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HERI Réunion de comité

Les Avis de convocation contiennent des renseignements sur le sujet, la date, l’heure et l’endroit de la réunion, ainsi qu’une liste des témoins qui doivent comparaître devant le comité. Les Témoignages sont le compte rendu transcrit, révisé et corrigé de tout ce qui a été dit pendant la séance. Les Procès-verbaux sont le compte rendu officiel des séances.

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STANDING COMMITTEE ON CANADIAN HERITAGE

COMITÉ PERMANENT DU PATRIMOINE CANADIEN

TÉMOIGNAGES

[Enregistrement électronique]

Le mardi 13 mars 2001

• 0903

[Traduction]

Le vice-président (M. Dennis Mills (Toronto—Danforth, Lib.)): Le quorum est atteint. Maintenant que M. Wilfert est arrivé, nous pouvons commencer.

Je veux que nous avancions rapidement, puisqu'après l'étude des questions concernant le ministère, ce matin, nous recevrons la nouvelle présidente de Chapters-Indigo. Je suis convaincu que les députés voudront...

[Français]

Mme Christiane Gagnon (Québec, BQ): Le président est-il ici?

Le vice-président (M. Dennis Mills); Il est au Comité de l'environnement.

Mme Christiane Gagnon: D'accord.

[Traduction]

Le vice-président (M. Dennis Mills): Avant d'entendre les fonctionnaires, voulez-vous que nous traitions de l'avis de motion de Christiane? En avez-vous tous reçu copie?

M. John Harvard (Charleswood St. James—Assiniboia, Lib.): Non, je ne l'ai pas.

• 0905

Le vice-président (M. Dennis Mills): Voulez-vous parler de votre motion, Christiane?

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Oui. Étant donné l'impact que la Zone de libre-échange des Amériques pourrait avoir sur la capacité de l'État à défendre et promouvoir la culture, je propose que le Comité permanent du patrimoine canadien convoque la ministre du Patrimoine canadien, les fonctionnaires du ministère ainsi que les responsables de la négociation de la Zone de libre-échange des Amériques, ainsi que tous les intervenants qui sont concernés par cette question.

Le Sommet des Amériques aura lieu au mois d'avril, et il serait important qu'on puisse au moins en discuter. On dit que les parlementaires n'ont pas accès à certains renseignements et on pourrait tout au moins se questionner sur l'impact de la ZLEA sur la culture. Je demande que ce soit une priorité pour le comité au cours des prochains mois.

[Traduction]

Le vice-président (M. Dennis Mills): Des commentaires?

M. John Harvard: Je crois que la députée propose une rencontre avec la ministre et ses fonctionnaires, seulement une séance.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Vous voulez le faire en une séance?

[Traduction]

M. John Harvard: Je présume que vous proposez une séance avec la ministre et ses fonctionnaires.

Mme Christiane Gagnon: Oui, mais d'autres séances pourraient être nécessaires, si nous devrons recevoir d'autres témoins.

M. John Harvard: Monsieur le président, je n'ai pas d'objection s'il ne s'agit que d'une séance, avec la ministre et ses fonctionnaires. Je ne voudrais pas qu'on s'étende sur deux ou trois séances. Je ne crois pas que cela soit nécessaire.

Mme Christiane Gagnon: Des gens du milieu de la culture veulent être invités pour parler de la ZLEA du point de vue du patrimoine, au Québec. Des gens veulent poser des questions aux parlementaires et c'est la raison de ma motion.

Le vice-président (M. Dennis Mills): D'autres membres du comité veulent-ils formuler des commentaires? Ce n'est qu'un avis de motion, pour l'instant.

Avons-nous atteint le quorum? Combien devons-nous être?

La greffière du comité: Neuf.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Il nous manque donc encore une personne. Si vous avez des observations ou des préoccupations à formuler, nous pourrons y revenir quand nous serons en nombre suffisant, mais je trouve que c'est une bonne idée. Y a-t-il des personnes que cela rend mal à l'aise?

M. John Harvard: Monsieur le président, je ne suis pas mal à l'aise, mais notre temps est précieux. Si la députée demande simplement que soit précisée la position du gouvernement sur diverses questions découlant du sommet, très bien. Il peut y avoir des gens, des groupes de pression, qui ont des questions. Les députés sont là pour cela. Ils peuvent poser les questions en leur nom. Je ne pense pas qu'une série de séances soit nécessaire, avec des témoins et tout le tralala.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Nous ne parlons que de la ministre, ici.

M. John Harvard: Voilà pourquoi j'essaie d'obtenir des précisions de la part de la députée, et qu'on s'entende sur le fait que ce ne sera qu'une seule séance avec la ministre et ses fonctionnaires, pour préciser la position du gouvernement.

Le vice-président (M. Dennis Mills): C'est justement ce qu'on dit ici.

M. John Harvard: Non, la députée a laissé entendre qu'il pourrait y avoir d'autres témoins que la ministre et ses fonctionnaires. C'est pourquoi je demande cette précision.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Des personnes du secteur culturel s'inquiètent de l'impact de la ZLEA sur la culture et elles voudraient se faire entendre au comité pour nous parler de leurs inquiétudes et partager avec nous leurs réflexions quant à l'impact de la ZLEA sur la protection culturelle.

Je pense qu'un comité, c'est fait pour ça aussi. Les députés doivent s'ouvrir les yeux sur les inquiétudes des gens qu'ils représentent au Comité du patrimoine canadien.

[Traduction]

Le vice-président (M. Dennis Mills): Christiane, je lis dans votre motion: «la ministre du Patrimoine, les fonctionnaires». Vous allez maintenant au-delà de la motion. Je n'ai pas d'objection pour «la ministre et les fonctionnaires», comme dit la motion. Ce n'est qu'un avis de motion, de toute façon. Nous en reparlerons à la prochaine séance, et il y aura une mise aux voix. Je pense que c'est en effet une bonne idée que la ministre et ses fonctionnaires... Mais s'il doit y avoir d'autres témoins, d'autres parties intéressées qui ont un point de vue à exprimer ou des questions à poser, ils peuvent se manifester, auprès de chaque député, et nous poserons leurs questions à la ministre.

• 0910

Voilà donc pour l'avis de motion. Nous en reparlerons jeudi, et nous allons maintenant...

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Un instant, monsieur. Je ne sais pas si vous avez la même version que moi de ma motion, celle qui a été acceptée hier, mais cette motion indique que le comité entendra les témoins qui sont concernés par cette question.

[Traduction]

C'est la dernière phrase.

[Français]

C'est la dernière phrase de la motion. Donc, cela implique la ministre du Patrimoine canadien, les fonctionnaires, ceux qui sont impliqués dans les négociations, ainsi que les témoins qui sont concernés par cette question.

[Traduction]

Le vice-président (M. Dennis Mills): Je vois. Mes excuses. Vous avez donc présenté votre avis de motion, et nous y reviendrons jeudi.

Le quorum est atteint.

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert (Oak Ridges, Lib.): Monsieur le président, je voulais justement parler de la dernière partie de la motion.

Je crois que c'est une bonne idée de convoquer la ministre et ses fonctionnaires. Nous pourrions voir ensuite ce qui découlera de cette séance. S'il doit y avoir d'autres témoins, si c'est ce que souhaite le comité, je veux que nous sachions quels témoins sont proposés et je veux m'assurer que ce groupe de témoins représente une base assez large. Il reste qu'à mon avis, ce serait une bonne chose de rencontrer la ministre dès que possible, puisque les incidences du sommet sont extrêmement importantes. Nous en reparlerons donc à la prochaine séance?

Le vice-président (M. Dennis Mills): Oui.

M. Bryon Wilfert: Merci.

Le vice-président (M. Dennis Mills): C'était un avis bien suffisant.

Chers collègues, nous revenons maintenant à l'examen présenté par MM. Wernick et Clarke, du ministère du Patrimoine canadien.

Pour ceux qui en ont été prévenus trop tard, je vous signale aussi que quand les fonctionnaires du ministère auront terminé, nous recevrons comme témoin Heather Reisman, chef de la direction de Chapters, qui viendra nous parler du deuxième sujet à l'ordre du jour, ce matin. Je vous le signale au cas où certains d'entre vous n'auraient pas eu le temps de réfléchir aux préoccupations ou aux questions que vous pourriez vouloir soulever pendant cette deuxième partie de notre séance.

Bienvenue, monsieur Wernick. Allons-y.

M. Michael Wernick (sous-ministre adjoint, Développement culturel, Patrimoine canadien): Merci, monsieur le président.

Nous vous proposons d'abord un bref exposé, un résumé de notre travail dans le domaine, puis nous répondrons aux questions des membres du comité, si vous êtes d'accord.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Très bien.

M. Michael Wernick: Je vais formuler quelques observations liminaires puis je donnerai la parole à mon collègue, M. Clarke.

En jetant un coup d'oeil autour de la table, je constate que la plupart des membres du comité sont nouveaux et n'ont pas participé à l'étude sur l'édition, l'an dernier. Je vais simplement revenir sur l'importance de cette étude pour le débat et pour la discussion entourant la question de l'industrie canadienne du livre.

Votre comité a reçu plus de 50 témoins de tout le pays, sur une période de trois ou quatre mois, et s'est penché sur tous les aspects du commerce du livre—les éditeurs, les écrivains, les grossistes, les distributeurs, les détaillants, le commerce électronique, etc. Il a examiné comment les morceaux du casse-tête s'agençaient. Votre étude et le rapport que vous avez présenté au gouvernement l'été dernier portaient sur trois tendances ou changements évidents dans l'industrie du livre, dans son fonctionnement, qui se sont manifestés au cours des dernières années et qui continuent d'avoir un effet, et qui pourraient en avoir sur divers intéressés.

La première de ces grandes tendances, c'est l'innovation technologique, particulièrement la technologie de l'information, le numérique, etc. Il y a ensuite l'incidence de l'arrivée au Canada des grandes librairies, et leurs effets sur le secteur. Troisièmement, les pratiques et les tendances chez les grossistes, ainsi que certaines questions de propriété se rapportant aux liens entre les maisons d'édition, les grossistes et les détaillants.

Le comité nous a demandé de faire le point, en l'informant sur le travail effectué depuis la présentation du rapport au gouvernement, il y a près de 10 mois. Plutôt que d'y aller recommandation par recommandation, et même si nous serons ravis de répondre à vos questions sur les recommandations, je propose qu'Allan vous parle de ces trois principales questions et qu'il résume le travail qui est en cours au ministère.

En bref, j'estime que le rapport du comité de l'an dernier était un diagnostic très juste, une observation très exacte des problèmes et de l'état du marché du livre à l'époque. Cette perception des problèmes est encore très pertinente et très juste. La plus importante contribution du comité a été de cerner le fonctionnement du système, en tant que système, plutôt que de se concentrer sur les questions qui intéressaient plus particulièrement les écrivains, les éditeurs, et les petits ou les gros détaillants.

Le rapport examinait de manière très approfondie l'agencement des morceaux du casse-tête de l'ensemble du commerce du livre. Nous pensons que les recommandations faites par le comité et qui portent sur l'ensemble du secteur sont très constructives et jettent des bases utiles à partir desquelles nous, comme d'autres, pouvons travailler.

• 0915

Je m'arrête ici et je vais demander à Allan de vous présenter très brièvement certaines de ces questions, puis nous pourrons répondre à vos questions.

M. Allan Clarke (directeur général, Politique et programmes de l'édition, Patrimoine canadien): Nous avons cerné quatre thèmes dans le rapport du comité. Je suis à la page 2: «Relever les défis». Les innovations technologiques nous permettent de créer un commerce du livre plus efficace. On peut améliorer la collecte et l'utilisation des données sur l'industrie. On peut en faire plus pour promouvoir les livres et les auteurs canadiens. Le gouvernement peut jouer un rôle favorable au changement.

L'incidence des retours, pour le secteur, était l'une des principales préoccupations des témoins pendant les audiences du comité. Le taux élevé de retours au Canada devrait être réduit—sans pourtant nécessairement être entièrement éliminé—par une meilleure gestion de la distribution. Les technologies actuelles permettent de simplifier le contrôle des inventaires et les communications et l'accès aux données sur les ventes, et de rendre la production plus économique. Elles pourraient aussi permettre au secteur d'avoir de meilleures données sur le marché, d'adopter des pratiques d'impression et de commande plus éclairées ainsi qu'une meilleure gestion des inventaires.

De tels résultats ont été obtenus dans d'autres marchés, et le Royaume-Uni a mis au point une gamme de services intégrés qui ont beaucoup augmenté l'efficacité des maisons d'édition, des distributeurs, des grossistes et des détaillants. La norme du Royaume-Uni pour l'échange de données informatisées accélère et accroît la capacité de commandes de livres pour la chaîne d'approvisionnement, en plus de permettre le paiement électronique des factures.

