dirai en dernier lieu qu'il est possible de soigner un rhume ou une grosse grippe avec une dose mortelle d'arsenic. Nous n'aurions à coup sûr plus de rhume ou de grippe. La chose ne nous inquiéterait plus. Le remède est sans doute souverain, mais le malade risque d'en mourir.

De quelle façon le crime organisé nous touche-t-il et que devons-nous faire pour lui faire échec? Nous sommes au courant de certaines situations dans la société canadienne; nous savons par exemple qu'il existe des dépotoirs, auxquels est associé le crime organisé qui, intentionnellement et activement, pollue notre environnement et notre société. Nous savons qu'il existe des passeurs de migrants clandestins. Nous savons également que nos forces policières sont affaiblies et que leur intégrité est compromise, non pas par leur faute, mais bien du fait des actions menées par le crime organisé à leur encontre.

 

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Je ne me laisserai pas démonter par le député de Waterloo-Wellington qui invoque le principe du «politiquement correct» pour nous empêcher de parler des gangs de malfaiteurs d'origine étrangère présents sur notre territoire. Ces gangs existent. Leurs plus grandes victimes sont précisément les personnes de même origine ethnique, qui s'étaient réfugiés au Canada pour s'éloigner de tout cela.

Le meilleur exemple qui me vient à l'esprit et celui des Tigres tamouls. Il y a au Canada un groupe de Tamouls remarquables qui sont venus ici pour échapper à la répression, au meurtre et à l'élimination, pour chercher une vie meilleure pour eux et pour leur famille. Malheureusement, ils ont été suivis par des membres des tigres tamouls qui représentent une menace pour la sécurité du Canada et pour la sécurité des gens à l'échelle internationale et qui représentent également le crime organisé sous sa pire forme.

En termes de groupes ethniques ou d'appartenance à un groupe particulier, je pense également aux gangs russes. Nous savons, c'est de notoriété publique, qu'il y a eu tentative de corruption des politiciens de cette Chambre. Dès qu'ils se sont aperçus d'où venaient certaines contributions, ils les ont immédiatement transférées de leur compte dans un compte en fiducie. C'est tout à leur honneur. La seule raison pour laquelle cet fait a été porté à l'attention du public est que l'épouse du gangster russe a essayé de récupérer l'argent et que les médias en ont fait état.

D'autres personnes qui oeuvrent dans le domaine public, peut-être pas dans cette Chambre, auraient-elles succombé à cette menace? Auraient-elles succombé à la menace d'être mises dans une situation compromettante ou embarrassante? Et qu'en est-il de la coercition financière dont peuvent être l'objet les personnes comme nous qui ont la responsabilité d'adopter des lois protégeant tous les Canadiens? Et qu'en est-il des menaces de mort proférées contre le député de Saint-Hyacinthe—Bagot et de sa famille et du fait qu'il est obligé d'avoir un garde du corps pour lui et pour sa famille? C'est une menace très grave.

Il faut que les Canadiens se rendent compte que le débat que nous tenons ce soir, même s'il a été parfois décevant, est néanmoins absolument essentiel car tous les Canadiens, pas seulement les députés de cette Chambre, doivent collectivement oeuvrer à la protection des libertés dont nous jouissons en tant que citoyens.

Les agents d'exécution de la loi ont-ils suffisamment de ressources pour faire leur travail? Nous répondons carrément non. À la suite de compressions budgétaires, nous avons été témoins du démantèlement de la police portuaire. On a eu un exemple frappant des problèmes reliés à la police portuaire au moment où on supprimait cette police. La police portuaire a demandé à l'autorité portuaire de Vancouver de lui fournir des renseignements sur un individu qu'elle avait engagé et qui était un ressortissant chinois de Beijing. On voulait savoir si l'autorité avait effectué une vérification de sécurité à l'égard de cet individu. Elle n'en avait rien fait.

À cette époque-là environ, la police portuaire de Vancouver a été démantelée. Par la suite, dans les deux ou trois mois qui ont suivi, cet individu a fait entrer à l'autorité portuaire de Vancouver trois soi-disant étudiants en provenance de Dalian. Ces trois prétendus étudiants avaient accès au port de Vancouver, à toutes les mesures de sécurité, à tous les services de renseignements à l'intérieur du port de Vancouver et nous nous demandons pourquoi le port de Vancouver est un point de passage pour toutes les drogues qu'on peut imaginer.

Exactement au même moment, un accord a été conclu avec une compagnie de navigation internationale pour que le port de Vancouver soit la première escale. Ainsi, les conteneurs allaient directement du port de Vancouver à Chicago sans obstacle. Tout à coup, les drogues en provenance du Triangle d'or ont abouti à Chicago à la suite notamment du démantèlement de la police portuaire de Vancouver.

 

. 2145 + -

Au SCRS et à la GRC, et non seulement au niveau du personnel, il y a une véritable concurrence à la suite de l'adoption de la loi qui couvre la collecte de preuves par la police et la façon dont le SCRS finit par obtenir ses renseignements.

Je pense qu'il y a deux choses que nous devons examiner bien avant de même envisager de mettre de côté nos droits et libertés.

Tout d'abord, sur le plan législatif, nous devons examiner et rationaliser les lois existantes et apporter les modifications nécessaires lorsqu'il y a conflit entre deux lois. De plus, en ce qui concerne les ressources, il faut coordonner les activités des organismes d'exécution de la loi et autres organismes compétents. Il faut mettre un terme à la concurrence que se livrent les divers organismes. On doit accroître la formation et la communication de renseignements. Il faut être en mesure d'acheter du matériel moderne.

On doit reconnaître que notre réponse doit consister à s'attaquer au problème dans son ensemble. Nous pouvons trouver un moyen d'améliorer notre sécurité personnelle et la sécurité nationale, mais il faut faire en sorte que cette solution respecte les libertés individuelles. Le remède ne doit pas tuer le patient.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, je tiens simplement à féliciter le député d'en face.

Il est rare que j'intervienne à la Chambre pour dire que je suis d'accord avec tout ce qu'a dit un député de l'opposition. Le député a absolument raison. Nous ne devons pas nous laisser pousser à compromettre nos droits fondamentaux à cause des activités du crime organisé. Lorsque nous le faisons, c'est le crime organisé qui y gagne. Nous ne devons jamais faire cela.

Je suis d'accord avec lui pour dire, comme je l'ai déjà mentionné et comme je le mentionnerai quand je ferai ma propre intervention, que la meilleure façon de nous en prendre au crime organisé c'est de nous en prendre à ses sources de revenus. Le député d'en face a fait remarquer très correctement que nos ports sont des passoires où s'exercent toutes sortes de contrebande en provenance de notre pays. J'ai eu de nombreux rapports et j'ai fait de très nombreuses démarches auprès de nos ministres pour leur faire comprendre que nous devons faire quelque chose pour y mettre un frein. Le problème ne tient pas à la contrebande à destination de notre pays mais à celle qui s'exerce en provenance du Canada.

Il se trouve que les Américains expédient leurs produits de contrebande de l'autre côté de la frontière puisqu'il s'agit d'une frontière ouverte, puis ces produits sont expédiés vers l'Afrique, la Jamaïque et d'autres pays qui veulent des produits illégaux. Nous avons là un véritable problème.

Le député ne trouve-t-il pas que, si nous devions compromettre la liberté d'association en réagissant aux activités des gangs de motards criminalisés au Québec, nous pourrions mettre en péril les libertés dont jouit le Bloc québécois lui-même? Je me rappelle l'époque où la GRC avait tenté de lire le courrier du Parti québécois parce qu'il s'agissait d'une organisation séparatiste. Cela avait suscité un tollé dans tout le pays. Tout le monde était en colère.

J'aimerais que le député nous dise ce qu'il en pense. De tous les partis à la Chambre, le Bloc québécois devrait sûrement être celui qui soutiendrait que nous ne devrions pas invoquer la disposition d'exemption, que nous nous devrions protéger la liberté d'association et trouver d'autres moyens pour lutter contre ce problème.

M. Jim Abbott: Monsieur le Président, j'ai vraiment peur ce soir, parce que je suis d'accord avec le député d'en face. C'est vraiment une soirée épouvantable.

Sérieusement, je suis entièrement d'accord avec mon vis-à-vis. La disposition d'exemption a été inscrite dans la Constitution dans un but précis, qui était de prévoir une circonstance impossible à prévoir à l'époque. Si jamais nous y recourons, nous devons absolument le faire en dernier ressort. Je crois qu'à un moment donné, cela peut être très à-propos.

En examinant toute la question du crime organisé, on se rend compte que c'est une partie de tout le problème de la sécurité nationale. La question ne se limite pas au crime. Elle touche toute la sécurité nationale ainsi que la sécurité personnelle. Il faut l'examiner dans sa totalité pour découvrir toutes les solutions possibles. Il existe bien des solutions qui n'ont rien à voir avec la loi. Je suis entièrement d'accord avec le député.

M. Peter MacKay (Pictou—Antigonish—Guysborough, PC): Monsieur le Président, je ne suis pas totalement d'accord avec les deux députés, mais certaines de leurs observations m'ont certes réjoui, en particulier celles du député allianciste qui, à mon avis, saisit réellement le problème. Étant donné la région d'où il vient, je voudrais l'inviter à parler un peu plus de la police des ports. Notre pays est immense, mais il possède deux grandes côtes qui ne sont pratiquement pas défendues. Nous sommes extrêmement vulnérables au crime organisé et au matériel de contrebande qui semble échapper aux mécanismes de surveillance installés sur les deux côtés. Même dans l'Arctique, un grand nombre de côtes nous laissent vulnérables. Il s'agit là d'un aspect qu'il faut examiner exhaustivement au moyen d'une loi, de ressources et d'un effort concerté.

 

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En outre, je lui demanderais de commenter le problème qui existe dans nos prisons. Tous les députés savent et quiconque est au courant de la situation se rend compte que les autorités chargées des établissements pénitentiaires sont particulièrement vulnérables également aux actes d'intimidation, aux formes de chantage et à la corruption. Là encore, je crois qu'il faut examiner ce problème, pas seulement sur le plan des ressources et de la législation, mais encore au moyen de changements internes qui peuvent être apportés afin d'évaluer et de soutenir leurs efforts d'intervention contre les gens du milieu du crime organisé qui sont actuellement détenus dans leurs établissements et qui continuent de se livrer à leurs activités criminelles à l'intérieur des murs des prisons dans tout le pays.

On peut faire davantage. Il est certes décourageant pour les membres des établissements carcéraux de voir des détenus libérés après une courte période de détention parce qu'ils bénéficient, par exemple, d'une libération d'office.

Je voudrais que le député fasse des observations à ce sujet.

M. Jim Abbott: Monsieur le Président, pour épargner du temps, je m'en tiendrai à un seul aspect des observations de mon collègue, soit celui qui a à voir avec la police des ports.

Le gouvernement est allé à l'encontre de tous les conseils qu'il avait reçus en supprimant la police des ports. C'était vraiment à déconseiller parce que nous avions recueilli de l'information et des renseignements de sécurité. Nous avions surtout des agents expérimentés. Nous avions une mine de renseignements qui s'est essentiellement évaporée le jour où la police des ports a été dissoute dans tout le Canada. Beaucoup de dossiers ont tout bonnement disparu ce jour-là.

Cela fait partie de la coordination dont nous parlons ici. Mon collègue, le député de Pictou—Antigonish—Guysborough, notamment, et moi-même avons dit qu'il fallait un effort concerté. Cette information doit être mise en commun. Il faut trouver le moyen d'ajouter aux renseignements et à l'expérience de nos forces policières et d'exécution de la loi. À cet égard, je suis entièrement d'accord aussi avec mon collègue, le député de Pictou.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie le député de Kootenay—Columbia de partager avec moi son temps de parole au cours de ce très important débat.

Je ne vais pas prétendre que les Canadiens qui nous écoutent et les députés ne savent pas que le crime organisé existe dans notre pays, contrairement à certains députés ministériels qui semblent penser que ce n'est pas le cas, que ces choses-là n'arrivent pas au Canada. Nous savons très bien qu'elles arrivent.

Le gouvernement dit que le crime organisé franchit les frontières et les limites interprovinciales. C'est parfois vrai, parfois non. Nous savons pertinemment que des membres du crime organisé ont été inculpés. Ils ne sont pas citoyens canadiens.

Que faisons-nous? Nous ne les expulsons pas. Ils défilent devant les différentes commissions. Ils se prévalent de différents recours qui coûtent très cher aux Canadiens. C'est au niveau fédéral. Nous sommes au courant, mais nous ne changeons rien à nos façons de faire.

Le crime organisé est présent dans les prisons fédérales. Si nous voulons parler de gangs et d'affiliations à des gangs, nos prisons débordent de ces gens-là. Il y a des gangs dans à peu près toutes les prisons. Elles y font entrer de la drogue. Le gouvernement le sait. Les députés d'en face aussi. Mais ils prétendent que ce n'est pas vraiment un gros problème.

C'est un gros problème particulièrement dans les prisons. C'est une menace pour les gardiens, pour les policiers, pour les agents de libération conditionnelle. À titre d'exemple, prenons la Commission nationale des libérations conditionnelles, dont des membres ont fait l'objet de menaces. Cette note bien franche d'un président qui a récemment pris sa retraite, Willie Gibbs, est la dernière preuve des tentatives d'intimidation dont des membres du système de justice sont victimes.

 

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Le président retraité de la commission des libérations conditionnelles l'a dit. Il dit aussi que cela semblait plus courant au Québec, et que c'était peut-être à cause de la nature de la population carcérale au Québec et parce que le nombre de détenus ayant des liens avec le crime organisé y était plus élevé. M. Gibbs s'est retiré de son poste de président en juillet dernier et il n'a pas encore été remplacé.

Voyons ce qu'on a dit d'autre. Ces documents ont été obtenus récemment grâce à la Loi sur l'accès à l'information et présentés au ministère fédéral de la Justice en janvier dernier en réponse à un document de consultation. On peut y lire que: «La peur agit sur les décisions que vous prenez. Le processus pourrait donner lieu à de nouvelles lois ou procédures pour protéger les agents de libération conditionnelle, les avocats, les jurés, les témoins, les policiers et les gardiens de prison.» Nous parlons de nombreuses personnes qui mettent leur vie en péril pour nous protéger afin que nous nous sentions en sécurité. Ils le répètent, rapport après rapport, et le gouvernement fédéral ne fait absolument rien à cet égard. Il y a lieu de s'interroger.

Corrigez-moi si j'ai tort, et je sais que le député de Waterloo—Wellington le fera sûrement, mais j'ai toujours entendu dire en grandissant, et c'est le cas pour la plupart des gens au Canada, que la grande priorité du gouvernement était d'assurer la sécurité et le bien-être des citoyens respectueux des lois. C'est ce que j'ai entendu lorsque j'étais jeune et j'ai été porté à le croire. Pourtant, depuis mon arrivée à la Chambre, et même avant, je n'ai fait que lire des documents et écouter des groupes de victimes qui disent tous la même chose: ils ne parviennent pas à obtenir la protection requise de la part du gouvernement du Canada. Les peines ne sont pas adéquates. Le système de justice pénale aime bien la rhétorique, mais il ne fait rien. Il enrichit les avocats. Le processus d'appel fonctionne à pleine vitesse. Le système de justice est un système à portes tournantes qui permet aux criminels de recouvrer leur liberté dès que les accusations sont portées et parfois même avant que toutes les formalités administratives aient été effectuées. C'est ça, la justice canadienne.

Les députés pensent que je cherche à susciter la peur. Voyons encore ce rapport, qui dit que les policiers font aussi l'objet de mesures d'intimidation allant de simples avertissements à des menaces non voilées. «Cela inquiète les agents de police», affirme David Griffin, membre exécutif de l'Association canadienne des policiers. Il ajoute: «Les criminels organisés n'hésiteront pas à avoir recours à l'intimidation, aux menaces et à la violence.» Nous parlons ici d'une race de gens qui a choisi de vivre en marge de la loi. Disons que David Griffin cherche à susciter la peur. Après tout, il n'est que membre exécutif de l'Association canadienne des policiers qui représente 30 000 agents de police. Hier, les policiers ont exprimé tout leur désarroi devant les criminels organisés qui semblent jouir d'une quasi immunité au Canada tandis que le travail des corps policiers est entravé par des lois faibles, le manque d'outils et des ressources insuffisantes.

Les policiers sont formés pour lutter contre la criminalité. Ils ont donné cet avertissement au gouvernement, qui a choisi de ne rien faire. Il y a des députés en face qui soutiennent que le crime organisé n'existe pas au Canada. Lorsque nous mentionnons les gangs d'Asiatiques, d'Indiens et d'extrémistes blancs, nous tenons des propos alarmistes. C'est tout ce que trouvent à dire ces députés. Pourtant, il suffit de discuter avec les victimes et avec leurs familles. Il suffit de discuter avec les gardiens dans les pénitenciers fédéraux qui ont parfois si peur qu'ils ne se présentent pas au travail. Il suffit de leur parler. Les députés d'en face refusent de le faire; ils préfèrent rester ici, où ils sont en sécurité, et prendre un café. Il faut aller parler aux gardiens et à leurs familles.

M. Myron Thompson: Ils n'ont jamais mis les pieds dans un pénitencier.

M. Darrel Stinson: Non, ils n'y ont jamais mis les pieds, et ne le feront jamais. Ils pourraient devoir agir pour faire changement. Ils se rendraient enfin compte de ce que c'est que de faire quelque chose pour le pays au lieu de se contenter de dire que nous tenons des propos alarmistes. Cela me paraît étrange.

Je me souviens qu'avant que je me présente, en 1993, cela était la grande question. Cela a été une question importante pendant fort longtemps, mais, tout d'un coup, la ministre dit que c'est maintenant une priorité. Le gouvernement va étudier un livre blanc. Il va l'étudier et le réétudier, et puis il va engager des gens pour l'étudier de nouveau, et il ne fera rien. Le gouvernement ne fera absolument rien sauf étudier la question. Nous le savons et tout le monde le sait.

 

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Ce manège se poursuit depuis des années. Je me demande parfois de quoi il s'agit. En fait, j'ai hâte à la période des questions et des observations parce que j'ai quelques réponses à des questions qui seront posées par un côté ou l'autre en ce qui concerne le crime organisé.

M. Jim Abbott (Kootenay—Columbia, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'ai écouté mon collègue d'Okanagan—Shuswap et je sais qu'il participe à ce débat avec énormément de passion.

Il pourrait peut-être nous aider à comprendre en quoi cette question fait partie d'un tout plus grand. Nous parlons du crime organisé et d'un attentat terrible dont a été victime le chroniqueur Auger. Les allégations selon lesquelles l'attentat serait rattaché aux motards semblent bien fondées.

