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CIMM Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CITIZENSHIP AND IMMIGRATION

COMITÉ PERMANENT DE LA CITOYENNETÉ ET DE L'IMMIGRATION

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 6 novembre 2001

• 0905

[Traduction]

Le président (M. Joe Fontana (London-Centre-Nord, Lib.)): Bonjour, chers collègues. Je vous souhaite un bon retour après nos voyages aux quatre coins du pays. J'espère que le groupe de l'Est a trouvé son voyage aussi intéressant que le groupe de l'Ouest.

M. Steve Mahoney (Mississauga-Ouest, Lib.): Le nôtre était meilleur.

Le président: Je sais. Vous m'avez appelé l'autre jour pour me dire que vous vous amusiez énormément. Nous aussi.

Je tiens à remercier tous les membres du comité. Nous pouvons tous dire, je pense, que ce voyage a été très instructif et très constructif et nous aurons certainement l'occasion d'échanger bientôt nos impressions.

À propos de voyage, Janina, Cres et Serge, soyez les bienvenus ce matin et permettez-moi de vous dire à quel point vos collègues que nous avons rencontrés à nos frontières nous ont impressionnés. Nous avons tous été impressionnés par leur dévouement et leur travail et la collaboration très étroite entre les Douanes et l'Immigration. Ce qui était encore plus impressionnant, bien entendu, c'étaient leurs excellentes relations de travail avec les autres ministères et organismes du Canada et des États-Unis.

Je leur ai dit que notre comité appréciait le travail difficile qu'ils devaient faire en cette période très stressante. Je sais que le renforcement de la sécurité a causé beaucoup de stress à vos collègues, mais nous apprécions ce qu'ils font au nom de la population canadienne ainsi que leur dévouement. Il nous ont fourni beaucoup de renseignements et nous avons eu d'excellentes discussions. Ils se sont montrés très francs avec nous et c'est ce que nous voulions. Je veux seulement vous dire que nous avons bien entendu leur message. Ce sont des choses dont nous allons certainement tenir compte et voilà pourquoi nous avons hâte d'entendre votre témoignage ce matin.

Je vous souhaite donc la bienvenue au nom du comité. Qui va commencer? Serge ou Cres? Peu importe.

M. Serge Charette (président national, Union douanes et accise): Monsieur le président et membres du comité, je vous remercie infiniment d'entendre notre témoignage à un moment où vous devez être très occupés. Nous l'apprécions beaucoup et nous espérons que notre participation vous sera utile.

Monsieur le président, 110 millions de voyageurs, dont bon nombre sont des immigrants et des réfugiés, entrent au Canada chaque année. Ils doivent tous et toutes passer au volet voyageurs des Douanes. Nombreux sont ceux et celles qui tentent d'entrer illégalement au pays. Quelques-uns réussissent pour des raisons que j'expliquerai.

M. Paul Forseth (New Westminster—Coquitlam—Burnaby, Alliance canadienne): Nous sommes très contents de vous recevoir ici, mais je vois que votre texte est assez long. J'espère que vous n'allez pas le lire en entier. Peut-être pourriez-vous simplement en souligner les principaux points. Nous apprécions beaucoup votre venue et j'ai hâte d'entendre ce que vous avez à nous dire, mais j'aimerais simplement que vous ne lisiez pas ce long texte en totalité.

Le président: Merci, Paul.

Serge, je commence généralement par préciser à nos témoins que leur texte sera intégré en totalité dans nos procès-verbaux. Nous aimerions que vous nous fassiez un exposé de 10 minutes afin que nous ayons amplement le temps de vous poser des questions. Nous trouvons que c'est une façon beaucoup plus constructive de procéder.

Peut-être pourriez-vous mettre en lumière certains éléments de votre exposé. Certains d'entre nous l'ont reçu à l'avance et ont eu déjà l'occasion de le lire. Nous apprécions vivement votre présence ici, mais au lieu de lire votre texte mot pour mot, peut-être pourriez-vous le résumer afin que nous puissions poser beaucoup plus de questions.

M. Serge Charette: Merci, monsieur le président, je peux certainement le faire.

Ce que je crois important c'est que nous avons un certain nombre d'inspecteurs des douanes qui sont... Je dois d'abord vous expliquer une chose. Les inspecteurs des douanes sont les agents qui procèdent à l'interrogatoire préliminaire pour l'Immigration. Il ne faut pas oublier que les inspecteurs des douanes font le travail préliminaire non seulement pour l'application des lois administrées par Revenu Canada concernant les douanes, l'accise, etc., mais également pour 70 mesures législatives différentes dont la responsabilité incombe à plusieurs organismes et ministères. C'est une réalité dont la direction de l'Agence des douanes et du revenu et celle du ministère de l'Immigration devraient tenir compte davantage qu'elles ne l'ont fait jusqu'ici.

• 0910

Le problème que nous voyons—et le vérificateur général l'a signalé également—c'est que notre effectif correspond de façon tellement précise au volume de travail à accomplir qu'il suffit que quelques-uns de nos inspecteurs soient envoyés en formation pour que des difficultés s'ensuivent. Le fait est que nous avons besoin de plus de personnel et qu'ils doivent recevoir la formation voulue.

Le vérificateur général a fait remarquer que 60 p. 100 de nos inspecteurs des douanes à plein temps n'ont pas reçu de formation sur les questions d'immigration. C'est tout à fait inacceptable. Le ministère de l'Immigration doit assurer une formation. Nous faisons ce travail en son nom, mais il ne devrait pas supposer que le travail est fait entièrement et comme il faut. L'Immigration devrait superviser ce travail comme le vérificateur général l'a très bien souligné et c'est vrai non seulement pour l'Immigration, mais pour tous les organismes que nous représentons à la frontière.

Une autre difficulté vient du fait que l'été en particulier des milliers d'étudiants—plus précisément 1 200—sont postés à la frontière et représentent souvent plus de 50 p. 100 des effectifs. Nous avons beaucoup de mal à l'accepter, car ces étudiants ne reçoivent que deux semaines de formation. Au cours de ces deux semaines de formation, ils doivent se familiariser avec 70 lois différentes. Tout le monde conviendra certainement que c'est tout à fait inacceptable, en tout cas c'est totalement inacceptable à nos yeux. Cela dévalorise le travail accompli par les inspecteurs des douanes, à tel point que nous croyons que la direction de l'Agence des douanes et du revenu ne nous prend pas au sérieux.

Nous trouvons inquiétant que la direction du ministère de l'Immigration n'ait jamais examiné la question, même s'il y a eu plusieurs études. L'étude EKOS en particulier, qui a été effectuée au début des années 90, avait constaté que sur une période de quatre semaines, nos agents avaient raté 50 000 renvois sans qu'aucun correctif ne soit apporté. Aucune formation n'a été donnée. C'est totalement inacceptable.

Voilà donc les questions que les membres du comité devraient absolument examiner. Il faudrait absolument améliorer les relations avec l'Immigration et obtenir une plus grande supervision de ce ministère afin que les agents des douanes qui le représentent à la frontière fassent leur travail comme il faut. Cette supervision n'est pas faite, mais elle devrait être faite.

Je voudrais conclure en disant qu'à notre avis une proposition qui remonte au milieu des années 90 présentait un grand intérêt. Nous voudrions qu'on songe à réactiver cette proposition qui consistait à regrouper au sein d'un même ministère, un même organisme, tous les agents d'application et c'est ce dont je parle dans mon dernier paragraphe. Ce serait une excellente chose, car il faut pouvoir centrer son action sur l'application de la loi pour pouvoir déterminer la bonne façon de faire ce travail. Jusqu'ici, la priorité est donnée à la facilitation.

Comprenez-moi bien. La facilitation est nécessaire. Nous ne pouvons pas compromettre le mouvement des marchandises d'un côté à l'autre de la frontière. Les Américains sont prêts à le faire. Ils ont triplé le nombre d'inspecteurs des douanes affectés à la frontière canadienne. À moins de réagir nous-mêmes, ils vont intercepter ou arrêter des gens avant qu'ils n'entrent au Canada. Ils vont leur poser un tas de questions que nous devrons certainement répéter de notre côté parce que d'abord, nous ne saurons pas ce qu'ils auront demandé et ils mettront l'accent sur des choses moins importantes pour nous. Ce que nous recherchons, ce sont les armes à feu, qui sont légales aux États-Unis; la pornographie, qui n'est pas définie au Canada comme aux États-Unis, et plusieurs autres problèmes sur lesquels nous devons centrer notre attention.

• 0915

Merci, monsieur le président.

Le président: Merci beaucoup, Serge.

Cres Pascucci.

M. Cres Pascucci (président national, Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada): Merci, monsieur le président et membres du comité. Je vais faire quelques brèves observations, Mme Lebon ajoutera quelques mots, et nous seront prêts à répondre à vos questions. Bien entendu, nous tenons à remercier le comité de nous avoir invités et de prendre la peine d'écouter nos préoccupations.

À titre d'introduction, je dirai tout simplement qu'il est malheureux qu'il ait fallu une crise de la sécurité causée par une attaque terroriste pour faire un examen sur la question de la sécurité dans les aéroports et aux postes frontières. Nous devrions toujours reconnaître qu'il est nécessaire de trouver un juste équilibre entre une sécurité accrue et les droits et libertés des individus dans la société. L'Immigration joue un double rôle, soit appliquer les règlements et les politiques, mais aussi faciliter l'intégration des nouveaux membres dans notre société afin de l'enrichir. Je pense que cela est très important.

Cela étant dit, d'autres aspects devraient être pris en compte également en ce qui a trait à toute la question de la sécurité. Il y a d'abord la question de la souveraineté par rapport aux décisions que prennent les nations lorsqu'elles élaborent leurs politiques et qu'elles déterminent le rôle que devrait jouer l'immigration sans risquer de perdre leur souveraineté à cet égard. Si l'on veut respecter ces concepts de sécurité, de souveraineté et de facilitation, il est nécessaire d'engager des ressources financières non seulement en raison de la situation actuelle, mais de façon permanente.

Dans notre mémoire, nous soulignons les lacunes du projet de loi C-11. Il s'agit d'un projet de loi si général que sur le plan de l'application, nous ne savons pas vraiment de quelle façon il sera appliqué tant que le Règlement n'aura pas été rédigé. Le projet de loi accorde beaucoup de pouvoirs, mais ne prévoit pas nécessairement de moyens pour contrer le mal.

Parmi les autres lacunes du projet de loi, il y a l'annonce de la ministre concernant la sécurité et l'affectation de fonds et l'offre «généreuse» d'une centaine de personnes de plus. Franchement, je peux vous dire que cela n'est rien du tout. Aussi bien ne nous donner personne de plus pour nous aider à faire le travail et à faire tout ce que les Canadiens, le gouvernement du Canada et vous, en tant que députés, voulez que le service d'immigration fasse.

On doit faire bien davantage sur le plan de la formation et de l'accréditation, si on ne veut pas avoir un type de formation comme celui qu'on offre aux employés de McDonald. En d'autres termes, nous devons avoir des programmes de formation complets pour les agents de la paix, pour la reconnaissance au cours des entrevues. Je veux parler d'une formation très intensive qu'on n'essaie pas de bâcler parce que cette année-là les fonds ne sont pas suffisants.

Je voudrais revenir à ce que Serge Charette a dit. L'une de nos préoccupations—surtout en été, mais tout au cours de l'année également—concerne l'embauche d'étudiants pour faire du travail d'immigration. Ce ne sont pas seulement des étudiants, mais des employés occasionnels, des gens qui n'ont pas le choix de se joindre ou non à un syndicat. Nous allons chercher des gens qui ont pris leur retraite pour combler les besoins, tandis que nous devrions encourager davantage de gens à être mieux formés afin qu'ils puissent faire le travail.

Les autres aspects qui ont été mentionnés sont la technologie, être en mesure d'utiliser la technologie, et s'assurer qu'elle fonctionne avant qu'elle soit mise en oeuvre. Il n'est pas utile d'émettre des cartes de résident ou des cartes temporaires à moins de pouvoir établir l'identité de la personne. Peut-être que la dactyloscopie pourrait être très utile à cet égard.

Une autre préoccupation que nous avons est la santé et la sécurité de nos membres. Nous savons qu'aucune nouvelle mesure législative n'a été adoptée afin de protéger davantage nos membres qui refusent de faire un travail dangereux. Nous ne voulons pas aborder la question en détail, mais c'est un droit que nos membres ont, et nous encourageons nos membres à se prévaloir de ce droit s'ils craignent pour leur santé et dans les cas où il pourrait se produire des incidents violents.

• 0920

Je crois avoir passé en revue la plupart des points que nous soulevons dans notre mémoire. Dans ce dernier, nous avons indiqué où nos membres travaillent pour vous donner une idée, car parfois les gens confondent ce que font les employés des Douanes et ce que font les employés de l'Immigration. Je connais l'un de ces domaines. Pour ce qui est des cas déférés, nous estimons que l'Immigration devrait davantage participer au premier interrogatoire au point d'entrée. C'est quelque chose que nous pouvons régler, et je crois que les ministères peuvent bien s'entendre maintenant qu'ils sont certes deux ministères distincts.

Merci. Voilà qui conclut mes observations liminaires.

Madame Lebon, avez-vous quelque chose à ajouter?