Le suivi des ventes de livres aux consommateurs a été l'une des plus récentes innovations au Royaume-Uni. Un réseau commercial recueille quotidiennement les données aux points de vente, chez les détaillants britanniques, compile les données de diverses manières pour les éditeurs, pour fins de commercialisation et de promotion, d'analyse des tendances en vue des décisions relatives à l'impression, et de gestion d'inventaires. Ces données permettent de répondre à certaines questions comme: Qu'est-ce qui se vend? À quel prix? Que faut-il avoir en stock? Que faut-il commander? Quelles catégories peuvent être améliorées? Quand tel ou tel livre se vend-il? En quelles quantités? À quel prix?

Depuis l'instauration du suivi des livres, il y a quatre ans, au Royaume-Uni, les retours à l'éditeur sont passés de 17 à 13 p. 100 des ventes. Un tel recouvrement de ventes perdues serait un gain important pour un secteur du livre comme celui du Canada, où les marges de profit sont historiquement bien inférieures à 10 p. 100 et les retours, de l'ordre de 30 à 35 p. 100.

Nous avons déjà commencé à travailler là-dessus, et dans les mois à venir, nous terminerons des études pour déterminer si le secteur canadien est prêt à adopter une technologie semblable. Plus précisément, nous nous pencherons sur l'état des ressources bibliographiques et des normes de l'EDI au Canada, nous commanderons une étude sur les incidences et les causes du nombre actuel de retours et nous examinerons dans quelle mesure le secteur est prêt à mettre en place un système de collecte et de diffusion de données à partir des points de vente.

Le rapport du comité proposait aussi que soient apportées des améliorations considérables à la collecte et à la diffusion opportune de données exactes. Les données existantes, fournies par Patrimoine canadien, par l'Association pour l'exportation du livre canadien, par le Conseil des Arts, par Statistique Canada et par la Bibliothèque nationale représentent une mine d'information pour le secteur du livre. Patrimoine canadien a créé un comité consultatif sur les statistiques de l'industrie du livre pour rassembler ces organismes, ainsi que des représentants de l'industrie, pour parler des questions relatives à la collecte données, pour simplifier les données existantes ainsi que leur diffusion et leur collecte. Quand de meilleurs statistiques seront disponibles, de nouveaux outils pourront être mis au point pour aider l'industrie et le gouvernement à cerner et saisir les tendances de l'industrie, à mieux comprendre le marché et à évaluer le rendement. Par exemple, nous envisageons la mise sur pied d'un outil d'analyse comparative électronique sur Internet qui permettrait...

Le vice-président (M. Dennis Mills): Monsieur Clarke, pardonnez-moi de vous interrompre, mais l'interprète a bien du mal à vous suivre et je vous demande de vous efforcer de parler plus lentement. Si vous préférez nous en parler, sans lire votre texte, nous n'avons pas d'objection. Vous connaissez très bien ce sujet. Détendez-vous, il n'y a pas de raison de vous stresser, ici, ce matin.

M. Allan Clarke: Bien, mais j'ai tendance à parler vite, tout naturellement.

Bon. Nous avons mis sur pied un comité consultatif sur les statistiques de l'industrie du livre. Il rassemble les organismes dont je viens de parler, qui se penchent sur les questions de collecte de données, afin de simplifier les données actuelles et leur collecte. Quand nous aurons en main ces données, nous pourrons mettre au point de nouveaux outils pour aider le secteur. J'ai parlé d'un outil d'analyse comparative sur Internet. Les maisons d'édition pourraient s'en servir pour évaluer leur rendement par rapport aux normes de l'industrie, cerner leurs points forts et leurs points faibles et prendre des mesures visant à améliorer les résultats.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Monsieur Merrifield, avez-vous une question?

M. Allan Clarke: Je n'ai pas tout à fait terminé, encore.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Ah, bien.

• 0920

M. Allan Clarke: Passons à la page «Promouvoir les livres canadiens». Nous offrons actuellement un soutien aux maisons d'édition, pour la commercialisation et la promotion de livres et d'auteurs canadiens, dans le cadre du Programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition. Des fonds sont aussi disponibles pour les événements ou campagnes de soutien pour le livre canadien: Le Salon du livre, Word on the Street Book Fair, la Journée mondiale du livre et du droit d'auteur et la Journée du livre au Canada. Nous essayons d'en faire le plus possible avec notre financement en appuyant des événements promotionnels de grande échelle, des campagnes de ventes nationales, des efforts médiatiques connexes, etc.

En septembre dernier, nous avons aussi créé le Forum sur l'industrie du livre, suivant une des recommandations clé du rapport. Tous les secteurs de l'industrie sont représentés au forum: maisons d'édition, distributeurs, grossistes et écrivains. Il offre l'occasion de discuter d'importantes questions pour l'industrie et il permet de commander des recherches ou de prendre des mesures relativement à des préoccupations des membres.

Au cours des six derniers mois, il y a eu environ six rencontres. Prenons un exemple du travail concret du comité: nous avons invité le directeur général de BookTrack, du Royaume-Uni, pour qu'il explique le fonctionnement de BookTrack au Royaume-Uni et ses avantages pour l'industrie.

Ce forum sert de moyen pour mettre de l'avant diverses initiatives, comme les études prévues sur les retours et d'autres questions se rapportant aux approvisionnements. D'ailleurs, on a demandé au forum d'examiner divers mandats de recherches qui seront entreprises au cours des mois à venir.

Les démarches que je vous ai décrites assez rapidement visent divers résultats. Nous voulons une réduction des coûts pour la production-distribution, ainsi que des retours, éventuellement. Nous essayons de mettre au point une approche plus stratégique et plus inclusive pour traiter des enjeux de l'industrie dans son ensemble. Nous souhaitons aussi une meilleure collecte de données, et une meilleure utilisation de celles-ci et, bien entendu, une sensibilisation de la population aux livres et aux auteurs canadiens.

Voilà donc un aperçu du travail entrepris au ministère du Patrimoine canadien pour faire suite aux travaux du comité permanent, qui a examiné l'industrie du livre, l'an dernier.

Nous répondrons volontiers à vos questions.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Monsieur Merrifield.

M. Rob Merrifield (Yellowhead, AC): J'essaie simplement de savoir exactement où on s'en va. Je n'ai pas de question pour l'instant.

Le vice-président (M. Dennis Mills): Bien, pas de problème.

Madame Libby Davies.

Mme Libby Davies (Vancouver-Est, NPD): J'ai une question. Mais auparavant, je signale que ma collègue Wendy Lill a eu un empêchement aujourd'hui et qu'elle s'intéresse toujours beaucoup à la question.

Le comité a présenté un rapport il y a huit mois. Parmi les recommandations qu'il contient, il en est une qui réclame l'établissement d'un comité interministériel permanent permettant de consulter les représentants de l'industrie de façon opportune sur toute tendance négative dans le domaine de la création, de la production ou de la distribution de livres d'auteurs canadiens. C'était une des recommandations centrales du rapport: garantir la mise en place d'un mécanisme pour que, avant qu'une autre crise n'éclate, on puisse déjà y parer. Voici donc ma question: je voudrais savoir ce que, 10 mois plus tard, le ministère utilise pour surveiller les récents événements que nous avons connus, comme par exemple la prise de contrôle de Chapters. Ce comité interministériel a-t-il été constitué? Dans l'affirmative, qu'a fait le comité pour répondre de façon opportune aux événements qui nous amènent ici?

M. Michael Wernick: Permettez-moi de tenter de répondre.

Nous travaillons en étroite collaboration avec les autres partenaires qui s'intéressent aux livres ou aux questions littéraires, comme le Conseil des Arts, qui appuie les artistes. Nous harmonisons nos programmes de façon très étroite pour ce qui est des critères d'admissibilité et des périodes où nous offrons de l'aide, et nous échangeons des renseignements concernant la situation des sociétés ou des maisons qui s'adressent à nous.

Nous avons aussi des liens étroits avec le Bureau de la concurrence qui s'occupe des entorses à la concurrence dans l'industrie. Nous avons donc fourni au bureau nos analyses, nos données et nos connaissances sur le secteur de l'édition, étant entendu que l'application de la Loi sur la concurrence relève du bureau. Ce dernier rendra une décision en application des dispositions de la Loi sur la concurrence et déterminera s'il y a entorse à la concurrence et si d'éventuelles poursuites s'imposent. Sachez que nous avons d'excellents rapports professionnels avec nos collègues du bureau.

• 0925

Je vous ai parlé des principaux partenaires qui s'occupent de l'édition. La Bibliothèque nationale en est un autre pour certains aspects et nous avons constitué des groupes de travail pour des dossiers particuliers dans lesquels la Bibliothèque nationale joue un rôle. Ce qui est important, ce n'est pas tant la création d'un comité mais le maintien de rapports quotidiens de ce genre, et je puis vous assurer que c'est ce que nous faisons.

Depuis l'an dernier, le véritable changement s'est produit par la constitution du forum sur l'industrie du livre, c'est-à-dire un groupe qui se réunit tous les mois ou toutes les six semaines, et il est constitué d'auteurs, d'éditeurs, de libraires, de détaillants et de grossistes. Cela nous donne une réaction immédiate, car on nous dit ce qui se passe dans le domaine, et nous pouvons mesurer leur degré de malaise ou de confort. Je pense que, par rapport à la situation d'il y a quelques années, nous sommes mieux à même de prendre le pouls de l'industrie.

Mme Libby Davies: Ai-je le temps de poser une question complémentaire?

Le vice-président (M. Dennis Mills): Oui.

Mme Libby Davies: Je reviens au rapport lui-même. Il me semble que les membres du comité, dans ce rapport, essayaient d'aller encore plus loin. Il est très louable que le ministère ait de bons rapports avec les principaux intervenants de l'industrie. Toutefois, il s'agissait, selon la recommandation, de prévoir un mécanisme permettant de transmettre aux membres du comité un suivi, car cette situation, manifestement, inquiète les Canadiens au plus haut point.

Je vous demande donc de nouveau où en est la mise en oeuvre de cette recommandation en particulier et si le ministère du Patrimoine canadien envisage en fait de créer un comité interministériel permanent afin que, par exemple, une question comme les conséquences de la prise de contrôle de Chapters et ce qu'elle signifie du point de vue des restrictions imposées à la propriété étrangère fasse l'objet d'une discussion dans une tribune et d'un rapport transmis à notre comité. Nous sommes aujourd'hui saisis de cette question et je vous saurais gré de nous dire ce qu'il en est.

M. Michael Wernick: Pour ce qui est de la propriété étrangère, nul n'est besoin d'un comité car je procède à un examen de la propriété étrangère et je fais des recommandations au ministre, c'est-à-dire que c'est la même direction du ministère qui s'en occupe.

Nous établirons volontiers une structure officielle quelconque, au besoin, et nous fournirons volontiers également aux membres du comité un rapport sur l'état de l'édition, une fois l'an. C'était une des recommandations et ce sera relativement facile de la mettre en oeuvre.

Bien entendu, il y a la difficulté de trouver des repères actuels pour savoir ce qui se passe sur le marché, car les enquêtes de Statistique Canada sont vieilles de trois ans. Nous espérons qu'un des bénéfices de l'investissement que nous espérons pouvoir faire dans les technologies des points de vente, ces nouveaux systèmes d'information, sera de pouvoir compter sur ce genre de tableau ponctuel, à jour, nous permettant de savoir ce qui se passe dans les diverses composantes de l'industrie. Cela nous aiderait grandement. Nous essayons de voir comment on pourrait, sur une base trimestrielle, semestrielle ou annuelle, mettre ces données sur un site Web, pour qu'elles puissent servir non seulement aux décideurs de la politique publique mais également aux gens du monde du livre.

M. Allan Clarke: Grâce aux recommandations du comité permanent faites l'année dernière, nous avons réussi à intensifier, sur une base multilatérale et bilatérale, nos rapports avec les gens de l'industrie, de même qu'avec les représentants des autres ministères et organismes chargés du dossier. Même s'il n'existe pas de mécanisme officiel de suivi de chaque dossier, divers groupes ont été constitués pour y voir, c'est-à-dire se pencher sur l'aspect statistique ou encore sur l'ensemble d'une situation. Nous avons des projets très intéressants sur la façon de tirer parti de la compétence de ces groupes dans le cas de certains dossiers et j'ajouterais que le travail de ces groupes nous a déjà été très utile.

Mme Libby Davies: Malgré la recommandation du comité, aucun mécanisme permanent n'a été constitué. Vous dites cependant que vous avez des voies plus officieuses au sein du ministère. Que vous disent-ils à propos de la situation de l'industrie de l'édition au Canada?

Vous avez parlé de renseignements. Pourrions-nous les consulter aujourd'hui afin que nous puissions cerner la position du ministère dans ce dossier, surtout quand on songe aux événements qui se sont produits récemment?