Toutefois, ce genre de violence et de manifestation du crime organisé n'est qu'une des très petites manifestations du crime organisé. Cela fait partie d'un tout qui a le pouvoir de nous immobiliser et de neutraliser nos forces policières. Il convient aussi de souligner que bon nombre de ces bandes financent en bout de piste des activités terroristes à l'échelle nationale et internationale. Il n'y a pas de ligne de démarcation entre les questions de sécurité et les questions d'ordre criminel ni entre le crime organisé et le terrorisme national.

Je me demande si mon collègue accepterait de nous donner des précisions à ce sujet.

M. Darrel Stinson: Monsieur le Président, le député a parfaitement raison. Ça s'est infiltré partout. Les gens cherchent désespérément à obtenir des réponses, en particulier de la part d'un gouvernement comme celui que nous avons.

Un article paru dans le Province de Vancouver confirme que la GRC a fiché Stanley Ho comme membre dirigeant de la triade de Kung Lok, un groupe du crime organisé depuis 1991. En dépit de cela, cependant, Ho a reçu de multiples visas de visiteur, possède d'importants avoirs au Canada, a fait des dons à titre personnel et collectif au Parti libéral et a effectivement été l'hôte du cocktail du premier ministre pendant la conférence de l'APEC à Vancouver. Cette situation devrait certes soulever beaucoup de préoccupations chez les Canadiens. La liste est bien plus longue.

Le caporal Reid de la GRC a révélé que les triades avaient réussi à pénétrer massivement dans le système informatique de l'immigration à Hong Kong, ce qui s'est traduit par la perte de milliers de visas ainsi que par la délivrance inopportune de visas à des particuliers liés aux triades.

Beaucoup de questions et de craintes ont été exprimées au sujet de l'étendue réelle de ce problème. Même les agents qui se trouvent là-bas ont subitement mis un terme à leurs activités. Ce qui se passe est bien connu. Il ne s'agit pas seulement d'un tout petit groupe. Il a été question de cette situation dans les journaux. Ne croyons-nous pas que le Canadien moyen éprouve de la peur lorsqu'il apprend que c'est de là que viennent certains des fonds du parti? Et comment qu'il a peur!

M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, j'ai écouté avec non pas beaucoup, mais un peu d'intérêt les propos du député d'en face.

Ce qui me fait réagir, ce sont les allégations qu'il tente de faire au sujet du financement du parti. Si le député a des allégations à faire, il devrait les présenter à la Gendarmerie royale du Canada. Si vous avez des allégations à faire, faites-les directement et répétez-les à l'extérieur de la Chambre. Parce que si vous n'avez pas le courage de répéter ce que vous venez de dire à la Chambre à l'extérieur...

Le président suppléant (M. McClelland): Puis-je respectueusement rappeler aux députés de s'adresser aux autres députés par l'entremise de la Présidence?

M. Lynn Myers: Monsieur le Président, le député d'en face devrait vraiment vérifier les faits qu'il avance. Il devrait éviter les propos hystériques pour s'attacher davantage aux faits.

Les faits sont tout simples. Notre gouvernement a injecté à maintes occasions des ressources et des fonds, non seulement dans la Gendarmerie royale du Canada, mais aussi dans le CIPC, organisme que je connais bien en raison de mon expérience antérieure dans le domaine policier. Nous avons injecté des fonds dans les services de l'immigration et du revenu, dans les ports d'entrée et d'autres services. Nous avons fait toutes sortes de choses pour aider ce secteur très important.

 

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Avons-nous fait assez? Non, nous n'avons pas fait suffisamment. Il y a d'autres mesures que nous devons prendre, par exemple sur le plan de la coopération avec nos partenaires des provinces et des territoires. Avons-nous fait suffisamment pour que cela se déroule sans heurt entre tous les corps policiers du Canada, que ce soit aux niveaux local, régional, provincial ou fédéral? Non, nous n'avons pas fait assez et il nous faut faire davantage. Allons-nous faire plus? Oui, nous allons faire plus.

Le député d'en face devrait écouter au lieu de semer la panique et de tenter de bouleverser les Canadiens, comme les députés d'en face sont toujours si enclins à le faire. Ils sont passés maîtres dans l'art de dresser les régions, les personnes et les provinces les unes contre les autres. Au lieu de se montrer négatifs, les députés d'en face devraient parler des mesures positives et de ce que le gouvernement du Canada fait de bien. Ils devraient écouter. Ils devraient vérifier les faits et agir en conséquence.

M. Darrel Stinson: Eh bien, eh bien, monsieur le Président, nous avons là un député libéral très en colère.

Voyons ce qu'il a dit. Les libéraux auraient donc donné de l'expansion aux administrations portuaires? Mais non, ils les ont abolies. De quoi parlez-vous donc?

Le président suppléant (M. McClelland): Je suis convaincu que tous les députés comprendront l'importance de mon intervention si je dis que les députés doivent passer par l'intermédiaire de la Présidence. J'insiste là-dessus.

M. Darrel Stinson: Monsieur le Président, je dois dire que vous êtes beaucoup plus informé et beaucoup plus beau à regarder que mon vis-à-vis. Je garderai donc votre commentaire à l'esprit.

Les administrations portuaires ont été démantelées. Les libéraux le savent très bien, mais ils restent intarissables sur le sujet.

Quant à des allégations de ma part, je crois que c'est au journal Province de Vancouver et à la GRC que le député devrait adresser ses critiques. C'est la GRC qui a fait ces allégations, pas moi. Je ne fais que les lire. Je pourrais en lire d'autres extraits si le député le désire.

J'ai pensé que je le ménagerais un peu aujourd'hui parce que c'est le premier jour de la reprise et je sais à quel point il devient irritable lorsque ses chaussures ou sa chemise sont trop serrées. Mais il est ainsi et j'accepte ce trait de caractère comme un de ses écueils ou de ses petits travers. Je ne me formalise pas du fait qu'il ait un tel tempérament. Je comprends cela. Je ne pense pas que les gens du reste du Canada comprennent d'où il vient, mais je suis convaincu que sa famille et son seul ami le comprennent, eux. J'en resterai donc là pour aujourd'hui.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le Président, la sécurité et la protection du public constituent les objectifs fondamentaux du système de justice pénale.

Le déplorable attentat de la semaine dernière contre le reporter du Journal de Montréal, Michel Auger, a rappelé une fois de plus la nécessité de réagir efficacement à de tels actes criminels. La lutte contre le crime organisé est un élément essentiel pour assurer la sécurité du public.

Je voudrais attirer l'attention des députés sur un récent rapport du Service canadien de renseignements criminels. Cet organisme est chargé de réunir les informations et les renseignements dont ont besoin les corps policiers dans leur lutte contre le crime organisé.

Une des clés du succès dans la lutte contre le crime organisé, ce sont les partenariats entre les gouvernements, entre les organismes chargés de l'application de la loi et entre la police et les citoyens. Le Service canadien de renseignements criminels fonctionne uniquement grâce à la collaboration rendue possible par de tels partenariats. Il offre un réseau grâce auquel les policiers de tout le pays peuvent travailler ensemble pour freiner l'ampleur du crime organisé.

Qu'est-ce que le Service canadien de renseignements criminels a à dire au sujet des groupes criminalisés au Canada? Son rapport annuel pour l'année 2000 se penche sur les groupes criminalisés et leurs activités au Canada. J'ajouterais, comme l'indique le rapport même, qu'aucune référence à des activités criminelles impliquant des groupes ethniques ou autres ne laisse entendre que tous les membres d'un groupe donné font partie du crime organisé. Le rapport indique clairement que la police est convaincue que le crime organisé exerce son influence sur de nombreux secteurs de notre société.

Ainsi, le rapport du Service canadien de renseignements criminels signale que les Hell's Angels restent une des organisations criminelles les plus puissantes et les mieux structurées au Canada.

 

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Monsieur le Président, je devrais mentionner que je partagerai mon temps avec le député de Scarborough-Est.

Le SCRC note que le conflit armé qui a commencé en 1994 entre les Hell's Angels et les Rock Machine basés au Québec risque de s'intensifier avec l'expansion des Hell's Angels et l'arrivée récente des Rock Machine en Ontario.

Les membres des Hell's Angels continuent d'être mêlés à l'importation et à la distribution de cocaïne, à la production et à la distribution de méthamphétamine, ainsi qu'à la culture et à l'exportation de marijuana de première qualité. Ils ont recours à un vaste réseau d'associés pour les aider dans la culture, la récolte et le trafic illégal des drogues.

Le SCRC rapporte aussi que les bandes de motards hors-la-loi sont mêlés au trafic illégal d'armes à feu, d'explosifs, à la perception des fonds de protection auprès des entreprises légitimes et illégitimes, à la fraude, au blanchiment d'argent, à la prostitution, au chantage et aux menaces.

Le rapport annuel du SCRC décrit ensuite les activités des groupes criminels organisés. Selon ce rapport, des groupes criminels organisés basés en Asie sont mêlés à l'importation et au trafic de stupéfiants, de fausse monnaie, de logiciels, de cartes de crédit et de débit, à la prostitution, au jeu, à l'extorsion et à toute une série de crimes violents, notamment dans l'Ouest du Canada, mais aussi, dans ma propre région, York.

En 1999, les gangs asiatiques ont continué d'exploiter les points d'entrée du Canada en essayant d'importer en contrebande des articles illégaux et de faire passer des immigrants illégaux. Comme le savent pertinemment les députés, les agences chargées de veiller sur la sécurité publique au Canada ont déjoué plusieurs tentatives de ce genre l'année dernière.

Le SCRC prévoit une recrudescence future de ces activités menées par des organisations criminelles asiatiques. C'est ce qui explique que nous fassions montre d'une vigilance accrue, que nous favorisions un échange accru d'informations, pour faire échec à leurs actions.

L'on s'attend à ce que ces organisations tissent de nouvelles alliances avec d'autres organisations criminelles. Elles s'appuient de plus en plus sur les technologies nouvelles pour mener à bien leurs activités illicites.

Le SCRC observe que, auparavant, les groupes criminalisés basés en Europe de l'Est pratiquaient essentiellement l'extorsion, la prostitution et autres crimes de rue. Il signale que ces groupes s'intéressent aujourd'hui à différentes formes de crimes d'affaires, notamment la contrefaçon de cartes de crédit et de débit, ainsi que les fraudes en matière d'immigration, le vol organisé et la contrebande d'automobiles.

La police a également noté la participation accrue des organisations criminelles basées en Europe de l'Est au trafic de stupéfiants et au blanchiment d'argent. Le rapport du SCRC indique aussi que les groupes criminalisés traditionnels continuent de représenter un danger pour le Canada, et cela en dépit du succès remporté par les forces policières dans la répression de la mafia sicilienne.

Dans l'Ouest du Canada, les jeux de hasard illicites demeurent la principale activité de ces groupes. Ailleurs, c'est plutôt le trafic des stupéfiants, l'extorsion, les prêts usuraires et le blanchiment de l'argent. Le SCRC indique qu'une activité criminelle accrue a été observée dans les domaines de la contrebande de cigarettes, de boissons alcoolisées et de diamants. Il signale aussi une activité criminelle accrue dans le domaine de l'importation illégale d'armes à feu, en provenance notamment des États-Unis.

Les jeux de hasard serviraient aussi à financer de nombreux crimes organisés, d'autres activités criminelles dont le trafic de stupéfiants.

Dernièrement, selon le SCRC, le risque que les criminels organisés aient recours à des pirates informatiques et à des personnes possédant des compétences technologiques pour faire des cartes de crédit et des cartes bancaires fausses augmente, ce qui donne un avantage technologique aux criminels et rend l'exécution de la loi et la détection d'autant plus difficiles.

Ces faits obtenus auprès de l'organisme d'application de la loi le mieux informé, le SCRC, soulignent la gravité des activités du crime organisé au Canada.

En réponse à ces menaces, tous les ordres de gouvernement canadiens travaillent de concert pour lutter contre le crime organisé. Il faut d'abord bien connaître le problème; c'est pourquoi les efforts du SCRC et autres organismes canadiens d'application de la loi pour recueillir et partager l'information sont très importants.

 

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Armés de cette information, le gouvernement et ses partenaires provinciaux et territoriaux ont mis au point des stratégies nouvelles pour lutter contre le crime organisé.

Les réalisations du gouvernement actuel sont indéniables. Nous avons présenté le projet de loi C-95, projet de loi anti-gang qui a établi le concept d'organisation criminelle, faisant une infraction de la participation aux activités d'une organisation criminelle. C'est un outil que la police avait réclamé pour faire enquête sur les gangs illégaux et le gouvernement a agi.

Le rapport du SCRC parle de blanchiment d'argent. Le projet de loi C-22, qui met en place l'un des régimes les plus complets au monde contre le blanchiment de l'argent, est maintenant ne vigueur. Grâce à cette mesure législative, les autorités peuvent cibler les mouvements transfrontaliers de devises et d'autres transactions financières superficielles.

Nous disposons d'une loi très musclée concernant les produits de la criminalité. Il existe maintenant 13 sections dans les grands centres du Canada chargées de mener des enquêtes et de saisir les produits de la criminalité. Environ 70 millions de dollars en amendes et en confiscations ont été ajoutés aux statistiques sur le crime depuis 1997. Il s'agit d'une coup dur porté au crime organisé.

Nous avons renforcé nos initiatives en matière de lutte à la contrebande, accru la présence de la GRC dans les aéroports pour combattre le crime organisé et affecté 30 millions de dollars cette année à l'élaboration de méthodes destinées à aider la police à faire face à l'utilisation de nouvelles technologies par les criminels.

Il est vrai que le rapport du SCRC contient des renseignements inquiétants, mais il doit les contenir. Les gouvernements et les Canadiens doivent connaître l'ampleur du problème auquel nous sommes confrontés et savoir comment le crime organisé nous vise. Des rapports comme celui-là nous ont beaucoup aidé à élaborer les stratégies appropriées et les bons outils d'application de la loi et à cerner les domaines nécessitant davantage de recherche.

La lutte contre le crime organisé a été, et continuera d'être, un élément important de l'engagement de longue date du gouvernement, c'est-à-dire rendre les collectivités plus sûres. Ce même engagement a été manifesté par les ministres fédéraux, provinciaux et territoriaux à l'issue de leur rencontre à Iqaluit la semaine dernière.

Le gouvernement fédéral ne diminuera pas ses efforts destinés à diriger à l'échelle nationale la lutte contre le crime organisé avec les conseils des forces policières de partout au Canada.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, à entendre parler le député, on se dit que, finalement, ça va très bien madame la Marquise pour combattre le crime organisé au Canada. Si on l'écoute, le gouvernement semble avoir fait ses devoirs.

Il a cité plus tôt le rapport du solliciteur général du Canada concernant le crime organisé. Il devrait peut-être voir que ce n'est pas aussi rose qu'il semble vouloir le dire.

Il se vantait qu'on avait saisi des biens de la criminalité d'une valeur d'environ 37 millions de dollars ou 57 millions de dollars, je ne me souviens pas du chiffre exact, alors qu'au Canada, on blanchit et on transige environ 15 milliards de dollars par année au niveau des drogues dures. C'est finalement un grain de sable qui est saisi par les forces policières. Si on n'a pas pas plus que ce grain de sable, c'est peut-être parce qu'on n'a pas les bons outils.

En 1995, on a adopté certaines modifications au Code criminel qui sont entrées en vigueur en 1997. On appelle ces modifications une loi antigang pour mieux les faire avaler à la population. Il y a quelque chose d'assez faux dans tout cela, parce que tout le monde qui applique cette législation en arrive à la conclusion que ce n'est pas une loi antigang parce qu'on n'obtient pas les objectifs qu'on recherchait. C'est trop difficile à appliquer.

 

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J'espère que le député a lu l'article 477 du Code criminel. Il faut faire la démonstration de la participation aux activités, démontrer que l'individu savait que les membres d'un gang ont commis des infractions prévues au Code criminel au cours des cinq dernières années, et que l'individu a participé à la perpétration d'un crime passible de cinq ans.

Tout cela est cumulatif, de telle sorte que c'est très lourd et complexe à appliquer. Ce n'est pas de cela dont on a besoin pour faire échec au crime organisé.

Le député a entendu les discours, il a entendu les remarques des députés du Bloc québécois. Depuis 1995, on étudie cette question; on ne parle pas à travers notre chapeau, ce n'est pas parce qu'on réagit à ce qui est arrivé à un journaliste. C'est parce que c'est sérieux. Il y a un problème complexe dans la société québécoise et dans la société canadienne, c'est le crime organisé.

Est-ce que le député d'en face est d'accord avec le Bloc québécois pour dire qu'il faut des outils supplémentaires, qu'il faut une loi qui a des dents? S'il faut utiliser la clause dérogatoire, si on ne peut pas passer à côté pour faire échec au crime organisé, est-ce que le député est prêt à défendre cela pour qu'on puisse faire échec au crime organisé?

[Traduction]

M. Bryon Wilfert: Monsieur le Président, je remercie le député de sa question. Je ne crois pas que ce soit minimiser la gravité du problème que de parler de trafic de narcotiques, de jeux illégaux, d'extorsion ou de prostitution.

J'ai relevé très clairement ces problèmes dans le rapport du SCRC. Le gouvernement possède manifestement des renseignements et il a agi. Le député a dit que le projet de loi C-95 n'était pas une importante mesure législative. Il a été adopté en deux jours, avec le consentement de tous les partis, y compris de celui du député. À la réflexion, si ce n'est pas ce que le député voulait en 1997, son parti n'aurait pas dû appuyer le projet de loi comme il l'a fait.

Nous avons dit très clairement que nous sommes disposés à nous attaquer à ce problème. Nous avons présenté un projet de loi et nous continuerons de lutter contre le crime organisé partout où il existe.

Dans ma région, celle de York, nous avons un problème avec des gangs en provenance de l'Asie et de l'Europe de l'Est. Notre force policière a rédigé un excellent rapport sur ce problème. Il est très inquiétant de voir l'influence qu'ont les groupes criminels organisés et l'ampleur de leurs activités dans ma région et ailleurs dans le pays.

La ministre de la Justice a dit clairement aujourd'hui que, avec la consultation de ses homologues des provinces et des territoires, elle est disposée à envisager tous les moyens supplémentaires qui s'imposent, mais je ne crois pas qu'une date aléatoire comme le 6 octobre constituera forcément la solution. Nous devons nous assurer que les moyens appropriés sont en place, que ces moyens seront conformes aux dispositions de la loi et que, tout compte fait, ils pourront servir aux fins mêmes que nous visons tous, soit enrayer les activités criminelles organisées, partout où elles existent dans notre pays, et faire en sorte que les Canadiens cessent d'avoir peur.