Mme Janina Lebon (vice-présidente nationale, Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada): Je remercie le président et le comité. Je serai très brève. Je voudrais parler du délai de 72 heures et du processus de sélection prévu dans le projet de loi C-11.

Le processus habituel de sélection et de vérification des antécédents pour une personne qui arrive au Canada et qui demande le statut de réfugié peut prendre entre six mois et un an. En 72 heures, tout ce que nous pourrons faire, c'est interviewer le demandeur du statut de réfugié. Il a été prouvé qu'il faut énormément de temps pour traiter un dossier de revendication du statut de réfugié étant donné le nombre de demandes par rapport à la tâche de travail totale.

Le demandeur du statut de réfugié aura donc l'occasion de présenter ses arguments. Que peut-on faire cependant en ce qui concerne l'autorisation de sécurité? Je n'en suis pas certaine. Un examen médical ne peut certainement pas être fait en 72 heures. Il y a plusieurs années, à Fort Erie-Chutes Niagara, nous avons eu des problèmes majeurs avec la tuberculose résistant à de nombreux médicaments. Des gens arrivaient au Canada et c'est une maladie infectieuse.

Il faudra certainement plus de 72 heures pour obtenir une autorisation de sécurité du SCRS, tout comme pour que la GRC fasse la vérification des antécédents criminels. Oui, nous aurons une nouvelle technologie pour vérifier les empreintes digitales, mais il ne s'agira toujours pas d'une vérification complète des antécédents. Une fois que ces gens seront au Canada—parce qu'ils sont autorisés à entrer si le processus n'est pas complet; nous ne les détenons pas sauf pour certains motifs—ils resteront au Canada.

La dernière chose que je voudrais dire concerne l'évaluation du risque avant le renvoi, ce qui est prévu dans la nouvelle loi. Quiconque est visé par une ordonnance de renvoi doit faire l'objet d'une évaluation du risque avant le renvoi. Il y a déjà 27 000 dossiers dans l'arriéré, selon les journaux. Il y a plus de 10 000 revendications refusées. Il y a donc 37 000 dossiers qui doivent être examinés avant de pouvoir renvoyer qui que ce soit—et certaines de ces personnes représentent un risque pour la sécurité. Encore une fois, le poste n'a pas été identifié, nous n'avons pas embauché qui que ce soit pour occuper ce poste, nous n'avons pas de gens qui ont la formation voulue.

Je crois comprendre que le ministère a fait une étude et que les renvois se feront au compte-gouttes. Si nous en faisons 4 000 par an à l'heure actuelle, nous en ferons peut-être 100 l'an prochain, avec un peu de chance. Cela veut dire que nous avons au Canada des gens dont nous ne connaissons pas l'identité car elles n'ont pas les papiers nécessaires.

Je vous remercie. Voilà qui conclut mes observations; nous pourrons vous donner plus de détails.

Le président: Merci, Serge, Cres et Janina, de vos excellents exposés. J'aimerais vous dire que je pense qu'une bonne partie de ce dont vous nous avez fait part a déjà en fait été déjà porté à notre attention par vos membres lorsque nous les avons rencontrés au cours de la semaine.

Permettez-moi de souligner que notre comité a toujours voulu examiner le projet de loi C-11 en ce qui a trait aux ressources et au règlement. Tout le travail que notre comité a fait dans le cadre du projet de loi C-31 et du projet de loi C-11 visait justement à examiner ce règlement, car nous savons que ce sont toujours les détails qui sont importants. Nous devions examiner la dotation, les ressources et la technologie que le projet de loi C-11... De toute évidence, les attentats du 11 septembre ont changé cela en quelque sorte en raison des menaces pour la sécurité. C'est pourquoi nous allons également examiner le projet de loi C-11 dans le cadre de cette étude sur la sécurité aux points d'entrée que nous faisons, pour pouvoir appliquer une mesure législative qui, à notre avis, contiendra les outils qui vous aideront.

Nous vous avons entendus très clairement lorsque vous nous avez parlé de votre préoccupation évidente relativement aux 72 heures et à l'ERAR. Je pense que tout cela est mal compris. Naturellement, nous avons rencontré et nous rencontrerons la ministre et le ministère, et nous aborderons en fait ces questions beaucoup plus en détail. Nous avons cependant pris bonne note de vos observations.

Nous allons maintenant passer aux questions, et je donne la parole à Paul Forseth.

M. Paul Forseth: Merci beaucoup.

Tout d'abord, j'aimerais vous souhaiter la bienvenue et faire quelques observations à l'intention du Syndicat de l'emploi et de l'immigration du Canada.

À la première page, j'aimerais avoir un peu plus de détails et quelques chiffres rapidement avant de poser une question plus générale. Tout d'abord, vous dites que vos employés sont divisés en trois groupes, soit à la CISR, à CIC et à DRHC. Pouvez-vous me dire environ combien de vos membres travaillent à la CISR, combien à la CIC et à combien à DRHC? Combien avez-vous de membres qui travaillent dans chacun de ces groupes, environ?

• 0925

M. Cres Pascucci: Nous avons environ 12 000 membres qui travaillent à DRHC, environ 600 ou 700 à la CISR et un peu plus de 4 000 à Citoyenneté et Immigration Canada.

M. Paul Forseth: Vous dites qu'il y a trois centres d'appel. Où sont-ils situés?

M. Cres Pascucci: À Vancouver, Toronto et Montréal.

M. Paul Forseth: Où se trouvent les centres de traitement des demandes?

M. Cres Pascucci: Vegreville, Mississauga et Sydney.

M. Paul Forseth: Vous avez parlé de la ministre qui a annoncé une centaine d'agents. Au cours de nos visites, le directeur régional ou le gestionnaire régional—je ne sais plus exactement son titre—de la Colombie-Britannique et du Yukon a dit qu'il avait déterminé qu'il manquait environ 140 employés dans la région de la Colombie-Britannique et du Yukon, et que cela faisait partie de sa planification pour répondre à ces exigences réglementaires. Avez-vous une idée du nombre approximatif d'employés supplémentaires qu'il faudrait à l'échelle nationale?

M. Cres Pascucci: Au jugé, j'estime que toutes proportions gardées, pour l'Ontario ce serait trois ou quatre fois plus.

Mme Janina Lebon: J'ai appris hier qu'en Ontario il faudrait 415 employés de plus.

M. Paul Forseth: Seulement pour l'Ontario?

Mme Janina Lebon: Oui, juste pour l'Ontario.

M. Paul Forseth: Et pour le service extérieur? Je crois que nous avons entre 45 et 50 ambassades dans le monde. Avez-vous une idée du nombre d'employés de plus qu'il faudrait?

M. Cres Pascucci: Je ne les représente pas. Ils sont représentés par l'Association professionnelle des agents du service extérieur.

Mme Janina Lebon: Certains de nos employés des bureaux au Canada sont affectés au service extérieur. Dans notre région, il y a entre 50 et 60 personnes qui sont prêtées pour deux ou trois ans.

M. Paul Forseth: Font-ils essentiellement le même travail?

Mme Janina Lebon: Ils s'occupent du traitement des visas à l'étranger. Nous avons par ailleurs des agents d'interdiction et de contrôle dans presque tous les bureaux, qui s'occupent des passeports, de faire la liaison avec les gouvernements étrangers, d'empêcher le trafic et ce genre de chose.

M. Paul Forseth: Permettez-moi de changer de sujet quelques minutes avant de conclure. Vous avez parlé des préoccupations en matière de santé, mais vous ne nous avez pas vraiment décrit quelle était votre préoccupation. J'ai eu l'impression que c'est quelque chose que vous ne vouliez pas vraiment envisager. Vous pourriez peut-être nous expliquer davantage en quoi consiste votre préoccupation, et peut-être aussi nous faire des suggestions quant à la façon dont nous pourrions protéger vos membres et répondre à vos préoccupations à cet égard.

M. Cres Pascucci: Nous avons eu un problème en ce qui concerne la tuberculose il y a environ un an et demi. Le problème entre autres, c'est qu'il n'y a pas de dépistage préliminaire et qu'il y a une période d'incubation. Nous avons donc proposé, plus particulièrement pour les gens qui arrivaient aux points frontaliers, qu'il y ait un dépistage préliminaire. Habituellement, bon nombre d'entre eux utilisent également des maisons de transition pour ce qui est de la migration. Quoi qu'il en soit, étant donné les ressources et l'énorme dépense que cela entraînerait, le ministère a répondu tout d'abord qu'il devrait donner de l'information, car parfois on exagère le problème. Ils peuvent donc donner les faits, mais ils doivent aussi répondre aux préoccupations concernant la tuberculose en tentant de mettre sur pied une sorte de système avant et après le processus de contrôle.

Passé le point d'entrée, l'état de santé du demandeur relève d'un autre ministère ou d'un autre gouvernement. La personne atteinte de tuberculose ne relève plus de Citoyenneté et Immigration mais bien du ministère de la Santé de la province en question.

M. Paul Forseth: C'est donc dire que si un cas se confirme, ils ont l'obligation de dire à l'employé qu'il a été exposé il y a une semaine, deux semaines, ou n'importe quand.

M. Cres Pascucci: Oui. Comment peut-on confirmer qu'un de nos membres a contracté la tuberculose d'un demandeur si on ne le découvre que six ou douze mois plus tard? Il nous faut des dossiers précis sur ces cas—une sorte de surveillance médicale.

• 0930

M. Paul Forseth: Il vous faut suffisamment de documents pour savoir dans quelle file était la personne.

M. Cres Pascucci: Oui.

M. Paul Forseth: D'accord.

Vous avez aussi parlé d'autre chose, et ce n'est pas forcément faire plus intensément ce qu'on fait déjà. Il est certain qu'il faut repenser ce qu'on fait aujourd'hui. Vous avez dit qu'il faut aussi travailler plus étroitement avec les Douanes et peut-être examiner le modèle américain, qui repose davantage sur une sélection préalable conjointe. Vous avez parlé d'harmonisation ou de meilleure coopération avec les Douanes. De quoi parlez-vous en fait ici? Pensez-vous à des expériences qui pourraient être faites à certains passages frontaliers pour essayer de faire les choses autrement?

M. Cres Pascucci: Un certain nombre de recommandations ont été faites précisément sur ce que vous venez de dire et des études ont eu lieu à la fin des années 80 et dans les années 90 au sujet d'affectations à des niveaux comparables et d'autres mesures de ce genre. Dans un cas comme celui-là, l'agent d'immigration serait affecté à la ligne d'inspection primaire pendant un certain temps. Actuellement, toutefois, les deux ministères sont présents à la frontière et chacun protège ses plates-bandes un peu—pas énormément, mais un peu—si bien que les opérations sont distinctes.

Pour ce qui est de l'immigration, nous pensons qu'à moins qu'il y ait une meilleure formation pour les inspecteurs des douanes—pour l'identification—avoir des agents d'immigration sur la ligne primaire, même sous forme d'affectation provisoire, permettra de mieux déférer les cas et ainsi de mieux assurer la sécurité du pays.

Le président: Serge, je sais que vous en avez parlé dans votre mémoire. Au nom des Douanes, pourriez-vous ou non répondre à la question que Paul vient de poser?

M. Serge Charette: Je suis tout à fait d'accord avec ce que Cres vient de dire. Il faut améliorer la façon dont nous faisons notre travail aujourd'hui. Je sais qu'un certain nombre de ces renvois nous échappent et la principale raison c'est que beaucoup de nos agents des douanes n'ont pas la formation voulue. Parce que ce sont eux les spécialistes dans ce domaine, il faudrait que l'immigration nous donne ce genre d'information.

Affecter des agents à la ligne d'inspection primaire n'est pas une solution permanente, et je vais vous dire pourquoi. Nous appliquons 70 lois différentes à la frontière. Il nous faudrait former les inspecteurs d'immigration au point où ils les connaîtraient toutes. Il est beaucoup plus facile et beaucoup plus efficace de s'assurer que les inspecteurs des douanes ont toute la formation qu'il faut dans le domaine de l'immigration. Je pense aussi qu'ils devraient faire un stage de recyclage d'une semaine tous les ans pour savoir ce qui est d'actualité, les modifications apportées à la loi ou aux règlements. Actuellement—je l'ai dit dans mon mémoire—60 p. 100 de nos gens ont insuffisamment de formation dans le domaine de l'immigration. Cela a été corroboré par le vérificateur général dans son rapport de l'an dernier, celui d'avril 2000. C'est cela qui nous préoccupe: le manque de formation.

Le président: Merci.

Il vous reste une minute.

M. Paul Forseth: C'est Art qui va poser une question.

M. Art Hanger (Calgary-Nord-Est, Alliance canadienne): Vu ce qui a été dit à propos de la formation des agents des douanes pour en faire des agents d'immigration, vous n'auriez pas besoin d'agents d'immigration aux points frontaliers. Est-ce ce que vous êtes en train de dire?

M. Serge Charette: Non, je dis qu'il vous faut de bons agents des douanes, bien formés, pour faire le travail de base aux points frontaliers. Dès que l'on repère quelqu'un qui doit faire l'objet d'un examen plus approfondi, nous le renvoyons pour une deuxième inspection, où un agent d'immigration qui a reçu une formation complète prend le relais et procède à un examen approfondi.