Nous sommes dans le noir. Existe-t-il des renseignements qui sont le fruit de l'évaluation faite par le ministère?

M. Michael Wernick: Notre meilleure source de renseignements nous vient des candidatures au programme d'aide au développement de l'industrie de l'édition. Une fois par année, tous les éditeurs canadiens se portent candidats au programme pour une série de subventions, et l'étude de ces candidatures nous donne beaucoup de renseignements sur les ventes, les marges bénéficiaires et d'autres aspects. Ainsi, une fois par année, nous avons un tableau ponctuel de la situation.

Nous avons, au mois de janvier, étudié les données de l'an 2000, et je pense que nous pourrons présenter un rapport de ce qu'elles révèlent, d'ici un mois.

• 0930

Pour ce qui est de la consommation, je ne pense pas que nous ayons de données fraîches. C'est un problème au Canada. Je ne saurais pas vous dire avec précision quels livres se sont bien vendus à Noël ou s'il y a plus de livres pour enfants ou de livres de cuisine offerts en librairie. Vous voudrez sans doute poser cette question à Mme Reisman. Une de nos lacunes, c'est le manque de technologie aux points de vente.

Le président (M. Clifford Lincoln (Lac-Saint-Louis, Lib.)): Monsieur Wilfert, et ensuite monsieur Harvard.

M. Byron Wilfert: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, si j'appuie l'avis de motion de Mme Gagnon, c'est que je trouve extrêmement important que la ministre vienne nous exposer la position du ministère et du gouvernement quant à la ZLEA sous l'angle de la culture. Ce pourrait être une très brève réunion si la réponse à notre question est que rien n'est négociable. Cela me conviendrait parfaitement. Si par contre nous apprenons qu'il y aura des pressions pour que certains éléments fassent partie des négociations, alors beaucoup de nos propos pourraient être inutiles.

Les avis sont partagés sur le chemin déjà parcouru vers la réalisation de la ZLEA et nous en serions à 30 p. 100 actuellement. Je suis impatient que la ministre vienne nous parler de la question et nous fournisse des éléments contextuels.

Nous avons envoyé 25 recommandations au ministère au mois de juin. Je ne pense pas qu'il faille les répéter à cause du changement de législature mais il faut bien dire que beaucoup de temps s'est écoulé. Quant à moi, j'éprouve une difficulté: il faut que j'aie tout par écrit, et j'aime bien voir des réponses écrites et motivées à chacune des recommandations. Si la ministre est prête à accepter la totalité des 25 recommandations, à la bonne heure. S'il y a des difficultés, il faut que nous puissions les évaluer, et le faire dans le contexte plus vaste de la conjoncture. Je voudrais une réponse à cela.

Deuxièmement, nous parlons de concurrence et de propriété étrangère. Parmi les pays industrialisés, nous sommes déjà celui où la propriété étrangère est la plus répandue, de sorte que je ne peux pas m'empêcher de sourire quand j'entends dire qu'on va examiner où sont les intérêts des Canadiens, et en l'occurrence, pour ce qui est de l'édition, si oui ou non les employés vont être protégés, ce dont je doute très fort. Je m'inquiète vivement que les indépendants sur le marché soient évincés ou encore éliminés à cause de la concurrence étrangère de l'implantation d'un monopole.

À mon avis, le Bureau de la concurrence n'est absolument pas assez musclé. Il y a 75 ans qu'on n'y a pas touché.

Ce n'est sans doute pas une de vos préoccupations car cela relève probablement du ministère de l'Industrie. Mais de toute évidence, s'agissant de garanties, je voudrais savoir quel genre de garanties précises vous avez à l'esprit et comment elles permettront de veiller à la création d'emplois, à la promotion des auteurs canadiens, dans l'ensemble de l'industrie de l'édition.

M. Michael Wernick: Excusez-moi, quelle est la question?

M. Byron Wilfert: Tout d'abord, allez-vous répondre aux recommandations?

M. Michael Wernick: Avec l'accord de la ministre, je suis sûr de pouvoir préparer une réponse écrite pour chacune d'entre elles. La décision appartient au gouvernement.

Le président: Monsieur Wernick, permettez-moi de vous interrompre. Si les membres du comité le souhaitent, si la majorité des membres du comité en décident ainsi, nous ferons intervenir la procédure qui nous permet de demander une réponse par l'intermédiaire du Parlement. Au mois de juin, le Parlement a été dissout, et la réponse avec lui, mais nous pouvons demander maintenant qu'on nous en fournisse une. Je propose qu'à la fin de la séance, nous demandions une réponse par l'intermédiaire du Parlement.

M. Byron Wilfert: Monsieur le président, j'ai demandé de façon un peu détournée si nous devions mettre ces recommandations aux voix de nouveau pour garantir l'obtention d'une réponse.

Le président: Nous n'avons pas besoin de mettre les recommandations en elles-mêmes aux voix. Le rapport existe mais ce que nous pouvons faire, c'est signaler que le comité souhaite qu'on fournisse une réponse aux recommandations contenues dans le rapport. Ensuite, la requête est déposée à la Chambre et le ministère doit répondre—si je ne m'abuse, monsieur Wernick, vous le feriez volontiers, n'est-ce pas?

M. Michael Wernick: Tout à fait. Quand nous avons comparu la dernière fois, nous avons dit que nous ferions volontiers de vive voix le point sur la situation et l'état d'avancement des travaux. Voilà pourquoi nous sommes ici, pour répondre à vos questions. S'il y a une recommandation particulière du rapport sur laquelle vous voulez poser des questions, nous pouvons y répondre aujourd'hui ou revenir la semaine prochaine. Si vous voulez utiliser la voie officielle et «demander une réponse du gouvernement», il va falloir plus de temps, mais nous le ferons volontiers.

• 0935

M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, puisque le rapport a été déposé au mois de juin, je ne vois pas pourquoi il faudrait attendre bien longtemps. En vérité, à mon avis, nous devrions obtenir automatiquement une réponse écrite à chacune des recommandations, un point c'est tout, et nous prendrons les choses à partir de là. Beaucoup d'eau a coulé sur les ponts au cours des derniers mois. Une brève réponse orale ne me satisfait pas.

Le président: Monsieur Wilfert, permettez-moi de vous interrompre. Il faut comprendre que si nous demandons une réponse—une réponse en vertu du Règlement—le gouvernement doit faire approuver cette réponse au conseil des ministres. C'est ce que M. Wernick a probablement voulu dire. Alors, il s'agit d'une procédure très officielle, selon laquelle nous demandons une réponse par l'intermédiaire du Parlement, et la ministre doit alors préparer une réponse officielle, et la présenter au Cabinet pour approbation. Cela explique pourquoi le Règlement prévoit un délai de 150 jours. D'habitude, il faut tout ce temps, car la réponse est inscrite dans l'ordre de préséance des questions étudiées au conseil des ministres, et cela signifie parfois plusieurs semaines, voire des mois.

M. Bryon Wilfert: Depuis le dépôt du rapport, 150 jours se sont écoulés, et c'est pourquoi je voudrais savoir s'il faudra reprendre la chose à zéro, et qu'on me dise quelle procédure il faut suivre.

Le président: Oui, il faut reprendre les choses à zéro. Malheureusement, il faut que le comité, par un vote majoritaire, exprime le souhait d'une réponse officielle au rapport. En effet, la requête que nous avions faite au mois de juin est devenue caduque, avec la dissolution du Parlement, et il nous faut donc la refaire. Ensuite la ministre va déclencher la procédure de rédaction d'une réponse officielle, qui doit recevoir l'approbation du gouvernement, du conseil des ministres et du gouverneur en conseil, avant d'être déposée officiellement au Parlement. Il faut pour cela plusieurs semaines.

M. Bryon Wilfert: Je vais présenter une motion en ce sens en temps utile.

Le président: D'accord.

M. Dennis Mills: Monsieur le président, je pense qu'il y a un malentendu. Vous dites que si chacune de ces recommandations n'était pas... Combien y avait-il de recommandations?

Le président: Vingt-cinq.

M. Dennis Mills: Imaginez qu'il y a 25 questions à la Chambre des communes en un jour. Voulez-vous dire que le gouvernement n'a pas de réponse écrite à chacune de ces recommandations?

M. John Harvard: Il les a déjà données.

Le président: Il y a deux choses distinctes ici. Si M. Wernick offre de donner maintenant une réponse, il ne peut que donner une réponse du ministère. À partir du moment où il s'agit d'une réponse du gouvernement, selon l'ordre des choses, la ministre va devoir passer par le conseil des ministres pour obtenir approbation. M. Wernick peut peut-être nous dire combien de temps... cela peut prendre jusqu'à 150 jours, mais il est possible, étant donné que le travail a déjà été plus qu'amorcé par le ministère, que vous puissiez nous annoncer qu'il faudra beaucoup moins de temps que ce que nous pensons.

M. Michael Wernick: Bien sûr, c'est au comité de décider. C'est une question de procédure parlementaire: si vous vous servez de la procédure très officielle et demandez une réponse écrite, il nous faut passer par le conseil des ministres, et avec le congé de Pâques et le temps qu'il faut pour préparer un document du Cabinet et le faire approuver, je ne pourrai pas vous donner de réponse officielle avant mai ou juin.

Avec l'aide du secrétaire parlementaire, je vous offre de demander à la ministre l'autorisation de vous envoyer une lettre contenant une réponse écrite à chacune des recommandations. Je peux vous dire tout de suite que sur les 25 recommandations, 23 ont été retenues et font l'objet d'une mise en oeuvre. Nous y travaillons. Quant aux deux autres, nous pouvons vous expliquer pourquoi rien n'a été fait.

M. John Harvard: Monsieur le président, c'est ce que je voudrais.

Le président: Bien.

M. John Harvard: Je souhaite qu'il n'y ait pas de grand écart entre la position du ministère et celle du Cabinet.

Je pense que nous voulons simplement bien comprendre ce que fait le ministère, à partir de sa réponse. M. Wernick nous a déjà dit qu'il était prêt à nous remettre cela par écrit, dans un rapport, ce qui me contenterait. J'espère que cela contenterait aussi M. Wilfert.

Le président: Nous avons donc une alternative. Nous prenons bonne note de l'argument de M. Wilfert: nous devrions avoir la possibilité d'en discuter brièvement. Continuons avec les questions et à la fin du témoignage, nous déciderons si nous faisons une demande formelle ou si nous acceptons une lettre du ministère, répondant aux recommandations du rapport et précisant ce qui se fait. Ce serait bien plus simple.

• 0940

Continuons avec les questions et nous reviendrons à cela plus tard.

Monsieur Wilfert, avez-vous terminé?

M. Bryon Wilfert: Nous semblons nous enliser. Monsieur le président, sauf votre respect, il est à mon avis inexcusable, étant donné le temps écoulé, qu'en disant qu'on a travaillé à 23 des 25 recommandations, ce qui en laisse deux qui ne sont pas... Nous pourrions avoir cela par écrit. Nous aurions pu en parler de manière plus claire, ce matin. Nous ne l'avons pas. C'est encore un retard.

Pour répondre à mon collègue, non, je ne suis pas content. Je ne serai content que lorsque je le verrai par écrit et lorsque... Quelles sont les deux recommandations dont vous ne vous occupez pas? Il faudrait surtout se demander pourquoi. Je n'ai pas besoin d'une réponse immédiate, je ne veux pas gruger le temps de mes collègues. Mais je crois que si nous avons un comité qui fonctionne bien, le ministère devrait se présenter prêt à nous répondre, nous fournir cela à l'avance, afin que nous puissions examiner ces recommandations et voir si nous avons des questions sur certaines mesures prises par le ministère. Mais j'aimerais le savoir. Je ne veux perdre ni le temps du sous-ministre adjoint, ni le mien.

Monsieur le président, je vous rends la parole.

Le président: Y a-t-il des commentaires ou des questions?

Monsieur Harvard.

M. John Harvard: J'ai quelques questions encore, pour M. Wernick, au sujet de la fusion de Chapters et Indigo.

Au sujet de cette question, monsieur Wernick, vous comme d'autres êtes aux premières loges, je le comprends bien. Dites-nous donc, vous qui êtes aux premières loges, comment vous décririez l'atmosphère entourant cette fusion et, deuxièmement, les questions que la fusion a soulevées ou réglées, dans votre esprit? Quelles questions restent en suspens, après cette fusion? J'aimerais que vous nous disiez, au nom du ministère, quelle est la position du ministère à ce sujet.

M. Michael Wernick: C'est une très bonne question.

Premièrement, monsieur le président, permettez-moi de présenter nos excuses à M. Wilfert, si nous avons été la cause d'un malentendu. On nous avait laissé entendre qu'une mise au point sur les recommandations du comité et des réponses aux questions suffiraient. Si on nous avait demandé un rapport écrit, j'en aurais apporté un ce matin, je vous assure.