Le rapport annuel de 2000 du SCRC constitue un ouvrage de lecture très important pour tous les députés. La ministre de la Justice et le solliciteur général ont dit qu'ils étaient disposés à s'appuyer sur ce rapport pour collaborer avec leurs homologues et les organismes policiers de tout pays en vue d'offrir ces moyens supplémentaires.

M. John McKay (Scarborough-Est, Lib.): Monsieur le Président, lorsque les députés prennent la parole à cette heure-ci de la soirée, ils commencent généralement par dire que c'est un grand plaisir pour eux de participer au débat et que la question à l'étude est très importante. Puis, ils profèrent quelques lieux communs et se rassoient.

Il arrive parfois, tout particulièrement dans le contexte d'un débat comme celui de ce soir, que l'on se prenne à espérer que les députés se borneront à parler de sujets qu'ils connaissent. J'aimerais parfois rappeler aux députés que nous nous trouvons au Parlement du Canada.

La Chambre a renvoyé la question au comité de la Justice pour qu'il l'étudie et en fasse rapport, avec recommandations, dans les meilleurs délais. C'est un comité auquel j'ai plaisir à siéger. Il est souvent aux prises avec certaines des questions les plus problématiques de l'heure. Celle qui nous occupe aujourd'hui est probablement l'une des plus problématiques de toutes. Nous devons franchement travailler d'arrache-pied pour tenter de maîtriser ce sujet fort complexe qui remonte aux origines mêmes de nos institutions démocratiques et qui représente une menace réelle et tangible pour notre collectivité.

 

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Nous nous préoccupions tout particulièrement des communications avec les médias, de devoir faire des discours et mener nos délibérations sur la scène publique. Nous nous sommes mis d'accord pour respecter une certaine règle du bâillon qui s'avère toutefois plutôt absurde pour les députés. Nous avons pris cette précaution afin d'assurer une certaine discrétion pour que nos témoins puissent avoir confiance jusqu'à un certain point que ce qu'ils diraient resterait confidentiel et que, pour notre part, nous mettions la main sur quelque chose de concret au lieu de nous contenter du tissu de platitudes que nous entendons si souvent à propos des ressources, du financement, etc.

Nous estimions que ce respect du caractère confidentiel permettrait de rédiger un rapport qui ait plus de poids, que nous pourrions ensuite formuler des recommandations pour la Chambre qui se traduiraient ensuite en des mesures législatives utiles. C'est pourquoi cette demande de débat d'urgence est à mon sens contre-productif. Il est à peu près certain maintenant que le travail du sous-comité est compromis et peut-être même inutile.

Le rapport n'aura aucune signification, parce que nous n'auront rien de concret. Les témoins ne nous diront pas ce qui se passe réellement ou le feront privément, ou bien nous parleront en dehors de la salle du comité s'ils veulent nous révéler ce qu'ils veulent vraiment dire. Ils ne vont rien mettre par écrit, et nous serons donc très limités dans ce que nous pourrons écrire dans notre rapport.

C'est l'exemple classique d'un parlement qui travaille contre ses propres intérêts en partie à cause de l'hystérie. Il est facile d'énoncer un problème, mais il est beaucoup plus difficile de se mettre au travail pour trouver une solution sans céder à une descente en règle contre le gouvernement à cause de ses compressions, etc.

Le dernier exemple d'ineptie parlementaire dans ce domaine est celui du projet de loi C-95 qui, soit dit en passant, est aussi une sorte de réponse pré-électorale à un problème réel. Le projet de loi C-95 fait maintenant partie de l'article 467 du Code criminel. Il définit la participation à des organisations criminelles. C'est l'exemple classique d'une législation précipitée suivie d'un long repentir.

On pourrait soutenir que le projet de loi C-95, qui constitue maintenant l'article 467 du Code criminel, est l'un des projets de loi les plus inutiles que le Parlement ait jamais adoptés. Les procureurs de la couronne ne veulent pas y toucher parce qu'ils craignent que l'article ne puisse résister à l'épreuve de la charte. Les six éléments de l'infraction, empilés sur une infraction prédicat, rendent le fardeau de la preuve extrêmement onéreux.

Tout le monde dans la salle du tribunal sait bien que l'accusé X a des liens avec le crime organisé, mais le procureur de la couronne est incapable de prouver les six éléments au-delà de tout doute raisonnable. Les policiers ne se prévalent pas de cette disposition car ils ont la possibilité de faire de l'écoute électronique durant plus d'un an. C'est trop long. Les enquêtes changent d'orientation au cours d'une année. Ils se demandent si l'invocation de cette disposition ne va pas exposer tout leur dossier à une contestation judiciaire découlant de la charte et avoir pour conséquence de leur faire perdre des années de travail, car ils craignent que l'article 467 ne résiste pas à un examen au regard de la charte et que les exigences de divulgation ne fassent connaître les résultats d'années de travail policier aux avocats de la défense et donc à leurs clients. Les policiers peuvent obtenir tout ce qu'ils veulent grâce à l'application normale des dispositions du Code criminel concernant l'écoute électronique sans risquer de perdre des milliers d'heures de travail.

 

. 2230 + -

En résumé, le Parlement, par une réaction instinctive préélectorale à un problème grave, a donné aux policiers et aux procureurs de la couronne des outils inutiles ou relativement inutiles. Je soutiens en toute déférence que c'est ce que ce débat nous invite à faire de nouveau. Comme l'a dit un jour le célèbre Yogi Berra, «C'est encore une fois du déjà vu».

À cause de l'incurie du législatif combinée à la paresse du judiciaire, les définitions de la divulgation et de la pertinence sont constamment élargies. La poursuite est tenue de divulguer à la défense les éléments pouvant être pertinents pour que l'accusé présente une défense complète. Puisque la défense n'a aucune telle obligation de divulguer ses arguments, même si elle n'en a aucun, la divulgation donne lieu à un formidable interrogatoire à l'aveuglette. La poursuite et la police finissent par présenter des volumes entiers de documents parce que les juges ne circonscrivent pas les définitions de la pertinence. Par conséquent, presque tout devient pertinent.

La situation est tellement mauvaise que certains pays ne partagent aucun renseignement avec les autorités canadiennes de crainte que ses enquêtes soient compromises par des tribunaux canadiens permissifs qui autorisent cet élargissement constant de la définition de la pertinence.

La vie des gens est menacée. La police consacre d'innombrables heures à examiner des documents de divulgation et gaspille du temps et des ressources à des recherches inutiles. Puis, faisant preuve d'une arrogance peu commune, la défense déclare: «La présentation fait défaut» ou «Je demande une identification et une corrélation.»

Le sujet est grave et je dirai franchement qu'un débat d'urgence est contre-productif. C'est un peu comme si l'on apportait de l'essence à un incendie. C'est une réaction pathétique de la part des gens d'en face qui tentent de montrer qu'ils agissent alors qu'en fait, ils sont contre-productifs au comité.

Le comité a passé toute la semaine dernière à Vancouver. Nous avons parcouru à pied les rues de l'est de Vancouver avec la police. Nous avons passé du temps sur les quais et nous étions là quand les conteneurs ont été ouverts. Nous nous sommes rendus à la frontière et nous avons constaté l'ampleur du problème. Nous sommes allés à l'aéroport et nous sommes même montés à bord d'un avion avec les agents des douanes pour examiner tous les endroits où il est possible de cacher des produits de contrebande. Tout cela nous a profondément impressionnés.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, j'invoque le Règlement. Je suis désolé d'interrompre le député qui parlait très bien, mais lui et moi et de nombreux autres députés sommes membres du sous-comité. Or, les membres de ce sous-comité doivent respecter une consigne du silence. Lorsque le député parle de cette question, il explique à la Chambre des choses dont nous ne sommes pas censés discuter. Je voudrais certains éclaircissements. Si c'est bien le cas, pourquoi certains députés doivent-ils garder le secret, mais pas les ministériels?

Le président suppléant (M. McClelland): Je suis persuadé que tous ceux qui nous écoutent vont écouter avec un intérêt accru le député de Scarborough-Est. C'est une question de débat. Ce n'est pas au Président à trancher la question, mais à la Chambre. Il s'agit de débat. On peut régler cette question à une autre tribune, mais pas ici.

M. John McKay: Monsieur le Président, si le député avait été ici au début de mon discours, il aurait remarqué que les membres du sous-comité ont fondamentalement fait fi de la consigne du silence. C'est le cas également de nos vis-à-vis et on parle de nos délibérations dans les journaux. Franchement, le caractère confidentiel de nos travaux a été complètement remis en question. Nous avons demandé que ce débat d'urgence n'ait pas lieu et il se déroule.

Selon moi, la capacité du sous-comité de présenter un rapport utile en respectant certaines restrictions quant à la confidentialité est réduite à néant. En toute franchise, je me sens trahi et je suis déçu que nous ne pouvions poursuivre ainsi nos travaux.

Pour terminer, je veux dire que nous avons tous été impressionnés par tout ce que nous avons vu. La violence n'est jamais loin et la menace à l'égard de notre vie démocratique est bien réelle.

 

. 2235 + -

Le sous-comité n'est pas prêt à faire rapport et le débat de ce soir ainsi que le non-respect par nos vis-à-vis des consignes du silence rendront la présentation de notre rapport très problématique. Je suis fort déçu par le résultat ultime.

C'est un problème énorme. Il touche au coeur même de notre vie démocratique. Des gens pourraient, de bonne foi, en arriver à des réponses législatives utiles et les suggestions que j'ai présentées au sujet de l'article 467 et des définitions toujours plus larges de la pertinence sont des domaines que nous devrions examiner sérieusement. Je pense que les députés pourraient, de bonne foi, en arriver à une solution raisonnable à ce problème et préparer pour les Canadiens une réponse utile et sérieuse.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je voudrais que le député nous donne une précision au sujet du sous-comité. J'ai entendu dire, et j'ai été amené à croire, que le rapport du sous-comité était sous bâillon. Le député d'en face a déclaré que ce n'était plus le cas. Est-ce que le député peut maintenant s'adresser librement à nous et au public pour expliquer ce qui est survenu au sous-comité?

M. John McKay: Monsieur le Président, le comité a d'abord étudié la question de la confidentialité. Il est clair que les règles ne fonctionnent pas. Compte tenu des articles publiés dans les journaux et des citations qu'on attribue à certains députés membres du sous-comité, il ne fait aucun doute qu'il est irréaliste de penser que nous obtiendrons la confidentialité que nous désirons tous. Cependant, cela ne veut pas dire que le travail du sous-comité n'est pas pertinent.

Les documents que nous avons reçus et que nous comptons recevoir au cours des prochaines semaines sont riches, utiles pour nos travaux et ils nous aideront, je l'espère, à proposer au Parlement certaines mesures législatives raisonnables qui lui permettront de réagir de manière réfléchie et mesurée afin que le gouvernement puisse rédiger un projet de loi en conséquence.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je pense qu'il faut sans doute imputer les propos du député à l'heure un peu tardive. Il est un peu confus et j'aimerais, en tout respect pour lui, rectifier un certain nombre de choses.

Certainement de ce côté-ci de la Chambre, mes collègues du Bloc québécois et sans doute ceux de l'Alliance canadienne qui sont membres du sous-comité se considèrent tous liés par la confidentialité de nos travaux. Je ne crois pas que les députés qui se sont exprimés ce soir ou qui s'exprimeront entendent violer ce secret de confidentialité.

Deuxièmement, je ne partage pas le point de vue de notre collègue à l'effet que la tenue d'un débat serein et civilisé, avec la perspicacité qui doit être celle des parlementaires, compromette les conclusions ultérieures de nos travaux.

Comme le disait le chef du Bloc québécois et député de Laurier—Sainte-Marie, le sous-comité sur le crime organisé s'engage dans une perspective de long terme où il va revoir un ensemble de problématiques. Ce que le Bloc québécois demande à très court terme, d'ici le milieu octobre ou dans un avenir très immédiat, c'est de prendre des mesures très caractérisées, très circonscrites dans le temps et très ponctuelles, à l'effet de déclarer hors-la-loi un certain nombre de bandes de motards criminalisés.

 

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J'aimerais que notre collègue dise ce soir à nos téléspectateurs que nous pouvons agir sur les deux niveaux, respecter notre serment, faire montre de vigilance et prendre les responsabilités qui sont les nôtres.

[Traduction]

M. John McKay: Monsieur le Président, je ne suis pas d'accord avec le député d'en face. Cela influe sur notre travail. Le présent débat va le compromettre et le politiser. Cela donnera des projets de loi du genre du projet de loi C-95, qui sont à mon sens des mesures hâtives et bâclées. Le projet de loi C-95 était une réaction instinctive à un problème difficile et nous en subissons les conséquences aujourd'hui.

J'estime que le travail du comité, qui se déroulait à un rythme raisonnable, il me semble, est désormais effectivement compromis car les témoins ne nous accorderont probablement pas la confiance à laquelle nous nous serions autrement attendus. J'espère que cela ne compromettra pas complètement le travail du comité. Nous allons continuer de nous attaquer à ce problème avec vigilance et j'espère que nous saurons le résoudre bientôt au moyen de bonnes mesures législatives et de suggestions que le comité pourra proposer au Parlement et que le Parlement pourra à son tour proposer au gouvernement.

Le président suppléant (M. McClelland): Avant de passer à la prochaine intervention—et ceci ne se veut pas un éditorial—je tiens à dire qu'on m'a signalé que la Présidence se trouve maintenant mêlée à des questions qui ont été abordées à huis clos lors de séances de comités du Parlement. Tout ce qui a été soulevé à la Chambre tenait à mon sens du débat légitime, mais nous ferions tous bien de nous souvenir des questions qui concernent les comités et les débats à huis clos des comités. Je répète que je ne vise ici aucune intervention en particulier. Nous devons veiller à prendre nos responsabilités à cet égard.

[Français]

M. Michel Bellehumeur (Berthier—Montcalm, BQ): Monsieur le Président, avant d'entrer dans le vif du sujet, je désire vous faire part que je partagerai les 20 minutes qui me sont allouées avec ma collègue de Saint-Bruno—Saint-Hubert.

Je pense qu'il faut regarder un peu l'historique et la raison pour laquelle le Bloc québécois sentait le besoin aujourd'hui de débattre de cette question. Avec l'historique, on verra que ce n'est pas seulement depuis aujourd'hui qu'on a senti le besoin d'en débattre.

Tout a commencé véritablement avec les événements qui sont arrivés à Montréal en 1995, avec le décès du jeune Daniel Desrochers, lors de l'explosion d'une bombe. On a tout de suite senti le besoin d'étudier cette question.

Par la suite, il y a eu le projet de loi C-95. Oui, effectivement, le Bloc québécois a donné son aval à ce projet de loi. On se souvient qu'il a été adopté à la veille du déclenchement d'une élection fédérale. Finalement, on avait le choix d'avoir cette législation ou de ne rien avoir.

J'invite les députés d'en face à relire les commentaires qu'on avait fait à cette époque. On disait entre autres que les têtes dirigeantes ne seraient jamais touchées par cette loi. Nous ne serions jamais capables d'en faire la preuve. Ce serait toujours ceux qui vont faire les coups et qui sont en bas de la pyramide des malfaiteurs qui allaient payer pour ceux qui donnent les ordres. On ne serait jamais capables de prendre les têtes dirigeantes. On disait que cette preuve était beaucoup trop difficile à faire et que les procureurs de la Couronne et la police le diraient éventuellement.

Par la suite, en 1996, étant donné que ce n'était pas suffisant, le député du Bloc québécois de Hochelaga—Maisonneuve, qui est juste derrière moi, a déposé un projet de loi émanant des députés qui va dans le même sens que la motion dont on discute aujourd'hui, c'est-à-dire d'avoir une loi avec des dents, une loi plus musclée, pour faire échec au crime organisé. Ce n'est pas d'hier. C'était en 1996.

 

. 2245 + -

En 1997, lors de la campagne électorale, c'est un sujet dont on a débattu. On demandait des lois efficaces pour lutter contre le crime organisé, lequel est très important au Canada et au Québec.

À l'automne 1999, une motion visant à la création d'un sous-comité qui étudie le crime organisé a été adoptée à l'unanimité. Cela ne vient pas des nuages et des anges; c'est encore le Bloc québécois qui a jugé important d'étudier la question avec tous les parlementaires de tous les partis politiques réunis autour d'une table pour en arriver à une solution. Ce fut adopté à l'unanimité et le comité est en train d'étudier toute cette question, mais j'y reviendrai un peu plus loin.

En juin 2000, les trois députés du Bloc québécois membres du sous-comité qui étudie la question du crime organisé faisaient paraître une lettre dans les médias disant qu'il fallait examiner tous les outils disponibles incluant l'utilisation, si nécessaire, de la clause dérogatoire. Cela se passait en juin 2000. Ce n'est pas parce qu'il y avait eu un événement quelconque ou un attentat contre un journaliste qu'on parlait de cela à l'époque.

Le 1er septembre, j'étais moi-même à Halifax devant l'Association canadienne des policiers et policières. Dans mon allocution devant les policiers, j'en ai parlé. J'ai dit: «Je crois qu'on est rendu à l'étape où il faut examiner la possibilité d'utiliser la clause dérogatoire, si c'est nécessaire, pour atteindre les objectifs qu'on veut se donner, soit une loi efficace pour lutter contre le crime organisé.» Ce n'est pas un nouveau discours.

Au cours de la journée, j'entendais les libéraux dire que finalement, on agissait un peu avec émotion, parce qu'il s'est produit un attentat contre un journaliste du Québec, ainsi de suite, et que c'est pour cela qu'on avait décidé d'intervenir là-dessus aujourd'hui. Mais ce n'est pas vrai. On veut en discuter aujourd'hui parce que c'est la première occasion qui nous est offerte de le faire et surtout suite à l'accumulation de toutes sortes d'événements, dont celui-là. Mais il y en a eu d'autres. La guerre des motards a fait 150 victimes à ce jour. C'est du monde ça, et ce n'est pas un fait nouveau.

Notre position est en conformité avec ce que l'on débat et ce que l'on demande depuis 1995. Il n'y a rien de nouveau.

Ce qui est nouveau cependant, et je tiens à le souligner, c'est que je trouve étrange et même arrogant que le gouvernement, la même journée où il refuse qu'il y ait un vote sur notre motion, motion qui porte sur quelque chose de très concret, soit l'obligation pour le gouvernement de déposer un projet de loi avant le 6 octobre pour lutter efficacement contre le crime organisé, cette même journée, donc, la ministre de la Justice s'apprête—elle l'a annoncé aujourd'hui—à déposer une motion pour mettre un bâillon sur un autre projet de loi, celui des jeunes contrevenants. Comme Québécois, je dois dire que je trouve cela un peu spécial.