M. Art Hanger: Est-ce aussi l'avis de l'immigration? Préféreriez-vous une ligne intégrée?

M. Cres Pascucci: C'est une chose que nous avons examinée à quelques reprises. Pour nos membres—parce que, après les avoir consultés nous adoptons leur position, c'est kif-kif. À certains points d'entrée, un système intégré serait préférable, ce qui n'est pas le cas ailleurs. Vous avez sans doute entendu cet avis lorsque vous avez fait des visites sur place—et je précise que Toronto n'est pas un des endroits, ni Pearson.

• 0935

Le président: Nous sommes souvent allés à Toronto.

M. Cres Pascucci: Je voulais m'assurer que vous y étiez allés.

Le président: Nous n'oserions pas omettre Toronto.

M. Cres Pascucci: Je vois.

Honnêtement, c'est kif-kif à l'heure actuelle, mais nous pensons que l'intrégration devrait être améliorée. Nous pensons que plus d'agents d'immigration devraient être affectés à l'inspection. Mais je pense comme Serge en ce qui concerne la multitude de lois. Il n'y a pas que les questions d'immigration qu'il faut connaître, mais ce serait utile.

Le président: Steve.

M. Steve Mahoney: Merci, monsieur le président.

Les gars, je veux que vous sachiez que du point de vue de la portion du comité qui est allée dans l'Est, vous et les Canadiens pouvez être très fiers du travail que vos deux groupes font pour ce qui est de la collaboration avec les Américains. Dans les postes frontières que nous avons visités, nous avons été très impressionnés par le fait que ce sont tous des amis et des connaissances. Dans ces petites localités, il y a même un mariage entre les deux groupes. Beaucoup des choses qu'on a entendues dans les médias, surtout venant d'élus américains, ne tiennent tout simplement pas debout quand on va sur le terrain pour parler aux gens. Je ne dis pas cela de façon défensive. C'est la réalité, c'est un fait.

Par contre, je suis curieux. Beaucoup de gens ont fait des déclarations. Je me reporte au texte de Serge, à la page 2. En haut de la page, vous dites que vos membres comprennent la réaction des Américains. Moi, j'ai du mal à comprendre cette réaction, parce que le reproche que j'ai entendu, encore une fois de certains élus et d'autres aux États-Unis, c'est que la frontière canadienne est poreuse et est un problème pour les Américains. Pourtant, quand nous sommes allés à Lacolle au Québec, nous avons vu que 5 000 réfugiés avaient traversé la frontière, la plupart d'entre eux à pied, en provenance des États-Unis pour entrer au Canada. Aucun d'eux n'était Américain. Ils venaient tous d'un pays tiers. Ils sont dans un pays sûr, aux États-Unis, ils traversent la frontière pour venir au Canada. En quoi est-ce que c'est une menace pour les Américains? Serge, pourriez-vous répondre en premier?

M. Serge Charette: Je ne suis pas convaincu que cela représente une menace. Ce que je disais en haut de la page 2 portait davantage sur ce qui est arrivé le 11 septembre. Nous comprenons leur réaction. Ils ont perdu environ 5 000 concitoyens, il est certain que cela ne va pas rester sans effet. Ils s'inquiètent beaucoup du fait que les Canadiens semblent penser que ces choses-là vont se produire aux États-Unis et que le Canada est à l'abri de toute agression. C'est ce que je voulais dire par là. Nous comprenons leur réaction parce qu'ils n'ont vu aucune réaction de la part des Canadiens pour améliorer la sécurité à la frontière.

M. Steve Mahoney: Mais c'est leur frontière à eux qui les inquiète. Ce sont les arrivées aux États-Unis.

M. Serge Charette: Ce sont les deux.

M. Steve Mahoney: Eh bien, éclairez ma lanterne. Si 5 000 personnes sortent des États-Unis, cela signifie qu'elles ont bien réussi à y entrer, non?

M. Serge Charette: Oui.

M. Steve Mahoney: À un endroit quelconque, que ce soit New York, Los Angeles ou peu importe où, ces gens sont entrés aux États-Unis et ont fini par remonter l'autoroute I-95 jusqu'à la frontière du Québec. Là, ils entrent au Canada. En quoi est-ce que c'est une menace pour les États-Unis? Pourquoi se tourneraient-ils vers nous et nous accuseraient-ils d'être un risque pour la sécurité?

M. Serge Charette: C'est qu'il est plus facile d'obtenir un permis de visiteur aux États-Unis qu'au Canada. Ils demandent donc un permis de visiteur pour une ville proche de la frontière canadienne. Une fois qu'ils sont aux États-Unis à la faveur d'un permis de visiteur, ils traversent la frontière et demandent le statut de réfugié au Canada. C'est cela qui inquiète les Américains.

Celui qui demande le statut de réfugié aux États-Unis est assujetti à des procédures et à des critères beaucoup plus rigoureux et difficiles à atteindre que les nôtres. Je crois qu'ils n'acceptent que 17 p. 100 de demandes de statut de réfugié alors que nous en acceptons près de 80 p. 100. C'est cela qui les inquiète.

• 0940

M. Steve Mahoney: Je ne pense pas que ces chiffres soient justes. D'après mes souvenirs, c'est 54 p. 100 aux États-Unis, et 57 ou 58 p. 100 au Canada. C'est donc très comparable.

M. Serge Charette: Eh bien, ce sont les chiffres que j'ai entendus.

M. Steve Mahoney: Eh bien, vous voudrez peut-être les vérifier.

Mais vous soulevez un point très important. Vous dites qu'il est plus facile d'obtenir un visa de visiteur aux États-Unis qu'au Canada, et il semble plus facile d'obtenir le statut de réfugié au Canada qu'aux États-Unis. S'il faut que nous, nous resserrions notre programme de réfugiés, peut-on aussi dire qu'il faudrait que les Américains resserrent leur programme de visa pour visiteur?

M. Serge Charette: Tout à fait. Je suis tout à fait d'accord. De fait, ce qu'ils font, c'est concentrer un plus grand nombre de gens des douanes à la frontière canado-américaine pour faire ce que nous appelons des contrôles des sorties. Ils vont donc surveiller le mouvement de ceux qui essaient de venir au Canada pour demander le statut de réfugié et ils ne leur permettront pas de quitter les États-Unis. Ils vont tout simplement les refouler.

M. Steve Mahoney: J'ai une question à propos des contrôles des sorties, mais vous savez également que quelque 40 p. 100 de demandeurs du statut de réfugié qui arrivent chez nous viennent des États-Unis. Par un moyen quelconque, ils ont réussi à entrer aux États-Unis. Les 19 terroristes semblent avoir vécu légalement, sous une forme ou sous une autre, aux États-Unis. Encore une fois, je ne suis pas sur la défensive—parce que je suis conscient qu'il faut prendre certaines mesures à nos postes frontières—cela me renverse d'entendre que le problème, c'est nous, alors qu'il est plus facile d'entrer aux États-Unis que d'entrer au Canada. Les conséquences sont bien évidentes.

Pour ce qui est des contrôles à la sortie, je pourrais peut-être demander aux gens de l'immigration si nous devrions faire des interviews de sortie pour tous ceux qui quittent le pays.

Le président: Les centaines de millions d'entre eux?

M. Steve Mahoney: Eh bien, c'est ce que font les Américains.

M. Cres Pascucci: Cela ne me semble pas très pratique. Ça ressemble à ce que je demandais à un de nos agents à la frontière quand je lui ai demandé comment on pouvait rendre la frontière plus sûre. La seule façon, m'a-t-il dit, est d'arrêter chaque voiture et d'interroger chaque personne. Si c'est ce que vous voulez, j'imagine que c'est possible, mais sérieusement...

M. Steve Mahoney: Peut-on dire sans crainte de se tromper qu'un système de contrôle des sorties au Canada ferait d'une certaine manière double emploi avec le système de contrôle des entrées aux États-Unis? Nous vérifions l'identité des gens qui partent de chez nous et les Américains vérifient leur identité à l'entrée, si bien qu'ils ont été contrôlés deux fois à chaque point frontalier.

M. Cres Pascucci: Janina, voulez-vous répondre?

Mme Janina Lebon: Ce n'est pas tout le monde qui va aux États-Unis.

M. Steve Mahoney: Bonne réponse.

Mme Janina Lebon: Ça, c'est une chose. Deuxièmement, le système de contrôle des sorties américain est basé sur une fiche qu'on jette dans une boîte au départ, et je ne suis pas sûre de l'exactitude de ce système. Si nous devions emprunter ce système, il nous faudrait des ressources incalculables.

M. Steve Mahoney: Est-ce terminé pour moi?

Le président: Non, allez-y.

M. Steve Mahoney: Que pensez-vous de cette idée du périmètre commun? Êtes-vous favorables à ce que certains ont appelé une amalgamation totale, une fusion, peu importe comment on appelle ça, des deux systèmes en un seul, et à la création de ce qui deviendrait—sans verser dans le dramatique—la forteresse de l'Amérique du Nord?

M. Serge Charette: Je crois comprendre que cette notion n'est pas encore bien définie, mais chose certaine, c'est l'une des idées qui a été lancée au départ. Si je comprends bien, cependant, plus cette définition semble prendre forme, plus cela semble basé sur la sécurité commune, et non sur des formalités ou des lois communes.

Le Canada n'appliquerait pas chez lui des lois américaines, pas plus que les États-Unis, des lois canadiennes. Ce qu'on veut faire ici, c'est éviter les redondances et fermer un peu plus la porte à ces personnes qui arrivent de l'extérieur de l'Amérique du Nord et qui entrent chez nous sans être interpellées ou sans que les vérifications voulues soient faites. Une fois ces vérifications faites, soit aux États-Unis ou au Canada, celles-ci, si je comprends bien, seraient honorées ou validées par l'autre pays aussi.

• 0945

Chose certaine, ce n'est pas ce qui se passe aux États-Unis en ce moment. Je crois savoir qu'à compter d'avril l'an prochain, on va appliquer rigoureusement la loi existante qu'on a cessé d'appliquer depuis cinq ans. Toute personne franchissant la frontière devra être répertoriée des deux côtés, soit en entrant aux États-Unis ou en quittant les États-Unis. En ce qui me concerne, c'est un gros problème parce que cela aura pour effet d'accroître le cauchemar administratif à la frontière. Cela va ralentir tout le monde. Cela va ralentir aussi la circulation commerciale parce que les conducteurs devront être immatriculés et... quoi qu'il en soit, on est en train de prendre aux États-Unis diverses initiatives qui sont préoccupantes.

M. Steve Mahoney: Cres Pascucci, voulez-vous ajouter quelque chose?

M. Cres Pascucci: Un pays n'existe que s'il est en mesure de décider pour lui-même. Je crois que cette notion de la forteresse de l'Amérique du Nord compromet dangereusement la souveraineté nationale.

Vous n'avez qu'à voir comment, dans l'histoire récente de la politique étrangère américaine, on décrivait les réfugiés ou les personnes dont les revendications sont légitimes. À cette époque, les États-Unis ne se montraient pas très accueillants envers les ressortissants du Salvador ou du Nicaragua. Notre approche était différente. Notre relation avec Cuba en est un autre exemple.

Cette mentalité de forteresse compromettra la faculté qu'a notre pays de décider pour lui-même. Pour ce qui est de décider qui nous voulons dans notre pays, c'est nous qui devons en décider et non quelqu'un d'autre.

Le président: Merci, Cres.

Madeleine, tour de cinq minutes.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral (Laval-Centre, BQ): Merci, monsieur le président. Bonjour, madame et messieurs.

J'ai lu rapidement vos deux présentations, et j'ai un certain nombre de questions.

Je suis d'accord avec M. Mahoney à l'effet que ce qu'on a vu sur le terrain comparativement à ce que j'ai lu dans votre document, monsieur Charette, c'est comme le jour et la nuit. C'est mon impression. C'est clair que si un document comme celui-là se retrouve aux États-Unis, ça va faire la une de tous les journaux.

Cela étant dit, je pense que la suggestion que vous faites, vous deux, à savoir qu'on devrait envisager sérieusement la possibilité de réunir sous un même chapeau les gens qui travaillent aux Douanes et ceux qui travaillent à l'Immigration, est une chose que nous avons entendue dans l'Est. J'imagine que les gens qui sont allés dans l'Ouest ont probablement eu le même son de cloche. Alors, je pense que c'est une chose qu'on devra effectivement considérer, parce que ça semble être logique. Je n'ai pas de misère face à la logique, le gouvernement non plus, n'est-ce pas?

Il y a des choses que j'ai lues qui m'ont fait sursauter. On est, depuis le 11 septembre 2001, devant un problème de sécurité. C'est très clair, sauf que j'avoue que quand je vous entends réclamer des armes à feu pour tous les gens qui se trouvent à la douane, ça m'inquiète, parce que je vois là, très clairement, le résultat de la pression de la culture américaine. Au Canada, on a une Loi sur les armes à feu.

J'aimerais que vous m'expliquiez, si tous nos agents d'immigration et de douane se promènent avec un flingue, comment ça va augmenter la sécurité, d'une part, et, d'autre part, comment ça va traduire l'image de la société canadienne avec ses valeurs de tolérance, dont vous avez parlées dans votre document? J'étais très contente de voir cela d'ailleurs. Mais comment allez-vous faire concorder cela? Pensez-vous qu'au Québec, au Canada, les gens sont prêts à voir des flingues partout? J'ai un peu de misère face à cela. Si vous voulez répondre à cette question, j'en aurai d'autres après.