En fait, nous avons fait beaucoup d'efforts pour toutes les recommandations et c'est parce que nous avons tant travaillé que les objectifs évoluent constamment. Si j'avais écrit un rapport en juin, il n'aurait pas tenu compte des rencontres et des discussions de septembre. Si j'avais écrit le rapport en décembre, il n'aurait pas présenté le travail que nous avons pu faire depuis trois mois. Nous avons beaucoup appris grâce au forum de l'industrie. Nous avons beaucoup appris dans le cadre du groupe de travail sur les statistiques. Nous avons aussi beaucoup appris en accueillant ces messieurs du Royaume-Uni, en janvier. Chaque semaine, notre réponse se bonifie. Je serais ravi de vous présenter une réponse par écrit.

Pour revenir à la question de M. Harvard, je pense que la fusion nous montre très bien, dans cette industrie, qui assume les risques et qui a des pouvoirs de négociation, chez les éditeurs, les détaillants et les grossistes. Ce dossier a connu une longue évolution. Quand le comité a commencé son travail, on craignait que Chapters fasse de la vente en gros, par la filiale Pegasus, et on s'interrogeait sur l'étroite relation qui existerait alors entre la vente en gros et la vente au détail. Chapters a changé sa stratégie d'affaires et n'empruntera pas cette voie-là. Les éditeurs sont bien entendu inquiets de leurs pouvoirs de négociation et de leurs relations avec un important détaillant qui peut avoir chez eux un compte très important, surtout pour le marché des livres en anglais.

[Français]

et sur le marché francophone, les préoccupations sont les mêmes, avec Archambault comme client très important.

[Traduction]

Toute cette question du risque et du pouvoir de négociation permettant d'obtenir quelques points de pourcentage de rabais auprès de quelqu'un d'autre découle de la production-distribution archaïque, cette pratique consistant à flairer le vent pour essayer de savoir comment évoluera le marché, à envoyer des livres aux grossistes et aux détaillants pour en reprendre beaucoup six mois, un an, ou même un an et demi plus tard. Il n'y a pas beaucoup d'industries de vente au détail qui fonctionnement de cette façon et la solution ne se trouve pas dans des petites modifications du réseau mais plutôt dans un remaniement complet et l'élimination des retours. Voilà pourquoi les recommandations du comité étaient si importantes. Elles ont montré la voie pour sortir de ce bourbier du passé et se lancer dans un mode de production-distribution moderne, où les risques des éditeurs seront réduits et leur marge de profit, augmentée. Les petits détaillants seront des concurrents plus efficaces, auprès des très grands détaillants, et au bout du compte, les lecteurs et les consommateurs profiteront d'un secteur du livre sain, pour la prochaine décennie.

• 0945

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Une autre question. Je sais que c'est une question hypothétique et qu'il est toujours difficile de demander une réponse à ce genre de question.

Monsieur Wernick, si vous pouviez rencontrer aujourd'hui Heather Reisman—je suis convaincu que vous discuteriez d'un certain nombre de choses—quelle serait pour vous la priorité? Étant donné les événements des derniers mois, et la situation de l'industrie, ainsi que les préoccupations actuelles, notamment la question du risque, qu'est-ce qui serait pour vous la priorité, dans votre entretien avec elle?

M. Michael Wernick: Nous aurons en fait une rencontre après la séance d'aujourd'hui. Je lui poserai la même question qu'à la Canadian Booksellers Association, ou qu'à la Association of Canadian Publishers ou qu'à la Bibliothèque nationale: Qu'allez-vous faire pour abandonner les pratiques du passé et moderniser l'industrie? Quelle contribution pouvez-vous faire? Il ne faut pas se tourner vers le gouvernement ni vers quiconque, ni faire porter le blâme, pour ses problèmes, à quelqu'un d'autre. Dans ce secteur, tout le monde regarde ce que font les autres. Que pouvez-vous faire pour réduire encore davantage le nombre de retours, pour réduire le niveau de risque et pour solidifier l'industrie? J'ai posé la question aux éditeurs, comme je le ferai aux détaillants.

M. John Harvard: Vous ne pensez pas que ces choix sont déjà évidents? Je présume que c'est pourquoi vous poseriez la question.

M. Michael Wernick: Je suis convaincu que Mme Reisman saura me le dire. Il y a des choses que j'apprendrai du Bureau de la concurrence, quand seront terminées ses délibérations sur la transaction.

M. John Harvard: Merci. C'est tout.

[Français]

Le président: Madame Gagnon, avez-vous demandé la parole?

Mme Christiane Gagnon: Je l'avais demandée, mais mon intervention allait dans le même sens que celle de M. Wilfert. Je voulais justement demander quelles étaient les priorités dans les recommandations et soulever le fait qu'il y a deux recommandations qui n'ont pas de suivi dans l'immédiat. Quelles sont ces deux recommandations et quand serons-nous en mesure d'avoir un compte rendu des positions du ministère, soit par la voix du ministre, soit par la voix des fonctionnaires? C'est important. Est-ce qu'on les met toutes au même niveau? Quelles seront vos priorités? On ne pourra pas mettre toutes les 25 recommandations sur la même ligne. Est-ce qu'on va avoir un ordre du jour du suivi accordé par le ministère aux différentes recommandations du sous-comité?

M. Michael Wernick: On a essayé de regrouper nos réponses dans l'exposé de M. Clarke. Je pense qu'il y a 23 recommandations qui tombent dans deux ou trois catégories et c'est exactement ce qu'on a essayé de faire valoir. Nous sommes très heureux d'apporter des précisions sur chacune des recommandations. Deux d'entre elles sont difficiles pour le gouvernement, soit la question de la TPS et celle de savoir si on a besoin d'une loi spéciale pour régler le problème de la concurrence dans cette industrie. En fin de compte, la décision sera celle du Conseil des ministres.

À notre avis, enlever la TPS sur les livres n'est pas une mesure très efficace pour aider l'industrie. C'est très indirect et très cher. Cela coûterait au Trésor à peu près 140 millions de dollars de revenus et la moitié de cette somme irait au profit des maisons d'édition étrangères. Si on enlève la taxe sur les livres, évidemment, les livres publiés par les maisons étrangères vont bénéficier de cette mesure. Donc, si on veut vraiment aider l'industrie canadienne, on devrait cibler l'argent des projets ou des programmes afin de régler les problèmes des maisons d'édition ou des éditeurs canadiens. Enlever la TPS n'est pas, à notre avis, une mesure très efficace.

L'autre question porte sur une loi spéciale. À notre avis, la Loi sur la concurrence suffit. Tous les outils de réglementation nécessaires se trouvent dans la Loi sur la concurrence.

Le président: Ça va, Madame Gagnon?

Mme Christiane Gagnon: Oui.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Monsieur Wilfert.

M. Bryon Wilfert: Monsieur le président, je suis encore perplexe. Je comprends que le ministère dispose de nombreux ordinateurs et je présume que ce que vous auriez pu écrire en juin, en novembre ou en janvier aurait dû être modifié. C'est ce que je présume. Mais je présume aussi que vous auriez pu modifier votre réponse, par ordinateur, de manière qu'elle soit le plus à jour possible.

• 0950

À la recommandation 3.4, on demande que le ministère consulte le ministère des Finances et analyse l'incidence d'une éventuelle suppression de la TPS. C'est ce que nous avons demandé. Si je ne m'abuse, le ministère ne va même pas fournir de données à cet égard, et je trouve un peu difficile, voire scandaleux, de constater que... Le comité, formé de représentants de tous les partis, a demandé ces renseignements. Peu importe que vous pensiez que cela va coûter 140 millions de dollars ou encore que cela va profiter non seulement aux éditeurs canadiens mais aussi aux éditeurs étrangers. Je pense que c'est une question sur laquelle le comité doit prendre une décision. À mon avis, le comité est l'entité qui devrait disposer de tous les renseignements pertinents, et c'est pourquoi nous les avons demandés.

Monsieur le président, je trouve très inquiétant que le ministère ait déjà déclaré qu'il n'allait pas répondre à cette recommandation. Dans ces conditions, c'est certainement une des questions que je vais poser à la ministre. Nous avons présenté 25 recommandations. Nous voulons que tous les renseignements pertinents soient fournis aux députés pour qu'ils puissent s'acquitter de leurs tâches. Sauf le respect que je vous dois, je ne pense pas qu'il appartienne aux bureaucrates de prendre des décisions à notre place. Si les membres du comité veulent ces renseignements, ils devraient pouvoir les obtenir, un point c'est tout.

Le président: Monsieur Wernick.

M. Michael Wernick: Nous avons fait le nécessaire. Notre conclusion est qu'il en coûtera de 125 à 140 millions de dollars au Trésor...

M. Bryon Wilfert: Mettez ça par écrit et envoyez-le moi.

M. Michael Wernick: ...et que cela ne profiterait pas directement à l'industrie canadienne de l'édition ou aux libraires détaillants.

M. Bryon Wilfert: Je veux savoir sur quels faits vous vous fondez et comment vous les avez réunis. Voilà ce que je veux voir.

Le président: Cela fera partie du rapport que vous allez nous envoyer.

M. Michael Wernick: Assurément. Étant donné qu'il s'agit d'une mesure fiscale, il appartient au ministre des Finances de décider comment fonctionnera la TPS.

Le président: Merci.

Y a-t-il d'autres questions?

[Français]

Monsieur Harvey.

M. André Harvey (Chicoutimi—Le Fjord, Lib.): Merci, monsieur le président.

Monsieur Wernick, en ce qui a trait à la promotion, est-ce que vous envisagez une stratégie qui serait davantage ciblée vers les régions ressources que strictement vers les grands centres? Quel est votre point de vue sur cette stratégie de promotion du livre? Allez-vous vous rendre jusque dans les régions?

M. Michael Wernick: Il y a deux volets de promotion importants: promouvoir les livres canadiens sur les marchés canadiens et les promouvoir sur les marchés étrangers.

Dans la deuxième catégorie, celle des marchés étrangers, on travaille étroitement avec l'Association pour l'exportation du livre canadien. Il y a un programme de travail assez élaboré dont le but est d'identifier les marchés et les possibilités.

M. André Harvey: Monsieur le président, si vous me le permettez, je voudrais que M. Wernick précise davantage si, dans la stratégie initiale...

Le président: Oui, je comprends, mais il y a un problème de traduction du français à l'anglais. On est en train de rectifier cela, monsieur Harvey.

[Traduction]

Pendant que nous attendons, je signale aux membres du comité que Mme Reisman a été retenue à Toronto, les avions accusant du retard à cause d'une pluie verglaçante à l'aéroport. Elle nous a signalé qu'elle arriverait ici peu après 11 heures. À 11 heures, nous pouvons disposer de la salle 253-D à l'édifice du Centre. Il me semble extrêmement important de pouvoir entendre Mme Reisman. C'est la troisième fois que nous essayons de la faire venir pour témoigner témoin devant le comité. Les deux premières fois, elle ne s'est pas présentée, elle n'est pas venue, et je pense que c'est aujourd'hui l'occasion de la rencontrer, surtout étant donné la fusion Indigo-Chapters, c'est-à-dire la prise de contrôle de Chapters par Indigo.

• 0955

Voici ce que je vous propose. Avec votre approbation, nous pourrions suspendre la séance et revenir à 11 heures, quand nous aurons constaté que Mme Reisman est ici, et à la salle 253-D qui sera libre entre 11 heures et 12 h 30. Nous lèverons donc la séance à 10 heures, quand M. Wernick aura fini de répondre aux questions de M. Harvey, et nous reprendrons à l'heure que j'ai dite.

À défaut de cela, nous ne pourrons pas entendre Mme Reisman.

Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Je suis d'accord sur votre proposition, mais si on en avait le temps avant d'ajourner, j'aimerais qu'on reparle du programme de travail du comité.

Le président: D'accord.

[Traduction]

Monsieur Mills.

M. Dennis Mills: Je ne vois pas d'inconvénient à cela.

Le président: Monsieur Merrifield.

M. Rob Merrifield: Cela me met devant un véritable dilemme. Je suis vice-président du Comité de la santé qui siège à 11 heures, si bien que j'ai un conflit d'horaire.

Le président: Y a-t-il quelqu'un d'autre de l'Alliance qui pourrait être là...

Mme Sarmite Bulte (Parkdale—High Park, Lib.): Trouvez un remplaçant de votre parti.

M. Rob Merrifield: Je peux peut-être me faire remplacer à l'autre séance. Je vais y voir.

Le président: ...parce que je pense qu'il est très important que nous entendions ce témoin.

M. Bob Merrifield: Il est important que je sois là.

Le président: Y a-t-il donc consensus? Nous allons reprendre après 11 heures? Pour vous éviter de vous rendre à la salle à 11 heures, Mme Reisman va nous signaler son heure d'arrivée. Ce sera sans doute juste après 11 heures.