D'un côté, il y a la Loi sur les jeunes contrevenants qui fonctionne, qui est bien appliquée au Québec. Les Québécois ont dit à la ministre: «Ne touchez pas à cette loi; elle marche bien, on n'a pas besoin de votre projet de loi C-3.» Pourtant, la ministre annonce qu'elle va mettre le bulldozer sur tous ceux qui s'opposent à ce projet de loi et qu'elle va l'adopter à toute vitesse.

De l'autre côté, les Québécois, de façon pratiquement unanime, réclament une législation avec des dents pour lutter efficacement contre le crime organisé. Le gouvernement dit: «Non, vous n'en discuterez pas»—finalement, on a réussi à en discuter ce soir—«et vous ne voterez sur rien.» Comment voulez-vous que les Québécois se retrouvent dans ce gouvernement?

Je ne veux pas faire de politique avec cela, mais ce sont les libéraux qui en font. La balance des inconvénients pour le gouvernement libéral, c'est: «Qu'est-ce qui va m'apporter plus de votes?»; c'est de s'attaquer aux enfants de 12 ans, de peut-être baisser l'âge à 10 ans, de les mettre en prison; et en ce qui concerne les grands criminels, il y a la Charte canadienne des droits qui les protège, ils ont des droits comme tous les autres individus.

 

. 2250 + -

Je pense que c'est un non-sens la façon dont la ministre de la Justice réfléchit. Oui, depuis 1995, pour revenir précisément sur le sujet, des choses ont été faites: on a modifié la Loi sur la protection des témoins; on a eu une loi visant à améliorer la législation pénale; il y a eu la Loi antigang de 1997, dont j'ai parlé plus tôt; la Loi réglementant certaines drogues et autres substances a été modifiée, ainsi que la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité. On a modifié le Code criminel à peu près dans tous les sens possibles et imaginables, de même que la Loi sur les stupéfiants. On a même retiré les billets de 1 000 $, ce que le Bloc québécois réclamait depuis au moins trois ou quatre ans.

Aujourd'hui, il faut quand même faire un constat. Et quel est ce constat? C'est qu'en 1995, il y avait 28 groupes de motards criminalisés au Canada; en 2000, il y a 35 groupes de motards criminalisés reconnus, fichés par les policiers. Ils savent qui en est membre, de A à Z, etc.

Mais ils sont plus organisés que jamais, ils sont plus riches que jamais et le gouvernement d'en face dit que tout va bien, que tout est sous contrôle et qu'il n'est pas vraiment besoin de modifier quoi que ce soit. Surtout, il ne faut pas toucher à la clause nonobstant et à l'article 33 de la Charte canadienne des droits et libertés. Le constat est alarmant. Les gens sont inquiets, et pour cause.

Le sous-comité qui fait l'étude du crime organisé a toute sa raison d'être. Tout ce que j'ai entendu ici, c'étaient des faits qu'on retrouve dans des documents publics. Le seul député qui a manqué à sa parole, le seul député qui a donné de l'information privilégiée qu'il avait reçue du Comité de la justice qui étudie la question de la criminalité, c'est un député du gouvernement libéral d'en face.

Je pense qu'en face, ils se cherchent une porte de sortie, parce qu'ils trouvent que c'est trop laborieux de faire ce travail. Les députés d'en face sont paresseux ou irresponsables. Nous ne lâcherons pas le morceau. Ce soir, la question est de savoir si on doit interdire, faire un acte criminel de toute association de malfaiteurs. Si oui, on va s'asseoir et trouver la solution, jusqu'à utiliser la clause nonobstant, mais ce n'est pas une fin en soi.

Le Comité de la justice qui étudie la question du crime organisé a un travail de longue haleine à faire. Cela va nous dire exactement ce qu'il faut modifier à long terme. Il y a des choses à faire: la protection des membres d'un jury, la façon qu'ont les criminels de se balader à travers le Canada, le problème des frontières; plusieurs choses rentrent en ligne de compte.

J'ai participé à beaucoup d'émissions de ligne ouverte. Quand je dis que les gens sont inquiets, c'est parce qu'ils le sont, mais ils sont aussi écoeurés de voir un gouvernement qui ne fait rien. Ce qu'ils veulent, c'est que ça bouge. On n'est plus dans le mode des consultations relativement aux associations de malfaiteurs; on est en mode d'action. Il faut faire quelque chose. Il faut que ça bouge et la population s'attend à cela d'un parti responsable, et aussi d'un gouvernement qui se dit responsable.

Aujourd'hui, j'ai invité le premier ministre à prendre ses responsabilités de chef d'État et demandé que le Parlement vote sur une question aussi importante que celle de faire la guerre au crime organisé. Il n'a pas pris ses responsabilités au moment opportun. J'ose espérer qu'il y a des gens de l'autre côté qui vont se réveiller et rappeler le premier ministre à l'ordre.

Mme Pierrette Venne (Saint-Bruno—Saint-Hubert, BQ): Monsieur le Président, depuis plusieurs années maintenant, les bandes criminelles de tout acabit, comme on le sait, prennent de l'ampleur et ne se gênent pas pour faire de plus en plus la loi là où elles le peuvent et là où c'est rentable.

Au Québec, un groupe criminel tel que les Hell's Angels n'en est plus à gérer certains trafics à la petite semaine. Dorénavant, ces gens n'hésitent plus à utiliser tous les moyens possibles et évidemment illégaux pour écarter, voire éliminer, corps et biens, tous ceux et celles qui se mettent en travers de leur chemin. Il y a encore quelque temps, je m'opposais à ce que le législateur adopte une loi antigang.

 

. 2255 + -

Je croyais que les forces policières et le système judiciaire disposaient de tous les instruments nécessaires pour mettre hors d'état de nuire toutes les organisations criminelles de ce pays, quelles qu'elles soient, ainsi que ceux et celles gravitant autour ce celles-ci.

Avec l'adoption du projet de loi C-95, survenue en avril 1997, je croyais, à l'instar de plusieurs, que certaines dispositions de cette loi, telles que les perquisitions, les peines reliées aux activités des gangs, l'écoute électronique, certaines dispositions relatives aux explosifs et certaines dispositions concernant les produits de la criminalité pouvaient stopper efficacement les activités illicites de la plupart des organisations criminelles. Malheureusement, je dois maintenant me raviser, car je ne vois aucune amélioration probante quant à la lutte et à l'éradication des activités criminelles de ces bandes.

Aussi, je demande aux députés de cette Chambre de considérer toute nouvelle mesure raisonnable qui aurait pour effet de stopper la grande criminalité. Dans l'état actuel des choses, il semble qu'il est pratiquement impossible de coffrer les malfaiteurs, car ceux-ci se servent des présentes dispositions contenues dans nos lois pour échapper aux rigueurs de ces dernières conçues pour les mettre hors d'état de nuire.

En effet, comment se fait-il qu'il soit si difficile de mettre en relation certains individus louches avec certaines organisations telles que les bandes de motards criminels ou certaines mafias bien connues? Et comment se fait-il qu'il soit tout aussi laborieux de relier bon nombre de criminels avec des crimes commis avec violence ou encore avec certains délits comme le trafic de stupéfiants.

Évidemment, je ne veux pas que les autorités de ce pays se lancent dans une inutile chasse aux sorcières d'une rive à l'autre. Je sais très bien faire la différence entre les citoyens ordinaires et les criminels notoires. Ce que je sais également cependant, c'est qu'il existe bon nombre d'individus dangereux appartenant aux quelques 35 bandes de motards que compte l'ensemble du Canada, qui sont prêts à tout et qui se targuent d'avoir commis divers actes criminels, tout en se pavanant publiquement, sans être inquiétés.

Bref, il m'apparaît important qu'une nouvelle loi antigang fasse en sorte que l'on sépare les bons citoyens des criminels d'habitude appartenant à toute organisation dont le but ultime est de commettre des crimes afin d'en tirer d'énormes avantages financiers et encore plus de pouvoir.

Ailleurs dans le monde, dans certains pays comme les États-Unis, la France, l'Italie et la Russie, il existe des lois qui cherchent à améliorer les outils mis à la disposition des autorités policières et judiciaires en matière de lutte contre le crime organisé.

Par exemple, chez nos voisins du Sud, la Loi RICO cible quatre infractions relatives à l'infiltration des entreprises par les gangsters. Une cinquantaine de délits sont clairement identifiés par cette loi et le contrevenants sont passibles d'un emprisonnement à perpétuité ou encore à vingt ans de réclusion.

Contrairement à certaines dispositions de notre loi C-95, il n'est pas nécessaire qu'un inculpé soit reconnu coupable des activités criminelles identifiées dans la Loi RICO. L'État n'a qu'à faire la preuve que certaines crimes, tels que l'extorsion, le vol, l'incendie criminel, l'enlèvement, la fraude ou l'impression de fausse monnaie ont été commis.

De plus, avec la Loi RICO, et contrairement à ce qui se pratique au Canada, il existe une procédure qu'on appelle le renversement du fardeau de la preuve. Ainsi, une fois que certaines activités criminelles ont été prouvées hors de tout doute, il revient à l'accusé d'expliquer au tribunal la provenance légitime de ses biens.

Pour nous au Québec, comme partout ailleurs au Canada, si de nouvelles mesures antigang étaient rapidement adoptées par les députés de cette Chambre, on pourrait exiger dorénavant qu'un membre d'une bande criminelle explique devant la Cour la provenance de biens de luxe, résidences, voiture, bijoux et autres, alors que son rapport d'impôt ne laisse entrevoir qu'un revenu annuel beaucoup plus modeste.

Un autre exemple à souligner est l'article 265 du Code pénal français, adopté en février 1981, qui est le seul qui interdise explicitement l'adhésion d'une personne à une organisation criminelle. Je cite cet article:

    Quiconque aura participé à une association formée ou à une entente établie en vue de la préparation, concrétisée par un ou plusieurs faits matériels, d'un ou de plusieurs crimes contre les personnes ou les biens, sera puni d'un emprisonnement de cinq à dix ans et pourra être interdit de séjour.

Comme on le dit communément en France, il est de notoriété publique qu'il est interdit de faire partie d'une association de malfaiteurs.

 

. 2300 + -

Contrairement à ce qui se fait chez nous, au Québec, et au Canada, les criminels français n'ont pas pignon sur rue. Si elle existait encore aujourd'hui, la bande à Bonnot n'aurait pas le droit d'entretenir un bunker, ni d'utiliser des cartes de visite. Certains de ses membres n'utiliseraient pas en toute impunité des billets de faveur pour assister au prochain gala de boxe.

Le chef du Bloc québécois rappelait récemment que le crime organisé a fait plus de 150 victimes. Aussi, il soulignait qu'il existe actuellement au Québec un consensus sur la nécessité d'agir rapidement pour contrer le crime organisé.

Le Bloc québécois, le gouvernement du Québec, le Conseil de presse du Québec, le Service de police de la Communauté urbaine de Montréal sont parmi les groupes qui invitent le gouvernement fédéral à mettre de l'avant des mesures législatives plus fermes envers le crime organisé.

Quant à nous, le recours à une suspension partielle de la Charte canadienne des droits et libertés n'est pas à exclure pour arriver au résultat escompté, c'est-à-dire empêcher rapidement toute escalade de la violence et contrer ce sentiment d'être intouchable que ces criminels bien organisés tentent de montrer à la population.

Croyez-moi, ce n'est pas par opportunisme ni calcul bassement partisan que je réclame ici des changements au Code criminel. En fait, c'est parce que la vente illicite de drogues de toutes sortes rapporte annuellement quelque dix milliards de dollars à ceux qui s'adonnent à ce trafic et qu'il faut, entre autres choses, s'attaquer rapidement et fermement à de telles activités criminelles. Savez-vous que certaines jeunes prostituées sont sur le trottoir dès six heures du matin, parce qu'elles ont besoin de se procurer leur nouvelle dose de drogue?

Les travaux du sous-comité de la Chambre sur le crime organisé continueront encore quelque temps sûrement, je l'espère, malgré l'intervention de notre collègue libéral de tout à l'heure. Cependant, nous croyons qu'il est urgent d'agir afin de nous attaquer rapidement et efficacement à ceux qui ont fait fi des lois.

Personnellement, je crois qu'il y a urgence d'agir pour se doter rapidement de meilleurs instruments pour contrer plus efficacement le crime organisé, car une certaine réalité nous rattrape.

En conclusion, j'exhorte les députés de cette Chambre ainsi que les membres du gouvernement à agir dans les plus brefs délais afin de réprimer plus efficacement toutes les bandes criminelles sévissant au Québec comme au Canada tout entier.

Je suis d'avis que les carences de plusieurs de nos lois constituent des atouts de taille pour le crime organisé et ses supporters. J'ajoute même que la force du crime organisé repose sur notre faiblesse à agir.

M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, c'est dommage, et je suis désolé que le chef du Bloc québécois se soit moqué de mes mots généreux à l'endroit de M. René Lévesque, ancien journaliste et ancien premier ministre du Québec.

Quelle arrogance. Moi, un anglophone, j'ai osé dire quelque chose de positif d'un Québécois célèbre. Il est vrai que j'ai admiré M. Lévesque comme journaliste. M. Lévesque comprenait les droits et les libertés humains.

Je pense que M. Lévesque doit se retourner dans sa tombe au sujet de la proposition du Bloc québécois de limiter la liberté d'association. C'est précisément ce droit que M. Lévesque a défendu comme journaliste et comme premier ministre du Québec.

 

. 2305 + -

Quelle ironie! Les bloquistes et les souverainistes veulent diminuer la portée de cette loi. C'est impossible, parce que si on diminuait les droits fondamentaux, les groupes criminels gagneraient.

[Traduction]

J'ai quelque chose à dire dans ce débat et j'ai longuement attendu. Je suis un des rares députés à avoir été journaliste. Je puis vous donner l'assurance, monsieur le Président, qu'à mon point de vue, René Lévesque, l'un des plus célèbres journalistes du pays, se retournerait vraiment dans sa tombe à la pensée que ses collègues du Québec puissent proposer de restreindre les droits des Québécois, de restreindre les droits des Canadiens dans le but de prendre en défaut des organisations criminelles.

Je vais vous raconter une histoire, monsieur le Président. À mes débuts comme journaliste, j'ai eu mes propres démêlés avec le crime organisé. J'éprouve une très grande sympathie pour le journaliste du Québec qui a été blessé gravement dans l'attentat qui est à l'origine du présent débat. Quand j'ai fait mes débuts au Spectator de Hamilton il y a bien des années à titre de journaliste policier, le rédacteur chargé des nouvelles locales de l'époque admirait vraiment la facilité avec laquelle je semblais obtenir de l'information de n'importe qui. À ce moment-là, je n'étais journaliste que depuis deux ans.

Hamilton éprouvait alors des problèmes avec la mafia depuis un certain temps, et je suppose que c'est toujours le cas. Elle en éprouvait certainement à l'époque. Il y avait un mafioso bien connu du nom de Johnny Papalia dans la ville. Il y a quelques années, cet individu a été abattu par un tueur à gages. Pendant 20 ans, il a eu toute une réputation dans sa propre organisation, et cela lui a coûté la vie à la fin. Il était bien connu et il exploitait une petite entreprise appelée Monarch Vending qui était située sur la rue Railway, une petite impasse à Hamilton.

Le Globe and Mail faisait paraître une série d'articles sur la mafia et le rédacteur chargé des nouvelles locales du journal de Hamilton voulait publier une série d'articles semblables. Les exposés concernaient un tout autre dirigeant de la mafia, mais il m'a suggéré d'aller recueillir la réaction de Johnny Papalia. Personne n'avait jamais interviewé Johnny Papalia. C'était une personne notoire. C'était un dur.

Toujours est-il que j'ai décidé de prendre un taxi plutôt que de me servir de ma propre automobile car, bien sûr, même les journalistes s'inquiètent de ces choses et je ne voulais pas que les amis de Johnny Papalia relèvent mon numéro de plaque d'immatriculation. J'ai donc pris un taxi pour me rendre au 10, rue Railway. Le chauffeur de taxi m'a dit «Vous allez voir Johnny Pops.» J'ai répondu «Oui.» Arrivés sur place, il m'a fait descendre et semblait assez intéressé. Il s'est rendu au bout de la rue et il a fait marche arrière dans une entrée. Il voulait voir si j'allais revenir.

Je me suis rendu chez Monarch Vending, et il y avait là un homme très costaud. Il y avait beaucoup d'hommes de main à cette époque, et ils avaient la mine de l'emploi. J'ai dit que je voulais voir Johnny Papalia et ils ont été très étonnés. Un mafioso à l'air menaçant est apparu et il a dit «Je ne te le dirai qu'une fois, décampe. Comment oses-tu te présenter ici?» J'ai dit «M. Papalia, je suis venu ici parce je veux avoir votre réaction à l'article qui a paru dans le Globe and Mail. Il s'est mis en rage contre moi et j'ai reculé jusqu'à ce que je sorte par la porte et que je descende l'allée pour me rendre au-delà de sa Cadillac. Il y avait une Cadillac dans l'allée. Je me suis moi-même choqué un peu et j'ai dit «Très bien, si tu ne veux pas entendre parler de cette foutue histoire» et j'ai pris l'article de journal et je l'ai enfoncé sur l'antenne de radio de sa Cadillac. Je dois reconnaître, monsieur le Président, que pendant un certain temps par la suite j'ai jeté un coup d'oeil sous ma voiture au cas où il y aurait une bombe ou quelque chose d'autre, mais ce ne fut pas le cas.

À cette époque, je crois qu'il existait plus ou moins une règle non écrite. C'était que l'on n'intimidait pas les journalistes ou encore que l'on ne les harcelait pas ou qu'on ne menaçait pas leur vie.

La raison pour laquelle nous tenons ce débat ce soir et pour laquelle celui-ci revêt une si grande importance, c'est que le crime organisé a rompu ce code. On a attaqué un journaliste dans l'exercice de ses fonctions. J'ai beaucoup d'admiration pour le journaliste québécois. Je suis heureux qu'il ait survécu, mais nous devrions tous être extrêmement préoccupés par un événement comme celui-là.

Certes, je suis tout à fait d'accord pour que le Parlement s'attaque à ce genre de menace, mais j'invite tout le monde à la prudence car aucun journaliste de ce pays, j'en suis sûr, ne voudrait qu'on sacrifie nos libertés fondamentales simplement parce qu'un ou deux des nôtres sont tués—parce que c'est bien de cela qu'il s'agit. Je déplore l'attitude des bloquistes. Ils ne se rendent pas compte que la tradition du journalisme au Québec, on la retrouve également dans le reste du Canada. Elle est identique.

 

. 2310 + -

[Français]

Il y a la même tradition au Québec chez les journalistes. Cette tradition est de protéger les droits fondamentaux.