M. Serge Charette: Nous, ce que nous préconisons aux Douanes, c'est, effectivement, que les douaniers soient armés. Je pense que la perception du public canadien est que les douaniers canadiens sont déjà armés. Je ne vois pas comment ça va modifier la perception d'une façon importante. Revenu Canada a fait une étude, vers 1997 ou 1998, et les résultats ont clairement démontré que 78 p. 100 du public canadien, je pense, à qui on avait posé la question à savoir si les douaniers canadiens étaient armés, avaient répondu clairement oui. C'est facile à comprendre. La perception vient du fait que lorsqu'on entre au États-Unis, les douaniers américains, eux, sont armés. Les gens ne voient pas la distinction. Ils se disent que si les Américains sont armés, les Canadiens le sont aussi. La perception est là. Ce n'est pas non plus en donnant des armes à feu aux douaniers qu'on peut dire qu'il y aura des armes à feu partout au pays. Au contraire, c'est la tâche des douaniers, qui sont déjà formés en manipulation des armes à feu, d'intercepter l'importation d'armes à feu. On en intercepte des milliers à chaque année. Souvent ce sont des armes à feu chargées. Il faut donc savoir comment traiter ces cas-là afin de désarmer ces armes à feu.

• 0950

Je pense que les douaniers se rendent compte qu'à long terme, ce sera nécessaire, premièrement pour leur protection personnelle. On a des douaniers qui travaillent seuls. Vous avez visité certains bureaux. J'ai l'impression que vous vous êtes posé la même question que moi. Ces gens-là, quand un véhicule s'amène à trois heures du matin avec deux ou trois personnes à bord, comment se sentent-ils? Je dois vous dire que, dans certaines circonstances, surtout aux endroits où le bureau des douanes américain est déjà à cinq ou à dix kilomètres, ces gens-là se sentent drôlement isolés.

Souvent ce qui arrive, c'est qu'on ne pose pas trop de questions. On laisse filer ces gens-là, on les laisse passer, et on ne fait pas notre travail. C'est la consigne aux Douanes. Si l'agent pense que sa santé personnelle ou sa sécurité personnelle est en danger, il laisse passer les gens et rapporte cela à la police la plus près en donnant une description des gens et une description du véhicule. Il y a une possibilité qu'on les intercepte plus loin. Sauf que lorsqu'on ne pose même pas les questions, on n'arrive pas à formuler une conclusion, à savoir si ces gens-là présentent un risque ou non. Tout ce qu'on fait, c'est qu'on les laisse filer.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Vous êtes en train de me dire que s'ils avaient une arme à feu, ça leur permettrait de mieux faire leur travail? Est-ce que c'est cela que j'entends?

M. Serge Charette: Ce qu'on préconise, c'est non seulement le port d'une arme à feu, mais c'est qu'il y ait deux douaniers à tous les bureaux, et qu'ils aient des ordinateurs qui pourraient permettre aux douaniers qui sont dans ces bureaux pendant de la nuit d'être productifs en vérifiant à l'écran et en relâchant à l'écran ce qu'on appelle des entrées across. C'est le système électronique.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Je vous suis quand vous parlez d'avoir deux personnes la nuit...

[Traduction]

Le président: Merci.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Est-ce qu'il me reste un peu de temps?

[Traduction]

Le président: Non, pardon. Vous en êtes à six minutes et demie.

Allez-y, Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis (Winnipeg-Centre-Nord, NPD): Merci, monsieur le président. Je tiens à remercier nos témoins de ce matin. Vous avez énoncé une perspective que nous n'avons pas entendue très souvent, soit au cours des délibérations sur le projet de loi C-11 ou depuis les événements du 11 septembre.

Si je vous ai bien compris, tous autant que vous êtes, c'est que nous manquons manifestement de moyens, au niveau des effectifs et des ressources, pour maîtriser la situation actuelle, sans parler du C-11 et sans parler de l'après-11 septembre. J'aimerais passer en revue les chiffres afin de mieux comprendre l'ampleur de nos besoins et de voir ce que notre comité peut recommander.

Tout d'abord, du côté de l'Immigration, corrigez-moi si j'ai tort, mais je crois comprendre que nous avons perdu près de 3 000 agents d'immigration depuis 1993. Je crois que l'un des chiffres qui a été cité lors des audiences du comité du Sénat—je crois avoir lu cela dans le journal—montrait que nous étions passés d'un effectif de 7 000 personnes à l'époque de CIC—le syndicat de Janina et de Cres—à 4 000. Ce qui veut dire que nous aurions perdu 3 000 employés au cours de cette période. Mais nous voici aujourd'hui en train d'étudier un nouveau projet de loi qui nécessitera davantage d'efforts et de ressources, et ce, dans le contexte de l'après-11 septembre. Tout d'abord, dites-moi si ces chiffres sont exacts, et dites-moi ensuite de quoi nous avons vraiment besoin. Je vous ai entendu dire que les 100 nouveaux postes annoncés par la ministre sont une goutte dans l'océan et ne changeront pas grand-chose à la situation. De quoi avons-nous besoin?

J'aimerais ensuite poser la même question du côté des Douanes. Ayant lu tous vos rapports et vous ayant écoutés aujourd'hui, je crois avoir compris qu'il nous faut au minimum 1 200 nouveaux agents du côté des Douanes pour accueillir les gens. Oublions les produits et les services, il ne s'agit ici que des voyageurs. Je veux seulement que vous nous donniez des chiffres exacts pour mémoire.

• 0955

M. Cres Pascucci: Soit dit en passant, nous aimerions nous aussi avoir des chiffres exacts.

Ce qu'il faut garder à l'esprit, c'est que l'une des raisons qui expliquent la différence dans les effectifs tient à toute la réorganisation de l'appareil gouvernemental et des ministères. L'Immigration relevait de l'Emploi et de l'Assurance-chômage, elle relevait donc de la CEIC à l'époque, soit la Commission de l'emploi et de l'immigration du Canada. Quoi qu'il en soit, lorsque les effectifs ont été séparés, nous n'avions plus autant de ressources au niveau du personnel et dans ces autres secteurs aussi étant donné qu'ils relevaient de l'organisation principale.

L'autre raison importante qui a modifié la donne a été la concentration du traitement à Vegreville. Dans le temps, les clients ou les demandeurs s'adressaient à un centre d'immigration où quelqu'un les recevait, et lorsqu'on demandait un renouvellement, on vérifiait les documents, et la personne restait ou partait. La présentation des demandes par la poste, toute cette production de masse, a remplacé cela. En conséquence, certaines ressources ont été déplacées, et l'on peut aisément parle de quelques milliers d'emplois, c'est certain.

Le changement le plus visible a été l'élimination virtuelle du contact en personne à personne. Rappelez-vous, dans les années 90, les gens faisaient la queue à 3 heures du matin pour être interviewés à Toronto. D'ailleurs, l'une des raisons pour lesquelles on a ouvert le centre de Vegreville—et je ne dis pas que c'est la seule raison—c'était parce qu'on avait ouvert un bureau dans la circonscription de la ministre. On s'est rendu compte que les gens dormaient devant les maisons des habitants du quartier pour garder leur place dans la queue au moment où le bureau ouvrait ses portes à 8 h 30 du matin. Ce n'est pas si mal, sauf que la circonscription de la ministre était située dans Rosedale, et je ne crois pas que les habitants du quartier aimaient voir des travailleurs—si on me passe l'expression—camper le devant ces manoirs de luxe, particulièrement sur leurs pelouses.

Pour ce qui est des effectifs, alors, on a aisément retranché quelques milliers d'emplois. Cette compression s'inscrivait également dans la révision des programmes que le gouvernement avait entreprise pour jouer un moins grand rôle dans la société et réduire le nombre de fonctionnaires.

Pour ce qui est de savoir ce qu'il nous faut, je pense que nous parlons au minimum d'un millier de postes. Tout dépend aussi des activités qu'on voudra réaliser. Le mandat de votre comité, à ce sujet, concerne essentiellement les points d'entrée, mais il y a de plus en plus d'activité aux points qu'on appelle les bureaux intérieurs, où nous avons maintenant des agents d'exécution. Dans le temps, nous avions un effectif complet d'agents examinateurs qui faisaient le travail aux points d'entrée. Un certain nombre de ces postes sont maintenant convertis en postes d'agent d'exécution, ou ils sont combinés. L'employé qui est au pays accomplit en fait beaucoup plus de choses qu'avant; il faut donc songer à cela.

Le président: Serge, vous répondrez à la même question. Mais je dois vous rappeler que les questions et les réponses ne doivent pas dépasser cinq minutes. Je n'arrête pas de rappeler aux députés qu'ils doivent être très concis, je sais. Je ne peux évidemment pas en faire autant avec les témoins, mais si vous le permettez, je vous prierais d'être assez brefs dans vos réponses, s'il vous plaît.

M. Serge Charette: Merci, monsieur le président. Je tâcherai d'être concis.

Pour ce qui est de notre opinion sur la dotation en personnel, nous considérons que 1 200 postes seraient le minimum dont nous aurions besoin en ce moment pour nous occuper des voyageurs, en plus des 400 pour le côté commercial. Nous nous basons aussi sur le fait que nous voulons remplacer les étudiants qui sont employés à longueur d'année. Nous croyons que ce système ne convient nullement, quelle que soit la forme qu'on lui donne. Si vous excluez les 200 étudiants, on se retrouve en fait avec environ 1 000 ETP du côté des voyageurs et 400 du côté commercial. C'est ce que nous exigeons au minimum. Ce sont les calculs que nous avons faits lorsque nous avons anticipé les effets du projet de loi S-23.

Le président: Merci.

Inky.

M. Inky Mark (Dauphin—Swan River, PC/RD): Merci, monsieur le président.

Je remercie nos témoins de s'être joints à nous ce matin.

Je ne suis pas du tout d'accord avec mon collègue du Bloc en ce qui concerne toute la question de la santé et de la sécurité et de l'armement des agents des douanes. Ce sont des agents de la paix, et chose certaine, il faut leur donner les outils qui leur permettront de faire le travail. J'ai vu cela avec plus de clarté lors de notre visite à Windsor, où on nous a informés que parmi les 18 p. 100 de camionneurs qui ne sont pas admissibles dans notre pays, 40 p. 100 présentaient des antécédents judiciaires graves.

Depuis combien de temps les agents des douanes demandent-ils des armes de poing? Comment le gouvernement motive-t-il son refus?

• 1000

M. Serge Charette: Nous avons sondé nos membres pour la première fois en 1991. À cette époque, la vaste majorité d'entre eux souhaitaient une présence armée aux frontières. Environ 51 p. 100 d'entre eux voulaient être armés. Environ 25 ou 26 p. 100 ne voulaient pas être armés, mais ils voulaient que quelqu'un soit armé à l'intérieur du bureau, afin que l'on puisse réagir à tout incident susceptible de poser un danger.

Évidemment, ce pourcentage change selon la situation. Par exemple, nos représentants aux postes, soit les inspecteurs des douanes chargés du courrier international, ne voulaient pas être armés. Ceux qui souhaitaient vivement l'être étaient nos employés à la frontière, ceux qui sont en contact direct avec l'inconnu. Chaque fois qu'une voiture s'arrête à la frontière, on se retrouve devant l'inconnu. On n'a pas la moindre idée de la personne à qui l'on a affaire.

Dans le secteur maritime, par exemple, nos employés sont également obligés de monter à bord d'un navire dont l'équipage compte parfois 20 ou 25 personnes. Beaucoup d'entre eux sont ivres ou ont un casier judiciaire quelconque, donc on ne se sent jamais vraiment en sécurité. Dans une telle situation, une arme de poing aurait un effet dissuasif. Vous ressembleriez davantage à un agent de la paix fédéral; les équipages vous témoigneraient ainsi un plus grand respect si vous aviez un tel statut. Sans les armes à feu, ce statut n'est pas reconnu.

J'ai oublié la deuxième partie de votre question.

M. Inky Mark: Comment le gouvernement a-t-il motivé son refus?

M. Serge Charette: Le gouvernement nous a toujours répondu que ce serait donner une mauvaise impression. Le Canada aurait l'air d'un pays plus hostile. Notre société est plus conviviale et plus accueillante que la société américaine, et nous ne voulons pas donner une impression de ressemblance.

Nous ne sommes pas d'accord. Au contraire, nous croyons que le fait d'armer les inspecteurs des douanes, les agents des douanes, leur donnerait l'apparence de ce qu'ils sont vraiment, à savoir des agents de la paix.

M. Inky Mark: Songez-vous en appeler au Conseil des relations de travail, tout comme l'ont fait les gardiens de parc?

M. Serge Charrette: Le Conseil des relations de travail a déjà été saisi de quatre plaintes à ce sujet, et l'Agence a réagi en acceptant de procéder à une étude sur les risques inhérents au travail.

Le président: Cres, avez-vous des commentaires en ce qui concerne l'Immigration sur la sécurité et les armes?

Serge, j'espère que vous disiez que vous n'êtes pas d'accord avec le gouvernement quant à sa perception, et non pas que les Canadiens ne sont pas plus gentils et plus compatissants que les Américains. Ai-je raison?

M. Serge Charette: Non, ce n'est pas ce que j'ai voulu dire.

Le président: Je voulais simplement rectifier vos propos. Maintenant, je sais.