M. Dennis Mills: À 11 h 15.

Le président: La séance durera de 11 h 15 à 12 h 30, dans la salle 253-D. D'accord?

M. John Harvard: Dans la mesure où nous pouvons lever cette partie-ci de la séance dans deux ou trois minutes.

Le président: Il est 10 heures. Il nous faut lever la séance de toute façon. Il y a un mémoire. Mme Gagnon veut soulever quelques points de régie interne rapidement. L'interprétation fonctionne-t-elle?

Les députés acceptent-ils que nous terminions de répondre aux questions de M. Harvey en français,

[Français]

sans traduction? Autrement, ce sera 15 minutes.

Monsieur Wernick.

M. Michael Wernick: Comme je le disais, il y a deux volets de promotion: au Canada et à l'étranger. À l'étranger, c'est bien géré par l'Association pour l'exportation du livre canadien. On n'exporte pas beaucoup de livres. On exporte les droits de publication. Il y a des partenariats entre des maisons canadiennes et une maison italienne ou brésilienne pour imprimer et vendre les livres sur le marché étranger. C'est un marché en croissance, et ça roule très, très bien pour les maisons canadiennes.

Au Canada, il y a deux ou trois instruments importants. Il y a les salons du livre, ainsi que les foires et expositions. On aide un réseau, et pas juste dans les grandes métropoles. Au Québec, on aide au moins six ou sept salons du livre. Il y a toutes sortes de festivals du livre pour la promotion des auteurs. À Toronto, on connaît bien l'International Festival of Authors, dans le cadre du Harbourfront Reading Series. Il y a toutes sortes d'activités de promotion. Le Conseil des arts du Canada finance aussi les auteurs qui font des tournées de promotion.

Évidemment, il y a deux partenaires très importants dans la promotion des livres. Il y a d'abord les maisons de publication. Si une maison décide de financer tel livre ou tel auteur, elle a un intérêt économique à bien promouvoir le livre. Donc, les maisons de publication sont très impliquées dans la promotion des livres. Il y a aussi les détaillants qui ont un rôle important à jouer.

[Traduction]

Chapters, Indigo, Archambault, et les autres libraires s'occupent activement de la promotion des auteurs canadiens. On voudra peut-être poser la question à Mme Reisman ou à quelqu'un d'autre qui s'occupe de la vente: Que faites-vous pour faire la promotion des titres canadiens dans vos librairies?

[Français]

M. André Harvey: Merci, monsieur Wernick.

[Traduction]

Le président: Excusez-moi, monsieur Wernick.

[Français]

Monsieur Harvey, ça va?

[Traduction]

Y a-t-il d'autres questions? Puisqu'il n'y en a pas, je tiens à remercier M. Wernick et M. Clarke d'être venus nous faire profiter de leurs compétences et des renseignements qu'ils possèdent. Merci beaucoup.

M. Michael Wernick: Merci, monsieur le président.

• 1000

[Français]

Le président: Madame Gagnon, avez-vous une question?

Mme Christiane Gagnon: Avant votre arrivée, j'ai présenté une motion pour qu'on puisse se pencher sur l'impact de la ZLEA sur la culture et inviter certains témoins, dont la ministre et certains fonctionnaires qui sont impliqués dans la démarche de négociation, ainsi que certains témoins qui ont manifesté le désir de se faire entendre au Comité du patrimoine canadien.

Le président: Madame Gagnon, il faut donner un avis de 24 heures.

Mme Christiane Gagnon: Oui.

Le président: On discutera de la motion jeudi.

Mme Christiane Gagnon: D'accord.

Le président: Si la motion est approuvée...

[Traduction]

Une voix: Quarante-huit.

Le président: Quarante-huit.

[Français]

Il faut donner 48 heures d'avis. On discutera donc de la motion jeudi. À ce moment-là, le comité décidera s'il accepte ou pas la motion. On n'en discutera pas maintenant. Vous avez donné avis, et tous les membres du comité ont été saisis de la motion. On en discutera jeudi.

Mme Christiane Gagnon: J'avais aussi formulé une autre demande. Vous savez qu'il y a une crise interne à l'ONF et que des crédits seront déposés prochainement. Je pense qu'il serait important que nous recevions les fonctionnaires de l'ONF ainsi que le regroupement des jeunes qui déplorent une situation qui perdure et qui est récurrente. Il serait intéressant que le comité soit mis au courant du déroulement de la situation et de la façon dont l'argent est investi à l'ONF.

Le président: Madame Gagnon, comme vous le savez, nous devons étudier les prévisions budgétaires du ministère, et le comité a le droit de demander aux organismes concernés de comparaître d'ici le 31 mai. Vous savez aussi que nous serons incessamment saisis du projet de loi C-10. Comme nous devons toujours accorder la priorité aux projets de loi, nous devrons terminer l'étude de ce projet de loi. Tout de suite après, vous pourrez demander que, lors de notre étude des prévisions budgétaires du ministère, nous fassions venir un organisme ou un autre. Vous présenterez la demande au comité à ce moment-là. Nous avons jusqu'au 31 mai pour entendre des organismes qui sont touchés par les prévisions budgétaires du ministère.

Mme Christiane Gagnon: Merci.

Le président: Merci.

[Traduction]

S'il n'y a rien d'autre, je lève la séance jusqu'à 11 h 15. Nous reprendrons dans la salle 253-D pour entendre Mme Reisman.

Merci.

• 1005




• 1137

Le président: La séance que nous avons suspendue tout à l'heure à cause de circonstances malheureuses, reprend maintenant. Le temps est très mauvais partout et nous sommes reconnaissants à Mme Reisman d'avoir fait l'effort de venir.

Nous sommes ravis de vous accueillir. Je suis désolé que tous les membres du comité ne puissent pas être présents. Notre comité devait ajourner à 11 heures, mais nous avons décidé de revenir vous entendre car nous estimons que c'est important. Certains membres du comité avaient des conflits d'horaire. Nous sommes quand même assez nombreux ici et nous sommes ravis de vous accueillir. Je vais vous donner la parole et nous poursuivrons ensuite.

Mme Heather Reisman (chef de la direction, Chapters Inc.): Volontiers. Si je comprends bien, je dois répondre à vos questions, n'est-ce pas?

Le président: Nous pouvons commencer par une période de questions et réponses, mais vous pouvez dire quelques mots en guise d'exposé liminaire, après quoi nous passerons aux questions. C'est comme vous voulez.

Mme Heather Reisman: D'accord.

M. Dennis Mills: Monsieur le président, pourquoi Mme Reisman ne nous donnerait-elle pas un court préambule et nous passerons tout de suite aux questions. Dites-nous...

Mme Heather Reisman: Je peux vous donner une petite idée de la situation de l'industrie de l'édition. Je pourrais...

Le président: Surtout si vous pouvez nous dire... Comme vous le savez, nous avons préparé un rapport sur l'industrie de l'édition l'année dernière...

Mme Heather Reisman: Je sais.

Le président: ...et nous avons parlé abondamment du fait qu'un grand nombre de petits éditeurs, et également de petits libraires, se sentaient menacés par la lourde présence de Chapters, surtout à cause du lien de Chapters...

Mme Heather Reisman: À Pegasus.

Le président: ...avec Pegasus. Nous avons donc déposé un rapport mais voilà qu'il y a eu une évolution peu négligeable, Indigo ayant pris le contrôle de Chapters. Peut-être pouvez-vous nous parler de la situation actuelle, selon votre point de vue, et de la façon dont vous envisagez l'avenir. Nous disposons de cette salle jusqu'à 12 h 30, de sorte que nous avons amplement le temps de poser des questions.

Mme Heather Reisman: Très bien. Il vaudrait peut-être la peine, pour votre gouverne, que je vous donne ma perspective de la façon dont l'industrie a évolué au cours des dernières années, parce qu'un tableau ponctuel, limité dans le temps, ne permet pas de comprendre les tendances plus générales qui se dessinent.

Selon moi, la meilleure façon de considérer cette industrie est de comprendre les défis qui s'y posent et les occasions qu'elle recèle, et de remonter à l'époque où Chapters n'existait pas encore, juste avant la fusion de Smith's et Coles. Je pense que c'est un bon point de départ pour notre analyse. Cela nous fait remonter à approximativement 1994-1995.

• 1140

Le secteur canadien comptait alors deux librairies d'envergure nationale, Smith's et Coles—Coles étant la plus grosse—et un nombre très raisonnable d'indépendants. J'imagine qu'à l'époque—même si je n'ai pas les chiffres exacts—Smith's et Coles représentaient à eux deux entre 20 et 25 p. 100 du secteur. Le reste était largement composé d'indépendants et de librairies universitaires, puis arrivèrent les grands distributeurs comme le Club Price, Wal-Mart et Toys-R-Us, qui vendaient un certain nombre de livres au grand public.

La fusion de Smith's et Coles a fait naître une grande entreprise nationale. À l'époque, on se disait qu'il était très probable que soit Borders, soit Barnes and Noble, les grandes super-librairies américaines, viendraient s'établir au Canada. Il était donc raisonnable pour le Canada de vouloir créer ici un rival fort.

À l'époque—et non avec le recul—il s'agissait sans doute là d'une décision sensée et intelligente.

On ne saurait tout prévoir. Or, la fusion de Smith's et Coles—celle qui allait devenir Chapters—sous l'impulsion de ses dirigeants a manifesté une combativité qui dépasse ce que l'on considère normalement être une bonne pratique commerciale.

Personne—j'entends par là les autorités gouvernementales qui ont décidé d'autoriser la fusion ou les comités qui ont pu l'examiner—ne pouvait prévoir que ces pratiques allaient être non rentables.

Quoi qu'il en soit, la fusion et donc la création puis l'expansion énorme de Chapters ont créé les conditions qui nous ont menés où nous sommes aujourd'hui.

Tout d'abord, au même moment où la fusion a été approuvée, le gouvernement s'est vigoureusement opposé à l'implantation au pays de Borders ou de Barnes and Noble. Il s'agissait d'une position particulièrement ferme au sujet de l'équilibre entre le degré de propriété canadien et américain.

Borders ne s'est donc pas implantée ici, de sorte que Chapters n'avait pas de rival fort. De plus, Barnes and Noble, dégoûtée de la façon dont Borders avait été traitée, a décidé qu'au lieu de venir au Canada, elle allait se contenter d'acheter une part dans la nouvelle entreprise fusionnée, qui a pris le nom de Chapters.

Nous étions donc en présence de la fusion des seuls joueurs nationaux, menée par une direction extraordinairement combative, et, la suite des événements l'a prouvé, d'une méthode non rentable d'expansion de l'entreprise, et du fait qu'ils étaient soutenus par le savoir-faire du plus gros libraire du monde. Maintenant qu'il n'y avait qu'un seul joueur, tout était prêt pour l'émergence d'une situation très difficile propice aux abus.

Au fur et à mesure que ce joueur prenait de l'expansion et affichait ses couleurs, de nombreuses initiatives ont été prises par le Bureau de la concurrence et le ministère du Patrimoine canadien pour bien tracer la trajectoire et le degré auquel le joueur dominant allait fausser le secteur.

Toutefois, aucune mesure n'a été prise, si bien que de 1997 jusqu'à tout récemment, il y a eu l'apparition d'Indigo et le rythme accéléré d'expansion de Chapters dans un seul but. C'est un fait établi que toutes sortes de gens vous confirmeront, y compris les éditeurs et les spécialistes de l'immobilier. Chapters avait un seul but en tête: liquider Indigo. C'était la stratégie avouée du PDG de Chapters de l'époque. Pour lui, pour gagner la bataille, il fallait—ce sont ses propres mots—«ne laisser personne sur les plages».

• 1145

Malgré cela, Indigo a vu le jour. Vous savez évidemment que je suis la fondatrice et la PDG d'Indigo. Depuis près de quatre ans maintenant, Indigo travaille très fort pour se positionner sur le marché. Du point de vue du consommateur et de celui du marché, Indigo a acquis une excellente position.

Néanmoins, l'action de Chapters au cours des 18 derniers mois a eu des effets très graves sur Indigo et toutes les librairies indépendantes. L'application de la stratégie de l'ancien dirigeant de Chapters—«ne laisser personne sur les plages»—l'a amené à élargir son réseau de super-librairies à un rythme endiablé, bien supérieur au nombre de super-librairies dont le pays a besoin, même s'il n'y avait pas d'autres joueurs.

Autrement dit, Chapters a ouvert 77 super-librairies en moins de cinq ans. Le chiffre de 77 est sans doute excessif pour le pays, si on s'en tenait à cela, mais en plus Indigo a réussi à ouvrir 15 librairies en quatre ans.

Dans la même période, deux autres facteurs sont apparus et ont fait sentir leurs effets. D'abord, les grands distributeurs comme Price Costco, Toys-R-Us, Wal-Mart ont énormément augmenté leurs ventes de livres grand-public, les best-sellers. Leur part du marché est passée de 5 p. 100 à 16 ou 17 p. 100.