[Traduction]

Certes, on ne sacrifie pas un droit fondamental comme la liberté d'association parce qu'un journaliste a été attaqué, mais ce que le Parlement doit faire, c'est faire payer ces organisations. Et la seule façon de faire payer ces organisations quand elles s'attaquent à des journalistes, quand elles s'attaquent à des politiciens ou quand elles s'attaquent à des responsables de l'application de la loi, c'est de les empêcher de faire du commerce.

Je l'ai dit précédemment, monsieur le Président, à mon avis, le gouvernement s'est attaqué au problème de façon fragmentaire. Au cours des cinq ou six dernières années, il n'a pas su s'attaquer globalement à toutes les façons de faire de l'argent dont use le crime organisé.

J'ai suivi le débat de ce soir dans son intégralité et il a beaucoup été question d'accroître l'activité policière. D'excellents commentaires ont été faits à propos de l'élimination de la police portuaire. Je suis convaincu que le fait que nos ports soient ouverts et qu'il soit possible d'exporter n'importe quoi en contrebande du Canada fait partie des principaux facteurs à l'origine des profits du crime organisé. C'est une excellente idée.

Toutefois, ajouter des policiers n'est pas la solution. Comme j'y ai fait allusion tout à l'heure, nous devons empêcher le crime organisé de faire des profits au Canada, de blanchir l'argent au Canada, et de faire passer de l'argent—des renseignements, c'est autre chose—et des marchandises en contrebande. Nous n'avons pas eu beaucoup de succès sur ce plan.

Nous avons eu l'occasion de le faire par le passé mais ne l'avons pas fait. Nous devons, comme je l'ai dit, nous attaquer aux organisations à but non lucratif et aux oeuvres de bienfaisance. Je sais que cela paraît absurde que j'amène le sujet des oeuvres de bienfaisance dans un débat sur le crime organisé, mais je puis assurer les députés d'en face que c'est un problème très, très sérieux. Le secteur des oeuvres de bienfaisance représente plus de 100 milliards de dollars.

Je passais en revue la pile de ma correspondance pendant que j'écoutais le débat et je suis tombé sur plusieurs rapports annuels d'importantes oeuvres de bienfaisance. Je ne les nommerai pas car ce serait un peu dur pour elles dans le cadre de ce débat particulier, mais certaines sont très importantes. Elles envoient leur rapport annuel, mais sans le moindre détail financier. Leur rapport ne contient pas non plus d'état financier vérifié.

Les grandes oeuvres de bienfaisance ne sont absolument pas transparentes, et c'est une invitation au crime organisé. Vous pouvez créer une oeuvre de bienfaisance n'importe où dans ce pays sans être tenu de rendre des comptes. Ainsi, les organismes de bienfaisance sont désormais réputés, de par le monde si je ne m'abuse, servir d'instrument aux organisations criminelles ou ethniques afin de financer des actions terroristes menées à l'étranger, et que sais-je d'autre. Ces groupes sont aujourd'hui en mesure de financer toutes leurs activités par le truchement de différentes associations de bienfaisance à but non lucratif établies au Canada.

J'ai maintes fois dénoncé le problème. Je déplore que le gouvernement ait été lent à réagir et je regrette aussi que les députés de l'opposition aient été très peu nombreux à m'accorder leur soutien. Ces derniers sont constamment à la recherche d'occasions de discréditer le gouvernement, et lorsqu'un député de l'arrière-ban préconise une solution incontournable pour régler le problème posé par le crime organisé—pas nécessairement le régler, car rien ne saurait régler définitivement le problème—du moins rendre onéreux le fonctionnement des organisations criminelles, il n'obtient pas le soutien escompté. Je le déplore, car je suis persuadé que bon nombre des députés d'en face ont des intentions fort sincères et j'estime que, de façon générale, le débat est mené à bon escient, sauf lorsqu'il s'est agi de la question délicate de toucher à nos libertés fondamentales.

Sans vouloir dénigrer la ministre de la Justice et le solliciteur général qui ont fait montre d'une grande patience tout au long de ce débat qui leur aura permis, je l'espère, de recevoir des conseils judicieux, je dois avouer que leurs solutions demeurent insuffisantes. Personne ne semble reconnaître ou comprendre que l'Internet, les communications électroniques et la mondialisation des marchés sont, pour le crime organisé, un bienfait inappréciable et inespéré. Nous devons donc avoir une discussion franche.

 

. 2315 + -

Ce fut pour moi toute une révélation d'apprendre que le Sous-comité sur le crime organisé tenait des discussions à huis clos. C'est plutôt inutile, et je veux que vous le sachiez, monsieur le Président, parce que je n'ai pas siégé à ce comité. Je peux dire que j'aurais certainement apporté une certaine contribution aux travaux de ce comité et c'est d'ailleurs l'un des comités auxquels j'aurais aimé participer.

J'ai appris ce soir que le sous-comité avait reçu une demande à laquelle la ministre de la Justice a fait allusion. Il s'agissait d'un document de consultation sur les mesures d'intimidation exercées contre certains des plus importants membres du système de justice pénale. Ce document a fait suite à un sondage effectué en 1998 après la tenue d'un procès impliquant des membres des Hell's Angels, dans lequel on demandait aux Québécois s'ils avaient peur de faire l'objet de représailles en siégeant au sein du jury dans une cause impliquant des organismes du crime organisé tels les Hell's Angels.

Si je ne m'abuse, quelque 81 p. 100 des répondants ont dit craindre l'intimidation. Le ministère de la Justice a donc mis au point ce document de consultation dont le Sous-comité de la justice est soi-disant saisi et qui réclame l'adoption de lois, de règles et de peines s'appliquant tout particulièrement à l'intimidation de membres du système de justice pénale tels les juges, les membres du jury, les policiers et les gardiens de prison. Ils n'y ont toutefois pas inclus les politiciens et les journalistes.

Nous tentons de maîtriser le mauvais côté de la société, c'est-à-dire les éléments négatifs qui volent et qui tuent, par l'entremise de nos politiciens, de nos journalistes et de notre système de justice pénale. Je dirais que c'est davantage par l'intermédiaire de nos politiciens et de nos journalistes. Les journalistes écrivent les histoires et mettent leur vie en danger. Les politiciens, eux, réagissent à ces histoires et adoptent des lois.

Les membres du crime organisé ont tout le loisir de s'en prendre aux politiciens. Il y a le chantage. Je crois qu'il et arrivé que des politiciens subissent des menaces physiques. C'est possible. Il est possible que la famille de quelqu'un soit physiquement menacée. Je ne parle pas seulement des députés québécois. Je crois que le problème est un peu plus général.

Nous ne pouvons permettre que cela se produise. Si on devait rédiger un document de consultation portant sur l'élaboration de nouvelles peines ou de nouvelles lois visant à prévenir l'intimidation dans le cadre du système de justice pénale, il faudrait que ces peines, ces innovations et ces initiatives s'appliquent aussi aux journalistes et aux politiciens, car il ne fait aucun doute que ce qui s'est passé est grave.

Je suis heureux qu'on tienne ce débat. Je suis seulement un peu triste que le Bloc québécois ne reconnaisse pas qu'il permet aux criminels de presser les politiciens d'adopter certaines lois. Les bloquistes proposent d'utiliser la disposition d'exemption pour contourner la Constitution afin que, dans un cas particulier, quelqu'un puisse être arrêté parce qu'il porte une veste des Hell's Angels. C'est inacceptable. Si une telle loi existait, elle pourrait être utilisée par un autre gouvernement contre un parti séparatiste ou tout autre type d'organisation qui, sur le moment, serait considérée comme une menace à la paix, à l'ordre et au bon gouvernement.

Nous ne devons au grand jamais permettre qu'une telle loi entre en vigueur, parce que lorsque nous permettons aux criminels de diminuer nos droits et libertés fondamentales, c'est le crime qui gagne.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je remercie le député pour ses paroles de ce soir. Je comprends très bien ce qu'il dit, c'est-à-dire que le crime organisé sera frappé durement et s'en ressentira lorsque nous porterons un coup à son portefeuille. Cela ne fait aucun doute.

Je suis cependant inquiet d'entendre le député parler de réaction spontanée devant l'incident d'un journaliste atteint de projectiles d'arme à feu. Sur une courte période, plus de 150 personnes ont été tuées par le crime organisé au Québec et il n'y avait pas que des membres de gangs dans ce nombre, il y avait aussi des innocents. De plus, ce chiffre se rapporte seulement au Québec. Je ne parle pas de ce qui se passe ailleurs au Canada, car des gens sont morts dans bien d'autres régions. Il y a aussi les centaines de jeunes, les plus vulnérables, morts des suites de surdoses de drogue, et ceux qui ont été embauchés par le crime organisé.

 

. 2320 + -

Il y a beaucoup de violence. Je ne crois pas que nous puissions ignorer le fait que la violence est partout et que des gens meurent. On ne peut pas ramener la situation à une réaction spontanée devant un seul incident. Quand dira-t-on que c'est assez? Quand prendrons-nous le taureau par les cornes?

Peut-être y aurait-il atteinte au droit d'appartenir à une organisation si on sait que cette organisation est clairement liée à tous les problèmes. Peut-être y aura-t-il une autre organisation, puis une autre et une autre encore. Je pense que le député ne comprend rien à rien s'il croit tout bonnement qu'en éliminant tous les moyens de gagner de l'argent on réglera le problème. Je pense qu'il faut une combinaison. Nous devons commencer à agir comme si nous étions vraiment sérieux. Ce serait peut-être une mesure radicale.

Il est vrai que nous voulons protéger les libertés auxquelles nous sommes habitués, les valeurs qui nous sont chères. C'est ce que nous voulons tous. Ce ne sons pas les politiciens, ce n'est pas M. Trudeau ni la charte des droits qui nous ont apporté toutes ces libertés. Ce sont les soldats qui ont lutté durant de nombreuses années pour protéger notre pays. C'est à eux que nous devons toutes ces libertés.

Beaucoup de ces soldats morts à la guerre pour protéger les libertés dont nous jouissons se retourneraient dans leur tombe s'ils savaient combien de gens sont pulvérisés par ces criminels. Tôt ou tard, nous devrons nous montrer un peu plus fermes dans notre réflexion, à part nous demander ce que nous pouvons faire pour briser leur économie. Cela fait partie de la stratégie, mais entre temps il y aura beaucoup d'actes de violence pour nous empêcher de le faire. Qu'allons-nous faire pour venir à bout de ce problème combiné et complexe?

M. John Bryden: Monsieur le Président, invoquons donc la disposition d'exemption et adoptons le projet de loi faisant un crime de l'adhésion aux Hell's Angels, par exemple. Qu'arrivera-t-il si les chefs des Hell's Angels ou si de véritables Hell's Angels saisissent un jeune dans la rue et l'obligent à porter une veste arborant le symbole des Hell's Angels? Le jeune va porter la veste de crainte de se faire battre et il va se faire arrêter par la police.

Il est facile de faire tomber ce principe, n'est-ce pas, monsieur le Président? On parle ici de criminels endurcis. Je pense, et j'en ai d'ailleurs la certitude, que le chef des Hell's Angels se trouve à Taiwan ou quelque part à proximité de l'océan Indien. Le crime organisé est une pieuvre géante et même le tout-puissant président Clinton est incapable de dire d'où vient le leadership. La situation est aussi terrible que dans une histoire de James Bond. Le crime organisé sera assez malin pour mettre le gouvernement et le pays dans l'embarras, parce que, si nous limitons les libertés, il verra à ce que nous arrêtions des innocents.

Le député d'en face ne peut répondre à une question parce que ce n'est pas son tour de se lever, mais j'aimerais bien savoir ce qu'il fera si nous contournons la loi, si nous sapons un droit fondamental, si nous emprisonnons des innocents et si les Hell's Angels et les autres bandes de motards poursuivent comme avant leurs joyeuses fusillades et maintiennent leur trafic de drogues. Ce n'est pas la solution. C'est un gouffre qu'il faut éviter.

M. Myron Thompson (Wild Rose, Alliance canadienne): Monsieur le Président, j'apprécie cette occasion que j'ai d'intervenir dans ce débat ce soir. J'apprécie le fait que le député d'en face soit resté aussi tard et qu'il entende ce que j'ai à dire. Il y en a au moins un là-bas. Cependant, je vais suivre la règle d'Ecclésiaste qui dit: «Le sage se dirige bien, l'insensé va de travers». Je vais vous regarder directement, monsieur le Président.

Je voudrais préciser au départ que le député parle de situations très hypothétiques et je peux comprendre pourquoi. Il y a beaucoup de situations qui sont hypothétiques quant à ce qui va se produire. Cependant, on ne répond pas au problème.

 

. 2325 + -

Je suis persuadé que j'obtiendrai une réaction du député, qu'il formulera une ou deux observations. Il ne fait aucun doute dans mon esprit, et je le dis sans équivoque, que la Charte des droits pose de nombreux obstacles pour ce qui est de trouver de bonnes réponses judiciaires au Canada.

À l'instar du ministre québécois de la Sécurité publique, je crois que les lois fédérales anti-gang sont trop complexes. Elles sont coûteuses et sont loin de permettre de mettre un terme aux activités des bandes impudentes de motards criminalisés. La Charte des droits prévoit la liberté d'association. On devrait la suspendre de façon temporaire dans les cas où une personne est soupçonnée d'activités criminelles organisées. J'en ai assez de voir que les droits des criminels passent avant les droits collectifs des citoyens honnêtes. Je crois que les Canadiens vont s'entendre là-dessus.

Je me reporte à des observations formulées par la juge L'Heureux-Dubé de la Cour suprême en réponse à l'affaire Feeney. Dans son opinion dissidente, la juge L'Heureux-Dubé a laissé entendre que maintenant que la Charte a 15 ans il est peut-être temps de réévaluer l'équilibre établi par les tribunaux entre la protection des droits individuels de l'accusé et le maintien de la capacité de la société de protéger ses membres les plus vulnérables et d'exposer la vérité.

Pour ce qui est des membres les plus vulnérables, je pense aux jeunes. Je pense au nombre de funérailles auxquelles j'ai assisté à l'école secondaire où j'ai enseigné pendant 22 ans dans les années 80 et au début des années 90, lorsque des étudiants mouraient à la suite de consommation de drogues. Cela faisait partie de ce problème.

Il est plus que temps de lancer le débat que la juge propose. Nous devrions déterminer si oui ou non la Charte des droits devrait s'appliquer aux personnes reconnues coupables de crimes. Je suis convaincu que la Charte devrait être réservée aux citoyens respectueux des lois.

Les droits fondamentaux doivent s'appliquer, soit le droit à un procès équitable, la présomption d'innocence tant que la culpabilité n'a pas été prouvée, le droit aux services d'un avocat, tous ces droits fondamentaux doivent s'appliquer. Cependant, une fois que quelqu'un est reconnu coupable, jusqu'à quel point la Charte doit-elle s'appliquer? Elle pose constamment des obstacles et elle a créé ces groupes de victimes dont notre collègue a parlé à maintes reprises ce soir.

Les groupes de défense des victimes existent parce que les victimes ne sont pas satisfaites de la justice qui prévaut au pays. Les organisations comme Canadiens contre la violence partout recommandant sa révocation (CAVEAT) et Crime Responsibility and Youth (CRY) et toutes les autres qui représentent des milliers et des milliers de Canadiens n'ont pas été créées parce que les citoyens étaient satisfaits du système de justice, bien au contraire.

L'autre point qui me préoccupe, ce sont toutes ces belles paroles affirmant qu'on a donné tous les outils nécessaires aux policiers et qu'on a fait tout ce qu'il fallait pour les aider à combattre le crime.

J'ai ici un communiqué de presse du 15 septembre 2000. C'était il y a trois jours à peine. Le titre se lit comme suit: «Cessez de discuter et agissez clame l'Association canadienne des policiers et policières». Il dit:

    «L'attentat contre le journaliste montréalais Michel Auger constitue un autre exemple du fléau que représente le crime organisé au sein de nos communautés», affirme David Griffin, agent exécutif de l'Association canadienne des policiers et policières qui regroupe 30 000 membres. «Pendant que les criminels organisés mènent leurs activités en jouissant pratiquement d'une entière immunité, nos policiers se sentent de plus en plus frustrés et entravés lorsqu'ils tentent de riposter, en raison de la faiblesse des lois, du manque d'outils de lutte contre le crime organisé et de l'absence déplorable des ressources nécessaires.»

Ce communiqué de presse provient de l'Association. Ce n'est pas de moi. Pourtant, j'ai entendu pendant toute la soirée des discours concernant les magnifiques initiatives que nous avons adoptées. Selon ce communiqué de presse, c'est absurde. Il ajoute ce qui suit:

    «Le Canada s'est acquis un statut tiers-mondiste, en tant que refuge pour les criminels organisés», poursuit Griffin. «L'attaque perpétrée contre M. Auger n'est qu'un exemple des tactiques de violence et d'intimidation utilisées par ces bandits.

    Nos institutions démocratiques sont menacées par l'influence de ces criminels internationaux. Deux gardiens de prison québécois ont été assassinés, un député fédéral et sa famille étaient sous protection policière l'automne dernier après que le député se fut exprimé et maintenant, voilà qu'on tire sur un membre des médias présumément dans le but de le museler. Tandis que les politiciens à tous les paliers de gouvernement continuent à jeter le blâme ailleurs ou à promettre d'en faire davantage, la réalité sur la ligne de front c'est que nous pouvons difficilement mettre une équipe sur pied».

 

. 2330 + -

Je répète que ce sont là les propos de l'Association canadienne des policiers et policières. Ce n'est pas l'Alliance canadienne qui le dit. L'association dit que le gouvernement insiste constamment sur le fait qu'elle a donné tous les outils nécessaires pour accomplir le travail. Ce communiqué d'il y a trois jours est très contradictoire par rapport à cette affirmation.

    Malgré l'attention nationale et internationale qu'a attirée ce dossier, le gouvernement du Canada a très peu intervenu pour renforcer l'application des lois, pour que les policiers puissent faire face adéquatement à ces criminels organisés aux moyens sophistiqués. [...] Nous disposons de piètres lois, de piètres budgets, de piètres moyens technologiques et de peu de soutien. Nos policiers de la ligne de front sont extrêmement démoralisés. Par contre, les criminels organisés disposent de milliards de dollars et profitent littéralement du manque de ressources policières pour poursuivre leur piste.

C'en est assez de parler de tout ce que nous faisons pour aider nos forces policières à accomplir leur travail. Arrêtons-nous au plus récent rapport du Service canadien des renseignements criminels qui, comme le rapportait le Hill Times, précisait ce qui suit:

    Presque tous les groupes criminels importants dans le monde sont actifs au Canada.