M. Serge Charette: Non, je parlais de la perception que l'on aurait des agents des douanes, selon qu'ils soient ou non armés.

Le président: Je sais. Je vous taquine, Serge.

Cres.

M. Cres Pascucci: Je veux seulement signaler en passant que l'expression «une société plus conviviale et accueillante» est une expression américaine.

Des voix: Oh, oh!

M. Cres Pascucci: Dans notre cas particulier, il n'y a pas beaucoup de demandes pour des armes à feu à la frontière. Cela vient plutôt de l'intérieur, des agents d'exécution. Au départ, cela provenait surtout de la région de Toronto, de ceux qui procédaient à des arrestations et trouvaient des gens qui entraient illégalement. Maintenant, c'est beaucoup plus répandu et il y a maintenant une mentalité qui se rapproche plus de la police à Vancouver et aussi à Calgary.

Il y a par ailleurs une autre division entre ceux qui ont été embauchés antérieurement, dans le cadre d'une approche positive visant la facilitation, le genre de société plus conviviale et accueillante que nous voulons, et ceux qui ont été embauchés plus récemment. Ces derniers sont plus jeunes et ont été embauchés en accordant davantage d'importance aux critères d'application de la loi, par exemple par une évaluation psychologique.

Bref, avant même d'en arriver là, l'un des premiers éléments que l'on devrait pouvoir fournir à nos membres, et même aux agents des Douanes, c'est l'équipement voulu pour cette mission. Cela comprend notamment des menottes, du gaz poivré, ou encore des gilets pare-balles. Ce sont des aspects que l'on devrait mettre à l'essai en premier.

• 1005

Le président: Bien. Merci.

Nous entendrons maintenant Jerry, et ensuite Art, Anita et David.

M. Jerry Pickard (Chatham—Kent Essex, Lib.): Merci beaucoup, Joe.

Le temps nous manque ici pour tenter d'avoir des réponses à nos questions, mais je vais poser quatre questions vraiment brèves et j'espère que vous pourrez tous les deux me donner des réponses brèves.

Premièrement, est-ce que cela vous faciliterait la tâche et atténuerait un peu la pression si l'on créait deux files, c'est-à-dire les Canadiens qui reviennent au Canada dans une file, et tous les autres, y compris les immigrants potentiels, dans une deuxième file, de sorte que les gens qui exigent plus de temps soient regroupés dans une file distincte et traités d'une manière différente?

Deuxièmement, comme nos agents des douanes travaillent en première ligne, les biens sont-ils plus prioritaires que l'immigration en première ligne et, dans l'affirmative, est-ce la solution? Vous dites que vous devez appliquer 70 lois différentes et celles que vous connaissez le mieux sont évidemment celles que votre ministère applique et vous êtes en première ligne. Je pose donc la question: les douanes sont-elles prioritaires en première ligne?

Troisièmement, les gens des services américains d'immigration et des douanes nous ont dit qu'à Emerson et dans d'autres endroits, si quelqu'un arrive et revendique le statut de réfugié, il se trouve déjà dans un pays sûr au Canada; nous les renvoyons donc et leur disons que l'on fera la recherche là-bas. Le Canada serait-il en meilleure posture si nous en faisions autant en renvoyant les gens qui nous arrivent des États-Unis pendant que nous faisons nos recherches? Nous pourrions atténuer les pressions et nous donner plus de temps et ces gens-là seraient aux États-Unis au lieu de circuler dans les rues du Canada?

Quatrièmement, dans les années 50, quand je traversais la frontière, ils ouvraient toujours le coffre des voitures ou tout au moins se penchaient, à partir de leur casemate, pour vérifier s'il y avait quelqu'un sur le siège arrière; le préposé sortait pour vérifier à toutes les cinq, six ou sept voitures. Cela permettrait-il de renforcer quelque peu la sécurité des biens qui traversent la frontière?

Le président: Au sujet de la séparation des files d'attente, Serge, que pensez-vous de cela, de ranger les citoyens canadiens et tous les autres dans deux files séparées?

M. Serge Charette: C'est l'une des recommandations que j'ai faites à deux autres comités. Ce n'est peut-être pas la solution ultime, mais je pense que cela apaiserait un peu les inquiétudes actuelles. Nous serions donc en faveur d'un système de ce genre.

Le président: Quelle est la priorité en première ligne, les biens ou les gens?

M. Serge Charette: Nous avons deux affectations différentes dans notre travail: les voyageurs ou les affaires commerciales. Quand on est affecté au commercial, on accorde tout son temps et la priorité au commercial, et quand on travaille dans le domaine des voyageurs, comme agent des douanes, on traite seulement avec des gens. Il y a une rotation entre les deux, mais à moins de travailler dans une petite localité, la ségrégation entre les deux est maintenue et on n'a pas vraiment à s'en préoccuper. Dans une petite localité où l'on fait les deux, normalement, le transport commercial de biens est assez réduit en volume et ce n'est donc pas une préoccupation majeure.

Le président: Et puis il y a le tiers pays sûr.

Mme Janina Lebon: Dans les cas des États-Unis, il faut obtenir l'approbation et le consentement des États-Unis. Par exemple, Fort Erie a une politique de refoulement, mais il faut prendre des arrangements avec les services américains de l'immigration. On ne peut donc pas le faire à moins que les États-Unis soient d'accord.

Le président: Je comprends.

Pour ce qui est des vérifications aléatoires à toutes les six ou sept voitures, est-ce que vous voudriez répondre à cela, Cres ou Serge?

M. Jerry Pickard: Pourrais-je intervenir un instant?

Comment les États-Unis peuvent-ils le faire à Emerson? Ils ont dit l'avoir fait. Vous dites que nous ne pouvons pas le faire sans l'approbation des États-Unis. Est-ce à sens unique?

Mme Janina Lebon: Vous dites que les États-Unis envoient des gens au Canada?

M. Jerry Pickard: Oui. On leur dit: retournez chez vous jusqu'à ce que l'on fasse les vérifications. Nous allons étudier leurs demandes, mais pas en les laissant circuler librement au Canada.

Mme Janina Lebon: Alors nous devrions les renvoyer.

M. Jerry Pickard: Exactement. S'ils le font là-bas et s'ils ont le pouvoir de le faire, pourquoi n'avons-nous pas le pouvoir de le faire chez nous, s'il y a une politique cohérente?

Mme Janina Lebon: C'est un bon argument. C'est la première fois que je l'entends. Normalement, quand ils arrivent au Canada, ils revendiquent le statut de réfugié, nous ne les renvoyons pas. La seule exception que je connais, c'est l'arrangement à Fort Erie et c'était un protocole d'entente écrit.

Le président: L'option du tiers pays sûr existe dans la loi, mais il est évident que nous ne l'utilisons pas. Nous aimerions en discuter et votre participation est très utile.

Mme Janina Lebon: C'était dans la loi précédente et nous ne l'avons pas utilisée.

M. Jerry Pickard: Il y a un agent qui vous reçoit en disant: retournez d'où vous venez, nous allons faire les vérifications.

M. Steve Mahoney: Ce que vous réclamez, c'est qu'on les renvoie d'où ils viennent pendant que nous faisons les vérifications.

M. Jerry Pickard: Exactement...

M. Steve Mahoney: Ce sont des questions différentes.

M. Jerry Pickard: ...parce qu'ils se trouvent déjà dans un pays sûr.

• 1010

Le président: Très bien, parlons maintenant des vérifications aléatoires.

M. Serge Charette: La vérification aléatoire se fait encore, mais à une fréquence beaucoup plus faible que dans les années 80 et au début des années 90. Je suppose que c'est le prix à payer pour tenter d'en faire plus avec moins. La norme a baissé. Aux points de passage achalandés, nous avons 30 secondes pour prendre une décision. Ou bien nous aiguillons la personne vers la vérification secondaire, ou bien nous lui permettons d'entrer au pays. Dans le passé, nous avions plus de temps et de ressources et nous pouvions donc nous permettre d'investir plus de temps. Nous pouvions regarder dans le coffre, etc. Aujourd'hui, c'est une question de ressources. Nous n'avons tout simplement pas l'effectif voulu pour faire cela. Si on en faisait 10 p. 100, les lignes d'attente s'allongeraient considérablement, à moins d'avoir plus de gens pour faire le travail.

C'est ce que j'ai recommandé aux autres comités également. Le seul moyen de faire simultanément ce qu'on appelle la facilitation et l'application de la loi, c'est d'augmenter l'effectif. Ces deux mandats sont en réalité contradictoires: plus on facilite, plus on laisse passer les gens sans vérifier; plus on applique la loi, plus on vérifie et plus on refuse de laisser passer les gens sans vérifier.

Le président: Art.

M. Art Hanger: Merci, monsieur le président.

La visite à Windsor a été à mon avis très intéressante pour notre comité. Les deux principaux points d'entrée des réfugiés qui entrent au Canada en provenance des États-Unis sont Lacolle et Fort Erie. On nous a fait comprendre qu'entre 1 600 et 2 000 personnes par mois arrivent à ces deux postes frontières, ce qui est beaucoup. À mon avis, ce serait absolument absurde de s'imaginer que l'Immigration et les Douanes doivent s'occuper d'un tel afflux en provenance d'un pays qui n'est même pas censé produire des revendicateurs du statut de réfugié. C'est bien sûr la question que j'ai posée aux fonctionnaires américains qui ont assisté à notre réunion. Personne ne voulait vraiment répondre à la question, mais quand ils l'ont fait, ils ressemblaient beaucoup aux bureaucrates du Canada quand il s'agit d'expliquer pourquoi tout cela se passe.

En même temps, il y a un problème de passage clandestin du Canada aux États-Unis. Les gens paient 300 $ par personne pour passer du Canada aux États-Unis par diverses voies. Je pense que beaucoup de travailleurs de l'Immigration se retrouveraient sans travail si l'on concluait avec les États-Unis une entente quelconque pour mettre fin à cet afflux de gens qui représentent de 40 à 50 p. 100 du total des revendicateurs de statut de réfugié au Canada.

Je vais poser la question aux représentants de l'Immigration qui sont ici présents. Pourquoi ne proposez-vous pas que l'on règle ce problème? Cela fait partie du problème que nous éprouvons dans notre régime de revendication du statut de réfugié, et pourtant il n'en est même pas question dans votre exposé.

Le président: Janina.

Mme Janina Lebon: Nous abordons la question à la rubrique du tiers pays sûr. Je me rappelle de l'accord sur la frontière commune, qui remonte à 1994-1995, et la question n'avait jamais été mise en discussion. Nous, à titre de travailleurs de première ligne, surtout les 45 employés de Fort Erie, aimerions bien pouvoir invoquer le tiers pays sûr. Ils ont fini par se débarrasser du renvoi temporaire, jusqu'à il y a environ deux mois, et VIVA la Casa a introduit toute une flopée de réfugiés. C'est à ce moment-là qu'ils ont décidé de faire un projet pilote sur la rotation de 72 heures et, surprise surprise, du jour au lendemain, ils ont été obligés de rétablir le processus. Nous adorerions pouvoir y recourir parce que nous n'aurions pas tous ces revendicateurs du statut de réfugié qui arrivent chez nous.

M. Art Hanger: Je pense que c'est la clé et que notre comité devrait y travailler, pour être beaucoup plus efficace à nos points de passage frontaliers, et cela ne semble pas être mis en vedette dans les présentations que j'ai entendues aujourd'hui.

• 1015

Par ailleurs, il faut un meilleur accès au renseignement. J'ai l'impression que tous les bureaux ont actuellement accès au CIPC et à d'autres formes d'information qu'ils n'ont jamais eue auparavant. Cela comprend un vaste éventail de renseignements. Mais il ne semble pas en être question dans votre déclaration, au point numéro 13.

M. Cres Pascucci: Nous envisageons d'étendre cela. La plupart de nos aides technologiques sont en interface avec les données américaines. Nous n'obtenons pas beaucoup de renseignements de sources européennes. Nous devons avoir une entente quelconque avec ces pays-là. Nous n'avons absolument aucune documentation sur les gens qui arrivent d'Afrique, par exemple. Il y a donc d'autres systèmes que nous devons essayer d'améliorer pour enrichir la base de données pour qu'elle devienne plus efficace, au lieu de nous contenter de sources américaines.

M. Art Hanger: Vous avez fait une observation au tout début, je parle des gens de l'Immigration, quand vous avez dit que 100 personnes, ce n'est qu'une goutte d'eau dans l'océan, en fait, cela ne fera même aucune différence. Dans la région du Pacifique—je suppose que la Colombie-Britannique fait partie de la région du Pacifique—l'Immigration à elle seule a dû embaucher 148 personnes uniquement pour répondre à la demande actuelle. Cela ne comprend pas le projet de loi C-11 et ses répercussions. Quand vous dites qu'une centaine de personnes, cela ne fait absolument aucune différence, ou quand vous envisagez la situation actuelle et que vous dites qu'Immigration aurait besoin d'un nombre X de personnes pour remplir son mandat, est-ce dans le contexte du projet de loi C-11? Quelle sera l'incidence du projet de loi C-11? Faudra-t-il encore plus de personnel et plus de temps?

Mme Janina Lebon: Puis-je commencer par l'évaluation du risque avant le renvoi?