Par exemple, le secteur livres grand-public de Price Costco pèsera cette année autour de 200 millions de dollars, ce qui représente une très grosse augmentation. La chaîne fait deux fois la taille d'Indigo. C'est un gros joueur. Même si elle vend un petit nombre de titres, elle en vend tellement en une année—parce qu'elle change sa liste toutes les six semaines—qu'il faut la considérer comme un gros joueur.

Il y a donc eu une énorme croissance des grands distributeurs. Une croissance massive de Chapters. L'arrivée d'Indigo. À ces effets combinés se sont ajoutés ceux d'Internet comme mécanisme viable de vente de livres.

Si vous regardez bien, on est passé de 1995, où il y avait Smiths's et Coles et un grand nombre de librairies indépendantes, au début de 2001, à 77 super-librairies Chapters, 15 super-librairies Indigo, la croissance renversante des grands distributeurs et l'arrivée d'Internet, qui progresse encore. Il ne s'agit pas seulement des cyber-librairies canadiennes. Il y a aussi les grandes cyber-librairies américaines comme Amazon et Barnes and Noble.

L'énorme croissance du nombre de libraires a énormément influé sur la rentabilité du secteur. La surexpansion de Chapters a nui beaucoup à cette entreprise. Autrement dit, à essayer de faire disparaître tout le monde des plages, elle a connu une expansion excessive, de sorte qu'elle a un nombre énorme de magasins qui, non seulement ne sont pas rentables, mais qui perdent aussi de l'argent sur le plan de l'exploitation.

Indigo arrive péniblement à surnager, non seulement à cause du nombre énorme de librairies que Chapters a installées à côté de nous, mais aussi parce qu'au cours des 12 derniers mois, dans une tentative pour augmenter ses ventes, elle a adopté un programme forcené de remises, et accorde des rabais de 40 à 50 p. 100.

Tout cela a faussé tout le marché en aval, comme on l'appelle. Il existe une capacité énorme, et beaucoup trop de joueurs, honnêtement, se battent pour un marché qui ne se développe qu'à 4 p. 100 par année.

• 1150

Une partie de la croissance, ou une bonne partie de la croissance, a coupé l'herbe sous le pied—et c'est votre question, monsieur—des petits joueurs. Ils ne peuvent pas soutenir la concurrence sur le prix ni pour ce qui est de l'ambiance en général dans certains cas, de sorte que l'on a assisté à une diminution très importante du nombre d'indépendants.

Cela serait sans doute arrivé de toute façon. Le marché évolue, et dans le secteur du livre, comme dans beaucoup d'autres, le consommateur réagit aux magasins de grande taille qui offrent plus de choix, mais ici, contrairement aux États-Unis et ailleurs, le pendule est allé beaucoup trop loin vers la droite. J'estime pour ma part qu'il y a trop peu de libraires indépendants, et nous avons créé une situation, autant par ce qu'on a fait que par ce qu'on n'a pas fait, vu les facteurs qui sont apparus, qui à mon avis a nui à la viabilité et à la prospérité des indépendants.

Voilà donc ce qui s'est produit du point de vue du secteur en aval. La capacité est largement excessive et n'est pas de la nature qu'il faut.

À mon avis, le nombre raisonnable de super-librairies au Canada devrait être d'environ 65, et non 95, parce qu'entre Chapters et nous—il y a un ou deux libraires indépendants qui ont des super-magasins—nous devrions en avoir 65, pas plus. Soixante-cinq serait un chiffre très acceptable. Un certain nombre d'études le montrent. Voilà donc la situation pour le marché en aval ou de consommation.

Pour ce qui est du marché en amont, les effets sur les éditeurs, et je crois que cela vous intéresse beaucoup, le comportement de Chapters, tout d'abord pour ce qui est de sa croissance combative—dans une grande mesure une croissance non intelligente—a été une aubaine fabuleuse pour les éditeurs parce que tous ces magasins ont été bâtis et que les commandes ont été faites.

Toutefois, dans ce secteur, où les invendus sont retournés, les achats ont été beaucoup trop forts, et souvent mal pensés, de sorte qu'il y a eu un nombre massif, sans précédent, d'invendus qui ont été renvoyés aux éditeurs, à un degré qui ne peut pas être maintenu. Le niveau d'invendus a atteint entre 50 et 60 p. 100 avant notre reprise de Chapters—et quand j'ai pris les commandes j'ai découvert qu'il y avait des stocks morts excessifs de piètre qualité aussi bien dans nos entrepôts que dans nos magasins, et je n'ai aucune idée ce que nous et les éditeurs allons en faire.

Autre complication, pendant que Chapters ouvrait tous ces magasins beaucoup trop rapidement et que les commandes étaient passées étourdiment, l'ancienne direction de Chapters a décidé, pour mieux resserrer sa clé de bras sur l'industrie, qu'elle allait créer son propre grossiste et contraindre les éditeurs à lui consentir des rabais supplémentaires.

La façon dont le grossiste, qui s'appelle Pegasus, comme vous le savez... c'est une entreprise tout à fait distincte, à l'infrastructure distincte et au marketing distinct. On peut donc dire que c'est une entreprise distincte qui allait accaparer la clientèle des indépendants.

Cela dit, l'entreprise était dirigée par quelqu'un qui ne savait à peu près rien de la logistique et de la distribution. Ils étaient pour ainsi dire incapables d'obtenir des clients, ce qui n'est pas étonnant, d'abord parce qu'ils n'arrivaient pas à assurer les livraisons à temps et ensuite parce que très peu de gens voulaient traiter avec eux.

Chapters a donc créé un entrepôt de distribution de 50 millions de dollars qui ne marche pas. Il ne fonctionne pas. Je peux vous le dire, j'y suis depuis un mois. Je connais très bien la logistique. J'ai passé des années à examiner la logistique. Cet entrepôt, tout simplement, ne marche pas.

Il renferme aujourd'hui pour 40 millions de dollars, au prix coûtant, de stock. Nous ne pouvons pas l'écouler et nous ne savons pas non plus quoi en faire. Mesdames et messieurs, je vous assure que je n'exagère pas. J'inviterais volontiers un professionnel à venir évaluer l'entrepôt et je pense qu'il vous confirmera tout ce que je vous dis.

• 1155

Nous avons donc un problème en amont, que vient compliquer cet entrepôt, et les éditeurs, qui croulent sous les invendus, sont dans une situation financière déplorable. La grande majorité des éditeurs canadiens sont aujourd'hui au bord de la faillite. C'est la réalité.

Je suis actuellement propriétaire à la fois de Chapters et d'Indigo. Quand nous avons repris Chapters, nous avons pris les affirmations de M. Stevenson sur la bonne situation financière de l'entreprise avec un grain de sel, mais je peux vous dire—publiquement—que nous n'avions aucune idée des difficultés de la compagnie du côté des ventes sur Internet et de la distribution.

Le noyau matériel de l'entreprise a beaucoup d'atouts, mais parce qu'il y a beaucoup trop de magasins, il faut faire un dégraissage. Ces derniers mois, depuis décembre, je tiens des réunions avec le Bureau de la concurrence pour arriver à une solution qui sera acceptable pour le bureau et le secteur, aussi bien les détaillants que les éditeurs, une solution conforme à notre position aujourd'hui forte et aux réalités économiques. D'une part, nous sommes sans doute proches d'une solution, mais je vous dis ici, comme je le dis là-bas, que c'est une solution agencée pour répondre à ce que je crois être les préoccupations théoriques du bureau de la concurrence. Ce sont des préoccupations théoriques parce qu'elles exigent la vente d'un grand nombre de magasins, qui permettraient de maintenir la capacité actuelle du secteur.

Malgré cela, mes mains sont à peu près liées. Je viens d'investir plus de 120 millions de dollars pour faire l'acquisition de Chapters. J'ai aujourd'hui 40 millions de dollars investis dans Indigo. Cela fait 160 millions de dollars d'avoirs propres et des emprunts à peu près équivalents. J'ai la ferme intention d'essayer de redresser ce secteur, financièrement, commercialement et, pour être honnête, moralement. Cela dit, la situation est très difficile. Je pense entrevoir une issue. Je suis toujours en train d'essayer de convaincre le bureau que certaines de ses demandes ne sont pas constructives; je dois néanmoins achever le processus avec le Bureau de la concurrence pour ensuite faire le plus possible.

Avant de passer aux questions, j'aimerais dire un mot à propos des librairies indépendantes, une question déterminante pour le pays et importante pour les écrivains, les éditeurs et, pour être honnête, pour Indigo et Chapters. Ce qui pourrait arriver de mieux aux indépendants, c'est que le nombre de super-librairies soit réduit; le nombre de magasins que nous avons dans les centres commerciaux serait quelque peu réduit; nous nous imposerions un moratoire de croissance de quelques années; et nous laisserions les indépendants occuper le blanc, l'espace commercial, qui serait libéré par nous. Cela dit, si nous devons suivre la voie que nous trace le bureau, le processus sera plus long.

Voilà essentiellement quelle est ma position. Je respecte tout le travail accompli par les divers secteurs du gouvernement. Je comprends tout à fait la façon dont le Bureau de la concurrence voit les choses. Du point de vue de la concurrence et, dans une certaine mesure, du point de vue théorique, tout ce qu'il examine est tout à fait légitime. Du point de vue commercial, qui à mon avis a une grande importance, et du point de vue de la santé du secteur, je vous dis à vous, au comité, comme je l'ai dit au Bureau de la concurrence, que je mets sérieusement en doute la voie dans laquelle on veut que nous nous engagions.

• 1200

Voilà donc, mesdames et messieurs, un aperçu général de notre secteur. Je serai maintenant heureuse de répondre à vos questions.

Le président: Merci beaucoup, madame Reisman. Vous avez, je crois, touché à tous les aspects qui nous intéressent le plus. Nous disposons d'une demi-heure pour les questions.

[Français]

Madame Gagnon, vous allez commencer, puis ce sera à M. Hearn. On ira ensuite du côté libéral: Mme Bulte et M. Harvard.

Madame Gagnon.

Mme Christiane Gagnon: Je n'ai pas de questions pour le moment.

Le président: Vous n'avez pas de questions.

[Traduction]

Monsieur Hearn, avez-vous une question à poser?

M. Loyola Hearn (St. John's-Ouest, PC): Très courte. Le tableau que vous brossez n'est guère reluisant. Pouvez-vous gagner la bataille toute seule ou avez-vous besoin de beaucoup—je ne dirais pas «d'aide»—mais de collaboration du gouvernement pour pouvoir faire ce que vous pensez être avantageux non seulement pour votre entreprise, mais aussi pour le secteur en général?

Mme Heather Reisman: À titre de présidente d'Indigo et de Chapters, la seule aide dont j'ai besoin est liée à la compréhension et à la perspective qu'a le Bureau de la concurrence de notre secteur et à la façon d'arriver à un arrangement satisfaisant.

Je pense, toutefois, que les éditeurs canadiens—et n'essayons même pas d'analyser pourquoi ou comment ils se sont retrouvés dans cette situation—risquent bien d'avoir besoin d'aide publique, peut-être même sous forme d'aide financière pendant la période.

Ce serait terrible si l'édition canadienne devait périr. Dans l'ordre normal des choses, il arrive qu'un éditeur disparaisse, mais la situation actuelle est vraiment terrible. Dans la mesure où je vois leur point de vue—je ne peux pas parler pour eux—je pense que beaucoup d'éditeurs gagneraient à recevoir de l'aide, j'entends de l'aide financière. Il est très important que le vécu canadien soit écrit et publié.

Le président: Madame Bulte.

Mme Sarmite Bulte: Merci, monsieur le président.

Merci, madame Reisman, d'être venue comparaître aujourd'hui.

Parlons un peu des éditeurs. On nous a souvent parlé du problème de la chaîne d'approvisionnement. Cela est dû, comme vous l'avez dit, au nombre excessif d'invendus depuis le mois de mars dernier. Mais, indissociable de cette question, est celle du paiement. La période de paiement variait entre six mois et quatre-vingt-six jours, mais elle était aussi sujette aux invendus, de sorte qu'à la fin de mars les éditeurs se sont aperçus qu'ils devaient de l'argent à Chapters. Vous avez dit que le gouvernement devrait peut-être apporter de l'aide à ces éditeurs. Vous avez parlé de stocks périmés ou des stocks de 40 millions de dollars qui sont toujours là. Comment comptez-vous régler les problèmes de ces éditeurs? Je crois savoir que des sommes faramineuses leur sont toujours dues.