L'article ajoute ce qui suit:

    En 1998, le surintendant de la GRC Ben Soave, qui dirige le groupe de lutte contre le crime organisé situé à Toronto, a lancé l'avertissement selon lequel les groupes du crime organisé cherchent à corrompre des politiciens et des policiers en leur offrant des pots-de-vin et en les faisant chanter. Ils sont une menace à notre sécurité nationale.

    Dans d'autres pays, cette déclaration aurait suffi à nommer une commission royale afin de trouver une solution à ce dangereux problème. Malheureusement, pas au Canada où les politiques n'ont pas bougé.

Un autre organisme gouvernemental a dit que le gouvernement soutient que nous sommes heureux de la situation. Ce sont leurs mots, pas les miens. C'est leur communiqué, pas le mien. Les députés auront beau pointer du doigt notre parti.

Les députés devraient entendre l'histoire suivante qui a paru dans le Sun d'Ottawa du 25 avril 1999. Je vais la leur lire.

    La Gendarmerie royale du Canada a commencé à filer le Blue Dawn, un yacht de 30 mètres, au mois d'octobre 1997 lorsqu'il a quitté la pittoresque ville de Lunenburg, en Nouvelle-Écosse et fait route vers l'est dans l'océan Atlantique. [...] Plus de 150 agents ont fait des milliers d'heures supplémentaires au cours de l'enquête qui allait aboutir à la plus grande saisie de stupéfiants de l'histoire de la Colombie-Britannique. Mais alors que le Blue Dawn attendait, à quelque 400 milles de la côte de la Colombie-Britannique, par une froide journée de novembre, de transborder sa cargaison de haschich pakistanais dans un plus petit bateau, la longue et complexe enquête de la GRC a heurté un écueil. [...] nous avons été forcés de dire à nos agents qu'ils ne pouvaient être payés. Nous n'avions pas assez d'argent pour les payer. Nous leur avons dit qu'ils pouvaient compléter l'opération, mais qu'ils ne seraient pas payés. [...] Heureusement, (les agents) ont décidé de le faire sans être payés.[...] Si, toutefois, ils avaient décidé de ne pas procéder à la saisie, quelque 15 tonnes de haschich destinées aux grandes villes de l'est du pays seraient entrées au Canada. [...] Et ce n'était pas la première fois que les agents de la GRC étaient forcés de donner ainsi de leur temps. J'ignore pendant combien de temps encore leur dévouement dans la lutte contre les criminels nous permettra de surmonter la crise financière qui nous afflige.

Nous leur demandons de le faire gratuitement? C'est un fait. Vérifiez par vous-mêmes. Ne me croyez pas sur parole. Interrogez la police au sujet du Blue Dawn, de la grande enquête par infiltration et de tout le temps fourni gratuitement par la police parce que nous n'avons pas l'argent pour la payer. Il est étrange que nous ayons de l'argent à dépenser pour toutes sortes de balivernes. Quand on examine les comptes publics et la façon dont le gouvernement dilapide les fonds publics, on se demande bien pourquoi il n'a pas les moyens de payer la police pour d'importantes opérations d'infiltration policière. Que se passe-t-il?

 

. 2335 + -

Il ne sert à rien de parler de tous ces problèmes sans proposer de solutions, ce que je vais essayer de faire.

Tout d'abord, contrôler l'application et l'efficacité de la loi contre les gangs promulguée en 1997. Je crois qu'il y a eu une condamnation, mais elle aurait été abandonnée au cours des marchandages de plaidoyers. Une seule condamnation depuis 1997.

Deuxièmement, examiner l'efficacité de la loi sur les produits du crime.

Troisièmement, améliorer la capacité de la police de faire enquête sur le blanchiment d'argent et légiférer pour imposer de nouvelles exigences de rapports financiers aux banques au sujet des transactions douteuses.

Quatrièmement, accroître notablement les peines pour contrebande et trafic de drogue.

Cinquièmement, modifier le Code criminel pour sévir contre quiconque contribue à la délinquance d'un mineur. Il s'agit des gens qui se servent de mineurs pour le trafic de drogue et la prostitution. Il est grand temps que nous les attrapions. Mais nous ne faisons rien.

Sixièmement, accroître la surveillance et les contrôles le long des frontières, dans les ports, dans les eaux canadiennes et à l'étranger. Lorsque je suis allé dans le port canadien de Port Erie, j'ai demandé aux gardes ce qu'il y avait dans les bateaux qui traversaient?» Ils m'ont répondu qu'ils n'en étaient pas certains. J'ai demandé s'ils avaient une petite idée, et ils ont dit: «Si c'est à ce niveau, ce sont probablement des cigarettes. À tel autre niveau, c'est probablement de l'alcool, et à tel autre des personnes. À un autre niveau encore, ce sont peut-être des armes à feu.» Qui les arrête? Personne.

J'ai regardé les bateaux qui allaient dans l'autre direction, vers les États-Unis. Devinez quoi. Ils ne font pas la moitié de la traversée avant de tomber sur une patrouille, qui arrête tous les bateaux.

Septièmement, accroître la technologie perfectionnée permettant de mieux détecter les envois de drogues. Le gouvernement doit faire cela.

Huitièmement, créer une unité spéciale tactique et d'enquête comprenant des représentants de la GRC, de Douanes Canada, de la Défense nationale et du SCRS, unité qui s'emploierait uniquement à lutter contre le crime organisé. Le gouvernement doit faire cela.

Le gouvernement est en poste depuis sept ans. Le crime organisé existe depuis plus longtemps que cela. Le gouvernement n'a rien fait, à part mettre en application les dispositions antigang en 1997, ce qui n'a strictement rien donné. Voilà ce qu'il a fait.

M. Lynn Myers: C'est tout à fait insensé.

M. Myron Thompson: Le député dit que c'est tout à fait insensé. Le gouvernement n'a rien fait d'autre.

Je pourrais vous relater bien d'autres histoires de gardiens de prison qui parlent de ceux qui ont essuyé des tirs, qui sont menacés. Les membres de leur famille sont victimes de menaces à la maison, et ils ont peur de dénoncer les activités des gangs dans les pénitenciers à cause des risques que cela fait courir à leurs proches.

Nous avons installé un appareil perfectionné qui vaut plusieurs millions de dollars pour détecter la drogue. Cet appareil a un nom, mais il m'échappe. On a installé cet appareil dans les pénitenciers. J'ai visité pratiquement tous les pénitenciers du Canada, dont certains plusieurs fois, à titre de visiteur, bien entendu. J'ai toujours insisté pour être soumis à l'examen de ce détecteur de drogue. J'ai eu la chance de toujours réussir le test. J'ai demandé qui subissait l'examen permis par cet appareil. On m'a dit que les gardiens, ceux qui travaillent au pénitencier et le bénévoles n'étaient pas soumis à cet examen, pas plus que les avocats qui travaillent pour les détenus. Mais les visiteurs le sont. Devinez ce qu'on m'a dit à un pénitencier lorsque j'ai voulu savoir ce qu'on faisait lorsqu'un visiteur se présentait et qu'on détectait la présence de drogue. On lui dit de rentrer chez lui, de se nettoyer et de tenter de nouveau sa chance le lendemain.

Quel genre de réglementation est-ce là? C'est ce qu'on m'a dit dans les pénitenciers. On se demande ensuite comment il se fait que la drogue soit si présente dans les établissements pénitentiaires. Il y a davantage de drogue dans les prisons que dans la rue.

J'en ai vraiment assez d'entendre les députés de ce côté de la Chambre se vanter sans cesse des merveilles que le gouvernement a accomplies. Le problème subsiste pourtant encore et toujours. Un député pourrait dire que c'est insensé et qu'il n'en est rien. Parlez-en aux proches de tous les gens qui sont morts à cause de ces activités. Ils sont des milliers, mais ce n'est pas si facile à voir lorsque la seule chose qu'on trouve à faire à la Chambre, c'est passer d'un siège à l'autre pour être capté par la caméra.

 

. 2340 + -

Il est tard, et je ne veux pas prolonger cette séance plus longtemps qu'il n'est nécessaire. Il y a encore une chose que je veux dire. Je tiens à citer un article publié dans le Citizen d'Ottawa par Bill Murray, qui a pris sa retraite il n'y a pas si longtemps en tant que commissaire de la GRC. Il y disait ceci:

    Le crime organisé est désormais tellement prépondérant au Canada que les forces policières en sont réduites à éteindre des feux isolés dans une économie parallèle flamboyante. Le Canada est particulièrement vulnérable au trafic de stupéfiants, la principale source de revenu de la plupart des groupes du crime organisé, d'après la Section de l'analyse des drogues de la GRC. Les contrebandiers sont attirés par le Canada parce qu'ils y risquent peu de se faire arrêter compte tenu des ressources policières limitées, des enquêtes peu productrices, des peines relativement légères et de notre énorme frontière peu surveillée.

Toutes ces observations viennent de commissaires de police, de l'association des policiers, de gardiens de prison, de victimes, de protestataires du Québec et des familles des nombreuses victimes.

Peut-on me dire que la Charte n'est pas un obstacle à l'exécution de la justice au Canada? J'estime qu'il est temps d'y réfléchir. Il est temps d'ouvrir le débat. Ne protégeons pas ce document au point de laisser tous ces problèmes perdurer. Écoutons le juge de la Cour suprême qui a dit qu'il est temps de réexaminer cela après 15 ans. La Charte remplit-elle le rôle pour lequel elle a été créée? Je ne vais pas m'en prendre à la Charte et je ne crois pas que le député d'en face s'en prendra à elle non plus, mais je crois qu'il serait disposé à en discuter et à voir si elle pourrait être améliorée. Je n'ai jamais cru un seul instant que le premier ministre Trudeau avait vu dans ce document une protection politique pour les criminels de la pire espèce. Ce n'était pas son intention, mais c'est ce qui arrive.

Les gouvernements provinciaux font de leur mieux. L'Alberta a adopté des dispositions législatives pour que des prostituées de 11, 12, 13, 14 et 15 ans ne puissent pas faire la rue dans les villes de la province. Pas pour les arrêter ni pour les condamner, mais pour les retirer de la circulation et essayer de les aider. Une plainte a été déposée, et nos tribunaux ont statué qu'en vertu de la charte des droits, il est anticonstitutionnel d'agir de la sorte. Si mon collègue et moi parcourions une rue en voiture et que, voyant une fillette de 11 ans en train de se prostituer, nous ne l'aidions pas à s'en sortir, je serais dégoûté de sa conduite et lui de même. Or, c'est ce que ces gens ont essayé de faire, et on laisse un document comme celui-ci empêcher ce genre d'activité. Ça ne peut pas continuer.

On finira par laisser aux tribunaux le soin de juger qu'il n'y a pas de mal à ce qu'un homme de 56 ans possède du matériel pornographique. Ce ne devait être qu'une mesure temporaire. Ça ne devait pas traîner en longueur. Or, voilà plus de deux ans que nous attendons. Pourquoi? À cause d'un seul document.

J'aime le Canada. Je chéris nos libertés. J'ai le plus grand respect qui soit pour les soldats qui ont donné leur vie pour instaurer et défendre ces libertés. Si jamais nous perdions une de ces libertés, ce serait parce que, en tant que parlementaires, nous aurions manqué à notre devoir le plus élémentaire, à savoir assurer la protection et la sécurité de nos citoyens. Nous ferions mieux de nous en occuper.

 

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M. John Bryden (Ancaster—Dundas—Flamborough—Aldershot, Lib.): Monsieur le Président, j'ai l'insigne honneur de les représenter dans cette enceinte et de les y faire nommer chaque fois que je prends la parole.

Le député d'en face, le député de Wild Rose, a parlé avec éloquence. Je pense qu'il a proposé un certain nombre de solutions fort utiles pour durcir la loi et faire échec au crime organisé. Je l'invite cependant à se relire dans le hansard demain matin; il découvrira qu'il n'a pas fait mention dans son intervention du recours à la disposition de dérogation pour modifier la Constitution ou la Charte canadienne des droits et libertés en vue de limiter le droit d'association, et de criminaliser l'appartenance à un groupe de motards.

La seule remarque qu'il ait faite à propos de la Constitution l'a été dans le contexte de la question de la loi sur la prostitution infantile dont l'Alberta avait essayé de se pourvoir. Je suis sur la même longueur d'ondes que le député là-dessus. J'estime que c'était une bonne loi et qu'elle aurait dû être retenue. Or elle a été invalidée par un tribunal inférieur.

Si le député de Wild Rose réfléchit bien, il comprendra que le problème ne découle pas de la Constitution. Il découle plutôt des différentes interprétations qu'en font les tribunaux.

J'aimerais connaître la réaction du député à ce sujet car ce débat nous offre la possibilité de faire nouvelles suggestions. Je pense que l'un des problèmes qui tourmente notre société depuis l'entrée en vigueur de la Constitution et de la Charte des droits, c'est que certaines interprétations ont été faites de la Charte dont nous savons en tant que parlementaires qu'elles ne sont pas justes, et ce, d'après nos propres sentiments, d'après nos contacts avec nos électeurs et d'après notre sens de la nation.

À mon avis, l'une des raisons pour lesquelles nous avons cette impression, c'est que nous ne sommes jamais invités à comparaître devant les tribunaux pour donner notre interprétation des lois. Nous faisons les lois, mais nous n'avons jamais la possibilité d'expliquer aux tribunaux ce que nous entendons par elles. Nous ne comparaissons jamais devant les tribunaux.

Je demande au député de répondre sur ce point. Quand il y a contestation devant la Cour suprême, le ministère de la Justice envoie des avocats. Je ne suis pas toujours certain que le ministère de la Justice soit en mesure de défendre les lois que nous adoptons comme je le voudrais, car vraiment, monsieur le Président, dans les débats que nous avons ici, je suis souvent en désaccord avec le ministère de la Justice. Le député ne trouve-t-il pas que ce serait une bonne idée d'avoir un plus grand nombre d'avocats à la Chambre des communes, de façon à ce qu'ils puissent s'exprimer au nom des parlementaires? Parce que c'est cet endroit, c'est le Parlement qui crée les lois et non pas le gouvernement. Dire que le gouvernement crée les lois, c'est un mythe. Le gouvernement les présente, mais finalement c'est le vote des parlementaires qui est déterminant.

Les tribunaux n'entendent jamais les arguments de l'opposition quand la loi est adoptée. Ils ne voient qu'un côté. Malheureusement, dans l'état actuel des choses, ce n'est que le gouvernement qui défend les questions liées à l'interprétation de la Charte.

Le député d'en face et tous les partis de l'opposition devraient faire pression auprès du gouvernement, du Bureau de régie interne et du Président pour qu'il y ait davantage d'avocats à la Chambre, au bureau, qui représentent les parlementaires et défendent l'interprétation de la loi pour nous, peu importe de quel côté se trouve notre siège.

À ce moment-là, quelqu'un pourrait dire que la Charte ne devrait pas s'appliquer aux enfants dans ces circonstances. Si j'avais l'occasion de plaider devant cette cour, monsieur le Président, je dirais qu'en tant que parlementaire, mon intention n'est jamais de mettre les enfants en danger dans ce contexte. La Charte n'est pas conçue de façon à mettre les enfants en danger.

Mais je ne peux faire cela tout seul. Nous avons besoin d'une autre personne qui puisse interpréter la Charte. Ce ne sont pas les mots qui posent problème. Quand on commence à jouer avec les mots, monsieur le Président, on s'attire des problèmes. C'est exactement ce que Hitler et Staline ont fait. Ils ont restreint le droit d'association, et c'est ce qui a mené à la nuit des longs couteaux, à la nuit de cristal et au génocide en Ukraine. Nous ne pouvons faire cela. Nous ne pouvons restreindre les mots de la Constitution, mais nous pouvons certainement tenter de faire en sorte que le Parlement soit représenté lorsque l'interprétation de la Constitution est abordée en cour.

 

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M. Myron Thompson: Monsieur le Président, je voulais prendre des notes, mais l'intervention du député a été assez longue et je ne sais trop comment y répondre.

Je voudrais aussi compléter ce que le député a dit au sujet de Staline et de Hitler: je me souviens qu'il y a eu enregistrement et confiscation d'armes avec tout le reste.

Le député a dit certaines choses qui m'inquiètent sérieusement. Tout d'abord, il a dit qu'il nous fallait davantage d'avocats ici. Cela me fait un peu peur. Je sais de quoi il parle. Il ne parle pas d'avoir des avocats dans ces fauteuils-là, mais dans des fauteuils d'avocats. Je ne pense pas que cela donnerait des résultats.

Je suis convaincu que le député est passé par le processus d'élaboration d'un projet de loi d'initiative parlementaire. Je l'ai fait plusieurs fois et je trouve très enrageant qu'on me renvoie constamment un projet de loi en me disant qu'il faut le travailler un peu plus, qu'il ne passera jamais l'épreuve de la Charte des droits et libertés. Je ne sais tout simplement pas comment formuler un projet de loi pour qu'il passe l'épreuve de la Charte. Nous indiquons ce que nous voulons dire à ceux qui doivent normalement savoir comment rédiger les projets de loi, mais très peu de ceux-ci sont adoptés. Combien de projets de loi ont été rejetés sous prétexte qu'ils risquaient de ne pas passer pas l'épreuve de la Charte?

J'aimerais bien faire la tournée des tribunaux un jour avec le député en apportant un projet de loi sur lequel nous pouvons nous entendre—je suis sûr que nous pouvons en trouver un—. Nous dirions aux juges ce que nous souhaitons dire dans le projet de loi et leur demanderions ce qui ne va pas, ce que nous pourrions faire pour qu'il ne soit jamais contesté à la lumière de la Charte. Nous ne pouvons pas faire cela. Cela ne peut pas se faire.

C'est un tribunal de première instance qui a rendu une décision dans l'affaire sur la pornographie et cette affaire est maintenant devant la Cour suprême du Canada. Nous disons constamment qu'il faut laisser le processus suivre son cours. Combien de temps allons-nous continuer à protéger ainsi les individus qui sont une menace pour notre société?

Je crois que les Canadiens en ont assez de la procédurite et il nous faut chercher de meilleurs moyens de rendre justice, d'abattre les barrières que la Charte a dressées et qui nous empêchent de le faire. Je crois que c'est un excellent sujet de débat. Cependant, nous ne pourrions pas discuter de cela ici sans être traités d'extrémistes, de racistes ou de tous les noms que l'on entend ici. Les libéraux ne savent pas comment débattre. Ils ne savent que lancer des quolibets. Quand cela finira-t-il? Je doute que cela finisse un jour. Tant qu'il y aura des sots ici, cela ne finira pas.

M. Darrel Stinson (Okanagan—Shuswap, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je connais très bien le député. Je suis allé avec lui visiter plusieurs prisons. Je sais que le député a été contacté par l'Association des Métis à propos de la prostitution juvénile exploitée par des gangs à Winnipeg. Je voudrais qu'il nous en parle un peu.