M. Art Hanger: Je vous en prie.

Mme Janina Lebon: L'évaluation du risque avant le renvoi exigera à lui seul l'examen de 37 000 dossiers qui existent déjà.

M. Art Hanger: Des dossiers en suspens?

Mme Janina Lebon: Il s'agit de 27 000 cas de renvoi—et je fonde ce chiffre sur les articles de journaux. Les agents de révision des revendications refusées en ont au moins 10 000—il s'agit de revendicateurs éconduits. En outre, il y a aussi tous ceux qui font l'objet d'une mesure de renvoi. Il ne s'agit donc pas seulement des revendicateurs éconduits mais de tous les autres aussi.

M. Art Hanger: Permettez-moi de vous interrompre. Vous dites que 37 000 personnes feront l'objet d'un examen intensif pour la première fois. Qu'arrive-t-il à ces personnes si le problème du personnel et des vérifications n'est pas résolu?

Mme Janina Lebon: Nous n'avons pas de personnel pour ces examens. Le poste n'a pas été créé, les concours n'ont pas été menés. Il n'y a pas de processus de dotation ni de formation. Et nous ne parlons que de l'arriéré. Désormais, tous devront subir cet examen, qu'il s'agisse d'un étudiant qui a prolongé son séjour sans autorisation ou d'une belle-mère qui vient visiter sa famille. S'ils déclarent qu'il existe un danger dans leur pays d'origine, nous allons les accepter puisque nous avons élargi la définition de «réfugié au sens de la Convention» pour y inclure les personnes protégées. Et ce n'est qu'un problème.

Le président: Monsieur Hanger, nous y arriverons. C'est une question très importante. Heureusement, une bonne partie de ces renseignements se fondent sur des faits qu'il est facile de vérifier. Nous n'allons pas chercher nos renseignements dans les journaux, et c'est pourquoi nous voulions poser ces questions.

Également, il faut faire savoir ce qu'est l'ERAR, et cet examen n'est fait que sur demande. Vous supposez simplement que c'est automatique...

Mme Janina Lebon: Non, ce n'est pas automatique.

Le président: Je ne suis pas certain qu'il y a...

Mme Janina Lebon: Il y a différentes dispositions dans la loi. À l'article 112, on dit que l'examen est optionnel. Mais si vous lisez les articles sur les renvois, on y dit que personne ne peut être renvoyé avant qu'ait été effectué un ERAR.

Le président: Nous poserons néanmoins la question au ministère et à la ministre de nouveau. Je crois qu'il y a des divergences d'opinions à ce sujet.

Nous allons entendre Anita et David, puis Madeleine et Judy.

Mme Anita Neville (Winnipeg-Centre-Sud, Lib.): Merci, monsieur le président.

Merci d'être venus nous rencontrer. J'apprécie beaucoup vos témoignages. J'ai plusieurs questions à poser, je les poserai toutes ensemble et je verrai combien de temps le président vous donnera pour y répondre.

• 1020

L'une des choses qui m'a beaucoup impressionnée, dans nos voyages, c'est l'intégration des services entre les différents ministères du gouvernement canadien et du gouvernement américain, même si dans la plupart des cas cette intégration se faisait au cas par cas. Aujourd'hui, vous nous avez présenté des exposés dans lesquels vous dites que vous avez besoin d'un certain nombre d'équivalents temps plein supplémentaires. Vous avez dit également que les agents des douanes doivent recevoir davantage de formation au sujet de l'immigration. Avez-vous examiné ensemble tous les deux, pour vos exposés, quel serait le nombre réaliste d'employés supplémentaires qui seraient nécessaires dans les deux domaines? C'est ma première question.

Deuxièmement, j'aimerais que vous m'expliquiez davantage les différentes exigences—et j'en ai entendu un peu parler—entre les zones urbaines et les zones moins peuplées, quelle que soit la description qu'on en donne.

Ce qui me dérange le plus, dans ce que j'ai entendu aujourd'hui et dans ce que j'ai entendu également un peu sur le terrain, c'est qu'il semble y avoir une certaine antipathie à l'égard des réfugiés, à l'égard du processus de détermination du statut de réfugié, du travail qui est nécessaire pour traiter avec ces réfugiés. Il semble y avoir beaucoup de scepticisme quant à ce qu'est un réfugié. Compte tenu du nombre supplémentaire d'employés dont vous aurez besoin, surtout à l'Immigration, dans quelle mesure à votre avis cette antipathie et ce scepticisme touchent-ils l'un ou l'autre aspect de la détermination du statut de réfugié?

Quatrièmement—et je ne sais pas si vous aurez le temps de répondre à cette question—il y a l'intégration des services par les deux ministères ou le renforcement des services aux points d'embarquement dans les autres pays à partir desquels des gens viennent au Canada. Que pourrait-on faire à cet égard, à votre avis?

M. Cres Pascucci: Nous avons chacun évalué nos besoins, car nos fonctions sont bien distinctes. Il n'y a donc pas eu de collaboration dans le calcul. Il faut évidemment décider quelles parties des opérations on souhaite renforcer, que ce soit au point d'entrée, dans les enquêtes, ou dans la détermination du statut de réfugié, auxquelles participe également la CISR. Je ne saurais vous donner de chiffres.

Quant aux activités dans les centres urbains et dans les petites localités, les Douanes jouent à peu près le même rôle que l'Immigration dans les petites localités, dans les petits points frontaliers, par exemple, et il y a donc une meilleure intégration dans ce domaine à ces endroits. Les grands centres urbains sont surtout situés à l'intérieur des terres, et au chapitre des ressources, les villes de Toronto, Calgary, Vancouver et Montréal auraient besoin d'une augmentation importante de leurs effectifs dans les domaines de l'application des lois, des arrestations et des enquêtes.

Mme Janina Lebon: Du côté du traitement des demandes de revendication du statut de réfugié, je sais que le ministère a déterminé qu'il faudrait 100 personnes de plus pour doter trois bureaux en Ontario. Il s'agit du bureau de Fort Erie, de celui de Pearson et du bureau de CIC à Etobicoke, qui traitent les dossiers des personnes qui ont été reconnues réfugiées au sens de la Convention.

On craint qu'il y ait des abus, mais n'importe qui peut revendiquer le statut de réfugié, et comme nous sommes signataires de la Convention des Nations Unies, nous devons l'accepter. Nous savons que nous devons traiter le cas de ces personnes. Nous ne pouvons simplement les renvoyer du pays. Dans la nouvelle loi, la définition a été étendue de façon à inclure des personnes protégées, ce qui nous ramène à l'ancien mandat du comité spécial d'examen; il ne s'agit pas de réfugiés, mais de personnes en danger.

J'avoue que nous sommes parfois un peu cyniques, par exemple lorqu'un citoyen américain présente une revendication du statut de réfugié, mais nous devons faire notre travail. La loi nous y oblige, nous n'avons pas le choix.

Mme Anita Neville: Je comprends. Mais ce que je constate, toutefois, c'est un scepticisme et une aversion bien réels envers le processus. C'est un processus lourd qui exige beaucoup de travail et de ressources. Je comprends les obligations que confère la loi, mais ce qui me préoccupe, c'est l'esprit dans lequel ces obligations sont réalisées.

• 1025

Mme Janina Lebon: Il est difficile de travailler tous les jours dans ce domaine. Les gens deviennent sceptiques. Mais nous n'avons pas le choix, nous devons traiter avec ces personnes, et nous les traitons avec respect et courtoisie dans la plupart des cas. Mais les agents se rendent compte qu'on leur ment. Ils deviennent très sceptiques, mais je dirais que dans la plupart des cas, nos membres sont très respectueux et vont traiter les dossiers malgré leur scepticisme. Nous sommes des professionnels et nous n'avons pas le choix, à moins bien sûr que le gouvernement modifie les règles et rationalise le processus au moyen de règlements.

Le président: Merci.

David.

M. David Price (Compton—Stanstead, Lib.): Merci, monsieur le président. Merci également à nos témoins.

Monsieur Charette, vous avez dit dans votre déclaration que vous avez besoin de 1 200 personnes supplémentaires, peut-être 1 400, si vous éliminez les étudiants. Cela me dérange un peu, car j'estime que les étudiants font de l'excellent travail. Bon nombre de ces étudiants décident de rester et deviennent de bons employés. La plupart des étudiants que je connais travaillent dans des zones de volume élevé, où ils sont bien supervisés. Ils ne travaillent pas dans des postes éloignés.

Vous avez également mentionné que les postes éloignés, et il y en a plusieurs dans ma circonscription, ne comptent souvent qu'un seul employé, et que c'est un problème. Je suis entièrement d'accord avec vous. Vous dites qu'il devrait y avoir deux employés.

J'aimerais savoir ce que vous pensez d'un projet pilote que nous menons à l'heure actuelle en vue de combiner nos infrastructures avec celles des Américains, de partager les mêmes bâtiments, aux frontières terrestres. Cela se fait déjà dans une certaine mesure dans nos aéroports. Il y a beaucoup d'interaction dans les aéroports entre les agents des douanes et ceux de l'immigration.

Je vais poser une autre question. Dans nos voyages, on nous a également dit—et je me fie encore une fois à mon expérience—que des gens quittaient CIC pour aller travailler aux Douanes à cause des différences d'échelle salariale—les gens des Douanes sont mieux payés. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il n'est pas nécessaire de dresser un mur entre les deux services.

Le président: Les deux témoins peuvent répondre à la question au sujet des étudiants.

M. Serge Charette: Permettez-moi de préciser que cela n'a rien à voir avec la qualité des étudiants ou du travail qu'ils font. Le problème, c'est le genre de formation qui peut leur être donnée et qui influe sur le résultat. Si vous ne connaissez pas les règles de l'immigration, de l'agriculture ou d'autres domaines régis par des lois, comment pouvez-vous les appliquer? C'est ce qui nous préoccupe.

M. David Price: Mais ne suffirait-il pas d'offrir davantage de formation au départ? Et en outre, comme je l'ai dit, ils sont supervisés. Ils travaillent rarement totalement en autonomie.

M. Serge Charette: Je ne suis pas d'accord. D'après notre expérience, les étudiants sont affectés à une ligne et ils travaillent de façon autonome. Il n'y a pas d'inspecteur des douanes aguerri assis auprès d'eux pour les surveiller. Personne ne sait quelle sorte de décision ils rendent. Nous sommes également très inquiets de ce qu'on n'évalue pas le rendement de ces étudiants à la fin de chaque été. On les affecte à des lignes et ils fonctionnent avec un minimum d'information de base. C'est ce qui nous inquiète. Nous estimons qu'en affectant ces étudiants à des lignes, on réduit l'efficacité et le professionnalisme du travail des inspecteurs des douanes.

M. Cres Pascucci: Il y a des cas où les étudiants travaillent seuls, surtout dans aux points d'entrée plus petits, où il n'y a pas beaucoup d'agents d'immigration. C'est le cas de Cornwall et de Prescott-Lansdowne, pour vous en donner deux exemples, et peut-être aussi celui d'Aldergrove en Colombie-Britannique. Les étudiants pourraient travailler seuls dans ces cas.

Ce que nous disons surtout, c'est que le ministère devrait avoir un programme d'apprentissage, que les étudiants devraient être bien formés et qu'ils devraient faire partie de l'unité de négociation. Enfin, ces étudiants sont de la main-d'oeuvre à bas prix pour l'employeur. Pour les étudiants, c'est une expérience de travail. S'ils ont les mêmes fonctions et les mêmes responsabilités qu'un agent, ils devraient être rémunérés de la même façon. Nous croyons qu'ils devraient faire partie de l'unité de négociation.

• 1030

Le président: David a posé deux autres questions, l'une sur les régions éloignées et la combinaison des infrastructures, l'autre sur les échelles salariales.

M. Serge Charette: Pour ce qui est de la combinaison des infrastructures, nous sommes entièrement d'accord avec cela. Cette mesure a permis d'accroître grandement le niveau de sécurité dans ces bureaux. C'est surtout parce que les agents travaillent maintenant dans le même bâtiment qu'un agent américain armé. Ceux de nos membres qui travaillent dans ces bureaux n'ont fait que des commentaires positifs. Ils estiment que c'est une excellente mesure, et nous espérons qu'elle deviendra la norme partout au pays, surtout dans les bureaux plus petits, où il n'y a qu'une ou deux personnes. C'est une solution logique, et elle augmente la sécurité.

Pour ce qui est des salaires, il y a peut-être eu un problème à un moment donné, mais je crois savoir que ces agents sont tous maintenant au niveau PM 2.

Le président: D'accord.

Madeleine, puis Judy, Inky et Lynne. Le président posera peut-être ensuite une question.

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: J'aurai deux questions. La première fait référence au tout début de votre texte, monsieur Charette. Vous avez dit que 110 millions de personnes passaient par les douanes canadiennes, et vous dites: «Nombreux sont ceux et celles qui tentent d'entrer illégalement...» J'aimerais que vous me donniez un ordre de grandeur. Qu'est-ce que ça veut dire «nombreux»? Est-ce que c'est 1 p. 100? Qu'est-ce que c'est? Je ne sais pas si vous pouvez répondre à cela.

M. Serge Charette: En pourcentage, ce serait très difficile, mais je peux vous dire qu'il y a beaucoup d'Américains qui ont des dossiers judiciaires. Il y a aussi des gens qui viennent de l'extérieur de l'Amérique du Nord, c'est sûr, mais, définitivement, le point sur lequel nous voulions mettre l'accent, c'est qu'il y a beaucoup d'Américains aussi qui sont touchés par cela.