Mme Heather Reisman: Comme je l'ai dit, une des choses que je ne pouvais pas prévoir lorsque j'ai repris l'entreprise, c'est l'ampleur des sommes dues aux éditeurs. Je ne sais pas si vous avez suivi nos offres. Il y a une chose dont je suis sûre aujourd'hui. Si nous n'avions pas fait d'offre, si nous avions décidé de passer la main, de deux choses l'une: Future Shop aurait acheté la compagnie sans avoir la moindre idée de la façon dont mener l'affaire. Le président qui dirigeait la compagnie, Glenn Murphy—et je n'ai aucune hésitation à dire ceci publiquement et à permettre un examen—n'aurait pas pu pour Future Shop ou pour Chapters se dépêtrer des problèmes qu'il avait. Mais tant que je suis là, je dirai que si nous n'avions pas acheté la compagnie, elle aurait fait faillite en 12 mois, sans l'ombre d'un doute.

En ce qui concerne les invendus, non seulement ils les retournaient et acceptaient un crédit, mais nous avons appris qu'ils acceptaient les crédits le 31 mars dernier de manière à falsifier leurs rapports financiers à propos des livres qui dorment toujours dans l'entrepôt.

• 1205

Vous me demandez maintenant ce qu'il en est. Qu'allons-nous faire de cela? Je ne peux pas répondre à la question, sauf à dire que je suis prête à rencontrer les éditeurs et à leur dire: ensemble, nous devons trouver une solution à ce problème. Je n'ai sûrement pas l'intention de voir s'envoler 150 millions de dollars. Je suis la seule au pays à avoir autant de liquidités dans ce secteur—la seule. Larry Stevenson n'a jamais eu de liquidités dans l'affaire. Je ne peux pas vous le dire avec précision, mais ce que je peux vous dire ici, c'est que je suis déterminée à collaborer avec le secteur pour trouver une solution.

Mme Sarmite Bulte: Vous avez dit, je crois, que dans le plan dont vous discutez avec le Bureau de la concurrence il y aurait moyen de permettre aux indépendants de reprendre une partie du marché, ce qui est excellent. Si vous décidiez de donner le ton et de maintenir la politique concernant les invendus et les paiements...

Mme Heather Reisman: J'aimerais vous en parler. Les éditeurs et moi-même avons élaboré un code de conduite qui précise qu'après une courte période de transition, pendant laquelle nous allons essayer de bien comprendre les problèmes, nous nous engageons au cours des 36 prochains mois à ramener le pourcentage des invendus à 25 ou 30 p. 100 et les modalités de paiement à 90 jours. C'est un code de conduite complet, et je pense que le comité en a une copie. Sinon, je m'empresserai de vous en faire parvenir une.

Le président: Oui, ce serait très utile.

Mme Heather Reisman: C'est un code de plusieurs pages que je m'engage à mettre en oeuvre et à promouvoir. Mais il y aura une période de transition de six mois où il faudra discuter de tous les problèmes, et nous sommes en train de les faire connaître. Nous sommes en train de découvrir ce que sont les problèmes. Certains, nous essayons de les régler au niveau du détail. Il y a toutes sortes de choses que nous pouvons faire pour écouler une partie de la marchandise. Mais, honnêtement, je commence à peine à mesurer comme il faut la situation. Je ne peux pas vous dire exactement, mais après cette période nous allons mettre en place ce code de conduite et nous allons nous y conformer. Si je réussis à traverser les six prochains mois, je pense pouvoir revenir devant le comité et dire qu'il y a un scénario et que le secteur va être redressé.

Mme Sarmite Bulte: Merci beaucoup.

S'il reste du temps après, j'aimerais revenir là-dessus.

Le président: Volontiers.

Monsieur Harvard.

M. John Harvard: Merci, monsieur le président.

Tout d'abord, je vous remercie beaucoup, madame Reisman, de votre excellent exposé.

Mme Heather Reisman: Merci.

M. John Harvard: J'aimerais vous poser quelques questions à propos de la façon de procéder au Bureau de la concurrence.

Mais auparavant, je serais curieux de savoir: si vous aviez su ce que vous savez aujourd'hui à propos de Chapters, auriez-vous mené ce combat plutôt long pour en faire l'acquisition?

Mme Heather Reisman: Si je regarde cela entièrement du point de vue de la rentabilité, ce qui est la bonne façon d'envisager les choses sur le plan commercial, je n'ai pas le moindre doute que nous avons beaucoup trop payé, que notre première offre était élevée. Je vous répondrais donc non, parce que je pense en mon for intérieur que la compagnie aurait fait faillite, et je pourrais vous expliquer par le menu pourquoi je suis de cet avis.

L'autre chose, c'est que c'est un organisme qui vit et qui respire. Sept mille personnes y travaillent. La vaste majorité d'entre elles, surtout dans la vente au détail, ont une ferveur incroyable. Depuis que je suis arrivée, j'ai rencontré 75 des 77 directeurs généraux et un bon nombre des gérants des librairies Coles. Les cinq dernières semaines ont été très occupées, je vous l'assure.

Il n'y a aucun moyen d'attribuer un prix à ce qu'ils pourraient créer s'ils étaient bien guidés. Je pense que l'année qui venait lui aurait fait tort au point qu'elle n'aurait pas pu s'en sortir. Actuellement, j'envisage une issue. Je pense que cela prendra plus de temps que prévu, mais je suis là pour le long terme.

• 1210

C'est donc bonnet blanc et blanc bonnet. J'aimerais vous donner une réponse définitive. Si vous posez la question à mon associé, M. Schwartz, il vous dirait qu'il ne l'aurait pas achetée.

M. John Harvard: Je vous remercie.

J'aimerais maintenant vous parler de la filière que vous suivez au Bureau de la concurrence. Vous avez qualifié les exigences du bureau de «théoriques». J'en ai déduit que le bureau n'est peut-être pas réaliste, qu'il ne comprend peut-être pas ce secteur—celui du livre—et qu'il n'a pas vraiment les pieds sur terre. Pouvez-vous me donner des précisions? En quoi ses exigences sont-elles irréalistes? Qu'essaie-il de vous imposer qui ne tient pas debout?

Mme Heather Reisman: J'ai dit «théoriques» sans nécessairement que cela ait un sens péjoratif. Je veux le préciser.

Il faut aussi se situer dans le contexte. Aujourd'hui, du fait que nous sommes propriétaires... Mais si on nous autorise à fusionner, nous occuperons de loin la plus grande place dans le secteur; nous serons le plus gros joueur.

Ils craignent qu'un gros joueur n'agisse de façon irrationnelle.

M. John Harvard: «Ils», le bureau?

Mme Heather Reisman: «Ils», le bureau. Ils craignent qu'un gros joueur ne se comporte de façon irrationnelle, et ils sont donc tenus d'imposer des conditions, d'après ce que je comprends—je ne suis pas une experte—qui éviteraient le comportement irrationnel ou non concurrentiel. Ce serait bien s'il n'y avait pas tant de changements en cours dans le secteur, à commencer par l'émergence de nouveaux joueurs qu'ils ne veulent pas reconnaître comme faisant partie du secteur, Internet ou les distributeurs de masse, mais ces joueurs sont là et ils sont gros.

Ce serait aussi une attitude tout à fait légitime et compréhensible si c'était là des entreprises lucratives—si Chapters réalisait des bénéfices, si Indigo en réalisait et si les éditeurs en réalisaient. Mais il est impossible de tout avoir. Idéalement, Smith's et Coles n'auraient pas fusionné. Elles n'auraient pas fusionné avec ces propriétaires. Dans un monde presque idéal, lorsque le Bureau de la concurrence a appris qu'il allait probablement y avoir un comportement abusif, il aurait pris des mesures à ce moment-là et imposé un moratoire sur cette croissance et permis aux autres joueurs de grandir. Cela aurait été l'idéal. Mais c'est du passé.

Aujourd'hui, nous sommes dans une situation où tout le monde—tout le monde—est sur la corde raide. Je dirais qu'on a le choix entre permettre à un gros joueur peu influent qui a déjà investi de fortes sommes dans le secteur de faire ce qu'il convient ou exiger une cession et permettre à un tiers d'entrer dans le jeu et d'accroître l'incertitude dans l'industrie. Bien entendu, pendant que toutes ces opérations de cession se déroulent, que peuvent bien penser les travailleurs de ces magasins? Ils vont être vendus; ils ne vont pas être vendus. À qui appartiendront-ils? Cela a une énorme incidence sur le moral des effectifs—énorme.

M. John Harvard: Voulez-vous dire...

Mme Heather Reisman: Ils n'ont pas le choix entre une bonne et une mauvaise décision. Ils sont confrontés à deux mauvaises décisions, peut-être, à leurs yeux. Entre deux maux, il faut choisir le moindre, mais cela ne semble pas être le cas. Ce n'est pas vers cela que nous semblons nous diriger.

M. John Harvard: Voulez-vous dire, par conséquent, madame Reisman, que si une cession prématurée—si on peut l'appeler ainsi—était imposée, cela mettrait l'industrie en danger? Que cela pourrait avoir des résultats catastrophiques?

Mme Heather Reisman: C'est comme votre question, vaut-il mieux attendre ou non? En tant que femme d'affaires, je peux vous dire que, premièrement, l'incertitude que cela va créer pour les employés de ces magasins se répercutera dans tout le système. Ce sera très difficile à gérer. La situation est déjà très précaire.

Je pense que cela pose une nouvelle menace. J'ai peut-être l'air de prêcher pour ma paroisse, mais, comme je le leur ai dit, j'invite tous ceux qui le souhaitent à m'accompagner lors de ces déplacements d'un bout à l'autre du pays pour bien comprendre l'inquiétude qui existe parmi nos employés.

• 1215

M. John Harvard: J'ai une dernière question. Je pense vous avoir entendu dire que le gouvernement pourrait offrir une aide, mais pas nécessairement financière. Étant donné que le Bureau de la concurrence est un organisme indépendant, que pourrait faire le gouvernement?

Mme Heather Reisman: Oui, il est indépendant. C'est à lui qu'il revient de décider s'il y a lieu d'agir ou non, et il doit prendre une décision qui, à ses yeux, a l'air... Je crois qu'il fait un travail extrêmement minutieux, au meilleur sens du terme. Loin de moi l'idée de critiquer cet organisme à cet égard.

Que peut faire le gouvernement? Je n'en sais rien. Le Bureau de la concurrence est effectivement un organisme indépendant du gouvernement. Je ne sais pas si des entretiens et des communications sont encore en cours. Si le gouvernement ne peut rien faire, rien ne se passera. Vous avez tout à fait raison. Si nous y sommes contraints et forcés, nous en arriverons au règlement.

M. John Harvard: Merci.

Le président: Madame Gagnon.

[Français]

Mme Christiane Gagnon: Madame Reisman, vous avez dit tout à l'heure que la meilleure chose qui pourrait arriver aux librairies indépendantes serait qu'on diminue le nombre des superlibrairies, dont font partie Chapters et Indigo. Je considère que c'est une superlibrairie et que ça devrait être réduit.

On peut interpréter cela de deux façons. Cela vous laisse le contrôle de l'industrie du livre. Est-ce que ce serait aussi pour éloigner tout acheteur potentiel qui n'aurait rien à voir avec l'industrie du livre? En tout cas, vous avez intérêt à formuler un tel souhait, mais je suppose que vous avez aussi des objectifs autres que celui de garder le contrôle. Vous avez peut-être pour objectif que l'industrie du livre demeure entre les mains de gens compétents qui connaissent bien l'industrie du livre.

Vous avez parlé tout à l'heure de Future Shop. Vous avez dit que la méconnaissance de ce milieu par Future Shop aurait entraîné une fragilité de l'industrie du livre. J'aimerais que vous nous expliquiez pourquoi vous voulez absolument réduire le nombre de superlibrairies. Selon moi, vous voulez demeurer le seul acteur dans cette décision-là.

[Traduction]

Mme Heather Reisman: Très bien. Je dirais ceci: les grands magasins ne sont qu'une sorte de magasin, de grande taille. Certaines personnes veulent faire leurs achats dans des super-librairies. Certaines personnes veulent faire des achats dans des grands magasins à rabais. D'autres veulent faire leurs achats dans des petites boutiques. Certaines personnes... En fait, nous venons d'effectuer des recherches qui indiquent qu'environ 60 p. 100 des acheteurs de livres font leurs achats dans toutes les sortes de librairies, allant parfois dans une petite boutique et d'autres fois dans un grand magasin.

Tout d'abord, je tiens à dire qu'il est judicieux de considérer l'industrie non pas en fonction de sa taille, mais plutôt en fonction du nombre d'intervenants. Pour qu'une entreprise soit solide et viable, il me faudrait effectuer des compressions. Si nous avions 60 ou 70 grands magasins, ce qui serait nettement moins qu'à l'heure actuelle, l'entreprise serait florissante. J'en serais extrêmement heureuse. Nous occuperions une bonne place dans l'industrie, mais pour ce qui est de la proportion de ventes globales de livres, nous aurions dans les 25 ou peut-être 30 p. 100 maximum de toutes les ventes. Ce serait tout à fait rentable, nous occuperions une bonne place dans l'industrie, mais nous serions loin d'écraser toute la concurrence dans notre secteur.