Nous avons entendu il y a quelques minutes un député d'en face parler des juges qui interprètent la charte. Si on laisse les juges interpréter la charte, cette dernière ne comporte-t-elle pas des lacunes? Ne devrait-il pas nous incomber, à nous parlementaires, et notamment aux ministériels, de combler les lacunes permettant d'interpréter la charte? Pourquoi la charte devrait-elle se prêter à une interprétation?

M. Myron Thompson: Monsieur le Président, je trouve étonnant que les idées et les principes fondamentaux sur lesquels repose une charte des droits doivent nécessairement se prêter à une interprétation. C'est une perte de temps complète. J'estime que l'intention d'une mesure législative devrait être clairement illustrée. S'il faut un meilleur libellé, établissons-le. Cependant, je ne pense pas que l'intention du texte pose un problème. Nous devrions nous atteler à la tâche et procéder ainsi, mais c'est très difficile dans un contexte partisan.

 

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Quant au problème évoqué à Winnipeg, il est honteux de voir tous ces mineurs, tous ces membres de gangs de moins de 18 ans qui circulent à Winnipeg en portant un blouson pour se faire reconnaître. Ils sont les auteurs d'invasions de domicile et causent beaucoup de douleur. Nous avons cependant les mains liées et il ne devrait pas en être ainsi. Nous pourrions faire quelque chose pour y remédier, mais cela exige du courage et de la fermeté, ce dont le gouvernement est dépourvu.

[Français]

M. Réal Ménard (Hochelaga—Maisonneuve, BQ): Monsieur le Président, je suis l'avant-dernier orateur pour ce débat, à moins de changements non prévus au programme. Je le dis pour le bénéfice des gens de la sécurité, de la cafétéria et des pages qui en sont à leur première journée de travail. Sans doute vont-ils trouver que c'est une journée plutôt exigeante. Je veux les rassurer sur le fait que ce n'est pas usuel de siéger le lundi soir jusqu'à minuit et demi.

Je n'ai pas voulu manquer le débat de ce soir malgré le fait que la journée ait été plutôt chargée sur le plan de nos travaux législatifs. Je me rappelle qu'en 1996, j'ai été, comme député de Hochelaga—Maisonneuve, le premier député de la Chambre à déposer un projet de loi qu'on appelait un projet de loi antigang. Mon projet de loi a été repris à 80 p. 100 par le gouvernement.

La raison pour laquelle je le dis, pour laquelle je rappelle ces faits, c'est qu'en 1997, nous étions tous convaincus. Ce n'était pas un débat partisan. L'Alliance canadienne, les députés progressistes-conservateurs, le NPD, le Bloc québécois et le gouvernement, tous, nous avions procédé avec beaucoup de célérité à l'adoption du projet de loi. Nous l'avions fait en deux jours, ce qui assez exceptionnel sur le plan de nos travaux.

Il y avait un climat de terreur qui sévissait à l'époque. En 1995, il y avait eu la tuerie survenue dans mon comté de Hochelaga—Maisonneuve où un jeune de 11 ans, Daniel Desrochers, avait été victime d'un attentat à la voiture piégée. Il y avait également, à l'époque, le début d'une nouvelle stratégie des bandes de motards criminalisés qui consistait à intimider l'appareil judiciaire. Dans les prisons, il y avait déjà des gens qui étaient tombés sous les balles. Il y avait surtout un contexte très particulier où, pour la première fois dans les annales judiciaires, les bandes de motards criminalisés avaient recours à grande échelle aux explosifs.

C'est pour cela que lorsqu'on se rappelle le projet de loi C-95, il y avait, à ce moment-là, neuf dispositions très importantes. La première—je les rappelle rapidement—c'était de créer un «acte de gangstérisme» où on inscrivait dans le Code criminel que de profiter et de commettre un méfait au profit d'une association criminelle était une nouvelle infraction punissable de 14 ans de prison. Il y avait également le fait de détenir des explosifs qui était punissable de 14 ans de prison. Il y avait l'obligation pour le solliciteur général de faire rapport à la Chambre une fois par année.

Il y avait également une disposition extrêmement importante sur laquelle j'aurai l'occasion de revenir, la possibilité d'obtenir des mandats d'écoute électronique de la part d'un juge pour plus de trois mois, en fait de trois mois à un an. C'était une disposition qui avait été saluée par la communauté judiciaire tant c'était un obstacle au déroulement des enquêtes que d'obtenir un mandat pour un ou deux mois, et de devoir se présenter à nouveau devant une cour de justice pour obtenir une prolongation de mandat. À ce moment-là, le législateur avait été extrêmement avisé de permettre d'obtenir un mandat d'écoute électronique pour une année.

Il y avait également des dispositions plus généreuses sur le plan des perquisitions et, bien sûr, il y avait la possibilité, pour un juge de paix, d'assigner à comparaître des gens dont on avait des raisons de penser qu'ils allaient commettre un crime, et de leur ordonner d'être en probation et de garder la paix.

Le projet de loi C-95 était un bon projet de loi. Je suis convaincu que comme parlementaires, nous avions à ce moment-là été à la limite de l'information dont nous disposions.

 

. 2400 + -

Il y avait une autre caractéristique du projet de loi C-95 qui était de ne pas permettre de libération conditionnelle avant d'avoir purgé la moitié de la peine lorsque quelqu'un était reconnu coupable d'infraction de gangstérisme.

Ce que je veux rappeler ce soir, c'est que nous devons parler de ces questions avec sérénité, bien sûr. Nous devons parler de ces questions avec l'ensemble de l'information dont nous disposons et nous devons le faire de manière non partisane. Nous le faisons, nous, du Bloc québécois, et je suis convaincu que nos collègues du gouvernement le font également parce que c'est de la vie de nos concitoyens dont il est question. C'est plus fondamentalement de la façon dont nous voulons nous imaginer la démocratie.

Ce n'est pas possible que nous soyons députés dans un Parlement et que, à l'extérieur, dans les communautés, il y ait des gens qui se promènent impunément avec des couleurs, les couleurs des Hell's Angels, des Rock Machine ou de n'importe quelle autre bande de motards criminalisés et qu'ils puissent faire régner un régime de terreur dans les communautés. Ce n'est pas possible également qu'à chaque mois de février, nous adoptions un budget, le budget du Parlement, et que, parallèlement à cela, se mette en place et en oeuvre une économie parallèle.

Je rappelle qu'on estime à 200 milliards de dollars l'ampleur de l'économie au noir et de l'activité du monde interlope en territoire canadien.

Autant il m'importe que le débat se fasse avec sérénité, autant je suis convaincu qu'il faut agir avec diligence. Nous n'avons pas trop de temps devant nous.

En 1997, lorsque nous avons adopté le projet de loi antigang, nous avons pris le portrait, la mesure et la façon dont le monde interlope, particulièrement les bandes de motards criminalisés, opéraient à ce moment-là. Tout cela a évolué. Nous devons savoir, comme parlementaires, que tant et aussi longtemps que nous ne mettrons pas hors-la-loi les bandes de motards criminalisés, nos lois vont avoir une portée extrêmement limitée.

Pourquoi nos lois vont-elles avoir une portée extrêmement limitée? Parce que le monde interlope est un milieu dynamique, informé, extrêmement riche et qui a une grande force de frappe. Parlons de la façon concrète dont le monde interlope opère en l'an 2000.

Le projet de loi C-95, en créant une infraction liée aux actes de gangstérisme, prescrivait trois choses. Il fallait donc une organisation qui compte cinq membres et qu'elle ait commis cinq infractions punissables de cinq années d'emprisonnement, en vertu du Code criminel, au cours des cinq dernières années. Or, qu'est-ce que le monde interlope, les Hell's Angels et les bandes de motards criminalisés ont fait pour contourner la loi? Ils ont fait en sorte que les gens qui commettent des infractions liées au gangstérisme en posant des bombes, en faisant des tueries, en profitant de l'économie parallèle, l'économie au noir, soient exempts de casier judiciaire. Donc, les gens n'ayant pas de casier judiciaire, n'ayant pas eu de sentence en vertu de l'article 487.1, ne peuvent pas être traduits devant les tribunaux.

Je crois que comme parlementaires, nous devons trouver matière à réflexion dans le fait que depuis 1997, il n'y a aucun procureur de la Couronne, que ce soit à Winnipeg, en Alberta, en Saskatchewan, au Nouveau-Brunswick ou à Terre-Neuve, et Dieu sait que cela n'a rien à voir avec leurs compétences, leur ardeur au travail ni avec leur érudition juridique, qui a pu porté des accusations.

 

. 2405 + -

Aucun des procureurs généraux n'a pu porter une accusation, tant et si bien qu'il n'y a aucun procès qui s'est déroulé au Canada, et donc, il n'y a pas eu de sentence, puisqu'il n'y a pas eu d'accusation. C'est ce qui est le plus grave dans la façon dont nous devons comprendre le crime organisé en l'an 2000.

Cela ne veut pas dire qu'il faut baisser les bras, cela ne veut pas dire qu'il faut capituler. La fatalité serait notre pire ennemie. Cela veut dire qu'il faut sérieusement envisager de recourir à la clause nonobstant.

Pourquoi faut-il envisager de recourir à cette clause? C'est parce qu'on a considérablement amendé les lois. Au moins à huit reprises, on a modifié le Code criminel. Ce n'était pas de petits amendements à l'épiderme, ce n'était pas des amendements en périphérie. C'étaient des amendements substantiels qui revoyaient en profondeur le Code criminel canadien et, par conséquent, notre régime pénal.

On a revu la Loi sur la protection des témoins pour assurer une meilleure protection aux délateurs. On sait très bien qu'en matière criminelle, ce n'est pas possible de conduire des enquêtes à terme s'il n'y a pas une collaboration, s'il n'y a pas de délateurs.

On a revu la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité pour permettre de retirer de la circulation les billets de 1 000 $. Si on demandait ici aux constables ou à ceux qui se trouvent sur le parquet de la Chambre combien d'entre nous avons 1 000 $ dans nos poches, peu de gens pourraient répondre de façon positive. On a obligé les casinos, les agences de voyage et les gens qui font du commerce transfrontalier à déclarer les transactions suspectes.

À huit reprises, il y a eu des amendements extrêmement importants au Code criminel. Malgré tout, jamais le crime organisé n'aura été aussi puissant dans notre société. C'est la raison pour laquelle on serait terriblement mal avisés de ne pas envisager de recourir à la clause nonobstant.

Je veux rappeler que la clause nonobstant est une clause légitime. On n'est pas hors-la-loi, on n'est pas inconstitutionnel, on n'est pas ultra vires quand on utilise la clause nonobstant. Le constituant de 1982 a prévu que nous puissions limiter certaines libertés jugées fondamentales, mais pas n'importe laquelle.

Par exemple, on ne pourrait pas limiter les garanties judiciaires aux articles 7 à 14 de la Loi de 1982; on ne pourrait pas limiter les droits linguistiques; on ne pourrait pas limiter la liberté de circulation. Mais fort pertinemment, on a cependant prévu, en 1982, que ce pourrait être possible, dans des circonstances jugées extrêmes, que l'on limite la liberté d'association.

C'est bien de cela dont il s'agit. Le Bloc québécois, la Fédération professionnelle des journalistes du Québec, comme différents autres corps intermédiaires, demandent de créer un délit d'association. Cela voudrait dire que cela serait clairement reconnu dans la loi si une personne appartenait aux Hell's Angels, aux Rock Machine ou à n'importe quelle autre bande des 35 bandes criminalisées connues par la GRC ou le Service canadien du renseignement de sécurité. Il y aurait le fait d'appartenir, de travailler ou d'enrichir ces bandes, donc de retirer des profits de notre appartenance à cette organisation.

Qu'est-ce qu'on recherche comme objectif législatif? Ce n'est pas seulement le fait d'appartenir aux bandes. Si les Hell's Angels, les Rock Machine, les Bandidos et l'ensemble des autres bandes connues se réunissaient pour faire du sport ou n'importe quelle autre activité, nous ne serions pas préoccupés comme législateurs.

On sait très bien que ces gens se réunissent pour s'enrichir de manière illicite. Ce qu'il faut interdire, c'est l'appartenance à ces bandes de motards criminalisés, en lien avec l'enrichissement qui en découle, donc en lien avec l'acquisition de biens, et bien sûr le recyclage des produits de la criminalité. Je ne crois pas que ce soit quelque chose d'excessif.

De toute manière, la clause nonobstant doit être renouvelée après utilisation dans un laps de temps de cinq ans. Nous pourrions très bien utiliser la clause nonobstant. Je crois sincèrement qu'il faut, dans le projet de loi, définir à quelles bandes on se réfère présentement.

 

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On pourrait très bien ajouter, un peu comme cela existe déjà à l'article 15 de Loi constitutionnelle de 1982, l'adverbe «notamment». Il y a des gens qui disent: «Oui, mais si on met dans un projet de loi une allusion explicite aux Hell's Angels, aux Rock Machine, aux Dark Circle ou à n'importe quelle bande de motards criminalisés, ces gens-là vont se réorganiser sous un autre nom.» Eh bien, si ces gens-là se réorganisent sous un autre nom mais qu'ils ont le même genre d'activités, le recours à l'adverbe «notamment» nous permettrait d'engager des poursuites contre eux.

Je crois que la question que nous devons nous poser est celle-ci: si nous n'agissons pas maintenant, jusqu'où cela va-t-il aller? On connaît la stratégie des bandes de motards criminalisés. Ils ont commencé par infiltrer l'économie, ensuite, ils ont infiltré les grandes sociétés juridiques, ensuite, ils ont infiltré les grandes sociétés comptables. Et, depuis trois ans, ils ont délibérément décidé de procéder par intimidation de l'appareil judiciaire.

Après cela, il est très prévisible que la stratégie d'intimidation se porte du côté de la magistrature. On pourrait très bien s'attaquer à un juge, puis à un parlementaire, et enfin à un chef d'État. Il n'est pas évident que si nous ne prenons pas des moyens musclés immédiatement, on peut parier que leur stratégie sera sans limite. On le sait, ces gens-là sont mus par l'appât du gain.

Encore une fois, je le répète, je crois qu'il faut agir rapidement, avec vigilance, avec diligence. Il y a suffisamment de bons juristes et la communauté juridique est assez riche et assez expérimentée pour avoir un libellé de projet de loi qui soit suffisamment précis pour nous permettre d'atteindre les objectifs poursuivis.

Le Bloc québécois est désireux de travailler en concertation avec l'ensemble des partis d'opposition. Dans le passé, lorsque nous avons marqué des gains en matière de lutte contre le crime organisé, c'est parce que nous avons travaillé de manière extrêmement consensuelle.

Lorsque nous avons adopté le projet de loi qui portait sur l'ADN et la prise d'empreintes génétiques, c'était dans un contexte où la jeune Manning avait été tuée sauvagement, et tous les partis à la Chambre avaient collaboré de manière très raisonnable, très mature. C'est comme cela que nous avons obtenu des gains.

Je termine en disant que le meilleur service que nous puissions rendre à la sécurité de nos collectivités, à nos aînés, aux jeunes qui nous écoutent ce soir et qui nous regardent en attendant que nous posions des gestes concrets, c'est celui de reconnaître, avec toute la sérénité qui doit caractériser notre prise de décision, que nous sommes rendus à un point tel que nous ne pourrons pas gagner la lutte contre le crime organisé sans recourir à la clause nonobstant, une clause qui est légitime, qui est un outil qui existe à l'intérieur de la Constitution de 1982.

Après avoir fait un ménage et après s'être attaqués aux têtes dirigeantes du crime organisé, nous pourrons, dans quelques années, faire le bilan. Je suis convaincu que nous gagnerons cette lutte contre le crime organisé et qu'une fois que cette lutte sera gagnée, ce sera beaucoup plus facile pour l'ensemble de nos concitoyens de se réconcilier avec les institutions démocratiques et d'avoir confiance en notre processus décisionnel et donc, en notre processus parlementaire.

[Traduction]

M. Gurmant Grewal (Surrey-Centre, Alliance canadienne): Monsieur le Président, je prends la parole au nom des habitants de la circonscription de Surrey-Centre dans le cadre du débat de ce soir. Nous discutons actuellement du problème du crime organisé et de ce que les Canadiens veulent voir le gouvernement fédéral faire pour lutter contre celui-ci.

Pour la gouverne des Canadiens qui suivent ce débat, je dois dire que je suis honoré de représenter l'Alliance canadienne à titre de nouveau membre du sous-comité qui est chargé d'étudier le crime organisé et qui tient actuellement des audiences à huis clos.

 

. 2415 + -

Les membres du comité sont soumis à une consigne du silence, la majorité libérale au sein du comité ayant insisté pour que cette consigne soit appliquée. Je vais donc prendre garde de ne pas violer cette consigne dans mes remarques de ce soir. Je ne pourrai pas dire certaines choses que je pourrais être tenté de mentionner autrement. Je vais aussi faire bien attention de ne pas blâmer quelque groupe ou organisation que ce soit. Je ferai preuve de diligence afin de ne pas révéler la teneur des travaux, de ne pas enfreindre la consigne du silence ni compromettre la sécurité des témoins qui comparaissent devant le sous-comité.

Je peux déclarer que ce comité n'est que de la poudre aux yeux. Les électeurs de ma circonscription, la plupart des Canadiens et moi-même sommes habitués à ce genre d'inaction de la part du faible gouvernement libéral. Après avoir été sept ans au pouvoir, le gouvernement a finalement créé un comité chargé d'enquêter sur le crime organisé. Où se trouvait le gouvernement au cours des sept dernières années? Ne connaissait-il pas la gravité du problème de la criminalité organisée? Il n'a fait appel au comité que parce que des élections doivent avoir lieu sous peu et que les libéraux veulent pouvoir dire qu'ils ont fait quelque chose pour lutter contre le crime organisé. Quelle honte. D'ici ce que le comité soumette son rapport, il sera trop tard pour que le gouvernement prenne quelque mesure que ce soit parce que les libéraux ne seront pas au pouvoir après les prochaines élections.

Ce soir, nos frères et nos soeurs du Québec demandent au gouvernement de prendre des mesures concrètes d'ici le 6 octobre prochain. Comme nous le savons tous, un journaliste a été victime d'une sauvage attentat attribué au crime organisé la semaine dernière au Québec. Il s'agit du reporter bien connu Michel Auger.

Je suis désolé de devoir dire que l'actuel gouvernement libéral qui manque de souffle, de force et de vision mais pas d'arrogance, ne répondra pas à l'appel du Québec qui exige qu'on prenne sans délai des mesures pour contrer le crime organisé. Les gens de Surrey-Centre appuient les Québécois de tout coeur. Nous avons beaucoup de sympathie pour eux.