Ce n'est pas seulement une question d'immigration. Il faut vérifier tous ceux qui se présentent à la frontière, pas seulement ceux qui ont un passeport ou ceux qui demandent le statut de réfugié. Il faut vraiment questionner les 110 millions de personnes qui nous arrivent. Plusieurs ne donnent pas toute l'information ou vont répondre le minimum, si vous voulez. Alors, c'est difficile d'arriver à un pourcentage, mais je peux vous dire qu'il y a des milliers de personnes qui se présentent aux douanes, qui essayent d'entrer au Canada et qui n'ont pas le droit d'entrer au Canada.

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Alors, ce serait un certain nombre plutôt que «nombreux», si vous ne pouvez pas m'en donner une idée. D'accord?

M. Serge Charette: Pour nous, quand on parle de milliers, c'est nombreux, mais si on met cela en pourcentage, je comprends l'élément que vous essayez de soulever, et j'admets que c'est...

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: C'est la raison pour laquelle des données, c'est embêtant.

Ma deuxième question est la suivante. Dans votre document, vous avez fait allusion à la carte d'identité annoncée par Mme Caplan il y a quelques semaines. On ne sait pas encore ce qu'il va y avoir sur la fameuse bande magnétique. J'aimerais entendre ce que seraient vos souhaits quant aux données à inscrire sur cette bande magnétique.

[Traduction]

M. Cres Pascucci: Quand nous avons consulté nos membres, ils nous ont dit qu'à leur avis la carte elle-même n'éliminerait pas les fraudes, puisque ces cartes pourraient être transportées ou transférées. On a proposé qu'il y ait également des empreintes digitales qui permettraient d'identifier la personne. Pour ma part, je ne suis pas convaincu, mais c'est ce que nous ont dit nos membres. Ils veulent des moyens définitifs et ils ont pensé que c'était la meilleure façon de procéder.

Le président: Est-ce votre dernière question, Madeleine?

[Français]

Mme Madeleine Dalphond-Guiral: Oui, ça va.

[Traduction]

Le président: D'accord.

Judy.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Merci, monsieur le président.

Permettez-moi de faire une observation générale. Nous avons discuté aujourd'hui de toute cette question de trouver une solution bien adaptée à un problème qui, nous l'admettons tous, existe, c'est-à-dire le problème de l'arriéré. Janina et d'autres ont déclaré qu'il faudra traiter quelque 30 000 dossiers de réfugiés, avant et après la détermination de leur statut. Mais la nouvelle loi contre le terrorisme impose de nouvelles pressions. Ce qu'il faut se demander, c'est quelle est la bonne solution. Nous pouvons investir des ressources suffisantes dans le système pour avoir un modèle d'immigration et de détermination du statut de réfugié qui se fonde sur les valeurs canadiennes et qui, par définition, sera différent du modèle américain. Ce modèle devrait prendre en compte toutefois quelque chose dont Cres a parlé précédemment. Cela dépend dans une certaine mesure de la façon dont nous concevons la politique étrangère. Les Américains ne traiteront peut-être pas nécessairement des réfugiés du Salvador de la même façon que le Canada. Nous pouvons donc adopter cette solution ou alors dire comme l'Alliance l'a fait constamment qu'il faut détenir ces réfugiés, les renvoyer et rejeter leur revendication. Je m'inquiète simplement de ce que...

• 1035

M. Paul Forseth: Ne prêtez pas de propos à notre parti.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je me contente de citer la résolution de l'Alliance.

Le président: Ne tombons pas dans la partisanerie, cela allait si bien depuis deux semaines.

Mme Judy Wasylycia-Leis: Je veux simplement que ce soit clair. Les syndicats que nous avons entendus nous ont donné une idée de l'orientation à prendre. Je ne veux pas nécessairement me prêter à un programme réactionnaire qui va à l'encontre des valeurs canadiennes.

Le président: C'est une grande question et j'espère que la réponse sera brève. Cres, Janina et Serge.

M. Cres Pascucci: Il est plus important de respecter le processus que d'essayer de l'écourter pour donner du temps et de commettre une erreur. Dans nos décisions, nous devrions toujours faire attention de nous fonder sur l'objectif d'une société juste plutôt que sur des éléments qui ne relèvent pas vraiment de notre volonté. Le désir d'accroître la sécurité ne devrait jamais limiter les libertés et les avantages que le Canada offre à ses immigrants. Si cela signifie qu'il faut respecter un long processus pour immigrer au Canada, eh bien tant pis. C'est ce qui compte.

Le président: D'accord.

Serge.

M. Serge Charrette: Je vois les choses différemment. Je sais que les Américains s'attendent à ce que nous adoptions une orientation semblable à la leur. Comme je l'ai dit, les Américains ont déjà annoncé qu'ils engageraient 3 500 inspecteurs des douanes de plus et qu'ils effectueront des vérifications au Nord, c'est-à- dire qu'ils feraient des vérifications sur des personnes qui viennent au Canada. Ils pourront garder ces personnes aux États- Unis ou les renvoyer. Ils pourront les renvoyer des États-Unis s'ils ne les aiment pas plutôt que de leur permettre de venir au Canada. Nous devons donc montrer clairement aux Américains que nous comprenons leur situation et leurs préoccupations et que nous prenons les mesures nécessaires. Si nous ne leur donnons pas ce message, ils vont bloquer la frontière jusqu'à nuire aux importations commerciales, et cela signifie que des milliers d'emplois au Canada—et aux États-Unis aussi, mais ils pourront justifier cela auprès des Américains en disant qu'ils le font à des fins de sécurité. Nous devons être très prudents car si nous ne réagissons pas d'une façon qui plaît aux Américains, ceux-ci fermeront la frontière et cela deviendra un obstacle non tarifaire qui pourrait avoir des conséquences financières graves pour le Canada.

Le président: Vous avez peut-être raison, Serge, mais certains d'entre nous se sont dit impressionnés de ce que les populations locales des deux côtés de la frontière, les Canadiens et les Américains, ne croient pas que cela pourrait se produire. Il semble y avoir un écart profond entre ce qui se fait à l'échelle locale et entre ce qui se passe à Washington et Ottawa, ou plus précisément, par rapport à l'impression que Washington essaie de donner. C'est ce que nous essayons d'élucider. Il y a un tas de mythes, mais aussi une grande réalité que nous devons examiner et découvrir. Je crois toutefois que ces perceptions sont tout à fait justes, Serge.

Inky et Lynne, et ensuite nous reviendrons de ce côté-ci.

M. Inky Mark: Merci, monsieur le président.

Ma question concerne le processus. J'essaie de comprendre comment nous en sommes arrivés à 27 000 ordonnances d'expulsion. J'ai demandé au commissaire quel rôle il jouait lorsqu'une demande était rejetée par la CISR. Il dit que cela ne relève pas de son mandat à moins qu'on lui demande son aide. D'après ce que je comprends, donc, lorsqu'une demande est rejetée, elle est renvoyée à CIC, qui émet une ordonnance d'expulsion. Je sais que vous avez des agents chargés de l'exécution de ces mesures. Qu'arrive-t-il ensuite?

• 1040

Mme Janina Lebon: Je travaille au plus grand centre d'exécution de la loi, celui de Mississauga, le Centre d'exécution de la loi du grand Toronto. Nous ne nous occupons pas seulement des requérants dont la demande du statut de réfugié a été rejetée. Nous nous occupons de tous les dossiers, tous les cas de criminalité, tous les cas de séjour prolongés sans autorisation, absolument tous les dossiers. Ils se sont accumulés au fil des ans. Notre bureau a amorcé ses activités il y a quatre ans, avec un personnel de 250 employés. Aujourd'hui, nous sommes 300. Nous réussissons à expulser des personnes. En partie, la difficulté, c'est de les repérer. Nous avons même une unité distincte que l'on appelle le projet pilote pour les demandes de réfugié rejetées. Dès que la CISR prend une décision, nous sommes informés et nous arrivons à expulser les intéressés immédiatement. Mais cela exige du temps, et il a fallu attendre longtemps avant d'en arriver au point où nous en sommes.

L'ordonnance d'expulsion est habituellement émise au début du processus. Après que les demandeurs ont subi leur examen au point d'entrée, une ordonnance d'expulsion est rendue. Le traitement du dossier par la CISR peut prendre un an, deux ans, ou plus. Entre- temps, nous perdons la trace de ces personnes. Celles qui sont acceptées et traitées au centre d'Etobicoke ne posent pas de problème. Les personnes qui nous occasionnent des difficultés sont celles qui disparaissent dans la nature, certaines filent aux États-Unis, d'autres se cachent tout simplement. Voilà pourquoi nous avons eu de nombreux programmes d'amnistie par le passé.

M. Inky Mark: Le processus serait-il accéléré ou facilité si la GRC y participait?

Mme Janina Lebon: Il faut tout de même retrouver ces personnes. Notre système SSOBL est relié au CIPC. Ceux qui ont reçu la formation et la cote de sécurité nécessaires y ont accès, il y a donc un lien entre les deux. Nous avons également un lien limité avec le système de la CISR. À l'heure actuelle, on travaille sur une interface à grande échelle pour tout le ministère, de sorte que le système sera intégré d'un océan à l'autre. À une certaine époque, nos dossiers locaux n'étaient pas versés dans la base nationale. Que la GRC nous aide à trouver ces personnes, c'est bien beau, mais pour les repérer, il faut disposer de leur adresse, il faut faire des recherches, des enquêtes, et tout simplement les traquer un par un.

Le président: Lynne.

Mme Lynne Yelich (Blackstrap, Alliance canadienne): Je m'interroge sur le nombre de réfugiés que nous accueillerons. La ministre affirme que nous allons fixer un plafond annuel et que nous essaierons de le respecter. Le nombre de réfugiés que nous accueillons devrait-il être lié au nombre total d'immigrants? Il y a une limite qui est fixée pour le nombre d'immigrants dans la catégorie des entrepreneurs, dont certains sont parrainés. Qu'en est-il de la limite dans le cas des réfugiés? Le plafond que fixe la ministre devrait-il représenter un certain pourcentage du total? Que faire? Vous n'obtiendrez pas tout le personnel que vous voulez, vous l'aurez compris sans doute. Vous n'obtiendrez pas les 2 000 personnes que vous souhaitez. Il faut donc aborder le problème par l'autre bout. Que pouvons-nous faire pour régler ce problème? Il y a là un retard accumulé que nous pourrions vraiment éliminer.

M. Cres Pascucci: Il y a des réfugiés qui arrivent ici, mais il y a aussi des demandeurs à l'étranger. L'une des mesures que nos membres appuient pleinement, c'est d'augmenter le nombre de demandes qui sont traitées à l'étranger. Le comité exerce plus d'influence que nous et nous espérons qu'il réussira à convaincre le gouvernement d'élargir nos rangs, mais ça c'est une autre question. Je ne crois pas qu'on puisse fixer une limite au nombre de réfugiés.

Mme Lynne Yelich: Je me demande si on ne devrait pas traiter davantage de demandes à l'étranger, en raison des resquilleurs. Les vrais réfugiés ne parviennent pas à venir au Canada en raison de ceux qui pillent vos ressources et qui débarquent au Canada. Je ne pense pas que ce soit juste.

M. Cres Pascucci: C'est ce que nous avons fait au Kosovo. Nous l'avons aussi fait en Hongrie en 1956, puis au Vietnam plus tard. Nous avons mis en place ces programmes spéciaux. Nous devrions en faire davantage. Mais avant d'accepter d'en accueillir davantage, il faut se débarrasser de cette notion selon laquelle le nombre de réfugiés que nous pouvons accepter est limité.

Mme Lynne Yelich: Elle pense qu'il y a un quota.

Janina, je voudrais que vous développiez ce que vous craignez à propos de l'examen des risques avant renvoi. Je crois savoir qu'il existe un mot de passe qui vous permet d'entrer dans le système. C'est «je ne peux pas rentrer dans mon pays» ou «je mets ma vie en danger si je rentre dans mon pays» et c'est tout. Si vous ne prononcez pas cette phrase-là, vous êtes renvoyé.

Mme Janina Lebon: Le projet de loi C-11, devenu loi, comporte deux dispositions. Celle qui porte sur l'examen des risques avant renvoi dit: «la personne peut demander», mais si vous vous reportez à la disposition sur le renvoi, il y est dit qu'avant de pouvoir renvoyer quelqu'un—et puisque mon bureau s'occupe de ces renvois, cela me préoccupe énormément—il faut que ces personnes aient subi un examen des risques avant renvoi récemment, en personne ou par écrit.

• 1045

Le président: Janina, dans cette même veine, j'ai la loi devant les yeux. L'article 112—et c'est ainsi que nous l'avons formulé—dit: «peut demander», mais le paragraphe 49(1), qui porte sur les mesures de renvoi, dit: «La mesure de renvoi non susceptible d'appel prend effet immédiatement»; ainsi, si vous faites l'objet d'une mesure de renvoi, vous n'avez pas besoin d'un examen des risques avant renvoi ou d'interjeter appel car voici ce que dit l'article en question:

    49. (1) La mesure de renvoi non susceptible d'appel prend effet immédiatement; celle susceptible d'appel prend effet à l'expiration du délai d'appel, s'il n'est pas formé, ou quand est rendue la décision qui a pour résultat le maintien définitif de la mesure.