Il n'y aurait sans doute pas de place pour un autre exploitant de grand magasin influent, mais qu'importe? Il n'est pas nécessaire qu'il y en ait deux. Que l'on augmente le nombre d'indépendants. Que quelqu'un ouvre des magasins qui occupent dans les 8 000 pieds carrés, une chaîne de magasins de 8 000 pieds carrés, ou une combinaison de petites boutiques et de magasins de 8 000 pieds carrés. Il n'existe aucune règle sacro-sainte qui nous oblige à avoir des librairies géantes.

• 1220

Ce que je veux dire, c'est que j'essaie de créer une entreprise solide et intéressante dans ce secteur d'activité, une qui soit importante, parce que j'aimerais jouer un rôle dans l'industrie, mais qu'il n'est pas nécessaire d'avoir en entier. C'est en gros ce qui me motive. J'aimerais exploiter une entreprise valable et rentable du point de vue financier, dont je puisse être fier. C'est en gros ce qui me motive.

Mme Christiane Gagnon: Merci.

Le président: Bien.

Monsieur Mills.

M. Dennis Mills: Madame Reisman, au cours des 18 derniers mois, notre comité a préparé un rapport sur l'industrie de l'édition, dont nous sommes tous très fiers. Parmi les organismes qui ont témoigné devant notre comité se trouvait le Bureau de la concurrence, et nous avons fait en sorte de le sensibiliser à nos préoccupations et de lui faire bien comprendre qu'il a un rôle concret à jouer, selon nous.

Comme John l'a dit plus tôt, nous ne pouvons pas lui dicter ses actes, mais, parallèlement, j'aime croire que les travaux de notre comité ont influé sur la réflexion et les décisions de cet organisme. Lorsque vous avez dit que, à votre avis, le Bureau de la concurrence demandait... Vous avez parlé de «demandes non constructives». Pourriez-vous être un peu plus précise sur ce point? Si, en essayant d'assumer vos obligations envers l'industrie, vous avez l'impression qu'un autre organisme gouvernemental prend des mesures qui ne sont pas constructives pour l'industrie, il importe que les membres du comité sachent exactement ce que vous entendez par là.

Mme Heather Reisman: Je répondrai volontiers à votre question. J'ai été très franche avec eux pendant toutes les discussions, et je n'ai rien à cacher au comité non plus.

Je respecte sans réserve le fait que, de son point de vue et compte tenu de son mandat, le bureau soulève des questions et a des exigences qui sont tout à fait justifiées. Je le comprends, de son point de vue. Ce qu'il lui est très difficile à comprendre, c'est ce que représente vraiment la gestion d'une entreprise dans une industrie aussi fragile. Mon avis quant à ce qui devrait se produire pour garantir la viabilité de cette industrie est compatible avec la réponse que je viens de donner à Mme Gagnon. En effet, il faut que certaines des grosses sociétés réduisent un peu leurs ambitions pour permettre à des entreprises plus petites de prendre de l'expansion et de s'établir de différentes façons. Ce serait un scénario idéal.

M. Dennis Mills: Vous avez été très claire. C'est une position. Citez-nous un exemple d'autres demandes non constructives.

Mme Heather Reisman: C'est selon moi le plus gros problème, celui des cessions obligatoires sous prétexte qu'il faut remplacer une société comme Indigo dans l'industrie. Sa position, c'est que Indigo existait et était un concurrent, et qu'il faut donc le remplacer par une autre entreprise de la même taille.

Si je souhaitais regrouper les deux sociétés et les rationaliser, c'est justement parce que Indigo n'aurait pas été rentable à long terme. Cela ne faisait aucun doute. En fait, si la société est toujours rentable à l'heure actuelle, c'est grâce à des injections de liquidités qui ne seraient pas normales en temps ordinaire. Cela vous prouve quel sort aurait réellement connu Indigo.

M. Dennis Mills: Merci. J'ai une autre brève question, par curiosité. Vous avez dit que...

Mme Heather Reisman: Toutefois, permettez-moi de terminer ma réponse. Le code de conduite que j'ai négocié et à l'égard duquel le bureau a joué un rôle instrumental représente un effort constructif sans réserve de la part de tous les intervenants, et je n'ai aucune hésitation à prendre ces engagements, qui deviendront des engagements juridiques officiels.

• 1225

M. Dennis Mills: C'est par curiosité que je vous pose l'autre question. Vous avez dit que, après avoir retroussé vos manches et vous être plongée dans les livres, les entrepôts, les retours et tout le reste, cela ressemblait à de la «falsification». Ce sont vos propres termes. Lorsque vous procédez à ce genre de transaction et que vous découvrez quelque chose, pouvez-vous faire une sorte de réclamation à titre rétroactif en fonction de...

Mme Heather Reisman: Non, c'est impossible.

M. Dennis Mills: Vous êtes coincés.

Mme Heather Reisman: Je dis cela dans le contexte où la question a été portée à mon attention. Des livres achetés à crédit en mars dernier n'ont en fait été renvoyés aux éditeurs qu'au cours des cinq dernières semaines. C'est tout à fait inhabituel.

Cela va sans doute plus loin, mais non, nous n'avons aucun moyen d'action. Merci de votre question. Quant à savoir si j'aimerais pouvoir le faire, posez-moi donc la question.

M. Dennis Mills: Merci.

Merci, monsieur le président.

Le président: Madame Reisman, puis-je vous poser deux brèves questions? Si le Bureau de la concurrence décrétait une cession et qu'il fallait remplacer le scénario Indigo-Chapters, avez-vous bien déclaré, si je vous ai comprise, que dans ce cas-là ce serait un retour vers le futur, si l'on peut dire, et que nous serions dans une situation très précaire, de sorte qu'il faudrait tout recommencer à zéro? Sommes-nous dans une mauvaise passe?

Mme Heather Reisman: Je suis convaincue que c'est ce qui nous pend au nez; nous essayons de le faire—d'alourdir les problèmes dans une situation déjà très tendue. Est-ce que cette initiative va, en soi, nous ramener tout à fait en arrière? Je n'en sais rien, car je vais faire des pieds et des mains pour ne pas perdre mon investissement. Toutefois, cela va encore ajouter au niveau de stress, et cela me lèse également. Il me faudra plus de temps pour commencer à faire certaines choses que je souhaite avec les éditeurs, et, en conséquence, cela obligera ces derniers à demander une aide supplémentaire au gouvernement.

En effet, je pense qu'il est utile de signaler que, du moins d'après ce que j'ai compris des discussions avec bon nombre d'éditeurs—et des éditeurs canadiens en particulier—ils auraient été très heureux de se contenter du code de conduite ayant force obligatoire et auraient permis la rationalisation gérée de l'industrie.

Le président: Étant donné que Pegasus a été intégrée à Chapters et n'est plus aujourd'hui qu'une division chargée de la distribution, si l'on peut dire, pensez-vous que tous les problèmes qu'avaient les éditeurs avec Pegasus sont réglés grâce à cette nouvelle réorganisation?

Mme Heather Reisman: Non, pas encore, car, d'une part, l'installation proprement dite n'est pas en activité.

Il y a des problèmes. Les éditeurs ont deux options pour leurs expéditions: vers un central de distribution ou vers les magasins. Il est plus difficile d'expédier les livres jusqu'au magasin; cela coûte plus cher, tant à eux qu'à nous.

Il est impossible d'utiliser l'installation pour le moment. C'est tout à fait surprenant, monsieur.

Le président: Vous parlez de l'installation matérielle?

Mme Heather Reisman: Oui, de l'installation matérielle. Le niveau de mécanisation est tel—et c'est vrai—qu'une commande peut être passée au début de la chaîne le mardi et ne parvenir que le jeudi en bout de chaîne, car il y a des milles et des milles de tapis roulant. C'est la vérité.

Je suis dans les affaires depuis 26 ans et je puis vous dire que je n'ai jamais—je dis bien jamais—vu une chose pareille.

Le problème est donc le suivant: plus cela nous prend du temps pour passer au travers de tout cet inventaire... À un moment donné, les éditeurs vont simplement refuser de reprendre certains livres, ce qui serait normal. Il nous faut toutefois nous débarrasser de ce stock. Cela représente pour nous des dépenses qui influent sur notre capacité financière de commencer à payer nos créditeurs. Nous sommes donc plus ou moins dans une impasse, et tout ce que je peux vous dire aujourd'hui, c'est que, de concert avec l'industrie de l'édition, nous essayons de nous sortir ensemble de ce pétrin.

Le président: J'ai une dernière question avant de donner la parole à M. Harvard.

• 1230

Je voulais m'assurer de vous avoir bien comprise. En vertu du nouveau code, vous allez essayer de limiter à 25 à 30 p. 100 le nombre d'invendus et à 90 jours les modalités de paiement; avez-vous dit que vous comptiez le faire dans un délai de 36 mois, ou que vous alliez mettre un système en place dans les six mois et qu'il serait pleinement en vigueur dans les 36 mois?

Mme Heather Reisman: Non. Nous allons instaurer un nouveau système dès que nous aurons réglé la question avec le Bureau de la concurrence. Il y a une première période où nous devrons nous attaquer à certains problèmes et où les modalités du code ne seront pas totalement mises en vigueur. Pour l'essentiel, dès que nous serons parvenus à une entente, le compteur commencera à tourner et, tous les ans, nous apporterons des améliorations en vue d'atteindre notre objectif final, qui doit être atteint dans les 36 mois. Nous allons donc immédiatement faire en sorte de réduire le nombre d'invendus et de comptes créditeurs. Il y aura toutefois une période de transition où nous nous mettrons encore à côté de la plaque.

Le président: Les éditeurs sont-ils d'accord avec ce projet? Sont-ils sur la même longueur d'onde que vous?

Mme Heather Reisman: Oui, ils savent qu'il faut éliminer l'ancien stock.

Le président: Monsieur Harvard.

M. John Harvard: J'ai une simple question.

Madame Reisman, à votre avis, y a-t-il quelque chose qui pourrait empêcher le bureau de satisfaire vos exigences commerciales sans enfreindre les modalités de son propre mandat?

Mme Heather Reisman: Je ne le sais pas. Je ne peux pas répondre à cette question, monsieur, car je ne connais pas suffisamment bien les lois sur la concurrence.

M. John Harvard: D'accord.

Le président: Y a-t-il d'autres questions? Au cas contraire...

Désolé, monsieur Harvey.

[Français]

M. André Harvey: Merci beaucoup, monsieur le président.

J'ai eu l'occasion de voir le rapport du Bureau de la concurrence sur un autre secteur industriel. Le bureau était allé assez loin dans ses recommandations. C'était lors de la fusion d'Abitibi-Consolidated et de Donohue. Le bureau était allé assez loin dans ses recommandations pour maintenir son mandat. Est-ce que vous vous attendez à des recommandations précises, qui pourraient même porter sur votre processus de gestion?

Deuxièmement, tous les secteurs industriels évoluent rapidement. C'est vrai dans le domaine de l'espace comme dans celui de la culture. Pouvez-vous me résumer rapidement la tendance, en termes de statistiques, de l'évolution de l'industrie du livre?

Merci.

[Traduction]

Mme Heather Reisman: Ce qui a surtout changé, c'est le rôle croissant que jouent les diffuseurs de masse dans la vente au détail de livres, l'impact de l'Internet, qui représente près de 10 p. 100 du marché—cela va continuer à s'accroître en dépit de la grande fluctuation des actions des sociétés Internet. L'achat de livres par l'Internet est une activité bien établie qui offre d'énormes possibilités aux consommateurs. À un moment donné-et je ne pense pas que ce soit dans les deux ou trois prochaines années—il est évident que l'édition électronique aura une incidence sur l'industrie. Comme vous le dites, ce sont là des conditions d'évolution normale. Je dirais toutefois que la plus importante évolution qu'ait connue notre industrie est liée au nombre croissant de diffuseurs de masse qui participent à la vente au détail.

L'autre élément, bien entendu, est le regroupement de l'industrie de l'édition à l'échelle mondiale et les énormes difficultés qu'éprouvent les petits éditeurs pour être prospères. Voilà un domaine où j'espère que le ministère du Patrimoine interviendra de façon énergique, car nous avons vraiment besoin d'une industrie canadienne de l'édition solide. C'est mon avis.

Merci, monsieur.

Le président: Madame Reisman, je ne parle pas simplement en mon nom propre—cette discussion nous a été extrêmement utile pour élargir notre connaissance de la situation actuelle. Vous avez été très franche dans vos réponses, ce dont nous vous savons gré. Merci beaucoup de votre présence.

Mme Heather Reisman: Merci de m'avoir invitée et d'avoir attendu l'arrivée de mon avion.

Le président: La séance est levée.

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