J'espère que le comité fera un bon travail. J'aimerais qu'il puisse travailler rapidement, nous permettant ainsi de nous attaquer sans délai au crime organisé et à ses répercussions pour notre société. Au Canada, le crime organisé prend de nombreuses formes et il est très prospère grâce à la mauvaise gestion effectuée par le gouvernement qui manque de vision et n'est pas prêt à agir.

La mafia internationale de la drogue se sert du Canada comme plaque tournante pour la distribution de ses produits illicites et mortels. Bon nombres de questions transcendant les frontières pavent la voie aux organisations criminelles organisées au pays, y compris notre proximité des États-Unis et nos lois peu rigoureuses.

Il n'existe pas de définition claire et précise du crime organisé. On peut dire qu'il regroupe le blanchiment d'argent, le commerce des drogues, la contrebande d'armes et de produits de base, la fausse monnaie et la contrefaçon de cartes de crédit, de passeports et de documents d'identification, le télémarketing, les prêts usuraires, la fraude à l'assurance, le vol, la contrebande d'êtres humains, la prostitution, l'extorsion, le braquage au foyer et le recel. Ce sont tous des domaines qui occupent les organisations criminelles.

La corruption au sein de nos industries et la corruption politique en particulier sont le résultat du crime hautement organisé et ont pour but la corruption de nos politiciens et des capitaines de nos industries.

La violence est un sous-produit du crime organisé. C'est une arme à laquelle ont recours les criminels pour obtenir ce qu'ils veulent.

Le coût pour la société est considérable. Selon un rapport du SCRC publié en décembre 1998, on estime que le crime organisé international a coûté 14,8 milliards de dollars à l'économie canadienne. L'économie souterraine est importante et est une menace pour notre société et pour la civilisation.

À mon avis, il s'agit presque d'une urgence nationale. Il est déjà tard pour agir, le gouvernement aurait dû prendre des mesures rigoureuses il y a des années. Cependant, pendant des années les gouvernements se sont endormis au volant. Les divers gouvernements libéraux et conservateurs qui se sont succédé n'ont pas réalisé, pas même reconnu le problème du crime organisé, encore moins pris les mesures nécessaires pour le combattre.

 

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Au lieu de cela, les politiciens nient ou réduisent l'importance du crime organisé, ils refusent d'en parler publiquement par crainte de se mettre à dos une communauté ethnique, ou de ternir l'image d'un Canada, d'une province ou d'une ville où le crime n'existe pas, et permettent au crime organisé de faire ce qui lui plaît.

En dépit des preuves, les rares commissions canadiennes chargées d'enquêter sur le crime organisé dans les années 60 et 70 ont toutes conclu que le crime organisé n'existait pas au Canada. Ce n'est que lors de la parution du rapport de 1977 de la commission d'enquête sur le crime organisé que cette notion a enfin été documentée.

Une émission de télévision diffusée par la SRC en juin 1977 présentait aux Canadiens six heures de reportage sur la mafia et les triades au Canada, ce qui a enfin permis d'étaler la question sur la place publique. Depuis, aucun gouvernement libéral ou conservateur n'a pris de mesures concrètes pour atténuer le problème.

Notre actuel premier ministre estime qu'il ne faut pas s'en faire. Il semble que le crime organisé sera un enjeu électoral aux prochaines élections. Le gouvernement est indulgent à l'égard de la criminalité dans nos missions à l'étranger et fait preuve de faiblesse dans la surveillance et la gestion de tous les ministères. Nous lisons souvent des articles portant sur ce sujet dans les journaux ces temps-ci.

Par exemple, en Colombie-Britannique, mes électeurs sont toujours friands des excellents nouveaux articles rédigés par Fabian Dawson, du Vancouver Province. Il a enregistré religieusement les éléments de preuve et les détails concernant des incidents d'abus qui totalisent des millions de dollars dans plus d'une douzaine de missions canadiennes à l'étranger.

Le Canada s'est fait subtiliser quelque 2 000 formulaires vierges de visa à son bureau de Hong Kong. En ne sévissant pas contre la corruption dans nos missions à l'étranger, le gouvernement offre aux criminels les moyens d'entrer au Canada et accueille à bras ouverts les migrants illégaux.

Autre exemple, 788 dossiers contenant des renseignements confidentiels sur des gens d'affaires et des criminels ont été supprimés du système de traitement informatisé des dossiers d'immigration, pour que des indésirables et des personnes qui seraient jugées inadmissibles puissent entrer au Canada. Les dossiers sont modifiés tout simplement pour ramener le criminel au Canada. Ces renseignements proviennent de Brian McAdam, un ancien enquêteur et un expert de renommée internationale sur les triades. McAdam sait également tout à propos de l'enquête dite de Sidewinder qui a été interrompue à cause de pressions politiques. Quel panier de crabes c'est là.

Depuis mon élection, je travaille avec la GRC pour donner suite aux informations provenant de mes électeurs au sujet du harcèlement dont ils sont victimes de la part de fonctionnaires corrompus dans des bureaux canadiens à l'étranger. Par exemple, mon rapport de 1998 à la GRC sur des fraudes de visa a entraîné le congédiement de membres du personnel local dans les missions canadiennes à New Delhi, en Inde, et à Islamabad, au Pakistan. Le gouvernement ne s'occupe pas des allégations de pots-de-vin, des vols d'argent, des intérêts compromis de fonctionnaires et de la corruption du personnel engagé sur place, dans un grand nombre de nos missions à l'étranger.

Les criminels ont maintenant des années-lumière d'avance sur nos services policiers. Ils ont du matériel ultramoderne, parce qu'ils ont toutes les ressources voulues. Ils ont à leur disposition de l'argent en quantité illimitée. Ils continuent de profiter de notre inertie. C'est bien typique du piètre bilan du gouvernement, qui ne s'efforce pas de prévenir la corruption, et qui ne tente pas d'aller au fond des choses une fois que la corruption est décelée.

 

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Le gouvernement accorde aux terroristes et aux membres du crime organisé leur droit d'être exemptés d'impôt au Canada. Une cinquantaine d'organisations terroristes jouissent de ce privilège, d'après le SCRS. Par l'entremise du gouvernement fédéral, les contribuables aident donc les terroristes et le crime organisé à envoyer de l'argent qui sert à financer l'achat d'armes pour se livrer au terrorisme à l'étranger. Même les ministres fédéraux les aident à recueillir des fonds en assistant à des activités de financement. Tout cela est du domaine public.

Le printemps dernier, avant l'ajournement estival, j'ai discuté avec un groupe de Tamouls qui sont venus sur la colline du Parlement. Il y avait beaucoup de monde. C'était un grand rassemblement, un rallye. J'ai transmis au premier ministre la pétition qu'ils avaient apportée avec eux, demandant au gouvernement de donner suite à son acceptation récente de soutenir la déclaration de l'ONU sur la lutte contre le terrorisme.

À peu près à la même époque, Postes Canada faisait des pieds et des mains pour essayer d'empêcher la publication d'un timbre dit personnalisé, à l'effigie d'un membre des Tigres tamouls. Postes Canada avait déjà émis un timbre à l'effigie d'un partisan des Tigres tamouls même si cette personne était décédée avant l'émission du timbre, ce qui est contraire aux lignes directrices sur les timbres spéciaux. À cause de la mauvaise gestion du gouvernement fédéral, nos ministères ne travaillaient pas main dans la main. Les Affaires étrangères auraient pu communiquer à Postes Canada les photos des personnes proposées pour des timbres spéciaux ou les détails les concernant.

Les pires criminels considèrent déjà le Canada comme un refuge à cause du régime de justice pénal indulgent géré par les libéraux. Comment se fait-il que le seul moyen dont disposent les libéraux pour détecter les activités criminelles dans nos missions étrangères et DRHC, par exemple, soit les vérifications de routine? Les libéraux refusent de mettre en oeuvre un système d'auto-détection et d'auto-correction dans les bureaux canadiens à l'étranger. En fait, ils tentent de camoufler les vérifications internes qui découvrent de graves abus en matière d'information. Ils tentent de camoufler et de discréditer l'information relative à la mauvaise gestion. Les libéraux ne devraient pas s'en remettre aux médias ou aux députés ni aux dénonciateurs pour protéger les intérêts canadiens et la perte de deniers publics aux mains de criminels exerçant leur activité dans des pays étrangers.

Enfin, ils cherchent à punir les dénonciateurs qui donnent des informations afin de lutter contre le système, d'économiser des deniers publics, de protéger notre souveraineté et notre intégrité territoriale. Je suis prêt à déposer très prochainement à la Chambre un projet de loi d'initiative parlementaire intitulé Loi visant à protéger les dénonciateurs. Le dépôt du projet de loi a été retardé en raison de problèmes de traduction.

Au nom de mes électeurs et des Canadiens, je recommande qu'afin de combattre les effets du crime organisé, le gouvernement fédéral devrait adopter une démarche intégrée par rapport aux ministères et organismes comme le ministère de la Justice, divers organismes d'exécution de la loi, les ministères de la Citoyenneté et de l'Immigration, des Affaires étrangères et du Commerce international, de la Défense, du Revenu et des Douanes, des Finances, des Transports, des Télécommunications, voire de l'Agriculture, des Pêches et des Océans parce qu'ils ont des bateaux pour patrouiller, la GRC, le SCRS, le bureau des passeports, notamment. C'est le gros bon sens.

Nous devrions aussi adopter une démarche intégrée aux différents niveaux de gouvernement, soit le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux et les municipalités. Il devrait également y avoir une coopération entre les politiques, le pouvoir judiciaire et la fonction publique. Ils devraient s'entraider pour lutter contre le crime organisé. Le crime organisé est un cancer dont le contrôle devrait être traité comme un processus.

 

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Nous devrions donner une loi efficace à nos autorités de police. Nous devrions réduire le fardeau de la paperasserie qui fait qu'elles ont les mains liées.

Il nous faut de meilleurs règlements sur l'écoute électronique pour aider les autorités. Nous devons modifier les loi sur les produits de la criminalité. Nous devons modifier la Loi sur l'immigration. Il faut revoir les peines prévues pour les membre du crime organisé et les narcotrafiquants. Nous devrions adopter des lois qui ont des dents et faire en sorte qu'il n'y ait plus de portes tournantes.

Les restrictions du droit d'action, par exemple, ne devraient pas servir aux fins d'interrogatoires à l'aveuglette par des avocats représentant des criminels. Les lois ayant trait à la divulgation devraient être modifiées.

Nous devrions collaborer étroitement avec nos alliés à l'étranger, nos amis et les autres pays qui veulent lutter contre le crime organisé. Il devrait y avoir un niveau élevé de collaboration et de partage de renseignements et de ressources.

Le crime organisé est un problème généralisé et ne peut se comparé à un fruit gâté. Nous devons être sévères et intelligents. Le gouvernement libéral paresseux devrait soit faire preuve de leadership ou simplement se retirer.

Finalement aujourd'hui, je vois à l'oeuvre notre nouvelle et prometteuse équipe de pages. Je voudrais leur souhaiter la bienvenue à la Chambre des communes et leur offrir à tous nos meilleurs voeux. Aujourd'hui, j'étais le premier et le dernier député à prendre la parole. La question à l'étude est très grave. Je suis d'avis que tous les députés sont intervenus sur cette question et nous devrions livrer une lutte efficace au crime organisé au Canada.

M. Lynn Myers (secrétaire parlementaire du solliciteur général du Canada, Lib.): Monsieur le Président, je n'ai qu'une question à poser au député d'en face. Où est-il quand le gouvernement a adopté une loi visant à accroître le financement du Centre d'information de la police canadienne? Où était-il quand nous avons accru le financement de la GRC? Où était-il quand nous avons raffermi les services d'immigration? Où était-il quand nous avons fait en sorte que le SCRS et la GRC rendent des comptes au ministère de l'Immigration en ce qui a trait aux groupes criminalisés qui entrent au Canada? Où était-il quand nous avons négocié des accords bilatéraux ou multilatéraux au sujet d'autres ambassades étrangères et au sujet de la coopération et du partage de renseignements? Où était-il quand le gouvernement s'est attaqué à maintes reprises au crime organisé?

Avons-nous fait assez? J'ai déjà dit que non, que nous devions continuer la lutte et que nous devions travailler de concert avec les provinces et les territoires pour trouver des solutions qui soient profitables à tous les Canadiens.

J'aimerais également savoir où était le député chaque fois que le gouvernement a agi et il continue d'agir. C'est trop facile que de se contenter de rejeter le blâme sur autrui, de se cantonner dans le négativisme et de nous accuser d'être trop tolérants à l'égard des criminels.

En tant qu'ancien président de la police régionale de Waterloo et pour avoir dirigé 700 policiers, je puis dire à la Chambre que le gouvernement n'est pas tolérant envers les criminels. Nous continuons de travailler ferme lorsqu'il est question de criminalité, de justice et d'application régulière de la loi, lorsqu'il y va de la sécurité et de la protection au sein de nos collectivités. Après tout, cela fait partie intégrante de notre tissu national.

Avec tout le respect que je lui dois, je demanderais au député de lire ce que le gouvernement a fait, de revoir les lois et règlements, de se pencher sur les efforts que nous avons accomplis ces derniers temps, plus particulièrement depuis les sept années que nous sommes au pouvoir. Peut-être aura-t-il une meilleure idée de la direction que nous suivons en tant que pays.

 

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L'Alliance a beau jeu de soulever des questions qui opposent les Canadiens les uns aux autres, qui opposent les régions et les groupes les uns aux autres. Telle est sa raison d'être.

Je rejette cette attitude, tout comme la plupart des Canadiens, parce que notre pays n'est pas ainsi fait. Notre Canada est de loin supérieur à celui que dépeignent les alliancistes d'en face.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, je tiens à répondre au député. Il a voulu savoir où j'étais passé. À mon tour de lui demander ce qu'il faisait quand le crime organisé a envahi nos rues. Que faisait-il quand le moral des services de police et des organismes chargés de l'application de la loi a chuté? Où était-il passé quand un grand trafiquant de stupéfiants a été déporté en 1995? Cet homme a changé de nom, est revenu au Canada en 1997 et y poursuit toujours son activité.

Que faisait-il de notre système qui tient de la porte tournante et grâce auquel des individus recelaient de la drogue dans les rues de l'est de Vancouver? J'ai accompagné un soir les agents de la GRC dans leur ronde. Ils m'ont montré toutes les ruelles sordides où se tenaient les trafiquants et les drogués. Notre système tient de la porte tournante. Les agents de la GRC m'ont appris que dès que les réfugiés honduriens dans la rue aperçoivent la voiture de la police, ils s'arrêtent et lèvent les mains en l'air, car ils connaissent la procédure. Ils tirent la langue car ils savent qu'on l'examinera. Personne ne parle, mais l'activité se poursuit car les gens y sont habitués.

J'invite le député à parcourir les rues de l'est de Vancouver où les gens meurent d'une surdose de drogues. Les trafiquants font partie du système sans pour autant être des réfugiés légitimes. Les policiers ont indiqué que lorsqu'ils fouillaient les receleurs de drogue, ils trouvaient toujours de l'argent liquide en devises diverses. Ils les ont fouillés, et c'est bien ce qui est arrivé.

Les policiers ont même dit qu'ils trouvaient immanquablement dans la poche de ces personnes la carte d'affaire d'un avocat. J'ai vu une quinzaine de ces personnes et, à tous les coins de rue, la carte d'affaire du même avocat.

J'invite le député à se rendre dans l'est de Vancouver pour le vérifier, au lieu de se contenter d'attaques partisanes. Je l'invite à examiner le problème et de renoncer à son esprit partisan.

Chaque fois que les partis d'opposition soulèvent une question, les ministériels ne s'en soucient pas au départ. Nous parlons donc plus fort, et là, ils rejettent le prémisse, comme le fait le député. Quand nous parlons encore plus fort, ils volent nos idées. Ils devraient avoir une vision. Ils auraient dû prendre des mesures contre le crime organisé il y a de nombreuses années. Les gouvernements libéraux et conservateurs ont à maintes reprises nié que le crime organisé existait au Canada.

S'ils avaient pris des mesures à l'époque et avaient eu une vision, nous ne serions pas confrontés au problème actuel. L'intervention du gouvernement est en retard de plusieurs années. Elle aurait dû avoir lieu il y a probablement 10, 15 ou 20 ans.

Il n'est jamais trop tard, mais le gouvernement doit d'abord reconnaître qu'il existe un problème. Au cours du débat, les libéraux ont sans cesse nié l'existence d'un problème causé par le crime organisé à l'heure actuelle au Canada.

Il existe un proverbe qui explique la philosophie de l'apprentissage. Je l'ai cité à la Chambre tout à l'heure mais je vais le répéter: celui qui ne sait pas et ne sait pas qu'il ne sait pas ne peut jamais apprendre. Une personne n'apprendra jamais tant qu'elle ne reconnaîtra pas qu'elle ne sait pas.

 

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C'est la mentalité des libéraux. Tous les députés ont souvent fait des analogies, donné des exemples et cité de nombreux spécialistes au sujet du crime organisé. Je peux moi-même citer quelqu'un. Dernièrement, le nouveau chef de la GRC, le commissaire Zaccardelli, a dit que les membres du crime organisé tentent de corrompre et de menacer le Parlement et d'autres institutions canadiennes.

Le crime est partout. Comme je l'ai dit au début de mon intervention, je suis membre du sous-comité. J'ai entendu ce que d'autres députés n'ont pas entendu. Le député est probablement un membre de ce comité, mais il n'était pas là. Où était-il quand le comité a tenu des audiences?

M. Lynn Myers: J'invoque le Règlement, monsieur le Président. Je tiens à informer officiellement le député d'en face que lorsque je siégeais au sous-comité du crime organisé, je suis allé en Ukraine et en Russie examiner des activités du crime organisé.

Le président suppléant (M. McClelland): Nous n'avions pas vraiment besoin de ce renseignement non plus. Cela ne relève pas du recours au Règlement.

M. Gurmant Grewal: Monsieur le Président, j'ai posé la question au député parce qu'il m'a demandé où j'étais. Il importe que nous examinions cette question dans son ensemble et que nous essayions d'aider les Canadiens d'aujourd'hui et de demain.

Il s'agit d'un effort concerté, d'un travail d'équipe. Nous devrions tous y collaborer. La question est très grave. Le temps n'est pas à la politicaillerie ni aux jeux politiques.

Le président suppléant (M. McClelland): Comme aucun autre député ne veut participer au débat, je déclare la motion adoptée.

(La motion est adoptée.)

Le président suppléant (M. McClelland): En conséquence, la Chambre s'ajourne jusqu'à 10 heures demain, conformément au paragraphe 24(1) du Règlement.

(La séance est levée à 0 h 43.)