Là je pense que, sans voir les décrets d'application, l'article 49 est interprété largement et risque de donner l'impression qu'en fait, personne ne sers renvoyé car tout le monde pourra faire appel d'un examen des risques avant renvoi, ce qui n'est pas le cas du tout.

Mme Janina Lebon: Dans ce cas, pourquoi le ministère n'a-t-il pas effectué une étude indiquant que les renvois diminueront de beaucoup à la suite de cette mesure?

Le président: J'espère que le ministère effectue des études là-dessus car il faut savoir ce qui est possible ou non, mais tant que nous n'aurons pas des décrets d'application... Je comprends ce qui vous préoccupe, croyez-moi, et nous poserons la question à la ministre et aux hauts fonctionnaires. Mais je pense que vous avez choisi d'adopter le scénario le plus noir en la matière.

Mme Lynne Yelich: Je sais que dès que quelqu'un dit: «Je mets ma vie danger si je rentre dans mon pays», cette personne a droit à un examen des risques avant renvoi. Ainsi, si ces personnes sont instruites ou arrivent au Canada exprès pour abuser du système, elles savent parfaitement qu'elles auront droit à un examen des risques avant renvoi.

Mme Janina Lebon: N'oublions pas qu'elles auront droit aux services d'un avocat.

Mme Lynne Yelich: Je voudrais revenir aux chiffres que vous avez cités. Pour DRHC, vous avez cité le chiffre de 12 000, pour la CISR, 600 à 700 et pour Citoyenneté et Immigration, 4 000. Où intégreriez-vous ces ressources, à Citoyenneté et Immigration? Ce sont vos agents, vos intervieweurs, à ce niveau-là? Et qui seront ces personnes à DRHC?

M. Cres Pascucci: Non, DRHC ne participerait pas du tout à ce processus. Nous ne parlions que de ceux qui travaillent pour Citoyenneté et Immigration Canada. Nos ressources supplémentaires seraient de toute évidence intégrées en première ligne, mais ce serait aussi des agents d'exécution qui seraient chargés de l'arriéré des mandats.

Le président: Très rapidement, une question à Steve, puis Anita.

M. Steve Mahoney: Sur les 27 000 personnes environ qui sont au pays «illégalement», entre 10 000 et 20 000 d'entre elles travaillent dans l'industrie de la construction et construisent des maisons à Mississauga, comme pourrait vous le dire Janina, pour des gens qui attendent d'y emménager. Il est évident que les syndicats de la construction veulent que ces personnes puissent sortir de la clandestinité et bénéficier de l'indemnisation des accidents du travail, devenir syndiquées, etc. Je dirais que beaucoup d'entre eux ne sont pas des réfugiés mais des transgresseurs de leur visa de visiteur. Je n'ai pas de preuves concrètes, mais je soupçonne fort, d'après tous les travaux de recherche que j'ai effectués, que la vaste majorité d'entre eux font partie de cette catégorie. Ce ne sont pas des criminels. Ce ne sont certainement pas des terroristes. Un grand nombre d'entre eux sont ici, en fait, depuis un certain nombre d'années, ont eu des enfants et vivent au sein de la collectivité. Mais ils travaillent dans la clandestinité.

Je voudrais donc vous demander si vous prônez l'amnistie de ces personnes, pour éponger peut-être cet arriéré ou cette liste d'attente de 27 000 personnes, quel que soit le nom qu'on lui donne, et qu'on recommence à zéro? Nous pourrions donc purger le système plus rapidement, ne pas se soucier de l'examen des risques avant renvoi, sans compter toute la charge de travail que vos membres devraient assumer si cet arriéré n'était pas épongé. Qui plus est, les gens qui sortiront ainsi de la clandestinité verseront des cotisations syndicales aux syndicats de la construction et tout le monde sera très heureux. Qu'en pensez-vous?

M. Cres Pascucci: Laisser la porte ouverte, c'est cela?

Vous savez que nous ne sommes pas ceux qui décident. Dès qu'un programme d'amnistie est annoncé, des critères s'appliquent. Il faut tenir compte de leur contribution à la société, de ce qu'ils ont fait pendant leur séjour ici et une période minimum s'appliquera. Notre syndicat n'a pas de position à exprimer.

M. Steve Mahoney: Êtes-vous cependant d'accord avec l'analyse que je viens de faire?

M. Cres Pascucci: Oui. Ces 27 000 personnes ne sont pas en général des criminels endurcis, mais il y en a, et ce sont ceux-là qui préoccupent tout le monde. Alors poursuivons-les. Ne nous préoccupons pas des statistiques. Si vous vous souvenez du cas Baylis à Toronto, et la tuerie qui y a eu lieu, une des raisons pour lesquelles cela s'est produit, c'est parce que nous nous sommes trop intéressés aux statistiques. Les revendications ont été traitées très rapidement.

M. Steve Mahoney: Just desserts.

M. Cres Pascucci: En effet.

Le président: Lynne.

• 1050

Mme Lynne Yelich: Je voudrais simplement faire une observation. Je vous félicite, messieurs. Tout le monde a vu ce qui se passait et c'était absolument extraordinaire. Le travail effectué entre les services des douanes et d'immigration américain et canadien est absolument fantastique. Je suis donc ulcérée lorsque je lis dans le National Post que Bush dit qu'il faut se rapprocher du Canada et commencer à collaborer. Je suis très surprise.

Il semble y avoir quelques différences. Vous êtes déjà en première ligne d'après ce que j'ai vu à l'aéroport de Dorval et vous vous réunissez déjà. Ou vont-ils commencer ce projet pilote dès maintenant et rencontrer les responsables des Douanes et de l'Immigration? Je suis surprise d'entendre qu'un projet pilote de ce genre n'a pas encore été suggéré, que rien n'a été fait jusqu'à présent. Mais l'aéroport de Dorval a mis sur pied un projet pilote et il semble excellent. Il aidera vos étudiants également. Je me pose la question car il me semble que vous n'avez pas encore songé à lancer des projets pilotes.

Mme Janina Lebon: Je sais, par exemple, qu'à l'aéroport Pearson, à une époque, il y avait une équipe de débarquement; autrement dit, une équipe d'agents d'immigration qui faisaient des contrôles rapides de sécurité dès la sortie de l'avion. Il y a donc eu des projets pilotes, mais rien d'uniforme ou mixte.

Le président: Merci.

Avant de vous remercier de cette séance fort instructive, je me demande si vous pourriez apporter quelques précisions.

Nous voudrions évidemment poser cette question au ministère. Tout à l'heure, quelqu'un a posé une question à propos du nombre de gens qui ont quitté le ministère depuis 1993-1994. Tout le monde semble avancer un chiffre hypothétique. Le syndicat devrait savoir à combien s'élevait le nombre de ses syndiqués à une époque. Nous ne voulons pas obtenir ce chiffre des journalistes. Nous nous intéressons beaucoup aux ressources humaines. Nous voulons savoir combien vous étiez avant l'examen des programmes et combien d'employés doivent être recrutés, et si le chiffre de 2 000 correspond à vos désirs ou s'il est un peu plus tangible. Peut-être pourriez-vous nous faire parvenir votre réponse par écrit.

M. Cres Pascucci: Avec plaisir.

Le président: De quelle unité de mesure vous servez-vous? Les Douanes dépendent de la circulation des automobiles, des camions. Je voudrais vraiment comprendre les critères qui sont retenus pour arriver au nombre d'employés dont vous avez besoin. Vous pouvez répondre à cette question dès maintenant ou nous faire parvenir une réponse un peu plus détaillée.

Deuxièmement, à propos des 72 heures qui vous préoccupent, et nous en avons entendu parler localement également, je pense qu'il faudra attendre la réglementation qui s'appliquera au projet de loi C-11. Vous avez tout à fait raison, il faut consacrer beaucoup de temps au service de renseignement et à la criminalité. Cela ne figure dans aucun système, qu'il s'agisse du CPIC ou d'Interpol, vous ne saurez jamais qui ils sont, en particulier s'il n'existe aucune documentation. Là encore, je crois que ces 72 heures sont floues et qu'on ne sait pas vraiment ce qu'on peut obtenir en 72 heures.

Je le répète, nous essaierons d'en parler avec plus de précision au ministre et au ministère. On pourrait décider, en fonction de l'intelligence moyenne d'un agent des douanes ou de l'immigration, que si quelqu'un ne collabore pas, ne possède pas de papiers, on peut en fait le détenir, l'expulser ou le renvoyer. Il faut espérer que nous n'obtiendrons pas tous ces renseignements de l'étranger en 72 heures. Mais en fait, les contrôles de sécurité à l'arrivée sont effectués pour s'assurer que les personnes les plus indésirables ne pénètrent pas ce pays. Il me semble que les contrôles de criminalité viendront après. Même s'ils revendiquent le statut de réfugié, une fois qu'on aura découvert que ce sont des criminels dangereux, nous pourrons mettre un terme à leur revendication et les expulser, les détenir ou faire ce qu'on doit faire.

Pouvez-vous me dire ce à quoi vous pensiez lorsque vous avez parlé de ces 72 heures? Où, dans le projet de loi, figure la disposition selon laquelle tout ce travail doit être fait en 72 heures? Je suis d'accord avec vous, ce n'est pas possible. Alors n'essayons pas de nous leurrer. On ne peut pas accomplir grand-chose en 72 heures même à l'aide des techniques les plus modernes et de ressources humaines à la pelle. Peut-être pourriez-vous nous donner davantage de détails là-dessus.

M. Cres Pascucci: Vous avez dit, et nous l'avions dit auparavant, que les décrets d'application nous permettront d'y voir plus clair. Il faut donc examiner leur libellé, car de nombreuses parties du projet de loi C-11 ne sont pas assez détaillées. Examinons les décrets d'application et nous pourrons ensuite prendre de meilleures décisions.

Le président: Ma dernière question porte sur ce que vous avez dit tous deux, et c'était très clair. En Europe, les gens viennent en premier, et, en raison de la manière dont l'union des douanes est constituée, les gens auxquels on a affaire en premier sont les agents d'immigration. Aux États-Unis, l'immigration et les douanes se chevauchent. Dans notre pays, les douanes sont suivies de l'immigration. Je pense vous avoir entendu tous deux indiquer que cette fonction devrait être amalgamée, que les douanes et l'immigration devraient tous deux établir les priorités et non pas accorder plus de poids aux marchandises qu'aux gens. Est-ce ainsi que vous voyez les choses?

• 1055

M. Serge Charette: Ce n'est pas la position officielle de l'Union Douanes et Accise. En fait, nous estimons que nous devons compter davantage sur le secteur de l'immigration pour obtenir de l'information. Si nous devons partager ces responsabilités, les responsables de l'immigration devront non seulement suivre une formation en immigration, mais connaître tous les autres textes législatifs qui doivent s'appliquer concurremment. C'est assez difficile. Si les agents d'immigration vont être en première ligne, il appartient au gouvernement d'en décider. Vous pouvez le faire, mais vous devez garder à l'esprit qu'une fois sur place, il ne s'agit pas simplement d'appliquer la législation sur l'immigration, mais 70 autres textes de loi.

Le président: Serge, pour revenir à ce que vous avez dit à propos des Américains, il me semble que ce sont les gens qui sont responsables du terrorisme et non les marchandises. Je ne sais plus trop quoi penser, mais s'il faut choisir, je préférerais qu'on contrôle les gens avant de contrôler les marchandises. Je ne sais pas comment vos membres, qui doivent composer avec 70 textes de loi différents, peuvent également s'occuper de l'immigration à visage humain. Soit ces deux fonctions sont assumées conjointement et donc de manière plus efficace, à mon avis, soit l'immigration est privilégiée, dans les aéroports ou dans certaines zones désignées, peut-être. Si vous voulez trouver des terroristes, il faut que vous procédiez au contrôle des gens.

Cres, pourriez-vous me dire ce que vous privilégierez?

M. Cres Pascucci: Je pense qu'il faut savoir qu'à une époque, l'immigration était la première ligne d'inspection, il y a de nombreuses années...

Le président: En 1967...

M. Cres Pascucci: Nous y étions, n'est-ce pas?

Le président: Oui.

M. Cres Pascucci: Je pense qu'il faut assurer une présence plus musclée en première ligne, que nous soyons en première ligne ou non. C'est une question que les ministères devront aborder avec le gouvernement, mais il faut assurer une plus grande présence de l'immigration.

Le président: Steve.

M. Steve Mahoney: Les gens en première ligne à Lacolle, au Québec, qui accueillent 5 000 demandeurs du statut de réfugié en provenance des États-Unis, nous ont dit que les 72 heures—et ce, pour votre gouverne—ne les toucheraient pas, étant donné qu'ils rendent leur décision en moins de 72 heures. Vous voudrez donc peut-être leur parler.

Le président: Au nom du comité et de la population canadienne, je voudrais remercier chacun de vos membres du travail acharné qu'il accomplit pour ce pays.

Je vous remercie de vos excellents exposés, d'avoir été ouverts et francs et de nous avoir dit ce que vous pensiez de la sécurité aux frontières et du projet de loi C-11. Je suis sûr que nous aurons l'occasion de nous revoir.

Merci infiniment. La séance est levée.

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